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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

.1008

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Mesdames et messieurs, nous allons maintenant passer, conformément aux dispositions du paragraphe 108(2) du Règlement, à l'examen des sciences et de la technologie et du «déficit d'innovation» au Canada.

Plusieurs exposés vont être faits ce matin. Nous avons un mémoire en anglais et en français et le reste est en anglais. Je vais vous demander la permission de les distribuer.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Mais vous allez les faire traduire, évidemment. Il n'y a aucune difficulté. Avec plaisir.

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Nous allons commencer par M. Oliver, qui représente DowElanco Canada Inc.

Toutefois, avant de passer la parole à M. Oliver, je vais demander à chacun des témoins, en commençant par M. Goodfellow, de se présenter, eux et leurs entreprises, et nous pourrons ensuite entendre M. Oliver.

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M. Randy Goodfellow (président, Goodfellow Agricola): Bonjour. Je m'appelle Randy Goodfellow. Je suis un consultant qui travaille auprès d'entreprises du secteur de la haute technologie, notamment dans le secteur des sciences de la vie. Si vous voulez un peu plus de précisions, disons que c'est en grande partie dans le secteur des techniques biologiques en agriculture.

Je connais bon nombre des entreprises de votre secteur, Morris. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui parmi vous pour échanger un certain nombre d'observations et étudier les défis qui se posent au sujet d'un certain nombre de ces entreprises.

Le Dr Jom Aw (président, Kalyx Biosciences Inc.): Bonjour. Je m'appelle Jom Aw et je suis président de Kalyx Biosciences, une entreprise canadienne spécialisée dans la biotechnologie qui a trois ans d'existence et qui est implantée à Ottawa. J'ai plus de 20 années d'expérience. J'aimerais vous faire part d'un certain nombre d'expériences passionnantes que j'ai pu faire dans les milieux canadiens. Je vous remercie.

Adam Chowaniec (président et chef de la direction, Tundra Semiconductors): Bonjour. Je m'appelle Adam Chowaniec et je suis président de Tundra Semiconductors. Notre entreprise, qui a un an d'âge, est l'un des rejetons de Newbridge Networks Corporation, société spécialisée dans les semi-conducteurs et la micro-électronique.

[Français]

M. Roger Jenkins (associé directeur, Groupe Aérocapital-Logisoft-Infosoft): Bonjour. Je m'appelle Roger Jenkins et je suis associé directeur d'un groupe de capital de risque qui gère trois fonds dans le domaine des technologies d'information, soit Aérocapital, Logisoft et Infosoft au Québec.

[Traduction]

M. Bruce Ackman (directeur, Développement des marchés, PARTEQ Innovations): Bonjour. Je m'appelle Bruce Ackman et je représente PARTEQ Innovations, qui est le bureau des transferts de technologie de l'Université Queen's. Je vais vous parler ce matin des perspectives qu'offre l'université dans ce domaine.

Le Dr Calvin Stiller (président et chef de la direction, Canadian Medical Discoveries Fund Inc.): Je m'appelle Cal Stiller, je suis médecin à London (Ontario) et chef de la direction du Medical Discoveries Fund.

M. John Oliver (président et chef de la direction, DowElanco Canada Inc.): Je m'appelle John Oliver. Je suis président de DowElanco, une entreprise en participation de Dow et Eli Lilly dans le secteur des techniques biologiques en agriculture.

M. Bruce Linton (directeur, Relations commerciales, CrossKeys Systems Corporation): Je m'appelle Bruce Linton. Je représente CrossKeys Systems Corporation, une filiale de Newbridge Networks. Nous nous spécialisons dans le secteur des télécommunications, notamment dans la création de logiciels destinés à ce marché.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous allons commencer par M. Oliver.

M. Oliver: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis très heureux d'être ici ce matin parce que je considère que les travaux de votre comité ont un intérêt absolument fondamental pour le bien-être économique et social du Canada à l'aube du XXIe siècle.

Ce que je vais vous dire s'appuie sur une expérience de plus de 35 ans dans le secteur agro-alimentaire. À l'heure actuelle, je travaille à Calgary, en Alberta, j'habite à Oshawa, en Ontario, et j'ai une exploitation agricole à Napanee, en Ontario. J'estime par conséquent que cela me confère une expérience de première main du Canada et je ne me contente pas de regarder les choses de loin.

Je vais m'efforcer de répondre utilement aux questions posées par votre comité.

L'une de ces questions consiste à se demander quelles sont les techniques et les industries fondamentales qui sont susceptibles d'ouvrir des débouchés à l'économie canadienne au cours du XXIe siècle. Elles sont nombreuses, c'est indéniable, mais j'en vois deux qui sont étroitement liées et absolument essentielles.

Il y a tout d'abord le circuit agro-alimentaire, depuis le champ de l'agriculteur jusqu'à la table du consommateur. Il y a en second lieu l'industrie des techniques agricoles, notamment la biotechnologie, qui doit permettre de transformer génétiquement les cultures et les animaux pour en arriver à des produits supérieurs sur le plan de la qualité, de la nutrition et de la santé.

N'oubliez pas qu'en agriculture nous entrons dans une ère que le monde n'a encore jamais connue. À mon avis, l'agriculture va entrer dans son âge d'or. Notre secteur a été limité par la demande et ce sont les capacités de production qui vont être limitées au tournant du XXIe siècle.

À mon avis, le prix des terrains et des produits alimentaires pourrait doubler au début du XXIe siècle. Je considère qu'il faut que le Canada prenne part à la mise en oeuvre des nouvelles techniques de pointe s'il veut limiter la poussée des prix alimentaires liée à l'augmentation de la demande entre l'an 2000 et 2010.

La deuxième question consistait à se demander quel était le rôle que devait jouer le gouvernement pour promouvoir les nouvelles techniques.

Il nous faut tout d'abord reconnaître, à mon avis, que nous sommes véritablement plongés au sein d'une économie mondialisée. Nous devons accepter bien volontiers ce fait et prendre activement l'initiative. Dites bien à la population canadienne que nous sommes dans une économie mondiale. Aidez-nous à rompre avec cette passivité historique, avec ce repliement, cette attitude qui consiste à dire «nous ne sommes pas capables» - cette tendance à l'isolement qui habite nombre de nos citoyens.

Reconnaissez ensuite qu'il y a des gagnants et des perdants dans le jeu de la haute technologie au Canada. On ne peut pas intervenir partout et dans tous les domaines. Choisissez cinq ou six industries prioritaires pour ensuite les aider, les appuyer, les encadrer et les renforcer sur un plan macro-économique de manière à ce qu'elles se développent avec succès.

Troisièmement, mettez en place un modèle de financement de démarrage neutre d'un point de vue des recettes, assisté d'un point de vue fiscal, au profit des gagnants que l'on a identifiés. Aidez ces industries et ces secteurs technologiques à croître aussi rapidement, aussi largement et aussi complètement que possible.

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Quatrièmement, faites en sorte que notre système de réglementation reste à la hauteur, et parfois même ait un temps d'avance, par rapport à celui de nos partenaires commerciaux. Harmonisez-le, au strict minimum, avec celui de nos principaux partenaires commerciaux de l'OCDE: les États-Unis, le Japon et l'Europe de l'Ouest.

Quels sont les obstacles qui empêchent l'émergence des nouvelles techniques? Quels sont les programmes gouvernementaux qui constituent le principal obstacle à la croissance économique? Que peut faire le gouvernement pour alléger le fardeau des fermes novatrices?

Il ne faut pas que votre gouvernement envoie des messages contradictoires. Les investisseurs sont les mêmes dans bien des cas. N'envoyez pas des messages contradictoires en annonçant par exemple une grande révision des brevets pharmaceutiques tout en affirmant par la même occasion que vous appuyez résolument les techniques biologiques en agriculture. Les deux choses sont liées pour ce qui est du cadre de protection des brevets et de la propriété intellectuelle dont on a besoin.

Appuyez de solides mécanismes de réglementation tels que ceux dont nous disposons à l'heure actuelle pour les produits de la biotechnologie et qui donnent de bons résultats plutôt que d'accepter des opinions qui divergent considérablement telles que celles qui ont été présentées lors de la révision des règlements d'application de la LCPE.

Éliminez le coût des chevauchements. Efforcez-vous de mettre en place les structures les plus rentables et les plus efficaces. J'ai personnellement pris part à une initiative devant permettre de dégager un élément actif dont faisaient usage différentes industries. Cinq ministères chargés de la réglementation intervenaient en la matière et nous n'avons pas pu y parvenir.

Adoptez un point de vue à très long terme dans toute la mesure où c'est humainement possible et appuyez-le fortement et de manière visible lorsque vous parlez des techniques qui ont du succès.

Quelles sont les mesures que l'on peut prendre pour promouvoir un climat favorisant à la fois la science et l'esprit d'entreprise?

Tout d'abord, mettez en exergue dans vos discours politiques les techniques qui ont fait la preuve de leur succès et donnez des directives à l'administration pour qu'elle les appuie, en encourageant les entreprises gagnantes.

Deuxièmement, mettez en place des programmes de soutien utiles et efficaces du point de vue de l'impôt, bénéficiant d'une aide fiscale et neutre sur le plan des recettes.

Troisièmement, joignez-vous aux autres porte-parole de l'industrie et à l'ensemble des Canadiens pour promouvoir et encourager les entreprises gagnantes, qui doivent devenir des modèles à suivre. Tout le monde aime être associé à une équipe gagnante. Il suffit à mon avis de tourner votre regard vers la région Nord de «Silicon Valley» pour constater à quel point les gens se rangent derrière les équipes gagnantes.

Dans quelle mesure les établissements canadiens répondent aux besoins de formation des industries de haute technologie? Je ne veux pas généraliser. Je parle simplement de cas précis que j'ai rencontré dans mon travail, et il y en a qui se débrouillent très bien.

J'ai de nombreux contacts avec les universités de Guelph, de la Saskatchewan et de Calgary, et des contacts limités avec l'université Queen's. Je considère que ces universités dominent bien la situation. Elles sont souples, elles veulent aider et elles veulent investir pour l'avenir. D'autres établissements, et certains établissements publics, ont des difficultés à raisonner en termes de profit, et je crois qu'elles vont rester à la traîne. Elles risquent finalement de disparaître parce que dans un monde pressé par le temps, le secteur privé n'a pas suffisamment de temps, d'argent ou d'énergie à perdre pour les tirer derrière lui.

Comment le Parlement va-t-il pouvoir s'assurer que le gouvernement suit sa stratégie axée sur des résultats dans le domaine scientifique et technique?

Il convient tout d'abord de lancer un message fort et sans ambiguïté par l'intermédiaire de directives, de discours et de rencontres personnelles avec les hauts fonctionnaires pour que l'on comprenne que c'est là l'orientation à suivre, qu'elle doit être suivie et qu'il s'agit de la stratégie de l'avenir.

En second lieu - et je comprends bien qu'il est nécessaire non pas de s'adresser au marché mais de retourner devant les électeurs tous les quatre ans - il faut adopter des perspectives à long terme. Ne concevez pas l'année 2010 sur le modèle de l'année 1996. Transposez-vous en l'an 2010 et élaborez la stratégie nécessaire à partir de 1996. C'est le monde dans lequel nous allons devoir lutter. L'avenir, ce n'est pas 1996, ce sont les années 2010 et 2020, et c'est à ce moment-là que le Canada devra faire sa marque.

Troisièmement, faites véritablement porter votre effort sur les techniques que vous avez ciblées et développez des contacts et des connaissances approfondies dans les industries correspondantes. Contribuez ensuite à les encadrer et à leur apporter les outils nécessaires, en envoyant un message de soutien et d'encouragement à ces industries. Ce sont elles qui créeront ensuite les emplois.

Mesdames et messieurs, je n'ai pas besoin de vous rappeler que le succès amène le succès et nous avons les moyens au Canada d'y parvenir. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, M. Oliver.

Nous allons maintenant passer à M. Ackman.

M. Ackman: Merci, monsieur le président. Je suis ici aujourd'hui pour présenter le point de vue des universités en ce qui a trait à la promotion des entreprises novatrices qui démarrent dans le secteur de la recherche et du développement.

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Je pense que l'on peut affirmer sans crainte de se tromper que les universités font une part importante de la recherche fondamentale au Canada. Les universités s'efforcent en commun de faire en sorte que cela débouche sur un plus grand nombre de recherches appliquées et elles ont en partie les moyens de contrôler et d'orienter la recherche vers des applications de type plus commercial.

Je pense qu'il faut dire que les universités sont à l'origine de nombre de réussites récentes lorsqu'il s'est agi de faire démarrer des projets de haute technologie. Je signalerais au Canada Biochem Pharma, Biomira, Quadra Logic, Neurochem et Polyphalt. Tous ces projets sont des retombées des recherches menées par les universités dans le domaine de la technologie. Aux États-Unis, on connaît peut-être encore davantage des projets comme ceux de Digital Equipment Corporation, Genentec, Raytheon, Lotus Development Corporation et Biogen. Il y a donc eu des précédents et les recherches universitaires ont une valeur.

Les recherches menées par les universités débouchent inévitablement sur une propriété intellectuelle, et c'est par l'intermédiaire du bureau universitaire des transferts de technologie que cette propriété intellectuelle est enregistrée et exploitée. Notre rôle est d'offrir un service aux milieux universitaires et d'administrer de manière professionnelle leur propriété intellectuelle. Nous servons de point de contact avec l'industrie pour que cette dernière puisse disposer d'un forum et des moyens appropriés lorsqu'elle s'intéresse à des techniques mises au point par l'université.

Toutefois, notre mandat nous amène de plus en plus à chercher à compenser la diminution des recettes tirées par les universités des fonds publics. C'est une tâche difficile qui nous oblige au sein des universités à être créatifs et à faire preuve de dynamisme, sans nous contenter de l'exercice traditionnel de transfert de technologie par l'intermédiaire de l'octroi de licences.

Comme je vous l'ai dit, la propriété intellectuelle nous est présentée presque invariablement sous la forme d'une première ébauche qui reste donc très théorique, ce qui la rend intrinsèquement très peu attirante pour l'industrie canadienne et pour l'industrie en général. Elle s'accompagne d'énormes risques. Cela s'explique en grande partie par le manque de fonds consacrés à la recherche fondamentale et par le fait que les universitaires doivent absolument publier, ce qui nous oblige à prendre des brevets et d'essayer ensuite d'accorder des licences dans le secteur de la technologie au tout début de la conception des projets.

Du point de vue commercial, l'une des difficultés que rencontrent par ailleurs les techniques qui en sont à leur tout début, c'est le manque d'entreprises qualifiées au sein de l'industrie canadienne qui soient désireuses d'accueillir des techniques nouvelles qui en sont encore au stade de l'ébauche. L'effet combiné de la limitation des ressources de notre côté et du manque de ressources, de capacité et de volonté du côté des entreprises commerciales a donné naissance à ce que l'on considère au sein de notre industrie comme étant un fossé en matière de commercialisation.

Pour combler ce fossé, les bureaux universitaires de transfert de technologie comme PARTEQ ont bien besoin d'avoir accès à des fonds. Je ne veux pas dire par là qu'il faut leur donner des fonds; il faut qu'ils y aient accès. En outre, il ne faut pas nous contenter de l'octroi traditionnel des licences, il nous faut nous doter de ressources et de compétences de manière à pouvoir effectivement promouvoir, créer et développer directement dans les campus des entreprises de démarrage de la haute technologie. À cet égard, nous aurons la possibilité d'apporter une valeur ajoutée à ces techniques qui en sont au niveau du concept avant de les présenter à l'industrie.

Pour que l'on puisse obtenir cette valeur ajoutée, il incombe aux bureaux universitaires de transfert de technologie de se doter des compétences nécessaires en matière d'administration et de démarrage des entreprises. Je pense aussi que le cadre financier et que le milieu des entreprises au Canada doivent pouvoir bénéficier de mesures incitatives pour appuyer ces projets de démarrage, éventuellement par l'intermédiaire d'avantages fiscaux ou d'autres programmes de partage ou de réduction des risques.

Je vais m'attarder quelques instants sur PARTEQ pour vous donner un exemple de ce qui se passe dans le domaine des transferts de technologie. Nous avons pris part activement à pas moins de huit projets de démarrage importants. Nous avons aussi été indirectement impliqués dans de nombreux autres. De plus en plus, nous nous rendons compte que notre rôle traditionnel d'intermédiaire, qui consiste avant tout à accorder des licences pour des techniques qui en sont à leurs premiers balbutiements, ne permet pas de tirer parti de toute la valeur propre à ces techniques. Ces techniques sont souvent exportées au Sud de nos frontières ou dans d'autres pays étrangers et elles ne sont pas utilement exploitées au profit du Canada.

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Je pense que nos activités actuelles, lorsqu'il s'agit de patronner des entreprises naissantes, manquent d'efficacité. C'est parce que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour agir efficacement. Nous devons procéder à l'ancienne - en travaillant beaucoup et en perdant beaucoup de temps pour apporter une valeur ajoutée. Une entreprise naissante dont nous nous sommes occupés récemment, appelée Neurochem, en est un bon exemple. Il nous a fallu 18 mois pour faire un premier tour de table afin d'obtenir un financement, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous avons dû aller aux États-Unis pour trouver une partie de ces capitaux.

Il n'en reste pas moins qu'il y a dans notre industrie des signes encourageants et je prendrai quelques instants pour mentionner tout particulièrement les fonds de placement à risque patronnés par les syndicats. Nous y voyons une source considérable de capitaux susceptibles d'être mis à la disposition des entreprises naissantes. Je pense que des organisations comme les réseaux de centres d'excellence adoptent toutes une orientation commerciale, cherchent toutes à donner de la valeur ajoutée à leur technologie et gèrent efficacement la recherche qui en sort.

Par ailleurs, d'autres bureaux de transfert de la technologie au Canada comme aux États-Unis se rendent de plus en plus compte de l'importance de mieux mettre à profit la valeur que représente la propriété intellectuelle qui nous vient des universités. Le programme de transfert de technologie du Conseil national de recherches du Canada mérite qu'on lui accorde un intérêt particulier. C'est un programme qui est jugé très intéressant et tout à fait à la portée d'une entreprise naissante.

L'un des problèmes que posent nombre de sources de financement mises à la disposition d'entreprises naissantes comme Neurochem, c'est qu'elles exigent toutes un financement équivalent, l'entreprise naissante étant tenue de verser 50 p. 100 des capitaux nécessaires.

Je terminerai en faisant quelques propositions. Même si des programmes de financement comme le programme de partenariat en technologie ou le programme d'aide à la recherche industrielle sont excellents, ils n'en exigent pas moins l'apport d'un certain montant de capitaux. Un système dans lequel un financement équivalent ne serait pas exigé mais qui serait axé sur la concurrence, quelque chose qui serait calqué sur le programme SBIR des États-Unis, où les fonds sont accordés selon le mérite de la technologie et de l'entreprise à risque...

Je pense qu'il faut faire un effort pour encourager les prêts fondés sur la connaissance dans les banques et les établissements financiers du Canada, parce que c'est ce que les universités produisent et ce qu'elles s'efforcent de faire fructifier - la connaissance - ce qui a entraîné des contraintes jusqu'à présent. Enfin, je crois qu'il faut certaines mesures incitatives permettant de réduire les risques et faire en sorte que les entreprises canadiennes soient plus à l'aise, moins réticentes et plus compréhensives vis-à-vis des techniques mises au point par les universités. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, M. Ackman.

Nous allons maintenant entendre Chris Albinson, qui représente l'Association canadienne de technologie de pointe.

Chris Albinson (directeur, Relations avec le gouvernement et le consortium, Newbridge Networks Inc.): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis en fait ici aujourd'hui pour représenter Newbridge Networks. J'ai déjà comparu devant vous la semaine dernière pour représenter l'ACTP, mais je voulais vous donner une idée de ce que fait Newbridge dans le cadre du programme qui lui est affilié.

Nous en parlons aujourd'hui parce que c'est un programme qu'a lancé Newbridge. Nous avons deux sociétés membres au sein de ce programme, qui sont elles aussi représentées aujourd'hui, et qui vous parleront précisément de leur entreprise en participation. Nous nous efforcerons de vous donner une bonne idée de la façon dont nous avons décidé de favoriser l'innovation au sein des entreprises naissantes ainsi que des défis que nous avons relevés et des obstacles qu'il nous a fallu écarter.

En parlant d'obstacles, je vous prie de m'excuser d'être en retard aujourd'hui, mais Newbridge est en train d'ajouter 100 000 pieds carrés à ses locaux pour abriter 1 000 nouveaux ingénieurs l'année prochaine et il y avait six camions de ciment qui s'interposaient entre moi et la sortie du stationnement. Comme vous pouvez l'imaginer, il n'a pas été facile de faire reculer six camions de ciment dans un stationnement étroit. Toutefois, je suis là et je m'en félicite.

Je vais demander à la greffière de faire passer au comité ce document que j'expliquerai à mesure. Je voudrais vous parler des liens qui existent entre l'innovation, l'emploi, la croissance et la richesse, et je pense qu'il s'agit d'une équation fondamentale qu'il nous faut améliorer. Le Canada réussit bien sur ce front, mais il reste beaucoup à faire pour s'améliorer. Je vous dirai quelques mots de l'importance de favoriser le développement d'entreprises bien enracinées. Par entreprises bien enracinées, j'entends des entreprises de notre pays dont le contrôle soit canadien et qui soient gérées en vue de l'exportation.

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Je vais prendre au départ l'exemple de Newbridge, parce qu'il y a 10 ans seulement Newbridge était une entreprise canadienne qui démarrait. Je vous dirai ensuite quelques mots du modèle des sociétés affiliées à Newbridge, des entreprises qui se trouvent aujourd'hui au sein de ce programme, et des obstacles à la croissance, qui empêchent l'innovation de déboucher sur des résultats. J'aimerais aussi vous dire quelques mots du mécanisme de l'innovation et de la façon dont on peut l'améliorer.

Pourquoi a-t-on besoin d'entreprises innovatrices enracinées au Canada? Je pense que je peux prendre l'exemple de Newbridge. Cette entreprise a été créée ici même et elle fait aujourd'hui un chiffre d'affaires de un milliard de dollars, dont 90 p. 100 à l'exportation, et elle emploie au total un effectif de 4 000 personnes, dont 3 200 au Canada. Je pense que ces pourcentages seraient très différents si l'on considérait des entreprises non canadiennes qui démarrent. Nous faisons 90 p. 100 de notre recherche et développement et nous avons 90 p. 100 de nos activités de fabrication dans notre pays. Cela signifie qu'une grande partie de la valeur ajoutée correspondant à ce chiffre d'affaires annuel de un milliard de dollars est mise au profit du Canada pour les Canadiens, et je pense qu'il est important de le signaler.

Nous exerçons nos activités dans trois provinces. Nous constatons que lorsque des entreprises canadiennes démarrent ici et lorsqu'elles ont du succès ici, elles veulent y rester et elles s'y développent. Newbridge est aujourd'hui installée en Colombie-Britannique et en Ontario et, pas plus tard qu'hier, nous avons annoncé la mise en route de notre premier projet en Nouvelle-Écosse. Nous sommes très heureux de l'avoir fait.

Notre programme de sociétés affiliées a démarré il y a trois ans. C'était en fait la réponse apportée par Newbridge à un véritable bouleversement des techniques. Nous avons estimé que Newbridge ne pouvait pas à elle seule réaliser tous les changements technologiques et procéder à toutes les innovations dont on avait besoin pour relever ce défi. À notre avis, la meilleure façon d'y parvenir était de lancer autour de nous des entreprises pouvant se concentrer sur ces techniques à l'exportation, des entreprises ayant des synergies avec nous mais étant à la base dirigées par des entrepreneurs en mesure de faire avancer ces techniques en collaboration avec nous. Je vous dirai plus tard de quelle façon fonctionne ce programme.

Les entreprises qui se trouvent actuellement dans le giron de Newbridge, si je peux m'exprimer ainsi, sont les suivantes: deux entreprises en Colombie-Britannique, Castleton et StarVision, une qui s'occupe de téléenseignement dans le domaine de la médecine et l'autre de traitement des signaux; Vienna Systems, CrossKeys, Tundra, Televitesse, West End et TimeStep, qui se trouvent en Ontario; et enfin, Telexis, qui est située elle aussi en Ontario. Vous pouvez voir à la page suivante ce que font ces entreprises. Nous parlerons de ce que font CrossKeys et Tundra et je n'aborderai donc pas le sujet.

Comment fonctionne ce modèle? Une entreprise qui fait de l'innovation se heurte à deux grands obstacles lorsqu'elle veut passer du concept à l'exécution. Je dirais que le premier d'entre eux est celui des tracasseries administratives, qui ralentissent l'entrepreneur ou le novateur qui veut fabriquer son produit. Ce que va dire Newbridge à la société qui lui est affiliée, c'est de ne pas s'inquiéter à propos des finances, de ses ressources humaines, de ses systèmes d'information, de son assurance-maladie; que l'on s'occupera de tout cela. Nous leur disons de faire porter leurs efforts sur la fabrication du produit.

En second lieu, ce qui gêne en général une société canadienne qui fait de l'innovation, c'est qu'étant axée par définition sur un travail spécialisé, il est très difficile et très onéreux pour une petite entreprise de distribuer très rapidement son produit dans le monde entier. Ce que dit alors Newbridge aux sociétés qui lui sont affiliées, c'est que ses canaux de distribution mondiaux sont à leur disposition que si elles veulent utiliser ses bureaux parisiens, qu'elles le fassent comme si c'étaient les leurs; que si elles veulent être présentées à un client chinois, nous sommes tout disposés à le faire.

Nous faisons donc deux choses qui reviennent essentiellement à raccourcir le cycle qui va de la conception du produit à l'exportation. La première consiste à dire au novateur de ne pas s'inquiéter des formalités administratives et de se concentrer sur son produit. La seconde consiste à l'aider à vendre son produit dans le monde entier dès qu'il est prêt, ce qui est un grand avantage sur la concurrence pour une petite entreprise. Voilà ce que nous avons fait, mais je pense qu'il y a des leçons à en tirer et qui peuvent être effectivement appliquées par l'intermédiaire d'organisations comme le CRC, qui possède un service d'incubation s'efforçant de faire ce genre de choses. Le CNRC pourrait aussi en faire davantage sur ce front.

Là encore, il ne s'agit que d'un programme sur trois ans, mais les résultats jusqu'à présent font que nous avons 13 sociétés affiliées, 10 au Canada et trois aux États-Unis. La plus ancienne, CrossKeys, a deux ans et demi d'âge. Je laisserai à M. Linton le soin de vous parler des succès de CrossKeys. Nous avons un chiffre d'affaires qui se monte au total à environ 30 millions de dollars et qui progresse de 100 p. 100 par an, 578 employés et un pourcentage de 85 p. 100 des ventes à l'exportation. L'effet de levier que cela suppose pour Newbridge, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles nous procédons ainsi, fait que nous nous entourons d'une technique complémentaire qui représente 60 millions de dollars supplémentaires dans le chiffre d'affaires de Newbridge.

Je résumerai essentiellement la stratégie des sociétés affiliées en disant que c'est une chose difficile à faire parce que cela suppose qu'une grosse société soit tolérante face à une petite entreprise novatrice et à progression rapide qui gravite dans son orbite, ce qui n'est pas évident. C'est un problème de culture d'entreprise et je dirais que les grosses sociétés ont de la difficulté à le faire.

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L'un des avantages de Newbridge, c'est qu'elle n'a que 10 ans et il y a bien des gens dans ses services qui se rappellent encore ce que c'était que de travailler dans un tel cadre. Elle réussit à abriter sous son aile les infrastructures de ces petites entreprises pour que ces dernières puissent progresser.

Ce que pourrait faire entre autres le gouvernement, c'est inciter activement les grosses sociétés à en faire davantage dans ce sens, que ce soit dans les sciences biologiques, dans le secteur de la technologie ou dans d'autres domaines. On pourrait ainsi chapeauter les entreprises canadiennes qui démarrent et leur servir d'intermédiaire pour accéder au marché mondial en ayant effectivement les outils pour le faire.

Je vais vous entretenir rapidement de ce sujet. Je vais revenir à la diapositive que je vous ai présentée la dernière fois au sujet du système d'innovation et de ce que l'on peut faire dans ce domaine. Je vais vous donner un exemple qui montre que le gouvernement a pris la bonne initiative au départ, mais j'ai un peu peur qu'il se soit ensuite quelque peu égaré en ce qui nous concerne.

Regardez en bas et à droite, là où on nous parle d'un démarrage précoce... l'une des choses que pourrait faire le gouvernement, c'est d'être très agressif lorsqu'il s'agit de faire démarrer de nouvelles techniques et d'attirer de nouvelles entreprises. C'est le cas par exemple du système de communication LMCS. Le Canada est en tête dans le monde pour ce qui est du déploiement du LMCS, il vient juste de l'annoncer cette semaine. Malheureusement, la meilleure entreprise canadienne, qui aurait pu créer des milliers d'emplois à Winnipeg, n'a pas été englobée dans cette annonce et je pense que nous avons fait là une erreur tragique.

Nous n'avons pas tiré parti de la possibilité qui nous était offerte de lancer rapidement nos entreprises canadiennes dans le cycle de la mise en marché pour qu'elles puissent faire la preuve de la qualité de leurs produits chez elles pour ensuite les exporter. Nous avons plutôt choisi d'accorder des licences dans le cadre de deux projets d'entreprises dominées par la recherche technique américaine. Elles vont valider leur technologie ici et en faire profiter ensuite le marché des États-Unis, ce qui est bien dommage. C'est quelque chose que nous pourrions améliorer si nous nous en donnions les moyens.

Pour résumer nos recommandations, il nous faut fournir à la R-D un cadre concurrentiel et stable mais aussi nous doter de structures de soutien comme celles des centres nationaux d'excellence et d'innovation ou les centres d'incubation...

L'une des choses que devrait faire votre comité, à mon avis, c'est lever les obstacles qui empêchent les gens intelligents, dans les universités et les laboratoires nationaux, de transposer leurs recherches techniques sur le plan commercial. À l'heure actuelle, le CNRC n'a pas le droit de prendre des participations dans les entreprises qui démarrent. Lorsque ces chercheurs veulent faire sortir la recherche technique de leurs laboratoires, ils doivent dire aux innovateurs qu'il va leur falloir payer ces techniques. Ce qu'il faut absolument éviter, c'est qu'une petite entreprise dont les effectifs compte quatre ou dix membres ait à payer une recherche technique au lieu de se servir des fonds correspondants pour mettre effectivement cette technique sur le marché.

Si l'on autorisait le CNRC à prendre des participations dans les projets plutôt que de se faire payer les techniques mises au point, les fonds pourraient être utilisés pour mettre le produit sur le marché. Le CNRC et le gouvernement rentreraient alors dans leurs frais en transformant leur participation en argent lorsque l'entreprise a du succès. Ce n'est là qu'un exemple des nombreuses choses que l'on pourrait faire pour améliorer les transferts de technologie entre les universités et les laboratoires nationaux, d'une part, et le secteur commercial, de l'autre.

Pour résumer, la coordination a un rôle très important à jouer. Dans les secteurs des sciences biologiques de la pharmacie, il y a bien des choses que l'on pourrait faire pour nous assurer que les grosses sociétés jouent un rôle actif en encourageant les entreprises canadiennes - non pas avec pour objectif le marché canadien, mais le marché mondial - et je pense que nous devrions essayer d'en faire davantage.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

Nous allons passer maintenant à l'exposé de Kalyx Biosciences. Docteur Aw vous avez la parole.

Dr Aw: Monsieur le président, membres du comité permanent, mesdames et messieurs, je vous remercie. Je considère comme un privilège le fait de pouvoir vous faire part ici de mon expérience. J'ai passé 15 ans - et surtout 15 hivers - dans ce pays. J'estime apporter une perspective internationale. J'ai travaillé sur quatre des cinq continents.

Je représente Kalyx. Cette société, même si elle n'a que trois ans, a déjà en fait lancé huit nouveaux produits relevant de la biotechnologie et est allée dans huit pays différents.

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En août, alors que 8 000 personnes ont souffert d'une épidémie de la maladie du hamburger au Japon, nous avons été la première entreprise au monde à pouvoir fournir à ce pays une trousse de détection des colibacilles de la maladie du hamburger.

J'aimerais vous faire connaître nos réussites ainsi qu'un certain nombre de défis qui nous attendent.

Les sciences de la vie, notamment la biotechnologie, sont parmi les principales sources de création d'emploi, de richesse et de santé dans le monde. Nous devons prendre part à ces techniques en pleine expansion. Je pense qu'il nous faut dès aujourd'hui décider collectivement et au sein de nos entreprises de prendre l'initiative, tous ceux d'entre nous qui travaillent dans la fonction publique, dans le secteur privé et dans les milieux universitaires. Nous devons décider d'être dans le groupe des cinq premières nations de l'OCDE. À l'heure actuelle, je crois que nous nous en tenons à une médiocre 18e place, loin derrière certains pays bien moins développés.

Pouvons-nous faire partie des cinq premières nations en termes de commercialisation de cette technologie? La réponse est évidemment oui. Je pense que la clé de notre succès pour ce qui est de la commercialisation de notre technologie, c'est la capacité à tirer l'essentiel de nos connaissances techniques, de nos moyens intellectuels et de les transformer en produits, en entreprises et en clients véritables.

J'ai amené une petite trousse. C'est un exemple de ce qu'il est possible de faire. Nous les avons mises sur le marché en moins de 18 mois. Elles sont expédiées au Japon, en Europe, en Amérique du Sud, en Australie. Cette trousse est aussi utilisée ici dans les écoles secondaires. Les écoles secondaires, les universités et les collèges s'y intéressent beaucoup et je pense que nous pouvons placer notre pays parmi les meilleurs au monde.

Comment renforcer notre capital intellectuel? Les réussites de la technologie de l'information sont bien connues. Nous avons entendu parler du succès d'entreprises comme Newbridge et ses rejetons, mais je considère que notre palmarès n'est pas aussi bon dans les sciences de la vie. On ne voit pas pourquoi il devrait y avoir des obstacles étant donné que l'infrastructure de la science et de la technologie dans le secteur des sciences de la vie à l'heure actuelle au Canada est l'une des meilleures au monde. Comment faire?

Je pense qu'il nous faut créer de nouvelles entreprises. Ça peut paraître évident, mais c'est pourtant ce qu'il faudrait faire. Il nous faudrait améliorer nos montages financiers dans le secteur des sciences de la vie. Il nous faudrait instiller une mentalité de vainqueur, et ça concerne évidemment nos jeunes, qui seront les futurs dirigeants de notre monde.

Comment faciliter la tâche aux nouvelles entreprises? Là encore, nous venons d'entendre l'histoire de Newbridge, mais laissez-moi vous relater très brièvement un certain nombre d'expériences que nous avons faites dans le secteur des sciences de la vie. Aux États-Unis, après six ans d'existence, une entreprise qui opère dans le secteur des sciences de la vie va pouvoir en moyenne créer jusqu'à 282 emplois. C'est beaucoup d'emplois, parce que cela fait 28 000 emplois qui sont créés par 100 entreprises. C'est exactement ce qu'a fait Saskatoon dans son lieu d'innovation; il y a je crois dans cette ville 100 entreprises qui se sont développées en moins de six ou sept ans. Je pense que l'on peut créer ainsi des poches d'excellence dans toutes les grandes villes du Canada.

En moyenne, une entreprise qui travaille dans le secteur de la technologie croît de 20 p. 100 année après année. C'est un rythme considérable et il nous faut prendre part à ce genre de réussite.

Dans notre secteur, et je crois que c'est caractéristique des entreprises technologiques, une entreprise en crée d'autres, il y a des retombées et l'on finit par avoir des pépinières à partir de quelques entreprises. Lorsque ces pépinières atteignent la masse critique, elles décollent et finissent par constituer de véritables secteurs industriels. Je ne vois pas pourquoi le Canada ne pourrait pas prendre part à cette croissance énorme. Prenez le cas du secteur des télécommunications à Ottawa-Carleton; je pense qu'il y a aujourd'hui quelque 750 entreprises qui procurent peut-être 36 000 emplois à valeur ajoutée. Je crois savoir qu'il y a 5 000 postes vacants. C'est une chose que nous aimerions voir dans le secteur des sciences de la vie au Canada. Naturellement, l'innovation entraînera la création d'un plus grand nombre de produits et, loin de retomber, la spirale tend constamment vers le haut.

M. Oliver nous a dit qu'il n'y avait rien comme la réussite pour attirer la réussite. Nous n'avons pas comparé nos notes, mais c'est tout à fait vrai. Les conséquences profondes qu'ont les entreprises du secteur de la technologie sur la création d'emploi, la création de richesse, la qualité de vie, la compétitivité des nations, est bien connue, mais ce dont nous avons besoin c'est d'une volonté collective, d'une capacité d'initiative aux plus hauts échelons, ce qui englobe le gouvernement, le secteur privé et les milieux universitaires. Nous devons transmettre cette capacité d'initiative à un autre niveau, à la génération qui nous suit.

Il suffit de considérer les États-Unis, le Japon, la Suisse et la Suède. Bien souvent, j'aime prendre l'exemple de Singapour. Je considère le Canada comme mon pays et je ne dois rien à Singapour, mais il faut voir que Singapour est une île qui ne reçoit pas suffisamment d'eau de pluie pour approvisionner toute sa population. Elle n'a pas d'espace aérien. Tous les avions qui décollent de Singapour ont besoin de la permission de la Malaisie et de l'Indonésie. Nous sommes bien plus gros que Singapour. Je considère que nous devrions être en avance sur des pays comme celui-là.

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Il nous faut promouvoir et encourager l'esprit d'entreprise dans le domaine de la technologie. Nous devons prévoir des liens entre le gouvernement, l'industrie et les milieux universitaires. Nous devons jouer un rôle de chef de file au sein de notre population.

L'un des plus grands défis que doit relever le secteur des sciences de la vie au Canada est celui du financement. On en a déjà parlé auparavant. Je pense que le financement du secteur des télécommunications se porte bien parce qu'il peut se prévaloir de ses succès. Il bénéficie de nouveaux crédits.

Toutefois, pour ce qui est des entreprises qui démarrent, les petites entreprises - et n'oubliez pas que les petites entreprises sont le moteur de la croissance et celles qui créent des emplois, autant que les sociétés déjà établies. Toutefois, le financement des entreprises qui démarrent est très difficile, surtout lorsqu'il s'agit de bioentreprises, d'entreprises qui travaillent dans le secteur de la biotechnologie, des sciences de la vie. Nous avons des difficultés à trouver des investisseurs avisés mais patients, parce que le cycle de nos produits est long. Nous avons besoin de peaufiner nos projets d'investissement en coparticipation, l'argent qui nous provient des fonds patronnés par les syndicats, de nos banques, du PARI, toutes sortes de...

J'aimerais dire quelques mots du PARI. Je pense que c'est un excellent programme et qu'il nous faudrait davantage de financement de ce type.

Notre entreprise a pris naissance au sein du CNRC et nous avons bénéficié du financement du PARI pour nous lancer, mais je pense que nous avons remboursé plusieurs fois l'argent qui a été investi chez nous. Nous devons donner des moyens et des facilités d'accès aux entrepreneurs du secteur de la technologie qui veulent prendre leur place dans cette nouvelle économie.

Je vais maintenant aborder un autre sujet qui me tient particulièrement à coeur en tant que néo-Canadien. Je considère que nous devons nous doter d'un moral de vainqueur, nous et nos enfants. Je crois que nous manquons de confiance. Parfois, il est plus facile de vendre un produit non canadien qu'un produit canadien. Il faut à mon avis inverser ce processus. Nous devons acheter canadien si les produits sont de qualité, et je pense que la qualité peut y être, parce qu'en achetant canadien on obtient de nombreux avantages.

Je tiens à souligner deux choses fondamentales. Tout d'abord, les ventes augmentent la marge d'auto-financement, les liquidités en particulier, ce qui entraîne de nouveaux investissements, et alors tout s'enchaîne. Facteur tout aussi important, l'exemple donné chez soi sert de tremplin aux ventes à l'exportation. Combien de fois les entreprises nouvellement créées, qui commercialisent de nouveaux produits, vont vous répéter qu'elles ont des clients étrangers qui leur demandent si elles peuvent leur donner le nom d'un ou deux utilisateurs canadiens, de gens qui utilisent ce produit chez elles? Il est très gênant de ne pas pouvoir fournir le nom d'un, deux, trois ou quatre Canadiens pouvant attester de la qualité de notre produit et il est alors impossible de faire des ventes à l'exportation.

Laissez-moi vous raconter très rapidement une histoire qui se termine bien, celle de la vieille grange. Je vais vous la raconter parce que j'en ai tiré des leçons qui peuvent vous intéresser. Je connais personnellement quelqu'un qui avait un produit de qualité à vendre et qui, par manque d'argent, a loué une vieille grange à une université. Il emploie maintenant 440 personnes dans le secteur des sciences de la vie.

Qu'est-il arrivé? La chose a été possible parce que les universités, les écoles, les gouvernements et les hôpitaux locaux se sont mis à acheter ses produits et à s'en servir de référence pour les comparer avec d'autres produits étrangers. Ce faisant, ils ont contribué à améliorer ses produits et à faire augmenter le nombre de produits nouveaux dans le secteur. C'est exactement ce qui est en train de se passer dans le secteur de la TI au Canada.

Les avantages sont mutuels. On procure en fait de nouveaux emplois aux gens qui apportent des idées et on leur rapporte des quantités de redevances, ce qui bien entendu contribue à faire augmenter l'emploi.

J'en suis à mes trois dernières diapositives, mais je tiens à insister à nouveau sur le rôle de nos jeunes. Je crois que l'un des prophètes a dit que les vieux rêvaient tout haut et que les jeunes avaient une vision de l'avenir. Je pense que j'en suis au stade où je me mets à rêver, mais j'aimerais laisser après moi une vision de l'avenir. J'aimerais que vous vous joigniez à moi dans un rôle qui me paraît tout à fait passionnant: faisons en sorte qu'il y ait après nous une vision de l'avenir afin que les futurs dirigeants du Canada puissent transformer les idées en produits.

Au sein de notre entreprise, l'une des façons pour moi de motiver mon personnel est de lui dire que nous avons eu du succès, que nous avons réussi à sortir rapidement des produits. Nous plaçons un carton vide devant les membres de notre personnel et nous leur demandons ce que nous pouvons mettre dedans. Si c'est un service, comment créer un service qui puisse avoir une valeur ajoutée? Puis-je breveter telle ou telle idée? La propriété intellectuelle se transforme en capital intellectuel.

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Nous aimerions former toute une nouvelle génération d'entrepreneurs canadiens novateurs, passionnés, motivés, qui pourraient alors créer ces nouveaux produits et se mettre à les vendre. En les exportant, nous apportons de la valeur ajoutée, et cela fait rentrer de l'argent dans le pays.

En matière de formation et d'encadrement, nous avons tous un rôle à jouer. Les responsables du gouvernement, les dirigeants des entreprises publiques et les universitaires peuvent tous y prendre part.

Je répète que nous avons besoin d'une orientation collective, d'une volonté nationale qui transformera ces idées en produits commercialisés, et il convient que nous en jetions les bases aussi clairement que nous le pouvons.

Laissez-moi terminer en insistant sur les «nous pouvons» et les «nous le ferons». Je pense que dans les sciences de la vie nous pouvons réussir à commercialiser notre technologie. Je pense que nous pouvons catalyser les richesses, les emplois et l'amélioration de la santé ici même dans notre pays. Je crois que nous pouvons accélérer le progrès technique. Je crois aussi que nous pouvons être un des chefs de file dans le monde pour ce qui est de l'esprit d'entreprise dans le secteur de la technologie.

Je vous remercie encore du temps que vous m'avez consacré et de l'intérêt que vous m'avez porté.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci, Dr Aw.

Je vais passer maintenant au représentant de Tundra Semiconductors. Monsieur Chowaniec.

M. Chowaniec: Merci, monsieur le président.

Je vous prie tout d'abord de m'excuser du fait que mon intervention ce matin sera uniquement en anglais. La version française sera prête demain, au cas où quelqu'un voudrait la consulter.

Tundra Semiconductors est un rejeton de Newbridge qui a un an d'âge. M. Albinson a très bien exposé les avantages que nous procurait notre état de société affiliée. Je vais surtout vous parler aujourd'hui du secteur de la micro-électronique et des semi-conducteurs au Canada, dont Tundra fait partie.

Le secteur des semi-conducteurs est l'une des industries à plus forte croissance dans le monde. Nous avons ici des statistiques appartenant au groupe technique des circuits intégrés. Les barres jaunes représentent le montant total des ventes prévues en électronique dans le monde jusqu'à l'an 2000, la croissance étant très rapide. Ces ventes de produits électroniques se font dans différents secteurs: automobiles, communications et produits de consommation. L'industrie des semi-conducteurs, qui est représentée en bas par la barre verte, est un secteur unique et monolithique qui détermine toute la croissance du secteur de l'électronique. Cette année, on prévoit que l'ensemble de ce secteur aura un chiffre d'affaires de 174 milliards de dollars dans le monde, chiffre qui passera à 350 milliards de dollars en l'an 2000.

Certains analystes laissent entendre qu'en 2010 à peu près, ce sera là le principal secteur industriel dans le monde. Pour quelle raison? Qu'est-ce qui motive cette croissance? Il y a en fait deux raisons fondamentales.

La première est le fait que les semi-conducteurs entrent de plus en plus dans la composition de tous les produits. Prenez le cas des automobiles, par exemple. Il y a désormais en valeur davantage de semi-conducteurs dans une automobile qu'il n'y a de tôles d'acier. On s'attend à ce que cette teneur augmente très rapidement au cours des 10 prochaines années.

En second lieu, les semi-conducteurs relèvent d'une technique qui sert de support aux autres. Elle sert de support à l'innovation dans bien d'autres secteurs industriels tels que les communications, et même la biotechnologie. Par conséquent, la santé du secteur des semi-conducteurs et la possibilité pour ce secteur d'atteindre une masse critique influe sur la compétitivité d'une grande part de l'économie.

Selon les statistiques canadiennes, le total de nos exportations de semi-conducteurs se monte à environ deux milliards de dollars. Si vous enlevez de ce total les produits qui ne font qu'entrer et sortir du pays en n'apportant qu'une très faible valeur ajoutée, nos véritables exportations dans le secteur des semi-conducteurs se montent à un milliard de dollars, ce qui ne représente qu'une infime part des 150 milliards de dollars correspondant au chiffre d'affaires mondial dans ce secteur.

Les sociétés qui au Canada sont à l'origine de ces ventes de un milliard de dollars à l'exportation sont les suivantes: Mitel, Nortel et Tundra à Ottawa; PMC à Vancouver; Genesis à Toronto; Gennum à Burlington; CMAC à Sherbrooke; IBM à Bromont; enfin Celestica à Toronto.

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Il est indispensable que nous parvenions à faire progresser ce chiffre d'affaires au cours des 10 prochaines années.

Quels sont les problèmes qui nous empêchent de faire augmenter ce chiffre d'affaires de manière significative? Tout d'abord, le financement de la R-D; ainsi, Tundra consacre à l'heure actuelle 20 p. 100 de ses revenus à la R-D pour sortir de nouveaux produits. Nous sommes à la limite de nos possibilités pour ce qui est des dépenses consacrées à la R-D; et pourtant, le soutien financier consacré à la R-D par le gouvernement diminue parallèlement. Notre industrie a besoin d'un plus grand financement de la R-D.

En second lieu, en raison des pressions financières qui s'exercent dans le secteur universitaire, les universités diminuent en fait les crédits qu'elles consacrent à l'ingénierie. Elles réduisent le nombre de leurs professeurs et appliquent des compressions budgétaires dans les services qu'elles fournissent. Elles le font au moment même où l'on manque terriblement d'ingénieurs, non seulement dans le secteur des semi-conducteurs mais dans l'ensemble des secteurs industriels. C'est une situation très pernicieuse.

Troisièmement, nous n'avons pour le moment aucun investissement étranger dans le secteur des semi-conducteurs au Canada - aucun. C'est une situation qu'il nous faut changer si nous voulons atteindre la masse critique dans notre pays.

Enfin, nous sommes incapables pour l'instant d'attirer au Canada des talents en provenance des États-Unis en raison de notre fiscalité.

Quel est le rôle du gouvernement sur toutes ces questions? Je pense qu'il lui faut comprendre tout d'abord tout le pouvoir de cette technique qui sert de support aux autres. Il lui faut aider la recherche et le développement des entreprises de ce secteur. Ces dernières font déjà plus que le maximum. Elles ne peuvent plus augmenter leur niveau de dépenses et ne peuvent donc plus accélérer le rythme de progression de ce secteur.

Il nous faut chercher à produire davantage d'ingénieurs et de scientifiques diplômés de l'université.

Nous devons attirer les investissements étrangers pour améliorer la masse critique. Nous devons aussi revoir nos politiques, qui nous compliquent énormément la tâche lorsque nous voulons attirer des personnes ayant du talent et des connaissances, notamment en provenance des États-Unis.

En résumé, nous avons besoin d'aide. Que pouvons-nous faire? Je pense que nous pouvons resserrer les liens entre l'université et le gouvernement. L'un des modèles est celui de la Canadian Microelectronics Corporation, qui est gérée par Queen's, mais qui appuie 27 universités au Canada. C'est un institut financé par l'industrie et par le gouvernement qui contribue à fournir des logiciels et du matériel de pointe aux étudiants de tout le pays afin qu'ils puissent se familiariser avec cette technologie et acquérir une formation.

Nous faisons beaucoup d'efforts avec Industrie Canada pour attirer des investissements étrangers. Notre secteur a besoin au Canada de beaucoup plus d'aide pour que nous puissions attirer les talents au service de l'ensemble de l'industrie.

Pour ce qui est des comptes à rendre, la croissance de ce secteur peut être facilement contrôlée. Nous avons les moyens de réexaminer attentivement nos succès au cours des cinq prochaines années afin d'améliorer la situation.

Je tiens aussi à attirer l'attention sur une méthode sociotechnique appelée recherches pour l'avenir. Elle doit permettre de rassembler les gens afin que la situation soit analysée davantage en profondeur, et nous donner les moyens de mettre en place des politiques susceptibles de faire progresser notre secteur au cours des 10 prochaines années.

Monsieur le président, je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais donner la parole au représentant de Goodfellow Agricola, monsieur Goodfellow.

M. Goodfellow: Je vous remercie une fois de plus, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés, de me donner l'occasion de vous parler ce matin.

J'avais prévu que les orateurs qui m'ont précédé allaient couvrir un grand nombre de domaines et j'ai donc décidé de m'en tenir à une ou deux observations que j'ai pu faire au sujet des différents intervenants dans le secteur des transferts de technologie. Ces intervenants sont les représentants des petites entreprises, des grandes multinationales, des gouvernements et des universités. Je vous dirai ensuite quelques mots de la façon dont nous pouvons renforcer la cohésion entre ces secteurs. Cela nous aidera bien entendu à développer et faire progresser les petites entreprises.

Examinons tout d'abord le cas des petites entreprises. Bien souvent, ce sont des entreprises canadiennes qui sont relativement petites par rapport aux normes internationales. Dans bien des cas - et je le dis après les avoir observées et après avoir parlé avec leurs représentants - elles le reconnaissent elles-mêmes. Nous manquons de gestionnaires de qualité, notamment lorsqu'il faut se présenter sur les marchés internationaux. Souvent, c'est bien plus le manque de liquidités que les problèmes fiscaux à long terme qui gênent ces petites entreprises, de sorte que lorsque nous mettons en place des mesures incitatives sur le plan fiscal, nous ne les aidons pas beaucoup dans l'immédiat.

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Considérons le cas des grandes multinationales. Le Canada a certes des sociétés multinationales, mais dans bien des cas ces entreprises ont leur siège social à l'étranger. Le Canada a un grand pourcentage de sociétés étrangères - c'est une chose que nous disons depuis longtemps - et bien que la plus grande partie des fonds investis au Canada par le secteur privé dans la recherche et le développement soient investis par des multinationales, ces dernières ont tendance à préférer faire leurs recherches chez elles.

Dans le cas de Newbridge, on nous a dit bien entendu que 90 p. 100 de la recherche se faisait chez nous. Heureusement, c'est là une entreprise canadienne, mais s'il s'agit d'une entreprise suisse, allemande ou américaine, la majeure partie de la recherche va se faire près du siège social.

Les sociétés multinationales traitent souvent le Canada comme un simple secteur de vente. Ils affectent souvent ailleurs leur personnel le plus chevronné. Par conséquent, les décisions prises en matière de recherche et de développement et de mise en marché au Canada le sont souvent à l'extérieur du pays. Le Canada devient sous-représenté.

Les sociétés multinationales adoptent aussi souvent un comportement hostile à «tout ce qui n'a pas été inventé sur place» et se demandent par exemple pourquoi elles devraient collaborer avec une autre petite entreprise ou avec une université pour développer telle ou telle science étant donné qu'il va falloir prélever pour cela de l'argent sur leur propre budget scientifique. C'est un obstacle à la collaboration et c'est un comportement qu'il faut changer. On ne devrait pas y voir une dépense mais une possibilité de collaborer et de progresser. Je pense que c'est un comportement auquel on doit remédier.

J'ai mis ensemble les laboratoires des universités et de la fonction publique parce que je pense qu'ils présentent aujourd'hui un certain nombre de similitudes. Il a pu y avoir à certaines époques une plus grande différence, mais pour l'essentiel ils sont tous aujourd'hui en manque d'argent. Traditionnellement, ils sont repliés sur eux-mêmes. Des efforts ont été faits et des résultats positifs sont obtenus dans certains secteurs, mais il reste bien du chemin à faire tant au gouvernement que dans certains des établissements universitaires pour s'ouvrir sur l'extérieur. Dans les deux cas, bien entendu, de très fortes pressions se font sentir pour que l'on s'ouvre sur l'extérieur.

Les résistances que l'on retrouve dans certains de ces établissements s'expriment par le fait que l'on se demande que va devenir la recherche fondamentale si l'on marche main dans la main avec le secteur privé. Comment maintenir en fait une certaine intégrité, une certaine indépendance des recherches si l'on se rapproche trop du secteur privé?

Je pense qu'un certain nombre de changements des cultures internes s'imposent au sein des petites entreprises, des multinationales, des universités et du secteur gouvernemental. Ces changements d'attitudes doivent nous amener à penser en termes de Société canadienne Inc. Nous devons choisir un certain nombre de gagnants au sein de cette Société canadienne Inc. parce que nous ne pouvons pas tout faire dans tous les domaines.

La première question à régler est celle des ressources humaines et il convient d'écarter les malentendus entre les groupes et de faire en sorte que chacun comprenne mieux les motivations des autres. Je ne pense pas qu'il faille faire preuve d'un trop grand esprit critique, mais il faut à un moment donné que les choses sortent et que l'on s'exprime. Je pense que l'une des façons de le faire est de multiplier les échanges de personnel entre les secteurs et d'augmenter le niveau de confiance. Tout part de la confiance.

Je pense qu'il nous faut organiser plus souvent des conférences entre les différents intervenants, pour que tout le monde se rencontre. C'est cela qui permet de progresser et de multiplier les possibilités. C'est tout à fait dans l'esprit de ces pépinières qui font que l'on progresse au contact des autres, la confiance s'instaure entre les gens, les cerveaux se mettent à travailler et la créativité s'éveille. Qu'il s'agisse de l'organisation en permanence de cercles régionaux de discussions, de forums d'innovation, il suffit d'agir.

Il n'est pas nécessaire de tout faire en grand. On peut tout simplement organiser des soirées au cours desquelles on mange de la pizza et on boit de la bière. Tous les mardis, on peut se réunir pour parler de sciences. Il faut éveiller les gens à la technique, réunir des responsables en provenance de différents secteurs, nous doter d'un langage commun et de projets communs. Nous avons besoin que quelqu'un prenne l'initiative. Il faut que les hauts responsables du secteur privé, du gouvernement et de l'administration disent ce qu'ils ont à dire, le répètent à satiété et mettent les mains à la pâte sans se contenter de rédiger des documents d'orientation dont ils se désintéressent par la suite.

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Pour rassembler ces morceaux épars, nous avons besoin d'un véritable professionnel des transferts de technologie, de quelqu'un qui peut tout remettre en place. Nous avons besoin de quelqu'un qui, en voyant les différents foyers d'activités ici et là, est en mesure de se dire qu'il y a ici un besoin, un débouché par là, des capitaux dans ce secteur ou des responsables compétents dans tel autre auxquels pourraient se joindre d'autres responsables compétents pour que des projets puissent démarrer. Il faut intégrer tous ces éléments intégrateurs.

Je vous conseille de développer ces éléments intégrateurs - il y en a de très bons exemples au Canada, mais pas suffisamment. Ces gens se sont retrouvés là en raison des circonstances, mais je ne crois pas qu'il faille laisser agir les circonstances. Je ne pense pas que l'on puisse agir au petit bonheur. Il nous faut mettre en place un groupe de gens dont on a l'impression qu'ils sont de bons éléments d'intégration ou qui en ont donné la preuve. Nous devons mettre en place des universitaires et des responsables de la fonction publique et du secteur privé qui veulent véritablement développer la fonction liée au transfert de technologie et instituer des programmes, aussi bien dans le secteur de l'enseignement que sur les lieux de travail, pour que tout ce qui a trait à l'expérience... Il est peu probable qu'un diplômé en administration des entreprises tout droit sorti de l'école puisse devenir automatiquement un bon agent de transfert. Il se peut que ce soit une personne n'ayant absolument pas une formation liée aux entreprises qui possède cette compétence, et ce sont davantage des qualités humaines dont on a besoin pour procéder à cette intégration.

Quelles sont les qualifications que doivent avoir ces gens? C'est une profession et il faut que ce soit reconnu comme une profession. Il faut que ces gens puissent reconnaître les possibilités qui s'offrent et puissent travailler en réseau. Ils doivent avoir de bons contacts avec les gens. Il faut qu'ils soient partout à la fois. Il faut qu'ils soient motivés. Il faut qu'ils puissent découvrir et développer des partenariats et qu'ils soient en mesure d'évaluer l'apport de différentes personnes et de différentes institutions et de présenter aux institutions des idées ou des projets d'entreprises qui permettront de créer des emplois. Il faut qu'ils puissent évaluer tous ces projets et participer au processus de négociation. Il faut qu'ils puissent concilier les différents points de vue, ménager les susceptibilités, etc. Il leur faut savoir faire signer un accord et le maintenir en place. Voilà à mon avis la composante humaine dont on a besoin pour mener tout cela à bien. Il faut servir de catalyseur. C'est un mot qu'on a déjà employé auparavant, servir de catalyseur.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

Nous allons maintenant donner la parole au Dr Stiller, qui représente le Canadian Medical Discoveries Fund Inc.

Dr Stiller: Merci, monsieur le président. J'ai été invité à comparaître devant votre comité permanent l'année dernière et je n'ai pas pu venir parce que j'avais des problèmes de dos. C'estM. Gleeson qui a fait l'exposé et je vous remercie de l'avoir écouté à l'époque et de m'inviter aujourd'hui à revenir.

À l'époque, le Canadian Medical Discoveries Fund n'en était qu'à ses premiers balbutiements, et nous voici un an plus tard. Je considère cette intervention comme un compte rendu présenté devant le conseil d'administration d'un important actionnaire du Canadian Medical Discoveries Fund étant donné que nous avons bénéficié de crédits d'impôt lors de notre création. Je pense qu'il nous incombe de rendre compte respectueusement de l'utilisation que nous avons faite de ces crédits pour que vous sachiez dans quelle mesure ils ont produit un certain rendement.

Laissez-moi en revenir au démarrage du Canadian Medical Discoveries Fund. Je ne m'en attribue pas le crédit. C'est un exemple extraordinaire des conséquences positives de l'esprit d'entreprise - qui a été si bien défendu et si bien mis en valeur dans l'exposé antérieur - dont a fait preuve le gouvernement fédéral. Le président du Medical Research Council of Canada, le Dr Henry Friesen, ne semblait vraiment pas fait pour être entrepreneur. S'il était ici aujourd'hui, vous jureriez qu'il ne peut pas être un entrepreneur. C'est l'un des scientifiques les plus éminents du Canada. Il est calme et effacé et c'est pourtant un entrepreneur jusqu'au bout des ongles.

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Lorsqu'il a pris en main le Medical Research Council - et je siégeais au sein du conseil à l'époque - il s'est donné une orientation en établissant plusieurs étapes importantes.

Tout d'abord, il a fait prendre conscience au conseil que les crédits fédéraux n'augmenteraient pas. C'était une réalité contre laquelle nous allions sûrement lutter, nous allions certainement demander davantage de crédits fédéraux, mais il était peu probable que l'on y parvienne dans ce climat. Un certain nombre de démarches ont donc été faites pour instituer des partenariats créatifs et faire en sorte que l'industrie médicale, en tant que retombée des recherches fondamentales qui sont faites dans nos universités, soit considérée véritablement comme un atout du Canada. Nous avons entrepris de faire reconnaître au Canada les avantages tirés de la science, des découvertes et de la technologie lorsqu'il s'agit de jeter les bases d'une industrie axée sur la connaissance pour l'avenir.

Nous avons à l'époque défini quatre choses indispensables. La première portait sur les partenariats stratégiques, et je vous en reparlerai dans un instant. Cela se rapportait en fait à un certain nombre de partenariats, notamment avec des sociétés pharmaceutiques. Il y avait en second lieu la formation d'un personnel qualifié. Un programme d'emploi a été mis en place au sein d'un organisme fédéral. Je ne me souviens pas duquel, mais ce programme a été lancé à Winnipeg et a permis de placer dans les laboratoires de recherche des diplômés de l'université ayant de bonnes connaissances de base afin qu'ils acquièrent une certaine qualification. Ce fut une grande réussite.

On ne l'a pas mis en exergue, mais je pense que le gouvernement devrait le faire car c'est un excellent exemple de ce que l'on peut réaliser en prenant au départ des gens qui ne sont pas très optimistes pour ce qui est de leur carrière future et en les insérant en 10 ou 12 mois au sein du secteur privé dans des emplois de qualité et bien rémunérés. Cela répond véritablement à un besoin que l'on a déjà mentionné à deux ou trois reprises.

En troisième lieu, on s'est aperçu qu'il nous fallait une procédure plus dynamique et plus structurée de protection de la propriété intellectuelle et de transfert de technologie. On espérait à l'époque pouvoir créer un fonds à l'échelle du pays pour aider les universités de ce point de vue. Vous avez entendu les responsables du secteur des transferts de technologie: ce sont les fonds qui manquent le plus.

En quatrième lieu, il y a les capitaux - le genre de capitaux qui doivent favoriser les transferts de technologie.

Nous avons donc entrepris un voyage, qui devait... Nous avons demandé au Boston Consulting Group de mener une étude sur ce qui manquait au Canada. Comment se fait-il qu'on ait, au Canada, une science qui se porte aussi bien et qui, qualitativement, peut prétendre rivaliser avec ce qui se fait de mieux au monde? Sur le plan quantitatif, bien sûr, nous ne pesons pas très lourd. Cela provient de la taille de notre population mais, au point de vue qualitatif, nous sommes très bien placés. Pourtant, la recherche privée dans le domaine de la santé est très peu développée. Ils ont relevé de sérieuses lacunes.

Voyez le premier graphique, juste après le rapport initial du Canadian Medical Discoveries Fund... Il a pour titre «Les investissements dans le domaine de la recherche créent un cycle vertueux de croissance et de développement». C'est ce qui est ressorti de l'étude menée par le Boston Consulting Group. Vous pouvez voir que l'on part d'une base constituée par la recherche fondamentale, qui se situe ici à l'apogée du cycle, et qui continue avec les entreprises émergentes, les entreprises d'avenir, les entreprises ouvertes arrivées à maturité, puis, comme vous le voyez, le cycle se referme sur lui-même.

Ils ont trouvé que la base était étroite bien que de grande qualité, mais que nous manquions de compagnies émergentes et d'entreprises d'avenir telles qu'il s'en trouve aux États-Unis. La raison en était notre manque de capitaux préliminaires et de capital-risque ayant deux qualités particulières: l'intelligence - il fallait des capitaux intelligents - et la patience. Le Canadian Medical Discoveries Fund a été créé par le Conseil de recherches médicales pour faire la soudure.

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La diapositive suivante nous montre la place qui revient au Canadian Medical Discoveries Fund, que vous voyez là sur la droite. Les réseaux de foyers d'excellence, auxquels vous avez fait allusion, contribuent à faire la soudure car ils sont en grande partie financés par le gouvernement. À gauche, parmi les entreprises ouvertes arrivées à maturité, le partenariat Conseil de recherches médicales/Association canadienne de l'industrie du médicament est venu combler un vide et accroître le rythme et le dynamisme de ce cycle vertueux.

On évoque, à la page suivante, une déclaration du président du Conseil scientifique du Japon, selon qui, au XXIe siècle, la puissance reposera sur la recherche. Il est extraordinaire d'entendre dire cela par le représentant d'un pays dont l'industrie repose en grande partie sur la technologie et qui a essayé de procéder de la même manière dans le domaine des biotechnologies. Vous trouverez, à la page suivante, un article que j'ai photocopié dans l'hebdomadaire Business Week. Vous verrez, sous la spirale, que dans ce domaine, le Japon a tenté de développer des produits en aval, comme il l'avait déjà fait dans d'autres domaines. Cela a été un échec et le Japon a compris qu'il fallait procéder autrement.

Les Japonais estiment maintenant que ce qu'il leur faut, c'est une base puissante de découvertes et que cette recherche fondamentale revêt une importance critique pour leur avenir. Malgré la mauvaise conjoncture économique, les Japonais ont donc accru leurs investissements en ce domaine. L'augmentation des crédits a été saisissante.

Je répète, partout où je prends la parole: Ne me demandez pas d'imprimer des billets de banque sur du papier provenant d'arbres dont on aurait négligé de semer les graines. Les graines se sèment dans le terreau de la recherche fondamentale, la science revêtant une importance essentielle pour notre vision de l'an 2010 évoquée tout à l'heure, si nous voulons pouvoir faire de ce secteur un moteur de l'activité économique de notre pays.

La diapositive suivante illustre l'évolution des budgets de recherche dans le domaine de la santé. Comme vous le voyez, toutes les lignes correspondent à une augmentation, à l'exception de la ligne représentant le Canada. Les crédits affectés au CRM ont en fait été réduits. En tant que président et directeur général du CMDF, je peux vous dire que 50 000 Canadiens ont investi 4 000 $ chacun - et le bassin de la recherche fondamentale que nous entendons exploiter commercialement dans l'intérêt de notre économie... Je m'inquiète lorsque je vois ce bassin se rétrécir.

Cela préoccupe nos actionnaires et cela devrait préoccuper notre société. J'attire votre attention sur ce point.

Je sais très bien que cette période a été une période de restrictions. Je félicite le gouvernement des mesures qu'il a prises. Notre compétitivité, au niveau national, n'a jamais été aussi forte. Mais, au fur et à mesure que l'on sort de cette période de mauvaise conjoncture, n'oubliez pas qu'en l'an 2010, la biotechnologie et les autres industries axées sur la découverte seront un des principaux vecteurs économiques de notre pays. Il faut donc absolument éviter de porter atteinte à cette base de recherches fondamentales.

Je vous demande maintenant de passer à la page suivante. Le nombre de travailleurs spécialisés augmente au Canada à un rythme différent de celui des autres pays de l'OCDE. Il est important de le souligner, car ce sont ce type d'emplois-là que nous voulons créer.

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Le système canadien de santé est un élément important de notre stratégie économique. Pour un montant moyen de 750 $ par personne, notre système national de santé remplit sa mission en ce domaine.

Je ne saurais m'attribuer tout le mérite du tableau suivant, mais je m'en attribue autant que je peux. Regardez les montants de capital-risque investis au Canada dans les sciences de la vie - les chiffres proviennent de Mary Macdonald & Associates - au cours des années 1993 et 1994. C'est en décembre 1994 que le Conseil canadien de recherches médicales a créé le CMDF. Entre 1994 et 1995, le montant de capital-risque investi dans les sciences de la vie a doublé et il me semble qu'il soit appelé à doubler à nouveau.

Voilà le point essentiel sur lequel presque tout le monde ici a insisté. Nous avons manqué, au Canada, de cette source d'investissements permettant normalement aux découvertes d'être transformées en produits susceptibles d'être commercialisés. D'après moi, cela dépend donc de deux choses - de l'instauration de partenariats dans le cadre du CRM et d'incitations fiscales au profit du Canadian Medical Discoveries Fund, permettant au capital-risque d'origine syndicale... c'est un aspect important du problème.

J'aimerais, maintenant, monsieur le président, me livrer à quelques observations en guise de conclusion. Je tiens, d'abord, à évoquer le rapport du Canadian Medical Discoveries Fund. Je vous demande de passer à la page deux. Lorsque nous nous sommes présentés devant vous - lorsqueM. Gleeson a comparu devant vous l'année dernière - nous avions investi 15 millions de dollars dans ce fonds et, à l'époque, je crois que nous avions réalisé trois investissements. Aujourd'hui, le fonds s'élève à 185 millions et les investissements que vous voyez indiqués, 19 au total, se répartissent entre capitaux de lancement, capitaux destinés à financer la première phase d'expansion et capitaux permettant de consolider cette expansion. Nous avons investi aussi bien à Victoria qu'à Montréal, et nous allons bientôt annoncer un nouvel investissement à Halifax. C'est un voyage extraordinaire que nous avons entrepris. Cette expérience est suivie de très près par le reste du monde. Cette semaine, la revue Science lui consacre un article, le citant comme un exemple extraordinaire de ce véritable programme de reboisement d'une ressource essentielle qui s'appelle connaissance et découverte dans les domaines de la santé et des sciences de la vie.

Voici en quoi consiste mon modèle, monsieur le président. Le moteur du développement, dans une économie fondée sur la connaissance, doit se situer là où se font la plupart des découvertes, dans le lieu qui est la principale source de connaissance, c'est-à-dire les universités. Si vous pouviez, du ciel, regarder les États-Unis, vous verriez que les industries fondées sur la connaissance, sur les produits à haute valeur ajoutée, se sont surtout développées à Boston, à San Diego, à Minneapolis, au Texas et à Miami. Pourquoi cela? Eh bien, parce que c'est là que sont situés les principaux instituts de recherche, c'est là que se créent les connaissances.

Donc, le moteur de la croissance, c'est en fait les universités. Le carburant, c'est le capital - c'est-à-dire un capital adapté, un capital patient, intelligent et audacieux. Les véhicules nécessaires aux investissements sont les partenariats entre le secteur public, le secteur privé et les institutions de recherche. Je parle là des universités, des instituts de recherche, des hôpitaux et du secteur privé.

J'estime que si l'on veut pouvoir affronter la concurrence des autres pays, ces trois éléments doivent absolument se trouver réunis.

Que peut faire le gouvernement fédéral? Sur ce point, on ne peut que redire ce qui a été dit. Il vous faut souscrire à cette vision de l'avenir et à l'idée qu'en l'an 2010, dans les secteurs à forte composante technologique, le Canada se situera parmi les trois ou quatre pays les mieux placés du monde. Passionnez-vous pour cette évolution. J'avais envisagé d'organiser un forum de discussion, à l'heure du petit déjeuner peut-être, où, chaque mois, l'on inviterait des députés pour leur parler des choses passionnantes qui se passent au Canada dans le domaine des sciences, de la découverte et du lancement de nouvelles entreprises qui, on peut le dire, sont en train de transformer la manière de penser de tous ceux qui travaillent dans nos centres canadiens.

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Je crois à la valeur des modèles. Eh bien, ce qui se passe actuellement au Canada, c'est ce que j'appelle le modèle Hewlett-Packard. C'est l'idée de «Ah bon, c'est comme ça qu'on s'y prend» où un chercheur sérieux fait une découverte qu'il parvient à conjuguer avec les capitaux nécessaires afin de créer une entreprise, voyant, tout d'un coup, son avenir prendre une sorte d'envol.

Les autres personnes travaillant dans la même institution, disent alors, mais je le connais bien, Aaron Fenster; je travaille avec lui depuis des années. Et maintenant il a sa propre compagnie, 36 employés et vend dans le monde entier. Il se passionne pour son avenir et les étudiants viennent de partout pour étudier auprès de lui. Je ne suis pas plus bête qu'Aaron. Pourquoi pas moi? S'il peut le faire, je le peux aussi. C'est ça que je veux dire par des moments de «Ah bon, c'est comme ça qu'on s'y prend».

Au début, la croissance n'est pas exponentielle. Prenez le cas de Newbridge, qui est le meilleur exemple que nous puissions citer. Il faut garder cet exemple à l'esprit et se dire que cela peut se faire partout au Canada. Dans un premier temps, la progression est arithmétique, puis elle devient exponentielle.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

Nous passons maintenant la parole à la société CrossKeys Systems. Monsieur Linton.

M. Linton: Merci. Je veux vous remercier également de m'avoir, dans votre présentation, associé à Newbridge.

En préparant mon intervention, j'ai tenté de réfléchir à ce qui avait fait la réussite de CrossKeys. Qu'est-ce qui a fait de nous un exemple que le comité aimerait voir se reproduire? Ainsi que l'a dit M. Albinson, au début, nous étions affiliés à Newbridge. Les choses que Chris vous a dites sur les aspects administratifs et financiers, sur notre capacité de nous concentrer sur ce que nous voulions bâtir, étaient parfaitement exactes, comme l'est aussi le fait que nous ayons eu l'occasion de prendre pied sur le marché. Je parlerai un peu plus tard du créneau sur lequel nous avons voulu prendre place.

Je crois qu'il faut aussi, en parlant d'affiliation, citer notre relation avec l'entreprise d'à-côté. Nous pouvons nous tourner vers ceux qui ont bâti Newbridge, des gens qui ont oeuvré ensemble, si on a besoin de technologies, des équipes qui ont créé ces technologies, si c'est une question de capitaux, d'accès aux méthodes utilisées pour les réunir. Il y a une perspective mondiale et l'idée que le succès se mesure à l'aune de la croissance et des réussites auquel Newbridge est parvenu.

Pour nous, le succès, tel que nous l'envisageons dans notre plan de développement, est une croissance annuelle d'au moins 50 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Voilà autant d'éléments qui me semblent avoir poussé notre compagnie sur les voies de la réussite depuis sa création il y a trois ans et demi.

J'ai interrogé les gens qui travaillent chez nous pour voir un peu si l'on pouvait analyser la manière dont tout cela s'était passé. Quelle aide avons-nous obtenu du gouvernement et à quoi devons-nous notre réussite?

Une des choses dont nous avons pris conscience, c'est le fait que le marché est un marché mondial. Il existe un marché mondial des télécommunications, ainsi que je l'indique dans certaines de mes diapositives, et c'est un marché extrêmement concentré où, avant l'accroissement de la concurrence, environ 70 compagnies dominaient le marché et comptaient pour 95 p. 100 du chiffre d'affaires global.

Depuis, avec le renforcement de la concurrence, nous avons constaté que ces acteurs clés cherchent maintenant de nouveaux fournisseurs, tels que Newbridge, pour leurs guichets automatiques et les applications les plus pointues. Ils cherchent également des fournisseurs de logiciel, ce qu'on ne voyait jamais auparavant. Ils cherchent des entreprises produisant des logiciels leur permettant de gérer les réseaux qu'ils ont construits, à l'aide des applications les plus pointues.

Ils cherchent également des logiciels leur permettant de s'adapter aux besoins de chaque client. Que puis-je faire pour vous, afin de vous avoir et de vous garder comme client? Voilà le domaine propre d'une entreprise comme CrossKeys. Nous cherchons les moyens de produire les meilleures applications logicielles afin de les offrir sur le marché mondial aux grandes entreprises traditionnelles qui en avaient jusque-là le monopole, ainsi qu'aux entreprises émergentes, l'idée étant de permettre à ces entreprises d'assurer à leur clientèle les services qu'elle leur demande.

Comme je le disais tout à l'heure, ces tendances du marché ont affecté... Comme vous le savez sans doute, les compagnies de téléphone concurrencent maintenant les fournisseurs de services dans le domaine des communications sans fil, les câblodistributeurs. Voilà la tendance et l'on voit maintenant les grandes entreprises de service public entrer en lice.

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Nous avons maintenant 120 clients, dont 18 parmi les 40 principales compagnies de téléphone. Nous avons vendu nos produits dans 30 pays. Nous avons pu faire tout cela à partir de notre produit de base, que nous avons construit en couveuse et commercialisé par l'intermédiaire de Newbridge.

C'est ce qui nous a permis de prévoir un chiffre d'affaires d'environ 25 millions de dollars pour notre troisième année. Nous commençons à rencontrer le genre de problèmes où le gouvernement pourrait nous aider.

Nous ressentons encore le besoin d'employés spécialisés. Nous sommes pour l'instant 175 dans notre compagnie, et nous commençons à éprouver les difficultés de recrutement que la plupart des compagnies ressentent après avoir atteint le seuil des 50 employés.

Nous nous adressons aux universités, qui ne sont que quatre, peut-être cinq, à pouvoir nous fournir des diplômés en science et en génie informatiques. Nous estimons que ces diplômés ont les connaissances nécessaires pour développer les logiciels utilisés dans le domaine des télécommunications.

Je me demande si votre comité ne pourrait pas pousser à multiplier les programmes actuellement offerts à l'Université de Waterloo, à l'université Carleton, à la Technical University de la Nouvelle-Écosse, à l'Université de Victoria, ainsi qu'à l'Université Memorial. Ces établissements ont su créer des programmes d'enseignement conjoints dans le domaine des logiciels, pas les logiciels disons classiques, mais ceux dont ont besoin les compagnies de téléphone.

En matière de capitaux, nous avons pu obtenir de Newbridge de quoi démarrer, puis nous sommes assez bien parvenus à fonctionner avec nos fonds propres.

Aujourd'hui, nous voulons accroître considérablement notre rythme de développement, même si celui-ci est déjà rapide. Nous voulons donc faire, si vous voulez, un deuxième tour de table. Nous ne voulons pas encore émettre d'actions, mais nous ne voulons pas non plus nous abandonner à des sociétés de capital-risque qui, en échange de l'argent qu'elles nous prêteraient, entendraient nous dicter notre conduite.

Nous demandons donc au comité de se pencher sur la question de savoir comment l'on pourrait trouver les moyens de financer les entreprises, en leur donnant accès aux capitaux, sans qu'elles aient pour cela à émettre des actions, sans cesser d'être des corporations privées dont le contrôle est canadien, et sans tomber dans cette zone hybride où elles sont tenues de déclarer des opérations dont elles n'ont en fait pas eu l'initiative.

Nous nous sommes aperçus qu'il fallait verser à des conseillers juridiques des sommes considérables pour être en mesure de continuer à bénéficier de ce statut fiscal. Les problèmes d'accès aux capitaux, et des règles régissant ce domaine nous ont, au cours des six derniers mois, beaucoup compliqué l'existence.

Songez maintenant à l'accès aux marchés. C'était vraiment une excellente chose que de pouvoir présenter nos premiers produits par l'intermédiaire de Newbridge et d'avoir la possibilité de mettre en marché des produits bénéficiant un peu de l'image de marque de cette compagnie. Depuis, nous avons pris de l'ampleur et nous avons diversifié notre production et nous ne pouvons pas demander à nos autres partenaires de nous ouvrir la voie comme Newbridge l'avait fait.

Il faut maintenant asseoir notre crédibilité en installant un siège social et en bénéficiant des contacts que l'on peut se faire par l'intermédiaire des délégations commerciales et des grands salons professionnels.

Étant donné la déréglementation et la différence de rythme auxquelles les changements interviennent dans les divers pays, nous aimerions que dans ces pays, l'ambassade du Canada continue à nous informer des changements qui se produisent et des occasions que cela peut créer.

Prenons le cas d'une base de données déjà constituée. CrossKeys est une société de logiciel spécialisée dans le domaine des télécommunications. La déréglementation, la concurrence et divers autres facteurs offrent de nouvelles occasions. C'est pourquoi l'information nous est tellement utile.

Nous ne pouvons pas nous tenir au courant des changements qui doivent intervenir en Allemagne en 1998. Cela vaut également pour les États-Unis et la Thaïlande. Il est extrêmement difficile de se tenir au courant des changements qui doivent intervenir dans la réglementation de ces autres pays. Ce genre de renseignements nous seraient très utiles.

Puis, il y a les missions commerciales. Nous serons de la prochaine mission de ce genre, à laquelle participera d'ailleurs le premier ministre. Nous y voyons d'excellentes initiatives. En l'absence d'un marché intérieur, où vous avez l'occasion d'effectuer de véritables démonstrations de vos produits, il est très utile d'avoir l'appui de votre gouvernement pour mettre vos produits en marché.

Prenez les programmes sectoriels. Je ne demande pas une aide financière importante, mais j'estime que dans la répartition des crédits dont ils disposent, les programmes sectoriels devraient prévoir des groupements de compagnies, qui seraient ainsi obligées de travailler de concert pour obtenir ces aides et contribuer aux objectifs retenus par le gouvernement. Voilà un excellent moyen d'accroître au Canada la collaboration interentreprises.

Nous participons actuellement à l'un de ces programmes - dans le passé, nous avons participé à deux autres - et, sans ce programme sectoriel, qui nous a en fait obligés à travailler ensemble pour élaborer une solution complète susceptible de nous procurer une aide du gouvernement, nous n'aurions pas pu aboutir, car nous n'aurions pas bénéficier de l'effort de nos partenaires et fournisseurs éventuels au Canada. Cet avantage dérivé, qui consiste à devoir travailler ensemble, est presque aussi important que l'argent que cela nous procure.

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Il y a certaines choses que nous aimerions voir continuer. Il y a, par exemple, l'exemption pour gains en capital prévue pour les corporations privées dont le contrôle est canadien. Cela est un excellent avantage accordé à ceux qui investissent très tôt, puisque les investisseurs privés, devenus actionnaires, voient leur participation augmenter en valeur au fur et à mesure que la compagnie se développe.

Peut-être pourrait-on également se pencher sur la situation des bailleurs de fonds, sur la question de savoir si l'on ne pourrait pas élargir l'exemption pour gains en capital afin de l'appliquer non seulement à leur premier investissement et aux premiers 400 000 $ de gains en capital, mais prévoir aussi une telle exemption pour certains autres investissements qu'ils effectuent, puisque cela permettrait aux jeunes qui ont des idées et qui sont capables de les réaliser, mais qui ont pour cela besoin d'argent, d'aller trouver les personnes qui possèdent, justement, ce capital patient, ceux qui ont, précisément, de l'argent à investir. Il serait bon, estimons-nous, de pouvoir offrir à ces investisseurs en puissance non seulement la promesse d'un rendement raisonnable sur leurs investissements, mais également une exemption pour gains en capital.

Puis, en ce qui concerne ces couveuses d'idées dans les universités, bien que le mouvement soit déjà amorcé, nous constatons que d'autres intervenants ont demandé que des groupes d'experts s'attachent à trouver les moyens de multiplier les passerelles entre les entreprises et les universités. Cela serait très utile, puisque, en tant que compagnie, nous ne pouvons pas affecter 200 personnes à un problème donné, et nous n'avons ni les contacts nécessaires pour savoir quels sont les établissements engagés dans tel ou tel domaine de recherche, ni les moyens d'accéder à ces informations.

Parfois, nous avons essayé d'agir en ce sens, mais nous n'avons pas eu de succès, pour la simple raison que la périodicité des cycles, et l'incertitude quant à la question de savoir si nous étions sur la bonne voie, nous ont convaincus que nous ne devrions peut-être pas y consacrer les minces ressources de notre compagnie. Il serait excellent, non seulement d'avoir accès à ces couveuses d'idées, mais également de mettre en place des voies de traverse les reliant à notre compagnie.

Les programmes de génie et de science informatiques - je sais qu'il en a été question - ont eux aussi subi des coupures budgétaires. Nous comptons très largement, à plus de 80 p. 100, sur les diplômés en génie et en science informatiques. Étant donné la complexité technique des problèmes que nous tentons actuellement de résoudre, je crois que cette proportion est appelée à se maintenir.

Il y a aussi les crédits d'impôt pour la recherche scientifique. Je crois savoir que, par le passé, certaines entreprises de logiciel en ont abusé, qu'il y a eu des histoires avec les logiciels destinés à certains secteurs. Les crédits d'impôt pour la recherche scientifique revêtent pour nous une importance cruciale lorsqu'il nous faut décider de ce que nous pouvons nous permettre en matière de recherche et développement, et il faut que ces crédits soient maintenus, que tous les logiciels ne soient pas logés à la même enseigne et que les entreprises qui effectuent de vraies recherches leur permettant de déboucher sur de nouveaux types de logiciels, ne soient pas être mises dans le même sac que celles qui ne font pas vraiment de recherches valables.

Nous voudrions que les personnes responsables des crédits d'impôt pour la recherche scientifique se penchent de nouveau avec attention sur le cas des logiciels, afin de voir s'il ne serait pas possible de simplifier les formalités auxquelles sont tenues les petites et moyennes entreprises de logiciel qui doivent justifier des travaux qu'elles ont effectués pour pouvoir bénéficier de ces crédits d'impôt. Ces dernières années, les formalités sont devenues considérablement plus difficiles à remplir.

Permettez-moi, pour conclure, de dire que nous nous présentons devant vous en tant qu'entreprise qui a réussi. Il me semble qu'il y a actuellement beaucoup de bonnes choses qui se font, sans cela nous n'aurions pas pu réussir au Canada avec notre entreprise tournée vers le marché mondial.

Les universités produisent d'excellents diplômés. Dans les établissements d'enseignement dont nous sollicitons les diplômés, notre plus grand concurrent est Microsoft. Cela veut sans doute dire que la formation y est excellente et qu'elle produit des diplômés capables de créer les meilleurs logiciels.

Nous restons en contact avec Industrie Canada. Ils sont très bons pour repérer ce qui serait susceptible de nous intéresser, les renseignements pouvant nous être transmis et les rapports qui pourraient nous intéresser.

Nous avons également des contacts réguliers avec Douanes et Accise qui, je crois, ne comprennent pas toujours très bien ce qu'est un logiciel. Ils préfèrent démonter un ordinateur, par exemple, pour voir s'il contient un logiciel. Nous voudrions que l'on trouve le moyen de n'examiner que le logiciel, étant donné que celui-ci peut être transporté de bien des manières.

Il faut former les gens afin qu'ils comprennent bien ce qu'est un logiciel. Cela est important lorsque le produit franchit une frontière et qu'il faut lui attribuer une valeur marchande. Le support lui-même ne vaut peut-être que 35 $, mais le contenu vaut sans doute beaucoup plus. Il serait bon d'examiner la manière dont les Douanes traitent les logiciels qui franchissent la frontière, ce qu'elles voudraient que le fabricant du logiciel leur fournisse afin de leur permettre d'établir la valeur du produit en question. Cela nous serait utile.

Voilà ce que je tenais à vous dire des sujets qui intéressent particulièrement CrossKeys et qui, pour nous, sont peut-être plus intéressants que véritablement utiles. Nous avons réussi et je crois que ce succès est appelé à durer. J'espère que certaines des questions que j'ai évoquées pourront être réglées.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci. Nous allons maintenant passer la parole àM. Jenkins d'Aérocapital-Logisoft-Infosoft.

Je vous remercie de votre patience.

.1140

[Français]

M. Jenkins: Membres du comité, au nom de mes associés, MM. Bernard Hamel et John Simons, je vous remercie de nous avoir invités à exprimer notre point de vue dans le cadre de cette table ronde sur l'examen des sciences et de la technologie et le déficit d'innovation au Canada.

Je n'ai pas l'intention ni la prétention de résumer dans les quelques minutes qui vont suivre tous les enjeux relatifs au déficit d'innovation canadien. Je me contenterai donc de me concentrer sur quelques enjeux qui nous semblent cruciaux à court terme, le tout dans une perspective opérationnelle découlant de notre expérience pratique avec nos compagnies en portefeuille. Je serai enchanté d'approfondir mes observations au moment de la période de questions et de discussion.

Permettez-moi d'abord de présenter notre groupe.

[Traduction]

Aérocapital, Logisoft et Infosoft sont trois fonds de capital-risque, d'un total de 30 millions de dollars, gérés par trois commandités. Nous agissons dans le cadre d'une société en commandite, comme tous les autres fonds privés de capital-risque au Canada et aux États-Unis. Cela veut dire que notre objectif est d'assurer à nos commanditaires, ou, si vous voulez, nos actionnaires, des rendements financiers élevés.

Cela se fait par le lancement de nouvelles entreprises ou le développement d'entreprises émergentes. Il s'agit d'entreprises à fort contenu technologique, intervenant dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'information ou des multimédias. Nous ciblons des compagnies possédant des technologies, un savoir-faire ou des brevets ayant quelque chose d'unique.

Par compagnies émergentes, nous voulons dire ceci. Il s'agit de compagnies intervenant sur les nouveaux marchés mondiaux, auprès d'une clientèle limitée, et offrant à celle-ci des produits qui ont quelque chose de spécial. Disons, au plan interne, que ces compagnies ne possèdent que des stratégies commerciales incomplètes, si tant est qu'elles en aient une. Leur direction manque d'expérience, elle a besoin d'être étoffée, ce qui est également vrai de leurs systèmes d'information et de leurs systèmes de comptabilité.

[Français]

Avec une telle description, d'aucuns pourront qualifier cette activité de missionnariat et ils auront raison en grande partie. Mais rassurez-vous: après quatre ans d'activités dans ce domaine, mes partenaires et moi avons développé des tactiques qui nous permettent de dormir malgré les cataclysmes qui guettent ce genre d'entreprise à chaque jour.

Je reviendrai un peu plus tard sur les caractéristiques des compagnies que nous ciblons, car elles sont primordiales dans le contexte de l'examen qui est fait ici aujourd'hui.

Auparavant, j'aimerais m'attarder quelques instants sur la progression de notre groupe au cours des dernières années. Depuis les quatre dernières années, nous avons investi dans 13 compagnies et trois autres viendront s'ajouter d'ici la fin de 1996.

Nous sommes en expansion rapide aussi au niveau de la capitalisation de nos fonds sous gestion. En effet, Aérocapital a été créé en novembre 1992 après deux ans d'efforts pour réunir le capital nécessaire à son démarrage, soit 10 millions de dollars, et avec comme unique actionnaire le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec.

À cette époque, le Fonds a été la seule institution financière à croire à notre concept d'investissement dans les entreprises technologiques en émergence, et vous me pardonnerez de profiter de cette plate-forme pour saluer leur agressivité et leur sens de l'anticipation. Quelqu'un se souciait déjà, il y a quatre ans, du déficit technologique canadien.

En décembre 1995, il y a près d'un an, Logisoft voyait le jour avec un capital initial de 10 millions de dollars avec comme actionnaire, outre le Fonds, France Télécom et Télésystème National par le biais de Telsoft, un fonds de capital de risque technologique du groupe de Charles Sirois.

Finalement, en juin dernier, Infosoft voyait le jour avec encore le Fonds comme actionnaire qui, en plus d'agir à titre de lead investor, appuie financièrement le processus de mise en place jusqu'à ce que d'autres actionnaires privés se joignent à nous.

Sur la base de nos discussions en cours, nous prévoyons intéresser d'autres groupes privés à se joindre à Infosoft avec un capital additionnel de 10 millions de dollars d'ici quelques mois. En proportion, le Fonds aura donc investi 100 p. 100 du capital d'Aérocapital, 70 p. 100 de celui de Logisoft et 50 p. 100 de celui d'Infosoft, jouant ainsi un rôle majeur dans la création d'outils d'investissement correspondant à un besoin réel et de plus en plus pressant dans l'économie québécoise et canadienne.

[Traduction]

Est-ce à dire que les entreprises de technologie ne manqueraient pas de capital-risque et que le problème, ce serait le manque de projets valables? Nous entendons constamment dire cela. D'après les derniers rapports, il y avait, en 1995 au Canada, un total de 6 milliards de dollars de capital-risque, y compris 3,7 milliards de dollars au Québec, soit 45 p. 100 du total canadien. Sur ces six milliards de dollars, presque 4 milliards de dollars ont déjà été investis. Cela laisse plus de deux milliards de dollars à investir, y compris 800 millions au Québec. Au Québec, en 1995, il y a eu au total 236 investissements, pour un montant de 258 millions de dollars, ce qui veut dire que le Québec a été en cela, la région la plus dynamique du Canada.

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Au Canada, les nouvelles technologies ont bénéficié d'une augmentation des investissements plus forte que les secteurs d'activité traditionnels. Effectivement, les secteurs de la technologie ont reçu deux fois plus d'investissements que les secteurs traditionnels. On constate, pour 1995, 241 millions de dollars investis dans les secteurs traditionnels et presque le double, soit 429 millions de dollars, dans la technologie. Ces 429 millions de dollars se répartissent de la manière suivante: 102 millions de dollars consacrés aux technologies de l'information; 143 millions de dollars au secteur de l'électronique et des communications; 129 millions de dollars au secteur de la santé et des biotechnologies; et, enfin, 55 millions de dollars investis dans les autres secteurs.

En réalité, du moins selon nous, une très faible partie de ces capitaux a été investie dans les compagnies émergentes du secteur des hautes technologies. Nous tentons constamment de trouver des coinvestisseurs acceptant de partager les risques de ces types d'investissements. Croyez-moi, cela n'a rien d'évident. Étant donné la situation que j'ai décrite il y a quelques instants, qui voudrait, en effet, prendre le risque d'investir de grosses sommes dans ce genre d'entreprises.

[Français]

Pourtant, il nous semble évident que quelque chose doit être fait dans cette activité qui assurera la prospérité économique du Canada au tournant du siècle. Après tout, ce sont les compagnies que nous aidons à démarrer aujourd'hui qui deviendront, du moins le souhaitons-nous, les leaders de demain.

Que peut faire le gouvernement dans ce contexte? Plusieurs choses, en fait, la dernière de toutes étant de distribuer des subventions. Je veux revenir maintenant sur les caractéristiques des compagnies émergentes que j'ai énoncées il y a quelques instants.

Avec un tel profil, ces compagnies ont un grand besoin d'argent, certes, mais elles requièrent en même temps une assistance dans toutes les facettes de la gestion pour leur permettre un développement accéléré essentiel dans l'environnement mondial hautement concurrentiel auquel elles font face. C'est le concept du smart money qui a été abordé ici dans les présentations de ceux qui m'ont précédé. Seuls les professionnels de l'investissement et de la gestion peuvent l'apporter. La contribution du Fonds de solidarité à la création d'entités telles que la nôtre a été déterminante, et je n'oserais pas dire qu'elle devrait s'intensifier car je serais accusé de manquer d'objectivité.

Je me ferai l'avocat du maintien et de la création d'incitatifs gouvernementaux permettant d'attirer de la part du grand public du capital dédié aux compagnies émergentes en technologie.

Permettez-moi aussi d'attirer votre attention sur un exemple d'intervention gouvernementale structurante qui s'avère un franc succès au Québec et que nous appuyons sans réserve. Il s'agit de la société Innovatech du Grand Montréal. Organisme parapublic créé par l'Assemblée nationale du Québec en 1992 pour promouvoir l'innovation technologique, Innovatech a été dotée d'un budget de 300 millions de dollars répartis sur un horizon courant jusqu'à l'an 2000. Elle a effectué son premier investissement en janvier 1993 et n'a pas cessé d'intervenir pour le développement économique du Grand Montréal depuis.

En moins de quatre ans, la société a complété 144 investissements et engagé, ce faisant, 160 millions de dollars. Ces investissements ont toujours pour but d'accroître la capacité d'innovation des entreprises et de contribuer ainsi à la compétitivité et à la croissance économique de la métropole et du Québec en général. Plus encore, ces investissements ont pour particularité de mettre en présence tous les ingrédients et éléments utiles pour créer un effet de synergie, d'être toujours effectués en partenariat avec d'autres groupes financiers, de ne jamais impliquer une prise de participation majoritaire - en fait, on parle en moyenne de 20 p. 100 du capital souscrit - , d'être le fruit d'un processus de prise de décision rapide s'apparentant à celui d'institution comme la nôtre; et d'être approuvés par un conseil d'administration constitué de gens d'affaires du milieu de la haute technologie.

Un autre facteur déterminant dans le succès de nos compagnies émergentes en technologie est le programme de crédits d'impôts à la recherche et au développement. Encore ici, nous sommes extrêmement favorables au maintien et même à l'intensification de ces incitatifs vitaux pour nos compagnies émergentes. Afin de stimuler l'investissement dans ces entreprises, ces incitatifs pourraient être bonifiés lors d'un investissement privé par des professionnels du capital de risque, ce qui aurait comme double conséquence de stimuler l'investissement dans un secteur vital, à notre sens sous-développé, et d'améliorer le contrôle et, partant, la rentabilité des sommes ainsi consenties par le gouvernement. À cet effet, le modèle américain du Small Business Investment Company ou SBIC mériterait d'être examiné étroitement par les autorités gouvernementales.

.1150

[Traduction]

Je voudrais, enfin, vous parler de deux questions qui vont au-delà de l'aspect proprement financier, et évoquer les conséquences dramatiques pour nos entreprises de technologie. La première question touche au réservoir de personnes ayant subi une formation très spécialisée dans diverses disciplines scientifiques, et la seconde a trait au statut social des entrepreneurs au Canada.

Beaucoup de gens continuent à penser que la science est un domaine trop difficile et qu'il n'accueille en fait que les plus intelligents ou les plus travailleurs. Grâce à la télévision, les enfants étudient aux pieds d'athlètes professionnels ou d'étoiles de la chanson qui mènent grande vie avec leurs salaires fabuleux. S'il est vrai que la science ne permet pas de gagner autant que le monde du spectacle, elle offre tout de même des salaires supérieurs aux autres disciplines universitaires.

Les jeunes diplômés les mieux payés sont les médecins, les ingénieurs, les mathématiciens, les informaticiens et les spécialistes des sciences physiques. Pourtant, malgré les excellentes perspectives d'emploi et de rémunération, on constate une baisse de la proportion de diplômés en sciences et en génie. Cela constitue un véritable problème pour nos compagnies de technologie car, comme vous le savez, les ressources humaines sont la matière première qui seule nous permet de faire face à la concurrence internationale et d'édifier une économie puissante.

Nos grands entrepreneurs par contre, ne reçoivent pas autant d'attention que leurs homologues américains. Cette relative obscurité entraîne une double conséquence.

D'abord, le rendement des actions canadiennes dans le domaine de la technologie nous montre que le public canadien connaît mal la situation. Il faut faire quelque chose pour assurer une meilleure croissance du marché canadien des valeurs mobilières. Nous ne pouvons plus nous permettre de voir nos entreprises-phare être obligées de se faire coter au NASDAQ pour que l'actionnaire reconnaisse leur valeur.

Deuxièmement, de manière générale, les fonds de pension canadiens n'investissent pas autant que leurs homologues américains dans le secteur des hautes technologies. Il fut un temps où le gestionnaire d'un fonds de pension n'avait, hormis des investissements directs, presque aucun moyen d'investir dans le secteur, les investissements directs ne représentant pas une solution pratique pour des fonds d'une telle importance. Mais la situation a évolué, et, selon les statistiques disponibles, les sociétés canadiennes de capital-risque ont évolué et les gestionnaires de fonds de pension sont davantage en mesure d'investir dans le secteur des hautes technologies.

Je tiens, pour conclure, à recommander que les sociétés de capital-risque, le gouvernement et les gestionnaires de fonds de pension se concertent et fassent en sorte que les capitaux disponibles puissent être utilisés de manière efficace pour favoriser la création et le développement des compagnies canadiennes émergentes dans le secteur des hautes technologies.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer aux questions et je passe d'abord la parole à M. Ménard.

[Français]

M. Ménard: Je m'excuse parce que je devrai quitter à 12 heures. Je dois retourner dans Hochelaga - Maisonneuve où il y a une clinique de l'emploi.

Deux choses semblent ressortir très clairement des différents exposés qui nous ont été présentés ce matin. La première, c'est qu'il y a sans aucun doute un manque de liquidités. Je ne sais pas si j'ai bien compris le message, mais ce n'est pas à n'importe quel manque de liquidités qu'on nous a sensibilisés ce matin. C'est surtout pour les entreprises émergentes, qui n'ont pas une ou deux années d'existence, pour lesquelles il est difficile de présenter un état financier et qui ne résisteraient pas au test de la longévité tel que les banques l'entendent.

Vous sonnez l'alarme et vous dites qu'il faut réussir à mettre du capital à leur disposition, mais sans que ça prenne nécessairement la forme d'une subvention traditionnelle. Je comprends bien que les quatre partis à la Chambre, autant le Parti réformiste, le Bloc québécois et le NPD que la majorité ministérielle, sont unanimes à dire que le temps du financement de subventions traditionnelles est révolu. Il serait intéressant que vous puissiez préciser votre pensée davantage. Il me semble que c'est un message qui devrait être entendu.

.1155

La grande surprise de ce matin, c'est qu'il n'y en a pas un parmi vous qui a mentionné le programme Partenariat technologique Canada. Cela m'inquiète, car vous savez qu'au-delà de toute partisanerie, le gouvernement a tenté de mettre une certaine cohérence dans la politique de sciences et technologie parce qu'il n'en existait pas véritablement dans le passé. Le gouvernement a déposé un livre de consultation et il a tenté de mettre sur pied un programme de 250 millions de dollars, qui s'est appelé Partenariat technologique Canada et qui visait un certain nombre de secteurs d'intervention, dont les nouvelles technologies de la communication et de l'environnement. Il est même censé avoir de l'aide pour un dossier qui me préoccupe beaucoup en tant que Montréalais, celui de la reconversion des industries militaires à des fins civiles.

Ce programme n'est pas censé être un programme de subventions traditionnelles, mais plutôt un programme d'aide sous forme de redevances remboursables. L'exemple le plus immédiat, le plus en lien avec l'actualité, c'est certainement l'intervention qui a été faite à Montréal avec 86 millions de dollars pour Canadair.

Quelle est l'évaluation que vous faites de Partenariat technologique Canada, si tant est que vous avez pu prendre connaissance du programme? Est-ce qu'il y a là matière à une quelconque forme d'aide? Pensez-vous que c'est un bon point de départ? Pour le cas où il faudrait le bonifier, qu'est-ce que vous souhaiteriez dire au comité? Croyez-vous que nous devrions, nous, formuler une recommandation très précise, très pointue, qui serait la mise sur pied d'un fonds spécifiquement destiné aux nouvelles entreprises émergentes qui ont peut-être moins de deux ans d'existence?

[Traduction]

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Albinson.

M. Albinson: Je suis heureux de vous voir poser la question. Je crois que plusieurs membres du comité ont fait rapidement allusion au programme Partenariat technologique.

Je peux vous dire que lorsque Newbridge a débuté il y a dix ans, il a pu bénéficier du programme PMDS. Le gouvernement nous a avancé une partie des fonds nécessaires à la recherche, fonds que, l'année dernière, Newbridge avait fini de rembourser intégralement. Ces fonds ont permis à Newbridge d'atteindre la position qui est actuellement la sienne. Je crois savoir que Tundra et CrossKeys ont, dans le cadre de leurs projets de développement, déposé des dossiers auprès du programme de partenariat technologique.

Il s'agit d'un très important programme de partage des risques. Mais il ne s'agit pas de subventions. L'argent doit être utilisé avec sagesse puisqu'il doit servir de nouveau. Il est très important de comprendre cela. C'est, à mon avis, un excellent programme.

Je voudrais également dire quelque chose du programme de partenariat technologique. Il s'agit d'un programme de grande envergure et les décisions sont prises plus lentement qu'il conviendrait, s'agissant du moins de petites entreprises. Les petites entreprises ont du mal à attendre huit, neuf ou 12 mois pour savoir si leur dossier a été agréé.

Je le compare à un programme tel que le programme CANARIE qui dispose de moins d'argent, mais qui réagit plus vite et qui intervient très efficacement dans le secteur des hautes technologies.

Je ne suis pas en mesure de parler des sciences médicales.

[Français]

M. Ménard: Est-ce que l'on comprend bien que le programme Partenariat technologique Canada a été annoncé en avril l'an dernier? Est-ce que vous avez des inquiétudes concernant le traitement des dossiers? À ma connaissance, le ministre devait établir un comité qui serait chargé d'analyser les dossiers, mais ce n'est pas encore fait. Craignez-vous qu'ultimement, Partenariat technologique Canada traite le dossier avec une lenteur qui n'est pas compatible avec vos besoins sur le terrain?

[Traduction]

M. Albinson: Je crois que tout nouveau programme éprouve quelques difficultés au départ, et je veux donc accorder au ministère le bénéfice du doute, puisqu'il s'agit sûrement de difficultés passagères. Mais il est clair que, et cela vaut surtout pour les petites entreprises, ce programme réagit plus lentement que nous ne l'avions espéré. Les technologies évoluent tellement vite que, si vous déposez un dossier et qu'on ne vous répond pas avant huit ou 12 mois, lorsque vous recevrez la réponse, en ce qui concerne la technologie en question, la demande aura déjà commencé à disparaître. Donc, il va peut-être falloir accélérer les choses.

Peut-être que, pour les petites et moyennes entreprises, le programme CANARIE est mieux adapté que le programme de partenariat technologique. Il faut parvenir à un équilibre.

.1200

M. Stiller: Je suis heureux que vous m'ayez posé la question.

Le programme de partenariat technologique innove en ce domaine, mais il s'accompagne d'une petite restriction puisque les fonds doivent être affectés à des universités. Si on le modifiait légèrement en prévoyant que les investissements à participation égale - si les fonds pouvaient être également affectés à des entreprises dans lesquelles les universités ont une participation, on encouragerait la commercialisation, ce qui faciliterait les lancements d'entreprises.

Je n'ai rien d'autre à dire sur cela, si ce n'est que l'objectif est bon et que, tout de même, le programme n'en est qu'à ses débuts.

M. Ackman: J'aurais une observation à faire sur ce point. Le programme de partenariat technologique a eu beaucoup de succès à Queen's. Nous avons reçu l'agrément pour deux de nos dossiers, deux autres, je crois, sont à l'examen, et c'est un fait que dans chacun de ces cas, l'université a effectivement une participation dans les compagnies en question. Cela a donc été un très bon moyen de lancer ces entreprises et cela nous a très fortement encouragés à soumettre des dossiers, non seulement au nom de l'université, mais également au nom de la jeune compagnie.

[Français]

M. Ménard: J'ai pris en note deux suggestions faites par PARTEQ sur lesquelles je souhaiterais avoir un petit peu plus d'information. On nous dit qu'il serait intéressant d'avoir des prêts basés sur le savoir. Je ne sais pas si vous avez une proposition précise qui pourrait figurer dans le rapport ultime que nous pourrions déposer.

Vous avez également mentionné quelque chose qui intéresserait sans doute le comité, mais je crois que vous n'êtes pas allé au fond de votre pensée quand vous avez parlé de la nécessité de subventions sur une base concurrentielle. Alors, qu'est-ce que vous aviez présent à l'esprit en faisant ces deux énoncés?

[Traduction]

M. Ackman: Je répondrai d'abord à la première question, qui porte sur les moyens de favoriser les prêts aux entreprises de technologie.

Au départ, l'université s'adresse généralement, pour financer une entreprise débutante, aux banques et aux sociétés de capital-risque. Les banques font un réel effort, mais elles sont tellement - je ne veux pas dire embourbées - installées dans l'habitude de prêter à des compagnies qui disposent déjà de biens, qu'il est très difficile d'obtenir qu'elles attribuent une valeur à un brevet et je crois que c'est là un des problèmes essentiels dans ce domaine. Lorsque vous tentez de chiffrer la valeur ou la valeur nette réalisable d'un élément de propriété intellectuel constitué de 10 à 30 feuilles de papier, plus la valeur qui peut s'y être ajoutée, il est très difficile de s'entendre sur une méthode uniforme et reconnue.

En général, lorsqu'on nous demande d'attribuer une valeur aux compagnies que nous lançons, la valeur comptable que nous leur attribuons ne repose sur rien de concret. La valeur nette actuelle, ou la valeur nette actualisée sont, elles aussi, deux méthodes extrêmement incertaines étant donné la disparité des chiffres retenus, et je ne parle même pas de l'incertitude des prévisions qui sont faites purement pour la forme.

J'imagine qu'il y aurait d'autres manières de procéder, mais la seule manière qui nous ait permis d'attribuer une certaine valeur - et, en disant cela... La manière retenue par l'Université Queen's pourrait peut-être permettre à d'autres institutions de prêt de comprendre les difficultés. Elles ont recours à toutes les méthodes traditionnelles - valeur nette actualisée, valeur comptable - et puis cela dépend, disons, de la confiance que l'on peut faire à l'équipe d'entrepreneurs en cause. Les établissements de prêt doivent, en fin de compte, accepter que, si le projet n'aboutit à rien, il ne leur restera qu'une participation dans la propriété intellectuelle qu'on voulait exploiter, mais, abstraction faite de l'équipe réunie et de son savoir-faire, cette valeur n'est peut-être pas très grande.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Ménard, le Dr Aw a quelque chose à dire avant que nous ne partiez.

Dr Aw: Je ne veux pas laisser de côté la deuxième question posée par M. Ménard, mais je voudrais ajouter quelque chose à la réponse du Dr Stiller. Du point de vue d'une jeune compagnie canadienne de biotechnologie, le programme de partenariat technologique a quelque chose de très innovateur. Cela dit, je voudrais proposer que l'on accorde une part plus grande des fonds au secteur des biotechnologies, puisqu'il s'agit là d'un des deux principaux secteurs des technologies émergentes. Me situant du point de vue d'une petite entreprise, je voudrais également voir les dossiers traités plus rapidement. J'estime que les fonds devraient être affectés aux activités du secteur privé car c'est là où l'argent sera utilisé de la manière la plus efficace. Parce que nous n'existons pas depuis très longtemps, on nous demande presque toujours de fournir l'argent initial, alors que cet argent est généralement fourni lorsqu'il s'agit d'une université. Comme l'ont dit à peu près tous les intervenants, pour une compagnie qui démarre, le plus gros problème est généralement financier. Je vous remercie.

.1205

Le vice-président (M. Lastewka): Passons maintenant la parole à monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici. On constate une énergie et une diversité remarquables chez vous qui vous intéressez au domaine des technologies.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je tiens à dire qu'on se sent presque confondu par toute l'information transmise au cours de la dernière heure. Il est difficile d'assimiler tout cela tant les problèmes sont nombreux et complexes.

Permettez-moi d'insister simplement sur une ou deux questions qui s'inscrivent dans la ligne de ce que vient de répondre le Dr Aw et de ce que disait plus tôt le Dr Stiller.

Pour moi, le problème est le suivant. Alors qu'il est essentiel d'assurer la commercialisation des nouvelles idées et la transformation de celles-ci en nouveaux produits qui peuvent être vendus et qui peuvent stimuler notre économie, tout dépend des recherches initiales qui forment vraiment la base de l'édifice. Les deux aspects sont donc nécessaires. L'un sans l'autre ne donne rien. Souvent, c'est la commercialisation de certaines idées qui permet de nouveaux efforts en matière de recherche fondamentale. Il ne s'agit donc pas d'une alternative; tous les éléments doivent être présents en même temps.

Je voudrais m'attacher plus particulièrement à votre plaidoyer en faveur des sciences de la vie, et je crois que c'était un peu le leitmotiv de votre intervention. Quelle devrait être, au Canada, la stratégie adoptée en matière scientifique, c'est-à-dire, où affecter les crédits de recherche et développement, aussi bien au niveau de la commercialisation qu'au niveau de la recherche fondamentale?

Dr Stiller: Ce qu'il faudrait surtout c'est de la cohérence. En ce qui concerne la recherche fondamentale, si l'on veut dire... Dans ce domaine, tout est nuance, et je comprends bien que, de temps à autre, il faille, pour des raisons d'ordre budgétaire, pour le bien de l'économie en général, réduire les crédits disponibles, mais si l'on ne s'engage pas à fond dans la recherche fondamentale, on fera perdre confiance aux jeunes qui, dans les laboratoires, sont ceux qui vont faire les découvertes qui permettront de créer des emplois.

Les partenariats sont fondés sur la confiance, et il s'agit ici, effectivement, d'un partenariat. Il s'agit d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé, le sommet comprenant le Bureau du premier ministre, le ministre de la Science et de la Technologie, le ministre des Finances et les chefs des divers conseils de recherche, tous étant à l'unisson, chacun étant conscient que la science et la technologie - et notre domaine particulier, les sciences de la vie - forment la base essentielle de l'économie canadienne. Il faut donc être cohérent et chercher à harmoniser les mesures en vigueur dans les diverses juridictions canadiennes.

Je n'en ai pas parlé plus tôt - ce n'est pas ici le lieu de le faire - mais notre financement, de haut en bas... Je crois que nous devons consacrer un bon tiers de notre temps simplement à surmonter les obstacles réglementaires, et nous devons nous adresser à des comptables et à des avocats pour nous aider en cela, pour assurer de nouveaux moyens au domaine de la technologie que nous cherchons à financer.

Cela dépend, en fin de compte, de notre vision de l'avenir. L'argent consacré, au Canada, à la recherche et développement, est-il un investissement ou est-il une subvention à la recherche? Si l'on y voyait, en fait, un investissement, je crois que tout le monde commencerait à supprimer les obstacles qui, pris individuellement, ne sont peut-être pas très gros, mais qui, pris dans leur ensemble, pèsent lourdement sur notre action.

.1210

M. Goodfellow: J'ai une observation à faire, le Dr Aw aussi, je crois, mais j'aimerais aborder la question sous un angle un peu différent. Vous avez demandé ce que doit faire le gouvernement du Canada dans les domaines de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée? Conviendrait-il d'adopter une politique, ou une stratégie, et où devrait-on investir?

D'après moi, il ne s'agit pas tellement de savoir d'où vient l'argent, puisque l'argent est là. Les fonds d'origine syndicale se développent énormément. Il y a des compagnies qui vont se développer et lorsque ces compagnies se seront effectivement développées, elles auront les moyens de réinvestir. Les commanditaires d'aujourd'hui sont d'anciens entrepreneurs.

L'important, et je me place là du point de vue des sciences de la vie et des biotechnologies qui en font partie, c'est le climat qu'on instaure ainsi que la cohésion et le caractère novateur de la démarche.

Je veux maintenant poser une question et effectuer un petit sondage. On a vu se tenir, ces derniers jours à Ottawa, une Conférence sur les sciences de la vie. Il s'agit de la principale conférence sur les sciences de la vie organisée au Canada. Combien de députés y ont-ils assisté? Combien de ministres? Il faut savoir agir et non seulement parler. Il n'y avait là que peu de personnes capables de susciter l'enthousiasme et d'infléchir le mouvement.

M. Schmidt: Monsieur le président, combien de parlementaires étaient au courant de cette conférence? C'est bien gentil de nous dire que nous ne sommes pas intéressés, mais comment s'intéresser à quelque chose dont on ne connaît pas l'existence? Ne nous avançons pas trop.

Nous avons entendu un exposé prononcé par des représentants du CRSHC sur le thème «Mais vous, vous ne vous intéressez pas à la recherche en sciences sociales» - c'est parfaitement inexact, et ils ont, justement, institué ce que le Dr Stiller a proposé il y a quelques instants. Ils organisent périodiquement des petits déjeuners où l'on parle de recherche, ce qui est passionnant. C'est formidable. Tenez-nous donc au courant.

M. Goodfellow: La personne qui avait été invitée pour prononcer le discours d'ouverture n'a pas pu venir. Il s'agit pourtant de quelqu'un qui occupe un poste important au sein du cabinet.

M. Schmidt: Je vous prie de ne pas nous mettre tous dans le même sac.

M. Goodfellow: Je regrette, mais il faut bien que quelqu'un fournisse l'impulsion.

J'aimerais également dire que M. Arthur Carty, président du Conseil national de recherches, a prononcé un exposé sur les stratégies adoptées par d'autres pays - l'Allemagne, le Japon, par exemple - et les priorités retenues dans ces pays, et lorsqu'on en est arrivé à la diapositive illustrant la situation au Canada, on a constaté qu'il n'y avait pas de priorités ici. Il a effectivement précisé que celles-ci restaient à fixer. L'observation est juste. Cela reste à faire, mais quand cela va-t-il se produire? Nous allons prendre tellement de retard par rapport au reste du monde, qu'il ne nous restera plus beaucoup de secteurs auxquels consacrer nos efforts.

M. Schmidt: Voilà, précisément, le point sur lequel je voudrais obtenir une réponse. Nous devons savoir exactement dans quels domaines nous devons concentrer nos efforts. Le Dr Aw et le Dr Stiller ont déjà fourni certains éléments de réponse, mais je voudrais être mieux fixé sur ce point. Les gens de Newbridge nous ont déjà fourni pas mal d'éléments, et, en matière de technologie de l'information, nous avançons à grand pas, mais agissons-nous dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt du développement économique? Il faut prendre une décision. Il faut absolument que le gouvernement trouve la bonne orientation. On ne peut pas trop éparpiller nos efforts.

Le vice-président (M. Lastewka): Je tiens à faire remarquer - peut-être aurais-je dû le faire au début de la séance - que, au début de la semaine, lorsque nous avons entamé nos discussions, nous nous sommes réunis avec M. Carty ainsi qu'avec un certain nombre d'autres compagnies et notre but actuellement est de rédiger notre rapport et de parvenir à une conclusion.

Dr Aw: Monsieur le président, vous parlez d'instaurer un climat favorable, d'inspirer à nos jeunes un sentiment de confiance et le désir de gagner, et d'établir des passerelles entre les universités, le gouvernement et le secteur privé. Si j'ai prôné assez énergiquement les efforts permettant aux jeunes entreprises de biotechnologie de se développer, je suis parfaitement conscient du fait - pendant sept ans et demi j'ai enseigné la microbiologie dans une faculté de médecine - et je suis parfaitement convaincu que, comme l'a si bien dit le Dr Stiller, le moteur de l'innovation se trouve dans les universités.

C'est la transmission. La volonté du pays devrait s'attacher à transformer ces idées en produits et en procédés. J'estime qu'il faut le dire et chercher à bien le faire comprendre. Comme le disait le Dr Stiller, identifions les foyers d'excellence que nous avons constitués au sein de notre infrastructure. Cela prendra peut-être plus que quelques réunions, mais asseyons-nous autour d'une table et identifions nos points forts. Si Newbridge a réussi, c'est parce que nous sommes très forts dans le secteur des télécommunications. Réunissons-nous donc, et entendons-nous sur un ou deux domaines précis où nous pouvons, ensemble, faire ce que je disais tout à l'heure. Puis, dressons un plan, exposons-le et entraînons dans la direction que nous avons tracée la génération montante.

.1215

Je pourrais citer comme ça - mais il faudrait faire plus de recherches, plus d'analyses et en discuter davantage - par exemple nos équipements médicaux... Il existe des foyers d'excellence dans certaines des principales universités ainsi que dans les hôpitaux. Le professeur William Keon est un chirurgien cardiologue reconnu mondialement. Le Dr Stiller est lui-même un chirurgien qui jouit d'une grande réputation dans le domaine des transplantations d'organes. Concentrons-nous sur ces foyers d'excellence et favorisons leur développement. Nous ne pouvons pas tout faire - voilà un cliché qu'il est toujours utile d'invoquer - concentrons nos efforts dans ces domaines et forgeons ensemble un esprit d'entreprise technologique.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Oliver.

M. Oliver: M. Schmidt me semble avoir dit là quelque chose d'essentiel. Je crois que depuis longtemps les Canadiens attachent trop d'importance au coût et pas assez à la valeur. Nous parlons aujourd'hui des technologies de l'information et des sciences de la vie, mais ce genre de débat a déjà eu lieu ici. Nous nous sommes déjà trouvés à la croisée des chemins dans les années 30, alors que, pour des raisons de coût, nous avons renoncé à bâtir une industrie de la chimie agricole. Dans les années 60, nous avons envisagé la création d'une industrie pharmaceutique, mais nous y avons renoncé encore une fois, pour des questions de coût. Aujourd'hui, nous avons à nous prononcer sur l'occasion que nous avons de constituer, dans la première partie du XXIe siècle, une industrie des technologies de l'information et des sciences de la vie.

Nous devons viser la valeur et nous devons, ensemble, formuler une vision nationale tellement emballante et convaincante que tout le monde voudra y adhérer. C'est cela le leadership! Le leadership c'est instaurer une vision de l'avenir qui soit tellement emballante et convaincante que tout le monde veuille y adhérer.

Mais voilà, mesdames et messieurs, nous n'avons pas de vision de ce que sera le Canada en l'an 2010 ou 2020. Nous devons commencer par là et penser à un créneau: la science et la technologie. Nous devons imaginer les symboles qui conviendront. Nous devons consacrer les gagnants, conférer un esprit de réussite à tout cela et retenir les leçons que nous avons apprises aujourd'hui à propos de Newbridge Networks et de son approche. Nous avons déjà tiré des enseignements, tous les morceaux sont en place il ne nous manque plus que le désir d'agir.

Le vice-président (M. Lastewka): Merci.

M. Albinson, voulez-vous faire des commentaires avant que je ne passe à la personne suivante?

M. Albinson: Je veux juste réitérer ce qui vient d'être dit.

Nous avons ce qu'il nous faut. Il ne fait aucun doute que nous avons le capital et les gens, que nous disposons de la capacité de recherche fondamentale voulue. Mais ce qui nous fait défaut, à l'évidence, c'est la focalisation et la collectivité. Dès que la synergie fait défaut - de la recherche fondamentale à la recherche appliquée, celle que conduit l'entreprise désireuse de distribuer et d'exporter - l'entreprise trébuche et il n'y a plus d'innovation. En fait, nous ne produisons pas de richesse et quand il n'y a pas de richesse, on ne peut pas réinvestir dans la recherche fondamentale.

C'est tout le mécanisme qui est brisé. Sans un leadership focalisé, établissant les liens qui s'imposent, nous n'y arriverons pas. À LMCS, nous vu qu'il existe un débouché, un débouché mondial. Nous pouvions compter sur la recherche fondamentale et nous allons être les premiers dans le monde à faire ce que nous faisons. Nous nous sommes bien débrouillés.

Soit dit en passant, il y a une petite entreprise à Winnipeg qui s'appelle Broadband Networks. Elle est chef de file dans ce genre de technologie, mais elle ne profitera pas de son avantage. Les deux licences d'utilisation de la technologie sans fil seront accordées à des entreprises américaines. Une fois encore, nous trébuchons.

Nous devons être mieux focalisés et établir de meilleures connectivités. Nous devons exploiter nos concepts et nos innovations pour produire des richesses et créer des emplois au Canada. Mais sans cette focalisation et ce leadership, nous n'y parviendrons pas.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Merci beaucoup. Eh bien, ça aura été ahurissant aujourd'hui. Je crois que nous avons également fait ressortir des problèmes d'intergénération. C'est la vieille technologie face à la nouvelle et je ne sais pas vraiment qui est qui dans ce cas-là.

Je vais revenir sur la question de la connectivité, si je puis employer ce terme, et me pencher sur les problèmes du financement des technologies naissantes. Je me propose de prendre des notes sur la façon dont les choses se déroulent.

.1220

Je suis frappé de constater que nous adoptons des solutions symboliques. Nous accordons des crédits d'impôt au titre de la science, il y a le PARI et il y a le Fonds de capital de risque de travailleurs. J'ai l'impression que, dans certains cas, tous ces instruments font à peu près la même chose.

Nous pourrions fort bien nous trouver à réinventer la roue. Quand vous vous lancez dans des technologies nouvelles, je suppose que vous mettez de côté les technologies anciennes et que vous vous demandez comment vous allez vous y prendre pour élaborer une nouvelle méthodologie.

Les gouvernements se déclarent en faveur des technologies naissantes. Mais comment pouvons-nous les appuyer de façon efficace? Nous avons déclaré que nous accordons déjà plus d'un milliard de dollars en dégrèvements fiscaux au titre de la science, sans compter tous les autres programmes que nous proposons. Donc, nous ne manquons ni de l'argent ni de la volonté d'agir et nous possédons la technologie. Mais comment réunir le tout? Devrions-nous avoir recours à de meilleurs véhicules? Tout à l'heure, nous avons parlé des fonds mutuels.

Et puis, au Canada, il y a un phénomène démographique. Nous avons une énorme population de baby-boomers qui vont prendre leur retraite. Ils ont des tonnes d'argent. Ils cherchent à l'investir. Les possibilités sont là.

Comment pourrions-nous parvenir à mieux articuler tout cela et quelle part le gouvernement doit-il assumer? Nous sommes prêts à accorder des dégrèvements fiscaux. Mais comment instaurer un système de mise en commun? Quelqu'un a-t-il songé à cela?

M. Chowaniec: Je pourrais vous faire part de quelques remarques.

À en juger d'après les gens qui sont dans cette pièce, et quand on regarde où se trouve l'industrie à fort potentiel de croissance, vous verrez que ce secteur n'est pas constitué par des compagnies étrangères venant investir au Canada. Ce n'est pas non plus celui des grandes entreprises canadiennes qui investiraient plus? Ce secteur est celui de la petite entreprise émergente; c'est elle qui est à la base de la croissance actuelle. Et pourtant, la plupart des programmes gouvernementaux sont monolithiques. Ils traitent toutes les entreprises de la même façon et j'estime qu'il convient d'envisager la situation des sociétés à fort potentiel de croissance d'une manière différente. Elles ont des besoins différents. Elles cadrent différemment dans le système.

Pour s'en tenir au seul exemple du Programme d'évaluation des performances des engins de traction, force est de constater que le seul prix jamais accordé en vertu de ce programme l'a été à une grande entreprise de Montréal qui a absorbé un tiers du financement à elle seule. Cela n'apporte pas grand-chose aux centaines de milliers de petites entreprises émergentes un peu partout au pays qui essaient de prendre de l'expansion.

J'estime qu'il serait très utile de nous demander quelles politiques s'adressent aux grandes entreprises, lesquelles concernent les entreprises moyennes et lesquelles conviennent plus particulièrement aux jeunes entreprises et aux entreprises émergentes.

Merci.

Dr Stiller: Je veux ajouter deux choses.

D'abord, je comprends que tout cela est politique, mais dans ce genre de domaine, on pourrait dire que c'est l'intérêt de l'actionnaire qui doit passer en premier et l'actionnaire, c'est le citoyen canadien. Et cet actionnaire remettra sa participation en question s'il ne voit pas de retombées sous la forme d'une technologie résiduelle ou d'une plate-forme technologique ou encore de profits financiers, quand, par exemple, le gouvernement accorde des récompenses à telle ou telle entreprise.

Dans le cas de Winnipeg, il faut simplement se demander à qui, en fin de compte, tout cela profite.

Mais votre question générale est importante, parce que nous ne pouvons recréer le système; ce que je veux dire, c'est que nous ne pouvons pas faire table rase et tout recommencer. Nous devons comprendre comment les choses se passent. Tout s'explique dans le temps, et tout ce qui a été fait l'a été pour une raison ou pour une autre, puis a commencé à jouer un rôle dans tout ce système de transfert de technologies et de création d'entreprises axées sur la technologie.

Par exemple, je ne crois pas qu'il ait jamais été question de faire la même chose dans le cas des sociétés à capital de risque de travailleurs que dans celui des entreprises visées par le Fonds de découvertes médicales canadiennes; et pourtant, on a adapté ce programme pour faire la même chose.

Ce que nous devons faire, c'est nous servir d'une carte routière pour nous rendre d'un endroit à l'autre et savoir de quoi nous avons besoin. De quel genre de véhicule aurons-nous besoin? Quelles routes allons-nous emprunter? Les principaux intervenants doivent s'entendre, en toute objectivité, sur le genre de carte à utiliser; à présent, déterminons les obstacles et les véhicules que nous devrons légèrement modifier pour qu'ils fassent un peu mieux le travail?

Nous avons des obstacles de taille à franchir en ce qui concerne l'investissement de nos fonds dans nos besoins, simplement parce que nous n'avons jamais prévu comment les choses devraient se passer dans nos règlements, et nous devons nous montrer très créatifs pour faire fonctionner ces textes à notre avantage.

.1225

Je pense que vous avez lancé quelque chose d'intéressant. J'estime qu'il est temps pour nous de nous asseoir, de tracer notre parcours, d'en déterminer les différentes étapes, de savoir quels véhicules employer, de savoir sur lesquels nous pouvons actuellement compter et de décider du genre de changements que nous devrons apporter pour que les choses fonctionnent mieux.

Pour en revenir à l'exemple du Fonds de découvertes médicales canadiennes, je dois vous signaler qu'à l'invitation du ministre, le CRSNG a lancé un autre fonds, sur le même modèle que le premier, baptisé Fonds canadien de croissance en science et en technologie. C'est merveilleux et ça fonctionne.

Mais pour en revenir à ce que vous disiez, je crois que vous pourriez revisser quelques écrous et apporter certains changements pour que les choses aillent mieux. Il y a là une idée à exploiter.

M. Oliver: Je suis d'accord avec ce que Cal vient de dire.

Je crois que nous devons revenir à ce que Chris a dit ce matin. L'essentiel, c'est de donner un avenir aux Canadiennes et aux Canadiens. Il faut avoir un appui au Canada, comme l'a précisé Jom Aw. Il faut appuyer les Canadiens.

J'ai l'impression que nous sommes convaincus que ce qui nous vient de l'extérieur est toujours meilleur. Eh bien, nous devons nous débarrasser de cette idée et adhérer à cet objectif qui est de créer un meilleur Canada où il y aura de meilleurs emplois, mais nous devons nous intéresser plus particulièrement à la façon d'y parvenir. Nous n'y arriverons pas en essayant d'être tout pour tout le monde. Mais la possibilité existe.

Le prochain secteur qui connaîtra une véritable explosion au 21e siècle, dans l'ère de l'information, est celui de la biotechnologie agricole, parce que l'agriculture normale ne parviendra pas à répondre à la demande mondiale de produits agricoles. Cette explosion est sur le point de se produire et elle se chiffrera en milliard de dollars.

Si je le pouvais, je confierais un concept Newbridge à Cal Stiller. C'est cela qui s'annonce. Nous allons assister à un effet «boule de neige» qui va créer une richesse que nous n'avons jamais vue au pays jusqu'ici. Le gouvernement doit avoir pour rôle de faciliter ce genre de chose. Il doit être un facilitateur, instaurer un contexte favorable, adopter les bonnes orientations, orienter les Canadiens en fonction d'une vision, et les choses s'enclencheront d'elles-mêmes.

Dr Stiller: Pourrais-je intervenir encore une fois?

Par exemple, une de nos inhibitions au Canada se situe justement dans ce secteur. Dans ce cas, la ressource est de nature intellectuelle, c'est la propriété intellectuelle. Dans le domaine des ressources naturelles, c'est le champ de pétrole ou la mine d'or qui constitue la ressource. Ici, c'est la propriété intellectuelle. Qui détient le brevet?

Alors, où se trouve notre champ d'exploitation? Où est la mine? Ce sont nos universités canadiennes, mais il y a également de merveilleuses ressources intellectuelles au MIT, à Harvard, au Texas et en Allemagne. J'aimerais pouvoir mettre la main sur ces ressources et les attirer au Canada pour les exploiter en vue de créer des richesses canadiennes et exporter dans le reste du monde.

Je pense ici aux petites choses, mais en fait ce sont des choses très importantes.

Par exemple, une petite entreprise comme celle du Dr Aw ne peut utiliser les subventions qu'on lui accorde pour augmenter sa propriété intellectuelle et mieux servir sa plate-forme scientifique, en achetant des ressources intellectuelles ailleurs, simplement parce que nous sommes limités dans la façon dont nous pouvons dépenser cet argent.

Ce n'est pas grand-chose. Mais si nous avions une carte routière et si nous nous disions que nous voulons être les chefs de file, si nous avions une vision et si nous avions confiance en nous, nous pourrions nous demander ce qu'il nous faudrait faire pour y parvenir...? Nous pourrions poser sur la table tout ce dont nous aurions besoin et nous pourrions l'investir dans le véhicule qui nous permettrait d'être compétitifs.

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M. Shepherd: Quand on parle de compétitivité, on s'intéresse à ce que les autres pays font. Personnellement, je suis conscient que nous ne pouvons pas les imiter, notamment parce que leur culture est différente. Il a été dit, je crois, que nous sommes 18e dans le monde. Au bout du compte, ce qui est important c'est d'être les meilleurs? Que font-ils tous ces autres pays pour être mieux placés que nous? Nous ne voulons pas les imiter, mais nous aimerions certainement prendre leur place et innover pour être les meilleurs.

Regardons ce que font les Japonais ou les Allemands, ou n'importe qui d'autre. Qu'est-ce qu'ils font de tellement mieux que nous? Comment pourrions-nous nous en inspirer et en profiter?

M. Goodfellow: Les pays qui ont réussi sont ceux qui ont adopté la démarche d'une grande corporation. Vous avez entendu parler de Japon Inc. Nous-mêmes en avons un exemple, puisque nous pouvons presque parler de Québec Inc. Vous constaterez, d'après les remarques des uns et des autres, que c'est dans ces pays qu'on investit une grande partie du capital risque. C'est plus une question d'attitude que de n'importe quoi d'autre, les intervenants se regroupant pour agir.

La question que vous avez posée est fondamentale. Et la réponse l'est tout autant. Plus tôt, je vous ai entendu dire que nous ne pouvons être tout pour tout le monde; nous devons nous décider à renoncer à certaines choses pour nous concentrer sur quelques secteurs qui sont vraiment susceptibles de nous rapporter quelque chose. Il y aura certainement un prix à payer sur le plan politique, mais à long terme, il est plus intéressant de s'intéresser aux gagnants.

Au Japon, par exemple, les entreprises qui réussissent mieux bénéficient de meilleurs encouragements fiscaux et de meilleurs encouragements à l'investissement. Tout le monde n'est pas au niveau des 20 p. 100 d'incitatifs fiscaux, certaines entreprises sont à 15 p. 100 et d'autres sont à 40 p. 100. Cela dépend du coup de pouce qu'on veut donner aux secteurs gagnants.

Au Canada, le plus souvent, nous cherchons à être équitable envers tout le monde, mais en fin de compte nous sommes injustes envers ceux qui présentent le meilleur potentiel et nous sommes trop généreux envers les autres. Nous devons recentrer notre action, après quoi il faudra faire savoir à tout le monde pourquoi on agit ainsi et ce que l'on cherche à réaliser de la sorte; et il faudra amener les gens à adhérer à la vision et aux efforts déployés.

Le vice-président (M. Lastewka): Docteur Stiller.

Dr Stiller: Le gouvernement ne se sert pas, dans le cas de la propriété intellectuelle, de la plupart des leviers qu'il a utilisés pour développer notre secteur des ressources naturelles, à cause des craintes que nous éprouvons suite aux abus passés, ou par souci d'égalitarisme, d'équité, ou encore pour ne pas... Je crois que nous sommes parvenus, avec le secteur des ressources naturelles, à établir comment il faut s'y prendre pour stimuler un secteur d'activité.

Je vous conseillerais d'utiliser les leviers dont dispose le gouvernement, principalement dans le domaine fiscal, pour compenser les risques, pour inciter les gens à entreprendre des carrières dans tel ou tel secteur ou à investir ici ou là. Je suis certain que vous aboutiriez si vous aviez recours aux mêmes modèles et aux mêmes leviers gouvernementaux que par le passé.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous allons passer à la question suivante.

M. Ackman: J'aimerais vous citer un exemple qui montre bien à quel point certains pays sont axés sur l'innovation.

Dans ma situation, je cherche des acheteurs de technologie. J'ai été contacté par des Finlandais ou par des résidents du Singapour qui viennent, ici, chercher des technologies susceptibles de les intéresser chez eux, et qui sont plus précisément en quête de superbes occasions dans d'autres domaines.

Nous avons là d'excellents exemples de pays qui se sont donnés des mandats plus ambitieux que les nôtres, qui savent très bien ce qu'ils recherchent et qui ont adopté un solide mécanisme pour investiguer les marchés et obtenir ce qu'ils veulent. Je crois que c'est quelque chose qui nous manque. Nous, nous sommes à l'autre extrême. J'ai de la difficulté à trouver des entreprises, ici au Canada, pour mes technologies.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais donner la parole à M. Albinson pour une petite question, après quoi nous passerons à M. Murray.

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M. Albinson: Je crois qu'il est important de focaliser notre action, mais surtout de favoriser les agglutinats. Regardez ce qui s'est passé dans le cas des autres agglutinats qui ont réussi. Revenez même sur les vieilles technologies, comme dans le secteur de l'automobile où le gouvernement a joué un rôle très important en signant le pacte de l'automobile en 1967, et en créant ainsi, dans la région de Niagara, l'un des plus importants moteurs économiques que nous ayons eus au Canada. Il a fallu beaucoup de temps et d'efforts pour y parvenir. Eh bien, il nous faudra déployer le même genre d'efforts dans le cas des agglutinats de connaissances.

La Silicon Valley a été, en grande partie, créée par le gouvernement américain. Si vous regardez ce qui s'est passé dans la plupart des agglutinats dans le monde, vous constaterez que les gouvernements ont participé à la mobilisation des ressources, publiques et privées, dans le dessein très net de créer un agglutinat de classe internationale dans tel ou tel domaine, pour parvenir à une suprématie commerciale et pour se doter d'une solide capacité d'exportation dans ces secteurs... et c'est précisément ce qui s'est fait.

On commence à assister à quelque chose du genre à Ottawa, dans le secteur des technologies de l'information, le capital de risque étant devenu intelligent. Les entreprises commencent à créer des retombées, mais nous n'en sommes certainement pas encore à la Silicon Valley. Ici, on ne trouve pas encore de cabinets d'avocats se faisant rémunérer sous la forme d'un droit sur l'actif. Pour moi, c'est cela qui détermine si nous avons réussi ou pas.

Dans la Silicon Valley, les cabinets d'avocats, les cabinets de comptables, les distributeurs et les fabricants sont tous rémunérés à la participation. Cela, nous ne l'avons pas encore. Nous n'avons pas cette mentalité. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour rattraper les Américains. Mais nous pourrons réussir si nous arrivons à focaliser nos efforts pour créer deux ou trois agglutinats et faire collaborer des ressources du secteur public et du secteur privé à la réalisation d'un objectif commun. Mais pour cela, nous devrons pouvoir compter sur ce genre d'action dirigée.

C'est ce que font le Japon, les États-Unis et l'Europe; mais pas nous. Nous sommes le seul pays du G-7 à ne pas avoir de fonderie de silicium. Nous avons raté le coche. Nous essayons de rattraper le retard et Adam y travaille d'ailleurs d'arrache-pied.

Voilà un autre exemple de technologie essentielle, qu'il s'agisse d'une fonderie de silicium ou de LMCS. Nous ne concentrons pas nos efforts pour instaurer des agglutinats créateurs de richesses. Une fois ces agglutinats en place, le gouvernement pourra se retirer. Regardez ce qui s'est passé dans le cas de la Silicon Valley. Ce n'est qu'une machine à fabriquer des billets pour le gouvernement américain. Après, vous pourrez créer un autre agglutinat, mais vous devrez pour cela vous appuyer sur une stratégie de focalisation.

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé tout cela très agréable, très intéressant mais aussi très frustrant. Mon collègue,M. Shepherd, parlait de fossé intergénérationnel. Je suis assez vieux pour me rappeler le rapport Lamontagne, au début des années 70. La politique scientifique, l'instauration d'une culture scientifique au Canada et la façon de nous y prendre ont fait couler beaucoup d'encre et ont fait l'objet d'un débat déchirant au cours des 20 dernières années, dans cette même ville.

Je ne sais pas si M. Shepherd vous a parlé de cela. Il se demandait si nous devions faire table rase et tout recommencer plutôt que de régler ce problème morceau par morceau.

Je crains que nous ayons à faire à un obstacle non négligeable, celui des Canadiennes et des Canadiens eux-mêmes. Le Dr Stiller a parlé d'égalitarisme, et j'y pensais au même moment, parce que je crois que c'est très souvent un problème fondamental auquel nous nous heurtons.

J'ai tendance à estimer qu'il existe des réponses simples à un grand nombre de problèmes. D'aucuns pourront parler de solutions simplistes. En fait, j'explique la façon dont les choses se passent dans notre société par la nature humaine. Si nous voulons que les jeunes entreprennent des carrières en science, nous devrons faire quelque chose pour les y attirer, comme on nous l'a rappelé ce matin. On reconnaît qu'il faut leur proposer des emplois emballants, payants et des fonctions auxquelles ils veulent aspirer, plutôt que de devenir, par exemple, chanteurs de rock ou joueurs de baseball. La question est de savoir comment y parvenir.

J'ai souvent recommandé qu'on s'intéresse aux différents régimes fiscaux en place, parce qu'on a là affaire à des instincts très humains. Par exemple, un ingénieur ayant la possibilité d'occuper un emploi aux États-Unis s'intéresse au système fiscal, à la possibilité de déduire les intérêts d'hypothèque et à toutes ces choses, et il se demandera pourquoi il devrait revenir au Canada après.

Nous avons ici affaire à des aspects fondamentalement humains. Personnellement, je ne suis pas certain que tous les programmes gouvernementaux qui se succéderont parviendront à arrondir les angles.

Vous voudrez bien m'excuser de jouer les prédicateurs, parce qu'après tout c'est vous les experts, pas moi, mais cela fait très longtemps que je suis frustré par cette question. Je pense que nous avons besoin d'une culture scientifique au Canada. Je ne suis pas certain que les politiciens parviendront jamais à la mettre en place autrement qu'en prenant des mesures audacieuses, ce qui voudrait dire que pendant un certain temps du moins il faudrait favoriser une partie seulement des Canadiens. Je ne sais pas comment ils pourront y parvenir et se faire réélire en même temps. Je ne crois pas que le Canada ait embrassé...

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Les récits que nous avons entendus d'entreprises comme celles qui sont réunies ici autour de cette table sont merveilleux. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes doivent applaudir à ces réussites et s'enorgueillir. Mais êtes-vous disposés à dire que ces gens-là sont plus importants que je ne le suis pour l'avenir de cette entreprise et que, par conséquent, le gouvernement du Canada devrait leur consentir certains aménagements qu'il ne m'accorderait pas à moi? Personnellement, j'en doute, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Oliver: Je vais vous donner un exemple vécu parce que ce dont vous parlez, monsieur Murray, ça s'appelle marketing dans le monde des affaires. Le défi, je pense, consiste à adopter une vision à laquelle tout le monde voudra adhérer. Je vais vous donner un exemple d'attraction plutôt que d'exode des cerveaux.

Je vous recommanderai d'entendre le Dr Murray McLaughlin, ancien président de AG-West Biotech à Saskatoon et à présent sous-ministre de l'Agriculture en Saskatchewan. C'est le gourou qui est derrière tous les agglutinats qui ont été créés en Saskatoon. Saskatoon a un agglutinat de compagnies spécialisées en biotechnologie agricole, de classe internationale.

DowElanco vient juste d'acquérir une participation dans une entreprise de San Diego, Mycogen, une des deux plus grandes entreprises de biotechnologie agricole. Nous avons acquis 46 p. 100 des parts en février. Nous avons voulu rationaliser les opérations, parce que le siège social était à San Diego, le laboratoire de recherche à Madison, dans le Wisconsin, et notre administration centrale à Indianapolis.

Nous nous sommes demandé pourquoi nous devrions maintenir la vaste installation d'Indianapolis et le petit laboratoire de Madison qui faisait tout le travail de biotechnologie agricole? Pourquoi n'aurions-nous pas rassemblé tout ce petit monde? Et puis, d'un autre côté, il y a Saskatoon qui, pour la plupart des Américains, est au bout du monde... Saskatoon où se trouve une agglutination de technologies et de compagnies.

Les gens veulent être au contact de la science. Ils ne croient pas que la science se passe entre Madison et Indianapolis. Ils croient qu'elle se passe entre Madison et Saskatoon. Nous sommes sur le point d'annoncer que nous allons augmenter nos effectifs dans la recherche fondamentale à Saskatoon, parce que ceux qui s'intéressent à la science et qui veulent être à la pointe du progrès, veulent être du côté des gagnants.

DowElanco, à Indianapolis, est une entreprise de produits chimiques agricoles. Saskatoon est une agglomération de centres de production en génétique. Tout est possible. C'est juste une question de marketing. Il suffit de proposer une vision tellement convaincante que... Si vous voulez entendre l'histoire de quelqu'un qui s'est lancé en affaire en 1989 avec quatre personnes, et qui en compte plusieurs centaines à Saskatoon, réparties entre une multitude d'entreprises, vous devrez entendre son message. Regardez ce qu'a fait le Premier ministre de la Saskatchewan, c'est lui le premier vendeur de la biotechnologie agricole pour la province. Il fait preuve de leadership et de vision. Tout se ramène à cela.

Dr Stiller: Je vais me risquer à faire un commentaire. Les gens me demandent pourquoi, au Canada, nous ne défendons pas la science. Ils me demandent pourquoi nous n'avons pas un caucus consacré au domaine de la science. Un tel caucus existe aux États-Unis, il est composé de prix Nobel et il assume un rôle d'avant plant très actif. En fait, quand le NIH a comparu devant un comité du Congrès, son budget a été augmenté de 5,9 p. 100 par rapport à ce qu'il recommandait.

Alors, j'essaie d'expliquer aux gens qu'on ne peut pas avoir de caucus consacré à la science au Canada, parce que nous sommes dans un système parlementaire.

M. Murray: Mais si, c'est possible.

Dr Stiller: Ce n'est pas possible...

M. Murray: Lors du 30e Parlement, nous avions un caucus de la science.

Dr Stiller: Excusez-moi?

M. Murray: Il y a eu un caucus de la science, entre 1974 et 1979.

Dr Stiller: Vraiment?

M. Murray: Oui.

Des voix: Un caucus de députés.

Dr Stiller: Des partis de l'opposition ou du gouvernement?

M. Murray: En fait c'est un député du côté gouvernemental qui l'a mis sur pied, mais il y avait bien un caucus de la science.

Dr Stiller: C'est remarquable. Et moi qui disais que ce n'était pas possible dans un système parlementaire. Comment pourrait-on imaginer un groupe chargé de défendre la science qui, en quelque sorte, n'aurait pas les moyens d'infléchir la politique gouvernementale? C'est très intéressant.

Ce serait bien si nous pouvions lancer quelque chose de la sorte, rassembler certaines personnes, dont celles assises autour de cette table... Nous avons ici des porte-parole très compétents qui pourraient intervenir à propos de ce qui se passe au Canada. À partir de la biotechnologie agricole de Saskatoon...

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Je vous le dis, allez aux rencontres de biotechnologie de San Francisco... John a absolument raison. Qui dit biotechnologie agricole, dit Saskatoon, en Saskatchewan, où j'ai grandi et où j'ai travaillé à la Intercontinental Packers. Je n'aurais jamais imaginé qu'on en vienne, en Amérique du Nord, dans le monde, à penser à Saskatoon dès qu'on pense à la biotechnologie agricole.

On pourrait rassembler un groupe de chefs de file, de gens de bonne foi, étant convaincus de ce qu'ils disent, ainsi qu'un groupe de parlementaires reconnaissant l'importance de ce genre d'action. Tout cela est important pour le Canada de l'an 2010. Nous allons éduquer nos collègues et nous allons être emballés par cette tâche, parce que nous allons jouer le rôle de récepteur d'idées novatrices et que nous allons dresser cette carte routière pour veiller à ne pas nous engager dans des culs-de-sac.

Dr Aw: Je vais simplement réitérer les deux commentaires précédents, que j'ai beaucoup appréciés. Nous essayons, à notre petite échelle, de franchir l'étape suivante. Nous nous efforçons, à Kalyx, d'établir ce lien stratégique avec Saskatoon, avec les poches d'excellence en biotechnologie agricole de Guelph et, espérons-le aussi, de McGill, de même qu'avec le Collège Macdonald de Saint-Hyacinthe. Je crois que nous pouvons y parvenir. C'est cela la prochaine étape.

J'estime que même de petites compagnies naissantes comme la nôtre peuvent y parvenir. Ce que nous voulons, c'est arriver à articuler cette volonté nationale. Il faudra peut-être pour cela organiser un forum national, comme celui que le Dr Arthur Carty a instauré. Peut-être que les députés que vous êtes et tous les gens assis du côté de cette table pourraient participer à cette vaste consultation nationale.

Pour ce qui est de l'articulation de la réussite de la mise en liaison de Saskatoon avec d'autres poches scientifiques, je pense que nous allons très rapidement et très nettement prouver à nos concitoyens que nous sommes des chefs de file.

M. Jenkins: J'ai une brève remarque à faire à propos de l'intervention de M. Murray. Je ne crois pas qu'il est question ici de faire en sorte que certains Canadiens soient plus égaux que les autres. Personnellement, j'estime que nous devons réagir à ce qui est une catastrophe nationale. Nous traînons lamentablement de l'arrière, derrière les pays du G-7. Nous le lisons tous les jours dans la presse et l'écart ne fait que se creuser. Il est question de faire du rattrapage et de créer des richesses au Canada.

M. Murray: Je prétends simplement que vous devez faire appel à la volonté d'êtres humains, des hommes et des femmes, qui devront faire cela en tant que nation.

Le Dr Aw a parlé d'une table ronde nationale. Je ne sais pas comment les Conservateurs ont baptisé cela, quand ils ont pris le pouvoir en 1984. Ils avaient promis de doubler les fonds consacrés à la R-D industrielle au Canada. On avait alors organisé une énorme conférence et le premier ministre avait mis sur pied un comité consultatif national pour le conseiller personnellement, mais voilà que nous en sommes encore au même stade.

Nous avons réalisé de grands progrès sur bien des plans. De toute évidence, il y a des entreprises qui ont très bien réussi et nous en avons vu certaines aujourd'hui, mais nous n'en sommes pas encore au stade où le Canada célèbre ce genre de réussite et où les universités produisent les diplômés dont les entreprises en question ont désespérément besoin. C'est cela que je trouve frustrant.

J'ai dit qu'il y a des gens qui sont plus égaux que d'autres. Tout ce que j'essaie de faire, c'est d'imaginer comment nous pourrions faire en sorte que le Canada soit un pays intéressant, parvenant non seulement à attirer mais aussi à retenir les meilleurs cerveaux qu'on trouve actuellement dans le monde, parce que c'est un pays rêvé pour effectuer de la R-D, pour lancer et faire vivre des entreprises.

Dr Stiller: Monsieur le président, puis-je faire une autre remarque?

Je n'allais pas en parler, mais j'ai changé d'avis. Il y a deux ou trois semaines de cela, le Conseil de recherches médicales a organisé une réunion des organismes de recherche de 14 pays. Au début, on visait les pays du G-7 mais on s'est à 14. On m'a demandé de parler des formules de financement novatrice en recherche, ce que j'ai fait.

Cette question du financement novateur a retenu l'attention internationale. Le concept interpelle. L'approche est différente. On dit qu'il faut unir le secteur public et le secteur privé. En fin de compte, si l'on parvient à réinvestir les fruits de la recherche dans la plate-forme commune, le gouvernement pourra se retirer plus tard. Dans ce modèle, tout le monde est appelé à plonger la main dans la poche. Je serais heureux de vous faire remettre ce papier. Ce n'est pas une panacée, mais c'est une nouvelle façon d'envisager la question du financement.

Roger vient juste de formuler une prémisse importante. Si nous ne pouvons pas nous appuyer sur une solide plate-forme en matière de recherche fondamentale, peu importe ce qu'on voudra faire, peu importe qu'on soit bon ou qu'on en soit convaincu, et peu importe les attitudes des uns et des autres, les choses ne fonctionneront pas.

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Dans Business Week, on a pu lire que c'est grâce au NIH que les États-Unis sont numéros un dans le domaine de la biotechnologie. Nous, nous ne finançons pas assez la recherche fondamentale.

La question est de savoir comment passer de là où nous en sommes à là où nous devons être. Nous avons eu notre lot de problèmes, et je crois que c'est grâce à un partenariat entre le secteur public et le secteur privé que nous y parviendrons.

Quoi qu'il en soit, monsieur le président, je serai heureux de vous faire remettre mon papier.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous le déposerons auprès de la greffière pour que les autres membres aient l'occasion de le voir.

Monsieur Goodfellow.

M. Goodfellow: Je voudrais dire quelque chose à propos du caucus de la science ou d'un organisme du genre qui se concentrerait sur le domaine scientifique. Je crois que cet organisme ne doit pas être uniquement composé de politiciens, le secteur privé doit y participer.

Je sais que je vous ai pris à contre-pied, plus tôt, quand je vous ai demandé combien d'entre vous était présents à la conférence d'Ottawa sur la biomédecine, mais si nous pouvons compter sur la collaboration du secteur public, pour tout ce qui a trait à la culture et au leadership, et sur celle du secteur privé, alors il faut confier la même chose à tous ces gens. Si nous pouvons recourir à une tribune du genre de celle dont nous parlons, si nous pouvons réaliser l'objectif d'organiser toutes ces communications, de faire passer tous ces messages et de préciser toutes les nuances que nous devrons préciser dans le temps, et si nous estimons qu'il est très important qu'un tel et un tel continuent d'être là pour communiquer les messages nuancés, pour continuer de dire aux étudiants qui ont participé à la conférence d'Ottawa que cela est très important pour l'instant, et si nous nous arrangeons pour faire comprendre aux entreprises qui travaillent dans ce sens que cela est important pour le pays... alors nous parviendrons à créer l'impulsion, à instaurer le sentiment que nous recherchons, à créer une synergie.

Le premier vendeur de biotechnologie agricole en Saskatchewan est le premier ministre lui-même. Il sillonne le monde pour communiquer ce message. Je ne dis pas que cela incombe uniquement au premier ministre ni au ministre de l'Industrie. Je dis que tout le monde a un petit rôle à jouer et que certains en ont un qui est plus important. Le message doit être cohérent et il faut le dire et le répéter, encore et encore. Alors, les gens se diront qu'ils ont entendu cela avant et ils en viendront peut-être à le croire un peu plus. Il ne faut pas lâcher prise, il faut répéter le message, encore et encore.

Le vice-président (M. Lastewka): Madame Brown.

Mme Brown (Oakville - Milton): Il est possible que M. Romanow soit un bon vendeur, parce qu'il propose un concept correspondant tout à fait à sa philosophie, à savoir que le gouvernement doit intervenir, qu'il a un rôle à jouer dans l'économie et que c'est ce rôle-là qui lui incombe. C'est là un des problèmes essentiels que je perçois, pour répondre à la frustration exprimée par mon collègueM. Murray.

Quelqu'un a dit que nous devons articuler la volonté nationale, qu'il nous faut une culture de la science et que nous devons promouvoir les industries de ce secteur.

Vous vous demandez, par exemple, quel niveau le gouvernement doit créer ces agglutinats, sur le modèle de la Silicon Valley. Ce n'est pas important, ce pourrait être le municipal, le provincial ou le fédéral.

De ce côté-ci, nous nous étions fait une idée de la façon d'éduquer les facilitateurs pour qu'ils élaborent un programme destiné à enseigner aux gens comment pousser à la roue ensemble et comment cerner les débouchés. Cela m'apparaît comme étant un rôle logique pour le gouvernement. Le gouvernement a certes pour mission d'investir dans la technologie par le biais des partenariats auxquels il participe, et j'ai l'impression que vous voudriez que nous débloquions davantage de fonds.

Mais toutes ces idées vont à l'encontre de l'éthique qui prévaut chez les électeurs, éthique qu'ils se sont forgés après qu'on leur a assené certaines idées pendant 12 ans, idées que quelques-uns de nos médias continuent de véhiculer: la fonction publique est trop importante; le gouvernement devrait réduire ses activités; le gouvernement devrait réduire ses dépenses; le gouvernement devrait se tenir loin du milieu des affaires. En fin de compte, le gouvernement est mauvais, il doit se mettre à l'écart et laisser les entreprises se débrouiller elles-mêmes.

Et voilà que vous venez nous dire que, pour ce secteur en émergence, vous ne voulez pas que le gouvernement reste à part mais qu'il intervienne à vos côtés.

Nous, politiciens, devons tenir compte de l'éthique du public, ou de l'attitude qu'il entretient envers le gouvernement... Je vais vous demander combien d'entre vous ont envoyé une lettre à l'éditeur pour s'inscrire en faux contre cette philosophie néo-conservatrice, selon laquelle le gouvernement devrait rester en retrait, s'enfoncer la tête dans le sable et se contenter, éventuellement, d'articuler un bon système de soins de santé?

Autrement dit, tout ce débat intervient dans un contexte plus large et je crois que l'exemple Romanow est excellent parce qu'il est celui d'un politicien qui n'éprouve aucune gêne à prêcher sa philosophie dans ses activités publiques. Il avait déjà cette philosophie quand il a été élu.

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Mais la philosophie qui a généralement cours ailleurs au pays, plus particulièrement en Alberta et en Ontario, est tout à fait opposée à celle-ci. Et pourtant, comme quelqu'un l'a dit, nous voulons être réélus, si bien que nous avons besoin de votre aide pour promouvoir cet autre courant philosophique, pour dire que si nous voulons être compétitifs à l'échelle internationale, nous devons collaborer et que le gouvernement a un rôle à jouer.

C'est tout ce que je voulais dire, et je suis sûre que je vais susciter des réactions.

M. Albinson: Je suis d'accord avec votre interprétation du sentiment général de la population, et ce sentiment est en grande partie fondée. Mais si vous examinez les données de sondage dont on nous bombarde... si vous demandez au Canadien moyen s'il veut que le gouvernement investisse plus dans la recherche et le développement, qu'il en fasse sa priorité, il vous dira que oui. Il ne veut pas que vous aidiez les fonderies ou certaines technologies ou industries pour lesquelles il estime, a priori, qu'il n'y a pas d'avenir. Mais si vous déclarez votre intention d'investir dans une recherche et un développement créateur d'emplois dans le siècle prochain, la réponse sera positive, malgré les difficultés financières.

Mme Brown: Mais, par exemple, la seule technologie de pointe dans laquelle nous avons investi récemment est l'aérospatiale, plus particulièrement Bombardier, et nous avons soulevé un véritable tollé. J'ai plein de lettres sur mon bureau...

Dr Stiller: Mais d'où vient ce tollé? De la presse, ou...? J'ai eu beaucoup de discussions de couloir à ce propos. Ce genre de réaction conditionnée ne devrait pas consister à aider un géant à devenir davantage géant, ce qui semble avoir été dit dans la presse. Mais ce n'est pas l'impression que j'ai recueillie dans mes discussions de couloir. Ceux avec qui je me suis entretenu sont plutôt fiers de cette réalisation, qu'ils apparentent à la réussite internationale de General Motors. Dans ce cas, c'est une réussite canadienne, québécoise, et le Canada n'allait pas répéter ses erreurs d'il y a 20 ou 30 ans dans le domaine de l'aérospatiale.

Je crois que nous aurons des échos positifs à cet égard. Vous voulez savoir si les gens veulent que leur gouvernement appuie la recherche médicale - prenons cet exemple - eh bien, sachez que le magazine Maclean's a fait un sondage et que la santé est en fait plus importante que le hockey aux yeux des Canadiens.

Mais vous avez raison, en fait, nous devons être de meilleurs porte-parole...

Mme Brown: Vous devez prendre part au débat.

Dr Stiller: Je vous comprends.

M. Albinson: Je pense qu'un peu plus tôt M. Oliver a soulevé la question du marketing. Tout cela se ramène à la façon dont nous devons nous y prendre pour instaurer une culture de la science à l'échelle nationale et pour amener les gens à comprendre la valeur de la R-D, et les stratégies que nous appliquons en cours de route.

Personnellement, j'estime que si vous aviez commencé par annoncer six investissements en bioscience et en technologies de l'information, avant d'annoncer votre investissement dans Bombardier, six mois plus tard, les gens auraient compris. Mais ce n'est qu'une opinion personnelle.

J'estime que, dans l'ensemble, les gens pensent comprendre l'importance de la technologie, maintenant et dans l'avenir. Ils sont disposés à y investir, et si on leur présente la chose pour qu'ils y croient, d'une façon qu'ils comprennent, je pense que nous parviendrons à créer des emplois. Je pense que vous pouvez y arriver d'une façon convaincante.

M. Oliver: Madame Brown, je ne crois pas que nous ayons à faire là à un débat idéologique où tout est blanc et noir. Voilà pourquoi, selon moi, il convient de s'intéresser au modèle de la Saskatchewan et au rôle du gouvernement, qui n'était pas de faire simplement passer l'argent d'une main à l'autre et de favoriser la corruption.

Dans ce cas-là, le gouvernement s'est tourné vers le secteur privé et a confié à quelqu'un le mandat de créer un agglutinat en biotechnologie agricole, à l'appui de l'industrie des ressources de la province. Puis, de concert avec le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, on a fourni une infrastructure et des fonds. Mais ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a engagé le meilleur «chasseur de technologies» que je connaisse dans cette industrie, à l'échelle mondiale - et avec qui j'ai d'ailleurs travaillé pendant 15 ans.

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Que vous vous rendiez à Maui, à une conférence scientifique, ou en Allemagne, vous y trouviez Murray parlant de ce qui se passait à Saskatoon. Et après avoir fait tout le travail de démarchage, après avoir promu et commercialisé son produit, au moment de conclure, il pouvait compter sur le premier ministre. Celui-ci se rendait en Allemagne pour convaincre Hoecht que Saskatoon devait être le centre mondial de la biotechnologie agricole.

C'est de cela dont nous avons besoin, de ce genre de partenariat. Les fonds et le reste suivront si nous parvenons à obtenir l'engagement des gouvernements et si nous pouvons compter sur des ambassadeurs.

Lui, disposait d'un conseil privé qui jouait le rôle d'ambassadeur.

Mais est-ce que tout cela peut tenir si l'on n'assure pas ce genre de leadership? Je ne le sais pas, mais tout se ramène toujours au leadership, à la vision, à la promotion par des ambassadeurs, et à la formulation d'un plan de marketing.

Mme Brown: Mais les choses peuvent être assez difficiles pour nous, quand on sait que le principal éditorial paru dans le Globe and Mail le lendemain de l'annonce de la subvention accordée à Bombardier était des plus négatif et qu'il n'était même pas fondé. Il aurait été utile que des gens de votre secteur envoient des lettres, pour réclamer l'intervention du gouvernement dans la R-D, il aurait fallu que ces gens-là répondent au Globe and Mail pour lui dire qu'il n'est pas ici question d'investir dans des fonderies, que c'est exactement le genre de chose que le gouvernement devrait faire.

Dr Stiller: Monsieur le président, vous percevez sans doute la culpabilité qui nous envahit de ce côté-ci de la table.

Des voix: Ah, ah!

Dr Stiller: Vous avez tout à fait raison.

M. Albinson: Mais nous l'avons fait. Quand le programme a été annoncé, nous nous sommes prononcés. Newbridge a demandé à ses cadres supérieurs de répondre à la presse locale et à la presse nationale pour dire à quel point ce programme était important pour la promotion de la science, sur plusieurs fronts. Personnellement, j'estime que vous n'auriez pas dû commencer par cette annonce. C'est un bon investissement pour le Canada. Si vous aviez promu la chose de façon un peu différente, je crois que vous auriez suscité des réactions différentes.

Mais nous déployons des efforts pour soutenir ce programme et d'autres du genre. Je pense que c'est important de le faire, et nous le faisons, d'ailleurs.

Dr Stiller: Nous avons la responsabilité de répondre à ce genre d'éditorial. Nous avons pris bonne note de vos remarques, et nous nous exécuterons.

M. Chowaniec: Je tiens à dire qu'il n'est pas possible de changer l'attitude des gens du jour au lendemain. Si c'est une cause dans laquelle nous croyons, nous devrons trouver une façon de le faire savoir aux gens, haut et fort, et de répéter ce message. Au bout du compte, je crois que les gens changeront d'attitude.

Il est possible que le journaliste du Globe and Mail n'aimait pas Bombardier. Le Globe and Mail ne sait même pas que la Silicon Valley existe à Ottawa. Nous consacrons beaucoup de notre temps, collectivement, à essayer de mettre la Silicon Valley canadienne sur la carte, pour que nous soyons connus non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale, pour nous aider dans nos entreprises. Mais aujourd'hui, même dans ce contexte, le nom de Newbridge est encore inconnu à Toronto. Nous en sommes encore là.

Je crois, comme bien des gens l'ont déclaré ici aujourd'hui, que nous avons besoin d'un leadership pour parler de cette question et pour commencer à mettre un coup de barre dans la direction où nous voulons aller.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Lastewka): Je vais me prévaloir de mes prérogatives de président, parce que vous venez juste de mettre le doigt sur un aspect dont j'ai pris conscience au cours des deux ou trois derniers mois, après avoir sillonné le Canada.

J'ai passé une après-midi entière dans le ministère de Jim Murray et j'y ai entendu des réflexions du genre: si vous saviez seulement comment fonctionne le système de R-D au Canada; si seulement vous compreniez cela à propos de la R-D au Canada; si seulement vous compreniez ceci ou cela, etc. Après m'être fait ressasser de telles réflexions pendant quatre ou cinq exposés, j'ai dit que c'en était assez. Je ne connais pas tout de la recherche. J'ai alors demandé si quelqu'un pouvait me parler du système de R-D au Canada, de la façon dont nous établissons les priorités, de la façon dont nous développons ce secteur et de la façon dont le tout fonctionne? Je me suis calé dans mon siège et j'ai attendu une réponse.

Les 25 personnes présentes m'ont alors déclaré qu'elles entretenaient certainement 25 conceptions différentes à ce propos. Ce n'est pas étonnant que les Canadiennes et les Canadiens ne comprennent pas. Moi-même je ne comprends pas. J'aimerais que quelqu'un me résume la situation de la R-D dans le domaine scientifique au Canada, me parle de tous les liens qui existent et de toutes les interactions, du choix des priorités et de la façon dont nous décidons les choses ici. Je ne sais pas où est le centre de pouvoir à ce propos.

M. Oliver: Vous voulez que je commence à vous en parler?

C'est la raison pour laquelle je ne pense pas que vous puissiez passer de la situation de 1996 à celle de 2010. Vous devez d'abord vous projeter dans le temps, en 2010, et vous demander à quoi ressemblera le monde cette année-là. Puis, vous devrez déterminer dans quel domaine le Canada devra être un leader mondial, et enfin vous devrez l'aider à établir sa compétence dans ce domaine.

.1305

Personnellement, je crois qu'en l'an 2010, le monde n'aura pas assez de nourriture, à cause de la demande en général et de ce qui se passe en Asie. Voilà pourquoi je crois que nous devons nous poser certaines questions. Qui nous encourage à jouer un rôle phare? Qu'est-ce qui incite nos concitoyens à ne plus vouloir être pris en otage dans l'escalade des prix? Quelle industrie va ressortir gagnante? Pouvons-nous être les premiers de cette industrie.

Voilà comment on commence à établir les priorités. Vous constaterez que cinq ou six domaines ressortent, dès que vous vous serez entendu sur ce à quoi ressembleront les années 2010 ou 2015.

Il n'est pas possible de conduire au rétroviseur, ni de se transporter immédiatement dans l'avenir.

M. Albinson: Nous avons déjà fait cela, je crois, dans le passé. Ce n'est pas parce que nous avons affaire à la science que les choses sont forcément plus complexes. Le secteur de l'automobile a été un moteur économique très important de ce siècle. Le Canada a très bien fait de se garantir une importante partie de cette industrie en consacrant les ressources voulues, en organisant la formation et en veillant à disposer de l'infrastructure nécessaire au succès de cette industrie.

Cela, nous l'avons fait dans la région de Niagara Falls. Eh bien nous faisons un excellent travail, de la même façon, dans le secteur de l'aérospatiale à Montréal. Comme le disait John, il nous suffit de nous concentrer sur les cinq agglutinats qui auront de l'importance au cours du siècle prochain et à nous mettre au travail tout de suite pour les mettre en place.

Vous pourriez, a priori, dire qu'il s'agit du secteur agro-alimentaire, des télécommunications et du secteur biomédical. Nous savons ce dont nous avons besoin, alors faisons en sorte que les choses arrivent. Et cela, vous pouvez y parvenir.

Dr Stiller: J'allais vous dire qu'il n'y a pas de réponse à votre question. Personne ne peut vous décrire ce qu'est la recherche au Canada. C'est une carte sur laquelle tout le monde a tracé son propre trajet, sans coordonner quoi que ce soit avec les autres et sans se demander si nous devions être compétitifs. On n'a jamais considéré qu'une entreprise lancée l'an 2 plutôt que l'an 7 ou encore l'an 23, le long de ce cheminement, devait être une des étapes de notre chemin menant à Rome.

Il n'est, très honnêtement, pas possible, sans tracer un énorme réseau de ramifications, de vous décrire la façon dont fonctionne l'univers de la recherche au Canada. Le fait est que nous pouvons compter sur un excellent secteur scientifique. Les transferts vers le secteur privé laisse à désirer. Mais nous avons quelques exemples notoires illustrant que cela peut et s'est déjà produit.

Je vous recommanderai de faire ce que vous a suggéré John Oliver. Nous devons d'abord décider où nous voulons être en l'an 2010 et ce qu'il nous faudra faire pour y parvenir. Cela est nécessaire parce que nous avons besoin d'un moteur économique pour le Canada et que nous devons rendre nos jeunes un peu plus optimistes quant à leur avenir.

Donc, dès que quelqu'un demande au sujet d'un programme... il faut se demander si tel ou tel programme correspondra aux besoins de la génération d'actionnaires canadiens qui seront là en l'an 2010, et qui seront employables. Ce programme présente-t-il des avantages? Vous devrez m'en faire la preuve. Est-il le meilleur qui soit? Est-il fondé sur des critères d'excellence? Ne l'a-t-on pas adopté par simple souci d'égalitarisme? Est-il fondé sur des critères d'excellence, parce qu'il n'y a que l'excellence qui restera en l'an 2010?

Le vice-président (M. Lastewka): Donc, nous devons nous demander où nous voulons être en l'an 2010 et tracer notre cheminement à partir de là pour savoir par où nous devrons passer entre aujourd'hui et l'an 2010?

Mais quelqu'un devra tracer cette carte.

Dr Stiller: Oui, et je pense que vous pouvez le faire. Il n'est pas question d'envisager un énorme monolithe et de prescrire que tel phénotype ou tel génotype pourra être admis sur l'autoroute, mais pas celui-ci ou celui-là. L'esprit de découverte, la créativité et l'excellence sont le fait d'individus et cela, vous ne pouvez le prévoir. En revanche, vous pouvez prévoir la route le long de laquelle nous allons cheminer pour encourager ces créateurs. Effectivement, je crois qu'on peut y parvenir en faisant appel à des gens de bonne foi, qui entretiennent une certaine vision de l'avenir.

L'autre jour, quelqu'un m'a demandé ce qui explique mon optimisme. J'ai répondu que c'est contre ma nature, mais il se trouve que j'évolue dans un jardin où l'on a planté des graines et où les pousses commencent à sortir. Le soleil brille et je puis vous annoncer que la floraison n'est pas loin.

Au Canada, nous pouvons être concurrentiels sur le plan technologique d'une façon que le Canadien moyen ne comprend pas. Nous allons bientôt faire un véritable tabac.

.1310

Le vice-président (M. Lastewka): Monsieur Ackman.

M. Ackman: Je voulais vous faire une petite mise en garde au sujet de cette idée qui consiste à se projeter 13 ans dans le futur, puis à cheminer dans le sens contraire. Si vous le faites en pensant aux industries ou aux secteurs dans lesquels la concentration aura lieu, vous arriverez effectivement à cette étape au bout de 13 ans. Mais le relief aura alors changé, et vous n'aurez plus rien sur quoi vous fonder pour l'étape suivante.

Il n'est pas simplement question pour nous de prévoir quelles technologies domineront dans 13 ans. Nous devons planifier au cours des 13 prochaines années pour mettre en oeuvre un mécanisme qui nous permettra de savoir, régulièrement, quelles technologies émergent.

Je peux vous garantir que si nous remontions cinq ans en arrière, les technologies émergentes dont nous parlerions seraient tout à fait différentes de celles dont il est question aujourd'hui. Si vous vous projetez dans l'avenir et essayez d'imaginer ce que seront les technologies de demain, nous risquons de nous tromper ou nous ne saurons pas ce qu'elles sont à présent.

Tout ce qu'il reste tient à l'évolution, c'est affaire de progrès continu plutôt que de destination.

Le vice-président (M. Lastewka): C'est ce à quoi je pensais. Il faudrait constamment mettre cette carte à jour.

M. Oliver: Dans la même veine de ce que Cal vient de dire, j'ajouterais que si nous agissons ainsi, nous allons trouver très intéressants les échanges horizontaux entre les industries que nous aurons désignées pour devenir les chefs de file en l'an 2010.

J'ai beaucoup appris, ce matin, en écoutant Chris nous parler de ce que fait Newbridge. Je n'en avais pas entendu parler. J'ai noté que je dois me rendre là-bas avec une équipe pour apprendre la façon dont on s'y prend à Newbridge.

Nous pouvons appliquer ce que ces gens-là font d'un point de vue commercial aux secteurs médical, agricole et biotechnologique. Les périodes de gestation sont très différentes, mais les concepts demeurent les mêmes. Il y aura des échanges, dans les deux sens, si nous savons choisir les technologies gagnantes. Au bout du compte, un plus un égalera trois, quatre ou cinq. C'est là un concept que personne n'a exploité jusqu'ici. Le Canada est en excellente posture pour le faire, si nous faisons correctement les choses.

Dr Stiller: Mais dans tout cela, vous n'abandonnez pas l'idée d'un appui nécessaire à la science fondamentale. Je ne pense pas, monsieur le président, que qui que ce soit ici suggère d'abandonner cet appui un seul instant. J'espère que nous nous faisons bien comprendre.

Le vice-président (M. Lastewka): Nous allons passer à M. Aw.

Dr Aw: Monsieur le président, vous avez ouvert une série d'échanges tout à fait pertinents. Je tiens à dire que j'accorde tout mon appui au modèle Oliver qui consiste à scruter l'horizon et à planifier le trajet à suivre selon le modèle de Cal Stiller, celui de la carte routière, pour arriver là où nous voulons aller.

Mais tout cela ne nous éloigne pas de la question posée par M. Ackman. Cette carte routière, sera en constante évolution. Elle sera modifiée en fonction de toutes les nuances et de tous les changements extérieurs.

Il ne s'agit même pas d'un modèle qu'on n'aurait pas encore essayé. Très récemment, et par pure coïncidence, le Dr Murray McLaughlin lui-même nous a rappelé que les Américains ont effectivement réussi à envoyer un homme sur la lune après que le président Kennedy l'eut annoncé dans les années 60. Mais en fait, la décision avait été prise bien avant les années 60. Ce sont en fait les changements, l'innovation, la valeur ajoutée et le dynamisme qui ont permis aux Américains d'envoyer le premier homme sur la lune.

Personnellement, j'estime que nous en sommes à un tournant tellement emballant que nous pouvons réussir.

M. Shepherd: Un appel au règlement, monsieur le président. Je tiens à indiquer mon souhait de donner suite à une des suggestions qui nous ont été faites, à savoir d'accueillir le Dr Murray McLaughlin à ce comité.

Le vice-président (M. Lastewka): C'est noté.

Y a-t-il d'autres questions? D'autres commentaires par nos témoins?

.1315

Nous avons beaucoup appris au cours des jours et des semaines qui viennent de s'écouler. Nous avons débuté cette série par le Dr Carty, du Conseil national de recherches du Canada et nous avons visité plusieurs entreprises: CML Technologies, Jet Form et Vitana.

Aujourd'hui, vous avez encore plus éclairé notre lanterne. Je suis certain, comme M. Murray le disait, que tout au long de notre cheminement, nous nous imprégnerons de ce qu'il faut faire et de ce qu'il ne faut pas faire, ou plutôt de ce que nous devrions faire pour faciliter la réalisation de certaines choses. La table ronde d'aujourd'hui a été particulièrement instructive.

Au cours d'un de mes déplacements - et cela a été dit hier ou avant-hier - un représentant d'une université m'a déclaré que son institution travaille maintenant en étroite relation avec l'industrie. Et pourquoi cela? Cette université n'a plus autant d'argent, alors elle se rapproche de l'industrie. C'est alors qu'on s'est demandé où l'université avait passé ses dix dernières années?

Nous avons entendu un peu la même chose aujourd'hui, dans la bouche de M. Albinson, mais je n'en suis pas certain.

Il semble que le nombre de partenaires augmentent. Dans une des séances auxquelles j'ai participé, on nous a même dit qu'un conseil municipal s'intéresse à la recherche effectuée à l'université pour s'assurer qu'on fait bien circuler l'information parmi les citoyens afin de les amener à comprendre ce qui se passe et à bien appréhender les changements qui se produisent, comme l'a indiqué Mme Brown.

Eh bien, je crois qu'aujourd'hui votre témoignage nous a énormément éclairés. Je suis certain que les députés vont beaucoup parler de la façon dont nous devrons nous y prendre à ce propos.

S'il y a une chose sur laquelle j'ai beaucoup insisté aujourd'hui, c'est l'attitude: l'attitude du gagnant, une attitude voulant que les «Canadiens peuvent y arriver». Nous pouvons y arriver en nous rapprochant un peu plus les uns des autres et nous pouvons aussi y arriver plus rapidement en franchissant plus vite les étapes et en retirant les obstacles qui nous barrent le chemin. Tout ce que nous voulons, nous tous, c'est d'y parvenir ensemble.

Je tiens à vous remercier beaucoup du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui. Je suis certain que votre intervention nous aidera beaucoup en cours de route, pendant que nous poursuivrons cette étude.

Encore une fois je veux savoir si vous avez des exemplaires de vos transparents ou de vos mémoires, parce que vous pourriez les déposer auprès de la greffière ou les lui faire parvenir par courrier afin que nous puissions nous y référer. C'est très important, parce que nous y consacrons beaucoup de temps.

Je tiens, pour terminer, à informer les membres du comité que notre prochaine réunion aura lieu le mardi 5 novembre à 15 h 30.

La séance est levée.

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