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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 mars 2001

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous cet après-midi.

Comme vous le savez, nous avons à notre ordre du jour le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières.

Avant de passer à la liste des témoins, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du Forum des jeunes Canadiens qui sont en visite à Ottawa. Nous comptons sur vous pour diriger le Canada à l'avenir, et je vous souhaite donc la bienvenue sur la Colline. J'espère que ce séjour vous apprendra des choses passionnantes sur le Parlement.

J'imagine que c'est la première fois que vous assistez aux délibérations d'un comité. Vous avez de la chance, car nous accueillons aujourd'hui d'excellents témoins pour discuter d'un projet de loi important.

Nous accueillons des représentants de l'Institut canadien des comptables agréés, de T-Base Research & Communications Inc., de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Plusieurs d'entre vous ont déjà comparu devant notre comité et vous savez donc comment les choses se passent. En général, on vous donne de cinq à sept minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous passons à la séance de questions et réponses. Naturellement, j'ai la latitude de vous donner jusqu'à 10 minutes, mais j'essaie de faire en sorte que les interventions soient aussi brèves que possible.

Nous allons commencer par l'Institut canadien des comptables agréés: je souhaite la bienvenue à Graeme K. Rutledge, président, Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières et à Tricia O'Malley, présidente, Conseil des normes comptables.

M. Graeme K. Rutledge (président, Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières, Institut canadien des comptables agréés): Merci beaucoup. Nous vous remercions, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité des finances de la Chambre des communes.

Comme le président du comité vient de le dire, je suis président du Groupe d'étude sur la réforme des institutions financières de l'Institut canadien des comptables agréés. Tricia O'Malley, à ma gauche, est présidente du Conseil des normes comptables de notre Institut. Mlle O'Malley vous parlera de nos préoccupations concernant les principes comptables et les normes de vérification des sociétés de portefeuille.

J'aborderai diverses autres préoccupations qui découlent du fait que certaines dispositions du projet de loi C-8 ont été malencontreusement reprises directement de la législation des institutions financières. À notre avis, sous sa forme actuelle, le projet de loi C-8 ne permettra pas aux sociétés de portefeuille de fonctionner dans les secteurs non réglementés sur le même pied que les entreprises incorporées en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales du Canada.

Je vais maintenant laisser la parole à Tricia O'Malley.

Mme Tricia O'Malley (présidente, Conseil des normes comptables, Institut canadien des comptables agréés): Merci, Graeme.

La législation actuelle régissant les institutions financières prévoit le Bureau du surintendant des institutions financières, que je désignerai par son sigle, le BSIF, auquel est conféré le pouvoir d'énoncer les principes comptables et les normes de vérification des institutions financières réglementées au niveau fédéral. Ce pouvoir permet au surintendant non seulement de prescrire la façon dont les principes comptables généralement reconnus, souvent désignés sous le sigle PCGR, et les normes de vérification généralement reconnues, désignées sous le sigle NVGR, devraient être appliqués, mais aussi de déroger aux principes comptables et aux normes de vérification suivis par les entreprises canadiennes.

Le BSIF a rarement eu recours à ce pouvoir de dérogation, il a appliqué ce pouvoir à des institutions particulières, à la demande de ces dernières, et non à l'ensemble du secteur. En conséquence, il n'était pas possible de comparer les états financiers des diverses institutions financières réglementées.

Quand le BSIF a dérogé aux PCGR dans le cas de la provision pour pertes sur prêts de certaines banques, les états financiers publiés par ces banques ont été mal accueillis sur le marché et critiqués par les analystes et les commentateurs financiers. Les grands investisseurs institutionnels, par exemple les membres de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, ont été particulièrement virulents. La Securities and Exchange Commission des États-Unis a clairement dit qu'elle n'accepterait que les traitements comptables conformes aux PCGR.

Au Canada, pour être acceptés, les états qui dérogent aux PCGR doivent aussi faire l'objet d'une dérogation aux lois sur les valeurs de certaines provinces. De toute évidence, les autorités responsables des valeurs mobilières estiment que les intervenants sont lésés lorsque les exposés financiers ne sont pas préparés conformément aux PCGR.

Lorsqu'il a présenté le régime de société de portefeuille, le ministre des Finances a déclaré que l'option de société de portefeuille assurerait aux fournisseurs de services financiers une plus grande souplesse d'organisation et davantage de choix au chapitre de la structure de leurs activités, et que cela leur permettrait aussi de devenir plus concurrentiels à l'échelle mondiale, car ils jouiraient d'une nouvelle marge de manoeuvre pour mobiliser des capitaux et établir des alliances stratégiques.

• 1540

Dans le contexte du régime de société de portefeuille, les déposants et les souscripteurs s'intéressent principalement aux états financiers de la filiale de la banque ou de la société d'assurances qui exploite activement une entreprise. Les autres intéressés, par exemple les actionnaires, les investisseurs institutionnels, les autorités en valeurs mobilières, les analystes financiers, s'intéressent surtout aux états financiers consolidés de la société de portefeuille.

Pour nous permettre de mieux affronter la concurrence mondiale, il est impératif que les états financiers consolidés soient établis conformément aux principes comptables et aux normes de vérification qui sont reconnus sur les marchés financiers du monde entier.

Toutefois, selon le projet de loi C-8, le pouvoir de dérogation du BSIF s'étend aussi au régime des sociétés de portefeuille. Nous pensons que, si le projet de loi C-8 permet cette dérogation, le gouvernement risque de ne pas atteindre son objectif qui est de permettre aux institutions canadiennes d'affronter la concurrence à l'étranger.

Si le BSIF applique la dérogation aux grandes sociétés de portefeuille canadiennes qui ont des cotations aux États-Unis, celles-ci perdront leur accès aux marchés de capitaux américains. Par conséquent, l'application de la dérogation à ces institutions doit être considérée comme quelque chose d'essentiellement théorique, et ne pourra se faire que dans le cas d'institutions purement intérieures ou privées. Cela ne ferait que perpétuer le problème que j'ai esquissé précédemment, à savoir que le recours à cette dérogation entrave la possibilité de comparer même des institutions financières du secteur réglementé. En outre, les autorités de réglementation des valeurs au Canada risqueraient à l'avenir de ne pas accepter les états financiers qui ne respecteraient pas les PCGR et les NVGR.

Plutôt que de donner au BSIF la possibilité de déroger aux PCGR et aux NVGR, nous pensons qu'on devrait au contraire lui permettre de continuer à recevoir des informations lui permettant de se prononcer sur le caractère adéquat ou non du capital sous forme de rapports distincts.

Si les sociétés de portefeuille réglementées étaient tenues de suivre les PCGR et les NVGR, cela présenterait les avantages suivants:

Tout d'abord, tant les sociétés de portefeuille réglementées que les sociétés de portefeuille non réglementées pourraient présenter à leurs actionnaires des rapports du vérificateur similaires en ce qui concerne leurs états financiers consolidés.

Deuxièmement, les autorités en valeurs mobilières ainsi que les investisseurs individuels et institutionnels pourraient comparer plus facilement les états financiers des diverses sociétés.

Enfin, les groupes d'institutions financières canadiennes pourraient accéder plus facilement aux capitaux étrangers puisque les états financiers consolidés des sociétés de portefeuille seraient préparés conformément aux normes comptables reconnues et accompagnés d'un rapport standard du vérificateur.

Dans un monde où tous ceux qui énoncent les normes de comptabilité et de vérification s'efforcent de faire disparaître les différences entre les diverses normes intérieures pour faciliter le fonctionnement des marchés mondiaux des capitaux, ce serait une grave anomalie de donner à un organisme de réglementation intérieure le pouvoir de déroger à ces normes.

En conséquence, nous recommandons de modifier le projet de loi C-8 de manière à supprimer le pouvoir de dérogation du BSIF à l'égard des PCGR et des NVGR pour les sociétés de portefeuille bancaires et d'assurances.

Je vais maintenant repasser la parole à M. Rutledge.

M. Graeme Rutledge: Merci, Tricia.

Monsieur le président, j'aimerais souligner certaines dispositions qui ont été à notre avis reprises à tort de la législation actuelle sur les institutions financières. Je précise que dans notre mémoire écrit, nous renvoyons aux paragraphes particuliers que nous recommandons de modifier ou de supprimer.

Tout d'abord, pour ce qui concerne les responsabilités du Comité de vérification des sociétés de portefeuille bancaires, le projet de loi C-8 énonce des fonctions identiques à celles du comité de vérification d'une banque ou d'une société d'assurances.

Nous ne voyons pas pourquoi les fonctions du Comité de vérification des sociétés de portefeuille n'exploitant pas activement d'entreprise devraient être identiques à celles du Comité de vérification des sociétés d'assurances ou des banques exploitant activement une entreprise. Les sociétés de portefeuille devraient être assujetties au même régime de gouvernement d'entreprise, qu'elles relèvent de la LCSA ou de la législation sur les institutions financières.

En vertu de la LCSA, ces sociétés suivent les directives sur les meilleures pratiques en matière de gouvernement d'entreprise qui s'adressent aux comités de vérification. Si elles sont inscrites en bourse, elles doivent également respecter les exigences des autorités en valeurs mobilières et les conditions d'inscription à la cote des bourses concernées. Il faudrait à notre avis remplacer les dispositions actuellement prévues dans le projet de loi C-8 par les exigences analogues qui figurent à l'article 171 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

• 1545

Toutefois, il y a dans le projet de loi C-8 une disposition que nous souhaiterions voir maintenue dans le projet de loi: c'est celle qui exige que le comité de vérification soit composé d'au moins trois membres qui ne sont pas des dirigeants ou des employés de la société de portefeuille ou d'une de ses filiales. Ces dispositions soulignant l'indépendance sont en fait plus rigoureuses que les exigences prévues par la LCSA.

Deuxièmement, en ce qui concerne la nomination des vérificateurs de sociétés de portefeuille bancaires, nous estimons que le projet de loi C-8 comporte une grave anomalie. La Loi actuelle sur les banques autorise une banque à nommer deux vérificateurs. Or, avec le projet de loi C-8, une société de portefeuille ne pourra nommer qu'un seul vérificateur, et il est en outre précisé dans le projet de loi que c'est ce même vérificateur qui sera chargé de la vérification de chacune de ses filiales. Autrement dit, une banque qui aurait deux vérificateurs serait obligée de n'en avoir plus qu'un seul si elle devenait la filiale d'une société de portefeuille. Bien que nous appuyions l'idée d'un vérificateur unique pour les sociétés de portefeuille, nous croyons que le projet de loi C-8 ne vise pas à interdire aux banques d'avoir deux vérificateurs.

Le projet de loi C-8 stipule aussi les critères que doit respecter le vérificateur d'une société de portefeuille bancaire, critères qui diffèrent de ceux qui s'appliquent aux vérificateurs d'une société de portefeuille visée par la LCSA. Nous pensons qu'il faudrait aussi supprimer cela.

J'aimerais attirer votre attention sur trois autres points qu'il faudrait rectifier dans le projet de loi C-8: premièrement, le rapport au Comité de vérification d'institutions financières sur les opérations dommageables pour la bonne santé financière d'une institution. La législation actuelle sur les institutions financières stipule que le vérificateur doit établir à l'intention des dirigeants d'une banque un rapport sur les opérations dommageables pour la bonne santé de cette banque, et que le comité de vérification doit vérifier ces opérations qui lui sont signalées par le vérificateur ou les dirigeants de la banque. Toutefois, le vérificateur n'est pas tenu de faire rapport sur de telles opérations au comité de vérification. Bien que ce soit toujours le cas dans la pratique, nous pensons qu'une telle exigence serait conforme à de saines pratiques en matière de gouvernement d'entreprise et devrait figurer dans le projet de loi C-8.

En ce qui concerne les états financiers, le projet de loi C-8 comporte des dispositions prescrivant le contenu des états financiers annuels d'une société de portefeuille bancaire. Les dispositions existantes prescrivent de manière analogue le contenu des états financiers des institutions financières. Dans chaque cas, la loi inclut dans le contenu des états financiers annuels un état de l'évolution de la situation financière. Conformément à des modifications récentes apportées aux PCGR, cet état a été renommé «état des flux de trésorerie». À notre avis, c'est ce nouveau terme qu'il faudrait utiliser dans le projet de loi C-8.

En ce qui concerne l'indépendance des vérificateurs, le projet de loi S-11, qui vise à moderniser la Loi canadienne sur les sociétés par actions, a récemment été présenté au Sénat. Ce projet de loi propose de modifier la définition de la notion d'indépendance des vérificateurs. Nous croyons comprendre que le but de cette modification était de répondre aux besoins des entreprises de services professionnels constituées en sociétés. Or, ces modifications ne figurent pas dans le projet de loi C-8, et nous sommes d'avis que les dispositions en matière d'indépendance devraient être identiques dans les deux projets de loi.

Les dispositions en matière de responsabilité proportionnelle modifiée, et c'est le dernier point sur lequel je voudrais intervenir, renvoient aussi au projet de loi S-11 en ce qui concerne la notion de responsabilité solidaire. Pour situer le contexte, disons que le régime actuel pénalise les défendeurs, par exemple les conseillers professionnels, qui sont considérés comme étant assurés et solvables, quel que soit le degré de la faute qu'ils ont commise. Au terme d'audiences approfondies, le Comité sénatorial des banques a conclu que le système actuel pourrait avoir une incidence négative sur la disponibilité des services de vérification et l'efficacité des marchés financiers, et il a recommandé qu'on modifie en conséquence la LCSA et la législation des institutions financières.

Le projet de loi S-11 répond à la menace que fait planer la responsabilité solidaire en établissant un régime de responsabilité proportionnelle modifiée. La responsabilité deviendra donc globalement proportionnelle au degré de la faute. À notre avis, il faudrait modifier la législation des institutions financières le plus rapidement possible pour qu'elle reflète ces nouvelles dispositions.

Monsieur le président, j'ai terminé mon exposé initial, et nous allons nous faire un plaisir de répondre à toutes vos questions en temps opportun.

Le président: Merci, monsieur Rutledge et madame O'Malley.

Nous allons maintenant donner la parole aux représentants de T-Base Research & Communications Inc., Sharlyn Ayotte et Leonard J. Fowler. Soyez les bienvenus.

• 1550

Mme Sharlyn Ayotte (présidente-directrice générale, T-Base Research & Communications Inc.): Merci beaucoup de nous avoir invités à participer à vos travaux en vous exposant un autre point de vue sur le projet de loi C-8.

Quand je viens ici, je fais toujours un peu de spectacle. J'écoute mon discours parce que je ne vois pas, mais quelquefois mon ordinateur tombe en panne. Cette fois-ci, j'ai décidé d'éviter tous ces problèmes en disant spontanément ce que j'ai dans la tête et dans le coeur au sujet de toutes les questions d'accès au secteur des services financiers du Canada.

Je suis aussi accompagnée de mon collègue qui va vous lire notre exposé d'ouverture.

En ce qui concerne le secteur des services financiers au Canada, en tant que femme d'affaires aveugle, je me heurte à une foule de difficultés dans mes activités car les services proposés par les institutions de services financiers ne sont pas conçus pour être accessibles à des personnes qui n'utilisent pas les moyens conventionnels pour communiquer.

Bien qu'il existe des lois pour inciter en douceur les organisations à fournir des services accessibles, les choses n'évoluent que lentement. C'est pourquoi on constate qu'environ 40 p. 100 des Canadiens adultes sont dans l'incapacité de se servir du système des services financiers soit parce que les systèmes de prestation de services électroniques ne sont pas accessibles, soit parce que les organisations bancaires fournissent leurs services sur l'Internet, auxquels ne peuvent pas toujours accéder des personnes qui ont de la difficulté à lire ou un handicap.

Len Fowler va vous donner notre point de vue sur la question, et nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

M. Leonard J. Fowler, Jr (président et directeur en chef des Opérations, T-Base Research & Communications Inc.): La question est de savoir quelles mesures le gouvernement du Canada peut prendre pour permettre à tous les Canadiens d'accéder aux services financiers et aux informations qui leur sont fournies par le secteur des services financiers.

Soit dit en passant, je ne vais pas vous lire tout le mémoire.

Cadre législatif et politique: le gouvernement du Canada approuve publiquement le droit pour tous les citoyens canadiens d'avoir un accès égal aux services essentiels en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La projet de loi omnibus C-78 et la modification S-5 de 1998 à la Loi canadienne sur les droits de la personne portent sur la notion de prestation équitable de services à l'intention du public, en insistant plus particulièrement sur les personnes handicapées.

Internet, le commerce électronique et la technologie: le public a adopté l'Internet plus vite que tout autre moyen de communication au cours de l'histoire. La radio avait mis 39 ans pour atteindre 50 millions de personnes, la télévision 12 ans pour atteindre le même public, et l'Internet les a dépassées en quatre ans seulement.

La technologie de l'Internet a entraîné une révolution et une restructuration mondiales massives de la façon dont les affaires se traitent. Les réseaux d'information en ligne permettent de réaliser des activités de commerce électronique dans toutes sortes de domaines: services gouvernementaux, services bancaires, transactions financières, commercialisation de produits au détail et prestation de services, recherche et obtention d'information, etc.

Quels sont les problèmes? Le déploiement de cette technologie dans tous les secteurs de fourniture de services est en train de créer un fossé de plus en plus large entre les personnes qui ont accès à cette technologie et aux réseaux électroniques et ceux qui en sont privés. C'est ce qu'on appelle le fossé du numérique.

Le gouvernement du Canada s'est engagé à ouvrir largement au grand public canadien l'Internet et la technologie du commerce électronique grâce à des initiatives telles que le programme Un Canada branché et Accès CA, mais ces technologies ne seront jamais véritablement accessibles pour tous les citoyens tant que nous n'aurons pas pris l'engagement d'éliminer les barrières systémiques qui excluent certains citoyens. Si nous voulons que la technologie de l'Internet devienne un moyen de fournir au grand public des services essentiels et d'offrir aux Canadiens d'importantes prestations sociales, économiques et culturelles, il faut nous attaquer aux problèmes d'accessibilité et les régler.

Bien que des organisations militantes de consommateurs canadiens représentant des personnes âgées et des personnes handicapées au sujet de questions telles que les droits de la personne, l'alphabétisation, la lutte contre la pauvreté, etc., mettent constamment sur la sellette les institutions financières pour les amener à rendre leurs services accessibles, les progrès sont d'une lenteur affligeante.

• 1555

Pour que les droits de la personne puissent progresser au Canada, on s'appuie sur le mécanisme de règlement des plaintes individuelles en associant à la fois la persuasion morale et la notion d'avantage concurrentiel pour inciter le secteur des services financiers à supprimer les inégalités dans la prestation de ces services. Bien que la première machine bancaire vocale ait été mise au point et produite au Canada par des Canadiens, il n'y en a même pas encore 20 en service au Canada à l'heure actuelle. Si les ingénieurs techniques du Canada sont capables d'être des leaders mondiaux en matière de création de technologie bancaire accessible et de dispositifs de prestation de services électroniques accessibles, comment se fait-il que le secteur financier du Canada soit si lent à déployer ces technologies et ces services accessibles?

Si les machines bancaires vocales ont été mises en service aux États-Unis avec succès, c'est essentiellement parce qu'on a obligé les Américains à respecter les dispositions de la Disabilities Act de 1990 qui a été adoptée pour garantir des services équitables pour tous les citoyens. Au Canada, comme aux États-Unis, nous avons une loi à laquelle on peut faire appel pour garantir une prestation de services équitables, la Loi canadienne sur les droits de la personne. La grande différence, c'est qu'aux États-Unis la loi qui exige la prestation de services accessibles est activement appliquée, alors que ce n'est pas le cas au Canada. De plus, les institutions financières canadiennes attendent qu'on leur fournisse des normes. Apparemment, il y a eu toutes sortes d'obstacles à l'élaboration de normes canadiennes.

Comme il n'existe pas de normes canadiennes d'accessibilité aux produits du secteur financier et que l'accessibilité n'est pas considérée comme une priorité dans l'économie de marché, les clients handicapés sont pénalisés et vont probablement le rester tant qu'on n'aura pas modifier les exigences de la réglementation. Tout ceci démontre donc clairement que ni le recours à la persuasion morale, ni l'argument de la concurrence ne sont des moyens efficaces d'inciter le secteur des services financiers au Canada à fournir des services équitables.

Recommandations: Il faut concevoir les dispositifs électroniques utilisés pour fournir des informations et des services au Canada de manière à répondre aux besoins de tous les Canadiens en matière d'accessibilité dans le domaine de l'information et de la communication. Il faut que le gouvernement oblige les institutions financières qui offrent des services aux Canadiens à le faire de manière équitable.

(1) Nous demandons que le gouverneur en conseil profite pleinement des pouvoirs considérables que lui donne la Loi sur les droits de la personne pour charger le gouvernement d'élaborer des stratégies d'élimination des barrières systémiques et d'éliminer les obstacles à une offre équitable de produits et de services financiers au Canada.

(2) Appliquer les dispositions de la législation canadienne des droits de la personne concernant la fourniture de biens et services en exigeant que tous les fournisseurs de services financiers par le biais du commerce électronique au Canada respectent intégralement ces dispositions.

(3) Modifier la Loi sur les banques et toutes les autres lois pertinentes concernant la réglementation du secteur des services financiers afin d'obtenir la garantie et la certitude que les organisations financières réglementées au niveau fédéral au Canada fourniront leurs services et les renseignements connexes de manière équitable. Le gouvernement du Canada devrait aussi inciter les législateurs à lui emboîter le pas en énonçant des critères et des règlements d'application des dispositions concernant les services équitables à l'intention des organisations du secteur des services financiers relevant de la compétence provinciale et territoriale et encourager les associations autoréglementées du secteur financier à intégrer des critères de service équitable à leur réglementation et à leur code d'éthique.

(4) Faire rédiger par l'Association canadienne de normalisation des critères complets en matière d'admissibilité aux applications de la technologie de l'Internet et aux dispositifs de prestation de services électroniques au Canada, et rendre obligatoire le respect de ces normes dans le secteur des services financiers.

(5) Élaborer un modèle des meilleures pratiques en matière de prestation de services électroniques accessibles dont se servira le secteur des services financiers pour offrir des services équitables au public canadien.

(6) Faire connaître et communiquer à tous les fournisseurs de services financiers au Canada la publication de DRHC intitulée Guidelines and Specifications for Providing Information in Multiple Formats (Lignes directrices et recommandations pour la présentation de renseignements sur supports multiples).

(7) Fournir aux consommateurs canadiens de services financiers des recours adéquats dans le contexte de l'Agence de la consommation en matière financière que le gouvernement fédéral envisage de mettre sur pied.

(8) Montrer que le gouvernement est véritablement déterminé à assurer une prestation de services équitables pour tous les Canadiens en rendant accessible à tous les Canadiens handicapés la totalité des informations concernant le processus de consultation publique avec le secteur des services financiers.

Merci.

Le président: Merci, madame Ayotte et monsieur Fowler.

Nous allons maintenant entendre le président de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie, Robert Elliott, ainsi que la directrice pour les Affiliations et les Affaires législatives, Linda Nolet. Bienvenue.

M. Robert Elliott (président, Association canadienne des détaillants en quincaillerie): Merci, monsieur le président. Nous vous remercions d'avoir invité l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie à comparaître aujourd'hui devant votre comité permanent.

• 1600

Je précise pour le compte rendu que je m'appelle Bob Elliott. Je suis ici aujourd'hui à titre de président de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie. Je suis heureux de vous présenter ma collègue, Linda Nolet, qui est directrice des Affiliations et des Affaires législatives.

Notre association représente 1 800 quincailleries, centres d'équipement ménager et détaillants de matériaux de construction dans le Canada. L'an dernier, les ventes de ces entreprises ont représenté quelque 14 milliards de dollars et nos entreprises employaient plus de 45 000 Canadiens et Canadiennes. Toutefois, ce que ne disent pas ces statistiques, c'est que la très grande majorité de nos membres sont de petites ou moyennes entreprises. Pour vous en donner une idée un peu plus précise, je vous préciserai que la moyenne des ventes de nos 1 800 membres l'an dernier a été d'environ 7,5 millions de dollars et que chaque entreprise membre avait en moyenne 25 employés.

Les succursales des banques à charte du Canada et les entreprises membres de notre association ont une importante caractéristique commune: elles fournissent d'importants services aux quartiers qu'elles desservent dans les grandes villes et à l'ensemble de la collectivité des petites villes et des villages, en particulier en zone rurale. En fait, on n'exagère probablement pas en disant que c'est à la présence locale d'une succursale bancaire et d'une quincaillerie qu'on mesure la vitalité d'une communauté rurale.

C'est ce constat qui a incité l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie à préparer cet exposé et à vous demander de comparaître pour en discuter avec le comité permanent. Quand vous avez lu notre mémoire, vous vous êtes certainement rendu compte qu'il n'était pas rédigé dans l'optique d'une institution financière, mais plutôt dans celle des clients qui considèrent ces établissements comme d'importants prolongements de leurs propres entreprises. Vous avez aussi probablement remarqué que notre exposé traitait essentiellement des articles du projet de loi C-8 qui visent à créer l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et à modifier la Loi sur les banques. En effet, pour l'instant et pour l'avenir à court terme, nos membres un peu partout au Canada vont continuer à compter presque exclusivement sur les succursales locales des banques à charte du Canada pour répondre à leurs besoins financiers. Certes, au Québec et dans certaines régions de l'Ouest canadien, il existe un réseau de coopératives de crédit qui assurent des services financiers locaux, mais cela ne diminue en rien l'importance critique que présentent pour nos membres les services fournis par les succursales des banques.

Enfin, vous aurez certainement remarqué en lisant notre mémoire que nous ne nous attaquons pas catégoriquement au principe fondamental du projet de loi C-8. Nous nous sommes simplement concentrés sur un certain nombre de suggestions qui à notre avis devraient rendre encore meilleur un projet de loi auquel nous sommes déjà largement favorables. On peut résumer l'essentiel de notre mémoire en quelques mots: l'ACDQ appuie les mesures qui permettront d'améliorer la concurrence dans le secteur des services financiers et d'assurer une protection supplémentaire aux particuliers et aux petites entreprises qui traitent avec des établissements financiers beaucoup plus importants et plus puissants. Le reste de mes remarques sera concentré sur ces deux questions.

L'un des aspects importants du projet de loi C-8 concerne la notion d'accroissement de la concurrence dans le secteur des services financiers. L'Association canadienne des détaillants en quincaillerie estime notamment que la création de trois catégories de banques en fonction de la valeur de leurs capitaux propres, la disposition prévoyant une identité de service national unique pour les coopératives de crédit et un meilleur accès au système de paiements sont autant de mesures positives qui permettront de développer la concurrence.

Toutefois, ce qui inquiète nos membres, c'est que cet accroissement de la concurrence dont nous avons grand besoin ne va pas se matérialiser du jour au lendemain. Dans les médias, et notamment dans un article paru hier dans le Globe and Mail, ont dit déjà que certains directeurs de banque annoncent que les banques à charte existantes vont probablement prendre de nouvelles initiatives de fusion dès que le projet de loi C-8 sera devenu loi. Autrement dit, à court terme, le projet de loi C-8 pourrait entraîner une diminution et non un accroissement de la concurrence. C'est pourquoi nous recommandons dans notre mémoire que le projet de loi C-8 soit modifié afin de faire en sorte qu'aucune fusion ne puisse être approuvée par le ministre des Finances avant un délai de trois ans suivant la date de promulgation du projet de loi.

Le document de référence qui accompagne le projet de loi C-8 décrit les directives d'examen des fusions qui seront censées s'appliquer dans le cas où il y aurait des propositions de fusionnement de banques ou de sociétés de portefeuilles détenant plus de 5 milliards de dollars de capitaux propres une fois que le projet de loi C-8 aura été adopté. L'Association canadienne des détaillants en quincaillerie approuve sans réserve ces lignes directrices. Toutefois, ce qui nous inquiète, c'est qu'elles ne semblent pas avoir force de loi; c'est pourquoi nous recommandons dans notre mémoire de modifier le projet de loi afin qu'il stipule clairement que les banques qui souhaitent fusionner soient tenues de produire une évaluation de l'incidence sur l'intérêt public qui constituerait l'un des piliers de l'examen public de la proposition de fusion qui serait effectué par votre comité permanent.

J'en viens maintenant au volet de notre mémoire qui concerne la protection. L'Association canadienne des détaillants en quincaillerie considère que la création de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada est un aspect important du projet de loi C-8. En ce qui concerne les responsabilités de cette agence, nous partons du principe que les dispositions concernant les consommateurs dont il est question dans le projet de loi s'appliquent à la fois aux particuliers et aux entreprises, et notamment aux petites entreprises consommatrices de services bancaires. Les dispositions concernant les fermetures de succursales envisagées nous inquiètent car elles nous paraissent excessivement faibles. Avec les dispositions actuelles du projet de loi, il suffit de signifier l'intention de fermer une succursale. En fait, dans certaines circonstances, il ne serait même pas nécessaire d'annoncer cette intention.

• 1605

Si cette annonce provoque des remous suffisamment importants dans la collectivité, le projet de loi prévoit la tenue d'une réunion. Mais il stipule simplement que le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière pourra énoncer les règles de convocation et de déroulement de cette réunion. Dans notre mémoire, nous recommandons de rendre obligatoire le préavis dans tous les cas, et nous recommandons que le gouvernement n'autorise pas les fermetures de succursales s'il n'existe pas de services de rechange acceptables.

Nous avons aussi des inquiétudes quant aux comptes que peuvent rendre les banques à charte du Canada. Le projet de loi stipule que les banques ayant des capitaux propres d'un milliard de dollars doivent publier annuellement une déclaration décrivant leur contribution et celle des entités de leur groupe à l'économie et à la société canadiennes. Dans notre mémoire, nous recommandons de modifier le projet de loi C-8 de manière à exiger que dans cette déclaration annuelle, les banques décrivent de façon précise la façon dont elles répondent aux besoins du secteur des petites entreprises.

Enfin, nous avons recommandé que le projet de loi C-8 n'entre pas en vigueur tant que le bureau de l'ombudsman des services financiers canadiens n'aura pas été créé. C'était un aspect important des recommandations du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada, et c'est une idée à laquelle votre comité permanent s'est aussi montré favorable.

Dans le document de référence du projet de loi C-8, on dit que le gouvernement fédéral va continuer à collaborer avec les provinces et les institutions financières non bancaires pour atteindre cet objectif. L'Association canadienne des détaillants en quincaillerie interprète cette affirmation comme signifiant que le bureau de l'ombudsman des services financiers canadiens ne sera probablement pas créé et opérationnel avant l'adoption du projet de loi C-8. Or, l'ombudsman constitue un pan important du dispositif de protection que réclame l'ACDQ, et c'est pourquoi nous avons recommandé que le projet de loi C-8 ne soit pas proclamé avant l'établissement et l'entrée en service du bureau de l'ombudsman. À notre avis, ce n'est pas en travaillant sur cette question avec les provinces qu'on pourra mettre rapidement sur pied ce bureau.

Je vous remercie de votre attention et de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Je me ferai un plaisir de discuter de notre mémoire avec vous et de répondre à vos questions. Merci.

Le président: Merci, monsieur Elliott.

Nous passons maintenant à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, représentée par son premier vice-président, Brien Gray et sa présidente, Catherine Swift. Bienvenue.

Mme Catherine Swift (présidente, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir, comme toujours, de comparaître devant vous au sujet de cet important projet de loi.

Dans la documentation que nous avons distribuée, nous avons inclus, outre une déclaration à l'intention du comité, une étude très complète qui se fonde sur une enquête que nous avons effectuée l'année dernière auprès des petites et moyennes entreprises membres de notre Fédération, intitulée «Investir dans l'entrepreneuriat». Elle contient une base de données très riche sur les relations entre les fournisseurs de services financiers au Canada et les petites et moyennes entreprises canadiennes. Nous allons aborder certains de ses éléments aujourd'hui mais j'espère que vous aurez l'occasion de l'examiner plus attentivement parce qu'elle contient vraiment beaucoup de renseignements très intéressants sur cette question.

Aujourd'hui, nous serons assez brefs mais nous voulons surtout insister sur l'importance de la concurrence entre les fournisseurs de services financiers pour les petites et moyennes entreprises. Ce projet de loi n'est qu'un début. Comme on discute de toute cette question de la réforme du secteur financier depuis au moins 20 ans, et très activement au cours des dernières années, on est sans doute tenté de penser qu'une fois cette loi adoptée, ce sera terminé. À notre avis, ce n'est qu'un commencement. Même si nous appuyons tout à fait l'esprit du projet de loi et une grande partie de ses dispositions, nous considérons, tout comme nos collègues du secteur de la quincaillerie, dont beaucoup sont membres de notre Fédération, qu'il est indispensable de mettre en place des méthodes de mesure et de suivi. Nous avons ici une promesse, mais il faut aussi un suivi pour tout ce qui touche les services financiers aux consommateurs aussi bien qu'aux petites entreprises.

Bien sûr, nous croyons qu'une réforme comme celle-ci vise notamment à donner de nouvelles possibilités aux entreprises et à renforcer la concurrence pour les petites entreprises au Canada, étant donné l'importance cruciale de ce secteur—les PME représentant presque la moitié du PIB national et plus de 80 p. 100 du nombre net de nouveaux emplois créés au Canada. C'est donc vraiment un secteur clé.

Le maintien et le renforcement de l'esprit d'entreprise au Canada est essentiel à la croissance et à l'emploi dans une économie en pleine évolution comme la nôtre. Naturellement, à propos du projet de loi C-8, notre Fédération cherche surtout à déterminer comment les réformes proposées renforceront la concurrence en matière de services financiers et permettront au secteur des petites entreprises de maintenir et d'améliorer ses résultats sur la scène économique.

• 1610

Je voudrais très rapidement mentionner qu'au fil des années, la FCEI a fait beaucoup de recherche sur les relations entre les fournisseurs des services financiers et les petites entreprises. Nous avons observé de nombreuses tendances qui n'ont pas varié beaucoup.

Il y a tout d'abord la domination des grandes banques à charte au Canada. Le niveau de mécontentement chez nos membres vis-à-vis des services offerts reste obstinément élevé, quoique les niveaux de satisfaction s'améliorent légèrement lorsque les conditions économiques sont meilleures. Cela n'est pas surprenant et nos travaux de recherche l'ont clairement démontré. Nous avons aussi trouvé que les niveaux absolus de prêts mettaient très longtemps à revenir aux niveaux d'avant la récession, c'est-à-dire ceux d'il y a 12 ans environ.

Voilà des dizaines d'années que la question du roulement des directeurs de comptes pose des problèmes aux petites entreprises mais les banques ne prennent pas du tout la chose au sérieux.

En fait, c'est vraiment un handicap d'être une jeune PME prospère et dynamique quand il s'agit d'obtenir du crédit. Les frais de service demeurent un grave problème, etc.

Nous avons également observé un certain nombre de tendances positives. Nous voudrions féliciter ce comité, vos collègues du Comité de l'industrie, les membres du Groupe de travail MacKay, et d'autres encore qui ont formulé quelques suggestions très constructives au cours des dernières années dans l'espoir d'améliorer le climat financier.

Nous avons maintenant des données bien meilleures qu'auparavant et nous pensons que cet effort devrait se poursuivre et se renforcer. Pour comprendre ce qui se passe, il faut que nous nous entendions tous sur les données sur lesquelles se fondent nos analyses.

En outre, nous avons remarqué que les institutions financières se rendent compte de plus en plus que les prêts aux PME exigent des connaissances particulières et aussi représentent une activité commerciale très intéressante et de plus très lucrative.

Je voudrais rapidement vous donner les points saillants des résultats de notre sondage sur les banques. Comme je viens de le dire, il y a là beaucoup de données sur lesquelles je ne m'attarderai pas aujourd'hui, mais certains des résultats les plus intéressants concernent ce comité. Par exemple, nous avons été très inquiets de voir que de nouvelles petites entreprises, ayant une croissance relativement forte—les entreprises qui vont, nous l'espérons, assurer la croissance économique future—nous disent qu'il leur est très difficile d'obtenir un financement. Il apparaît, par exemple, que les entreprises récentes, représentant un fort taux de croissance, sont sous-financées dans 31 p. 100 des cas d'après le sondage, contre 21 p. 100 pour l'ensemble des entreprises interrogées dans cet échantillon l'année dernière.

Le roulement des directeurs de comptes, comme je le disais tout à l'heure, continue de poser un grave problème pour les PME. C'est un phénomène que les banques peuvent parfaitement contrôler tandis que les petites entreprises n'ont absolument aucune influence en la matière. Avec certaines de ces données, nous avons remarqué que lorsqu'il n'y avait eu qu'un seul directeur au cours des trois ans précédents, environ 7 p. 100 des demandes de prêt avaient été rejetées. Pour une entreprise comparable traitant avec plus de quatre directeurs de comptes au cours de la même période de trois ans, le taux de rejet avait plus que triplé pour atteindre 23 p. 100. Il y a manifestement un rapport très négatif entre le rejet des demandes de prêt et la fréquence de roulement des directeurs de comptes et les banques pourraient très certainement faire quelque chose pour corriger le problème.

Nous avons constaté qu'un peu plus de 10 p. 100 des entreprises avaient vu leur demande de crédit refusée. Certes, il est vrai que l'on ne peut pas accorder un prêt ou une ligne de crédit à tous ceux qui en font la demande. Mais sur ces 10 p. 100, 12 p. 100 des entreprises n'ont jamais su pourquoi leur demande avait été refusée. Il est évident que les institutions financières ne respectent pas leurs obligations en vertu du code de conduite instauré par le Parlement il y a quelques années, en 1993 si je ne me trompe pas.

Nos membres nous disent également autre chose—et voilà déjà un certain temps que nous l'entendons dire—c'est qu'en général, le niveau de demandes de prêt a diminué. C'est plutôt étonnant. Dans le contexte d'une économie en croissance, on s'attendrait à l'inverse. D'après les commentaires de nos membres, nous pensons que de nombreuses PME préfèrent renoncer à des occasions d'affaires ou d'expansion plutôt que de s'endetter ou d'augmenter leur niveau d'endettement.

Très rapidement, l'ensemble du paysage bancaire au Canada a changé considérablement au cours des 10 dernières années environ. Par exemple, nous avons vu fermer un très grand nombre de succursales de différentes institutions, notamment des grandes banques à charte.

• 1615

Par ailleurs, certaines institutions—et il semble que ce soit un geste délibéré et stratégique—se sont retirées du marché des prêts aux PME pour le laisser à d'autres. Nous trouvons cette tendance très troublante étant donné les privilèges qui avaient été accordés à nos grandes institutions financières au fil des années et nous pensons que ceci mériterait peut-être d'être étudié de plus près dans le cadre de l'après-projet de loi C-8; il faudrait effectuer une analyse beaucoup plus approfondie de tout ce qui entoure la question des fermetures de banques. Actuellement, aucune base de données ne semble être uniforme ou complète en ce qui concerne l'évolution en ce sens au cours des dernières années et nous ne pensons pas que cela puisse changer à l'avenir à moins que ce comité et d'autres ne prennent des mesures pour s'en assurer.

De plus, naturellement, au cours des années 90, la conjoncture économique a été bonne. De sorte que si l'on voit le secteur bancaire se retirer des prêts aux PME en période de prospérité, à quoi faut-il s'attendre dans des temps économiques plus difficiles? Il y aurait très peu de chance que la situation s'améliore.

Naturellement, nous nous inquiétons beaucoup actuellement d'observer le ralentissement de l'économie. Jusqu'ici, le crédit ne semble pas s'être resserré de façon marquée et nous espérons que ceci continuera. Néanmoins, vu la réaction excessive de nombreuses institutions financières au début des années 90 lorsqu'elles ont cessé de financer de nombreuses PME qui auraient dû pouvoir continuer à l'être, nous restons très vigilants. Je pense que c'est à nous tous de suivre très attentivement cette situation à l'avenir.

De plus, particulièrement au cours de l'année dernière, les frais de service ont considérablement augmenté, là encore aussi bien pour les petites entreprises que pour les consommateurs en général. Voilà donc encore un problème qui s'est aggravé ces derniers temps.

Dans l'ensemble, d'après les résultats de notre enquête, aucune des grandes institutions—aucune des cinq grandes banques à charte en particulier—ne semble atteindre, ni même avoisiner, l'excellence dans toutes un gamme de services. Par exemple, d'après notre sondage, ce sont les coopératives de crédit, qui obtiennent les meilleurs résultats.

Je vais maintenant demander à Brien Gray de vous parler plus précisément de certains des éléments du projet de loi C-8.

M. Brien G. Gray (premier vice-président, Politique et affaires provinciales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci, Catherine.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du comité, en ce qui concerne la loi proprement dite, vous vous souvenez sans doute que pendant l'année des fusions—qui était au début l'année du Groupe de travail MacKay puis qui est devenue l'année des fusions—nos membres nous demandaient régulièrement de prendre position pour dire que le marché avait besoin d'une concurrence accrue et que tout ce qui pouvait être mis en place pour atteindre cet objectif serait une bonne chose.

Au-delà, nous pensions qu'il était important de retarder les fusions ou les partenariats stratégiques susceptibles de réduire la concurrence jusqu'à ce que les nouveaux venus comme on les appelle affirment leur présence sur le marché en montrant qu'ils étaient bien là, que leur entreprise était viable, durable, et que dans la plupart des régions du pays, ils étaient au service des hommes et des femmes qui dirigent les petites et moyennes entreprises.

Maintenant, dans le cadre de l'examen du projet de loi C-8, je voudrais parler rapidement de quatre éléments. Tout d'abord, la concurrence et les données financières. Je voudrais dire un mot de la protection des consommateurs et aussi du processus de fusion lui-même.

Entre autres choses, le projet de loi C-8 assouplit les règles régissant l'établissement des nouvelles banques, la copropriété des petites banques et l'exploitation de banques étrangères au Canada. Il prévoit aussi de donner aux coopératives de crédit la souplesse nécessaire pour rivaliser davantage sur le marché des PME.

Reste à savoir si ces nouvelles règles amélioreront concrètement l'accès des petites et moyennes entreprises à des services financiers complets et augmenteront la concurrence parmi les institutions financières. Durant la dernière année, le gouvernement fédéral n'a pas en fait réduit cette concurrence en approuvant la fusion par absorption de la Banque Toronto-Dominion et de la société Canada Trust. En ce qui concerne les diverses formes de concurrence envisagées dans le projet de loi, il sera extrêmement difficile à de nouvelles banques de pénétrer le marché actuel dominé par le club des cinq.

Le Canada ne dispose pas, comme les États-Unis, d'une tradition de banques communautaires vieilles de 200 ans. Sans compter qu'un nouveau système ne s'importe pas du jour au lendemain. Le fait d'accorder une plus grande latitude aux banques Laurentienne, Nationale et Canadian Western en matière de propriété pourrait leur permettre d'obtenir des capitaux ou de former des alliances stratégiques pour devenir plus concurrentielles. Les banques étrangères ne se tailleront jamais une place de choix sur nos marchés, surtout pas celui du détail. Plus petit que celui de la seule Californie, le marché canadien est dominé par cinq ou six grandes banques réparties sur l'ensemble de son territoire. Par conséquent, les sommes que devraient investir les banques étrangères pour rivaliser sur ce marché et fournir des services complets de façon à attirer nos membres seraient prohibitives. Des banques étrangères s'installeront, bien sûr, mais offriront principalement des services aux particuliers ou aux moyennes ou grandes entreprises qui desservent les marchés à créneaux des centres urbains.

• 1620

Il est compréhensible que le gouvernement considère les coopératives de crédit comme une source possible de produits et de services financiers destinés aux petites et moyennes entreprises. Depuis longtemps au Québec, les Caisses Populaires Desjardins atteignent des niveaux de rendement et de concurrence tels qu'elles obligent les banques à rehausser leurs critères de rendement et de satisfaction de la clientèle sur le marché de la petite et moyenne entreprise.

Dans l'ouest du pays, le mouvement des coopératives de crédit dessert aussi ce marché, alors qu'il est pratiquement inexistant en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique.

C'est pour cela que les coopératives de crédit attirent les regards et pourraient bien constituer un élément valable de concurrence à l'extérieur du Québec. Mais cela implique bien des suppositions et prendra du temps à se concrétiser.

Les coopératives de crédit devront abandonner leur tendance à l'individualisme, qui nuit aux partenariats et aux fusions. Elles devront aussi convaincre leurs membres, pour la plupart de petits consommateurs, de se tourner vers le marché de la petite et moyenne entreprise et augmenter leur compétence dans le secteur des prêts aux PME.

Les probabilités de succès des sections du plan de réforme ayant trait aux coopératives de crédit dépendent des postulats formulés. Par ces mesures, le gouvernement donne au mouvement des coopératives une grande liberté d'action. C'est maintenant aux coopératives d'agir.

En ce qui concerne le processus de fusion, le gouvernement a élaboré un nouveau cadre détaillé d'examen des fusions qui ne ressemble en rien au processus pour le moins improvisé adopté en 1989 et 1999. Il est impératif de procéder à un examen complet de tout projet de fusion pour en dégager les avantages et les inconvénients, non seulement pour les institutions visées, mais surtout pour l'économie et le secteur de la petite et moyenne entreprise.

La FCEI appuie le projet de mise en oeuvre d'une série complète de mesures de vérification des projets futurs de fusion, qui comprendrait un examen réglementaire, un examen du Bureau de la concurrence et une évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, dont un des critères porterait sur l'accès des petites et moyennes entreprises à une gamme complète de services.

Or, selon la FCEI, ce processus d'examen ne doit pas se transformer en simple plan d'action à étapes précises et préapprouvées (en place pour combien de temps?) que les banques pourraient tout simplement suivre pour obtenir le droit de fusionner.

Pour ce qui est des données sur le financement des petites et moyennes entreprises, aux yeux de certains c'est une question qui peut paraître moins prestigieuse que les autres aspects de la réforme. Or, à notre avis, elle est fondamentale pour les propriétaires exploitants de PME. Depuis des années, la FCEI souligne l'importance de recueillir de plus en plus de données pertinentes sur le plan de l'offre aussi bien que de la demande sur les besoins des petites et moyennes entreprises canadiennes en matière de financement.

De notre point de vue, la collecte de données si significatives aura des avantages pour toutes les parties concernées. Les petites et moyennes entreprises qui font affaire avec des institutions financières seront mieux informées des produits et services offerts. Les administrations publiques pourront fonder leurs décisions politiques sur des données exactes. Et les institutions financières pourront se fier à des études de marché exactes pour améliorer leur rendement.

Un autre aspect des données financières et du recueil de statistiques concerne la collecte de données sur le nombre de succursales offrant des services complets aux PME dans l'ensemble du Canada. Je rejoins un peu ici ce que disaient tout à l'heure nos collègues de l'Association des détaillants en quincaillerie. De cette façon, nous pourrons surveiller de façon objective la qualité des services offerts aux diverses collectivités. Cette question est particulièrement importante à la lumière des nombreuses fermetures de succursales de ces dernières années.

Enfin, en ce qui concerne la protection du consommateur, les nouvelles règles de protection du consommateur, qu'il s'agisse de particuliers ou de PME, sont accueillies favorablement. Depuis longtemps, nos membres se disent frustrés du dédale inextricable entourant le dépôt de griefs légitimes qui, pour se faire entendre, oblige à passer de la banque au Bureau du surintendant des institutions financières, au ministère des Finances, aux députés, aux ministres, au protecteur du citoyen et ainsi de suite. L'Agence de la consommation en matière financière du Canada aura pour mandat d'appliquer les dispositions axées sur le consommateur des lois fédérales régissant les institutions financières et de surveiller les mesures d'autoréglementation de l'industrie visant à protéger les intérêts du consommateur et des PME. Toutefois, pour qu'elle puisse faire correctement son travail, il faudra la doter de pouvoirs sérieux.

Soit dit en passant, l'appareil de protection du consommateur ne sera jamais parfait, puisque le système de traitement des plaintes ne semble pas s'appliquer au caractère arbitraire des décisions relatives aux prêts.

Enfin, un autre aspect de la protection du consommateur porte sur la diffusion de l'information. Pour évaluer la solvabilité d'un client ou demandeur, les institutions financières sont de plus en plus nombreuses à adopter un système de cotes de crédit. Or, les consommateurs doivent savoir comment fonctionne le système. Selon la FCEI, il faudrait fournir au client ou au consommateur des informations pertinentes sur le calcul de la cote, l'accès aux renseignements sur leur cote et les moyens d'améliorer leurs résultats. De cette façon, ils pourraient probablement augmenter leur degré de solvabilité et obtenir de meilleures modalités de crédit.

Catherine.

Mme Catherine Swift: Pour conclure très brièvement, nous tenons à féliciter les membres de ce comité, le Comité de l'industrie et le Groupe de travail MacKay pour le travail qui a été accompli ici.

Au cours de tout ce processus, qui a culminé avec la présentation de ce projet de loi, le gouvernement a créé un cadre législatif qui permettra d'apporter des changements dans le secteur des services financiers, mais il ne suffira pas d'adopter ce projet de loi pour garantir la mise en place de changements positifs. Pour être certain d'atteindre les objectifs auxquels nous souhaitons tous parvenir, il faudra veiller à faire un suivi sérieux, à recueillir des données, à les analyser et à bien surveiller l'évolution de la situation.

• 1625

Nous pensons que nous amorçons une période de croissance économique soutenue qui repose sur l'entrepreneuriat. La FCEI invite tous les protagonistes du secteur des services financiers à saisir les occasions offertes par ce projet de loi pour innover et développer de nouvelles approches, alliances et autres ententes stratégiques dans le but de mieux répondre aux attentes des petites et moyennes entreprises, ce secteur canadien unique et vital.

Dans une économie mondiale axée sur l'entrepreneuriat, nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de priver ce secteur vital de certains services financiers. Le Canada a besoin des emplois, de la croissance, de la créativité et de la diversité régionale qui sont l'apanage du secteur des PME. Nous sommes convaincus que c'est possible, en partie grâce aux résultats auxquels aboutira ce projet de loi.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Swift et monsieur Gray.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. Nous aurons des tranches de six minutes, autrement dit il y aura six minutes par membre du parti présent, c'est-à-dire que vous en aurez douze.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Nous en aurons six chacun.

Le président: Six chacun, mais vous pouvez les regrouper si vous le souhaitez.

M. Ken Epp: Merci beaucoup.

Merci à tous d'être venus nous rencontrer. Encore une fois, l'exposé de vos divers points de vue nous a beaucoup éclairés.

J'aimerais poser mes questions dans l'ordre où vous avez fait vos exposés. J'aimerais bien pouvoir les poser toutes, et je vous serais donc reconnaissant d'y répondre aussi brièvement que possible.

La première s'adresse aux comptables: Vous avez dit que vous n'étiez pas vraiment d'accord pour que le Surintendant des institutions financières ait le pouvoir de déroger aux normes comptables pour les sociétés de portefeuille. Comme vous êtes spécialiste de la question et que vous nous apprenez beaucoup de choses, je voudrais savoir si les normes comptables s'appliquent aux banques, aux compagnies d'assurances, etc., autant qu'aux autres entreprises? Faudrait-il une certaine souplesse parce que dans certains cas, ces normes ne s'appliquent tout simplement pas à ces institutions financières? Est-ce exact ou est-ce que je me trompe tout à fait?

Mme Tricia O'Malley: Je crois effectivement que lorsque cette disposition a été placée dans la loi, dans la Loi sur les banques d'origine, ce geste a peut-être provoqué une certaine gêne. En fait, c'était cette loi qui assujettissait les institutions financières aux PCGR. Jusque-là, leur mode de comptabilité était exclusivement fixé par l'Inspecteur général des banques.

À l'époque, on a convenu qu'il était logique que les banques et les compagnies d'assurances suivent les mêmes règles que tout le monde. Ainsi, les investisseurs pouvaient véritablement comparer les résultats des différents types d'entités.

M. Ken Epp: La réponse à la question est-elle donc que les règles des PCGR et des NVGR sont tout à fait applicables aux banques—et que ces règles devraient simplement s'appliquer, que ce devrait être la norme? Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Tricia O'Malley: Je crois qu'il est important de comprendre que les règles que nous établissons sont assujetties au même type de processus que le processus législatif. Nous demandons d'abord des commentaires sur toutes nos propositions. Puis nous avons des consultations très larges avec l'industrie et avec le BSIF avant que les normes ne soient vraiment fixées. S'il y a des objections, il est possible d'y répondre dans le cadre de ce processus.

Le pouvoir de dérogation ne doit être utilisé que rarement, et tel a en fait été le cas. Étant donné qu'on l'a utilisé si peu sur une période de peut-être 10 ans, nous pouvons en conclure que ce n'est sans doute pas nécessaire—certainement pas au niveau des sociétés de portefeuille.

M. Ken Epp: Merci. J'ai d'autres questions, mais je dois continuer parce que mon temps est compté.

Madame Ayotte, merci encore d'être venue nous donner votre avis. D'après vous, quelle chance avez-vous de réussir à obtenir le type d'accessibilité que vous souhaitez avoir pour vous et d'autres personnes qui ont des besoins particuliers et voudraient une accessibilité plus grande? Quelles sont vos chances d'y parvenir? Et faut-il le faire par le biais d'un projet de loi comme le C-8 ou faudrait-il procéder autrement?

• 1630

Mme Sharlyn Ayotte: S'il y a ici un mur de brique contre lequel je peux me frapper la tête pendant longtemps, c'est assez représentatif du temps qu'il faudra pour y arriver.

Les critères d'accessibilité devraient faire partie de tout ce qu'entreprend le gouvernement, qu'il s'agisse de réformes législatives, d'élaboration de politiques, de conception et d'exécution de programmes, de services, de conception et de mise en oeuvre de technologie. Actuellement, en temps que femme d'affaires et en tant que citoyenne, je consacre mon temps et mon énergie à créer de la richesse. Je paie des impôts personnels, des impôts sur les entreprises, pour que toutes les autres personnes aient accès à des services que je ne peux pas utiliser et je trouve que ce n'est pas normal.

M. Ken Epp: Je comprends que vous soyez frustrée. Mais je pense par exemple à certaines succursales bancaires dans ma circonscription, dans les zones rurales. Franchement, si une personne a par exemple un handicap visuel, elle peut aller dans cette succursale et quelqu'un va l'aider à suivre toute la procédure bancaire. Faut-il vraiment imposer par une loi une solution du genre taille unique, ce qui augmenterait considérablement le coût et ne répondrait pas nécessairement à un besoin local?

Mme Sharlyn Ayotte: Je pense que c'est tout aussi nécessaire que la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés. C'est ce que nous voulons défendre en tant que Canadiens. Nous prétendons refléter et respecter la diversité qui compose notre pays et ensuite nous avons l'air de considérer les handicaps et l'analphabétisme comme des cas isolés. Eh bien, nous sommes tous Canadiens, et cela représente 40 p. 100 de notre population. Ce n'est plus un petit pourcentage.

M. Ken Epp: D'accord. Merci.

Mme Sharlyn Ayotte: Merci.

M. Ken Epp: Une question rapide à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; vous avez dit qu'il n'y avait pas suffisamment de capital à la disposition des petites entreprises et que nous passions peut-être à côté de certaines possibilités de croissance dans notre économie parce que de nombreux entrepreneurs ne parviennent pas à obtenir les fonds dont ils ont besoin. Que proposeriez-vous pour régler cela dans le cadre d'un projet de loi comme le projet de loi C-8? Pensez-vous qu'il faudrait demander à chaque banque de leur réserver un certain pourcentage de leurs prêts? Je ne vois vraiment pas comment vous allez résoudre le problème. Je comprends votre frustration et ce que vous exprimez au nom de vos membres, mais comment peut-on faire?

Mme Catherine Swift: Je ne pense pas que l'on puisse régler précisément ce genre de questions dans un projet de loi comme celui-ci. Toutefois, je pense que le projet de loi C-8 facilite dans une certaine mesure la surveillance et la mise en place d'organismes établis après coup pour voir ce qui se passe, obtenir de meilleures données et une meilleure analyse, examiner des questions comme le roulement des directeurs de comptes et voir si c'est vraiment nécessaire. Nous discutons aussi avec les établissements, croyez-moi. Nous essayons de ne rien laisser de côté. Je crois que ce qui compte, c'est d'aller jusqu'au bout.

Certaines de ces possibilités sont là à l'état embryonnaire dans le projet de loi C-8, mais il faut aussi qu'il y ait un suivi complet. La persuasion est très importante à mon avis dans le cas des institutions financières. Elle a donné de bons résultats dans le passé, mais je crois que ce qui est important, c'est que les choses se fassent de façon cohérente. Il ne s'agit pas de tirer un coup de semonce tous les cinq ans, cela ne marchera pas. Et si l'on assure un suivi régulier, si l'on publie régulièrement les données... Nous faisons ce que nous pouvons de notre côté pour mieux éduquer nos membres et les orienter vers les institutions les plus susceptibles de donner satisfaction.

Il y a une chose que nous avons déjà signalée auparavant au comité et que nous ne devons pas omettre cette fois-ci non plus, c'est le fait que le financement par emprunt n'est pas la seule source de capital. Si les entreprises ne peuvent pas avoir de bénéfices non répartis parce qu'elles sont écrasées sous les taxes, c'est un autre moyen... Le financement par actions, les bénéfices non répartis au sein de l'entreprise sont aussi des sources de capitaux extrêmement importantes.

Je sais bien qu'il ne s'agit pas là non plus véritablement du projet de loi C-8, mais c'est tout de même quelque chose qui s'inscrit dans le champ d'examen de votre comité dans d'autres circonstances, et c'est donc quelque chose qu'il fallait aussi préciser.

M. Ken Epp: Bien dit, et nous sommes tout à fait d'accord.

Monsieur le président, d'après ma montre, j'ai dépassé mon temps, même si la vôtre ne le confirme pas.

Le président: Monsieur Peschisolido, voulez-vous donner votre temps à M. Epp?

M. Joe Peschisolido (Richmond, AC): Certainement, allez-y.

M. Ken Epp: Bon. Parfait. C'est vraiment un bon gars.

Je vais maintenant passer à l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie. J'ai une question vraiment intéressante à vous poser. Vous avez dit, vous aussi que le fait que la plupart de vos membres travaillent à l'échelle locale vous préoccupait. Étant député d'une circonscription rurale, je le comprends parfaitement. Quand je passe en voiture dans mes petites villes, je constate qu'il y a une seule banque, une seule quincaillerie et une seule épicerie, parfois deux, ce qui fait que ces gens-là sont étroitement dépendants de la disponibilité des institutions financières locales pour toutes leurs activités bancaires et naturellement pour leurs demandes de prêts ou ce genre de choses.

• 1635

En gros, vous dites qu'à votre avis il faudrait modifier le projet de loi C-8. Vous estimez qu'un simple préavis de fermeture ne suffit pas; vous avez presque l'air de dire que vous voudriez que le projet de loi C-8 stipule que les banques resteront ouvertes dans certaines de ces petites localités, qu'elles soient rentables ou non. Voici donc ma question: Appliqueriez-vous le même critère aux quincailliers, puisque tous les agriculteurs locaux ont besoin de quincaillerie, de même que tous les résidents de ces petites villes. Ce n'est vraiment pas pratique pour eux de devoir aller à Edmonton, à 100 kilomètres de là, alors qu'ils ont encore une quincaillerie dans leur petite ville. Est-ce que vous appliqueriez le même critère aux détaillants en quincaillerie, est-ce que vous leur diriez qu'ils n'est pas question qu'ils ferment boutique même après avoir annoncé qu'ils n'étaient plus rentables?

M. Robert Elliott: Tout d'abord, je crois que ni dans notre mémoire, ni dans mes remarques nous n'avons dit qu'il faudrait empêcher les fermetures de banques. Ce que nous avons dit, et je le répète, c'est que lorsqu'il n'existe pas de services de remplacement raisonnables, la communauté locale devrait avoir son mot à dire. À ce moment-là, la décision sera de toute façon prise ailleurs, mais il faudrait tout de même consulter la collectivité locale lorsqu'il n'y a pas de services de remplacement.

Dans ces circonstances, nous espérons que l'organisme qui sera chargé de trancher rendra en l'occurrence une décision équitable. Tout ce que nous demandons, c'est que nos membres et l'ensemble des consommateurs aient la possibilité d'exprimer leurs points de vue.

M. Ken Epp: Le projet de loi C-8 stipule que, si une banque envisage de fermer une succursale, elle doit donner un préavis, et plusieurs régimes de préavis sont prévus dans le projet de loi. Voulez-vous dire qu'il faudrait modifier cela? Par exemple, vous avez dit qu'il ne devrait pas y avoir de fusions de banques pendant au moins trois ans. J'ai noté que vous avez dit—et je ne sais pas si c'est une citation exacte ou simplement une paraphrase de vos remarques, qu'il n'était pas suffisant de donner un préavis de fermeture. Est-ce que vous voulez dire que le projet de loi C-8 devrait stipuler qu'avant d'autoriser la fermeture d'une banque, il faudrait s'assurer qu'il existe des services comparables de remplacement? Est-ce que c'est ce que vous suggérez? Que souhaitez-vous avoir précisément dans le projet de loi C-8? Concrètement, quelles sont les modifications que vous apporteriez au projet de loi C-8 pour atteindre vos objectifs?

M. Robert Elliott: En premier lieu, on devrait exiger un préavis dans tous les cas.

M. Ken Epp: C'est déjà le cas.

M. Robert Elliott: Nous avons l'impression que dans certains cas, cet avis n'est pas nécessaire.

M. Ken Epp: Il faudra qu'on vérifie.

M. Robert Elliott: Si je me trompe, je m'excuse, mais c'est à partir de cette hypothèse que nous avons formulé notre recommandation. Si ce n'est pas le cas, nous allons la modifier. Mais l'essentiel, c'est qu'on exige cet avis dans tous les cas si on ne le fait pas déjà.

Et effectivement, on ne devrait pas autoriser les fermetures lorsqu'il n'y a pas de services de remplacement acceptables. La définition de ces services de remplacement acceptables pourrait être très large, et je n'ai pas d'exemples précis de ce que pourraient être ces services. Là encore, je pense qu'il y a des gens qui connaissent beaucoup mieux la question que moi. Mais en même temps, je pense qu'on devrait proposer cela aux collectivités quand on les prive tout d'un coup totalement de ces services.

M. Ken Epp: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.

Nous allons passer à M. McCallum. Vous avez 12 minutes, mais vous pouvez les partager avec Mme Bennett ou Mme Barnes.

M. John McCallum (Markham, Lib.): Il me faudra nettement moins de 12 minutes, monsieur le président. Merci.

Comme je le disais hier, c'est maintenant la deuxième fois que je me trouve de ce côté-ci de la table plutôt que de l'autre. J'ai déjà parlé à plusieurs reprises à Catherine Swift mais à un titre différent. Je ne suis pas venu ici pour défendre les banques ou les attaquer, comme je l'ai dit hier.

Ma première question s'adresse à Mme Swift. Je comprends très bien les préoccupations que vous exprimez. Pour ce qui est du projet de loi en particulier, il se peut que quelque chose m'ait échappé, mais je n'ai pas entendu de proposition précise quant aux changements à apporter au projet de loi. Vous avez expliqué qu'il faudrait effectuer un suivi, recueillir davantage de données et plusieurs autres choses, mais préconisez-vous un changement quelconque dans le projet de loi?

• 1640

Mme Catherine Swift: Non. Nous pensons qu'une grande partie des éléments du rapport MacKay, auquel nous avons participé à plusieurs reprises et que nous avons appuyé, ont été intégrés, tout au moins les éléments essentiels ont été intégrés au projet de loi. Donc, nous ne proposons pas de changement particulier mais nous voulons souligner que le fait d'adopter ce projet de loi n'est qu'une première étape. C'est tout.

Non, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'apporter des changements de fond au projet de loi même mais qu'il faut plutôt assurer un suivi au sein de ce comité. Soulignons aussi que certains des témoignages présentés au Comité de l'industrie par des institutions financières, il y a une semaine environ, sont également très à propos. Mais en ce qui a trait au changement législatif, non. Nous approuvons l'esprit du projet de loi.

M. John McCallum: Je posais la question parce que la première tâche de ce groupe est de formuler des recommandations...

Mme Catherine Swift: Oui.

M. John McCallum: ...sur ce projet de loi en particulier. Donc vous ne voulez pas que nous changions quoi que ce soit.

Mme Catherine Swift: Non, pas pour l'instant.

M. John McCallum: Ma deuxième question rejoint celle de Mme Ayotte et de M. Fowler. Lorsque j'étais à la Banque royale, nous avons eu une conférence justement sur cette question d'accès. Je ne veux pas dire que c'était exemplaire, mais je me souviens d'avoir entendu des rapports à ce sujet et d'avoir assisté à une partie de la conférence.

Je comprends tout à fait vos objectifs mais là encore, ma question se rapproche de la première: il s'agit de savoir si pour atteindre ces objectifs, que j'approuve, la solution serait de changer ce projet de loi. Encore une fois, vous n'avez rien dit à propos de changements précis à apporter au projet de loi. Je vous ai entendu dire trois choses: que le gouverneur en conseil ou le Cabinet devrait demander que des études soient faites; qu'il faudrait appliquer les dispositions législatives actuelles en matière des droits de la personne d'une façon plus proactive et mettre en place différentes mesures pour assurer le respect des normes et règlements.

Quelque chose m'a peut-être échappé, mais proposez-vous un amendement particulier au projet de loi pour atteindre vos objectifs?

Mme Sharlyn Ayotte: Dans le contexte de ce projet de loi, je proposerais que l'accessibilité devienne un critère obligatoire dans l'établissement de l'Agence de la consommation en matière financière afin que tous ceux qui utilisent les services financiers aient la possibilité de présenter des commentaires et puissent avoir un recours.

Cet élément d'accessibilité est absolument indispensable pour que l'on sache de quelle façon ces décisions ont des répercussions sur une grande partie de notre population.

M. John McCallum: D'accord.

Mme Sharlyn Ayotte: Merci.

M. John McCallum: Merci. Je n'ai plus de questions. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur McCallum.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question, dans la même veine que celle de M. McCallum, s'adresse aussi aux témoins de T-Base.

Voudriez-vous une disposition relative à l'accessibilité dans le projet de loi? Ou est-ce dans les règlements que vous souhaitez avoir des normes sur l'accessibilité ou une disposition prévoyant que tout doit être disponible sur des supports différents, ou exigeant une conception universelle, des solutions accessibles sur le Web, le genre de choses qui pourraient finalement se retrouver dans les règlements? Mais voulez-vous que l'on fasse allusion à l'accessibilité dans la formation de l'Agence de la consommation en matière financière...

Mme Sharlyn Ayotte: Absolument.

Mme Carolyn Bennett: Il y avait dans votre mémoire une allusion à l'Association canadienne de normalisation. S'agit-il principalement des guichets automatiques bancaires...

M. Leonard Fowler: Il s'agissait effectivement des guichets automatiques, oui.

Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous que...

M. Leonard Fowler: Un jour il faudra le faire.

Mme Carolyn Bennett: Parce que lorsque nous avons entendu les représentants d'Interac, il y a bien sûr maintenant tous les nouveaux systèmes génériques et il y a différentes façons de procéder, et dans certains cas ce sont de petites entreprises qui les exploitent. Vous voudriez qu'à long terme, on exige que tous les guichets automatiques permettent la communication vocale.

M. Leonard Fowler: Que ce soit accessible.

Mme Carolyn Bennett: Qu'ils soient accessibles d'une façon ou d'une autre.

Mme Sharlyn Ayotte: Si c'est intégré dans la conception des systèmes. Le problème vient en partie du fait que nous pensons toujours qu'il faut changer les gens pour pouvoir utiliser le système alors que nous devons examiner la façon dont on détermine les critères régissant les technologies utilisées afin que l'accessibilité fasse partie intégrante du produit de la technologie de sorte que ça ne devienne pas un objet de débat.

• 1645

Lorsque j'ai étudié les renseignements sur l'établissement de la loi, j'ai trouvé une mention de l'accessibilité. Mais il s'agit de l'accessibilité aux réseaux électroniques. Je pense qu'il faudrait simplement élargir un peu cela afin de prendre en compte les exigences très diverses des Canadiens en ce qui concerne l'élaboration des critères inclus dans les règlements.

Mme Carolyn Bennett: Peut-être pouvons-nous... Si nous pouvions apporter un changement précis, nous pourrions peut-être même examiner un peu la question avec le Comité des personnes handicapées.

Mme Sharlyn Ayotte: Oui. Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais demander aux témoins et à mes collègues de m'excuser de mon retard à la réunion d'aujourd'hui. Je suis heureuse que vous nous ayez tous donné des rapports écrits et j'ai vite rattrapé mon retard.

Deux choses m'ont frappée lorsque je les ai lus. Pour ce qui est tout d'abord de votre rapport, madame Swift, je trouve que le travail effectué par la Fédération est excellent et nous pourrions nous attaquer simultanément à plusieurs problèmes étant donné les objectifs visés par ce projet de loi. En fait, même lorsque le projet de loi sera devenu loi—comme je l'espère—je pense que vous aurez toujours certaines difficultés et il y aura toujours matière à amélioration.

Monsieur Elliott, ce qui m'a frappée... Je pense que vous avez adopté une position très isolée dans votre recommandation trois, où vous recommandez que les parties du projet de loi C-8 traitant des fusions bancaires soient amendées afin qu'aucune fusion bancaire ne soit approuvée par le ministre des Finances pendant les trois ans suivant la date d'entrée en vigueur du projet de loi.

Ce projet de loi représente un très long travail qui remonte à des Parlements différents et en fait à des études effectuées par différentes personnes et organisations. D'ailleurs, d'après la plupart des organisations et des personnes qui ont comparu devant ce comité—non seulement au cours de cette session mais aussi au cours des sessions précédentes—ce projet de loi est nécessaire et nous devons mettre les procédures voulues en place. Nous avons maintenant nos lignes directrices.

J'aimerais bien avoir votre avis. J'ai lu vos motifs. Si je comprends bien, c'est surtout la diminution de la concurrence dans un avenir proche qui vous inquiète. J'aimerais savoir comment vous avez formulé la période de trois ans et ensuite, j'aimerais que les autres témoins autour de la table, particulièrement Mme Swift, nous disent s'ils sont d'accord ou pas. Je vois d'après le commentaire qui se trouve dans le communiqué de presse que vous nous avez remis que vous ne prévoyez pas de fusion entre les grandes banques. D'ailleurs, certaines grandes banques attendent impatiemment ce projet de loi et j'aimerais connaître votre réaction à la recommandation trois de M. Elliott.

Monsieur Elliott, nous vous écoutons. Merci beaucoup.

M. Robert Elliott: Avec plaisir. Merci de la question.

Je me sens peut-être seul à cette table mais j'espère qu'après avoir entendu la recommandation, d'autres se rallieront à notre suggestion.

Là encore, vous avez tout à fait raison de dire que nous voulons, par cette recommandation, être sûrs que la concurrence reste au même niveau ou augmente par rapport à son niveau actuel. Nous n'entrevoyons pas de diminution de la concurrence. En fait, une fois que ceci serait fait, nous attendons plutôt une grande ruée. Je pense plutôt à l'article du Globe and Mail qui donne un exemple de ce qui devrait vraisemblablement se passer, c'est-à-dire que les banques vont se précipiter pour organiser des fusions.

La période de trois ans, je l'avoue, n'est pas le fruit d'une étude scientifique. En fait, nous recherchons une période adéquate pour que les choses se calment. Dans le fond, je ne sais pas exactement quelle serait la meilleure durée. Je suis sûr que si ceux qui prennent la décision acceptent la recommandation, ils trouveront une période appropriée. Il s'agit simplement de donner aux autres groupes comme les coopératives de crédit ou les nouvelles institutions bancaires qui pourraient arriver sur le terrain, le temps de s'installer et de s'organiser. À court terme, nous voulons que la concurrence reste au même niveau ou augmente par rapport au niveau actuel.

Mme Catherine Swift: Merci.

Nous sommes tout à fait d'accord avec l'esprit de ce qui a été recommandé bien que nous n'ayons pas fixé de période précise. Nous espérons surtout que le projet de loi visera à créer un environnement plus compétitif.

Il est clair que si le projet de loi est adopté et que des fusions préventives surviennent, cela empêchera ou freinera la concurrence dans ce secteur. Nous ne savons pas quel est le chiffre magique, mais nous recommandons que l'on surveille la situation pour suivre l'évolution en matière de concurrence, où la situation peut changer comme nous le savons de toutes sortes de manières... Le changement suit les cycles économiques, suit...

• 1650

Il y a maintenant sur le marché quelques joueurs étrangers. Ils n'ont pas encore beaucoup d'importance dans le marché des PME, loin de là, mais dans trois ans, la situation sera-t-elle différente de ce qu'elle est aujourd'hui? Probablement, mais dans quelle mesure, nous n'en sommes pas sûrs.

Je suppose que c'est pour cette raison que nous n'avons pas fixé de chiffre particulier mais nous nous associons tout à fait à nos collègues du secteur de la quincaillerie. C'est-à-dire que de se lancer immédiatement dans des fusions va à l'encontre de l'esprit de la loi. Il faut prévoir une certaine période et surveiller l'évolution de la situation après l'adoption du projet de loi pour voir ce qui se passera sur le marché, quels sont les nouveaux joueurs qui arrivent et relever le défi dans le secteur des petites entreprises et dans d'autres domaines. Mais je le répète, mettre un chiffre précis sur cela pour le moment, c'est, je trouve, très difficile. Autrement, sur la théorie, nous sommes tout à fait d'accord.

M. Brien Gray: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque chose.

Le problème pour le secteur des PME dans la plupart des régions du Canada en dehors des centres urbains, c'est que l'on ne peut pas réduire la capacité du système puis s'attendre à ce que le secteur des petites entreprises continue à assurer sa fonction économique au plan des créations massives d'emploi, du développement communautaire, et de la diversification économique des localités. Ces représentants ont tout à fait raison. Si l'on continue à réduire de plus en plus le nombre de banques, et nous avons...

Avant le début de ces pourparlers de fusions, il y avait, je crois, 13 p. 100 de nos membres qui n'avaient qu'une seule institution dans leur localité et jusqu'à 25 p. 100 qui avaient le choix entre deux. C'était avant toutes les fermetures que nous avons observées au cours des deux dernières années.

Nos données indiquent également que la CIBC qui est une grande banque canadienne est descendue d'un tiers dans sa part statistique de notre marché au cours des 10 dernières années. Ce n'est pas accidentel. Cela fait suite à un retrait de la part de la banque. On ne peut pas retirer un tel potentiel et une telle capacité du secteur des services financiers sans mettre en place quelque chose qui vienne prendre la relève. Tout au moins en partie.

Nous répétons que nous ne sommes pas opposés aux fusions mais nous voudrions vraiment être sûrs qu'il existe quelque chose—durable, viable et exploitable—pour les petites entreprises et les consommateurs des petites localités. Autrement, je peux vous dire que d'ici cinq ou 10 ans, vous entendrez des cris lorsque vous reviendrez ici—j'espère que vous serez ici—pour entendre la série suivante de témoignages sur les changements à la Loi sur les institutions financières. Je peux vous le garantir.

Mme Sue Barnes: J'aimerais poser une petite question supplémentaire.

Êtes-vous d'accord avec les directives que nous avons mises en place concernant les audiences obligatoires sur les fusions potentielles? À mon avis, les deux Chambres du Parlement seraient un excellent endroit pour exprimer vos préoccupations.

Mme Catherine Swift: Oui, nous sommes tout à fait d'accord. Bien sûr, nous voulons un processus aussi direct que possible. Nous ne sommes jamais favorables à des régimes réglementaires trop envahissants et complexes, mais je crois que le secteur des services financiers représente un cas particulier. Ce n'est pas comme les entreprises qui vendent de la quincaillerie ou du pain. C'est un secteur hautement réglementé à juste titre. De plus, et c'est particulièrement vrai pour les grandes banques à charte—c'est un secteur qui a été très privilégié au fil des années et certaines institutions se sont vu accorder une position de monopole.

Quelqu'un a dit tout à l'heure quelque chose à propos des fermetures de succursales et à propos d'une recommandation visant à garder les succursales non rentables. Je ne pense pas qu'il en existe. Je pense qu'en fait on a fermé les succursales dont la rentabilité ne correspondait pas aux normes établies. Les banques ont fermé des succursales très rentables, et continuent de le faire, et certains des changements qui surviennent dans l'industrie des services financiers sont bien sûr...

Nous tous qui participons au processus de politique publique devons soupeser tous ces facteurs. Ces considérations ne se rapportent pas exclusivement au projet de loi C-8, mais c'est néanmoins le cas pour certaines.

Que doit-on faire dans un monde financier où différents secteurs semblent très rentables à court terme? Il faut en signaler un en particulier actuellement: celui de la gestion de la richesse. Si nous négligeons des éléments clés comme le secteur des petites entreprises, quels vont être les effets à long terme? Si les décideurs financiers veulent vraiment prévoir ce qui surviendra au cours du prochain trimestre... Il n'y a pas de réponse facile à cette question-là. Nous n'avons certainement pas la réponse, mais ce sont des considérations très sérieuses.

Si l'on voit de grandes institutions comme la CIBC de décider délibérément de se retirer du marché du prêt aux petites entreprises... C'est peut-être une bonne décision financière à court terme pour cette institution, mais à long terme, quelles vont être les répercussions sur notre pays? Ce sont de grandes questions.

Mme Sue Barnes: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Barnes.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): C'est à mon tour de remercier tous les témoins pour leurs exposés fort intéressants.

• 1655

Je voudrais brièvement poser une seule question.

Madame Swift et monsieur Gray, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, je suis un peu surprise de voir que vous n'avez pas apporté un bémol ou porté votre attention au fait qu'en ce qui concerne les petites banques qui n'ont pas atteint 5 milliards de dollars à ce jour—elles sont surtout concentrées au Québec, par exemple la Banque Nationale et la Banque Laurentienne, qui détiennent actuellement le portefeuille des PME de la population québécoise—ce projet de loi va permettre à un seul individu de détenir 65 p. 100 des actions votantes, ce qui pourrait faire en sorte que cet individu prenne le contrôle de l'argent. Ce pourrait être un étranger, un Américain qui, prenant le contrôle de la banque, déménagerait son siège social aux États-Unis et, à partir de ce moment, nous serions sous le contrôle d'intérêts étrangers.

Je suis un peu surprise que vous n'ayez pas parlé de cela. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais dans votre exposé, vous parlez d'accorder plus de latitude. En ce qui me concerne, je ne crois pas qu'une plus grande latitude protège les consommateurs du Québec, notamment les clients de la Banque Nationale et de la Banque Laurentienne, et je trouve que cela restreint énormément la concurrence. Alors, je me demande pourquoi vous acceptez qu'il y ait une différence entre une petite banque de moins de 5 milliards de dollars et les grandes banques, où un individu est limité à 20 p. 100 des actions votantes.

M. Brien Gray: Merci, madame. Il est clair que nous n'avons pas parlé de ces choses-là dans le document. Il faut dire que la lettre de M. Martin disait effectivement que celui-ci prendrait en considération les préoccupations du gouvernement du Québec ou des Québécois envers n'importe quelle situation concernant la Banque Nationale. Je vais donc croire sur parole M. Martin, qui dit qu'il protégera les intérêts des Québécois et aussi ceux des clients de la Banque Nationale ou de toute autre banque de petite taille au Québec, telle que la Banque Laurentienne.

Le principe consiste en une plus grande flexibilité pour n'importe quelle banque, afin qu'elle puisse grandir, faire des arrangements et ainsi être plus en mesure de concurrencer les autres grandes banques à charte. Si de telles restrictions avaient existé, nous n'aurions peut-être pas connu la Caisse populaire Desjardins, au Québec, comme on la connaît aujourd'hui. C'est une institution financière de premier ordre qui sert très bien le Québec.

Je n'entrevois pas nécessairement la fusion de la Banque Nationale, au Québec, étant donné qu'il existe un processus par lequel le public aurait son mot à dire. Je crois que M. André Bérard lui-même accueille les propositions des autres partenaires. Il ne s'agit pas nécessairement d'une position de contrôle, mais plutôt d'une position de partenariat. Les partenariats visant à promouvoir les intérêts d'une institution constituent une grande tradition au Québec. Nous ne disons pas nécessairement qu'il s'agit de partenariats qui ne visent qu'à attirer les investisseurs étrangers.

[Traduction]

Le président: Monsieur Brison. Je vais peut-être passer à M. Pillitteri.

C'est bien de voir un député donner sa place.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Plus jamais, c'est certain.

Des voix: Oh, oh.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'aujourd'hui. Vos interventions sont importantes et précieuses pour nous.

• 1700

Je voudrais faire une remarque—et j'aimerais avoir vos avis sur ce point—il me semble que la concurrence étrangère joue un rôle de plus en plus grand au Canada dans le domaine des banques. Je crois que l'un d'entre vous au moins a parlé de la sélection choisie qui se fait, que ce soit Wells Fargo qui se concentre sur les prêts aux petites entreprises et a d'assez bons résultats, ou MBNA dans le domaine des cartes de crédit, ou ING. Il se passe beaucoup de choses. Ils choisissent les éléments les plus lucratifs du secteur.

Cette loi donnera beaucoup plus de souplesse pour créer une concurrence organique ou intérieure, que ce soit dans les coopératives de crédit ou pour augmenter la concurrence étrangère au Canada. En même temps, elle resserre la réglementation de nos banques canadiennes et assouplit les règles de propriété. Je crains que nous n'exposions les banques canadiennes à beaucoup de forces concurrentielles, certaines venant de l'intérieur, et d'autres de l'extérieur, tout en augmentant le niveau de réglementation. Nous les menottons en quelque sorte et nous risquons de compromettre les capitaux des 7 millions de Canadiens qui possèdent des actions dans les banques.

Y a-t-il moyen de juxtaposer les intérêts de ces actionnaires, c'est-à-dire de 7 millions de Canadiens—dont beaucoup sont en fait membres de la FCEI et aussi sans doute de l'Association des détaillants en quincaillerie—avec une politique publique rationnelle? Ce ne doit pas être nécessairement un jeu à somme nulle.

J'ai moi-même été dans le secteur des petites entreprises. C'est vrai que c'est frustrant parfois de faire affaire avec une banque dont le siège se trouve à Toronto mais je pense que c'est encore plus frustrant de traiter avec une banque dont le siège est à Chicago, ou Zurich ou Boston ou New York. Donc j'ai peur que nous ne préparions la voie pour un système canadien appartenant à des étrangers si nous ne sommes pas très vigilants dans la façon dont nous réagissons aux perceptions, plutôt qu'à la réalité, du marché actuel.

J'aimerais avoir vos commentaires sur ce point.

Mme Catherine Swift: J'ai quelques observations à faire à ce sujet.

Vous avez cité Wells Fargo. Je pense que nous pouvons citer un certain nombre de leurs joueurs, ING, peut-être plus du côté des consommateurs que des entreprises, et il y en a encore d'autres. Ce qui est intéressant, c'est que ces joueurs proposent des lignes de produits qui n'existaient pas au Canada avant leur arrivée. Lorsqu'ils sont arrivés, les banques canadiennes ont commencé à offrir le même service ou, dans certains cas, se sont en fait alliées à eux. Certaines des banques à charte canadienne se sont associées à Wells Fargo; elles vont passer à Wells Fargo le secteur qu'elles ne sont pas prêtes à desservir.

Donc franchement, l'institution canadienne... C'est une préoccupation, pas une question. Disons que nos membres ont une relation très ambiguë d'amour et de haine avec leur banque—c'est sans doute la meilleure façon de décrire les choses.

M. Scott Brison: Et avec leurs politiciens.

Mme Catherine Swift: Les politiciens? Eh bien je n'irais pas jusque-là.

Des voix: Oh, oh.

Mme Catherine Swift: N'entrons pas dans des considérations personnelles.

Ils se rendent compte de leur importance. Ils préfèrent traiter avec une institution canadienne, c'est évident. C'est donc une question importante, sans aucun doute.

Quoi qu'il en soit, jusqu'ici, ce genre de concurrence n'a fait que pousser nos institutions nationales à mieux desservir des segments qu'elles ne desservaient pas auparavant ou dans certains cas, à s'allier, peut-être à être plus créatives, ou encore à apprendre certains types de financement qu'elles n'avaient pas les capacités de proposer auparavant.

Il ne devrait y avoir aucune excuse en réalité parce que nos banques canadiennes ont d'énormes avantages au Canada. Si elles ne peuvent concurrencer certains de ceux qui, comme vous venez de le dire, ont leur siège Dieu sait où sur la planète, elles devraient avoir honte, parce qu'elles ont un énorme avantage au plan national. Elles sont inattaquables sur bien des fronts du fait de leur position retranchée, du réseau de succursales, de leur connaissance du marché canadien, etc.

M. Scott Brison: En supposant que les réseaux de succursales en briques et en ciment soient pertinents...

Mme Catherine Swift: Pas uniquement en briques et en ciment, cependant; même les réseaux électroniques et...

M. Scott Brison: ...parce que certains des éléments de coût correspondant aux opérations et aux centres d'appels ailleurs tandis que le reste... Certaines économies d'échelle et les progrès et avantages technologiques peuvent prendre le pas en quelque sorte sur ces avantages existants.

• 1705

Si vous deviez comparer la situation des prêts aux petites entreprises au Canada à celle d'il y a 10 ans, disons... Je pense que vous avez dit qu'il y avait eu une légère amélioration au cours des 10 dernières années dans le secteur des PME au Canada...

Mme Catherine Swift: Ça été très variable.

M. Brien Gray: En raison du travail effectué par le secteur des petites entreprises, des organisations comme la nôtre et d'autres qui demandent des améliorations, du fait des parlementaires, aux niveaux fédéral et provincial, des groupes de travail, on a été beaucoup plus sensible, il y a eu toute une sensibilisation, comme on dit en français, à toutes ces questions et sur le fait qu'il faut les suivre et les comprendre. Je me souviens qu'à une époque aucune donnée n'était publique et je me rappelle même du temps où les seules données que l'on pouvait obtenir étaient les statistiques sur les prêts de la Banque du Canada, tout ce qui était en dessous de 200 000 $ était un prêt à une petite entreprise, et peu importait si c'était un prêt à une filiale de GM.

Donc je crois que le débat a beaucoup progressé. Quant à la question du financement—nous avons parlé tout à l'heure des fonds propres, ce qui est vital pour une petite entreprise—étant donné la sensibilité accrue à ces questions, je pense qu'il y a eu une amélioration.

Au début de la récession, il apparaît clairement d'après nos données que les grandes banques à charte du pays ont réagi de façon très excessive. D'ailleurs, après la récession, la haute direction en convient. Je pense que c'est pour cette raison que le Comité de l'industrie demande à juste titre aux banquiers de dire ce qu'ils vont faire cette fois-ci si l'économie ralentit. C'est une question légitime.

Cependant, les banquiers disent maintenant: «Nos pertes sur les prêts aux petites entreprises sont minimes, moins de 1 p. 100, nous n'entrevoyons pas de resserrement de crédit—ce sont de bonnes nouvelles.» Il y a 10 ans, les dirigeants des grandes banques n'auraient même pas pris la peine de parler du problème des prêts aux petites entreprises dans la conjoncture du moment. C'est un progrès immense.

Au sortir de la récession, nous avons vu que les niveaux de prêt ont augmenté et il y a un an environ, ont atteint les niveaux d'avant la récession. Si l'on compare une période analogue dans le cycle économique, de la fin des années 80 à la fin des années 90, on ne s'est approché de cela qu'à la fin des cinq ans suivant la récession—c'est une période d'inertie beaucoup trop longue. Donc oui, il y a eu une amélioration, mais il fallait que ça s'améliore et nous voudrions que l'ensemble des institutions financières soient présentes et le restent dans le pire comme dans le meilleur.

M. Scott Brison: Mais en toute justice, vous avez dit que seulement 10 p. 100 de vos membres s'étaient vu refuser leurs demandes de prêt, et il y a en fait eu une diminution du nombre demandant des prêts—les banques ne peuvent pas forcer les gens à demander du crédit.

M. Brien Gray: Absolument, et nous avons dit dans notre déclaration que les taux de refus avaient diminué. Il faut examiner les taux de refus d'autres façons également, et c'est ce qui se trouve dans le rapport.

M. Scott Brison: Puis-je poser une dernière question, monsieur le président?

Le président: Désolé, nous devons continuer.

M. Pillitteri, M. Cullen et M. Epp seront les trois derniers à poser des questions.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous revois pour la plupart présenter des mémoires ici il y a quelques années, année après année. Plus précisément, au cours des deux dernières années, nous parlions des fusions bancaires et des problèmes que nous aurions eus si nous avions autorisé ces fusions—naturellement, cette loi n'était pas en vigueur et par conséquent, elles n'auraient jamais dû être autorisées, et d'ailleurs elles ne l'ont pas été—et de la possibilité d'accroître la concurrence.

Cela dit, maintenant que la loi est présentée et que la concurrence doit augmenter, on pense toujours aux nombreuses fusions aux États-Unis. Que va-t-il nous arriver—nous suivons le même chemin, et il n'y aura pas de concurrence. Mais j'ai fait beaucoup de voyages aux États-Unis, j'y suis allé régulièrement et je vois autant d'ouvertures de banques que de fermetures de banques. Il y a donc vraiment de la concurrence. Ceux qui veulent se retirer d'un marché donné laissent un vide que peut occuper une autre personne qui se sent prête, un entrepreneur qui désire ouvrir une banque. La même chose s'est produite dans mon secteur, où il y a 15 ans, la réglementation était plus stricte. Il n'y avait que huit entreprises vinicoles et c'était en fait un marché captif. Mais même si la concurrence devient plus forte, je vois qu'il y en a plus de 100 aujourd'hui en Ontario seulement.

• 1710

Alors, pourquoi avoir peur? On dit que l'on n'encouragera pas la concurrence en accordant des fonds à des gens d'affaires qui auraient suffisamment l'esprit d'entreprise pour ouvrir des banques. Pensez-vous qu'en ayant les cinq ou sept grandes banques, personne d'autre n'arriverait sur le marché s'il y avait une fusion dans, disons, trois ans?

D'après moi, une fois que cette loi sera en vigueur, qu'il sera plus facile d'ouvrir une banque, il y aura des files d'attente pour augmenter la concurrence, et beaucoup plus de gens se lanceront dans l'entreprise.

M. Robert Elliott: Je suis d'accord, et je crois que nous avons dit dans notre mémoire qu'en dernière analyse le projet de loi est bon pour la concurrence dans le secteur des services financiers ici au Canada.

La période de trois ans est strictement—comme je l'ai dit tout à l'heure mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon terme—une période d'accalmie, un moment pendant lequel la concurrence ne diminuerait pas en attendant que ceux qui y pensent et qui envisagent de se lancer dans ce secteur ici au Canada aient la possibilité de s'organiser comme il convient.

M. Gary Pillitteri: Je pose cette question parce que nos institutions bancaires étaient devenues si froides que, dans un sens, il n'y avait pas vraiment de rapport entre l'entrepreneur et la banque. C'était devenu presque une institution intouchable, tandis qu'aux États-Unis actuellement où la concurrence est beaucoup plus grande, je vois que je peux entrer dans une banque, l'une de ces petites banques qui vient d'ouvrir, et avoir un contact personnel alors que je ne l'avais pas auparavant ici. C'est peut-être parce qu'ils sont prêts à cette concurrence. Au Canada, nous avons étouffé cela pour éviter la concurrence et nous leur avons donné le champ libre au Canada, et ceci a empêché d'autres concurrents d'arriver sur le marché. Alors quand je vois ce qui se passe au sud de la frontière ou dans d'autres pays, ceci serait certainement beaucoup mieux que toute autre chose pour essayer de protéger nos grandes institutions.

M. Robert Elliott: Oui, je reconnais que c'est une bonne chose.

Je ne connais pas bien la réglementation américaine, ni la façon de travailler là-bas, mais je crois que peut-être le simple nombre, en prenant la règle de 10 p. 100 par exemple, le fait qu'il y ait là-bas tant de personnes susceptibles d'ouvrir des entreprises et d'avoir cette possibilité, peut avoir un impact ici. À mon avis, le fait que nous ayons tellement moins d'habitants est aussi un facteur.

Le président: Merci.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je sais que le temps passe vite et je serai donc très brève.

Lorsque nous avons examiné la dernière série de fusions bancaires, que plusieurs d'entre nous ont évoquée aujourd'hui, on s'inquiétait beaucoup de l'impact qu'aurait la diminution de la concurrence sur les petites entreprises. On parlait même d'un rôle accru pour la Banque de développement du Canada pour ce qui était de la concurrence étrangère, etc. Ces craintes étaient en grande partie dues au fait que la puissance des grandes banques leur permet déjà d'imposer des conditions terriblement restrictives sur les prêts aux petites entreprises. Ces clauses empêchent souvent les sociétés de modifier librement leur orientation commerciale et donnent aux banques des pouvoirs de veto sur un grand nombre de décisions.

À votre avis, le contrôle qu'exercent les banques sur les petites entreprises par le biais de ces clauses restrictives constitue-t-il un problème de plus en plus grand et quels sont les remèdes qu'on peut y apporter dans un marché libre?

Mme Catherine Swift: Je ne pense pas que le problème augmente mais je crois qu'il a toujours existé et continue de se poser.

Nous parlions tout à l'heure des changements survenus en matière de prêts au cours des 10 dernières années environ, et il y a eu certainement des améliorations, une sensibilisation, etc. Mais une chose néanmoins s'est détériorée et c'est... Je ne sais pas exactement comment vous l'appelez, c'est la mécanisation du processus de prêt, cette dépendance à laquelle nous avons fait rapidement allusion mais sur laquelle nous ne nous sommes pas attardés en détail, l'importance que l'on donne aux cotes de crédit, lorsque les décideurs quittent ces succursales. Et nous savons maintenant que les directeurs de succursales d'autrefois, ceux qui étaient des décideurs dans leur localité, n'existent plus.

• 1715

Vous parlez du système américain. Il y a là-bas une longue tradition de banques communautaires, ce que nous n'avons pas au Canada; cette tradition n'existe pas chez nous et nous le regrettons parce que nous voyons qu'il y a un taux de satisfaction beaucoup plus élevé chez nos membres pour les institutions communautaires, les coopératives de crédit, par exemple, et nous savons que c'est pour cette raison. Elles sont plus proches de la communauté.

Donc bien que ce ne soit pas uniquement les clauses restrictives, lorsque l'on se fie davantage à ces méthodes mécanisées, à ces cotes de crédit, pour accorder des prêts, dans le cas de quelqu'un qui était connu de son directeur de banque comme un bon risque même s'il n'avait pas respecté de 0,2 ou quelque chose comme ça un ratio financier quelconque, cette personne sera rejetée de la boîte noire de la cote de crédit et placée dans la pile des non alors qu'auparavant elle se serait trouvée dans la pile des oui.

Je ne sais donc pas s'il s'agit uniquement des clauses restrictives dont vous parlez mais la mécanisation accrue du processus nous préoccupe beaucoup. Nous savons pourquoi cela a été fait: c'est moins cher; on peut se débarrasser des êtres humains; on peut se défaire de cet élément subjectif qui d'après nous est très important. En fait, actuellement, c'est assez drôle d'entendre beaucoup d'institutions faire de la publicité sur les relations avec la banque; mais comment peut-on entretenir une relation avec un ordinateur ou un modèle de cote de crédit? Nous pensons que c'est malheureusement dans bien des cas une relation tout à fait dysfonctionnelle. À mon avis ce genre de tendance cause problème et c'est un problème croissant, tandis que toute la question des clauses restrictives etc. imposées sur les prêts reste un problème mais ne s'aggrave pas.

Mme Albina Guarnieri: Alors vous ne trouvez pas que l'entreprise devrait simplement être tenue d'effectuer ses paiements de remboursement, que ce devrait être limité? Les clauses restrictives s'étendent aujourd'hui à toutes sortes d'autres aspects, n'est-ce pas?

Mme Catherine Swift: Oui.

Mme Albina Guarnieri: Vous ne recommandez donc pas de restrictions particulières pour ce qui est des clauses restrictives sur les petites entreprises? Vous n'en voyez pas le besoin?

Mme Catherine Swift: Nous croyons qu'en fin de compte si la concurrence augmente du fait de l'arrivée d'autres entreprises sur le marché, on atteindra ces objectifs; et ça vaut mieux que des restrictions réglementaires excessives. Nous pensons que c'est la solution ultime.

Lorsque nous entendons parler des dispositions de réinvestissement communautaire ou qu'il est question d'obliger les banques à prêter à certains, à une petite entreprise ou autre, tout cela se fera sans que l'on atteigne le véritable objectif qui est l'expansion. Ceux que l'on qualifie de bons risques de crédit ou les clients établis qui sont connus auront simplement plus d'argent dans les livres ou autrement. C'est pour cette raison que nous ne pensons pas que ce soit le meilleur moyen d'atteindre les objectifs visés.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Guarnieri.

Monsieur Cullen, vous avez six minutes.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président de cette générosité.

Merci à tous les témoins. Je regrette d'avoir manqué le début de la réunion.

Je veux poser une question à Mme Swift et à M. Gray de la FCEI. À propos de l'impôt sur les petites entreprises, la dernière fois que j'ai vérifié nous avions le taux d'imposition sur les petites entreprises le plus bas du G-7.

Naturellement, il y a différents types de taxes et d'impôts. Il y a les charges sociales—et là aussi notre niveau est plutôt bon—et d'autres taxes commerciales. Il y a l'impôt sur le revenu personnel, et l'on sait que nous essayons de le réduire comme nous l'avons déjà largement fait dans le budget 2000 et la mise à jour. Nous pourrons peut-être revenir sur cette question si nous avons le temps, mais j'aimerais poser une question à l'ICCA.

En ce qui concerne le projet de S-11, sur la Loi canadienne sur les sociétés par actions, j'imagine que vous pouvez comprendre que le gouvernement ne veut pas aller beaucoup plus loin que cela dans ce projet de loi-ci. L'un des premiers projets de loi d'initiative privée que j'ai présentés concernait la responsabilité des administrateurs, le mécanisme de défense applicable à l'obligation de prudence et de diligence, qui a finalement été inclus dans Loi canadienne sur les sociétés par actions. Je devrais peut-être le savoir, mais pouvez-vous nous dire où se situe ce projet de loi dans ce processus? Je crois que l'on craignait d'aller trop loin avant que ce ne soit adopté par le Parlement.

M. Graeme Rutledge: Certainement. Sur ce point particulier, je crois que le projet de loi S-11 a été en deuxième lecture.

M. Roy Cullen: Au Sénat.

M. Graeme Rutledge: Pour ce qui est des recommandations de notre mémoire, nous comprenons que l'on ne peut pas aller plus loin que les amendements à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il serait intéressant d'inclure la responsabilité proportionnelle dans le projet de loi C-8 mais nous reconnaissons que ce n'est pas faisable étant donné les délais à respecter et les priorités fixées. Comme on l'a dit très tôt au cours de cette réunion, il faut absolument que les dispositions législatives sur la réforme financière progressent, et nous l'admettons parfaitement. Cependant, nous savons que le gouvernement intégrera, dès que ce sera possible, les dispositions sur la responsabilité proportionnelle aux lois sur les institutions financières.

• 1720

M. Roy Cullen: Bon. Merci. Et vous l'avez sans doute signalé, mais je n'étais pas là et je vous prie de m'en excuser.

Venons-en maintenant aux PCGR et aux NVGR. Je trouve l'argument concernant les PCGR plus convaincant que celui en faveur des NVGR, si je peux utiliser cette expression. À propos des PCGR, vous nous avez cité le cas où le BSIF a enjoint certaines banques d'augmenter leur provision pour pertes sur prêts et d'imputer ces augmentations aux capitaux propres, en contournant la présentation des états financiers. Or, j'ai l'impression que, pour des raisons prudentielles, on a manifestement pensé qu'il était justifié d'augmenter ces provisions pour pertes sur prêts, mais est-ce qu'il ne s'agit pas d'une sorte d'amendement consistant à dire: «Nous n'allons pas vous obliger à vous faire critiquer pour votre état de revenus. Vous suivez normalement les NVGR. Nous allons imputer cela directement aux bénéfices non répartis»? Pourquoi cela poserai-t-il un problème?

M. Graeme Rutledge: Je vais demander à Tricia O'Malley de poursuivre là où je me suis arrêté.

Mme Tricia O'Malley: Je pense que ce qui nous préoccupe le plus, c'est que cette dérogation a été utilisée dans trois cas: deux banques une année et une une autre année. Il est parfaitement clair d'après leur réaction que la presse financière et d'autres investisseurs ont trouvé très difficile de prendre des décisions d'investissement ou de faire des comparaisons entre les résultats de certaines banques qui accroissaient leur provision pour pertes sur prêts, suivaient les PCGR, et inscrivaient cela dans les résultats de leur exercice, et ceux des autres banques qui ont suivi cette voie sur les directives du Surintendant. Et il nous semble curieux, à nous en tout cas, qu'une disposition qui, d'après notre mémoire institutionnelle collective, avait essentiellement été incluse au départ dans la loi pour atténuer l'inquiétude concernant un risque systémique—dans le cas où, pour une raison quelconque, il ne serait pas prudentiel pour l'ensemble du secteur des institutions financières de suivre les PCGR—soit maintenant utilisée de façon sélective dans certains cas particuliers, et serve essentiellement de carotte pour récompenser un bon comportement, si je puis m'exprimer ainsi. Si vous augmentez vos provisions pour pertes sur prêts comme nous le voulons, nous allons vous laisser imputer ces augmentations aux bénéfices non répartis, par exemple, plutôt qu'aux résultats de votre exercice.

Il s'agit donc de savoir pourquoi on peut considérer que c'est nécessaire pour certaines institutions mais pas pour d'autres.

M. Roy Cullen: Bon. Merci. Voilà qui est utile.

Au fait, je crois que vous faites du bon travail sur cette notion de regroupement par opposition à l'achat. Nous avions une situation qui constituait une entrave pour de nombreuses entreprises canadiennes, les banques canadiennes en particulier, et j'ai l'impression que nous sommes maintenant en train de nous tourner vers une méthode plus américaine, comme à l'ICPAC ou à la SEC, une forme d'acquisition de bon gré. Je crois que ce que les institutions financières attendaient, c'était une égalisation des règles, et c'est ce qui a l'air de se passer. Pourriez-vous nous faire rapidement le point sur cette question?

Mme Tricia O'Malley: Certainement. C'est le travail de mon conseil. Nous collaborons actuellement avec nos homologues, qui élaborent les normes aux États-Unis, et nous espérons avoir une norme nord-américaine commune d'ici la fin de juin.

M. Roy Cullen: Bien.

Mme Tricia O'Malley: En gros, on va uniformiser les règles. La norme américaine va à peu près s'aligner sur ce que nous faisons depuis de nombreuses années. Et nous évoluons dans une direction totalement nouvelle sur la question des transactions de bon gré, mais le message le plus important, c'est que, d'ici le 30 juin, si tout se passe comme nous l'espérons, nous aurons la même norme comptable pour les regroupements d'entreprises des deux côtés de la frontière.

M. Roy Cullen: Bien. Merci. Je ne sais pas si M. Rutledge...

Le président: Monsieur Rutledge.

M. Graeme Rutledge: M. Rutledge va ajouter une petite remarque ici, sur la question que vous avez posée au sujet de ces trois banques et des provisions pour pertes sur prêts. Je crois qu'on a parfaitement raison de parler d'égaliser les règles du jeu car ce qui s'est passé dans le cas de ces trois banques, c'est que de nombreux petits investisseurs ne comprenaient pas quel était le revenu de ces établissements qui avaient profité de cet arrangement, comme vous dites, que leur avait consenti le Surintendant.

À l'époque, il y a eu des quantités d'articles dans la presse où l'on se demandait comment l'investisseur réagissait à ce genre de choses. Je crois que ce dont il s'agit vraiment ici, c'est d'égaliser les règles du jeu en matière de principes comptables généralement reconnus.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Madame Swift.

Mme Catherine Swift: Quand on étudie les questions de fiscalité, on examine le fardeau fiscal total. Bien sûr, tous les paliers du gouvernement interviennent à diverses étapes. Et il est vrai qu'au niveau fédéral, on constate récemment une évolution positive du régime fiscal des PME et des particuliers. Car je suis certaine que vous savez tous parfaitement que les PME accordent beaucoup d'importance à l'impôt sur le revenu des particuliers; en fait, cela a été notre objectif numéro un de réduction des impôts l'an dernier. Et les charges sociales sont toujours un problème, le RPC. En fait, les charges sociales ont augmenté cette année au niveau fédéral, et même dans certains cas au niveau provincial.

• 1725

Pour ce qui est des impôts fonciers, là encore ce n'est pas vraiment votre domaine, mais chaque palier de gouvernement a une influence sur ce qui se passe aux autres paliers, et notre facture d'impôts fonciers au Canada est en fait la plus lourde au monde. Par conséquent, nous sommes particulièrement pénalisés dans ce domaine, et ce sont les PME qui paient une bonne partie de cette facture. C'est pourquoi nous faisons de gros efforts aussi au niveau municipal pour essayer d'améliorer la situation sur ce front.

Évidemment, c'est surtout du côté de nos voisins du Sud que les défis sont les plus importants.C'est bien gentil de nous comparer à la Suisse, mais c'est un détail dans le tableau d'ensemble, c'est insignifiant. Ce sont les États-Unis qui comptent; et quand je vois les plans du gouvernement qui a été élu récemment—de peine et de misère—en matière fiscale... Les gains en capital—là encore, il y a eu des améliorations au Canada, mais cela ne se fait que depuis quelques mois.

Il est donc clair que nous sommes sur la bonne voie, mais je crois qu'en matière financière il est toujours important de ne pas perdre de vue le fait que, par exemple, les fonds de capital de risque des travailleurs bénéficient d'un traitement fiscal incroyablement favorable. Nous n'avons jamais compris cela. Nous n'avons jamais eu cet avantage dans notre secteur de l'économie. De toute évidence, pour les choses qui sont cotées en bourse, il y a toutes sortes d'avantages fiscaux.

Il y a une chose que nous disons depuis des années et que nous allons continuer à dire: pourquoi ne pourrions-nous pas mettre sur pied des mesures correctement énoncées dans des lois et des règlements qui permettraient aussi aux représentants du secteur non inscrit, c'est-à-dire le nôtre, d'encourager les placements en action sans devoir être représentés à la bourse dans le contexte d'un fonds de travailleurs, ou quelque chose d'analogue?

En résumé, les choses vont dans la bonne direction, mais je pense que nous n'en avons pas encore terminé avec la rénovation de notre système fiscal au Canada.

Le président: Merci, mais en fait, nous en avons terminé.

Mme Catherine Swift: Non. Voilà qui fait plaisir.

Le président: Monsieur Peschisolido.

M. Joe Peschisolido: J'aimerais revenir sur une question que mon collège, M. Epp, a posée tout à l'heure aux représentants de l'ICCA, à propos des dispositions de dérogation.

Vous dites que c'est une mesure extraordinaire. Quand on recourt à une mesure extraordinaire, en général c'est parce que les retombées positives l'emporteront sur les inconvénients que cela entraînera manifestement. C'est pour cela que c'est quelque chose d'extraordinaire. Avez-vous des exemples pour nous montrer que cette autorisation de dérogation accordée à une banque peut se traduire par des effets globalement positifs?

Mme Tricia O'Malley: Comme je le disais tout à l'heure en réponse à l'un de vos collègues, quand on a inscrit cette disposition dans la loi, l'intention était de l'utiliser dans les cas où l'application généralisée des PCGR au secteur des services financiers risquerait de créer des inquiétudes au sujet de la solvabilité ou de la stabilité des institutions. Le Surintendant pouvait alors se dire: Oh là là, si l'on présente le rapport de cette façon-là, on risque de donner une impression erronée de tout le secteur et peut-être de déclencher une panique bancaire et de provoquer l'effondrement de tout le système, donc il faut recourir à la disposition de dérogation pour préserver l'intégrité du système.

En fait, cette disposition n'a jamais servi à cela. Je crois que c'est ce qui nous dérange: la façon dont elle a été utilisée n'a fait qu'accroître la difficulté pour les investisseurs et les autres détenteurs de titres du secteur financier de comprendre vraiment ce qui se passait.

D'autre part, dans la foulée de ce que disait Mme Swift quand elle faisait remarquer que ce qui compte en gros pour nos institutions, c'est ce qui se passe chez nos voisins du Sud—et la question de l'égalisation des règles du jeu et celle des regroupements d'entreprises en sont de très bons exemples—je préciserais qu'en gros, cette dérogation ne peut plus être utilisée désormais dans le cas de toutes les grandes banques qui sont cotées aux États-Unis.

M. Joe Peschisolido: Donc, le problème, ce n'est pas l'existence même de cette dérogation. Ce qui vous dérange, c'est qu'il n'y a pas de critères clairs et que cette disposition pourrait être utilisée de façon abusive ou d'une façon qui ne serait pas conforme à l'intention initiale?

• 1730

Mme Tricia O'Malley: Effectivement, et l'autre problème à notre avis, c'est que nous ne voyons pas la nécessité de cette disposition, du moins au niveau des sociétés de portefeuille. En vertu de la loi, le responsable de la réglementation des institutions financières peut exiger de ces institutions toutes les informations dont il a besoin pour faire son travail, c'est-à-dire protéger la sécurité et l'intégrité du système. En revanche, les investisseurs de ces sociétés de portefeuille ne peuvent pas obtenir d'information des institutions, à l'exception des états financiers. Les états financiers généraux sont leur seule et unique source d'information. Or, ces états ne sont pas forcément les mêmes dans le cas des sociétés de portefeuille réglementées que dans le cas des sociétés de portefeuille non réglementées qui détiennent des institutions financières.

Par exemple, jusqu'à récemment, Canada Trust appartenait à IMASCO. Il n'y avait pas de dérogation pour cette société de portefeuille. Il n'y avait pas de dérogation pour Power Financial, qui détient la Great-West Life Insurance Company et Investors. Mais il pouvait y avoir dérogation dans le cas d'une société de portefeuille réglementée. Par conséquent, quelqu'un qui essaie de choisir entre deux sociétés de portefeuille de services financiers pour investir se trouve en fait à essayer de comparer des pommes et des oranges.

À notre avis, cette dérogation est parfaitement superflue au niveau des sociétés de portefeuille.

M. Joe Peschisolido: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: J'aimerais poursuivre une petite idée que j'ai eue.

Je m'adresse aux gens d'affaires, et aussi, j'imagine, aux vendeurs de quincaillerie. Vous avez parlé de responsabilité, de souci de la protection du consommateur, du particulier, de la PME, mais vous ne semblez pas vous préoccuper particulièrement de la situation de l'ombudsman des services financiers prévue au projet de loi C-8.

Dans le projet de loi, on dit qu'il y aura un ombudsman, mais qu'il sera financé par les banques. Cela me dérange un peu. J'ai l'impression que si ce sont les banques qui paient cet ombudsman, elles vont se servir de lui dans leur système de défense.

Nous autres députés, nous entendons quelquefois dans nos circonscriptions des histoires d'horreur sur des banques qui font pression sur les citoyens. Je crois que quelquefois les banques abusent de leurs privilèges en obligeant des personnes à signer des décharges pour éviter la faillite, en leur demandant de renoncer à tous leurs autres droits, ce genre de choses. Un ombudsman pourrait s'occuper de ce genre de choses, mais si ce sont les banques qui le paient, cela paraît un peu louche.

Pourquoi n'avez-vous pas posé la question? Cela ne vous dérange pas? C'est moi qui me fais des idées?

M. Brien Gray: Je suis heureux que vous souleviez cette question. Si nous n'en avons pas parlé dans notre intervention, c'est simplement parce que la FCEI a fait connaître depuis bien longtemps son point de vue clair sur l'ombudsman. Peut-être qu'en fait vous n'êtes pas au courant de notre position sur cette question, monsieur Epp.

Je me souviens de l'époque où on a commencé à suggérer cette idée d'un ombudsman, au milieu des années 90, où ce mot a commencé à être susurré au ministère des Finances. En fait, les ministres Martin et Manley ont demandé à Phil O'Brien et à moi-même, qui étions les coprésidents du Comité de travail des PME à l'époque, ce que nous penserions de la mise en place d'une institution gouvernementale chargée de desservir et de protéger les petites entreprises et autres consommateurs.

Ce qui était envisagé, c'était un énorme appareil monstrueux truffé d'une pléthore de bureaucrates fédéraux. Nos membres ont toujours estimé que nous n'avions pas besoin d'un gigantesque appareil gouvernemental pour faire fonctionner ces services vitaux de façon efficace. Ce que nous avons répondu à ces deux ministres à l'époque, c'est qu'il fallait au contraire laisser au secteur lui-même la chance de prouver qu'il était capable de s'autoréglementer et de servir sa clientèle avec honnêteté, intégrité et justice.

En toute équité pour M. Lauber et le Bureau de l'ombudsman, je dirais qu'il a fait le meilleur travail possible compte tenu des circonstances. Je pense que les paramètres du Bureau de l'ombudsman sont encore trop étroits. La plupart des plaintes que nous recevons à notre organisation concernent des décisions arbitraires sur des demandes de crédit et des questions de ce genre.

• 1735

Bien que j'estime que personne ne devrait se mêler des décisions d'une institution financière en matière de crédit, je pense qu'il serait souhaitable d'avoir beaucoup plus de latitude de persuasion, beaucoup plus de souplesse pour faire rectifier des décisions qui semblent arbitraires. À cet égard, je serais favorable à tous les efforts qui pourront être faits du côté de M. Lauber. Je crois qu'il travaille actuellement avec certaines provinces—c'est assez complexe, car on ne peut pas légiférer sur cet appareil. Il y a d'un côté la compétence provinciale et de l'autre la compétence fédérale. Alors on peut essayer d'intervenir au niveau fédéral, avec des lois très envahissantes, mais à ce moment-là les sociétés de fiducie et les coopératives de crédit vont faire la grimace.

Ce que je préférerais, ce serait un conseil d'administration qui ne serait pas contrôlé par les banques ni d'ailleurs par les compagnies d'assurances. Certes, il faudrait que ce secteur soit représenté, pour pouvoir répondre efficacement, mais à mon avis le conseil d'administration devrait être dominé par des représentants des consommateurs.

Le président: Vous avez d'autres question, monsieur Epp?

M. Ken Epp: En fait, monsieur Elliott...

M. Robert Elliott: Pour en revenir à l'organisation mentionnée dans votre question et au sujet de la protection des consommateurs et en particulier des petites entreprises, nous disons dans notre mémoire que nous sommes avons réagi favorablement à cette initiative. Nous sommes heureux de constater que votre comité accueille aussi cette idée de manière positive.

À notre avis, il faudrait renforcer les dispositions. Nous pensons qu'il faudrait attendre pour adopter le projet de loi que ce bureau soit opérationnel et qu'il ait commencé à assurer cette protection. Je crois que ce sera très important pour les consommateurs.

M. Ken Epp: Cela ne vous dérange pas qu'il soit financé par les institutions elles-mêmes?

M. Robert Elliott: Cela ne nous préoccupe pas énormément à ce stade.

M. Ken Epp: Bien. Merci.

Le président: Merci, monsieur Epp. Y a-t-il d'autres questions?

Dans ce cas, au nom du comité, je vous remercie. Vous nous avez proposé certaines modifications, mais le message que je retire surtout de vos interventions, c'est que la mise en oeuvre et le suivi de ce projet de loi seront extrêmement importants. Nous ne l'oublierons pas. Encore une fois, merci.

La séance est levée.

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