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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 195

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 30 mai 2002




1005
V         Le Président
V AFFAIRES COURANTES
V     Nominations par décret
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V     Réponse du gouvernement à des pétitions
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V     Les comités de la Chambre
V         Défense nationale et anciens combattants
V         M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)
V      Le budget principal des dépenses d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour 2002-2003
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         Adoption de la motion
V     Pétitions
V         Le crédit d'impôt pour personnes handicapées
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)

1010
V         La défense nationale
V         M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC)
V         Les courriers des routes rurales
V         M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ)
V     Questions au Feuilleton
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V Initiatives ministérielles
V     Loi de 2002 sur la sécurité publique
V         L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)

1015

1020
V         M. Michel Gauthier
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Michel Gauthier
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)

1025
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Michel Gauthier
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Jacques Saada
V         M. Scott Reid
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)

1030

1035
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)

1040

1045
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)

1050

1055
V         M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ)

1100

1105
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)

1110

1115
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC)

1120

1125
V         M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ)

1130

1135
V         M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.)

1140

1145
V         M. David Chatters
V         M. R. John Efford
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         Rejet de l'amendement

1150
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

1155

1200
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ)

1205

1210
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.)

1215

1220
V         M. Inky Mark (Dauphin—-Swan River, Cons. ind.)

1225
V         M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.)

1230
V         Le vice-président
V         M. R. John Efford

1235
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)

1240

1245
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)

1250

1255
V         Le vice-président
V         M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ)

1300

1305
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)

1310

1315
V         Le vice-président
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)

1320

1325
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)

1330

1335
V         Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD)

1340

1345
V         M. André Harvey (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.)

1350

1355
V DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
V     L'agriculture
V         M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)
V     Le gouvernement du Canada
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne)

1400
V     La santé
V         Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)
V     La ville de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier
V         M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.)
V     Fredericton
V         L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)
V     Le gouvernement du Canada
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V     L'économie
V         M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)

1405
V     Le Courrier de Saint-Hyacinthe
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V     Les maladies du rein
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)
V     Le gouvernement du Canada
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)
V     Les bourses du millénaire
V         Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)
V     L'immigration
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

1410
V     La région de l'Atlantique
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD)
V     La région de l'Atlantique
V         M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.)
V     Les relations canado-américaines
V         M. Scott Brison (Kings—Hants, PC)
V     Héléna Bureau et Olivier Poulain
V         M. Jean-Guy Carignan (Québec-Est, Ind.)

1415
V     Le gouvernement du Canada
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)
V     Yves Joseph Nolet
V         Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)
V QUESTIONS ORALES
V     L'éthique
V         M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         Le Président
V         M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         M. Stephen Harper

1420
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V     Les subventions gouvernementales
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V     Les contrats gouvernementaux
V         M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ)

1425
V         L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         M. Michel Gauthier (Roberval, BQ)
V         L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. Michel Gauthier (Roberval, BQ)
V         L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)

1430
V     L'aide internationale
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V     Les marchés publics
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V     Les subventions gouvernementales
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)

1435
V         Le Président
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V     Les contrats gouvernementaux
V         M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ)
V         Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.)
V         M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)

1440
V         M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V         M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne)
V         L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V     L'Afrique
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)

1445
V         L'hon. Denis Paradis (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique) (Francophonie), Lib.)
V     La santé
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.)
V     L'agriculture
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)
V         L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.)
V     Les subventions du gouvernement
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)
V         L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.)
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)
V         L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.)

1450
V     Les marchés publics
V         M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V         M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V     Les Hells Angels
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)

1455
V     Les marchés publics
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V     Le Proche-Orient
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V     Le développement des ressources humaines
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne)
V         L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)

1500
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne)
V         L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V     Les contrats gouvernementaux
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)
V         L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.)
V Les travaux de la Chambre
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)

1505
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD)
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Gurmant Grewal
V         L'hon. Don Boudria
V Initiatives ministérielles
V     Loi de 2002 sur la sécurité publique
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)

1510

1515
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ)

1520

1525
V         M. Michel Guimond
V         Le Président
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)

1530

1535
V         Le Président

1540
V         M. Michel Gauthier
V         Le Président
V         M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ)

1545

1550
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ)

1555

1600
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)

1605

1610
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ)

1615

1620
V         Le vice-président
V         L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)

1625

1630
V         M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC)

1635

1640
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)

1645

1650
V         Le vice-président
V         Le vice-président
V         M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne)

1655

1700
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)

1705

1710
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ)

1715

1720
V         M. André Harvey
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Bernard Bigras
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Bernard Bigras
V         M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ)

1725
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)

1730
V INITIATIVES PARLEMENTAIRES
V     Loi sur le registre des délinquants sexuels
V         M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne)

1735

1740

1745
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)

1750
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)






CANADA

Débats de la Chambre des communes


VOLUME 137 
NUMÉRO 195 
1re SESSION 
37e LÉGISLATURE 

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le jeudi 30 mai 2002

Présidence de l'honorable Peter Milliken

    La séance est ouverte à 10 heures.


Prière


[Article 31 du règlement]

*   *   *

  +(1005)  

[Traduction]

+

    Le Président: Je voudrais tout d'abord faire savoir aux députés que le système de climatisation a été remis en place dans les édifices du Parlement.

[Français]

    Ainsi, l'ordre adopté hier concernant le code vestimentaire des députés présents à la Chambre ne s'applique plus.

[Traduction]

    La présidence ne tolérera donc plus une tenue déshabillée.


+AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

*   *   *

[Traduction]

+Nominations par décret

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'ai le plaisir de déposer dans les deux langues officielles quelques décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.

*   *   *

+-Réponse du gouvernement à des pétitions

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

*   *   *

[Français]

+-Les comités de la Chambre

+Défense nationale et anciens combattants

+-

    M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, intitulé «Faire face à nos responsabilités: l'état de préparation des Forces canadiennes».

    Nonobstant l'article 109 du Règlement, le comité demande une réponse du gouvernement dans les 120 jours.

[Traduction]

    J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier tous les membres du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, et en particulier les deux vice-présidents, le député de Lakeland et le député de Compton--Stanstead.

    J'aimerais également remercier le personnel de recherche et tous les autres membres du personnel du comité: M. Wolf Koerner, M. Michel Rossignol, Mme Diane Deschamps, notre greffière, ainsi que le lieutenant-colonel Barry Hamilton, notre consultant.

    Enfin, j'aimerais remercier les 92 témoins qui ont comparu devant le comité au cours des 39 rencontres.

*   *   *

+- Le budget principal des dépenses d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour 2002-2003

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): La motion qui suit, au nom de l'honorable chef de l'opposition, est adoptée d'office:

    Que, conformément à l'article 81(4)b) du Règlement, l'étude par le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire des crédits 1, 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35 et 40 sous la rubrique AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE du Budget principal des dépenses de l'exercice se terminant le 31 mars 2003, soit prolongée au-delà du 31 mai 2002.

    (La motion est adoptée.)

*   *   *

+-Pétitions

+-Le crédit d'impôt pour personnes handicapées

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je voudrais présenter à la Chambre des communes une pétition qui a été lancée dans ma circonscription, Saskatoon—Rosetown—Biggar, et qui a été signée par des Canadiens de toutes les régions.

    Elle demande que le crédit d'impôt pour personnes handicapées, dont les nombreuses personnes handicapées sont désormais privées pour aucun motif apparent, soit rétablie sans tarder. Il est très injuste de dire qu'une personne handicapée ne mérite plus ce crédit d'impôt. Le retrait du crédit d'impôt crée des difficultés financières pour bon nombre des personnes handicapées dont les dépenses liées au coût de la vie sont plus élevées que celles des Canadiens non handicapés. Les pétitionnaires demandent que le Parlement rétablisse le crédit d'impôt pour personnes handicapées.

    La pétition originale, qui a été lancée dans ma circonscription, a été signée par plus de 3 600 personnes en moins d'un mois. Je salue ceux qui l'ont présentée. Je demande à la Chambre des communes d'examiner sérieusement cette pétition.

*   *   *

  +-(1010)  

+-La défense nationale

+-

    M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC): Madame la Présidente, je présente aujourd'hui une pétition conformément à l'article 36 du Règlement. Je suis honoré de présenter cette pétition au nom des employés du ministère de la Défense nationale qui travaillent dans la circonscription de Gander. La pétition porte sur la décision de confier au secteur privé la chaîne d'approvisionnement militaire.

    Comme nous avons un nouveau ministre de la Défense nationale, il tiendra sûrement compte de la pétition et reverra la décision de confier la chaîne d'approvisionnement à une entreprise britannique. Nous espérons pouvoir renverser cette décision avec l'aide du ministre, afin d'oeuvrer en faveur de toute la population de ma circonscription et pour le bien de notre pays.

*   *   *

[Français]

-Les courriers des routes rurales

+-

    M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Madame la Présidente, je dépose aujourd'hui une pétition qui vient s'ajouter aux centaines de noms que mes collègues ont déjà déposés à la Chambre concernant les courriers de routes rurales.

    Depuis que je suis arrivé au Parlement, il y a près de trois ans et demi ou quatre ans, c'est un dossier qui est toujours d'actualité, mais le gouvernement ne répond jamais favorablement. C'est pour cela que les gens continuent à signer des pétitions pour pouvoir avoir le droit de négocier leurs conditions de travail et leur salaire. Souvent, ils travaillent pour moins que le salaire minimum. Ils paient quasiment pour envoyer les chèques d'impôt au gouvernement fédéral.

    À cet égard, j'appuie bien sûr tous les signataires de cette pétition pour que le gouvernement et le Parlement abrogent le paragraphe 13(5) de la Loi sur la Société canadienne des postes, afin de donner des conditions de travail décentes à ces employés.

*   *   *

+-Questions au Feuilleton

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je suggère que toutes les questions soient réservées.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

[Traduction]

+-Loi de 2002 sur la sécurité publique

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 29 mai, de la motion: Que le projet de loi C-55, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, et de l'amendement.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, je voudrais parler brièvement du projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Je suis heureux que le solliciteur général soit parmi nous. Il va peut-être prendre sérieusement en note certaines des modifications que les gens veulent qu'on apporte au projet de loi.

    Je veux dire tout d'abord que le projet de loi est connu sous le nom de Loi de 2002 sur la sécurité publique. Il remplace le projet de loi C-42 qui a été présenté, bien entendu, à la suite de la terrible tragédie qui s'est produite aux États-Unis le 11 septembre. Aujourd'hui marque la fin officielle des travaux de déblayage du point zéro à New York. Les cérémonies voulues auront lieu aujourd'hui.

    Je suppose que nous pouvons dire que le projet de loi représente une amélioration par rapport aux initiatives en matière de sécurité que prévoyait le projet de loi précédent qui était la réponse du gouvernement aux terribles événements du 11 septembre.

    Ces événements ont été tragiques pour les États-Unis et pour le monde dans son ensemble. Beaucoup de gens sont morts, y compris de nombreux Canadiens. Après le 11 septembre, on a eu peut-être une réaction exagérée dans le cadre de notre lutte tout à fait légitime contre le terrorisme.

    Je pense que le tout premier projet de loi que le gouvernement a présenté témoignait d'une réaction exagérée. C'est probablement un fait reconnu maintenant. Le gouvernement a ensuite retiré le projet de loi à cause de critiques publiques généralisées dans tout le pays. Des groupes de défense des libertés civiles, des parlementaires de tous les partis à la Chambre des communes, de nombreux commentateurs, des représentants des gouvernements provinciaux et le reste ont soulevé toutes sortes d'objections. Le projet de loi C-42 a été retiré et le projet de loi C-55 a été présenté pour le remplacer.

    Notre parti s'oppose au projet de loi C-55, car il s'agit toujours, selon nous, d'une attaque contre les droits des personnes. Il accorde des pouvoirs sans précédent à certains ministres fédéraux, particulièrement celui des Transports. Je pense que c'est une voie dangereuse à suivre.

    Je siégeais à la Chambre des communes dans les années 80 lorsque nous avons eu la grande fierté d'insérer dans notre Constitution la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons eu un grand débat sur les droits individuels, sur la liberté d'expression, sur la liberté de circulation, sur les dispositions que devait contenir la charte et sur ce qui devait être inséré ou non dans la Constitution.

    Après un débat long et parfois acrimonieux, nous avons décidé d'insérer dans la Constitution du Canada une charte des droits tendant à protéger les libertés et les droits individuels de tous les Canadiens peu importe leurs origines ou leurs antécédents.

    À mon avis, le projet de loi à l'étude aujourd'hui constitue une attaque contre ces droits. Il accorde beaucoup trop de pouvoirs au ministre des Transports ainsi qu'à certains autres ministres.

    Nous vivons au sein d'une démocratie parlementaire. Selon moi, une profonde réforme parlementaire s'impose afin de démocratiser la présente institution ainsi que le système électoral du Canada. J'estime que l'on va trop loin en accordant à un ministre la possibilité d'exercer des pouvoirs accrus moyennant simplement la prise d'un décret, c'est-à-dire avec la permission de ses collègues du Cabinet réunis autour d'une table dans le présent immeuble.

    J'estime également que les mesures prévues dans le Code criminel et les pouvoirs de police actuels sont suffisants. Les lois en vigueur sont suffisantes pour faire face à toute menace terroriste, réelle ou perçue.

    Dès que l'on accorde ce genre de pouvoir à un ministre, peu importe de qui il s'agit, il existe toujours un risque qu'il l'utilise à mauvais escient. Je me rappelle de la Loi sur les mesures de guerre, en 1970. Je me rappelle du gouvernement Trudeau de l'époque. Pierre Trudeau était résolument en faveur des libertés et droits civils. Même s'il parlait abondamment d'une nouvelle démocratie et d'une démocratie participative, il a invoqué la Loi sur les mesures de guerre en 1970 pour lutter contre le Front de Libération du Québec.

  +-(1015)  

    C'était une réaction excessive. Le gouvernement du Canada dirigé par Pierre Trudeau s'est servi d'un marteau-pilon pour casser une noix. Il y avait des soldats à l'extérieur de la Chambre des communes. J'étais député depuis deux ans. Toutes sortes de personnes innocentes ont été arrêtées en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Si je me rappelle bien, un député d'en face a été arrêté en vertu de la loi. Il était à l'époque président du syndicat des enseignants au Québec. D'autres députés de la Chambre des communes se sont peut-être retrouvés dans des situations similaires. Je connais plein de personnes qui ont été arrêtées en vertu de la Loi sur les mesures de guerre par suite d'une réaction excessive du gouvernement fédéral.

    Le chef de l'opposition de l'époque, M. Robert Stanfield, a appuyé l'invocation de la loi. Lorsqu'il a quitté la vie publique, il a déclaré que la plus grande erreur de sa carrière politique fut d'appuyer le recours à la Loi sur les mesures de guerre invoquée par le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, et le Parti libéral. Cela avait été une réaction excessive.

    J'ai été un des 16 députés à voter contre l'invocation de la loi à la Chambre. Nous étions 23 à faire partie du caucus du NPD, et 16 d'entre nous ont voté contre l'invocation de la loi. Nous avons essuyé pour cela l'hostilité de certains députés et de nombreux Canadiens, à cause de la peur qui balayait notre pays à l'époque.

    Le gouvernement dispose déjà de pouvoirs imposants. L'armée et lui ont des pouvoirs énormes aux termes de la loi actuelle. Le Code criminel confère aux autorités policières des pouvoirs d'une vaste portée. Nous avons vu ces pouvoirs exercés dans le passé. Il n'est pas nécessaire de conférer des pouvoirs supplémentaires au ministre des Transports ni aux autres ministres pour s'attaquer à la menace terroriste.

    Il n'y a rien d'aussi fondamental que les libertés civiles et individuelles. Voilà pourquoi tant de gens s'inquiètent du projet de loi C-55. Voilà pourquoi il ne devrait pas être adopté avant l'ajournement du 21 juin. Tous les députés devraient mûrement réfléchir au projet de loi pendant les mois d'été. J'espère qu'à notre retour, à l'automne, le gouvernement du Canada retirera le projet de loi et qu'il l'estimera inutile pour la sécurité, la paix, la justice et la liberté dans notre pays.

    Bon nombre des libertés dont nous jouissons ont été obtenues de longue lutte et ont été difficiles à conquérir. Ce serait une erreur que de les supprimer en accordant à un ministre ce genre de pouvoir. Les pouvoirs que le gouvernement veut s'arroger sont inutiles. Ils porteraient atteinte aux droits des Canadiens. Notre pays est fier de défendre les droits des minorités. J'ai parlé de l'invocation de la Loi sur les mesures de guerre en tant qu'exemple de triste épisode de notre histoire où le gouvernement du Canada avait eu une réaction excessive.

    En voyant la députée de Vancouver-Est entrer à la Chambre des communes, je me suis rappelé une autre occasion où le gouvernement du Canada avait réagi de manière excessive. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des Canadiens d'origine japonaise ont été regroupés et internés dans des camps situés au coeur de la Colombie-Britannique, parce qu'ils avaient des ancêtres nippons. Des Canadiens d'origine japonaise ont été arrêtés et internés dans des camps. Cela fait partie de l'histoire de notre pays.

    Je ne dis pas que cela se produira de nouveau, mais cela s'est produit dans le passé. L'attribution de ces pouvoirs additionnels à un ministre du Cabinet et au premier ministre pourrait ouvrir la porte à des excès dans l'avenir. Voilà pourquoi notre parti ne souhaite pas que la Chambre des communes adopte le projet de loi C-55. Le projet de loi C-42, qui était devant la Chambre avant et après Noël, a été critiqué en long et en large comme étant radical et dangereux pour les libertés des Canadiens. Je suis certain que c'est la raison pour laquelle le gouvernement l'a laissé tomber. La population sentait que cette mesure était excessive. Malheureusement, le projet de loi C-55 n'est guère amélioré.

  +-(1020)  

[Français]

    En fait, c'est le même projet de loi. Ce n'est pas exactement la même chose, mais dans son essence, c'est la même chose. C'est le même projet de loi. C'est pourquoi nous devons avoir un grand débat à la Chambre des communes et défaire ce projet de loi. C'est tellement important.

[Traduction]

    J'espère que mes collègues du Parti libéral écouteront au moins un de leurs députés, un éminent avocat de Montréal spécialisé dans les droits de la personne qui, dans cette enceinte même, s'est dit très préoccupé du fait que le projet de loi conférerait des pouvoirs déraisonnables à des ministres du Cabinet et amenuiserait les libertés fondamentales des Canadiens.

    Où est passé le libéralisme du Parti libéral? Pourquoi les députés de ce parti ne se lèvent-t-ils pas pour défendre les libertés des simples citoyens? N'est-il pas paradoxal de voir un parti libéral mettre de l'avant ce type de mesure radicale? Je presse les députés du Parti libéral de se lever sur leurs frêles jambes libérales et de se prononcer contre cette mesure législative radicale.

[Français]

+-

    M. Michel Gauthier: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je m'excuse auprès du député. Ce ne sera pas très long.

    On vient d'apprendre aux informations que les autorités ont invité le club de motards des Hells Angels à s'associer aux festivités entourant le 50e anniversaire de Sa Majesté Elizabeth II.

    Dans les circonstances, je voudrais demander le consentement unanime de la Chambre pour adopter la motion suivante:

Que la Chambre...

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Il faut d'abord demander le consentement de la Chambre pour justement présenter la motion.

    Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour que le député présente la motion?

    Des voix: D'accord.

+-

    M. Michel Gauthier: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je ne crois pas qu'on puisse demander le consentement sans que la Chambre sache de quoi il s'agit. J'ai le droit de lire ma motion. Je recommence donc la lecture de ma motion.

    Que la Chambre des communes s'étonne de la décision de Sa Majesté la Reine Elizabeth II d'inviter le groupe de motards criminalisés Hells Angels à participer aux festivités entourant le 50e anniversaire de son règne, et lui demande de réviser cette décision.

    J'aimerais que la Chambre adopte cette motion à l'unanimité.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Premièrement, y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

  +-(1025)  

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Pour le moment, il n'y a pas de consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion. Cependant, l'honorable député peut revenir avec sa motion après avoir pris le temps de consulter les autres personnes concernées.

+-

    M. Michel Gauthier: Madame la Présidente, j'aimerais bien comprendre parce que j'ai fait parvenir le texte de cette motion aux leaders parlementaires des partis politiques.

    Vous me dites que maintenant je n'ai pas le consentement. Je ne comprends pas ce que dit le...

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): L'honorable whip adjoint du gouvernement a la parole pour un recours au Règlement.

+-

    M. Jacques Saada: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je n'ai aucune réserve sur le contenu de la motion.

    Je n'ai besoin que de prendre le temps de la lire. Je suis de garde à la Chambre aujourd'hui. J'ai besoin de prendre du recul, de vérifier le document, de lire la motion et de revenir à la Chambre pour donner ma réponse. C'est simplement cela.

[Traduction]

+-

    M. Scott Reid: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Il nous faut le consentement unanime pour continuer, que le chef du Parti libéral soit d'accord ou non. Je ne suis pas d'accord, c'est donc réglé.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Madame la Présidente, je vous remercie de me donner le droit de parole sur le projet de loi C-55.

    Je ferai un résumé de la façon dont le projet de loi C-55 s'est retrouvé à la Chambre aujourd'hui. On se rappelle naturellement les événements malheureux qui sont arrivés à New York le 11 septembre dernier. À la suite de ces événements malheureux, tous les pays ont paniqué un peu et ont décidé de resserrer la sécurité et d'élaborer des lois qui ont plus ou moins de sens, et ce, à cause de cette guerre non dite et non déclarée officiellement contre le terrorisme.

    Je me rappelle d'ailleurs du projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence. En effet, cette loi modifiait toutes les procédures, surtout celles relatives aux frontières américaines et aux portes d'entrée au Canada via le transport aérien ou maritime.

    Encore aujourd'hui, je ne parlerai pas contre le projet de loi S-23. Ce projet de loi, dans son ensemble, était un projet de loi qui tombait sous le sens. Cependant, ma position est encore celle de penser que nous sommes allés beaucoup trop vite en adoptant le projet de loi S-23. On aurait pu adopter ce projet de loi, tout en revenant pour en discuter à la Chambre peut-être après six mois, un an ou dix-huit mois afin de pouvoir vraiment savoir si on avait pris les bonnes décisions.

    Plusieurs députés sinon la majorité des députés ont, à cause des événements du 11 septembre, peut-être exagéré ou trop réagi. Cela s'est manifesté par les projets de loi qu'on a déposés dans cette Chambre, comme par exemple le projet de loi C-55.

    Naturellement, l'ancêtre très jeune de ce projet de loi C-55 fut le projet de loi C-42. On se souvient que, concernant ce projet de loi, le Bloc québécois s'est élevé massivement contre celui-ci parce qu'on le trouvait beaucoup trop exagéré. Toute l'opposition était en désaccord avec ce projet de loi. Certains députés du parti gouvernemental étaient aussi en désaccord avec le projet de loi C-42. La presse était en désaccord. Les groupes défendant les droits et libertés au Canada étaient en désaccord.

    Qu'a fait ce gouvernement? Il a tout simplement recréer ou cloner—parce que le clonage est d'actualité—un autre projet de loi, soit le projet de loi C-55, en modifiant un peu les embryons pour venir à bout d'avoir un nouveau bébé qui s'appelle le projet de loi C-55.

    Le projet de loi C-55 fait surtout référence à des zones militaires d'accès contrôlé. Si on comprend bien, une zone militaire d'accès contrôlé signifie que le gouvernement et—c'est surtout ce qui fait encore plus mal dans un tel cas—que certains ministres ont un pouvoir discrétionnaire. Même des fonctionnaires peuvent déclarer demain matin: «Nous contrôlons cette partie d'une ville. Elle devient donc une zone militaire d'accès contrôlé.»

    Est-ce qu'on peut se permettre de donner cette liberté de décider et de contrôler militairement une zone à des ministres, quand on sait que beaucoup de ministres ne sont même pas capables de contrôler leurs gens ou de se contrôler eux-mêmes? Je fais ici référence aux fameux contrats de commandites. Il faut se poser des questions à ce sujet.

  +-(1030)  

    De la façon dont certains de ces ministres agissent présentement en dépensant l'argent des citoyens, seront-ils capables, intelligemment, de contrôler et de décider ce qu'est une zone militaire d'accès contrôlé?

    Le projet de loi C-55 me touche personnellement à cause de mes convictions politiques. Ce gouvernement, de l'autre côté de la Chambre, passe son temps à nous dire: «Nous avons une fédération flexible. Nous avons une fédération qui communique et qui échange avec les provinces.» C'est faux. Dans le projet de loi C-55, en aucun temps le gouvernement n'ira voir ce que les provinces pensent de la zone militaire d'accès contrôlé. On prend une décision de façon unilatérale et les provinces devront subir les problèmes.

    Une autre partie du projet de loi qui m'effraie concerne les dimensions de la zone militaire d'accès contrôlé. Le projet de loi dit que ce sera un espace raisonnablement nécessaire. Qu'est-ce que cela veut dire, «raisonnablement nécessaire»? Ce n'est pas nécessairement la même chose pour moi ou pour mon collègue, le député de Charlevoix. Mon territoire raisonnablement nécessaire est complètement différent de celui de chacun des députés de cette Chambre, comme pour vous, madame la Présidente. Pourtant, on laisse cela entre les mains du ministre de la Défense nationale. C'est une recrue. Il vient d'être nommé. L'autre est parti, je ne sais pas pourquoi, mais on s'en doute. Ce nouveau ministre invoquera ce qui est raisonnablement nécessaire. Est-ce que ce ministre pourra être raisonnable ou non? C'est excessivement dangereux.

    Il y a un autre point qui m'indispose. On dit qu'une zone militaire d'accès contrôlé sera créée pour des motifs de relations internationales, de défense ou de sécurité nationale. Par exemple, la rencontre du G-8 aura lieu à Kananaskis cet été. Est-ce que la zone de Kananaskis sera, pour des motifs de relations internationales ou pour la sécurité des gens qui y seront, déclarée zone militaire d'accès contrôlé? Je ne veux pas être un prophète de malheur, mais je crois que si le projet de loi C-55 est approuvé, je ne serais aucunement surpris qu'une région immense entourant Kananaskis, qui est un petit domaine éloigné dans la forêt du nord d'une province, soit déclarée zone militaire d'accès contrôlé.

    Il faut y penser à deux fois. C'est jouer avec la liberté des gens. Est-ce que le projet de loi C-55 ne ressemble pas au projet de loi que l'ex-premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, a adopté en 1970, soit la Loi sur les mesures de guerre?

  +-(1035)  

    Comme l'a dit mon collègue de Regina—Qu'Appelle, pour un petit groupe d'une douzaine ou d'une quinzaine de felquistes, on a adopté une loi qui a brimé les droits de milliers de Québécois.

    Malheureusement, je vois que le temps qui m'est alloué est terminé, mais j'aurais encore beaucoup de choses à dire.

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-55, qui remplace le projet de loi C-42 qui a été retiré par le gouvernement. Le projet de loi C-55 a été déposé à la Chambre le 29 avril 2002. Quant au projet de loi C-42, il a été retiré par le gouvernement en raison de vives critiques soulevées notamment par le Bloc québécois.

    Je voudrais résumer les principaux arguments du Bloc québécois au sujet de ce projet de loi C-55 qui nous cause encore quelques problèmes. Je voudrais parler de certains points comme les zones militaires d'accès contrôlé.

    On peut remarquer que dans le projet de loi C-55, le gouvernement s'est rendu aux arguments du Bloc québécois en resserrant les critères d'établissement des zones militaires d'accès contrôlé. Toutefois, les arguments que nous avions apportés dans le cas du projet de loi C-42 sur ce qui nous posait des problèmes sont demeurés dans l'actuel projet de loi, et c'est ce qui nous inquiète.

    C'est toujours le ministre seul qui a le pouvoir de mettre en place des zones militaires d'accès contrôlé, le même ministre qui avait omis d'aviser son gouvernement dans l'affaire des prisonniers de guerre. Aujourd'hui, il a été remplacé par un ministre qui a de l'expérience dans le domaine des institutions bancaires. Ce qui nous inquiète un peu, c'est qu'il n'a pas encore fait ses preuves. C'est tout un ministère qu'il a entre les mains. Nous espérons qu'il saura prendre de bonnes décisions et qu'il pourra regarder cela à fond pour que certains problèmes que l'on retrouve dans le projet de loi C-55 soient réglés.

    Avec tout ce qui se passe dans cette Chambre depuis quelque temps, quand on donne tant de pouvoirs à un seul ministre qui arrive au ministère, cela a de quoi inquiéter la population et nous inquiéter.

    Un des principaux points qui nous inquiète grandement, c'est que dans ce projet de loi, c'est toujours le ministre seul qui a le pouvoir de mettre en place des zones militaires d'accès contrôlé. Également, l'approbation du gouvernement du Québec n'est toujours pas requise quant à l'établissement d'une zone militaire d'accès contrôlé sur son territoire. Il y a aussi le critère de «raisonnablement nécessaire». Qu'est-ce que cela veut dire? Ce critère de «raisonnablement nécessaire» pour l'étendue des zones de sécurité militaire n'a pas véritablement changé; c'est toujours très discrétionnaire.

    Le ministre seul, pour des raisons connues de lui seul, pourra, sans consulter personne, définir quel est le critère raisonnablement nécessaire. Dans la principale ville de ma circonscription, il y a un manège militaire. Avec ce pouvoir que l'on donne au ministre seul, s'il jugeait qu'il est nécessaire d'avoir une protection pour la sécurité de son établissement et de sa propriété, s'il jugeait qu'il a à étendre cette protection sur un terrain quelconque pour protéger sa zone, il pourrait, sans avertir et sans consulter, venir installer sa zone de sécurité.

    Je n'ai rien contre le fait que l'on puisse protéger et assurer une sécurité efficace en cas de danger, mais au préalable, il faudrait peut-être en avertir les autorités, les propriétaires des lieux et la population.

  +-(1040)  

    À cet égard, on estime qu'il est difficile que ce pouvoir soit attribué à une seule personne, et ce, sans qu'elle doive consulter, car c'est elle seule qui décidera de ce qui est bon ou pas. Et cela est très dangereux, car en effet, il y a des précédents.

    Il y a déjà eu des cas où le ministre seul a décidé, a jugé, et il s'est avéré que cela avait beaucoup lésé les gens ou les citoyens qui faisaient l'objet de cette décision. C'est également inadmissible que, dans notre société, cela soit confié à une seule personne. C'est comme une espèce de dictature. C'est comme si, un matin, on se levait en disant, comme le disait le premier ministre dernièrement: «Une journée, je suis démocrate, le lendemain, je suis dictateur.»

    Quand on confie ce genre de responsabilité à une seule personne et qu'on lui donne tous les pouvoirs, comme ceux que lui accorde actuellement le projet de loi C-55, il y a de quoi s'inquiéter, et je suis certaine que vous êtes d'accord avec moi.

    Comme je le disais, certains citoyens seraient lésés par la création d'une zone militaire d'accès contrôlé ou la prise de mesures accessoires. En effet, ils ne pourraient toujours pas intenter de poursuites pour dommages, pertes ou blessures.

    S'il se produisait une situation comme celle que je décrivais tout à l'heure, il n'y aurait aucun recours judiciaire pour les gens qui seraient lésés. Cela n'a pas de bons sens. Le pouvoir qui serait accordé à une seule personne est immense: il décide, il applique sa loi, c'est comme une dictature. Personne n'aurait de recours, ne pourrait s'informer dans le but de défendre ses droits, parce que le ministre en aurait décidé ainsi. Ce n'est pas cela qu'on appelle la démocratie.

    Les motifs de relations internationales, de défense ou de sécurité nationale pour lesquels les zones de sécurité militaire du projet de loi C-42 pouvaient être créées ne sont pas repris dans le projet de loi C-55. On peut donc imaginer que, maintenant, tous les motifs sont permis, comme je l'ai décrit tout à l'heure.

    Il y a autre chose qui pose problème. Il s'agit des arrêtés d'urgence. Le projet de loi contient toujours des dispositions permettant à différents ministres, et dans un cas, à des fonctionnaires, d'utiliser des arrêtés d'urgence.

    À ce sujet, il y a deux changements mineurs: le dépôt au Parlement dans les 15 jours et la diminution du délai, de 90 à 45 jours, pendant lequel l'arrêté est en vigueur sans l'approbation du Conseil des ministres.

    Il y aura aussi absence de vérification, au préalable, de conformité avec la Charte et la loi habilitante par le greffier du Conseil privé.

    Les moyens justifient la fin. Cela n'a pas de sens. Quand on voit tout ce qui se passe actuellement, de la façon dont on s'approprie tous les pouvoirs, une personne peut dire: «On ne consulte personne», et personne ne peut dire un mot. Les gens pourraient être lésés, mais pour des motifs que le ministre ou certains fonctionnaires estimeraient «raisonnablement nécessaires»—bien qu'on ne sache pas ce que cela veut dire—on pourrait s'approprier tous les droits sans consulter.

    À la lumière de la définition du mot «dictature» dans le dictionnaire, il m'apparaît que c'est ce qu'on est en train de faire par le biais de ce projet de loi. C'est vraiment inquiétant.

    Il y a aussi les renseignements. Le projet de loi C-55 permet à deux autres intervenants d'obtenir directement des compagnies aériennes et des exploitants de systèmes de réservation des renseignements sur les passagers, soit le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS. Cela veut dire que le respect de la vie privée sera bafoué. On va obtenir la liste des passagers.

  +-(1045)  

    On va pouvoir la distribuer au commissaire de la GRC et au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité pour n'importe quel motif, sans que la personne en soit informée et sans que ses droits soient respectés. C'est ce qu'on faisait à l'époque de Staline.

[Traduction]

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Madame la Présidente, je suis extrêmement préoccupée de voir qu'on présente de nouveau cette mesure législative à la Chambre, dans sa forme actuelle. Il s'avère particulièrement troublant de constater que le gouvernement a décidé de rejeter les demandes réfléchies et rationnelles visant à faire des modifications importantes. Le projet de loi doit être modifié. À l'instar des projets de loi C-36 et C-45 qui l'ont précédé et qui, à bon escient, ont été retirées, cette mesure législative donne la priorité à une mesure antidémocratique prise soi-disant pour défendre la démocratie. Cette mesure législative ne passe même pas le test élémentaire d'assurer la protection des libertés civiles contre d'éventuels abus de l'État.

    Le Canada possède une fière tradition de lutte pour la démocratie. Lundi, j'étais sur les quais pour attendre le retour d'un de nos fiers bâtiments qui a patrouillé la mer d'Oman dans le cadre de la lutte contre le réseau al Qaeda. Il est alarmant de voir le paradoxe de nos braves marins qui risquent leur vie pour notre démocratie alors que les parlementaires essaient de faire adopter à toute vitesse une mesure législative qui enlèverait des pouvoirs au Parlement pour en confier davantage aux ministres qui pourraient prendre des décisions susceptibles de priver les Canadiens de leurs libertés civiles.

    À titre d'exemple, examinons d'abord la partie du projet de loi que je trouve la plus troublante, en l'occurrence celle qui porte sur les soi-disant zones de sécurité militaire, tirée du projet de loi C-42. Dans le projet de loi C-55, on parle dorénavant de «zones militaires d'accès contrôlé». Le nouveau projet de loi, avec ses amendements, prévoit que de telles zones peuvent être créées uniquement pour protéger la propriété du ministère de la Défense nationale ou les biens militaires étrangers, au Canada. Ces modifications n'apaisent pas suffisamment nos inquiétudes quant aux abus possible d'un tel pouvoir. Essentiellement, le message véhiculé par ce projet de loi est que tous les Canadiens, y compris les institutions que les Canadiens ont créées pour exprimer leurs valeurs démocratiques et protéger les libertés, notamment le Parlement, la presse libre et les débats publics, doivent se fier à la capacité de décision d'un seul ministre qui peut limiter l'accès à un endroit désigné pendant une période de temps de son choix et qu'il ne sera pas possible de remettre cette décision en question. En fait, il se peut même qu'une telle décision ne soit même pas rendue publique.

    Étant donné nos antécédents d'interventions policières excessives, par exemple à la conférence de l'APEC, à Québec ou aux rencontres du G-20 ici-même tout près de la Chambre, je ne fais confiance à aucun ministre et je ne crois aucun d'eux capable de protéger les libertés civiles des Canadiens. Étant donné les allégations de scandales et de mauvaise gestion formulées à l'égard des ministres d'en face, je ne suis pas certaine que les Canadiens croient qu'un seul des ministres soit capable de protéger leurs libertés civiles si la décision est laissée à sa seule discrétion et pourtant c'est ce que nous demande de faire le projet de loi C-55. Ce faisant, ce texte législatif s'en prend aux valeurs démocratiques que ces braves marins revenus au pays lundi s'efforcent de défendre.

    L'année dernière, en compagnie de du chef de mon parti, j'ai rencontré des femmes des communautés musulmanes de Halifax et de Dartmouth qui nous ont fait part de leur véritable crainte devant les changements législatifs mis en oeuvre par le gouvernement dans la foulée des attaques du 11 septembre aux États-Unis. Bon nombre d'entre elles sont venues au Canada car elles croyaient que nos traditions démocratiques les protégeraient contre l'oppression, mais cette série de projets de loi sur la sécurité, dont le C-55 est le dernier en liste, les rend craintives et elles ont même peur d'ouvrir leur porte car ce pourrait être la police qui vient les arrêter à cause du caractère ethnique de leur nom. Plus précisément, je me demande si les dispositions du projet de loi pourraient être utilisées contre ces femmes à cause de leur religion ou de leurs origines ethniques.

    J'ai rencontré des enseignants opposés à ce projet de loi à cause des attaques contre leurs libertés civiles. J'ai rencontré des organisations d'aide aux immigrants qui m'ont fait part des craintes de leurs clients. Cette réaction législative du gouvernement aux événements du 11 septembre va beaucoup trop loin et beaucoup trop vite d'après nous. Où est donc la disposition de réexamen de ces mesures?

    De nombreux témoins s'exprimant au sujet du projet de loi C-36 ont notamment parlé d'une disposition de réexamen à la manière de ce que font les Américains. Une telle disposition forcerait le gouvernement à présenter la mesure législative encore une fois, à procéder à un débat et à modifier ladite mesure avant qu'elle ne s'applique à nouveau pendant une autre période. Bien des témoins ont proposé une durée d'application limite de trois ans pour différents aspects de la mesure législative.

  +-(1050)  

    Le Nouveau Parti démocratique a proposé un amendement tenant compte de ces préoccupations. Le gouvernement avait cependant déjà décidé de n'inclure qu'une disposition de caducité édulcorée en vertu de laquelle, au bout de cinq ans, la Chambre et le Sénat voteraient sur une motion visant à prolonger l'application des dispositions relatives aux enquêtes en cours et aux arrestations préventives, deux des dispositions les plus controversées dans ce projet de loi. Bien que ce soit mieux que rien, ce n'est pas une disposition de caducité au sens propre. Au lieu d'amener le gouvernement à revoir la loi, on l'oblige simplement à demander aux députés et aux sénateurs de voter en faveur du maintien des dispositions existantes du projet de loi C-36. Le gouvernement a refusé de prévoir le réexamen du projet de loi C-36, et il n'a même jamais envisagé de nous permettre de débattre d''une éventuelle disposition de caducité pour le projet de loi C-55.

    Dans quelques semaines, aura lieu la réunion du G-8 à Kananaskis, en Alberta. Hier, j'ai été déconcertée d'entendre le député de Wild Rose qualifier les manifestants de terroristes à des fins d'assurance, et cela avant même que n'ait lieu la moindre manifestation. Je m'attends évidemment à ce que les manifestations organisées à Calgary seront pacifiques et je crois que, si l'on rassemble les manifestations dans les bois, les seuls actes de violence devant être commis le seront contre les moustiques et les mouches noires; je ne m'en inquiète pas moins pour la sécurité des manifestants du fait de réactions de personnes comme le député de Wild Rose, de personnes qui qualifient déjà de terroristes ces activistes pacifiques, syndicaux et autres, qui dénoncent la mondialisation, car ce qualificatif est lourd de conséquences juridiques en vertu des projets de loi C-36 et C-55.

    Après la violence observée au sommet des Amériques à Québec et lors de la conférence de l'APEC à Vancouver, je me demande combien de temps cela prendra avant que le ministre de la Défense ou d'autres responsables gouvernementaux ne fassent appliquer ces lois pour étouffer toute dissension légitime menaçant, non pas le pays, mais plutôt l'avenir politique du ministre. Que l'on ne se méprenne pas sur mes intentions: je m'oppose au vandalisme, même si ce sont les restaurants McDonald qui sont visés, mais je m'oppose aussi aux lois qui assimilent ces actes aux événements maléfiques du 11 septembre.

    Je me méfie beaucoup du gouvernement. Les dizaines de milliers de manifestants pacifiques se méfient eux aussi du recours accru aux forces de maintien de l'ordre pour les mater. L'entêtement du gouvernement à refuser que soient apportés des amendements raisonnables à ce projet de loi historique justifie leur méfiance.

    Je crois en la démocratie au Canada. Je prends très au sérieux les libertés civiles garanties par la Charte. Consacrons le temps et les efforts nécessaires à l'élaboration d'une loi qui garantira notre sécurité sans nuire à nos libertés civiles en cette période angoissante de notre histoire.

  +-(1055)  

[Français]

+-

    M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir ce matin de prendre la parole au nom du Bloc québécois au sujet du projet de loi C-55.

    Le projet de loi C-55 est né du défunt projet de loi C-42. Pourquoi le projet de loi C-42 n'a-t-il pas reçu l'aval, l'unanimité ou du moins l'appui majoritaire des parlementaires de cette Chambre? Pourquoi ne se sont-ils pas prononcés en faveur du projet de loi C-42?

    Tout d'abord, c'est à cause de la performance du Bloc québécois. Les parlementaires de l'opposition, autant au sein d'un parti politique que de l'autre, ont fait leur travail afin de sensibiliser le gouvernement sur l'erreur qu'il allait commettre en adoptant intégralement le projet de loi C-42. Bien sûr, du côté de l'opposition, les parlementaires ont tenté à maintes reprises de poser des questions au gouvernement au cours de la période des questions orales. Ils ont tenté de faire leur travail de parlementaires en comité et d'interpeller les personnes touchées de près ou de loin par le projet de loi C-42. En comité, la majorité des témoins nous démontraient clairement que le gouvernement fédéral s'apprêtait à commettre une grave erreur de gestion en adoptant intégralement ce projet de loi.

    Le Bloc québécois n'est pas resté assis sur sa position pour dénoncer tout simplement le projet de loi C-42, mais a apporté sa contribution en participant au débat pour sensibiliser le gouvernement et en présentant des amendements afin de corriger le projet de loi au sein duquel on retrouvait des éléments de dictature et de responsabilité attribuée à une seule personne pour lequel le gouvernement aurait pu subir certaines conséquences souvent malheureuses suite au jugement d'un seul ministre.

    Devant la position du Bloc québécois d'abord, devant la qualité des interventions du chef du Bloc québécois, du leader parlementaire, de l'appareil des partis et des porte-parole des différents dossiers—on a présenté des amendements de poids et de qualité—, le gouvernement n'a pas eu d'autre choix que de dire: «Cela a du sens et de l'allure. Ce qu'ils avancent est important. On s'apprête à faire une erreur. On doit modifier notre projet de loi.» C'est ainsi qu'a été créé le projet de loi C-55.

    Cependant, le projet de loi C-55 ne va pas au fond des choses. On a en partie repris ce qui les intéressait suite aux amendements du Bloc québécois, on a enlevé ce que les lobbyistes ne voulaient pas voir au sein du projet de loi C-42, ceux qui les dérangeaient ou les intimidaient. On parle de ceux qui ont des entrées ou qui ont accès à différents ministres du côté gouvernemental. On n'a pas voulu les décevoir. On a également enlevée cette partie du projet de loi.

    Aujourd'hui, on présente devant la Chambre des communes un projet de loi amélioré, mais qui est selon moi encore inacceptable. Pourquoi? Parce qu'on essaie de donner à un seul ministre des pouvoirs excessivement dangereux à cause de la décision qu'il risquerait de prendre dans un moment de panique ou d'assumer des responsabilités en ne considérant pas le Conseil des ministre, ce qui mènerait à une décision malheureuse.

    Bien sûr, si c'était le vendredi, le premier ministre défendrait son ministre de la Défense nationale, comme il l'a fait pour son ministre des Travaux publics. Le vendredi, il défend le ministre. Qu'est-ce qui s'est passé le samedi? On apprend que les deux mêmes ministres ne sont plus là le dimanche. Pourtant, ils étaient bons le vendredi. Ils avaient fait ce qu'ils devaient faire. La décision qu'ils ont prises était importante. Le vendredi, tout était justifié.

    Une voix: C'était vendredi dernier.

    M. Gérard Asselin: Ce n'est pas loin. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, c'était vendredi dernier.

  +-(1100)  

    Samedi dernier, le premier ministre apprend que ce n'est plus cela; c'est autre chose. Même le ministre a induit le premier ministre en erreur. Il y a des éléments qu'il ne trouvait pas importants, mais qui l'étaient, selon le code d'éthique des ministres. Il aurait dû informer le premier ministre. Et, dimanche, le premier ministre décide d'assumer ses responsabilités, peut-être pour essayer de cacher sous la couverture ou sous le tapis le scandale dont il est question.

    Qui est passé dans le tordeur? Le ministre de la Défense. Il a commis une erreur de jugement en attribuant un contrat à son ex-petite amie; c'était inacceptable. On ne peut pas accepter une telle chose. Cela devient du patronage. C'est l'argent du public et des contribuables qu'on gère.

    On se doit de gérer l'appareil gouvernemental en bons gestionnaires, à aller en appels d'offres, à inviter des gens à soumissionner et à choisir le moins onéreux soumissionnaire qui se conforme. À ce moment-là, on respecte l'élément de la transparence. On ne devrait pas tenir compte de critères à savoir si les soumissionnaires sont membres du parti, s'ils vont contribuer au parti, s'ils ont contribué au parti, s'ils sont proches de l'organisation. Ce sont des critères dont on ne doit pas tenir compte à cet égard.

    Lorsqu'on parle de zones militaires d'accès contrôlé, on fait aussi référence au Sommet des Amériques qui a eu lieu à Québec. Le gouvernement du Québec, l'appareil gouvernemental québécois était très près des lieux des événements. On se rappelle les manifestations qui se sont déroulées au Sommet des Amériques.

    Pourquoi y a-t-il eu de telles manifestations? C'est parce que les gens sont sensibilisés à la mondialisation. Ils veulent savoir ce qui se passe lors de tels sommets, connaître les thèmes qui y seront discutés, comment cela les compromettra et ce qui arrivera ultérieurement. Les textes n'ayant pas été disponibles, cela a créé certaines frustrations. Et je les ai appuyés dans ces mouvements d'inquiétude devant des décisions prises souvent par une seule personne.

    Si on décrétait, à un moment donné, une zone militaire d'accès contrôlé, on pourrait aussi décréter l'état des mesures d'urgence et, à ce moment-là, arrêter tout citoyen circulant dans cette zone, même si son lieu de résidence ou son lieu de travail, son école ou son lieu de fréquentation habituel faisait partie de cette même zone.

    On pourrait, pendant un certain temps—et on a diminué cette période de temps de 90 jours à 45 jours—arrêter et emprisonner des jeunes, des femmes, des hommes, des personnes âgées qui pourraient se retrouver au mauvais endroit, parce que le gouvernement fédéral, le ministre de la Défense, aurait décidé que, par rapport à tel événement, un tel endroit deviendrait une zone militaire d'accès contrôlé. Le ministre peut déterminer que cette zone se situe à X kilomètres carrés autour du site en question.

    Si cela s'était produit lors du Sommet des Amériques, cela aurait peut-être eu pour effet d'immobiliser la population de Québec. C'est pourquoi nous, du Bloc québécois, pensons que c'est inacceptable.

    Ensuite, il y a les arrêtés d'urgence. Le ministre peut décider--il a apporté une petite correction, au lieu de 90 jours, il a décidé que ce serait 45 jours--de la durée initiale des arrêtés d'urgence. En effet, après les délais, ils devront être confirmés par le gouverneur en conseil.

    L'autre chose qui nous semble minime, c'est que dans un deuxième temps, les arrêtés d'urgence devront être déposés devant les deux Chambres du Parlement dans un délai de 15 jours de la séance suivant la prise de décision.

  +-(1105)  

    Si le ministre de la Santé décidait demain matin, comme le disait mon collègue de Argenteuil—Papineau—Mirabel, qu'en raison d'une bactérie ou d'un autre élément, on doit vacciner tout le monde, qu'arriverait-il? Qu'arriverait-il encore si la Croix-Rouge ou Héma-Québec manquait de sang et qu'on décidait d'obliger tout le monde à donner du sang pour renflouer la banque de sang de la Croix-Rouge?

    En terminant, j'appartiens à une région très éloignée du gouvernement fédéral. Je suis sur la Côte-Nord, dans le comté de Charlevoix. Au sein du projet de loi C-55, la surtaxe de 24 $ sur le transport aérien est inacceptable. Elle nuit à la population régionale, elle nuit aux transporteurs et devrait être éliminée du projet de loi C-55.

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Madame la Présidente, c'est la deuxième fois que je prends la parole sur le projet de loi C-55. J'essaie toujours d'apporter une vision féministe dans un débat. Je pense que c'est important parce que les femmes composent 52 p. 100 de la population canadienne. Elles ont le droit de donner leur opinion sur un projet de loi aussi important qui va réglementer certaines de leurs actions dans les mois et les années à venir.

    Ce matin, je vais me baser sur ce que les femmes sont venues nous dire suite aux événements de septembre 2001. Elles sont venues nous rencontrer en octobre ou novembre dernier pour s'opposer à des décisions unilatérales quant à la sécurité de leur famille et de leurs enfants.

    Je pense que les femmes ne s'opposent pas à ce qu'il y ait une loi pour assurer la sécurité publique. Toutefois, les Canadiennes comme les Québécoises, qui ont des préoccupations au sujet de la sécurité de leurs enfants et de leur famille, veulent vraiment que ce projet de loi soit débattu dans un esprit de transparence. Effectivement, les femmes veulent que leurs enfants et leur famille soient en sécurité, mais selon des mesures équitables, justes et intelligentes.

    Ce projet de loi comporte des dispositions qui sont problématiques pour les femmes. Pour elles, trois éléments posent un problème d'une extrême importance. Le premier élément concerne les pouvoirs non limités que peuvent avoir le ou les ministres, soit en matière de santé, de mesures d'urgence ou de transports.

    Si on regarde au plan de la santé, je vais consulter les notes que j'ai prises suite à cette rencontre. La partie 5 du projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé pour conférer au ministre le pouvoir de prendre un arrêté d'urgence s'il estime qu'une intervention immédiate est nécessaire afin de parer à un risque appréciable pour la santé ou la sécurité. Lorsqu'on parle de parer à un risque appréciable, je pense que c'est là où les femmes n'ont pas confiance. Je vais y revenir tout à l'heure.

    En ce qui concerne les mesures d'urgence, qu'est-ce qui est urgent? Actuellement, les femmes ont des besoins. Elles tiennent à bout de bras la santé à l'échelle du Canada par leurs actions sur leur terrain. Elles tiennent à bout de bras la question de l'éducation. N'est-ce pas un élément urgent? Ce qui est urgent pour l'un n'est pas nécessairement urgent pour l'autre.

    En matière de transports, l'élément qui est problématique se situe au plan de la sécurité. On sait que les transporteurs aériens auront l'obligation de donner des informations. Je pense à une femme violentée qui se cache, à une femme qui a besoin de sortir du pays et d'aller chercher des informations, si elle est retracée et retrouvée, cela n'assure pas tellement la sécurité.

    Le deuxième élément concerne les zones militaires d'accès contrôlé. J'y reviendrai également.

    Le troisième élément concerne les renseignements personnels. On sait maintenant que le commissaire à la protection de la vie privée a dit qu'il n'y aurait plus de renseignements personnels puisqu'on sera obligés de les communiquer à un organisme qui dépendra d'un ministre ou d'un fonctionnaire.

    En ce qui concerne le premier élément relativement au pouvoir non limité de décréter des arrêtés d'urgence, les femmes du Québec et du Canada ne sont pas sans se souvenir de la façon dont le ministre de la Défense nationale de l'époque, c'était en décembre je pense, a opéré dans le cas des prisonniers faits en Afghanistan et amenés à la base de Guantanamo. Les femmes se souviennent du manque de discernement du ministre de la Défense qui, à l'époque, avait caché ces opérations au Parlement et à la population canadienne. On peut également se souvenir de «Big Brother».

  +-(1110)  

    La confiance des femmes est très limitée face à certains agissements du gouvernement du Canada. Les femmes veulent savoir jusqu'où iront les ministres qui auront à prendre des décisions en vertu du projet de loi C-55. Elles ne lui font pas confiance. Elles se demandent jusqu'à quel niveau de logique et de transparence iront ces hommes qui gouvernent, qui prennent des décisions. Car, on le sait, il n'y a pas beaucoup de femmes dans les milieux décisionnels. Est-ce qu'on tiendra compte de l'avis des femmes?

    Les femmes se posent aussi des questions quant à la crédibilité, à la fois des services canadiens de sécurité et des fonctionnaires. Dans le projet de loi C-55, il est mentionné qu'on laisse à des fonctionnaires la possibilité de prendre des décisions. Cela inquiète les femmes. En ce qui a trait aux zones militaires d'accès contrôlé, encore là, on touche la qualité de vie des femmes.

    Soulignons que les femmes du Québec, dont je suis, se souviennent de la crise d'Octobre de 1970. Personnellement, je l'ai vécue. J'étais résidante de Montréal dans un secteur où l'armée était présente. Cela a eu des incidences psychologiques épouvantables. Je m'en souviens comme si c'était hier. Je me souviens de ce climat de guerre, de ces images que j'ai toujours à l'esprit. À cette époque, j'étais dans une zone militaire d'accès contrôlé, si on peut la nommer ainsi. J'étais dans un quartier soumis au couvre-feu où j'étais surveillée. À l'époque, jeune personne, je ne pouvais pas sortir comme je le voulais. Cela a laissé des séquelles.

    Comme moi, les femmes du Québec se souviennent de cela. Elles ne sont pas certaines que ces zones militaires d'accès contrôlé ne reproduiront pas ce qu'elles ont vécu.

    De plus, si j'en viens aux revendications des femmes, et je veux mettre l'accent là-dessus, on constate que les femmes du Québec, comme celles du Canada, ont participé à des marches. La première marche que l'on a publicisée un peu moins, c'est celle Du pain et des roses, en 1995. Les femmes sont venues dire: «La pauvreté, on la vit tous les jours; la violence, on la vit fréquemment. On a besoin d'un système plus juste, plus équitable. On a besoin de mettre en place des mesures pour nos enfants, pour nos familles. On a besoin que le gouvernement s'intéresse davantage à nos préoccupations.»

    En 1995, elles ont marché. En 2000, elles ont marché encore et elles sont allées chercher de l'appui dans le monde entier. C'était une étape de plus. Encore cette fois, elles sont venues dire que la situation ne pouvait plus durer. Il y a encore beaucoup de pauvreté au Canada; on sait qu'il y a 1,3 million d'enfants pauvres. Il y a encore beaucoup de pauvreté dans les familles monoparentales et à faible revenu. Il y a un désengagement dans le dossier du logement social. Il y a aussi beaucoup de violence à laquelle on ne fait pas attention.

    Je pense que les femmes en ont assez. Elles ont marché deux fois, elles ne marcheront pas trois fois. Quand les femmes voient 60 milliards de surplus au gouvernement fédéral, qu'elles tiennent à bout de bras les services de santé et d'éducation et les services sociaux, comme je le disais tantôt, c'est possible qu'elles marchent encore une troisième fois, mais ce sera avec plus d'ampleur.

    C'est possible aussi que leurs agissements, que leurs gestes aillent plus loin. Qu'est-ce qui leur garantit qu'elles pourront, dans un contexte de transparence, de justice, d'équité et de liberté, venir faire part de leurs revendications? Lorsqu'elles ont marché lors du Sommet des peuples, si je comprends bien l'actuel projet de loi, elles auraient été dans une zone militaire d'accès contrôlé et on leur aurait interdit de venir s'exprimer.

    Les femmes en sont rendues à un tel point d'écoeurement et de lassitude, à un tel point d'exaspération, qu'elles devront aller plus loin. Lorsqu'elles iront plus loin, est-ce qu'on décrétera que pour des motifs de sécurité publique, elles n'auront pas le droit de le faire? Est-ce qu'on décrétera des zones d'accès militaire contrôlé?

    Je termine en disant que pour les femmes, la Loi de 2002 sur la sécurité, quelle sécurité est-ce?

  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Madame la Présidente, j'ai déjà eu l'occasion de parler du projet de loi et j'ai l'intention de le faire de nouveau car il représente une menace très grave et fondamentale pour la liberté et les droits civils des Canadiens. Je crois également que le projet de loi est absolument inutile. Tous les pouvoirs dont le gouvernement a besoin existent déjà dans la Loi sur les mesures d'urgence, comme ma collègue vient de le dire. Cette loi a été introduite il y a plus de dix ans pour remplacer la Loi sur les mesures de guerre qui avait été invoquée avec une imprécision tellement terrible par le gouvernement Trudeau, le gouvernement libéral de l'époque, pour jeter des Canadiens en prison sans accusation au cours d'un chapitre révoltant de l'histoire de notre pays.

    Qu'a fait le Parlement du Canada à ce sujet? Pendant des années, nous avons été résolus à ce que des pouvoirs de ce genre ne soient pas de nouveau investis dans un gouvernement national. Le Parti libéral a fréquemment promis de modifier la Loi sur les mesures de guerre, comme il a promis par exemple d'instituer un poste de commissaire à l'éthique, mais il ne l'a pas fait. Il a fallu un autre gouvernement, dont j'ai eu l'honneur de faire partie, pour présenter des modifications qui nous ont débarrassés de la Loi sur les mesures de guerre pour la remplacer par la Loi sur les mesures d'urgence. Cette dernière a donné au gouvernement du Canada les pouvoirs dont il a besoin pour agir lors de situations d'urgence, mais elle a également prévu, pour la première fois, la capacité pour le Parlement d'examiner, d'abroger et de contrôler les mesures que prend un gouvernement en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence.

    Que fait le projet de loi à l'étude? Il maintient le pouvoir du gouvernement mais enlève le pouvoir de contrôle exercé par le Parlement.

    Le projet de loi ne vise pas à combattre le terrorisme, mais à accorder plus de pouvoir à un gouvernement du Canada qui en a déjà trop. Jour après jour, le gouvernement démontre son inclination à abuser de son pouvoir. Le présent projet de loi serait mauvais à n'importe quel moment, mais il l'est d'autant plus en cette période où les ministres, dans des affaires relativement mineures, trahissent les uns après les autres la confiance de la Chambre et abusent de leurs pouvoirs.

    Si les libéraux abusent de leurs pouvoirs dans l'octroi de contrats de publicité, les Canadiens ont tout lieu de craindre que le parti au pouvoir, qui a déjà invoqué la Loi des mesures de guerre, soit capable de violer les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, sans que le Parlement puisse faire quoi que ce soit.

    Nous avons devant nous un projet de loi très dangereux. Je suis heureux de constater que des députés ministériels émettent de réserves sur certaines parties de ce texte de loi. Notre parti fera tout en son pouvoir pour mettre en relief les aspects très dangereux de ce projet de loi, et je me réjouis de voir que d'autres partis d'opposition feront de même.

    Entre autres choses, le C-55 permettra au ministre de la Défense nationale de désigner, rien que sur la recommandation de son chef d'état-major de la Défense, ce qu'on appelle des zones militaires d'accès contrôlé. Cela signifie que toute propriété privée ou publique au Canada peut être considérée comme une zone militaire si le gouvernement estime qu'il faut assurer la sécurité d'une chose ou d'une personne.

    Le libellé du projet de loi est imprécis. Il est indiqué en effet que si le gouvernement déplace du matériel militaire n'importe où au Canada, l'espace aérien, le sous-sol et les alentours de l'emplacement du matériel peuvent être désignés comme une zone militaire. De quel matériel peut-il s'agir? Ce peut être une voiture d'état-major, un char d'assaut, une botte de soldat ou toute chose qui, selon une interprétation raisonnable de la loi, appartient à la Défense nationale.

    Par conséquent, en vertu de ce projet de loi, si une voiture d'état-major se pointait tout à coup à Kananaskis, sur la pelouse devant l'Assemblée nationale à Québec, devant la porte de Queen's Park ou celle de l'Assemblée législative de l'Alberta, le gouvernement fédéral aurait le droit de déclarer que l'espace aérien au-dessus de l'endroit où s'est arrêtée la voiture, de même que le sous-sol et le secteur environnant, constituent une zone militaire où la loi martiale fédérale peut s'appliquer. Ce sont là des dispositions législatives effrayantes. Que cela traduise ou non l'intention du gouvernement, c'est bien ce que dit le projet de loi.

  +-(1120)  

[Français]

    L'article 74 du projet de loi C-55 modifie la Loi sur la défense nationale, de manière à y inclure la définition de zones militaires d'accès contrôlé. Le ministre est désormais habilité à désigner en ce sens tout bien fourni par les Forces canadiennes ou le ministère, qui est situé à l'extérieur d'un établissement de la Défense. Cela veut dire tout bien civil.

    Le nouvel article définit une zone militaire d'accès contrôlé, comme étant la désignation, et je cite le paragraphe 260.1(3):

[...] d'un terrain, d'un plan d'eau, d'un espace aérien ou d'une installation qui se rattache à un élément visé au paragraphe (1) ou qui le comprend, que cette zone soit fixe ou attachée à l'élément en cause; sont automatiquement compris dans la zone militaire d'accès contrôlé l'espace aérien, le sous-sol et les espaces sous-marins correspondants.

    En fait, le ministre pourrait désigner un char d'assaut, une voiture, un navire, voire une botte de soldat à titre de zone militaire d'accès contrôlé.

    La région entourant la zone, au-dessus et en-dessous d'elle, serait dorénavant sous contrôle militaire. Les dimensions de la zone ne sont pas précisées. Le projet de loi stipule seulement qu'elles, et je cite le paragraphe (4):

    

[...] ne doivent pas être plus grandes que ce qui est raisonnablement nécessaire pour assurer la sécurité des personnes, des objets ou des biens pour lesquels elle est créée.

    On dit bien: «raisonnablement nécessaire». Qui juge ce qui est raisonnable dans une telle question? Cela reste exclusivement et entièrement à la discrétion du ministre de la Défense nationale.

    Une voix: Un ministre.

    Le très hon. Joe Clark: Un seul ministre.

    Cela équivaut ni plus ni moins à une application abusive de la loi martiale. La zone peut être établie à tout endroit où le ministre décide de garer un véhicule militaire. Quiconque se trouve dans une zone militaire peut être éloigné de force. Tout contrevenant est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement de 12 mois.

    La désignation du ministre n'est pas assujettie à la Loi sur les textes réglementaires. Cela signifie qu'il n'aura pas à s'assurer que la désignation est autorisée dans d'autres lois et qu'elle est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés. C'est un pouvoir extraordinaire, un pouvoir illimité que le gouvernement veut donner au ministre de la Défense nationale. C'est un pouvoir qui peut établir une loi martiale n'importe où au Canada.

    Comme je l'ai dit, cela peut être à l'Assemblée nationale du Québec ou sur le terrain de l'Assemblée législative de l'Alberta. N'importe où, ce pouvoir est entre les mains de ce gouvernement et il ne sera pas assujetti aux limites établies dans la loi régissant les activités du gouvernement dans d'autres cas.

  +-(1125)  

[Traduction]

    J'ai soulevé ces questions, non seulement à la Chambre, mais encore dans une lettre que j'ai adressée au premier ministre il y a quelques jours. Le 21 mai, le premier ministre m'a écrit pour me dire de ne pas m'inquiéter et qu'il n'y avait pas de problème. La Chambre croit-elle vraiment qu'un gouvernement qui envoie Alfonso Gagliano au Danemark abuserait de son pouvoir dans le domaine militaire? Telle est l'essence de la lettre.

    Je voudrais citer deux ou trois extraits de la lettre. Le premier ministre répond à mon argument voulant que nous n'avons pas besoin de cette loi parce que nous avons déjà la Loi sur les mesures d'urgence. Dans sa lettre du 21 mai, le premier ministre dit: «La Loi sur les mesures d'urgence est une mesure utilisée en dernier recours.»

    Cela ne jette-t-il pas un éclairage fort intéressant sur la fréquence à laquelle le gouvernement compte utiliser le pouvoir qui lui serait conféré par le projet de loi C-55? Le premier ministre a dit qu'il invoquerait la Loi sur les mesures d'urgence en dernier recours, mais cela ne suffit pas. En conséquence, il demande qu'on lui accorde un pouvoir échappant au contrôle du Parlement. C'est un pouvoir dont il se servirait en premier recours, et non en dernier recours, c'est-à-dire toutes les fois qu'il en aura envie. Il se prévaudrait de cet instrument terriblement abusif pour instituer la loi martiale toutes les fois que le ministre de la Défense voudra le faire ou abuser des autres dispositions du projet de loi, sans consulter ses collègues.

    Depuis mon premier jour à la Chambre, je ne me souviens d'aucune mesure législative aussi dangereuse que celle dont nous sommes maintenant saisis. Nous avons tous été consternés quand le gouvernement a invoqué la Loi sur les mesures de guerre pour jeter en prison des citoyens canadiens sans qu'aucune accusation n'ait été portée contre eux. Voici que le gouvernement libéral du député de Saint-Maurice veut nous ramener au même point où le gouvernement du regretté Pierre Trudeau a abusé de ses pouvoirs en recourant à la Loi sur les mesures de guerre. Le premier ministre actuel veut avoir sa Loi sur les mesures de guerre. La différence, c'est qu'après l'adoption de la Loi sur les mesures d'urgence, nous avons obtenu le pouvoir de protéger les citoyens canadiens. Le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis enlèvera ce pouvoir au Parlement. C'est donc un projet de loi dangereux et mal conçu.

[Français]

+-

    M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, j'ai suivi les dernières interventions de ce débat et je les ai trouvées intéressantes.

    On doit réfléchir à ce qu'on est en train de faire ici, au Parlement. J'invite particulièrement les députés d'en face, qui sont pourtant assez silencieux, à se prononcer. Je m'interroge sur leur capacité de défendre les mérites de cette loi, puisque très peu d'entre eux se font entendre en ce moment.

    Nous nous penchons sur un projet de loi qui fera en sorte que le Parlement, les élus de cette Chambre vont mettre entre les mains d'un seul individu des pouvoirs extraordinaires ayant une portée comportant très peu de précédents.

    Oui, j'ai entendu les dernières références, et sans nécessairement vouloir entrer dans ce débat, disons que le traumatisme relatif à la Loi sur les mesures de guerre et des abus qui en ont découlé existe au Québec.

    Le projet de loi entend donner à un individu des pouvoirs aussi considérables que celui de pouvoir décréter des zones militaires d'accès contrôlé, avec tout ce que cela implique de risques par rapport aux droits des individus qui seront dans ces zones, par rapport aux abus qui peuvent être faits dans les choix et dans les limitations de ces zones, et les motifs pour lesquels on le ferait.

    Le Parlement, en adoptant le projet de loi C-55, abandonnerait sa responsabilité, qui est de pouvoir se prononcer dans ces situations, en accordant à un seul individu beaucoup de pouvoirs. Cette personne n'aurait pas à respecter le processus habituel d'adoption d'une loi, encore une fois, car elle serait soustraite aux obligations habituelles lorsqu'on doit prendre des mesures aussi extraordinaires, peu importe qu'elles soient extraordinaires ou pas.

    C'est inquiétant. On vient de changer de ministre de la Défense, mais je me rappelle, lors des dernières semaines, d'une situation où il était très inquiétant de voir comment la chaîne de commandement militaire n'avait pas conduit à informer le premier ministre du fait que le Canada avait fait des prisonniers, sous prétexte que cela avait été une erreur de jugement de la part du ministre de la Défense.

    C'était ça, la défense du gouvernement. Cette personne avait donc fait une erreur de jugement grave, parce que cela avait influencé toute la position du Canada dans un débat extrêmement important sur la scène internationale, à ce moment-là, c'est-à-dire le statut des prisonniers. Cette personne aurait pu être la même, bien qu'on l'ait changée, mais bref...

    Une voix: Ce n'est pas mieux.

    M. Pierre Brien: Non, je ne pense que ce soit nécessairement pour le mieux. Donc, on pourrait accorder des pouvoirs aussi extraordinaires à un tel individu. Cela m'inquiète énormément.

    J'aimerais qu'on m'explique concrètement--évidemment, on est dans la foulée du 11 septembre--quelles actions auraient été prises différemment si on avait adopté le projet de loi C-55? Qu'est-ce qui aurait été fait de façon différente? Maintenant, on veut donner l'impression que le gouvernement se donne plus de pouvoirs pour agir. Cela évite des discussions aussi ou des débats, à savoir si on a bien utilisé les pouvoirs déjà existants.

    C'est la même chose qui se produit aux États-Unis. On l'a vu encore plus lors des dernières semaines, lorsqu'on a appris que déjà, depuis un certain temps, il y avait des avertissements sérieux quant à des menaces et quant au sérieux de ces menaces.

    Ce ne sont pas toujours les pouvoirs théoriques qui sont en cause lorsque se produisent des situations comme celle du 11 septembre, mais la capacité d'exercer les pouvoirs que l'on détient déjà. Et il y a déjà beaucoup de pouvoirs en place pour assurer le contrôle et la sécurité.

    Bien sûr, on n'est pas à l'abri de catastrophes imprévues. À cet égard, il faut faire attention, parce que le gouvernement va se draper dans le fait qu'il a adopté des lois, parce que ce n'est pas la première loi qu'il présente depuis le 11 septembre; il y en a eu une lors de la session antérieure. Ce projet de loi, qui portait le numéro C-42, a été soumis une première fois, mais il était encore pire que la loi actuelle. Cependant, beaucoup d'éléments qui ne sont pas acceptables s'y retrouvent encore.

    Maintenant, on se retrouve devant une situation où, en fin de session, au mois de juin, avant de quitter pour le congé estival, on voudrait faire adopter ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, l'envoyer en comité et, je suis convaincu, nous «bulldozer» un peu pour essayer de le faire adopter avant l'été.

    Cela m'inquiète énormément, parce qu'on emploie le même procédé qui avait été utilisé au début avec le projet de loi C-42, soit de vouloir faire cela assez rapidement, sous prétexte que ce n'était pas si pire que cela, que tout était bon, que ces pouvoirs étaient nécessaires. Après une bataille féroce menée par le Bloc québécois, d'autres partis d'opposition et des gens de la société en général, le gouvernement a reculé et a admis que, dans certains cas, il allait trop loin.

    Pourtant, c'est le même gouvernement qui, lorsqu'il a déposé le projet de loi C-42, disait: «Non, non, tout est correct. Ne vous inquiétez pas.»

  +-(1130)  

    Il et très dangereux d'improviser dans ce genre de situation et d'aller trop vite, trop rapidement. Les gouvernements utilisent souvent des opportunités. On l'a vu après le 11 septembre. Ce n'est pas unique ici, on l'a vu dans d'autres pays et on voit le Canada prendre la même tangente, c'est-à-dire de profiter du contexte qui se crée. Lorsque les gens s'interrogent sur la sécurité, sous prétexte d'améliorer cette fameuse sécurité, on se donne plus de pouvoirs. Encore une fois, on se donne plus de pouvoirs. Dans la situation actuelle, on met tout le pouvoir entre les mains de quelqu'un qui fait partie de l'exécutif et pas nécessairement entre les mains du Parlement. On voit cette tendance régulièrement. C'est de l'opportunisme politique du gouvernement que de vouloir se donner des pouvoirs de cette façon.

    Je souhaite que la Chambre soit très prudente à aller dans cette direction; il faut tout le temps nécessaire. Je ne m'illusionne pas; je ne crois pas qu'on réussira à convaincre les libéraux au stade de la deuxième lecture. On est à l'étape des discussions sur un amendement. Où doit se tenir ce débat et devant quel comité de cette Chambre?

    Lorsque les gens étudieront cette loi plus en détail, lorsque le comité se penchera sur cette étude, il faut qu'il prenne son temps. Plusieurs personnes ont déjà tiré la sonnette d'alarme. On nous a dit: «Un instant, cela va beaucoup trop loin. Le gouvernement utilise un contexte.»

    Plus on va se détacher du 11 septembre, et l'émotivité a déjà baissé de beaucoup, plus cela fera en sorte que les décisions seront prises de façon beaucoup mieux éclairée que dans l'improvisation, dans la panique et, j'ajouterai, dans l'opportunisme de ceux et celles qui détiennent le pouvoir et qui veulent s'en donner davantage.

    Soyons prudents. Comme je l'ai dit tantôt, j'ai beaucoup de difficulté à ce qu'on fasse cela trop rapidement. Tant mieux si on renvoie le gouvernement à la table à dessin maintenant. J'aimerais que les libéraux disent: «Un instant, cela va déjà beaucoup trop loin», et qu'ils reviennent sur des bases plus modestes et plus réalistes, avec des choses permettant d'améliorer la sécurité. Mais encore une fois, il faut que ce soit avec des exemples très concrets sur ce qu'on n'a pas fait et qu'on aurait pu faire. J'aimerais qu'on nous dise, du point de vue législatif, quels outils n'étaient pas là et auraient été nécessaires de façon concrète. Qu'on ne dise pas cela de façon générale en disant qu'il faut adopter des lois plus sévères.

    La loi, c'est une chose, mais les moyens pour la mettre en application en sont une autre. Comment peut-on assurer notre sécurité de façon intelligente? En même temps, il ne faut pas s'illusionner, c'est un grand territoire. Même si les moyens sont considérables, ils restent modestes. On n'est pas non plus la cible première des actes terroristes. Toutefois, il ne faut pas penser non plus qu'on n'est pas à l'abri.

    Lors de discussions et dans les médias, on entend dire que des gens passent par chez nous pour servir dans des organisations ayant des ramifications internationales avec le terrorisme. C'est la dimension la plus inquiétante que l'on soupçonnait depuis un bon moment déjà. Il faut bien sûr continuer à travailler sur cette question. Les services secrets et les services d'information doivent jouer un rôle clé, tout en étant conscients qu'il ne faut pas que ces pouvoirs servent à créer de l'abus et à toutes sortes de contextes internes n'ayant aucun rapport avec la lutte au terrorisme. Il faut bien cibler les choses. Ce sont des inquiétudes normales et légitimes.

    Ce n'est pas parce qu'on s'oppose à ce projet de loi qu'on pense que rien ne doit être fait, sauf qu'il ne faut pas exagérer non plus les pouvoirs nécessaires à un gouvernement. Et là, il ne s'agit pas seulement d'un gouvernement, mais d'un ministre. J'ai beaucoup de difficulté avec cela. Tous les pouvoirs sont remis entre les mains du ministre de la Défense. C'est extrêmement inquiétant. J'espère qu'on va entendre les députés sur cette question.

    Le député de Mont-Royal s'est fait entendre publiquement pour dire qu'il était en désaccord. En se prononçant au moment du vote, j'espère que le geste sera conséquent avec les paroles du passé alors qu'il disait que c'était inacceptable. Je souhaite que d'autres de ses collègues fassent la même chose. La meilleure façon qu'ils ont de se faire entendre, c'est aussi d'envoyer un message à leur gouvernement. On ne leur demande pas de renverser le gouvernement, on leur demande de lui envoyer un message disant que ce qui se passe dans ce projet de loi n'a pas de bon sens, et le gouvernement fera ses devoirs.

    Au pire, si jamais on se rend en comité, espérons qu'on ne sera pas dans une stratégie où on se fera bulldozer, où le gouvernement tentera d'adopter cela à toute vapeur avant les vacances d'été, juste pour se donner bonne conscience en disant qu'on a fait un travail pour la sécurité. Dans la vraie vie, ce n'est pas cela. Il se sera donné des moyens considérables pouvant conduire à des abus importants.

  +-(1135)  

    La sonnette a déjà été déclenchée par plusieurs. Donc, je conclus en disant que j'espère que les députés libéraux vont se faire entendre, pas seulement dans les corridors à gauche et à droite, mais au moyen du réel pouvoir qu'ils détiennent lorsqu'ils vont se lever pour voter tout à l'heure.

[Traduction]

+-

    M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.): Madame la Présidente, je ne suis à la Chambre que depuis peu. C'est en fait ma deuxième semaine. Je me suis beaucoup intéressé aux débats, restant assis dans mon fauteuil pour écouter les interlocuteurs des deux côtés de la Chambre. J'essaie de comprendre les procédures régissant les travaux de la Chambre. J'avais dit que j'attendrais un peu avant de prendre la parole. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos avancés par l'opposition sur la Loi sur la sécurité publique.

    Je me souviens très bien de cette journée du 11 septembre alors que je me trouvais chez moi à Port de Grave, à Terre-Neuve. J'étais à bord de mon bateau de plaisance, me dirigeant vers le port, lorsque j'ai entendu la tragique nouvelle. Je suis persuadé que les attentats du 11 septembre ont touché de près tous ceux qui ont entendu parler de la tragédie cette journée-là, tant au Canada qu'ailleurs au monde.

    L'une des premières choses qui m'est venue à l'esprit ce jour-là a été de me demander si le Canada avait les ressources nécessaires pour faire face à une situation de ce genre. Nous vivons dans la plus belle région du monde, dans ce magnifique pays qu'est le Canada. Tous les Canadiens peuvent être fiers de le dire. Toutefois, nous devons également savoir que nous pouvons compter sur nos forces armées et sur notre gouvernement pour que le Canada puisse être bien protégé contre une telle tragédie.

    J'ai écouté attentivement les députés de l'opposition. L'avant-dernier intervenant, le député de Calgary-Ouest, a parlé de certaines choses qui s'étaient passées et il a fait des accusations à la Chambre au cours des derniers jours. Je n'ai pas entendu quoi que ce soit au sujet de M. Gagliano. Je n'ai pas entendu quoi que ce soit relativement aux accusations mensongères proférées par l'opposition cette semaine sur l'objet de la Loi sur la sécurité publique. Je ne vois pas comment on peut discuter en présence de déclarations aussi exagérées.

    Nous discutons de la sécurité future du Canada. La sécurité des Canadiens est menacée. C'est de cela dont nous discutons. En présentant ce projet de loi, nous voulons rassurer tous les Canadiens sur notre position dans l'avenir, au cas où la pire tragédie imaginable se produirait. Nous espérons que les événements du 11 septembre ne se répéteront jamais nulle part dans le monde et nous prions pour cela. Nous souhaitons que jamais les terroristes ne frappent ainsi de nouveau, nous prions pour cela, mais nous ne pouvons jamais avoir de certitude en ce sens.

    Nous devons être prêts. Nous devons avoir confiance. Nous devons conférer aux dirigeants de nos forces armées les pouvoirs nécessaires pour donner confiance aux gens et améliorer nos mesures de sécurité, afin que nous puissions avoir l'esprit tranquille. Que l'on vive dans l'est ou dans l'ouest du Canada importe peu. Je ne vois pas comment l'opposition ou quiconque pourrait s'opposer à un projet de loi dont est actuellement saisie la Chambre des communes de ce merveilleux pays, un projet de loi qui améliorerait notre sécurité et qui nous donnerait confiance.

    Les zones militaires d'accès contrôlé sont un des aspects dont il est question dans le projet de loi. S'il était nécessaire d'ajouter une zone militaire d'accès contrôlé qui nous procurerait la sécurité dont nous avons besoin, pourquoi ne le ferions-nous pas? Le député de Calgary-Ouest a parlé de l'espace terrestre et de l'espace aérien; il a parlé d'une pelouse, d'une voiture d'état-major ou d'une pièce de matériel sur cette pelouse qui deviendrait automatiquement une zone militaire d'accès contrôlé. Si ce n'est pas là faire preuve de sensationnalisme, je me demande bien ce que c'est. C'est envisager la pire des extrêmes.

    L'opposition dit qu'elle n'a plus confiance dans nos forces armées, dans nos ministres et dans les dirigeants du gouvernement. Indépendamment de notre allégeance politique, si les ministres du gouvernement, y compris celui de la Défense nationale qui est responsable des forces armées, prennent une décision, allons-nous dire que le seul endroit où établir une zone militaire d'accès contrôlé est sur la pelouse devant la maison de quelqu'un? Je n'arrive pas à le croire.

    Je fais de la politique depuis 1985. J'ai participé à de nombreux débats des deux côtés de la Chambre. J'ai siégé dans l'opposition de 1985 à 1989. Il incombe à l'opposition de remettre en question une mesure législative. Je ne m'opposerai jamais à cela. Cependant, si l'opposition doit intervenir à la Chambre des communes, comme elle le fait aujourd'hui et continuera de le faire pendant un certain temps encore, elle devrait au moins être constructive. Elle devrait au moins montrer aux Canadiens qu'elle croit ce qu'elle dit et ne fait pas simplement des déclarations extrêmes.

  +-(1140)  

    Nous ignorons ce qui va se produire demain ou l'année prochaine. Nous savons une chose cependant, c'est que nous avons des forces armées dont nous sommes très fiers.

    Faisons-nous des erreurs? Après avoir lu toutes sortes de documents historiques et eu toutes sortes de discussions, je sais que les êtres humains commettent des erreurs. Il n'y a que ceux qui ne font rien qui n'en commettent pas.

    Si nous faisons une erreur, comme l'opposition le signale depuis quelques jours au sujet de choses qui ont été faites dans le passé, nous allons apprendre de ces erreurs. C'est la raison pour laquelle la Chambre est saisie de ce projet de loi, pour veiller à ce que certaines erreurs ne soient pas répétées à l'avenir.

    Nous devons placer notre confiance dans le gouvernement. Nous devons faire confiance aux chefs de nos forces armées, qu'il s'agisse de l'armée de terre, de la marine ou de l'aviation. Nous devons leur donner la latitude voulue pour prendre des décisions.

    Si nous remontons à la Seconde Guerre mondiale, disons-nous qu'à chaque fois que les dirigeants d'un pays voulaient prendre une décision importante rapidement, ils devaient s'en remettre à leur Parlement afin de consulter les gens avant de prendre cette décision? C'est tout à fait insensé. Disons-nous aux Canadiens que le chef de nos forces armées va décider que leur pelouse pourrait être une zone militaire d'accès contrôlée ou que si une voiture d'état-major s'arrête à un endroit donné, cela deviendra alors une zone de ce genre? On ne transmet pas les bons renseignements aux gens. En tant que parlementaires, peu importe l'endroit où nous siégeons, il nous incombe tous de transmettre les bons renseignements aux Canadiens.

    Est-il surprenant que la population en général n'ait pas confiance en ses représentants élus. Nous siégeons tous ici jour après jour et écoutons les députés de l'opposition faire de fausses déclarations de ce genre et transmettre des renseignements trompeurs sur de nombreuses questions.

    Je siège ici depuis à peine quelques jours. Je n'en reviens pas des inepties que profèrent les députés d'en face. Il y a deux jours, le chef de l'Alliance a fait une déclaration au sujet des Canadiens de l'Atlantique. Il a dit que ce sont des défaitistes. Je peux vous dire que les gens du Canada atlantique sont fiers. Nous sommes fiers de ce pays, de l'est à l'ouest et du nord au sud. Nous sommes fiers de nos forces armées et de nos dirigeants. Nous sommes fiers de tout ce qui est en cours et nous ne nous laisserons pas damer le pion par qui que ce soit.

    Je donne aux députés l'assurance que j'appuierai le ministre de la Défense chaque fois qu'il présentera à la Chambre une mesure législative qui nous donnera confiance dans l'avenir. Nous devions mettre en place un bon système de protection juste au cas où surviendrait une catastrophe. Il se peut que cela ne se produise jamais, et nous espérons d'ailleurs que cela ne se produira jamais.

    Je suis si choyé de vivre sur la côte est. J'ai un jeune petit-fils. Je me réjouis à la perspective qu'il puisse grandir dans un pays sûr. C'est là l'objet fondamental de ce débat.

    Ce n'est pas de la politique partisane. Il ne s'agit pas d'opposer un groupe à un autre. Cette mesure concerne l'avenir de notre pays et la protection de nos enfants. Elle vise à accorder à quelqu'un le droit de prendre une décision.

    Nous critiquerions le ministre de la Défense s'il ne présentait pas ce genre de mesure législative à la Chambre. L'opposition serait la première à le critiquer s'il ne le faisait pas. Par ailleurs, elle le critique aussi lorsqu'il présente une semblable mesure. L'opposition devrait se faire une idée. Soit qu'elle est pour la protection du Canada dans l'avenir, soit qu'elle ne l'est pas. Pour ma part, je veux que le Canada soit protégé.

    Je veux que les dirigeants de notre gouvernement, de nos forces de défense et de nos militaires soient en mesure de prendre une décision. Je ne veux pas qu'ils aient à revenir devant la Chambre pour une consultation publique visant à déterminer si l'on peut agir d'une telle ou telle façon lorsque se présente une situation critique exigeant une décision. Non. Nous voulons que les gens aient confiance dans leurs dirigeants et leurs forces armées. Cette mesure législative serait pour moi et le gouvernement gage de la confiance dont nous avons besoin.

  +-(1145)  

+-

    M. David Chatters: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je ne voulais pas interrompre l'orateur dans son élan. J'aimerais préciser qu'il ne s'agissait pas du député de Calgary-Ouest, mais de celui de Calgary-Centre.

+-

    M. R. John Efford: Toutes mes excuses, Madame la Présidente. Je ne connais pas bien tous les députés, n'étant ici que depuis quelques jours. Peu importe qu'il s'agisse de l'est ou de l'ouest, il s'agit de Calgary. Toutes mes excuses. Je ne me tromperai pas la prochaine fois.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

    Des voix: Le vote.

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d’adopter l'amendement?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

    Des voix: Oui.

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

    Des voix: Non.

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): À mon avis, les non l’emportent.

    Des voix: Avec dissidence

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je déclare l'amendement rejeté.

    (L'amendement est rejeté.)

  +-(1150)  

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Madame la Présidente, si je ne m'abuse, nous discutons maintenant de la motion principale. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt notre collègue qui vient d'être élu à la Chambre des communes, le député de Bonavista--Trinity--Conception, et je n'ai pu en croire mes oreilles lorsque je l'ai entendu dire qu'il était prêt à donner à son gouvernement autant de latitude relativement à ce projet de loi. Je l'ai entendu dire que nous devrions faire confiance au gouvernement, lui donner toute la latitude voulue pour prendre des décisions. Il a parlé de la Seconde Guerre mondiale et a donné cela en exemple.

    Je tiens à dire que nous, les députés néo-démocrates dans cette enceinte, sommes vraiment consternés par la portée de ce projet de loi et les dangers qu'il renferme. Depuis le tout premier jour où il a été présenté, d'abord sous la forme du projet de loi C-42, et maintenant sous la forme du projet de loi C-55, nous nous sommes opposés au principe et au fond du projet de loi. Quelle marge de manoeuvre le député veut-il que le gouvernement ait? Il aura tant de pouvoirs aux termes du projet de loi. Les pouvoirs qui seront conférés aux ministres et au Cabinet sont vraiment énormes, et je pense que de nombreux députés de l'opposition et de nombreuses organisations qui surveillent ce projet de loi ont signalé qu'une bonne partie de nos libertés civiles seraient menacées.

    Je ne partage pas l'avis exprimé par le député dans ses observations. Il n'est pas question de faire confiance au gouvernement. Il s'agit plutôt de tenir un débat intelligent, d'examiner une mesure législative extrêmement importante et d'établir l'équilibre voulu pour assurer la sécurité sans empiéter sur les droits civils et démocratiques de tous les Canadiens.

    J'ignore si le député a pleinement étudié le projet de loi, s'il a suivi le débat avant de venir ici ou s'il a lu certains des commentaires et des analyses, mais je dois dire qu'après avoir lu les analyses et examiné le projet de loi, on ne peut conclure qu'une chose, à savoir que le projet de loi laisse fondamentalement à désirer. Il est tout à fait faux de comparer la situation actuelle à ce qui s'est passé durant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'on a eu besoin de mesures d'urgence et de certains pouvoirs. En fait, d'autres députés ont parlé de la Loi sur les mesures de guerre qui a été promulguée il y a une trentaine d'années. Je suppose que l'une des choses vraiment inquiétantes, c'est que, même à l'époque où la Loi sur les mesures de guerre a été présentée par le très honorable premier ministre Trudeau, elle était très controversée, malgré sa durée d'application limitée. Il ne s'agissait pas de mesures prévues dans la loi à jamais, de façon permanente.

    J'étais une jeune étudiante universitaire lorsque la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée. J'étais stupéfaite de voir le gouvernement canadien aller aussi loin et violer les libertés civiles de la population du Québec, sous le prétexte qu'il avait besoin des pleins pouvoirs. Or, le projet de loi C-55 va encore beaucoup plus loin et aura des répercussions beaucoup plus graves.

    Je voudrais tout d'abord répondre à ce que disait le nouveau député de Bonavista--Trinity--Conception, à qui je souhaite la bienvenue à la Chambre. Toutefois, l'idée de donner carte blanche au gouvernement et de conférer tous les pouvoirs à un ministre ou au Cabinet, au nom de la sécurité, constitue selon moi une mesure offensante et profondément troublante. Aussi, à l'instar de mes collègues du caucus néo-démocrate fédéral, j'ai l'intention de faire et de dire tout ce que je pourrai pour empêcher l'adoption du projet de loi.

  +-(1155)  

    Nous débattons de nouveau la motion principale et les dispositions du projet de loi dont nous sommes saisis. Je ne crois pas que les Canadiens se rendent vraiment compte de la portée de ce projet de loi, notamment à l'égard d'autres mesures législatives. À titre d'exemple, ce projet de loi modifierait la convention sur les armes biologiques ou à toxines, la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur l'administration canadienne de la sûreté du transport aérien, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le Code criminel, la Loi sur le ministère de la Santé, la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de munitions, d'explosifs et d'autres matériels connexes, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi maritime du Canada, la Loi sur la Défense nationale, la Loi sur l'Office national de l'énergie, la Loi sur la protection des eaux navigables, la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi sur la quarantaine, la Loi sur les dispositifs émettant des radiations, la Loi sur la marine marchande du Canada et la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ainsi que la Loi de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines.

    Le projet de loi C-55, s'il est adopté, aurait donc une portée incroyable, notamment sur toutes sortes de lois débattues à la Chambre. Le Nouveau Parti démocratique fédéral trouve très préoccupant que le gouvernement fédéral tente de faire adopter ce projet de loi à toute vapeur. Le premier projet de loi C-42, qui l'avait précédé, avait soulevé énormément d'opposition au sein de la population, de la part d'organisations et dans les médias. Le gouvernement avait par conséquent retiré le projet de loi C-42, mais il l'a remplacé par le projet de loi C-55.

    Bien que le projet de loi renferme des changements, l'examen de la nouvelle version révèle qu'il a toujours pour prémisse fondamentale de conférer un pouvoir énorme à un ministre et au Cabinet, à l'abri de la surveillance du Parlement et du public. Voilà pourquoi nous, du NPD, y restons opposés.

    En intervenant dans le débat sur l'amendement, ma collègue, la députée de Dartmouth, a parlé de ses inquiétudes quant à ce qui pourrait arriver à l'occasion du Sommet du G-8 qui se tiendra bientôt à Kananaskis. Elle a exprimé ses inquiétudes quant à ce qui pourrait arriver aux jeunes, aux aînés et aux syndicalistes qui ont l'intention de se rassembler pour exercer leur droit légitime de contestation concernant ce qui va se passer au Sommet du G-8. Je partage certainement ses inquiétudes. Il faut contester le projet de loi et être méfiant quant à savoir si le gouvernement a l'intention d'en invoquer les dispositions pour réprimer les manifestations légitimes et étouffer la voix de la contestation.

    Avec mes collègues du NPD fédéral et avec des activistes venus de tous les coins du pays, j'ai participé aux manifestations et à l'agitation qui ont eu lieu à Québec en avril de l'an dernier à propos de l'Accord de libre-échange des Amériques. Nous avons été témoins de la brutalité et de la violence avec lesquelles les policiers ont réagi aux manifestations légitimes. Je trouve très effrayant que ce projet de loi rende légitimes et accroisse les pouvoirs dont disposent les services de police ainsi que le gouvernement pour réprimer les manifestations et étouffer la contestation.

    Je suis convaincue qu'il y a des simples députés chez les libéraux qui partagent en privé beaucoup de nos inquiétudes mais qui sont soumis à la discipline du parti pour adopter le projet de loi. J'aimerais bien que certains d'entre eux se prononcent, non pas seulement au sein de leur caucus mais aussi publiquement, car nous sommes sur le point de prendre aujourd'hui une décision qui va mettre en branle une mesure législative qui s'appliquera à long terme et dans un avenir prévisible.

    Je suis fière d'intervenir à la Chambre pour parler contre ce projet de loi et inciter les autres députés à en faire autant. C'est un mauvais projet de loi. Il va trop loin. Il foule aux pieds les droits civils des Canadiens et ne devrait pas être approuvé.

  +-(1200)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Madame la Présidente, il me faire plaisir de prendre à nouveau la parole sur le projet de loi C-55. Il est important que les Québécoises, les Québécois, les Canadiennes et Canadiens qui nous écoutent soient conscients de la terrible situation dans laquelle est présenté le projet de loi C-55.

    Si on me permet l'expression, si on avait eu une destinée à donner au projet de loi C-55, ce n'aurait pas été d'être présenté dans cette Chambre au moment où ce gouvernement libéral et ses ministres sont couverts de scandales. Pourquoi? Parce que de toute l'histoire du Canada, c'est le projet de loi en vertu duquel il y a le plus de pouvoirs donnés à des personnes qui sont des ministres. Ce n'est pas seulement le ministre de la Défense nationale. Il y a le ministre de la Santé, ceux des Transports, de l'Immigration, de l'Environnement et une brochette de ministres qui se voient, en vertu de ce projet de loi C-55, donner des pouvoirs d'exception qui ne seront pas soumis à cette Chambre. C'est cela qui est l'odieux du projet de loi C-55 et c'était cela qui était l'odieux du projet de loi C-42.

    Pourquoi le Bloc québécois a-t-il fait un si bon travail? C'est qu'on avait une seule question à poser au gouvernement et à sa brochette de ministres: qu'est-ce que vous n'avez pas pu faire le 11 septembre que de tels projets de loi comme C-42 ou C-55 vous auraient permis de faire? Quand vous pourrez y répondre, on pourra peut-être discuter.

    C'est pourquoi le projet de loi C-42 n'était plus à l'ordre du jour des discussions. On a accouché du projet de loi C-44. Le gouvernement avait besoin d'une mesure importante après le 11 septembre, soit de fournir des renseignements personnels aux Américains, selon la formule américaine, pour que les compagnies aériennes puissent survoler le ciel des États-Unis. C'était la seule mesure dont le gouvernement avait besoin. On a approuvé ce projet de loi à la Chambre pour permettre aux compagnies aériennes de faire des affaires.

    Cependant, on nous revient avec le projet de loi C-55 . J'ai le projet de loi C-42 qui contenait 98 pages pour lesquelles on avait extrait le volet des renseignements personnels à être fournis aux Américains, comme je viens de l'expliquer. On a pondu le projet de loi C-55 qui, croyez-le ou non, comporte maintenant 102 pages. C'est un projet de loi plus important qui donne toujours des pouvoirs d'exception à de simples individus et à de simples ministres, qui à eux seuls peuvent établir des zones militaires. Le ministre de la Santé pourrait pour sa part décréter des mesures d'exception et imposer des vaccins à des personnes. Tout cela sans qu'on puisse faire intervenir la Charte des droits et libertés de la personne.

    Les décrets et arrêtés d'urgence, qui ont force de règlement et que chacun des ministres que je viens d'énumérer tout à l'heure auront le pouvoir d'adopter, ne seront pas soumis au contrôle de cette Chambre et surtout pas soumis au contrôle de tout l'exercice réglementaire qui oblige entre autres à présenter un règlement au Conseil privé qui doit s'assurer qu'il est conforme à la Charte des droits et libertés de la personne.

    Pendant 15 jours et jusqu'à une possibilité de 45 jours, des décisions de seules personnes, d'un seul ministre, pourront donc affecter toute une population et tout un territoire, sans que cette Chambre ne puisse en prendre connaissance. Pire encore, dans des zones militaires d'accès contrôlé, ce sera sans que des personnes aient le droit de se faire protéger par la cour ou par leurs avocats. Ils perdent tous leurs droits et surtout le droit de poursuites contre le gouvernement.

    Évidemment, c'est donc contre cela qu'on s'attaque et contre cela que s'attaquent les partis d'opposition. Ils s'attaquent aux droits qui sont brimés et confiés à de simples individus.

    Pour bien faire comprendre que le débat qu'on mène n'en est pas un de parti politique, mais un débat de société, surtout sur le projet de loi C-55. Je vais lire des extrait de textes et d'articles de journaux. Je vais citer les dates. Le 2 mai 2002, un article du journal La Presse disait: «Le commissaire à la protection de la vie privée condamne le projet de loi C-55. Certaines mesures s'inspirent carrément de certains États totalitaires, dénonce-t-il.»

  +-(1205)  

    C'était dans le quotidien La Presse, mais ce sont des déclarations qui ont été reprises par la plupart des journaux du Canada.

    C'est à la suite de ces discussions que le premier ministre du Canada, qui a même refusé de répondre à nos questions sur le projet de loi C-55 à la Chambre, se permettait de dire à l'extérieur de la Chambre: «Il y a des jours où je suis démocrate; il y a d'autres jours où je suis dictateur.» Cette réponse est venue à la suite de discussions concernant le projet de loi C-55, alors que les journalistes lui posaient la question: «Est-ce que vous êtes capable de nous expliquer le contenu du projet de loi C-55?»

    Le problème des députés libéraux de cette Chambre, c'est qu'ils n'ont pas lu le projet de loi C-55 et, surtout, qu'ils n'en ont pas compris la teneur. De plus, le chef du gouvernement, le premier ministre lui-même, a évidemment dit: «Attendez, on en discutera en comité.» C'est ainsi que s'est exprimé le porte-parole du gouvernement libéral.

    Le journal Le Soleil titrait, le 19 mai 2002: «Lutte antiterroriste, demi-vérité et affirmation trompeuse: le commissaire à la vie privée accuse le solliciteur général de se servir des attentats du 11 septembre pour donner aux policiers des pouvoirs supplémentaires indus.»

    On parle du solliciteur général qui fait l'objet de scandale décrié par plusieurs partis de l'opposition à la Chambre qui, évidemment, défendait le projet de loi C-55, qui fait état, encore une fois, de pouvoirs qui lui sont octroyés à lui et à d'autres ministres. Encore une fois, le commissaire à la vie privée le remettait à l'ordre.

    Je cite Le Devoir du 29 mai 2002: «Le 11 septembre a fait mal aux droits de la personne. Amnistie Internationale fait le bilan. Le Canada a suivi la tendance mondiale en adoptant une loi antiterroriste, en attaquant les droits fondamentaux, les droits à la vie privée.»

    Aujourd'hui, le Journal de Montréal, sous la plume de Michel C. Auger, un journaliste hautement reconnu, disait: «Le droit de la terreur, la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme sont en train de devenir, un peu partout dans le monde, les meilleures excuses pour brimer des droits fondamentaux. La lutte antiterroriste est devenue un prétexte à tous les abus.» Et il parle du Canada, aujourd'hui: «Encore aujourd'hui, on discute au Parlement.»

    C'était dans le Journal de Montréal de ce matin: «Encore aujourd'hui, on discute au Parlement du Canada d'un autre projet de loi, le C-55, qui donne au gouvernement et aux forces de sécurité toutes sortes de nouveaux pouvoirs qui auraient été inacceptables à l'ensemble de la population il y a quelques mois à peine.»

    C'est de cela qu'on parle. À cet égard, il est difficile d'avoir à s'exprimer à la Chambre et surtout de faire entendre raison à la députation libérale, aux députés libéraux du Québec qui n'ont pas pris la parole ou très peu. Évidemment, la plupart des autres députés libéraux suivent la consigne de leur parti et, surtout, les ministres visés par le projet de loi C-55.

    On a entendu tout à l'heure un député libéral dire: «Je fais confiance au ministre de la Défense.» Ce n'est même plus le même ministre de la Défense qui est titulaire de ce portefeuille depuis qu'il a été élu, il y a quelques jours. En fin de semaine, il a sûrement pu constater que l'ancien ministre de la Défense, qui était là depuis plusieurs années, a disparu au chantier des scandales. Évidemment, on a un nouveau ministre de la Défense aujourd'hui, un banquier.

    J'ai beaucoup de respect pour les banquiers, mais que font les banquiers au Canada, depuis les 10 dernières années? Ils pigent dans nos poches pour pouvoir donner des profits à leurs actionnaires tous les trois mois. Voilà ce qu'ils font. Ils augmentent les droits, les frais mensuels pour tous les petits utilisateurs des services bancaires et donnent moins d'intérêt sur les placements aux personnes âgées. C'est ce que font les banquiers d'aujourd'hui: enlever aux pauvres pour être capables d'enrichir les actionnaires des banques.

    On a maintenant un banquier comme ministre de la Défense. On va faire confiance au nouveau ministre de la Défense, on va lui donner le pouvoir d'imposer des zones militaires d'accès contrôlé sur des territoires qui excèdent les propriétés de l'armée.

    Le Bloc québécois reconnaît que le gouvernement et les Forces canadiennes ont à défendre leurs installations; c'est vrai. Cependant, là où on a un problème, c'est quand on décide, dans le projet de loi C-55, d'aller plus loin que le seul territoire qui leur appartient, soit pour protéger, comme ils le disent ou tentent de le dire, des équipements et des individus qui pourraient être à l'extérieur des zones militaires et de leurs propriétés.

    Ainsi, on va créer des zones militaires d'accès contrôlé, et c'est seulement le nouveau ministre de la Défense, un ancien banquier, qui va prendre cette décision et qui n'en parlera pas, entre autres—et surtout pas—, à ceux qui dirigent les provinces et ceux qui sont responsables de la sécurité dans la plupart des provinces canadiennes.

    C'est ce à quoi le Bloc québécois s'oppose et ce sur quoi tous les Canadiens, les Canadiens et surtout les Québécoises, les Québécois se questionnent.

    Pourquoi le gouvernement qui, en période de scandale en ce qui a trait à ses ministres, veut-il à tout prix donner à des ministres individuellement des pouvoirs qui ne seront plus soumis, en cas d'urgence, à cette Chambre ou aux autres autorités en vigueur partout dans les provinces?

  +-(1210)  

[Traduction]

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat. C'est, je crois, la troisième fois que j'interviens.

    J'ai maintenant eu la chance d'examiner le projet de loi C-55 de plus près, et de le comparer article par article avec son prédécesseur, le projet de loi C-42 que le gouvernement a retiré pour tenter de l'améliorer. La bonne nouvelle c'est que le projet de loi C-55 est de beaucoup supérieur à celui qui l'a précédé. Le nouveau projet de loi est à mon avis beaucoup mieux libellé. Pour ce qui est de l'ingérence dans le domaine des libertés fondamentales, on a tenté d'atteindre un certain équilibre et le gouvernement a fait beaucoup de progrès dans ce sens.

    Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de problèmes dans ce dossier, et j'en parlerai plus tard, mais j'aimerais revenir sur certaines questions sur lesquelles les députés de l'opposition et certains députés libéraux se sont montrés préoccupés.

    Les zones militaires d'accès contrôlé prévues dans le projet de loi C-55 sont beaucoup plus restreintes que ce qui était prévu au projet de loi C-42. Malgré ce que l'orateur précédent peut dire, si on en revient au texte, on se rend compte que les zones militaires d'accès contrôlé sont restreintes à ces endroits où les militaires peuvent être appelés à se rendre pour répondre à une situation d'urgence. Certaines dispositions précisent l'étendue de cette zone. Il est très clair que ces zones ne peuvent être établies que lorsqu'il existe des préoccupations réelles au niveau de la sécurité du public.

    Ce qu'on tente de prévoir en fait ce sont des situations d'urgence se produisant quelque part au pays, un attentat terroriste par exemple, et pour lesquelles les militaires seraient appelés à se déplacer et à établir une zone d'accès contrôlé pour se protéger. Cela n'a rien à voir avec ce que certains prétendent, c'est-à-dire qu'on pourrait par exemple établir un cordon autour de l'Assemblée nationale du Québec. Ce n'est pas le cas du tout.

    Deuxièmement, les dispositions portant sur l'obtention de renseignements sur les déplacements des passagers, qui est l'une des parties importantes de ce projet de loi, fournissent une justification législative à l'obtention de la liste nominative des passagers prenant place à bord d'avions à destination du Canada. Là encore, malgré la comédie que nous a servie le commissaire à la protection de la vie privée, ce projet de loi établit des paramètres très très modestes sur les renseignements dont les services de police et les responsables de la sécurité ont besoin relativement aux personnes qui voyagent à bord d'appareils décollant du Canada ou y atterrissant.

    Monsieur le Président, je vous renvoie à l'annexe 1 du projet de loi qui n'existait pas dans le projet de loi C-42. On y définit vraiment très clairement et avec précision le genre d'information que les autorités sont autorisées à obtenir. À cet égard, je soutiens que le projet de loi ne va pas assez loin. Il exige simplement que les compagnies aériennes fournissent le numéro du passeport, le nom, l'adresse et certaines informations figurant sur le billet d'avion des passagers arrivant au Canada, en provenance d'outre-mer ou d'ailleurs. En outre, le projet de loi n'est pas conforme à la capacité technologique requise et je crois même qu'il pose un problème.

    C'est intéressant. Le président des États-Unis vient tout juste de faire adopter officiellement, il y a moins de deux semaines, une mesure législative prévoyant le resserrement de la sécurité frontalière et des entrées avec visas. Cela signifie qu'aux États-Unis, et les Canadiens doivent examiner la situation très attentivement, les autorités de l'immigration doivent réagir immédiatement pour se doter de la capacité de faire un balayage électronique de tous les documents de voyage pour vérifier les données biométriques, c'est-à-dire les empreintes digitales et les visages. En d'autres termes, les Américains s'apprêtent à exiger que, d'ici 2004, tel que prévu dans la mesure législative, toute personne entrant aux États-Unis, y compris, d'après mon interprétation, les personnes arrivant du Canada, en l'occurrence les Canadiens entrant aux États-Unis, présente un document lisible par machine, sur lequel figureront des empreintes digitales et une photographie.

  +-(1215)  

    Loin de préconiser le prélèvement des empreintes digitales des voyageurs qui entrent au Canada, j'y suis opposé. Nous ne sommes pas à la veille de faire une telle proposition, mais je pense qu'il serait logique d'inscrire maintenant en annexe le droit des autorités d'obtenir des transporteurs aériens des renseignements photographiques. En d'autres termes, je pense qu'il est très important pour le Canada de dire franchement aux Canadiens et aux voyageurs qui entrent au Canada qu'un jour la technologie utilisera la carte-photo d'identité. Nous devrons appliquer cette technologie, parce qu'il est très clair qu'une menace terroriste plane et que la carte-photo d'identité, au lieu d'un simple numéro de passeport et d'une adresse, garantira davantage l'absence d'erreur quand une personne voyagera au Canada et présentera ce document aux responsables de la sécurité et de la police qui recherchent des terroristes. Je pense qu'il faudrait y songer.

    Enfin, ma véritable réserve sur ce projet de loi vise toujours les arrêtés d'urgence. Je comprends le principe qui sous-tend cette disposition. Au cours de la tragédie du 11 septembre, les ministres ont soudain fait face à des situations d'urgence et ont dû prendre des décisions supposant l'établissement d'un cordon de sécurité autour de certaines zones et l'interdiction pour la population d'y accéder.

    La difficulté, c'est qu'à moins de définir de tels pouvoirs dans la loi, une situation d'urgence comme celle qui s'est produite aux États-Unis pourra forcer les ministres à outrepasser la loi afin d'autoriser les mesures qui sont absolument nécessaires. Par exemple, si une attaque terroriste se produisait dans un grand centre urbain au Canada, les ministres des Transports, de la Santé et de l'Environnement devraient peut-être prendre immédiatement des mesures pour réagir.

    À l'heure actuelle, de tels pouvoirs ne sont pas prévus par la loi, de sorte que l'idée est excellente, en principe. Le problème réside dans le pouvoir de prendre un arrêté d'urgence en présence d'une situation très dangereuse. Il n'est pas question d'une urgence nationale, mais bien d'un événement en un endroit très précis qui créerait une situation d'urgence. Voilà ce qui me porte à croire que le député de Calgary-Centre n'a pas lu le projet de loi. Il semble avoir lu des notes d'information, mais sans avoir une idée claire de la portée de la mesure.

    Les arrêtés d'urgence sont limités à des situations d'urgence bien précises, mais, en vertu du libellé actuel, tout arrêté d'urgence pris par le ministre est valide pendant 45 jours avant de devoir être ratifié par le Cabinet. C'est beaucoup trop long. Je ne vois pas vraiment pourquoi il faut 45 jours au Cabinet pour ratifier un arrêté d'urgence qui est pris en réponse à une situation urgente soudaine. Sept jours suffiraient assurément, me semble-t-il. Il y a sûrement moyen de réunir le Cabinet dans les sept jours suivant un attentat terroriste, ou tout autre urgence similaire limitée. Prolonger ce délai jusqu'à 45 jours, c'est accorder inutilement trop de pouvoirs au ministre, et ce n'est pas indiqué.

    Je crains en outre que les arrêtés d'urgence ne rentrent pas dans le champ d'application de la Loi sur les textes réglementaires, ce que le Bloc québécois, encore une fois, n'a pas manqué de signaler. Cette préoccupation me paraît fort légitime et j'exhorte le ministre à réexaminer la question car il peut se tromper et, même s'il m'arrive parfois de critiquer la fonction publique, j'estime néanmoins que la participation des spécialistes de ces questions au sein du Conseil privé doivent être consultés dans de telles situations, et il y a donc lieu de réexaminer les choses à cet égard.

    Vient enfin la question de la consultation des parlementaires et le fait de ne rien déposer devant le Parlement avant 15 jours de séance. Évidemment, si le Parlement ne siège pas, il peut s'écouler des mois avant qu'il ne soit consulté.

    Je demande instamment au ministre de réexaminer ces questions avec la plus grande attention. Elles s'avèrent cruciales pour un projet de loi qui, par ailleurs, est de fort bonne facture en dépit, si je puis me permettre, des réactions exagérées de la part des députés à la Chambre et aussi, hélas, de la part des fonctionnaires du Parlement à l'extérieur de la Chambre.

  +-(1220)  

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—-Swan River, Cons. ind.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi C-55 et l'amendement.

    Ce projet de loi est inutile, comme l'était le projet de loi C-36. Nous n'avions nul besoin du C-36, car nous avions déjà une nouvelle version de la Loi sur les mesures de guerre, la Loi sur les mesures d'urgence, dont c'est justement la raison d'être. Rien n'empêche le gouvernement d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence en pareilles circonstances.

    Depuis qu'il a été adopté par les deux chambres, combien de fois le projet de loi C-36 a-t-il été invoqué pour lutter contre le terrorisme? Pas une seule. J'ai voté contre le projet de loi C-36 parce que c'est une mauvaise loi. Il compromet les valeurs d'une société libre sous prétexte d'assurer la sécurité, ce qui n'est qu'un écran de fumée. Le vrai moyen d'assurer une plus grande sécurité au Canada est d'avoir de bons services de renseignement, de bons services policiers, une bonne politique de l'immigration, de bons services douaniers et un bon personnel aux frontières.

    Le projet de loi C-55 est de la même eau que le C-36. Si celui-ci n'a pas encore été invoqué une seule fois, qu'est-ce que la Chambre et l'ensemble du pays ont à faire du C-55, qui serait, dit-on, une deuxième version du C-36 visant à garantir la sécurité nationale?

    Comme le projet de loi C-55, le projet de loi libéral C-68 sur le contrôle des armes à feu était inutile. Selon un rapport de la Bibliothèque du Parlement remis au comité de la Chambre, le projet de loi C-17 sur les armes à feu que les conservateurs avaient fait adopter était tout nouveau à l'époque, et on n'a pas pris le temps de l'appliquer avant que le gouvernement libéral ne lance son propre projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Le gouvernement libéral a fait la sourde oreille, et le projet de loi C-68 est aujourd'hui un vrai gâchis.

    Il y a toujours eu un contrôle des armes au Canada. Depuis 1934, les armes de poing doivent être enregistrées. L'enregistrement de toutes les armes à feu va-t-il rendre le pays plus sûr? Certainement pas. Nous le savons tous. Considérons les statistiques. Depuis quatre ans que le C-68 a été adopté, le nombre de meurtres commis avec une arme à feu a doublé. Une étude menée en Ontario a montré que de 80 à 90 p. 100 des armes de poing illégales étaient des spéciaux du samedi soir qui viennent des États-Unis. Les Canadiens qui possèdent des armes enregistrées ne risquent pas d'être des criminels. Voilà qui illustre l'inutilité du projet de loi C-55.

    Dans le projet de loi C-68, le gouvernement a considéré comme des criminels tous les Canadiens qui utilisent des armes à feu légalement. Malheureusement, le projet de loi C-68 a fait apparaître un clivage entre les citadins et les ruraux. Comme on l'a dit bien des fois, les armes à feu sont des outils nécessaires dans la culture et le contexte propres aux ruraux.

    Les Canadiens appuient le contrôle des armes à feu, mais non le système créé par les libéraux pour obtenir le vote de citadins. Très peu de comptes ont été rendus par le gouvernement libéral concernant les dépenses liées au contrôle des armes à feu. Outre le fait qu'elles ont servi à acheter des votes et à créer des emplois dans les circonscriptions libérales, les dépenses de plus de 700 millions de dollars du gouvernement n'ont absolument rien donné sur les plans de la santé et de la sécurité des Canadiens. Je compare le projet de loi C-68 au projet de loi C-55 parce que j'espère qu'en agissant de la sorte je réussirai à laisser présager ses effets possibles.

    Le cancer tue chaque année plus de monde au Canada que les armes à feu. En 1999, on a dénombré 536 homicides, dont 165 attribuables à des armes à feu. En 1997, le cancer a emporté 58 703 personnes. Le gouvernement libéral a consacré plus de 700 millions de dollars au contrôle des armes à feu au cours des huit dernières années. D'après vous, quelle somme le gouvernement a-t-il affectée à la recherche sur le cancer? Depuis 1992, le gouvernement n'a affecté que 25 millions de dollars à la recherche sur le cancer du sein. En 54 ans, soit entre 1947 et 1991, on n'a consacré qu'environ 700 millions de dollars à la recherche sur le cancer. Ce sont là des chiffres forts asymétriques.

    Il y a quelque chose qui cloche là-dedans. Selon Statistique Canada, le risque de mourir du cancer est 320 fois plus élevé que celui d'être tué par une arme à feu. N'est-il pas ridicule que le gouvernement libéral ait consacré 25 fois plus d'argent au contrôle des armes à feu qu'à la recherche sur le cancer?

    Le projet de loi C-55 serait adopté dans une perspective de sécurité. Toutefois, il ne ferait que donner aux Canadiens un faux sens de la sécurité. Il s'attaquerait au peu de libertés encore existantes que confère le fait d'être Canadiens et de vivre dans une démocratie.

  +-(1225)  

    La partie 6 du projet de loi C-55 affecterait tous les propriétaires d'armes à feu au Canada. La modification de la Loi sur les explosifs accorderait au gouvernement le droit de régir la fabrication, l'achat, la possession et l'utilisation de tous les types de munitions ainsi que de mettre un terme à ces activités. Cette mesure nous ramènerait à une époque où il fallait écrire dans un carnet d'achat la quantité et la sorte de boissons acquises auprès d'un vendeur. La prochaine étape consistera-t-elle à contrôler la quantité de balles et de douilles qu'une personne peut conserver chez elle? La partie 6 du projet de loi donne de l'expression «composant inexplosible de munition» la définition suivante:

...toute douille de cartouche, toute balle, ou tout projectile utilisé dans une arme à feu...

    Le plomb utilisé par les plombiers entrerait-il dans cette catégorie? Il pourrait être transformé en balles. Les poids et leurres en plomb utilisés pour la pêche entreraient peut-être aussi dans cette catégorie. Qu'en est-il de la bourre, des feutres et des chiffons de nettoyage d'âme des fusils de chasse? Je ne crois pas que beaucoup de libéraux savent ce qu'est un chiffon de nettoyage d'âme.

    Comment la partie 6 du projet de loi C-55 protégerait-elle les Canadiens contre les terroristes? Ces derniers garderaient cachées des balles et des cartouches vides. Je pense personnellement que ce sont les pauvres Canadiens respectueux des lois et non méfiants qui seraient les victimes d'une autre mesure législative libérale semblable aux projets de loi C-68 ou C-36. Avec un projet de loi comme le C-55, pourquoi un utilisateur d'arme à feu respectueux des lois ou tout autre Canadien ferait-il confiance au gouvernement libéral?

    Le principal problème au Canada c'est que le gouvernement libéral pense savoir ce qui est dans l'intérêt des Canadiens. Il n'est toutefois pas très à l'écoute des autres. À maintes occasions, nous avons entendu dire au Canada que le gouvernement est dirigé par un seul libéral. Ce n'est pas loin de la vérité. Faut-il se surprendre de voir, ces dernières semaines, le gouvernement libéral s'enliser dans des affaires de corruption?

    Le gouvernement ne s'intéresse aux besoins des Canadiens que pour la forme. Voyons les problèmes qui nous accablent dans les secteurs du bois d'oeuvre et de l'agriculture. Sur un dollar, les Européens reçoivent 56 cents de subvention. Les Américains finiront par obtenir l'équivalent. Quant au pauvre agriculteur canadien, il lutte pour survivre et il ne reçoit que neuf cents de subvention sur un dollar.

    À l'instar des projets de loi C-68 et C-36, le projet de loi C-55 n'est rien d'autre que de la poudre aux yeux et un coup de force. Il faut que les Canadiens se réveillent avant qu'il soit trop tard. Le gouvernement libéral s'en prend quotidiennement aux valeurs chères aux Canadiens. Le moment est venu de changer de gouvernement.

+-

    M. R. John Efford (Bonavista—Trinity—Conception, Lib.): Monsieur le Président, j'estime nécessaire d'intervenir brièvement dans le débat sur le projet de loi pour répliquer à certains des propos que des députés néo-démocrates et bloquistes ont tenus ce matin. Je trouve difficile à comprendre le raisonnement et la logique derrière certaines des affirmations que l'on a faites à la Chambre pour critiquer le projet de loi. Je vais tâcher de revenir sur certaines des choses que l'on a dites et la logique dont elles s'inspirent.

    Des députés ne cessent d'utiliser le terme «corruption» à la Chambre en parlant d'un manque de confiance envers le nouveau ministre de la Défense. Avant d'entrer à la Chambre des communes la semaine dernière, je siégeais à la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve depuis 1985. Nous n'y utilisions pas le terme «corruption». Si nous voulions critiquer le gouvernement, nous disions qu'un ministre, un député ou un haut fonctionnaire du gouvernement avait commis une erreur de jugement. On a tort d'utiliser le terme «corruption» pour parler d'un manque de confiance à l'égard d'une mesure législative qui jouera un rôle important pour assurer à l'avenir la sécurité du Canada. La députée du NPD, qui a été l'avant-avant-dernière à intervenir, a fait référence à tous...

    Mme Pauline Picard: D'où sortez-vous?

    M. R. John Efford: Pourquoi ne...

  +-(1230)  

+-

    Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député qui a la parole a récemment été élu à la Chambre. Je ne voudrais pas que les honorables collègues songent même à profiter de quelqu'un qui pourrait sembler inexpérimenté mais qui ne l'est vraiment pas, puisqu'il vient d'une autre législature comme certains autres députés.

    Je rappellerai cependant au député et aux autres collègues que toutes les interventions doivent se faire par l'intermédiaire de la présidence et non directement de l'un à l'autre. Je pense que ce procédé et cette procédure nous servent tous bien depuis longtemps. Je vais m'assurer du mieux que je peux que nous conservions cette excellente tradition.

+-

    M. R. John Efford: Monsieur le Président, mon passage par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et Labrador m'a permis d'acquérir une certaine expérience, mais j'admets que ce n'est rien à côté de celle que je vais acquérir dans cette enceinte au cours des prochaines années.

    Certes, étant humains, nous faisons tous des erreurs, et je ne dis pas cela pour critiquer la députée qui vient de parler, mais simplement pour exprimer mon désaccord sur ce qu'elle a dit, c'est tout. Ce projet de loi est trop important pour qu'on le laisse dérailler à cause d'un débat entre deux députés de part et d'autre de la Chambre.

    Ce que je voulais dire, c'est que je tente de comprendre pourquoi les députés critiquent autant le projet de loi. Nous devons écouter tous les discours. Ce n'est pas un projet de loi que nous devrions prendre à la légère. J'estime que c'est une mesure qui influera très favorablement sur la sécurité des Canadiens.

    Nous ne savons jamais quand surviendra un acte terroriste. Cela pourrait arriver la semaine prochaine, le mois prochain ou l'an prochain, mais nous espérons et nous prions que cela n'arrivera jamais plus. Les terroristes peuvent frapper spontanément n'importe où au Canada, en Amérique du Nord, voire dans le monde entier. Toutefois, il n'est question que du Canada dans le présent débat.

    Si nous ne donnons pas à ceux qui sont au pouvoir, peu importe de qui il s'agit, les moyens de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des Canadiens, à qui allons-nous les donner? Qui devrait avoir le pouvoir de prendre des mesures pour assurer la sécurité des Canadiens?

    J'ai de la difficulté à comprendre les critiques de l'opposition sur le fait d'accorder certains pouvoirs aux ministres des Transports, de la Santé et de la Défense nationale. Dans tous les discours que j'ai entendus ce matin, je n'ai entendu qu'un seul député faire des observations constructives.

    La députée néo-démocrate a parlé pendant dix minutes, s'exprimant en termes très négatifs sur tous les aspects du projet de loi. C'est très bien. Elle a droit à ses opinions. Toutefois, je ne l'ai pas entendue dire une seule chose constructive sur le projet de loi pendant ces 10 minutes. C'est pourquoi j'ai du mal à comprendre ce qui pousse les députés néo-démocrates à adopter une telle position. Sont-ils d'avis que nous ne devrions pas adopter de mesure législative du tout? Sont-ils d'avis que nous devrions laisser le Canada affronter les menaces terroristes en nous croisant les bras? Sont-ils d'avis que nous ne devrions pas tenter d'améliorer notre capacité à protéger les Canadiens? Si c'est là ce qu'ils pensent, permettez-moi de ne pas être d'accord du tout.

    Je suis persuadé que j'en entendrai davantage tout au cours du débat et j'aurai peut-être même la chance d'entendre certaines déclarations constructives de la part de certains députés de l'opposition. C'est peut-être là un voeu pieux de ma part, mais attendons de voir.

    Qu'il s'agisse d'un quelconque ministre de quelque ministère que ce soit ou des responsables de nos forces armées, ces personnes doivent avoir l'autorité nécessaire pour adopter des mesures qui permettront d'assurer la sécurité de tous les Canadiens.

    Je suis heureux que mon collègue ait apporté des précisions sur la question des zones militaires. J'ai été étonné d'entendre un député de l'opposition affirmer qu'il était persuadé qu'aucun député libéral n'avait lu le projet de loi. Je peux vous assurer que nous lisons le projet de loi constamment. Si les députés de l'opposition l'avaient lu, ils sauraient à quoi correspondent les zones militaires et n'auraient pas fait de déclarations contredisant ce que l'on retrouve dans le projet de loi. Cela prouve qu'ils se contentent de lire des notes de synthèse au lieu d'étudier le projet de loi.

    Puisque nous nous penchons sur ce projet de loi aujourd'hui, je crois qu'il est très important que tous les députés comprennent bien la portée de la mesure législative proposée et l'importance qu'elle revêt pour l'avenir de tous les Canadiens.

  +-(1235)  

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je pense que plusieurs députés se sont exprimés sur le projet de loi C-55, qui remplace le défunt projet de loi C-42, comme le disait mon collègue.

    Je voudrais rappeler qu'il y a deux problèmes majeurs en ce qui me concerne dans ce projet de loi. Tout d'abord, il y a la création des zones militaires d'accès contrôlé; il y a aussi la question des renseignements plus larges concernant les passagers des compagnies aériennes. En effet, le gouvernement se donne le pouvoir de modifier au besoin la nature des renseignements qui peuvent être transférés entre les différents services.

    Par ailleurs, en vertu des nouvelles dispositions, la GRC et le SCRS disposeraient dorénavant d'un accès direct à ces renseignements détenus par les compagnies aériennes. Ces dispositions ouvrent la porte à une utilisation de renseignements personnels qui dépassent largement les cadres de la lutte au terrorisme.

    Actuellement, je pense que plusieurs dénoncent ce fait; même le commissaire à la vie privée a dénoncé le projet de loi C-55 relativement à la circulation des renseignements relatifs aux passagers des compagnies aériennes.

    Ce matin, le jeudi 30 mai, dans un quotidien qui nous vient du Québec, on peut lire le titre suivant: «Le droit de la terreur». Je voudrais citer quelques lignes de cet article qui feront sûrement réfléchir et j'espère qu'elles feront réfléchir les collègues d'en face. On dit, et je cite:

La sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme sont en train de devenir, un peu partout dans le monde, les meilleures excuses pour brimer les droits fondamentaux.

    Ce que constate l'organisme qui travaille pour les droits de la personne et qui vient de déposer un rapport, soit Amnistie Internationale, qui a gagné le prix Nobel de la paix en 1977, c'est ceci:

Les gouvernements utilisent les attentats du 11 septembre et la lutte contre le terrorisme pour faire une sorte de troc entre la sécurité et les droits de la personne. On a pris prétexte du 11 septembre pour permettre des détentions arbitraires ou nier le droit à un procès juste et équitable. On assiste plutôt à une montée de l'hypocrisie officielle. La lutte contre le terrorisme est devenue le prétexte à tous les abus.

    Au sujet du projet de loi C-55, on dit:

Au Canada aussi, on a limité les libertés civiles par des lois antiterroristes dont la nécessité n'a jamais été démontrée par le gouvernement fédéral. Encore aujourd'hui, on discute au Parlement d'un projet de loi qui s'appelle le C-55, qui donne au gouvernement et aux forces de sécurité toutes sortes de nouveaux pouvoirs qui auraient été inacceptables à l'ensemble de la population il y a quelques mois à peine.

Il s'agit de la nouvelle version de C-42 qui a été retirée à la suite de maintes protestations, sauf que la nouvelle version maintient les éléments les plus controversés et, dans certains cas, est même pire que la précédente.

    Ce ne sont donc pas seulement le Bloc québécois et les partis d'opposition qui en parlent. Amnistie Internationale a déposé un rapport en ce sens. Plusieurs éditorialistes, plusieurs journalistes et plusieurs organismes ont dénoncé ce projet de loi.

    On dit aussi:

Dans l'indifférence générale, le Parlement canadien est en train d'adopter une loi dont le gouvernement n'a jamais pu justifier la sévérité, ce qui est déjà passablement sérieux.

Mais en même temps, il se trouvera à justifier toutes sortes d'abus contre les droits de la personne par des régimes répressifs qui pourront décemment dire qu'ils n'ont fait que s'inspirer d'un grand pays démocratique comme le Canada.

C'est ce qui arrive quand on commence à faire des compromis sur les droits fondamentaux.

  +-(1240)  

    Je pense que c'est clair. C'est vraiment inacceptable et c'est ce qu'on dénonce quand on parle de cet article qui traite du pouvoir d'une seule personne, d'un ministre qui va, en vertu d'un article, créer des zones de sécurité maintenant appelées des zones militaires d'accès contrôlé. Comme je le disais tout à l'heure, il va pouvoir venir dans ma circonscription qui dispose d'un manège militaire.

    On n'a rien contre le fait qu'il faut se protéger et que le gouvernement protège ses équipements militaires au moyen de ces zones. Cependant, de là à décider, à un moment donné, dans une circonstance où il juge que sa sécurité est menacée, d'utiliser des lieux et des terrains sans jamais consulter personne, sans jamais consulter la population, les élus en place et les gouvernements municipaux ou provinciaux, il y a une marge. Il décide qu'il vient s'établir là et estime que c'est son droit.

    Le ministre pourrait utiliser ce qu'on appelle un moment raisonnable. On ne sait vraiment pas ce que veut dire le mot «raisonnablement». Une seule personne, qui s'appelle le ministre des Finances, pourra décider, je m'excuse, c'est le ministre de la Défense. Je suis confuse parce que notre nouveau ministre nous vient des Finances et remplace maintenant l'ex-ministre de la Défense. Tout cela est un peu ambigu...

    Une voix: C'est du pareil au même.

    Mme Pauline Picard: Effectivement, c'est du pareil au même. J'espère que le nouveau ministre entendra raison et pourra modifier ces articles qui lui accordent autant de pouvoirs. Au nom de quoi et à quoi fait-on référence pour donner à une seule personne un tel pouvoir par lequel on vient bafouer la liberté, les droits et la vie privée de la population?

    Tout à l'heure, dans mon intervention, je n'ai pas mentionné un fait que j'avais dénoncé à un moment donné dans le projet de loi C-42. Il s'agit de la nouvelle taxe qu'on retrouve dans le projet de loi C-55 sur la sécurité. Cette nouvelle taxe est pour nous un autre détournement de fonds. Notre nouveau ministre va peut-être être plus attentif à ce qui avait été dit à l'époque au Comité permanent des finances.

    À l'époque, il avait fait la sourde oreille. Concernant cette nouvelle taxe, au Comité permanent des finances, on nous a dit qu'il n'y avait eu aucune consultation et aucune étude d'impacts faite sur son imposition. On est en droit de se demander si ce n'est pas encore un autre détournement de fonds, comme l'a fait le gouvernement libéral avec la caisse de l'assurance-emploi. On n'était pas les seuls à parler de ce détournement. Plusieurs organismes redoutaient cette nouvelle taxe qui n'était pas justifiée et qui a des impacts majeurs, surtout dans les petites régions.

    Le temps passe tellement vite et j'aurais encore beaucoup de choses à discuter. Cependant, j'en appelle aux collègues du gouvernement afin de prendre au sérieux les dénonciations de l'opposition concernant les problèmes contenus dans les articles de ce projet de loi et de voter contre celui-ci.

  +-(1245)  

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, il me fait grandement plaisir de participer au débat sur la motion principale concernant le projet de loi C-55. J'ai eu l'occasion dernièrement de me prononcer sur l'amendement. J'ai aussi entendu les propos d'autres orateurs et certains discours très réfléchis pendant l'étude de ce projet de loi très complexe.

    Au nom du caucus du NPD, j'aimerais commenter les propos de l'intervenant précédent du Parti libéral , le député de Bonavista—Trinity—Conception, qui a trouvé à redire à l'analyse faite par le NPD. Il a dit que nous avions peut-être été trop durs et que nous ne faisons pas d'efforts pour voir le bien-fondé du projet de loi et les avantages qui en découlent.

    Je lui apprendrai que nous avons fait une analyse approfondie et très détaillée du projet de loi, que nous le trouvons malgré tout lacunaire et inquiétant et que nous jugeons nécessaire de prévenir la population canadienne qu'il mettra en danger certaines des valeurs qui lui sont chères.

    Je ne crois pas que ma collègue néo-démocrate qui a parlé avant lui ait amplifié les choses. Peut-être que le député de Bonavista aurait dû porter une plus grande attention aux préoccupations que nous avons soulevées. Nous n'avons pas fait cela juste par esprit de contradiction. Nous avons fait part de nos inquiétudes afin de mettre en garde les Canadiens contre ce coup de force massif que représente ce projet de loi omnibus, qui risque de compromettre la façon dont nous nous définissons en tant que Canadiens, car les libertés et les principes fondamentaux auxquels il s'attaque sont des choses dont nous sommes extrêmement fiers.

    Lorsque j'entrerai dans les détails, j'espère que le député sera attentif. Il a prétendu que le NPD n'avait absolument rien de positif à dire au sujet du projet de loi C-55. Je tiens à préciser que nous trouvons importants certains points qu'il renferme. En fait, je dirais que le projet de loi C-42, rédigé à la hâte après les événements tragiques du 11 septembre 2001, devait être mis au rancart et que certaines des modifications contenues dans le projet de loi C-55, telles que celle proposée à la Loi sur l'aéronautique afin de mieux définir le pouvoir du ministre des Transports de prendre des règlements concernant la sûreté aérienne, sont des améliorations par rapport au projet de loi C-42.

    Je suis heureux de signaler qu'à certains égards particuliers, le projet de loi C-55 est meilleur que la mesure législative précédente. En premier lieu, il faut dire que le projet de loi C-42 avait été préparé en toute hâte et une fois qu'il a été retiré, nous avons dû attendre quatre ou cinq mois avant que le projet de loi C-55 ne soit présenté. Le gouvernement nous dit maintenant qu'il faut adopter le projet de loi C-55 immédiatement, en toute hâte, parce que la question est urgente. Où était l'urgence quand on sait que le projet de loi C-42 a traîné cinq mois dans les couloirs de la bureaucratie avant la présentation du projet de loi C-55?

    Je n'accepte pas l'argument selon lequel l'urgence est la même qu'au lendemain du 11 septembre. De toute évidence, nous sommes tous intéressés par la sécurité nationale. Nombre de Canadiens estiment que, présentement, le gouvernement a tout le pouvoir ou toute la capacité nécessaires pour intervenir s'il juge vraiment qu'il y a un danger clair et imminent. La Loi sur les mesures de guerre, par exemple, est un outil qui a toujours été à la disposition des ministres.

    La différence entre le projet de loi C-55 et la Loi sur les mesures de guerre est un des éléments inquiétants signalés. En vertu de la Loi sur les mesures de guerre, le gouvernement devait consulter le Parlement dans les 48 heures. Or, en vertu du projet de loi C-55, un ministre peut exercer ce pouvoir accru, sans avoir à rendre compte au Cabinet pendant 15 jours et sans consulter le Parlement pendant 45 jours. C'est un pouvoir énorme, voire colossal. Énormément de choses peuvent survenir en 45 jours, et le Parlement n'aurait pas la possibilité de faire un examen détaillé de la situation avant 45 jours. Cette éventualité est déjà en soi une source d'inquiétude suffisante pour que les Canadiens nous demandent de ralentir le processus, de mettre le projet de loi de côté pour l'été et de réfléchir pour savoir si nous voulons vraiment troquer une telle portion de nos libertés individuelles pour un tel niveau de sécurité nationale.

  +-(1250)  

    J'ai de sérieuses réserves à cet égard. Pour résumer la tendance que le projet de loi imprime, je dirais qu'il élargit terriblement l'autorité ministérielle et qu'il diminue terriblement la surveillance exercée par le Parlement. Cette tendance est troublante. De fait, c'est une tendance que j'observe dans pratiquement toutes les mesures législatives mises de l'avant par les libéraux depuis que je suis au Parlement. En effet, on constate une tendance vers l'élargissement de l'autorité ministérielle et la diminution du pouvoir du Parlement d'exercer une véritable surveillance.

    C'est une pente dangereuse. Je suppose toutefois que cette approche est très séduisante pour le parti au pouvoir. Je rappelle à ce parti qu'il ne sera pas toujours au pouvoir. Après avoir érodé les capacités et les pouvoirs du Parlement comme il le fait, le gouvernement actuel, lorsqu'il se retrouvera sur les banquettes de l'opposition, se demandera pourquoi il n'a aucune occasion d'intervenir, d'adopter des lois et d'agir comme un véritable Parlement. Ce gouvernement aura été l'artisan du démantèlement et de l'amenuisement des pouvoirs du Parlement.

    Cette tendance pour le moins troublante est évidente dans le projet de loi C-55, qui élargit les pouvoirs discrétionnaires de ministres et diminue notre capacité d'exercer la surveillance parlementaire, particulièrement en ce qui concerne la question extrêmement délicate des libertés individuelles.

    Dans une autre veine, le terme projet de loi omnibus évoque pour la plupart des gens l'image du cheval de Troie. Faisant appel aux sentiments des Canadiens à l'égard de l'amélioration de la sécurité nationale, on a utilisé le projet de loi comme un fourre-tout pour une foule d'éléments accessoires. Le Parti libéral planifiait peut-être déjà l'introduction de tels éléments. Le gouvernement incorpore au projet de loi, qu'il utilise comme véhicule, comme le cheval de Troie, toutes sortes de mesures accessoires.

    Le projet de loi C-55 modifiera 15 lois qui relèvent de la compétence de neuf comités permanents. Pourtant, il sera renvoyé à un seul comité, le Comité des transports.

    Voici quelques-unes des lois qui seront modifiées par le projet de loi C-55: la Loi sur l'aéronautique, la Loi de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, la Loi sur l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le Code criminel, la Loi sur les explosifs, la Loi sur l'Office national de l'énergie, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur les produits dangereux et plusieurs autres. Il reste que les députés de notre caucus qui sont des experts dans ces domaines et sont membres des comités pertinents ne pourront pas se pencher sur ce document, ni présenter des amendements à l'étape du comité ni non plus examiner le document à cette étape. Ils ne sont pas membres du Comité des transports.

    Notre porte-parole en matière de santé, le député Winnipeg-Centre-Nord, fait partie du Comité de la santé. Si ce projet de loi doit avoir une incidence sur la Loi canadienne sur la santé, pourquoi n'a-t-il pas été renvoyé au Comité de la santé, pour y être étudié par tous les partis, comme on le fait au comité?

    J'essaie d'expliquer les raisons légitimes qui empêchent le caucus du NPD d'appuyer le projet de loi C-55. Nous voulons alerter les Canadiens, parce que cette mesure nécessite une attention et une étude beaucoup plus approfondies.

    Ce n'est pas uniquement pour entendre plus de brillants discours à la Chambre des communes que je demande plus de temps de débat et moins de précipitation. Je demande plus de temps pour permettre la participation des Canadiens, pour les consulter, pour leur demander s'ils sont disposés à sacrifier des libertés individuelles pour ces questions de sécurité nationale. Qu'est-ce que les Canadiens sont prêts à faire? Jusqu'où sont-ils prêts à aller?

    Les Canadiens méritent qu'on leur pose ces questions et il faut entamer un processus leur permettant d'exprimer leur point de vue.

    Bien sûr, il faut du temps pour qu'une question soit étudiée à la Chambre des communes et retienne l'attention de l'ensemble de la population. Je suis certain que les Canadiens ignorent que nous sommes actuellement saisis d'un projet de loi ayant une portée aussi vaste. Si le projet de loi est adopté à toute vapeur, il sera trop tard.

    D'ici la fin de la session, dans deux jours ou dans deux semaines, les Canadiens ne sauront toujours pas que nous procédons à des modifications de leurs libertés individuelles, qui changeront leur manière de vivre au Canada et leur manière de concevoir le pays.

    L'exemple qui frappe le plus est celui de la plus grande facilité d'établir une zone militaire. Ce n'est pas par paranoïa qu'on peut supposer un lien entre le projet de loi et les manifestations prévues au sommet du G-8 qui aura lieu bientôt à Kananaskis.

  +-(1255)  

    On a vu comment le gouvernement a traité le contrôle des rassemblements et des foules à l'APEC. On en a eu un autre exemple à Québec, où nous avons dû esquiver les capsules lacrymogènes. Si le projet de loi est adopté, le gouvernement disposera de pouvoirs beaucoup plus vastes pour s'en prendre même aux manifestants pacifiques. Voilà une autre bonne raison qui explique pourquoi les Canadiens sont inquiets et pourquoi le caucus du NPD s'oppose au projet de loi C-55, comme il s'est opposé aux projets de loi C-36 et C-42.

    Il vaut la peine de souligner certains des changements apportés au projet de loi C-55 par rapport au projet de loi C-42. Un changement concerne...

+-

    Le vice-président: Dix minutes passent vite. Le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière a la parole.

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, le député du Nouveau Parti démocratique qui est intervenu précédemment parlait, dans son discours, de l'effet de ce projet de loi sur différents secteurs dont, notamment, celui de la santé.

    Il s'est interrogé, à juste titre, et je l'en félicite, sur l'importance de consulter peut-être le Comité permanent de la santé à cet égard. Il n'a nommé que ce secteur, mais il aurait pu mentionner presque tous les ministères, parce que si on examine le projet de loi, on s'aperçoit qu'il peut modifier 20 autres lois existantes, dont certaines sont très récentes. Ce qu'il vient de dire a du sens. En effet, il vaudrait la peine de consulter davantage la population et des comités.

    L'autre aspect sur lequel j'aimerais attirer votre attention est un article de Michel C. Auger. Ma collègue de Drummondville l'a aussi relevé. Il parle, ce matin, d'une loi qui vise la sécurité mais qui ne respecterait pas entièrement les droits de la personne ou qui pourrait porter atteinte à certains droits de la personne.

    J'ai eu la chance, la semaine dernière, d'assister à la dernière intervention de la commissaire aux droits de la personne du gouvernement fédéral. En la questionnant, elle nous a appris qu'elle-même était allée témoigner à la Commission des droits de la personne, à Genève, cette année, car on s'inquiétait au sujet des lois sur la sécurité que le présent gouvernement veut adopter pour limiter les droits de la personne ici, au Canada.

    Comme je suis membre du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères, je vois et j'entends souvent des députés, des ministres, des députés de ce gouvernement, à juste raison, faire la promotion des droits de la personne ailleurs.

    Toutefois, là où le bât blesse, c'est qu'il faudrait s'assurer que, lorsqu'on fait la promotion de quelque chose, on soit à l'abri de toute critique. Or, la commissaire chargée du respect des droits de la personne au sein de l'État fédéral a senti le besoin, dans une intervention qu'elle a faite à Genève, invitée par la Commission des droits de la personne là-bas, de souligner qu'à son avis, il y a des aspects inquiétant dans les nouvelles lois sur la sécurité, incluant le projet de loi C-55.

    Étant à quelques semaines de la retraite, probablement s'est-elle sentie plus libre et indépendante que jamais de parler, car c'est connu que les gens à la retraite, ou même des fonctionnaires à la retraite depuis un certain nombre d'années, se sentent très libres de parler.

    Il est certain que lorsqu'on fait partie de la fonction publique et qu'on veut prendre une position qui risque de déplaire à l'autorité, au parti au pouvoir, parfois, il y a un phénomène d'autocensure qui peut s'exercer. Je ne dis pas que cela s'exerce tout le temps, cependant, cela prend des esprits un peu rebelles...

    Une voix: On ne doit pas mordre la main qui nous nourrit.

    M. Antoine Dubé: Comme le dit mon collègue, on ne doit pas mordre la main qui nous nourrit. Alors, il y a un peu de cela.

    Toutefois, si le gouvernement du Canada veut continuer à se faire le champion des droits de la personne, il faudrait vraiment s'assurer que, au sein de ce pays, le Canada—puisque nous y sommes encore—on pratique véritablement la vertu et qu'on ne se contente pas seulement de la prêcher.

    Je pourrais m'étendre sur les événements des dernières semaines quant au fonctionnement du gouvernement concernant l'attribution des contrats--l'occasion est belle et je pourrais la prendre--mais je vais me concentrer sur les droits de la personne, car c'est important pour les gens de ce pays, le Canada.

  +-(1300)  

    Jusqu'à preuve du contraire, le Québec fait encore partie du Canada, du moins jusqu'à ce que cela soit décidé par un éventuel référendum. Nous, Québécois, avons une Charte des droits de la personne depuis, je crois, 1976. Je fais appel à mon collègue de Champlain qui était à l'époque à l'Assemblée nationale.

    Une voix: C'était en 1975.

    M. Antoine Dubé: Il me dit que c'était en 1975.

    Cela n'a pas été adopté par des méchants souverainistes, mais par l'Assemblée nationale lorsque le gouvernement était dirigé par Robert Bourassa, un libéral. Les libéraux d'en face devraient se rappeler que cela a été fait par un ancien premier ministre libéral du Québec. Il faut se rappeler de cette partie de l'histoire. On a cette Charte des droits de la personne qui convient à l'ensemble des Québécois, mais elle va plus loin que la charte canadienne qui, elle, se limite à des droits individuels. Au Québec, la charte touche d'autres aspects de la vie collective.

    Je pense qu'on n'interviendra jamais assez en se demandant ceci: est-on certains, comme parlementaires, au nom de notre conscience, et il vaut la peine de se le demander à titre personnel, que c'est un bonne idée de laisser autant de pouvoirs à un ministre qui a 45 jours pour obtenir l'accord du Conseil des ministres?

    Tout récemment, on a changé de ministre. L'inexpérience du nouveau ministre en matière de défense en inquiète plusieurs. On verra; laissons-lui quand même la chance d'essayer.

    Le dernier ministre de la Défense, au sujet de ce qui se passait en Afghanistan, avait pris une semaine avant d'avertir le premier ministre du fait que les soldats canadiens avaient fait des prisonniers en Afghanistan. On ne savait pas quoi faire. Il y a eu toute une saga sur le respect du droit de la personne, sur le respect des conventions internationales, comme la Convention de Genève relative aux droits des prisonniers.

    Mais là, on ne parle pas du droit des prisonniers. Je sais que certains disent que les prisonniers ont couru après. Ici, on parle du respect des droits de chacun et de chacune d'entre nous, de chaque personne dans la population. C'est très exigeant. On devrait prendre le temps nécessaire pour recevoir les avis des personnes concernées.

    Il y a les droits de la personne, mais le point central est la trop grande marge de discrétion qui est laissée au ministre de la Défense pour établir de futures zones militaires. Il peut décider de son propre jugement sans l'accord et sans même la demande des provinces.

    Je me rappelle de 1970. Comme je suis né en 1947, je me rappelle très bien de 1970. Il y avait eu la Loi sur les mesures de guerre au Québec. C'est en raison de cette loi qu'il y avait eu plusieurs centaines de prisonniers, des gens à qui on n'avait même pas dit pourquoi on les arrêtait. On en connaît tous. Ils ont été relâchés plusieurs jours après, parfois 30 jours après, sans qu'ils sachent pourquoi on les avait arrêtés. Il y avait un mouvement de panique.

    Ici, on parle de zones. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intention du gouvernement de refaire aussi faussement d'ailleurs l'expérience de 1970. Dans ce cas précis, cela concerne des millions de personnes. Théoriquement, tous les Canadiens et tous les Québécois peuvent subir cette loi. Cela a été fait parce qu'un incident peut se produire partout. Le ministre peut décider de créer une zone militaire et plus aucune loi ou règlement ne s'appliquerait. Il deviendrait le dictateur de l'occasion.

    Je dis cela à cause de ce que nous a servi le premier ministre il y a quelques mois. Il nous disait: «Vous savez, moi, il y a des jours où je me sens démocrate et des jours où je me sens dictateur.» Comme c'est lui qui a choisi le nouveau ministre de la Défense, j'espère que ce dernier ne suivra pas ce conseil.

  +-(1305)  

    Si, un jour, le nouveau ministre de la Défense nationale se sent démocrate, je vais être rassuré. Cependant, si le lendemain, il se sent dictateur, je vais être inquiet; non seulement moi, mais tout le monde risque d'être inquiet. Cela n'a pas de sens de laisser un sujet aussi délicat, aussi important, au jugement d'une seule personne dont on ne connaît pas encore la manière de faire. Je ne m'attaque pas à lui, il commence, mais je pense à toute personne qui pourrait devenir, à n'importe quel moment, ministre de la Défense, fut-elle moi-même.

    Une personne peut-elle se vanter d'avoir toutes les connaissances, toutes les informations requises pour prendre seule une décision aussi délicate et importante? Non.

    Par votre intermédiaire, monsieur le Président, j'invite donc les autres députés, voyant l'importance du sujet, à prendre des positions réfléchies à cet égard.

[Traduction]

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je me réjouis d'avoir à nouveau l'occasion d'intervenir sur cet important projet de loi.

    J'ai écouté attentivement le débat et je pense que l'alarme a été sonnée, notamment sur les banquettes de l'opposition, relativement aux pouvoirs extraordinaires et très étendus que le projet de loi accorde au gouvernement et, ce qui est plus préoccupant, à un seul ministre.

    Le projet de loi aura de profondes répercussions à long terme dans tout le pays. Il entraînera la modification de pas moins de 20 lois, dont certaines auraient dû faire l'objet d'un projet de loi séparé. Comme c'est souvent le cas, on nous présente un projet de loi d'ensemble qui regroupe nombre de questions n'ayant aucun lien entre elles. C'est peut-être moins le cas avec ce projet de loi, mais je voudrais attirer l'attention des députés sur certains des éléments du projet de loi qui influeront sur des lois en vigueur ou des projets de loi précédents. Seront touchés la Loi sur la quarantaine, la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, la Loi sur le financement du terrorisme, la Loi sur la marine marchande du Canada, la Convention sur les armes biologiques et à toxines, la Loi sur les dispositifs émettant des radiations, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur la sûreté du transport maritime, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, le Code criminel et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

    Ne tournons pas autour du pot. Il s'agit ici d'un projet de loi considérable, qui prévoit de nouveaux pouvoirs et concentre davantage les pouvoirs entre les mains du gouvernement. Une autre préoccupation concerne le système de freins et contrepoids, le rôle traditionnel du Parlement, qui est éludé, marginalisé par la façon dont le projet de loi a été proposé.

    Je n'irai pas jusqu'à reprendre les propos du commissaire fédéral à la protection de la vie privée, qui a qualifié ce type de projet de loi de totalitaire, se reportant à certaines de ses dispositions. Je ne serai pas aussi radical qu'il l'a été lorsqu'il a informé les Canadiens de ses préoccupations légitimes. Pourtant, ces propos viennent d'un observateur impartial dont le mandat est d'examiner les projets de loi, les différentes situations qui se présentent et les actes du gouvernement. Il a affirmé expressément que des préoccupations majeures doivent nous inciter à prendre un temps d'arrêt et amener tous les Canadiens à réfléchir plus sérieusement.

    Ma crainte, que d'autres députés partagent, c'est que cela ne se fera pas. On peut espérer que ce débat donnera aux Canadiens l'occasion de prendre conscience des ramifications du projet de loi. De bien des manières, celui-ci va avoir une incidence directe sur les droits fondamentaux, la liberté de mouvement, le droit à la vie privée. Il n'est qu'une mesure de plus qui est entachée de graves imperfections.

    Il faut peut-être s'interroger sur la nécessité du projet de loi. En avons-nous besoin? Pourquoi? N'y a-t-il pas déjà des mesures qui nous protègent et qui, tout en assurant une protection, laissent jouer le système de freins et de contrepoids?

    J'ai parlé de la Loi sur les mesures d'urgence. Le gouvernement n'a pas expliqué clairement pourquoi il y aurait une insuffisance ou des lacunes qui justifient la présentation d'un nouveau projet de loi, vu ce que prévoit cette loi. Je vais m'attarder un peu à la question et proposer une rapide comparaison entre ce que la Loi sur les mesures d'urgence et le C-55 peuvent faire dans ce contexte.

    Le projet de loi C-55 n'a d'autre objectif que de donner aux ministres plus de pouvoirs arbitraires pour faire face à une menace réelle. Cela veut dire que l'existence d'une menace réelle est nécessaire à son enclenchement. Il s'agit d'un problème qui va sans nul doute entraîner une perturbation, une menace, des conséquences perçues ou réelles pour les Canadiens. Mais la loi qui existe actuellement, la Loi sur les mesures d'urgence, permet au gouvernement une intervention rapide et décisive.

    Dans la Loi sur les mesures d'urgence, le point de départ est la déclaration de l'état d'urgence. La décision prend effet immédiatement à la proclamation. La question est également soumise au Parlement dans les sept jours. Dans les sept jours, et non 45, la question doit être soumise au Parlement.

  +-(1310)  

    Même si le Parlement ne siège pas, il devrait être rappelé pour fournir une réponse raisonnable. Le Parlement pourrait alors débattre immédiatement de la déclaration d'état d'urgence et avoir l'occasion de voter ou d'approuver la déclaration d'état d'urgence.

    Tous les décrets ou règlements pris en application de la Loi sur les mesures d'urgence doivent être soumis au Parlement dans un délai de deux jours de séance, sauf dans le cas d'un décret soustrait à la publication ou classifié. Cela est raisonnable étant donné les circonstances. Si les autorités militaires jugent que le décret répond à un problème si grave et si pressant qu'il faut le garder secret, qu'il en soit ainsi. Cependant, toutes ces questions seraient renvoyées à un comité d'examen parlementaire formé de députés de tous les partis qui pourraient avoir fait serment de garder le secret.

    Le Parlement pourrait abroger ou modifier un décret ou un règlement. Il s'agit d'un contrôle. Il s'agit d'un pouvoir réel de faire intervenir le Parlement, le processus démocratique et les Canadiens. Voilà où en est la loi que nous avons actuellement. Une loi est en place au cas où surgirait au Canada un problème d'une ampleur et d'une gravité justifiant la déclaration d'un état d'urgence. Je pose de nouveau la question pour la forme: pourquoi, dans ce cas, avons-nous besoin du projet de loi C-55? Cette mesure permettrait au gouvernement d'éviter les freins et contrepoids qui sont actuellement en place dans le cadre de la Loi sur les mesures d'urgence.

    Par comparaison, le projet de loi C-55 entrerait lui aussi en vigueur immédiatement. Il n'y aurait pas de déclaration d'état d'urgence proclamé par le gouvernement et le Parlement ne serait pas saisi de la question. Le Parlement est écarté du circuit. Le Parlement ne vote pas sur la détermination de l'état d'urgence. Il n'y a pas d'arrêtés d'urgence à déposer à la Chambre dans les 15 jours suivant le rappel de la Chambre. Nous ne savons pas quand ce rappel pourrait se produire. Il n'y a pas de débat sur l'état d'urgence. Le Parlement ne peut abroger ni modifier les décrets d'état d'urgence.

    En vertu de la Loi sur les mesures d'urgence, le Parlement est l'endroit où les décrets sont débattus, modifiés, rejetés, approuvés ou examinés. Le gouvernement serait tenu de rendre des comptes en vertu de la loi actuelle. Dans le cadre du projet de loi C-55, le Parlement est mis à l'écart et les décrets qui sont pris ne font pas l'objet d'un examen parlementaire. Nous devenons une chambre d'enregistrement, une maison d'édition des décisions du gouvernement. Le gouvernement n'a pas directement de comptes à rendre en vertu du projet de loi C-55.

    Accorder autant de pouvoir au ministre n'apporte rien aux Canadiens. Par ailleurs, cette mesure contribue énormément à accentuer cette tendance à l'exercice arbitraire du pouvoir. Le gouvernement s'entoure de la sorte d'un plus grand secret. Dans le contexte actuel, est-ce là une situation avec laquelle les Canadiens devraient être à l'aise? Ils devraient se demander s'ils estiment qu'ils peuvent laisser au gouvernement le soin de prendre ce genre de décision arbitraire et sans restrictions, et s'ils sont disposés à en accepter les conséquences. Ce serait là l'incidence du projet de loi C-55. Il permettrait d'éviter l'examen qui aurait lieu ici dans les circonstances les plus élémentaires.

    Les Canadiens aboutiront à la conclusion que ce projet de loi les rend mal à l'aise. Il faut donc se poser la question suivante: S'agit-il d'une nouvelle mesure législative libérale aux lacunes graves, le genre de mesure législative à laquelle s'accroche obstinément le gouvernement comme nous l'avons vu dans le passé?

    Le projet de loi C-68 nous donne un parfait exemple d'un système d'enregistrement dont les coûts ont quadruplé par rapport à ce qui avait été prévu au départ. Il n'a pas fonctionné. Il n'a pas protégé les Canadiens. Il a été présenté aux Canadiens de façon mensongère et inexacte. De toute évidence, si le projet de loi est en vigueur, il serait difficile de révoquer et de ramener ces pouvoirs. Le gouvernement libéral a fait la preuve qu'il n'est pas disposé à changer d'idée et à reconnaître qu'il y a eu des erreurs.

    Cette concentration de pouvoir et ce coup de force se poursuivent. Ce projet de loi est un autre exemple de cette situation. Les changements apportés à la Loi sur la défense nationale en constituent le meilleur exemple. Ils ont été soulignés par de nombreux députés. L'aptitude très arbitraire à établir et à désigner une zone militaire contrôlée ainsi que tous les pouvoirs qui découlent de cette décision sont inquiétants. Il faut analyser plus attentivement le projet de loi afin d'apporter les changements qui assureraient la protection des Canadiens. Les décrets d'urgence pris par un ministre peuvent avoir une incidence draconienne et néfaste sur la vie du Canadien moyen.

    C'est pour cette raison que je désire présenter un amendement au projet de loi. Je propose:

Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit:
«Cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-55, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la Convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique, parce qu'il constitue un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral au détriment du principe de la surveillance du Parlement et des libertés civiles des Canadiens.» 

  +-(1315)  

+-

    Le vice-président: La présidence prendra l'amendement en délibéré et consultera les greffiers au bureau pour déterminer s'il est admissible du point de vue de la procédure. Je ferai part de ma décision sous peu.

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, j'ai eu la chance, un peu plus tôt, de prendre la parole sur le projet de loi C-55. Suite à ce que j'ai dit à la Chambre, j'ai reçu deux appels téléphoniques provenant de groupes de femmes, pas seulement québécois, mais aussi canadiens. Ces groupes de femmes nous écoutent actuellement et je veux les saluer. Elles ont eu la gentillesse de m'indiquer où ces deux groupes se situent relativement au débat actuel.

    Je vais tenter, d'une façon polie, honnête et transparente de transmettre ce qu'elles pensent. Je n'ai pas préparé de texte et je vais essayer d'être le plus juste possible pour refléter ce que ces femmes pensent. Si vous voulez vérifier mes dires, je vous remettrai le nom des deux groupes de femmes.

    Ce matin, je disais que les femmes étaient préoccupées par la sécurité de leurs enfants et par la sécurité de leur famille. Jusque-là, il n'y a pas de problème. Elles savent que le projet de loi C-55 résulte de ce qui est arrivé le 11 septembre, mais elles se disent indignées de la vitesse avec laquelle ce projet de loi est débattu à la Chambre, alors qu'elles demandent depuis fort longtemps qu'on puisse assurer leur sécurité face à la violence qu'elles doivent constamment combattre.

    Elles sont également sceptiques sur les intentions du projet de loi. Je rapporte leurs paroles. Elles croient que ce projet de loi est de l'hypocrisie officielle pour la simple raison qu'on sait que les femmes afghanes vivaient une situation de terrorisme depuis au-delà de 20 ans et que jamais la communauté internationale ne s'était préoccupé d'elles avant les événements du 11 septembre.

    Ces femmes me faisaient également remarquer que nous vivons à l'heure de la mondialisation. Ce matin, j'ai sorti les documents parus hier dans les journaux. La revue de presse disait hier: «On vit à l'heure de la mondialisation: le phénomène de la prostitution.» Cette prostitution est à Vancouver, à Montréal, à Toronto. On sait que ce sont des plaques tournantes. Lorsqu'une fille se tape quotidiennement des clients à la douzaine, sa sécurité n'est pas reconnue.

    Elles me faisaient également remarquer qu'au Canada, actuellement, nous assistons à un trafic épouvantable d'armes, de drogues, de traite des femmes. Tout cela est relatif au crime organisé. On n'a pas de loi pour assurer la sécurité des femmes et des enfants dans ce contexte.

    Lorsqu'on présente un projet de loi comme le projet de loi C-55 sur la sécurité publique, selon elles, on manque de jugement. Comment ce projet de loi apportera-t-il aux femmes plus de sécurité, quand actuellement on ne possède pas de loi pour assurer leur sécurité face aux hommes violents, face à des groupes criminalisés qui, à tout moment, peuvent faire du mal à leurs enfants et les terrorisent?

  +-(1320)  

    Une représentante de l'un de ces groupes m'a dit que ces femmes n'avaient aucune confiance dans ce projet de loi. On dépose un projet de loi qui a trait aux produits dangereux, mais comment se fait-il qu'on ne présente pas de projet de loi concernant les hommes dangereux, autant envers les enfants qu'envers les femmes? On parle beaucoup de législations qui se rapportent aux prédateurs sexuels, mais aucune loi n'est aussi sévère que celle-ci.

    Hier, les femmes ont assisté, par le biais du journal télévisé, aux débats de la Chambre. Même le premier ministre banalise la violence faite aux femmes. Hier, elles se sont indignées. J'avoue que cela m'avait échappé, mais les femmes sont très vigilantes à cet égard, car le premier ministre a posé une question pour se défendre ou défendre un de ses ministres en disant: «Va-t-on demander à un député s'il a battu sa femme hier soir?» En tous cas, les femmes qui m'ont appelée tout à l'heure étaient vraiment indignées.

    Elles me disaient que le Parlement canadien est en train d'adopter un projet de loi dont le gouvernement n'a jamais pu justifier la sévérité. Cependant, la violence faite aux femmes et aux enfants, qui est banalisée actuellement, ne justifie-t-elle pas une loi sévère sans échappatoire? Si le gouvernement canadien est incapable d'assurer la sécurité des femmes et des enfants sur son propre territoire, comment va-t-il assurer la sécurité publique?

    Cela fait référence à tout ce que je disais en début de journée. Je voulais en faire part aux gens qui nous écoutent. Lorsque deux groupes de femmes nous appellent pour dire: «Il faudrait peut-être le dire», je trouve cela important.

    J'aimerais faire une dernière remarque. Je lisais dans la revue de presse de ce matin, c'est-à-dire du jeudi 30 mai, notamment dans La Presse: «Les Hells Angels invités au jubilé de la Reine.» À ce sujet, comme nous sommes très liés à la Grande-Bretagne, les femmes m'ont dit: «Qu'est-ce qui nous dit qu'à un moment donné, on n'invitera pas les Hells Angels ici, au Canada, et qu'on ne cautionnera pas leurs actions?»

    On sait que nombre de femmes sont à la solde des Hells Angels, parce que ces derniers contrôlent la prostitution. Combien de Hells Angels ont déjà tué des femmes, des enfants, ont posé des bombes qui ont tué des femmes et des enfants? Alors, tout cela nous amène à nous poser des questions.

    Je veux encore saluer ces deux groupes de femmes qui m'ont donné l'occasion d'intervenir de façon à refléter leur quotidien. Nous, les responsables de la condition féminine, avons souvent besoin de l'appui des groupes de femmes qui nous disent: «Dans la vraie vie de tous les jours, voilà ce que l'on vit.»

  +-(1325)  

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'opportunité de prendre la parole sur le projet de loi C-55. J'aurais tendance à intituler mon discours: «La sécurité versus la liberté».

    En débutant, j'aimerais citer les propos de Mme Irene Khan, la secrétaire générale d'Amnistie Internationale. On se souvient que cet organisme a gagné le prix Nobel de la paix en 1977. Mme Khan dit ceci: «L'universalité et l'indivisibilité des droits humains ne sont pas négociables. Il ne saurait y avoir de troc entre droits humains et sécurité, entre justice et impunité.»

    Soit dit en passant, le projet de loi C-55 est un rejeton du projet de loi C-42 et est quasiment une photocopie du projet de loi C-42, puisque les points les plus décriés dans ce projet de loi sont encore présents dans le projet de loi C-55.

    Après avoir réfléchi sur le projet de loi C-55 quant à la liberté des gens, comment pouvons-nous ne pas croire que le projet de loi viendrait en contradiction avec la liberté des gens, lorsqu'on laisse aux ministres des Transports, de la Défense ou de la Santé le soin de faire des interventions directes, sans passer par la Chambre? N'oublions pas qu'ils ont 45 jours pour présenter ici leurs interventions.

    Comment peut-on laisser entre les mains de ce seul nouveau ministre de la Défense—soit dit en passant, je lui souhaite bonne chance et je lui fais part de mes meilleurs voeux dans son nouveau poste; j'ose croire qu'il sera supérieur à l'ancien ministre de la Défense—le soin de déterminer la superficie raisonnable d'une zone militaire d'accès contrôlé?

    Qu'est-ce qu'une superficie raisonnable? Décrivez-moi ce qu'est une superficie raisonnable, monsieur le Président. Votre description ne sera pas la mienne, parce que votre raison ne sera jamais ma raison. On peut se rassembler sur certains points. On peut se rapprocher, mais il y aura toujours une nuance entre votre raison et la mienne. Je ne pourrai jamais gagner en faisant valoir que ma raison est supérieure à la vôtre, et vice versa.

    Maintenant, on met cela entre les mains d'une personne. Elle pourra dire: «Je détermine quelle est la superficie raisonnable de cette zone militaire d'accès contrôlé.» J'imagine que si je mets le pied à l'intérieur de cette zone, il se peut fort bien qu'on me coupe les orteils.

    Il est donc important que ce soit la Chambre, que ce soient les gens assis dans cette enceinte qui prennent part à la décision de déterminer ce qu'est une zone militaire d'accès contrôlé.

    J'aimerais faire un détour et sortir de mon discours afin de faire connaître mon état d'âme. Je trouve vraiment aberrant—et je ne veux pas me faire ici l'accusateur et le moralisateur—que nous soyons ici aujourd'hui à débattre d'un projet de loi si important et que, malheureusement, nos amis d'en face restent bouche bée.

    Il me semble que nos amis de l'Alliance devraient être plus impliqués. Il me semble que nos amis du NPD devraient être impliqués. Ne devrions-nous pas tous être impliqués?

  +-(1330)  

    C'est un projet de loi d'une importance capitale qui aura un effet direct sur la liberté des personnes. Mais non, on reste bouche bée.

    En passant, j'aimerais saluer le travail de moine, si l'on peut dire, accompli par mon collègue, le député de Argenteuil—Papineau—Mirabel, qui a travaillé avec professionnalisme dans ce dossier. Il a fait plusieurs présentations en caucus dans ce dossier et il a fait un travail superbe.

    J'ai un autre problème avec ce projet de loi, c'est le fait que le gouvernement d'en face se vante de bien vouloir coopérer avec les provinces, de bien vouloir dialoguer avec les provinces, de bien vouloir tenir compte des vues des provinces, alors que nulle part dans le projet de loi on ne tient compte des provinces, on les ignore. On dit aux provinces: «Vous êtes des 2 de pique, vous êtes n'importe quoi. On ne vous consulte pas. Même si on vient installer une zone militaire d'accès contrôlé au Québec, en Alberta ou en Ontario, cela ne regarde pas les élus de ces provinces.» C'est un scandale. Il faudrait au moins dialoguer avec les provinces intéressées.

    Qu'est-ce qui nous prouve qu'en juin prochain, lors du Sommet du G-8 qui aura lieu à Kananaskis, cette zone ne sera pas devenue une zone militaire d'accès contrôlé? La loi permet, pour des motifs de relations internationales, de sécurité internationale et autres, de déclarer une zone militaire d'accès contrôlé.

    C'est inquiétant. Nous sommes en 2002. Vous voyez sûrement que je suis en désaccord avec ce que fait le gouvernement, mais il faut aussi voir ce que font tous les autres gouvernements.

    N'eut été du 11 septembre et ce qui s'est passé aux USA, certains projets de loi n'auraient pas été amendés. Est-ce qu'on aurait placé des gens de l'armée à la frontière entre le Canada et les États-Unis? Le plus gros problème que j'ai avec ce projet de loi, c'est qu'on fait l'hypocrite. On veut se donner des pouvoirs. Mais chaque pays a des lois existantes pouvant justifier la sécurité des gens.

    Par exemple, ici, nous avons la loi adoptée par M. Trudeau, la Loi des mesures de guerre. Cette loi existe et a eu des effets sur les libertés individuelles. Je me souviens fort bien, et j'espère que je ne fais pas erreur, mais le député de Anjou—Rivière-des-Prairies a été touché par cette loi; il a été emprisonné pendant 30 jours sans savoir pourquoi.

    Personnellement, un vendredi midi, avec une douzaine de mes collègues, dans une taverne de Ville-Saint-Laurent, on m'a arrêté et conduit au Collègue Saint-Laurent où j'ai passé la fin de semaine. Pour quelle raison? Je ne le sais pas. On n'aimait pas la couleur de mes cheveux, on n'aimait pas la couleur de mes yeux, on n'aimait peut-être pas ma grandeur, je ne le sais pas. Mais j'ai passé une fin de semaine à coucher sur des banquettes militaires et je ne sais pas pour quelle raison on m'a arrêté.

  +-(1335)  

    Peut-être est-ce parce qu'on parlait français ou qu'on discutait un peu des événements provoqués par le FLQ à l'époque, je n'en ai aucune idée.

    Mais ce projet de loi est pire. Je pense qu'on devrait adopter la motion proposée par le Parti progressiste-conservateur et qu'on devrait mettre le projet de loi C-55 aux poubelles et recommencer à zéro.

[Traduction]

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, le dernier exposé présenté résume assez bien ce qu'un bon nombre d'entre nous croyons qu'il devrait arriver dans ce dossier. Notre opinion à ce sujet est très claire.

    Je suis très heureuse d'avoir de nouveau l'occasion d'intervenir dans ce débat sur le projet de loi C-55. Je ne peux discuter de l'amendement au projet de loi C-55, et c'est le cas jour après jour. Nous en sommes toujours à la version originale du projet de loi. L'autre amendement n'a pas encore été jugé recevable et nous attendrons donc de voir ce qui va se passer. J'aimerais moi aussi que l'amendement proposé par notre collègue conservateur soit accepté, parce qu'il permettrait de faire ce que nous voulons faire de ce projet de loi.

    Comme bon nombre de personnes l'ont souligné avant moi, le projet de loi porte sur plusieurs domaines et il soulève donc des préoccupations sur un aussi grand nombre de domaines. Je crois également qu'il est difficile pour les gens ordinaires de comprendre ce à quoi le projet de loi doit servir. Il toucherait certains secteurs comme la défense nationale, le transport aérien, la sécurité maritime, l'aéronautique, les dangers biologiques, les produits dangereux, la Loi sur les aliments et drogues et les importations et exportations. Il toucherait de nombreux secteurs, mais ce qui semble manquer dans tout cela, ce sont des preuves tangibles du fait que la sécurité pourrait réellement être menacée.

    Nous avons une situation dans laquelle les pompiers, par exemple, s'occupent de la plupart des incendies dangereux ou des explosions ou encore d'autres incidents qui se produisent dans notre pays, sans que le gouvernement ait fait grand-chose, ait fourni la formation appropriée ou ait prévu les mesures d'urgence nécessaires. Presque rien n'a été fait dans ce domaine. Il aurait certainement été possible d'aborder cette question dans le projet de loi, mais le gouvernement ne l'a pas fait. À part l'organisme de sécurité aéroportuaire, nous n'avons aucun détail sur les changements qui seront apportés à la sécurité. Nous savons seulement qu'on prendra de l'argent aux voyageurs pour assurer cette sécurité, mais qu'on ne l'assurera pas vraiment. Rien de concret n'a été fait pour assurer la sécurité des Canadiens.

    L'un des domaines qui causent le plus d'inquiétude--je suis sûre, monsieur le Président, que vous le savez bien après avoir entendu des commentaires à ce sujet depuis plusieurs semaines--, c'est certainement la question des zones militaires qui sont proposées, ainsi que la vie privée, la liberté et la démocratie des Canadiens. Beaucoup d'orateurs et, d'une façon générale, beaucoup de Canadiens ont dit qu'ils ne veulent pas qu'on change leur vie au point où ils seront considérés comme des criminels. Ils ne veulent pas qu'on empiète sur leurs droits au point de les faire souffrir plus que les terroristes.

    Je sais que, pour le solliciteur général, les pouvoirs étendus accordés au SCRS et à la police sont censés améliorer les choses sur le plan de la sécurité. Il a eu des échanges à ce sujet avec le commissaire à la protection de la vie privée, mais l'impression générale qui règne dans l'opinion publique, c'est que cette nouvelle mesure législative va punir plus sévèrement les innocents, les gens ordinaires que les criminels. Elle fera souffrir les innocents beaucoup plus que n'importe qui d'autre.

    Nous avons actuellement des règles régissant les perquisitions, les saisies et les enquêtes. Nous avons actuellement de bons règlements. Il n'y a rien qui empêche la GRC ou le SCRS de mener ce genre d'enquêtes. Je ne vois vraiment aucune raison pouvant justifier ces pouvoirs tellement étendus qu'ils peuvent littéralement faire enquête à leur gré sur n'importe qui.

    Je ramasse depuis quelques semaines des coupures de presse. J'en ai quelques-unes ici au sujet de l'inquiétude suscitée par le projet de loi. En voici quelques exemples:

  +-(1340)  

    En tenant des raisonnements aussi généraux, le gouvernement pourrait justifier n'importe quoi, sous prétexte de renforcer la sécurité publique, par exemple des fouilles au hasard dans les voitures et chez les gens, l'ouverture du courrier personnel et l'accès illimité aux comptes bancaires et aux fichiers informatiques.

    Si ces agissements peuvent à l'occasion permettre l'arrestation d'un criminel ou d'un parent qui essaie d'enlever un enfant à son ancien conjoint qui en a la garde, il est beaucoup plus probable qu'ils serviront à remplir les dossiers de la police de renseignements sur des milliers de citoyens respectueux des lois. Ils augmenteraient aussi les risques qu'un innocent portant le même nom qu'un suspect soit détenu et interrogé par la police.

    En réponse au commissaire à la protection de la vie privée, le solliciteur général a dit que le commissaire réagissait de façon excessive. Je voudrais lire un commentaire du commissaire à la protection de la vie privée en réponse aux observations du solliciteur général. Celui-ci avait dit que, comme certains terroristes n'ont pas de casier judiciaire et pourraient voyager sous un nom d'emprunt ou avec de faux papiers, les autorités avaient besoin d'accéder à tous les renseignements disponibles pouvant permettre d'identifier des gens potentiellement violents ou qui pourraient avoir des liens avec des groupes terroristes.

    Dans sa lettre d'hier, M. Radwanski, le commissaire à la protection de la vie privée, a déclaré que de telles affirmations sont extrêmement trompeuses parce que le genre de mandat mentionné dans le projet de loi peut s'appliquer à plus de 150 infractions du Code criminel, y compris des infractions totalement dépourvues de violence comme la modification frauduleuse des marques apposées sur le bétail, le détournement de bois flotté, l'utilisation non autorisée d'un ordinateur, etc. Il a ajouté, très sérieusement, qu'il n'avait connaissance d'aucun cas où des meurtriers, des auteurs d'enlèvements ou des voleurs à main armée recherchés avaient fait des gestes, à bord d'un avion, qui constituaient des menaces à la sécurité.

    Personne n'a laissé entendre un seul instant que, si l'on trouve un meurtrier ou un individu visé par un mandat d'arrestation, on ne devrait pas l'arrêter. Cependant, il est inconcevable de laisser entendre qu'on devrait pouvoir vérifier toutes les listes publiques afin de déterminer si elles ne contiennent pas le nom d'un criminel. J'ai déjà parlé de cela. La GRC devrait-elle avoir accès à la liste de tous les patients hospitalisés juste au cas où elle pourrait y trouver le nom d'un individu qui a été blessé et qu'elle pourrait lier à un incident?

    Voilà le genre de chose qui est menacée en l'occurrence. La démocratie et la liberté de tous les Canadiens sont menacées. Des personnes innocentes ne devraient absolument pas être pénalisées plus que les terroristes.

    De nombreux députés de l'opposition ont souligné le fait que, à leur avis, les autorités ont traité les événements du 11 septembre avec un professionnalisme extrême et que tous les points ont été couverts. Ce n'est pas comme si les ministres ou les pouvoirs prévus ne pouvaient plus faire ce qu'ils sont censés faire à la suite des événements du 11 septembre. Il n'y avait absolument rien pour les empêcher d'agir. Il y a en place des règles qui les habilitent à faire des vérifications concernant les criminels. Il y en place des règles qui leur permettent, s'ils ont des motifs raisonnables de le faire, d'émettre des mandats, de faire des perquisitions ou tout ce qui s'impose. Personne n'oserait contester cela.

    Nous sommes saisis d'un projet de loi qui, sincèrement, visait à apaiser les esprits et à nous donner l'impression que tout sera mieux, même s'il n'en sera rien.

    Je ne suis pas certaine que le projet de loi à l'étude sera avantageux sur le plan de la sécurité. De plus, au sujet des vastes pouvoirs qui seraient conférés au SCRS et à la GRC, le directeur du SCRS dit lui-même qu'à son avis, il n'y aurait pas plus de condamnations aux termes du projet de loi à l'étude qu'autrement.

    Pourquoi diable voudrions-nous pénaliser des innocents et les faire souffrir, ce qui arriverait si le projet de loi était adopté, alors qu'au bout du compte, nous ne pourrons pas trouver coupables les individus qui doivent l'être: les terroristes et les criminels? Il ne faut absolument pas que des citoyens ordinaires et innocents soient traités comme des criminels ou qu'ils soient victimes de harcèlement ou d'intimidation à cause de cette mesure législative.

    Tous les députés doivent s'inquiéter vivement de cette question. Je suis très heureuse que de nombreux députés de l'opposition aient reconnu cela et qu'ils se soient fait un devoir d'en parler.

  +-(1345)  

[Français]

+-

    M. André Harvey (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-55. Je pense que ce qui est important, c'est de l'aborder avec le plus grand respect possible.

    Rappelons qu'un comité législatif a été formé pour étudier le projet de loi dans ses moindres détails. Il est évident que nous n'avons pas la prétention de déposer nécessairement un projet de loi parfait. Nous sommes là pour échanger nos points de vue et discuter des idées. Je pense qu'il est surtout important de faire ressortir certains éléments.

    On parle beaucoup du fait que le projet de loi brime différents droits. Je crois que le droit le plus fondamental pour nos concitoyens, c'est celui de pouvoir vivre en paix. C'est la responsabilité du gouvernement de tout mettre en oeuvre, par le biais du projet de loi C-55 sur la sécurité publique, pour permettre à nos concitoyens d'avoir une vie normale et paisible dans un contexte où le gouvernement prend ses responsabilités.

    Il nous arrive et il arrive occasionnellement à l'opposition de faire preuve d'exagération. Dans notre profession, la modération n'est pas toujours notre meilleure qualité. Cependant, je vais quand même essayer de faire ressortir des éléments qui m'apparaissent importants en ce qui concerne la terminologie où il y a, je pense, beaucoup de confusion. Ce n'est pas toujours facile de voir les choses clairement.

    Ce qu'il faut surtout bien comprendre, c'est que notre pays, comme la plupart des pays occidentaux, fait face à un adversaire impitoyable et extrêmement vicieux, soit le terrorisme international.

    Ce projet de loi touche à peu près tous les ministères. Le projet de loi va nous forcer à modifier environ 20 législations—ce n'est pas rien—et particulièrement l'outil le plus important que nos ministres, le gouvernement et la Chambre des communes ultérieurement auront l'occasion de mettre en application, soit les arrêtés d'urgence.

    Strictement pour le bénéfice de cette Chambre, et si d'autres collègues ont des précisions à apporter pour nous permettre de mieux comprendre la réalité du projet de loi C-55, ils seront les bienvenus, j'aimerais souligner ceci en ce qui concerne les arrêtés d'urgence.

    On nous donne parfois l'impression que tout le Canada va être une zone militaire d'accès contrôlé. Dans la réalité, ce n'est pas cela. Les zones militaires d'accès contrôlé vont surtout être reliées aux équipements militaires et à notre personnel, dans un esprit de collaboration avec tous les autres pays.

    Les arrêtés d'urgence définis dans le projet de loi permettent seulement aux ministres d'abréger des processus qui existent déjà en vertu d'une loi canadienne. Ils ne les autorise pas à faire quoi que ce soit qui irait au-delà ce que la loi canadienne leur permet. En fait, les arrêtés d'urgence nous permettent d'abréger le processus qui est le privilège d'un ministre.

    Les arrêtés d'urgence, contre lesquels on entend beaucoup de discours, sont nécessaires pour permettre à un ministre de faire face immédiatement à une situation qui exige une intervention urgente afin de protéger le Canada et les Canadiens en réponse à un risque important menaçant la santé, la sûreté ou l'environnement. Les arrêtés d'urgence sont simplement conçus pour faire face à des circonstances en vertu desquelles le temps ne permet pas de prendre un règlement comme la loi l'exigerait normalement. Les arrêtés d'urgence visent à donner à un ministre les outils réglementaires nécessaires pour faire face à une menace particulière, d'une manière très ciblée.

    L'imputabilité du Parlement n'est pas réduite. Au contraire, à l'inverse des règlements, tous les arrêtés d'urgence doivent être déposés au Parlement dans un délai de 15 jours de séance. Les arrêtés d'urgence sont des mesures qui relèvent du bon sens pour accélérer notre processus actuel.

    Les arrêtés d'urgence sont nécessaires pour permettre à un ministre d'agir immédiatement pour faire face à un risque important menaçant la santé, la sûreté ou l'environnement. Les arrêtés d'urgence peuvent seulement être pris par rapport à des pouvoirs qui peuvent déjà être exercés en vertu d'une loi du Parlement dont le ministre est responsable. Il n'y a absolument aucune invention de la part de ce ministre. Les ministres doivent agir en vertu des lois adoptées par le Parlement. Les arrêtés d'urgence sont simplement conçus pour faire face à des circonstances en vertu desquelles le temps ne permet pas de prendre un règlement comme la loi l'exigerait normalement.

  +-(1350)  

    La confusion vient surtout de la distinction entre la Loi sur les mesures d'urgence et les arrêtés d'urgence. Les arrêtés d'urgence et la Loi sur les mesures d'urgence sont des mécanismes conçus pour faire face à différents genres de problèmes, et ce, dans des secteurs de compétence différents.

    La Loi sur les mesures d'urgence est un outil de dernier ressort et une mesure législative de grande portée. Elle vise à réagir à une situation d'urgence au niveau national et peut seulement être invoquée après qu'il ait été déterminé que la situation critique ne peut être gérée efficacement en ayant recours à une autre loi du Canada, et qu'elle est de proportion telle qu'elle dépasse la capacité ou le pouvoir d'une province d'y faire face, ou qu'elle menace sérieusement la capacité du gouvernement du Canada de protéger la souveraineté, la sécurité ou l'intégralité territoriale.

    La Loi sur les mesures d'urgence prévoit—et c'est très clair—quatre catégories de situations d'urgence: les sinistres, l'état d'urgence, l'état de crise internationale et l'état de guerre. Dans les deux premiers cas, il incombera aux provinces d'intervenir. Dans les deux derniers cas, le gouvernement fédéral exercerait une fonction de planification axée sur la mobilisation de ressources nationales, avec l'aide des gouvernements provinciaux et territoriaux et du secteur privé.

    Par contraste, les arrêtés d'urgence, qui sont dans le projet de loi C-55, sont des mesures plus modestes conçues pour faire face à des situations de compétence fédérale exclusive, dans lesquelles des modifications de type réglementaire sont nécessaires et urgentes.

    Somme toute, ce qui est essentiel, c'est d'abord de lire attentivement le projet de loi. Il est très important, si on veut aborder le projet de loi C-55, qui est une mesure importante pour la sécurité de nos concitoyens, de prendre connaissance de tous les éléments qui nous apparaissent problématiques, entre autres, la transmission de la liste des passagers. Comment, tout en transmettant la liste des passagers aux responsables de la sécurité du gouvernement américain, ne pas collaborer avec les gens de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité? C'est absolument un non-sens.

    Toutes les informations qui auront été transmises doivent être détruites en l'espace d'une semaine, à moins qu'on n'ait prouvé que ces informations sont extrêmement pertinentes pour des raisons de sécurité nationale.

    Quant aux zones militaires d'accès contrôlé, la Loi sur les mesures d'urgence existe déjà. C'est strictement un arrêté d'urgence pour permettre au ministre de procéder rapidement à l'intérieur du cadre législatif actuel. On ne décrétera pas le Canada comme étant une zone militaire d'accès contrôlé. C'est strictement aux fins de protection de nos propres équipements militaires et de notre personnel.

    Somme toute, je suis persuadée que le comité législatif, qui est composé de membres extrêmement compétents avec lesquels j'ai hâte de travailler sur le projet de loi C-55, sera en mesure d'étudier attentivement le projet de loi C-55, qui remplace le projet de loi C-42, qui fait preuve de beaucoup plus de souplesse.

    Ce qui est important, je le répète, c'est de bien faire les distinctions concernant trois ou quatre éléments clés: la transmission d'information, les arrêtés d'urgence par le biais de la Loi sur les mesures d'urgence, et cetera.

    Je suis persuadé que tous mes collègues comprendront facilement le bien-fondé de cette législation. Je suis aussi persuadé que c'est en évitant l'exagération que nous serons davantage en mesure de poursuivre l'étude de ce projet de loi qui est excessivement important pour la sécurité de tous nos concitoyens et aussi pour renforcer notre collaboration avec tous les pays qui sont en guerre contre le terrorisme international.


+-DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Article 31 du Règlement]

*   *   *

  +-(1355)  

[Traduction]

+-L'agriculture

+-

    M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, la communauté agricole canadienne est en danger. Le projet de loi agricole américain aggrave certainement la menace qui pèse sur elle, mais nous ne manquons pas de solutions positives. Les agriculteurs ont formulé une proposition novatrice baptisée programme d'indemnisation des préjudices commerciaux.

    La proposition émanant de l'Association canadienne des producteurs de céréales s'articule autour de quatre principes. Premièrement, le programme qu'elle préconise viserait à indemniser les producteurs de céréales et d'oléagineux des préjudices financiers subis du fait des subventions versées par l'Union européenne et les États-Unis à leurs agriculteurs. Deuxièmement, ce programme serait assorti d'une disposition de temporisation permettant de mettre fin au programme dès la conclusion d'un accord commercial international équilibrant les règles du jeu. Troisièmement, il serait respectueux de l'environnement et conforme aux critères établis par l'OMC. Et quatrièmement, il nécessiterait un engagement fédéral conséquent, d'environ 1,3 milliard de dollars par an.

    Le programme d'indemnisation des préjudices commerciaux s'impose d'urgence, au vu de l'adoption du projet de loi agricole américain. Les Canadiens doivent tous se montrer solidaires des agriculteurs. Nous devons nous engager à les soutenir.

*   *   *

+-Le gouvernement du Canada

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le premier ministre et son vice-premier ministre protestent contre l'emploi du mot «corruption» lorsque nous interrogeons les ministres au sujet de leurs manquements au code d'éthique.

    Ma femme suit de près les réactions du gouvernement lors de la période des questions. Voici une liste de quelques synonymes qu'elle a trouvés du mot «corruption». Je serais curieux de savoir lequel de ces mots les libéraux préféraient que nous employions: relâchement, iniquité, solécisme, turpitude, banalité, agissements en sous-main, déchéance morale, duplicité, dégradation, déformation des faits, invraisemblance, friponnerie, lâcheté et putrescence. Voici quelques autres synonymes réunis par mes électeurs: louche, obséquieux, engeance de bas-fonds, adeptes de l'assiette au beurre, des caisses noires, du favoritisme, du scandale, des pots-de-vin et ainsi de suite.

    Le vice-premier ministre accuse l'opposition et les médias de démolir la réputation des ministres. Or, ce sont les agissements de ces ministres, non leurs dénonciateurs, qui démolissent cette réputation et qui amènent les Canadiens à ne plus faire confiance au gouvernement.

*   *   *

  +-(1400)  

+-La santé

+-

    Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, le gouvernement de l'Ontario a annoncé que les programmes de chirurgie cardiaque des villes de London et d'Ottawa seraient annulés et que les enfants seraient traités à Toronto. Par conséquent, certains parents sont maintenant obligés de voyager quatre heures pour être auprès de leur enfant gravement malade, ce qui ajoute encore au fardeau financier et émotif que portent déjà ces familles éprouvées.

    Ces parents font des pieds et des mains pour conserver leur emploi et leur entreprise tout en étant au chevet d'un membre de la famille qui est malade. La fermeture de ces centres régionaux de chirurgie cardiaque s'avère la plus récente preuve que les services de santé, en Ontario, ne tiennent pas dûment compte des besoins des familles.

    Je demande à la ministre de la Santé de s'opposer officiellement à ces fermetures et de chercher des moyens pour que le gouvernement fédéral assure aux Canadiens la prestation des soins de santé essentiels à une distance raisonnable de leur domicile.

*   *   *

[Français]

+-La ville de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier

+-

    M. Claude Duplain (Portneuf, Lib.): Monsieur le Président, je suis très fier de souligner que la ville de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, située dans le comté de Portneuf, s'est méritée la deuxième place au cours du gala des Mercuriades, et je tiens à en informer mes collègues.

    Choisie parmi 16 finalistes dans tout le Québec, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier s'est distinguée par son esprit de partenariat et d'entrepreneurship, ainsi que par la qualité des équipements qu'elle a mis à la disposition de sa population en 2001.

    De plus, son ardeur à développer son créneau récréotouristique et industriel fera l'objet d'un reportage spécial dans l'édition de juin de la revue Commerce. Seront soulignées également les réalisations de l'École de foresterie et de technologie du bois de Duchesnay, la station écotouristique de Duchesnay, l'Hôtel de glace, les Produits forestiers Tibo, la Corporation des artistes et des artisans de la Jacques-Cartier et Catshalac.

    Voilà d'excellentes démonstrations du dynamisme et de l'esprit innovateur des Portneuvois. Monsieur Marcotte, félicitations pour votre nomination.

*   *   *

[Traduction]

+-Fredericton

+-

    L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec fierté et à point nommé que j'informe la Chambre que le nouveau sondage national mené dans les villes canadiennes par le magazine Canadian Business a révélé que la ville de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, est la meilleure ville canadienne pour les affaires.

    Personnellement, je n'en suis pas étonné, mais le chef de l'Alliance canadienne doit l'être. Au cours des dernières années, toute la région de l'Atlantique a connu une forte croissance économique, particulièrement dans les secteurs du savoir et des ressources. Fredericton est l'un des principaux centres canadiens de la technologie de l'information et de l'ingénierie. En outre, la ville compte deux universités, offre d'excellents services et permet une qualité de vie exceptionnelle.

    J'invite les Canadiens et les entreprises à ne pas tenir compte de l'opinion regrettable et mal avisée du chef de l'Alliance canadienne et à jeter un coup d'oeil sur la situation du Canada atlantique. Ils seront agréablement surpris.

*   *   *

+-Le gouvernement du Canada

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au cours du débat sur la motion de l'Alliance canadienne au sujet de la corruption du gouvernement, cette semaine, le premier ministre a promis de mettre de l'avant un train de mesures sur les questions d'éthique visant les ministres. La Chambre attend toujours.

    Le gouvernement a transformé la Chambre des communes en une sorte d'antichambre, comme dans le poème du Dr Seuss, Oh, The Places You'll Go!, où celui-ci nous met en garde contre l'endroit le plus inutile qui soit, l'endroit où l'on ne fait qu'attendre.

    Voici une version remaniée du poème du D Seuss que je dédie aux libéraux qui attendent à la Chambre des communes.

    

Ils attendent pour récompenser un valet ou pour combler des postes au Sénat, ou ils attendent un pot-de-vin
Ils attendent l'été pour aller se cacher au soleil en espérant que les gens oublient
Ils attendent une course à la direction ou une autre disgrâce
Ils attendent qu'une autre ex-maîtresse de ministre soit embauchée, ils attendent qu'on mette un peu d'ordre dans tout ce cafouillis
Ils attendent un chèque à encaisser, un prêtre pour prier ou une meilleure cachette. Ils ne font qu'attendre.

    Les Canadiens ont attendu assez longtemps et, comme la vérificatrice générale l'a dit, ils méritent mieux.

*   *   *

+-L'économie

+-

    M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, le hockey n'est pas la seule raison qui rende les Canadiens contents de regarder la télévision. On publie de façon continue des rapports positifs sur l'économie canadienne.

    Nos niveaux d'emploi sont parmi les meilleurs au monde. Dans ses chiffres pour avril, Statistique Canada rapporte que le taux de chômage a diminué pour s'établir à 7,6 p. 100 et que 207 000 emplois, la plupart à plein temps, ont été créés jusqu'ici en 2002. Près de 2,4 millions d'emplois ont été créés depuis 1993.

    On s'attend à ce que le Canada soit le seul pays du G-7 à afficher un budget équilibré cette année. En outre, le FMI et l'OCDE prévoient que le Canada enregistrera le niveau de croissance le plus fort des pays du G-7 cette année et l'année prochaine. L'agence de notation Moody's est aussi confiante dans notre avenir, ayant attribué au Canada la cote de crédit triple A, la plus élevée qui soit. Les Canadiens continuent de profiter de taux d'intérêt très bas. Cela se traduit par des économies pour les familles qui renouvellent leur hypothèque ou qui font de gros achats de même que pour les entreprises qui souhaitent emprunter.

    Il est évident que les politiques du gouvernement ont été le fer de lance de cette croissance économique. Les Canadiens peuvent partir en vacances en paix cet été en sachant que l'économie est entre bonnes mains.

*   *   *

  +-(1405)  

[Français]

+-Le Courrier de Saint-Hyacinthe

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, nous célébrons cette année le 150e anniversaire de l'hebdo Le Courrier de Saint-Hyacinthe, véritable monument de la presse écrite québécoise, qui a été le premier journal français d'Amérique a avoir été publié.

    Parmi ses rédacteurs, l'un des plus prestigieux fut sans contredit Honoré Mercier, qui a été député de Saint-Hyacinthe et l'un des grands premiers ministres du Québec.

    À l'époque, tous les journaux avaient une couleur politique. Le Courrier de Saint-Hyacinthe n'a pas fait exception jusqu'à l'arrivée en 1969 d'un tout nouveau rédacteur en chef, M. Pierre Bornais, qui, d'entrée de jeu, faisait savoir que dorénavant les colonnes du journal seraient ouvertes à toutes les idées, quel que soit le parti politique, à la condition expresse qu'elles soient exprimées dans le respect de la vérité et des lecteurs.

    Je tiens à féliciter la famille Chartier, de Saint-Hyacinthe, qui, depuis trois générations, assume la propriété de ce journal, ainsi que ses artisans actuels, dont le rédacteur en chef, Jean Vigneault, qui font en sorte que cet hebdo régional demeure l'un des plus vivants de la presse écrite québécoise.

*   *   *

[Traduction]

+-Les maladies du rein

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai présenté des dizaines de pétitions portant sur différents aspects de la recherche sur les maladies du rein et signées par des dizaines de milliers de Canadiens. Les réponses à ces pétitions, déposées à la Chambre, montrent qu'elles ont sensibilisé le gouvernement et la population à l'importance de la recherche sur les maladies du rein et surtout la recherche sur le rein bioartificiel. M. Ken Sharp de Peterborough, qui a dû se soumettre à des traitements par dialyse pendant toute sa vie adulte, est à l'origine de ces pétitions.

    Ces pétitions ont notamment entraîné une amélioration des communications entre les chercheurs américains et canadiens spécialisés dans la recherche sur le rein bioartificiel. Grâce aux efforts de Ken, les scientifiques canadiens et américains se sont rencontrés et ont mis en commun leurs expériences. Les chercheurs des deux pays ont donc amélioré leurs connaissances. Ces rencontres ont aussi favorisé la réalisation d'un documentaire sur la chaîne parlementaire CPAC qui a été diffusé à l'échelle nationale à plusieurs reprises.

    Je demande à tous les députés de se joindre à moi pour remercier Ken Sharp ainsi que ses amis et collègues de leurs efforts constants en vue d'améliorer le sort des gens qui souffrent de maladies du rein.

*   *   *

+-Le gouvernement du Canada

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'Alliance canadienne a soulevé bien des questions quant au comportement du gouvernement dans la gestion de ses affaires. Un nuage plane sur le Cabinet et le premier ministre. Ils essaient bien de le dissiper, mais les Canadiens ne sont pas dupes.

    Ils ne nous ont pas rassurés en nommant un ministre disgracié ambassadeur au Danemark. De même, ils ne convainquent personne en limogeant un ministre parce qu'il a accordé un contrat à son ex-petite amie et un autre parce qu'il a séjourné au chalet d'un adjudicataire de contrat. Il semble surgir quotidiennement un autre incident témoignant à la fois d'une incompétence sans borne et d'un manque total d'éthique. Les Canadiens méritent mieux que cela. La transparence doit être la règle.

    Voici ce que l'Alliance canadienne a proposé: un commissaire à l'éthique devant rendre compte au Parlement; des lignes directrices publiques et claires sur la conduite des ministres; moins de comportement dictatorial de la part du Bureau du premier ministre et un rôle accru pour les parlementaires.

    L'Alliance continuera de souligner à la fois la nécessité d'apporter des changements et la façon de le faire.

*   *   *

[Français]

+-Les bourses du millénaire

+-

    Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.): Monsieur le Président, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a attribué ses bourses d'excellence pour 2002-2003.

    Cent dix-neuf diplômés du Québec se sont vu décerner une telle bourse visant à les récompenser pour leur succès académique, leur implication communautaire, leur leadership et l'esprit d'innovation dont ils ont fait preuve.

    Je désire féliciter deux jeunes de mon comté, soit Christine Bergeron, étudiante au Collège Mont-Sacré-Coeur de Granby, ainsi que Julie Bergeron, étudiante au Cégep de Granby-Haute-Yamaska, qui sont toutes deux récipiendaires d'une bourse d'excellence.

    La réception de cette bourse constitue un moment unique dans la vie d'un étudiant. C'est une récompense qui valorise le travail académique de nos jeunes.

    Nées d'une initiative du gouvernement du Canada, ces bourses représentent un investissement majeur dans l'avenir de nos étudiants. C'est une belle façon de promouvoir l'excellence scolaire.

    Encore une fois, bravo Christine et Julie. Le Canada est riche de belles promesses, sa brillante jeunesse, et vous en êtes.

*   *   *

+-L'immigration

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, en avril dernier, le ministre de l'Immigration levait le moratoire sur les ressortissants algériens. Conséquemment, tous les Algériens résidant au Canada qui s'étaient vu refuser le statut de réfugié seront renvoyés dans leur pays. Depuis, plus de 1 000 personnes vivent une situation angoissante dans l'attente d'un ordre de déportation.

    Ce moratoire, en place depuis cinq ans, leur permettait de fuir la dure réalité algérienne, aux allures de guerre civile. Contrairement aux prétentions du ministre, la situation en Algérie n'a pas changé et la sécurité demeure fort inquiétante. Violence, torture et peur font partie du quotidien, sans trop d'espoir de résolution de conflit. Tout récemment encore, 23 personnes, pour la plupart des civils, des femmes, des enfants, ont été victimes d'attentats meurtriers.

    Le Bloc québécois appuie les revendications des Algériens et demande que les cas de centaines de personnes soient examinés avec justice et compassion.

*   *   *

  +-(1410)  

[Traduction]

+-La région de l'Atlantique

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je tiens à dire à tous les députés à la Chambre que c'est la troisième fois en deux ans qu'un député de l'Alliance dit du mal des Canadiens de l'Atlantique. Pire encore, cela vient du chef de l'Alliance canadienne.

    Je voudrais rappeler aux gens de l'Alliance canadienne que l'on construit des frégates de classe mondiale à Saint John, au Nouveau-Brunswick. L'Île-du-Prince-Édouard produit des denrées agricoles de renommée mondiale. On trouve un secteur énergétique de calibre mondial à St. John's, à Terre-Neuve. Nous avons à Halifax, en Nouvelle-Écosse, un centre de formation de renommée mondiale, entouré de gens de calibre mondial.

    Les Canadiens de l'Atlantique ont laissé plus de soldats par habitants sur les champs de bataille européens où ils sont morts pour sauver notre pays. Le chef de l'Alliance canadienne devrait avoir honte, et il devrait démissionner.

*   *   *

+-La région de l'Atlantique

+-

    M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, les médias rapportent que certains députés aux ambitions nationales affichent encore des préjugés très régionaux. Ces députés ont tendance à tenir des propos désobligeants à l'égard de la région de l'Atlantique, en s'appuyant sur des stéréotypes dépassés.

    La ville de Halifax est un exemple. C'est une ville en pleine expansion dont la croissance se compare à celle de n'importe quelle autre ville au Canada. Halifax compte six universités tout à fait reconnues, un secteur de la recherche et du développement florissant, une industrie du pétrole et du gaz naturel en plein essor, et un centre des télécommunications de même qu'un secteur de biotechnologie et de recherche médicale de calibre mondial. Et la liste est loin d'être complète.

    Ceux qui ont l'ambition de gouverner le pays devraient commencer par chercher à le représenter. Ce n'est pas faire montre de leadership que de s'en prendre aux Canadiens laborieux de l'Atlantique et de leur reprocher de ne pas appuyer un certain parti. S'ils veulent rejeter la faute sur quelqu'un, ils regardent dans la mauvaise direction.

    Je leur souhaite bonne chance dans l'édification de ces murs. Je leur suggère d'y fixer quelques miroirs tandis qu'ils y sont.

*   *   *

+-Les relations canado-américaines

+-

    M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Monsieur le Président, hier soir, à Halifax, le très honorable Brian Mulroney a pris la parole devant plus de 1 000 progressistes-conservateurs de la Nouvelle-Écosse pour leur dire qu'«une conduite sordide et une incroyable hypocrisie constitueront le seul héritage du gouvernement libéral».

    Cela contraste vivement avec les politiques visionnaires du gouvernement progressiste-conservateur de M. Mulroney, comme le libre-échange, politiques dont le président George Bush père a fait l'éloge hier soir dans ses observations préliminaires quand il a dit que l'histoire avait donné raison à M. Mulroney. Celui-ci a dit: «Il est tragique de voir le Canada se faire tabasser par les États-Unis dans les dossiers du bois d'oeuvre et de l'agriculture.»

    L'actuel ministre du Commerce international a expliqué cette tragédie en disant que le premier ministre en poste n'exerce guère d'influence sur Washington. Il a raison. M. Mulroney a caractérisé cette situation en disant que «c'était un échec pathétique de leadership international».

    Le discours de M. Mulroney fournit d'utiles enseignements au gouvernement libéral dans la gestion des relations internationales aussi bien qu'en matière de leadership, d'intégrité et de courage.

*   *   *

[Français]

+-Héléna Bureau et Olivier Poulain

+-

    M. Jean-Guy Carignan (Québec-Est, Ind.): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je porte à l'attention de cette Chambre que, récemment, deux jeunes gens du comté de Québec-Est, Héléna Bureau et Olivier Poulain, étaient de passage sur la Colline parlementaire pour recevoir des prix en reconnaissance de leurs activités scolaires.

    Mme Bureau est l'une des gagnantes du Prix du centenaire, décerné par l'Association des pharmaciens du Canada, pour son travail à promouvoir la faculté et la profession pharmaceutique. Elle s'est particulièrement employée à favoriser le rapprochement entre les différents champs d'activités des sciences de la santé en créant l'Association interdisciplinaire des sciences de la santé.

    Quant à M. Poulain, il est le gagnant d'une des bourses d'études TD Canada Trust pour l'excellence en aide communautaire. M. Poulain a mis sur pied dans son cégep un groupe de soutien et d'éducation pour gais, lesbiennes et bisexuels, afin de briser l'isolement vécu par les étudiants homosexuels.

    Mme Bureau et M. Poulain font partie de cette jeunesse conscientisée, engagée et ouverte sur le monde qui représente une relève assurée et de qualité à notre société.

    Je félicite à nouveau Mme Bureau et M. Poulain et les invite à continuer dans cette voie.

*   *   *

  +-(1415)  

[Traduction]

+-Le gouvernement du Canada

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les semaines qui viennent de s'écouler me rappellent ce vieux jeu électronique où un animal à fourrure sort subitement d'un trou et où on doit le frapper avant qu'il disparaisse de nouveau.

    Le premier ministre tente de faire disparaître ses problèmes à coups de bâton, mais ils reviennent sans cesse. Que survienne un problème, ouste, on l'expédie au Danemark. Que survienne un autre problème, le pauvre est rétrogradé à ses anciennes fonctions de leader parlementaire. Une autre tête surgit du trou et hop! son amie de coeur et lui sont relégués aux oubliettes.

    Cependant, la litanie des problèmes se poursuit: un problème se présente à l'Île-du-Prince-Édouard, et hop!, encore un coup, un contrat de publicité par ci, un autre coup par là. Mais en vain, les petits animaux surgissent sans cesse de leur trou, et la bastonnade reprend de plus belle, sans résultat.

    Il n'y a qu'une manière d'arrêter tout cela: changer de jeu et de joueurs et ne pas donner à manger aux animaux.

*   *   *

[Français]

+-Yves Joseph Nolet

+-

    Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, M. Yves Joseph Nolet, un résidant de Laval, a été honoré lorsqu'on lui a demandé de créer et d'offrir un tableau à Sa Sainteté le pape Jean-Paul II. En juillet prochain, il pourra donc s'entretenir avec le pape Jean-Paul II.

    Reconnu pour ses toiles représentant des autochtones, M. Nolet a peint le portrait d'un grand chef dans un style semi-figuratif. Le personnage offert au Saint-Père porte une croix au cou et on peut y distinguer la mitre du pape lorsqu'on le tourne à l'envers.

    Cet artiste est bien connu puisque ses toiles se retrouvent, entre autres, au Musée des civilisations à Hull et font partie de collections privées. On les retrouve aussi dans des ambassades canadiennes.

    Je tiens à féliciter M. Nolet pour l'ensemble de son oeuvre. J'espère qu'il continuera encore longtemps à faire profiter la population canadienne et mondiale de son énorme talent.


+-QUESTIONS ORALES

[Questions orales]

*   *   *

[Traduction]

+-L'éthique

+-

    M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ma question porte sur les normes d'éthique du gouvernement.

    Hier, en se portant à la défense du solliciteur général, le premier ministre a dit...

    Des voix: Oh, oh!

    Le Président: À l'ordre. Nous avons commencé la période des questions. Je sais que beaucoup de députés ont des questions à poser, mais nous écouterons d'abord le chef de l'opposition, et tout le monde veut entendre ce qu'il a à dire.

    M. Stephen Harper: Hier, en se portant à la défense du solliciteur général, monsieur le Président, le premier ministre a dit qu'un ministre avait le droit et même la responsabilité de faire du lobbying auprès des fonctionnaires ou des organismes relevant directement de lui pour aider des électeurs, des amis ou qui que ce soit d'autre.

    Le premier ministre ne voit-il aucun problème, du point de vue de l'éthique, à ce que les ministres du Cabinet agissent en tant que lobbyistes pour certains citoyens et certaines institutions au lieu de traiter tout le monde de façon équitable et impartiale devant la loi?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai expliqué très clairement hier qu'un ministre a la responsabilité de représenter sa circonscription et sa province.

    Je peux voir que le chef de l'opposition n'aime pas beaucoup le Canada atlantique. Son bilan en tant que chef de l'opposition depuis deux semaines est très bon. Il a réussi à insulter les Québécois au sujet du bilinguisme et...

+-

    Le Président: Le chef de l'opposition a la parole.

+-

    M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président...

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le Président: À l'ordre. Nous avons de la difficulté aujourd'hui. Je sais qu'il y a de fortes divergences d'opinions étant donné les récentes déclarations, mais c'est l'heure de la période des questions et nous aimerions un peu d'ordre pour pouvoir avancer. Le chef de l'opposition a la parole.

+-

    M. Stephen Harper: Monsieur le Président, je veux voir un Canada atlantique dont les habitants n'ont pas à avoir des amis au Cabinet fédéral pour être traités de façon égale par le gouvernement. Au lieu de rationaliser la politique de l'assiette au beurre que le gouvernement pratique dans la région, le premier ministre a-t-il demandé des conseils en matière d'éthique au sujet du comportement du solliciteur général avant d'exonérer ce dernier de tout blâme?

  +-(1420)  

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'un député représente des établissements d'enseignement qui donnent des cours de grande qualité pour faire des jeunes de cette province des citoyens canadiens de premier ordre ayant toutes les compétences nécessaires pour servir leur pays, les programmes d'aide s'appliquent aussi à l'Île-du-Prince-Édouard, tout comme les 5 millions de dollars donnés à l'Université de Calgary, les 10 millions qui ont été donnés à l'Université de l'Alberta et les 10 millions qui ont été donnés à l'Université de la Saskatchewan.

+-

    M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce n'est pas seulement la GRC. Nous avons également appris que le collège du frère du solliciteur général avait reçu des millions de dollars des contribuables. Il a reçu cet argent de l'APECA lorsque ce ministre était responsable de l'APECA. Il est le seul collège au Canada à avoir reçu de l'argent du Fonds transitoire pour la création d'emplois.

    Pourquoi le premier ministre ne peut-il pas admettre que le solliciteur général a eu tort d'exercer des pressions sur ses propres ministères pour qu'ils financent des projets parrainés par son frère?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le frère était recteur d'une université. Le gouvernement ne priverait jamais une université ou les habitants d'une province simplement parce qu'il se trouve que, dans une famille, un frère est à la tête d'une université et l'autre frère sert les Canadiens de façon très honorable au Parlement du Canada.

*   *   *

+-Les subventions gouvernementales

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, toute insinuation voulant que l'indépendance de la GRC ait été compromise, que cela soit réel ou apparent, est extrêmement grave. Les membres du gouvernement, qui ont des problèmes d'éthique, ont peut-être du mal à le comprendre, mais les Canadiens doivent avoir l'assurance que la GRC peut accomplir son travail sans craintes de représailles ou d'ingérences de la part de ses maîtres politiques.

    Le premier ministre tolère-t-il que le solliciteur général fasse du lobbying auprès de l'organisme dont il est responsable? Oui ou non.

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'un député et ministre reçoit une demande d'un citoyen de sa province pour qu'il bénéficie de programmes qui existent dans le ministère dont il est responsable, il est de son devoir de transmettre cette demande aux autorités pour que les habitants de sa province et de sa circonscription ne soient pas pénalisés parce qu'il sert le Canada à titre de ministre.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous songeons aux Airbus, à l'APEC et au Shawinigate. Le gouvernement est embourbé dans des allégations d'ingérence politique auprès de la GRC.

    Le fait que le premier ministre prenne la défense du solliciteur général, qui a exercé des pressions politiques auprès de la GRC pour obtenir des faveurs financières, confirme que ces allégations sont fondées.

    Comment le premier ministre redonnera-t-il confiance aux Canadiens que la GRC peut agir sans ingérence politique, après avoir toléré que le solliciteur général fasse du lobbying auprès de la GRC et après avoir pris sa défense?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'écoute ces gens faire les moralisateurs.

    J'ai ici une annonce. Le chef de l'opposition travaillait pour un député, Jim Hawkes, à la Chambre. Quelques semaines plus tard, il s'est présenté contre lui et la National Citizens Coalition a dépensé 50 millions de dollars pour demander aux électeurs de battre Jim Hawkes, l'ancien patron de cette personne. Après cela, ces gens nous parlent d'intégrité.

*   *   *

[Français]

+-Les contrats gouvernementaux

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, comme le ministre de l'Immigration qui a séjourné chez Claude Boulay, le ministre de la Justice est lui aussi relié au Groupe Everest.

    Son actuel chef de cabinet a décroché pour Everest un contrat de 56 000 $ pour les Jeux de la Francophonie et son ancien sous-ministre a contrevenu au code d'éthique lorsque Everest, où travaillait sa femme, est devenue, pour 7 millions de dollars, «la» firme de communications de Développement économique.

    Est-ce que le premier ministre admettra que le réseau unissant les ministres, leur entourage et les firmes amies est tissé serré et qu'une enquête publique est nécessaire pour en connaître toute l'étendue?

  +-(1425)  

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, en ce qui concerne ma chef de cabinet du côté politique, dans un premier temps, j'aimerais préciser au chef du Bloc que c'est une amie d'enfance.

    Deuxièmement, en ce qui concerne sa représentante aux communications, Mme Carole Lavallée, il faut dire que c'est une ancienne du Groupe BDDS. Est-ce qu'on en fait un cas?

    Troisièmement, pour ce qui est des contrats octroyés au niveau des communications à DEC--et je ne suis plus responsable de DEC--j'aimerais préciser que nous n'intervenons pas dans le processus. Mais justement, peut-être qu'il y a un problème, on devrait redéfinir le pouvoir ministériel pour faire en sorte qu'on puisse jouer notre rôle.

    Quand les gens votent pour nous...

    Le Président: L'honorable député de Laurier--Sainte-Marie a la parole.

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, au coeur de ce réseau où s'échangent contrats et contributions au Parti libéral du Canada, on retrouve, côté gouvernement, trois personnages centraux: Alfonso Gagliano, le ministre de l'Immigration et le ministre de la Justice, ceux qui, depuis 1993, sont les organisateurs en chef des libéraux au Québec.

    Comme ses lieutenants québécois font partie intégrante du réseau, est-ce que le premier ministre va enfin reconnaître que ça prend une enquête publique pour faire toute la lumière sur toute la dimension politique de cette nouvelle «patente»?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à la demande de l'opposition, nous avons demandé à un fonctionnaire de la Chambre des communes, la vérificatrice générale, d'étudier tous ces dossiers.

    La vérificatrice générale va faire rapport. S'il y en a qui ont agi illégalement, ils seront traduits devant les tribunaux. C'est le système que nous avons toujours suivi.

    Lorsqu'il y a enquête, si des gens ont commis des erreurs criminelles, ils doivent aller devant les tribunaux. S'ils ont reçu des montants d'argent excessifs, ils doivent les rembourser.

+-

    M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, hier, en se portant à la défense du ministre de l'Immigration, le ministre de la Justice nous en a beaucoup plus appris qu'il aurait sans doute voulu le faire, et je le cite: «À mon point de vue, le ministre devrait avoir la possibilité de donner son mot, de donner officiellement son mot. Cessons l'hypocrisie, essentiellement.»

    En disant qu'à son point de vue, le ministre devrait donner officiellement son mot, ne confirme-t-il pas qu'actuellement, les ministres donnent leur avis, mais de façon officieuse, par l'entremise de leurs fonctionnaires, et que lui, il souhaiterait pouvoir le faire au grand jour?

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ce que je dis essentiellement, et je pense que c'est une question importante, c'est qu'actuellement, on se fait critiquer dans le cadre de processus dans lesquels bon nombre de ministres ici n'ont pas la possibilité d'intervenir au niveau des différents pouvoirs qu'on exerce.

    Ce que je dis actuellement, c'est qu'il y a un malaise par rapport à l'exercice du pouvoir politique. Et à mon point de vue, peut-être qu'on est rendus à une croisée des chemins où on doit justement se demander quel est l'exercice du pouvoir, que doit faire le ministre en fonction du pouvoir et des mandats que nous avons?

    Les gens votent pour nous tous les quatre ou cinq ans et ils s'attendent à ce qu'on exerce ces pouvoirs. C'est la même chose pour les députés. Devrions-nous leur donner plus de pouvoirs dans leurs comtés?

+-

    M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice vient tout juste de nous donner ses couleurs.

    Lui et ses collègues ministres essaient d'intervenir. Ils interviennent par l'entremise de leurs fonctionnaires, par personnes interposées. Ils sont malheureux, parce qu'ils n'ont pas toujours gain de cause. Mais dans les cas où ils ont gain de cause, ce sont des commissions aux petits amis.

    Je demande ceci au ministre de la Justice: est-ce que son point de vue ne le conduit pas directement à la mise en place d'un système de patronage, mais au grand jour, alors qu'actuellement, c'est plutôt caché quand l'opposition n'en parle pas?

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je pense que de dire cela c'est grandement déformer mes propos. Mes propos sont absolument clairs et explicites.

    Ce que je dis, c'est que les politiciens sont élus à tous les quatre ou cinq ans. Nous avons des pouvoirs à exercer. Ce que je dis, c'est que même lorsqu'on n'a pas les pouvoirs, on se fait critiquer.

    Si on doit se faire critiquer, faisons en sorte qu'on puisse repenser les différents pouvoirs ministériels, redonner une place au pouvoir politique, peut-être même le redéfinir et s'assurer que, dans le contexte, on fasse en sorte qu'on puisse aller chercher la meilleure qualité, le meilleur prix et le meilleur service et que tout cela puisse se faire en harmonie.

*   *   *

  +-(1430)  

[Traduction]

+-L'aide internationale

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le premier ministre s'inquiète des trahisons dans les rangs des libéraux, mais pourrait-il s'intéresser un moment à des préoccupations plus larges, soit la crise grave qui sévit en Afrique?

    Dans la seule Afrique australe, dix millions de personnes sont en proie à la famine. Le premier ministre a promis que le G-8 proposerait des solutions durables, mais ses fonctionnaires font maintenant l'impossible pour calmer les attentes.

    L'aide du Canada à l'étranger est maintenant inférieure à 0,3 p. 100 de son PIB, bien en-deçà de l'objectif de 0,7 p. 100 proposé par l'ONU. Pourquoi le premier ministre ne tient-il pas parole et ne porte-t-il pas immédiatement à 0,7 p. 100 l'aide du Canada à l'étranger? Il ferait preuve d'intégrité.

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, depuis deux ans, nous bonifions notre programme de 8 p. 100 par année. Il y a augmentation tous les ans. En plus de cette augmentation, nous avons débloqué 500 millions de dollars pour les trois prochaines années qui serviront à de nouveaux programmes destinés aux Africains et qui s'ajoutent aux programmes existants.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, le premier ministre se voit comme le champion du développement de l'Afrique, comme le champion des droits et libertés démocratiques. Pourtant, depuis le 25 mai, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique n'a plus de président, à un moment où ses travaux sur le développement de l'Afrique, sur les droits de la personne et la démocratie, dans le contexte du terrorisme, revêtent une importance cruciale.

    Pourquoi le premier ministre a-t-il laissé se terminer, sans trouver de remplaçant, le mandat de l'un de ses anciens collègues les plus loyaux, compétents et respectés, Warren Allmand?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'espère qu'un remplaçant sera nommé d'ici une semaine ou deux.

    Je profite du fait que j'ai la parole pour apporter une rectification. À force d'écouter les députés de l'opposition, j'en viens à faire comme eux et à exagérer un peu. Je voulais dire 50 000 $, mais, malheureusement, j'ai dit 50 millions. La tendance à exagérer qui existe de l'autre côté semble avoir gagné le nôtre.

*   *   *

+-Les marchés publics

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre.

    J'ai une question à poser au premier ministre qui s'est certainement déjà interrogé à ce sujet. Lex-ministre d'État pour le Sport amateur a-t-il recommandé d'une façon ou d'une autre à la ministre du Patrimoine canadien d'accorder au Groupe Everest le contrat de 500 000 $ portant sur l'organisation de consultations nationales sur le sport amateur?

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai aucun renseignement à cet effet.

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au premier ministre. Lorsqu'il a été accusé d' avoir eu un comportement déplacé, le solliciteur général a eu le droit de se défendre lui-même, tout comme ce fut le cas pour l'ancien ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, pour l'ancien ministre de la Défense nationale, pour le ministre de la Justice et pour le ministre des Finances.

    Dans un dossier portant sur l'intérêt public et alors qu'il était ministre, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a fait deux déclarations tout à fait contradictoires. La Chambre doit savoir où se trouve la vérité.

    Pourquoi le premier ministre ne donne-t-il pas au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration le droit de prendre la parole et de se défendre lui-même comme ce fut le cas pour les autres ministres?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député est à la Chambre depuis longtemps et il devrait connaître les règles. Le Règlement prévoit qu'un ministre doit répondre à la Chambre des communes aux questions portant sur le ministère qu'il représente à l'heure actuelle. Lorsqu'une question porte sur un ministère qu'il a représenté auparavant, cette question doit être posée au nouveau ministre. C'est là la règle, à moins que le premier ministre, le vice-premier ministre ou un ministre suppléant ne réponde à la place du ministre de l'Immigration.

    C'est le Règlement et nous devons le respecter comme le Président nous demande de le faire.

*   *   *

+-Les subventions gouvernementales

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il y a longtemps, le premier ministre et ses acolytes s'étaient insurgés contre le favoritisme. Il y a dix ans, alors qu'ils siégeaient dans l'opposition, voici ce qu'ont dit les libéraux au sujet des emplois et contrats accordés à des amis:

Depuis dix jours, nous avons été témoins de deux incidents reliés à ce pacte de famille; je crois que les Canadiens ont le droit de savoir ce qui se passe [...]

    Je suis d'accord. Les Canadiens n'ont-ils pas encore le droit de savoir ce qui se passe au sujet de ces comportements sordides et du favoritisme?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tous les faits sont connus. Il y a un recteur d'université de longue date et citoyen respecté de l'Île-du-Prince-Édouard qui dirige un établissement public. Comme le ferait tout autre recteur d'un établissement semblable, il a demandé l'aide financière de programmes fédéraux. Ces faits sont connus. Il avait le droit de le faire et c'est ce qu'il a fait.

    S'il ne fait pas bien son travail, il appartient au gouvernement provincial de le remplacer. On m'a dit, cependant, qu'il s'acquitte très bien de son travail depuis de nombreuses années et qu'il a l'un des meilleurs...

  +-(1435)  

+-

    Le Président: Le député de Macleod a la parole.

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le problème est qu'il est frère d'un ministre et il y a apparence de conflit d'intérêts. Écoutons ce que disent aujourd'hui les libéraux au sujet du favoritisme. Je cite le ministre de la Justice:

[...] il est temps de mettre un terme à l'hypocrisie et de permettre aux ministres [...] d'avoir une plus grande influence sur le choix des agences de communications désignées pour faire [leur] travail.

    Une plus grande influence? J'affirme que les Canadiens veulent que le ministre n'ait aucune influence dans le choix des agences de communications.

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tôt ou tard les députés de l'opposition devront se brancher. Ils persistent à poser des questions et à exiger que le ministre soit responsable de ce qui se passe dans son ministère. Puis, du même souffle, ils exigent que le ministre ne soit pas responsable. Il faudrait qu'ils se décident. Veulent-ils des ministres responsables ou pas de ministres du tout?

*   *   *

[Français]

+-Les contrats gouvernementaux

+-

    M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre tient maintenant les fonctionnaires, ses fonctionnaires responsables pour les déboires et les malheurs qui affligent actuellement son gouvernement.

    Pourtant, ce même premier ministre, il y a quelque temps, disait, et je le cite: «[...] je ne rejetterai jamais sur d'autres épaules les responsabilités qui sont les miennes.»

    Doit-on comprendre que le changement d'attitude du premier ministre s'explique surtout par le fait que lui et certains de ses ministres se sont fait prendre les mains dans le sac?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Franchement, monsieur le Président, j'ai toujours pris mes responsabilités et je vais toujours les prendre.

    D'ailleurs, ce qui est très déplorable, c'est que, alors qu'il y a des problèmes dans la nation, alors que les gens voudraient qu'on parle d'agriculture, de Kyoto, de bois d'oeuvre, le seul intérêt de l'opposition, c'est d'essayer d'entacher la réputation des gens dans cette Chambre.

    Vous verrez, monsieur le Président, que le peuple reconnaîtra que ce gouvernement est responsable, qu'il a toujours pris ses responsabilités, et que l'opposition, étant désespérée devant un bon gouvernement, essaie d'entacher la réputation de personnes.

+-

    M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, le vrai problème au Canada, c'est le premier ministre qui refuse, lui, de répondre aux questions qu'on pose à la Chambre.

    Il rejette cela sur la faute des fonctionnaires qui ne sont pas là pour se défendre, qui ne sont pas ici pour écouter ce qu'on dit. Donc, c'est tout à fait déloyal de la part du premier ministre.

    Est-ce que le premier ministre va admettre que, sans une enquête publique, comme on le réclame, il est impossible d'assigner des fonctionnaires, de les assermenter et de les interroger sur l'étendue de l'ingérence politique, ce qui échappe au mandat de la vérificatrice générale?

+-

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est à la demande de l'opposition que nous avons demandé à un fonctionnaire de cette Chambre, la vérificatrice générale, qui a tous les pouvoirs nécessaires pour faire enquête, de vérifier ces dossiers. Elle fera rapport et nous en tirerons les conclusions.

[Traduction]

+-

    M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le stratagème des libéraux qui consiste à distribuer les fonds publics par l'intermédiaire de leurs amis cupides déplaît souverainement aux Canadiens. Lafleur Communications, que dirige un compagnon de pêche du ministre de la Justice, a versé une contribution de 57 000 $ aux libéraux après avoir touché une commission de 120 000 $ pour avoir transporté un million de dollars dans un porte-document jusque chez VIA Rail.

    Quand des faits de ce genre sont révélés aux contribuables, ces derniers réclament une enquête publique vraiment indépendante. Quand le ministre va-t-il s'y résoudre?

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de lois pertinentes, dont la Loi sur la gestion des finances publiques, mes fonctionnaires ont pris des mesures pour renvoyer le dossier à la GRC.

  +-(1440)  

+-

    M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la liste s'allonge. Semaine après semaine et jour après jour, de plus en plus de dossiers aboutissent à la GRC. J'espère que cette dernière a un effectif et un budget suffisants pour s'attaquer à la besogne.

    Il ne faut pas être un génie pour comprendre que pour verser des commissions faramineuses à des entreprises amies des libéraux, il faut extirper toujours plus d'argent aux contribuables. On fait face à de la cupidité et de la corruption: il n'y a pas de rapports, pas de dossiers, mais seulement des contrats verbaux, des chèques annulés faisant état de contributions aux libéraux. C'est vraiment tout ce qu'on a.

    Tous les ministres en cause faisaient partie du Cabinet quand le stratagème a été élaboré et mis en oeuvre. Les gens d'en face ne voient-ils pas qu'il faut une enquête publique externe et indépendante pour faire le ménage?

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, rien n'est plus indépendant, rien n'a plus d'autorité que la GRC. Elle mènera les enquêtes nécessaires. Elle prendra les décisions qui s'imposeront. Justice sera faite.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, on veut connaître les liens qui existent entre les fonctionnaires, les sous-ministres et les ministres. C'est pourquoi le cas du ministre de l'Immigration nous intéresse.

    Hier, la ministre du Patrimoine nous a dit que la recommandation de choisir Everest avait été faite par les fonctionnaires.

    Le ministre des Travaux publics peut-il nous dire quel fonctionnaire à Patrimoine Canada a recommandé le contrat d'Everest, parce qu'on veut connaître les liens de ce fonctionnaire avec le ministre de l'Immigration?

[Traduction]

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas cette information sous les yeux. Je ne crois pas non plus qu'il soit approprié d'en parler devant la Chambre des communes.

    Je tiens cependant à assurer à la députée que ce sont les fonctionnaires du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux qui ont recommandé de choisir le Groupe Everest du fait que ce groupe est signataire d'une convention d'offre à commandes avec le ministère et que cette convention a été signée à l'issue d'un appel d'offres.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, si le gouvernement n'a rien à cacher, pourquoi ne produit-il pas les documents relatifs à la recommandation par Patrimoine Canada de la firme Everest pour la tournée pancanadienne de l'ancien secrétaire d'État au Sport amateur?

[Traduction]

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, j'étudierai la requête de la députée pour voir s'il y a moyen de lui fournir un complément d'information à ce sujet. La députée peut cependant être assurée que je veillerai, comme il m'incombe de le faire, à ce que la transparence et la reddition de comptes soient privilégiées au sein de mon ministère, pour servir l'intérêt public.

+-

    M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre de la Justice a reconnu que Jean Lafleur est un de ses amis et qu'il va continuer d'entretenir des relations amicales avec lui malgré l'enquête de la GRC en cours.

    Est-ce la façon dont le ministre de la Justice devrait se conduire? Est-il approprié de la part du ministre de la Justice d'entretenir des liens serrés avec une personne qui est au centre d'une enquête policière sérieuse risquant de démontrer que la confiance du public a été trompée?

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est vraiment dommage d'entendre une telle déclaration. Au Canada, les gens sont réputés innocents jusqu'à preuve du contraire.

    Je le répète, je vais retourner pêcher avec M. Lafleur. J'ai également dit qu'il n'avait pas payé pour mon excursion de pêche. Je n'ai absolument pas participé à ce processus et le député le sait pertinemment. La seule chose qu'il essaie de faire, c'est «d'assassiner un personnage ou un caractère», comme l'a dit le premier ministre.

+-

    M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens méritent qu'on mette un terme de façon ouverte et transparente à ce gâchis des contrats gouvernementaux de commandite. Le gouvernement pourrait faire deux choses simples à cette fin.

    Tout d'abord, les Britanniques ont rendu publiques les normes d'éthique que doivent respecter les ministres membres du Cabinet et ils les ont même publiées sur Internet. Le gouvernement peut faire cela. C'est une mesure très simple. Il devrait ensuite tenir une enquête publique sur ce gâchis. Ce sont deux choses très simples auxquelles, à une époque, le gouvernement libéral croyait.

    Pourquoi le gouvernement a-t-il tant de mal à saisir ces deux idées simples?

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne les questions touchant le programme de commandites, la vérificatrice générale a effectué une enquête, elle a présenté un rapport, elle a renvoyé certaines questions à la GRC et elle a précisé qu'elle allait effectuer une vérification à l'échelle du gouvernement sur toutes ces questions. Je tiens à préciser qu'une fois ce rapport présenté, il est renvoyé d'office au Comité des comptes publics et soumis à tous les députés.

*   *   *

[Français]

+-L'Afrique

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Monsieur le Président, on parlera de l'Afrique au Sommet de Kananaskis les 26 et 27 juin prochain.

    Le secrétaire d'État à l'Amérique latine, à l'Afrique et à la Francophonie peut-il nous dire ce qu'il fait présentement pour sensibiliser le public canadien?

  +-(1445)  

+-

    L'hon. Denis Paradis (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique) (Francophonie), Lib.): Monsieur le Président, on est extrêmement fiers d'être Canadiens quand on voit ce que le premier ministre et le Canada ont fait pour que l'Afrique soit un dossier prioritaire au Sommet du G-8.

    J'ai moi-même entrepris une tournée de sensibilisation pancanadienne à laquelle participent plusieurs députés. On va dans les écoles, on rencontre des groupes d'intérêt, on rencontre des gens des journaux locaux et régionaux.

    Quand 53 des pays les plus pauvres d'Afrique s'entendent sur un plan de partenariat pour le développement de l'Afrique, quand huit des pays les plus riches s'apprêtent à donner une réponse, je pense qu'on est à la veille d'un moment historique.

*   *   *

[Traduction]

+-La santé

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

    Compte tenu des récentes preuves de la montée en flèche du coût des médicaments, les Canadiens voudraient vraiment savoir pourquoi les libéraux refusent d'abolir la Loi sur les brevets inspirée par le Parti progressiste-conservateur. C'est la loi qui saigne les Canadiens à blanc, et une loi que les libéraux avaient promis d'éliminer.

    Compte tenu du fait que les sociétés pharmaceutiques versent près de 400 000 $ dans les coffres du Parti libéral, se peut-il que les libéraux soient tout aussi dépendants de l'argent des médicaments qu'ils le sont de l'argent venant des sociétés de communication?

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député a raison de dire que le coût global des médicaments au sein du système de soins de santé continue de croître. C'est un problème que les premiers ministres avaient jugé préoccupant et auquel une réponse a été apportée dans l'accord signé en septembre 2000 par les premiers ministres de tous les ordres de gouvernement.

    Les ministres de la Santé du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires continuent de collaborer, si je peux oser le dire, de façon très efficace au règlement de problèmes épineux concernant l'utilisation et le prix des médicaments, ainsi que le coût total des médicaments épongé par le système de soins de santé.

*   *   *

+-L'agriculture

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, le ministre de l'Agriculture exhorte maintenant depuis des années les céréaliculteurs à diversifier leurs activités et à se livrer à l'élevage du bétail, ce qu'ils ont fait. Les producteurs agricoles de la Saskatchewan disent maintenant que la moitié des troupeaux de bétail de la province sont en danger parce qu'il n'y a plus d'eau et que les pâturages ont brûlé à cause de la sécheresse dévastatrice.

    Les 2,2 millions de dollars du Programme de l'aménagement hydraulique rural se sont évaporés depuis des mois et plus de 2 000 demandes demeurent en suspens. Les agriculteurs et les grands éleveurs voudraient que le gouvernement leur dise pourquoi le ministre de l'Agriculture refuse de donner suite aux demandes et d'injecter 5 millions de dollars supplémentaires dans ce programme?

+-

    L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, sur une base annuelle, un montant de 5,5 millions de dollars est consacré à des projets d'aménagement hydraulique rural dans l'ouest du Canada. L'an dernier, le gouvernement a ajouté 3,3 millions de dollars à cette somme. Il y a quelques semaines, nous avons ajouté 1,1 million dans la province du député.

    Il s'agit habituellement d'un programme à coûts partagés mais, dans ce cas-ci, la propre province du député n'a même pas voulu venir en aide aux agriculteurs de la Saskatchewan, de sorte que le gouvernement s'en est chargé lui-même.

*   *   *

+-Les subventions du gouvernement

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, le scénario de conflits d'intérêts auquel s'apparente la conduite du solliciteur général, qui a aidé le collège dirigé par son frère à obtenir plus de 8 millions en subventions du gouvernement, vient tout droit du manuel du Shawinigate. C'est du déjà vu. Comme le premier ministre, le solliciteur général, après avoir appris le rejet d'un prêt qu'il voulait voir approuvé, est intervenu directement et personnellement auprès de la GRC, un organisme gouvernemental soi-disant indépendant.

    Qu'a dit exactement le solliciteur général au commissaire de la GRC au cours de leur entretien, le 14 mai?

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai expliqué à maintes reprises, la proposition a été remise à mon bureau et soumise au FIA. Lorsque mon bureau en a reçu un exemplaire, il en a envoyé une copie à la GRC. Au cours de notre entretien du 14 mai, le commissaire m'a indiqué que la GRC aurait de le difficulté à appuyer le projet.

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, nous savons ce que le commissaire a dit. Je veux savoir ce que le solliciteur général a dit.

    Le solliciteur général peut-il dire à la Chambre s'il a tiré d'autres scénarios du manuel du Shawinigate? En d'autres termes, le solliciteur général et ministre responsable de l'Île-du-Prince-Édouard a-t-il fait des interventions directes semblables ayant mené à l'octroi de contrats d'une valeur de plusieurs millions de dollars au Groupe APM, dont le PDG, Tim Banks, est aussi le président du Parti libéral de l'Île-du-Prince-Édouard?

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, toute les propositions que je reçois de l'Île-du-Prince-Édouard sont envoyées au ministère compétent aux fins d'examen. Toutes les propositions que j'ai reçues ont été examinées équitablement. Je suis étonné de voir mon collègue essayer de diffamer des gens qui tentent d'améliorer la qualité de vie dans l'Île-du-Prince-Édouard et le Canada atlantique.

*   *   *

  +-(1450)  

+-Les marchés publics

+-

    M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens savent maintenant que l'ingérence politique dans l'octroi de marchés de publicité a commencé dès 1994, au cabinet du ministre des Finances. C'est à ce moment-là que l'adjoint du ministre a pressé les fonctionnaires d'ajouter les noms d'entreprises et de particuliers ayant fait des dons au Parti libéral à la liste des fournisseurs privilégiés. À peine quelques mois après que le premier ministre eut été élu en promettant un gouvernement respectueux de l'éthique, c'est le ministre des Finances qui trempait jusqu'au cou dans le copinage en essayant d'obtenir des emplois pour ses amis libéraux.

    Combien de temps après 1994 le ministre a-t-il continué ces pratiques tout à fait contraires à l'éthique? Continue-t-il d'ajouter des noms à sa liste ou est-il maintenant à court de noms?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, en 1993, lorsque nous avons été portés au pouvoir, le très important programme des obligations d'épargne du Canada fonctionnait au ralenti, pour ne pas dire qu'il avait complètement dérapé. Il fallait désespérément le revitaliser. C'était mon opinion, celle du ministère et celle de la plupart des observateurs de l'extérieur.

    Une façon importante d'y parvenir, c'est d'accroître le professionnalisme des services offerts à cet égard. Ce qui a été recommandé dans la note de service, c'est de lancer un appel d'offres le plus ouvert et le plus transparent possible auprès du plus grand nombre de soumissionnaires possible. C'est ce que recommandait la note de service, et c'est une excellente ligne de conduite.

+-

    M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne): Monsieur le Président, si l'on veut une saine concurrence, on dit aux fonctionnaires de consulter les pages jaunes. Des centaines d'entreprises figurent dans les pages jaunes de la région d'Ottawa seulement. Voilà comment on assure une saine concurrence.

    Le ministre n'a pas nié avoir exercé des pressions sur ses fonctionnaires afin qu'ils ajoutent des entreprises libérales à sa liste de fournisseurs préférés. Il a aussi ajouté le Groupe Everest à cette liste. Il ne s'est pas plaint du Groupe Everest. Il pourrait s'agir d'une des entreprises faisant actuellement l'objet d'une enquête de la GRC.

    Pourquoi le ministre a-t-il ordonné à ses fonctionnaires d'ajouter le Groupe Everest à sa liste d'entreprises de publicité favorites? Au juste, qu'est-ce...

+-

    Le Président: Le ministre des Finances a la parole.

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le Groupe Everest figurait déjà sur la liste. Il avait remporté un appel d'offres bien avant la note de service.

    En fait, on voit maintenant la différence entre les députés alliancistes et nous. Nous recommandons un processus ouvert et transparent qui fait intervenir le plus grand nombre de soumissionnaires possible à l'échelle du Canada, d'un océan à l'autre. Voilà comment nous adjugeons les marchés. Eux, ils feraient marcher leurs doigts pour y parvenir.

*   *   *

[Français]

+-Les Hells Angels

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, on vient d'apprendre avec stupéfaction que les Hell's Angels sont invités à participer au grand défilé du 50e anniversaire de règne de la reine Élizabeth II. Or, on sait que ce groupe criminalisé fait l'objet d'un procès retentissant au Québec. Ce matin, une motion présentée par le leader parlementaire du Bloc québécois demandant de changer cette décision a été refusée par cette Chambre.

    Je demande au vice-premier ministre si le gouvernement canadien a l'intention d'intervenir officiellement pour protester contre cette décision inacceptable.

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai pris connaissance de la requête de l'honorable leader du Bloc québécois à la Chambre proposée un peu plus tôt ce matin. Nous sommes en train d'étudier ce qui s'est produit pour savoir si les allégations indiquées dans les médias s'avèrent vraies.

    Si j'ai bien retenu ce qui s'est passé ce matin, le refus ne venait pas de ce côté-ci de la Chambre.

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le gouvernement accepterait alors de faire sienne la motion du Bloc québécois et de permettre à la Chambre des communes de se prononcer officiellement contre cette décision, ou alors entendrait-il, de sa propre volonté, faire les représentations demandées par la motion?

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la question est hypothétique parce que nous n'avons toujours pas pu vérifier les allégations telles qu'elles nous ont été présentées par les médias ce matin. Avant d'avoir prouvé le cas, il est hypothétique de savoir si une motion viendrait de ce côté-ci de la Chambre ou de l'autre. Nous allons vérifier. J'ai des consultations plusieurs fois par jour avec le leader du Bloc québécois à la Chambre et aussi avec tous les autres leaders parlementaires.

*   *   *

  +-(1455)  

[Traduction]

+-Les marchés publics

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le premier ministre fait obstruction à toutes les questions concernant les liens entre le ministre de l'Immigration et M. Boulay. Toutefois, le ministre s'est déjà taillé une solide réputation de générosité au chapitre des faveurs politiques consenties par les libéraux.

    Le conseiller en éthique a révélé que le gouvernement avait fait approuver toutes les subventions au Québec par les dirigeants politiques libéraux.

    Le ministre, à titre d'organisateur pour le Québec, avait un rôle considérable à jouer dans la distribution des faveurs politiques. Ensuite, il a tenté de nier qu'il avait séjourné au domicile d'un important adjudicataire. Le ministre doit fournir des réponses directes aux Canadiens. Pourquoi essaie-t-il de se cacher derrière les autres ministres?

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous parlons d'obstruction, je pense vraiment qu'il est temps que les personnes se trouvant dans cette cage de verre commencent à faire attention à l'endroit où elles lancent les pierres. Après tout, qui précisément a contribué aux campagnes à la direction du parti d'en face?

    Nous avons entendu dire que le chef de l'opposition dénonce le fait que le Canada appuie la signature d'un traité sur les mines antipersonnel parce que cela pourrait déplaire aux Américains. Est-ce que ses bailleurs de fonds étaient tous des Canadiens? Nous ne savons pas qui contribue à la National Citizens Coalition. Nous n'en savons rien.

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'était une tactique de diversion plutôt pathétique.

    Les Canadiens croient qu'intégrité est synonyme d'honnêteté. Le ministre a nié avec vigueur avoir séjourné chez M. Boulay, puis il a changé sa version lorsque les faits ont été mis en lumière. Par conséquent, sa réputation de ministre honnête est remise en question. Au lieu d'affronter les citoyens ouvertement, il reste lâchement assis sur sa banquette. Que cherche-t-il à cacher?

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, il est intéressant de signaler qu'au cours de la campagne pour l'élection complémentaire, le chef de l'opposition a refusé de participer aux débats publics, suivant ainsi l'exemple donné par le député de Calgary--Nose Hill lors des dernières élections. Ces députés ont refusé de se présenter devant les électeurs et de répondre à des questions à l'occasion d'un débat ouvert auquel participaient d'autres candidats. Ont-ils quelque chose à cacher quant à leurs positions?

*   *   *

+-Le Proche-Orient

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

    Durant son récent voyage au Proche-Orient, le ministre a rencontré les dirigeants des deux protagonistes de ce conflit qui n'en finit plus. Le ministre peut-il faire part à la Chambre de ses observations sur la situation actuelle et expliquer la position du gouvernement sur la possibilité de contribuer à l'instauration d'une paix durable dans cette région?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je sais que la Chambre suivra ce dossier avec beaucoup d'intérêt. J'ai abordé la question au comité ce matin. Il est évident que la situation est extrêmement complexe.

    Le Canada cherche à obtenir que les deux parties, qui sont presque parvenues à s'entendre il y a quelque temps, retrouvent un peu de confiance pour pouvoir amorcer à nouveau un dialogue afin de mettre fin à ce terrible conflit. L'approche militaire n'est pas une solution. Nous demandons aux parties et à M. Arafat de trouver une façon de mettre fin à la violence. Nous demandons au gouvernement israélien de faire en sorte que les Palestiniens retrouvent l'espoir afin qu'on puisse tourner la page et oublier un passé abominable pour tous les gens de ce pays.

*   *   *

+-Le développement des ressources humaines

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le premier ministre ne cesse de nous dire de faire une demande d'accès à l'information si nous voulons obtenir plus de renseignements sur son gouvernement en proie aux scandales.

    Depuis le mois de mars 2000, la ministre du Développement des ressources humaines a en main une demande d'accès à l'information qui porte sur une enquête de la GRC concernant une subvention à la création d'emplois de 165 000 $ accordée à une circonscription bloquiste, qui s'est soudain retrouvée dans la circonscription du premier ministre.

    La ministre du Développement des ressources humaines peut-elle expliquer pourquoi elle fait obstruction depuis plus de deux ans aux demandes de renseignement légales du commissaire à l'information?

+-

    L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, ce que je peux expliquer, c'est que, pour ce qui est de répondre aux demandes d'accès à l'information, mon ministère a une feuille de route impeccable. En fait, ce sont les recherchistes du parti du député qui ont applaudi mon ministère pour son travail dans ce domaine.

    Il est clair qu'à un moment donné nos réponses ont été ralenties par le fait que le nombre de demandes que nous recevions avait décuplé. En collaboration avec le commissaire à la protection de la vie privée et avec les experts en accès à l'information, nous avons restauré l'intégrité du processus. Nous allons continuer à fournir l'information qui est demandée.

  +-(1500)  

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, pourquoi alors la ministre ne s'engage-t-elle pas immédiatement à nous remettre ce rapport? Il est sur son bureau depuis deux ans. Je suppose qu'elle va le faire.

    Selon l'ancien chef du service de recherche des libéraux, le cabinet du premier ministre a créé un comité ayant pour unique rôle d'entraver et de retarder la communication de ce type d'information. La ministre a sur son bureau un rapport de 4 000 pages dont le commissaire à l'information a demandé la communication. Pourquoi la ministre ne communique-t-elle pas cette information? Pourquoi n'en prend-elle pas l'engagement maintenant?

+-

    L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, nous répondons aux demandes. Le député lui-même a reconnu qu'un grand nombre de ces demandes prennent du temps et qu'il faut consulter des milliers et des milliers de pages. Permettez-moi de confirmer au député et à la Chambre que notre détermination à répondre aux demandes d'accès à l'information est ferme et forte. Nous y répondrons comme il convient.

*   *   *

[Français]

+-Les contrats gouvernementaux

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, hier, nous avons demandé au ministre des Travaux publics s'il entendait imposer un moratoire sur le contrat de deux millions de dollars accordé à Robert-Guy Scully pour une série sur l'innovation et l'entrepreneurship, compte tenu que ce dernier est touché par l'enquête de la GRC pour la série sur Maurice Richard. Le ministre nous a dit qu'il ferait des vérifications et qu'il aviserait.

    Peut-il nous dire aujourd'hui s'il a eu le temps d'examiner le contrat et s'il va imposer un moratoire, comme il l'a fait pour les contrats des agences de publicité?

[Traduction]

+-

    L'hon. Ralph Goodale (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ministre responsable de la Commission canadienne du blé et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, Lib.): Monsieur le Président, j'ai posé quelques questions au sujet de cette série télévisée sur l'innovation. Je signale qu'il ne s'agit pas d'une commandite, mais plutôt d'un partenariat entre le gouvernement du Canada et le secteur privé pour promouvoir l'innovation au Canada, d'un océan à l'autre. Nous n'avons ni fait appel à une agence de communication, ni versé de commission dans cette affaire.


+-Les travaux de la Chambre

[Travaux de la Chambre]

*   *   *

[Traduction]

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, comme c'est jeudi aujourd'hui, je voudrais demander au leader du gouvernement à la Chambre de nous dire ce que nous avons au programme pour le reste de la journée, ainsi que pour demain et la semaine prochaine.

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de répondre à ma première question à titre de leader parlementaire depuis, comme je l'ai dit, que j'ai réintégré cette fonction.

    Aujourd'hui, nous continuerons le débat de deuxième lecture du projet de loi C-55, suivi de l'étape du rapport et de la troisième lecture du projet de loi S-34, Loi sur la Sanction royale, et de l'étude de la modification proposée par le Sénat au projet de loi C-23, Loi sur la concurrence.

    Demain, nous prévoyons de reprendre l'étude des projets de loi examinés aujourd'hui, en plus du projet de loi C-15B, les modifications proposées au Code criminel; je sais que c'est un projet de loi que les députés appuieront avec enthousiasme.

    Quoi qu'il en soit, j'ai l'intention de faire du projet de loi C-15B le premier article au programme lundi.

    Mardi, compte tenu des progrès réalisés plus tôt, nous entamerons l'étude du projet de loi C-53, sur la lutte antiparasitaire, à l'étape du rapport. Dans la soirée, la Chambre se formera en comité plénier pour étudier les crédits du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, conformément à la nouvelle disposition du Règlement.

    Mercredi, nous projetons d'amorcer le débat de deuxième lecture du projet de loi sur la sûreté nucléaire, au sujet duquel j'ai donné des informations aux leaders parlementaires hier. Le projet de loi sera déposé au début de la semaine prochaine.

    Jeudi sera un jour désigné, le dernier de la période, ce qui signifie, et je le dis pour que les députés puissent planifier leurs activités ce jour-là, que la Chambre prolongera la séance durant la soirée, peut-être, pour étudier le Budget principal des dépenses et la Loi de crédits qui en découlera.

    En guise de conclusion, si vous le permettez, je voudrais remercier tous les députés de leurs bons mots à mon retour au poste de leader parlementaire du gouvernement.

  +-(1505)  

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le leader du gouvernement à la Chambre a négligé de dire ce que le gouvernement envisage pour le projet de loi C-5 sur les espèces en péril. Je sais que ce n'est peut-être pas très orthodoxe, mais pourrait-il nous dire ce que le gouvernement entrevoit à propos de ce projet de loi?

+-

    L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, des amendements s'imposent pour améliorer encore le projet de loi. Certains de ces amendements sont à l'étude.

    J'espère que, d'ici la réunion des leaders à la Chambre, mardi, je serai en mesure de dire à mes collègues d'en face quand nous pourrons reprendre le débat sur le projet de loi C-5 à l'étape du rapport.

+-

    M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement unanime pour revenir à la présentation des rapports de comité, de façon que je puisse déposer le sixième rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

+-

    L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, je n'étais pas au courant. Personne ne m'a informé. S'il s'agit seulement de déposer le rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, et rien d'autre, je donne mon accord.

    Le Président: Est-ce d'accord pour revenir à la présentation des rapports de comité?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

[Français]

+-Loi de 2002 sur la sécurité publique

    La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-55, Loi modifiant certaines lois fédérales et édictant des mesures de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines, en vue de renforcer la sécurité publique, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas la première fois que je prends la parole sur le projet de loi C-55. Malheureusement, au fur et à mesure de l'étude de ce projet de loi, on a de plus en plus de récriminations et on devient de moins en moins favorables, comme parti, à ce projet de loi.

    À plusieurs reprises, j'ai mentionné la question des zones militaires d'accès contrôlé. Il y a beaucoup d'autres aspects de la loi au sujet desquels nous avons certaines difficultés. Au fur et à mesure de la discussion, des gens s'ajoutent pour dénoncer la trame de fond du projet de loi.

    Le commissaire à la vie privée a fait des commentaires dernièrement. Pas plus tard que cette semaine, alors que j'étais en délégation pour l'OTAN, Amnistie Internationale a publié un document fort intéressant sur l'évolution de ce dossier dans différents parlements. Le gouvernement du Canada faisait partie des parlements qui sont en train de resserrer les liens, la liberté d'expression et la liberté des gens en général. Amnistie Internationale s'inquiétait beaucoup à cet égard.

    Je veux encore une fois revenir sur les zones de limitation actuelle, parce que je pense que pour nous, c'est le noeud du problème. Il y a aussi la question du renseignement qui va circuler très largement dans différentes agences du gouvernement. Il y a aussi toute la question des arrêtés d'urgence grâce auxquels le ministre va finalement faire presque tout ce qu'il veut, et le gouverneur en conseil également.

    Donc, je vais plutôt m'attarder sur la question des zones militaires d'accès contrôlé. Pour nous, ce passage de la loi n'a pas de bon sens, et je m'explique.

    Tout d'abord, un homme, le chef d'état-major, fait une recommandation, et il la fait à une seule personne, le ministre de la Défense nationale. Imaginez ce que cela veut dire dans le contexte actuel: on a un nouveau ministre de la Défense et on lui recommanderait de créer une zone militaire d'accès contrôlé.

    Je prends souvent cet exemple dans mes discours. Du jour au lendemain, il décide qu'à partir du bâtiment de la marine à Québec, on pourra faire une très large zone qui engloberait par exemple tout le Vieux-Québec. Selon le projet de loi qui est devant nous, le ministre a le mandat et le pouvoir de faire cela tout seul, sans en référer au gouverneur en conseil. Sans en référer à personne, il peut dire, pour des raisons qui lui sont propres: «Je crée une zone militaire d'accès contrôlé dans le Vieux-Québec, et voici pourquoi je décide de le faire.»

    Il pourrait aussi décider de n'en parler à personne; cela aussi est dans la loi. Des gens pourraient se trouver dans une zone militaire d'accès contrôlé, sans qu'ils le sachent. C'est vrai non seulement des gens, mais également pour leur propriété, leur voiture, et cela va même, je pense, jusqu'aux animaux. On peut avoir son chien dans le milieu de la zone militaire, qui mord la jambe d'un militaire, et on peut se faire poursuivre. On peut se faire expulser manu militari; cela peut parfois se faire de façon assez violente. Lorsque les militaires auront pour mandat de contrôler une zone militaire d'accès contrôlé, ils vont la contrôler à leur façon. Quand ils auront reçu l'ordre d'expulser quelqu'un de la zone, cela ne sera pas toujours fait avec une grande délicatesse.

    Le ministre a complète latitude. Dans la loi, on dit que cela se fera en termes raisonnables. Il y a 301 députés à la Chambre des communes et il est probable que chacun ait une interprétation très personnelle de ce que c'est que d'être raisonnable. Donc, de façon raisonnable, le ministre peut décréter une zone, sa dimension, sa durée, s'il la renouvelle ou pas. Une seule personne peut faire cela.

  +-(1510)  

    Ce qui attaque beaucoup les droits et libertés à cet égard—je donnais l'exemple du petit chien qui a mordu la jambe d'un militaire—, c'est lorsqu'une personne se fait expulser manu militari sans qu'elle sache qu'elle se trouve dans une zone militaire. Elle va également se faire dire: «Monsieur, c'est bien dommage, mais vous ne pouvez pas poursuivre la Couronne. Vous ne pouvez pas poursuivre le gouvernement fédéral si vous étiez à l'intérieur de cette zone, même à votre insu, pour des torts qui vous seront causés.»

    Bien sûr, le projet de loi prévoit que le Conseil du Trésor peut compenser un citoyen, mais c'est laissé à sa discrétion. Si le Conseil du Trésor dit: «Non, je ne veux pas vous dédommager pour les torts qu'on vous a causés», si vous voulez poursuivre le gouvernement, vous ne pouvez pas parce que c'est ce qui est prévu dans le projet de loi.

    On trouve que ce projet de loi va vraiment trop loin. On n'est pas les seuls à le dire. Le commissaire à la protection de la vie privée le dit. Je pense que beaucoup de partis de l'opposition le disent également. Je crois que certains collègues libéraux, qui ont à coeur la Charte des droits et libertés, devraient s'opposer à ce projet de loi. Malheureusement, on ne les a pas beaucoup entendus jusqu'ici.

    J'admire le courage de mes collègues du gouvernement quand ils sont capables de se lever pour un principe fondamental afin de dire qu'ils ne sont pas d'accord. On vient justement de nous jouer des airs de violons d'orchestre symphonique sur le 20e anniversaire de la Charte des droits et libertés. À ce sujet, ce n'est pas compliqué. Le projet de loi attaque directement la Charte des droits et libertés.

    Dans plusieurs de mes discours, j'ai d'ailleurs déjà dit que je ne donne pas longtemps à ce projet de loi pour que, une fois adopté, il fasse l'objet d'une poursuite devant la cour. Des gens vont l'attaquer sur la base du non respect de la Charte des droits et libertés. Je pense que ces gens vont avoir raison de le faire. De la façon dont le projet de loi est présentement libellé, je pense qu'il est fort probable que les cours vont donner raison aux gens qui vont l'attaquer.

    Je crois donc que le gouvernement est allé trop loin. On se rappelle des jours qui ont suivi les terribles événements et la terrible catastrophe du 11 septembre. Tout le monde ici à la Chambre disait: «Il ne faut pas priver nos gens de la liberté parce qu'à ce moment-là, les terroristes auront réussi.»

    Depuis le début de mes discours, j'ai affirmé que les terroristes réussissent à convaincre les gouvernements de restreindre les droits et libertés. Je pense que cela est inacceptable dans notre contexte.

    Il n'est pas trop tard. Le projet de loi sera certainement renvoyé en comité. J'ai été absent quelques jours de la Chambre à cause de mon voyage avec l'OTAN. J'ai hâte de voir quel type de comité va se pencher sur ce projet de loi. C'est un projet de loi omnibus. On y parle de transports. C'est d'ailleurs le ministre des Transports qui pilote le projet de loi. Cependant, on y parle également de la Défense nationale et du solliciteur général. C'est un projet de loi qui touche plusieurs lois.

    Il ne sera alors pas trop tard pour proposer des amendements. Cependant, dans son libellé et sa forme actuels, c'est impossible pour nous d'accepter ce projet de loi. Actuellement, l'idéal pour le gouvernement serait de le retirer et de refaire ses devoirs pour ne pas permettre à des terroristes de restreindre les droits et libertés de l'ensemble des sociétés occidentales. Cela m'apparaît très important.

    Si le gouvernement n'agit pas en ce sens, il faudra qu'il soit ouvert à plusieurs amendements. Au Bloc québécois, on est très loin d'être d'accord avec ce projet de loi. Il faudra plusieurs changements avant que le Bloc québécois puisse dire, en troisième lecture: «On soutient ce type de projet de loi qui restreint les droits et libertés des citoyens canadiens et québécois.

  +-(1515)  

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-55. J'ai hâte de voir la décision que vous rendrez sur l'amendement de mon collègue du Parti conservateur, parce que cet amendement, je l'appuie d'emblée. Il demande de jeter ce projet de loi à la poubelle, et je suis d'accord avec le député du Parti conservateur.

    Ce gouvernement n'a jamais justifié la raison pour laquelle ici, à la Chambre, nous devrions adopter une loi qui brimerait les libertés des personnes. Jamais, il n'a justifié pourquoi il fallait une loi aussi sévère à la suite des événements du 11 septembre dernier. Le 11 septembre est devenu le fourre-tout pour limiter les droits des citoyens.

    Je veux féliciter ma collègue de Terrebonne—Blainville qui, ce matin, a eu des appels téléphoniques de deux associations de femmes qui lui ont fait part de leurs objections au projet de loi C-55. Il est agréable de voir que ce sont encore les femmes de ce pays qui disent à ces hommes qui détiennent la majorité à la Chambre: «Il faut arrêter de brimer les libertés des citoyens et citoyennes canadiens et québécois. Il faut arrêter de brimer l'essence même de nos libertés.»

    Je désire remercier ces femmes et leur dire que j'ai entendu leur message et que moi, en tant que femme, je leur dis qu'elles ont raison. Il ne sert à rien de limiter les droits et libertés. Nous avons présentement à l'intérieur des lois existantes tous les moyens pour contrer des actes terroristes.

    Si ce gouvernement avait la volonté d'agir et de mettre en application ces lois que nous détenons présentement, ici au Canada, on ne parlerait pas du projet de loi C-55.

    Avant la période des questions orales, le député de Chicoutimi—Le Fjord a voulu anesthésier tout le monde en disant que c'est une belle loi. C'est bizarre, mais on dirait que c'est seulement ce gouvernement qui a raison. Beaucoup de gens, dont des éditorialistes, Amnistie Internationale et d'autres organismes ont dit: «Ce projet de loi devrait aller rejoindre l'ancien projet de loi C-42. Il devrait prendre le même chemin. Il devrait être retiré. Et ce gouvernement devrait refaire ses devoirs.»

    C'est bizarre, mais quand on est d'une autre formation, de ce côté-ci, et qu'on veut accéder au gouvernement, il semble qu'on change diamétralement de position. À ce sujet, je voudrais citer le député de Chicoutimi—Le Fjord dans une déclaration qu'il a faite le 22 février 2000, lorsqu'il était dans l'opposition:

Les libéraux ne veulent absolument pas aller consulter la population pour lui demander ce qu'elle en pense. L'arrogance, le mépris et l'indifférence envers la Chambre des communes et envers tous les Canadiens font maintenant partie d'une ligne de conduite qui commence à se généraliser au sein du gouvernement.

    C'est bizarre, mais quand on est du parti au pouvoir, on n'a plus d'idées. Je trouvais qu'il avait raison, quand il était dans l'opposition, et qu'il parlait de ce gouvernement.

    S'il y croit tant, au projet de loi C-55, avant de le mettre en vigueur, pourquoi ne va-t-il pas consulter, demander l'avis des gens, de la population en général? Une loi d'une telle nature va nous conduire à un cul-de-sac de répressions.

    Nous, du Bloc québécois, avons connu la Loi des mesures de guerre. Lors de ma dernière intervention, j'en avais fait mention. Certains de mes amis personnels ont été arrêtés, sans savoir pourquoi. Ils ont été amenés dans des endroits très secrets et détenus sans qu'on leur en donne les raisons.

    Le gouvernement pourra créer des zones militaires d'accès contrôlé et un seul ministre, celui de la Défense, pourra statuer quant à la délimitation de la zone.

  +-(1520)  

    Il va donner aux gens de la Défense l'ordre de créer une zone militaire. C'est lui qui va décider. C'est grave. On ne peut pas donner à une seule personne ce pouvoir illimité de contraindre des libertés civiles.

    Ce gouvernement dit toujours: «Les droits et libertés, c'est important. On a fêté l'anniversaire de la Charte des droits et libertés. Le Canada est reconnu à travers le monde pour être un grand pays démocratique.» Cependant, avec ce projet de loi, ils vont dans la même lignée que les Américains, dans la même lignée que des gens qui ont perdu le contrôle de ce qu'ils sont parce que les événements du 11 septembre dernier sont arrivés. Ils mettent tout dans le même panier et disent: «À partir de cela, je peux faire n'importe quoi, même aller jusqu'à brimer les droits et libertés des personnes.»

    Or, je n'appartiens pas à ce pays notamment à cause de la façon dont ce gouvernement pense qu'il doit y avoir des lois contraignantes au Canada. C'est pour cela que je désire en sortir. Si c'est vers cela que se dirige ce gouvernement, «no way», je passe mon tour. Je passe la balle et je dis à ce gouvernement: «Allez au centre. Pendant ce temps, on va se diriger chez nous et respecter les droits et libertés des personnes.»

    Au nom des gens du comté de Jonquière, j'affirme que jamais une telle loi ne devrait voir le jour. C'est un projet de loi répressif qui fait en sorte que les citoyens du comté de Jonquière n'auront jamais la possibilité de s'exprimer. Si le ministre de la défense décide de créer une zone qui entoure la base militaire de Bagotville, on ne pourra jamais savoir si on est à l'intérieur ou à l'extérieur. De plus, le ministre n'aura même pas consulté le gouvernement provincial pour lui demander: «On va voir ce qu'on pourrait mettre à l'intérieur de la zone.» Il n'aura même pas la gentillesse de le faire. Il va agir de la façon suivante: «C'est moi qui est le boss, c'est moi qui avance et qui décide.» Jamais les Québécois, les Jonquiérois et les Jonquiéroises n'accepteront une telle façon de faire d'un gouvernement.

    Je demande à ce gouvernement de retirer le projet de loi C-55, de le mettre aux poubelles et de dire: «On va réviser tous nos projets de loi qui sont sur la table. On est sûrs qu'il y a présentement tout ce qui faut pour faire en sorte de protéger le Canada en cas d'actes terroristes, comme ceux perpétrés le 11 septembre dernier.» Il n'est jamais trop tard pour reculer et dire: «Je n'ai pas raison.» Il n'est jamais trop tard pour dire: «Après discussion, oui, c'est vrai.»

    C'est drôle, mais on ne les entend pas de l'autre côté de la Chambre. Ils sont tellement silencieux. C'est grave ce qui arrive avec ce projet de loi. Pourquoi sont-ils silencieux? Comme moi, ils représentent des citoyens et des citoyennes. Ils sont là pour parler en leur nom et pour protéger leurs droits et libertés. C'est drôle qu'ils ne parlent pas. Est-ce que cela voudrait dire qu'ils sont tellement déconnectés des besoins de leurs concitoyens et concitoyennes et qu'ils flottent tellement que ce qui touche les gens dans le quotidien n'a plus aucune importance.

    Ce sont des questions très importantes auxquelles il va falloir répondre avant de voter sur le projet de loi C-55. Je demande donc en toute humilité à ce gouvernement de retirer ce projet de loi C-55 et de refaire ses devoirs pour faire en sorte que s'il présente un autre projet de loi, les provinces soient consultées et que les maires des nouvelles grandes villes du Québec le soient également.

    Dans ma région du Saguenay, on a un maire qui représente près de 148 000 électeurs. Notre nouveau maire, M. Jean Tremblay, ne sera même pas consulté. Il ne sera pas bien heureux de cela. Il est venu faire ici à la Chambre des communes et il a été fracassant lorsqu'il était dans les tribunes des visiteurs. Ils vont avoir du fil à retordre avec lui. Je leur dit: «Avant d'affronter le maire de Saguenay, vous seriez peut-être mieux de vous asseoir avec les intervenants, de retirer votre projet de loi et de faire en sorte que le projet de loi qui sera adopté soit rédigé en fonction du bien-être et des droits et libertés de tous les gens présentement au Canada, soit les Canadiens et les Canadiennes.

  +-(1525)  

+-

    M. Michel Guimond: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vous savez à quel point je respecte la présidence et comment je vous respecte en tant que parlementaire et spécialiste du droit parlementaire. Je pense qu'il est de commune renommée que vous êtes presqu'une sommité canadienne en matière de droit parlementaire.

    Dans cette perspective, et pour nous aider à planifier le reste de la journée et les interventions, nous aimerions savoir quand vous comptez rendre une décision sur l'amendement présenté par notre collègue de Pictou—Antigonish—Guysborough.

+-

    Le Président: J'espère que je pourrai le faire bientôt. Je peux assurer l'honorable député que j'étudie le problème en ce moment. Je remercie l'honorable député de son intérêt à cet égard.

[Traduction]

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, j'interviens concernant l'amendement auquel le député bloquiste vient de se reporter, qui a été proposé par le député de Pictou--Antigonish--Guysborough et qui est le suivant:

Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit:

«cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-55, parce qu'il constitue un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral au détriment du principe de la surveillance du Parlement et des libertés civiles des Canadiens.»

    Le projet de loi C-55 touche le pouvoir de prendre des arrêtés d'urgence et diverses autres lois, dont la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, la Loi sur la sûreté du transport maritime et le Code criminel du Canada.

    L'absence de détails concernant la Loi sur l'aéronautique était une de nos préoccupations concernant la mesure initiale, le projet de loi C-42, présentée l'automne dernier dans la foulée des attentats terroristes du 11 septembre. Des modifications ont été apportées à la partie du projet de loi C-55 ayant trait à la Loi sur l'aéronautique.

    La partie du projet de loi traitant de la Loi sur la défense nationale a quelque peu été modifiée. Les zones de sécurité militaire alors proposées sont devenues des zones militaires d'accès contrôlé. Les Canadiens sauront exactement ce que cela signifie le mois prochain, à Kananaskis. Le projet de loi C-55 stipule que ces zones pourraient être créées uniquement pour protéger les biens du MDN ou les biens de toute force étrangère au Canada. Les changements sont relativement anodins.

    Pour ce qui est des arrêtés d'urgence, le projet de loi exigerait maintenant qu'ils soient approuvés par le gouverneur en conseil dans un délai de 45 jours au lieu de 90. Ils devront être déposés au Parlement dans un délai de 15 jours. Là encore, les changements sont relativement anodins et ne dissipent pas vraiment les craintes concernant l'abus de pouvoir et la prise d'arrêtés d'urgence.

    La Loi sur l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien a reçu la sanction royale après le dépôt du projet de loi C-42 l'automne dernier. Le projet de loi C-55 a été mis à jour pour tenir compte de l'adoption de cette mesure législative. Si les députés libéraux avaient bien fait leur travail, cette partie du projet de loi aurait d'abord été proposée sous forme de modification conditionnelle. Le fait qu'elle ne l'a pas été fait ressortir la manière dont le gouvernement a improvisé sa politique en matière de sécurité ces derniers mois.

    Contrairement au projet de loi C-42, le projet de loi C-55 va ajouter à la Loi sur la sûreté du transport maritime un nouvel article donnant au gouvernement le pouvoir de verser des fonds aux autorités portuaires pour aider à financer certaines nouvelles mesures de sécurité. Notre porte-parole en matière de justice de 1997 à 2000, M. Peter Mancini, a déclaré que le gouvernement libéral regretterait amèrement le jour où il a privatisé les autorités portuaires. Ce jour est arrivé même plus rapidement que M. Mancini ne l'avait prévu.

    Le projet de loi C-55 élargirait la portée du Code criminel au sujet des incitations à craindre des activités terroristes.

    On a apporté un certain nombre de modifications au projet de loi C-55, mais en tant que défenseurs de libertés civiles, nous avons encore des réserves. En un sens, c'est un programme de sécurité publique amélioré. Cependant, ces améliorations s'imposaient. À la suite des événements du 11 septembre, on a présenté en toute hâte le projet de loi C-42. Le gouvernement n'a rien fait à ce sujet de novembre jusqu'à avril, lorsqu'il a présenté le projet de loi révisé, le projet de loi C-55. Il aurait dû apporter des améliorations importantes à ce moment-là, mais il n'en a rien fait. Les gens qui suivent la politique et qui sont conscients du fait que les néo-démocrates ont soutenu avec vigueur les libertés civiles au fil des ans ne devraient donc pas être surpris de voir que nous continuons à nous opposer à cette mesure législative.

  +-(1530)  

    Le gouvernement veut se donner le pouvoir d'espionner les listes des passagers à bord d'avions à destination de villes situées au Canada ou à l'étranger. C'est trop. Il a présenté le projet de loi C-42 antiterroriste qui a été largement critiqué par les défenseurs des libertés civiles, qui disaient qu'il était draconien et dangereux pour la liberté des citoyens canadiens. C'est peut-être la raison pour laquelle le gouvernement a fait une pause l'automne dernier et n'est pas allé de l'avant avec le projet de loi.

    Je le répète, au sein de notre parti, nous ne croyons pas que la nouvelle version soit une grande amélioration. Le projet de loi est beaucoup trop sévère. Certaines personnes ont signalé qu'il était draconien sous sa forme actuelle. Je le répète, il est compréhensible que des erreurs soient commises lorsque des projets de loi sont élaborés en toute hâte à la suite d'une tragédie. Cependant, avec du recul, il est regrettable que tant d'erreurs demeurent dans le projet de loi.

    Les néo-démocrates ne sont pas les seuls à s'opposer au projet de loi C-55 et à parler contre cette mesure. Le commissaire à la protection de la vie privée a de graves réserves, à tel point qu'il est allé, chose plutôt extraordinaire, jusqu'à rendre publique la lettre qu'il a envoyée au ministre des Transports à ce sujet. Cette lettre portait plus particulièrement sur la disposition 4.82 du projet de loi. Le commissaire à la protection de la vie privée craignait que les dispositions du projet de loi C-55 puissent modifier fondamentalement et inutilement l'équilibre qui existe entre les individus et l'État et qui devrait exister dans une société libre comme la nôtre.

    Le commissaire à la protection de la vie privée, M. Radwanski, dit éprouver de vives inquiétudes au sujet des droits civils et des droits à la vie privée des Canadiens. Cela nous préoccupe tous. Du moins, cela devrait tous nous préoccuper. Le commissaire à la protection de la vie privée n'est pas le seul à penser ainsi. Au moins un député libéral d'arrière-ban a exprimé publiquement la crainte que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne donne aux ministres des pouvoirs excessifs, au détriment des libertés civiles des Canadiens.

    Nous faisons la même mise en garde à la Chambre des communes. Nous en appelons à la prudence et à la protection des libertés civiles, comme l'ont fait avant nous de grands politiciens, des hommes comme Tommy Douglas et David Lewis qui, à l'automne 1970, se sont élevés dans cette Chambre contre la Loi des mesures de guerre. Le pays connaissait alors une situation d'urgence. À la réflexion, nous sommes aussi en situation d'urgence. Il est indigne du gouvernement de procéder de cette façon avec ce projet de loi à cette période-ci.

    Comme je l'ai dit, le gouvernement a attendu quatre mois avant de présenter le projet de loi. Puis, il se dépêche de le faire adopter avant les vacances estivales, dans moins de trois semaines. Où était le gouvernement depuis que le projet de loi a été présenté en novembre? Pourquoi n'en a-t-on pas discuté avant ce printemps? Nous avons traité entre-temps de sujets relativement mineurs. Nous aurions pu étudier un projet de loi plus important, comme celui-ci, mais nous ne l'avons pas fait.

    Il nous appartient, en tant que parlementaires, d'approfondir et de scruter le projet de loi comme il se doit. Nous posons les questions que les Canadiens veulent entendre. Nous espérons ainsi donner au gouvernement et à la population le temps de se pencher sur la situation.

    Notre parti s'oppose au projet de loi et est favorable à l'amendement soumis par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Nous prions le gouvernement de revenir sur l'échéance serrée et irréaliste qu'il a établie et de nous accorder le temps nécessaire pour consulter tous les Canadiens et les parlementaires au sujet du projet de loi C-55.

  +-(1535)  

[Français]

+-

    Le Président: La présidence est prête à se prononcer sur l'acceptabilité de l'amendement proposé par l'honorable député de Pictou—Antigonish—Guysborough plus tôt aujourd'hui.

    Je dois dire en commençant que la présidence a des préoccupations concernant cet amendement.

[Traduction]

    Ces préoccupations découlent principalement du langage coloré que le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a décidé d'utiliser dans l'amendement. Pour un président indépendant, c'est toujours un choc de relever une telle formulation dans une motion présentée à la Chambre.

    Toutefois, j'ai survécu au choc et j'ai décidé d'examiner des précédents qui, j'en suis sûr, sauront intéresser le député. Ils sont dans certains cas tirés de la section de Marleau et Montpetit portant sur la recevabilité des amendements motivés.

[Français]

    Je réfère les honorables députés à une situation qui s'est passée en 1971. On peut trouver la référence à la page 7764 du hansard de cette date. L'honorable député de Edmonton-Ouest, M. Lambert, a proposé un amendement à un projet de loi concernant l'impôt.

[Traduction]

    L'amendement qu'il avait proposé est ainsi libellé:

Qu'aux mots suivant le mot «Que» on substitue ce qui suit:

«Cette Chambre, profondément préoccupée par des niveaux inacceptables d'inflation, un chômage persistant et une industrie stagnante, et consciente de la nécessité d'une réforme fiscale importante, refuse de donner deuxième lecture à un projet de loi qui ne stimule pas suffisamment l'économie du Canada à l'aide de réductions d'impôt et de stimulants fiscaux appropriés, qui ne comprend pas d'exemptions d'impôt pertinentes et qui n'est pas établi pour améliorer la conjoncture économique et les conditions de travail sur le plan matériel au Canada immédiatement ou dans un avenir prévisible.»

    L'amendement a suscité un long débat concernant sa recevabilité sur le plan de la procédure, après quoi le Président Lamoureux a exprimé ses préoccupations au sujet de la recevabilité de l'amendement, tout en décidant en bout de piste de l'accepter. Il a notamment dit ce qui suit:

Les députés ont reconnu qu'il est difficile pour la présidence de se prononcer sur l'aspect des amendements raisonnés lié à la procédure. Les députés ayant participé à ce très intéressant débat sur la procédure ont dit, ou certains d'entre eux ont dit, qu'il est de plus en plus difficile de proposer des amendements motivés raisonnables. Je ne peux être entièrement d'accord avec cette affirmation. Si les députés veulent bien se reporter au registre de la Chambre des communes, ils constateront que, durant la plus grande partie de notre histoire parlementaire, de soi-disants amendements motivés n'ont été proposés qu'en de rares occasions. Il semble que ce n'est qu'au cours des dernières années que les députés ont commencé à recourir à ce moyen, c'est-à-dire l'amendement motivé, à l'étape de la deuxième ou de la troisième lecture des projets de loi.

    C'était manifestement ainsi à l'époque, mais les choses ont maintenant changé. Il se trouve que nous avons un peu plus souvent ce genre d'amendements mais, habituellement, les amendements prévoient un renvoi à six mois, le renvoi du projet de loi à un comité ou son rejet pour un motif qui est précisé.

    Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a proposé:

Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit:

«Cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-55 parce qu'il constitue un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral au détriment du principe de la surveillance du Parlement et des libertés civiles des Canadiens.»

  +-(1540)  

[Français]

    Comme je l'ai indiqué au commencement, j'ai des inquiétudes au sujet des termes employés par l'honorable député de Pictou—Antigonish—Guysborough dans le texte de son amendement. Malgré cela, et avec certaines réserves, j'ai décidé que l'amendement était acceptable et je le soumets maintenant à la Chambre.

[Traduction]

    Par conséquent, le débat porte sur l'amendement.

[Français]

+-

    M. Michel Gauthier: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je cherche à obtenir le consentement unanime de cette Chambre pour que soit adoptée la motion suivante:

Que la Chambre des communes s'étonne de la décision de Sa Majesté la Reine Elizabeth II d'inviter le groupe de motards criminalisés Hells Angels à participer aux festivités entourant le 50e anniversaire de son règne, et lui demande de réviser cette décision.

+-

    Le Président: Est-ce que le député de Roberval a le consentement unanime de la Chambre afin que cette motion soit adoptée?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

+-

    M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Monsieur le Président, c'est à mon tour de prendre la parole pour me scandaliser un peu et beaucoup quant au projet de loi C-55.

    À peu près tout le monde se prononce contre le projet de loi C-55, qui fait suite au projet de loi C-42 qu'on a dû retirer parce qu'il était inacceptable. Le projet de loi C-55 n'est pas tellement plus acceptable.

    Quand on profite des événements comme ceux du 11 septembre pour porter atteinte à la vie privée des gens, le terrorisme n'est presque plus le terrorisme, mais ce sont les projets de loi qui deviennent terroristes. Il n'est pas sensé de se servir d'un événement comme celui du 11 septembre pour enlever la liberté des gens.

    Le journaliste Michel C. Auger, dans le Journal de Montréal, écrit ceci: «Le droit de la terreur.» C'est assez incroyable de voir jusqu'à quel point on cherche à brimer les droits des citoyens. Le commissaire à la protection de la vie privée dit la même chose. On profite des occasions comme celle du 11 septembre pour entrer dans la vie privée des gens et pour la brimer.

    Même dans un pays où il est de notoriété publique qu'on respecte la vie privée, même dans un pays où on vient de faire l'éloge du respect de la Charte des droits et libertés, même dans un pays qui donne l'exemple à d'autres pays qui n'ont pas de très bonnes habitudes quant au respect de la vie privée, même dans un pays comme le nôtre, on en est rendus à profiter de circonstances comme celles du 11 septembre pour brimer la vie privée. On ne peut pas être d'accord avec un projet de loi comme celui-ci, surtout quand on parle de zones de sécurité et quand on voit aussi le peu de crédibilité qu'ont nos ministres.

    Quand on me dit que le ministre aurait des pouvoirs comme ceux qu'on donne dans ce projet de loi, cela me donne chaud. En effet, on voit jusqu'à quel point quand il se produit des choses et quand on pose des questions, le ministre, soudainement, n'a plus assez de pouvoirs.

    C'est le rôle des fonctionnaires. C'est la faute d'un peu tout le monde. Le ministre de la Justice nous a même dit aujourd'hui qu'il n'a pas assez de pouvoirs. Il voudrait être capable de décider sur encore davantage de choses. Ce projet de loi donne définitivement au ministre des pouvoirs excessifs.

    J'ai eu l'occasion d'en parler. Quand je parle de zones de sécurité, une image me vient à l'esprit. Je pense au lac Saint-Pierre, qui est dans ma région. On a une belle zone de sécurité. Depuis 1952, on s'est servi du lac Saint-Pierre dans le cadre de pratiques de tir. C'est censé être une zone de sécurité. À cause de ces pratiques de tir, il y a encore 300 000 obus dans le lac Saint-Pierre.

    À cet égard, le ministre a des pouvoirs. De quelle façon se sert-il de ces pouvoirs? Est-ce que c'est pour dépolluer le lac Saint-Pierre? Est-ce que c'est pour dépolluer la rivière Jacques-Cartier? Est-ce que c'est pour dépolluer les endroits où les militaires ont fait des pratiques de tir, où il a de l'armement et où se trouve la zone dite de sécurité? Il y a une zone de sécurité au lac Saint-Pierre. Il y a des endroits où on n'est même pas capables d'aller ni à la pêche ni à la chasse. Il y a donc une zone dite de sécurité au lac Saint-Pierre. Quelle sécurité? Il y a 300 000 obus au fond du lac Saint-Pierre.

    Il y a 10 000 obus qui pourraient exploser n'importe quand. Il y a d'ailleurs eu mort d'hommes à la suite de la remontée des obus par les glaces du lac Saint-Pierre.

  +-(1545)  

    Dans les années 1980, un couple se préparait à prendre sa retraite et avait construit un beau voilier pour faire le tour du monde. Un soir, avant de partir, ils ont décidé de faire un beau feu de joie sur le bord de la zone de sécurité du lac Saint-Pierre. Quelqu'un avait trouvé un obus, mais ne sachant pas ce que c'était parce que l'obus était un peu endommagé par le temps, l'a jeté dans le feu de joie. Le feu de joie est devenu un feu de peine, un feu de guerre et il y a eu mort d'homme.

    Encore aujourd'hui et à chaque année, on est obligé de survoler les frontières du Saint-Laurent jusqu'à l'île d'Orléans pour essayer de récupérer les obus qui pourraient sortir du lac Saint-Pierre. On pose des questions ici à la Chambre à ce sujet. Le ministre a des pouvoirs. On dit qu'il faut faire confiance au ministre. Il en a des pouvoirs. Mais quand va-t-on dépolluer le lac Saint-Pierre?

    On me parle de zones de sécurité et on me dit qu'il ne faut pas avoir peur de cela. À mon avis, le terrorisme, c'est souvent le comportement du gouvernement. Souvent, j'ai davantage peur de cela. Si on veut donner des pouvoirs au ministre, je serais d'accord si on respectait ces pouvoirs et si on répondait d'abord aux questions des députés ici, au Parlement.

    On pose des questions sur à peu près tous les sujets et quand on répond, on le fait évasivement. Certains ministres sont muets depuis deux ou trois jours, ici, parce qu'ils ont eu l'ordre de ne pas répondre pour ne pas trop se faire prendre la main dans le sac. C'est cela, la sécurité de l'avenir? C'est avec cela qu'on va sécuriser le public? C'est avec cela qu'on va donner confiance aux gens?

    Je vois un député d'en face rire de cela, mais ce n'est pas drôle. C'est triste, parce que ce même député, lors de la précédente législature, aurait parlé comme moi. Malheureusement, il est maintenant devenu muet, et s'il parle, il doit le faire comme le veut le gouvernement.

    Une voix: Le député de Chicoutimi--Le Fjord.

    M. Marcel Gagnon: C'est ça, le député de Chicoutimi--Le Fjord. Jamais on ne me fera accepter que le remède qu'on veut administrer, s'il est plus grave que la maladie qu'on veut guérir, on doive accepter un tel remède.

    Qu'on devienne un gouvernement responsable. Qu'on décide de répondre aux questions et de donner confiance à la population. Quand des sondages démontrent que plus de 70 p. 100 de la population n'ont pas confiance en leurs législateurs, on peut se poser des questions. Et on veut donner des pouvoirs comme celui-là à des législateurs en qui la population n'a pas confiance? Je trouve que c'est jouer avec le feu.

    J'ai 66 ans et j'ai vécu les heures des mesures de guerre des années 1970. J'ai vécu ces moments. J'étais sur la route. Je sais jusqu'à quel point on était en danger, pas en raison du terrorisme, mais à cause de ceux qui sont supposés nous protéger contre le terrorisme. Au moins 500 personnes ont été emprisonnées sans même savoir pourquoi.

    Et je voterais pour donner ces pouvoirs à ce gouvernement? Jamais. Qu'on répare les erreurs, qu'on nettoie le lac Saint-Pierre, que le gouvernement prenne ses responsabilités et on s'en reparlera.

  +-(1550)  

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur l'amendement de mon collègue conservateur au projet de loi C-55.

    On a fait beaucoup de débats autour de ce projet de loi C-55 au cours des dernières semaines. Plus on regarde le projet de loi et plus on avance dans les débats, plus on se rend compte que, de ce côté-ci de la Chambre, nous avions tout à fait raison d'intervenir et de nous y opposer.

    De jour en jour, des rapports d'organismes internationaux démontrent qu'il y a des États, que l'on nommera tout à l'heure et dont le Canada fait partie, qui ont abusé d'un certain nombre de pouvoirs pour brimer la liberté d'expression et la liberté individuelle.

    Ce débat sur le projet de loi C-55 tombe bien aujourd'hui puisqu'il y a quelques jours, Amnistie Internationale publiait un rapport assez éloquent sur les mesures prises par certains pays face à la situation nouvelle que nous connaissons depuis le 11 septembre. Certains pays ont fait des ajustements à la suite de cette situation, mais souvent au détriment de ce qu'il y a de plus essentiel dans une société civilisée et dans une société démocratique. Je parle ici des droits humains et de la liberté.

    Le rapport d'Amnistie Internationale nous indique que des pays comme la Grande-Bretagne, le Canada et d'autres ont utilisé des mesures spéciales assez exceptionnelles qui démontrent que les libertés individuelles et les droits humains ont été bafoués. Le Canada fait partie de cette liste de pays. Certains ont estimé qu'il pouvait être qualifie de totalitaire si l'on regarde l'essence du projet de loi qui est devant nous. Je le dis sans crainte d'être jugé puisque c'est le commissaire à la protection de la vie privée lui-même qui a indiqué, il y a près d'un mois, soit le 2 mai, au sujet du projet de loi C-55, et je cite: «Certaines mesures s'inspirent carrément de certains États totalitaires.»

    Ce n'est pas rien ce que le commissaire a donné comme avis au sujet de ce projet de loi. Un pays, qui se dit aujourd'hui le défenseur des libertés et des droits, se permet d'utiliser des situations comme celles que l'on connaît depuis le 11 septembre et profite d'un tel prétexte pour arriver avec des mesures coercitives. C'est plutôt déplorable. On sait que ce pays fait croire à la communauté internationale qu'il est respectueux des droits humains.

    Mardi, on étudiera une motion que j'ai déposée à la Chambre. C'est une motion qui fera l'objet d'un vote, comme cela a été décidé par le Sous-comité des affaires émanant des députés. Cette motion demande au gouvernement du Canada de ratifier la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.

    Je prends la peine d'indiquer qu'il y aura ce débat mardi à la Chambre des communes. Je rappelle aussi que lors de la première heure de débat, le gouvernement d'en face a refusé de se rendre aux arguments du Bloc et d'Amnistie Internationale qui avaient fait signer une pétition par 75 000 Canadiens, demandant au gouvernement de ratifier cette Convention interaméricaine.

    Pourquoi est-ce que je dis qu'il est fondamental de ratifier ces conventions protégeant les droits humains? C'est pour faire en sorte que les mesures prises à l'intérieur de nos frontières ne viennent pas entacher et brimer la liberté des individus.

  +-(1555)  

    Depuis de nombreuses années, le Canada se comporte trop comme son voisin du Sud. En effet, concernant cette convention interaméricaine sur la torture, seulement neuf pays sur 34—on ne parlera pas de 35 pays, mais bien de 34 pays, parce qu'on n'inclut pas Cuba—n'ont pas encore ratifié cette convention, dont le Canada et les États-Unis.

    Ce n'est pas pour rien que, ce matin, dans un éditorial du Devoir, on rappelait que le Canada refusait, depuis de nombreuses années, de signer ces conventions. Je cite un article de Serge Truffaut du Devoir de ce matin; c'est un éditorial qui s'intitule: «La sécurité contre les libertés.»

    À la fin de cet éditorial, il indique ceci:

    Pour donner bonne mesure, le Canada a lui aussi orchestré toute une série de mesures. La section canadienne d'Amnistie Internationale s'est dite inquiète des politiques élaborées à l'endroit des réfugiés, de l'adhésion tout en lâcheté d'Ottawa au statut juridique que les Américains ont arrêté pour les prisonniers de guerre. Surtout, Amnistie retient que onze ans après avoir rejoint l'Organisation des États américains, le Canada n'a toujours pas signé l'un des six traités régionaux en matière de droits de la personne.

    Alors que le premier ministre, sur la scène internationale, se vante d'être un défenseur des droits humains, alors que le Canada s'apprête à s'engager dans une zone de libre-échange des Amériques, eh bien, je pense que les droits humains et fondamentaux doivent être respectés.

    Trop de pays suivent encore cette tangente qui est, à mon avis, totalement inacceptable. C'est pour cela que ce matin, Michel C. Auger, entre autres, comme le disait mon collègue de Champlain, n'a pu s'empêcher de parler de la situation déplorable que le Canada vit actuellement.

    Soit dit en passant, le Canada n'est pas le seul pays à prendre cette tangente. Il y a naturellement nos voisins du Sud et la Grande-Bretagne qui, justement, font en sorte de prendre des mesures qui sont souvent coercitives et qui briment les libertés.

    Dans son éditorial de ce matin, Michel C. Auger dit la chose suivante—je ne lirai que le préambule:

    La sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme sont en train de devenir, un peu partout dans le monde, les meilleures excuses pour brimer les droits fondamentaux.

    Dans cet article, il fait justement référence au rapport d'Amnistie Internationale, et il ajoute:

    C'est une logique tordue, comme dire que le meilleur moyen de garantir les libertés, c'est de les restreindre.

    Puisqu'il ne me reste plus qu'une minute, j'ajoute qu'il faut avoir une vision globale de la situation en ce qui a trait au 11 septembre, et ne pas se limiter aux simples événements. Il nous faut établir, au Canada, un véritable équilibre entre liberté et sécurité, ce que le Canada n'a pas encore compris.

    Il est encore temps, puisque nous sommes encore à l'étude du projet de loi C-55, de prendre des mesures pour véritablement atteindre cet objectif fondamental qui est, bien sûr, d'assurer la sécurité nationale du Canada, tout en respectant les libertés individuelles et les droits fondamentaux.

  +-(1600)  

[Traduction]

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le Président, il est important de bien comprendre la motion dont nous sommes convenus à ce stade. Je voudrais en citer un passage. Si elle est adoptée, elle aura pour effet de permettre à la Chambre de refuser de donner deuxième lecture au projet de loi C-55 dont elle dit ceci:

...il constitue un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral au détriment du principe de la surveillance du Parlement et des libertés civiles des Canadiens.

    À vrai dire, je n'aurais su mieux m'exprimer. En fait, c'est précisément de cela dont il s'agit dans le projet de loi.

    Comme je l'ai dit à la Chambre hier quand j'ai fait d'autres observations au sujet du projet de loi, ce dernier est véritablement inutile. Je n'ai pas pu m'empêcher, en l'étudiant, de penser à l'application de la Loi sur les mesures de guerre en 1970. J'étais en troisième année à la faculté de droit. Je me souviens des conséquences que l'application de cette loi a eues à l'époque sur les libertés civiles des Canadiens, et notamment certains groupes dont je faisais partie. Je me souviens de l'angoisse qu'en avaient ressentie les Canadiens qui avaient alors craint pour la libre expression et autres libertés civiles.

    Comme nous l'apprennent l'histoire, l'imposition de la Loi sur les mesures de guerre et tous les enseignements que nous en avons tirés, dans une très large mesure, le recours à cette loi et son application au Québec, et, de façon plus générale, au reste du Canada, s'expliquent, à l'évidence, par une réaction de panique de la part du gouvernement de l'époque. Le projet de loi C-55 me donne l'impression de revivre aujourd'hui cette réalité. Je rappelle que les événements du 11 septembre remontent à neuf mois déjà et que la panique d'alors devrait s'être dissipée depuis. Nous devrions être en mesure de prendre du recul, d'examiner le projet de loi, et de comprendre qu'il recèle différentes dispositions que nous devons uniquement à la panique, et que ces dispositions ne servent aucun objectif législatif. Il n'est pas nécessaire de répéter les actions menées en 1970 au Canada.

    Je voudrais citer un article de Ken Rubin, paru dans le journal The Hill Times le 27 mai, c'est-à-dire lundi dernier. Il s'agit de son analyse de la situation. Il convient de saluer le travail accompli par M. Rubin au fil des années, à déterrer les erreurs et les abus, oui, les abus, du gouvernement. Nous devrions reconnaître le travail qu'il a accompli pour rehausser le débat sur bon nombre de ces questions.

    M. Rubin a déclaré:

Ottawa manque le bateau en se concentrant de façon obsessive et exclusive sur les risques au chapitre de sécurité et de la sûreté au lieu de s'attaquer aux problèmes de santé et d'environnement susceptibles de faire des victimes, notamment la mise au rebut des médicaments dangereux et des déchets toxiques. La mesure législative rassemble un groupe de mesures secondaires n'ayant pas de lien les unes avec les autres. Il s'agit par exemple de la prise de règlements plus sévères concernant les explosifs et de la prévention des usages non autorisés des systèmes informatiques du ministère de la Défense. Toutefois, la mesure ne prévoit pas les outils juridiques nécessaires pour élaborer un plan de prévention des urgences en matière de sécurité publique suite aux événements du 11 septembre. Il faut par conséquent s'interroger sur l'utilité d'une telle mesure législative.

    Je pense que cette déclaration d'un paragraphe illustre à la fois les dangers que comporte un tel projet de loi de même que son utilité.

    Je reviens à la motion du député de Pictou—Antigonish—Guysborough que nous débattons présentement. En fait, le député dit au gouvernement de retirer le projet de loi, de le remanier et de présenter à la Chambre uniquement les éléments qui ont un objectif et une fonction appropriés. J'enjoins la Chambre à appuyer le député qui dit en fait au gouvernement de ne pas prendre le mors aux dents, de laisser tomber les éléments qui sont de toute évidence abusifs en matière de droits civils et qui constituent une menace pour les droits de la personne au Canada et les libertés civiles en général.

  +-(1605)  

    C'est un projet de loi omnibus et il ne devrait pas en être ainsi. Nombre des dispositions du projet de loi devraient en fait constituer des projets de loi individuels. Le cas échéant, cela faciliterait grandement la tâche des comités de la Chambre. Certaines dispositions qui s'imposent pourraient vraisemblablement êtres adoptées assez rapidement par la Chambre.

    Je songe par exemple à la partie du projet de loi sur les administrations portuaires canadiennes qui pourrait être traitée assez rapidement. Ces dispositions prévoient que le gouvernement fédéral, en vertu des modifications proposées, serait en mesure de financer les mesures de sécurité pour les administrations portuaires. Je sais par expérience que l'administration portuaire de Windsor a un besoin urgent de financement. En fait, elle est bien loin d'avoir la capacité financière d'assurer le genre de mesures de sécurité nécessaires dans ma région. Or, si ce genre de modification et de disposition faisaient l'objet d'un projet de loi individuel, la Chambre pourrait l'examiner et l'adopter avec diligence. De nombreuses autres dispositions pourraient être traitées de la même façon.

    Du point de vue d'un parti de l'opposition, nous ne pouvons d'aucune façon appuyer ce projet de loi dans son intégralité. Cela est tout simplement impossible. En l'appuyant, nous renierions toutes les responsabilités que nous avons envers les Canadiens, car un grand nombre des dispositions du projet de loi sont susceptibles d'être utilisées de façon abusive contre eux. Alors qu'il vise à nous protéger, le projet de loi fait tout le contraire. Il nous expose à des abus flagrants de la part du gouvernement, comme nous l'avons vu au Québec en 1970 lorsque la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée et que des gens, arrêtés inutilement, se sont fait dénier leurs libertés fondamentales.

    Selon un vieil adage, si nous ne tirons pas de leçons de l'histoire, nous répéterons nos erreurs. On pourrait penser que le gouvernement a appris de cette expérience. On pourrait penser que, par respect pour un de ses anciens chefs qui s'est battu vaillamment pour que nous ayons une charte des droits et libertés, le gouvernement n'aurait pas oublié. On pourrait penser qu'aujourd'hui, au lieu de débattre un projet de loi qui érode ces libertés de diverses façons, nous nous ferions à la Chambre les champions d'une mesure législative qui procure la sécurité aux Canadiens et ne leur enlève pas leurs droits fondamentaux.

  +-(1610)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, au nom des Québécoises, des Québécois, des Canadiens et des Canadiennes qui nous écoutent, il me fait plaisir de prendre la parole une deuxième fois aujourd'hui à la Chambre dans le débat sur le projet de loi C-55 et sur l'amendement présenté par notre collègue du Parti progressiste-conservateur.

    Quelques députés libéraux sont intervenus aujourd'hui. Depuis maintenant à peu près trois jours que l'on parle du projet de loi C-55, ils ont été bien absents de ces discussions. C'est le même chose pour les députés de l'Alliance canadienne. C'est le signe que les droits et libertés de la personne ne sont pas d'un intérêt très important pour les députés libéraux du Québec et du Canada ainsi que pour les députés de l'Alliance canadienne.

    Pourquoi? Parce que le gouvernement libéral est centralisateur et l'Alliance canadienne n'est pas mieux. Elle voudrait probablement centraliser beaucoup plus encore les pouvoirs vers le gouvernement central. Je vais essayer de faire comprendre à ceux et celles qui nous écoutent l'importance des déclarations lues dans les journaux depuis maintenant plus d'un mois.

    Je mentionnerai seulement les titres. Dans La Presse du jeudi 2 mai 2002, on titrait: «Le commissaire à la vie privée condamne le projet de loi C-55. Certaines mesures s'inspirent carrément de certains États totalitaires dénonce-t-il.»

    Le 19 mai, une manchette disait: «Lutte antiterroriste: demi-vérité et affirmation trompeuse. Le commissaire à la vie privée accuse le solliciteur général de se servir des attentats du 11 septembre pour donner aux policiers des pouvoirs supplémentaires indus.» Il ne faut jamais oublier que le solliciteur général est celui qui s'occupe entre autres de la GRC et du SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité. C'est donc une accusation grave que fait le commissaire à la vie privée.

    Pas plus tard qu'hier, une autre manchette disait: «Amnistie Internationale fait le bilan. Le 11 septembre a fait mal aux droits de la personne.»

    C'est à cela qu'on fait face dans le projet de loi C-55. Dans le court laps de temps qui m'est accordé, je vais tenter d'expliquer ce qui a été ajouté, soit ce qui n'était pas dans le projet de loi C-42 et ce qu'on retrouve dans le projet de loi C-55 touchant la fourniture de renseignements personnels.

    Par exemple, au paragraphe 4.81(1) on peut lire, et je cite:

    

    4.81(1) Le ministre ou le fonctionnaire du ministère des Transports qu'il autorise pour l'application du présent article peut, pour la sûreté des transports, demander à tout transporteur aérien ou à tout exploitant de systèmes de réservation de services aériens qu'ils lui fournissent, selon les modalités—de temps à autres—qu'il précise:

a) les renseignements mentionnés à l'annexe [...]

    Cela veut dire que maintenant, les compagnies aériennes auront l'obligation de fournir ces renseignements au ministère des Transports pour des raisons de sécurité. J'expliquerai tantôt à qui le ministre des Transports ou ses fonctionnaires ont l'obligation de dévoiler ces informations.

    Avant, j'aimerais faire part des informations que vous serez obligés de fournir à votre compagnie aérienne, que l'on retrouve en annexe:

    5. Le numéro du passeport de la personne [...]

    15. La ville ou le pays où le voyage couvert par le dossier [...]

    16. Les villes inscrites à l'itinéraire [...]

    17. Le nom de l'utilisateur de l'aéronef à bord duquel la personne se trouve ou se trouvera vraisemblablement [...]

    28. Les numéros de téléphone de la personne [...]

    29. L'adresse de la personne [...]

    donc votre adresse, votre numéro de téléphone;

    30. Le mode de paiement du billet de la personne

    donc comment vous l'avez payé;

    On parle de votre carte de crédit. Ils auront vos numéros de carte de crédit.

    32. Le cas échéant, une indication que l'itinéraire couvert par le dossier client du passager [...] comporte des segments qui doivent être assurés par des modes de transport indéterminés

    Vous devrez donc dire où vous allez, dans quelle ville, comment vous allez vous déplacer dans cette ville d'un endroit à l'autre. Il y a aussi:

    33. L'itinéraire du voyage couvert par le dossier client du passager [...]

    Il s'agit donc de tout votre itinéraire de voyage.

    Maintenant, le ministère des Transports oblige les compagnies aériennes à lui fournir ces renseignements. Que vont en faire le ministre des Transports ou ses fonctionnaires? Ils pourront faire ceci avec ces renseignements, et je cite encore l'article 4.81 du projet de loi:

    (3) Les renseignements fournis au titre du paragraphe (1) ne peuvent être communiqués à l'extérieur du ministère des Transports que pour la sûreté des transports et qu'aux personnes suivantes:

a) le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration;

b) le ministre du Revenu national;

c) le premier dirigeant de l'Administration canadienne de la sûreté [...]

    Une nouvelle administration sera en charge de la sécurité à travers le Canada, mais elle n'existe pas encore.

d) toute personne désignée au titre des paragraphes 4.82(2) ou (3).

  +-(1615)  

    Ce qui est important, aux paragraphes (2) et (3), c'est très simple: c'est la référence au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada au paragraphe (2), et la référence au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité au paragraphe (3).

    Maintenant, le ministère des Transports peut obliger la compagnie aérienne à lui fournir des renseignements lorsqu'il juge qu'il y a un problème de sécurité, et il pourra les transférer au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, au ministre du Revenu national, au premier dirigeant de l'Administration canadienne de la sûreté du transport, au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et au directeur du Service canadien du renseignement de sécurité.

    Que pourront faire ces personnes? On nous dit qu'à l'intérieur du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, à l'intérieur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et de l'Administration canadienne de la sûreté du transport, ces renseignements ne pourront être communiqués qu'à des fins de sécurité.

    Mais vont-ils les conserver longtemps? Les trois ministères que je viens de mentionner, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, l'Agence des douanes et du revenu du Canada et l'Administration canadienne de la sûreté du transport pourront les conserver pendant sept jours. Ces personnes, ces organismes ainsi que le ministère des Transports pourront donc conserver ces renseignements pendants sept jours. Vous êtes partis en voyage, en vacances, mais votre itinéraire, votre numéro de carte de crédit, votre numéro de téléphone personnel et votre adresse vont se promener dans ces différents ministères pendant sept jours au nom de la sécurité.

    Qu'est-ce que ces gens vont faire des renseignements que vous allez fournir? Ils veulent s'en servir pour des raisons de sécurité. Ils peuvent donc faire des enquêtes. Qu'est-ce qu'ils vont faire s'ils trouvent qu'il y a un problème de sécurité? Ils vont les transférer à la Gendarmerie royale du Canada et au SCRS qui, eux, n'ont pas l'obligation de les détruire après sept jours. Les autres organismes ont l'obligation de les détruire après sept jours, mais pas eux. La Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité peuvent les conserver tout le temps voulu.

    Les gens qui nous écoutent auront évidemment compris qu'on vient de donner un pouvoir à ces organismes. C'est pourquoi le commissaire à la protection de la vie privée s'est insurgé en disant: «Cela n'a aucun sens.» Qu'en plus, vous fournissiez vos renseignements avant le départ et jusqu'à une possibilité de sept jours, cela voudrait dire que vous partez et que, si vous avez le malheur d'être dans le même avion—ce matin, on décriait le fait que les Hells Angels aient été invités à participer au jubilé de la Reine et qu'ils vont pouvoir aller se promener en bicycle à gazoline dans la parade de la Reine—donc, si vous avez le malheur, dis-je, d'être dans le même avion qu'un de ces Hells Angels qui s'en irait justement en Angleterre pour pouvoir faire, avec la moto qu'il aura transférée là-bas, ce petit tour de parade de la Reine, si cette personne a des problèmes criminels, elle pourra être inspectée, fouillée, analysée. Évidemment, tous les passagers à bord de l'avion pourront subir cette même situation.

    C'est cela, le but. On vit présentement comme aux États-Unis qui, eux, avaient déjà demandé une bonne partie de ces renseignements, il y a quelques mois, quand on a adopté le projet de loi C-44. Présentement, que font les Américains? Quand ils voient des personnes, des hommes, des femmes qui accompagnent des gens fichés, surtout des gens qui veulent aller dans des réunions internationales, ils décident de faire tellement traîner l'enquête, qu'aux États-Unis, plus de 40 personnes n'ont pas pu monter dans l'avion. Les services de renseignement sont arrivés et ont décidé de faire une enquête en retardant tous ceux et celles qui s'en allaient militer dans une association. Ils se servaient de cette voie pour brimer leurs libertés. L'avion est parti; ils l'ont manqué. Pourquoi? Parce qu'on faisait des enquêtes sur les renseignements, parce que l'un d'entre eux avait des problèmes criminels. À ce moment-là, on décide de faire l'analyse de tous ceux qui sont là.

    Donc, si vous êtes un homme ou une femme et que vous prenez l'avion avec un criminel potentiel, vous aurez peut-être l'odieux de supporter une enquête, ce que je ne vous souhaite pas. Dans le pays où vous vous rendez, ils n'ont peut-être pas le même respect des droits humains, et vous vous ferez peut-être arrêter par la police militaire de ce pays qui viendra vous informer que le Canada a appelé pour savoir où vous étiez rendu. Il voulait savoir où vous étiez. Voilà ce qu'il en est, et ce n'est pas drôle. C'est ce que décrit le commissaire à la protection de la vie privée.

    Dès le départ, le Bloc québécois s'est opposé au projet de loi C-42 et il s'opposera au projet de loi C-55. Quand on accepte de ne plus respecter nos droits et libertés, on donne raison aux terroristes.

    Permettez-moi, monsieur le Président, de proposer un sous-amendement à la motion à l'étude. Je propose:

    Que la motion doit modifiée par adjonction de ce qui suit:

«et déni des droits et libertés qui a été dénoncé dans le plus récent rapport d'Amnistie internationale.»

  +-(1620)  

+-

    Le vice-président: Comme je l'ai fait plus tôt, je vais prendre le sous-amendement proposé par l'honorable député de Argenteuil—Papineau—Mirabel en délibéré, et je reviendrai à la Chambre avec une décision sous peu.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, je voudrais dire quelques mots sur ce projet de loi, de même que sur l'amendement, et le sous-amendement proposé par le Bloc québécois.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, le projet de loi est en réalité un moyen pour le gouvernement libéral de s'arroger des pouvoirs excessifs. Il empiète sur les libertés civiles des Canadiens. Nous devrons être très prudents au sujet des pouvoirs que nous accordons aux ministres et des pouvoirs qu'ils peuvent exercer sans avoir besoin d'un vote démocratique du Parlement du Canada.

    Dans le projet de loi C-55, le gouvernement réagit d'une façon excessive aux événements du 11 septembre. J'ai vu dans le passé des gouvernements réagir avec excès. Le meilleur exemple est celui de la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre en 1970 par le premier ministre Pierre Trudeau. C'était certainement une réaction excessive. C'était comme se servir d'un marteau-pilon pour ouvrir une cacahuète. Nous courons encore une fois le risque de voir un gouvernement réagir avec excès face à une menace terroriste.

    Je rappelle aux députés que nous avons déjà des pouvoirs en vertu du Code criminel. La police a déjà beaucoup de pouvoirs. Le gouvernement peut recourir à toutes sortes de pouvoirs en ce qui concerne les militaires. Je ne crois pas que nous ayons à lui conférer encore plus de pouvoirs au moyen du projet de loi dont la Chambre est saisie.

    Je suis très surpris que ce projet de loi nous vienne d'un gouvernement libéral qui s'est toujours targué d'être le parti des libertés civiles, de la liberté d'expression et de la démocratie. Je me souviens de tous ces grands discours libéraux prononcés au fil des ans par Pierre Trudeau et beaucoup d'autres libéraux, grands et petits. Voilà qu'ils veulent maintenant faire adopter cette mesure législative draconienne qui va couper des libertés civiles et nous enlever des droits que nous tenions pour acquis au Canada depuis des années.

    Ces pouvoirs peuvent faire l'objet d'abus. On pourrait affirmer que la situation est actuellement calme et que le gouvernement n'a aucune raison d'user de ces pouvoirs. Je me rappelle qu'avant 1970 et l'attaque du FLQ, le meurtre de James Cross et les enlèvements, les gens ne parlaient pas de recourir à des mesures extrêmes. Tout à coup, le premier ministre a invoqué la Loi sur les mesures de guerre en plein milieu de la nuit. Des centaines de personnes ont alors été arrêtées. Je me souviens de la panique et des émotions qui ont envahi le pays.

    J'ai été l'un des 16 députés qui ont voté contre la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre. Je me souviens des pressions exercées. Le caucus néo-démocrate comptait 23 membres. Je ne vais nommer personne, mais je me souviens de deux membres du caucus qui ont changé d'avis entre la salle du caucus et le parquet de la Chambre. Au lieu de voter contre la Loi sur les mesures de guerre, ils ont voté en faveur à cause des énormes pressions exercées et de l'émotion du moment.

    La Constitution confère d'énormes pouvoirs au gouvernement. Nous n'avons pas à lui en accorder davantage. Nous n'avons pas à accorder au ministre des Transports--peu importe qui occupera ce poste à l'avenir--des pouvoirs qu'il pourrait invoquer en cas de menaces soi-disant terroristes et qu'il pourrait exercer sans en demander la permission aux représentants démocratiquement élus de la population.

    Je demande aux députés d'en face d'y réfléchir à deux fois avant d'adopter ce projet de loi et d'en faire une loi. Je sais que, même au sein du gouvernement, bien des gens sont inquiets. Le projet de loi original a été retiré et la Chambre est saisie d'un nouveau projet de loi. Celui-ci n'est pas aussi radical, mais il va tout de même trop loin. Il n'est pas nécessaire pour assurer la protection des Canadiens contre les menaces de terrorisme quelles qu'elles soient.

    Je demande donc aux libéraux de réfléchir à leur tradition et à leur histoire en pensant aux époques de Pierre Trudeau, de Lester Pearson et des autres grands libéraux du passé. Je leur demande de réfléchir à tous les discours sur les libertés et les droits civils et sur la démocratie participative. Ils devraient se demander s'ils ont vraiment besoin d'un tel projet de loi, d'une mesure comme celle-ci dont la Chambre est maintenant saisie.

    Un des députés de Montréal est un grand avocat défenseur des droits civils qui a été élu pour la première fois lors d'une élection partielle dans la circonscription de Mont- Royal, anciennement représentée par Pierre Trudeau. Il a fait plusieurs discours à ce sujet. Il s'est dit inquiet par rapport à la puissance et à l'immense portée de ce projet de loi. Nous devrions relire ses propos sur l'inutilité de ce projet de loi.

    Voilà donc les principales raisons pour lesquelles ce projet de loi nous inquiète. Voilà pourquoi j'appuie la motion proposée par le leader parlementaire du Parti conservateur, qui demande que cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-55, parce que cette mesure n'est qu'un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral, aux dépens de la surveillance parlementaire et des libertés civiles des Canadiens; voilà pourquoi j'appuie aussi le sous-amendement du Bloc québécois.

  +-(1625)  

    Prenons une pause et n'adoptons pas le projet de loi en deuxième lecture. À tout le moins, assurons-nous de ne pas le faire avant d'ajourner pour l'été, le 21 juin. Nous aurons alors une chance de réfléchir à la question au cours de l'été pour voir si cette mesure est vraiment nécessaire.

    On peut juger une société en fonction de la liberté que son Parlement va accorder à ses citoyens. Lorsque nous regardons autour de nous dans le monde, nous pouvons nous considérer très chanceux de vivre dans une société libre et démocratique. Beaucoup de gens dans bien des régions du monde n'ont pas cette chance. Il y a de nombreuses démocraties émergentes où les gens luttent pour obtenir une déclaration ou une charte des droits, la liberté d'expression et la liberté de circulation. On lutte pour cela dans de nombreux pays.

    Les Canadiens ont combattu dans deux guerres mondiales. Un de mes oncles a été tué durant la Seconde Guerre mondiale, au cours de l'invasion de la Normandie. Il a lutté pour les droits démocratiques et pour une société libre, juste et démocratique au Canada. Ne faisons pas un pas en arrière en supprimant certains des droits dont nous jouissons.

    Nous avons eu de grands débats à la Chambre au fil des ans. Je me rappelle celui sur le rapatriement en 1980, 1981 et 1982, quand nous devions décider si oui ou non nous voulions une charte des droits dans notre Constitution. Nous avons eu une déclaration des droits pendant de nombreuses années. Nous devions cette déclaration à l'ancien premier ministre John Diefenbaker, du Parti conservateur, un remarquable parlementaire de la Saskatchewan. Cette déclaration des droits était fondée en partie sur la toute première déclaration des droits au Canada, qui a été présentée par Tommy Douglas, le premier ministre de la Saskatchewan dans les années 40 et 50. Cela fait longtemps que nous avons une déclaration des droits.

    Pendant la majeure partie de ces années, nous avons assisté à l'élaboration d'une déclaration des droits dans toutes les provinces, y compris le Québec. Durant toutes ces années, jusqu'en 1982, cette déclaration des droits n'était pas inscrite dans la Constitution. En 1982, nous avons eu un grand débat à la Chambre quant à savoir si on devait inscrire dans la Constitution la déclaration des droits ou la laisser à l'extérieur de la Constitution. Il s'agissait de décider si le pouvoir final reviendrait au Parlement du Canada ou aux tribunaux. C'était un grand débat qui a vraiment divisé les Canadiens.

    C'est alors que nous sommes parvenus à un compromis bien canadien, l'article 33 de la Constitution, la disposition dérogatoire. L'article 33 permet aux assemblées législatives de déroger à une décision des tribunaux pendant un certain temps. Après un certain temps, la dérogation prend fin, à moins qu'elle ne soit reconduite. Je pense qu'elle peut durer trois ans, si mes souvenirs sont exacts. Cette disposition dit aux tribunaux qu'ils ont le pouvoir ultime de protéger nos droits, mais qu'ils feraient bien de faire attention en raison de cette dérogation parlementaire. Il y a un certain équilibre entre les parlementaires des assemblées législatives, y compris l'Assemblée nationale du Québec et le Parlement du Canada du fait qu'ils peuvent déroger aux décisions des tribunaux, mais la raison pour ce faire doit être juste et fondée. C'est un bon compromis.

    Nous avons mis au point un système canadien unique. J'ai prononcé des conférences dans diverses régions. Je me souviens avoir pris la parole en Russie en 1994 du temps où je ne faisais plus de politique. J'ai expliqué comment nous avions élaboré notre Constitution et notre Charte des droits. J'ai parlé de la signification de la liberté de parole, de la liberté de religion et de la constitutionnalisation des droits de la minorité linguistique. Au bout de longues discussions, nous avons trouvé un équilibre remarquable et très perfectionné, dans cet État fédéral unique qui est le nôtre.

    Je sais qu'un grand nombre de mes collègues d'en face craignent beaucoup pour la liberté de parole, les libertés civiles et les droits des Canadiens. Je les implore donc une fois de plus de ne pas adopter le projet de loi avant l'été afin de pouvoir mieux réfléchir pendant l'été et de voir si nous en avons vraiment besoin. Voulons-nous vraiment accorder ces pouvoirs démesurés à un futur ministre des Transports ou même au ministre des Transports actuel? Nous pouvons probablement imaginer le genre de ministres des Transports que nous pourrions avoir à l'avenir et qui détiendrait de tels pouvoirs.

    Si nous réfléchissions calmement et sobrement au projet de loi, nous verrions que nous n'en avons pas besoin. Nous avons aujourd'hui les pouvoirs nécessaires en vertu des lois existantes, tant fédérales que provinciales. Nous les avons déjà ces pouvoirs en vertu du Code criminel du Canada.

    J'exhorte à nouveau la Chambre à adopter l'amendement proposé par le Parti conservateur de sorte que nous prenions l'été pour réfléchir à cette grave erreur que nous ferions et à cette voie dangereuse sur laquelle nous nous engageons. J'espère que le ministre de la Justice, qui entre maintenant à la Chambre, partagera mon point de vue.

  +-(1630)  

+-

    M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, je prends de nouveau la parole pour commenter le projet de loi C-55. Je tiens tout d'abord à féliciter le député de Regina—Qu'Appelle qui est intervenu avant moi. Il siège à la Chambre depuis bien plus longtemps que moi et que la majorité des députés, probablement. Il peut certainement parler d'expérience, en ce qui concerne la protection des libertés et des droits de nos électeurs et de tous les citoyens canadiens. Je le remercie de l'historique que ses longs états de service comme député lui ont permis de faire.

    Je félicite également mon collègue de Pictou—Antigonish—Guysborough qui a proposé un amendement indispensable, à mon avis. J'invite tous les députés, non seulement ceux de l'opposition, mais aussi les députés ministériels qui osent réfléchir, à étudier sérieusement l'amendement, que voici:

cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-55 [...] parce qu'il constitue un coup de force autocratique de la part du gouvernement libéral au détriment du principe de la surveillance du Parlement et des libertés civiles des Canadiens.

    Certains trouveront peut-être le propos brutal, mais si on étudie de près le libellé, les nuances, les dispositions du projet de loi et le pouvoir qui est donné aux membres du gouvernement, et plus particulièrement à certains ministres, les termes de la motion ne sont pas assez forts. Le projet de loi donne à des ministres la possibilité d'utiliser ce pouvoir bien au-delà de ce que les Canadiens souhaitent.

    Je voudrais revenir au projet de loi C-42. C'est une mesure législative qui a été proposée par ce même gouvernement et qui était purement une réaction réflexe à une situation très grave, il ne faut pas s'y tromper. Notre parti a dit et répété à la Chambre qu'il n'approuvait ni le terrorisme ni aucun autre comportement semblable. Mais nous n'approuvons toujours pas le pouvoir que le gouvernement essaie de s'arroger et qui brimerait les libertés des Canadiens.

    Le projet de loi C-42 a été une réaction réflexe aux attentats du 11 septembre. Des gens d'en face et des fonctionnaires ont travaillé tard le soir pour concocter ce qui leur semblait être un ensemble de mesures propres à régler tous les problèmes découlant des déplorables attentats terroristes du 11 septembre.

    On inclut des clauses dans des projets de loi qui, en y réfléchissant bien, sont complètement erronées. C'est ce qu'on a remarqué dans ce projet de loi. Je dois admettre que le gouvernement, et c'est probablement la première chose logique qu'il ait jamais faite, a écouté non seulement les députés de l'opposition et ceux qui font partie du comité, mais les centaines de témoins qui ont défilé devant le comité. Ceux-ci trouvaient le projet de loi mauvais pour différentes raisons. Personne n'était d'accord avec les dispositions du projet de loi C-42. Aucun des témoins ni aucune des personnes qui m'ont écrit ou qui se sont présentées à mon bureau de circonscription ou à mon bureau ici à la Chambre n'était d'avis qu'il fallait adopter le C-42 parce que c'était un bon projet de loi.

    Au contraire, tout le monde a dit qu'on ne devrait pas appuyer ni adopter ce texte de loi terrible et draconien. Le gouvernement libéral a retiré le projet de loi. Il ne l'a pas laissé aller plus loin. Il l'a laissé mourir. Il nous a demandé si nous avions objection à ce qu'il le raye du Feuilleton. C'était probablement la seule bonne chose qui soit survenue au cours des neuf années de règne de ce gouvernement, mais c'était ce qu'il fallait faire.

    Malheureusement, le gouvernement s'est contenté de tripoter et de manipuler le projet de loi. Il a changé des mots ici et là et en a ajouté quelques-uns. En fait, le C-55 illustre bien la mentalité, la psychologie et l'idéologie du gouvernement libéral, lequel adhère toujours à l'idée d'accorder plus de pouvoirs à ses ministres.

  +-(1635)  

    M. Peter MacKay: Leur faites-vous confiance?

    M. Rick Borotsik: Mon collègue, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, qui a proposé un merveilleux amendement, demande si nous faisons confiance au gouvernement. Les Canadiens font-ils confiance au gouvernement?

    Je pense que si nous menions un sondage aujourd'hui sur la rue Sparks, sur la rue Main à Virden ou dans la région de l'Atlantique, nous obtiendrions la même réponse. Les Canadiens n'ont plus confiance dans le gouvernement. Ils ne croient plus à sa capacité de gérer ses portefeuilles. Nous avons constaté que les Canadiens ne font plus confiance au gouvernement pour ce qui est de gérer l'argent des contribuables. À notre avis, ils ne font pas confiance au gouvernement pour assurer l'application de ce projet de loi très important.

    Que ferait le projet de loi? Il accorderait au Cabinet une foule de nouveaux pouvoirs, y compris le droit de désigner arbitrairement certaines zones militaires d'accès limité dont seraient exclus les Canadiens. Il porterait aussi atteinte aux droits des Canadiens, car il exigerait que des renseignements sur les passagers soient fournis à la GRC sans justification. Peut-on croire que le projet de loi habiliterait le Cabinet à transmettre des renseignements sur nous tous, nos familles et les habitants de nos circonscriptions? Il permettrait la transmission arbitraire de ces renseignements aux autorités policières.

    Nous vivons dans un pays libre. Nous avons le droit de circuler. Nous avons le droit de pratiquer notre religion. Nous bénéficions de la liberté d'expression. Nous avons le droit de prendre la parole et de dire ce que nous pensons du gouvernement. Qu'arriverait-il si je faisais des observations qui déplaisent au gouvernement? Transmettrait-il à la police des renseignements sur moi? Le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis permettrait aux ministres de le faire.

    D'autres projets de loi qui accordaient des pouvoirs semblables ont tous été retirés, parfois au bout d'un certain temps, par exemple, la Loi sur les mesures de guerre et même le projet de loi C-42, mais ils ont été retirés parce que nous nous sommes aperçus du danger qu'ils présentaient. Le projet de loi C-55 a toutefois été déposé et il est encore à l'étude. Cette mesure législative donnerait au gouvernement le pouvoir de nous protéger et celui d'employer abusivement ce pouvoir. Malheureusement, c'est probablement la deuxième hypothèse qui prévaudrait.

    La loi actuelle, la Loi sur les mesures d'urgence, fait en sorte que pareille situation ne puisse se produire, en protégeant les principes d'un Parlement libre et démocratique. Ce que les Canadiens ne savent peut-être pas, c'est qu'il existe déjà des dispositions législatives qui permettent au gouvernement d'accomplir ce qu'il a à faire. La Loi sur les mesures d'urgence actuellement en vigueur permet au gouvernement de faire ce qu'il veut, mais elle prévoit les freins et contrepoids nécessaires.

    La Loi sur les mesures d'urgence met à notre disposition les freins et contrepoids qu'applique le Parlement, mais ils disparaîtraient sous l'effet de ce projet de loi. Pourquoi aurions-nous besoin du projet de loi C-55 quand la Loi sur les mesures d'urgence prévoit déjà des freins et contrepoids?

    La Loi sur les mesures d'urgence prévoit les freins et contrepoids nécessaires pour que le pouvoir en cas d'urgence soit exercé correctement et, en plus, elle confère aux Canadiens la satisfaction de savoir que leur gouvernement ne peut outrepasser les limites de leur société libre et démocratique.

    En vertu de ce projet de loi, le Parlement n'aurait pas un mot à dire. Le projet de loi C-55 rendrait le Parlement inutile dans une situation d'urgence. Outre que les droits des Canadiens ne seraient pas protégés, ils seraient assujettis aux moindres caprices du Cabinet et des ministres. Ces derniers pourraient imposer aux Canadiens toutes mesures qu'ils jugeraient favorables et nécessaires, même si les Canadiens ne seraient pas nécessairement de leur avis.

    Le projet de loi C-55 autoriserait le gouvernement à adopter une mesure de sécurité sans tenir compte de la Chambre des communes, alors que la Loi sur les mesures d'urgence, qui est déjà en place, autorise le Parlement à examiner tout arrêté pris en vertu de cette loi. D'après la version actuelle du projet de loi C-55, le Parlement deviendrait totalement inutile. Il disparaîtrait de la carte et n'aurait pas la moindre occasion d'intervenir sur une mesure que les ministres et le Cabinet jugeraient nécessaire.

    La disposition qui soulève le plus d'inquiétude est celle qui autorise la prise d'arrêtés d'urgence et c'est elle qui motive le plus notre ferme opposition au projet de loi C-55. Les ministres ne devraient pas bénéficier de nouveaux pouvoirs non assujettis à l'examen parlementaire.

  +-(1640)  

    Plusieurs ministres bénéficieraient d'un tel pouvoir. Si je ne m'abuse, le député de Regina--Qu'Appelle a parlé du ministre des Transports.

    Mon temps de parole étant presque écoulé, je termine mon intervention. J'aurai l'occasion de parler d'autres ministres qui pourraient bien outrepasser leurs pouvoirs. Mais je le ferai une fois que le sous-amendement du Bloc sera jugé recevable. Je reviendrai alors sur le sujet.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je veux d'abord dire que je ne croyais pas devoir me lever pour parler d'un tel projet de loi. Vous savez que je suis ici depuis 1993, ce qui fait quand même de moi un parlementaire un peu expérimenté. J'en suis à mon troisième mandat, et peut-être y en aura-t-il un quatrième.

    Vous savez combien tout cela, dans la vie, échappe à toute classification facile. Cependant, je veux dire que jamais je n'aurais cru devoir me lever pour parler d'un projet de loi aussi totalitaire, un projet de loi aussi incroyablement autoritaire.

    Je ne peux pas parler de ce projet de loi sans d'abord féliciter notre collègue et député de Argenteuil—Papineau—Mirabel pour l'excellent travail qu'il a fait pour le Bloc québécois en comité parlementaire.

    La première chose qui vient à l'esprit, évidemment, c'est que tout le monde mesure l'ampleur de ce que l'on a vécu le 11 septembre dernier. Il n'y a personne du Bloc québécois qui le niera, et je suis sûr que, dans cette Chambre, tout le monde sera d'accord pour dire qu'il y a des forces transnationales et terroristes qui menacent l'intégrité des différents systèmes politiques, qui menacent l'économie, qui menacent la société civile. C'est clair.

    Pour m'être intéressé à ces questions depuis près d'une décennie, je peux dire qu'à l'intérieur même des sociétés, il y a des forces, comme le crime organisé, qui menacent l'économie et qui travaillent très fort pour mettre sur pied une économie parallèle.

    Je pourrais parler pendant des heures des 36 bandes de motards criminalisés qui sont au Canada, de la force des Hells Angels, des Rock Machine, des triades et tout cela. On connaît très bien leur aire d'action et comment il se fait qu'ils soient aussi prolifiques dans la société.

    Cependant, jamais on n'a cédé à la tentation—même à l'époque, dans les années 1995, où il y avait la guerre des motards criminalisés—de mettre de côté le Parlement. Ce qui est détestable dans ce projet de loi, ce qui doit soulever l'indignation de tous les députés et de tous ceux qui ont un peu de colonne au gouvernement, c'est qu'on veut gérer la crise et mettre de côté le Parlement en voulant lutter contre le terrorisme. C'est ce qui est incroyable.

    Je demandais au député de Argenteuil—Papineau—Mirabel: «Est-ce qu'il y a une disposition de révision dans un projet de loi comme celui-là?» Tous les projets de loi d'importance font l'objet d'une révision au bout de trois ans ou cinq ans. Cela peut même être une révision décennale.

    Par exemple, ce matin—on sait quelle vie de fou on a; on n'arrête pas deux minutes dans ce Parlement—j'étais au Comité permanent de la santé où on étudie toute la question des technologies médicales et de la procréation médicalement assistée. Ce n'est pas rien. Un couple sur huit a des problèmes de fertilité. D'ailleurs, j'ai travaillé avec beaucoup de plaisir avec notre collègue.

    À cet égard, il y a une disposition de révision après trois ans. Dans la Loi sur les brevets, il y a une disposition de révision après cinq ans. Dans la Loi sur les banques, c'est la même chose. Si le projet de loi du gouvernement était bon, s'il voulait associer les comités et le Parlement pour faire notre travail d'investigation, notre travail de vigilance et notre travail d'analyse, il y aurait une clause de révision quinquennale.

    Si on adopte ce projet de loi, c'est pour la vie. Pouvez-vous comprendre cela? Il n'y a aucune disposition nous permettant d'avoir une clause de révision, qu'elle soit quinquennale, triennale ou décennale.

    C'est inquiétant, et je suis un peu surpris du député de Chicoutimi—Le Fjord, compte tenu de sa sagacité habituelle. Il est habituellement très vigilant sur ces questions. Toute la richesse et l'indiscipline de ses cheveux blancs l'auraient normalement amené à mettre un cran d'arrêt à des mesures comme celles-là. Cependant, il n'y en a pas.

    Quand j'ai été porte-parole en matière d'immigration—c'était une belle période de ma vie; c'est un beau dossier et j'ai été brillamment remplacé par notre collègue de Laval, mais je serai toujours un peu nostalgique de l'immigration—, j'ai très bien compris que, partout dans le monde en ce moment, un des plus grands défis auxquels sont confrontés les États, c'est le trafic des êtres humains. On ne minimise pas ce fait. On sait qu'il y a un marché noir très important en ce qui concerne le trafic des êtres humains.

  +-(1645)  

    Nous ne minimisons pas le fait que des forces transnationales terroristes existent. Laissez-moi vous donner un exemple. Si ce projet de loi est adopté, le ministre de la Défense—je sais que c'est un mot tabou par les temps qui courent; «les ministres de la Défense se suivent mais ne se ressemblent pas», ou plutôt «ils se suivent et ils se ressemblent trop»—pourrait décréter, sans même recourir au Conseil des ministres pendant 45 jours, une zone militaire d'accès contrôlé, avec des bases de référence géographique extrêmement larges, extrêmement imprécises et floues, sans aucune espèce de considérations pour les communautés locales, pour les villes, les municipalités ou les gouvernements.

    On imagine qu'il peut y avoir des situations d'urgence où on aura à prendre des décisions. Mais on ne peut pas imaginer qu'il y ait à ce point des situations d'urgence où on ne passe pas par le Cabinet et où on ne met pas les gens concernés dans le coup. Vous avez là un exemple assez inquiétant de ce que contient le projet de loi.

    Habituellement, il y a, dans la société, un bon test de la pertinence du discours de l'opposition. Si le Bloc québécois était le seul à tenir ce discours à la Chambre aujourd'hui, on pourrait dire: «Ah, c'est le jeu de l'opposition, c'est la partisanerie, c'est le travail parlementaire.» Mais la liste des gens qui décrient ce projet de loi est assez longue.

    Un organisme appelé Amnistie Internationale, qui n'est pas nécessairement suspect de propension souverainiste, a beaucoup d'expertise dans le domaine des droits de la personne. Il a rendu public un rapport de 400 pages dans lequel il s'inquiète de ce que cela représenterait pour le Canada, qui se targuait d'être une démocratie libérale. Il fallait entendre le premier ministre, avec son sens habituel du verbe, parler du Canada comme étant le «meilleur plus beau pays au monde». Il disait qu'il...

    Mme Jocelyne Girard-Bujold: Le plus meilleur.

    M. Réal Ménard: «Le plus meilleur», voilà. Avec un évident mépris des adjectifs, des adverbes et de la langue, le premier ministre, dans une phrase, du même souffle, disait que le Canada est un pays où les libertés fondamentales sont protégées.

    Si c'est si vrai que les libertés fondamentales sont protégées, je crois qu'il n'y a pas un parlementaire qui puisse être confortable avec le projet de loi C-55. Je ne sais pas si on ne pourrait pas trouver une quelconque unanimité pour que ce projet de loi soit rappelé tout de suite, que l'on passe à autre chose et que le gouvernement retourne à sa table de travail.

    Je pense que si vous le demandiez, monsieur le Président, vous verriez qu'il y a consentement unanime.

    Il y a également Michel C. Auger, un analyste politique extrêmement perspicace, quelquefois critique face aux souverainistes, quelquefois critique face aux fédéralistes, qui s'inquiétait du projet de loi C-55. Je me permettrai de le citer. Il disait:

    La loi continuera de permettre au ministre de la Défense de créer des zones de sécurité sous contrôle militaire. Par sa seule signature, il pourrait attendre 45 jours avant de faire ratifier sa décision par le Cabinet. Ce n'est qu'un exemple de la manière dont le gouvernement, sous le couvert de lois antiterroristes, est en train de rapetisser les libertés fondamentales des Canadiens.

    On dit: «rapetisser les libertés fondamentales des Canadiens.» Est-ce que ce n'est pas le devoir des parlementaires--et pas seulement ceux de l'opposition--de mettre dans la balance que même dans les années où la lutte contre le crime organisé, où la guerre des motards faisait rage, on n'a jamais été tentés par des réflexes de ne pas associer le Parlement, de ne pas associer les comités parlementaires et de ne pas respecter les grandes libertés fondamentales?

    Nous sommes inquiets. Nous avons encore un peu de temps pour ramener le gouvernement à la raison, mais je pense qu'il faut vraiment que ce projet de loi soit rappelé, que le gouvernement balise un peu la portée de ce projet de loi.

    Monsieur le Président, vous pourriez vérifier s'il n'y a pas consentement unanime pour que, de facto, le projet de loi soit rappelé et qu'on passe à autre chose. C'est la façon de respecter les libertés fondamentales des Québécois et des Canadiens.

  +-(1650)  

+-

    Le vice-président: Le député de Hochelaga—Maisonneuve a demandé le consentement unanime. Est-ce que la Chambre est d'accord?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

+-

    Le vice-président: Après étude et réflexion, la présidence est prête à rendre sa décision sur le sous-amendement proposé par l'honorable député de Argenteuil—Papineau—Mirabel. Le sous-amendement est recevable. Le débat porte maintenant sur le sous-amendement.

+-

    M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole au sujet de ce sous-amendement. Avant de commencer mon discours, j'aimerais féliciter mes collègues du Bloc québécois pour leur très grand effort visant à s'opposer au gouvernement sur le projet de loi C-55.

    Nous comprenons très bien pourquoi le Bloc québécois et les Québécois en général ne font pas confiance à ce gouvernement depuis les événements de 1970. Il y a beaucoup de raisons d'avoir un regard méfiant envers ce gouvernement en raison de ses décisions passées dans la province de Québec.

    C'est un peu la même chose en ce qui concerne l'Ouest canadien. Historiquement, le gouvernement libéral s'est emparé des ressources naturelles de l'Ouest. On comprend bien la question des libertés civiles et la raison pour laquelle les députés du Bloc québécois veulent si fortement les protéger contre ce gouvernement.

[Traduction]

    Lorsque le gouvernement a décidé de présenter le projet de loi C-55, les députés de tous les partis et les gens de tous les coins du pays croyaient qu'il avait tiré sa leçon de la défaite du projet de loi C-42.

    Le grand problème du projet de loi C-55 est double. Certaines choses déplorées par mes collègues du Parti progressiste-conservateur et du Bloc québécois font écho à ce que déplore aussi l'Alliance canadienne. Nous trouvons aussi frustrant le fait que le gouvernement ne prenne pas au sérieux l'idée de lutter contre le terrorisme, de s'impliquer et d'apporter une contribution notable.

    Examinons un peu comment le gouvernement a traité nos forces armées durant la participation du Canada à la guerre contre le terrorisme en Afghanistan. Les troupes vont maintenant être rapatriées, mais leurs uniformes de camouflage pour le désert seront prêts durant la deuxième semaine de juillet. Le gouvernement a un sens parfait du moment opportun.

    Le projet de loi C-42 posait de nombreux problèmes que le gouvernement a finalement, quoique tardivement, reconnus. Un défaut déplorable des politiciens, et c'est peut-être la caractéristique du mâle alpha qui se manifeste, mais pour une raison quelconque, peu importe combien de fois les Canadiens leur prouvent qu'ils ont tort, les politiciens sont incapables d'admettre qu'ils se sont trompés. Nous considérons que la guerre contre le terrorisme représente une crise grave. Lors des attaques à New York, à Washington et dans l'avion au-dessus de la Pennsylvanie, les Américains ont dit que quiconque participait à la guerre contre le terrorisme devrait considérer qu'on l'avait attaqué et qu'on lui avait déclaré la guerre.

    Des terroristes, des gens prêts à tuer des civils pour étayer un argument politique absurde et insensé, ont donc déclaré la guerre au Canada. Cependant, le gouvernement a réagi à la vitesse d'un escargot. Ce fut tout simplement embarrassant.

    Lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi C-42, celui-ci était plein de failles. Il le savait d'ailleurs. Cette mesure législative était inadéquate, elle n'assurait pas le financement de nos forces armées, ne protégeait pas les libertés civiles des Canadiens et ne faisait pas bon nombre des choses auxquelles les Canadiens pouvaient s'attendre en temps de guerre. Le gouvernement aurait dû admettre qu'il avait commis une erreur; il aurait dû retirer son projet de loi et présenter une toute nouvelle mesure législative.

    Le projet de loi C-42 a été retiré juste avant les Fêtes. Le projet de loi C-55 a été présenté et même le ministre des Transports, alors responsable de cette question, ce qui semble par ailleurs étrange, a déclaré que cette nouvelle mesure législative était identique à la précédente, en l'occurrence C-42, dans une proportion de 90 p. 100. Le gouvernement a sûrement compris entre le 11 septembre et les mois de février ou mars, au moment de la présentation du projet de loi C-55, que les Canadiens s'attendaient à ce qu'il appuie davantage les forces armées.

    En effet, les Canadiens s'attendaient à ce que le gouvernement fournisse davantage d'hélicoptères Sea King, de sous-marins et d'uniformes de camouflage adaptés aux milieux désertiques. Le gouvernement a plutôt choisi de permettre aux ministres du Cabinet de prendre des arrêtés d'urgence. Il est intéressant de souligner que lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi C-42, plusieurs ministres du Cabinet étaient autorisés à prendre des arrêtés d'urgence d'une durée de 90 jours. Cette disposition a été retirée du projet de loi C-55. Le gouvernement affirme avoir compris que les Canadiens s'inquiètent du fait que des ministres aient le pouvoir de prendre des arrêtés d'urgence et en a ramené la durée de 90 à 45 jours.

    Or, c'était une décision arbitraire. Lors de la séance d'information avant l'annonce publique et la présentation du projet de loi C-55, nous avons demandé aux hauts fonctionnaires du ministère quel nouvel objectif était atteint en réduisant la durée des arrêtés d'urgence de 90 à 45 jours. On nous a répondu que la durée des arrêtés avait été réduite de moitié pour assurer une meilleure reddition de comptes. Il n'a pas été question de nouveau principe ou de leçons apprises. Je trouve cela très curieux.

    Je veux discuter de l'idée de donner à ces ministres le pouvoir de prendre des arrêtés d'urgence. Je sais que l'Alliance canadienne prend très au sérieux la possibilité de travailler de façon non partisane pour faire valoir les intérêts nationaux, particulièrement en temps de guerre. Toutefois, nous déduisons qu'on a réduit la durée des arrêtés d'urgence sans l'approbation du Cabinet, de 90 à 45 jours, pour faire porter la responsabilité d'un tel arrêté uniquement par un ministre du Cabinet en particulier. Le dommage politique associé à la mise en oeuvre d'un arrêté mal avisé affecterait ainsi un seul ministre au lieu de toucher l'ensemble du Cabinet.

  +-(1655)  

    Rien ne justifie une chose pareille, même si nous invoquons le 11 septembre, et le leader parlementaire du gouvernement le sait fort bien. Le 11 septembre, quelque 300 ou 400 avions ont été cloués au sol, dont des centaines à Gander, à Halifax et à Toronto parce que les États-Unis ne voulaient pas que des avions survolent le Nord-Est américain. Ces avions ont été cloués au sol sur l'ordre du gouvernement, du premier ministre et du ministre des Transports. C'est arrivé quelques minutes après que l'on eut appris que des avions venaient de percuter les tours du World Trade Center.

    Le gouvernement n'a pas eu besoin d'arrêtés d'urgence pour le faire. Il a cloué les avions au sol. Il en avait le pouvoir et il n'a pas eu besoin du projet de loi C-55. Le gouvernement n'a pas besoin de ces nouveaux pouvoirs.

    Je vais maintenant vous donner un exemple tiré du secteur privé. Si un modèle de voitures GM avait des coussins gonflables défectueux, GM déciderait de rappeler les voitures de ce modèle. Pour prendre une telle décision, il lui suffirait de réunir suffisamment de membres du conseil d'administration, de les faire voter et d'obtenir une majorité de voix en faveur du rappel.

    J'estime qu'une majorité de membres du conseil d'administration d'une grande entreprise comme GM pourraient s'organiser dans un délai de six heures environ en cas d'urgence grave. Nous sommes un pays du G-8 disposant de capacités technologiques illimitées pour réunir les membres du Cabinet. Si nous ne pouvons pas réunir une majorité de membres du Cabinet pour décider de prendre un arrêté d'urgence, je me pose de sérieuses questions sur la compétence du gouvernement.

    C'est simple. Nous avons toutes les capacités technologiques pour le faire. Nous avons le téléphone, les conférences vidéo, dont on peut se servir pour réunir les membres du Cabinet. Il n'y a pas de raison que l'on ne puisse pas le faire.

    Dans le contexte des critiques adressées au gouvernement au sujet des arrêtés d'urgence prévus dans le projet de loi C-55, je proposerais aux Canadiens, vu les récents scandales qui ont éclaté à la Chambre -- et nous avons pu observer le ministre de l'Immigration, qui a l'oreille du Président, ce qui est toujours utile --, de bien réfléchir à leurs dirigeants. Il y a des scandales auxquels le ministre l'Immigration est associé, mais il n'aime pas répondre à des questions là-dessus à la Chambre. Il y a des scandales auxquels sont mêlés les deux anciens ministres des Travaux publics, l'ancien ministre de la Défense, l'actuel ministre de la Justice et l'actuel solliciteur général.

    L'idée proposée maintenant de donner à certains ministres des pouvoirs spéciaux pour prendre des arrêtés d'urgence sans devoir les faire approuver par l'ensemble du Cabinet avant 45 jours peut paraître plus que suspecte aux yeux du simple citoyen. Les Canadiens s'interrogent sur ce groupe de gens qui sont au pouvoir. Ce sont des gens qui cherchent à éviter de rendre des comptes, qui, pendant la période des questions, ne se lèvent même pas pour répondre à des questions simples et évidentes, comme celles qui ont été posées au ministre de l'Immigration sur les raisons qui l'ont incité à changer sa version des faits sur son séjour au chalet de Boulay. Un jour, il a dit qu'il n'était pas là, et il a dit le contraire le lendemain.

    Le solliciteur général se retranche derrière le vice-premier ministre. Pour quelque raison, il ne semble pas vouloir répondre aux questions les plus simples à la Chambre. Devant ces faits, les Canadiens s'interrogent sur la capacité du gouvernement d'assumer la responsabilité de ses actes et de faire face aux caméras et au pays tout entier, par l'entremise de la Chambre. Le gouvernement semble incapable de répondre à ces questions simples.

    Les Canadiens sont plus que légèrement circonspects, et ils n'accepteraient qu'à contrecoeur de donner aux ministres du Cabinet davantage de pouvoir pour prendre des arrêtés d'urgence au gré des circonstances, sans l'approbation du Cabinet ni du Parlement. Les Canadiens ont toutes les raisons de se méfier. Le gouvernement n'a pas dissipé les inquiétudes que le C-42 suscitait. Le projet de loi C-55 est un texte législatif atroce. Je félicite tous mes collègues d'avoir décidé de s'y opposer.

  +-(1700)  

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite mon collègue de la Colombie-Britannique pour ses commentaires. Il a fait une analyse réfléchie et détaillée des lacunes et des dangers associés à cette mesure législative. Il a souligné l'incapacité du gouvernement de justifier le besoin de ce projet de loi, de justifier les délais assortis aux arrêtés d'urgence et de justifier l'abolition de certaines garanties qu'offre la loi existante.

    Certains députés ont rappelé que nous avions déjà la Loi sur les mesures d'urgence. Examinons l'historique de cette mesure particulière. Le leader du gouvernement à la Chambre et d'autres députés ici présents qui comptent plus d'années d'expérience dans cet endroit reconnaîtront rapidement que la Loi sur les mesures d'urgence a remplacé la Loi sur les mesures de guerre. On se souviendra que l'administration libérale de l'époque avait invoqué la Loi sur les mesures de guerre, conduisant ainsi à une des violations les plus flagrantes des libertés de la personne dans ce pays.

    Nombre d'arrestations et de détentions avaient alors exacerbé les passions des Québécois en particulier et des Canadiens en général. L'invocation de ce type de mesure radicale et du déni des libertés fondamentales a plongé les Canadiens dans un chapitre sombre et triste de leur histoire.

    Plus loin dans l'histoire, il y a l'affaire Steven Truscott. Celui-ci avait été condamné à mort par pendaison à l'issue d'un processus judiciaire à l'époque où la divulgation n'était pas obligatoire et où nombre de ratés menaient à des erreurs de droit flagrantes, dont une avait failli lui coûter la vie.

    Je ne donne pas ces exemples pour contourner la question ou pour faire de l'effet, mais pour montrer les violations fondamentales susceptibles de se produire lorsque des paramètres du droit peuvent être étirés et ignorés, ce qui pourrait fort bien arriver si le projet de loi était adopté dans sa forme actuelle. Il pourrait y avoir des circonstances où les droits fondamentaux tels que le droit à la protection de la vie privée, le droit à la protection contre l'arrestation ou la détention arbitraire et le droit à la jouissance paisible de ses biens seraient déniés. De telles violations sont fondamentales.

    Dans leurs interventions, plusieurs députés ont dénoncé, avec célérité et sincérité, la désignation de zones militaires d'accès contrôlé et les répercussions que cela pourrait avoir. Étant donné le libellé obscur du projet de loi, je dirai que cette désignation consiste simplement à placer un véhicule militaire ou une pièce d'équipement militaire sur un terrain dans une région ou une province, n'importe où au Canada, et à déclarer que l'endroit où se trouve ce véhicule militaire est une zone militaire d'accès contrôlé. Cette désignation aurait de graves répercussions sur les libertés et les droits individuels. C'est inquiétant quand on pense à ce qui s'est passé au sommet de l'APEC et à Québec ainsi qu'à ce qui pourrait se passer à Kananaskis.

    On s'interroge sur l'opportunité et la nécessité de présenter ce projet de loi maintenant. Dans la foulée du 11 septembre, comme tous les députés l'ont rapidement fait remarquer, nous composons avec un nouvel ordre mondial. Nous vivons dans un nouvel environnement où nous savons qu'une menace plane réellement et que de graves conséquences en découlent. Pourtant, la Chambre a dû adopter à toute vitesse le projet de loi C-36.

    Le gouvernement libéral était très impatient de présenter le projet de loi C-42, qui renfermait de nombreuses dispositions qui se retrouvent maintenant dans le projet de loi dont nous sommes saisis. On pourrait dire que le projet de loi C-55 est, dans une large mesure, une version plus maigre du projet de loi C-42. Le projet de loi C-42 s'insérait dans le contexte d'une grande hâte pour légiférer afin de profiter de l'attitude craintive qui régnait dans la population.

  +-(1705)  

    Heureusement, l'introspection et les pensées plus calmes ont prévalu par la suite. Cela n'empêche pas le projet de loi C-55 de demeurer très dangereux, surtout en raison des nouveaux pouvoirs qui seront accordés aux ministres. Ainsi, un seul ministre aura la possibilité de prendre des décisions aussi délicates à partir de renseignements qui pourraient s'avérer nébuleux, voire secrets, et qu'on pourrait cacher au Parlement ou à la personne victime de l'exercice de ce genre de pouvoirs arbitraires.

    Ce qui est peut-être le plus troublant et le plus choquant à propos de certains éléments contenus dans ce projet de loi, c'est que, encore une fois, on perçoit un effort délibéré de la part des législateurs, et donc du gouvernement, de passer outre au rôle du Parlement, qui consiste à surveiller de près la situation, à émettre des critiques constructives et à mettre en doute les actions du gouvernement pendant un état d'urgence. Cela a pour résultat d'atténuer ce qui pourrait être considéré comme une urgence.

    La loi actuelle oblige le gouvernement à justifier ses actions. Celui-ci doit se présenter devant le Parlement dans un très court délai pour dire que la gravité des circonstances le force à adopter des mesures législatives particulières. Dans la foulée des événements du 11 septembre, le gouvernement n'a jamais tenté d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence.

    On se rappelle que c'était la panique au Canada et chez nos voisins américains à ce moment-là. Pourtant, dans une telle atmosphère, il n'y a eu aucune tentative de la part du gouvernement pour déclarer la mise en application de la Loi des mesures d'urgence au Canada.

    Pourquoi donc le gouvernement présente-t-il un projet de loi qui n'est rien d'autre qu'une mesure diluée et provisoire laissant au gouvernement le choix d'invoquer ou non des mesures législatives extrêmes, peu importe le besoin ou l'urgence de la situation, ou encore d'exercer des pouvoirs arbitraires énormes sans avoir à rendre de comptes au Parlement ni mettre la question aux voix à la Chambre, où les représentants de la population pourraient lui poser des questions pertinentes afin qu'il justifie ses actions, autrement dit sans avoir à laisser le Parlement faire ce qu'il doit faire dans ces moments uniques, c'est-à-dire protéger les droits des citoyens et s'assurer qu'on procède à l'application régulière de la loi et qu'on suit le processus démocratique?

    Il y a beaucoup à redire. Le gouvernement doit répondre à un tas de questions avant de convaincre les députés. L'intervenant qui m'a précédé a parlé de l'opposition suscitée par cette initiative, et pas seulement chez les députés. Il est clair que les différents groupes qui se sont exprimés sur la question partout au pays éprouvent les mêmes préoccupations et attendent l'occasion de comparaître devant un comité parlementaire pour forcer le gouvernement à justifier le projet de loi, précisément comme nous nous évertuons à le faire dans le présent débat.

    Le seul fait, par exemple, que l'on nous empêche de participer à un débat exhaustif et franc sur ce projet de loi et d'exhorter le gouvernement à modifier sa position témoigne des dangers de cette mesure, si elle venait à être adoptée, en raison de l'incapacité des députés de faire appel à ce processus qui permet de poser des questions et de formuler leurs réserves. Voilà le danger. Ce débat en soi montre bien les difficultés auxquelles pourrait donner lieu ce type de projet de loi derrière lequel le gouvernement peut se retrancher pour garder secrète la justification de la désignation de ces zones qui reviennent en réalité à des zones militaires ou d'urgence. Les Canadiens doivent comprendre que, si le projet de loi est adopté, c'est de cette façon que l'on procédera.

    Tout comme d'autres collègues qui se sont exprimés dans ce débat, je suis encouragé par le fait que les députés ont pu formuler des observations utiles, insister auprès du gouvernement sur différentes questions en cause, notamment l'immigration, la Loi sur l'aéronautique, le Code criminel--avec tout ce que cela suppose--, le projet de loi sur le transport et la sécurité et les échanges d'informations entre les différents organismes gouvernementaux. Toutes ces préoccupations ont incité de nombreux intéressés, y compris des tiers qui rendent des comptes au Parlement, à s'interroger sur les motivations du gouvernement, ses intentions et son mandat public, un élément important à prendre en compte.

  +-(1710)  

    J'espère que les députés continueront à poser la question non seulement à la Chambre, mais au comité également, car c'est alors qu'on verra si ce projet de loi s'inscrit véritablement dans une logique de franchise, de transparence et d'honorabilité.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, c'est avec une grande joie que je prends à nouveau la parole sur le projet de loi C-55. C'est un projet de loi que le gouvernement s'est permis de revamper pour nous présenter, à toutes fins pratiques, des mesures assez spéciales.

    Cela a fait en sorte qu'il a donné le ton à ce que le gouvernement ne présumait probablement pas en termes d'impact sur la scène internationale. Il a lancé dans le reste du monde un mouvement qui va vers le resserrement des libertés fondamentales et des droits humains.

    Je m'expliquerai un peu plus tard à ce sujet parce que l'essence même de toute mon argumentation réside dans l'amendement présenté par mon collègue de Argenteuil—Papineau—Mirabel. Cet amendement vient mettre l'accent sur le récent rapport d'Amnistie internationale. Ce rapport nous indique que dans bien des pays, des mesures ont été prises et des lois ont été adoptées dans la perspective du 11 septembre, mais avec également pour conséquence de réduire les libertés les plus fondamentales.

    Le Canada s'est toujours vanté au plan international d'être l'un des grands défenseurs des droits fondamentaux et des droits humaines et de s'être doté d'une Charte des droits. Certains pays—qu'on pense au Zimbabwe ou à l'Inde—s'inspirent jusqu'à un certain point des mesures prises par ce gouvernement par l'entremise du projet de loi C-55.

    Comme plusieurs éditorialistes l'ont indiqué ce matin, que ce soit dans le Journal de Montréal ou dans Le Devoir, il y a un abus clair dans ce projet de loi C-55 qui est totalement inacceptable. Pourquoi? Parce que, en ce qui a trait par exemple aux zones militaires d'accès contrôlé, c'est toujours le seul ministre qui a le pouvoir de mettre en place de telles zones, le même qui a omis d'aviser son gouvernement dans l'affaire des prisonniers de guerre. Ce n'est pas seulement le Bloc québécois qui l'a affirmé il y a plusieurs semaines et plusieurs mois. Cette semaine, même Amnistie Internationale indique dans son rapport, et je cite entre autres l'éditorial du Devoir de ce matin: «La section canadienne d'Amnistie Internationale s'est dite inquiète des politiques élaborées à l'endroit des réfugiés, de l'adhésion toute en lâcheté d'Ottawa au statut juridique que les Américains ont arrêté pour les prisonniers de guerre.»

    Cela faisait déjà partie de notre argumentation sur le projet de loi C-55. Mes collègues l'ont déjà indiqué il y a plusieurs semaines. Ce sont au fond les mêmes constatations affirmées dans un rapport d'Amnistie Internationale paru hier ou avant-hier.

    Il s'agit donc d'un premier argument du Bloc à l'effet que c'est toujours au ministre que revient le pouvoir de mettre en place ces zones militaires d'accès contrôlé. On a justement révélé dans le rapport d'Amnistie internationale que c'est totalement inacceptable compte tenu du sort réservé aux prisonniers de guerre.

    Un autre aspect concerne le fait que l'approbation du gouvernement du Québec n'est toujours pas requise quant à l'établissement d'une zone militaire d'accès contrôlé sur son territoire. Cela paraît fondamental qu'on avise le gouvernement du Québec lorsqu'on a l'intention de mettre en place ces zones militaires d'accès contrôlé.

    Il s'agit donc d'un ensemble de mesures qui font en sorte qu'il n'y a pas beaucoup de changements fondamentaux entre ce qui nous a été proposé dans le projet de loi C-42 et ce que nous avons dans le projet de loi C-55.

    C'est inquiétant parce que plusieurs pays sur la scène internationale nous parlent du Canada comme étant un des défenseurs des droits fondamentaux. Cela donne une certaine légitimité et cela justifie malheureusement, jusqu'à un certain point, des mesures qui sont prises au Zimbabwe ou en Inde parce que le Canada lui-même, comme défenseur des droits, adopte des mesures qui brime les libertés. C'est donc plutôt inquiétant. Au fond, le message lancé par le gouvernement fédéral aujourd'hui c'est que nous sommes prêts à adopter des mesures que nous croyions jusqu'à maintenant être l'apanage des pays et des États totalitaires.

  +-(1715)  

    On ne croirait jamais, et on ne croyait jamais qu'au Canada, on adopterait de telles mesures. On ne le croyait, ni ne le croirait jamais. Je vois le député de Chicoutimi—Le Fjord sourire; il n'est pas d'accord avec mes propos. Pourtant, ce n'est pas seulement le Bloc qui le dit. Le commissaire à la vie privée a condamné le projet de loi C-55, comme le Bloc l'a fait, lorsqu'il a dit—et j'invite le député de Chicoutimi—Le Fjord à écouter—«que certaines mesures s'inspirent carrément de certains États totalitaires.»

    Une voix: Citez-le donc.

    M. Bernard Bigras: Ma collègue demande que je cite le député de Chicoutimi—Le Fjord, lors d'un récent passé, alors qu'il était de ce côté-ci de la Chambre. Cependant, je sais qu'il sourit toujours lorsque je sors les trois feuilles que j'ai ici...

  +-(1720)  

+-

    M. André Harvey: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. J'invite mon collègue, encore une fois, à publier intégralement tous mes discours, parce qu'ils l'ont fait pendant la dernière campagne électorale, et cela a porté fruit.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Il ne s'agit pas d'un recours au Règlement, mais d'une question de débat.

+-

    M. Bernard Bigras: Madame la Présidente, je reviens au projet de loi C-55. Les mesures contenues dans ce projet de loi sont plutôt inquiétantes, parce que, je le rappelle, il ressemble à s'y méprendre à certaines mesures, à certaines lois en vigueur dans certains pays totalitaires.

    Ce n'est pas simplement de ce côté-ci qu'on l'affirme, c'est aussi le commissaire à la vie privée qui l'a fait. C'est donc plutôt inquiétant, et c'est encore plus inquiétant que certains députés libéraux d'en face—dont je tairai les noms, parce qu'il est interdit de les nommer—dont un député libéral en particulier a réclamé l'examen du projet de loi sur la sécurité nationale en disant que «le nouveau projet de loi contre le terrorisme constitue une menace inquiétante pour les libertés civiles.».

    Comme je l'ai dit, il est plutôt inquiétant de voir que le gouvernement présente aujourd'hui de telles mesures. Il faut donc être vigilants et conscients que, oui, le 11 septembre a changé, et de beaucoup, la situation des États, la relation qui peut exister en termes de prestation de services dans différents secteurs...

    Une voix: Le ministre de l'Immigration n'aurait pas trouvé ça drôle.

    M. Bernard Bigras: Madame la Présidente, pouvez-vous mettre un terme à cela, parce que je ne me comprends plus.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): À l'ordre, s'il vous plaît. Si certains députés veulent poursuivre des conversations, je les prierais d'aller à l'extérieur de la Chambre.

+-

    M. Bernard Bigras: Madame la Présidente, comme je l'indiquais, non seulement ce projet de loi est dénoncé de ce côté-ci de la Chambre, non seulement il est aussi dénoncé par le commissaire à la vie privée, mais il est aussi dénoncé par le député libéral de Mont-Royal.

    Comme je le disais tout à l'heure, le député de Mont-Royal disait récemment, pas plus tard que le 3 mai dernier, que «le nouveau projet de loi contre le terrorisme constitue une menace inquiétante pour les libertés civiles [...]». Donc, c'est plutôt inquiétant comme projet de loi, et il semble y avoir un certain consensus à cet égard.

    Quand on lit les éditoriaux de ce matin, on se rend compte d'une tendance et de l'impression que veut donner ce gouvernement, ce gouvernement qui, en principe, est le défenseur des droits fondamentaux, des droits des citoyens sur la scène internationale. Ainsi, on peut être amenés à se poser un certain nombre de questions.

    Dans le rapport d'Amnistie Internationale, cet organisme qui est pourtant assez reconnu, on rappelle qu'il y au moins six traités régionaux en matière de droits de la personne qui n'ont pas été ratifiés jusqu'à maintenant par le Canada.

    C'est plutôt inquiétant lorsqu'on sait, par exemple, que mardi prochain, à la Chambre des communes, on aura un débat sur une motion que j'ai déposée et qui demande au gouvernement de ratifier la Convention interaméricaine sur la torture, convention qui relève de l'Organisation des États américains et que seulement neuf pays n'ont pas ratifiée, dont le Canada et les États-Unis.

    À partir du moment où on souhaite établir une Zone de libre-échange des Amériques, il m'apparaît fondamental—et je terminerai ainsi—de maintenir cet équilibre important entre liberté et sécurité, auquel le gouvernement semble très insensible étant donné ce projet de loi C-55.

+-

    M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, j'ai eu la chance d'intervenir plus tôt aujourd'hui, alors que nous ne discutions pas de l'amendement qui est maintenant devant nous et il me restait des choses à dire. Je suis heureux que notre dernier amendement reprenne ce qui est dit par Amnistie Internationale. Ce n'est pas banal, dans le contexte actuel. Cela peut peut-être nous éclairer avant d'aller plus loin dans nos travaux avec le projet de loi présentement à l'étude à la Chambre.

    Le projet de loi C-55 est une nouvelle version d'un projet de loi qui était encore plus mauvais initialement, soit le projet de loi C-42. Aujourd'hui, il y a un certain décalage avec ce qui s'est passé le 11 septembre, ce qui fait en sorte qu'on a un peu plus de recul pour évaluer les choses. Plus le temps va passer, plus on en aura.

    À mon point de vue, dès le départ, il faut se poser une question: est-ce qu'on aurait envisagé d'adopter des mesures comme celles que contient le projet de loi C-55 à pareille date l'an dernier? Certainement pas. Est-ce que des choses ont changé depuis le 11 septembre? Oui, c'est vrai. Mais de là à tomber dans un climat de panique, de psychose et de l'alimenter, cela devient démesuré. C'est ce que nous dit Amnistie Internationale.

    C'est ce qu'on retrouve dans les éditoriaux. Dans le Journal de Montréal, Michel C. Auger nous dit:

    La sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme sont en train de devenir, un peu partout dans le monde, les meilleures excuses pour brimer les droits fondamentaux.

    C'est inquiétant quand on constate qu'il y a eu une tendance dans plusieurs pays. Ce n'est pas unique à ce gouvernement. Ce qui est honteux, c'est qu'on ait pris la même tendance du côté du gouvernement à Ottawa, soit d'embarquer dans les abus possibles ou dans des situations où il y a eu un certain climat favorisant l'adoption de nouvelles mesures. Les gens voulaient plus de sécurité; ils étaient rendus insécures par les événements du 11 septembre, mais pas au point de brimer des droits aussi fondamentaux que ce qui est sur la table présentement.

    C'est la même chose aujourd'hui dans Le Devoir. Il y avait encore une fois un éditorial intitulé: «La sécurité contre les libertés». Quand on est rendu à se poser ces questions, c'est qu'il y a un problème face à ce qu'on est en train de faire ici, et cela mérite réflexion.

    Les députés d'en face sont peu nombreux à s'être exprimés là-dessus aujourd'hui. Le député de Mont-Royal l'a fait dans les médias, mais les autres ont été silencieux pendant toute la journée. Moi, je m'inquiète de ce silence. On ne connaît pas leurs couleurs et on ne sait pas où ils se trouvent dans ce débat, qui est un débat important dans notre société. C'est notre rôle de prendre tout le recul nécessaire avant d'adopter de telles lois par lesquelles on va remettre entre les mains d'un ministre, quel qu'il soit, autant de pouvoirs. C'est encore plus inquiétant quand ils sont de compétence douteuse, on en convient tous. Dans l'histoire, il y en a eu et il y en aura d'autres.

    Je ne suis pas contre le fait que les ministres aient des pouvoirs dans un certain nombre de domaines, mais lorsque ce sont des pouvoirs qui jouent sur des libertés fondamentales, on dépasse les bornes de façon démesurée. On donne à un ministre la capacité d'agir sans respecter les processus normaux faisant en sorte que l'on fait toutes ces évaluations avant d'adopter une loi. Le problème de ces pouvoirs c'est qu'ils sont souvent utilisés dans des contextes de panique collective.

    Par exemple, jamais on ne penserait faire un débat ici sur une question comme la peine de mort deux jours après qu'une situation horrible ou crapuleuse soit arrivée. Souvent, les députés du gouvernement reprochent à ceux de l'Alliance canadienne d'utiliser des événements de l'actualité pour vouloir durcir le Code criminel de façon spectaculaire. Ils font exactement la même chose dans les pouvoirs qu'ils se donnent dans la foulée des événements du 11 septembre. C'est à cela qu'on assiste présentement et il faut dire: «Assez, c'est assez.»

    Une autre dimension m'inquiète, c'est la tendance qu'on a de toujours suivre les Américains dans tout et de façon presque aveugle. Jamais le Canada ne se démarque des Américains de façon originale. Je veux bien que l'on ait des standards communs sur un certain nombre de choses, mais on est toujours à la remorque de ce qu'ils veulent.

    Les derniers budgets fédéraux auraient été écrits à Washington et ils n'auraient pas été différents de ce qui s'est passé ici. On avait l'impression qu'on avait déposé une copie conforme ici et qu'on se l'est fait lire au Parlement.

    On se demande où sont écrits les projets de loi. Tantôt, j'entendais mon collègue de Rosemont—Petite-Patrie parler de conventions internationales qui n'ont pas été signées par un certain nombre de pays. Curieusement, lorsque le Canada n'y figure pas, on retrouve souvent les États-Unis sur cette même liste. C'est à se demander jusqu'à quel point le Canada a réellement une voix sur la scène internationale. N'est-on pas finalement de plus en plus perçus comme la mascotte des États-Unis?

  +-(1725)  

    Il faut se poser des questions à un moment donné. Si j'étais à la place des gens qui font de grandes leçons de morale sur la souveraineté canadienne et ainsi de suite, je serais inquiet, parce qu'on en voit de moins en moins. Dans des dossiers aussi importants que celui-là, s'il y a des différences—et je crois qu'il y en a dans la population—il faut y retrouver nos valeurs et agir de façon responsable au plan des...

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je regrette de devoir interrompre l'honorable député, mais il lui restera environ quatre minutes à la prochaine reprise du débat.

    Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

-INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Initiatives parlementaires]

*   *   *

  +-(1730)  

[Traduction]

-Loi sur le registre des délinquants sexuels

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne) propose: Que le projet de loi C-333, Loi établissant un registre national des délinquants sexuels afin de protéger les enfants et les collectivités du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

    Madame la Présidente, c'est à grand regret que j'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi, car c'est un projet de loi d'initiative parlementaire, pour ceux qui ne comprennent pas très bien l'importance qu'on leur accorde. Qui plus est, un comité de la Chambre des communes a refusé que le projet de loi puisse faire l'objet d'un vote. C'est donc dire que ce projet de loi ne sera jamais mis aux voix et que la seule intervention à laquelle j'ai droit en tant qu'instigateur d'un registre national des délinquants sexuels est un discours de 15 minutes aujourd'hui. Ce sera tout.

    Par conséquent, je m'excuse auprès des Canadiens qui souhaitaient si instamment l'établissement d'un registre national des délinquants sexuels. Je dois leur offrir des excuses parce qu'il ne sera pas établi, même si le gouvernement libéral s'était engagé non pas une fois, mais bien deux fois, à l'établir.

    Le projet de loi proprement dit s'inspire d'un projet de loi de l'Ontario connu sous l'appellation de loi de Christopher. Les plus grandes excuses que je puisse offrir au nom du gouvernement libéral fédéral vont à Jim et Anna Stephenson, dont l'enfant a été enlevé, violé à répétition et assassiné par un pédophile connu. Le modèle établi en Ontario découle en grande partie du travail accompli par les Stephenson et d'autres intervenants. La mesure législative ontarienne a effectivement donné de bons résultats. Il se peut que j'essaie d'y revenir dans quelques minutes.

    Le problème qui se pose ici, c'est que la mesure législative que j'ai déposée à la Chambre est quasi identique à celle qui a connu tant de succès en Ontario. Le gouvernement avait pris deux engagements. Premièrement, il a dit qu'il mettrait en oeuvre un registre national des délinquants sexuels au plus tard le 30 janvier 2001, et cela n'a pas été fait. Il a ensuite dit qu'il l'instaurerait vers le mois de novembre 2002, mais cela ne se fera pas. Les députés ministériels ont beaucoup parlé du CIPC, un système d'information pour la police au Canada, mais ce n'est pas un registre des délinquants sexuels. Même si le gouvernement crée un logiciel pour mettre en oeuvre un registre, il doit aussi adopter une mesure législative, notamment pour obliger les délinquants sexuels à se présenter à un endroit convenu. Non seulement le gouvernement n'a-t-il pas cherché à établir un projet de loi, mais encore il l'a complètement laissé de côté. Par conséquent, le gouvernement n'a jamais eu l'intention de donner suite à l'engagement qu'il avait pris non pas une fois mais bien deux fois d'établir un registre national des délinquants sexuels.

    Nous sommes en train de débattre d'une mesure législative qui ira à la poubelle après aujourd'hui, et beaucoup de nos concitoyens se demanderont pourquoi les délinquants sexuels causent encore des problèmes. Ils se demanderont pourquoi ces problèmes se produisent et ne peuvent être réduits. La raison est que le gouvernement n'est tout simplement pas prêt à aller de l'avant avec un registre national des délinquants sexuels.

    Je tiens à présenter mes excuses à l'honorable David Young, de l'Ontario, qui a dit que sa province était heureuse que nous prenions une telle initiative à l'échelle nationale et très heureuse, et à juste titre, d'avoir mis en oeuvre, avec grand succès, une mesure législative similaire.

    Je tiens à présenter des excuses, au nom du gouvernement je suppose, au solliciteur général de l'Alberta, l'honorable Heather Forsyth, qui a appuyé cette initiative avec enthousiasme. Heather a dit: «Je suis toutefois préoccupée qu'aucun calendrier n'ait été établi pour mettre en oeuvre ces changements. Je puis vous assurer que je suivrai de très près les progrès de la création d'un registre national des délinquants sexuels et j'ai l'intention de continuer à exhorter le solliciteur général du Canada à agir rapidement pour le mettre en oeuvre.»

    Cela ne devrait pas être surprenant. Il n'y a jamais eu de calendrier parce que le gouvernement n'a jamais eu vraiment l'intention de créer ce registre. Au nom du gouvernement je suppose, j'aimerais dire à l'honorable Heather Forsyth de l'Alberta que ça ne se fera pas et que c'est malheureux.

  +-(1735)  

    Je pourrais passer en revue toutes les provinces. En Saskatchewan, Chris Axworthy a dit la même chose. Il a dit qu'il était heureux que les ministres fédéraux se soient entendus pour proposer une mesure législative appuyant un processus d'enregistrement national. Ils avaient dit qu'ils le feraient, mais ils ne l'ont pas fait.

    En Ontario, l'Association canadienne des policiers a dit:

    Au nom des 30 000 membres de l'Association canadienne des policiers, qui sont en première ligne, nous sommes heureux d'appuyer la création d'un registre national des délinquants sexuels. Il est bien connu que l'Association canadienne des policiers milite en faveur de la création d'un registre qui aiderait ses membres à faire enquête et à appréhender les délinquants sexuels récidivistes.

    Depuis que je suis à la Chambre des communes, et pendant le temps qu'il me reste à y passer, je ne crois pas qu'il y ait eu et qu'il y aura jamais quelque chose d'aussi décevant que ceci. Je me suis battu pendant quatre ans, avec succès, pour obtenir une déclaration nationale des droits des victimes. Je me suis battu pendant deux ou trois ans pour qu'un comité spécial étudie le problème des drogues au Canada et j'ai réussi. On y travaille.

    Ce projet de loi était important, même s'il était peu onéreux. En fait, ce n'est pas une mesure législative qui aurait pu créer de graves problèmes au gouvernement. Il s'agissait d'un simple registre national des délinquants sexuels.

    À quoi aurait servi ce registre? Il n'aurait été utilisé que par la police. On y aurait enregistré les adresses, les changements d'adresse et les changements de numéros de téléphone des délinquants sexuels pour savoir où ils se trouvent. On aurait tenu à jour ce registre. La loi aurait forcé les délinquants sexuels à signaler à la police tout changement de situation. C'était tout. C'est tout ce qu'il a fallu en Ontario pour que ce registre soit une réussite à 95 p. 100. De nos jours, le nombre de délinquants sexuels en Ontario pose moins un problème.

    Tout ce que le gouvernement fédéral avait à faire, c'était d'oublier qu'un député de l'opposition avait présenté cette mesure à la Chambre des communes et d'écouter le bon sens du simple citoyen. Il aurait pu dire que si cela permettait de prévenir dans une certaine mesure de graves infractions sexuelles, il conviendrait peut-être d'examiner la question et d'adopter ce système.

    C'est un triste jour pour tout le monde. Étant donné que le gouvernement ne veut pas présenter des excuses, je dois le faire en son nom.

    Un de nos vis-à-vis va certainement nous dire que le gouvernement se penche à l'heure actuelle sur un registre des délinquants sexuels, qu'il apporte des modifications au système d'information de la police canadienne et qu'il sera là pour nous protéger. Il est vrai qu'on est en train d'apporter des améliorations au logiciel. C'est bien beau. Cependant, rien ne garantit que les délinquants sexuels ou les pédophiles libérés ou qui sont actuellement dans la rue vont signaler d'autres changements dans leur situation personnelle. En fait, cela ne se produira pas et l'information demeurera inchangée pendant 5, 10 ou 20 ans ou même pour toute la durée de leur vie. Tout ce qu'il suffisait de faire, c'était d'exiger dans la loi que chaque fois que la situation personnelle de ces délinquants change, ils doivent le signaler sous peine autrement de sanctions.

    Étant donné que je m'occupe du système pénitentiaire et des activités du solliciteur général depuis dix ans maintenant, j'ai constaté les torts que les délinquants sexuels peuvent causer. J'ai pu constater aussi l'exaspération des policiers du fait que l'information qu'ils ont à leur disposition est désuète ou difficile à retracer ou pire encore, qu'il est impossible d'avoir accès aux renseignements pertinents. Tout ce qu'il aurait fallu, c'est un petit peu d'argent et pas beaucoup, je peux l'assurer à la Chambre, pour effectuer ces quelques changements de logiciel. Il n'aurait pas fallu d'argent pour mettre en oeuvre la loi. Je ne peux vraiment pas comprendre pourquoi nous nous occupons des subtilités qui semblent nous préoccuper ces jours-ci à la Chambre.

  +-(1740)  

    Le gouvernement a peut-être estimé que la question des droits des individus posait un problème. Il a peut-être estimé qu'il y avait atteinte aux droits et libertés des délinquants sexuels. C'est habituellement le genre de question qui préoccupe le gouvernement. L'Ontario a toutefois mis en place un registre, et il n'y a eu aucune contestation aux termes de la charte. Cela n'a pas posé de problème.

    Tous les solliciteurs généraux et les corps policiers de notre pays appuient le projet de loi. À ma connaissance, aucune organisation au Canada ne s'est opposée à la création d'un registre national des délinquants sexuels. Il y en a peut-être une ou deux qui s'y sont opposées, mais la grande majorité des Canadiens ont accepté le principe. Le principal obstacle, c'est le gouvernement du Canada.

    Des gens comme Jim et Anna Stephenson, qui ont déployé tant d'efforts pour faire accepter cet infime changement, ne devraient pas abandonner. Si ce n'eût été la méconnaissance de la Chambre des communes concernant la nature d'un registre des délinquants sexuels, nous aurions déjà mis en place un registre national. Si ce n'eût été l'ignorance ou la résistance de politiciens qui hésitent à aller de l'avant de peur de porter atteinte aux droits des individus, il n'y aurait désormais plus de délinquants sexuels circulant dans nos rues sans que nous connaissions leur nom ou l'endroit où ils vivent.

    J'ai mené une étude sur le nombre de personnes qui changent de nom en prison de manière à ce que, une fois libérées sous condition, elles aient une nouvelle identité, un nouveau permis de conduire et de nouveaux certificats de compétences. Mon étude a révélé que, parmi les nombreux individus qui changent de nom en prison, presque tous sont des délinquants sexuels. Ce n'est pas un hasard. Il y a une raison à cela. Dans bien des cas, ils font cela pour pouvoir se comporter de nouveau en prédateurs.

    Un registre national des délinquants sexuels obligerait ces individus, dès qu'ils sont remis en liberté, à signaler immédiatement à la police tout changement concernant leurs renseignements essentiels. S'ils déménageaient n'importe où au Canada, ils devraient signaler où ils vivent. S'ils déménageaient à l'intérieur d'une province, ils seraient tenus de divulguer leur nouveau numéro de téléphone, l'endroit où ils vivent et d'autres détails. S'ils n'avaient aucun changement à signaler, ils devraient malgré tout se présenter aux autorités chaque année. S'ils ne le faisaient pas, la police aurait des raisons de croire qu'il y a un problème et elle pourrait alors prévoir et éviter des difficultés et des problèmes qui, autrement, se poseraient.

    J'espère que les députés du gouvernement qui interviendront au sujet de cette mesure législative ne vont pas prétendre que mes propos ne sont que de belles paroles. J'ose également espérer qu'ils ne vont pas non plus accepter de créer un registre national des délinquants sexuels et prétendre que l'affaire est réglée et que le député de Langley--Abbotsford a tort. Il ne sert à rien d'avoir un registre informatisé des délinquants sexuels s'il n'y a pas de mesure législative qui régit la communication de l'information. Voilà le coeur de la question.

    Je n'abandonnerai pas la question. Toutefois, le temps file. Avant de quitter, j'espère, un jour, être en mesure d'intervenir et de déclarer que j'ai finalement réussi à convaincre le gouvernement de l'importance de cette question. J'espère aussi, qu'un jour, un député d'en face dira que j'avais raison et que c'est ce que le gouvernement devrait faire. J'espère qu'il ne faudra pas une autre situation retentissante ou un autre enfant comme celui de Jim et d'Anna pour que le gouvernement réagisse. Ce serait une honte et un simulacre.

  +-(1745)  

    Nombre de personnes de qualité ont participé à ce projet. Je regrette qu'il n'ait pas réussi. Je regrette également que le gouvernement ne comprenne pas l'intention qui l'animait.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Madame la Présidente, je suis ravi d'intervenir en deuxième lecture du projet de loi C-333, Loi établissant un registre national des délinquants sexuels afin de protéger nos enfants, proposé par le député de Langley—Abbotsford.

    Je suis convaincu que tous les députés appuieraient sans équivoque toute mesure réalisable contribuant à mettre effectivement nos enfants, et en réalité tout les citoyens, à l'abri des prédateurs sexuels. Je vais brosser un tableau des efforts consentis par le solliciteur général jusqu'à maintenant à cet égard.

    Le solliciteur général a déclaré à maintes reprises qu'il appuie l'établissement d'un registre des délinquants sexuels. Le pays possède déjà dans le Centre d'information de la police canadienne, communément appelé le CIPC, l'un des registres des antécédents criminels les plus perfectionnés au plan technologique dans le monde. Le solliciteur général a aussi indiqué à la Chambre que son ministère envisageait d'apporter des améliorations au CIPC dans le domaine des délits sexuels, en citant la critique selon laquelle les policiers ne peuvent pas faire de recherche, au CIPC, à partir d'une simple adresse.

    En très peu de temps, il s'est acquitté de cet engagement. En effet, il annonçait le 11 septembre 2001 la création prochaine d'une nouvelle base de données à l'intérieur du CIPC qui serait connue sous le nom de catégorie des délinquants sexuels. Il a aussi annoncé que, grâce à cette base de données, qui serait fonctionnelle moins d'un an plus tard et qui serait complètement financée par le gouvernement fédéral, il serait possible d'effectuer des recherches à partir de l'adresse d'un individu ou des infractions ayant été commises.

    Ce n'est pas tout ce que le gouvernement a fait au cours des dernières années pour combattre les dangers des prédateurs sexuels.

    En 1997, nous avons promulgué le projet de loi C-55, qui a renforcé les règles sur les délinquants dangereux dans le Code criminel et également créé une nouvelle disposition en matière de détermination de la peine qui touchait ce qu'on appelle les délinquants à contrôler.

    À la suite de ces modifications, les procureurs dans pratiquement toutes les provinces déploient tous les efforts voulus pour obtenir que des criminels soient considérés comme des délinquants dangereux ou des délinquants à contrôler. En fait, depuis 1997, le nombre de délinquants qui ont été reconnus comme des délinquants dangereux a doublé chaque année.

    La mesure législative de 1997 a créé également la catégorie des délinquants à contrôler, qui ciblait les individus constituant manifestement une menace, mais pas au point d'être considérés comme des délinquants dangereux. Cette nouvelle désignation reconnaissait que des délinquants sexuels libérés qui sont supervisés et traités dans la collectivité ont des taux de récidive nettement inférieurs à ceux des délinquants qui réintègrent la collectivité après avoir purgé leur peine sans être soumis à des conditions de surveillance ou de traitement.

    En plus de leur peine d'emprisonnement, les délinquants à contrôler peuvent être tenus de se soumettre pendant dix autres années à certaines conditions et notamment à la surveillance communautaire. Cette mesure innovatrice a déjà fait en sorte que plus de 100 délinquants sont considérés comme des délinquants à contrôler.

    De plus, on a inséré une autre disposition à l'article 810 du Code criminel. Un tribunal peut prendre une ordonnance de protection de la collectivité qui est réexaminée tous les 12 mois afin d'imposer des conditions à un délinquant sexuel même lorsqu'il ne purge aucune peine.

    En outre, le 17 novembre 1994, le gouvernement a mis en place un système national de sélection pour permettre aux organismes de protection de l'enfance de vérifier le casier judiciaire de toute personne y postulant un emploi, pour écarter les prédateurs sexuels.

    Ces initiatives n'ont pas pris forme du jour au lendemain. Je conviens avec les députés qu'il s'agit d'un problème urgent, mais je pense que si l'on se précipite pour mettre en place un registre obligatoire des délinquants sexuels sans se pencher sur tous les aspects de la question, tous les détails et tous les faits, on obtiendra une mesure législative boiteuse.

    Le solliciteur général a opté pour une autre approche. Il a demandé à ses fonctionnaires de collaborer avec ceux de toutes les provinces et des territoires pour examiner à fond la question et déterminer ce qui peut fonctionner ou ne pas fonctionner dans le contexte canadien et quelles administrations ont réussi et lesquelles ont échoué. Je suis tout à fait d'accord avec cette approche. Il est clair que toutes les provinces approuvent désormais cette approche. Pour quelle autre raison participeraient-elles à part entière au groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants à risque élevé, qui se penche actuellement sur ce dossier?

    Cette approche est logique. Si nous voulons avoir un registre, nous devrions en avoir un qui fonctionne, qui soit efficace et abordable, et qui aura l'aval de l'ensemble des provinces. Nous voulons que soit mis en place un registre qui tienne compte des conséquences de la Charte canadienne des droits et libertés, qui n'enfreigne pas les lois fédérales ou provinciales sur la protection de la vie privée, pour lequel les services de police locaux auront la capacité et les ressources voulues pour le gérer, sur lequel toutes les provinces et tous les territoires pourront s'entendre pour adopter une approche cohérente, et enfin un registre qui n'incitera pas les délinquants sexuels reconnus coupables à se cacher et à changer d'identité, ce qui les prive de l'aide dont ils ont besoin pour assurer leur réinsertion sociale.

  -(1750)  

    À la réunion qui s'est tenue à Moncton en février dernier, les ministres fédéraux ont convenu de proposer un projet de loi appuyant l'idée d'un registre national, conformément au même échéancier prévu pour les améliorations à apporter au CIPC, dont l'enregistrement obligatoire de certains délinquants, comme le propose le député de Langley—Abbotsford. Les ministres discuteront à nouveau de la question lorsqu'ils se rencontreront au début de juin, dans deux semaines.

    Il est essentiel que les hauts fonctionnaires poursuivent cet important travail et qu'ils conçoivent un modèle commun avant de déterminer la meilleure façon de procéder. Un modèle détaillé nous aiderait à étudier des questions importantes comme les coûts, le respect de la charte, les aspects liés à la protection de la vie privée et la responsabilité éventuelle et, espérons-le, à trouver un terrain d'entente sur ces questions. Nous ne savons pas combien coûterait l'ensemble du système. Nous préférerions adopter un nouveau système non pas arbitrairement, mais en connaissant ses coûts réels pour tous les paliers de gouvernement.

    Nous devons étudier attentivement la question dans l'optique d'un système national, tout en reconnaissant que les différents secteurs de compétences n'ont pas tous les mêmes besoins. Avant d'avoir terminé ce travail, il sera impossible de déterminer avec précision quelle devrait être la teneur du projet de loi.

    Le projet de loi mis de l'avant par le député propose des options politiques et législatives. Il a l'appui des deux côtés de la Chambre, bien que le choix du moment et certains détails ne rallient pas toute l'assemblée. Je félicite le député pour le travail inlassable qu'il accomplit dans ce dossier. Il a formulé des commentaires quelque peu négatifs, mais il ne devrait pas sous-estimer l'importance des initiatives parlementaires qui servent à façonner certaines mesures législatives et à encourager le gouvernement à les proposer et à les faire adopter.

    Grâce à leur travail, le député et d'autres élus à la Chambre ont fait accroître l'appui accordé à ce type de registre des délinquants sexuels maintenant intégré au système du CIPC. Grâce également à la coopération des provinces et des territoires, le gouvernement espère instaurer un système d'inscription obligatoire de certaines catégories de délinquants, de manière à ce que le système fonctionne comme le député l'a dit plus tôt.

    En terminant, je signale l'importance que revêtent le projet de loi C-333 et toutes les initiatives parlementaires pour ce qui est d'inciter le gouvernement et cet endroit à adopter de meilleures politiques et de meilleures lois.

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    Le président suppléant (Mme Bakopanos): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Puisque la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, l'article est rayé du Feuilleton.

    Comme il est 17 h 54, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24(1) du Règlement.

    (La séance est levée à 17 h 54.)