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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 septembre 1998

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Soyez tous les bienvenus.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d'entendre les membres du groupe représentant les services de santé. Nous aborderons la question des services de santé en table ronde. C'est une question qui est vraiment importante pour des millions et des millions de Canadiens, qui nous rappellent constamment qu'il s'agit en fait de l'une des grandes questions que le prochain budget devrait permettre de régler.

Nous entendrons d'abord le Dr Taylor Alexander, qui représente le Groupe d'intervention action santé. Soyez le bienvenu.

Dr Taylor Alexander (président-directeur général, Association canadienne de soins et services communautaires): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Taylor Alexander et je suis président-directeur général de l'Association canadienne de soins et services communautaires. Je prends la parole ici aujourd'hui à titre de membre du Groupe d'intervention action santé.

Je suis accompagné de Alastair Thomson, qui a aidé le Groupe d'intervention action santé à préparer son mémoire. Il y a d'autres membres du Groupe à mes côtés, qui pourront vous en dire plus long sur ce mémoire, en profitant de l'occasion pour soulever des points particuliers concernant leurs propres organismes.

Le Groupe d'intervention action santé a déjà comparu ici à maintes reprises. Nos membres se sont réunis en 1991 pour pouvoir parler d'une seule voix des questions de soins de santé. Aujourd'hui, nous représentons environ 29 organismes nationaux intéressés aux questions concernant la santé et les consommateurs. Nous voulons collaborer avec d'autres organismes et les gouvernements pour préserver et renforcer notre régime canadien de santé. Vous trouverez dans le mémoire la liste des membres du Groupe d'intervention action santé.

• 1535

Les Canadiens ont dit qu'ils voulaient que le gouvernement fédéral investisse dans la santé, et c'est ce qui transpire dans notre message. Nous sommes très heureux que le premier ministre se soit engagé à utiliser le dividende budgétaire pour répondre à la priorité absolue des Canadiens: le régime d'assurance-maladie. Notre mémoire décrit comment cet investissement devrait se faire, selon le milieu de la santé. J'aimerais vous présenter un résumé de nos recommandations.

Premièrement, sachez que le Groupe d'intervention action santé est très heureux que le gouvernement fédéral ait établi un seuil de 12,5 milliards de dollars dans le budget de 1998 pour le TCSPS. Nous avons toujours exhorté le gouvernement de maintenir un seuil assez important pour permettre au gouvernement fédéral de jouer un rôle important dans les services de santé.

Maintenant que les perspectives budgétaires du Canada s'améliorent, nous demandons que le gouvernement fédéral renforce ce rôle en rétablissant le financement accordé aux provinces et aux territoires pour la santé. Pour mettre des services de santé de qualité à la disposition des Canadiens et pour amener le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires à assumer positivement leurs responsabilités en matière de santé, nous recommandons qu'une somme de 2,5 milliards de dollars soit rétablie pour servir à des transferts de fonds dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. En rétablissant ainsi le financement, il sera possible pour les provinces et les territoires d'améliorer la qualité des services de santé actuels, qui s'est tellement érodée au cours des dernières années.

Le Groupe d'intervention action santé recommande également que le gouvernement fédéral investisse une autre somme de 1 milliard de dollars pour relever le seuil afin d'élargir l'éventail des services pour qu'ils comprennent des soins tels que les soins à domicile et les soins communautaires, conformément à la priorité que le présent gouvernement s'est fixée et aux recommandations du Forum national sur la santé. Le nouveau financement permettra une véritable intégration des services visant toute la gamme des soins et des besoins, en évolution constante, afin de répondre aux attentes d'une population grandissante et vieillissante.

Nous ne croyons pas cependant que ce nouvel investissement devrait se faire sans que les provinces et les territoires soient obligés de rendre des comptes. Le Groupe d'intervention action santé reconnaît que les provinces et les territoires consacrent aux services de santé des sommes beaucoup plus importantes que ce qu'ils reçoivent par le biais des transferts fédéraux en matière de santé, mais estime que les Canadiens appuieraient un accord prévoyant l'établissement de rapports publics annuels indiquant comment nos dollars consacrés à la santé sont dépensés. Il ne s'agit pas ici de faire en sorte qu'un gouvernement ait des comptes à rendre à un autre; il s'agit de faire en sorte que tous les gouvernements aient des comptes à rendre aux Canadiens.

Dans le budget de 1997, le ministre des Finances a signalé que le seuil monétaire de 11 milliards de dollars qui existait à l'époque pour le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux était bel et bien un seuil et non un plafond. Ce seuil se situe aujourd'hui à 12,5 milliards de dollars, mais rien n'est prévu pour qu'il puisse être relevé, de sorte qu'il y aura érosion de sa valeur au fil du temps. Le Groupe d'intervention action santé recommande que le comité envisage d'établir une clause d'indexation pour maintenir la valeur du TCSPS.

Selon une autre recommandation, la répartition du TCSPS entre les provinces et les territoires devrait se faire en visant un traitement plus équitable des provinces qui ont été pénalisées par le plafond qui avait été imposé aux fonds du Régime d'assistance publique du Canada. Nous recommandons que cette répartition plus uniforme soit accélérée.

Compte tenu de ce que nous voyons dernièrement dans les médias à propos des discussions sur l'union sociale, et surtout de la plus grande souplesse qui est réclamée dans l'interprétation de la Loi canadienne sur la santé, les membres du Groupe d'intervention action santé estiment qu'il est essentiel que le gouvernement fédéral conserve les pouvoirs lui permettant de faire respecter ces principes. Nous favorisons un processus ouvert et transparent—et il se présente peut-être même une occasion de mettre au point un processus quelconque de résolution conjointe—mais nous estimons que l'intérêt supérieur de la nation exige une forte présence fédérale dans la santé. Les Canadiens tiennent à ce qu'il y ait au pays un seul régime de santé et à ce que le gouvernement fédéral puisse protéger la santé des Canadiens de toutes les régions du pays.

Enfin, lorsque le comité se penchera sur ses propres recommandations, nous vous exhortons de tenir compte du financement de la recherche qui est nécessaire pour appuyer un régime de santé fondé sur l'expérience clinique. Par exemple, nous avons besoin de projets de recherche pouvant faire la démonstration de meilleures méthodes d'assurer les services à domicile et communautaires et les programmes de traitement médicamenteux; et nous avons besoin également de méthodes de diffusion efficaces pour que tous puissent profiter en temps opportun des nouveaux projets de recherche.

Mesdames et messieurs, ce sont là les recommandations du Groupe d'intervention action santé. Les Canadiens, les établissements de santé et les fournisseurs de soins de santé ont pu constater les effets dévastateurs des compressions dont les services de santé n'ont cessé de faire l'objet. Les Canadiens ont dit ce qu'ils pensent et nous vous prions instamment d'écouter leurs doléances. Notre mémoire présente des suggestions raisonnables et concrètes quant aux gestes que vous pouvez poser pour faire une différence dans la vie des Canadiens.

• 1540

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue; mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Alexander.

Nous passons maintenant à l'Association canadienne des soins de santé, représentée par Mme Sharon Sholzberg-Gray, présidente-directrice générale, Mme Kathryn Tregunna, directrice du département des politiques, et Mme Aileen Leo, directrice des communications. Soyez les bienvenues.

Mme Sharon Sholzberg-Gray (présidente-directrice générale, Association canadienne des soins de santé): Je vous remercie.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse de prendre la parole ici aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des soins de santé. Nous sommes une fédération d'associations d'hôpitaux et d'organismes de soins de santé à l'échelle des provinces et des territoires et, par le biais de nos membres, nous représentons plus de 1 000 administrations régionales de soins de santé, hôpitaux, établissements de santé et organismes de services de santé dans tout le Canada. Ces organisations emploient environ un million de professionnels de la santé et de travailleurs de première ligne au service des Canadiens à la grandeur du pays. Des administrateurs agissant dans l'intérêt des Canadiens, pour la plupart bénévoles, dirigent ces organismes. C'est dire que le système de santé au Canada repose en fait entre les mains d'administrateurs et de bénévoles oeuvrant dans l'intérêt des Canadiens pour mettre à leur disposition les services de santé dont ils ont besoin. La mission de l'ACSS est d'améliorer la prestation des services de santé au Canada en élaborant des politiques, en offrant un service de représentation et en agissant comme maître d'oeuvre.

L'ACSS est également membre fondateur du Groupe d'intervention action santé, et elle est heureuse d'appuyer les recommandations formulées dans le mémoire du Groupe. À l'instar des autres partenaires du Groupe d'intervention action santé, l'ACSS se préoccupe des conséquences des compressions budgétaires pour le système de santé du Canada.

Nous sommes heureux que l'époque des coupures dans la santé est révolue, comme le ministre de la Santé l'a indiqué. Cependant, depuis 1995-1996, le transfert a fait l'objet de coupures totalisant environ 6 milliards de dollars. Compte tenu des autres mesures d'austérité pratiquées au cours des dix dernières années et s'élevant à environ 30 milliards de dollars, ces coupures continuent de se faire sentir dans notre système de santé. Tous les jours, les membres de notre fédération en constatent les effets.

La confiance de la population dans le système de soins de santé a dégringolé. Les gens ont peur de ne pas avoir accès aux services dont ils ont besoin, une anxiété que le gouvernement a lui-même reconnue dans le discours du Trône de l'an dernier. Des hôpitaux, des autorités sanitaires, des établissements de santé et des agences de soins de santé connaissent des déficits même si c'est interdit par la loi afin de respecter leurs obligations.

La privatisation du système de soins de santé atteint des proportions qui influeront sur l'accès aux services de santé requis étant donné que les gens, les employeurs et les Canadiens moyens, absorbent plus de coûts de soins de santé auparavant assumés par le gouvernement.

La frustration chez les fournisseurs de soins de santé qui essaient de s'adapter au changement constant a atteint des niveaux critiques. Le 13 septembre, À Saint John, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre a déclaré devant la Chambre de commerce du Canada: «L'accès universel à des soins de santé de grande qualité est essentiel pour nous permettre comme individus et comme pays de réaliser notre plein potentiel». Le premier ministre a également reconnu que les Canadiens craignent que le rythme et l'orientation de la restructuration des soins de santé compromettent la qualité des soins et l'accès universel.

Le premier ministre a déclaré le week-end dernier à des libéraux réunis à Toronto que notre principal investissement au cours de ce mandat sera dans l'assurance-maladie. Il a fait remarquer que celle-ci est le meilleur programme économique du Canada. Les Canadiens l'ont exprimé haut et fort: les soins de santé sont leur priorité numéro 1.

L'ACSS recommande au gouvernement fédéral d'adopter les cinq mesures suivantes dans le budget de 1999 pour réaliser l'objectif qui est de disposer d'un système de soins de santé accessible aux Canadiens et de la plus haute qualité.

Tout d'abord, relever de 2,5 milliards de dollars le seuil des transferts en espèces dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), de manière qu'il passe de 12,5 à 15 milliards de dollars. Cela permettra d'assurer la stabilité du régime d'assurance-maladie existant fondé sur les médecins et les hôpitaux et de répondre aux besoins actuels du régime. L'ACSS est heureuse de la décision du gouvernement de faire passer le montant plancher des transferts en espèces effectués dans le cadre du TCSPS de 11 milliards à 12,5 milliards de dollars. Cependant, pour reprendre les mots du ministre des Finances, du gouvernement en général et du Forum national sur la santé, ce chiffre représente un plancher et non pas un plafond.

Deuxièmement, intégrer un facteur de croissance ou de progression à la fraction en espèces du TCSPS de façon à soutenir le système d'assurance-maladie en place et à répondre aux besoins futurs prévus découlant du vieillissement et de l'accroissement de la population, et à tenir compte de l'essor économique. Sans un facteur de croissance, la valeur réelle du transfert diminuera avec le temps. En fait, en termes nominaux, on estime que le transfert ne sera que de 12,5 milliards de dollars en l'an 2002 alors que le transfert total représenterait d'ici là environ 28,6 milliards de dollars. L'actuelle formule d'indexation signifie en fait que les augmentations prendront la forme de transferts de points d'impôt, plutôt que de transferts monétaires, et donc que ces derniers diminueront en proportion de la valeur du transfert total.

• 1545

Troisièmement, engager initialement un milliard de dollars pour lancer un programme national de soins à domicile et communautaires appuyé en temps et lieu à l'échelle nationale par un programme d'assurance-médicaments et un système d'information en matière de santé. Il faudra à cette fin que les provinces et les territoires respectent les nouveaux principes enchâssés dans la Loi canadienne sur la santé. Il faudra revoir régulièrement ce montant pour déterminer quelle devrait être la contribution du gouvernement fédéral pour soutenir le continuum des soins. Un nouveau programme de soins de santé à domicile et communautaires assorti de certaines normes nationales rendra le continuum des services de santé requis beaucoup plus accessible aux Canadiens, et il diminuera également la demande du côté des hôpitaux.

Quatrièmement, contribuer avec les provinces et les territoires à l'élaboration de normes nationales régissant la participation du secteur privé au chapitre de la prestation des services de soins de santé. Cela assurera une reddition des comptes de la part du secteur privé.

Cinquièmement, contrôler et évaluer sur une base continue la participation du secteur privé (financement et prestation) au chapitre du régime canadien de soins de santé.

En conclusion, une forte présence fédérale dans notre système de soins de santé est nécessaire pour assurer l'accès à des services de santé comparables pour tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence. Nous croyons que nos recommandations contribueront à l'atteinte de cet objectif.

Au nom de l'Association canadienne des soins de santé, je vous remercie de m'avoir fourni cette occasion de comparaître devant le comité.

Le président: Merci beaucoup, madame Sholzberg-Gray.

Nous passons au représentant de l'Association dentaire canadienne, M. Richard Sandilands, qui en est le président. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Richard Sandilands (président, Association dentaire canadienne): Merci. Mon collègue le Dr Ray Wenn et moi-même sommes heureux d'être ici cet après-midi.

[Français]

Bonjour et merci de nous donner l'occasion de vous présenter les vues de l'Association dentaire canadienne lors de ce forum.

[Traduction]

L'Association dentaire canadienne est le porte-parole national des dentistes du Canada, et représente plus de 16 000 professionnels des soins dentaires au pays. Nous avons pour mission de promouvoir une santé bucco-dentaire optimale pour tous les Canadiens. Compte tenu du temps limité dont je dispose pour faire mon exposé, je vais essayer de souligner brièvement certains éléments clés regroupés sous trois grandes rubriques: premièrement, la déduction fiscale des régimes d'assurance-soins dentaires pour les travailleurs canadiens autonomes non constitués en société; deuxièmement, la politique en matière de revenu de retraite en voie d'élaboration au Canada; et troisièmement, le rôle du gouvernement dans la lutte au tabagisme.

L'an dernier, l'Association dentaire canadienne a présenté à ce comité un argument à l'appui de la déduction fiscale des régimes d'assurance-soins dentaires pour les travailleurs autonomes non constitués en société. Nous tenons à vous remercier de votre large appui et nous croyons que l'aval de ce comité a contribué dans une grande mesure à la décision du gouvernement d'annoncer l'initiative au titre du régime privé d'assurance-maladie lors du dernier budget fédéral. Nous sommes néanmoins perplexes devant la décision du ministère des Finances d'imposer un plafond au montant de la couverture de santé supplémentaire auquel les travailleurs autonomes non constitués en société ont droit, à savoir 1 500 $ pour les personnes et leurs conjoints, et 750 $ pour chaque enfant.

Le ministre des Finances a indiqué que cette mesure était proposée par souci d'équité fiscale, et nous sommes d'accord avec ce principe. Nous sommes donc contre l'application de limites discriminatoires à la déduction des primes entre les entreprises sans personnalité morale ou entre des employés appartenant à des entreprises faisant partie de cette catégorie et ceux qui travaillent dans des entreprises constituées en société ou pour le gouvernement. Nous appuyons le principe de l'équivalence de la couverture pour tous les employés autonomes permanents, à temps plein. Nous entendons continuer de travailler activement avec le gouvernement sur cette importante initiative et témoignerons éventuellement une nouvelle fois devant ce comité quand un projet de loi sur un régime privé d'assurance-maladie sera déposé. Dans le meilleur des cas, votre recommandation à cet égard pourrait donner lieu à la décision de supprimer les seuils financiers dans la mesure législative proposée.

Point numéro deux: L'Association dentaire canadienne reconnaît que le nombre de personnes âgées dans notre population s'accroît rapidement et que les changements démographiques qui en résultent modifient substantiellement les données financières sous-jacentes des vecteurs traditionnels de pension gouvernementale. Nous avions d'importantes préoccupations au sujet de la Prestation aux aînés proposée et sommes heureux de la décision de retirer cette initiative. Cependant, étant donné l'ampleur des changements démographiques dans notre pays, nous croyons que de nouveaux changements à la politique de pension gouvernementale s'imposent peut-être à court terme.

• 1550

L'Association dentaire canadienne s'oppose fermement à des changements ponctuels, isolés, dans des domaines comme le Régime de pensions du Canada ou la Sécurité de la vieillesse et estime que le gouvernement devrait envisager toute la question du revenu de retraite avant d'apporter des changements draconiens. De cette façon, les Canadiens peuvent en connaissance de cause planifier en vue de leur retraite sans se demander quand les règles changeront. Nous recommandons que le gouvernement procède à un examen approfondi de la politique en matière de revenu de retraite. Nous vous demandons de nous appuyer à cet égard, et nous continuerons de travailler avec la Retirement Income Coalition et la RRSP Alliance pour trouver des solutions applicables au revenu de retraite.

L'Association dentaire canadienne a travaillé avec Santé Canada en vue d'élaborer des stratégies et des politiques de réduction du tabagisme. Les dentistes voient régulièrement les effets dévastateurs du tabagisme. C'est un fardeau pour un système de soins de santé déjà surchargé, et bien qu'il s'agisse là d'un domaine où le gouvernement a pris des initiatives encourageantes, à notre avis, elles ne sont tout simplement pas suffisantes. Nous croyons que le gouvernement dispose d'une marge de manoeuvre financière substantielle pour proposer de nouvelles initiatives en matière de réduction du tabagisme et nous estimons qu'une portion beaucoup plus grande de la taxe sur le tabac devrait être appliquée à ces initiatives. Les taxes sur le tabac rapportent près de 2 milliards de dollars par année et pourtant, Santé Canada administre actuellement un budget de réduction du tabagisme de moins de 20 millions de dollars par année.

L'Association dentaire canadienne recommande que le comité entérine une augmentation substantielle des ressources financières consacrées à la réduction du tabagisme. Plus précisément, l'Association dentaire canadienne aimerait que soit proposée une recommandation en vue de revenir à l'engagement de 1994 de dépenser 185 millions de dollars sur une période de trois ans. Nous sommes également en faveur d'une augmentation des taxes sur le tabac destinée à financer des campagnes de réduction du tabagisme auprès des jeunes Canadiens.

Je vais rapidement répéter nos trois recommandations. Premièrement, l'Association dentaire canadienne recommande que soient traités équitablement les entrepreneurs autonomes sans personnalité morale et avec personnalité morale, c'est-à-dire qu'aucune limite ne soit imposée en matière de couverture d'assurance-maladie et d'assurance-soins dentaires. Deuxièmement, notre association appuie fortement un examen complet de la politique de revenu de retraite existante. Troisièmement, l'Association dentaire canadienne est fortement en faveur d'accorder plus de ressources financières pour combattre le tabagisme au Canada.

Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de faire cet exposé.

[Français]

Je me réjouis à l'avance de pouvoir répondre à vos questions.

[Traduction]

Si vous ou votre personnel avez des questions ou avez besoin de renseignements additionnels sur l'Association dentaire canadienne ou sur l'un des sujets abordés, veuillez communiquer avec mon bureau à l'Association dentaire canadienne à Ottawa. Nous demeurons prêts à travailler avec le gouvernement sur ces questions et sur d'autres importantes questions d'intérêt public.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Sandilands.

Nous passons maintenant à l'Association médicale canadienne. Nous accueillons aujourd'hui le Dr Allon Reddoch, président—toutes mes félicitations au président qui, je crois comprendre, vient d'être élu—et le Dr Léo—Paul Landry, secrétaire général et président de la RRSP Alliance. Bienvenue.

Dr Allon Reddoch (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.

Au nom de l'Association médicale canadienne (AMC) et de nos 46 000 membres, je suis heureux de pouvoir m'entretenir avec vous aujourd'hui. Je suis un médecin de famille de Whitehorse, au Yukon, et j'ai été élu il y a seulement deux semaines.

Je tiens à vous féliciter d'avoir convoqué cette table ronde sur les questions de santé dont l'AMC avait recommandé la tenue à l'occasion de sa comparution devant le présent comité en juin dernier, dans le dossier de l'exode des cerveaux.

Par cette courte allocution, je veux exhorter le comité, le plus énergiquement possible, à demander au gouvernement de faire preuve de leadership en réinvestissant dans notre système national de santé. D'abord, permettez-moi de vous dire que l'AMC croit en un système de santé solide, financé par l'État. Or, malheureusement, il est en train de nous échapper, tout comme la confiance de la population canadienne. Pour mes patients et pour les Canadiens de toutes les régions du pays, il est vital de préserver le système de santé du Canada. Ce système hautement prisé contribue à la santé de l'économie et a des répercussions importantes sur le mieux-être de la population.

Malheureusement, les Canadiens n'ont jamais eu si peu confiance en leur système de santé. En fait, ils ont presque perdu confiance. Selon un sondage AMC-Angus Reid réalisé en juin, le nombre de Canadiens qui croient que les compressions budgétaires ont eu un effet négatif sur la qualité des soins de santé a atteint un sommet sans précédent de 70 p. 100. Si le premier ministre et son gouvernement attendent que chaque Canadienne et Canadien ait perdu confiance dans notre système de santé avant d'agir, nous voudrions les prévenir que ce point est presque atteint.

• 1555

Je serai franc: notre système de santé est en crise. Les Canadiens veulent savoir si leur système de soins de santé sera là pour eux et leurs familles lorsqu'ils en auront besoin. Comme vous le constaterez à la lecture de la documentation que nous vous avons remise, tous les sondages démontrent que les Canadiens souhaitent le rétablissement des paiements de transfert pour la santé.

Depuis l'instauration du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en 1996, six milliards de dollars ont été retirés des transferts fédéraux aux provinces, ce qui représente une perte de 2,5 milliards de dollars pour la santé. Je dirais avancer que ces compressions ont constitué le principal obstacle à l'accessibilité des soins de qualité pour les Canadiens depuis l'implantation du régime d'assurance-maladie du Canada dans les années 60.

Je suis persuadé que tous les députés présents ici aujourd'hui ont vécu des expériences personnelles de problèmes d'accès aux services de santé, ou en ont entendu parler de leurs commettants. L'AMC est fermement convaincue qu'il faut élaborer sur-le-champ une stratégie réfléchie, résolue et responsable afin de réinvestir dans le système de soins de santé. L'AMC a proposé une telle démarche au premier ministre et au Cabinet fédéral.

Monsieur le président, sans une injection de fonds importante, cette crise de confiance chez nos patients et nos fournisseurs de soins ne fera que s'aggraver. C'est dans cette optique que l'AMC propose les recommandations suivantes.

Premièrement, afin d'assurer une visibilité et une imputabilité publiques plus grandes, le gouvernement fédéral devrait réserver à la santé une partie du transfert en argent aux provinces et aux territoires.

Deuxièmement, en plus du niveau actuel du transfert aux provinces et territoires pour les soins de santé, le gouvernement fédéral devrait rétablir la portion en argent à au moins 2,5 milliards de dollars par an en fonds réservés aux soins de santé, à compter du 1er avril 1999.

Troisièmement, à compter du 1er avril 2000, le gouvernement fédéral devrait indexer entièrement le droit total en argent destiné aux soins de santé en combinant des facteurs qui tiendraient compte de l'évolution des besoins des Canadiens en fonction de la croissance et du vieillissement de la population, de l'épidémiologie, des connaissances courantes et des technologies nouvelles, ainsi que de la croissance économique.

Outre la stabilisation de notre système de santé actuel, le gouvernement doit songer à l'avenir et au renouvellement du système de santé. Celui-ci doit se préparer à relever les défis du nouveau millénaire. À cette fin, l'AMC propose l'instauration d'un fonds de renouvellement du système de santé, soit un fonds ponctuel de 3 milliards sur trois ans, qui visera les besoins de façon stratégique et donnera au gouvernement fédéral une marge de manoeuvre suffisante dans la répartition des fonds et lui permettra d'obtenir l'entière reconnaissance de son investissement. Les secteurs ciblés seraient notamment le soutien de l'infrastructure des soins actifs, le soutien de l'infrastructure des soins communautaires, l'appui des Canadiens à risque et la technologie de l'information sur la santé.

Nous croyons qu'ensemble nos recommandations représentent un train de mesures puissantes et stratégiques pour le Canada. Globalement, elles contribueront à stabiliser le système de soins de santé et à garantir que les Canadiens qui ont besoin de soins ne tombent pas dans les failles du système. Le détail de ces recommandations vous est présenté dans la documentation qui vous a été remise.

Je tiens également à porter à votre attention l'ensemble des recommandations de l'AMC qui portent sur d'autres sujets, notamment les initiatives de contrôle du tabagisme, la TPS et les services médicaux, les plafonds de cotisation aux REER et la recherche médicale au Canada.

Le diagnostic révèle que notre système de santé est en crise. Le traitement consiste d'abord à faire du budget de 1999 un budget axé sur les soins de santé. Je vous exhorte, monsieur le président, à appuyer les recommandations qui vous sont présentées aujourd'hui et à intervenir afin de garantir que le prochain budget fédéral soit véritablement celui des soins de santé. Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Reddoch.

Nous allons maintenant entendre l'exposé de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.

Madame Mary Ellen Jeans, je vous souhaite la bienvenue.

Mme Mary Ellen Jeans (directrice générale, Association des infirmières et infirmiers du Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs. Aujourd'hui, à l'instar de plusieurs de mes collègues, je m'acquitte de deux responsabilités: celle de coprésidente du Groupe d'intervention action santé, et celle de directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. Le Dr Alexander vous a donné un aperçu de la position du Groupe d'intervention action santé (HEAL), ce qui va me permettre de vous entretenir pendant quelques instants de la crise silencieuse que traverse notre régime de soins de santé et qui préoccupe les infirmières et les infirmiers du Canada.

L'Association des infirmières et infirmiers du Canada est une fédération qui regroupe 11 associations provinciales et territoriales et elle est le porte-parole des infirmiers et infirmières autorisés au Canada. Les infirmières et infirmiers jouent un rôle critique dans notre régime de soins de santé assurant la promotion de la santé, la prévention des maladies, des évaluations et interventions infirmières, et dispensant des soins aux malades qui nécessitent des soins de longue durée.

• 1600

D'après des sondages récents, le public estime que les infirmières, plus que tout autre facteur, assurent la qualité des soins hospitaliers.

L'Association des infirmières et infirmiers du Canada appuie les recommandations présentées dans le mémoire du Groupe d'intervention action santé étant donné que nos membres, qui sont aux premières lignes des soins de santé, ne cessent d'être témoins de la détérioration de la qualité des soins d'un bout à l'autre du Canada. La détresse psychologique qu'elles ressentent, étant donné leur impuissance à ne plus pouvoir fournir aux Canadiens les soins qu'ils méritent, s'aggrave. Elles constatent sans le moindre doute qu'il est temps d'investir dans les soins de santé.

Dans le contexte des recommandations du Groupe d'intervention action santé, et pour la première fois, les infirmières et infirmiers canadiens s'adressent au gouvernement fédéral pour qu'il investisse de façon précise dans les soins infirmiers. C'est nécessaire sans quoi les Canadiens seront privés bientôt des soins qu'ils nécessitent. Cela se produira par suite d'un manque d'infirmiers et infirmières qualifiés capables de dispenser les soins nécessaires aujourd'hui et à l'avenir.

Les trois quarts des professionnels des soins de santé sont des infirmières et infirmiers. La réalité évidente, c'est que le Canada connaît une pénurie grave d'infirmières et infirmiers possédant les connaissances et les compétences nécessaires pour répondre aux besoins futurs des Canadiens. Nous avons employé l'expression «crise silencieuse» pour souligner non seulement la gravité de la situation, mais aussi le fait que tant les gouvernements que le public n'ont pas perçu ce problème.

Alors que les contraintes financières qui s'imposaient ont abouti à des changements profonds dans les services de soins de santé, les coûts de restructuration ont été élevés tant pour les infirmières et infirmiers que pour leurs malades. Bien des infirmières d'expérience abandonnent la profession et un grand nombre de nouveaux diplômés ont quitté le Canada. Ceux et celles qui restent sont souvent démoralisés et sont des travailleurs occasionnels.

Les derniers chiffres que nous possédons révèlent que le nombre des infirmières et infirmiers qui travaillent à temps partiel et qui occupent des emplois occasionnels est passé de 34 p. 100 en 1992 à 47,3 p. 100 en 1997. C'est presque la moitié de notre profession.

Pour préciser le sens du mot «occasionnel», il s'agit essentiellement d'une infirmière ou d'un infirmier qui travaille dans deux, trois ou quatre établissements ou cliniques de santé différents et d'ordinaire sans retirer aucun avantage. Une infirmière m'a expliqué récemment à Ottawa qu'elle travaille dans trois salles d'urgence différentes, deux d'entre elles rattachées à des hôpitaux d'enseignement, et une qui est une salle d'urgence communautaire. Les méthodes appliquées, les locaux, les gens impliqués sont complètement différents dans les trois situations et pourtant l'infirmière doit connaître parfaitement ces différences sans quoi il pourrait s'agir d'une question de vie et de mort pour un patient. Donc lorsque dans une profession la moitié du personnel travaille dans ces conditions, la situation est relativement grave.

L'effet le plus grave qu'entraîne l'emploi occasionnel, en matière de qualité de soins, a trait au manque de continuité—c'est-à-dire que ce ne sont pas les mêmes infirmiers ou infirmières qui traitent avec les malades et leur famille pendant une certaine période. Pour vous fournir une analogie intéressante, imaginez un système d'éducation où votre enfant aurait un instituteur différent chaque jour.

Il y a un an, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada a présenté un rapport qui prédisait une pénurie d'infirmières de l'ordre de 113 000 en l'an 2011. Cela s'explique par les facteurs d'offre et de demande. L'âge moyen des infirmières augmente. Je crois qu'à l'heure actuelle il se situe à environ 46 ans. Il y a beaucoup trop peu de jeunes infirmiers et infirmières et beaucoup trop peu de jeunes qui embrassent cette profession.

Notre population au Canada doit, paraît-il, s'accroître de 23 p. 100 d'ici l'an 2011 et une proportion significative de cette population vieillit. Or, nous savons que la demande de soins augmente avec l'âge.

Vous pouvez vous demander pourquoi il s'agit là d'un problème national alors que la réglementation en matière d'enseignement des professionnels de la santé est une responsabilité provinciale ou territoriale. Nous avons signalé une douzaine de raisons dans notre mémoire que je ne répéterai pas, sauf pour dire qu'il faut une direction et une vision nationales dans le domaine des ressources humaines de la santé. Il s'agit là d'un problème crucial pour tous les Canadiens.

Le Canada n'est pas seul à être aux prises avec cette crise. Une situation analogue a atteint un degré tellement critique dans des pays tels que l'Angleterre, l'Irlande et l'Australie qu'il a fallu mettre sur pied des commissions nationales pour régler la crise après qu'elle soit devenue catastrophique. Faisons notre profit des erreurs d'autrui. Ces pays-là savaient qu'une pénurie s'annonçait et ils n'ont pas réagi. Nous le savons nous aussi et nous avons le temps d'agir, mais il ne faut pas attendre, sans quoi nous ne serons pas en mesure de diffuser la crise.

• 1605

Nos recommandations précises sont modestes dans le contexte du budget fédéral. Nous réclamons qu'un montant de 40 millions par an soit affecté au cours des cinq prochaines années pour régler cette crise.

Un montant de 10 millions de dollars serait affecté à des stratégies visant le recrutement et la continuité d'emploi à travers le pays, dans les provinces et les régions. Le gouvernement a ainsi l'occasion de favoriser littéralement la création de milliers d'emplois, des emplois à base de connaissances dont notre pays a besoin pour assurer les soins de santé du siècle prochain. À quoi servent les lits d'hôpitaux s'il n'y a pas d'infirmières? On ne peut pas appliquer les nouveaux programmes de soins à domicile sans infirmières. Et l'on doit cibler, dans nos stratégies, des groupes sous-représentés précis tels que les étudiants autochtones, les hommes et les membres des collectivités multiculturelles.

Un montant supplémentaire de 20 millions de dollars permettrait d'assurer la recherche dans le domaine du recrutement et de la continuité d'emploi des infirmiers et infirmières, mais il permettrait aussi d'améliorer les soins dispensés aux malades et leur qualité de vie. Même s'il est d'une importance capitale d'assurer la guérison, il convient aussi de dispenser des soins. On n'a souvent pas tenu dans l'octroi de fonds de recherche destinés à la médecine traditionnelle de demandes concernant la recherche des soins infirmiers, étant donné que celle-ci a trait aux soins et non à la guérison. Le financement de la recherche des soins infirmiers aiderait au développement de nouveaux programmes de soins communautaires, et à domicile, et s'attaquerait à des problèmes tels que les soins prolongés à mesure que la population vieillit, les soins palliatifs, et la gestion des symptômes et de la douleur. Cette recherche définirait de nouveaux rôles pour les infirmières et les infirmiers, y compris les soins de santé primaires qu'ils dispensent. Une utilisation appropriée des talents du personnel infirmier dans des rôles élargis, permettrait de réduire les coûts des soins de santé.

L'autre montant de 10 millions que nous réclamons servirait à appuyer la dissémination et l'interprétation des symptômes, de preuve, en se servant de nouvelles technologies telles que l'infrastructure sanitaire canadienne. Faisant appel aux 275 000 infirmiers et infirmières enregistrés du Canada, l'établissement d'un réseau de connaissances des soins infirmiers favoriserait la recherche des ressources humaines et l'établissement de bases de données tout en stimulant l'échange de cas.

Mesdames et messieurs, alors que vous vous acquittez de la tâche difficile qui consiste à fixer les priorités de dépenses pour le prochain budget, au nom des infirmières et infirmiers du Canada, je vous exhorte à tenir compte de notre mémoire dans le contexte d'un investissement dans la santé des Canadiens. Le public canadien mérite des soins de qualité à l'heure actuelle et l'avenir. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Jeans.

Nous allons maintenant entendre l'exposé de la présidente de la Fédération nationale des syndicats des infirmières et infirmiers. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Kathleen Connors (présidente, Fédération nationale des syndicats des infirmières et infirmiers): Je crois bien que Mary Ellen et moi allons pouvoir faire valoir le point de vue des infirmières et des infirmiers, ce qui à mon avis est important étant donné, comme Mary Ellen l'a signalé aux membres du comité, les trois quarts des fournisseurs de soins de notre système de santé sont des infirmiers et infirmières.

Je représente les membres du personnel infirmier qui travaillent en première ligne, qui sont syndiqués et qui dispensent leurs services dans le secteur des soins de santé, qu'il s'agisse des soins de courte durée, des grands centres de soins tertiaires, des établissements ruraux ou septentrionaux, des soins à long terme ou dans des collectivités, en tant que personnel infirmier de la santé publique ou des soins à domicile. Je crois que la participation des travailleurs de première ligne dans notre régime de soins de santé a vraiment permis de savoir exactement ce qui se passe dans ce système et je suis absolument éberluée que les représentants du système de soins de santé que vous entendez aujourd'hui manifestent un tel degré d'unanimité.

Je dois pourtant ajouter que nous sommes membres du Congrès du travail du Canada depuis janvier 1998, et à titre de membres, nous approuvons les grandes lignes du mémoire que le CTC a présenté au comité lorsqu'il a comparu devant vous pour traiter d'autres questions. Mais je crois que vous constaterez que les revendications présentées par le congrès et les nôtres ont beaucoup de similitudes en matière de soins de santé.

En ce qui concerne nos membres, certes ce qui se produit sur les premières lignes témoigne des effets très significatifs des réductions apportées par le gouvernement fédéral, dans les paiements de transfert sur la qualité et la sécurité des soins de santé. À ce sujet, nous avons constaté que l'effet le plus profond a été enregistré depuis la mise en oeuvre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. La Fédération nationale des syndicats des infirmières et infirmiers recommande que l'on se débarrasse du Transfert et que l'on établisse un certain nombre de fonds nationaux d'investissement social, chacun doté de sa propre formule de financement qui soit adapté au secteur social qu'il représente, et chacun de ces fonds devrait respecter les normes nationales. Je veux parler d'un fonds national de soins de santé, un fonds national de soutien du revenu, et un fonds d'enseignement postsecondaire pour remplacer ce TCSPS.

• 1610

Relativement au financement accordé aux programmes provinciaux de soins de santé, nos membres, à l'instar de bien d'autres groupes présents ici, ont participé à la consultation nationale que le gouvernement fédéral avait organisée relativement aux soins à domicile au début de l'année 1998. Les participants à cette conférence ont imploré le gouvernement fédéral d'aborder la question des soins à domicile afin d'établir un programme national de soins à domicile doté de normes nationales rigides.

On ne saurait, d'après nous, avoir un programme de soins à domicile sans un régime d'assurance-médicaments, parce que lorsque l'on met des malades à la porte de l'hôpital... et j'entends par là ceux qui rentrent chez eux très tôt après une intervention chirurgicale ou des tests et ne peuvent plus recevoir de soins à l'hôpital. Quand on est hospitalisé, les médicaments sont payés; lorsqu'on est chez soi, il faut les payer soi-même. Nous sommes fermement d'avis que toute initiative en matière de soins à domicile doit aller de pair avec un programme d'assurance-médicaments. À cette fin, des fonds devront être fournis et nous proposons un montant de deux milliards pour les soins à domicile et de un milliard pour le régime d'assurance-médicaments en plus du montant de trois milliards au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

L'un des autres sujets que nous n'avons cessé d'aborder en comparaissant devant votre comité—c'est le cas de ceux d'entre vous qui étaient ici l'année dernière—est le programme fédéral de subventions qu'a aussi réclamé la Fédération nationale des syndicats des infirmiers et des infirmières. Vous savez que les hôpitaux au Canada ont été construits selon un système de réciprocité; peut-être est-ce là le moyen de convaincre les provinces de participer à un régime de soins à domicile et d'assurance-médicaments. Pour chaque dollar que verse le gouvernement fédéral la province fournit un dollar en contrepartie, ce qui permet de construire l'hôpital mais bien entendu en respectant les normes prévues par une mesure législative nationale.

À l'instar de l'Association canadienne des infirmières et infirmiers, nous nous préoccupons énormément de la question des ressources humaines de la santé, surtout relativement à ce qui se produit dans le domaine des soins infirmiers au Canada. Votre propre ministre, le ministre de la Santé, a déclaré aux infirmiers et infirmières en juin de cette année: «aucun groupe professionnel n'a été plus victime du fardeau de la restructuration des soins de santé que l'ont été les infirmières et infirmiers du Canada.» Donc le gouvernement fédéral l'a reconnu par l'entremise du ministre de la Santé, et nous sommes ici pour vous demander de remédier à cet état de choses.

Nous voulons que le gouvernement fédéral commence à mettre en oeuvre une stratégie globale nationale visant les ressources humaines et la santé. Nous encourageons le gouvernement à étudier attentivement les recommandations formulées dans le mémoire présenté par l'Association canadienne des infirmières et infirmiers. Les questions de recrutement et de continuité d'emploi doivent en faire partie; il faut qu'elles y figurent.

Mary Ellen a dit qu'il s'agissait d'une crise silencieuse. Je suis prête à vous dire qu'elle ne va pas être silencieuse pendant encore bien longtemps. Observez ce qui se passe aux tables de négociations à travers le pays. Les infirmiers et les infirmières vont insister pour obtenir satisfaction parce qu'ils et elles tombent comme des mouches sur les lignes de front dans leurs efforts pour dispenser les soins de santé nécessaires et l'on ne saurait tolérer qu'un groupe de gens dans notre pays soient traités ainsi.

Les emplois dans le secteur public et les ressources humaines ne se retrouvent pas uniquement dans le secteur hospitalier. En tant qu'infirmières, nous savons parfaitement que lorsqu'on détient un emploi assez bien rémunéré qui comporte des avantages, dans ce cas, neuf fois sur dix on va bien se porter. Donc les réductions imposées au secteur public doivent cesser partout, et c'est-à-dire aux niveaux fédéral et provinciaux et par conséquent le gouvernement fédéral doit une fois de plus donner l'exemple dans ce domaine.

Un autre aspect relativement aux questions dont le gouvernement peut s'occuper consiste à s'assurer que le sang, les aliments, les médicaments et les appareils médicaux ne présentent aucun danger. Bien franchement, nous recommandons que le financement de la Direction de la protection de la santé soit rétabli aux niveaux de 1993-1994. Sauf erreur des consultations se déroulent actuellement relativement à la Direction de la protection de la santé, mais tant qu'elles ne seront pas terminées, n'allez pas réduire le financement; ramenez-le à son niveau antérieur.

• 1615

À notre avis, le régime des soins de santé au Canada ne devrait pas seulement être financé par les fonds publics mais les services de santé devraient être assurés par le secteur public et à cette fin nous recommandons que vous envisagiez la façon de mettre sur pied un groupe autonome de vigilance pour examiner les cas de privatisation dans notre pays. Nous ne voulons pas qu'on établisse des hôpitaux ou des cliniques privés comme cherche à le faire le groupe des ressources de la santé à Calgary.

Normes nationales: Nous avons formulé des recommandations à ce sujet et il s'agit simplement d'assurer une transmission plus complète des données, de faire appliquer ces normes et de surveiller plus attentivement ce qui se passe.

Nous aussi, à titre d'infirmières et d'infirmiers, sommes d'avis que l'on devrait apporter des modifications aux règlements concernant la loi de l'impôt sur le revenu afin que notre profession puisse figurer dans les occupations auxquelles on accorde des dispositions spéciales de retraite anticipée étant donné l'aspect de sécurité publique du travail que nous accomplissons. Nous estimons que les degrés de violence que les infirmiers et infirmières connaissent à leur lieu de travail, sont plus élevés que ceux auxquels sont exposés les agents de police, par exemple.

Le niveau tout à fait affligeant de la santé des Autochtones, nous préoccupe et nous prions le gouvernement de songer à mettre en oeuvre les recommandations importantes figurant dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, en ce qui concerne les soins de santé.

Enfin, et ce n'est pas un détail moindre, le personnel infirmier compte 97 p. 100 de femmes et il va falloir s'occuper de la façon dont les questions les concernant sont traitées. Je suis ici pour vous affirmer que la Fédération nationale des syndicats des infirmières et infirmiers ne va pas permettre que l'on monte la question des soins de santé contre celle de l'équité salariale aux profits de l'Alliance de la fonction publique du Canada. C'est à vous à régler ce différend. Je répète que des emplois bien rémunérés favorisent une bonne santé.

Les décisions qui ont été prises concernant la méthode de financement des groupes de femmes nous préoccupent également. Nous voulons que le gouvernement fédéral revienne à la formule de financement de base dans l'établissement d'un budget de programme destiné aux femmes et un financement sélectif pour les femmes et les enfants victimes de violence.

Notre mémoire renferme d'autres détails mais je vais m'arrêter. Je répondrai volontiers à toutes vos questions. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Connors.

Voilà qui termine les exposés de notre table ronde. Comme toujours bien entendu, l'une des tables rondes les plus intéressantes est celle qui est consacrée aux soins de santé.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses et donner la parole à M. Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.

Je tiens à féliciter tous nos témoins de nous avoir donné non seulement une grande masse d'information mais une information qui est très cohérente. J'ai travaillé dans le secteur de l'enseignement pendant 31 ans et j'estime que vous avez présenté votre matière d'une façon qui la rend facilement assimilable.

Je veux poser une question à vous tous. Elle est très simple et vous pourrez probablement y répondre par un signe de tête. À votre avis, la qualité des soins de santé a-t-elle baissé depuis dix ans sur le plan des actes médicaux dont on dispose en ce moment et des soins dispensés aux malades? Oui ou non?

Le président: Les choix abondent.

M. Ken Epp: La qualité a-t-elle baissé?

Dr Allon Reddoch: Oui.

M. Ken Epp: Qui a dit oui? Levez la main. Qui dit non? Donc les autres n'ont pas d'idée. D'accord.

Peut-être va-t-il nous falloir des explications à ce sujet. Je me contente de poser la question. En tant que parlementaire, je reçois souvent des plaintes de gens qui ont voulu avoir recours au système de soins de santé qui se plaignent que les choses vont mal et que le régime est en perte de vitesse. Par contre d'autres m'affirment avoir été à l'hôpital et avoir été traités aux petits oignons. Donc, peut-être nous faut-il certaines précisions.

Le président: Docteur Reddoch.

Dr Allon Reddoch: Merci monsieur le président.

Je crois que le niveau de soins que reçoivent les Canadiens est bon mais la véritable difficulté réside dans l'accès à ces soins. Nous constatons que les listes d'attente s'allongent de plus en plus. Une fois que vous êtes en tête de liste, vous obtenez alors de bons soins. Cela tient donc partie au fait que les médecins travaillent sans relâche. Vous avez entendu les groupes infirmiers vous parlez de toutes les besognes qu'elles s'abattent et je peux en témoigner. Nous travaillons tous avec acharnement pour dispenser les soins nécessaires, et essentiellement nous avons presque isolé le public canadien de cette crise imminente, grâce à nos efforts.

Les membres de la profession des infirmiers et infirmières nous ont dit aujourd'hui être au bout du rouleau, que la profession médicale avait atteint le seuil de la tolérance. Lorsque nous disons que le système des soins de santé est en crise, il ne s'agit pas d'une simple formule, nous en sommes fermement convaincus. Il est temps à mon avis que quelque chose se passe.

• 1620

Le président: Madame Sholzberg-Gray suivie de Mme Jeans.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Relativement à la question de la qualité, j'ai l'impression que les fournisseurs de soins de santé sont pris dans un cercle vicieux à leur détriment lorsqu'ils s'efforcent de dispenser aux Canadiens des soins de la meilleure qualité possible étant donné les ressources dont ils disposent. Nous savons que les Canadiens en sont témoins lorsqu'ils sont admis dans un hôpital et congédiés 24 heures plus tard sans bénéficier d'un programme de soins à domicile. De toute évidence, la qualité en souffre si un malade est seul à la maison pour s'occuper de lui sans l'aide de personne. Voilà un exemple de la réduction de la qualité.

En ce qui concerne les soins chroniques, la plupart des gens savent quÂà moins que l'on aille soi-même à l'hôpital faire prendre les repas à ses parents ils pourraient très bien ne pas être nourris et ne pas recevoir les autres soins nécessaires. Voilà à mon avis un signe qui dénote de la baisse de la qualité de notre régime de soins de santé.

Nous avons vu également que, dans les efforts déployés pour réduire les coûts budgétaires et éliminer les déficits, une grande quantité d'hôpitaux et d'installations sanitaires ont dû supprimer certains services. Essentiellement ils s'efforcent de dispenser autant de soins et de services avec un personnel aussi peu payé que possible. Cela signifie en fait que, dans certains cas, c'est du personnel occasionnel qui prend soin des malades.

De toute évidence, ce n'est pas là une situation idéale pour les Canadiens. Nous devons fixer des normes claires qui prévoient le niveau de formation exigé pour dispenser les soins.

Cela ne veut pas dire que les Canadiens devraient s'affoler parce que nous ne voulons pas dire qu'ils sont en danger quand ils vont dans un hôpital ou dans une installation sanitaire ou qu'ils s'adressent à des services de santé. Ce que nous cherchons à dire c'est que le régime fait des miracles moyennant les ressources dont il dispose et que faute de réinvestissement, nous allons devoir affronter une crise véritable à l'avenir.

Vous voudrez peut-être aussi vous adresser au Conseil canadien chargé de l'agrément des établissements de santé qui agrée les services de santé et les établissements sanitaires du pays. Il vous dira peut-être qu'en ce qui concerne ces méthodes d'agrément, il commence à déceler des problèmes en matière de qualité. Voilà à mon avis une chose qui devrait préoccuper les Canadiens.

Le président: Madame Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Merci.

Je vous remercie de la question que vous m'avez posée, monsieur. Vous avez dit que vous étiez enseignant. Vous vous souvenez peut-être, comme moi, de l'époque où les établissements d'enseignement étaient dotés d'une infirmière scolaire. À l'heure actuelle, une seule infirmière doit desservir entre 17 et 20 écoles différentes. Il n'est pas possible que la qualité des soins dispensés aux enfants de ces écoles et permettant de déceler les enfants à risque, etc. puisse être comparable à ce qu'elle était il y a dix ou quinze ans.

Je tiens aussi à signaler que, outre les sondages publics qui font état d'une baisse de la qualité, certaines autres choses se passent. Les preuves s'accumulent actuellement pour démontrer que plus il y a d'infirmiers ou d'infirmières dans le système, moins il y a de conséquences fâcheuses du côté des malades.

Prenons par exemple le cas des gens qui sont congédiés très tôt de l'hôpital et qui rentrent chez eux sans bénéficier de soins à domicile. Une plus grande proportion de ces gens-là doivent peut-être être réadmis avec des infections et d'autres sortes de complications. À l'heure actuelle, on procède à des études dont le monde entier pour étudier le rapport entre des fournisseurs de soins de santé compétents et les conséquences qui en résultent pour les malades. Il faut effectuer plus d'études à ce sujet au Canada.

Je tiens à signaler également que, dernièrement dans les journaux, il l'a été question des taux accrus d'infection dont nombre de nos hôpitaux. Les gens disent des choses ridicules notamment que les infirmières sont trop occupées pour avoir le temps de se laver les mains. Mais le fait est que les infirmiers et infirmières ne sont pas assez nombreux et que certains des fournisseurs de soins n'ont pas la moindre connaissance de la microbiologie. Donc, la qualité des soins dispensés baisse nettement.

Le président: Merci, madame Jeans. Docteur Alexander.

Dr Taylor Alexander: J'aimerais seulement faire écho à ce qui a été dit et ajouter quelques commentaires. Il y a un instant, Mme Sholzberg-Gray a parlé des soins à domicile, par exemple, et de la grave question concernant les plafonds que les provinces imposent au nombre d'heures qu'elles compensent aux organismes pour la prestation des services.

On entend dire que des aides à domicile, par exemple, prennent sur leur propre temps, après les heures, pour s'assurer que la personne va bien et n'a pas besoin de services additionnels. Souvent, ces travailleurs comblent des lacunes à leurs propres dépens, gratuitement. Ce sont des personnes qui reçoivent elles-mêmes un très faible revenu.

À cet autre aspect se greffe toute la question du recrutement et du maintien en fonction des individus comme les aides à domicile, parce que les taux de rémunération sont en général très bas dans tout le pays. Il y a un problème de roulement du personnel qui influe sur la question de la continuité des soins, comme Mme Jeans l'a mentionné. C'est une question grave sur laquelle il faut également se pencher. Ce sont donc d'autres facteurs qui ont un effet sur la qualité, ce qui n'est peut-être pas évident dès le départ.

• 1625

Le président: Merci.

M. Ken Epp: J'ai une autre question.

Le président: Ce sera votre dernière.

M. Ken Epp: Je connais la réponse à ma question, mais j'aimerais qu'elle soit consignée officiellement et que quelqu'un d'entre vous me dise si l'on peut prouver de façon empirique que nos listes d'attente sont plus longues qu'avant ou si ce n'est qu'une impression.

Le président: Madame Connors.

Mme Kathleen Connors: Tout dépend du rapport que vous lisez. Certes, l'Institut Fraser aimerait nous faire croire que les listes d'attente ne cessent de s'allonger, mais j'ai également pris connaissance d'un rapport plus récent qui, à mon avis, réfute une partie de cela.

Je crois que le problème pour les Canadiens... et encore une fois, bien que nous, les infirmières, sonnions l'alarme pour ce qui est de la sécurité et de la qualité, il reste qu'étant donné que nous avons un système de soins aigus financé par l'État dans ce pays, si vous avez besoin de soins, vous les obtenez et, à mon avis, ils sont de calibre mondial.

Ils le sont parce que les fournisseurs de soins de santé bien souvent les assurent au prix de leur propre santé. Quand on parle de soins, on ne parle pas uniquement de soins physiques; il y a aussi le soutien émotif et psychologique de l'individu et de sa famille, ce genre de choses. C'est quand on ne peut pas le faire, quand dans une journée on n'a que le temps d'assurer les soins physiques, que cela laisse des traces sur les professionnels du système qui se disent qu'ils auraient dû en faire plus et qui s'interrogent sur ce qui pourrait arriver.

La question des listes d'attente est épineuse. Mais je peux vous dire qu'en Nouvelle-Zélande, avant qu'ils ne passent à un système mixte de soins de santé assumés par l'État et le secteur privé, les listes d'attente ne cessaient de s'allonger. Depuis qu'ils ont changé de formule et ont introduit le secteur privé dans le système, les listes d'attente ont doublé. Comment le gouvernement néo-zélandais a-t-il réglé le problème? Il a changé les critères d'admissibilité aux listes d'attente. C'est donc un scénario fascinant et sur la question des listes d'attente, je crois que nous devons être prudents.

Le président: Merci beaucoup, madame Connors.

Merci, monsieur Epp. Vous avez 10 minutes.

M. Ken Epp: Je le sais, et j'aimerais dire quelque chose en conclusion.

J'ai le privilège d'être né en Saskatchewan où, je crois, le premier système de soins de santé public a été mis en oeuvre. Que je sache, l'unité de soins de Swift Current a été la première, dans les années 40, et c'est là que je suis né.

Il y a donc longtemps que je suis partisan d'un système de soins de santé fort, ce qui vous étonnera peut-être étant donné tout ce qu'on dit de négatif sur l'une des raisons qui m'a attiré vers le parti auquel j'appartiens. Celui-ci croit qu'il doit remettre de l'ordre dans le gouvernement pour avoir les ressources financières nécessaires pour fournir les programmes que les Canadiens chérissent vraiment. Et tout en haut de la liste figurent les soins de santé.

Je vais terminer là-dessus. Merci.

Le président: C'est un commentaire. Vous ne voulez pas de réponse de quiconque.

M. Ken Epp: C'est un commentaire, à moins que quelqu'un veuille appuyer ce que j'ai dit.

Le président: D'accord, nous allons poursuivre.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Bienvenue à tous les témoins qui représentent les diverses organisations de soins de santé.

Plus tôt, quelqu'un a dit que notre système de santé était en crise. Pourtant, auparavant, tout le monde s'entendait—et je suis d'accord avec vous que le système de santé est en crise—pour dire que la réforme des soins de santé amorcée par les provinces n'était pas un caprice mais une nécessité compte tenu du vieillissement de la population, des nouvelles technologies, des coûts plus élevés des médicaments, etc.

Toutes les provinces ont amorcé cette réforme dans des conditions très difficiles à cause des coupures budgétaires, parce qu'elles devaient elles-mêmes faire des compressions un peu partout dans la gestion des soins de santé et dans le cadre d'autres réformes amorcées. Tout cela a été très difficile parce que le gouvernement fédéral a coupé dans le Transfert social canadien. Vous avez vous-mêmes évalué à six milliards de dollars les coupures dans le domaine des soins de santé.

• 1630

Ce sont des sommes faramineuses, et les provinces éprouvent actuellement beaucoup de difficulté à respecter les cinq grands principes canadiens. Toutes ces compressions se répercutent—Mme Mary Ellen Jeans nous en parlé plus tôt—sur les ressources humaines.

Actuellement, un consensus se fait parmi les premiers ministres provinciaux, lesquels demandent au gouvernement fédéral de réinvestir dans les soins de santé par le biais du Transfert social canadien.

Que va-t-il arriver si le gouvernement fédéral fait la sourde oreille en ce qui a trait au réinvestissement dans les soins de santé? Pour ce qui est des surplus budgétaires, qu'est-ce qui va arriver? Qu'est-ce qui va arriver aussi aux cinq grands principes canadiens auxquels la population canadienne tient tant actuellement et qui font partie de nos valeurs sociales?

[Traduction]

Le président: Qui aimerait commenter? Monsieur Landry.

[Français]

Dr Léo-Paul Landry (secrétaire général, Association médicale canadienne): Cette question est importante. Qu'est-ce qui va arriver si le gouvernement fédéral fait la sourde oreille? Tout dépend du niveau auquel on se place, au niveau politique ou au niveau du système de santé. Il y a aussi le niveau de la santé. Aujourd'hui, nous vous présentons presque un front uni. Même si certains d'entre nous ne se connaissaient pas avant d'arriver ici, nous vous apportons le message de la population canadienne en termes de priorités. C'est la priorité numéro un.

Deuxièmement, vous avez deux problèmes: premièrement, un problème de crise de confiance et, deuxièmement, un problème d'accès. Qu'est-ce qui va arriver si le gouvernement fédéral ignore ce message-là? Eh bien, le problème de confiance va demeurer et le problème d'accès va certainement s'aggraver étant donné les facteurs qu'on vous a décrits plus tôt, à savoir le vieillissement et l'augmentation de la population. Mais il y a une autre chose que vous devez savoir: le Canada se situe au 23e rang des 28 pays de l'OCDE. On a les chiffres pour 27 pays, et le Canada est le plus privatisé.

Si les gouvernements continuent de se retirer du financement du système de santé, le vide sera tellement grand qu'il arrivera ce que l'on ne veut pas, c'est-à-dire la privatisation à l'américaine du système.

Mes collègues et moi disons que le gouvernement canadien ne peut se permettre d'ignorer plus longtemps le message de la population et de tous les acteurs du domaine de la santé.

Deuxièmement, il est agréable d'entendre le premier ministre dire que les cinq principes ne sont pas négociables, parce que c'est exactement la position qu'on a adoptée. Donc, il faut que quelque chose se produise, non pas dans deux ou trois ans, mais lors du budget de 1999.

Le président: Madame Picard, avez-vous d'autres questions?

Mme Pauline Picard: Non, c'est correct.

[Traduction]

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

J'aimerais commencer par signaler ce qui se passe ici aujourd'hui, ce que je constate comme étant l'expression d'une conformité d'opinion et d'une détermination sans précédent des divers éléments de notre système de soins de santé. Je crois que c'est la première fois que nous voyons des médecins, des infirmières, des associations professionnelles, des associations de soins de santé, des établissements hospitaliers, à l'instar de la population canadienne et de tous les gouvernements provinciaux, dire une chose, qu'il y a urgence dans notre système de soins de santé aujourd'hui et que le gouvernement fédéral doit, comme je l'ai lu et vous l'ai entendu dire aujourd'hui, injecter immédiatement 2,5 milliards de dollars, ou plus si possible, dans les paiements de transfert en espèces au titre de la santé.

L'autre chose importante à signaler, monsieur le président, c'est le genre d'urgence introduite dans ces discussions. Vous vous faites certainement l'écho de ce que nos commettants nous ont dit au cours de l'année dernière, comme les préoccupations des gens au sujet des listes d'attente, de l'accès à des services de qualité, de la capacité d'avoir accès à des services de diagnostic, et des situations d'urgence. Je crois que c'est le genre de sentiment que nous devons utiliser pour convaincre le gouvernement fédéral que c'est la réalité et qu'il nous faut trouver un moyen de régler le problème sans délai. Je suis donc très encouragée par ce que vous avez dit tous.

• 1635

Je pense que des ballons d'essai sont lancés, et nous entendons maintenant le gouvernement fédéral dire que nous ne devrions pas nous attendre à une injection massive de fonds. Le montant pourrait être inférieur à 1 milliard de dollars, et il se peut que nous n'ayons pas le genre de budget de soins de santé dont nous avons besoin pour 1999. Ma question est la suivante: si nous obtenons moins de 2 milliards à 3 milliards de dollars dans ce budget, cela va-t-il compromettre la capacité du régime d'assurance-maladie de survivre? Cela va-t-il contribuer à créer encore davantage un système de soins de santé à deux vitesses et à réduire éventuellement l'appui du public envers des soins de santé universellement accessibles? Pouvez-vous nous dire ce dont nous avons besoin pour convaincre les députés libéraux du Parlement que c'est absolument impératif?

Mes questions s'adressent à quiconque veut bien y répondre. Je cherche des conseils de tous.

Le président: Madame Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Premièrement, vous continuerez d'assister à un accroissement de la privatisation. Nous savons que les soins deviennent de plus en plus ambulatoires, et nous savons que les gens reçoivent leur congé de l'hôpital très tôt, etc. Ce sont les soins à domicile qui connaîtront la croissance la plus rapide. À l'heure actuelle, ils ne sont pas couverts par l'assurance-maladie de façon uniforme dans le pays. Certaines provinces ont apporté des changements, et d'autres pas. Mais la privatisation est le secteur où la croissance est la plus rapide. Je crois que cette croissance va se poursuivre et qu'on continuera à assister à une diminution de la qualité des soins.

Nous avons certes pour position de tenir bon. Nous allons continuer de préconiser ce que nous estimons être une position responsable, que nous avons tous adoptée concernant le TCSPS. Nous ne demandons pas qu'on restitue les 6 milliards de dollars. Nous essayons d'être raisonnables et nous essayons d'arrêter l'érosion et l'accroissement de la privatisation, qui se situe maintenant à plus de 30 p. 100.

Le président: Madame Sholzberg-Gray.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: J'aimerais dire que je suis tout à fait d'accord avec les remarques de la coprésidente du Groupe d'intervention action santé, Mary Ellen Jeans. J'aimerais seulement ajouter un ou deux points qui ne sont pas toujours très clairs pour les Canadiens.

Je crois que les Canadiens pensent disposer d'un système d'assurance-maladie qui couvre tout le continuum des soins, et ils découvrent habituellement qu'il n'en est rien qu'au moment où ils doivent avoir accès aux parties des soins qui ne sont pas couverts par l'assurance-maladie.

D'un côté, nous croyons fermement qu'il doit exister un système d'assurance-maladie offrant un accès à des soins de qualité du côté des médecins, des hôpitaux de soins actifs. Ce secteur a fait l'objet de compressions énormes ces dernières années, et nous devons veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'argent pour assurer l'accès et la qualité.

Mais on en fait beaucoup moins dans les hôpitaux que ce qu'on avait l'habitude de faire il y a des années. Autrefois, les patients nécessitant des soins de longue durée pouvaient rester à l'hôpital aussi longtemps qu'ils le voulaient, et les gens sous médication ou traités en consultation externe pouvaient rester à l'hôpital, de sorte qu'ils bénéficiaient de l'assurance-maladie. Bien entendu, ce système disparaît étant donné que de plus en plus de traitements sont effectués à l'extérieur des hôpitaux, et le gouvernement doit réellement reconnaître cet état de fait en s'assurant qu'il existe un système à un palier dans tout le continuum. À l'heure actuelle, de toute évidence, nous avons un système à deux vitesses. Nous avons un système à une vitesse du côté des soins aigus et un système à deux vitesses de l'autre. Ce que nous disons, c'est que les Canadiens s'attendent à être couverts par l'assurance-maladie au cours de tout le continuum et que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent s'entendre pour s'assurer que c'est le cas pour les Canadiens.

Nous devons veiller, bien entendu, à ne pas obtenir qu'un demi-milliard ou 1 milliard de dollars, mais vraiment les 2,5 milliards de dollars que nous demandons pour le système de soins de santé existant, qui même maintenant va bien au-delà des hôpitaux et des médecins, et 1 milliard de dollars pour nous assurer que les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence, ont accès à des services qui ne sont plus maintenant fournis dans les hôpitaux.

Il est injuste, par exemple, que dans certaines provinces des gens obtiennent des soins à domicile sans avoir à participer aux coûts ou obtiennent un renvoi automatique, alors que ce n'est pas le cas dans d'autres provinces. Il est injuste que dans les Maritimes, des gens versent 3 000 ou 4 000 $ par mois à titre de participation aux coûts pour des soins à long terme et soient évalués d'après leurs revenus et leurs avoirs, mais que dans d'autres provinces—disons en Ontario—il en coûte pour des soins à long terme 1 200 $ par mois. Ce n'est pas ce que signifie pour nous un accès raisonnablement comparable à des services de santé.

Est-il juste que si vous avez une chirurgie pour une maladie de coeur ou un cancer et des besoins continus à cet égard l'assurance-maladie vous couvre, mais que si vous souffrez de la maladie d'Alzheimer—et nous savons tous que cette maladie va devenir plus courante avec l'augmentation de notre population vieillissante—dans l'ensemble ce ne sera pas couvert par notre système d'assurance-maladie?

Nous devons donc trouver des moyens de nous assurer que le système existant est là pour tous les Canadiens pendant tout le continuum. Et la seule façon de le faire et d'assurer un accès comparable consiste pour le gouvernement fédéral à investir. Autrement, le scénario de privatisation accrue présenté par Mary Ellen se réalisera certainement. C'est déjà triste que parmi les pays de l'OCDE, nous soyons presque au même niveau que ceux qui dépensent le plus dans le secteur privé.

• 1640

Le président: Docteur Alexander.

Dr Taylor Alexander: J'aimerais seulement ajouter, en complément aux commentaires de Mme Sholzberg-Gray, que selon certaines estimations, actuellement entre 500 000 et 800 000 Canadiens reçoivent des soins à domicile—et cette estimation est considérée comme prudente. De ce nombre, environ deux tiers sont des personnes âgées, et l'on s'attend que ce chiffre double au cours des trois à cinq prochaines années. Les dépenses publiques au titre des soins à domicile représentent actuellement une proportion très modeste du montant total des soins de santé. Sans une injection d'argent dans le système des soins à domicile, je crois que le genre de scénario auquel vous avez fait allusion est en effet très susceptible de se réaliser.

Le président: Docteur Reddoch.

Dr Allon Reddoch: Merci.

Je pense que vous avez très bien résumé la situation, mais j'aimerais vous citer un ou deux cas pour la personnaliser un peu.

Je comprends qu'il faille en venir aux faits, mais j'ai un ami en Ontario dont le père arrive de moins en moins à utiliser ses jambes. Il s'est rendu chez un neurologue qui était d'avis qu'il fallait lui faire subir un IRM parce qu'il avait peut-être une tumeur à croissance lente dans l'épine dorsale. C'était en août. Le premier rendez-vous disponible est en avril 1999. C'est tout à fait inacceptable.

Dans ma propre pratique, j'ai vu une patiente cet été qui avait une tache sur un poumon qu'on a décelée à l'aide d'un rayon-X. Je m'inquiétais—tout comme elle, bien sûr—qu'il puisse s'agir d'un cancer du poumon. Si c'est le cas, elle a besoin de le savoir et d'être traitée très rapidement. Par le passé, j'ai pu avoir accès aux soins spécialisés à Vancouver très rapidement. Elle a été placée sur une liste d'attente de six semaines. Malgré tous mes appels et mes protestations, qui par le passé m'auraient permis de la faire passer plus vite, elle a dû finalement attendre six semaines, dans l'angoisse, ne sachant pas si elle avait ou non un cancer.

Vous m'avez demandé ce que nous pouvions faire. Nous faisons notre part. Nous vous soumettons cette information, à vous qui pouvez prendre la décision, mais je pense que ce qui va se passer c'est que la population canadienne n'acceptera pas ce malaise du système. Il faut réinjecter des fonds.

Le président: Madame Connors.

Mme Kathleen Connors: En ce qui a trait aux commentaires à propos de la question émergente des soins à domicile, je pense que ce qui importe ce sont les normes nationales musclées. Mettez en place un programme de soins à domicile comme celui qui existe au Québec, qui est livré par le biais du réseau des CLSC, ou comme le système de soins à domicile du Manitoba, où il n'y a pas de participation aux coûts; les soins sont subventionnés, administrés, livrés par l'État. Il existe déjà dans ce pays des modèles qui peuvent être repris et mis en oeuvre et qui permettent de fournir les soutiens, pharmaceutiques ou autres, et les appareils médicaux nécessaires. Ces dispositions doivent en faire partie.

Nous n'avons pas besoin d'aller chercher dans tous les azimuts, ailleurs au monde. Il existe des modèles. Permettez-moi de vous dire, toutefois, que si ce n'est pas un système financé par l'État, où les soins sont livrés par l'État, soins à domicile, à long terme ou soins intensifs, vous allez voir des situations comme celles qui existent en Ontario où les infirmières qui donnent les soins à domicile gagnent 12 $ l'heure plutôt que 18 $ ou 20 $ de l'heure comme les infirmières dans les hôpitaux. Elles travaillent 48 heures par semaine dans des postes occasionnels sans régime de retraite, sans possibilité de faire du temps supplémentaire. Les sociétés privées qui ont leur siège social aux États-Unis dans de nombreux cas voient ici un marché lucratif. Elles vont venir ici pour fournir ce genre de programmes parce que certains gouvernements provinciaux ne semblent pas manifester la volonté politique d'offrir les soins à domicile dans le cadre d'un système financé par l'État, où les soins seraient livrés par l'État.

Il est absolument essentiel que le gouvernement fasse preuve de leadership et que nous mettions en place des normes nationales musclées. Si vous devez vous quereller avec les provinces, les Canadiens vous appuieront, je peux vous le dire. Nous voulons ce type de normes nationales. Les sondages confirment ce que je vous dis. Ce qu'il nous faut, c'est du courage politique.

Le président: Merci, madame Connors.

Madame Bennett.

• 1645

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie, tous et toutes.

Comme vous le savez, je me préoccupe du fait que dans ses cinq principes la Loi canadienne sur la santé supposait des soins d'une excellente qualité, et lorsqu'il a été question d'accessibilité et de portabilité la loi ne supposait pas que les provinces allaient fournir d'énormes réductions fiscales, ni des soins de seconde qualité. Maintenant, alors que nous commençons à négocier une union sociale, c'est la première fois que nous entendons parler de reddition de comptes. Nous vivons une transition intéressante, mais je pense que le gouvernement aura besoin de votre aide. Même le premier ministre commence à parler de bulletins, de fiches de rendement.

Ceux d'entre nous qui font l'objet de certaines de ces fiches de rendement s'inquiètent; si on ne consulte pas les consommateurs et les médecins de famille, nos cotes sur ces bulletins... Comme l'Association canadienne des soins de santé le confirmerait, on inclut en Ontario les personnes qui meurent dans le calcul de la durée moyenne du séjour hospitalier. Ainsi, vous pouvez avoir un pavillon terrible où de nombreuses personnes meurent, et qui peut sur papier avoir l'apparence d'un bon pavillon puisque la durée de séjour est très courte.

Il y a toutes sortes d'exemples de la sorte; si les gens ne font pas très attention à la façon dont les informations sont relatées... Certains médecins de famille même au congrès de l'AMC s'inquiétaient de la situation dans les unités de soins cardiaques; on commence à tenir compte des périodes d'attente sur les listes d'attente pour les soins cardiaques des cardiologues tertiaires après que les gens aient subi leur angiogramme. On ne commence pas à mesurer dès la première douleur thoracique. On ne tient pas compte du temps qu'il a fallu pour obtenir un rendez-vous chez le médecin de famille, pour voir le premier cardiologue, puis le second, pour faire faire cet angiogramme. À moins que nous ne commencions à faire participer les consommateurs tout en examinant la façon dont nous mesurons toutes ces choses...

J'aimerais que les témoins nous disent où ils en sont avec leurs divers groupes en ce qui a trait à ces normes nationales, à l'espoir de les mettre en place, à l'aide qu'ils peuvent nous fournir à cet égard; il faut que le gouvernement puisse rappeler à l'ordre ceux qui ne dépensent pas les fonds à bon escient.

Ma deuxième question porte sur le chevauchement, qui existe encore, nous le savons. Certains patients subissent le même test quatre fois parce qu'il y a de très mauvais systèmes d'information et que les bureaux des médecins de famille sont mal reliés. Personne n'arrive à trouver les résultats.

Comment allons-nous amorcer ces mesures, et quand nous concevrons ces bulletins, comment éviter d'alarmer les consommateurs, et plutôt accroître leur confiance dans la fiabilité du système, dans sa transparence; comment allons-nous y arriver?

Le président: Docteur Reddoch.

Dr Allon Reddoch: Nous donnons beaucoup de priorité depuis un an à un projet appelé l'Accès aux soins de santé de qualité, conçu dans le but d'essayer d'obtenir ces données objectives que vous avez décrites. Cela nécessite la coopération à divers niveaux et nous en sommes à ce stade-là à l'heure actuelle. Nous sommes certainement disposés à travailler avec tout groupe concerné pour essayer de mettre au point les critères objectifs requis.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce que les directives que vous avez élaborées font partie de...

Dr Allon Reddoch: Notre projet sur les soins de santé de qualité a été très bien élaboré.

Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il des consommateurs qui siègent à ce comité?

Dr Allon Reddoch: Je ne le pense pas, mais nous en sommes encore à l'étape du développement. Comme je le disais, il nous faut la coopération à divers niveaux, y compris celle des gouvernements. Nous voulons faire démarrer les choses, et nous pensons que c'est essentiel. Nous discutions de la transparence et de la responsabilité publique. Nous voulons que les choses soient objectives et ne reposent pas strictement sur les données tirées de cas individuels.

Le président: Madame Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Je voulais répondre à votre question, docteur Bennett, et ajouter certains éléments. Vous avez parfaitement raison, nous n'avons pas l'infrastructure en matière de soins de santé qu'il nous faut à l'heure actuelle, mais comme vous le savez sans doute le ministre de la Santé fédéral a créé un conseil consultatif sur l'infrastructure en matière de santé l'année dernière.

• 1650

Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il des patients ou des médecins de famille qui siègent à ce conseil?

Mme Mary Ellen Jeans: Il y a des personnes du grand public qui siègent à ce comité. J'en fait partie, et il y a des médecins qui font partie du comité, ainsi qu'un certain nombre d'autres personnes.

L'un des groupes de travail porte sur la contribution des consommateurs. Nous essayons d'effectuer des consultations partout au pays avec les organismes qui représentent les consommateurs afin de nous assurer que les consommateurs sont au centre du processus. Il faut qu'au Canada nous comprenions que le patient ou le citoyen doit être au centre. Je n'aime pas vraiment les mots «clients» ou «utilisateurs» parce que personne ne désire acheter des soins de santé. Le patient ou le citoyen doit être au centre et les crédits doivent suivre la personne en cause, et ne pas être adjugés selon nos batailles territoriales.

Je désire aussi faire comprendre au comité que l'information sur la santé n'intéresse pas seulement le médecin. Nous avons communiqué avec l'Institut canadien d'information sur la santé et nous avons dit qu'il nous fallait aussi l'information qui touche les soins infirmiers, car comme je l'ai dit auparavant les trois quarts des professionnels de la santé sont des infirmières qui recueillent beaucoup d'informations. Les médecins et les infirmières et tous ceux qui oeuvrent au sein du système de soins de santé doivent appuyer le développement de ces systèmes d'information pour que le public puisse avoir accès aux données finales. Ensuite, le public pourra nous évaluer et voir si nous faisons du bon travail, non pas seulement en tant que système ou réseau, mais en tant que professionnels.

Mme Carolyn Bennett: Le comité a-t-il examiné le questionnaire sur la satisfaction des patients, le SF-36 administré par les organismes de soins intégrés de santé? Les patients, les clients, les membres du public devraient-ils pouvoir évaluer les soins qu'on leur administre, la manière dont ils sont livrés, chaque fois qu'ils s'adressent au système?

Mme Mary Ellen Jeans: C'est l'une des choses dont nous discutons. Nous voulons voir comment concrétiser cela de manière efficace et responsabiliser le public pour qu'il participe aux décisions de politique.

Mme Carolyn Bennett: Vous avez cité le chiffre de 47 p. 100 d'employés occasionnels et à temps partiel. Certains de mes patients qui travaillent dans ce domaine ont choisi cela parce que cela coïncide mieux avec leur vie de famille. Pouvez-vous éliminer ce groupe lorsque vous calculez le nombre de ceux ou celles qui travaillent ainsi contre leur gré?

Mme Mary Ellen Jeans: Je pense que personne ne choisit d'être un employé «occasionnel».

Mme Carolyn Bennett: Oui.

Mme Mary Ellen Jeans: Pour ceux qui travaillent à temps partiel, je suis d'accord. Bien sûr, bon nombre de vos propres collègues...

Mme Carolyn Bennett: Surtout dans le domaine des soins à domicile.

Mme Mary Ellen Jeans: Et surtout les femmes. Les femmes médecins et les infirmières qui élèvent leur famille choisissent souvent de travailler à temps partiel.

Il y a 25 p. 100 d'employés occasionnels dans les chiffres que nous citons. Je sais que ma collègue Kathleen pourrait sans doute vous exprimer des sentiments encore plus vifs que moi à cet égard, mais il y a 25 p. 100 d'employés occasionnels et c'est un chiffre considérable dans un domaine professionnel qui compte un si grand nombre de personnes.

Mme Carolyn Bennett: Je veux aussi vous parler du TSC. Vous proposez maintenant des fonds séparés. La compartimentation des fonds pose déjà problème pour le gouvernement et si nous allons parler des facteurs sociaux qui déterminent la santé, pourquoi ne pas relier ces deux choses. Cela nous permettrait de traiter la pauvreté à la source, ce qui nous permettrait d'injecter des crédits au niveau de la prévention et, ultimement, cela entraînerait un système de soins de santé abordable.

Mme Kathleen Connors: J'aimerais essayer de répondre à cette question mais j'aimerais aussi commenter le sujet des employés occasionnels ainsi qu'un autre sujet plus vaste. J'essaierai d'être succincte.

En ce qui a trait aux silos dont vous parlez, l'une des réalités—je pense que quiconque travaille dans le secteur des soins de la santé le reconnaîtra—est sans doute qu'il est encore plus important d'investir dans le secteur des soins de la santé que dans celui de l'éducation postsecondaire ou dans les programmes de soutien de revenu. Et nous savons, en ce qui a trait aux facteurs sociaux qui déterminent la santé, que si on n'investit pas dans ce domaine—et il est certainement vrai que des millions de dollars ont été éliminés du financement des programmes de services sociaux et que l'argent n'y est pas—les coûts reviennent ultimement au secteur de la santé. Si les gens n'ont pas été bien nourris, bien logés, et ainsi de suite, on récolte les résultats. Érigeons donc ces silos, dans une certaine mesure, mais il faut qu'ils soient interreliés.

En ce qui a trait à l'incidence croissante des travailleurs occasionnels, je peux vous dire que la situation pour pratiquement toutes les nouvelles infirmières diplômées au cours des cinq dernières années dans notre pays a fait qu'elles ou qu'ils n'ont pu obtenir que des emplois occasionnels, où ces personnes travaillent le nombre d'heures équivalent à une semaine de travail normale sans avantages sociaux. C'est le choix qui s'offre à eux—soit accepter ce genre de travail ou émigrer aux États-Unis. Il y a des infirmières qui occupent des postes à temps partiel qui voudraient travailler à temps plein et ne peuvent tout simplement pas obtenir de poste. C'est plus rentable pour les employeurs d'avoir ce genre de main-d'oeuvre mouvante, disponible, qui peut être appelée selon les besoins, et qui leur évite d'avoir ce qu'on appelle l'effectif minimum temps plein. Pour que les femmes puissent avoir un revenu, elles travaillent pour deux ou trois employeurs, se rendent disponibles, vous voyez un peu la situation.

• 1655

Mon dernier commentaire portera sur votre question à propos des normes nationales; comment pouvons-nous vous aider à les instaurer, etc. Il faut plus de transparence dans toute cette discussion à propos de l'union sociale. J'aimerais connaître la réaction du gouvernement fédéral et sa position en ce qui a trait à l'union sociale. J'aimerais connaître la position de certaines provinces.

Si vous faites en sorte que la discussion de l'union sociale soit responsable et transparente, les Canadiens vous appuieront et verront qu'il faut des lois, des normes nationales, une participation à l'échelle nationale, un leadership et une volonté derrière le financement. Il existe des statistiques intéressantes selon lesquelles les gens appuient l'injection de crédits dans les soins de santé plutôt que les réductions de taxes. Je pense que l'association des infirmières brevetées de l'Ontario, la Registered Nurses Association of Ontario, détient aussi des données tirées de sondages qui portent aussi sur ce fait fort intéressant.

Mme Carolyn Bennett: Je ne vais pas épargner les dentistes.

J'étais à Banff récemment à une réunion de la Fédération des femmes médecins, et deux pédiatres dont l'allégeance politique allait plutôt vers le parti de l'opposition m'ont parlé de leur grande inquiétude face à la dette; mais elles s'inquiétaient aussi du fait que les quatre derniers patients qu'elles avaient fait admettre à l'hôpital souffraient d'abcès dentaires. J'aimerais savoir, dans une perspective de prévention, combien de Canadiens ne peuvent se permettre financièrement d'aller chez le dentiste, selon vous?

Dr Raymond Wenn (membre, Comité directeur des relations gouvernementales, Association dentaire canadienne): Je ne pense pas que nous puissions vous citer ce chiffre au pied levé.

Mme Carolyn Bennett: Combien ont un régime de soins dentaires?

Dr Raymond Wenn: Oh, ils sont très nombreux, sans doute 80 p. 100 ou plus, et nous essayons de faire en sorte que ce nombre s'accroisse continuellement.

Mme Carolyn Bennett: Et que faisons-nous pour les autres 20 p. 100?

Dr Raymond Wenn: C'est un chiffre approximatif que je vous cite. Comme nous l'avons montré lors de notre visite précédente c'est sans doute plus près de 88 p. 100. Nous travaillons avec d'autres groupes, tels le CLHIA et la FCEI et d'autres groupes nationaux pour essayer de fournir un plus grand nombre de régimes de soins dentaires à un coût raisonnable pour que les gens puissent être couverts.

Nous n'avons pas dit grand-chose aujourd'hui parce que tous ceux qui occupent la gauche ici sont directement intéressés par le financement public des soins de santé dans notre pays et nous sommes d'accord avec tout ce qui s'est dit ici. Nous n'avons pas les compétences pour en discuter. Mais il faut aussi tenir compte du fait qu'il y a des ressources limitées qu'on peut allouer aux soins de santé dans notre pays. Si 70 p. 100 du financement provient du secteur public et 30 p. 100 approximativement du citoyen, et si ce rapport est modifié, il faut qu'une plus grande part de l'argent nécessaire sorte de la poche du citoyen. Supposons que le rapport devienne 60-40, 40 p. 100 doit sortir de la poche du particulier; tôt ou tard, cela aura une incidence sur la capacité de payer pour les soins dentaires des Canadiens. Il y a des limites aux ressources qui peuvent être allouées aux soins de santé.

Mme Carolyn Bennett: Vous admettrez que si on doit hospitalier les gens qui souffrent d'abcès dentaires, c'est le secteur public qui paie la note.

Dr Raymond Wenn: Oui, mais je ne sais pas s'il y en a beaucoup dont c'est le cas, et je n'ai pas les chiffres en main.

Mme Carolyn Bennett: C'est certainement un énorme problème pour les sans-abri aussi, n'est-ce pas? Je pense que le groupe de travail dans la région métropolitaine estime que c'est l'un des plus gros problèmes qu'ils examinent—les soins dentaires—je le sais parce que le mari d'Anne Golden est dentiste.

Dr Raymond Wenn: Nous ne pouvons dire le contraire. Il y a certainement des parties de notre population qui ont beaucoup de mal à avoir accès aux soins dentaires, parce que ces soins ne sont pas financés par l'État.

Mme Carolyn Bennett: C'est exact.

Dr Raymond Wenn: C'est évident.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce évident?

Dr Raymond Wenn: Eh bien, c'est évident à ce point-ci de notre histoire.

Mme Carolyn Bennett: Eh bien, c'est pour cela que nous sommes ici.

Dr Raymond Wenn: Si vous voulez parler de la possibilité que le gouvernement participe au financement des régimes dentaires, c'est une tout autre question. On pourrait passer beaucoup de temps à discuter des modalités de ces régimes.

Mme Carolyn Bennett: D'accord. Nous allons, espérons-le, être ici pendant un bon moment.

Il y a aussi la question de l'assurance-médicaments. Je crois comprendre que seulement 12 p. 100 des Canadiens ne souscrivent pas à un tel régime.

Mme Kathleen Connors: Il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet. En toute honnêteté, le pourcentage de Canadiens souscrivant à un régime dentaire est très élevé. Je crois que le nombre de personnes qui ne bénéficient pas de prestations-maladie complémentaires est très faible. À cause des pertes d'emploi et de l'augmentation du nombre de travailleurs autonomes, il y a eu une baisse considérable du nombre de tiers bénéficiaires, y compris dans le domaine des régimes de soins dentaires. Je pense que ces chiffres sont à la hausse.

• 1700

J'estime, tout comme notre association, que nous devrions avoir des régimes de soins dentaires et d'assurance-médicaments. C'était un des rêves que nous avions à Swift Current. Tommy Douglas estimait que les soins de santé devaient faire l'objet d'un régime complet et universel. Il a dit qu'il fallait d'abord commencer par les services hospitaliers et médicaux, et qu'il fallait ensuite inclure les autres types de soins. Eh bien, je crois que nous allons bientôt être obligés d'entamer ce débat.

Le président: J'aimerais poser une question au sujet de l'information, des données, ainsi de suite. Ce n'est pas seulement dans ce cas-ci, mais presque chaque fois que le comité se penche sur un sujet, les gens lui soumettent la plupart du temps des chiffres différents. Nous l'avons vu dans le dossier de la fusion des banques. Nous le voyons aujourd'hui dans le dossier du régime de soins de santé. Les réseaux d'information ne sont peut-être pas aussi efficaces qu'ils devraient l'être. Quand allons-nous, en tant que pays, établir un système d'information uniforme qui va nous permettre, en tant que membres du comité, d'avoir accès à des chiffres réels sur lesquels les gens s'entendent, et de prendre des décisions qui paraissent sensées aux yeux de la plupart des Canadiens?

Je peux vous dire que les soins de santé intéressent au plus haut point les Canadiens. Ce n'est un secret pour personne. Toutefois, quand il est question de chiffres et de statistiques, nous sommes bombardés de tous les côtés. Je me demande tout simplement si, en tant que professionnels, vous ne devriez pas prendre soin—et cela vaut aussi pour le gouvernement—de mieux identifier les joueurs, les pourcentages, les statistiques, les chiffres qui s'appliquent dans ce cas-ci et dans de nombreux autres.

Mme Carolyn Bennett: Nous pourrions peut-être demander à Mary Ellen de répondre à cette question. D'après le travail que vous effectuez au sein du Sous-comité de l'information sur la santé, croyez-vous que si vous établissiez un réseau national pour réunir l'information sur les soins de santé, les groupes qui oeuvrent dans le domaine de la santé appuieraient votre démarche? Ou diraient-ils qu'ils n'en veulent pas, qu'ils préfèrent plutôt avoir de l'argent qu'ils pourront investir directement dans les soins aux patients?

Mme Mary Ellen Jeans: Je dirais qu'ils voudraient les deux.

Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'un tel réseau. Les chiffres que nous avons fournis sur les ressources en main-d'oeuvre infirmière sont, à notre avis, assez fiables, puisque c'est notre fédération qui les a recueillis et analysés. Toutefois, il y a beaucoup de chiffres pour lesquels nous n'avons pas de données fiables.

Le rôle du comité consultatif est de formuler des recommandations. Toutefois, établir un réseau—et je crois que la plupart des professionnels de la santé appuieraient cette démarche, parce que nous avons tous besoin de ces renseignements pour prendre des décisions—va sans aucun doute coûter de l'argent. Je ne voudrais pas me retrouver à votre place et être obligée de décider ce qui doit être fait en priorité.

Certaines personnes affirment que si nous avions un réseau d'information sur la santé, nous ferions sans doute des économies. Si nous pouvions prendre des décisions en nous fondant sur des données fiables, nous pourrions sans doute faire des économies à long terme. Mais si je devais choisir, cette année, d'investir dans le système de soins de santé ou d'investir dans les soins aux patients, je serais prise dans un dilemme.

Mme Carolyn Bennett: Est-ce que le problème tient au fait qu'il n'y a jamais de moment opportun pour mettre ce réseau sur pied? Il faut cesser de choisir entre les deux et établir le réseau.

Mme Mary Ellen Jeans: Vous avez raison. Nous pouvons peut-être au moins en jeter les bases et partager certaines dépenses. Nous demandons des fonds dans notre mémoire pour nous aider à établir le réseau, mais il va coûter beaucoup plus cher que ce que nous demandons. Je parle au nom des infirmières du Canada, qui vont également contribuer financièrement à cette initiative.

Le président: Cela soulève une question importante au sujet du financement. Vous demandez 2,5 milliards de dollars? Sur quels critères vous fondez-vous? Quels sont les critères que vous avez utilisés? Pourquoi 2,5 milliards de dollars? Pourquoi pas 3,5 milliards? Cinq milliards?

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Je pourrais peut-être répondre à cette question.

D'abord, nous savons tous que le Forum national sur la santé a déclaré qu'il n'y avait pas de chiffre magique. Il a dit qu'il voulait un plancher en argent de 12,5 milliards de dollars alors que celui-ci n'était que de 11 milliards de dollars et que d'autres compressions étaient prévues. Il avait exigé ce montant pour se prémunir contre d'éventuelles coupures. N'oubliez pas qu'il a indiqué, récemment, que les 12,5 milliards étaient un minimum et non pas un maximum. Cela veut dire que ce chiffre n'est pas coulé dans le béton.

• 1705

Ce que nous disons, c'est que nous avons maintenant identifié certains besoins, et je pourrais les énumérer tout de suite si vous voulez. Les manques à gagner dans les budgets dont disposent les hôpitaux, les services régionaux de santé et les organismes de santé: si vous avez recours au financement déficitaire pour répondre aux besoins des Canadiens et que l'argent n'est pas là, ces déficits vont devoir être comblés.

Nous ne pouvons pas avoir un pays où il existe des disparités d'une région à l'autre entre les services qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas. Nous devons investir des fonds dans le système pour assurer un accès comparable aux services de santé.

Il y a toute une série d'exigences administratives auxquelles nous devons répondre dans le domaine des soins de santé. Nous n'avons pas encore parlé des besoins de l'an 2000. Des changements considérables devront être apportés au système de soins de santé pour répondre à ces besoins.

Nous ne voulons pas que les gens reçoivent un juste salaire pour le travail qu'ils accomplissent. Nous ne voulons pas que les travailleurs soient victimes d'accidents. Les conventions collectives prévoyant des augmentations de salaire vont être conclues et ces conventions devront être respectées. Si, par exemple, les budgets des hôpitaux augmentaient de 4,5 p. 100, nous pourrions alors respecter les conventions collectives en l'an 2000 et soigner un plus grand nombre de patients.

Nous avons déjà mentionné le réseau d'information. Comment, par exemple, les établissements de santé et les hôpitaux vont-ils faire face aux exigences accrues qui leur sont imposées et fournir des renseignements sur le nouveau système de distribution de sang—effectuer les suivis, les retraçages? Vous voulez savoir où seront investis les 2,5 milliards de dollars. Nous aurons besoin de fonds pour les dépenses en capital au fur et à mesure que le système de santé sera restructuré au pays. Il y a aussi le vieillissement de la population, les améliorations et les innovations comme les technologies nouvelles et les nouveaux produits pharmaceutiques.

Pourquoi 2,5 milliards de dollars? Cette somme, à mon avis, ne suffira pas à couvrir tous les besoins. Nous essayons de faire preuve de responsabilité sur le plan financier, de sorte que nous ne demandons que 2,5 milliards pour le TCSPS et un milliard de plus pour maintenir l'accès à des soins de qualité. Nous avons sans doute besoin de plus d'argent, mais je crois pas que nous puissions arriver à répondre à ces besoins avec moins d'argent.

Pour ce qui est des chiffres, cela dépend de la façon dont vous les utilisez. Beaucoup de personnes s'étonnent du fait que l'on consacre 76,6 milliards de dollars par année aux soins de santé. C'est ce que nous avons fait en 1997, et c'est énorme. Bien entendu, ils ne vous disent pas que cela comprend les dépenses du secteur privé, qui représentent presque 32 p. 100 du total et qui ne cessent d'augmenter. Il faut donc savoir à quoi correspondent les dépenses du secteur public. Nous n'en sommes pas encore là. Le montant dont il est question ici se rapproche du montant dont nous avons besoin.

Quand les gens disent que nous consacrons 9,2 p. 100 de notre PIB à la santé—nous occupons maintenant le cinquième rang, et non plus le deuxième, au titre des dépenses—il ne faut pas oublier que cela comprend le financement du secteur privé. Pour ce qui est du financement du secteur public, nous dépensons beaucoup moins que d'autres pays dont la situation est comparable à la nôtre.

Le montant de 2,5 milliards de dollars n'est pas un chiffre magique qui a été choisi au hasard. Il s'agit d'un chiffre réaliste compte tenu du fait qu'il y a eu des compressions de 6 milliards de dollars dans le domaine de la santé.

Le président: D'accord. Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voulais aborder divers sujets, mais comme nous allons bientôt être appelés à voter, je vais tout de suite passer à ma question.

Nous savons tous que le gouvernement fédéral n'est pas celui qui fournit les soins de santé. Nous travaillons en collaboration avec les professionnels de la santé et les provinces. Il y a de nombreux exemples de cas où nous pourrions tous, sans doute, apporter une meilleure contribution aux soins de santé des Canadiens, quand nous considérons, par exemple, les réductions d'impôt de 4,3 milliards de dollars enregistrés en Ontario et les compressions de 1,2 milliard de dollars qu'a subies cette province au titre du TCSPS. Les priorités ont tendance à être renversées pour différentes raisons, mais les Canadiens ont dit clairement, et je pense que vos interventions aujourd'hui étaient également très claires, que ce budget devra mettre l'accent sur la santé. Nous le méritons.

Je voulais toutefois vous demander votre avis au sujet des rapports du Forum national sur la santé. Ces rapports indiquent qu'il faut absolument investir davantage dans la santé des enfants. La santé physique, mentale et sociale des enfants préoccupe au plus haut point le Forum national sur la santé.

Ce n'est pas le genre de préoccupations que vous avez soulevées, de la nécessité de répondre aux besoins des Canadiens en matière de soins aigus, mais on ne peut négliger l'aspect préventif du régime de soins de santé. J'aimerais connaître vos vues là-dessus. Il est important pour le ministre de la Santé, le ministre des Finances, le Parlement, de savoir ce que vous pensez de la question d'investir dans les soins de santé pour enfants.

Le président: Madame Jeans.

Dr Léo-Paul Landry: J'aimerais dire quelques mots à ce sujet. Je ne travaille peut-être plus dans le domaine depuis un certain nombre d'années, mais j'y ai consacré une bonne partie de ma vie.

D'abord, nous vous parlé de cette question aujourd'hui. Mary Ellen Jeans a dit clairement que nous avions, dans le passé, une infirmière par établissement; ce chiffre, maintenant, est de 17 pour 20. La qualité des soins a beaucoup diminué. Voilà pour le premier point.

• 1710

Deuxièmement, il faut nourrir les enfants et à la maison, et à l'école. Le développement neuropsychologique des enfants est essentiel à leur bien-être. Mais cela fait partie de toute une série de besoins qui ne sont pas satisfaits de façon adéquate. Mary en a parlé quand elle vous a donné l'exemple des infirmières. Donc, absolument, c'est une des choses auxquelles il faut s'attaquer. Nous n'avons pas parlé de ces besoins, mais je suis certain que tout le monde autour de la table s'y intéresse. Cette question est très importante, et c'est un fait qui a été reconnu à l'échelle internationale.

Mme Mary Ellen Jeans: J'aimerais ajouter quelques mots, monsieur Szabo. Vous savez que nous attachons beaucoup d'importance à la santé des enfants. Il suffit de voir les efforts que déploie le Groupe d'intervention action santé, l'intérêt que nous portons à la question du maintien des services, de la promotion de la santé, de la prévention des maladies. Les enfants doivent être au centre de toutes ces préoccupations.

Nous attachons beaucoup d'importance à la santé des Canadiens, et pas uniquement aux soins de santé. La nouvelle génération de Canadiens doit pouvoir compter sur ce genre d'investissement. C'est à cela que nous faisons allusion quand nous parlons de la nécessité de maintenir les services et d'investir des ressources dans la santé publique, dans les enfants. Tous ces facteurs déterminants doivent être pris en considérations.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Un autre collègue souhaite poser une question.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Quand nous avons visité les diverses régions du Canada l'année dernière dans le cadre de nos consultations prébudgétaires, nous avons entendu dire que la lutte contre le déficit avait coûté cher aux Canadiens. Le TCSPS a été évoqué à maintes et maintes reprises, de même que son impact sur les programmes sociaux, d'éducation, et surtout de soins de santé. On nous a dit qu'il ne fallait pas tout simplement se contenter d'investir davantage dans le TCSPS—et c'est un commentaire qui a été entendu non seulement dans une province, mais dans plusieurs. Il fallait fixer des conditions, faire en sorte que l'argent est vraiment investi dans la santé. Ce commentaire a été entendu par des gens autres que les professionnels de la santé qui fournissent les services.

La question que je voudrais poser—je ne sais pas si on y a répondu—est la suivante: existe-t-il d'autres modèles qui permettraient de mieux répondre aux besoins des Canadiens? Certaines personnes ont dit avoir analysé des modèles qui sont efficaces et d'autres qui ne le sont pas. Mais existe-t-il des modèles que nous pouvons examiner au lieu de tout simplement investir davantage dans le TCSPS? Mme Connors a mentionné certaines stratégies, mais y a-t-il d'autres façons d'investir dans les soins de santé pour faire en sorte que les Canadiens continuent d'avoir accès à un système universel?

Mme Sharon Sholzberg-Gray: D'abord, je sais que le gouvernement fédéral se pose sans doute des questions au sujet du TCSPS, et il y a des gens autour de cette table qui pourraient affirmer avoir mis en garde le gouvernement contre cette initiative. Avant que le gouvernement n'implante le TCSPS, nous étions contre l'idée de transférer des fonds en bloc en imposant uniquement les cinq conditions énoncées dans la Loi canadienne sur la santé, et quelques conditions secondaires dans le cas des programmes sociaux. Bien entendu, maintenant que le TCSPS est devenu réalité, nous devons composer avec. Si vous voulez transférer des fonds aux provinces pour les services de santé et sociaux, les seules conditions que vous pouvez imposer sont celles qui figurent dans la Loi canadienne sur la santé, les critères de non-résidence et autres critères secondaires qui s'appliquaient au RAPC.

Vous pourriez peut-être rattacher un plus grand nombre de critères au TCSPS. Toutefois, vous ne pouvez le faire sans augmenter les fonds transférés. Ce ne serait pas correct, sur le plan politique, de dire aux provinces que vous ne leur accordez pas plus d'argent, mais que vous leur imposez plus de conditions. Cela risque de poser des problèmes.

Pour ce qui est de la question de savoir s'il y a d'autres modèles que vous pouvez envisager à part le TCSPS—où, il ne faut pas l'oublier, les fonds sont transférés en bloc et non pas dans le cadre d'un programme à frais partagés—il est vrai que l'époque des programmes à frais partagés est révolue. Il y a très peu de chances que l'on conclue des programmes de ce genre dans le cadre du contrat social. On pourrait conclure une entente—par exemple, sur le maintien des services. Par ailleurs, vous pourriez le faire en procédant à un transfert de fonds, mais assorti de conditions.

Je crois qu'il y aurait lieu de se demander quelles conditions devraient être rattachées aux transferts; si les provinces accepteraient de mettre sur pied des programmes si on leur fournissait les fonds nécessaires; si vous pouvez vous retirer de certains programmes; si vous pouvez vous retirer à la condition que vous établissiez un programme qui vise les mêmes objectifs—et dans ce cas-là, s'agit-il vraiment d'un retrait si les conditions sont, de toute façon, plus ou moins définies? Toutes ces questions doivent être réglées lors des discussions sur le contrat social.

• 1715

Le fait est que le TCSPS n'est peut-être pas la meilleure solution, mais c'est le seul programme que nous ayons pour l'instant. Nous pourrions peut-être prévoir d'autres conditions outre celles qui figurent dans la Loi canadienne sur la santé mais, comme je l'ai déjà mentionné, vous ne pourriez pas le faire sans argent frais. Bien entendu, nous voulons plus d'argent, et c'est peut-être une façon d'y arriver.

Le Groupe d'intervention action santé a proposé au ministère de la Santé d'entreprendre un projet en vue d'examiner les diverses façons dont le gouvernement fédéral peut transférer des fonds aux provinces pour les services de santé et sociaux, et imposer certaines pour faire en sorte que les Canadiens aient accès à des services comparables dans toutes les régions du pays. Nous n'avons pas obtenu d'aide financière pour ce projet, mais nous estimons que c'est quelque chose qui doit être fait, si le gouvernement n'a encore rien fait à l'interne, parce que le TCSPS n'est manifestement pas l'outil indiqué pour mettre en oeuvre des programmes sociaux et de soins de santé dans ce pays.

Je n'ai pas de réponse simple à vous donner, mais je sais en tout cas assez bien parler de ces problèmes.

Le président: Merci. Monsieur Landry.

Dr Léo-Paul Landry: J'aimerais ajouter à ce que le président Allon Reddoch a dit, plus tôt. Il faut peut-être changer l'orientation du débat et discuter non pas de la façon dont le système doit être financé, que ce soit par le biais du TCSPS ou par d'autres moyens, mais plutôt des besoins. L'Association médicale canadienne, au cours des derniers mois, a relevé le défi que lui a lancé M. Allan Rock, l'année dernière, et mis sur pied un projet qui met essentiellement l'accent sur l'accès à des soins de santé de qualité.

Ce que nous proposons, c'est un modèle de gestion axé sur les besoins—non pas des médecins, des établissements de santé, des infirmières, mais des patients. C'est un concept qui a vu le jour en Europe. Nous l'avons analysé à fond et nous l'avons adapté à la situation canadienne. Nous proposons un modèle qui met l'accent sur l'accès à des soins de santé de qualité, sur les besoins des patients. Il s'agit d'un modèle qui pourrait être appliqué à l'échelle du pays.

Par exemple, il existe en Ontario un réseau de soins coronariens. Ce modèle est très efficace. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, il y a environ un an, a effectué une étude similaire sur les longues listes d'attente au Nouveau-Brunswick. Il a conclu à l'existence d'un problème, et réaffecté les ressources en se fondant sur les résultats de l'étude. C'est ce que nous proposons.

Pour revenir à ce que Mary Ellen a dit il y a quelques instants, ce modèle n'est pas axé sur les besoins des médecins. Il encourage plutôt l'échange d'informations entre tous les intervenants. À l'heure actuelle, nous ne nous entendons même pas sur l'utilité, ou l'absence, de listes d'attente. Nous ne nous entendons pas sur la fiabilité des données que nous avons. Nous devons mettre sur pied un système de soutien, et c'est ce que nous proposons, un système axé sur les besoins des patients, transparent et auquel participent tous les intéressés, un système qui nous permettra d'allouer les ressources efficacement.

En passant, les provinces de l'Ouest, les institutions, les groupes de fournisseurs, les collectivités—tous ont trouvé le projet intéressant. Nous avons présenté une demande, par l'entremise de ce consortium, et le gouvernement fédéral vient de nous accorder un budget de 2,2 millions de dollars pour que nous puissions élaborer le modèle et le mettre à l'essai.

Le président: Merci, monsieur Landry.

Vous allez peut-être entendre des cloches qui vont annoncer la tenue d'un vote. Nous avons environ une douzaine de minutes pour nous rendre à la Chambre. M. Brison n'a pas encore posé sa question. Je vais donc lui donner la parole.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé vos exposés intéressants. Je représente une circonscription de la Nouvelle-Écosse. Les compressions dans les transferts ont eu des effets particulièrement dévastateurs sur certaines provinces, dont la Nouvelle-Écosse, qui ne dispose pas de la même assiette fiscale à l'échelle locale ou provinciale pour combler les déficits. Le nombre de lits dans nos hôpitaux locaux est passé de 128 à 30 environ en quatre ans. C'est donc une réduction radicale.

On semble avoir une aversion manifeste pour toute privatisation des soins de santé. J'ai remarqué que, dans son mémoire, l'Association canadienne des soins de santé recommande, au point 5, un financement public et privé planifié et équitable, ce qui laisse entendre que la prestation de soins de santé serait assurée, en partie, par le secteur privé, n'est-ce pas? Est-ce bien ce qu'elle propose?

• 1720

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Premièrement, l'un des problèmes, à mon avis, c'est que nous confondons souvent financement et prestation de services. À l'heure actuelle de toute évidence, notre système est à 68 p. 100 subventionné par l'État et une grande partie des services sont assurés par le secteur privé. On fait appel à la sous-traitance pour les services de blanchisserie, de laboratoires et ainsi de suite et nous n'y voyons pas d'inconvénients. Ainsi dans la plupart des provinces canadiennes ont fait appel à la sous-traitance pour assurer certains services dans le cadre de ce système financé par les deniers publics. Nombre d'établissements de soins prolongés subventionnés par le gouvernement sont des établissements privés et beaucoup de programmes de soins à domicile subventionnés par l'État sont du ressort du secteur privé.

Il pourrait donc y avoir toutes sortes de permutations et de combinaisons, à savoir financement public et prestation par le secteur public, financement public et prestation par le secteur privé et enfin, prestation par le secteur privé et financement par le secteur privé. Ce que nous essayons de dire, c'est que vous devez être très clairs quant à la direction que vous comptez prendre en tant que pays.

M. Scott Brison: Je crois qu'il faut parfois aborder les questions de façon plus pragmatique. Si nous plaçons le patient au premier rang, si en fait le patient, comme vous l'avez dit plus tôt, devait être au centre du système, nous ne devrions pas nécessairement rejeter cavalièrement tous les éléments de la prestation des services par le secteur privé.

Par exemple, j'ai été ravi d'entendre quelqu'un reconnaître qu'il existe au moment où on se parle un système de soins de santé à deux paliers. Étant donné la proximité avec notre voisin du Sud, je doute que nous puissions empêcher l'arrivée d'un système à deux paliers. Tout ce que je crains, c'est que les Canadiens investissent leur argent dans des services et des cliniques privés aux États-Unis, contribuant aussi à leur centres d'excellence, si nous ne tenons pas compte du fait qu'il faut, à un certain niveau, introduire certaines forces du marché dans la prestation des soins de santé au Canada.

Je connais des gens qui parlent en mal des services de soins de santé publics et ils ont tort. J'estime que c'est mal également de faire la même chose pour les services assurés par le secteur privé parce que je sais qu'un débat a cours au sein de l'AMC relativement à cette question. C'est comme s'il était à proscrire de parler d'un système de soins de santé à deux paliers, mais cela fait l'objet de longues discussions. Si nous devons tenter de trouver les moyens les plus novateurs de maximiser le rendement sociétal des investissements, ce qui ne devrait pas non plus être une expression à proscrire, pour rentabiliser au maximum chaque dollar de recettes fiscales et obtenir ainsi le meilleur système de soins de santé, n'est-il pas irresponsable de notre part de ne pas étudier à fond tous les modèles possibles de prestations de service?

Le président: Madame Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Permettez-moi de dire que ce qui distingue entre autres le Canada culturellement, ce sont les valeurs de notre société. Je crois que nous sommes conscients depuis un certain nombre d'années que les Canadiens s'apprécient mutuellement, trouvent qu'il est important de s'occuper les uns des autres. J'estime quant à moi que les pays qui investissent dans la santé de leurs citoyens ont plus de chances de réussir sur n'importe quel front. Et on vient tout juste de nous dire que le Canada est encore le meilleur endroit où vivre. Je ne voudrais surtout pas que nous empruntions la route choisie par les États-Unis, que nous privatisions davantage.

M. Scott Brison: Mais ce n'est pas ce que je propose. Je dis qu'il y a peut-être des éléments... Je dis qu'il est possible d'améliorer des composantes du régime de soins de santé en introduisant les forces du marché, comme cela peut se faire ou s'est déjà fait dans certains secteurs pour le système d'éducation. Les écoles à charte ont connu du succès dans certaines régions et non dans d'autres. L'enseignement public n'a pas réussi dans certaines régions alors que dans d'autres... Il y a des composantes, c'est tout ce que je dis.

J'ai vécu cinq ans aux États-Unis et leur système de soins de santé ne m'intéresse pas du tout. Cependant, j'ai constaté qu'il n'était pas aussi mauvais que certaines des histoires dont j'ai été témoin au Canada soit par l'entremise d'une expérience de première main et par une anecdote dont rougirait un OSIS. Ainsi, nous sommes vraiment aux prises Canada avec certains problèmes auxquels nous devons nous attaquer.

• 1725

Le président: Madame Connors.

Mme Kathleen Connors: Je me sens très passionnée à ce sujet et je vais dire du mal de la prestation, à des fins lucratives, des services de santé par le secteur privé. Je pense que nous devons en tant que pays jeter un coup d'oeil sur les partenariats croissants des secteurs public et privé en matière de services de laboratoire et de radiographie.

Une étude effectuée récemment par le Syndicat canadien de la fonction publique a validé et quantifié la rentabilité de l'utilisation des laboratoires publics par rapport à celle des services Dynacare des laboratoires d'hôpitaux. Il se produit dans de tels cas de l'écrémage. En effet, les tests simples qui sont répétés rapidement sont absorbés par le secteur privé. C'est le secteur public qui se retrouve avec les cas difficiles et complexes, qui se retrouve avec le financement. Il s'agit d'un aspect qu'il faut donc prendre en compte.

Nous avons parlé de certains des déterminants sociaux de la santé. Lorsqu'un établissement de prestation de soins de santé réalise des bénéfices, ce sont les salaires et les conditions de travail qui en subissent le contrecoup. Je crois que Sharon devrait convenir que dans bien des cas où les services sont offerts en sous-traitance, ce que nous appelons les services hôteliers, comme le blanchissage, l'entretien ménager et les services alimentaires, ce sont les salaires entre autres qui en subissent le contre coup en premier. Si nous devons nous attacher aux déterminants sociaux de la santé qui gardent les gens en santé, nous devons tenir compte de choses de ce genre. Il y a donc cette question tout autour.

Nous devons reconnaître que le secteur public ne met pas au point les matériaux médicaux ou les médicaments que nous utilisons dans notre système de soins de santé. Je dis donc que c'est là que se situe le rôle du secteur privé. Il doit toutefois faire l'objet d'une surveillance appropriée, et c'est la raison pour laquelle nous nous posons des questions au sujet de la Direction générale de la protection de la santé. La réalité, c'est que plus de 30 p. 100 de l'argent est dépensé pour les soins de santé.

Selon moi, l'autre réalité que nous devons reconnaître que seul un système à un seul payeur permet d'économiser. En introduisant davantage de choses comme la responsabilité civile, vous ferez augmenter vos coûts.

Le président: Madame Connors, je vais demander à M. Landry de clore la séance. Comme vous le savez, nous entendons la sonnerie d'appel. Nous devons aller voter et faire notre devoir.

Dr Léo-Paul Landry: Je serai bref, monsieur, mais je crois qu'il est de mon devoir de réagir à l'observation qui a été faite concernant le débat permanent qui a cours au sein de l'AMC au sujet de la privatisation.

L'Association médicale canadienne a beaucoup réfléchi à la question et il n'y a pas de débat permanent à l'heure où on se parle. Notre position est très claire. La voici.

D'une part, le secteur public et le secteur privé sont une réalité. Il ne s'agit pas de savoir si nous allons laisser le secteur privé prendre de l'ampleur. Il est là. Il est florissant. C'est une réalité.

Dans un deuxième temps, il ne reviendra ni à l'Association médicale canadienne ni à ce comité, avec tout le respect que je dois à ses membres, ni au gouvernement canadien ni aux gouvernements provinciaux et territoriaux de décider de l'expansion ou non du secteur privé. Ce sont les forces du marché qui agissent. Elles vont de l'avant. C'est le secteur privé, en général, qui fournit les services. Les soins à domicile, généralement parlant, sont privatisés dans une large mesure. Jusqu'à 68 p. 100 des dépenses consacrées aux médicaments dans ce pays sont faites par le secteur privé. Les soins préventifs et tout ce que nous appelons programmes d'aide aux employés de nos jours sont dans l'ensemble privés.

Ce qu'a aussi dit l'Association médicale canadienne, c'est que ses membres veulent protéger notre régime de soins de santé de même que les cinq principes. Ils ne veulent pas d'un système de santé à l'américaine.

La question que nous posons sans cesse au gouvernement canadien est la suivante: laissons-nous libre cours à la privatisation sans la réglementer ou devrions-nous faire quelque chose? Ce point, soit dit en passant, a été soulevé plus tôt par un de mes collègues.

Voilà donc quelle est la position de l'Association médicale canadienne.

• 1730

Le président: Merci beaucoup, monsieur Landry.

Au nom du comité, j'aimerais dire que nous avons eu là une table ronde très intéressante, comme toujours. Tous les ans vous présentez des arguments irréfutables en faveur de l'investissement dans les soins de santé. Vous pouvez être assurés que le message a été bien reçu. Il s'agit d'un message fort et clair que nous transmettent aussi tous les Canadiens d'est en ouest et du nord au sud. Merci beaucoup.

La séance est levée.