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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS, NORTHERN DEVELOPMENT AND NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES, DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 28 mai 2001

• 1534

[Traduction]

La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du lundi 28 mai. Je sais que ceci n'est pas un jour de réunion normal pour notre comité, et je tiens donc à remercier tous ceux qui ont pu se rendre disponibles et venir.

Nous examinons le projet de loi S-24, Loi visant à mettre en oeuvre l'entente conclue par les Mohawks de Kanesatake et Sa Majesté du chef du Canada concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par ceux-ci sur certaines terres et modifiant une loi en conséquence.

• 1535

Je veux remercier tous ceux qui ont pu venir à cette réunion afin de prendre la parole devant le comité. Comme je l'ai expliqué à certains des témoins, nous allons accorder dix minutes au total à Mme Bonspille et M. Bonspille. Vous aurez davantage de temps au cours de la période des questions pour vous étendre sur certains points que vous n'aurez pas pu couvrir. Nous allons essayer de nous en tenir aux limites de temps afin que tout le monde ait la possibilité de poser des questions.

Sans plus tarder, je donne la parole à celui de vous deux qui voudrait commencer.

Monsieur Bonspille, vous avez la parole.

M. Steve Bonspille (témoignage à titre personnel): Je me nomme Steven Lindsay Bonspille et je suis ici aujourd'hui pour exprimer mon opposition à la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake, aussi connue sous le nom de projet de loi S-24. Je suis accompagné de M. David Tehonwisonte Gabriel, un traditionaliste de Kanesatake qui pourra répondre à vos questions concernant cette dimension de notre collectivité.

J'ai vécu à Kanesatake toute ma vie et je suis membre du Clan de l'ours. Au cours des neuf dernières années, j'ai été directeur du Centre culturel Kanesatake. En 1996, le grand chef James Gabriel a déclaré: «Je prends mes ordres auprès de la collectivité». Si cela était encore vrai aujourd'hui, le présent accord territorial ne serait pas aujourd'hui à l'ordre du jour de ce comité de la Chambre des communes. Nous n'aurions pas cette discussion.

La communauté de Kanesatake—et je souligne le mot «communauté»—a voté à une majorité écrasante contre l'accord territorial. Un total de 64 bulletins de vote par correspondance ont été comptés lors du scrutin. Sur ce nombre, 61, ou 95 p. 100, étaient favorables à l'accord territorial. Ces voix sont celles de personnes qui n'habitent pas dans la collectivité de Kanesatake. Le grand chef essaiera de vous dire que notre territoire englobe les terres ancestrales comprises dans la seigneurie du lac des Deux-Montagnes. Eh bien, ce n'est le cas que lorsque cela l'arrange.

Les membres de la bande non-résidents ne sont informés des enjeux, tels que les élections, qu'au moment du vote. Ils ne savent pas ce qui se passe au jour le jour dans la communauté. Ils ne connaissent pas les enjeux. Le sentiment de la collectivité de Kanesatake est que les non-résidents ne devraient pas être autorisés à voter.

J'aimerais également savoir comment le gouvernement du Canada peut considérer une majorité simple—50 p. 100 plus une voix—comme un indicateur valide de la volonté populaire. Et si seulement 20 personnes avaient voté lors de ce processus de ratification? Que serait-il arrivé alors?

Je dois évoquer le caractère non démocratique et, ajouterais-je, contraire à la tradition mohawk, de toute la procédure suivie en l'occurrence. Le Conseil des Mohawks de Kanesatake se réfugie toujours derrière la coutume lorsque cela l'arrange. À ma connaissance, nous sommes une communauté mohawk. Ne faudrait-il pas alors appliquer la coutume mohawk? Ce vote de ratification a été tenu selon une règle européenne appelée 50 p. 100 plus un, ou majorité simple. La coutume mohawk exige le consensus.

James Gabriel semble penser que la démocratie n'est arrivée à Kanesatake qu'en 1992. Ne sait-il pas que nous avons fait partie et faisons encore partie de la plus grande démocratie du monde—la Confédération des Iroquois? On peut en douter, lorsqu'on constate son absence de respect pour la culture, la langue et les traditions démocratiques mohawks. La vérité est que le processus engagé par le conseil a ignoré le point de vue de nombre des nôtres. James Gabriel devrait avoir honte d'imposer la coutume européenne au détriment de notre propre coutume mohawk. Le grand chef James Gabriel et le ministre Nault ont imposé unilatéralement la règle de la majorité simple.

J'ai assisté en 1998 à deux ateliers sur l'accord territorial et pas une seule fois n'a-t-on mentionné que le scrutin serait à la majorité simple. On a appliqué le code électoral de Kanesatake au vote de ratification. Or, ce code est spécifiquement destiné à l'élection des chefs, exclusivement. Il ne prévoit aucune procédure applicable aux votes de ratification.

James Gabriel a déclaré en 1996:

    Avant toute chose, je veux m'adresser à la collectivité, car elle en a assez de n'être informée que par les médias. Jusqu'à présent, le conseil siégeait derrière des portes closes, mais pour ma part je veux informer la collectivité de tous les rapports financiers en possession du conseil.

Cet accord territorial a été signé à l'insu de la collectivité. Tout le monde a appris la signature par les médias, tout comme l'accord sur la police de 1998.

Depuis cinq ans que James Gabriel est chef, pas un seul rapport financier n'a été communiqué aux membres de la bande.

• 1540

Il faut signaler que l'information sur l'accord territorial n'a commencé à être disséminée qu'une fois le document rendu public. Il faut savoir aussi que deux réunions publiques ont été tenues à son sujet.

Lors de la première, la majorité de l'assistance a exprimé son mécontentement face à l'accord et au fait qu'il a été conclu à l'insu de la collectivité. Lors de la deuxième réunion, en juillet, le grand chef est parti en claquant la porte lorsqu'une motion réclamant sa démission a été déposée. Depuis 1996, trois groupes distincts de Kanesatake ont réclamé la démission de James Gabriel.

Vu les contraintes de temps, j'aimerais vous faire part simplement de quelques points saillants. Kanesatake comptait en 1998, selon les statistiques, 1 450 électeurs admissibles sur la liste électorale. Or, lors du scrutin de ratification, seules 468 personnes ont voté. Cela signifie que seuls 33,5 p. 100 de la population a pris part au vote.

Selon James Gabriel, le secteur traditionaliste représente de 20 à 30 p. 100 de la population électorale, soit de 240 à 360 personnes. Il est notoire que ce secteur est opposé à l'accord territorial. Lors de leur comparution devant le comité permanent sénatorial, ils n'ont pas dit toute la vérité concernant le fonctionnement de la Société de développement Kanesatake Orihwa'shon:a. Le conseil des Mohawks de Kanesatake ne cesse de s'ingérer dans le fonctionnement des services de police.

La reddition de comptes du conseil de bande—j'aimerais savoir pourquoi il faut un accord territorial pour qu'il fasse ce qui est son travail de toute façon. Il n'y a aucune disposition dans l'accord concernant la langue et la culture. Il n'est question que de contrôle et de gains économiques.

En conclusion, je tiens à faire savoir que je suis opposé à cet accord territorial et à cette loi, le projet de loi S-24. Je ne donnerai pas mon concours à la destruction de tout ce pourquoi nos ancêtres se sont battus et sont morts. Lorsque cet accord a été signé par James Gabriel le 21 juin 2000, beaucoup de gens ont été choqués et surpris. Même certains membres du conseil n'avaient pas idée qu'un accord serait signé ce jour-là. Les seuls qui étaient au courant de cet accord étaient les signataires et la presse.

Je ne sais pas dans quelle mesure l'influence de ce comité pourrait bloquer ce projet de loi. Je vous exhorte de ne pas adopter cette loi néfaste qui exclut 1 000 électeurs. Si vous croyez réellement en la démocratie, alors écoutez votre conscience et donnez un coup d'arrêt à ce projet de loi maintenant.

La présidente: Merci, monsieur Bonspille. Est-là votre conclusion?

M. Steve Bonspille: C'est ma conclusion.

La présidente: D'accord. Madame Pearl Bonspille, pour un exposé de cinq minutes.

Mme Debbie Bonspille (témoignage à titre personnel): Merci de me permettre de lire la présentation de Pearl Bonspille.

La présidente: Excusez-moi, pourriez-vous indiquer votre nom?

Mme Debbie Bonspille: Debbie Bonspille.

La présidente: Je n'ai pas votre nom à l'ordre du jour et je ne sais pas si je dois demander l'autorisation du comité pour entendre deux témoins.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Attendez une minute. Elle ne fait que lire la présentation.

Mme Debbie Bonspille: Je ne répondrai à aucune question.

La présidente: D'accord.

Mme Debbie Bonspille: Merci de me permettre de lire la présentation de Pearl Bonspille à ce comité. Pearl a perdu son frère la semaine dernière et elle est en deuil. Mais elle s'efforcera de répondre à vos questions, si vous en avez.

Je me nomme Debbie Bonspille et je suis membre de la communauté mohawk résidant sur le territoire des Mohawks de Kanesatake. Nous sommes accompagnés par deux anciennes, Janet Nicholas et Lenore Nicholas Denis.

Je tiens à remercier le Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles de nous permettre de comparaître. Ce mémoire a été rédigé par Pearl Bonspille. Elle est membre de la communauté mohawk appartenant au Clan de l'ours, est née, a grandi et vit sur le territoire des Mohawks de Kanesatake, à Kanesatake, Québec.

Elle est une Mohawk pur-sang et fière de l'être et mère d'un enfant dont elle a le devoir de protéger l'avenir. De nombreux membres vivant sur notre précieux territoire mohawk nous ont demandé de rédiger cette présentation à votre intention et à celle du grand public au sujet du projet de loi S-24. Nous venons juste d'apprendre que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a terminé ses audiences sur le projet de loi S-24 et adopté le projet de loi en troisième lecture. Malheureusement, le temps ne nous a pas permis d'intervenir lors des audiences du comité sénatorial, en raison du manque de préavis.

• 1545

Le peuple mohawk de Kanesatake a été choqué et surpris d'apprendre par nos frères et soeurs mohawks d'autres collectivités que ce projet de loi, S-24, a été déposé directement au Sénat, au lieu d'être introduit d'abord à la Chambre des communes.

Les membres de notre collectivité ont appris par les médias la signature secrète de l'accord territorial par le ministre Robert Nault et James Gabriel le 21 décembre 2000, à Ottawa, Ontario. Une fois que les médias l'ont annoncé, le Mohawk Council of Kanesatake n'a eu d'autre choix que d'émettre une déclaration publique annonçant la signature de l'accord. Le conseil a également indiqué que l'étape suivante serait le dépôt d'une loi à la Chambre des communes, mais il ne savait pas combien de temps cela prendrait ni quand l'accord prendrait force de loi.

Nos conseillers nous ont dit que l'adoption d'un projet de loi exigeait plusieurs étapes. Premièrement, le député qui introduit le projet de loi reçoit l'autorisation de la Chambre; deux, le projet de loi est lu une première fois et imprimé; trois, le projet de loi est lu une deuxième fois. Quatre, le projet de loi est renvoyé à un comité; cinq, le projet de loi est étudié en comité, lequel en fait rapport à la Chambre; six, la Chambre approuve le projet de loi au stade du rapport; sept, le projet de loi est lu une troisième fois et adopté par la Chambre; huit, le projet de loi part au Sénat, où il suit à peu près les mêmes étapes qu'à la Chambre; neuf, le projet de loi reçoit finalement la sanction royale.

Le projet de loi S-24 n'a pas suivi ce processus; il est allé directement au Sénat. Pourquoi? Pourquoi le grand chef James Gabriel nous a-t-il trompé en disant que cet accord devait d'abord être adopté à la Chambre des communes? Quel est le programme caché du gouvernement concernant les Mohawks de Kanesatake: l'extinction, l'assimilation, ou les deux?

Nous aimerions donner notre avis au sujet des déclarations faites au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur ce projet de loi. Nous avons pris connaissance de la présentation faite par Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le 25 avril 2001.

La déclaration du ministre Nault était tellement crédible qu'il a réussi à faire croire aux sénateurs qu'il disait la vérité. Il s'est même convaincu lui-même qu'il disait la vérité. C'est cela qui fait peur.

Le ministre Nault a reconnu que l'introduction du projet de loi au Sénat, avant de l'être à la Chambre, était chose inhabituelle. Il a déclaré, et je cite:

    Ce n'est pas coutumier et je ne vois pas pourquoi, car c'est une bonne procédure... Peut-être est-ce une tendance que nous allons poursuivre. Nous allons essayer pendant quelque temps. Nous avons d'autres projets de loi pour lesquels nous envisagerons cela l'année prochaine, si les leaders en Chambre sont d'accord.

Nous ne pouvons que conclure que le ministre Nault faisait état de la gouvernance des Premières nations, une initiative qu'il a lancée le 30 avril 2001 et qui a maintenant été rejetée par les dirigeants des Premières nations de tout le pays. Le ministre Nault a néanmoins déclaré qu'il allait introduire son projet de loi à l'automne. Nous savons tous que ce sera une grave erreur de sa part. Nous supposons qu'il va utiliser les mêmes tactiques que pour le projet de loi S-24 et court-circuiter la Chambre des communes.

Nous voulons également rectifier une déclaration faite par M. Nault aux sénateurs concernant la soi-disant cérémonie d'initialisation tenue le 21 juin 2000 à Kanesatake. La cérémonie d'initialisation était un secret bien gardé. Nous ne savions même pas qu'il existait un projet d'accord territorial. Le conseil a bien gardé le secret. Nous ne savions pas que le ministre allait venir et, une fois là, nous ne savions pas ce qu'il venait y faire.

Après l'arrivée du ministre, une fois que le bruit a circulé que le ministre était au gymnase, certains des membres de la communauté y sont allés et lui ont dit que n'approuvons pas cet accord et ne savions pas ce que James Gabriel signait. Puis le ministre s'est rendu au Bois de pins, où certains membres de notre collectivité se rassemblaient. Au début, nul ne savait qui il était. Nous pensions tous qu'il était un journaliste couvrant notre commémoration du 21 juin. Lorsqu'il s'est présenté, quelqu'un lui a demandé ce qu'il faisait à Kanesatake. Nous lui avons dit que nous étions opposés à ce que le conseil voulait faire, que nous ne connaissions pas le contenu de l'accord, que nous ne savions pas ce qui était en discussion à la soi-disant table des négociations, que nous étions tous tenus dans l'ignorance de tout ce qui se passait dans notre communauté.

La visite non annoncée du ministre Robert Nault à Kanesatake le 21 juin dernier, au cours de laquelle lui et James Gabriel ont secrètement paraphé un accord territorial, est l'un des jours les plus sombres et les plus tristes de notre collectivité. Cela véritablement marqué le début de la privation de nos droits.

• 1550

À nos yeux, c'était comme la seconde venue de Tom Siddon, un ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord sous le gouvernement conservateur dans les années 90. M. Siddon avait coutume d'arriver en catimini et de s'esquiver pareillement.

Nous avons également pu nous procurer le texte d'un discours que le ministre Nault a apparemment prononcé lors de la cérémonie d'initialisation. Mais devant qui l'a-t-il prononcé? Devant une salle vide? Le discours sonne bien sur le papier, mais personne chez nous ne l'a entendu, hormis les membres du conseil et le maire d'Oka.

Le ministre Nault ne cessait de répéter dans sa présentation au comité sénatorial que nous, les Mohawks de Kanesatake, n'avons pas le pouvoir de légiférer ni de lois, un point c'est tout. Maintenant, le chef et le conseil commencent à le croire. Cela est totalement faux.

Nous faisons partie de la nation mohawk et de la Confédération iroquoise. Nos lois et nos pouvoirs législatifs dérivent de la constitution iroquoise et de nos traités.

Notre terre ancestrale est la région du lac des Deux-Montagnes, et mesure 250 milles carrés. Les gens du gouvernement qualifient notre territoire de «paysage du lac des Deux-Montagnes». C'est notre terre ancestrale et nous ne la céderons jamais à personne.

Le ministre parle également du processus de consultation. Il dit qu'il a été équitable et transparent. Encore une fois, c'est totalement faux.

Le conseil de bande a été contraint, par nos bulletins, à parler publiquement de certaines affaires touchant notre communauté. Mais nous sommes tenus dans l'ignorance de nombreuses autres, notamment les affaires financières.

Nous voulons citer un passage de la déclaration faite aux sénateurs par le ministre. À la page 2, il affirme:

    ...mais nous ne pouvons aller plus loin dans nos efforts de résoudre les griefs des Mohawks de Kanesatake sans cet accord et sans sa loi de mise en oeuvre.

Nous sommes en désaccord avec cette déclaration. Cet accord ne fait rien pour résoudre nos problèmes. Cet accord a engendré la division au sein de notre collectivité et engendré davantage de méfiance envers le conseil.

Le ministre donne également à entendre que tout va bien chez nous. Il parle de développement économique, de programmes de création d'emplois et d'une force de police. C'est loin de la vérité. Nous ne savons pas de quelle collectivité il parle dans son discours. Les nôtres ont rejeté l'accord sur les services de police, tel que rédigé, mais James Gabriel l'a signé quand même, sans notre consentement. C'est pourquoi les nôtres ne respectent pas le service de police des Mohawks de Kanesatake.

Ne vous méprenez pas. Nous sommes en faveur d'un corps de police et de l'application de la loi, mais conformément à nos lois et à notre compétence.

Parlons du vote de ratification tenu les 7 et 14 octobre 2000.

Nous affirmons que le mécanisme de scrutin était défectueux et qu'une marge de deux voix, une différence de deux voix, ne donnait pas au conseil le droit de signer cet accord.

Nous faisons valoir ce qui suit:

1) la procédure du vote de ratification n'était pas impartiale;

2) le directeur général des élections a refusé le recomptage demandé par certains membres de la collectivité;

3) le personnel des bureaux de vote était des employés du conseil de bande, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas indépendants et ne représentaient pas les intérêts des membres de la communauté;

4) il n'y avait pas de scrutateur indépendant dans les bureaux de vote;

5) les électeurs ne connaissaient pas au préalable le libellé de la question sur laquelle on leur demandait de voter;

6) la question posée sur le bulletin de vote était très vague et la plupart des votants ne l'ont pas comprise;

7) certains membres de la collectivité ont décidé de ne pas voter après avoir vu la question, la jugeant trompeuse;

8) la majorité des membres de la collectivité vivant à Kanesatake ont voté non à l'accord;

9) la majorité des membres de la collectivité qui ne vivent pas à Kanesatake ou n'y ont pas d'adresse ont approuvé l'accord;

10) le conseil de bande a annulé toutes les réunions publiques sur cette importante affaire avant le jour du scrutin et ont de ce fait violé et enfreint l'engagement donné dans l'accord sur les revendications territoriales;

11) les membres de la collectivité n'ont pas été adéquatement informés de la procédure de vote;

12) le règlement et les procédures de scrutin n'ont pas été communiqués aux membres de la collectivité avant le jour du vote;

13) la collectivité n'a pas de code d'appartenance—la collectivité n'a pas eu l'occasion de décider qui aurait droit de vote sur les questions engageant notre avenir;

14) la collectivité n'a pas de code de referendum ou de ratification;

15) la collectivité n'a pas de code électoral à jour;

16) les membres de la collectivité n'ont pas eu la possibilité de discuter de la question posée sur le bulletin de vote;

17) les membres de la collectivité n'ont pas eu le droit ou le choix de décider du pourcentage de la population électorale qui serait requis pour la ratification ou le referendum—le grand chef a refusé à la collectivité le droit de décider du nombre constituant une majorité claire;

18) et il y a beaucoup d'autres raisons juridiques.

Voilà certaines de nos objections à ce mécanisme de scrutin défectueux, mais le ministre et le conseil ne nous ont pas écoutés.

• 1555

Nous signalons que nous avons rencontré l'honorable Lawrence A. Poitras, juge retraité de la Cour supérieure du Québec, le 14 décembre 2000, pour déposer officiellement notre objection contre la procédure de scrutin et ses résultats. Nous avons demandé au juge Poitras d'examiner le processus du vote de ratification et il nous a répondu qu'il n'avait pas le pouvoir de le faire, que son mandat se limitait à un recomptage des bulletins.

Nous n'avons par participé au recomptage parce que nous ne voulions pas donner notre aval à un processus de vote défectueux. Nous avons appris ensuite que le juge a reçu de James Gabriel le mandat de procéder à un examen du processus de vote, mais encore une fois nul dans la collectivité n'en a été informé. Le juge Poitras, à notre connaissance, n'a parlé à personne de chez nous. Il a fondé ses conclusions et son rapport sur les seuls renseignements communiqués par le conseil de bande et ses avocats. Le rapport a l'air favorable, mais nous n'avons pas été consultés du tout. Le droit a été dénié aux membres de la collectivité de dire la vérité sur cette procédure de vote défectueuse.

Nous avons envisagé de répliquer à la présentation faite par James Gabriel et Brenda Etienne au comité sénatorial, mais nous perdrions notre temps. Nous ne pouvons que dire que de 70 à 80 p. 100 de ce qu'ils ont dit est faux.

Kanesatake a toujours le taux de chômage le plus élevé, comparé aux autres collectivités, et le nombre d'assistés sociaux va grandissant. De plus en plus de membres de notre communauté doivent s'exiler pour chercher du travail, parce que le conseil ne les laisse pas prendre des emplois au titre de programmes financés par le gouvernement. Le conseil a réussi à empêcher les journalistes de venir sur notre territoire pour couvrir les affaires locales, sauf autorisation du grand chef. Le conseil refuse de nous communiquer les vérifications financières.

Nous voulons lever un important malentendu concernant la création de la Société de développement Kanesatake Orihwa'shon:a, la KODC. Cette société a été créée en secret, sans que nous puissions en débattre. Nos seuls renseignements à son sujet ont été obtenus par une demande d'accès à l'information.

La présidente: Madame Bonspille, en avez-vous encore pour longtemps, car cela fait déjà 14 minutes et cela mord sur le temps disponible pour les questions.

Mme Debbie Bonspille: Oui.

La présidente: J'apprécierais beaucoup que vous abrégiez et nous pourrons revenir sur certains de ces points lors de la période des questions. Merci.

Mme Debbie Bonspille: D'accord. Il me reste environ six pages.

Mme Pearl Bonspille (témoignage à titre personnel): Il reste trois pages. Peut-elle les lire très vite?

La présidente: D'accord. J'espérais qu'une partie pourrait être abordée pendant la période des questions, mais allez-y, car nous avions prévu dix minutes pour la présentation et nous en sommes maintenant à 20.

Mme Pearl Bonspille: Peut-elle juste vous en lire encore un peu?

La présidente: Je suppose que oui.

Mme Debbie Bonspille: D'accord.

Nous avons appris que trois personnes, James Gabriel, Michelle Lamouche et Norman Tewish ont demandé la constitution d'une société sans capital-actions en vertu de la partie 2 de la Loi sur les corporations canadiennes, le 25 mai 1997. Tous étaient alors membres du conseil, James Gabriel compris.

La KODC a ainsi été formée à titre de société sans but lucratif. Les trois requérants sont devenus les premiers membres du conseil d'administration de KODC. Ils ont ensuite coopté les autres membres sans tenir de réunion publique. Puis, le 30 juin 1999, KODC a signé un accord de gestion avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au nom des Mohawks de Kanesatake. Cela a été fait sans l'approbation et à l'insu de la collectivité. Aux dires de James Gabriel au comité sénatorial, KODC est indépendante du conseil de bande. James Gabriel a affirmé que les actionnaires étaient tous des membres de la collectivité. Cela est absolument faux.

Les membres de la collectivité qui nous ont appelés nous ont fait savoir très clairement qu'ils sont prêts à défendre et protéger notre territoire et droits ancestraux par tous les moyens possibles. Nous approuvons ce qu'Ellen Gabriel, porte-parole des traditionalistes de la maison longue de Kanesatake a dit au sénateur le 10 mai, à savoir que cet accord territorial ne va qu'engendrer une autre crise comme celle de 1990. Est-ce là ce que veut réellement le gouvernement du Canada?

En outre, les membres de la communauté nous ont dit leur impatience d'arriver au 27 juin 2001. C'est la date à laquelle le conseil de bande actuel arrivera en fin de mandat et qu'un tout nouveau conseil sera élu. Ce nouveau conseil abrogera l'accord territorial signé par James Gabriel et le gouvernement fédéral et mettra fin à l'application du projet de loi S-24 sur notre territoire.

Nous recommandons que votre comité désigne un représentant pour se rendre à Kanesatake et rencontrer les nôtres lors d'une réunion publique avant que vous n'adoptiez ce projet de loi. Nous sommes prêts à organiser une levée de fonds pour couvrir les frais encourus par le comité.

• 1600

Merci d'avoir écouté notre présentation.

La présidente: Merci infiniment.

Chaque partie dispose de sept minutes pour poser des questions à l'un ou l'autre des témoins, et nous nous efforcerons très fort de ne pas dépasser cette limite afin que tout le monde puisse poser des questions. Nous avons encore deux autres témoins à entendre.

Monsieur Elley, vous avez sept minutes.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.

Malheureusement, il y a un peu plus d'une semaine, certains membres de ce comité se sont levés à la Chambre et ont vilipendé le parti de l'Alliance parce qu'il ralentissait ce processus en exigeant une journée de témoignages. Dans notre parti, nous croyons en la démocratie. Nous pensons que chacun devrait avoir la possibilité de s'exprimer à cette table—qu'il soit d'accord avec le projet de loi ou non—et je suis donc très heureux que vous soyez là aujourd'hui.

Nous sommes ici pour écouter ce que vous avez à dire, pour prendre connaissance des renseignements que vous apportez. Sachez que nous, dans notre parti, souhaitons seulement que les Autochtones de tout le pays aient accès à ce qu'il y a de mieux, sur le plan du niveau de vie, de l'emploi, du développement économique, de l'administration—un gouvernement local ayant votre appui—et c'est là le but de tout ce processus. Merci d'être venus aujourd'hui, nous sommes heureux de vous voir.

Toutefois, il est clair à vous entendre que vous représentez réellement une collectivité divisée. On nous dit d'une part que ce projet de loi est nécessaire: il vous confère une entité juridique, et vous permet de conclure des partenariats et d'oeuvrer pour la prospérité économique de votre territoire; qu'il respecte vos traditions; qu'il a le soutien de la municipalité et du gouvernement du Québec. Or, vous venez aujourd'hui nous dire que votre collectivité est divisée.

Si le projet de loi est adopté, comment voyez-vous l'avenir de votre communauté? Que faudra-t-il faire dans votre communauté pour surmonter cette division? Est-ce possible? Pouvez-vous nous aider à entrevoir l'avenir? Très souvent, nous les parlementaires adoptons des lois en fonction du présent. Nous savons qu'elles se répercutent dans l'avenir, mais souvent nous ne réfléchissons pas à l'avenir. Pouvez-vous nous en parler un peu? Peut répondre qui veut.

M. Steve Bonspille: Je vais essayer.

Je ne peux prédire ce qui va se passer si cet accord territorial passe, si ce projet de loi est adopté. Je ne peux le prédire. Mais, à mon avis, moi qui ai vécu à Kanesatake toute ma vie, l'arrivée de l'autonomie gouvernementale dans notre territoire intervient à un moment où nous ne sommes pas prêts pour cela.

Maintes fois James Gabriel a déclaré que l'enjeu de ceci n'est pas l'autonomie gouvernementale, que cela n'a rien à voir avec l'autonomie gouvernementale; pourtant, dans une entrevue au journal Tekawennake des Six Nations, à New Credit, il a déclaré que ceci est la reconnaissance finale par le gouvernement de notre autonomie gouvernementale.

Le ministre Nault a également été cité dans Eastern Door en juin 2000. À la question de savoir si cela signifiait que le conseil mohawk se dirige vers l'autonomie gouvernementale, il a répondu: «J'y vois là tout à fait l'autonomie gouvernementale en devenir». Notre grand chef a répété à de nombreuses reprises que ceci n'est pas un accord d'autonomie gouvernementale.

Je ne sais donc pas ce que cela réserve pour l'avenir de Kanesatake. Tout ce que je sais, c'est que si cela est adopté, nous allons devoir faire au mieux, mais nous sommes une collectivité tellement divisée entre résidents et non-résidents à ce sujet.

• 1605

Ceux qui vivent à Kanesatake sont contre l'accord. Ma famille vit à Kanesatake. Elle est contre l'accord. Mes cousins, la plupart de mes amis—ils sont tous contre cet accord. Ce sont ceux... Retranchez ces 61 voix de non-résidents qui ne connaissent pas nos affaires, ne savent pas ce qui se passe, et je ne serais pas là aujourd'hui, car l'accord aurait été stoppé.

Le conseil fait appel aux voix de l'extérieur. C'est parfaitement clair lorsqu'on regarde le résultat du vote. Sans les votes par correspondance auxquels ils tiennent tant, ce ne serait pas passé. Avec 61 voix de moins, ils auraient été en dessous de 200, c'est sûr—il n'y aurait pas eu plus de 180 voix, environ.

Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. J'espère simplement que nous n'aurons pas à nous engager dans la voie de la confrontation, qu'il y a aura davantage de consultation à ce sujet avec notre collectivité, car le texte final n'a jamais été soumis à Kanesatake, aux gens qui vivent là.

Je n'ai jamais vu ce document avant que James Gabriel le paraphe. Je ne l'ai jamais entendu dire: «Voilà ce que je vais parapher, qu'en pensez-vous?» Je ne l'ai jamais vu. Je l'ai vu le lendemain après la signature lorsqu'il nous a dit: «Et voilà, c'est ça. Oui ou non. Qu'est-ce que vous décidez?»

Les gens...nous faisions une partie de lacrosse le 21 juin. J'étais dans les buts. Nous jouions, et ils sont tous arrivés sur notre terrain de pique-nique. Tout le monde s'est demandé: «Qu'est-ce qui se passe?», et d'autres ont dit: «Ils ont signé un accord». J'ai demandé: «Qu'est-ce que c'est que cette histoire?» Tout le monde était surpris. Les anciens qui étaient là n'avaient pas la moindre idée de ce qui se passait.

D'accord, tout le monde était au courant des ateliers qui avaient été tenus auparavant. Certains y sont allés, comme je l'ai dit, mais nul n'a eu le texte final et n'a pu exprimer un avis. La communauté de Kanesatake n'a pas donné à James Gabriel son consentement, le pouvoir de parapher et de tenir un vote. Il n'avait pas le pouvoir, délégué par une collectivité mohawk. Il ne l'avait pas—à mon avis, il ne l'avait pas.

Voilà ma réponse.

Mme Pearl Bonspille: Je pense que tout le processus était entaché. Tout cet accord ignore nos droits issus des traités, nos droits ancestraux. Il ne répond pas à ce que nous voulons. Nous avons déjà nos 250 milles carrés de territoire, notre terre ancestrale. Nous ne voulons pas d'un accord intérimaire. Tout le déroulement...

Je sais que dans les autres collectivités du pays, surtout chez les Inuits, il fallait une majorité de 60 p. 100. Les électeurs avaient le choix, ils pouvaient décider s'il fallait une majorité de 60 p. 100, ou 50 p. 100 ou 80 p. 100 ou 90 p. 100 pour ratifier cet accord. Nous n'avons jamais eu cette possibilité. On nous l'a refusée. On nous a dit: «C'est à prendre ou à laisser. C'est une majorité de 50 p. 100. Nous avons décidé à votre place». Nous n'avons jamais eu le choix.

Vous savez, cet accord ne fait rien d'autre que nous enlever la plupart de nos droits—droits miniers, droits sur le sol et l'eau. On nous prend tout. C'est un mauvais accord. C'est un excellent accord pour le gouvernement. C'est un excellent accord pour le Québec, mais pas pour les Mohawks, et je ne pense pas...

Pour ce qui est de savoir ce qui va se passer s'il est signé, je ne sais pas. Je sais que beaucoup de gens sont furieux. La tension est forte. Beaucoup de questions n'ont jamais reçu de réponses. Nous aurions voulu avoir les réponses à ces questions, mais elles n'ont jamais été données.

La présidente: Merci.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. J'ai trouvé vos présentations fort intéressantes. J'ai quelques questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses. J'ai trouvé, monsieur Bonspille, que vous y alliez assez fort dans vos commentaires, et j'aimerais que vous me disiez ce que vous feriez à ma place. Cet après-midi, lors de l'étude article par article du projet de loi S-24, j'aurai probablement à voter sur ce projet, qui a été signé par celui qui est reconnu comme le leader de votre communauté, M. Gabriel.

• 1610

Est-ce que ce ne serait pas faire preuve de paternalisme de la part de ce comité que de dire aux représentants choisis par votre communauté que nous mettons leur mandat en cause, que nous le mettons en question, que nous ne pensons pas qu'ils ont le mandat de négocier et signer de telles ententes? Est-ce que ce n'est pas paternaliste de notre part de mettre en cause la légitimité de votre leader dans un tel processus? Est-ce que la façon de fonctionner ne devrait pas être de faire en sorte, la prochaine fois qu'il y aura des élections au poste de leader, de dire à M. Gabriel que vous n'êtes pas contents de lui? Vous pourriez régler cela à ce moment-là. Ça me paraît un peu comme si on demandait à une autre nation de venir dire que votre leader n'a pas la légitimité de signer ce qu'il a signé.

[Traduction]

Mme Pearl Bonspille: Il y a eu de grandes contestations lors de la dernière élection. Des appels ont été interjetés. Notre code électoral intérimaire prévoit une procédure d'appel. Il y a eu de nombreux appels, et ils sont restés ignorés. Le ministre les a ignorés, le conseil les a ignorés—nous n'avons eu rien à dire.

[Français]

M. Richard Marceau: Ce que vous me dites, c'est que non seulement M. Gabriel n'a pas la légitimité de signer une telle entente, mais il n'a pas du tout la légitimité d'être votre leader. Est-ce que c'est ce que je comprends?

[Traduction]

Mme Pearl Bonspille: Il a été contesté. Lors de sa dernière élection, il y a eu des appels. Des appels ont été présentés au ministre des Affaires indiennes, mais rien n'a été fait.

[Français]

M. Richard Marceau: Sur quelle base étaient les appels?

[Traduction]

Mme Pearl Bonspille: Je ne les ai pas ici, mais il y avait toute une liste d'irrégularités commises lors de l'élection. La procédure n'a pas été respectée.

M. Steve Bonspille: Vous avez posé une question: serait-il paternaliste pour vous de décider? C'est la voie choisie par James Gabriel comme leader élu de la communauté. Il a fait examiner la procédure de vote par le juge Poitras. Il a demandé une intervention extérieure. Vous avez donc le même droit de l'arrêter. Puisque c'est la voie qu'il a choisie, c'est par elle qu'il faut l'arrêter.

Il est évident que les gens de la réserve... Nous sommes dans un carcan, nous ne pouvons plus l'arrêter, c'est déjà presque trop tard. Vous êtes notre dernier recours. C'est pourquoi nous sommes là. Si c'est paternaliste de votre part... Si j'étais à votre place, j'arrêterais tout, évidemment, mais pour ce qui est du paternalisme... C'est lui qui a choisi cette voie, pas moi. Si je voulais faire valider mon travail, je m'adresserais à mon peuple. Les Mohawks diraient alors oui, voici les raisons pour lesquelles nous choisissons de valider ce travail. Nous n'avons pas besoin d'une autorité extérieure pour venir prouver que oui, vous faites un excellent travail, James Gabriel, ou oui, conseil de bande, vous faites un excellent travail.

Je mentionne toujours le nom de James Gabriel, mais il y a cinq autres chefs siégeant au conseil, Clarence Simon, Gordie Oke, Marie Chéné, Dean Gabriel, Doreen Canatonquin. Ils ne sont pas là aujourd'hui, mais eux aussi sont responsables. Ils se sont tous entendus pour demander à une autorité extérieure de porter un jugement sur leur travail: est-ce bien ou non? Dites à nos administrés que c'est bien, pour tourner la page. Si, à votre tour, vous leur dites que non, ce n'est pas bien, eh bien c'est eux qui ont choisi cette avenue.

[Français]

M. Richard Marceau: Monsieur Bonspille, si le projet de loi S-24 était rejeté, si cette entente était rejetée, quelle serait votre alternative? Est-ce que ce serait un retour au statu quo? Est-ce que ce serait d'autres négociations? Ce serait quoi?

• 1615

[Traduction]

M. Steve Bonspille: James Gabriel a dit, au moment du vote, que si l'accord est rejeté, il faudra retourner à la table des négociations et revoir l'accord. Voilà le processus. Le processus a déjà été mis en place.

[Français]

M. Richard Marceau: Qu'est-ce que vous voudriez voir dans le projet de loi S-24, ou son successeur éventuel, qui n'est pas là, et qu'est-ce qui est là qui ne devrait pas y être?

[Traduction]

Mme Pearl Bonspille: L'accord d'harmonisation est un élément. Nous sommes des gens civilisés, nous nous entendons avec nos voisins, nous avons des membres de nos familles qui ont épousé des non-Autochtones. Il n'y a aucune raison de conclure un accord d'harmonisation avec le maire. En tant que Mohawk, je m'estime assez civilisée pour m'entendre avec autrui.

[Français]

M. Richard Marceau: Mais quel est le problème face à une entente d'harmonisation?

[Traduction]

Mme Pearl Bonspille: J'aurais donné un avis si je l'avais vu, mais nous n'avons jamais vu l'accord d'harmonisation; nul dans la collectivité ne l'a vu. Nous n'avons jamais vu les documents, ni l'accord de gestion ni quantité d'autres éléments de l'accord général. Nous avons demandé les textes, mais nous ne les avons jamais eus. Nous avons obtenu quelques renseignements au moyen d'une demande d'accès à l'information, mais l'accord d'harmonisation n'en faisait pas partie. En dehors de ce que nous avons entendu au comité permanent, personne ne connaît réellement le contenu. Ils voulaient que nous votions sur des textes que nous n'avons jamais vus. C'était comme signer un chèque en blanc. Ils ont dit: nous allons voter sur l'accord tel quel, mais vous n'avez pas le droit de voir l'accord de gestion. La collectivité n'a jamais vu nombre des accords faisant partie de l'accord territorial.

[Français]

La présidente: Monsieur Marceau...

M. Richard Marceau: Monsieur Bonspille peut peut-être finir sa réponse.

[Traduction]

M. Steve Bonspille: L'une des choses que je n'aime pas dans le projet de loi S-24 est le mot «adjacent». On le retrouve partout dans le document, surtout l'accord d'harmonisation. Il faut un accord entre le maire d'Oka et le conseil pour mettre en valeur les terrains adjacents. J'aurais voulu avoir quelque chose de plus général pour tout le territoire que nous revendiquons.

Il y a eu un problème chez nous concernant une société minière qui veut ouvrir une mine dans la municipalité d'Oka, mais elle est située sur un terrain que nous revendiquons. Mais ce terrain n'est pas adjacent à une propriété mohawk actuelle, mettons, alors quels droits avons-nous? Cette mine est dangereuse—j'ai fait quelques recherches là-dessus pour la communauté. Le conseil aura-t-il les mains liés si ce projet se concrétise, parce que le mot «adjacent» est là? Cela signifie-t-il que le maire Patry peut construire sur les terrains du Parc Oka parce qu'ils ne sont pas actuellement adjacents aux terres des Mohawks de Kanesatake?

James Gabriel a envoyé une lettre à la Commission de protection du territoire agricole, qui a pouvoir de changer le zonage des terres agricoles au Québec, pour dire que nous avons une revendication territoriale couvrant le terrain où Niocan veut ouvrir une mine. La mine est pratiquement adjacente aux terres mohawks—pratiquement adjacente. Il est très curieux qu'il emploie cette expression, car l'accord territorial dit «adjacent», et pas «pratiquement adjacent», et maintenant nos mains sont liées. Voilà donc un changement que j'aurais voulu inscrire dans cet accord, si j'en avais la possibilité.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente, et merci à vous tous d'être venus.

J'aimerais commencer par faire ressortir une chose. Lors de la dernière élection fédérale, en novembre 2000, 57 p. 100 des électeurs inscrits ont voté. En réalité, seuls 50 p. 100 de tous les électeurs admissibles du pays ont voté, et le Parti libéral a obtenu 42 p. 100 des voix de ces 50 p. 100 qui ont choisi de voter. Autrement dit, il dirige le pays avec seulement 22 p. 100 des voix de tous les électeurs admissibles, mais nul ne conteste qu'il a le mandat de gouverner. Il a une majorité légitime.

Vous invoquez le manque de clarté de la question, ou son ambiguïté. J'en ai ici le texte:

    Acceptez-vous de ratifier l'Entente concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake sur son assise territoriale provisoire et le Code d'administration des terres?

Et c'est dans les deux langues.

Je voudrais faire ressortir ceci et avoir votre avis. Dans une élection, ce qui compte ce n'est pas toujours le nombre de votants, c'est la question de la justice naturelle, c'est-à-dire tout le monde a-t-il eu la possibilité de voter et de voter librement? Selon mes renseignements, des avis ont été envoyés le 7 septembre, le 4 octobre et le 13 octobre à tous les membres de la collectivité mohawk âgés de 18 ans ou plus, y compris les non-résidents, afin de les informer de la tenue d'un vote le 14 octobre, portant sur cette question, avec un scrutin anticipé le 7 octobre. J'admets que le nombre des votants a été décevant, mais du moment que la justice naturelle a été assurée, que tout le monde a eu amplement l'occasion de voter, le nombre total me préoccupe moins.

• 1620

J'ai relevé par ailleurs une contradiction dans vos exposés. L'un a dit que le recomptage a été refusé, l'autre a dit que le recomptage a eu lieu mais que vous avez choisi de ne pas participer.

Mme Pearl Bonspille: Le recomptage a été demandé le jour de l'élection, à l'intérieur du bureau de scrutin. Il y a habituellement des règles et procédures qui permettent de demander un recomptage lorsqu'il y a doute. On nous l'a refusé à l'époque.

M. Pat Martin: Mais le recomptage a eu lieu.

Mme Pearl Bonspille: Oui, mais je ne sais combien de mois plus tard.

M. Pat Martin: Il a été effectué par une tierce partie indépendante et objective.

Mme Pearl Bonspille: Non, il était embauché par James Gabriel. Il n'était pas indépendant, il a été embauché et payé.

M. Pat Martin: C'est un juge, n'est-ce pas, l'honorable Lawrence A. Poitras, cr? Est-il juge ou avocat?

Mme Pearl Bonspille: C'est un juge à la retraite.

M. Pat Martin: On a donc fait appel à un arbitre externe, indépendant. J'ai lu les notes, portant sa signature, expliquant les modalités du recomptage et elles sont difficilement contestables. D'ailleurs, vous avez été invités à suivre...

Mme Pearl Bonspille: Oui, effectivement.

M. Pat Martin: ...et vous êtes partis avant le recomptage.

Mme Pearl Bonspille: Oui. Il avait pour mandat uniquement de faire le recomptage. Or, ce n'était pas le seul problème en jeu dans toute cette procédure entachée... Nous ne demandions pas seulement le recomptage, il y avait d'autres choses. Or, le juge avait pour seul mandat le recomptage.

M. Pat Martin: Je sais cela.

Mme Pearl Bonspille: Il ne s'agissait pas d'examiner tout ce que nous avions demandé, toutes les différentes choses intervenues au cours du vote. Les urnes...

M. Pat Martin: Qui sont Mme Rita Jacobs et M. R.E. Johnston?

Mme Pearl Bonspille: M. Johnston était l'agent d'élection.

M. Pat Martin: M. Johnston était l'agent d'élection, et il a assisté au recomptage. Mme Rita Jacobs?

Mme Pearl Bonspille: Une employée de la bande.

M. Pat Martin: Et le constable Matthew Diabo?

Mme Pearl Bonspille: Un gardien de la paix.

M. Pat Martin: Un policier. C'était donc là les témoins du recomptage lui-même.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur Bonspille?

M. Steve Bonspille: Oui. Vous avez mentionné la justice naturelle, l'envoi d'avis, le désir d'inclure au lieu d'exclure et les tentatives faites par le conseil. Mais vous parlez là d'un concept européen pour Kanesatake.

M. Pat Martin: La justice naturelle n'est pas, je pense...

M. Steve Bonspille: Eh bien, la procédure mohawk exige le consensus, pas une majorité simple.

M. Pat Martin: Donc, 50 p. 100 plus un n'est pas la majorité.

M. Steve Bonspille: Cinquante pour cent ne marche pas, non. La majorité, c'est que la majorité des gens de Kanesatake veulent quelque chose—c'est cela la majorité. Ce n'est pas: dix personnes sont venues à la réunion, sept ont dit oui, aussi... Toute la communauté...

M. Pat Martin: Mais comment savoir ce que veut le reste de la communauté? Nous n'avons que votre parole et des anecdotes qui...

M. Steve Bonspille: Je n'ai que la parole de James Gabriel...

M. Pat Martin: Vous avez ici des bulletins de vote comptés par une tierce partie objective.

M. Steve Bonspille: Je ne conteste pas les bulletins de vote.

M. Pat Martin: Vous dites donc représenter un groupe plus important, qui n'a pas voté, mais n'est pas d'accord. Quelle assurance en avons-nous?

M. Steve Bonspille: M. Gabriel, chez nous à Kanesatake, devra répondre de l'existence d'une grande partie de notre collectivité, à laquelle il appartient, qui n'a pas voté. Mais je voudrais seulement signaler...

M. Pat Martin: C'est un grand acte de foi de votre part que prétendre parler au nom de ceux qui ont choisi de ne pas voter. Comment savons-nous quelles étaient leurs intentions, s'ils ont choisi de ne pas les exprimer?

M. Steve Bonspille: Vous dites que des avis ont été envoyés à tout le monde. C'est un grand acte de foi que d'affirmer que tout le monde a reçu un avis, que tous les 1 400 électeurs admissibles ont reçu un avis. Comment pouvons-nous le savoir? Je n'en sais rien. Peut-être ne les ont-ils envoyés qu'à ceux dont ils savaient qu'ils voteraient oui. Comment puis-je le savoir?

M. Pat Martin: Est-ce là ce que vous affirmez? Est-ce là votre témoignage aujourd'hui?

M. Steve Bonspille: Je dis: comment puis-je savoir?

M. Pat Martin: Les accusez-vous de ne pas les avoir envoyés à...?

• 1625

M. Steve Bonspille: Je pose la question. Comment puis-je savoir? Vous m'accusez de dire...

M. Pat Martin: Non, je n'accuse personne. Dites-vous...

M. Steve Bonspille: Vous me posez des questions. C'est la même chose. Cela va dans le même sens, monsieur.

M. Pat Martin: Je ne sais simplement pas si vous avez le droit de parler au nom de ceux qui ont choisi de ne pas voter. Comment connaissez-vous les intentions de vote de ceux qui ont choisi de ne pas voter? C'est présumer. C'est empirique.

Mme Pearl Bonspille: Je peux donner une réponse partielle. Je sais que j'ai reçu des appels téléphoniques de gens vivant en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, qui n'ont jamais reçu leurs bulletins de vote, bien que les ayant demandés. Nous avons rencontré M. Johnston avant le scrutin et lui avons demandé de voir les règles de procédures, le mécanisme d'appel. Il a dit qu'il n'avait pas ces choses.

Nous lui avons dit que nous avions des gens qui nous appelaient du Nouveau-Brunswick et qui attendaient de recevoir le texte de l'accord. Ils ne l'ont jamais reçu.

M. Pat Martin: Eh bien, qui décide qui est membre de la communauté et qui ne l'est pas? Qui a le droit de déterminer si vous êtes un membre ou non?

M. Steve Bonspille: La bande a la liste...

M. Pat Martin: La bande a la liste.

M. Steve Bonspille: ...mais les Affaires indiennes...

M. Pat Martin: Combien de noms figurent sur la liste? Y en a-t-il 1 450?

M. Steve Bonspille: Sur la liste, au total?

M. Pat Martin: Oui.

M. Steve Bonspille: Je dirais qu'il y en a environ 2 000 ou 2 100, à peu près.

M. Pat Martin: Sur ce nombre, environ 1 450 ont plus de 18 ans.

M. Steve Bonspille: Selon les chiffres de 1998, il y en avait 1 450. C'était là le chiffre pour l'élection de 1998.

M. Pat Martin: Est-ce le nombre de lettres qui a été envoyées? Je suppose que nous pourrions demander...

Mme Pearl Bonspille: Nous ne savons pas.

M. Steve Bonspille: Je ne sais pas. Ce n'est pas moi qui ai envoyé les lettres.

M. Pat Martin: Nous pourrions demander au témoin suivant.

M. Steve Bonspille: Vous pouvez demander à James, car moi je ne sais pas.

Mme Pearl Bonspille: Il y a aussi le fait que ces gens—M. Nault, James Gabriel et le conseil—ont pris cette décision pour nous avec une majorité simple des participants, et non des membres de toute la bande. C'était les membres...

M. Pat Martin: ...qui ont choisi de voter.

Mme Pearl Bonspille: Oui, les participants, ceux qui ont participé. Ce n'était pas une décision de la collectivité. Lorsque l'enjeu est si grand, lorsque notre territoire est en jeu, la décision devrait nous appartenir, comme à toute autre collectivité du pays. Ils peuvent décider quelle sera la majorité requise. Au Québec aussi on veut changer cela. Eux aussi ne veulent pas de 50 p. 100 plus un.

M. Pat Martin: La plupart des gens au Québec disent que 50 p. 100 plus un représente une majorité.

Mme Pearl Bonspille: Mais la question est...

La présidente: Merci. Vous avez dépassé les sept minutes.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci beaucoup, madame la présidente. Je ne vais probablement pas prendre toutes mes sept minutes et je suis plus que disposé à donner ce qui restera à mon collègue.

J'ai plusieurs questions, monsieur Bonspille et madame Bonspille. Vous avez beaucoup parlé du processus. Vos objections portent surtout sur ce que vous estimez être une procédure défectueuse, à commencer par le fait que la communauté n'a pas pu décider de la majorité requise. Vous avez parlé du vote des non-résidents. Moi-même, je me suis surtout penché sur la loi, le texte de la loi. Vous avez également parlé du fait que le projet de loi a été introduit au Sénat et non à la Chambre, et de tout le reste du processus.

J'aimerais avoir votre avis sur certains éléments de la loi. M. Marceau a parlé de ce que vous n'aimez pas dans la loi, et vous avez dit que c'était le mot «adjacent».

Tout d'abord, avez-vous lu toutes les dispositions et tous les éléments saillants du projet de loi?

M. Steve Bonspille: J'ai lu ce qui a été distribué au bureau du conseil de bande. C'était le projet de loi S-24.

M. Rick Borotsik: Oui, c'est cela. C'est du projet de loi S-24 dont nous traitons.

M. Steve Bonspille: Oui, c'est ce que j'ai lu.

M. Rick Borotsik: J'aimerais vous lire une partie de ce texte et avoir votre avis. À l'article 7, «compétence législative», par exemple, on dit:

    (1) Les Mohawks de Kanesatake peuvent légiférer en matière d'utilisation et de mise en valeur du territoire provisoire de Kanesatake. Cette compétence s'étend notamment à ce qui suit

—et je vais vous lire les éléments afin que vous me disiez lesquels vous réprouvez—

      a) la santé et la qualité de vie des personnes qui y résident;

Pensez-vous que c'est une bonne chose?

M. Steve Bonspille: Oui.

M. Rick Borotsik: Ensuite:

      b) la protection et la gestion des ressources fauniques et halieutiques;

Est-il bon que les membres de la bande aient ces pouvoirs?

M. Steve Bonspille: C'est évident.

M. Rick Borotsik: Poursuivons:

      c) le respect de la loi, le maintien de l'ordre et la prévention des conduites répréhensibles et des troubles de jouissance;

Il s'agit là du pouvoir de police. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Steve Bonspille: Oui, nous avons notre poste de police.

M. Rick Borotsik: Bien. Ensuite:

      d) la prévention des intrusions, notamment de l'entrée ou de l'occupation, sans droit ni autorisation;

Est-ce une bonne chose que vous ayez ces pouvoirs?

M. Steve Bonspille: L'intrusion, oui.

M. Rick Borotsik: Qu'en est-il de l'alinéa suivant:

      e) le statut de résidant;

La bande aurait dorénavant compétence sur le statut de résidant...

M. Steve Bonspille: Nous l'avons toujours eu.

Mme Pearl Bonspille: Nous décidons déjà de l'appartenance.

M. Rick Borotsik: Ensuite:

      f) les services de protection contre les incendies;

Pensez-vous que ce soit une bonne chose que d'avoir cette compétence?

M. Steve Bonspille: Certainement.

Mme Pearl Bonspille: Nous n'avons pas besoin d'un accord pour avoir ces choses. Nous avons déjà un poste de police.

• 1630

M. Rick Borotsik: D'accord, mais aux termes de l'article 5 de ce projet de loi, vous avez maintenant—êtes-vous prêts?—le droit de:

      a) acquérir et détenir des biens;

      b) conclure des contrats ou des accords;

      c) contracter des emprunts;

      d) dépenser ou placer des fonds;

      e) ester en justice;

      f) prendre toute autre mesure utile à l'exercice de leurs pouvoirs.

Vu ce que je viens de citer, convenez-vous qu'il est bon pour la bande d'avoir ces pouvoirs de gouvernement, cette compétence?

M. Steve Bonspille: En partie oui, tels que les pouvoirs juridiques. Mais «ester en justice»? Qu'est-ce que cela signifie exactement? Est-ce que cela signifie que nous pouvons poursuivre et être poursuivis? Cela signifie-t-il qu'une institution financière peut prendre le contrôle du territoire mohawk pour garantir un prêt?

M. Rick Borotsik: D'accord, mais le projet de loi dit également, si vous remontez en arrière...

M. Steve Bonspille: Je veux savoir.

M. Rick Borotsik: C'est une très bonne question, mais en remontant au début du projet de loi, le paragraphe 3(2) dit également:

    La présente loi est sans rapport avec les droits ancestraux ou issus de traité des Mohawks de Kanesatake: elle n'a pas pour effet d'y porter atteinte ni d'entraîner leur reconnaissance...

Donc, rien de tout cela ne porte atteinte aux droits issus des traités. L'une de vos objections majeures à cette loi est-elle qu'elle aurait un impact sur les droits issus des traités?

M. Steve Bonspille: C'est l'une des craintes. Mais pour ce qui est de la compétence, la plupart des éléments relèvent du bon sens. Qui ne voudrait pas de la paix et de la tranquillité chez soi? Qui ne voudrait pas d'un service de police? Qui ne voudrait pas...

M. Rick Borotsik: La loi élargit certains de ces droits...

M. Steve Bonspille: Oui, il y a un élargissement, certainement.

M. Rick Borotsik: Ce ne sont pas des droits nouveaux, mais des droits élargis.

M. Steve Bonspille: Mais s'agissant du droit de... Actuellement, un Mohawk ne peut vendre son terrain à un non-Autochtone. Nous espérons élargir notre territoire à l'avenir. Si le conseil ou un particulier emprunte auprès d'une banque et engage son terrain comme garantie ou signe une hypothèque et omet ensuite de rembourser, cela signifie-t-il que la banque va pouvoir saisir ce bien, qui est un bien mohawk?

M. Rick Borotsik: Si je comprends bien, cela ne s'applique pas aux terres anciennes. C'est pour les terres nouvelles. N'est-ce pas vrai?

M. Steve Bonspille: Les terres anciennes.

M. Rick Borotsik: Mais n'ai-je pas raison? Est-ce que je me trompe? Cela ne s'applique pas aux terres anciennes ou à l'assise territoriale. Ceci est une assise territoriale élargie.

M. Steve Bonspille: C'est une assise territoriale élargie.

M. Rick Borotsik: D'accord, donc aucune partie de l'assise territoriale ancienne n'est couverte par ce dont vous parlez. Est-ce exact?

M. Steve Bonspille: C'est ce que dit...

Mme Pearl Bonspille: Mais on nous enlève les droits sur l'eau, les droits miniers. Cet accord nous enlève tous les droits sur le sous-sol, si je comprends bien. Il y a beaucoup de choses que je ne...

M. Rick Borotsik: Avez-vous lu cet accord?

Mme Pearl Bonspille: Oui.

M. Rick Borotsik: L'avez-vous lu article par article?

Mme Pearl Bonspille: Oui.

M. Rick Borotsik: Avez-vous une liste des éléments de l'accord auxquels vous avez des objections sérieuses? Vous en avez cités deux. L'un est la clause sur les terres «adjacentes». L'autre traite des minéraux et mines.

Mme Pearl Bonspille: Oui, les droits minéraux, les droits sur l'eau, les droits sur tout ce qui se trouve dans le sous-sol, selon cet accord. Aussi...

M. Rick Borotsik: Avez-vous rédigé une critique de ce texte?

Mme Pearl Bonspille: Non. Je ne l'ai pas avec moi.

M. Steve Bonspille: Ce que je n'aime pas... Et j'ai lu le texte. Le conseil m'a remis l'accord. C'est la première chose qu'il a diffusé en juin. Puis j'ai lu le projet de loi, que je n'ai obtenu que la semaine dernière auprès du bureau du conseil. On y mentionne les terres Mohawk avoisinantes, mais lorsqu'on lit l'accord qu'ils nous ont donné en juin, il n'est question nulle part dans les définitions des terres mohawks avoisinantes. Les termes «terres mohawks avoisinantes» n'apparaissent qu'ici.

Il semble que deux séries de lois différentes vont s'appliquent aux Mohawks. Ceux qui résident dans le village d'Oka seront assujettis...

M. Rick Borotsik: Monsieur Bonspille, elle va bientôt me couper la parole, et j'ai deux questions très courtes.

Vous avez mentionné les autres membres du conseil. Il y a le grand chef, et puis cinq autres membres du conseil. Est-ce que la décision du conseil d'approuver cela a été unanime?

M. Steve Bonspille: Peut-être James pourrait-il répondre. Je ne sais pas. Il n'y a que la signature de James sur l'accord.

M. Rick Borotsik: D'accord, mais vous êtes à l'écoute de la collectivité. Vous avez l'oreille de la collectivité. Je demande...

Mme Pearl Bonspille: Ils ont besoin du quorum au conseil pour prendre ce genre de décision.

M. Rick Borotsik: Ils ont besoin de la majorité...

M. Steve Bonspille: Ils ont besoin du quorum.

M. Rick Borotsik: ...mais y avait-il une opposition au conseil lui-même? Le savez-vous?

M. Steve Bonspille: L'un des chefs m'a dit—aujourd'hui même, en fait—que le matin du 21 juin 2000 il ne savait pas ce qui se passait. On les a juste convoqués à notre gymnase communautaire: «Allez là-bas. Une signature va avoir lieu».

M. Rick Borotsik: D'accord, ceci sera ma dernière question et j'en parlerai aussi à M. Gabriel.

Vous avez parlé des non-résidents. Une soixantaine de non-résidents ont voté. Vous objectez à cela. Vous ne pensez pas que les non-résidents... Pourtant, vous dites avoir reçu des appels de gens du Nouveau-Brunswick et de Colombie-Britannique qui n'ont jamais reçu...

• 1635

Mme Pearl Bonspille: J'ai eu des appels de gens qui demandaient pourquoi ils n'ont pas reçu...certains ont reçu les documents et pas les bulletins de vote.

M. Rick Borotsik: Vous dites donc que les non-résidents auraient dû...

Mme Pearl Bonspille: Non, beaucoup n'ont pas reçu les bulletins de vote. C'est justement l'une des failles du processus lui-même. Ces gens ont reçu certains des documents, mais pas les bulletins de vote.

M. Rick Borotsik: Vous dites donc que ces gens du Nouveau-Brunswick auraient dû recevoir les bulletins de vote.

Mme Pearl Bonspille: Eh bien, ils ont demandé et y avaient droit, étant donné la façon...

M. Rick Borotsik: Bien qu'ils ne soient pas résidents?

Mme Pearl Bonspille: Oui, mais ils ont pris...c'est ce qui était décidé.

M. Rick Borotsik: Est-ce que les non-résidents sont autorisés à voter aux élections pour le conseil de la bande?

M. Steve Bonspille: Oui.

Mme Pearl Bonspille: Oui.

M. Rick Borotsik: Merci.

La présidente: Vous avez utilisé vos sept minutes. Vous en êtes à huit minutes, et vous n'avez donc plus rien à donner à d'autres.

Monsieur Bagnell, s'il vous plaît.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Que souhaitez-vous que je fasse? Voulez-vous que je fasse vite pour passer aux autres témoins?

La présidente: Ceci est votre tour de sept minutes, et nous passerons ensuite aux tours de trois minutes.

M. Larry Bagnell: Merci.

Tous les partis sont très heureux que vous soyez venus et les autres partis ont posé de très bonnes questions. Je ne suis en désaccord avec aucune des questions, les ayant trouvées très bonnes.

Cela fait des années que je m'intéresse aux institutions de la Confédération des Iroquois. D'ailleurs, je pense qu'elles ont influencé la constitution américaine. J'ai justement prononcé un discours à la Chambre il y a quelques semaines où je faisais valoir que notre forme de gouvernance n'est pas nécessairement la seule valable. Elle ne résout manifestement pas tous les problèmes et il faut toujours être à l'affût d'autres solutions. Néanmoins, pour nos décisions quotidiennes, nous devons nous accommoder des décisions actuelles, des règles d'admissibilité à voter, des procédures actuelles de prise de décisions.

Mes questions vont aller dans le même sens que celles de Rick et elles portent...je serais ravi de lire le restant de votre mémoire—la partie que vous n'avez pas eu le temps de lire—si vous m'en donnez une copie.

Comme Rick l'a dit, dans votre exposé liminaire, aucun de vous n'a réellement indiqué ce qui ne va pas dans ce projet de loi. Vous n'avez jamais dit que telle ou telle partie du projet de loi n'agrandit pas, au moins dans une certaine mesure, les pouvoirs des Mohawks de Kanesatake. Je pourrais vous parler de toute une série de choses, vous poser des questions sur le processus, que vous avez tous deux abordé.

Je m'intéresse davantage aux questions de fond. Mes collègues ont parlé des problèmes du processus, mais si vous voulez utiliser le restant de mon temps, je serais réellement intéressé de savoir ce qui ne va pas dans ce projet de loi, comment nous pourrions l'améliorer, et s'il contient des dispositions qui ne représentent pas réellement un progrès.

Évidemment, le projet de loi n'est pas parfait. Il ne représente qu'une étape dans un long processus. Mais quelles améliorations pourrions-nous apporter au fond, ou quelles objections de nature technique formulez-vous contre ce projet de loi, tel qu'il se présente?

Mme Pearl Bonspille: Je sais que personne dans la collectivité n'a reçu le projet de loi lui-même. Une annonce a été faite, je crois, disant qu'il y aurait quelques exemplaires au bureau de la bande, mais tous ceux qui ont voté hors réserve... Je ne sais pas si James connaît la réponse. Ils étaient censés être envoyés par la poste, mais le reste de la collectivité ne l'a pas reçu. Peut-être que 80 p. 100 des membres de la bande ne l'ont pas reçu, seulement ceux qui sont allés le chercher. Mais les gens hors réserve, comme ceux vivant en Californie, ne l'ont pas reçu et ne savent donc pas réellement ce qui est dans le projet de loi lui-même.

M. Larry Bagnell: Je crois savoir qu'il y a eu des réunions de consultation—et je crois que Steve les a mentionnées. Je crois qu'il y en a eu une cinquantaine sur les concepts, et manifestement le texte reflète ces concepts. Pendant toutes les années que j'ai passé à tous les paliers de gouvernement, je n'ai jamais vu une consultation aussi étendue que 50 possibilités de s'informer sur les enjeux. Ce qui m'intéresse ici, ce sont les sujets et les concepts présentés et discutés à ces nombreuses réunions. Quels sont les concepts que vous jugez néfastes dans cette proposition, dans cet accord?

Mme Pearl Bonspille: Je pense que les gens ont besoin de plus de temps pour étudier le projet de loi lui-même, l'accord lui-même. Beaucoup de documents n'ont jamais été distribués. Il faudrait que les gens puissent à tout le moins les lire. Il faudrait reprendre tout le processus à un rythme tel que les gens obtiennent toute l'information dont ils ont besoin. L'accord de gestion, la KODC—tous ces documents n'ont jamais été communiqués. Je pense que le projet de loi ne devrait pas être adopté tant que la plupart des documents n'auront pas été distribués à la collectivité. Ce serait une...

M. Larry Bagnell: Avant que Steven prenne la parole, vous n'avez donc pas d'objections de fond à des éléments particuliers de ce projet de loi.

• 1640

Mme Pearl Bonspille: Si, à tout le projet de loi. Je ne suis pas du tout d'accord avec tout le projet de loi. Je pense qu'il ne reconnaît pas nos droits issus des traités ou ancestraux. Il ne faut pas adopter ce projet de loi.

M. Steve Bonspille: Eh bien, en ce qui concerne les éléments techniques du projet de loi, comme je l'ai dit, il y a le terme «adjacent». J'ai un gros problème avec cela, car nous avons déjà un problème qui s'annonce à cause de ce terme. Il nous pénalise.

L'autre problème, c'est le pouvoir de conclure des actes juridiques—la vente de terrains ou les mauvaises créances, ce genre de choses. Quelles sont les ramifications de cela?

Je ne suis pas avocat. Ils viennent toujours avec leur avocat, mais je n'ai pas les moyens d'en engager un. Je lis donc le texte avec des yeux de profane. Peut-être faudrait-il nous expliquer mieux les concepts, les ramifications juridiques de ces compétences que nous aurions dorénavant, que l'on nous dise tout ce que cela implique... Les gens comme moi se posent des questions et aimeraient des réponses. J'ai des préoccupations à ce sujet.

L'autre aspect est l'harmonisation, comme Pearl l'a indiqué. Évidement, nous avons vécu en harmonie avec nos voisins pendant de nombreuses années. J'ai grandi en jouant au hockey avec la plupart des enfants francophones du village d'Oka. J'ai beaucoup d'amis là-bas. Nous commerçons avec eux. La communauté dépense la plus grande partie de son argent dans les commerces d'Oka. Voilà le côté social. Mais s'agissant de choses comme le logement, le zonage, les lois municipales, quel est leur rôle?

On a dit aux gens pendant ces ateliers... À l'un de ces ateliers, ces gens qui vivent dans le village d'Oka ont parlé d'une cause perdue dans un tribunal du Québec. M. Jean-Rock Simon a perdu sa cause, parce qu'il a construit une maison de deux ou trois étages au milieu du village d'Oka. La municipalité l'a poursuivi et il a perdu. La raison est que le tribunal a dit qu'il y a un vide juridique à Kanesatake. On ne sait pas quelle loi s'applique, et on applique donc la loi municipale. À ces ateliers, certains ont dit que nous avons perdu la cause de Jean-Rock Simon parce que nous n'avons pas le pouvoir de faire nos propres lois.

Si nous n'adoptons pas ce projet de loi... Le projet de loi soustrait les terres des Mohawks à l'application des lois municipales. Un point c'est tout. On se dit donc que tout est parfait. Mais ensuite on lit le texte de l'accord final. Il y a des «cependant» et des «mais» partout, et ils n'en parlent jamais, oubliant que nous avons perdu la cause Jean-Rock Simon.

Nous avons maintenant ce code foncier, qui reflète les raisons pour lesquelles nous avons perdu le jugement. Nous n'avions pas en place nos propres lois, reconnues par le Québec ou le Canada. Comment se fait-il que, cet accord étant adopté et étant censé régler le problème, M. Jean-Rock Simon ne peut toujours pas construire ce complexe dans le village d'Oka? Il ne le peut pas. Même si le projet de loi est adopté—il va se dire «Hourra, je peux recommencer à construire». Non, il ne peut pas, parce que nous devons harmoniser nos lois. Cela signifie que nous allons devoir accepter les lois municipales, parce que les nôtres ne s'appliquent pas au village d'Oka. La chose la plus facile sera donc d'harmoniser, d'aligner nos lois sur les lois municipales, qui vont s'appliquer partout.

Nous devons être bons voisins. Je suis en faveur du bon voisinage, mais je crois également en la souveraineté de la nation mohawk, à son droit de faire ce qu'elle veut sur son territoire, sans devoir des comptes au maire d'Oka. Voilà ce à quoi je crois aussi. Cet accord ne fait pas avancer les choses. C'est cela que j'aurais voulu.

Comme je l'ai dit, je n'ai rien contre les gens du village d'Oka. Je m'entends bien avec eux. Je ne connais aucun...sauf l'affaire Jean-Rock Simon. La plupart des habitants du village ont leur maison sur des tout petits lots, de toute façon. Qu'est-ce qu'ils vont en faire de ces petits lots? Cela a quand même un effet sur la route, plus la mise en valeur future de nos terres.

• 1645

Eh bien, cela donne à la municipalité un droit de gérance dans nos affaires. Que pouvons-nous faire? Si nos terres jouxtent les terres municipales, nous devons obtenir l'autorisation du maire. C'est lui qui décidera ce que nous pouvons faire.

L'école d'immersion mohawk construite à Kanesatake est un bon exemple. Les gens ont l'impression que, oui, elle est construite sur un terrain mohawk. D'accord, nous savons tous que c'est un terrain mohawk, le territoire mohawk. Mais, en mars, le conseil municipal d'Oka a adopté un arrêté—une loi de zonage—pour changer le zonage du terrain, pour que l'école puisse être construite. Nous demandons donc pourquoi diable la municipalité d'Oka...? Pourquoi a-t-elle son mot à dire sur l'emplacement de notre école? Est-ce que le terrain ne nous appartient pas?

Eh bien, personne ne m'a jamais dit que c'est un terrain municipal. Pourquoi alors la municipalité change-t-elle le zonage? Ce doit être un terrain municipal si elle change son zonage. Ce n'est pas un terrain mohawk. Alors, quelle est la réalité? Je ne sais pas. Il y a toutes sortes de petits éléments comme celui-là. C'est juste un parmi d'autres.

Mme Pearl Bonspille: Je trouve également que toute l'assise territoriale dans cet accord, à par les quelques maisons qui ont des moisissures et qui ont été rachetées... Ils ont dépensé 38 millions de dollars pour racheter ces maisons passées sous la coupe de la KODC—la société de développement.

À par cela, l'une des recommandations du juge Paul, au début des négociations, lorsque Bernard Roy était le négociateur, demandait que les gouvernements traitent de bonne foi avec les Mohawks au sujet des terres. Il a recommandé qu'au minimum le Parc d'Oka soit restitué aux Mohawks. Le Parc Oka, Blue Mountain, au sud de la 344—quel était l'autre parc? C'était les terres minimales qu'il fallait restituer immédiatement.

Mais rien de cela n'a été fait. Il n'y a rien là-dedans, hormis ces maisons. Il y a des poursuites en justice en cours contre la KODC au sujet de ces maisons. Beaucoup avaient des moisissures. On a dépensé des millions et des millions là-dessus. Il y a de gros problèmes avec tous ces terrains de la KODC.

La présidente: Merci beaucoup.

Étant donné que tout le monde a dépassé sont temps de parole, par égard envers les témoins suivants, je ne vais pas autoriser de deuxième tour, si vous êtes d'accord.

J'aimerais donc vous remercier infiniment de nous avoir éclairés. Je vais donner quelques minutes au groupe suivant pour s'installer.

Merci, monsieur Bonspille et madame Bonspille.

Mme Pearl Bonspille: J'ai des copies du discours si quelqu'un... Est-ce que je les distribue ou est-ce que je les donne à quelqu'un?

La présidente: Vous pouvez donner les documents au greffier, car nous devons les faire traduire avant de pouvoir les distribuer aux membres du comité.

Mme Pearl Bonspille: D'accord. Merci.

La présidente: Merci.

Si les autres témoins veulent bien prendre place, nous allons leur donner quelques minutes pour s'installer.

Nous avons quelques minutes. Vous pouvez vous dégourdir les jambes, si vous voulez.

• 1649




• 1652

La présidente: Étant donné l'heure, nous allons reprendre le plus vite possible.

Si j'ai bien compris, nous avons deux témoins différents qui comparaissent devant nous en même temps. Étant donné nos contraintes temporelles, nous leur avons demandé s'ils accepteraient de comparaître en même temps afin que les membres du comité puissent aisément poser des questions à l'un ou à l'autre. C'est tout simplement que nous craignons de manquer de temps, car il y a également un vote prévu pour plus tard. Je constate qu'il nous manque pour le moment un membre, alors peut-être qu'il y aura moins de questions.

Je ne sais trop qui va commencer. Nous pourrions peut-être entendre d'abord le maire Patry. Si vous pouviez faire votre exposé en cinq minutes, nous pourrions ensuite passer à M. Gabriel, après quoi les députés pourraient poser des questions à l'un ou l'autre des deux témoins.

Merci.

[Français]

M. Yvan Patry (maire, Ville d'Oka): Merci, madame la présidente. J'aimerais vous présenter un de mes conseillers municipaux, Me Yves Renaud, qui m'accompagne aujourd'hui pour m'aider à répondre à vos questions, si jamais vous en avez.

Madame et messieurs, c'est avec plaisir que je me présente devant les membres du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles.

Comme je l'ai fait récemment devant le Comité des peuples autochtones du Sénat, je souhaite réitérer aujourd'hui mes observations relatives à l'adoption de la loi qui viendra entériner l'entente concernant l'exercice des pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake sur son assise territoriale provisoire et le code d'exercice des pouvoirs gouvernementaux, sur lesquels les Mohawks de Kanesatake se sont prononcés favorablement.

Je ne vous cacherai pas que c'est une décision qui nous satisfait pleinement et qui nous réjouit. À titre de maire de la municipalité d'Oka, j'ai interprété cette décision de nos voisins mohawks de Kanesatake comme un pas dans la bonne direction.

En prenant fait et acte du vote en faveur de l'entente de nos voisins mohawks de Kanesatake, nous avons compris qu'il s'agissait là de l'expression d'un changement de cap: nous allions désormais travailler ensemble sur de nouvelles bases pour l'épanouissement de nos communautés respectives.

• 1655

Cette entente offre un nouveau cadre de travail pour nos deux communautés; un cadre qu'il a fallu des années à établir depuis la crise qui nous a déchirés il y a déjà de cela dix ans. Sachez qu'à chaque occasion où cela était possible, j'ai souligné à mes concitoyens et à mes concitoyennes d'Oka qu'il fallait tout mettre en oeuvre pour profiter des canaux de communication qu'ouvrait cette entente entre nos communautés.

Mais il y a plus encore. Cette entente nous donne les moyens de réaliser un développement régional harmonieux: une priorité que nous partageons tous à Oka et à Kanesatake. Personne à Oka ne veut revivre la crise que nous avons vécue au début des années 1990. Si elle a fait la une des journaux du monde entier, elle a aussi profondément marqué la vie des gens d'Oka et de Kanesatake.

Le traumatisme que nous avons vécu a laissé des plaies qui ont été longues à se cicatriser. Depuis ce temps, nous avons appris à quel point un dialogue ouvert et sans équivoque entre nos deux communautés nous aurait permis d'éviter la confrontation qui a meurtri nos familles. C'est notre communauté et celle des Mohawks qui ont fait les frais de cette crise, et nous aurions pu nous en passer.

Cela ne signifie pas pour autant que toutes les plaies sont refermées. Les divisions existent encore, mais pour la majorité des Mohawks de Kanesatake et des citoyens et citoyennes d'Oka qui se côtoient tous les jours, jamais plus on ne veut revivre le choc violent de la crise de 1990.

Nous avons donc laissé le gouvernement fédéral et les Mohawks de Kanesatake négocier entre eux. Il a fallu dix ans de discussions et de nombreuses consultations. Le processus a été long et parfois difficile, mais comme le veut l'adage: tout vient à point à qui sait attendre.

Grâce à de nombreuses initiatives issues de nos milieux respectifs, nous avons créé un climat propice au développement économique de la région. À Oka, depuis dix ans, nous avons mis les bouchées doubles et nous avons beaucoup travaillé pour bâtir quelque chose de beau et d'accueillant. Nous avons dû nous retrousser les manches et nous avons été obligés de trouver des solutions efficaces. Ironie du sort, les évènements de l'été 1990 ont notamment piqué la curiosité de plusieurs personnes qui avaient suivi les événements dans les médias. Ils sont donc venus chez nous et ont découvert avec plaisir nos communautés et tous les attraits de la région.

Les événements de l'été 1990 sont passés à l'histoire et ont été une leçon pour tout le monde. Ceux qui ont vécu la crise en ont tiré des leçons. On ne veut plus de confrontation. Nous voulons un dialogue permanent dans le respect mutuel, et cette volonté est bien enracinée chez nous.

Aujourd'hui, la population mohawk de Kanesatake et celle d'Oka auront l'occasion de collaborer au développement de nos communautés. C'est une chance, à mon avis, que nous ne devons pas manquer. J'ai beaucoup de respect pour le grand chef mohawk, James Gabriel. Nous nous sommes rencontrés à quelques reprises et à chaque rencontre, j'ai été étonné de voir à quel point nous étions sur la même longueur d'ondes et partagions une vision commune. Je pense que nos deux communautés veulent encourager la création d'un climat propice au développement.

La municipalité a soutenu l'initiative du gouvernement canadien et des leaders mohawks qui a mené à l'entente entérinée par la population mohawk de Kanesatake. Ce que nous avons encore le plus apprécié, c'est le sérieux avec lequel cette entente a été conclue, plus particulièrement le processus démocratique qui a entouré son adoption.

Le conseil municipal de la municipalité d'Oka et la majorité des citoyens et des citoyennes de notre municipalité ont toujours maintenu qu'il revenait à la population de Kanesatake de décider de son avenir. Les Mohawks de Kanesatake savent ce qui est le mieux pour eux, et nous respectons leur décision.

De notre côté, nous entendons favoriser la coopération. L'entente sur la gestion des terres de Kanesatake par la communauté mohawk, qui a été ratifiée par la population mohawk, clarifie le contexte juridique qui entoure l'utilisation des terres à proximité du village d'Oka.

Pour nous, à Oka, le gouvernement canadien, en reconnaissant les pouvoirs gouvernementaux qu'exerceront désormais les Mohawks sur l'assise territoriale provisoire de Kanesatake, favorise le dialogue plutôt que la confrontation devant les tribunaux. La clause qui traite de l'harmonisation des règlements municipaux s'inscrit d'ailleurs en ce sens. Elle définit, en effet, un cadre de travail qui favorisera, à l'avenir, la résolution des enjeux plutôt que le recours au contentieux, comme cela pouvait se faire dans le passé.

• 1700

Malgré l'apparente lourdeur du processus d'harmonisation, nous sommes confiants que les parties, ayant à coeur le mieux être des deux communautés, y mettront l'effort voulu pour son bon fonctionnement et dans nos intérêts communs. C'est juste une question de bon sens.

En tant que représentants responsables, il était et il est de notre devoir d'encourager le dialogue et de construire des assises solides qui permettront tant à la population d'Oka qu'à celle de Kanesatake d'assurer le développement harmonieux de la région.

En terminant, plus que jamais je suis convaincu que la page est maintenant tournée avec cette entente. Il est temps de mettre le cap sur l'avenir et cela, ensemble.

Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur le maire.

Chef James Gabriel.

Le grand chef James Gabriel (Conseil des Mohawks de Kanesatake): Merci, madame la présidente.

Sékon sewakewkon.

Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.

Sentez-vous libre de m'interrompre. J'aurai peut-être moi aussi tendance à m'emballer, mais c'est le propre des gens qui sont dans la politique.

J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de moi-même, de qui je suis et de mon rôle en tant que grand chef. J'ai déjà eu l'occasion de présenter mon numéro publicitaire à beaucoup de gens ici au comité—députés de l'opposition et députés du parti au pouvoir.

J'ai pour la première fois été élu au conseil en 1995. J'étais à l'époque beaucoup plus jeune et beaucoup plus naïf quant aux rouages des systèmes politiques. En janvier 1996, l'ancien grand chef a été destitué. J'ai été nommé au poste de grand chef par intérim ce mois-là. En juin 1996, je me suis présenté comme candidat au poste de grand chef et j'ai été élu grand chef. J'ai occupé ce poste pendant les deux années restantes du mandat, qui avait commencé en 1995. En 1998, Je me suis présenté aux élections pour le poste de grand chef et j'ai été élu.

Au cours des cinq dernières années, donc, j'ai vécu trois élections et une nomination par les chefs restants au conseil à l'époque, dans le cadre d'un processus démocratique auquel je ne croyais pas vraiment et auquel je ne voulais vraiment pas participer, au début, donc, des années 90. D'après ce que j'ai pu voir dans ce contexte, le système démocratique ne correspondait pas à notre façon de faire. Comme l'a souligné M. Bonspille, nous avons notre propre système de gouvernement, notre propre structure politique.

Nous avons le bonheur d'avoir parmi nous ici des savants qui ont étudié l'histoire et qui savent que Benjamin Franklin s'est, dans le cadre d'une partie importante de son travail sur la Constitution américaine, appuyé sur la constitution de la Confédération iroquoise. Je pense que cela a d'ailleurs été soulevé par M. Bonspille.

Je pense que faire partie d'un système démocratique est un défi—il n'y a aucun doute là-dessus. Nous éloigner de notre forme de gouvernement traditionnel pour adopter un système électoral est un choix très difficile.

Ce choix a été fait sous un conseil provisoire, post-1990, environ 96 p. 100 de la population appuyant l'adoption d'un système démocratique en 1991-1992. Là encore, nous avons eu de la difficulté à déterminer où inscrire dans ce processus nos membres traditionnels.

Je suis très heureux et très honoré de voir David Gabriel ici parmi nous aujourd'hui. Il est un leader très respecté au sein de notre communauté, du côté traditionnel. Je suis ravi de le voir ici parmi nous. J'espère qu'à l'avenir il se verra donner l'occasion, et qu'il acceptera, de représenter son peuple, conformément à notre coutume, par consensus, avec l'accord de tout le monde dans la maison longue, et d'ajouter sa voix à ce processus.

Cela étant dit, cet accord, le projet de loi S-24 et la loi, sont un jalon crucial pour Kanesatake. L'accord nous permettra de prendre le contrôle de notre avenir, de nous gouverner nous-mêmes, d'administrer notre assise territoriale provisoire, d'établir une stabilité sociale et économique, d'apporter la sécurité à Kanesatake et de veiller à notre prospérité future.

Je sais que certains des témoins qui ont comparu aujourd'hui ont allégué que le conseil n'a pas appuyé le libellé, n'a pas appuyé la culture et n'a pas pris suffisamment d'initiatives en matière d'emploi.

L'une des difficultés que nous voyons est la suivante: sans une assise territoriale clairement définie, sans règles de gouvernance et sans une juridiction clairement énoncée dans la loi, comment faire pour exercer votre pouvoir à l'intérieur des limites de votre juridiction? Comment appliquer vos lois, progresser, stimuler l'économie et attirer chez vous des investisseurs tout en veillant en même temps à ce que les personnes démunies n'hypothèquent pas leurs biens et ne vendent pas leurs terres des réserves?

• 1705

Cela est arrivé dans bien des endroits aux États-Unis, où la propriété était en fief simple, et où les gens pouvaient offrir leurs terres en garantie, les céder en hypothèque aux banques, et c'est ainsi que des riches ont pu s'accaparer de bouts de terres des réserves de-ci de-là.

Ce n'est pas quelque chose que nous souhaitons voir. Nos ancêtres, nos aïeuls, nos peuples, nos anciens ont lutté long et fort pour préserver ces terres. Ces terres doivent rester aux mains de notre peuple et ne pas être hypothéquées, vendues ou troquées. Voilà donc quelques-unes des difficultés que nous voyons.

Nous savons, comme je l'ai déjà dit, que la nation mohawk, avec les cinq autres nations des Iroquois ou de la Confédération Haudenosaunee, est imbue de traditions démocratiques. Comme je l'ai déjà dit, de nombreux savants classiques ont été émerveillés par la structure politique sophistiquée de la Confédération iroquoise, formée il y a de cela plus de 600 ans.

Comme je l'ai dit, Benjamin Franklin, l'un des auteurs de la Constitution américaine, avait beaucoup étudié la structure politique et les traités iroquois, et il a été inspiré par notre peuple lors de son travail sur la Constitution américaine.

En tant que conseil d'une collectivité qui est membre de la nation mohawk, nous sommes engagés à l'égard de la règle du droit, de la démocratie, de l'imputabilité et de la transparence. Malheureusement, à cause d'incertitudes juridiques quant au statut légal de Kanesatake et des terres mohawks, notre collectivité a souvent été qualifiée de vide juridique, comme l'a souligné plus tôt M. Bonspille.

La règle du droit en a souffert en conséquence. Kanesatake n'a jamais été une réserve indienne et notre peuple rejette depuis longtemps le modèle dépassé et paternaliste imposé par la Loi sur les Indiens.

Faute d'un statut légal reconnu, le statut unique de nos terres n'a pas été respecté et l'organe directeur légalement élu des Mohawks de Kanesatake, le Conseil des Mohawks, ne s'est jamais vu reconnaître le pouvoir de faire des lois. Cela a donné lieu à une situation très difficile lorsqu'il a été question pour nos forces policières d'appliquer des lois communautaires. Nous savons, étant donné le statut de nos terres, que si nos lois communautaires, telles qu'elles existent à l'heure actuelle, sont contestées devant les tribunaux, elles ne résisteront pas, car des gouvernements de différents paliers contestent notre capacité d'appliquer ces lois en vertu de l'actuel régime.

Le projet de loi S-24, portant sur l'accord territorial et le code foncier, vient corriger la situation. Il donne également aux membres de la communauté la possibilité, lorsque nous faisons des lois, de donner leur avis. Les membres de la communauté auront la possibilité de dire quelle sera l'incidence de la loi, de quelle façon elle les touchera et s'ils estiment qu'elle est bonne ou non. Ils auront l'occasion de discuter de la loi dans le cadre d'une tribune publique.

L'existence de ce vide juridique dont j'ai parlé a définitivement entravé le développement de notre économie et frustré les membres de la collectivité, qui ont ainsi été incapables de poursuivre des possibilités à l'intérieur de la collectivité dans le vide en matière d'autorité qui a résulté de la situation.

Pour dire les choses simplement, il est impossible pour une communauté de se développer et de prospérer lorsque son gouvernement ne peut pas exercer sa gouvernance et lorsque le statut légal de son assise territoriale est incertain. Un tel vide va à l'encontre de la stabilité et ouvre la porte à la confusion, à l'illégalité et à l'anarchie.

L'absence de stabilité, l'absence de reconnaissance légale et le refus du gouvernement, des siècles durant, de s'occuper de nos préoccupations territoriales, voire même de nous écouter, sont tous des éléments clés de l'enchaînement qui a débouché sur la crise d'Oka en 1990. Je crois que la crise de 1990 a été le résultat d'années d'absence de possibilités et de marginalisation à Kanesatake.

Le conseil de l'époque ne pouvant pas exercer son mandat de façon effective, il est devenu facile pour les voix de la collectivité d'être ignorées. Il est devenu facile pour des personnes n'ayant aucun mandat conféré par le peuple de parler au nom de celui-ci.

La crise d'Oka a été une crise portant sur la protection de nos terres, la reconnaissance de nos griefs de longue date et la défense de nos droits. Si elle est arrivée c'est en partie parce que la voix de notre communauté ne se faisait pas entendre et que le Conseil des Mohawks du jour n'était pas en mesure de gouverner de façon effective.

Suite à la crise d'Oka, les Mohawks de Kanesatake et Sa Majesté du chef du Canada ont commencé à négocier des solutions à nos griefs non encore résolus. Comme cela a été dit plus tôt, on a nommé Bernard Roy, et c'est le juge Rejean Paul qui à l'époque était médiateur. L'on a vécu des moments très difficiles après 1990. Nous essayions de mettre en oeuvre un énorme processus et de résoudre tous les problèmes en même temps, mais nous nous embourbions dans des questions de savoir qui allait parler, ce que disait le procès-verbal et si nous acceptions le procès-verbal. Nous nous sommes embourbés dans le processus et nous n'avons pas traité de la substance des griefs.

Dans ce processus, nous avons choisi de procéder par étape et de traiter des questions qui touchent notre peuple dans son quotidien. Comment obtenir le financement pour notre centre linguistique, même si cela n'est pas couvert par les programmes réguliers? Comment produire des revenus pour couvrir ce que ne couvrent pas les programmes réguliers du ministère des Affaires indiennes? Voilà le genre de questions dont nous devons nous occuper.

• 1710

Nous ne prétendons pas que l'accord réglera tous les problèmes, tout le temps et à jamais. Nous avons dit qu'il nous faut progresser à un rythme qui convienne à notre collectivité. Il nous faut nous occuper de questions qui changeront quelque chose dans le court terme tout en gardant dans notre ligne de mire l'objectif à long terme, soit un traité. Nous ne cédons pas dans cet accord nos droits ancestraux ni nos droits issus des traités, et nous ne comptons jamais le faire. C'est là l'un des éléments clés de cet accord: nous ne cédons pas nos droits.

Nous savons qu'il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous savons que cet accord ne règle pas tous les problèmes qui pourraient survenir. En tant que collectivité, en tant que jeune démocratie, nous sommes en pleine croissance. Nous nous trouvons confrontés à des problèmes. Oui, il y a des divisions; personne ne va nier cela. D'aucuns prétendent que depuis que je suis là, les divisions ont augmenté de façon exponentielle. Malheureusement, ou heureusement, parce que nous avons un processus démocratique, dans le cadre des problèmes ou des divisions qui existent, les gens sont libres d'exprimer leurs opinions.

Cela n'a pas toujours été le cas. Après 1990, ce n'était pas très joli à Kanesatake. Ceux d'entre nous qui y vivons savons ce que nous avons vécu. Nous savons quels problèmes il y a eu. Nous savons quels problèmes existent encore aujourd'hui, et je pourrai vous expliquer les problèmes auxquels nous nous trouvons confrontés.

Du début jusqu'au milieu des années 90, l'on entendait si souvent des coups de feu dans la collectivité qu'on n'y réagissait plus. C'était monnaie courante. Vous entendiez tous les jours des coups de feu. Vous entendiez tirer des armes automatiques tous les jours, à n'importe quelle heure. C'était normal à l'époque.

S'il y avait un problème, nous ne pouvions pas faire appel à la Sûreté du Québec. Elle refusait de venir sur notre territoire et elle refusait de le patrouiller. Elle ne voulait pas s'occuper des problèmes. De nombreuses plaintes ont été déposées. Des voisins dans le village ou la municipalité d'Oka se plaignaient de balles qui atterrissaient chez eux, passaient à travers leur porte ou leur porte de garage ou autre, mais ce problème n'a jamais été contenu.

En 1996, sous le conseil de l'époque, auquel j'ai eu le bonheur d'appartenir, nous avons demandé aux gens le mandat de négocier un accord de surveillance policière. Cela a été fait lors d'une réunion publique tenue, je pense, en mai 1996. C'est à partir de là que nous avons commencé à négocier un accord tripartite de surveillance policière avec le Québec et le Canada, et le premier accord provisoire a été conclu en décembre 1996.

Notre force policière a commencé à travailler en février ou en mars 1997 et heureusement qu'il s'agit d'une force policière à part entière. Ses membres sont pleinement formés et ils appliquent toutes les lois applicables—Code criminel, code de la route, que beaucoup de gens ont tendance à tenir pour acquis au jour le jour, le plus souvent lorsqu'ils se font arrêter pour excès de vitesse ou autre.

Voilà donc certaines dimensions de la situation. Je m'excuse d'avoir quelque peu dépassé le temps qui m'était alloué, mais il s'agit d'une question qui me tient très à coeur en tant que leader d'une communauté et désireux que je suis de faire progresser les choses, par rapport, surtout, à ce que nous-mêmes et nos ancêtres avons vécu. Ce n'est pas chose facile de réunir ensemble dans un mémoire tous les différents éléments.

Merci du temps que vous m'avez accordé.

La présidente: Merci beaucoup.

Je tâcherai d'être tout aussi strict avec tous les participants à ce tour de questions.

Madame Hinton, vous pourriez peut-être commencer au nom de l'Alliance canadienne.

Mme Betty Hinton (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, Alliance canadienne): Le processus cet après-midi a été très intéressant et je suis heureuse d'y avoir participé. Je ne peux cependant pas m'empêcher de me sentir comme la personne qui regarde un gâteau lever par la porte du four. Je n'ai pas tous les ingrédients. Je ne sais pas exactement à quoi cela va aboutir, et je me pose beaucoup de questions très difficiles qui sont restées sans réponse.

Je me pose également de sérieuses questions au sujet de l'accord d'harmonisation et j'aimerais disposer de beaucoup plus de renseignements que ceux que j'ai à l'heure actuelle.

L'autre chose, qui éveille chez moi le plus fort sentiment, est le fait que cela soit passé par le Sénat. Le Sénat n'est pas élu; c'est le Parlement qui l'est. Et je pense que c'est comme cela qu'il aurait fallu procéder. Je ne changerai pas d'avis là-dessus.

J'ai écouté des choses très intéressantes aujourd'hui et j'aimerais vous poser quelques questions. Pourquoi pensez-vous qu'un si petit nombre de membres de la communauté mohawk aient participé au vote de ratification, et pourquoi pensez-vous que la moitié de ceux qui ont voté s'opposent à cet accord? Si je ne m'abuse, le vote n'a été remporté que par deux voix.

Le grand chef James Gabriel: Le faible taux de participation à ce vote de ratification de l'accord territorial correspond, je pense, au taux de fréquentation que nous avons enregistré lors des élections du conseil au cours des cinq ou six dernières années, ou depuis 1991-1992. De façon générale, 30 ou 40 p. 100 des électeurs participent aux élections générales pour les postes à combler au conseil.

• 1715

C'est très semblable à la situation vécue dans d'autres communautés mohawks. Le gouvernement fédéral a eu la chance d'utiliser certaines des statistiques au gouvernement fédéral. L'apathie chez les électeurs est un problème. Ce qui vient compliquer notre problème est le fait que nos membres traditionnels ne participent pas à l'élection du conseil. Le Conseil des Mohawks de Kanesatake est perçu comme étant un prolongement du gouvernement fédéral, comme étant un conseil créé en vertu de la Loi sur les Indiens, comme étant la main droite du ministre des Affaires indiennes. Cela toujours été l'opinion de notre peuple.

C'était donc un énorme acte de foi que d'adopter un système démocratique, ce que nous avons fait. Nous avons vécu plusieurs élections. Comme vous l'aurez constaté dans la documentation qui a été fournie, il y a des gens qui font campagne contre cet accord, exerçant leur droit démocratique de participer et de parler librement, d'intervenir dans le processus et d'exprimer leur dissension par rapport à ce que nous disons. Il s'agit là d'une merveilleuse expérience pour une jeune démocratie. Je pense que la faible participation électorale va être un problème dans les collectivités des Premières nations lorsque vous avez un gouvernement traditionnel et, faute d'un terme meilleur, un gouvernement ou des bandes émanant de la Loi sur les Indiens.

Mme Betty Hinton: Pendant l'échange d'aujourd'hui, un des témoins a demandé si nous accepterions de reporter cette question, ou bien s'il nous serait possible de la retarder et de nous rendre dans la collectivité concernée et de poser directement la question aux membres là-bas. Auriez-vous des objections à cela?

Le grand chef James Gabriel: Un problème que j'aurais avec cela est qu'en tant que représentant élu je considérerais cela comme étant paternaliste. Nous essayons de nous éloigner de l'image du grand père blanc du gouvernement du Canada et de traiter avec ce dernier sur un pied d'égalité. Dire que finalement on ne pense pas que le processus qui a été suivi soit aussi bien qu'on a bien voulu le laisser entendre...qu'on veut voir par soi-même ce qui est vraiment...

D'aucuns disent que toutes ces personnes que nous ne connaissons pas, qui vivent à l'extérieur du territoire, ne devraient pas faire partie du processus, puisque 95 p. 100 des gens qui habitent le territoire de Kanesatake ont voté contre. Or, à chaque élection depuis 1991, les gens et hors réserve et vivant dans la réserve ont participé au scrutin. Je n'ai pas choisi le système qui est en place. Nous vivons avec un système démocratique qui a été instauré par les gens en 1991. Il nous faut le respecter.

Mes collègues et le leader respecté du gouvernement traditionnel ont expliqué que le soleil se lèvera le lendemain de l'adoption de la loi. Il nous faudra composer avec cela. Il nous faudra avancer. Il nous faudra travailler fort. Que l'accord obtienne ou non force de loi, soit ratifié, en tant que communauté, nous avons beaucoup de travail à faire.

Voici comment je vois le processus: chaque retard nous donne une journée de plus pour attendre quelque chose de meilleur et pour traiter du statu quo, car nous savons que nos programmes communautaires sont sous-financés. La croissance de notre population est largement supérieure aux revenus qui entrent dans la collectivité. Il est impossible pour nous de joindre les deux bouts sur la base des programmes réguliers du ministère des Affaires indiennes. Il nous faut devenir autosuffisants.

Je sais qu'on a beaucoup utilisé l'expression «autonomie gouvernementale». Je l'ai maintes fois entendue. La politique d'autonomie politique telle que définie par le ministère des Affaires indiennes n'est pas ce que nous recherchons. Ce dont nous parlons c'est de notre droit de déterminer notre propre avenir. Le droit du peuple mohawk, le droit de la nation mohawk, de déterminer leur propre avenir... C'est cela que nous voulons. Cet accord reconnaît notre juridiction en matière de soins à donner aux membres de notre peuple, d'adoption de lois, de progrès, et c'est cela que je vois pour l'avenir.

M. Reed Elley: J'aurai une très courte question.

La présidente: Vous avez une minute.

M. Reed Elley: On a l'impression d'un travail en cours. Vous avez parlé d'un code foncier. Vous avez parlé d'un accord d'harmonisation. Les gens d'Oka et les Mohawks auront-ils véritablement la possibilité de participer à l'établissement du code foncier et à l'accord d'harmonisation, afin que votre peuple participe à vos côtés?

Le grand chef James Gabriel: En ce qui concerne le code foncier, il s'agit d'un document interne découlant des commentaires qui ont été faits lors de la période de consultation. Les gens étaient préoccupés par la juridiction qui est reconnue et conférée au conseil. Ils ont dit: nous voulons des règlements déterminant la façon dont le conseil se gouverne. La mise en oeuvre ou l'élaboration de l'accord territorial et son application...nous avons commencé à envisager tout cela dans le contexte d'un plan de développement. Comment allons-nous gérer notre territoire?

• 1720

En ce qui concerne la participation à ce processus de la municipalité d'Oka, elle est limitée aux parties de l'accord traitant de l'harmonisation. Nous comprenons tous que ce qu'elle fait sur son territoire est son affaire; ce que nous nous faisons chez nous est notre affaire. Mais, comme cela a déjà été dit, il faut qu'il y ait un mécanisme permettant aux deux collectivités de s'entendre. Même les témoins ici ont dit bien s'entendre avec leurs voisins dans le village; il n'y a pas de problèmes à ce niveau-là. Pourquoi avons-nous besoin de cette harmonisation?

M. Reed Elley: Vous ne répondez pas à ma question, chef, et j'aimerais également que le maire y réponde. Y aura-t-il possibilité à l'avenir—car certains de vos membres disent qu'ils n'ont pas vu ce code, qu'ils ne savent pas ce qu'est l'accord d'harmonisation—pour les gens d'Oka et ceux de Kanesatake de participer à ce processus au fil de son évolution?

Le grand chef James Gabriel: Je pense que notre peuple a vu le code foncier. Il fait partie de l'accord. Il a été ratifié en même temps que l'entente concernant l'exercice de pouvoirs gouvernementaux par Kanesatake sur son assise territoriale—le code foncier, qui est notre règlement interne, si vous voulez. L'accord d'harmonisation, en tant que...

M. Reed Elley: Cela est-il en cours?

Le grand chef James Gabriel: C'est en cours. Les discussions en matière d'harmonisation ne pourront avoir lieu qu'une fois en vigueur l'accord territorial. Il faut y aller une étape à la fois. D'abord il y a l'accord territorial, puis il y a une loi mettant en vigueur l'accord territorial, et viennent ensuite les discussions en matière d'harmonisation.

M. Reed Elley: Votre peuple aura-t-il la possibilité d'y participer? Voila la question.

Le grand chef James Gabriel: C'est là la question. Notre peuple aura l'occasion de voir exactement ce qui se passe en matière d'harmonisation. Je pense par ailleurs que les personnes vivant dans le village d'Oka verront les résultats et l'incidence sur eux du processus, et leur participation sera critique. Qui consulter de mieux que les personnes qui seront le plus touchées?

L'un des éléments dont il a été question cet après-midi a été l'expression «terres adjacentes». Nous sommes tenus par l'accord d'harmoniser nos lois communautaires avec les règlements municipaux du village d'Oka. D'aucuns ont dit que cela est trop limitant. Au lieu de ne viser que les terres adjacentes, il vaudrait que toutes les terres soient harmonisées avec le village d'Oka, si j'ai bien compris les témoignages qu'on a entendus cet après-midi.

En tant que peuple mohawk, il est inacceptable que des lois municipales s'appliquent à l'échelle de notre territoire et que nous n'ayons pas notre mot à dire. Nous avons le droit de déterminer nos propres lois, de les mettre en oeuvre et d'exiger leur respect. Mais dans ce siècle-ci, il nous faut regarder qui vit à côté sur des terres adjacentes—des terres situées juste à côté de nous dans le village d'Oka—et composer avec les questions de la vie de tous les jours. C'est là que va se faire l'harmonisation—là où des Autochtones et des non-Autochtones vivent côte à côte, comme cela été dit cet après-midi. Les lots sont très petits. Les gens sont très près les uns des autres. Il faut s'occuper de cela.

La présidente: Merci, et je vous signale que vous avez entamé votre tour dans la ronde suivante.

Monsieur Marceau, s'il vous plaît.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente.

Je veux juste bien comprendre, monsieur Gabriel, le mécanisme concernant l'harmonisation. Il n'y a pas eu, jusqu'à maintenant, de discussions sur l'harmonisation entre la municipalité d'Oka et le conseil de bande de Kanesatake.

Le grand chef James Gabriel: Oui. Au début du processus, quand on s'apprêtait à mettre nos initiales sur le document, au mois de juin de l'an passé, on a informé le maire de la municipalité d'Oka qu'il y avait des discussions qui allaient bon train avec le gouvernement fédéral, et ce sont plus ou moins les éléments clés qui seront inclus là-dedans. Il va aussi y avoir une clause d'harmonisation. C'est dans notre intérêt de se réunir et de discuter des points communs où il y aura des frictions. Évidemment, ce sont les propriétés mohawks dans le village d'Oka qui ont toujours été une source de friction entre nos deux communautés. On n'a jamais déterminé clairement quelle loi va s'appliquer.

On a entendu, cet après-midi, une allusion à la cause Simon contre la municipalité d'Oka, qui, à l'époque, était le village d'Oka, qui disait, vu qu'il y avait eu un vide juridique, que toutes les lois municipales allaient s'appliquer à la grandeur du territoire mohawk. C'est ce que ça veut dire. Mais quand on regarde ce que ça fait sur le territoire, ça oblige la municipalité d'Oka à envoyer des inspecteurs à l'intérieur du territoire mohawk, ce qui est une situation intolérable.

• 1725

M. Richard Marceau: Pour vous.

Le grand chef James Gabriel: Pour nous et pour eux. Ça ne peut pas se faire.

À la suite de la décision rendue dans la cause Simon, j'ai communiqué avec le bureau du maire Patry pour savoir ce qu'on allait faire devant cette décision. C'est là qu'on a discuté du point auquel on en était rendus dans nos démarches avec le gouvernement fédéral, et c'est là qu'il faut que ça se fasse.

M. Richard Marceau: Donc, il y a déjà des discussions informelles qui ont été commencées, mais pour les détails de l'harmonisation, vous attendez que ce projet de loi soit adopté, accepté, et que l'entente, par l'adoption de ce projet de loi, soit mise en place. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Le grand chef James Gabriel: Pas exactement. Il y a eu des discussions informelles en partant, mais une autre allusion a été faite à notre école d'immersion dans la pinède à Oka, ou à Kanesatake. Pour fournir cette école en eau et en égouts, il faut qu'elle soit raccordée au système municipal afin d'avoir le meilleur service de gicleurs à l'intérieur de la bâtisse et de prévenir les incendies et de protéger l'environnement. Évidemment, c'est une école, donc, il y aura beaucoup de déchets qui vont sortir des égouts. Il faut protéger l'environnement. Nous avons donc un groupe technique composé de nos représentants et de ceux du village d'Oka où on discute des services d'égouts et de l'eau, et ces discussions sont déjà commencées de manière formelle.

M. Richard Marceau: Partout dans le projet de loi S-24, on parle de «territoire provisoire», c'est-à-dire non défini concrètement. Est-ce que vous pourriez me parler des projets d'agrandissement que vous avez pour Kanesatake? Dites-moi où ça va, quelle superficie ça inclut et comment vous pensez que cette entente va s'appliquer sur les nouveaux territoires que vous voulez éventuellement acquérir ou que vous voulez contrôler?

Le grand chef James Gabriel: Je vais essayer de répondre à la question le mieux possible. C'est vrai que c'est une assise territoriale provisoire, si je parle correctement le langage, mais l'entente reste la même. Dans l'entente, on aura l'option d'agrandir le territoire.

M. Richard Marceau: Où?

Le grand chef James Gabriel: Où exactement? Cela va dépendre de nos besoins. On a fait, conjointement avec le gouvernement fédéral, une étude de tous les documents historiques sur la seigneurie du lac des Deux-Montagnes, qui représente à peu près 266 milles carrés.

Si on agrandit, on vise à agrandir dans la direction de la seigneurie du lac des Deux-Montagnes. On sait que ce sera un processus assez difficile compte tenu du nombre de personnes qui s'y trouvent. De toute façon, il faut avoir une base de territoire assez grande pour convenir à notre population qui est en pleine croissance et permettre de développer une économie. Il faut absolument faire quelque chose pour améliorer le sort de nos gens à Kanesatake.

M. Richard Marceau: Monsieur Patry, le 9 mai dernier, Ellen Gabriel a affirmé, contrairement à ce que vous et M. Gabriel avez affirmé ici aujourd'hui, que les relations étaient tendues entre Oka et la communauté de Kanesatake. Est-ce qu'elle a raison ou non?

M. Yvan Patry: Je peux vous dire qu'il y en a qui n'ont pas voulu suivre la démarche de réconciliation. On ne pourra jamais changer cela. Autant du côté de la population blanche il y en a qui ne veulent rien savoir, autant il peut y en avoir dans l'autre communauté qui ne veulent rien savoir. Mais ce n'est pas la majorité. Je peux vous le dire. C'est une infime partie.

M. Richard Marceau: Une infime minorité.

M. Yvan Patry: On a parlé tout à l'heure de citoyens d'Oka. Je suis natif d'Oka. Ma famille est native d'Oka.

• 1730

On est là depuis les années 1850. Je pense bien connaître comment le processus se fait là-bas. Dans tout genre de communauté, il y en a qui sont pour, d'autres qui sont contre et d'autres restent marqués. Je sais que je ne peux pas parler pour la communauté mohawk, mais ce que je peux dire, c'est que chez nous, les gens veulent aller de l'avant, et on sait que si on le fait ensemble, on va le faire de telle façon que ce sera encore bien mieux pour les deux communautés.

M. Richard Marceau: Si vous aviez une boule de cristal devant vous—tout le monde le souhaite un peu...

La présidente: Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Laissez-moi juste poser une dernière question.

[Traduction]

La présidente: Je m'excuse, mais vous en êtes à la fin de vos sept minutes.

[Français]

M. Richard Marceau: Vous avez permis à d'autres de le faire un petit peu plus en disant que ce serait repris au prochain tour. Alors, je fais la même chose.

J'ai une dernière question, monsieur Patry. Quand à peu près pensez-vous que l'échéancier pour un accord d'harmonisation sera fait?

M. Yvan Patry: Aussitôt que le projet de loi sera accepté, j'espère qu'on pourra commencer l'harmonisation. Quand on parle d'harmonisation, on parle seulement de règlements de construction et de choses comme ça.

Plus tôt, on a fait allusion à la cause Simon. Je veux juste vous dire que la cause Simon a duré 12 ans. On s'est rendu en Cour suprême pour un petit règlement municipal qui dit qu'on n'a pas le droit de bâtir un édifice de six logements sur 5 000 pieds. Ce n'est qu'une question de logique ça. Après cela, il y a toute la question de la sécurité. Alors, c'est cela, tandis qu'on dit là-dedans qu'il faut vivre en bon voisinage.

Les 57 lots qui sont à l'intérieur de la municipalité d'Oka vont demeurer des terres fédérales mohawks sous la juridiction des Mohawks. On est d'accord là-dessus. C'est sûr qu'on aurait mieux aimé qu'ils ne fassent pas partie de l'entente, mais on a compris qu'il fallait que tout le monde mette de l'eau dans son vin.

Ce que je veux dire, c'est que si quelqu'un n'a pas le droit d'avoir une clôture de 14 pieds devant sa demeure, pourquoi le voisin aurait-il le droit de le faire? C'est une question de bon voisinage, et je suis sûr que les Mohawks d'Oka le comprennent eux aussi. D'ailleurs, on le voit, parce que tout se fait déjà, dans le moment, selon les règles. On a des problèmes, mais ça prend juste un individu qui décide, à un moment donné, d'aller plus loin, et on se retrouve avec les droits constitutionnels et tout ça, et on passe 12 ans à s'obstiner pour arriver, à la fin du compte, à une démolition. C'est une logique.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, madame la présidente, et merci à vous, maire Patry et grand chef Gabriel, pour vos mémoires et vos propos très intéressants.

J'aimerais commencer par poser une toute petite question au maire Patry. Vous venez tout juste de dire qu'il y a 57 propriétés mohawks qui sont toujours à l'intérieur des limites d'Oka. Vous avez manifestement participé aux discussions sur cette question de juridiction partagée. Pourriez-vous nous dire en quelques mots de quelle façon vous voyez les choses fonctionner—en matière de lutte contre l'incendie, de maintien de l'ordre, de code de la route, de gestion des déchets, et ainsi de suite—dans le cas de ces 57 propriétés qui se trouvent à l'intérieur des paramètres d'Oka?

[Français]

M. Yvan Patry: Comme je l'ai mentionné plus tôt, monsieur Martin, les lois autochtones vont s'appliquer à la construction dans cette partie-là. D'accord?

Pour ce qui est des rues de la municipalité, elles vont demeurer des rues de la municipalité.

En ce qui concerne les services qu'on peut offrir, qu'il s'agisse de l'eau, des égouts, du déneigement, il est évident que ce seront des services qu'on va échanger avec la communauté mohawk, avec le conseil de bande. C'est ce dont on parle quand on parle d'harmonisation. Ça ne s'arrête pas seulement à la construction de maisons. Il va y avoir un éternel dialogue entre les deux sur des choses telles que le nettoyage des rues, le service d'eau. Déjà, on a commencé à en parler un peu, vaguement, et je peux vous dire que cela va très bien.

Tout à l'heure, le grand chef parlait de la nouvelle école d'immersion autochtone qui est quasiment construite. On ne leur a pas mis de bâtons dans les roues. On a collaboré, mais il fallait quand même modifier le règlement municipal, modifier le schéma d'aménagement de la MRC de Deux-Montagnes, et cela a tout été fait en l'espace d'un mois, alors qu'il s'agit d'un processus de 90 jours. Donc, j'aimerais bien mieux, à un moment donné, que ce soit déjà fait et que cela ne nuise à personne. En plus, ils nous ont demandé d'avoir un service d'aqueduc et d'égouts, ce qu'on s'est empressés de faire pour que la construction puisse commercer dans une quinzaine de jours. On va leur donner le service.

• 1735

Donc, de ce côté-là, il n'y a pas de problème. Quand je vous dis qu'on vit en bon voisinage, c'est ça, le bon voisinage. Il faut qu'il y ait une réglementation qui dise que les maisons doivent se construire à tant de pieds de marge avant et de marge de recul. C'est toujours une question de sécurité. Si on bâtit les maisons les unes à côté des autres et qu'il y en a une qui passe au feu, c'est tout le coin qui passera au feu. C'est logique.

Maintenant, pour ce qui est du territoire mohawk...

[Traduction]

M. Pat Martin: Je comprends. Merci, monsieur le maire. Si vous permettez que je vous interrompe, il ne me reste que quelques minutes, et j'aimerais encore vous poser quelques questions bien précises.

Dans sa présentation, M. Bonspille a laissé entendre que des avis n'avaient peut-être pas été envoyés à tous les membres dont les noms figuraient sur les listes de membres. Étant donné que le procès-verbal de la réunion va être rendu public, pourriez-vous répondre à cette insinuation voulant que le conseil de bande et peut-être vous-même en tant que grand chef ayez été moins francs que vous auriez pu l'être quant à la communication relative au vote?

Le grand chef James Gabriel: Très bien. Malheureusement, je commence à m'habituer aux accusations de machination ou de tripotage du système quant à la ratification de votes ou d'élections. Lors des dernières élections, on m'a accusé d'avoir fait venir des gens par avion de la Floride et de l'Arizona pour voter pour moi. Ça me plairait bien d'avoir les reins assez solides pour pouvoir faire cela, mais ce n'est pas le cas.

La liste de membres ou la liste de courrier pour les élections et les votes de ratification est tenue à jour par le bureau du conseil. Chaque membre de la communauté a pour responsabilité de nous avertir de tout changement d'adresse. Nous établissons les listes sur la base des renseignements les plus récents dont nous disposons. Si les gens changent d'adresse ou quittent le territoire—ou même, dans certains cas, se déplacent à l'intérieur du territoire—il peut être difficile de faire parvenir tout à tout le monde.

Nous mettons la documentation à la disposition de tous au bureau du conseil; nous faisons des envois généraux aux boîtes lettres rurales de toutes les personnes se trouvant sur le territoire, quel que soit... Je ne peux pas vraiment parler de «numéros de voirie» car il n'y en a pas dans notre territoire. Mais tout le monde bénéficie du service de distribution rurale.

Les membres de notre communauté qui ont des casiers postaux dans le village d'Oka... Les employés de Postes Canada savent que tout le monde doit en recevoir. Il ne se fait pas de discrimination du genre: «Eh bien, nous savons que telle partie du territoire n'est pas favorable à notre accord alors, n'y allons». Voilà donc comment nous avons fait les envois de nos trousses d'information. Nous faisons de notre mieux pour inclure toutes les personnes en droit de recevoir ces avis.

M. Pat Martin: Merci, grand chef. Voilà qui règle cela.

Me reste-t-il encore une minute?

La présidente: Une très courte question.

M. Pat Martin: Très courte.

La présidente: Et une très courte réponse.

M. Pat Martin: D'accord.

Je saute donc à la question suivante. Peut-être pourrais-je interroger Brenda Etienne au sujet du processus de négociation. Grand chef Gabriel, vous êtes très précis dans vos remarques lorsque vous dites que le projet de loi ne traite pas des droits ancestraux ni des droits issus des traités...ou en tout cas ne fait rien pour dénigrer ou diminuer les droits ancestraux ou issus des traités. Si l'un ou l'autre d'entre vous pouvait répondre à la question suivante: comment avez-vous traité de cela lors des négociations et qu'y a-t-il dans le projet de loi qui viendrait rassurer ceux qui pensent qu'il menace peut-être les droits ancestraux ou les droits issus des traités? Y a-t-il là-dedans quelque garantie?

Le grand chef James Gabriel: Si vous permettez, je pourrais vous donner une réponse très rapide.

Dans le projet de loi S-24, les droits ancestraux et issus des traités sont abordés au paragraphe 3(2), qui dit:

    La présente loi est sans rapport avec les droits ancestraux ou issus de traités des Mohawks de Kanesatake: elle n'a pas pour effet d'y porter atteinte ni d'entraîner leur reconnaissance par Sa Majesté du chef du Canada.

La loi elle-même va donc établir très clairement que les droits ancestraux ne sont aucunement touchés par cet accord.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, il nous faut préserver ce que nous avons et avancer vers le traité en bout de ligne. C'est ce que demande notre peuple depuis le début.

M. Pat Martin: Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, madame la présidente.

Premièrement, ma question s'adresse à monsieur le maire. Y a-t-il à l'heure actuelle des conventions de services entre le village d'Oka et la bande elle-même? Y a-t-il des ententes de services en vigueur à l'heure actuelle?

[Français]

M. Yvan Patry: Présentement, oui.

[Traduction]

M. Rick Borotsik: Il y en a.

[Français]

M. Yvan Patry: Oui, mais avec Travaux publics Canada.

[Traduction]

M. Rick Borotsik: Très bien. Par l'intermédiaire de Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada...

Souhaitez-vous répondre?

• 1740

Mme Anjali Choksi (conseillère juridique auprès du Conseil des Mohawks de Kanesatake): Je vais répondre. On travaille à une ébauche de convention de services. On attendait l'adoption du projet de loi avant de signer.

M. Rick Borotsik: Mais y a-t-il des ententes de services en vigueur...

Le grand chef James Gabriel: Il n'y a pas d'entente de services en place à l'heure actuelle.

M. Rick Borotsik: Est-ce que la ville d'Oka assure des services à l'heure actuelle?

Mme Anjali Choksi: Oui.

M. Rick Borotsik: Comment vous paie-t-on à l'heure actuelle pour ces services?

Mme Anjali Choksi: En vertu de la Loi sur les subventions aux municipalités, le gouvernement verse à la municipalité des subventions tenant lieu de taxes.

M. Rick Borotsik: Il y aura donc une subvention tenant lieu de taxes de la bande elle-même à la municipalité.

Mme Anjali Choksi: Du gouvernement fédéral, en vertu de l'actuel système, en attendant l'entrée en vigueur du projet de loi...

M. Rick Borotsik: Une fois le projet de loi adopté, tout cela changera. On aura alors la possibilité, Monsieur le Maire, d'aller négocier pour le compte de la ville d'Oka, j'imagine, avec la bande elle-même.

Qu'arrivera-t-il à la ville d'Oka si cet accord n'est pas adopté, et je vous demande cela avec tout le respect que je vous dois? Qu'arrivera-t-il à l'école qui vient tout juste d'être montée et aux services devant être élargis? Cela serait-il tout simplement ajouté à la subvention tenant lieu de taxes tout de suite, pour être ensuite rendu à la ville d'Oka?

[Français]

M. Yvan Patry: Pour la municipalité, ça ne changera absolument rien. On va toujours continuer à tendre la main au conseil de bande, qui veut travailler avec nous. Par contre, cela ne donnera pas au conseil de bande l'autorité d'établir ses lois au niveau de la police, de l'éducation, etc. sur les terres fédérales. Ce sera le statu quo. Ce sera toujours la municipalité qui sera obligée de faire respecter les règlements municipaux, ce seront toujours les tribunaux qui vont trancher et chaque fois, ce sera un début de chicane ou même la guerre.

[Traduction]

M. Rick Borotsik: Monsieur le Maire, il y a à l'heure actuelle 57 lots de la bande à l'intérieur de la municipalité. Ces lots ont- ils un zonage en ce moment? Sont-ils résidentiels, commerciaux ou bien ne leur a-t-on pas attribué de zonage quel qu'il soit?

[Français]

M. Yvan Patry: Au moment où on se parle, la grande majorité de ces lots sont dans des zones résidentielles. Il y a quelques bâtiments qui sont sur la grand-rue, où il y a des possibilités commerciales. Il n'y a pas de problèmes.

[Traduction]

M. Rick Borotsik: Merci.

Grand chef Gabriel, si j'ai bien compris, ces négociations durent depuis dix ans environ. Est-ce bien cela?

Le grand chef James Gabriel: C'est exact.

M. Rick Borotsik: Elles ont commencé avant que vous ne deveniez membre du conseil en 1995 ou en 1996.

Le grand chef James Gabriel: Oui.

M. Rick Borotsik: On semble néanmoins vous en attribuez en grande partie la responsabilité, à partir de 1995-1996. Les négociations ayant commencé il y a de cela dix ans, j'aimerais en savoir plus long sur votre participation depuis 1995-1996. Est-ce que c'est vous qui avez porté cela au palier de négociation suivant?

Le grand chef James Gabriel: Je ne peux pas m'attribuer le mérite de ce que nous avons aujourd'hui, car les luttes de notre communauté remontent plus de 300 ans en arrière.

M. Rick Borotsik: Très juste.

Le grand chef James Gabriel: Nous en sommes arrivés à un point où nous avançons maintenant parce que beaucoup de travail difficile a été abattu par beaucoup d'ancêtres à nous. Il y a eu des moments où le climat était tel qu'il était impossible d'en arriver à une entente ou à une quelconque conclusion. C'était le cas entre le début et le milieu des années 90. Notre communauté était dans un tel état de mouvance...

M. Rick Borotsik: Je vais intervenir ici car elle va bientôt me couper la parole. J'ai encore quelques très petites questions à poser.

Premièrement, et j'ai déjà posé cette question tout à l'heure: vous êtes le grand chef de votre conseil et il y a cinq autres conseillers; était-ce votre décision unanime d'aller de l'avant avec ceci?

Le grand chef James Gabriel: Oui. Comme vous le savez, ce processus est très expérimental et il est parfois difficile de s'organiser autour des dates. En ce qui concerne la signature, le préavis a été court...on a eu une visite surprise du ministre.

M. Rick Borotsik: Le conseil a-t-il participé à tout le processus?

Le grand chef James Gabriel: Oui. Le conseil a signé une lettre et une résolution à la communauté confirmant son plein appui en faveur de l'accord.

M. Rick Borotsik: La décision a été unanime.

Le grand chef James Gabriel: Oui.

M. Rick Borotsik: Il y a un grand nombre d'opposants. Nous en avons entendu quelques-uns aujourd'hui. Le vote des gens de Kanesatake pour aller de l'avant a été très serré. Pourriez-vous nous dire ce que craignent à votre avis les opposants? Craignent-ils la mise en péril des droits issus des traités qui sont toujours en attente? Est-ce l'idée de travailler plus étroitement avec Oka? Est-ce l'idée de se faire imposer des mécanismes de contrôle?

• 1745

Le grand chef James Gabriel: Je pourrais sans doute résumer cela en trois mots, et je pense avoir dit la même chose au Sénat: crainte du changement.

Après les traumatismes vécus par notre communauté en 1990 et par la suite, il est facile d'être atteint par le syndrome de la forteresse assiégée, qui vous fait craindre de vous éloigner du statu quo. Vous faites des choses peu habituelles; c'est sans précédent. Nous avons souvent entendu dire cela pendant ce processus.

Nous essayons d'avancer, et il nous faut avancer à un rythme qui convienne à notre communauté. Si nous arrivions demain matin avec un traité disant, voici comment vont se faire les choses aussi longtemps que le soleil brillera, aussi longtemps que l'herbe poussera, aussi longtemps que la rivière coulera, les gens n'accepteraient pas. Il nous faut avancer lentement, et les gens doivent voir que ce que nous faisons change les choses et il nous faut sans cesse essayer et réessayer.

M. Rick Borotsik: Merci.

La présidente: Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell: J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus. Il est absolument merveilleux que le grand chef et que le maire travaillent ainsi ensemble dans l'harmonie. Je rêve de moments comme celui-ci où des gouvernements peuvent travailler ensemble. Nous voulons tous les mêmes choses pour nos familles et nos enfants.

L'un des intervenants a tout à l'heure mentionné le Sénat et, bien sûr, le Canada a un système à deux Chambres, et quiconque veut faire adopter une loi doit la faire adopter par les deux Chambres. Pour moi, peu importe laquelle des deux ouvre le bal; il faut que les deux acceptent. L'accord en matière d'harmonisation, comme cela a été expliqué, dispose tout simplement qu'il y aura harmonisation. Si les gens veulent y participer, ils le pourront lorsqu'on en sera arrivé à l'étape de la négociation.

J'avais tout un tas de questions que j'allais poser, mais j'aimerais plutôt tirer au clair les quatre questions qui ont été mises de l'avant. Une fois l'accord en vigueur depuis un an, 50 réunions de consultation seront annoncées au moyen d'un avis écrit. Après tout cela, aujourd'hui, il n'y a que quatre questions de fond relativement à l'accord. Si l'on pouvait les régler, je serais très heureux.

La première question qu'a soulevée Pearl concernait les terres, et je pense qu'il y a des discussions en cours relativement à diverses parcelles de terre. Le projet de loi vise plutôt l'exercice de pouvoirs gouvernementaux sur les terres ayant fait l'objet de négociations entre les gouvernements, alors ces terres vont continuer d'être traitées dans une autre tribune.

Steven a soulevé trois questions. L'une portait sur les créances irrécouvrables, et c'était une bonne question. Je m'y intéresse moi-même. J'ai fait faire des vérifications par le ministère et celui-ci m'a confirmé que non, les gens ne pourront pas perdre leurs terres à cause de créances. Ces terres ne pourront être transférées qu'entre Mohawks.

Cela laisse donc deux choses. La question des terres adjacentes était un sujet de préoccupation dans le contexte de l'harmonisation. De temps immémorial, les terres adjacentes entre gouvernements ont bien sûr été une préoccupation, et je pense qu'on a fait un gros pas en avant. Tout gouvernement qui a en place quelque chose comme cela...c'est un grand pas en avant pour faciliter l'harmonisation entre gouvernements.

Je pense qu'il a été fait mention d'une mine qui n'était pas sur une terre adjacente mais sur une terre voisine. Les deux parties céderaient une part de leur souveraineté à l'égard de ces terres en choisissant de s'entendre. Je suppose qu'il n'est pas impossible qu'à l'avenir le maire et le chef se retrouvent. Ils pourraient également mettre au point une méthode pour traiter des terres qui ne sont pas véritablement adjacentes, mais pour lesquelles la municipalité souhaiterait se prononcer sur des choses qu'y fait la Première nation, et inversement. Lorsqu'on vit côte à côte—57 lots sont entremêlés avec des lots municipaux—il est certain que l'harmonie serait dans l'intérêt de tous.

Le grand chef James Gabriel: Je pourrais peut-être répondre à cela. Vous avez dit que là où vous voyez de la confrontation c'est surtout lorsqu'il y a des juridictions ou des souverainetés en conflit, des voisins.

Il n'y a qu'à regarder les nouvelles. Vous voyez les Palestiniens et les Israéliens se battant chaque jour dans leur guerre de territoire. Ce qu'il nous faut examiner en matière d'harmonisation c'est là où l'harmonisation doit s'arrêter. Lorsque vous parlez des effets de la pollution ou d'autres situations qui ont de très larges effets, il vous faut commencer par décider de la façon de traiter de cela.

Dans le cas d'un projet minier, par exemple, il vous faut traiter de ce genre de questions. Dans le cas du projet minier qui nous intéresse, qu'a mentionné M. Bonspille et auquel il consacre beaucoup d'efforts pour qu'on l'examine dans le cadre du système, nous ne savons pas dans quelle mesure la nappe phréatique, par exemple, sera touchée. Beaucoup de membres de notre communauté vivent dans cette région. Est-ce que c'est presque adjacent? Est-ce que c'est adjacent? Est-ce qu'il y a une incidence? N'y a-t-il pas d'incidence? Voilà certaines des questions que M. Bonspille a semblé évoquer.

• 1750

Quelle que soit l'incidence ressentie par notre communauté, il importe de s'y pencher. Il faut en tenir compte. Il faut qu'il y ait un concept d'harmonisation qui permette de régler ces questions. Quant à la question de savoir si cet accord nous empêche de contrer ces conglomérats miniers internationaux, je ne le penserais pas. Nous avons pour responsabilité de protéger les terres que nous avons toujours, et nous l'exécuterons. Nous ferons ce qu'il faut pour nous renseigner quant aux risques et aux dangers, quant aux mesures à prendre face à ces dangers et quant aux moyens à mettre en oeuvre pour empêcher que cela n'arrive dans notre cour. Il me semble que ce sont là quelques-unes des questions dont nous devons nous occuper.

[Français]

M. Yvan Patry: J'aimerais ajouter à ce que M. Gabriel dit pour vous rassurer tous. Au sujet de la fameuse mine dont on parle depuis tout à l'heure, la municipalité n'a pas donné son accord pour la construction de cette mine étant donné qu'elle ne serait pas conforme à notre réglementation municipale.

Une étude d'impact environnemental a été faite et déposée. Une demande a été faite à la Commission de protection du territoire agricole du Québec. C'est entre les mains de la commission. Les représentations de la communauté mohawk ont aussi été faites à ce niveau. Même si cela représente 180 nouveaux emplois et un investissement de 100 millions de dollars, c'est en plein milieu de nos plus belles terres agricoles, et la municipalité n'est pas prête à tout céder. On est une municipalité rurale. C'est ce qui donne son cachet à Oka. Toute la population urbaine est concentrée dans le village. C'est là qu'est la grosse concentration. Cela aurait un impact très important pour nous, et on n'est pas encore partie à cela.

Je voudrais juste ajouter une petite chose que je voulais dire plus tôt à M. Borotsik. Il faut dire que l'harmonisation existe pour éviter la confrontation. L'harmonisation implique du dialogue. Tant qu'on est capables de se parler, il n'y a pas de confrontation.

Merci

[Traduction]

La présidente: Je ne sais si tout le monde est satisfait de...

M. Larry Bagnell: Le temps qui m'était alloué est-il écoulé?

La présidente: Presque, et ce le sera si je vous autorise à poser encore une question.

Je ne sais pas si vous pensez qu'il y a eu suffisamment de questions des deux côtés, mais, pour être juste, j'aimerais qu'on s'en tienne à une ronde avec ces témoins également, comme nous l'avons fait tout à l'heure.

Je remercie donc tout le monde d'être venu à cette réunion. Nous avons appris beaucoup de choses. Je sais qu'il est très difficile pour tout le monde dans la communauté de traiter de cette question. Je parle d'expérience, ayant vécu la négociation d'une revendication territoriale dont la conclusion a été exécutoire, et je tiens à insister auprès des personnes qui participent à cette discussion, qui vivent dans la communauté, pour leur dire qu'il leur est toujours possible d'en arriver à une entente sur nombre de ces questions.

J'ai eu l'occasion de me rendre au Conseil de l'Europe, où certaines des demandes émanant de certains des pays étaient très élémentaires, par exemple demander que des observateurs viennent pour assurer la tenue d'élections démocratiques. Cela m'a fait voir que nous avons dans ce pays la possibilité de prendre des mesures telles que nous aurons tous et chacun la possibilité de participer, tandis que les habitants d'autres pays n'ont pas cette chance.

Je sais qu'il nous faut travailler ensemble à l'intérieur du cadre juridique que nous avons dans ce pays. Je sais que c'est possible. Des compromis doivent être faits, comme il y en a eu dans le cas du règlement de ma propre revendication territoriale. Je sais que la ratification d'une entente ne satisfait pas toujours tout le monde, mais je pense que nous avons la possibilité de régler beaucoup de ces questions. Cela donne aux gens un point de départ.

Je remercie tous ceux et celles qui ont pris la parole devant nous ici aujourd'hui de nous avoir aidés à mieux comprendre une question pour laquelle la plupart d'entre nous doivent compter sur les renseignements qui nous sont fournis par les témoins, du fait de ne pas vivre dans la région concernée. Je remercie donc les quatre parties qui ont comparu devant le comité de nous avoir aidés à comprendre la situation.

Les membres du comité sont-ils d'accord pour que nous passions maintenant à l'étude article par article du projet de loi, étant donné le facteur temps.

Des voix: D'accord.

La présidente: Très bien. Conformément à l'article 75(1) du Règlement, l'examen de l'article 1 est réservé.

• 1755

M. Rick Borotsik: Excusez-moi, madame la présidente, mais pourrait-on donner congé aux témoins?

La présidente: Merci. Toutes mes excuses. Ce n'est que la deuxième ou la troisième fois que je fais ce travail.

(Les articles 2 à 24 inclusivement sont adoptés)

(L'annexe I est adoptée)

(L'article 1 est adopté)

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Puis-je faire rapport du projet de loi, sans amendement, à la Chambre?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le comité doit-il demander la réimpression du projet de loi pour usage à l'étape du rapport?

Des voix: D'accord.

La présidente: Merci beaucoup. Merci encore à tous les membres du comité d'être restés un peu plus tard afin que nous puissions terminer notre étude du projet de loi. Merci.

La séance est levée.

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