Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 décembre 2001

• 0934

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour.

[Français]

Bonjour tout le monde.

[Traduction]

Je déclare ouverte la 58e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Ce matin, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons effectuer l'examen prévu dans la loi des dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux.

• 0935

J'espère que nous parviendrons, ce matin, à nous familiariser avec tout ce dossier de sorte à effectuer l'examen dans l'esprit prévu à l'origine... c'est-à-dire, il y a déjà trop longtemps. S'il est un aspect qui a eu un fort retentissement sur les délibérations de ce comité au sujet du projet de loi C-36, c'est bien le sérieux qui caractérise le processus d'examen prévu dans la loi. Nous sommes donc tenus d'aborder avec tout autant de sérieux l'examen des dispositions du Code criminel concernant les troubles mentaux, obligation qui nous amène à entamer ce processus.

Je me réjouis de constater que les députés sont parvenus à trouver leur chemin ce matin et surtout de retrouver des députés de la majorité parce qu'après les avoir vus hier soir, je pensais qu'ils seraient absents ce matin.

Sur ce, j'invite Mme Kane, qui pilote le processus pour le gouvernement, à prendre la parole. Profitez-en, Madame, pour nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Catherine Kane (avocate-conseil, Centre de la politique concernant les victimes, ministère de la Justice): Bonjour monsieur Scott et bonjour aux membres du comité.

Je suis accompagnée de Greg Yost et de Doug Hoover, tous deux avocats à la section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice. Je m'appelle Catherine Kane et je suis avocate-conseil à la même section.

Je pilote le dossier des troubles mentaux depuis sept ans environ et, à l'heure où vous allez entamer l'examen de ces dispositions, je dois vous dire qu'une partie de mes responsabilités sera transférée à mes collaborateurs, Me Yost et Me Hoover. Ils m'accompagnent aujourd'hui, car nous devons tous pouvoir suivre les délibérations du comité et vous fournir les renseignements supplémentaires dont vous aurez besoin au fur et à mesure que vous entendrez d'autres témoins dans le courant de vos délibérations.

Je me propose, ce matin, de vous donner un aperçu de la partie XX.1 du Code criminel, qui est en fait la disposition concernant les troubles mentaux. Je vais essayer de ne pas trop entrer dans le détail, parce qu'il s'agit d'une partie relativement complexe du Code criminel qui codifie toute la procédure régissant les personnes qui ne sont pas criminellement responsables, qui sont inaptes à subir leur procès. Si vous estimez que j'entre trop dans le détail et que mon discours devient ennuyeux, faites-moi un signe pour m'inciter à passer à autre chose. Comme je le disais, nous pourrons toujours revenir sur tout cela plus en détail une fois que vous aurez entendu ce que les témoins ont à vous dire, si vous avez bien sûr besoin de renseignements précis sur des aspects particuliers.

Le président: Je rappelle aux membres du comité que c'est à moi qu'il revient de faire d'éventuels signes.

Mme Catherine Kane: D'autant que je vous vois bien.

Comme je le disais, je me propose de dresser un bref historique de la situation, de vous expliquer comment ces dispositions ont été adoptées. Je vous donnerai un aperçu de la partie XX.1 du Code, vous expliquerai à qui elle s'applique, comment on établit que des personnes ne sont pas aptes à subir leur procès, comment on juge qu'elles ne sont pas criminellement responsables, quelles protections ces dispositions accordent aux accusés et quelles sont les protections sur le plan de la sécurité du public.

Trois dispositions n'ont pas été promulguées, soit celles concernant la détention maximale, les accusés dangereux atteints de troubles mentaux et les ordonnances de détention dans un hôpital. Je commencerai par vous expliquer de quoi il s'agit, après quoi je vous donnerai les raisons pour lesquelles elles n'ont pas été promulguées. Je vous parlerai aussi de quelques causes récentes qui ont permis d'expliciter quelque peu la façon dont cette partie doit être interprétée, causes qui vont beaucoup contribuer à guider les tribunaux et les commissions d'examen dans leur travail. Je vous en citerai quelques-uns et attirerai votre attention sur certaines questions soulevées par les témoins que nous avons entendu au fil des ans, à l'occasion de nos consultations auprès de nos homologues provinciaux et territoriaux, des présidents des commissions d'examen, des administrateurs d'hôpitaux et autres.

La loi modifiant les dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux est entrée en vigueur en février 1992. À l'époque, on avait eu l'impression que cette adoption était le résultat d'une procédure accélérée à la Chambre, tandis qu'elle découlait de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Swain, l'été précédent. Dans son jugement, la Cour avait déclaré inconstitutionnel l'ancien régime qui régissait les personnes trouvées non coupables pour aliénation mentale. Cependant, un travail approfondi avait été effectué dans les 10 années précédentes en vue d'imaginer un nouveau régime pour régir les personnes atteintes de troubles mentaux.

Dans le rapport qu'elle a déposé en 1976, la Commission de réforme du droit formulait 42 recommandations. Le ministère de la Justice avait lancé un projet sur les troubles mentaux et le projet de loi visant à modifier le Code criminel, déposé en 1986, signalait l'intention des autorités de modifier le régime et de donner à la population la possibilité de réagir aux dispositions proposées.

• 0940

Ainsi, quand la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel le régime précédent, elle n'a pas laissé le gouvernement ni le Parlement dans une situation où tout était à faire. Les choses étaient déjà bien enclenchées et la loi a pu être rapidement déposée peu de temps après. Cependant, les travaux du comité ont peut-être été un peu retardés, ce qui a inquiété certains témoins qui devaient comparaître devant lui. Cette situation continue sans doute de les préoccuper, parce qu'ils estiment n'avoir pas été entendus sur certaines des questions qu'ils auraient voulu soulever, il y a 10 ans. Je m'attends donc à ce que certaines questions resurgissent, comme celle du pouvoir des commissions d'examen.

Dans la décision Swain, la Cour a estimé que le régime—qui consistait à ordonner la détention automatique d'une personne, «au bon plaisir» du lieutenant-gouverneur, après que celle-ci eut été reconnue non coupable pour aliénation mentale—violait les droits de l'accusé en vertu de la Charte. À l'époque, aucune audience n'était prévue pour décider du sort de l'accusé, pour déterminer s'il représentait ou non une menace publique et s'il fallait ou non le soumettre à un traitement. La détention était automatiquement prononcée, «au bon plaisir» du lieutenant-gouverneur, et elle se traduisant souvent par une peine lourde qui n'était soumise à aucune révision.

L'autre disposition fautive tenait au principe voulant que la Couronne puisse arguer de l'aliénation mentale de l'accusé, même si celui-ci ne se prévalait pas de cette défense. La Cour a trouvé que cette pratique violait le droit de l'accusé à mener sa propre défense. Ainsi, la nouvelle règle de droit commun, établie par la Cour, veut que la Couronne ne puisse fournir des preuves de l'aliénation mentale de l'accusé que si ce dernier a effectivement plaidé cette défense. Il demeure que, si la Couronne établit que l'accusé a bien commis l'infraction qu'on lui reproche, elle peut, après le dépôt de sa preuve, soulever la question de l'état mental de l'accusé si un verdict spécial s'impose. Voici donc les deux grandes caractéristiques qu'on retrouve dans le nouveau régime.

Le nouveau régime régit les personnes jugées aptes à subir leur procès et celles pour lesquelles on rend un verdict de «non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux», expression qui remplace la «non-culpabilité pour cause d'aliénation mentale». Ce changement de terminologie traduit le fait qu'il n'est pas nécessaire de décréter la responsabilité criminelle d'une personne souffrant de troubles mentaux, qui n'apprécie pas la nature ni les conséquences de ses actes et qui n'est pas consciente de faire quelque chose de mal. Il s'agit-là d'un très vieux principe de notre droit pénal remontant aux règles McNaughten de 1843. Le critère fondamental n'a pas été modifié, mais la terminologie a été modernisée.

Le trouble mental est défini comme une «maladie mentale». Il s'agit d'une décision juridique que le juge doit rendre sur la foi des preuves médicales qui lui sont fournies. La simple impression que la personne est un malade mental ne suffit donc pas et de solides preuves médicales s'imposent.

Le régime traite également des personnes qui sont trouvées inaptes à subir leur procès. Cette inaptitude n'est décrétée que pour la période concernant les procédures judiciaires et elle consiste à établir l'absence de responsabilité criminelle au moment où l'infraction a été commise. On dit qu'une personne est inapte si, pour raison de troubles mentaux, elle n'est pas en mesure de comprendre la nature ni l'objet des procédures entreprises contre elle, de saisir les conséquences du procès ni de communiquer avec son avocat pour l'organisation de sa défense.

La question de l'aptitude de l'accusé peut être soulevée n'importe quand. Il n'est pas nécessaire de le faire au début du procès, et elle peut intervenir en cours de procédure. Dès qu'elle est invoquée, on constitue un mini-jury qui est chargé de déterminer si tel est le cas. Si la personne est trouvée inapte, le procès ne peut continuer et les actes de procédure sont abandonnés. Le sort de la personne dépend alors de la décision du tribunal ou de la commission d'examen, tout comme dans le cas des personnes pour lesquelles la non-responsabilité criminelle est établie.

Les dispositions sur l'inaptitude prévoient, par ailleurs, que le tribunal peut rendre une ordonnance de traitement. S'il est convaincu qu'un traitement est susceptible de rendre la personne apte à subir son procès, il peut ordonner une telle intervention pour une durée maximale de 60 jours. Les personnes soumises à ce régime repassent ensuite devant le tribunal qui doit déterminer si elles sont devenues aptes.

Dans la négative, une décision en ce sens est rendue et la Couronne doit resoumettre sa cause au tribunal tous les deux ans afin de déterminer si elle dispose encore des éléments nécessaires prouvant la solidité de ses griefs contre l'accusé, pendant sa période d'inaptitude. Si la Couronne ne parvient pas à établir que tel est le cas, le juge peut acquitter la personne inapte. Cependant, ni les tribunaux ni les commissions d'examen ne disposent des pouvoirs statutaires nécessaires pour ordonner la relaxe d'une personne inapte.

• 0945

La Couronne doit avoir l'occasion d'établir son grief et d'obtenir du tribunal qu'il décide de l'innocence ou de la culpabilité et, éventuellement, de la non-responsabilité criminelle de l'accusé. Ce n'est pas parce qu'une personne est déclarée inapte à subir son procès qu'on doit supposer, a priori, qu'elle n'est pas criminellement responsable de ses actes. Il s'agit-là de deux décisions distinctes.

Comme je le disais plus tôt, le verdict de non-responsabilité criminelle pour trouble mental est fondé sur le vieux critère de la non aptitude à subir son procès pour cause de troubles mentaux, ce qui correspond à une maladie mentale; dans ce cas, l'accusé ne peut apprécier la nature ni les conséquences de ses actes et il ne discerne pas le bien du mal. Quand un tel verdict est rendu, toutes les dispositions de la partie XX.1 du Code criminel s'enclenchent. On considère que c'est un verdict spécial. Ce n'est pas une déclaration de culpabilité et ce n'est pas, non plus, un acquittement; en outre, le Code criminel stipule comment ce verdict doit être rendu.

Par exemple, lors de l'audience de libération conditionnelle d'un prévenu ayant été condamné pour un autre crime mais qui peut prétendre à une libération, on peut tenir compte de la non-responsabilité criminelle pour la deuxième infraction, mais pas de la même façon que pour la première et seulement dans les limites du risque que présente le prévenu.

Une fois que le verdict de non-responsabilité criminelle ou d'inaptitude est arrêté, le tribunal ou la commission d'examen rend une décision. Il existe des commissions d'examen dans chaque province et chaque territoire. Celles-ci sont composées d'équipes multidisciplinaires. Le président est un juge ou toute personne admissible à la fonction de juge. La commission doit être composée d'un psychiatre ou d'un autre spécialiste des questions de santé mentale, ainsi que de profanes qui représentent d'autres disciplines. Le quorum des commissions d'examen est fixé à trois personnes sur un minimum de cinq membres. Pour qu'il y ait quorum, il faut que le psychiatre ou le médecin et l'autre membre de formation juridique soient présents.

Si le tribunal ne rend pas de décision—tout de suite après l'étape du verdict, tout comme il peut arriver qu'il n'impose pas de peine à la personne reconnue coupable—il peut s'en remettre à la commission d'examen. Cela se produit le plus souvent quand il a l'impression qu'il y a lieu de recueillir d'autres preuves afin que la bonne décision puisse être prise. Si tel est le cas et que le tribunal ne rend pas de décision, la commission d'examen dispose de 45 jours pour ce faire.

Même quand le tribunal rend une décision parce qu'il estime avoir suffisamment d'informations—par exemple, s'il décide d'ordonner la détention en milieu hospitalier—la commission d'examen dispose tout de même de 90 jours pour revoir la décision en question, examiner les informations dont disposait le tribunal et déterminer s'il y a lieu de changer quoi que ce soit dans la décision prise.

Comme je le disais, ce régime comporte plusieurs protections pour l'accusé et pour la population. Il s'agit d'un code complet de procédure qui régit les deux catégories de prévenus dont je viens de parler. Il énonce les procédures d'audience par les commissions d'examen, les dispositions relatives aux avis d'audience, les informations pouvant être soumises à la commission, la détermination des parties, etc. Il renferme aussi des dispositions en matière d'appel. On y trouve aussi les dispositions concernant les transferts et les mandats. Les modifications nécessaires relatives à la non-responsabilité criminelle et à l'inaptitude concernent essentiellement tout ce qui est dit dans le Code criminel à propos des personnes reconnues coupables.

Ce régime est, cependant, quelque peu différent de l'ancien. Nous retrouvons maintenant des peines en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, si bien qu'une personne peut être accusée par déclaration sommaire et être trouvée criminellement non responsable. Cette disposition est à l'origine d'une très nette augmentation du nombre de personnes placées sous la surveillance des commissions d'examen.

Le tribunal est autorisé à ordonner une évaluation psychiatrique afin de déterminer si le prévenu est apte à subir son procès et s'il est criminellement responsable, et d'établir la décision qu'il y aura lieu de rendre dans son cas.

Du côté de l'accusé, la décision rendue à son égard fait l'objet d'examens réguliers. Si son absolution n'a pas été décrétée d'entrée de jeu, son dossier est examiné tous les 12 mois au moins ou dès que lui-même, l'administrateur de l'hôpital ou toute autre personne chargée de le superviser en fait la demande. S'il constate un changement quelconque dans l'état mental du prévenu, qu'il s'agisse d'une amélioration ou d'une détérioration, la commission d'examen se réunit de nouveau et réexamine la décision concernant la personne.

• 0950

Il est donc toujours possible, soit de desserrer un peu l'étreinte, soit au contraire de restreindre davantage la liberté de l'accusé, toujours d'après les mêmes critères énoncés dans le Code. J'y reviendrai dans un instant.

Comme je le disais, des commissions d'examen ont été créées dans chaque province. Les membres qui en font partie sont normalement nommés par le lieutenant-gouverneur de la province et ils disposent des mêmes pouvoirs que ceux d'une commission d'enquête établie en vertu d'une loi provinciale.

Le pouvoir de décision de la commission d'examen ou du tribunal est énoncé, en deux temps, à l'article 672.54. On y trouve d'abord un aperçu des éléments que le tribunal ou la commission d'examen doit considérer, puis sont mentionnés les critères particuliers à appliquer. Le tribunal ou la commission d'examen doit tenir compte: de la nécessité de protéger le public contre des personnes dangereuses; de l'état mental de l'accusé sur le moment; de sa réintégration possible dans la société et de tout autre besoin qu'il pourrait avoir. La décision doit être la moins sévère et la moins privatise de liberté possible.

Après avoir pris tous ces facteurs en considération, le tribunal ou la commission d'examen peut rendre trois types de décision. Intervient d'abord le verdict de non-responsabilité criminelle pour troubles mentaux. Il n'est pas possible de décréter la relaxe absolue de la personne déclarée inapte à subir son procès. Celle-ci ne peut être décrétée que si l'accusé ne constitue pas de menace importante sur le plan de la sécurité publique. La jurisprudence récente renferme de nombreux cas susceptibles de nous guider sur la façon d'interpréter cette disposition.

Le tribunal ou la commission d'examen peut décider de la libération de l'accusé à certaines conditions. Ainsi, on peut exiger que la personne se présente toutes les semaines à un hôpital psychiatrique ou vive dans une sorte de maison de transition, ou encore réside dans un hôpital psychiatrique en ayant la possibilité d'aller et venir sous supervision.

Il est aussi possible d'ordonner la détention de l'accusé dans un hôpital, comme un hôpital médico-légal. On pensera, à ce sujet, à Penetanguishene et à Oak Ridge, en Ontario. Il s'agit d'installations psychiatriques désignées pour accueillir des patients en détention, sur décision d'un tribunal ou d'une commission d'examen.

Comme je le disais, le projet de loi C-30 contenait à l'origine trois dispositions qui n'ont pas été promulguées: celles concernant les ordonnances de détention dans un hôpital, la détention maximale et les accusés dangereux atteints de troubles mentaux.

Les ordonnances de détention dans un hôpital visaient les personnes reconnues coupables, mais pas celles dont la non-responsabilité criminelle était établie. Cette disposition avait été incluse dans le régime parce qu'elle constituait un mécanisme s'adressant aux personnes condamnées et jugées atteintes de troubles mentaux au moment de leur inculpation. Elles auraient donc été trouvées criminellement responsables de leurs actes, mais il aurait fallu tenir compte de la détérioration de leur état mental. Plutôt que d'être emprisonnée, ces gens-là auraient été envoyés dans un centre psychiatrique pour une période maximale de 60 jours.

Ces dispositions étaient relativement bien rédigées pour ne pas s'appliquer à tous les délinquants. Par exemple, elles ne se seraient pas appliquées à une personne reconnue coupable de meurtre ni à celles condamnées à moins de 60 jours de détention. Il aurait donc fallu se situer entre la condamnation de plus de 60 jours et la condamnation pour un motif moindre qu'un meurtre. Il aurait également fallu qu'à l'occasion du séjour de 60 jours dans un centre psychiatrique, on constate une amélioration de l'état mental de la personne qui aurait dû, en partant, se trouver en phase aiguë d'une maladie mentale.

Les limites étaient donc relativement bien établies et, au moment où l'on envisageait de faire adopter cette loi, des provinces songeaient à adopter des programmes pilotes. Cela ne s'est pas fait parce que, avec le temps, les provinces se sont rendu compte qu'elles pourraient de toute façon conclure des ententes avec le Service correctionnel du Canada ou avec leurs propres centres provinciaux. De tels transferts d'accusés dans des centres psychiatriques ont été faits de façon informelle, dans le cadre de leur peine. Ainsi, ces dispositions n'ont pas été promulguées et jamais aucun groupe n'a fait pression pour qu'elles le soient.

Les deux autres dispositions concernent la détention maximale et les accusés dangereux atteints de troubles mentaux, mais elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Il serait possible d'en promulguer une et pas l'autre.

• 0955

À l'origine, la notion de détention maximale devait établir une certaine équivalence dans le Code criminel—en matière de privation de liberté—, entre la façon dont sont traitées les personnes reconnues coupables et celles qui sont déclarées criminellement non responsables. On a songé à imposé une limite à la détention pour à ne pas aller trop loin dans la privation de liberté.

Par exemple, une personne reconnue coupable d'une agression sexuelle grave, mais déclarée criminellement non responsable, aurait p recevoir une peine de 10 ans assortie d'un plafond de 10 ans également. À l'expiration des 10 années, sans égard à son état mental ni à la menace potentielle qu'elle aurait représentée sur le plan de la sécurité publique, il n'y aurait pas eu d'autres choix que de la dégager complètement de la supervision de la commission d'examen. À l'époque, on s'était dit que, dans les cas d'imposition d'une sentence maximale, la loi provinciale en matière de santé mentale aurait été invoquée pour les personnes souffrant encore d'une certaine forme de maladie mentale et étant susceptibles de présenter un risque pour elles-mêmes ou pour les autres.

Les dispositions concernant les accusés dangereux atteints de troubles mentaux se voulaient un complément aux dispositions relatives à la détention maximale, car elles devaient donner la possibilité de repousser les limites automatiquement fixées si l'accusé s'avérait dangereux et atteint de troubles mentaux. Comme ces dispositions étaient parallèles à celles du Code criminel concernant les contrevenants dangereux, à l'étape du verdict, la Couronne aurait su automatiquement qu'une limite de détention s'imposait et, pour reprendre l'exemple de l'agression sexuelle grave, au bout de 10 ans l'accusé aurait dû être libéré à moins de l'être plus tôt à l'occasion d'une révision annuelle de son dossier. Au bout de 10 ans, l'accusé aurait de toute façon été relâché. Si la Couronne était, entre-temps, parvenue à prouver qu'il était un accusé dangereux atteint de troubles mentaux, elle aurait pu demander que le plafond de détention soit repoussé.

Il demeure que l'application de cette disposition était discrétionnaire et qu'il n'était absolument pas garanti que le plafond puisse être repoussé, sans compter qu'il aurait été relativement difficile à la Couronne de faire la preuve que la personne était un accusé dangereux atteint de troubles mentaux. La Couronne aurait dû prouver que l'accusé constituait une menace à la vie, à la sécurité, au bien-être physique ou mental des autres sur la foi des preuves établissant un comportement répétitif, un comportement agressif persistant ou un comportement brutal, ou encore une incapacité à contrôler ses pulsions sexuelles, ce qui aurait pu être cause de blessure ou de douleur.

Pour cela, la Couronne aurait dû invoquer cette disposition au moment du verdict et elle n'aurait pas pu le faire par la suite sur la foi de nouveaux renseignements recueillis relativement à l'état mental de l'accusé.

Quand le projet de loi C-30 a été adopté et promulgué, le ministre de la justice de l'époque a déclaré que les dispositions relatives à la détention maximale et aux ADTM seraient promulguées plus tard.

Le report de cette promulgation tenait à deux raisons: d'abord, comme le nouveau régime s'appliquait à toutes les personnes déjà prises en compte par le système et ayant été trouvées non coupables pour cause d'aliénation mentale, il fallait disposer d'un mécanisme qui permettrait de réexaminer leurs cas pour déterminer s'il y avait lieu de déclarer l'accusé dangereux et atteint de troubles mentaux. Or, si le principe de la détention maximale avait été adopté, certaines de ces personnes auraient été automatiquement remises en liberté, la disposition étant rétroactive. Ainsi, une personne détenue depuis 15 ans «au bon plaisir» du lieutenant-gouverneur aurait pu s'apercevoir que le principe de la peine maximale devait jouer rétroactivement en sa faveur; il aurait alors fallu la libérer sans qu'il soit possible de déterminer si elle constituait ou non une menace pour la société.

Il aurait fallu mettre sur pied une commission pour examiner tous les cas dans le système. En 1992, on a grossièrement évalué à 60 le nombre de dossiers du genre à examiner. Cependant, ce régime ne se serait appliqué qu'aux personnes ayant été prises en compte dans le système avant la promulgation de la loi. Dans la période de 10 ans qui s'est écoulée depuis 1992, des gens ont été pris en compte par le système, plusieurs ont été relaxés et certains demeurent sous la surveillance des commissions d'examen. Si l'on décidait de proclamer la détention maximale maintenant, il faudrait également examiner le cas de toutes ces personnes pour veiller qu'elles ne puissent être automatiquement relaxées à la suite de l'application d'une limite sur la durée de détention et s'assurer que les accusés dangereux atteints de troubles mentaux sont convoqués à une audience visant à établir le bien-fondé de leur libération éventuelle.

• 1000

La promulgation éventuelle de la détention maximale a soulevé plusieurs inquiétudes. Certains de vos témoins devraient d'ailleurs vous en parler mieux que je ne le pourrais moi-même, mais sachez essentiellement qu'il sera question de sécurité publique. L'idée que quelqu'un puisse être automatiquement remis en liberté tout en continuant de représenter une menace n'est pas sans soulever certaines inquiétudes.

La disposition relative à la détention maximale n'avait pas été adoptée à cette époque, parce qu'on voulait permettre aux provinces d'apporter les modifications nécessaires à leur loi concernant la santé mentale. À l'occasion de nos consultations avec les provinces, à la suite de la promulgation des autres parties du projet de loi C-30, il est très clairement ressorti que les lois provinciales en matière de santé mentale ne permettaient pas forcément d'appliquer la détention maximale parce qu'elles visaient d'abord à faire en sorte que les gens aillent mieux, à les traiter, normalement à brève échéance, afin de les réintégrer dans la société. Ces lois-là ne sont pas destinées à protéger le public de la même façon que le Code criminel qui se veut un mariage entre la protection du public et l'application d'un traitement approprié aux personnes souffrant de troubles mentaux. Nous avons craint qu'il soit impossible d'harmoniser à temps les lois fédérales et provinciales.

De plus, plusieurs enquêtes de coroners au cours des ans ont porté, non pas tant sur les personnes dont la non-responsabilité criminelle était établie, mais sur celles ayant été accusées et qui semblaient être atteintes de troubles mentaux. Les dispositions relatives à la détention maximale ont été invoquées dans ces enquêtes, notamment dans celles des affaires Kerr et Stephenson en Ontario.

Comme je le disais, une importante jurisprudence récente permet d'interpréter ce régime, comme les causes Lepage, Winko, Orlowski et Besse qui ont toutes fait l'objet d'une même décision de la Cour suprême du Canada en juin 1999. Bien que les situations fussent différentes, toutes ces causes présentaient plusieurs points communs, notamment la possibilité que des personnes atteintes de troubles mentaux soient détenues pour une durée indéterminée à cause de l'absence de dispositions relatives à la détention maximale. Le régime dans son ensemble était également en cause, car la Cour s'est demandée s'il était assez clair pour que les tribunaux rendent des jugements appropriés.

La décision principale concernait la cause Winko dont les trois autres découlaient. La Cour s'est essentiellement intéressée au régime actuel, autrement dit à celui qui ne prévoie pas de détention maximale et ne comporte aucune disposition sur les ADTM ni sur les ordonnances de détention dans un hôpital. La Cour s'est surtout intéressée au pouvoir de décision.

En réponse à la position de certains appelants, qui estimaient nécessaire d'assurer une équivalence de traitement entre les personnes reconnues coupables et celles qui ne sont pas criminellement responsables, la Cour a jugé cette comparaison inappropriée étant donné que les objectifs des deux régimes sont complètement différents.

Les personnes dont la non-responsabilité criminelle est établie ne sont pas punies. Le régime prévoit l'application d'un traitement associé à une évaluation individuelle visant à déterminer ce qu'il y a de mieux pour l'intéressé et ce qu'il y a de mieux aussi pour protéger la société. Dans ce dernier cas, les accusés sont punis, si c'est ce qui s'impose. Ainsi, il n'y a pas lieu de faire de comparaison entre les personnes déclarées coupables et celles dont on a établi la non-responsabilité criminelle, relativement à la privation de liberté.

Cela donne fortement à penser que le régime qui ne prévoit pas de détention maximale est tout à fait approprié, car il prévoit l'examen du dossier des personnes accusées tous les ans et leur relaxe éventuelle. En plus de cette déclaration, la Cour a proposé une interprétation des dispositions relatives à la prise de décision par les tribunaux et les commissions d'examen. Elle a précisé que, pour pouvoir décréter la détention d'une personne, le tribunal doit être convaincu que l'accusé constitue une importante menace à la sécurité publique. Sinon, c'est-à-dire s'il n'arrive pas à la conclusion formelle que l'accusé est effectivement une menace importante sur ce plan, il n'a d'autre choix que de le remettre en liberté.

La Cour a ensuite défini ce qu'il faut entendre par importante menace à la sécurité du public, précisant qu'il doit s'agir d'un risque réel, pour la population, de subir des blessures physiques ou psychologiques graves au point de ne pas être simplement banales ou gênantes, étant entendu que la conduite qui occasionne ce genre de blessures doit être criminelle par nature. Il s'agit donc là d'une norme très élevée pour décréter la détention permanente dans le cas d'une personne ayant été dégagée de sa responsabilité criminelle.

• 1005

La Cour a aussi précisé qu'il ne fallait pas présumer, a priori, que la personne accusée est dangereuse et que celle-ci n'a pas à supporter le fardeau visant à prouver qu'elle ne constitue pas une menace importante. Le fardeau de la preuve dans ce cas incombe à la Couronne.

Après avoir interprété la cause Winko, certaines commissions d'examen ont craint de devoir désormais recueillir beaucoup plus de preuves afin de rendre la décision qui s'impose. Or, les commissions d'examen n'ont pas le pouvoir d'ordonner d'évaluations médicales. Elles ont laissé entendre qu'il leur faudrait disposer d'un tel pouvoir, parce qu'elles devaient être convaincues de disposer de toutes les preuves voulues afin de pouvoir décréter, sans réserve, qu'une personne pose une menace importante, quand tel est le cas.

Dans la cause Winko, la Cour a également déclaré que la commission ou le tribunal doit avoir accès au plus large éventail possible de preuves. Ces preuves s'entendent des renseignements médicaux et psychiatriques, des informations obtenues auprès des ressources disponibles dans la collectivité—si l'accusé est susceptible d'être relâché—les données provenant d'autres services de soutien ainsi que tous les renseignements jugés nécessaires pour rendre une décision.

Depuis la promulgation du projet de loi, nous avons eu des discussions suivies avec nos homologues provinciaux et territoriaux relativement à la mise en oeuvre de cette disposition. Notre groupe se réunit en général tous les six mois ou à peu près. Nous avons ainsi dégagé plusieurs problèmes ainsi que les amendements d'ordre administratif qu'il faudrait adopter pour faciliter la mise en oeuvre de la loi.

C'est ainsi que nous avons apporté plusieurs amendements au projet de loi C-17 en 1997. Nous avons aussi apporté des amendements mineurs à l'occasion du projet de loi C-79 qui concernait les victimes. Dans le projet de loi C-15A, qui a récemment été adopté par la Chambre des communes, nous avons apporté un amendement mineur visant à combler un vide relativement aux dispositions sur les mandats. Hormis cela, nous avons suggéré que toutes les autres propositions d'amendement soient soumises à l'examen de ce comité. Je pense donc qu'on va soumettre un assortiment d'amendements d'ordre administratif et que les présidents de commissions d'examen, les psychiatres, les administrateurs d'hôpitaux et d'autres viendront peut-être vous faire part de préoccupations plus sérieuses.

Comme je le disais, un des problèmes soulevés concernait la possibilité, pour les commissions d'examen, d'ordonner des évaluations psychiatriques. L'autre question, qui est source de discussions, concerne le traitement des personnes déclarées inaptes à subir leur procès. On craint de plus en plus que celles qui sont trouvées inaptes, et qui pourraient ne jamais être déclarées aptes à cause de blessures au cerveau ou d'une incapacité chronique, demeurent trop longtemps dans le système. On craint aussi que, dans certains cas, l'obligation faite à la Couronne de faire examiner la cause prima facie tous les deux ans ne soit trop lourde. Enfin, on estime que les commissions d'examen devraient peut-être disposer de pouvoirs accrus pour recommander aux tribunaux des façons de traiter les cas de personnes déclarées inaptes à subir leur procès.

Plusieurs autres problèmes ont été soulevés dans le cas des de procédures de transfert et du traitement à appliquer aux personnes qui ne respectent pas les décisions rendues à leur égard parce qu'on ne veut pas les accuser d'infraction pénale, qui les maintiendrait dans le système pénal plutôt que de les placer sous la surveillance d'une commission d'examen. Je ne veux toutefois pas empiéter sur tous les problèmes susceptibles d'être soulevés par vos témoins. Encore une fois, je vous répète que nous allons suivre vos travaux et que nous vous fournirons avec plaisir de plus amples informations sur les questions éventuelles qui seront soulevées.

Je vais arrêter là mon survol pour me mettre à votre disposition afin de répondre à vos questions, dans la limite de mes moyens.

Le président: Merci madame Kane.

Monsieur Toews, pour sept minutes.

M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci.

Il y a une question dont vous n'avez pas parlé, mais je ne sais pas si elle concerne notre discussion. C'est le fait que l'accusé doit être conscient que ce qu'il a fait est non seulement légalement mais aussi moralement répréhensible. La Cour suprême du Canada a rendu une décision à cet égard, décision qui étend le critère traditionnel à cette dimension. Je ne sais pas si j'ai bien résumé la situation, mais il est question d'être certain que l'accusé comprenne bien que ce qu'il a fait est moralement répréhensible. Est-ce que cette décision complique les choses dans votre cas?

Mme Catherine Kane: Autant que nous sachions, elle n'a occasionné aucune complication. La décision Chaulk, rendue en 1990 suggère que le critère ne doit pas être la conscience ce qui est légalement répréhensible mais de ce qui est moralement répréhensible. La plupart des professionnels estiment que les deux éléments coïncident en général et que, ce qui est légalement répréhensible l'est aussi sur le plan moral. En revanche, ils croient qu'il serait beaucoup trop limitatif de restreindre cette définition au cas d'un accusé dont on considérerait qu'il ignorait ce qui était légalement répréhensible et qui, en fonction de son propre code moral, estimait que l'acte était moralement acceptable.

Ce concept est difficile à expliquer et je ne m'en sors sans doute pas très bien, mais je ne crois pas que cette décision ait été source de problème pour les tribunaux. En outre, la conscience de ce qui est moralement répréhensible est fondée sur les normes de la société et pas...

• 1010

M. Vic Toews: La personne en question savait que ce qu'elle avait fait était moralement répréhensible en fonction des normes courantes de la société.

Mme Catherine Kane: Eh bien, l'interprétation de ce qui est moralement répréhensible est fondée sur les normes de la société et non sur le code moral personnel de l'accusé.

M. Vic Toews: Ce faisant, il faudrait bien sûr qu'on soit aussi en présence d'une sorte de maladie mentale, n'est-ce pas?

Mme Catherine Kane: Tout à fait.

M. Vic Toews: Il n'y a donc pas que la conscience de l'acte qui importe, car celle-ci doit être couplée à une maladie mentale, n'est-ce pas?

Mme Catherine Kane: Oui. La condition préalable à tous les autres facteurs est la maladie mentale ou le trouble mental qui est défini comme une maladie mentale. C'est ce qui fait qu'une personne n'est pas consciente de la nature ni des conséquences de ses actes et qu'elle ne sait pas, non plus, que ses actes sont répréhensibles.

M. Vic Toews: Ainsi, un malade mentale conscient que ses actes sont légalement et moralement répréhensibles pourrait être reconnu coupable en vertu de cette disposition?

Mme Catherine Kane: Oui, et il faudrait le déterminer dans chaque cas, mais ce serait tout de même possible parce qu'à cause du manque de preuves, ni la Couronne ni le juge ne serait en mesure d'établir que l'accusé était conscient du caractère répréhensible de son acte.

M. Vic Toews: En fin de compte, vous venez de dire qu'il incombe à la Couronne de démontrer que toutes ces personnes ne représentent pas une menace importante.

Mme Catherine Kane: Pas du tout, dans la cause Winko, la Cour a clairement établi qu'il n'incombe pas à l'accusé de montrer qu'il ne représente pas une menace importante à la sécurité du public. Ainsi, il ne s'agit pas de procédures accusatoires. Nous serions plus en présence d'un modèle associant des démarches accusatoires et des démarches inquisitoires. Quoi qu'il en soit, il peut incomber à la Couronne de déterminer, au premier chef, que l'accusé constitue une menace importante à la sécurité du public, à moins que cela ne soit évident d'après les renseignements dont dispose le tribunal ou la commission d'examen, ou que la chose ne soit établie dans le dossier médical et dans les autres preuves portant sur la conduite de l'individu au sein de la collectivité ou en détention.

M. Vic Toews: Je vois.

Le vice-président (M. Chuck Cadman (Surrey North, Alliance canadienne)): Il vous reste quatre minutes, monsieur Toews.

M. Vic Toews: J'ai une autre question, celle-là à propos des coûts. Je suis toujours frappé par le fait que le parlement fédéral adopte des lois et impose des responsabilités aux assemblées législatives provinciales, responsabilités qui s'accompagnent de certains coûts. J'estime tout à fait contraire aux principes de notre système fédéral qu'un palier de gouvernement impose des responsabilités légales et des coûts à un autre palier de gouvernement qui constitue une entité constitutionnelle distincte.

Mme Catherine Kane: C'est la même chose à bien des égards, quand nous adoptons des amendements au Code criminel qui concernent des personnes reconnues coupables d'une infraction ou qui touchent à une poursuite intentée relativement à une infraction. Le principe du partage des pouvoirs en matière de droit pénal signifie que les provinces sont responsables de l'administration de la justice et, dans une large mesure, une fois que le verdict est rendu, de la surveillance continue de l'accusé. Celle-ci incombe en grande partie aux administrations provinciales de la justice.

M. Vic Toews: Il me semblait que ce n'est pas pour des questions d'administration de la justice que les gouvernements provinciaux s'occupent de droit pénal et de poursuites en matière de droit pénal. Cela a été clairement indiqué par la Cour suprême du Canada. Cette responsabilité découle de la délégation des pouvoirs, du Parlement fédéral aux autorités provinciales qui ont accepté ces responsabilités, et ça n'a rien à voir avec l'administration de la justice.

Mme Catherine Kane: Il est possible que je ne comprenne pas votre question. Craignez-vous que la surveillance permanente d'un accusé, déclaré non responsable sur le plan criminel, incombe aux provinces?

M. Vic Toews: Non, j'ai plutôt l'impression que nous ne pouvons pas... Je sais que cela sort un peu des cadres de votre présentation, mais je veux essentiellement savoir si vous avez eu ce genre d'échange avec les provinces et si vous avez déterminé qu'elles doivent, légalement ou constitutionnellement, assumer tous les coûts découlant de l'administration de ce programme?

Mme Catherine Kane: Les provinces administrent ces régimes tout comme elles le font pour tous les autres volets du Code criminel dont elles ont la responsabilité.

M. Vic Toews: Très bien.

• 1015

Mme Catherine Kane: D'aucuns se sont inquiétés du nombre croissant de personnes atteintes de maladie mentale qui semblent passer des systèmes provinciaux de santé mentale aux systèmes de justice pénale pour revenir ensuite dans les systèmes de santé. On a craint que ceux qui n'ont pas été traités dans les systèmes provinciaux de soins de santé n'aient pas été traités du tout. Or, une fois que quelqu'un a commis un crime, toutes les ressources sont mobilisées pour aider cette personne. Les différents ressorts ont eu des discussions au sujet des transferts à répétition entre les systèmes provinciaux de santé mentale et les systèmes de justice pénale.

Le coût que représentent les lits psychiatriques dans les établissements sécuritaires est évidemment source de préoccupation, surtout quand il n'existe pas d'installations spécialisées. Mais personne n'a soulevé la question des coûts de mise en oeuvre de ce régime, pas plus qu'au sujet des amendements apportés au Code criminel en général et qui imposent des coûts aux provinces sur les plans de la formation, de la mise en oeuvre, des services et autres.

M. Vic Toews: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci. Bonjour.

Comme premier exposé, je pense que vous avez fait le tour de la question, et ce n'est pas un sujet facile. Lorsqu'on parle de troubles mentaux, ce n'est pas évident. Je pense que vous l'avez bien démontré. Je sais qu'il y a continuellement des discussions sur différents sujets avec les territoires et avec les provinces. J'imagine que vous avez discuté directement de ce sujet. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire aujourd'hui ce qui est problématique pour les provinces et les territoires au niveau de l'application dans ce domaine?

Êtes-vous en mesure de nous dire aujourd'hui que oui, effectivement, des provinces ou des territoires voudraient qu'on modifie tel ou tel article, ou telle ou telle façon de faire de façon à atteindre une meilleure justice dans ce domaine? C'est ma première question. Elle porte sur les provinces.

Deuxièmement, je sais que vous êtes une spécialiste dans ce domaine, que vous êtes entourée de bons avocats également, que vous scrutez les jugements de la Cour suprême à la loupe, que vous voyez comment cela fonctionne. J'imagine que le ministère lui-même a déjà une idée de ce qu'on devrait apporter comme modifications, si des modifications sont nécessaires. Et si des modifications sont nécessaires, est-ce qu'on pourrait être saisis de l'orientation des modifications que vous souhaitez apporter pour qu'on puisse, non pas vérifier la légalité ou vérifier ce que vous dites, mais pour avoir cela en tête lorsqu'on recevra d'autres témoins sur ce dossier?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Voilà de bonnes questions. Nos homologues des provinces et des territoires ont bien sûr soulevé plusieurs questions intéressantes qui les préoccupent, mais il arrive qu'il n'y ait pas toujours consensus à ce sujet—ce qui préoccupe une province peut en laisser une autre indifférente. Quoi qu'il en soit, certaines demandes visent à favoriser l'application de ces dispositions ou du moins à les rendre plus efficaces, et il est certain que la ministre est tout à fait disposée à adopter des amendements dans ce sens.

• 1020

Cependant, comme je le disais, étant donné que cet examen devait être amorcé il y a deux ans déjà, la ministre voulait que le comité ait l'occasion d'effectuer cette étude sans préjuger des questions dont vous pourriez êtres saisis et sans vous soumettre des amendements en partant.

Je qualifierais certaines des modifications dont vous parlez d'amendements d'ordre administratif. Par exemple, il sera peut-être nécessaire d'adopter des dispositions relatives aux économies réalisées en cas de non respect d'une échéance. Il faut respecter certaines dates bien précises pour l'examen d'une disposition, celui-ci devant intervenir dans les 12 mois suivant l'adoption, mais le Code ne précise pas ce qui arrive quand l'échéance n'est pas respectée. Cette situation a fait sourciller certaines provinces qui croient avoir leur compétence sur certaines personnes, justement à cause de l'absence d'une disposition relative aux économies. Pourtant, cela n'a occasionné aucun problème. Pour l'instant, je qualifierais cette préoccupation de purement hypothétique.

Dans la même veine, il faut dire que les procédures de transfert sont lourdes. Le transfert intervient, par exemple, quand la famille d'une personne qui a été accusée en Ontario réside en Colombie-Britannique et qu'elle peut offrir un appui soutenu à l'intéressé. Comme il serait plus à l'aise dans cette collectivité et que son état pourrait s'améliorer, les autorités peuvent décider de le confier à la surveillance de la commission d'examen de la Colombie-Britannique. Les dispositions du Code en la matière sont très complexes et il conviendrait de les rationaliser. Voilà des amendements que nous sommes disposés à envisager.

Il y a aussi le pouvoir de remettre la procédure. Les commissions d'examen veulent être en mesure de remettre les procédures quand elles estiment avoir besoin de plus d'informations et elles se plaignent que le Code n'énonce pas quels sont leurs pouvoirs en la matière.

L'autre aspect dont je suis certains témoins vont certainement vous parler touche à la possibilité, pour les commissions d'examen, d'ordonner des évaluations psychiatriques afin de pouvoir s'appuyer sur les meilleurs renseignements disponibles à l'étape de l'examen d'une décision.

Voilà les amendements auxquels je peux penser. Il est évident que chaque fois que nous envisageons des amendements il y a des modifications accessoires qui interviennent et qu'il faut s'intéresser à bien d'autres aspects.

Les dispositions les plus controversées à propos desquelles la ministre s'en remet entièrement au comité, concernent le cas des personnes inaptes à subir leur procès. Nous nous attendons à ce que vous entendiez certains témoignages très intéressants au sujet de la population des personnes inaptes à subir leur procès de même que sur les dispositions relatives à la détention maximale et aux accusés dangereux atteints de troubles mentaux. Même si, d'après l'avis que nous avons fourni, il ne sera pas nécessaire de promulguer ces dispositions, sur la foi de la décision de la Cour suprême du Canada rendue dans la cause Winko, il se peut que votre comité veuille étudier cet aspect en profondeur.

La ministre n'a indiqué sa préférence ni dans un sens ni dans l'autre. Elle veut bénéficier des résultats de l'examen qu'effectuera votre comité.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Madame Allard, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.

Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Monsieur le président, je voudrais clarifier quelque chose avec Mme Kane. Vous avez mentionné tout à l'heure que dans l'arrêt Swain, la Couronne ne pouvait pas soulever la question de l'aliénation mentale comme défense, qu'il fallait que ce soit l'accusé qui la soulève. Est-ce que c'est cela? Je voulais juste clarifier cela avec de vous. Je trouvais un peu bizarre que la Couronne soulève elle-même la défense de l'aliénation mentale.

[Traduction]

Mme Catherine Kane: La Couronne peut aborder la chose, mais uniquement après avoir établi sa preuve et démontré que l'accusé a effectivement commis l'acte pour lequel il a été inculpé. Ce n'est donc qu'après cela que la Couronne peut introduire ce qui doit sembler parfaitement évident par ailleurs, c'est-à-dire la question de l'état mental de l'accusé. En fait, je m'explique mal. La Couronne peut aborder cet aspect jusqu'à ce stade.

Cependant, si pendant le procès l'accusé remet sa propre capacité mentale en question, la Couronne peut effectivement déposer des preuves pour appuyer sa prétention ou, au contraire, pour la réfuter. Cela tient au fait qu'un accusé doit conserver la maîtrise de sa propre défense. Dès lors, la Couronne ne peut suggérer la non-responsabilité criminelle de l'accusé. Le travail de la Couronne consiste à établir les éléments de l'infraction. Une fois cela fait, elle ne peut soulever la possibilité d'un trouble mental.

• 1025

Il semble que, dans la majorité des cas, cette information soit fournie par l'accusé au début des procédures afin d'établir qu'il n'est pas criminellement responsable mais il est déjà arrivé qu'il faille attendre jusqu'à la conclusion du procès ou presque pour que cette preuve soit déposée.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: La commission d'examen intervient pour déterminer si un accusé est apte à subir son procès. Est-ce qu'elle intervient à d'autres moments dans le processus? Par exemple, est-ce qu'un accusé qui invoque l'aliénation mentale comme défense peut revenir devant la commission d'examen par la suite?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Oui.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: J'ai mal saisi parce que je suis sortie pendant quelques minutes.

La commission d'examen intervient à quel moment dans le processus? Est-ce que la commission intervient seulement quand il est question de vérifier si l'accusé est apte à subir son procès ou si elle revient par la suite?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Non, la commission d'examen a une grande responsabilité relativement aux personnes trouvées inaptes à subir leur procès et à celles dont la non-responsabilité criminelle est établie. Le tribunal rend son jugement, rend un verdict de non-responsabilité criminelle pour aliénation mentale et, dans cette situation, une fois que le verdict est rendu, il peut soit décider de s'occuper lui-même de la surveillance permanente de la personne, soit la confier aux soins de la commission d'examen. Cependant, même lorsque le tribunal rend ce genre de jugement, la commission d'examen examine la façon dont on dispose de l'accusé peu de temps après, puis réexamine son dossier tous les ans jusqu'à ce qu'il soit relaxé. Donc, la commission d'examen effectue au moins un examen par an de chaque dossier et plus souvent si besoin est.

Même chose dans le cas d'une personne déclarée inapte. Si le tribunal juge qu'un accusé est inapte à subir son procès, celui-ci peut être placé sous la surveillance de la commission d'examen et la décision le concernant est revue au moins une fois par an jusqu'à ce que l'accusé soit déclaré apte à subir son procès.

Mme Carole-Marie Allard: Très bien. Et c'est la disposition que vous remettez en question parce que vous demandez s'il faut retourner devant la commission d'examen tous les ans ou tous les deux ans, c'est ça?

Mme Catherine Kane: Non. Ce n'est pas la même disposition que celle qui pourrait faire problème, comme je vous l'ai mentionné. La question de l'examen annuel est essentielle pour protéger la personne accusée et faire en sorte qu'elle ne soit pas détenue plus longtemps que nécessaire.

Mme Carole-Marie Allard: Très bien.

Mme Catherine Kane: Personne n'a donc réclamé que cet examen soit modifié ou que la période visée soit étirée.

La Couronne est tenue d'effectuer un examen biennal dans le cas des personnes déclarées inaptes à subir leur procès parce qu'elle n'a pas eu la possibilité de déposer sa cause et de faire juger l'accusé. Ainsi, une personne trouvée inapte pourrait passer plusieurs années dans le système avant d'être déclarée apte et de pouvoir être jugée. Dans des conditions idéales, on ne peut avoir un grand nombre d'accusés déclarés inaptes pendant très longtemps. Normalement, ils deviennent aptes grâce à une médication ou à d'autres traitements. Cependant, s'ils sont inaptes pendant deux ans, la Couronne doit se représenter devant le tribunal et établir qu'elle dispose des preuves voulues pour être en mesure d'entamer de nouveau des poursuites. Si elle n'a plus cette preuve, l'accusé doit être acquitté parce qu'il risque de ne pas être possible de le juger plus tard.

Dans les cas de meurtre, par exemple—et il est déjà arrivé qu'une personne accusée d'avoir commis un meurtre ait été déclarée inapte subir son procès—la cause doit être réexaminée tous les ans et, si l'accusé demeure inapte, la Couronne doit se représenter devant le tribunal tous les deux ans pour établir qu'elle dispose de toutes les preuves justifiant le procès de la personne accusée de meurtre, si celle-ci devait être déclarée apte par la suite.

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Est-ce qu'il y a une prescription dans ce cas-là?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Non. La Couronne doit redéposer sa preuve dans les deux ans, mais il n'y a pas de prescription dans les dossiers criminels...

[Français]

Mme Carole-Marie Allard: Est-ce que la personne accusée pourrait attendre 20 ans avant de...? Est-ce que l'on vérifie sa santé mentale à chaque année pour savoir si elle est apte à subir son procès?

• 1030

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Encore une fois, si la personne est déclarée inapte et que la décision la concernant est réexaminée tous les ans, l'examen reprend exactement les mêmes critères que ceux énoncés dans le Code criminel. Ce faisant, la commission d'examen doit se pencher sur tous les autres facteurs: l'état mental de l'accusé, sa réintégration dans la société et la nécessité de protéger le public. Puis, il lui faut rendre la décision la moins lourde pour l'accusé et la moins restrictive de liberté. Elle dispose de plusieurs choix pour cela: l'absolution inconditionnelle, l'absolution conditionnelle ou le maintien de la détention en milieu hospitalier.

L'absolution inconditionnelle ne peut être décrétée dans le cas des personnes déclarées inaptes à subir leur procès mais, dans tous les autres cas, ce genre de décision obéit aux mêmes critères qui consistent à imposer la peine la moins lourde et la moins restrictive de liberté possible.

Mme Carole-Marie Allard: Mais alors, il n'y a pas de limite dans le temps.

Mme Catherine Kane: Il n'y a effectivement pas de limite dans le temps.

[Français]

Le président: Merci, madame Allard.

[Traduction]

Monsieur Fitzpatrick, pour trois minutes.

M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Je trouve que vos connaissances sont admirables, parce que très solides.

Pour essayer de comprendre un peu mieux ce texte, je vais vous soumettre quelques situations hypothétiques.

Prenons le cas de personnes atteintes de troubles mentaux qui ne sont pas suffisamment graves pour constituer une défense en regard du crime commis, mais où le trouble mental est une cause véritable du crime—je songe, par exemple, à un pédophile ou à une personne atteinte de troubles sexuels. J'ai eu vent de situations où des juges, dans le prononcé de la sentence, ont déclaré que l'accusé ne devrait jamais être réintégré dans la société à moins qu'on ait trouvé un traitement efficace pour régler son problème. Les personnes chargées des évaluations en milieu carcéral ont confirmé l'évaluation du juge. Or, voilà que l'intéressé arrive aux termes de sa peine, qu'il est relâché et que la police et les autorités civiles n'ont pas la possibilité de faire savoir à la collectivité que la personne en question a été remise en liberté dans leur milieu. Celle-ci demande même aux autorités provinciales de l'admettre dans un centre de traitement parce qu'elle est au fait de son problème et qu'elle sait qu'il n'est pas réglé. L'intéressé n'est pas admis parce qu'il n'a rien fait.

Est-ce que le texte proposé règle ce genre de problème?

Mme Catherine Kane: Cette partie du Code criminel ne concerne que les deux catégories de verdict dont j'ai parlé: ceux touchant aux personnes dont on a établit la non-responsabilité criminelle et ceux concernant les personnes trouvées inaptes à subir leur procès.

M. Brian Fitzpatrick: Très bien.

Mme Catherine Kane: Dans la situation que vous avez décrite, l'intéressé est accusé d'avoir commis une infraction pénale.

M. Brian Fitzpatrick: Je me suis dit que cette mesure devrait aussi traiter de ce genre de situation, du point de vue de la sécurité du public et du point de vue de la santé mentale de l'intéressé.

Mme Catherine Kane: J'imagine que votre comité va entendre des témoins qui pourront aborder cette question, qui n'est pas nouvelle, soit l'incarcération de personnes pour le simple fait qu'elles présentent un danger. Il n'est pas question de cela dans ce texte. Le cas des personnes pour lesquelles on a établi la non-responsabilité criminelle découle des dispositions relatives au traitement et à la protection de la société.

M. Brian Fitzpatrick: J'ai une autre question à poser, mais je sais que j'ai presque épuisé mon temps.

Je pense à quelqu'un de dangereux, un déséquilibré mental, à quelqu'un de très dangereux et dont le déséquilibre mental a été évoqué en tant que défense lors de son procès. Je pense à un cas qui correspond tout à fait à la portée de ces dispositions. En l'absence de traitement efficace dans son cas, du point de vue de la sécurité du public, existe-t-il une loi qui permette de protéger la population contre quelqu'un qui va être relâché dans la société alors que son problème fondamental n'a pas été réglé?

Mme Catherine Kane: Le fait que les traitements prodigués n'aient pas fonctionné est un facteur que la commission d'examen doit prendre en considération lors des révisions annuelles ou des révisions plus fréquentes du dossier de l'intéressé. Quand elle détermine si la personne doit bénéficier d'une absolution inconditionnelle—d'après les critères découlant de la cause dont je vous ai parlé, c'est-à-dire le jugement Winko, qui fournit une interprétation de nos pouvoirs de décision—, la commission d'examen doit établir si l'intéressé constitue une menace importante pour la sécurité du public, sur la foi de tous les renseignements recueillis.

• 1035

Une partie de ces renseignements doit permettre de déterminer si l'intéressé continue de souffrir de troubles mentaux et, en l'absence de traitement, si son état est inchangé ou s'il s'est détérioré ou encore si la personne est maintenant atteinte d'un trouble mental tout à fait différent. De plus, la commission dispose de toutes les informations permettant d'établir le danger que ces personnes font courir à la société.

Les commissions d'examen prennent ces responsabilités très au sérieux, parce qu'elles comprennent les conséquences de la remise en liberté d'une personne. Les commissions se sont beaucoup interrogées sur la façon de mettre en oeuvre la décision Winko. Ce faisant, elles ont indiqué qu'il leur fallait disposer de plus d'information pour leur permettre de tirer des conclusions sur l'importance de la menace que l'intéressé fait courir au public et pour décider de détenir éventuellement celui ou celle qui pose une menace importante. Évidemment, si tel n'est pas le cas, la personne doit être remise en liberté.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Madame Kane, vous avez parlé de l'examen biennal et du fait que la Couronne doit, par exemple, établir que la preuve est suffisante pour déclarer l'accusé coupable, etc. Quand la preuve est de nature médico-légale, qu'il s'agit par exemple d'ADN ou autres, elle peut être archivée pour l'éternité. Cependant, quand elle dépend d'un témoin et que ce témoin vient à mourir ou à disparaître, que se passe-t-il dans ce cas? Que se passe-t-il, par exemple, si le témoin est décédé? Existe-t-il des dispositions permettant de se protéger contre l'individu qui sera relâché à cause du décès ou de la disparition d'un témoin?

Mme Catherine Kane: Il est évident que le temps n'arrange pas les choses pour la Couronne qui doit présenter sa preuve. Toutefois, le Code criminel prévoit la possibilité de déposer des preuves sous forme d'affidavits et de retranscription lors d'enquêtes préliminaires ou à partir de la retranscription des procédures devant le tribunal jusqu'au moment où l'intéressé a été déclaré inapte à subir son procès... Comme l'inaptitude peut être soulevée n'importe quand en cours de procédure, une partie de la preuve aura forcément été déposée avant que tel soit le cas. Toute cette preuve existe par écrit. Il est possible d'obtenir des déclarations de témoin, parce qu'ils peuvent toujours être appelés à déménager, qu'ils vont vieillir ou devenir infirmes ou que sais-je encore. Ces affidavits peuvent servir la deuxième fois. La Couronne peut donc recourir à différents moyens pour présenter sa preuve.

M. John Maloney: Vous avez aussi parlé des enquêtes des coroners dans le cas des affaires Kerr et Stephenson. Pourriez-vous nous rappeler un peu ce dont il s'agissait; par exemple, quelles ont été les recommandations formulées dans ces deux cas-là?

Mme Catherine Kane: Si je me rappelle bien, l'enquête du coroner dans l'affaire Stephenson concernait un délinquant qui avait été déclaré coupable puis remis en liberté par les services correctionnels, et qui avait tué un jeune garçon dans la région de Brampton. L'enquête portait donc sur la mort de cet enfant, nommé Christopher Stephenson. Le coroner a soulevé plusieurs questions au sujet de la protection du public contre des personnes dangereuses en général.

Dans ce cas, le délinquant avait été condamné, mais des cas semblables se sont posés et au cours de son enquête, le coroner a recueilli des informations à propos des procédures d'incarcération au civil, par exemple auprès de l'État de Washington qui s'était doté—et je ne suis pas vraiment spécialisé dans ces questions—d'un système selon lequel il est possible de détenir des individus de façon permanente à cause du danger qu'ils font courir à la société.

Au cours de l'enquête, et même si les dispositions relatives aux troubles mentaux n'étaient pas en jeu, il a été question de l'effet qu'aurait pu avoir la détention maximale. Certains ont dit que, si ces dispositions avaient été promulguées, elles auraient constituer une menace pour la sécurité du public, mais tout cela était purement hypothétique à l'époque.

Quant à la cause Kerr, il s'agissait, si je me souviens bien, d'une personne qui se trouvait dans un institut à Brockville et pour laquelle on avait établi la non-responsabilité criminelle. Elle avait été remise en liberté dans le cadre d'un régime de visite communautaire, c'est-à-dire sous la surveillance d'une escorte. Je crois que l'individu a commis un crime après s'être retrouvé dans la collectivité.

L'enquête a davantage consisté à analyser tout le fonctionnement du régime. Elle ne s'est pas intéressée à la loi en tant que tel mais aux faits entourant la situation. Encore une fois, il a été dit que si les mesures relatives à la détention maximale avaient été appliquées à cette époque, l'assassin de Kerr aurait dû être remis en liberté malgré le danger permanent qu'il faisait courir à la société.

M. John Maloney: Mais cette question de la détention maximale continue de poser problème.

Mme Catherine Kane: Oui.

Le président: Vous serait-il possible de remettre au comité des copies des rapports des coroners dans les affaires Stephenson et Kerr?

Monsieur Bellehumeur.

• 1040

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est un document que j'aimerais aussi avoir. Serait-il possible d'avoir, par exemple, le portrait réel par province et par territoire du nombre de dossiers annuels touchant des cas d'aliénation mentale, de savoir combien il y en a en traitement en garde fermée à l'heure actuelle parce qu'ils ont été jugés inaptes à subir leur procès?

Ce que je comprends, c'est que cette partie-là ne touche aucunement la défense qu'on peut invoquer dans des cas comme celui qu'on a vu très récemment où un père de famille avait battu le chauffeur d'autobus et avait invoqué comme défense le fait d'avoir momentanément complètement perdu la tête et de ne pas avoir été conscient de ce qu'il faisait. C'était sa défense et, on l'a vu, il a été déclaré non coupable, etc.

On se comprend que ce qu'on étudie présentement ne touche pas cette défense-là. Par conséquent, je ne veux pas cela non plus dans le portrait réel que j'aimerais avoir de l'état de l'application de l'article 16, entre autres. D'accord?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Pour ce qui est du nombre de personnes, nous disposons de renseignements limités que nous avons recueillis auprès des commissions d'examen dans chaque province ou territoire. Cela nous donne une idée du nombre de verdicts de non-responsabilité criminelle prononcés chaque année ainsi que du nombre de verdicts de personnes déclarées inaptes à subir leur procès, par année également.

Ces données ne sont pas complètes parce qu'elles nous viennent des commissions d'examen. Elles n'incluent donc pas celles concernant les tribunaux qui prennent de telles décisions et qui peuvent éventuellement rendre des verdicts d'absolution inconditionnelle. En revanche, nous pourrions vous fournir ces renseignements et peut-être vous en avoir d'autres par la même occasion. En outre, les données dont nous disposons ne comptent qu'une seule fois les personnes qui sont déclarées à la fois inaptes à subir leur procès et non responsables criminellement.

Nous nous sommes heurtés aux mêmes problèmes quand nous avons essayé de récupérer des données sur le nombre de condamnations, parce que les provinces appliquent des méthodes différentes pour les recueillir. Nous disposons cependant du résultat des sondages auprès des commissions d'examen et nous allons prendre les dispositions nécessaires pour les faire traduire et vous les communiquer. Vous devez comprendre que ces données ne sont pas parfaites, qu'elles ne présentent pas un tableau complet de la situation, outre qu'elles ne remontent qu'à 1999. Nous pourrons toujours essayer d'obtenir les données les plus récentes.

Deuxièmement, vous parliez d'une personne qui avait momentanément perdu la tête et qui n'avait pas eu conscience de ses actes. Il arrive que les gens disent agir comme des automates et c'est peut-être le genre de situation à laquelle vous faites allusion. Ils ne sont pas atteints de troubles mentaux classiques, mais ils sont dans un état de conscience partielle ou de semi-conscience.

Au milieu des années 90, quand nous avons effectué un examen de la partie générale du Code criminel, plusieurs mémoires présentés à l'époque ont été retenus pour constituer un document de consultation et se retrouver ensuite dans le Livre blanc. Dans la situation que vous avez décrite, la personne aurait bénéficié d'un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause d'automatisme.

Dans l'état actuel du droit commun, la personne qui agit en automate à cause de troubles mentaux est traitée exactement de la même façon que celle pour qui on établit la non-responsabilité criminelle pour cause de maladie mentale. Si l'automatisme n'est pas causé par un trouble mental—autrement dit, si la personne est saine d'esprit mais qu'elle a reçu un coup sur la tête ou qu'elle est sous l'effet de médicaments ayant engendré une perturbation du comportement—et si la personne peut établir que telle est sa défense, non pas sous la forme d'une simple affirmation mais sur la foi de preuves établissant que son état était le résultat d'une cause externe, il y a acquittement. La non-responsabilité de la personne serait déclarée à cause d'un trouble mental.

• 1045

Cette défense est donc acceptée, mais elle est très difficile à prouver et elle est assez rarement invoquée.

Le président: Merci.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Merci.

Le président: Madame Allard.

Mme Carole-Marie Allard: Merci, monsieur le président.

Madame Kane, est-ce que vous êtes en mesure de nous fournir des exemples? Je ne sais pas si vous avez une liste. Vous avez l'air de connaître beaucoup la jurisprudence qui a été établie par le plus haut tribunal du pays. Quant à cette défense d'automatisme, est-ce que vous avez des cas qui pourraient se comparer un peu à celui qu'on a vécu au Québec récemment et dont parlait mon collègue M. Bellehumeur, soit le cas de ce père de famille qui a agressé un chauffeur d'autobus pédophile et qui, effectivement, a été acquitté par un jury? Je vois que c'est une défense d'automatisme qui, effectivement, entraîne un verdict d'acquittement. Alors, je voudrais savoir si vous avez des cas, si vous pouvez nous...? En tout cas, moi, je serais intéressée à en savoir plus sur ces cas-là. Est-ce que vous pourriez vous engager à nous donner au moins la jurisprudence pertinente dans ces cas?

[Traduction]

Mme Catherine Kane: Nous pourrions très certainement entreprendre une étude des cas ayant été signalés. Il est possible que la défense d'automatisme ait souvent été invoquée mais qu'elle ne soit pas intervenue dans les résultats des procès et qu'elle ne soit donc pas signalée en tant que facteur. Cependant, nous pourrions étudier les cas que nous connaissons et vous en communiquer les résultats.

Il y a deux cas très connus, qui ont été jugés par la Cour suprême du Canada; ils ne sont pas très récents et l'un d'eux remonte au début des années 90, celui de la cause Parks. Il s'agissait d'une personne qui souffrait de somnambulisme. Si je me souviens bien, elle avait rendu visite à ses beaux-parents dans son sommeil et les avait poignardés; elle avait été acquittée par la suite. C'était un cas d'automatisme non associé à de l'aliénation mentale.

La cause Stone est plus récente. La même défense avait été invoquée dans ce cas, mais cette fois-ci sans succès. Il s'agissait d'un homme qui maintenait avoir complètement perdu la tête. Il avait tué sa femme puis s'était rendu au Mexique où il avait soudainement eu une révélation de ce qu'il avait fait à sa femme. Il était rentré chez lui, avait tout confessé—dans la limite de ce qu'il pouvait se souvenir—en soutenant qu'il avait été victime d'automatisme. Sa défense n'a pas été retenue et il a été condamné.

Dans ses deux jugements, la Cour suprême du Canada a commencé par énoncer le contenu précis de la loi en matière d'automatisme, qu'il s'agisse d'automatisme sans aliénation mentale ou d'un automatisme associé à des troubles mentaux.

Encore une fois, nous essaierons de voir ce que nous pourrons trouver à ce sujet dans les décisions des instances inférieures, quand cette défense a été invoquée.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Monsieur, monsieur le président.

J'ai deux petites questions à poser, madame Kane. La première concerne le rôle des victimes dans le travail des commissions d'examen à l'étape de l'analyse des procédures, aux différents paliers. Est-ce que les familles ont un mot à dire ou est-ce qu'elles ne sont que des observateurs, un peu comme dans le cas des audiences pour libération conditionnelle?

Deuxièmement, s'agissant d'automatisme, est-ce que les psychoses dues à l'absorption de drogues sont traitées de la même façon?

Mme Catherine Kane: Pour ce qui est du rôle des victimes aux audiences des commissions d'examen, vous vous souviendrez que, quand ce comité a examiné le rôle des victimes dans le système de justice pénale, plusieurs victimes se sont plaintes de n'avoir pas voix au chapitre à l'étape du verdict. En cas de verdict de non-responsabilité criminelle, les familles voudraient pouvoir intervenir au même titre qu'elles peuvent le faire pour d'autres circonstances, sous la forme d'une déclaration de la victime, advenant que le délinquant soit reconnu coupable et soit condamné.

Des amendements ont été apportés par le biais du projet de loi C-79 afin de donner la possibilité aux victimes de faire une déclaration, à l'étape de la décision initiale, dans la mesure où cette déclaration exprime une crainte sur le plan de la sécurité publique ou concerne les conditions à imposer à l'accusé quand une absolution conditionnelle est envisageable.

Les victimes peuvent être invitées à participer à l'audience ou reçoivent un avis d'audience des commissions d'examen, mais cela varie d'un territoire et d'une province à l'autre. Il semble que la plupart des ressorts déploient de grands efforts pour essayer de tenir les victimes au courant de ce qui se passe, mais rien de cela n'est régi par le Code criminel et tout dépend du modus operandi de chaque commission d'examen.

• 1050

En Ontario, par exemple, les victimes peuvent indiquer leur désir d'être régulièrement mis au courant des audiences de la commission d'examen et, dans la mesure où celle-ci peut effectivement envoyer des avis, les familles sont tenues au courant des dates des examens annuels. Cependant, les victimes n'ont pas le droit d'intervenir lors des examens annuels. Elles peuvent observer, tout comme vous et moi, à condition que nous soyons mis au courant de l'audience, parce qu'il s'agit le plus souvent d'audiences publiques.

Pour ce qui est de votre deuxième question, celle concernant les automatismes dus à l'absorption de drogues...

M. Chuck Cadman: Il y a une cause qui me vient à l'esprit. Quelqu'un, qui avait déclaré avoir absorbé énormément de cocaïne, avait perdu conscience pendant deux minutes et avait assassiné deux femmes dans ce laps de temps. L'accusé était parvenu à faire valoir cette défense pour réduire les accusations qui pesaient contre lui.

Est-ce que, dans ce cas, ce serait la même chose pour un automatisme?

Mme Catherine Kane: Je ne le crois pas. Nous nous trouvons très certainement dans une situation de trouble mental à cause de la prise de drogue. Cela me semble être la même défense que pour des actes commis sous l'influence de l'alcool, mais je ne suis pas vraiment compétente pour vous répondre. Il nous faudra peut-être vous fournir une réponse plus tard.

M. Chuck Cadman: Très bien, je vous remercie.

Le président: Merci.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Madame Kane, vous avez dit que les dispositions relatives à la détention maximale n'ont pas été promulguées parce qu'il était difficile d'harmoniser les lois provinciales et fédérales et peut-être aussi parce que les lois provinciales obéissent davantage à une démarche de type thérapeutique où l'on veut réhabiliter le prévenu, améliorer son état et le relâcher ensuite.

Les choses ont-elles évolué sur ce plan? Est-ce que ces deux aspects font désormais davantage l'objet d'une harmonisation?

Mme Catherine Kane: Il m'est difficile de répondre à votre question. Des spécialistes en santé mentale viendront sans doute témoigner devant vous à ce sujet. Quand la notion de détention maximale avait été envisagée, on s'était dit que les accusés seraient libérés à expiration de leur période maximale et que, s'ils avaient besoin d'être placés sous surveillance ou de recevoir un traitement, ils tomberaient automatiquement sous le coup des lois provinciales en matière de santé mentale.

Or, quand nous avons revu ces lois provinciales au début des années 90, nous nous sommes rendu compte que la plupart d'entre elles étaient axées sur les besoins des prévenus et non sur la nécessité de protéger la société. Leur objet consiste donc à favoriser l'amélioration de l'état de santé des accusés et à permettre leur intégration dans la société. Ces lois portent sur les torts imminents qu'une personne peut s'infliger et non sur les torts qu'elle pourra occasionner à terme de quelques mois.

Les provinces voient un problème dans le fait que nous envisagions de nous en remettre au système de santé mentale dans le cas des risques envisageables, parce qu'en présence de risques qui ne sont pas imminents, elles estiment pouvoir ne traiter des cas qu'en fonction de leurs lois sur la santé mentale et qu'aucune supervision n'est envisageable à ce titre. Les objectifs sont différents.

Il est toujours possible que les mentalités aient évolué depuis l'époque où le régime a été proposé, c'est-à-dire à l'époque où les lois provinciales en matière de santé mentale visaient davantage les soins à court terme et étaient plus axés sur le bien-être des prévenus que sur la protection de la société.

M. John Maloney: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bellehumeur, avez-vous une autre question?

M. Michel Bellehumeur: Non.

[Traduction]

Le président: Monsieur Fitzpatrick.

M. Brian Fitzpatrick: Je voudrais obtenir une autre précision concernant les accusés dangereux atteints de troubles mentaux. Si le pronostic de réussite du traitement est faible voire nul—on peut en effet être en présence d'un trouble durable pour lequel il n'existe pas de traitement—est-ce que le dossier fait tout de même l'objet d'un examen tous les deux ans?

Mme Catherine Kane: Oui, il y a encore des examens annuels. Même dans un tel cas, il faut donner la possibilité à l'accusé et la commission d'examen de voir comment la personne a évolué en fonction de la décision rendue à son égard. Les parties peuvent profiter de l'occasion pour favoriser d'autres traitements, par exemple, ou encore pour modifier légèrement les conditions, si de telles conditions s'imposent.

Cette disposition est une protection pour l'accusé. La détérioration de leur état pourrait passer inaperçue et il serait alors possible de corriger la situation à ce stade. Il pourrait aussi y avoir des améliorations, même très légères. La commission a donc la possibilité lors de ces examens de recueillir les informations disponibles, même si le pronostic au départ est pessimiste.

• 1055

M. Brian Fitzpatrick: J'ai une autre question. D'après ce que j'ai cru comprendre, la Couronne doit prouver le bien-fondé de sa cause et établir l'aptitude de l'accusé ou le fait qu'il soit éventuellement atteint de troubles mentaux et donc frappé d'incapacité. Prenons ces deux cas de figure.

Dans le premier cas, l'accusé qui plaiderait coupable à l'accusation et, dans le second, il serait représenté par un avocat qui se serait entendu avec le procureur de la Couronne sur les faits lors d'une réunion antérieure. Les faits ne seraient pas remis en cause. S'il était possible de s'entendre sur les faits, nous pourrions économiser énormément de temps et d'argent au système.

Que se passe-t-il actuellement dans ces deux situations?

Mme Catherine Kane: Pour ce qui est de la question de l'aptitude, pour laquelle vous voulez obtenir une précision, il faut savoir que la Couronne n'a pas à établir le bien-fondé de sa cause dès le début. Si la question de l'aptitude de l'accusé est soulevée, le plaidoyer est mis de côté et le jugement est reporté à plus tard. Cependant, la Couronne doit être prête à déposer de nouveau sa preuve deux ans après, au plus tard. Il n'est donc pas nécessaire pour elle de le faire à la première occasion.

Supposons que le procès débute, que la Couronne s'apprête à déposer sa preuve—dans un cas d'agression sexuelle grave, par exemple—et qu'il apparaisse évident que l'accusé n'a aucune idée de ce qui s'est passé ni du lieu de l'événement. La question de l'aptitude est immédiatement jugée et une ordonnance de traitement est généralement émise pour essayer de faire en sorte que la personne soit apte à subir son procès 60 jours plus tard afin de pouvoir recommencer les procédures.

Si, après 60 jours, l'accusé n'est toujours pas jugé apte, la commission d'examen prend une décision le concernant et, dans les deux ans, la Couronne devra se représenter devant le tribunal pour resoumettre sa preuve. Ainsi, la personne revient... Il y a bien deux situations: la décision concernant l'aptitude de l'accusé à subir son procès est réexaminée tous les ans et la Couronne doit resoumettre sa preuve tous les deux ans, jusqu'à ce que la personne soit effectivement jugée.

M. Brian Fitzpatrick: Ai-je le temps pour une toute petite question à ce sujet?

Le président: C'est bien parce que c'est Noël.

M. Brian Fitzpatrick: Parfait!

Cette disposition est un peu gênante, parce que, le temps aidant, il est de plus en plus difficile de maintenir la preuve intacte. J'ai l'impression que la Couronne risque d'avoir de la difficulté si la chose perdure.

Mme Catherine Kane: C'est effectivement une situation délicate. La Couronne peut également demander une suspension des procédures dans le cas des crimes les moins graves si la personne risque de demeurer inapte et si l'accusation est convaincue qu'elle ne fait courir de risque à personne ou encore qu'il n'existe pas d'autres traitements possibles dans son cas. Cependant, cela peut être problématique dans le cas des infractions graves. La Couronne peut alors avoir l'impression de devoir se prévaloir de la possibilité de redéposer sa cause dès que l'accusé redeviendrait apte à subir un procès. Cette question est laissée à la discrétion de la Couronne et, les années passant, il est évident que sa capacité de faire valoir sa preuve s'estompe quelque peu.

J'imagine que nombre de témoins aborderont cette question devant le comité, parce qu'elle est relativement délicate.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Pour enchaîner sur ma dernière question, dites-moi si vous envisagez qu'on associe un jour la toxicomanie à un trouble mental? La toxicomanie pourrait être considérée comme un trouble mental et, si le toxicomane commet un crime—comme un meurtre—il pourrait invoquer son état en tant que défense.

Mme Catherine Kane: Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais j'imagine que les psychiatres qui comparaîtront devant vous seront mieux outillés pour vous dire ce qu'il faut considérer comme un trouble mental. Il doit s'agir d'une maladie mentale et je sais qu'ils utilisent plusieurs outils...

M. Chuck Cadman: J'espère que je ne suis pas en train de donner des idées aux avocats qui défendent des criminels.

M. Brian Fitzpatrick: Ils y ont déjà pensé il y a longtemps.

Mme Catherine Kane: Les psychiatres pourront vous dire ce qui constitue une maladie mentale et s'il faut considérer que la toxicomanie en est une.

Le président: Merci, monsieur Cadman. Je ne voulais pas vous interrompre.

M. Chuck Cadman: Non, ça va.

• 1100

Le président: Il y a deux ou trois choses que je voudrais vous demander au nom de notre comité. La façon dont fonctionnent les autres pays et les autres ressorts dans ces questions-là devrait sans doute nous guider dans notre réflexion. J'ai l'impression qu'à un moment donné, nous allons nous retrouver aux prises avec des problèmes qui n'ont pas été résolus par la science et qui ne le seront sans doute pas dans cette enceinte non plus.

Tout à l'heure par exemple, et sans tirer de conclusion particulière, M. Fitzpatrick a parlé de certains troubles mentaux jugés incurables. Il est évident que si c'est ce que l'on pense dans certains cas, la décision du tribunal ou de la commission pourra en être affectée. J'estime qu'il est important que nous obtenions l'opinion de profanes en la matière, afin de nous faire la meilleure idée possible.

Nous nous trouvons face à deux extrêmes: d'un côté, une limitation inadaptée, injuste imposée sur la liberté de la personne et, de l'autre, l'incapacité de l'État de protéger la société contre une personne dangereuse. Ce faisant, vous pourriez peut-être nous proposer un scénario hypothétique en fonction de ces deux extrêmes pour que nous puissions recentrer notre débat.

J'espère ne pas vous en demander trop. Nous nous demandons tous comment nous allons pouvoir faire route à part dans les six prochaines semaines, parce que nous en sommes venus à très bien nous connaître—et parfois à être un peu trop familiers dans le cas de certains. Tout cela nous rappellera que nous nous retrouverons après les Fêtes.

Quoi qu'il en soit, et si ce n'est pas trop vous demander, je pense que ce genre de chose pourrait beaucoup nous aider dans nos futures délibérations, au retour des Fêtes.

Mme Catherine Kane: Très bien.

Le président: Parlant de reprise des délibérations, nous en arrivons à la fin de cette séance. Je tiens à profiter de cette occasion pour remercier, d'abord et avant tout, les membres du comité qui ont beaucoup travaillé depuis la reprise des travaux de la Chambre en septembre dernier. Par delà la dynamique de ce lieu et du fait qu'il nous faut parfois nous montrer critiques dans notre raisonnement et même dans la façon dont nous nous exprimons, je pense pouvoir dire que notre pays a été relativement bien servi par les députés de tous les partis au cours de l'automne, ne serait-ce que par les efforts qu'ils ont déployés. Je ne commenterai pas la valeur de leur jugement, histoire de me les mettre de mon côté.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Je tiens à dire au personnel et à tous ceux et toutes celles qui nous ont appuyés que je n'oublierai pas, pas plus que les autres députés, que nous vous avons demandé de faire l'impossible. Je ne vois pas comment nous aurions pu obtenir un service aussi professionnel que le vôtre, dans une situation où nous vous avons demandé l'impossible. Je tiens à inclure dans ces remerciements nos collaborateurs du ministère de la Justice qui nous ont appuyés par leur travail.

Chers collègues, je vous adresse mes meilleurs voeux à l'occasion des Fêtes. Je vous invite à célébrer de la façon qui vous conviendra le mieux et j'espère que nous nous reverrons tous ici en janvier.

La séance est levée.

Haut de la page