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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 097

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 18 octobre 2001




1000
V AFFAIRES COURANTES
V     La Loi sur les diamants servant à financer les conflits
V         M. David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.)
V         Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi

1005
V     Questions au Feuilleton
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Le Président
V     Recours au Règlement
V         Projets de loi d'initiatives parlementaires
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD)

1010
V         Le Président
V         M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ)
V         Le Président
V Initiatives ministérielles
V     Loi antiterroriste
V         M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne)

1015

1020
V         Mme Monique Guay (Laurentides, BQ)

1025

1030
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne)

1035

1040
V         M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay, BQ)

1045

1050
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne)

1055
V         M. Rick Borotsik (Brandon--Souris, PC/RD)

1100

1105

1110
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)

1115

1120
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)

1125

1130
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne)

1135

1140
V         M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ)

1145

1150
V         M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD)

1155

1200
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)

1205

1210
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ)

1215
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)

1220

1225

1230
V         Le vice-président
V         M. Paul Crête
V         Le vice-président

1315
V     (Division 152)
V         Le Président
V         Deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         L'hon. Don Boudria

1320
V         M. Garry Breitkreuz
V         Le Président
V         Adoption de la motion
V         L'hon. Anne McLellan
V         M. Stephen Owen (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)

1325

1330
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)

1335
V         M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ)

1340

1345

1350
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD)

1355
V         M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD)
V DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
V     La Semaine de la citoyenneté
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)

1400
V     Le bois d'oeuvre
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne)
V     La Fondation Paul-Gérin-Lajoie
V         M. Serge Marcil (Beauharnois--Salaberry, Lib.)
V     Le multiculturalisme
V         Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.)
V     L'amiante chrysotile
V         M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.)
V     La force opérationnelle interarmées 2
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne)

1405
V     Israël Sirota
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)
V     La condition féminine
V         Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ)
V     La Semaine nationale des coopératives
V         M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.)
V     La Garde côtiere
V         M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne)

1410
V     L'affaire «personne»
V         L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)
V      La semaine nationale des coopératives
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)
V     La députée de Louis-Hébert
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V     La condition féminine
V         Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.)
V         Le Président
V     La pauvreté
V         M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC)

1415
V     Le système de réaction d'urgence
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)
V Questions orales
V     La loi antiterroriste
V         M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         Le Président
V         M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)

1420
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ)
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ)

1425
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ)
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD)
V         L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD)
V         L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD)

1430
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD)
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V     L'immigration
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V     La Loi antiterroriste
V         Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ ind.)
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)

1435
V         Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ ind.)
V         L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.)
V     L'immigration
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V     L'économie
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)

1440
V     L'immigration
V         M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V     Les transports
V         L'hon. Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)
V         L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.)
V     La frontière entre le Canada et les États-Unis
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)
V         L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.)

1445
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)
V         L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.)
V         Le Président
V     La santé
V         M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne)
V         M. Jeannot Castonguay (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.)
V         M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC)
V         M. Jeannot Castonguay (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.)
V     L'immigration
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne)

1450
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V     Le blanchiment d'argent
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V     L'immigration
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)

1455
V         Le Président
V     Le commerce
V         M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)
V         L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.)
V     L'immigration
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)
V         L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.)
V     Air Canada
V         M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ)
V         L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V     Le bois d'oeuvre
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)

1500
V         M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.)
V     L'économie
V         M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V     L'assurance-emploi
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V     Présence à la tribune
V         Le Président
V         Le Président
V     Les travaux de la Chambre
V         M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne)
V         L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)

1505
V         Mme Elsie Wayne
V         L'hon. Don Boudria
V     Recours au Règlement
V         Rapport officiel
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V     Question de privilège
V         Questions orales
V         M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC/RD)
V         Le Président

1510
V Initiatives ministérielles
V     Loi de 2001 modifiant le droit criminel
V         M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC)

1515

1520
V         M. Peter Adams
V         Le vice-président
V Affaires courantes
V     Les comités de la Chambre
V         Procédure et affaires de la Chambre
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne)
V Initiatives ministérielles
V     Loi de 2001 modifiant le droit criminel
V         M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD)
V         M. Peter MacKay

1525
V         Le vice-président
V         Le vice-président
V         Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi
V     La Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales
V         M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne)

1530

1535

1540
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne)
V         M. Scott Reid

1545
V         M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)
V         M. Scott Reid
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne)

1550
V         M. Scott Reid
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)

1555

1600

1605

1610
V         M. Brian Pallister (Portage--Lisgar, Alliance canadienne)
V         M. Stéphane Bergeron

1615
V         Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ)
V         M. Stéphane Bergeron

1620
V         M. Brian Pallister (Portage--Lisgar, Alliance canadienne)

1625

1630

1635

1640
V         M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)

1645
V         M. Brian Pallister

1650
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)
V         M. Brian Pallister
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)

1655

1700

1705

1710
V         M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)

1715
V         M. Ken Epp
V         M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC)

1720
V         M. Ken Epp
V         M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne)
V         M. Ken Epp
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)

1725

1730
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V INITIATIVES PARLEMENTAIRES
V     La Loi sur le Parlement du Canada
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)
V         Adoption de la motion

1735
V         Mme Yolande Thibeault

1740
V         M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne)

1745

1750
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

1755

1800
V         M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD)

1805

1810
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)

1815

1820
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)

1825
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)

1830
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V Motion d'ajournement
V         Le projet Tokamak
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ)

1835
V         M. Benoît Serré (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.)
V         M. Stéphane Bergeron
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)

1840
V         M. Benoît Serré
V         La Banque de développement du Canada
V         M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne)

1845
V         M. Claude Drouin (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.)
V         M. Scott Reid
V         M. Claude Drouin
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)






CANADA

Débats de la Chambre des communes


VOLUME 137 
NUMÉRO 097 
1re SESSION 
37e LÉGISLATURE 

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le jeudi 18 octobre 2001

Présidence de l'honorable Peter Milliken

    La séance est ouverte à 10 heures.


Prière



+AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

*   *   *

  +(1000)  

[Traduction]

+La Loi sur les diamants servant à financer les conflits

+

    M. David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-402, Loi interdisant l'importation au Canada de diamants servant à financer les conflits.

    —Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter à la Chambre la Loi sur les diamants servant à financer les conflits, loi interdisant l'importation au Canada de diamants servant à financer les conflits.

    Plus particulièrement, le projet de loi va interdire l'importation de diamants bruts et d'articles de bijouterie avec diamant en provenance d'un pays non doté d'un système de contrôle pour l'importation et l'exportation de diamants bruts.

    C'est une question importante qui mérite de faire l'objet d'un débat public au Canada. J'espère que mon projet de loi ajoutera aux discussions importantes qui ont lieu à l'échelle mondiale à l'heure actuelle dans le cadre du processus Kimberley.

    (Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*   *   *

  +-(1005)  

[Français]

+-Questions au Feuilleton

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

+-

    Le Président: Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.

*   *   *

[Traduction]

+-Recours au Règlement

+Projets de loi d'initiatives parlementaires

[Recours au Règlement]
+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement à la suite de ce qui s'est passé à la Chambre mardi lorsque nous votions sur des projets de loi d'initiatives parlementaires. On a suivi alors une procédure où la présidence à ce moment-là a permis un certain type de comportement et je voudrais maintenant que vous vous prononciez là-dessus.

    Je vais m'abstenir d'utiliser des analogies reliées à la dimension politique de ce qui s'est produit en disant que c'est un peu comme si les brebis avaient cessé de suivre leur berger ou si les singes savants avaient manqué le signe de leur entraîneur ou une chose du genre. Loin de moi l'idée de me lancer dans de telles métaphores. Cependant, je crains qu'on ait autorisé des députés à voter même s'ils avaient déjà adopté une position, c'est-à-dire qu'ils s'étaient déjà abstenus.

    Comme vous le savez, monsieur le Président, dans le cas des motions d'initiatives parlementaires, nous votons en commençant par en arrière. Cependant, ce qui s'est produit, et je suis persuadé que ce n'est que pure coïncidence, c'est que du côté ministériel, les députés des dernières banquettes ont voté et on est remonté graduellement vers les premières banquettes. Certains députés se sont abstenus alors. Ils devaient savoir que les députés de leur rangée étaient en train de voter. Les députés des deux côtés se levaient pour faire connaître leur position. Les intéressés se sont abstenus et ensuite, je ne sais pour quelle raison, on a pu lire la consternation sur le visage de certains députés des troisième, quatrième et cinquième rangées et peut-être même de la deuxième rangée lorsque les députés de la première rangée ont voté d'une façon qui était peut-être inattendue. Par la suite, une fois le vote tenu, nous avons eu droit à des démonstrations consternantes de servilité. Des gens sont intervenus pour dire qu'ils voulaient se prononcer différemment. Ils rêvassaient peut-être ou étaient peut-être perdus dans leurs pensées quand ce vote a eu lieu.

    Tout cela est bien beau, mais je prétends que ces voix n'auraient pas dû être comptées. Ces gens avaient eu la chance de se prononcer. Ils se sont abstenus et leur vote n'aurait pas dû être enregistré. Or, je crois qu'il l'a été. Je voudrais certes vous demander, monsieur le Président, de veiller à ce que des choses de ce genre ne soient plus tolérées en rendant une décision ou en prenant toute mesure que vous jugerez appropriée.

  +-(1010)  

+-

    Le Président: La présidence a eu l'avantage d'avoir un peu de temps pour étudier la question puisque le député m'a donné préavis de son intention de faire ce rappel au Règlement à la Chambre. J'ai bien aimé sa comparaison avec la brebis perdue, entre autres.

    La présidence a bien pris note de ce qui s'est passé. Parfois, au cours d'un vote à la Chambre, des députés oublient de se lever au bon moment et ratent le vote. Nous avons eu l'exemple, l'autre jour, du vice-premier ministre qui s'est levé et qui a indiqué que son intention avait été de voter en faveur d'une motion ministérielle et la Chambre a accordé son consentement unanime pour que le vote du vice-premier ministre soit compté. Le consentement a été demandé et obtenu; le député prétend que le consentement aurait dû être demandé. Oui, je pense que c'est vrai dans la plupart des cas, mais pas toujours.

    Hier soir, sachant que cette question serait posée, la présidence a pris les dispositions nécessaires pour ajouter des précisions aux instructions qui ont été données à la Chambre avant qu'elle vote hier soir sur une initiative parlementaire et je devrais peut-être les lire à l'intention du député de Winnipeg--Transcona et pour la gouverne de tous les députés. Les mots suivants ont été ajoutés:

Je me permets de rappeler aux députés que, s'ils ont l'intention de voter, ils doivent se lever quand leur rangée est appelée.

    J'ai ajouté ensuite:

Tous les députés doivent se lever quand leur rangée est appelée, s'ils ont l'intention de voter.

    Ces mots ont été ajoutés aux pieuses déclarations faites par la présidence avant la tenue des votes sur les initiatives parlementaires. Ces instructions sont lues à l'intention de tous les députés et je suis sûr que, dorénavant, elles seront écoutées. Si ce problème se reproduit et que le député de Winnipeg—Transcona doit faire ce même rappel au Règlement, je suis certain qu'il pourra le faire plus rapidement et peut-être s'assurer que, si les députés sont autorisés à voter après que leur rangée a été appelée, le consentement de la Chambre aura été obtenu au préalable.

    Je remarque que, en l'occurrence, même si on n'avait pas tenu compte du vote de toutes les personnes qui se sont levées après la tenue du vote et qui ont demandé que leur vote soit enregistré, les résultats quant au nombre de oui et de non auraient été les mêmes. Dans un sens, je trouve que ce rappel au Règlement est quelque peu théorique.

    Je sais que le député veut éliminer ce genre de vilenie. Je sais que ses efforts sont appréciés de tous les députés.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, sur le même recours au Règlement, je veux simplement clarifier un point. Je comprends que les mots ont été ajoutés, mais qu'en est-il pour l'avenir?

    Est-ce que vous allez reconnaître le vote d'un collègue--parce que le mot n'introduit pas un ordre péremptoire, même si les mots ont été prononcés--après le déroulement du vote, comme cela s'est fait? Je pense qu'on aurait besoin de directives claires à ce sujet.

+-

    Le Président: L'idée, c'est de demander que chaque député se lève au moment où sa rangée est appelée au vote. Si un député de cette rangée ne se lève pas au moment indiqué, et qu'il voudrait voter plus tard, il faut que ce député demande le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir le faire. C'est seulement cela. J'espère que cela a clarifié la question pour tout le monde.

    M. Michel Guimond: C'est très clair.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

[Traduction]

+-Loi antiterroriste

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 17 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous reprenons aujourd'hui le débat au sujet du projet de loi C-36, Loi antiterroriste présentée par le gouvernement. Les députés de l'Alliance canadienne ont souligné clairement qu'ils appuieront toute initiative visant la mise en place d'une mesure législative efficace et efficiente qui contribuera à réduire et à endiguer la menace que fait peser le terrorisme au pays.

    Nous savons que cette situation a des répercussions à grande échelle. Aujourd'hui, sur la pelouse en face de la Chambre des communes, des employés d'Air Canada participent à un rassemblement spécial lié à l'incidence énorme qu'a eue le terrorisme sur l'aviation commerciale au Canada. Les employés d'Air Canada veulent obtenir des réponses et des solutions de la part du gouvernement. Ils veulent savoir non seulement ce qu'il en est de la sécurité au sein de l'industrie du transport aérien, mais aussi ce qu'il en est de leur emploi et des répercussions sur leur famille.

    Je vais parler pendant quelques minutes de la situation d'Air Canada.

    Le gouvernement a forcé la fusion des deux compagnies aériennes. Chaque fois que le gouvernement cherche à se mêler d'une façon quelconque à l'exploitation d'une entreprise et à la prise de décisions d'affaires, cela semble toujours revenir le hanter. Dans ce cas-ci, la dette d'Air Canada est si énorme et l'entreprise éprouve de si nombreux problèmes, en partie à cause de la fusion, que cela pourrait mener à une faillite.

    En outre, lorsque le gouvernement s'est mêlé de la question, Air Canada a en bout de piste conclu avec ses employés une entente leur garantissant qu'il n'y aurait pas de licenciements pendant quatre ans. Nulle entreprise ne signerait un tel accord, sauf si celui-ci prévoit que le gouvernement s'occupera à tout jamais des pots cassés. C'est ridicule.

    Avant de passer directement au projet de loi C-36, j'aborderai la question des pilotes d'Air Canada. Bon nombre de ces derniers habitent dans ma circonscription. Ils ont souligné qu'ils se sont ressentis et qu'ils continuent de se ressentir de la fusion des deux groupes de pilotes. Cette fusion est tout à fait inéquitable à l'endroit des pilotes d'Air Canada ayant façonné leur carrière et accepté de travailler dans certaines conditions, ceux-ci constatant subitement qu'ils ont été défavorisés par les interventions du gouvernement.

    Je souligne ce fait parce que les actes terroristes ont eu une incidence négative qui a exacerbé les erreurs du gouvernement dans ce secteur clé de notre économie.

    Le projet de loi C-36 me préoccupe grandement pour ce qui est des terroristes qui vivent au Canada. Certes, le SCRS et la GRC devraient s'occuper de la collecte de renseignements sur les terroristes potentiels et arrêter ceux-ci en temps opportun. Cela pose néanmoins un problème.

    J'ai constaté que lors de sa comparution devant un comité, M. Elcock s'est présenté comme étant conseiller auprès du gouvernement exclusivement, non pas auprès de comités ou d'autres instances. Il me semble étrange que le SCRS agisse de la sorte. Pourquoi ne pas se montrer plus ouvert avec les députés qui sont aussi responsables de ces mesures antiterroristes?

    Je suis aussi préoccupé par la question de l'extradition des terroristes qui sont recherchés dans d'autres pays et par la réponse que le Canada donnera, particulièrement en ce qui concerne les pays où l'on pratique la peine de mort.

  +-(1015)  

    Le projet de loi n'améliore en rien les procédures actuelles en matière d'extradition découlant du jugement de la Cour suprême dans la cause de Burns c. Rafay. Depuis cette décision, le Canada est un havre de paix pour les criminels, y compris les terroristes, qui chercheraient à échapper à la peine de mort. Il est essentiel que le projet de loi offre une solution à ce problème.

    Je me demande si le gouvernement comprend le sérieux de la situation et à quel point le Canada est perméable à une attaque terroriste. Des attaques ont été perpétrées de par le monde. Certains pays sont victimes d'attentats depuis des années, des attentats à la voiture piégée, entre autres. Voilà un exemple de ce que font les terroristes.

    Je me demande si le gouvernement est inquiet au point de faire adopter le projet de loi nécessaire dans les circonstances. La question de l'extradition en est une qui ne saurait tolérer aucune zone d'ombre. Un terroriste est un terroriste, un point c'est tout. Si un autre pays possède des preuves et a porté des accusations contre un terroriste, le Canada devrait pouvoir remettre cette personne à la justice de ce pays, peu importe la peine qu'elle risque d'encourir, y compris la peine de mort.

    Le projet de loi comporte aussi des lacunes pour ce qui est de garantir un financement fiable et à long terme aux travailleurs de première ligne dans la guerre contre le terrorisme. Les travailleurs de première ligne sont ceux qui s'occupent de la sécurité dans notre système de transport, à des endroits comme les aéroports, les gares et les terminus d'autobus. Ils comprennent aussi de nombreux employés des services de renseignement du SCRS et de la Gendarmerie royale du Canada.

    Il se peut que cela n'ait rien à voir avec le terrorisme, mais j'ai appris ce matin qu'un autocar a été détourné aux États-Unis.

    Le deuxième aspect dont je voudrais parler brièvement, ce sont les approvisionnements alimentaires du Canada. Je suis le porte-parole principal en matière d'agriculture. Cet aspect n'a peut-être pas été abordé en profondeur jusqu'à maintenant. Cependant, dans la lutte contre le terrorisme, la FAO, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a récemment déclaré qu'elle mettrait en place une équipe d'intervention rapide pour aider les pays à réagir immédiatement à des incidents de bioterrorisme visant les approvisionnements alimentaires mondiaux. Cela ne vise pas des pays en particulier. Le Canada a des approvisionnements alimentaires pour sa population. Cependant, certains pays n'ont pas autant de chance. Chaque fois que nous avons demandé au ministre de l'Agriculture ce qu'il fait à cet égard, il a éludé la question, comme en témoigne le hansard.

    Je vais soulever la question de nos vétérinaires fédéraux, et je suis certain que le ministre de l'Agriculture écoute cela. Ces vétérinaires sont sans contrat depuis des années. Si nous sommes victimes d'une attaque bioterroriste dirigée contre notre industrie de l'élevage, le gouvernement a-t-il pris des dispositions pour que les vétérinaires des villes qui s'occupent des animaux de compagnie puissent intervenir là où les principaux actes de bioterrorisme se produiraient probablement, c'est-à-dire dans le secteur de l'élevage?

    Ce sont là des questions qui ne sont pas délicates sur le plan de la sécurité, c'est-à-dire que le gouvernement peut divulguer cette information à la population pour lui donner l'assurance qu'il prend les mesures qui s'imposent et qu'il est préparé à intervenir.

  +-(1020)  

    Le moment est venu pour le gouvernement d'être plus direct avec les Canadiens et les députés sur toute cette question du terrorisme.

[Français]

+-

    Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais dire que nos pensées, nos prières et nos messages de paix accompagnent toutes ces femmes et tous ces enfants afghans qui, présentement, tentent de trouver refuge—on voyait cela ce matin, d'ailleurs, à la télévision—dans différents pays. À bien des endroits, les frontières sont fermées. Ils ne peuvent pas trouver de refuge. Alors, mes pensées sont avec ces femmes et ces enfants. Je souhaite sincèrement qu'ils trouvent refuge et qu'ils réussissent à bien se nourrir, à bien se loger et surtout à être soignés décemment pour passer au travers de cette terrible crise qui sévit présentement.

    Cela étant dit, quant au projet de loi C-36, il faut être très réaliste. Un vent de panique a soufflé sur la planète et je pense que nous, comme législateurs et élus, devons aussi apporter un message de calme et de logique dans tout cela. Il est vrai qu'on doit se protéger. Il est vrai aussi que l'on n'aurait jamais pensé devoir adopter un projet de loi concernant le terrorisme, l'antiterrorisme. Mais on est obligés d'affronter cette situation.

    En revanche, les attaques terroristes qui ont eu lieu à New York et à Washington ne doivent surtout pas changer les principes qui guident notre manière de vivre et de faire les choses. Ce serait là la plus grande victoire des terroristes, car nous aurions alors succombé, évidemment, à la terreur.

    Dans nos réactions, il nous faudra avant tout équilibrer les mesures de sécurité améliorées et la place centrale et essentielle qu'occupe la liberté dans notre société. Il faut se protéger, il est vrai. Sacrifier notre liberté serait capituler, car c'est cette liberté qui, plus que toute autre chose, définit notre vie démocratique. Les choix que nous ferons ne seront pas seulement des choix de sécurité. Ce sont aussi des choix de société et c'est cet équilibre qui doit, avant toute chose, encadrer notre analyse du projet de loi.

    Nous sommes donc d'accord avec le principe du projet de loi C-36. Par contre, nous avons demandé et nous demandons au gouvernement de ne pas en faire l'étude en comité à toute vapeur. Premièrement, c'est une loi exceptionnelle. C'est une loi qui se veut inusitée ici, à la Chambre, bien qu'on y vote régulièrement des lois. Mais cette loi n'est pas comme les autres et elle ne doit pas être traitée comme les autres lois.

    Oui, nous devons nous doter d'une loi antiterroriste, pour pouvoir affronter cette situation de crise. Mais en même temps, il faut être logique. Il faut pouvoir s'assurer qu'on ne vient pas brimer les droits démocratiques d'autres groupes. Je donne un exemple: si Greenpeace décidait de faire une manifestation lors d'une conférence internationale qui aurait lieu à Ottawa, que cette loi vienne affecter son droit démocratique de manifester et qu'on arrête les manifestants sur la base du projet de loi C-36, cela ne peut pas fonctionner. Il faut pouvoir continuer à vivre une vie dans la démocratie, comme on le fait depuis des années.

    Il est vrai qu'on doit prendre des mesures extraordinaires. Mais, encore une fois, il faut respecter le droit démocratique des gens, de la population, des hommes, des femmes qui sont ici et qui respectent les lois.

    Cela étant dit, nous demandons une clause crépusculaire. Nous désirons que cette loi soit révisée, si possible, tous les ans. Les choses vont évoluer; on ne sait pas comment cela va changer. On ne sait pas ce qui se produira demain. On ne sait pas si on aura des attaques sur le plan biologique. On n'a aucune idée. Il y a un vent de panique présentement.

    Il est très clair que tout le monde devient un peu paranoïaque. Mais je pense qu'avec le temps, on réussira quand même à retrouver un certain calme. Il faut être prudents; il faut affronter la situation, c'est vrai. Toutefois, cette loi ne peut pas être coulée dans le béton. Une guerre ne devrait pas durer 100 ans. J'imagine que cette situation est temporaire, c'est ce que je souhaite. J'espère que nous trouverons des solutions.

    Nous demandons donc que la loi soit révisée tous les ans et nous demandons aussi à ce qu'après trois ans, elle soit ramenée à la Chambre pour qu'on puisse la réviser, s'il y a des changements à y apporter. En effet, à cet égard, il peut y avoir une évolution qu'on ne soupçonne pas présentement. On ne peut pas laisser ainsi une loi comme celle-là.

  +-(1025)  

    Il peut y avoir un changement de gouvernement, il peut se produire toutes sortes de choses. Cette loi devrait donc automatiquement être ramenée devant la Chambre pour qu'on puisse la revoir, y apporter des améliorations, si nécessaire.

    On sait très bien que lorsqu'on adopte une loi, elle n'est pas toujours parfaite. C'est à l'application et à l'usage que l'on voit si cette loi fonctionne ou non. Il faut donc s'assurer qu'on ne vient pas nuire aux droits et libertés de la population et des regroupements existant actuellement.

    Autrement dit, il faut continuer à vivre normalement, mais on doit quand même se protéger. On doit pouvoir faire en sorte que si l'on a des doutes raisonnables sur une personne ou un groupe de personnes, on peut les empêcher d'agir avant qu'elles aient commis leur acte terroriste.

    Je suis tout à fait d'accord avec cela, mais il ne faut quand même pas non plus se rendre à l'autre extrême. Il faut un équilibre, et par une loi bien encadrée, bien spécifique, on pourrait alors y faire face.

    J'imagine que nous terminerons la deuxième lecture aujourd'hui, après quoi ce projet de loi sera renvoyé au comité. Ce qui est inquiétant, c'est que déjà, la ministre est prête à venir au comité, cet après-midi, je crois, pour débattre du projet de loi. Les groupes de témoins seront appelés à venir présenter leurs mémoires sur ce sujet, mais ces gens n'ont pas vraiment eu le temps de se préparer.

    On sait que la préparation est importante et qu'il s'agit d'une loi exceptionnelle. Nous n'avons pas l'habitude de prendre des décisions en ce sens donc, il faut laisser le temps aux témoins, à la population, d'étudier le projet de loi comme il faut, d'y apporter les amendements nécessaires, tant pour protéger la population que pour protéger la démocratie, car c'est très important dans un pays comme le Canada ou dans une province comme le Québec. Il faut absolument que l'on puisse continuer à vivre librement, tout en s'assurant de pouvoir agir rapidement face à des groupes terroristes ou à des actions terroristes ciblées.

    Cela étant dit, j'ai aussi remarqué, dans Le Devoir d'aujourd'hui, que quelques députés libéraux ont eux aussi des inquiétudes face à ce projet de loi.

    Il faut faire attention. Déjà, il y a contestation, même au sein du gouvernement. Ce n'est pas nécessairement de la contestation, mais il y a des réticences.

    Des amendements devraient être apportés et j'espère que, pour une fois, le gouvernement sera à l'écoute des députés, des gens qui l'entourent. Ce sont des gens qui savent de quoi ils parlent, ce sont souvent des avocats, des gens qui connaissent les lois. Ils disent qu'il faut une clause crépusculaire, parce que c'est inquiétant. Il faut des barèmes, il faut qu'il y ait un nombre d'années à respecter pour l'application de cette loi. Il faut s'assurer qu'on ne coule pas cela, encore une fois, dans le béton. Il faut être capable de réagir rapidement, d'apporter des modifications.

    Donc, si plusieurs députés du parti au pouvoir sont prêts et demandent des changements importants au projet de loi, il faudra peut-être que le gouvernement finisse par les écouter.

    En terminant, j'espère que ce projet de loi, qui semble quand même obtenir une certaine unanimité ici à la Chambre, pourra être amélioré de façon importante et que les demandes du Bloc québécois seront prises en considération, parce qu'elles sont capitales pour la démocratie et la liberté de la population.

  +-(1030)  

[Traduction]

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les événements du 11 septembre seront à jamais gravés dans notre mémoire. On pleurera pendant des années encore les êtres perdus ce jour-là. Des générations entières ont vu leur vie changer. L'innocence, la paix et la sécurité ont été troublées. Il faut réagir à ces actes terroristes. Ne rien faire équivaudrait à donner à ces organisations le droit de récidiver.

    Les États-Unis ont commencé à attaquer les camps d'entraînement et les postes de communications du groupe Al-Qaïda et d'autres bastions terroristes connus. J'appuie leurs efforts pour rendre justice aux quelque 5 000 hommes et femmes et plus qui ont perdu la vie le 11 septembre. Ces victimes ne doivent pas être oubliées, et leurs meurtriers doivent être traduits en justice. Le Canada doit appuyer les États-Unis et leurs alliés dans leur lutte pour débarrasser le monde entier du terrorisme. Une partie de la lutte contre le terrorisme doit commencer ici chez nous.

    Une motion proposée récemment par l'Alliance canadienne faisait ressortir plusieurs points, qui n'étaient en rien extrémistes ou discriminatoires. Le fait de poser des questions au nom des Canadiens ne fait pas de nous des racistes et des fanatiques. Nous avons fait ressortir ces points parce qu'il s'agit d'une guerre pas comme les autres. Il n'y a pas de cible précise. Nous nous battons contre une forme radicale et militante d'extrémisme qui cherche à détruire la liberté à laquelle nous tenons tant. Cet effort bien orchestré permettra de trouver et de détruire les éléments terroristes.

    Le Canada a accepté d'envoyer des militaires et du matériel. Je rends hommage aux membres des Forces armées canadiennes pour leur participation et les remercie sincèrement de leur dévouement pour notre pays. Leur patriotisme et leur dévotion méritent d'être applaudis. Nous devons soutenir ces braves hommes et femmes qui risqueront tout pour assurer la sécurité d'autres personnes. Nos pensées et nos prières sont avec les Canadiens qui se sont joints aux forces alliées dans cette importante bataille contre le terrorisme et les forces du mal qui ont envahi notre monde.

    Nos concitoyens sont troublés et s'interrogent au sujet de leur rôle et de la place qu'ils occupent dans cette situation traumatisante. Comment notre pays sortira-t-il de cette guerre? Retrouverons-nous jamais un sentiment de sécurité? Mes électeurs et, de fait, tous les Canadiens veulent savoir si nos forces armées et nos organismes de protection seront adéquatement financés. Si nos forces armées étaient suffisamment financées, le personnel n'aurait pas à faire la file à des banques alimentaires et les camions ne perdraient pas de roues.

    Le gouvernement ne s'est toujours pas engagé fermement à financer la lutte contre le terrorisme. Sans un financement adéquat, le projet de loi fera peu pour assurer la sécurité des Canadiens. Le gouvernement doit présenter un budget. Dans d'autres pays, la loi exige que des fonds soient dégagés pour appliquer des mesures de sécurité. Le gouvernement refuse toujours d'en faire une priorité.

    Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à garder le secret sur la situation économique de notre pays? Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont mis en place des plans généraux de lutte contre le terrorisme. Le Royaume-Uni a interdit les organisations terroristes et établi une liste de 14 organisations interdites. La loi canadienne ne fait rien de tel. Au Royaume-Uni, la loi prévoit une indemnisation pour les personnes qui, accusées mais non condamnées pour une infraction, voient leurs droits violés ou leurs biens saisis ou endommagés. La loi canadienne ne contient aucune disposition en ce sens. La loi, au Royaume-Uni, n'accorde qu'à certains juges d'instances supérieures le pouvoir d'accorder une liberté sous caution, ce qui restreint le nombre de personnes pouvant en bénéficier. La loi canadienne ne contient aucune disposition pour supprimer cette échappatoire.

    Le gouvernement doit continuer de mettre en oeuvre des politiques et des mécanismes pour assurer la sécurité des Canadiens à la frontière, dans les aéroports, dans les airs et dans nos rues. Les terroristes connus qui se trouvent au Canada doivent être trouvés et placés en détention.

    À l'heure actuelle, les douaniers canadiens n'ont ni la formation ni les moyens suffisants pour contribuer à la lutte contre le terrorisme. S'ils ont des doutes au sujet d'une personne qui franchit la frontière pour venir au Canada, ils ont pour consigne de laisser cette personne entrer et de communiquer avec la GRC. Depuis que l'Agence des douanes a fusionné avec Revenu Canada, pour devenir l'Agence des douanes et du revenu du Canada, il semble que la vocation de cet organisme ait changé.

    Aux États-Unis, les douaniers ont des pouvoirs comparables à ceux des agents de la paix. Au Canada, ils semblent avoir pour mandat de percevoir des recettes pour le gouvernement. Allons-nous continuer de permettre aux terroristes d'entrer au Canada pourvu qu'ils continuent de payer les droits sur leurs achats?

  +-(1035)  

    C'est toute notre mentalité qui doit changer. La vie ne peut pas continuer comme avant les événements du 11 septembre. Des mesures de sécurité doivent être mises en place immédiatement, comme l'obligation, pour tous les citoyens et les immigrants reçus, de présenter une pièce d'identité sûre lorsqu'ils veulent rentrer au Canada. Tous les avoirs financiers et matériels des terroristes doivent être saisis. Les procédures d'expulsion doivent être revues et améliorées. Les Canadiens doivent faire leur part pour garantir la sécurité de l'Amérique du Nord.

    La loi antiterroriste des États-Unis met l'accent sur l'expulsion. Celle du Canada semble ignorer cet aspect. Les pratiques d'expulsion au Canada sont inadéquates. En fait, elles profitent aux terroristes, qui trouvent agréable de résider au Canada. Si on ne les modifie pas immédiatement, les dispositions législatives canadiennes concernant l'expulsion continueront de faire de notre pays une destination de choix pour les personnes malveillantes. Avec quelque 27 000 personnes visées par une ordonnance d'expulsion dont on ignore la situation, comment le gouvernement peut-il assurer la sécurité des Canadiens? Comment ferons-nous pour connaître l'avenir des expulsions et déterminer leur efficacité?

    Les gens de ma circonscription m'ont posé de nombreuses questions la semaine dernière concernant la lutte contre le terrorisme et la participation de notre pays à cette initiative. Aujourd'hui, je pose les mêmes questions au gouvernement libéral.

    Puisqu'on s'attend à ce que la nouvelle guerre menée contre le terrorisme prenne de nouvelles proportions, les Canadiens méritent qu'on leur rende compte exactement des finances de l'État. Quand le ministre des Finances va-t-il déposer un nouveau budget? Le gouvernement donnera-t-il aux Canadiens l'assurance qu'il ne va pas recourir à la conscription pour garnir les rangs des forces canadiennes? Le premier ministre a-t-il écarté cette mesure lors de ses discussions avec le président Bush?

    Pourquoi le gouvernement n'aide-t-il pas les agriculteurs canadiens, de qui nous dépendons pour nourrir la population et nos forces armées? Comment fera-t-on pour nourrir les Canadiens lorsque le pays perd chaque jour des agriculteurs? Comment pourra-t-on apaiser les préoccupations concernant l'alimentation au Canada si nous ne réglons pas ce problème?

    A-t-on des plans d'urgence bien définis en cas d'attaque biologique? Quand les Canadiens pourront-ils compter sur des vaccins et des traitements de médecine préventive? La GRC et le SCRS obtiendront-ils suffisamment de fonds pour pouvoir engager le personnel nécessaire afin d'assurer aux Canadiens le niveau de sécurité dont ils ont besoin?

    Le Canada doit faire sa part durant la crise, mais tous les Canadiens méritent d'avoir des réponses. Au nom des citoyens de Saskatoon—Rosetown—Biggar, je demande au gouvernement des réponses précises à ces questions.

  +-(1040)  

[Français]

+-

    M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay, BQ): Monsieur le Président, habituellement je dis toujours que je suis heureux de prendre la parole, mais aujourd'hui, je ne le suis pas parce que ce n'est pas rose de parler de la guerre.

    Il y a quelque temps, au caucus du Bloc québécois, je discutais avec mon collègue de Repentigny et on parlait du travail de député. Je lui demandais comme cela: «Cela doit être incroyable d'être un parlementaire en temps de guerre». J'ignorais alors absolument que deux semaines plus tard, je me retrouverais dans cette situation.

    Bien entendu, il y a beaucoup d'émotions qui nous animent lorsqu'on parle d'un tel sujet d'autant plus que je suis un de ceux qui considéraient qu'on avait déjà assez de problèmes. J'avais beaucoup d'inquiétudes par rapport à la direction que prenait le monde et je remettais en question beaucoup de choses dans cette société, et je pense que je n'étais pas le seul. Maintenant, on est dans une situation où les problèmes sociaux, environnementaux et démocratiques immenses que nous avions, tout cela est mis de côté. On hiérarchise une autre question qui n'a rien en tout cas de très constructif.

    Quand j'entends le président Bush dire «on va gagner», je ne suis pas d'accord. Je pense qu'on est tous perdants; on a tous déjà perdu. La preuve est qu'aujourd'hui, on est en train de débattre un projet de loi qui nous fait perdre des libertés. Je ne dis pas que je suis contre le projet de loi. Cependant, il faut reconnaître que j'ai certaines inquiétudes en ce qui concerne nos libertés. J'ai des inquiétudes pour nous, mais qu'on me permette d'avoir une pensée pour ceux qui vivent actuellement dans la peur des bombardements.

    Ici, je sais que j'ai déjeuné ce matin, je vais dîner ce midi et je vais manger un autre repas ce soir. Il y a toutefois une foule de personnes pour qui ce n'est pas le cas. Il y en avait déjà une foule pour qui ce n'était pas le cas. Actuellement, les images que nous envoie la télévision sont tout à fait désastreuses. Le seul point intéressant, mais qui est encore très navrant, c'est que cela a mis en lumière une situation scandaleuse dans cette partie du monde, à savoir la situation des femmes en Afghanistan et dans toute cette région. La considération que les hommes ont là-bas envers les femmes est, selon moi, un crime contre l'humanité.

    Si on peut trouver un aspect positif aux événements actuels, ce serait la connaissance que nous avons à ce niveau. Cependant, est-ce que cela réglera la situation? J'ose espérer qu'une prise de conscience est essentielle par rapport à cette situation.

    Il faut donc trouver des façons de lutter contre le terrorisme. Le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui a pour objectif la lutte contre terrorisme. Selon le gouvernement, il a pour objectif d'empêcher les terroristes d'entrer au Canada et de protéger les Canadiens et les Canadiennes contre les actes de terrorisme, de fournir des outils permettant d'identifier, de poursuivre en justice, de condamner et de punir les terroristes, d'empêcher que la frontière entre le Canada et les États-Unis ne soit prise en otage par les terroristes, ce qui aurait des répercussions sur l'économie du pays, de collaborer avec la communauté internationale pour traduire les terroristes en justice et d'aborder les causes profondes de la haine qui les anime. Ce point-là est particulièrement important.

    On comprendra que je me rallie à la position de mon parti lorsque nous nous disons prêts à collaborer sur ce projet de loi. Nous sommes très disposés à écouter ce qui pourra se dire en comité. Ce sera donc une étape très importante qu'il ne faudra pas faire de manière précipitée, d'où l'importance qu'il y ait une limite de temps quant à la durée de ce projet de loi. Quand on parle d'une clause qui limiterait la portée de cette loi à trois ans, sauf si la Chambre en décide autrement, je pense que c'est une chose nécessaire.

    La définition d'acte de terrorisme est très large et comporte des risques de dérapage à l'encontre de groupes d'individus qui ne sont pas des terroristes. C'est là tout un défi. Il faut arriver à définir ce qu'est un terroriste. Ma crainte, justement, c'est qu'avec les dérapages médiatiques auxquels nous pouvons assister ces jours-ci, il pourrait éventuellement être possible de pointer du doigt des gens en les traitant de terroristes alors qu'ils ne le sont pas.

    Par exemple, les jeunes, il y a deux ans, ont éveillé l'opinion publique sur l'Accord multilatéral sur l'investissement. Ils sont allés jusqu'à manifester une forme de désobéissance en démontrant pacifiquement, mais certainement, leur inquiétude. Aujourd'hui, est-ce que ces gens-là seraient traités de terroristes? Moi qui, à un moment donné, ai pris ce siège et l'ai sorti de cette Chambre, ce qui n'était certainement pas un acte normal, est-ce que cela aurait pu être défini comme un acte terroriste? Il y a plein d'interrogations inquiétantes comme celles-là où la liberté des gens peut être diminuée.

  +-(1045)  

    C'est pour cela que je considère que oui, il faut aller de l'avant, mais il faut se mettre des garde-fous pour pouvoir reculer s'il y a des exagérations.

    Il y aura aussi la possibilité pour le procureur général et ministre de la Justice de soustraire des informations en évitant d'appliquer la Loi sur l'accès à l'information, et ce, sans garde-fou.

    Le ministre de la Défense pourra intercepter des communications internationales par simple communication écrite au Centre, sans l'approbation d'un juge.

    Le projet de loi reprend l'ensemble du projet de loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance, qui est un mauvais projet de loi.

    Il y a donc plusieurs choses qui peuvent être critiquées, mais il ne faut surtout pas croire que nous sommes contre des mesures qui ont pour but d'enrayer le terrorisme. Cependant, quand on parle de lutter contre le terrorisme, on peut parler de cette loi qui est selon moi une façon répressive de lutter contre le terrorisme. Mais pour être sérieux, pour aller vraiment au coeur du problème, il faut aussi regarder les aspects qui peuvent prévenir le terrorisme.

    Qu'est-ce qui cause de tels actes? Pourquoi des gens sont-ils prêts à aller si loin? Il y a là tout un défi auquel l'humanité fait face. On aura beau se doter des meilleurs systèmes de sécurité au monde, mais notre liberté en sera grandement affectée. Ce n'est pas dans ce genre de monde que je veux vivre. Ce qui m'intéresse, c'est de me tourner vers ces populations qui ont de la haine envers les États-Unis et envers l'Occident. Je peux comprendre des pays comme l'Afghanistan, qui vivent dans un état de pauvreté épouvantable.

    La racine de l'intégrisme est sûrement alimentée par des problèmes sociaux. Quand on voit que là-bas, des petites filles n'ont pas accès à l'éducation, des garçons non plus, que des gens n'ont pas accès à une vie épanouie, qu'ils n'ont pas accès à un degré légitime de richesse, qu'ils n'ont pas accès à des biens de base, il faut s'attendre à ce que, à un moment donné, cela saute.

    Cela a toujours été ma thèse, que j'ai probablement tirée de gens comme Nelson Mandela qui disait: «La sécurité pour quelques-uns, c'est l'insécurité pour tous.» Je pense que cette phrase a été prouvée le 11 septembre dernier.

    Au sujet de l'accès à l'éducation, je suis un de ceux qui croient qu'un des antidotes aux problèmes de ce monde, à la pauvreté et au terrorisme, c'est l'éducation. J'en suis un fervent défenseur.

    L'autre élément est l'aspect religieux dont je parlerai dans un prochain discours car, malheureusement, c'est tout le temps dont je dispose.

  +-(1050)  

[Traduction]

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis reconnaissant d'avoir cette occasion de parler du projet de loi dont nous sommes saisis. J'ai hâte qu'il soit renvoyé au comité pour qu'il y soit étudié et que les choses avancent.

    Je rappellerais tant à notre auditoire qu'aux autres députés ici présents, et qui sont probablement au courant de ce fait, que le projet de loi s'inspire de certaines bonnes idées émises par d' autres partis, dont l'Alliance canadienne. Je pense que c'est ainsi que devrait fonctionner le Parlement. Un grand nombre de ces recommandations ont été faites par l'Alliance canadienne il n'y a pas si longtemps, un jour réservé à l'opposition; nous avions recommandé entre autres de permettre la désignation des organisations terroristes, la ratification de la Convention internationale pour la reppression du financement du terrorisme et l'interdiction des activités de financement en faveur du terrorisme. C'est formidable quand la Chambre fonctionne comme ça et que nous sommes capables de faire pression sur le parti au pouvoir de telle manière que nous arrivons à faire inclure dans la mesure législative certaines des bonnes choses qui s'y trouvent. Je pense que le projet de loi est le résultat direct du genre de pression que nous avons pu exercer sur le gouvernement.

    La ministre insiste sur le fait que le projet de loi résisterait à une contestation fondée sur la Charte des droits. Nous trouvons que l'accent devrait être mis plutôt sur la question de savoir si le projet de loi protège les Canadiens contre le terrorisme. Comme le dit la ministre, il devrait résister à une contestation fondée sur la charte, mais plus que tout, il devrait faire quelque chose dans les faits et dans la réalité pour protéger les Canadiens contre le terrorisme avec des mesures très spécifiques et très concrètes plutôt que de seulement offrir des assurances réconfortantes.

    En guise de mise en garde, je dirai que la loi ne servira à rien si les libéraux n'octroient pas des ressources suffisantes à nos forces qui sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. On aura beau faire, même si tout est beau sur papier et qu'on a une bien belle mesure législative, nous ne pourrons rien en faire si nous n'avons pas les ressources nécessaires. Nous ne pourrons pas la mettre en oeuvre et en assurer l'exécution si, dans les faits, les ressources ne suivent pas. Dans bien des secteurs, l'argent est gaspillé et dépensé à tort et à travers. Or, cet argent pourrait être redirigé et servir en priorité à mener ce combat crucial contre le terrorisme.

    Le gouvernement libéral a négligé jusqu'à maintenant de ratifier tant la Convention pour la répression du financement du terrorisme que la Convention pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. Nous l'avons pressé de le faire. Avant que ceci ne se produise, nous disions déjà que ça aurait dû être fait. Il est regrettable, en un sens, qu'il ait fallu une tragédie d'une telle ampleur pour en arriver finalement à ce que ces conventions soient ratifiées et à ce que nous prenions d'autres mesures pour lutter contre le terrorisme.

    Si le gouvernement avait écouté ses agents en première ligne, ceux qui travaillent jour après jour sur le front et savent à quel genre de menaces nous faisons face, s'il avait écouté ces travailleurs qui protègent le Canada contre la menace terroriste, et cela depuis des années mais sans législation adéquate ni outils appropriés, il aurait fait adopter depuis longtemps ce genre de loi. Le Royaume-Uni a adopté une loi de ce genre en juillet 2000. C'est là une bonne démocratie dont nous suivons souvent l'exemple quand nous constatons les bonnes mesures qu'elle prend. Nous aurions dû comprendre beaucoup plus rapidement.

    Malheureusement, le projet de loi n'interdit pas l'appartenance aux organisations terroristes. Nous entendons la ministre et d'autres dire essentiellement que, tant qu'ils ne sont pas trop actifs, les membres de ces organisations peuvent continuer d'en faire partie et même faire état de leur appartenance à ces organisations: tant qu'ils restent inactifs et discrets, ça va. Nous croyons cependant que, s'il s'agit d'organisations terroristes notoires, il devrait être complètement interdit d'en faire partie.

    Nous avons demandé au gouvernement de mettre en place des lois qui permettraient d'extrader les criminels prestement et sans réserve vers des pays qui respectent la primauté du droit, c'est-à-dire des pays qui honorent autant que nous la primauté de la loi. On trouvera peut-être à chicaner à propos de légères différences dans leurs lois, dont l'existence de la peine de mort et ainsi de suite, mais cela ne devrait pas être une raison de ne pas extrader les criminels vers ces pays.

    Le projet de loi C-36 ne fait rien pour remédier à ce problème. Il en résulte que le Canada est maintenant considéré internationalement comme un refuge sûr pour les criminels. Les députés d'en face peuvent bien protester, c'est un fait notoire que beaucoup de gens considèrent le Canada ainsi, étant donné surtout que nos lois à cet égard ne sont pas aussi rigoureuses que celles de certains de nos voisins. Le Canada serait un endroit où se réfugier, un endroit sûr où l'on peut planifier et préparer des attentats terroristes.

  +-(1055)  

    Ce qui nous préoccupe aussi et que nous voulons voir éclaircir au comité, c'est que la ministre et son ministère, semble-t-il, ont glissé en douce dans le projet de loi des dispositions limitant l'accès à l'information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. C'est inquiétant. On se plaint souvent d'être privé de certains renseignements qu'on veut et qu'on a besoin d'avoir en tant que député. C'est déjà inacceptable, mais c'est encore pire si nous ne pouvons pas savoir pourquoi le gouvernement ne peut pas aller de l'avant dans tel ou tel domaine. Et c'est pourtant ce qui arrivera par suite de ces dispositions qui ont été glissées en douce dans le projet de loi.

    Comparativement aux mesures qu'ont adoptées d'autres pays, le projet de loi canadien est purement et simplement insuffisant. La loi britannique comprend une liste des organisations interdites. Nous croyons qu'une telle liste est essentielle, mais la loi canadienne n'en prévoit aucune. Elle est un peu trop vague, générale et générique. Elle devrait au moins prévoir une liste de départ qui pourrait être modifiée ou complétée plus tard au moyen d'un règlement. Nous croyons qu'elle devrait être aussi précise que cela pour être utile aux autorités de police et à ceux qui sont aux premières lignes dans la lutte contre le terrorisme.

    La loi britannique prévoit aussi qu'on indemnise les personnes qui ont été lésées dans leurs droits ou privées de leurs biens et qui ne sont finalement reconnues coupables d'aucun délit. Il n'y a rien de tel dans la loi canadienne. Nous croyons que cette garantie s'impose. Les autorités peuvent avoir des motifs raisonnables de soupçonner quelqu'un de terrorisme et découvrir ensuite qu'elles sont allées trop loin sans véritables preuves. Il faut donc prévoir une façon de compenser ou d'indemniser les personnes qui seraient indûment lésées. Cela vaudrait mieux. Contrairement à la loi britannique, la loi canadienne ne comporte aucune disposition semblable, qui nous semble pourtant raisonnable.

    La législation américaine met beaucoup l'accent sur les questions d'expulsion alors que le Canada est plutôt laxiste à cet égard. Le Canada est devenu un refuge pour les terroristes qui cherchent à échapper à la peine de mort. C'est un problème réel auquel le Canada ne s'est pas attaqué. Des individus ayant peut-être commis des crimes haineux dans d'autres pays peuvent échapper à la justice de ces pays en venant au Canada. À notre avis, ce n'est pas bien. S'il y a vraiment primauté du droit, nous ne devrions pas interdire ou empêcher l'extradition de ces personnes vers ces pays.

    La législation américaine exige aussi que l'administration engage les ressources nécessaires. Je l'ai déjà mentionné. Je pense que toute personne sensée dirait que toute cette rhétorique et tous ces belles formules sur papier ne servent à rien s'il n'y a pas de suivi ou de ressources. Car c'est tout ce que c'est, des belles formules qui n'aboutissent pas au résultat que nous souhaitons. Nous pensons que les libéraux se doivent d'engager les ressources nécessaires et d'assurer un suivi. Toutes ces belles formules paraissent peut-être très bien sur papier, mais ne valent pas grand chose en l'absence de ressources.

    Ces prochains jours, ce sera le devoir impérieux de l'Alliance canadienne, de l'opposition officielle, d'attirer l'attention sur les défauts de cette mesure législative. Nous ferons pression en comité pour tenter d'arriver à une bonne mesure législative qui nous permette de combattre le terrorisme et d'en venir à bout. Je sais gré aux autres députés des remarques qu'ils ont faites. En tant que parti, nous insisterons sur ces questions dans un effort en vue d'améliorer cette mesure législative.

+-

    M. Rick Borotsik (Brandon--Souris, PC/RD): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à dire que je suis déçu de devoir intervenir à la Chambre aujourd'hui pour parler de cette mesure législative.

    Nous savons, et c'est un cliché malheureusement, que depuis le 11 septembre, nos vies ont été bouleversées, notre pays a changé et nos libertés ne sont plus les mêmes. Malheureusement, nous devons trouver des façons de nous protéger et d'adopter des lois qui empêcheront des choses de ce genre de se reproduire dans notre merveilleux pays.

    Avant le 11 septembre, je pense que nous tenions pour acquis les droits et libertés dont nous jouissions dans notre merveilleux pays. Nous tenions pour acquis notre capacité de voyager non seulement dans toutes les régions du pays, mais dans le monde entier. Depuis le 11 septembre, tout cela a changé. Nous avons eu un réveil brutal et nous devons faire face à cette nouvelle réalité.

    Cependant, je voudrais également dire qu'il est important de parvenir à un équilibre dans la façon dont nous réagissons en tant que Canadiens à la situation actuelle. Il est vrai que nous devons réagir comme nous l'avons fait, et je vais parler du projet de loi C-36, mais nous devons être aussi conscients du fait qu'il ne faut pas avoir une réaction excessive. Nous avons toujours une vie à vivre, et cela s'applique autant à mes électeurs qu'à ma famille, et nous devrions nous assurer de pouvoir continuer de jouir des libertés que nous avons. Il faut un bel équilibre non seulement dans notre propre vie, mais dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

    Les événements du 11 septembre nous ont amenés à nous concentrer sur un certain nombre de domaines que nous avions peut-être négligés jusque là. J'ai parlé plus tôt de sécurité non seulement celle de nos propres familles, mais de notre nation. Nous avons entendu parler de questions d'immigration à la Chambre à de nombreuses reprises et nous savons qu'une loi sur l'immigration s'en vient. Nous savons qu'on a maintenant mis l'accent également sur la sécurité alimentaire, chose que nous avons tenue pour acquise au Canada dans le passé. C'est devenu une question très importante. C'est une chose sur laquelle nous devons nous pencher non seulement en tant que parlementaires, mais également dans nos vies quotidiennes.

    Les échanges commerciaux ont été passablement affectés. Dans le contexte actuel de mondialisation, nous constatons, notamment en agriculture, domaine où je possède une certaine expertise, qu'à défaut d'échanges commerciaux ouverts à l'échelle mondiale, nos producteurs ne seraient pas en mesure de produire autant qu'à l'heure actuelle. Ils ne réussiraient pas comme maintenant. Le commerce a été touché parce que nous sommes confrontés à des problèmes concernant l'ouverture du commerce et des frontières.

    À la Chambre, nous avons abordé la question des services douaniers. Ils ont été affectés et énormément d'attention a été mise sur les mouvements transfrontaliers, notamment dans ma circonscription, comme dans celles d'autres collègues. Si elles n'ont pas été fermées, les frontières ont certainement été affectées à un point tel que l'accès en a été restreint.

    Il va sans dire que je n'ai pas à faire mention du trafic aérien à la Chambre. Comme la plupart de mes collègues ici présents voyagent entre leur circonscription et Ottawa assez régulièrement, ils ont certainement pris connaissance des problèmes dans le transport, que ce soit dans le secteur aérien ou dans d'autres secteurs du transport affectés par les événements du 11 septembre.

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'économie a été touchée. Chaque jour, depuis le 11 septembre, lorsqu'on allume le téléviseur ou qu'on jette un coup d'oeil aux marchés financiers autour du globe, on constate que les événements ont eu des répercussions sur l'économie, sur les entreprises et sur les employés de ces entreprises.

    En fait, nombre de questions sont maintenant perçues très clairement à cause de ce qui s'est passé. Toutefois, comme je l'ai indiqué précédemment, nous devons faire la part des choses. Or, le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, est un des moyens qui nous est proposé à cet égard.

    En premier lieu, je félicite le gouvernement d'avoir présenté cette mesure législative. Je pense que les Canadiens doivent reconnaître que le gouvernement et les employés du ministère ont fait un effort considérable pour présenter cette mesure à la Chambre aujourd'hui dans sa forme actuelle.

  +-(1100)  

    Cela ne se fait pas tout seul. Il faut des centaines et des milliers, voire des dizaines de milliers d'heures de travail pour arriver à présenter un projet de loi tel que celui-ci. La tâche a été accomplie dans des délais plutôt serrés. Peut-être aurait-il fallu plus de temps, mais nous ne pouvions nous permettre ce luxe. Il fallait s'exécuter dans des délais plutôt brefs. C'est pourquoi il nous faut étudier attentivement certains points avant d'adopter le projet de loi et de le renvoyer au Sénat pour qu'il devienne loi.

    Parlons donc du projet de loi C-36. Il fait 175 pages. Je ne suis pas juriste, heureusement. Mais il y a un certain nombre de juristes à la Chambre et ailleurs qui nous aideront à nous y retrouver. Ce projet de loi de 175 pages tend à modifier 28 lois. Je n'ai jamais vu un projet de loi d'ensemble aussi considérable. D'après mon expérience, qui n'est pas si grande après tout, la Chambre n'a jamais été saisie d'un projet de loi de cette nature. Nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence.

    Mon collègue de la coalition d'opposition, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough est un homme accompli. Il est avocat et il lui appartient de renseigner notre coalition sur le contenu du projet de loi. Je respecte ce député et j'ai confiance en lui. Je vais suivre ses conseils au sujet de la position que la coalition doit adopter à l'égard de ce projet de loi.

    Les Canadiens et les parlementaires savent qu'après le débat en deuxième lecture, le projet de loi sera soumis au comité. Les députés et les Canadiens auront la chance de venir témoigner devant le comité pour faire part de leur opinion. C'est une étape absolument obligatoire. Cette mesure législative peut avoir des répercussions sur nos droits et libertés. Cela doit être pris en compte. Nous devons savoir tout ce que cette mesure peut entraîner.

    Une étude préalable a lieu au Sénat. On se penche sur toutes les nuances des nombreuses dispositions contenues dans ce projet de loi de 175 pages. Le Sénat examinera les répercussions que le projet de loi C-36 aura sur les 28 lois qui seront touchées et verra si tout cela peut avoir des conséquences pour les Canadiens.

    J'ai parlé d'équilibre. Il ne faut pas exagérer les choses et en venir à ne plus être en mesure de vivre notre vie comme nous le faisions avant le 11 septembre. Non seulement faut-il rechercher l'équilibre dans nos vies, mais aussi dans la loi. Les Canadiens doivent s'assurer d'être bien protégés, mais ils doivent également voir à conserver leurs droits.

    Je m'attends à ce qu'il y ait des contestations fondées sur la Charte. La ministre de la Justice a déjà souligné qu'à son avis, cette mesure législative pourrait résister à une telle contestation. Mais cela reste à voir.

    Il reste des questions que mes collègues et d'autres devront soulever. L'une d'elles concerne la définition de ce que doit être un terroriste. Le terrorisme n'est pas vraiment défini dans le projet de loi. Certaines dispositions font état, en matière de terrorisme, de ce qui ne doit pas se produire. Il faut que nous les examinions de près.

    En vertu du projet de loi C-36, la ministre de la Justice justifie d'un pouvoir absolu au titre de la Loi sur l'accès à l'information. Cela m'inquiète, car je fais souvent usage de la Loi sur l'accès à l'information. Malheureusement, certains ministres ne sont pas terriblement généreux avec l'information. La ministre de la Justice justifierait d'un pouvoir absolu à cet égard. Il n'y aurait aucune possibilité d'arbitrage. Les Canadiens courent de grands risques à confier un tel pouvoir à la ministre. Cela en soi est déjà difficile à faire accepter à la Chambre.

    Je suis favorable aux dispositions concernant les arrestations provisoires. Je ne les comprends peut-être pas aussi bien, mais je sais que des balises ont été prévues. Nous devons veiller à ce qu'elles demeurent en place et à ce que la possibilité de prolonger de 24 à 48 heures la détention soit assortie de certaines balises prévoyant l'accès judiciaire. Cette disposition est importante.

  +-(1105)  

    Je voudrais, pour terminer, remercier la Chambre de nous avoir présenté ce projet de loi et demander à l'ensemble des Canadiens de respirer un bon coup. Nous passerons au travers de cette épreuve et haut la main. Les Canadiens tiennent à exprimer au peuple américain, et notamment aux habitants de New York, toute leur sympathie à la suite des événements du 11 septembre et à leur souhaiter bon courage.

  +-(1110)  

[Français]

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, je ne dirai pas non plus que je suis heureuse de prendre la parole ce matin sur ce projet de loi.

    C'est vraiment avec la mort dans l'âme que j'interviens sur ce sujet ce matin. Je suis tout à fait consciente qu'effectivement, nous devons nous battre contre le terrorisme. Quand je dis «nous battre», c'est une image, nous devons contrer le terrorisme. Mais je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur ce que les femmes pensent de cette loi.

    On n'est pas sans savoir que je suis la critique du Bloc québécois en matière de condition féminine. À titre de femme et de critique, bien sûr, je pense qu'il est de mon devoir d'attirer l'attention de la Chambre sur ce que les femmes en pensent, sur leurs idées, d'autant plus qu'elles sont venues nous rencontrer cette semaine.

    Plusieurs Canadiennes sont venues sur la Colline parlementaire rencontrer des leaders et des députés des différents partis politiques. Elles sont venues nous indiquer une voie, étant tout à fait conscientes, elles aussi, que nous devons vraiment poser des gestes pour contrer le terrorisme.

    Ce matin, je regardais les images de toutes ces femmes, tous ces enfants afghans, qu'on parque actuellement dans des camions, dans des endroits où il n'y a pratiquement pas d'eau, pas de nourriture, afin de les renvoyer, de les éloigner. Bien souvent, ces gens-là n'ont pas de nourriture, ils ne sont pas instruits et ils vivent dans un climat de désolation depuis 20 ans.

    Cela fait 20 ans que les Afghans se battent pour pouvoir retourner sur leurs terres, pour avoir une certaine liberté. Cela nous arrache le coeur. Je pense qu'on est en droit de se poser la question: comment se fait-il qu'il y a des gens qui vivent dans de telles conditions? Et ce n'est pas d'hier.

    Ce qui s'est passé le 11 septembre—je me servirai encore une fois d'une image—ne fait que lever le voile sur une certaine partie du monde qui vit dans la violence.

    Cela étant dit, en cette journée commémorative où la femme est devenue, en vertu de la loi, une personne—le 18 octobre 1929, le gouvernement du Canada a reconnu les femmes comme étant des personnes—je me dis, en regardant toutes ces femmes et tous ces enfants qui ne connaissent que la misère, qui sont parqués dans des taudis, dans des camions, que ce n'est pas une façon de les considérer comme des personnes. On les considère comme des animaux.

    Lorsque les Canadiennes sont venues nous voir cette semaine, elles se sont dites d'accord avec une loi pour contrer le terrorisme. Elles sont tout à fait conscientes que c'est une situation exceptionnelle que nous vivons. Elles nous ont passé des messages, mais elles nous ont aussi parlé d'équilibre, de prudence, de collaboration avec la communauté internationale, afin de contrer les causes de ce terrorisme.

    Le Bloc québécois a entendu et il a compris leurs messages. C'est pourquoi, comme mon parti, comme ces femmes, je suis d'accord avec le principe de la loi dont nous débattons aujourd'hui. Toutefois, il y a des éléments qui imposent cette prudence, cet équilibre.

  +-(1115)  

    Quand on parlait de trouver les causes du terrorisme, mon collègue de Lac-Saint-Jean--Saguenay a parlé de pauvreté et d'éducation. Effectivement, on pourrait peut-être inclure dans ce projet de loi ce que les femmes nous ont demandé, à savoir un aspect selon lequel on pourrait collaborer avec la communauté internationale en ce qui concerne l'aide à accorder à ces gens.

    Je vais mentionner certains faits et je vais essayer d'y aller assez rapidement. Ce que les femmes n'aiment pas dans ce projet de loi, c'est le fait qu'il ne va être réexaminé que dans trois ans. C'est trop long. Les femmes sont prudentes et se demandent ce qui peut se passer sur une période de trois ans. Qu'est-ce qui peut se passer pendant ces trois années? C'est possible que la loi puisse nous amener à poser des gestes qui seraient préjudiciables. On pourrait donc l'examiner chaque année, mais ce serait aux parlementaires de le faire en allant chercher un certain consensus de l'opinion et en en discutant dans la population. Les femmes sont intégrées à tous les niveaux de la population. Là où elles sont le plus intégrées et où cela peut les atteindre davantage, c'est lorsque qu'on parle du statut d'organismes de bienfaisance.

    Ce projet de loi est dénoncé par les organismes de charité à cause du secret entourant la procédure judiciaire et la preuve apportée par le Service canadien du renseignement de sécurité, qui pourrait ne pas dire exactement pourquoi on emprisonne quelqu'un ou sur quelle base une personne est considérée comme étant terroriste. Un groupe de femmes qui n'a pas l'habitude de faire la grève, par exemple les infirmières, pourrait la faire, scander des slogans et défier une loi. Selon le projet de loi actuel, elles seraient considérées comme des terroristes. C'est ce que les femmes dénoncent tout à fait.

    En ce qui concerne le gouvernement du Québec, ce qui a choqué les femmes québécoises—elles nous l'ont dit bien clairement lundi—, c'est que ce projet de loi n'a pas été élaboré en collaboration avec le gouvernement du Québec. Rappelons que le gouvernement du Québec a des politiques social-démocrates. Les femmes du Québec croient que le gouvernement du Québec pourrait avoir une certaine force et orienter les travaux de la ministre en termes de collaboration internationale pour contrer les causes du terrorisme.

    Ce n'est pas d'hier que les femmes sont conscientes qu'il faut effectivement poser des gestes. Mais elles n'aiment pas la progression dans les gestes. Elles veulent être prudentes et tendre vers un certain équilibre. Elles veulent qu'on puisse en discuter et prendre seulement un an pour pouvoir remettre la discussion relative à la loi sur la place publique. Elles veulent un processus démocratique transparent et veulent aussi être partie prenante au débat.

    Cela me fait penser à une histoire. Je ne sais pas si ceux et celles qui nous écoutent connaissent l'histoire de Lysistrata. C'est Aristophane qui, il y a 2411 ans, a écrit une grande pièce de théâtre avec comme personnage principal, Lysistrata. C'était la femme d'un important citoyen athénien qui, lasse de voir qu'elle était toute seule à la maison en train d'éduquer ses enfants, de faire le ménage et de s'occuper finalement de toute la besogne pendant que son homme était toujours à la guerre, en a parlé à certaines compagnes. Celles-ci en ont parlé aux femmes du village. Elle a eu une idée. Dans le fond, on va en rire. C'est une petite comédie. Elle a eu l'idée de ne pas...

  +-(1120)  

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): J'aurais bien aimé entendre la fin, mais malheureusement, je dois interrompre l'honorable députée.

[Traduction]

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans ce débat très important sur le projet de loi C-36. Si l'on demandait aux députés s'ils veulent garantir qu'au bout du compte, on établisse un bon équilibre entre l'élimination des activités terroristes et la protection des libertés civiles, la grande majorité d'entre eux, peu importe leur allégeance, diraient oui. En d'autres termes, il n'y aurait pas vraiment de désaccord là-dessus.

    Cependant, les opinions différeraient probablement en ce qui a trait à l'équilibre à établir pour garantir que le Canada fait tout ce qu'il doit faire pour garder les éléments terroristes indésirables à l'extérieur du pays tout en protégeant les libertés que nous avons appris à exercer, à respecter et à attendre au Canada.

    Ce que j'entends depuis quelques minutes me porte à croire que cet équilibre serait difficile à trouver. J'ai entendu la députée bloquiste parler de la nécessité de prévoir la révision de cette mesure législative par le Parlement dans un délai plus court que celui de trois ans qui est prévu dans le projet de loi.

    J'ai aussi entendu le député du Parti conservateur dire que la ministre de la Justice serait seule chargée de tout ce qui a trait à l'accès à l'information. Je suis d'avis qu'un peu de prudence s'impose. Le député Saskatoon--Wanuskewin a encore répété que le Canada est réputé dans le monde entier comme étant un refuge sûr pour les terroristes. Il était intéressant ce matin d'entendre Ward Elcock du SCRS qui comparaissait devant le Comité de l'immigration et qui disait exactement le contraire. Il a dit que, non seulement cela ne facilitait pas les choses, mais qu'il était inexact de dire que notre pays est un refuge sûr pour les terroristes.

    Je crains que l'équilibre ne sera pas facile à réaliser. Certains députés qui critiquent le projet de loi ne se sont pas gênés pour dire que ces mesures constituent une réaction démesurée par rapport à la situation. Ils montrent du doigt des mesures comme la détention préventive. Ces mesures ne sont peut-être pas aussi draconiennes que d'autres, mais elle poussent le Canada dans la voie du rigorisme.

    En me dirigeant vers la Chambre aujourd'hui, j'ai vu, sur la colline du Parlement, un grand rassemblement d'employés d'Air Canada manifester leurs inquiétudes face à leur avenir, en partie à cause de la tragédie du 11 septembre et en partie aussi à cause de problèmes qui existaient bien avant cette date.

    On se demande si ce type de manifestation pourra avoir lieu aussi librement et aussi ouvertement que nous le souhaiterions et qu'il le devrait, une fois que le projet de loi sera en vigueur.

    Je m'inquiéterais pour les agriculteurs, qui ont montré publiquement leurs préoccupations à l'égard de l'état de l'économie agricole au cours des dernières années en faisant des manifestations et en ralentissant la circulation sur les autoroutes. Cela continuera-t-il d'être permis?

    Nous avons aussi vu des environnementalistes ériger des barrages routiers dans certaines régions rurales du Canada, empêchant ainsi les compagnies de bois de pénétrer dans la forêt. Il faut faire en sorte de trouver le juste équilibre et de ne pas aller trop loin. Je ne cherche pas à énerver les gens, je dis qu'il faut faire preuve de prudence. Laissons à d'autres le soin de sortir les épouvantails.

  +-(1125)  

    La définition de terrorisme ou d'activité terroriste, parce que le terme terroriste en tant que tel n'est pas défini dans le projet de loi, est à la fois vague et incroyablement large. Serait considérée comme activité terroriste toute action commise au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique en vue de causer des dommages matériels ou de perturber des services essentiels, action qui justifierait l'intervention de la police pour arrêter ou détenir quiconque serait soupçonné d'avoir des informations. C'est un changement radical par rapport à la situation actuelle et à ce que nous connaissons depuis de nombreuses années.

    D'aucuns ont souligné la forte possibilité d'abus. Par exemple, un ancien employé de la Commission canadienne de sûreté nucléaire a été relâché après le 17 septembre parce qu'il avait les mêmes nom et prénom qu'un des suspects dans l'affaire des attentats du 11 septembre ou qu'un suspect figurant sur la liste d'Interpol. Cette personne n'a pas été réintégrée. La commission ne parle pas aux médias ni à personne d'autre. C'est le genre de problème dont nous devons nous préoccuper.

    Le projet de loi C-36 laisse entendre que la police et les autres organismes chargés de faire respecter la loi au Canada ne disposent pas de pouvoirs d'arrestation suffisants. Les partisans des libertés civiles qui s'opposent au projet de loi nous rappellent que cela n'est tout simplement pas vrai.

    La réduction de certaines libertés civiles nous permettra-t-elle de vaincre le terrorisme? Je suis d'avis que l'histoire récente n'est pas particulièrement tendre envers ceux qui soutiennent un tel point de vue. C'est le cas par exemple des Britanniques et de l'IRA, à partir du milieu des années 70 où les forces antiterroristes ont intensifié leur répression, mais en vain puisque les attentats à la bombe se sont poursuivis.

    Ce n'est que par la suite, lorsque le gouvernement a tenté de rechercher plutôt une solution politique, qu'il a commencé à obtenir des progrès par rapport à la situation des 25 ou 28 années précédentes en Irlande du Nord et dans le Royaume-Uni.

    Je me considère comme un partisan des libertés civiles. Il est arrivé à quelques reprises au cours de l'histoire du pays que les libertés civiles de certains citoyens canadiens aient été largement réduites. Ce fut le cas des Ukrainiens durant la Première Guerre mondiale, des Canadiens japonais avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale et des militants au Québec en 1970.

    J'assistais à une manifestation à Toronto en 1970. Le solliciteur général du Canada de l'époque, Jean-Pierre Goyer, a demandé à l'auditoire, qui était très hostile à l'instauration de la Loi sur les mesures de guerre, de nommer une personne à l'extérieur du Québec qui avait été détenue ou qui avait vu ses libertés civiles enfreintes à la suite de l'adoption de la Loi sur les mesures de guerre.

    Il est indiscutable que les libertés civiles de milliers de personnes au Québec ont été carrément enfreintes à l'époque. Nous avons pu signaler au solliciteur général que des gens de l'Ontario et d'autres provinces avaient des réserves à cet égard.

    Qu'il soit question des Ukrainiens, des Canadiens d'origine japonaise ou des Québécois, comme l'a signalé hier Tom Walkom, du Star de Toronto:

Dans tous les cas, la population s'est réjouie de ces mesures à l'époque. Dans tous les cas, elle a ensuite décidé que notre pays avait fait une erreur terrible.

  +-(1130)  

    Il est important que le projet de loi soit maintenant renvoyé à un comité et qu'on l'y étudie comme il se doit afin qu'au bout du compte, nous ayons un projet de loi qui protège notre pays et les Canadiens contre les activités terroristes, tout en préservant le plus possible nos libertés civiles.

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-36. Pour reprendre les paroles de Thomas Jefferson, la vigilance éternelle est le prix de la liberté. Les députés ont raison de s'inquiéter au sujet des implications de cette mesure législative sur le plan des libertés civiles.

    Je signalerai que plus de 6 000 personnes ont perdu la vie dans les attentats contre le World Trade Centre et le Pentagone et dans l'écrasement du vol 93 dans un champ en Pennsylvanie. Cela veut dire que, en tant que législateurs, nous devrions être prêts à prendre des mesures pour voir à ce que le Canada ne soit pas exposé à ce genre de chose à l'avenir. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour empêcher le fléau qu'est le terrorisme de se propager dans le monde.

    Nous sommes heureux de voir que le gouvernement a réagi d'une certaine façon à quelques-unes des questions soulevées par l'Alliance canadienne dans le passé. Les ministériels reconnaîtront que l'Alliance canadienne a souvent mis en relief certaines de ces questions. Nous avons déjà exprimé clairement nos préoccupations à l'égard du manque de rigueur du contrôle sécuritaire des réfugiés et de l'incapacité du gouvernement de suivre la trace des demandeurs qui se voyaient refuser le statut de réfugié au Canada. Lorsque nous avons soulevé ces questions, on nous a accusés d'avoir toutes sortes d'intentions, alors que c'était tout à fait faux.

    Nous avons signalé le fait que le Canada n'avait pas la capacité militaire adéquate pour protéger sa propre souveraineté ou nos alliés. C'est ce qui se passe maintenant. Lorsque nous avons soulevé ces questions, bien des gens ont dit que ce n'était pas nécessaire. Ce serait irresponsable de ma part de ne pas signaler le fait que nous avons déjà exprimé ces préoccupations.

    Nous avons même laissé entendre que, si ces questions n'étaient pas réglées, elles pourraient avoir un impact sur notre capacité de commercer avec nos voisins américains. Le commerce avec les États-Unis est très important pour la prospérité du Canada. Quatre-vingt-cinq pour cent de nos exportations vont aux États-Unis et aux pays signataires de l'ALENA. Cela représente environ 33 p. 100 de notre richesse totale, en tant que pays, et de nos relations commerciales à l'échelle mondiale.

    Pour que les Canadiens se sentent en sécurité tout en permettant que notre frontière avec les États-Unis reste ouverte, ils ont besoin de savoir que nous faisons du bon travail en ce qui à trait au périmètre de sécurité. Le gouvernement doit voir à ce que des gens aux motifs douteux n'entrent pas au Canada et ne se servent pas de notre pays pour lancer des attaques contre les États-Unis.

    On a déjà fait valoir ces préoccupations auprès du gouvernement, mais il les a rejetées. Je veux bien passer l'éponge, mais je compte qu'il ne les rejettera plus à l'avenir sous prétexte d'arrière-pensées.

    Je m'inscris en faux contre des observations du député néo-démocrate qui vient de prendre la parole. Celui-ci se dit un défenseur des libertés civiles. Il devrait savoir que les défenseurs des libertés civiles ne croient pas qu'il faille enchaîner et emprisonner un agriculteur qui a osé vendre lui-même son blé. C'est ce que croit le NPD. Il croit plus important de soutenir la commission du blé que de défendre le droit de chacun de vendre lui-même son bien. Je tiens à relever cette contradiction dans la position de mon collègue.

    Les préoccupations concernant les libertés civiles sont bien réelles. Je suis député d'un parti qui croit dans la liberté individuelle. Nous croyons dans la longue tradition de la common law et dans l'établissement sur une période de 900 ans de droits fondamentaux et très importants comme l'habeas corpus et les droits de propriété. Nous nous devons de soulever des préoccupations de ce genre et de signaler que ce n'est pas parce que la situation nous semble urgente que le gouvernement a carte blanche pour fouler aux pieds les libertés individuelles.

  +-(1135)  

    Notre collègue néo-démocrate nous a donné des exemples de fois où le gouvernement est allé trop loin dans le passé en essayant de protéger la population, au point de fouler aux pieds les libertés individuelles et de dépasser les bornes.

    Je reconnais qu'il est toujours difficile de savoir jusqu'où aller, mais je suis personnellement inquiet à l'idée d'une détention préventive de 72 heures sans les protections habituellement prévues par la loi. Je pense que nous devrions trouver une façon de nous adresser à un juge à l'avance et de respecter certaines normes en matière de preuve pour pouvoir obtenir l'autorisation du juge de procéder à ce type d'arrestations. Cela prendrait 15 minutes, mais on s'assurerait ainsi qu'une personne extérieure au système politique, extérieure aux corps policiers, décide si oui ou non on viole les droits fondamentaux d'un citoyen. Je m'inquiète de cela. Je soulève cette question et je veux que la Chambre et le gouvernement en prennent note afin que nous puissions aborder ce type de questions au comité.

    D'autres ont proposé des dispositions de réexamen pour certains éléments du projet de loi pour qu'une fois cette crise passée, une fois que les choses seront revenues à la normale, nous puissions vérifier si oui ou non cette détention préventive de 72 heures est tout à fait nécessaire.

    Étant donné que le projet de loi a été rédigé très rapidement, nous risquons d'y découvrir d'autres problèmes. Il peut dépasser les limites des libertés individuelles. Dans ce cas-là, je pense que le gouvernement devrait alors être prêt à réexaminer le projet de loi et à supprimer certains des aspects les plus odieux. Nous ne saurons probablement pas cela avant un certain temps, car ce projet de loi a été rédigé très rapidement et nous n'avons pas encore vu toutes ses conséquences.

    Cela dit, je veux également signaler aux députés bloquistes et néo-démocrates qui hésitent beaucoup à accepter certains aspects de la participation du Canada à ce qui est finalement une guerre, en Afghanistan, qu'il est essentiel que le Canada appuie nos alliés, les États-Unis, et fasse tout ce qui est en son pouvoir pour les aider à mener cette guerre contre le terrorisme.

    Cela ne veut pas dire que nous devions approuver automatiquement toutes les décisions que prennent les États-Unis relativement à l'envoi de troupes ou à leur sécurité. Certainement pas. Le bon sens nous dicte cependant d'épauler les États-Unis lorsqu'ils sont attaqués. Nous devons débusquer des individus comme Oussama ben Laden et les talibans qui l'appuient. Nous devons faire comprendre bien clairement que nous n'accepterons plus ce genre de situation. Nous devons, pour cela, engager certaines de nos troupes en faveur de la cause. Dans le passé, les Américains nous ont aidés, notamment durant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient là lorsque nous avons eu besoin d'eux. À notre tour, aujourd'hui, de les épauler lorsqu'ils ont besoin de nous.

    Il n'y a pas que des impératifs moraux qui nous dictent de le faire. Nous avons des échanges commerciaux énormes avec les Américains et ils doivent pouvoir compter sur nous en tout temps, quoi qu'il arrive. Ils doivent avoir l'assurance que nous sommes prêts à assurer la sécurité à notre frontière, de manière que des individus qui veulent venir semer la terreur en Amérique du Nord ne puissent franchir le périmètre de sécurité canadien. Si les Américains ont cette assurance, nous pourrons maintenir notre relation commerciale très avantageuse avec eux.

    Sans les relations commerciales que nous entretenons avec les États-Unis, notre pays serait dans une situation pénible. C'est grâce à cette précieuse relation que le Canada est un pays relativement prospère. Ne l'oublions jamais.

    Le gouvernement et le ministre des Affaires étrangères ne devraient pas se rebiffer à l'idée d'établir un périmètre de sécurité. Ils ne devraient pas qualifier cette idée de simpliste. Un périmètre ne sera peut-être pas suffisant, mais il est néanmoins nécessaire.

  +-(1140)  

    Nous devons établir un périmètre de sécurité qui repose sur des lois qui soient similaires à celles des États-Unis et s'harmonisent avec elles, afin que la frontière américaine nous reste ouverte.

    En terminant, je dirai simplement que l'opposition officielle appuie les efforts du gouvernement, mais avec les réserves que j'ai indiquées. J'encourage les députés du NPD et du Bloc à ne pas oublier nos obligations morales envers nos alliés de l'OTAN et en particulier envers notre voisin du Sud.

[Français]

+-

    M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que lorsque j'ai été élu en juin 1997, et lorsque la population m'a de nouveau redonné sa confiance en novembre 2000, je ne pensais jamais que, comme député, je serais invité à prendre la parole dans le cadre d'un débat qui concerne la sécurité du Canada et du Québec.

    Le 11 septembre dernier, les terribles attentats qui ont frappé les États-Unis ont changé le monde. Depuis cette date tragique dans notre histoire contemporaine, les citoyennes et les citoyens du continent nord-américain et ceux des principaux pays alliés à la lutte contre le terrorisme sont inquiets. Les médias américains diffusent 24 heures sur 24 des images et des reportages qui font état de la fragilité de la paix mondiale.

    Ici même, dans ce Parlement, notre travail a changé. Nous devons consacrer maintenant plus de temps aux travaux de la Chambre. À ce sujet, il y a quelques semaines, j'ai été très clair auprès des gens de ma circonscription de Lotbinière--L'Érable en leur disant que le partage de mon horaire entre mon comté et Ottawa avait été modifié pour répondre à cette situation historique.

    À titre de député fédéral, il m'apparaît important, même capital, de participer à toutes les démarches, de débattre et de voter sur toutes les décisions prises, ici à la Chambre, pour lutter contre le terrorisme.

    Dans un premier temps, je veux rappeler la position de notre formation politique à la suite des événements du 11 septembre dernier. Le chef du Bloc québécois déclarait, et je cite:

Cette attaque du 11 septembre dernier, rappelons-le, est une attaque non seulement contre les États-Unis, mais contre les valeurs démocratiques, contre la liberté et contre chaque pays qui défend ces valeurs, une attaque contre toutes les populations du monde qui aspirent à la justice, à la liberté, à la démocratie, surtout les populations qui subissent le joug de tyrans et d'illuminés, telle la population afghane qui subit chaque jour la terreur totalitariste des talibans.

    Il disait également:

Une riposte est nécessaire. [...]

La riposte doit être à la hauteur et dans le respect de nos valeurs démocratiques. Il ne faut pas tomber dans le piège d'une guerre de civilisation ou de religion.

    D'ores et déjà, notre formation politique disait qu'il fallait une riposte et des mesures. Elle demandait que le gouvernement légifère pour lutter davantage contre le terrorisme.

    Notre parti a également épaulé les démarches entreprises par le gouvernement fédéral pour geler les comptes bancaires des mouvements et individus liés, directement ou indirectement, aux groupes terroristes islamiques intégristes soutenus par ben Laden.

    Le gouvernement canadien, comme l'ensemble des pays touchés par les événements du 11 septembre dernier, vient de déposer le projet de loi C-36 qui vise à donner des outils pour mieux lutter contre le terrorisme.

    J'aimerais souligner qu'au stade de la deuxième lecture de ce projet de loi, je voterai en faveur du principe. Cependant, plusieurs irritants figurent dans ce projet de loi.

    D'abord, peut-on me dire combien de temps durera ce conflit? Dans cette loi, on semble vouloir l'encadrer dans une période rigide de trois ans, ce qui est dangereux. Au moment où ce conflit évolue de jour en jour, d'heure en heure, il m'apparaît fort important que le Parlement canadien légifère avec une certaine souplesse, avec une souplesse qui pourrait s'ajuster aux événements quotidiens ou aux événements mensuels.

    Nous sommes présentement en crise; nous en sommes conscients. Par contre, il ne faudrait pas que le projet de loi C-36 bouscule tout ce qui a été fait pour défendre les droits fondamentaux relatifs à la liberté des citoyens et des citoyennes.

    À ce sujet, je suis très inquiet. Ce matin, je vois dans les quotidiens que des dispositions ont déjà été prises pour que le Sénat amorce en même temps que la Chambre des communes l'analyse du projet de loi.

  +-(1145)  

    Hier, on a formé un comité spécial au Sénat, et ce, avant même que la ministre de la Justice vienne témoigner devant le Comité permanent de la justice. On bouscule donc ici le protocole, le processus régulier qui est prévu pour l'adoption d'un projet de loi. Cela signifie que ce gouvernement a l'intention d'y aller rapidement.

    Je suis conscient que la situation est urgente, mais il ne faudrait pas que le législateur utilise ce contexte pour modifier des choses dont nous aurons à porter le poids pendant des années et des années. C'est pourquoi je suis très inquiet lorsque je vois que le Sénat est déjà en marche. En voyant ce qui se passe aujourd'hui, les ententes de moins en moins nombreuses de l'autre côté de la Chambre, on s'aperçoit que le gouvernement fédéral a mis le pied sur l'accélérateur. Je sais qu'on doit légiférer. Cependant, il faut prendre le temps d'analyser la situation.

    Plusieurs irritants figurent dans ce projet de loi. Par contre, il serait intéressant que, dès aujourd'hui, on commence au moins par dire qu'on va mettre cette loi en vigueur pour un an. Par la suite, on reviendra au Parlement, on l'analysera et on y apportera les ajustements nécessaires.

    Comme je le disais tout à l'heure, nul ne connaît la durée du conflit. Est-ce que les frappes actuelles et les mesures économiques prises contre les mouvements terroristes pourraient donner des résultats plus rapidement? Si c'était le cas, tant mieux, mais nous serions pris ici, au Parlement canadien, avec une loi rigide et encadrée pour une période de trois ans. Cela n'a pas de sens d'agir de la sorte.

    D'ailleurs, en lisant Le Devoir de ce matin, on voit même qu'il y a de la dissension de l'autre côté de la Chambre. Selon le quotidien:

[...] le député de Mont-Royal, un ardent défenseur des droits de la personne, a exprimé certaines inquiétudes par rapport aux nouveaux pouvoirs d'enquête que conférera la loi: «La détention préventive et l'audience judiciaire obligatoire, ce sont deux des questions qui m'inquiètent et peut-être qu'à l'égard de provisions comme cela, il est nécessaire d'avoir une limitation, une clause crépusculaire [...]»

    Cela, c'est la position du député de Mont-Royal. Il y en a quelques-uns de l'autre côté de cette Chambre qui ont au moins le courage de le dire. Le processus dans lequel on est engagé avec le projet de loi C-36 va trop vite. Il faut prendre le temps, tout en étant conscients de l'urgence d'agir, d'écouter des experts et de ne pas donner trop de pouvoirs au ministre de la Justice et à ce gouvernement.

    Si jamais le projet de loi, tel que rédigé, est adopté intégralement en troisième lecture, l'histoire sera dure envers le Parlement canadien, parce qu'on dira que, contrairement à d'autres pays, au profit d'une situation exceptionnelle, on a sacrifié des droits acquis pour défendre les citoyens et les citoyennes de ce pays.

    J'ai été journaliste pendant 16 ans et je sais qu'il est très important, lorsqu'on utilise des mots, d'en connaître le sens. Mais je suis très nerveux lorsque je regarde la définition donnée présentement au mot «terroriste». C'est large, cela n'a pas de sens. Actuellement, on est incapables de circonscrire dans le présent projet de loi C-36 la définition du mot «terroriste».

    C'est pourquoi ma formation politique est en faveur du principe du projet de loi C-36 mais a énormément de réserves quant à plusieurs irritants qui s'y retrouvent.

    En terminant, une fois qu'on aura travaillé et débattu de ce projet de loi, il faudra véritablement s'attaquer au vrai problème qui fait qu'aujourd'hui, on vit le terrorisme.

  +-(1150)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD): Monsieur le Président, encore une fois, j'interviens pour parler de certains aspects de la situation où nous nous trouvons à cause des attentats terroristes. Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, qui modifie notamment les lois suivantes: le Code criminel du Canada, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l'accès à l'information, et qui édicte la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance. Il est donc difficile d'évaluer l'impact de cette mesure sur toutes ces lois. Le projet de loi C-36 est très complexe et il faudra du temps pour l'analyser en profondeur.

    Lorsque j'ai appris que le gouvernement réagissait en présentant ce projet de loi, j'ai été heureux de l'idée et je le suis encore. C'est la mesure appropriée à prendre. Cependant, le projet de loi est très compliqué et il semble que le gouvernement l'ait rédigé un peu trop rapidement.

    Nous reconnaissons tous qu'il faut absolument viser l'équilibre entre le respect des libertés fondamentales et la protection contre les actions terroristes. Dans certaines circonstances précises, il semble que ce projet de loi du gouvernement rate la cible en matière de libertés fondamentales. Normalement, mes arguments iraient probablement dans le sens contraire, et je dirais qu'on n'accorde pas assez d'attention au contrôle du terrorisme, aux dispositions du Code criminel et à la modification de celui-ci. Toutefois, dans le présent cas, certaines choses me renversent et m'inquiètent profondément. Je ne suis pas avocat, mais je sais lire et j'ai vu, dans le projet de loi C-36, des éléments qui me déplaisent.

    Comme quelqu'un l'a déjà dit plus tôt, ce texte définit l'activité terroriste de la façon suivante: «acte, action ou omission commise notamment au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique ou en vue d'intimider tout ou partie de la population» et ainsi de suite.

    Or, cette définition est beaucoup trop vaste. Je peux penser à de nombreuses circonstances où des protestations ou des manifestations légitimes, ou encore des actions de certaines personnes, pourraient déranger ou constituer une nuisance, mais elles font partie de nos libertés fondamentales et du droit que nous avons, en tant que Canadiens, de nous exprimer et de faire état de nos préoccupations.

    Dans la partie du projet de loi qui modifie la Loi sur la preuve au Canada, on peut lire:

Tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s'opposer à la divulgation de renseignements auprès d' un tribunal, d' un organisme ou d' une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d'intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

    Cela veut dire que le ministre peut dire qu'un élément de preuve ne peut pas être divulgué parce qu'il a une incidence sur un intérêt public déterminé. Il pourrait s'agir de n'importe quoi depuis un intérêt politique jusqu'à un organisme gouvernemental ou même un terrain de golf. C'est une disposition que nous examinerons plus attentivement au comité pour tâcher de la faire modifier.

    À la section concernant la Loi sur les armes à feu, une disposition prévoit ceci:

Sous réserve du paragraphe (4), le gouverneur en conseil peut dispenser toute catégorie de non-résidents de l'application de toute autre disposition de la présente loi ou de ses règlements.

    Les Canadiens sont tenus d'observer la Loi sur les armes à feu, mais cette disposition prévoit que des non-résidents peuvent en être dispensés pour n'importe quelle raison qu'ils peuvent invoquer. Je désapprouve cela.

    En ce qui a trait maintenant à la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance, je me sens très concerné. Il y a beaucoup d'organismes de bienfaisance dans chacune de nos circonscriptions qui demandent des exonérations fiscales spéciales et des incitatifs spéciaux pour stimuler les dons à ces organismes. Cette mesure atteint réellement les organismes de bienfaisance et certaines de ses dispositions me mettent mal à l'aise. Elle prévoit notamment ceci:

Le certificat, ou toute question liée à celui-ci, ne peut faire l'objet d'aucune mesure de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention...

  +-(1155)  

    C'est une déclaration qui fait peur. Un autre article prévoit:

Nonobstant les dispositions du paragraphe 2), le demandeur ou l'organisme de bienfaisance enregistré peut demander au juge de rendre une ordonnance interdisant la publication ou la diffusion de quelque façon que ce soit de son identité...

    Si une personne s'objecte à la création d'un organisme de bienfaisance, il n'est pas possible de connaître l'auteur de la contestation. Ce n'est pas la façon dont nous procédons habituellement au Canada.

    Un autre article prévoit que «les parties à la demande ne peuvent interjeter appel ni demander la révision judiciaire de l'ordonnance rendue» et que le ministre du Revenu national peut «recueillir tout ou partie de ces éléments en l'absence du demandeur ou de l'organisme de bienfaisance enregistré et de son conseiller juridique».

    En plus de comporter un grand nombre d'éléments apparemment secrets, cette mesure législative ne prévoit pas la possibilité de contredire ou de défendre les déclarations qui sont faites. Il n'est pas possible d'en appeler des décisions. L'information n'est pas soumise aux dispositions régissant l'accès à l'information. Les personnes qui font l'objet d'une contestation ne peuvent savoir qui a contesté et ne peuvent obtenir cette information par la suite. Apparemment, une grande partie de l'information et des dispositions réglementaires sont contraires à notre mode de pensée.

    Le projet de loi prévoit qu'il n'est pas possible d'interjeter appel ni de demander la révision judiciaire d'une ordonnance rendue. L'autre jour, j'ai lu que l'Association du Barreau canadien estimait que l'échec des gouvernements de garantir une révision des circonstances et des processus constituait un précédent indésirable et inconcevable. C'est exactement le résultat obtenu ici. Il est répété à maintes reprises dans le libellé du projet de loi qu'il n'est pas possible de demander la révision, d'interjeter appel ou de recourir à un autre moyen pour faire reconsidérer une décision.

    Le projet de loi C-36 comporte de nombreux éléments que nous n'approuvons pas. De toute évidence, il a été élaboré en toute hâte, mais je suis heureux que le gouvernement reconnaisse qu'il doit être renvoyé à un comité. Il sera donc examiné en comité et le gouvernement sera peut-être plus ouvert que d'habitude à des modifications. Il est important que les questions concernant les libertés civiles soient examinées et que la mesure législative comporte des dispositions protégeant les personnes faisant l'objet de contestation de la part de parties, de pays ou de personnes dont l'identité est inconnue.

    Nous appuyons l'objet de la mesure législative. Néanmoins, comme il faut la modifier énormément, nous nous réjouissons qu'elle soit renvoyée au Comité de la justice.

    D'autres aspects de la riposte canadienne au terrorisme m'inquiètent. L'un d'eux, c'est que, jusqu'à tout récemment, le gouvernement disait que personne ne nous avait encore demandé de participer, personne ne nous avait encore dit quoi faire. Le gouvernement a dit cela.

    Le gouvernement devrait lui-même décider quoi faire. Le gouvernement ne devrait pas attendre que les Américains lui disent quoi faire. Il ne devrait pas attendre avant de réagir. Nous devrions faire partie du plan. Nous aurions dû participer dès le début à la planification. Au lieu de cela, nous avons eu cette réponse incroyable du premier ministre, à savoir qu'on ne nous a pas encore demandé quoi faire. Selon moi, le gouvernement a commis une erreur fondamentale en ne participant pas dès le départ à la planification de la riposte aux actions terroristes du 11 septembre.

    Le projet de loi sera suivi d'une autre mesure qui portera sur les transports. Cette mesure s'intéressera à une foule d'aspects liés à la frontière, aux transports, à notre sécurité et à tout ce qui concerne nos relations avec les États-Unis en particulier. Nous avons hâte de voir ce projet de loi, qui servira de complément à celui dont nous sommes maintenant saisis.

    Quoi qu'il en soit, quand ce projet de loi sera renvoyé à un comité, nous veillerons à ce qu'il y ait un équilibre entre la protection des libertés civiles et la riposte qui convient au terrorisme et à ce que les forces de l'ordre disposent des moyens qu'il faut. Nous avons hâte à cela.

  +-(1200)  

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le projet de loi C-36 est une mesure sans précédent qui risque de changer radicalement le visage du Canada, nos droits et notre sécurité.

    Je veux dire ce que les événements du 11 septembre étaient et n'étaient pas. Les attentats du 11 septembre étaient un acte de terrorisme urbain d'une grande ampleur. La guerre en Afghanistan, bien qu'elle soit nécessaire pour découvrir les cellules d'Al-Qaïda et celles d'Oussama ben Laden, est davantage liée aux besoins des États-Unis de montrer qu'ils ripostent avec force. C'était inévitable. Seule une option militaire permettra de retrouver les terroristes qui ont dit qu'ils refusaient de négocier, qu'ils allaient faire sauter les négociations. C'est ce qu'ils ont fait.

    Examinons également certains mythes. Était-il question de la politique étrangère américaine? Ceux qui le prétendent se trompent sur toute la ligne. La politique étrangère américaine n'est pas responsable des événements du 11 septembre. Il s'agissait d'un meurtre commis par des hommes assoiffés de pouvoir. Il est vrai que cet acte avait des sous-entendus religieux, mais Oussama ben Laden et ses groupes n'ont pas agi à des fins religieuses. Ils veulent que les pays arabes et les pays dominés par l'islam ne subissent plus l'influence de l'Occident. Ils veulent faire en sorte que ces pays deviennent, à leurs yeux, le nirvana, comme l'Afghanistan, qui est sous le régime des talibans.

    Avec les talibans, la population est plus misérable qu'elle ne l'était auparavant, même compte tenu des terribles conditions que les Afghans ont endurées pendant de nombreuses années. Le régime intégriste islamique, appuyé par Al-Qaïda et Oussama ben Laden, et caractérisé par le pouvoir des talibans en Afghanistan, représente le pire qui puisse arriver et la pire perversion de la foi islamique dans un pays. C'est ce que recherche Oussama ben Laden. Il veut créer les mêmes conditions dans les pays arabes.

    Il n'était pas question de pauvreté. Oussama ben Laden possède des millions de dollars. Les talibans sont un groupe corrompu qui s'est enrichi grâce aux profits de la vente d'héroïne, accumulés depuis des années pour financer ses efforts de guerre et sa guérilla.

    Il nous faut aussi comprendre que l'aspect prépondérant de la lutte contre le terrorisme n'est pas ce qui se passe en Afghanistan. Le combat le plus important est celui qu'on livre au terrorisme urbain. C'est un combat long et insidieux, d'où l'importance du projet de loi. Le long combat contre le terrorisme en est un contre le terrorisme urbain.

    Nous savons que ben Laden et ses partisans ont formé 11 000 personnes à l'art de la destruction, de l'anarchie, des attentats à la bombe, du massacre et de la mutilation. Nous savons que ces personnes s'installent partout dans le monde. M. Ressam, qui a été arrêté alors qu'il se trouvait en possession d'explosifs destinés à faire sauter l'aéroport de Los Angeles, a passé quatre ans à Montréal avant d'aller accomplir sa mission. Les auteurs des attentats à la bombe au Kenya et en Tanzanie ont vécu dans la clandestinité pendant des années dans ces pays avant de commettre leurs forfaits. Les terroristes s'incrustent dans les sociétés partout à travers le monde, attendant le moment où l'on fera appel à eux pour tuer des civils innocents et semer le chaos dans l'espoir d'infléchir la politique étrangère dont j'ai fait mention précédemment. Par leurs actions, ils espèrent écarter des États arabes les influences occidentales et convertir les États arabes modérés à la vision fondamentaliste qu'ils chérissent tant.

    Nous ne pouvons pas permettre cela. Ces actes violent les principes fondamentaux de l'humanité. Nous avons aussi l'obligation de protéger les citoyens canadiens. Le projet de loi contribue dans une grande mesure à nous acquitter de cette obligation, mais il soulève des préoccupations importantes. Il doit établir un équilibre entre nos libertés individuelles et notre sécurité. S'il nous faut choisir, je pense que nous devons pencher pour la sécurité et la protection de la vie humaine, quitte à empiéter un peu sur nos droits individuels.

    Le problème avec le projet de loi est qu'il ne garantit pas la supervision parlementaire ou judiciaire nécessaire pour s'assurer qu'il ne va pas trop loin, qu'on ne dépasse pas les limites dans l'imposition et la restriction des droits de la personne. Des gens ont donné leur vie pour obtenir ces droits dont nous jouissons au Canada de nos jours, des droits qui nous distinguent des régimes totalitaires comme celui qu'exercent les talibans en Afghanistan.

  +-(1205)  

    Nous devons protéger ces droits, mais nous devons le faire de façon judicieuse, bien conscients que le droit à la sécurité et à la vie revêt une importance primordiale. Nous voulons faire en sorte que le projet de loi n'empiète pas sur nos droits individuels.

    Comment faire pour vaincre le terrorisme à plus grande échelle? Il faut donner au SCRS et à la GRC les outils voulus pour faire le travail. Ils doivent disposer des ressources et des pouvoirs leur permettant de mener des enquêtes, d'effectuer de la surveillance et d'appréhender les personnes évoluant aujourd'hui autour de nous et prêtes à se livrer à des activités terroristes.

    Nous devons aussi donner à nos forces de défense les ressources voulues pour s'acquitter de leurs obligations intérieures et internationales. Malheureusement, l'ingérence politique, la mauvaise gestion, la négligence et la réduction des budgets ont miné nos forces de défense. Ce problème est porté à l'attention du gouvernement depuis 1993. L'Alliance canadienne a averti le gouvernement qu'il était dangereux de ramener les effectifs à 53 000 militaires et de réduire le budget. Nos soldats ne disposent plus des outils nécessaires pour accomplir leur travail et ne peuvent s'acquitter de leurs obligations sur les plans intérieur et international.

    Les Canadiens seraient intéressés de savoir que nos militaires ne peuvent réunir aujourd'hui les forces nécessaires pour nous venir en aide en cas d'urgence importante dans notre territoire. C'est un grave problème.

    Dans une perspective plus vaste, nous devons, comme pays, collaborer avec nos partenaires dans un nouveau contexte de politique étrangère. Je crois fermement que nous sommes aujourd'hui dans une situation sans précédent qui nous permettra de créer un monde nouveau et plus sûr.

    Après la Seconde Guerre mondiale, il existait une possibilité de favoriser la paix ou de rendre le monde moins sûr. Les alliés ont choisi la voie de la paix en adoptant le plan Marshall, qui a permis à l'Allemagne vaincue de revenir dans le giron afin qu'elle puisse intégrer la civilisation occidentale de façon pacifique. Nous avons aujourd'hui l'occasion de rapprocher le monde arabe de l'Occident. Nous avons la possibilité de désamorcer une menace nucléaire au Pakistan et d'exercer une influence sur ce pays pour qu'il amorce des pourparlers de paix avec l'Inde.

    Nous savons que la guerre du Cachemire, qui pourrait dégénérer en un conflit nucléaire, dure depuis des décennies. Ce grave conflit s'envenime même à l'heure actuelle.

    Les dirigeants pakistanais sont partiellement nos alliés dans la guerre contre le terrorisme, mais nous devons travailler avec eux et exercer des pressions en vue de désamorcer le conflit.

    Le monde arabe doit aussi assumer sa part de responsabilité. Les dirigeants arabes ne peuvent plus fermer les yeux sur les actes inadmissibles de leurs frères. Ils ne peuvent pas fermer les yeux sur les actes de Saddam Hussein, qui tue des Arabes des marais et des Kurdes dans le nord. Ils ne peuvent pas fermer les yeux sur les fondamentalistes islamistes qui assassinent d'innocents civils en Algérie et qui ont tué Anouar Sadate. Ils doivent s'élever contre ces comportements, car le terrorisme et le fondamentalisme islamiste menacent les États arabes modernes. Ils ne peuvent pas les laisser faire parce qu'ils se sentent près d'eux. Ils doivent épouser la cause des droits de la personne et de la paix et servir l'intérêt de leur population.

    En créant cette coalition, si nous prenons des initiatives diplomatiques et établissons des liens économiques en supprimant les obstacles au commerce et la dette pour beaucoup de pays, et si nous assortissons de conditions la radiation de la dette et les initiatives diplomatiques, nous pourrons bâtir un monde plus sûr. Jamais le Canada n'a eu de meilleures chances qu'en 2001 de jouer un rôle de chef de file. Nous ne devons pas laisser filer l'occasion. Nous devons prendre le taureau par les cornes, profiter de l'occasion et commencer à jeter des ponts pendant que nous en avons la possibilité.

    Si nous pouvons le faire, notre monde sera plus sûr. Sinon, ce sera le contraire.

  +-(1210)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Monsieur le Président, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. Je tiens à préciser que le Bloc québécois est d'accord pour qu'une loi antiterroriste s'applique à cette société, mais par contre, il faut que ce soit fait dans le respect de nos libertés et de notre démocratie.

    Ce que les terroristes veulent surtout, c'est déstabiliser notre société libre et démocrate. Ils ont réussi à le faire par des actes vulgaires, sanguinaires, des actes de destruction. Mais nous devons être capables, en édictant nos lois, de toujours respecter la base même de notre société, qui est la liberté et la démocratie.

    À cet égard, ce que le Bloc québécois défend en ce qui concerne le projet de loi C-36, qui revoit les principes mêmes de la définition de l'expression «acte terroriste», c'est d'avoir une loi qui ait une durée de vie déterminée. On vit une situation grave; on adopte une loi en cas de mesures graves, qui est cette Loi antiterroriste. Le Bloc québécois propose qu'elle ait une durée de vie de trois ans, comme c'est le cas aux États-Unis, où une telle loi a été adoptée par le Congrès américain.

    Ne donnons pas aux terroristes leur raison d'être, qui est de nous déstabiliser dans nos libertés et dans notre démocratie. Nous proposons également que cette loi soit révisée annuellement.

    Ce qui est incompréhensible, c'est que la ministre agisse comme si elle avait des raisons cachées, elle qui dépose et approuve cette loi, de vouloir absolument s'approprier certaines libertés que la Constitution même de 1982 a accordées aux citoyens du Canada.

    Le Québec a la Charte québécoise des droits et libertés, le Canada a la Charte canadienne des droits et libertés, et c'est dans ce type de société que veulent vivre les Québécois et les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes, soit une société libre et démocratique.

    Chaque fois qu'il y a le moindre risque que soient brimées les libertés des citoyens du Québec et du Canada, on se doit de prendre une période de temps raisonnable--pas illimitée ou indéfinie--mais une période de temps raisonnable pour entendre tous les groupes, associations, groupements d'intérêt, que ce soit le Barreau canadien, le Barreau du Québec, tous les groupes d'intérêt, dis-je, qui ont des questions à poser sur le contenu de cette loi.

    On le répète, dans le but d'adopter rapidement une loi antiterroriste, on espère et on souhaite, pour être capables d'avoir un certain contrôle sur cette loi pour respecter notre société libre et démocratique, qu'il y ait une fin de vie de trois ans à cette loi. C'est pour cette raison qu'on qualifie une telle clause de crépusculaire. Il faut obligatoirement que cette loi puisse être révisable tous les ans, dans le but de s'assurer que ceux et celles qui auront la charge de l'appliquer n'abusent pas de cette situation pour régler des différends ou pour l'interpréter à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été créée.

    C'est ce qui m'amène, finalement, à citer la définition même de ce qu'est une «activité terroriste» qui sera couverte par le projet de loi C-36. On dit:

[...] est commise à des fins politiques, religieuses ou idéologiques et qui menacent la population ou la sécurité nationale.

    Donc, une action ou un acte qui sera commis à des fins politiques, religieuses ou idéologiques, et qui menace la population ou la sécurité nationale sera dorénavant appelé «une activité terroriste» et sera passible de sanctions criminelles, que cette activité terroriste soit perpétrée en tuant, évidemment, ou en causant des blessures graves ou en mettant en danger la vie d'une personne, en causant des dommages considérables à des biens qui risquent de causer des blessures graves à des personnes ou perturbant et paralysant des services, installations ou systèmes essentiels.

    À cet égard, je reviens à la question que posait ma collègue de Terrebonne--Blainville: est-ce que des infirmières, qui décideraient d'aller à l'encontre des règlements ou les lois à des fins de revendications syndicales, pourraient être accusées d'activités terroristes, vu qu'elles perturbent ou qu'elles paralysent des services essentiels? C'est ce que laisse croire le projet de loi qui est devant nous.

  +-(1215)  

    Cela m'amène à dire qu'on devrait relire l'article 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui garantit les droits et libertés, ainsi que l'article 2 qui nous donne les libertés fondamentales dont s'est doté ce pays, soit «la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée, de croyance et d'opinion, la liberté de réunions pacifiques et la liberté d'association». On touche les libertés fondamentales au Canada, les libertés fondamentales au Québec, puisque ces libertés sont reprises dans la Charte québécoise des droits et libertés.

    L'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits énoncés qui ne «peuvent être restreints que par une règle de droit dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique».

    Ce qui inquiète, c'est lorsque le premier ministre nous dit: «Si jamais vous n'êtes pas contents de la façon dont on interprète la loi C-36, telle que déposée, vous n'avez qu'à la contester devant les tribunaux, et l'amener même jusqu'en Cour suprême.»

    On sait très bien qu'avec l'article 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 et la loi qui sera adoptée pour une justification d'une société libre et démocratique, cela va donner toutes les raisons du monde aux juges pour dire à ceux qui voudraient contester le projet de loi C-36, une fois qu'il sera adopté, que la procédure est caduque, comme c'est le cas dans les fusions municipales au Québec et ailleurs au Canada. On l'a vu cette semaine, encore une fois: des municipalités s'évertuent à amener devant les tribunaux une loi qui donne pleine autorité aux provinces de régler le sort des municipalités au Canada. Elles le font parce que la Constitution le permet.

    On a toujours le droit de s'opposer, comme ils peuvent toujours dépenser l'argent nécessaire pour le faire, sauf que le résultat est toujours le même. Il était le même il y a 30 ans, il était le même il y a 20 ans, il était le même il y a 10 ans, il est le même aujourd'hui. On peut s'opposer, mais on est déboutés devant les tribunaux parce que la Constitution canadienne permet aux provinces d'adopter des normes ou de régir les municipalités, comme la Constitution canadienne permet au gouvernement d'adopter une loi antiterroriste qui pourrait mettre en danger les droits que nous avons et qui sont protégés par la Charte des droits et libertés.

    L'article 1 de la Constitution de 1982 permet au gouvernement de faire de telles lois. Il permettra au gouvernement de s'opposer à tous ceux qui voudraient contester le projet de loi C-36 devant les tribunaux, en disant: «L'article 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 nous permet d'adopter des lois qui pourraient se justifier dans le but du respect des droits de cette société libre et démocratique.»

    La définition de «terroriste» et «activités terroristes», quant à nous, se doit d'être révisée pour que, aujourd'hui, nous protégions les droits de nos citoyens, les Québécois et les Canadiens. Une fois que la loi sera adoptée, ce sera trop tard.

    Ceux et celles qui auront la charge de la faire appliquer, tels les corps policiers, la Gendarmerie royale du Canada, les services de renseignement, tous ceux qui auront cette lourde tâche pourront utiliser la loi C-36 et, comme souvent ils voient plus large que de façon restrictive, pourraient brimer les droits de personnes qui, par liberté d'association, ont le droit de faire des revendications en émettant leurs opinions et en allant librement dans les rues pour intervenir et faire valoir leurs positions. On pourrait mettre en danger cette liberté que nous avons présentement.

    Je le répète, le Bloc québécois est d'accord avec la Loi antiterroriste. Tout ce que nous voulons, c'est qu'elle ait une fin dans le temps, soit trois ans, et qu'on puisse la réviser annuellement pour s'assurer que nous ne perdons pas et que nous ne donnons pas foi aux terroristes car, encore une fois, tout ce qu'ils veulent, c'est déstabiliser notre société libre et démocratique. Donnons-nous une loi qui a une fin dans le temps et qu'on la révise annuellement de façon à garantir la liberté à tous les citoyens et citoyennes du Québec et du Canada.

[Traduction]

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer à ce débat qui s'annonce plutôt long. Des députés de tous les partis ont dit beaucoup de choses sur ce projet de loi qui revêt bien sûr une grande importance.

    J'aimerais souligner brièvement certaines des points qui me semblent importants et nécessaires pour nous permettre de lutter adéquatement contre le terrorisme au pays. J'aimerais également apporter ma contribution personnelle à ce débat.

    Tout d'abord, j'aimerais dire que le gouvernement a adopté une mesure positive qui s'imposait. Je l'en félicite. J'ai écouté avec intérêt le premier ministre et d'autres ministres dire à plusieurs reprises que c'était là une question qui transcendait les questions politiques et que nous devrions faire abstraction de toutes considérations d'ordre politique. Je suis tout à fait d'accord.

    Toutefois, je trouve étrange que lorsque des membres du Comité des finances, et je ne mentionnerai pas de quel parti il s'agit parce que je ne veux pas faire de politique partisane, ont déposé une motion pour lancer cette affaire, le gouvernement a eu recours à des tactiques curieuses pour bloquer cette motion. Puis, il a de nouveau eu recours à de bien curieuses tactiques pour que cette motion ne soit pas adoptée et de nouveau pour qu'elle soit présentée.

    J'oserais dire, et je vais le faire le plus délicatement possible, qu'il y a eu beaucoup de politique partisane dans la façon dont ce dossier a été traité dans notre comité. Je le regrette beaucoup. À mon avis, c'est un échec moral de la part du gouvernement. Dans des temps comme ceux que nous vivons, les parlementaires devraient, plus que jamais auparavant, être en mesure d'agir au nom de leurs électeurs et de tous les Canadiens.

    Il est très intéressant de constater que le gouvernement a voté contre notre motion, le deuxième jour où le Parlement a siégé après les événements du 11 septembre, et que soudainement, deux ou trois semaines plus tard, il dépose une mesure législative qui reprend une bonne partie des éléments que nous avions avancés.

    Je voudrais aujourd'hui que les députés du gouvernement commentent l'hypothèse que j'ai faite dans mon discours pour expliquer pourquoi ils s'étaient prononcés contre notre motion à l'époque, étant donné son caractère très urgent, mais je doute qu'ils le feront. Mais je voudrais aussi féliciter le gouvernement parce qu'il n'a pas perdu trop de temps pour agir et présenter le projet de loi.

    Je sais gré aussi au gouvernement d'avoir inclus dans ce projet de loi le droit de dresser et de publier une liste d'organisations criminelles dont on connaît le lien avec le terrorisme. J'aurais voulu que le projet de loi C-36 soit plus ferme et exige du gouvernement qu'il publie cette liste au lieu de simplement lui en donner le droit. Je trouve que le projet de loi est un peu timide, mais c'est sans contredit un pas dans la bonne direction.

    Je me souviens de l'étude que le Comité des finances a faite du projet de loi S-16, d'abord présenté au Sénat. Cette mesure proposait de retirer le statut d'organisation de bienfaisance, et donc le droit de remettre des reçus pour des dons de charité aux fins d'impôt à toute organisation qui, directement ou indirectement, levait des fonds pour des organisations terroristes. Le fait de remettre des reçus aux fins d'impôt dans ce cas revient à dire que l'ensemble des contribuables canadiens financent le terrorisme.

    Au comité, une motion avait été proposée en ce sens. Je me suis prononcé contre la motion pour la simple raison que je m'opposais à ce qu'on se limite à retirer le statut d'organisation de bienfaisance à une organisation lorsqu'on constate qu'elle finance le terrorisme. C'était trop timide.

  +-(1220)  

    Je suis heureux de constater qu'en vertu du projet de loi C-36, le financement du terrorisme, que ce soit directement ou indirectement, constitue un acte illégal. C'est ce que j'avais proposé en comité. C'est une très bonne mesure. Quelqu'un l'a déjà probablement fait remarquer au cours des débats lorsque j'étais en comité. Personnellement, je n'ai rien entendu à ce sujet à la Chambre. Je voulais donc le souligner. Si ce projet de loi était adopté, ce type de levée de fonds serait interdit.

    Je me fais l'écho des préoccupations qui ont été exprimées quant aux droits de la personne et à la liberté dont nous jouissons. Je tiens par ailleurs à souligner que nous devons faire preuve de beaucoup de diligence et ne pas porter d'accusations contre des organisations qui sont prises au piège sans le savoir.

    On pourrait dire, par exemple, que les organisations bénévoles qui recueillent des fonds pour fournir une aide alimentaire aux personnes qui souffrent de la faim réduisent les coûts des gouvernements des pays étrangers où elles travaillent et pourraient bien, ce faisant, fournir indirectement de l'argent aux gouvernements de ces pays pour la production d'armes et d'instruments destinés au terrorisme. C'est pousser les choses un peu loin. J'espère que nous nous montrerons critiques dans la façon dont nous appliquerons cette loi aux organismes caritatifs. Cependant, s'il existe un lien clair et direct, ces organisations feront l'objet de poursuites criminelles et à juste titre.

    Je félicite le gouvernement d'avoir enfin affirmé son intention de ratifier la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, ce qu'il aurait dû faire il y a longtemps. Ça aurait dû être fait automatiquement et dès présentation à la Chambre. Le gouvernement a laissé les choses traîner.

    Enfin, pour en revenir au côté positif, cette mesure législative érige en infraction criminelle la participation à l'entraînement en vue d'activités terroristes et l'incitation au terrorisme. Encore une fois, ça va dans la bonne direction. Il est incroyable que cela n'ait pas été fait il y a des années. Cette disposition aurait toujours dû figurer dans les lois du Canada.

    Je me souviens du temps, il y a très longtemps de cela, où il était contre la loi de conseiller une personne sur la façon de se suicider. Comment se fait-il que nous n'ayons rien eu disant qu'il était contre la loi de conseiller une personne relativement à un acte de terrorisme?

    Il y a deux choses que le gouvernement aurait dû faire, à mon avis.

    Tout d'abord, il devrait extrader rapidement les ressortissants étrangers qui sont accusés d'actes de terrorisme. Le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet. Je crois savoir pourquoi. Ce n'est toutefois qu'une hypothèse, car je n'ai pas d'amis libéraux suffisamment proches qui ont pu m'expliquer pourquoi ils ont voté contre cela. Je crois que la plupart l'ont fait parce qu'il s'agissait d'un vote soumis à la discipline du Parti libéral. Vous vous souvenez sans doute de l'époque où vous étiez whip, monsieur le Président et où les libéraux donnaient peut-être ce genre d'instruction par l'entremise de leur whip.

    Quoi qu'il en soit, c'est probablement la principale raison pour laquelle les libéraux ont voté contre cela. Notre motion du 18 septembre recommandait que tout ressortissant étranger accusé d'actes terroristes soit extradé rapidement, même s'il était passible de la peine de mort dans le pays en question.

    Les libéraux ne peuvent se résoudre à reconnaître que, dans certaines circonstances, il n'y a aucune peine suffisamment sévère. Je placerais dans cette catégorie les peines infligées à des individus qui, sciemment, ont aidé à former et à motiver ceux qui ont détourné ces appareils le 11 septembre et qui ont causé autant de ravages, de douleur, de morts et de dommages. Ces individus sont clairement coupables. Si nous trouvions au Canada certains de ces individus qui ont aidé et soutenu ces actions et si un autre pays demandait leur extradition parce qu'il s'agit de ses ressortissants, parce que ce ne sont pas des Canadiens, mais bien des habitants de ce pays où ils seraient passibles de la peine de mort, je voudrais que ces individus soient extradés. Le projet de loi ne prévoit toutefois rien en ce sens.

  +-(1225)  

    Je regrette beaucoup que mon temps soit écoulé, car j'ai plusieurs autres points à faire valoir. Je suis impatient de voir le projet de loi renvoyé au comité. J'espère que le gouvernement prendra dûment en considération les amendements que nous proposerons.

  +-(1230)  

+-

    Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

    Des voix: Le vote.

    Le vice-président: Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

    Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

    Des voix: Oui.

    Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

    Une voix: Non.

    Le vice-président: Je veux que les choses soient claires. La Chambre souhaite-t-elle un vote par assis et levés?

    Des voix: Non

    Des voix: Avec dissidence.

[Français]

    Le vice-président: Je rappelle à la Chambre que si on veut un vote par appel nominal, cinq députés doivent se lever.

+-

    M. Paul Crête: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais savoir si vous avez entendu quelqu'un dire «avec dissidence» sur ce projet de loi ou s'il n'y a pas eu d'expression à ce sujet. C'est important pour nous de savoir si des députés ont souhaité que ce soit adopté avec dissidence ou s'il y a unanimité.

[Traduction]

+-

    Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

    Et plus de cinq députés s'étant levés:

    Le vice-président: Convoquez les députés.

*   *   *

  +-(1315)  

    (La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant.)

(Vote no 152)

POUR

Députés

Abbott
Ablonczy
Adams
Allard
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Augustine
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bachand (Saint-Jean)
Bagnell
Bailey
Baker
Beaumier
Bélanger
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bertrand
Bigras
Binet
Blondin-Andrew
Bonin
Bonwick
Borotsik
Boudria
Bourgeois
Bradshaw
Breitkreuz
Brien
Brown
Bryden
Bulte
Burton
Caccia
Calder
Caplan
Cardin
Carignan
Carroll
Casey
Castonguay
Catterall
Cauchon
Charbonneau
Clark
Coderre
Collenette
Copps
Crête
Cullen
Cuzner
Dalphond-Guiral
Day
Desrochers
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Doyle
Drouin
Duceppe
Duncan
Duplain
Easter
Eggleton
Elley
Epp
Eyking
Finlay
Fitzpatrick
Folco
Fontana
Forseth
Fry
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gagnon (Champlain)
Gallant
Gallaway
Gauthier
Girard-Bujold
Godfrey
Gouk
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guay
Guimond
Hanger
Harb
Harvard
Harvey
Hearn
Hill (Macleod)
Hill (Prince George--Peace River)
Hilstrom
Hinton
Hubbard
Johnston
Jordan
Kenney (Calgary Southeast)
Keyes
Kilger (Stormont--Dundas--Charlottenburgh)
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Laframboise
Laliberte
Lalonde
Lanctôt
Lastewka
Lebel
LeBlanc
Lee
Leung
Lincoln
Longfield
Loubier
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacAulay
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Macklin
Malhi
Manley
Marceau
Marcil
Mark
Marleau
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Martin (LaSalle--Émard)
Matthews
McCallum
McCormick
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McNally
McTeague
Ménard
Merrifield
Minna
Mitchell
Moore
Myers
Nault
Neville
Normand
O'Brien (Labrador)
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Owen
Pallister
Paquette
Paradis
Parrish
Patry
Perron
Peterson
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Pillitteri
Pratt
Provenzano
Rajotte
Redman
Reed (Halton)
Regan
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Richardson
Ritz
Robillard
Roy
Sauvageau
Scherrer
Scott
Serré
Sgro
Skelton
Solberg
Sorenson
St-Hilaire
St-Julien
St. Denis
Steckle
Stewart
Stinson
Strahl
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Thompson (Wild Rose)
Tirabassi
Tobin
Toews
Tonks
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Ur
Valeri
Vanclief
Vellacott
Venne
Wappel
Wayne
Whelan
Wilfert
Yelich

Total: 208

CONTRE

Députés

Blaikie
Comartin
Davies
Godin
Proctor
Robinson
Stoffer
Wasylycia-Leis

Total: 8

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bennett
Bevilacqua
Comuzzi
Discepola
Dubé
Fournier
Goodale
Maloney
Picard (Drummond)
Rocheleau
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)

Total: 12

+-

    Le Président: Je déclare la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

    (Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

*   *   *

    La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose que le projet de loi soit agréé à l'étape du rapport.

    Le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

    Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

    Des voix: Oui.

    Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

    Des voix: Non.

    Le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

    Et plus de cinq députés s'étant levés:

    Le Président: Convoquez les députés. Le leader parlementaire du gouvernement a la parole pour invoquer le Règlement. Le moment est inhabituel pour un recours au Règlement, mais nous l'entendrons quand même.

+-

    L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. La présidence aurait-elle l'obligeance de remettre la motion aux voix? Il y a malheureusement eu un malentendu par ma faute. Certains ont cru qu'il s'agissait d'un amendement à l'étape du rapport, mais il n'y a aucun amendement à l'étape du rapport.

    Avec le consentement unanime, voudriez-vous demander à la Chambre si vous pourriez remettre aux voix la motion d'approbation à l'étape du rapport?

  +-(1320)  

+-

    M. Garry Breitkreuz: Monsieur le Président, j'ai besoin d'éclaircissements. Au Feuilleton d'aujourd'hui figure un avis de motion à propos du projet de loi C-15A. Je ne sache pas que cet avis a été retiré. L'a-t-il été?

+-

    Le Président: La motion n'a pas été proposée. Une motion d'approbation a été mise aux voix parce que la présidence s'est fait dire que personne n'allait proposer la motion qui figure au Feuilleton. Comme la motion n'a pas été proposée, la Chambre n'en a pas été saisie.

    Y a-t-il consentement unanime pour que la motion soit à nouveau mise aux voix?

    Des voix: D'accord.

    Le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    (La motion est adoptée.)

    Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois? Maintenant?

    Des voix: D'accord.

+-

    L'hon. Anne McLellan propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

+-

    M. Stephen Owen (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'insigne honneur d'amorcer aujourd'hui le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.

    Les députés savent que le projet de loi C-15A reprend les modifications présentées à la Chambre sous le couvert du projet de loi C-15, loi omnibus modifiant le droit pénal, moins cependant les propositions de modification concernant les délits de cruauté envers les animaux et le programme d'enregistrement des armes à feu. Dans sa sagesse, la Chambre a décidé d'examiner les modifications concernant les armes à feu et la cruauté envers les animaux dans une mesure distincte, le projet de loi C-15B.

    Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a entrepris l'étude du projet de loi C-15B et doit en faire rapport à la Chambre le 30 novembre au plus tard, comme celle-ci en a exprimé le voeu. Sous la présidence éclairée du député de Fredericton, le Comité a examiné à fond le projet de loi C-15A et en a fait rapport à la Chambre le 5 octobre.

    Je voudrais rappeler aux députés les différents éléments constitutifs du projet de loi, notamment les dispositions visant à accroître la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, y compris l'exploitation par le biais de l'Internet, les modifications proposées pour renforcer la loi en matière de harcèlement criminel, d'invasion de domicile, et de désarmement d'un agent de la paix, les propositions proposant la revue du processus d'examen des plaintes pour déni de justice, les modifications visant la réforme de la procédure pénale et, enfin, les modifications à la Loi sur la capitale nationale et la Loi sur la défense nationale.

    Chacune des parties du projet de loi C-15A renferme les modifications voulues pour améliorer l'administration de la justice pénale au Canada. Je n'ai pas l'intention de passer en revue les détails du projet de loi; nous les avons vus lors de l'étude en deuxième lecture, et ils n'ont pas changé depuis. Je voudrais cependant revenir sur certaines questions qui ont été abordées lors des audiences du comité.

    En ce qui concerne les mesures portant sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, je suis heureux de dire que ces modifications ont recueilli un appui important pendant les audiences du comité et nous savons qu'il existe un appui important pour ces modifications des deux côtés de la Chambre. Le comité a entendu des témoins et tous ceux qui ont parlé de ces mesures ont exprimé leur appui à leur égard. Ces modifications créent une nouvelle infraction, le leurre, afin de criminaliser ceux qui communiquent avec les enfants dans le but de faciliter l'exploitation sexuelle de ces derniers. Elles créent de nouvelles infractions au titre de l'exportation, de la transmission et de la consultation de pornographie juvénile ainsi que de la mise de celle-ci à la disposition d'autrui, afin d'assurer l'interdiction de la pornographie juvénile à toutes les étapes, de la production à la consommation, qu'un ordinateur soit utilisé ou non dans la perpétration d'une infraction.

    Les fournisseurs de services Internet s'inquiétaient de ce que ces nouvelles infractions pourraient les rendre criminellement responsables lorsqu'ils agissent en tant que simples transmetteurs de pornographie juvénile et qu'ils n'ont pas la moindre idée de la teneur des documents et aucun contrôle en la matière. Leurs craintes sont injustifiées. Pour commettre l'une quelconque des infractions liées à pornographie juvénile, les fournisseurs de services Internet, comme n'importe qui d'autre d'ailleurs, doivent savoir qu'il s'agit de pornographie juvénile.

    D'autres dispositions contribueraient également à la protection des enfants. Les juges auraient le pouvoir d'ordonner la suppression d'Internet de pornographie juvénile après avoir donné à la personne qui l'a affichée l'occasion d'être entendue. La suppression pourrait être ordonnée même dans le cas où la personne qui a affiché les documents est introuvable ou à l'étranger. Les dispositions permettraient la confiscation des instruments utilisés dans la perpétration d'une infraction liée à la pornographie juvénile appartenant à la personne reconnue coupable de l'infraction. Le droit de propriété des tiers innocents serait protégé. Toutes les infractions en matière de pornographie juvénile et de leurre seraient ajoutées à la liste des infractions pour lesquelles un juge est autorisé à émettre une ordonnance interdisant à une personne de s'approcher des enfants. Enfin, le projet de loi faciliterait les poursuites au Canada de Canadiens qui commettent des infractions d'ordre sexuel contre des enfants à l'étranger.

    Toutes ces mesures contribueraient à mieux protéger nos enfants contre l'exploitation sexuelle et j'invite les députés à appuyer le gouvernement en vue d'adopter promptement ce projet de loi.

    Le projet de loi C-15A propose également d'augmenter la peine maximale dans les cas de harcèlement criminel, d'exiger des juges qu'ils considèrent l'invasion de domicile comme étant une circonstance aggravante dans la détermination de la peine; et de créer une infraction nouvelle réprimant le fait de désarmer un agent de la paix ou de tenter de le faire.

    Le comité permanent a entendu la collectivité policière exprimer son appui généralisé pour cette mesure, et l'appui sans équivoque des témoins pour les autres mesures.

  +-(1325)  

    Nous sommes convaincus que ces réformes renforceraient le système de justice pénale.

    Comme je l'ai déjà mentionné, le réformes proposées dans le projet de loi C-15A, qui assureraient aux enfants une plus grande protection contre l'exploitation sexuelle, ont déjà été accueillies favorablement par tous les députés. Je reconnais toutefois que certains députés ont dit que ces réformes n'allaient pas assez loin et que nous devions faire plus pour protéger nos enfants. À cet égard, certaines préoccupations ont été soulevées en comité au sujet des dispositions actuelles concernant l'âge du consentement.

    À la fin de 1999, le ministère de la Justice a lancé un vaste processus d'examen et de consultation sur le besoin de réformes du droit pénal et des politiques relativement à la définition de certaines infractions précises contre les enfants, à l'âge du consentement à l'activité sexuelle, au témoignage des enfants et à la détermination de la peine. La ministre devrait recevoir d'ici la fin de l'année le rapport final sur les résultats de ce processus d'examen et de consultation et elle attend impatiemment l'occasion de discuter par la suite des possibilités de réformes additionnelles avec ses collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux.

    Une autre partie du projet de loi sur laquelle on avait insisté lors des audiences du comité est celle visant à modifier le processus d'examen des cas allégués de condamnations injustifiées. Le projet de loi C-15A contient d'importantes modifications au processus d'examen des condamnations. Ces modifications rendraient l'examen des cas allégués de condamnations injustifiées au Canada plus efficace, ouvert et transparent. Elles répondraient aux préoccupations exprimées par certains à l'égard du processus actuel d'examen des condamnations prévu à l'article 690.

    Comme on nous l'a expliqué lors des audiences du comité, certaines personnes sont d'avis qu'il conviendrait de pourvoir le Canada d'un organisme officiel indépendant qui examinerait les condamnations injustifiées, un organisme semblable à la commission de révision des affaires criminelles qui a été créée en Grande-Bretagne en 1997.

    Avant de présenter ces modifications, la ministre s'est entretenue avec des fonctionnaires britanniques et a longuement étudié le système britannique. Elle en a conclu qu'un organisme indépendant était inapproprié dans le contexte canadien. L'expérience canadienne en matière de condamnations injustifiées est très peu semblable à celle du Royaume-Uni. À titre d'exemple, la commission britannique de révision des affaires criminelles a été créée du fait qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts impliquant le secrétaire de l'Intérieur, qui est chargé des forces de l'ordre et des prisons et de la révision des accusations de condamnations injustifiées. Beaucoup de ces cas concernaient des accusations d'inconduite de la police.

    Le rôle de la ministre de la Justice ne donne pas l'impression de créer de conflit d'intérêts comme celui du secrétaire britannique de l'Intérieur. Au Canada, le ministre de la Justice n'est pas responsable de la police ou du système carcéral. En outre, ce sont essentiellement les provinces qui sont chargées des poursuites.

    L'un des principaux reproches que l'on adresse à l'actuel processus de révision des condamnations en vigueur au Canada est tout le temps que cela prend pour procéder à la révision d'une demande. Mais, comme nous l'a enseigné l'exemple britannique, la création d'un organisme indépendant ne permettra pas nécessairement au processus de se dérouler en temps plus opportun.

    Après de longues consultations, la ministre a été convaincue que la décision finale faisant suite à une condamnation prononcée par un organe d'appel devrait demeurer de la compétence du ministre fédéral de la Justice. De la sorte, on reconnaît et maintient les compétences traditionnelles des tribunaux tout en mettant en place une solution équitable et juste pour les cas exceptionnels qui échappent aux mailles du filet de la justice conventionnelle.

    Je signale que les réformes proposées aujourd'hui dans le projet de loi C-15A comportent de nouveaux aspects qui amélioreront considérablement l'actuel processus de révision. L'article 690 du Code criminel ne précise pas dans quelles circonstances il est possible de demander une révision. Les modifications proposées clarifient les conditions d'admissibilité à cette révision: il faut avoir épuisé tous les autres recours. Ces dispositions indiquent clairement que le processus de révision n'est pas une solution de rechange au système judiciaire.

    Le pouvoir de procéder à la révision des accusations de condamnations injustifiées sera élargi aux déclarations sommaires de culpabilité. Il s'impose de définir les critères procéduraux pour l'examen des déclarations de culpabilité, car la loi en vigueur omet de préciser les modalités de présentation d'une demande de révision et d'indiquer les documents à produire aux fins de cette demande. Les modifications proposées permettront d'élaborer une réglementation qui spécifiera le formulaire requis et l'information et les documents à fournir pour la révision d'une condamnation, ce qui ne manquera pas de rendre le processus beaucoup plus accessible.

    Les détracteurs du processus de demande de révision prétendent qu'il est opaque étant donné que les demandeurs ne sont pas mis au courant dudit processus. Les modifications proposées prévoient que les étapes du processus seraient énoncées clairement dans les règlements. Ainsi, la tâche serait plus facile pour les demandeurs, car tout serait plus ouvert et compréhensible.

    À l'heure actuelle, l'article 690 n'accorde pas le pouvoir de faire enquête. Selon les modifications proposées, ceux qui examineraient les demandes au nom du ministre disposeraient des pouvoirs d'enquête appropriés. De cette façon, le processus de révision pourrait être plus complet, efficace et effectué en temps opportun.

  +-(1330)  

    De même, les modifications proposées décrivent clairement les facteurs qui serviraient à déterminer quand un demandeur aurait droit à un recours. Les ministres de la Justice seront davantage tenus de rendre des comptes car ils devront présenter au Parlement un rapport annuel sur les demandes de révision présentées. Un conseiller spécial extérieur au ministère de la Justice sera nommé et chargé de superviser les révisions des condamnations présumées injustifiées; cette personne fera rapport directement au ministre de la Justice, ce qui ajoutera un degré d'indépendance par rapport au ministère.

    Le gouvernement est convaincu que ces modifications représentent la façon la plus efficace et efficiente d'améliorer le processus de révision extrajudiciaire des condamnations après appel et qu'elles méritent donc l'appui de la Chambre.

    Pour toutes ces raisons, je demande à la Chambre d'étudier rapidement les modifications importantes et valables proposées dans le projet de loi C-15A.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je serai bref aujourd'hui car je crois que nous voulons tous voir cette mesure législative progresser dans les meilleurs délais. Je tiens à remercier encore une fois la ministre d'avoir consenti à diviser le projet de loi, ce qui a permis à la Chambre d'adopter rapidement les dispositions non litigieuses et de débattre plus longuement les dispositions plus controversées maintenant contenues dans le projet de loi C-15B. Plus important encore, maintenant que le projet de loi a été scindé, nous pouvons protéger les enfants des prédateurs sexuels qui utilisent Internet, comme les membres de l'Alliance canadienne le demandent instamment depuis le début.

    Les partis d'opposition ont tous accepté d'adopter le projet de loi C-15A dans les meilleurs délais, mais je souligne de nouveau certaines de mes préoccupations au sujet de cette mesure législative pour que nous puissions ultérieurement revoir ces dispositions et les modifier.

    Une des questions qui me préoccupe le plus est la création d'infractions liées à l'exploitation sexuelle des enfants. Présentement, l'âge du consentement sexuel est établi à 14 ans. Or, cette mesure législative attendue depuis longtemps au titre de la protection des enfants contre les prédateurs sexuels ne s'appliquera qu'aux enfants de moins de 14 ans. À mon avis, ce seuil est trop bas et devrait être ramené à 16 ans non seulement pour ces infractions, mais aussi pour toutes les infractions liées à l'exploitation sexuelle des enfants par des adultes. Il n'est pas nécessaire que je rappelle à la Chambre les effets dévastateurs que peuvent causer les prédateurs sexuels à des enfants de 14 et de 15 ans. J'ai suggéré au personnel de la ministre d'envisager la possibilité de hausser l'âge du consentement.

    Pour ce qui est d'augmenter la peine maximale en cas de harcèlement criminel, je m'inquiète de l'absence de peine minimale. Il semble souvent futile d'augmenter les peines maximales, dans le présent cas, de 5 à 10 ans, si les tribunaux ne tiennent pas compte de cette modification dans leurs décisions. Compte tenu de la réticence des tribunaux de tenir compte de ces changements et du laxisme de la législation en matière de libération conditionnelle, les modifications que la ministre propose ne s'avéreront peut-être pas utiles.

    En ce qui a trait aux invasions de domicile, les dispositions du projet de loi représentent un pas dans la bonne voie, mais j'estime que cela devrait constituer une infraction distincte plutôt qu'une circonstance aggravante pour la détermination de la peine. Le Parlement doit faire comprendre clairement aux tribunaux la gravité de ce genre d'infractions.

    Quant à la nouvelle infraction consistant à désarmer un agent de la paix ou à tenter de le faire, l'Alliance canadienne et moi avons manifesté notre vif appui et croyons que cette disposition se faisait attendre depuis longtemps. Nous devons donner à nos agents de la force publique le soutien que la nouvelle infraction leur apportera.

    Ma dernière observation a trait aux enquêtes préliminaires. On pourrait aussi bien les supprimer complètement, étant donné les garanties offertes par la charte des droits et la jurisprudence qui en découle. En fait, beaucoup de juges les considèrent très inefficaces. Même il y a plusieurs années, quand j'étais un substitut du procureur général occupé à faire des enquêtes préliminaires, plusieurs juges de la cour provinciale disaient que le temps que l'on y consacrait aurait été mieux utilisé à faire le procès sur l'infraction plutôt qu'aux enquêtes préliminaires. Ces dernières ralentissent simplement la procédure et créent un arriéré sans apporter de contribution importante à l'administration de la justice au Canada.

    Naturellement, les avocats de la défense craignent beaucoup de voir disparaître complètement l'enquête préliminaire, mais nous devons revoir la question et démontrer que, même si nous avons sauvegardé les droits de l'accusé, les enquêtes préliminaires n'ont rien fait pour protéger ses droits et ont certes contribué à causer des problèmes dans l'administration efficace et équitable de la justice. On a abusé des enquêtes préliminaires dans le passé, et je pense que le projet de loi le reconnaît. Tous les procureurs généraux des provinces appuient cette mesure et je crois même qu'ils souhaiteraient qu'elle aille plus loin.

    Je veux faire consigner au compte rendu de la Chambre les propos que la ministre de la Justice a tenus au Comité permanent de la justice et des droits de la personne en réponse à une question que je lui ai posée le 3 octobre. Il me paraît important que cela figure dans le compte rendu de la Chambre.

  +-(1335)  

    Elle a dit, je cite:

En ce qui concerne les enquêtes préliminaires, ceci n'est qu'une étape. Je pense que les provinces et les territoires voudraient que nous étudiions une réforme plus radicale dans ce domaine. Vous avez dit, et vous avez raison, que les avocats de la défense étaient profondément inquiets à ce sujet. Nous continuerons de travailler à cette question. Tout ce que nous faisons ici, c'est simplifier le recours aux enquêtes préliminaires.

    Elle a ensuite parlé de l'âge du consentement, l'autre question que j'avais soulevée. Elle a dit:

Pour ce qui est de porter l'âge du consentement de 14 à 16 ans, nous avons un document de consultation sur les enfants victimes et le système de justice pénale. Nous avons discuté de cette question à la réunion des ministres fédéral et provinciaux de la Justice qui s'est tenue en septembre en Nouvelle-Écosse. Ces consultations seront terminées d'ici le 31 décembre de cette année, et il en sera fait rapport d'ici cette date. Je pense que nous verrons se dégager un consensus pour porter l'âge du consentement de 14 à 16 ans. Comme toujours, les choses semblent simples à la surface, mais ne le sont pas tellement en réalité. Cela nécessite l'apport de pas mal de changements au code. Nous allons devoir examiner tous les articles où l'âge est mentionné. Quoi qu'il en soit, cette question est inscrite à notre programme.

    Je veux que ce projet soit adopté rapidement et sans autre délai. Néanmoins, j'espère que la ministre tiendra compte de mes préoccupations, qu'elle tiendra les engagements qu'elle a pris en comité et que nous examinerons prochainement les améliorations à apporter à cette mesure législative.

[Français]

+-

    M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je serai bref, mais je tenais quand même à faire une mise au point sur ce projet de loi.

    Dans son état premier, au mois de mai ou juin de cette année, nous étions favorables à une grande partie du projet de loi C-15. Nous demandions que ce projet de loi soit scindé pour accélérer les choses. Cela a pris du temps, mais on a eu gain de cause et le projet de loi a été scindé.

    La partie que nous étudions aujourd'hui n'est pas problématique. Elle fait consensus; beaucoup de groupes ont demandé certaines modifications au cours des années, dont celles qui sont dans cette partie et avec lesquelles nous sommes d'accord.

    Entre autres, il y a tout ce qui concerne l'exploitation sexuelle mettant en jeu l'utilisation d'Internet. Le Code criminel ne répondait pas à ce qui se fait aujourd'hui. Il fallait actualiser et moderniser ces articles du code, et c'est ce qu'on fait dans ce projet de loi. Il n'y a aucun problème à adopter ces modifications.

    L'autre modification que l'on retrouve dans cette loi vise à augmenter la peine maximale dans les cas de harcèlement criminel. Si on regarde les décisions de jurisprudence, si on regarde ce qui se fait dans ce domaine, on se rend compte qu'il fallait intervenir pour ajuster la peine maximale dans ce cas bien précis.

    Ensuite, on fait de l'invasion de domicile une circonstance aggravante pour la détermination de la peine. Cela était demandé, entre autres, par l'Association canadienne des policiers et par la Fédération des policiers et policières du Québec. Il y a eu des projets de loi d'initiatives parlementaires afin de modifier le Code criminel en ce sens, mais ils n'ont pas été adoptés à toutes les étapes. Il est normal qu'aujourd'hui le Bloc québécois accueille favorablement une telle modification. C'est une demande des policiers qui était justifiée par ce qui se fait sur le plan de l'invasion de domicile.

    Une autre modification est de faire une infraction spécifique du fait de désarmer ou de tenter de désarmer un policier. Il est évident que les policiers ont plaidé en faveur de cette disposition. Ils nous ont fait valoir leur point de vue. On a également entendu en comité des spécialistes de cette question. Bien que je n'étais pas trop chaud à cette idée au départ, on m'a convaincu en comité. C'est ce qu'il faut. Quand on fait un travail sérieux en comité, qu'on écoute les témoins qui comparaissent, parfois ils nous exposent des points de vue fort intéressants qui nous convainquent et nous réconfortent dans notre position de ne pas appuyer tel ou tel projet de loi, tel ou tel article d'un projet de loi.

    Dans ce cas, les témoins que j'ai entendus m'ont convaincu qu'on pourrait effectivement modifier le Code criminel et ajouter cette infraction.

    L'autre modification dont on a déjà parlé est qu'on codifie et clarifie le processus des demandes d'examen auprès du ministre de la Justice concernant les erreurs judiciaires.

    J'aurais aimé que la ministre soit un petit peu plus attentive aux remarques que nous faisions. Nous aurions aimé un processus différent de celui qu'on retrouve dans le projet de loi C-15A, à l'image de ce qui se fait en Grande-Bretagne, dont on semble s'être inspiré pour faire ces modifications au Code criminel. J'aurais aimé qu'on ait un tribunal beaucoup plus indépendant, au lieu que la décision finale vienne de la ministre de la Justice. Je suis convaincu qu'à un moment donné la ministre sera juge et partie dans un dossier. À ce moment-là, la ministre serait dans une mauvaise position et rendrait-elle la bonne décision pour corriger l'erreur judiciaire?

  +-(1340)  

    Je sais que la ministre est de bonne foi et que tout le monde ici est de bonne foi, mais j'aurais aimé quelque chose de plus sécuritaire pour ceux qui ont déjà vécu une erreur judiciaire, afin qu'ils puissent bénéficier de tous les outils pour que vraiment justice soit faite.

    On sait qu'en droit, il faut que justice soit faite, ou que l'apparence de justice soit faite également. Je ne suis pas sûr, de la façon dont la ministre et le gouvernement libéral d'en face ont rédigé lesdites dispositions, que le justiciable arrivera à la conclusion que justice a été rendue, qu'il y a également apparence de justice, surtout lorsque l'erreur judiciaire peut découler du travail du ministère de la Justice et que ce sera la ministre de la Justice qui décidera si oui ou non il y a une erreur judiciaire.

    Cependant, on avait donné notre consentement pour ne pas bloquer ce projet de loi et pour qu'il soit adopté assez rapidement, compte tenu des autres dispositions qui ne sont pas contestées.

    C'est dans cette optique que je laisse finalement aller cette façon de faire les choses, quitte à regarder attentivement ce qui se passe et à présenter ultérieurement des amendements si on juge approprié de le faire.

    Également, le projet de loi comporte une série de réformes et se veut une modernisation des procédures criminelles, des aspects de la procédure en ce qui a trait à la divulgation de la preuve et de certaines règles relatives aux documents électroniques. Ce sont des choses qui n'existaient pas il y a 20 ans, mais avec lesquelles on vit aujourd'hui. On fait allusion aussi aux comparutions à distance, au système complet sur les plaidoyers, aux poursuites personnelles, à la sélection de jurés suppléants, aux limites d'utilisation de représentants. Tout cela, c'est une espèce de modernisation et de mise à jour de ce qui se fait; c'est une façon de clarifier la situation dans le Code criminel. Il n'y a aucun problème et c'est pourquoi on donne notre accord.

    Je voudrais, en terminant, relever une interrogation que j'ai eue en écoutant certains témoins. Le représentant de l'Alliance canadienne en a discuté tout à l'heure. C'est au sujet du consentement d'une personne pour ce qui est des rapports sexuels. Il voudrait que l'âge de consentement passe de 14 ans à 16 ans. Le motif que j'ai compris de la part de l'Alliance canadienne, ainsi que des groupes comme l'Association des policiers et des policières du Canada, c'est qu'on juge une personne de 14 ans insuffisamment mature pour donner son consentement à une relation sexuelle avec quelqu'un de plus âgé.

    On pense, du côté de l'Alliance canadienne et de ceux qui veulent modifier l'âge de consentement, que la jeune fille ou le jeune garçon de 14 ans n'est pas suffisamment responsable et mature et ne peut pas prendre une décision de cette ampleur qui l'affectera toute sa vie, à savoir d'avoir une relation sexuelle avec une personne plus âgée.

    Mon interrogation est la suivante: ces mêmes personnes veulent, dans un autre dossier qui est la Loi sur les jeunes contrevenants, toujours reporter l'âge à la baisse, c'est-à-dire de 18 à 16 ans ou de 16 à 14 ans. On voudrait même, si c'était possible, abaisser l'âge de la responsabilité pénale.

    Je ne comprends pas que ces jeunes ne soient pas suffisamment matures à 14 ans pour donner un consentement éclairé à l'effet d'avoir ou non des relations sexuelles avec une personne plus âgée, mais qu'ils le seraient à 16 ans, et à 14 ans, dans un cas criminel, où ils devraient avoir une sentence pour adultes. Selon eux, à ce moment-là, ils sont responsables, ils sont censés savoir ce qu'ils font et sont suffisamment vieux pour commettre un acte criminel, et ainsi de suite.

    Je demanderais un peu de logique. Cette position que ces groupes défendent est illogique en ce qui a trait à l' âge des adolescents dans les dossiers du consentement aux relations sexuelles et celui des jeunes contrevenants.

    Cela m'a un peu dérangé en comité. La réflexion que j'ai faite, je l'ai dite et j'ai posée la question aux témoins à cet égard. Ils n'ont pas eu de réponse, parce qu'il n'y a pas de réponse. Ce n'est pas logique.

    Est-ce qu'il faut augmenter l'âge de 14 à 16 ans en ce qui a trait au consentement à des relations sexuelles? Je n'ai pas d'idée arrêtée à ce sujet. Cependant, je sais qu'on ne peut pas juger quelqu'un qui a moins de 18 ans comme un adulte, parce qu'il n'est pas responsable comme un adulte.

  +-(1345)  

    Je sais que ce sont des enfants, des adolescents qui ne sont pas développés comme des adultes et qu'on devrait les traiter comme tels. Ce que je demande au parti de l'Alliance canadienne et au gouvernement, qui semble également intéressé à cette voie-là, c'est de regarder cela très sérieusement et d'avoir une logique.

    Le fait d'avoir scindé ce projet de loi nous a permis de nous attarder davantage aux parties problématiques--on est à même de le faire--c'est-à-dire tout ce qui touche les armes à feu et la cruauté envers les animaux. Si on avait écouté le gouvernement d'en face, on aurait probablement tout adopté à l'heure actuelle et on l'aurait fait à la sauvette. Heureusement, on lui a dit de prendre le temps en cette Chambre pour étudier cette question.

    C'est exactement la même chose qui se passe avec le projet de loi antiterroriste. Oui, il faut une loi, mais prenons donc le temps d'étudier correctement les tenants et aboutissants de ce projet de loi.

    C'est la même chose pour le projet de loi C-15A. Je remercie le gouvernement d'avoir compris, à la demande répétée du Bloc québécois et d'autres partis d'opposition, qu'il fallait scinder le projet de loi. Ils l'ont fait. Aujourd'hui, le projet de loi C-15A va être adopté, tant mieux. Nous allons travailler et poursuivre le travail sur le projet de loi C-15B, en espérant que dans cette partie également, la ministre de la Justice saura écouter l'opposition et l'amender en conséquence.

  +-(1350)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'aurais quelques brèves remarques à formuler avant que nous mettions un terme à ce débat. Après beaucoup de délibérations et de travail, le gouvernement a reconnu la sagesse de la proposition de l'opposition et décidé de scinder le projet de loi. La mesure législative que nous avons présentement devant nous ne porte pas du tout à controverse, et l'opposition n'a rien à redire. Elle pourra être adoptée rapidement à la Chambre.

    Cette mesure ne sera pas retardée parce qu'elle a tout d'abord été liée à d'autres dispositions qui étaient en partie controversées. Ces dernières seront étudiées séparément. Nous avons remarqué que l'opposition arrive parfois, avec beaucoup de ténacité, à faire passer ses idées. Je suis heureux que le gouvernement nous ait écouté dans ce cas. Nous l'en félicitons.

    Même s'il y avait de bonnes raisons de tenter de faire adopter le projet de loi rapidement, un des désavantages de tout cela, c'est que nous aurions pu entendre davantage de témoins sur certains des points plus complexes au niveau technologique et juridique portant sur Internet et autres. Nous avons entendu quelques témoins là-dessus, mais si nous avions pu prendre plus de temps, nous aurions pu en apprendre davantage. Je regrette que ce n'ait pas été possible.

    Nous savons que non seulement les projets de loi C-15A et C-15B, mais aussi le projet de loi C-36, Loi antiterroriste, ont fait l'objet d'un renvoi au Comité de la justice. Nous ne pouvons pas toujours accorder à un projet de loi le genre d'attention que nous pourrions vouloir lui consacrer dans un contexte différent.

    La question du leurre au moyen d'Internet, question que le gouvernement et nous tous devrons régler à un moment donné, a été soulevée. D'autres députés ont peut-être déjà fait valoir la question de l'âge requis pour consentir. Il y a cette faille flagrante de la loi qui permet à des individus de 40 ans d'exploiter des jeunes de 14 ans ou plus sur Internet, faute de dispositions législatives adaptées aux circonstances maintenant susceptibles de se produire sur Internet.

    Nous devons agir avec prudence parce que nous ne voulons pas criminaliser certains comportements entre des adolescents qui peuvent être à peu près du même âge. Il doit y avoir une façon d'aborder cette question judicieusement, mais il faut néanmoins adopter des dispositions législatives afin de prévenir ou du moins de punir ce genre d'activité.

    Je veux signaler une réserve et une préoccupation que je ne suis probablement pas le seul à avoir. Les ministres provinciaux de la Justice, le Comité de la justice et le gouvernement devraient examiner les recommandations concernant l'âge requis pour consentir. J'espère qu'un jour nous réglerons à la Chambre la question de l'âge requis pour le consentement.

    Le projet de loi dont nous sommes saisis est une bonne mesure. Certaines de ses dispositions se faisaient attendre depuis longtemps, mais mieux vaut tard que jamais. Donnons-lui force de loi et voyons comment tout fonctionne; nous pourrons ensuite y apporter des correctifs, si c'est nécessaire.

  +-(1355)  

+-

    M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD): Monsieur le Président, je suis ravi de participer au débat entourant le projet de loi C-15A. Comme le savent les députés, cette initiative a suscité une certaine controverse, en ce sens que nous aurions pu l'adopter en juin dernier, en fin de session. L'opposition était parfaitement disposée à scinder le projet de loi, et à en extraire les éléments controversés concernant la cruauté envers les animaux et le contrôle des armes à feu.

    Tout à son honneur, après moult cris et protestations, la ministre y a finalement acquiescé et, de ce fait, nous avons aujourd'hui un projet de loi qui est beaucoup plus pratique. L'effort de coopération de l'ensemble des membres du Comité de la justice a été admirable à cet égard.

    Comme je le disais, le projet de loi traite d'éléments plus ou moins controversés du Code criminel et passe généralement pour être une initiative positive. Il est loin d'être une simple mesure administrative. Il crée de nouvelles infractions spécialement conçues pour protéger les enfants des prédateurs et de la pornographie juvénile sur l'Internet.

    Le projet de loi C-15A vise une certaine modernisation. Devant l'évolution et l'expansion des moyens de communication grâce à l'Internet, une telle initiative devient nécessaire. Elle contribue à la mise à jour des anciennes dispositions qui interdisaient les mêmes viles activités: la diffusion de matériel pornographique exploitant des enfants.

    Mais qu'est-ce qui pourrait être plus important pour nous à la Chambre? Au moment où on accorde une attention accrue à la famille et à la nécessité de protéger les gens, c'est exactement le genre de projet de loi qui devrait nous être confié.

    Comme d'autres députés l'ont déjà dit, les articles du projet de loi qui définissent l'âge du consentement sont source de préoccupations pour les députés de ma coalition et moi. Il y a une anomalie dans le projet de loi C-15A qui fait qu'une personne de moins de 14 ans pourrait devenir une victime. Il faudrait que l'âge du consentement soit de 16 ans. Cela serait plus conforme aux autres éléments du Code criminel. Je crois que la ministre et ses collaborateurs sont ouverts à cela. À cette fin, nous espérons que d'autres projets de loi seront présentés dans les jours et les semaines à venir.

    Aux termes de l'article 8 du projet de loi, commettrait une infraction quiconque tente de leurrer une personne âgée de moins de dix-huit ans en communiquant avec elle au moyen d'un ordinateur. On cherche par là à rendre la législation plus uniforme et plus conforme.

    Un secteur qui me préoccupe, monsieur le Président, concerne celui qui a trait à l'article 690 du Code criminel, un article que vous connaissez bien, compte tenu que vous avez déjà été avocat. Les erreurs judiciaires peuvent être la cause de terribles atrocités. Au Canada, c'est arrivé dans le cas de MM. Morin et Milgaard et de bien d'autres.

    Un exemple qui me vient immédiatement à l'esprit est la saga de Steven Truscott. Julian Sher vient d'écrire un livre là-dessus qui s'intitule Until You Are Dead: Steven Truscott's Long Ride into History. J'estime qu'une requête en application de l'article 690 sera bientôt présentée à la ministre à cet égard. L'article 690 ne serait guère modifié par le projet de loi dont nous sommes maintenant saisis. Il permettrait toujours à la ministre d'avoir le dernier mot dans des cas semblables.

    La période des questions va bientôt commencer. J'espère que j'aurai l'occasion de poursuivre mes observations après la période des questions.


+-DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Article 31 du Règlement]

*   *   *

[Traduction]

+-La Semaine de la citoyenneté

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour rappeler à mes collègues que cette semaine est la Semaine de la citoyenneté. C'est l'occasion de réfléchir à ce que c'est que d'être canadien et de célébrer les valeurs qui nous unissent, comme l'égalité, la tolérance et le respect de l'ordre public.

    La citoyenneté comporte aussi des responsabilités. Il incombe à tous les Canadiens de veiller à ce que leurs enfants puissent continuer de vivre dans un pays qui gère son environnement de façon responsable et dont l'économie est vigoureuse. De plus, nous devons nous rappeler l'importance de travailler ensemble et, lorsque certains sont dans le besoin, de nous entraider.

    Dans ma circonscription, Etobicoke-Nord, on me rappelle sans cesse à quel point notre citoyenneté est importante et précieuse. Ces rappels, ils viennent de néo-Canadiens et de personnes dont la famille habite dans ma circonscription depuis des générations. Pour certains nouveaux venus, la citoyenneté est la réalisation d'un rêve et le début d'une vie nouvelle.

    Le Canada est reconnu comme l'un des meilleurs pays au monde. C'est donc avec fierté que je rappelle le thème de cette semaine: Le Canada, un pays pour nous tous.

*   *   *

  +-(1400)  

+-Le bois d'oeuvre

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre a laissé dériver les entretiens sur le bois d'oeuvre qui se déroulent en Colombie-Britannique. Ces prétendus pourparlers dégénèrent en une série de propositions, d'exigences et d'offres. Ce sont des négociations.

    Un participant de l'industrie de la Colombie-Britannique réclame une taxe uniforme sur les exportations de bois d'oeuvre. Le ministre de la province en est réduit à nier que ce soit la direction à suivre. La prétendue taxe uniforme est une manipulation. Il s'agit au fond d'une taxe de fermeture. On calcule que, avec des prix faibles, les producteurs canadiens fermeront leurs portes pour que des producteurs américains inefficaces restent en activité. La taxe n'est même pas uniforme. Une taxe établie en fonction du volume, avec des prix cycliques, c'est la même chose qu'une taxe de pourcentage variable imposée sur la valeur.

    Malheureusement, nous avons déjà vu le même scénario en 1985 et en 1995. Le ministre remettra-t-il de l'ordre dans ce chaos et convoquera-t-il une réunion nationale des parties intéressées par le bois d'oeuvre? Cela n'a que trop tardé.

*   *   *

[Français]

+-La Fondation Paul-Gérin-Lajoie

+-

    M. Serge Marcil (Beauharnois--Salaberry, Lib.): Monsieur le Président, il y a des choses extraordinaires qui se passent dans le monde quotidiennement et qui sont occultées par les événements tragiques du 11 septembre dernier.

    Il y a des hommes et des femmes, dans des organisations, qui oeuvrent quotidiennement à la paix et dont l'incessant travail mérite d'être souligné.

    L'UNESCO vient de reconnaître le travail de la Fondation Paul-Gérin-Lajoie en Haïti, en lui décernant le prix d'Alphabétisation du roi Séjong.

    La Fondation, grâce au travail de ses agents, comme Marie-Michèle Fournier, responsable du programme alphatibonite, a contribué à l'alphabétisation de plus de 5 000 personnes en Haïti au cours des trois dernières années.

    Le travail de la Fondation en Haïti est financé par le gouvernement du Canada, à même les programmes de l'ACDI. J'ai eu le privilège, au Sénégal, de vivre le travail de la Fondation avec les femmes et les hommes du pays pour renforcer leurs capacités de prendre en main leur destinée et de participer pleinement aux opérations du pays. Sans l'ACDI, les ONG ne pourraient faire autant qu'elles le font, mais sans les ONG, l'aide du Canada et de l'ACDI serait inefficace.

    Je salue la Fondation, son président et tous ses acteurs, comme Marie-Michèle Fournier, en Haïti, comme les Tandia et les Ly de ce monde.

*   *   *

[Traduction]

+-Le multiculturalisme

+-

    Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Monsieur le Président, j'ai récemment assisté aux célébrations du 15e anniversaire de la German Canadian Heritage Plaza, dans ma circonscription, Vancouver Kingsway. Les Canadiens d'ascendance allemande ont joué un rôle de premier plan dans le développement de notre pays. J'ai été heureuse d'assister à cet événement qui a marqué une étape importante pour la communauté germano-canadienne de Vancouver.

    Je suis fière de l'unité multiculturelle du Canada. C'est grâce au partage de la culture et des traditions propres à divers groupes que le Canada a réussi à montrer au monde entier comment des individus ayant des antécédents différents peuvent se rassembler pour bâtir un pays fort et uni où la population vit dans la paix et l'harmonie en célébrant sa diversité culturelle.

*   *   *

[Français]

+-L'amiante chrysotile

+-

    M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de constater que la Cour suprême fédérale du Brésil ainsi qu'un comité de la Chambre des députés de ce même pays viennent de statuer en faveur du maintien de l'utilisation contrôlée de l'amiante chrysotile.

    Cette mesure arrive à point, puisqu'elle s'inscrit dans la foulée des plus récents développements dans le dossier de l'utilisation sécuritaire de l'amiante ici, au Canada.

    À cet égard, je crois important de souligner, en plus du travail indéfectible des intervenants de la région de l'amiante, l'appui de mes honorables collègues, les ministres des Travaux publics et des Services gouvernementaux, du Revenu et du Développement économique, des Finances, du Conseil du Trésor et du Commerce international.

    Il va sans dire que la décision du Brésil nous incite à poursuivre nos efforts en vue de faire changer la mauvaise perception qui existe mondialement concernant l'amiante chrysotile.

*   *   *

[Traduction]

+-La force opérationnelle interarmées 2

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la Force opérationnelle interarmées 2, ou FOI2, est la réponse de nos militaires au terrorisme au Canada. En tant qu'unité spécialisée dans la libération d'otages, la FOI2 prend en charge les menaces terroristes là où il y a une présence canadienne significative, que ce soit au Canada ou dans nos ambassades à l'étranger.

    La FOI2 en tant qu'unité spécialisée dans le sauvetage d'otages n'est pas une force spéciale. Les troupes de sauvetage d'otages et les forces spéciales sont clairement deux entités distinctes: elles présentent des différences au niveau des besoins de sélection, de formation et du renseignement, du leadership et des tactiques et de l'attitude.

    N'avons-nous tiré aucune leçon de l'histoire? La décision de recourir aux forces d'opérations spéciales, le Régiment canadien aéroporté, comme gardiens de la paix en Somalie a condamné la mission à l'échec. Le mieux que l'on puisse dire, c'est que la décision d'utiliser l'unité de sauvetage d'otages comme force d'opérations spéciales en Afghanistan est discutable.

    Le pays a besoin d'un débat ouvert et public sur la politique étrangère du Canada concernant les opérations spéciales, avant que d'autres militaires canadiens ne soient envoyés en Afghanistan.

*   *   *

  +-(1405)  

+-Israël Sirota

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, pour souligner sa contribution remarquable à l'intégration à la société canadienne de nouveaux résidents venant de Russie, le rabbin Israël Sirota, un habitant de ma circonscription de Mont-Royal, a été choisi pour recevoir un Certificat du mérite civique 2001.

    Il est l'une des 12 personnes seulement dans tout le Canada et l'un des deux Québécois qui ont reçu ce prix prestigieux qui lui sera remis lors d'une cérémonie qui aura lieu dans ma circonscription, ce soir.

    Peu après avoir immigré au Canada, le rabbin Sirota, qui vient de Tashkent, en Ouzbékistan, dans l'ancienne Union soviétique, a fondé le centre communautaire des Juifs d'origine russe dans ma circonscription. Ce centre a pour objectif de faciliter l'intégration des Juifs d'origine russe à la société québécoise et canadienne en offrant un éventail de services spirituels, matériels, éducatifs, professionnels et culturels.

    La maison du rabbin Sirota est ouverte à tous les immigrants russes. Dans son garage, il entrepose des meubles donnés. Son réfrigérateur sert de banque alimentaire et des bénévoles se chargent de livrer cette nourriture aux gens dans le besoin. À sa maison, les nouveaux immigrants se renseignent sur leur patrimoine et apprennent à l'aimer. Ils se rassemblent pour écouter des leaders politiques et communautaires parler de sujets allant de l'immigration aux élections.

    Le rabbin Sirota est un modèle pour les citoyens d'origines multiculturelles. Ainsi, son leadership a amené des immigrants russes à rendre à la collectivité qui les a nourris et à mieux comprendre l'importance de participer à la construction du Québec et du Canada. Il a montré qu'une seule personne pouvait faire la différence.

*   *   *

[Français]

+-La condition féminine

+-

    Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, nous célébrons la Journée de l'affaire «personne» . Grâce à Emily Murphy, les femmes du Canada ont été reconnues, le 18 octobre 1921, comme des personnes.

    Leur combat a permis de reconnaître l'égalité des femmes et on commémore leur contribution exceptionnelle en remettant le Prix du Gouverneur général.

    Mme Vera Danyluk, présidente de la Communauté urbaine de Montréal qui, par son implication politique et au sein des groupes communautaires, a su faire avancer la cause des femmes, recevra cette distinction.

    Malgré des progrès notables, les femmes se battent encore pour l'égalité: les téléphonistes de Bell Canada qui, depuis 12 ans, demandent la parité salariale; le Réseau des femmes en entreprise familiale, qui paient de l'assurance-emploi mais n'y ont pas droit; les femmes courriers de routes rurales qui n'ont pas les mêmes avantages que les facteurs; toutes ces femmes qui ont droit à un congé parental décent et les femmes des premières nations qui subissent de la discrimination.

    Le Bloc québécois exige donc que l'on passe à des gestes concrets démontrant que l'on considère véritablement les femmes comme des personnes.

*   *   *

[Traduction]

+-La Semaine nationale des coopératives

+-

    M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler à la Chambre de la Semaine nationale des coopératives. Depuis le milieu des années 1800, le mouvement coopératif a grossi au point de compter 10 000 coopératives dans tout le pays. La fondation de ce mouvement, qui est une grande réussite, est le fruit de gens travaillant de concert à la réalisation d'un objectif commun.

    Alors que le monde célèbre l'Année internationale des volontaires, je trouve approprié de souligner le travail des 70 000 bénévoles qui siègent à des conseils et des comités de coopératives dans tout le Canada. Ils donnent gratuitement leur temps, leurs compétences et leur énergie pour aider les coopératives afin qu'elles puissent offrir des services essentiels à leurs collectivités.

    Le gouvernement fédéral reconnaît le rôle que les coopératives jouent dans le développement des collectivités qu'elles servent. Je vais vous donner deux exemples. Tout d'abord, par l'entremise du Fonds canadien d'adaptation et de développement rural, nous avons vérifié comment les coopératives agricoles peuvent mieux répondre aux besoins de leurs membres. Ensuite, DRHC met à l'essai un fonds de crédits renouvelables destiné à permettre le développement d'entreprises coopératives appartenant aux travailleurs.

    Dans tout le Canada, nous avons des coopératives de travailleurs, de consommateurs et de producteurs. Nous avons des coopératives dans toutes sortes de domaines comme les services financiers, les garderies, le logement, l'équipement agricole et les magasins d'alimentation.

*   *   *

+-La Garde côtiere

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les États-Unis ont demandé au Canada de les aider sur plusieurs plans dans la lutte antiterroriste. Un secteur dans lequel ils nous ont demandé de leur prêter main-forte est celui des Services de communications et de trafic maritimes.

    Cette direction de la Garde côtière est chargée de surveiller tout le trafic maritime le long de nos côtes. Il s'agit d'un chaînon essentiel dans notre défense de voies maritimes d'importance cruciale comme le détroit de Juan de Fuca, porte d'entrée de Vancouver et de Seattle.

    En cette période où la situation commande une vigilance accrue, nous apprenons avec consternation que d'autres compressions dans les services sont envisagées. Malheureusement, le service de trafic maritime de la Garde côtière est sous-financé depuis des années, et la situation a dégénéré en crise.

    Ce matin, au comité, des témoins ont dit craindre que la crise ne mène à une catastrophe qui serait évitable. J'encourage le ministre des Pêches et des Océans à rétablir immédiatement le financement de la Garde côtière. Une surveillance efficace du trafic maritime le long de nos côtes et dans nos ports est plus importante que jamais.

*   *   *

  +-(1410)  

+-L'affaire «personne»

+-

    L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour féliciter les lauréates de cette année du Prix du gouverneur général en commémoration de l'affaire «personne». Les six femmes qui ont reçu cet honneur pour avoir contribué à assurer une plus grande égalité entre les femmes et les hommes ont toutes eu une influence marquante sur la vie des femmes.

    Les lauréates de cette année sont Vera Danyluk, Linda Silver Dranoff, Kathleen Mahoney, Lynda Sorensen, Anila Umar et Madeleine Gaudet, de Fredericton, dont je suis particulièrement fier. Madeleine est une bonne amie et une candidate méritante. Une minute ne me suffit pas pour énumérer ses nombreuses réalisations.

    Toutes les personnes qui ont reçu cet honneur aujourd'hui se sont battues pour les femmes de tous les horizons et sont des modèles pour nous tous.

*   *   *

+- La semaine nationale des coopératives

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur le Président, les coopératives et les caisses d'épargne et de crédit du Canada se portent bien et jouent un rôle économique et social important dans toutes nos collectivités.

    On trouve des coopératives dans tous les secteurs de notre économie, y compris la santé et le logement. La Calgary Consumer Co-op est la plus grande coopérative en Amérique du Nord. La Mountain Equipment Co-op se spécialise dans l'équipement pointu de loisirs en pleine nature. Le Prairie Dog est un journal alternatif géré en coopérative.

    Nous croyons que, dans l'avenir, les coopératives offriront des solutions de rechange pour contrer certains effets pervers de la mondialisation.

    Je suis fier d'être membre d'une caisse d'épargne et de crédit, et je saisis l'occasion qui m'est donnée pour féliciter toutes les caisses d'épargne et de crédit et les coopératives, ainsi que les bénévoles et les employés qui y travaillent. Je tiens à saluer directement deux personnes : Dan Palsich, membre d'une coopérative du nord-ouest de la Saskatchewan depuis 30 ans, et Bill Knight, du sud-est de cette province, qui quittera dans l'année le poste de président et de chef de la direction de la Centrale des caisses de crédit du Canada, qu'il occupe depuis six ans.

*   *   *

[Français]

+-La députée de Louis-Hébert

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, laissez-moi vous citer les paroles d'une de mes collègues se réjouissant des fusions municipales dans la région de Québec: «Ça va raviver le feu sacré. Ça va forcer les gens à jouer un nouveau rôle.» Peut-être croyez-vous entendre une péquiste bon teint? Détrompez-vous!

    Ces mots sont ceux de la députée libérale fédérale de Louis-Hébert. Vous avez raison de vous en étonner, car n'est-ce pas là la même personne qui se baladait avec des affiches anti-regroupement municipal sur sa camionnette de campagne en novembre 2000?

    Les électrices et les électeurs de Québec sont en droit de se demander pourquoi la députée d'aujourd'hui n'est plus d'accord avec la candidate d'alors. Essaie-t-elle, comme le font plusieurs libéraux, de jouer sur les deux tableaux? Il faudrait le lui demander.

    Devant un tel manque de cohérence, il n'est guère étonnant que nos concitoyennes et concitoyens fassent preuve de cynisme face à la politique.

*   *   *

+-La condition féminine

+-

    Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Monsieur le Président, en 1929, les femmes avaient conquis le droit de posséder des biens et de les gérer, de même que le droit de vote. Mais elles ne pouvaient toujours pas occuper un siège au Sénat au motif qu'elles n'étaient pas des personnes.

    Un petit groupe de femmes de carrière et d'intellectuelles, mieux connues aujourd'hui sous le nom des «Célèbres Cinq», s'est alors constitué pour clarifier l'admissibilité des femmes à une nomination au Sénat.

    Elles portèrent leur cause devant la Cour suprême, mais celle-ci ne leur ayant pas donné gain de cause, elles saisirent le Conseil privé de Grande-Bretagne, la plus haute cour d'appel de l'époque pour les Canadiens.

    Je suis heureuse de souligner aujourd'hui la Journée de la personne, qui commémore la décision du 18 octobre 1929 du Conseil privé de Grande-Bretagne de statuer que les femmes étaient bel et bien des personnes aux termes de la loi.

    Les efforts des «cinq femmes célèbres» représentent, pour les Canadiens et Canadiennes, un modèle de courage, d'intégrité, de solidarité...

+-

    Le Président: L'honorable député de St. John's-Est a la parole.

*   *   *

[Traduction]

+-La pauvreté

+-

    M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Monsieur le Président, nous avons souligné cette semaine la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté.

    Il y a quelques années, la Chambre a adopté à l'unanimité une motion qui visait à ce qu'il n'y ait plus d'enfants pauvres au Canada en l'an 2000. Or, non seulement la pauvreté des enfants n'est-elle pas éliminée, mais encore a-t-elle augmenté. Il y a des banques alimentaires et des programmes de repas à l'école d'un bout à l'autre du pays.

    C'est parce que leur famille est pauvre que les enfants vivent dans la pauvreté. Selon les normes internationales, le Canada est un pays prospère. Or, la richesse n'y est pas toujours équitablement répartie. Les sans-emploi, les familles monoparentales et les familles autochtones éprouvent beaucoup de difficulté à joindre les deux bouts. Dans nombre de pays du tiers monde, la famine pure et simple est une cruelle réalité quotidienne.

    Il est temps que nous nous consacrions de nouveau à l'élimination de la pauvreté. Par ailleurs, nous ferions bien de ne pas oublier que la pauvreté, peu importe où elle sévit, est la responsabilité de tout le monde.

*   *   *

  +-(1415)  

+-Le système de réaction d'urgence

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de signaler à la Chambre qu'aucun des colis douteux reçus sur la colline du Parlement cette semaine ne contenait le bacille de la maladie du charbon ou toute autre substance biologique. En fait, aucun des incidents signalés ailleurs au Canada n'ont révélé la présence d'agents biologiques.

    Je tiens à souligner qu'aucun cas de la maladie du charbon n'a été rapporté au Canada.

    L'intervention rapide des personnes concernées prouve que notre Système de réaction d'urgence fonctionne de manière efficace, comme il le devrait. La réaction de toutes les personnes en cause a été parfaite, depuis les premiers intervenants, les agents de sécurité sur la colline du Parlement, les policiers, les spécialistes en matières dangereuses et le service des pompiers, jusqu'au personnel de Santé Canada qui a testé les substances douteuses et la GRC qui était prête à transporter le matériel jusqu'à notre laboratoire de Winnipeg.

    Je tiens à rendre hommage à tous les intervenants et à les remercier. Les Canadiens devraient être rassurés car le système fonctionne bien et continuera de le faire pour protéger tous les citoyens.


+-Questions orales

[Questions orales]

*   *   *

[Traduction]

+-La loi antiterroriste

+-

    M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, contrairement à la législation antiterroriste américaine et britannique, notre projet de loi antiterroriste ne règle pas efficacement la question de la détention et de l'expulsion des gens qui voudraient abuser des libertés dont jouissent les Canadiens. L'unité antiterroriste de la GRC a signalé que certaines cellules terroristes abusaient de notre système de détermination du statut de réfugié et de notre régime de santé et d'aide sociale pour pouvoir exercer leurs activités au Canada.

    Le gouvernement se trouvant forcé de limiter les droits des Canadiens innocents en faisant adopter un projet de loi antiterroriste, pourquoi a-t-il si peur d'offenser les gens qui veulent venir ici pour abuser de ces libertés?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui est actuellement au Sénat, traite d'un certain nombre des questions que le chef de l'opposition a mentionnées. Elle traite des pouvoirs de détention et, chaque fois que nous avons des preuves qu'une personne présente une menace à la sécurité, cette personne est détenue. Cette loi établit également des règles très claires pour simplifier les processus. Comme tout le monde, je suis préoccupée par le temps qu'il nous faut pour déterminer qu'une personne n'est pas admissible au Canada et pour l'expulser.

+-

    M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce n'est pas le cas.

[Français]

    Alors que le gouvernement augmente les pouvoirs des forces policières, les libéraux refusent toujours de boucher de gros trous dans une loi sur l'immigration qui permet à de potentiels terroristes d'entrer chez nous.

    La ministre va-t-elle enfin s'engager à ce que les demandeurs du statut de réfugié, qui se présentent à nos aéroports sans papiers appropriés, soient détenus et même déportés, si leurs demandes sont considérées comme une menace à notre sécurité?

    D'autres pays le font, pourquoi pas nous?

[Traduction]

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, nous prenons des mesures pour améliorer l'intégrité de notre système de détermination du statut de réfugié ainsi que de notre système d'immigration. Le projet de loi C-11 exige des contrôles sécuritaires préliminaires pour les réfugiés. C'est la première étape du processus. La nouvelle mesure législative empêche les demandes à répétition, qui, nous le reconnaissons, constituaient un abus en plus d'engorger le système.

    Le ministre pourra intervenir dans les cas où nous croyons qu'une personne est inadmissible au Canada. Les dispositions concernant les interdictions de territoire stipulent que quiconque présente une menace à la sécurité, est un criminel ou est un terroriste, est inadmissible au Canada. Si nous avons des preuves...

+-

    Le Président: Le chef de l'opposition a la parole.

+-

    M. Stockwell Day (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce n'est pas le cas.

    Ce ne sont pas la vaste majorité des immigrants et les véritables réfugiés qui inquiètent les Canadiens. Ces gens sont les bienvenus ici. Ce sont plutôt les quelques personnes qui cherchent à se servir du Canada comme base pour se livrer à des activités criminelles et terroristes qui les inquiètent.

    Nous devrions en faire davantage pour aider les véritables réfugiés qui peuplent les camps de réfugiés partout dans le monde.

    Pourquoi la ministre ne remplace-t-elle pas ses beaux discours par des mesures concrètes qui permettront aux autorités canadiennes de détenir et d'expulser, au besoin, les personnes qui veulent venir chez nous et se servir de notre pays comme base pour se livrer à des activités terroristes?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada ne laissera jamais les terroristes affaiblir notre tradition humanitaire et notre détermination à aider ceux qui ont véritablement besoin de notre protection. Nous resterons fermes à cet égard.

    Toutefois, nous avons reconnu que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés avait besoin d'être modifiée, et j'ai vu à ce que cela se fasse. Nous croyons que le projet de loi C-11 nous donne les outils nécessaires pour déterminer de façon juste qui a véritablement besoin de notre protection et qui n'en a pas besoin. Nous voulons être capables d'expulser le plus rapidement possible les personnes qui sont inadmissibles au Canada.

  +-(1420)  

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que le Sénat soit d'accord avec la ministre.

    En juin 1998, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a recommandé ceci:

Citoyenneté et Immigration Canada devrait détenir les personnes dont l'identité n'est pas établie.

    La ministre a refusé.

    Pourquoi la ministre laisse-t-elle un seul étranger sans papiers se promèner librement au Canada?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, nous veillons à ce que le système soit meilleur et plus rapide. Nous veillons à ce qu'il reste juste. Le député saura que nous pouvons détenir et que nous détenons bel et bien tout individu dont l'identité nous paraît suspecte. C'est prévu dans la loi existante et dans le projet de loi C-11. Le député est en train de créer une fausse impression.

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai tort de dire la vérité.

    Chaque année, au moins 5 000 personnes sans papiers viennent au Canada demander le statut de réfugié. De ce nombre, combien la ministre en a-t-elle détenus cette année? Combien?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le député et tous les autres Canadiens sauront que chaque fois qu'un agent d'immigration sait ou croit qu'un individu présente une menace pour la sécurité du Canada ou doute de son identité, il peut le détenir et il le détient effectivement. Les agents d'immigration ont le pouvoir de détenir toute personne qui leur semble suspecte. C'est leur devoir et il s'en acquitte bien.

[Français]

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, une solide coalition est nécessaire pour lutter efficacement contre le terrorisme. C'est vrai sur la scène internationale et c'est aussi vrai sur la scène interne.

    Pour garder une coalition très forte, la ministre de la Justice doit faire preuve d'une plus grande ouverture qu'elle ne le fait actuellement.

    La ministre réalise-t-elle qu'elle affaiblit la coalition par le fait même de la position de son gouvernement, en refusant d'acquiescer aux demandes des députés libéraux et à ceux de l'opposition qui veulent des changements importants à la loi antiterroriste, telles les clauses crépusculaires?

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'envisage avec plaisir la discussion qui doit s'amorcer cet après-midi au comité.

    Mon collègue, le solliciteur général, et moi-même devons comparaître devant le comité et je sais que les députés du Bloc québécois ainsi que des députés des autres partis d'opposition peuvent grandement contribuer à l'élaboration d'une mesure législative antiterroriste efficace pour le Canada et qu'ils peuvent fournir des conseils judicieux à cet égard.

[Français]

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, c'est intéressant. Si tel est l'objectif de la ministre, qu'elle en parle à son collègue, le leader du gouvernement à la Chambre des communes.

    Le premier ministre nous disait qu'il fallait procéder à un «examen soigneux» de la situation. Or, l'attitude du leader du gouvernement tranche avec celle du premier ministre, car il tente actuellement de «bulldozer» le Parlement, tant et si bien que les sénateurs sont en train d'étudier le projet de loi avant même que nous ayons complété notre travail.

    Ne serait-il pas plus sage de prendre le temps qu'il faut afin d'apporter des changements à un projet de loi aussi important que celui qui est actuellement devant nous?

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, personne n'a l'intention de «bulldozer» le Parlement, ou quels que soient les autres qualificatifs que l'honorable chef du Bloc québécois vient d'utiliser en Chambre. Telle n'est pas notre intention.

    Notre intention est d'accorder une étude approfondie au projet de loi, mais bien sûr avec des délais tout à fait raisonnables auxquels les Canadiens s'attendent. Cet après-midi, nous allons commencer le travail en comité.

    En attendant, il y a une pré-étude par un comité du Sénat qui pourra alimenter lui aussi le comité de la Chambre. Il n'y a rien d'anormal là-dedans.

+-

    M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, l'efficacité ne doit pas compromettre l'avenir.

    L'urgence d'agir en matière de terrorisme ne doit pas se faire au détriment de la prudence. La ministre de la Justice devrait savoir que prudence et urgence peuvent aller de pair.

    La ministre admettra-t-elle que des clauses crépusculaires s'imposent pour certains articles du projet de loi qui traite de mesures exceptionnelles, comme c'est actuellement le cas aux États-Unis, et comme la France, qui vient tout juste de le faire dans sa loi exceptionnelle?

  +-(1425)  

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons examiné cette question très attentivement. Le gouvernement a établi qu'un examen aux trois ans constituait un mécanisme de protection juste et adéquat et nous estimons qu'il a raison.

    Toutefois, comme je sais que la question suscite énormément de controverse dans tous les partis à la Chambre, mes collègues et moi-même sommes heureux d'avoir l'occasion d'en discuter cet après-midi au comité.

[Français]

+-

    M. Michel Bellehumeur (Berthier--Montcalm, BQ): Monsieur le Président, de plus en plus de gens, incluant plusieurs de ses collègues libéraux, invitent la ministre à la prudence. Même le député de Mont-Royal, son collègue, envisage une loi temporaire.

    Ce que je veux, c'est un engagement politique de la part de la ministre. Qu'elle nous dise franchement aujourd'hui pourquoi exactement elle refuse de prendre l'engagement, en cette Chambre, de rassurer la population en disant qu'elle va insérer dans la loi une mesure dans laquelle il y aura une clause crépusculaire pour certains articles de cette loi exceptionnelle.

    Je veux qu'elle en prenne l'engagement et qu'elle le dise à la Chambre.

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà mentionné, le gouvernement estime qu'un examen à intervalle de trois ans constitue un mécanisme de protection approprié. Nous nous sommes penchés très sérieusement sur cette question.

    Cela dit, je suis la première à reconnaître que nombre de mes collègues, des divers partis représentés à la Chambre, se demandent si ce mécanisme de protection est vraiment celui qui s'impose dans tous les cas.

    Je crois que le comité fournit une arène idéale pour ce genre de discussion. Je sais que le gouvernement a hâte d'entendre l'avis du comité cet après-midi.

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, j'aurais voulu poser une question à la ministre de la Justice, mais comme elle a dit qu'elle doit bientôt se rendre à une séance de comité, j'adresserai ma question au ministre des Affaires étrangères. Elle porte sur la participation du Canada à la coalition militaire contre les talibans et le réseau Al-Quaïda.

    Quels sont les objectifs prévisibles de la coalition et, si ces objectifs changent ou s'ils vont au-delà de ce que je viens de décrire, le gouvernement a-t-il l'intention de plaider en faveur d'une approbation plus explicite, par l'ONU, de toute expansion de la campagne à laquelle participent actuellement les Forces armées canadiennes?

+-

    L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, cette question relève de la compétence du ministre de la Défense nationale, mais quoi qu'il en soit nous participons à cette coalition afin d'extirper les racines du terrorisme qui ont été mises au jour à la suite des attaques du 11 septembre, et je fais ici référence à Oussama ben Laden et au réseau Al-Qaïda. C'est le but de notre participation à cet effort que dirigent les États-Unis, en vertu de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et c'est sur cette base que nous agissons.

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, à mon avis, une expansion de la campagne justifierait des consultations plus poussées auprès des Nations Unies. J'aimerais néanmoins poser la question suivante au ministre des Affaires étrangères.

    Je suis sûr qu'il éprouve le même désarroi que les députés de mon parti depuis que la possibilité de paix qui s'est manifestée la semaine dernière au Proche-Orient, et je parle ici de la création d'un État palestinien, a été éclipsée par un regain de violence et un assassinat dans cette région du monde.

    Le ministre peut-il dire à la Chambre quel est le message du Canada aux parties à ce conflit et ce que le gouvernement entend faire pour aider à trouver une solution à cette situation très difficile?

+-

    L'hon. John Manley (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, la question est très importante. Je crois que nous sommes tous conscients de l'importance primordiale de cette région dans le cadre des efforts actuels de lutte contre le terrorisme.

    Le gouvernement canadien a évidemment fait part de son inquiétude et a offert sa sympathie au gouvernement d'Israël à la suite de l'assassinat survenu hier. Nous demandons à toutes les parties, tant Israël que l'Autorité palestinienne, de faire preuve de retenue en cette période cruciale. Nous leur demandons de poursuivre les discussions qu'elles avaient entreprises et qui semblaient assez prometteuses.

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Monsieur le Président, j'ai quelques questions précises à poser au ministre responsable de la protection de l'infrastructure essentielle et de la protection civile.

    Le ministre pourrait-il dire à la Chambre si le gouvernement a une liste à jour de toutes les installations essentielles au Canada, qu'elles soient la propriété du fédéral, des provinces ou des municipalités? Cela comprend les complexes énergétiques, les aqueducs, les systèmes de communication, les établissements sanitaires et les voies de transport qui pourraient capter l'intérêt des terroristes. Quand la liste a-t-elle été dressée et, si elle n'a pas encore été dressée, quand le sera-t-elle?

  +-(1430)  

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, cette liste est en bonne voie d'achèvement. Le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile a été créé plus tôt cette année. Entre autres fonctions, il s'est employé à réunir de l'information à ce sujet, et la majorité de l'information nécessaire a été recueillie jusqu'à présent.

    Il y a eu de nombreuses discussions avec les propriétaires et les exploitants de cette infrastructure critique pour s'assurer qu'on a fait tout le nécessaire pour garantir sa protection. Nous devrions bientôt disposer de la liste complète des installations essentielles.

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Monsieur le Président, on nous assure que la liste est en bonne voie d'achèvement, plusieurs semaines après les attentats à New York et à Washington.

    Le vice-premier ministre pourrait-il nous dire si des évaluations de la menace pour les installations essentielles, y compris des attentats terroristes contre des plates-formes de forage en mer, des pipelines, des centrales nucléaires, des réseaux d'aqueduc ou d'autres infrastructures essentielles, ont été communiquées aux premiers ministres des provinces où se trouvent ces installations?

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, une grande partie de l'information sur la liste actuelle avait déjà été recueillie au moment du passage à l'an 2000, lequel avait suscité bien des inquiétudes. Nous sommes en train de la revoir et de la mettre à jour, surtout à la lumière des événements du 11 septembre, afin de nous assurer que toutes les mesures de sécurité nécessaires sont en place.

    Oui, des consultations sont en cours avec les provinces, les municipalités et le secteur privé. On a donné des avis et des mises en garde pour que soient prises des mesures de sécurité et de protection. Je peux assurer le député que nous avons la situation bien en main.

*   *   *

+-L'immigration

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'intention de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de maintenir le cap même si le système n'assure pas la sécurité nationale est l'ultime déni de la réalité de la part des libéraux. En fait, la ministre ne peut même pas indiquer le nombre de personnes qui ont été détenues.

    Le monde est bien plus dangereux que les libéraux veulent l'admettre. La ministre va-t-elle mettre fin à son exercice de relations publiques, reprendre contact avec la réalité et relever les normes avant de relever les quotas?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés représente une refonte complète des systèmes d'immigration et de protection du pays. Je précise, pour le député, que 8 836 personnes ont été détenues au Canada en 2000-2001.

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il s'agit de sécurité et non pas de rectitude politique et de systèmes. Les députés de l'Alliance canadienne sont en faveur de l'immigration et croient que le Canada devrait accueillir sa juste part de réfugiés, mais, depuis le 11 septembre, bien peu de choses ont changé aux frontières. Le chef du SCRS et le commissaire de la GRC me l'ont dit aujourd'hui au comité.

    Si la ministre n'a pas encore mis en place des mesures appropriées de sécurité, que faudra-t-il pour qu'elle le fasse? Faudra-t-il remplacer la ministre ou tout le gouvernement?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je veux que tout soit bien clair. Le gouvernement ne permettra jamais que le terrorisme nous empêche de continuer à bâtir le Canada grâce à l'immigration comme nous l'avons fait dans le passé. En ce qui concerne les réfugiés, nous sommes fiers de notre réputation sur le plan humanitaire et nous continuerons à accueillir ceux qui ont vraiment besoin de notre protection.

    Il arrive souvent que ceux qui fuient la persécution partent sans papiers d'identification. Ils fuient pour sauver leur vie. Ils s'adressent à nous et nous les accueillons, nous leur offrons de l'aide. C'est le cas pour la grande majorité des gens qui demandent le statut de réfugié au Canada. Le député d'en face ne devrait pas donner l'impression que ce n'est pas le cas.

*   *   *

[Français]

+-La Loi antiterroriste

+-

    Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ ind.): Monsieur le Président, hier, la ministre de la Justice a fait savoir que le projet de loi C-36 a été soigneusement rédigé pour éviter d'appliquer la définition d'activités terroristes à des manifestations légales.

    Est-ce que la ministre peut nous confirmer si elle associe aux manifestations légales des manifestations spontanées pour lesquelles des permis n'auraient pas été préalablement obtenus des autorités compétentes?

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas sûre de comprendre la question de la députée. J'ai dit très clairement hier que la définition de l'expression «activité terroriste» avait été soigneusement rédigée pour exclure toute manifestation légale, et cela comprend par exemple des actions légales de sensibilisation, des gestes de dissension, des grèves et un vaste éventail d'autres manifestations légales.

  +-(1435)  

[Français]

+-

    Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ ind.): Monsieur le Président, les définitions contenues dans le Code criminel suffisent pour juger les gestes répréhensibles que pourraient poser des manifestants trop zélés.

    Est-ce que la ministre reconnaît que la définition dans le projet de loi rendra difficile la distinction entre un simple manifestant et un véritable terroriste?

[Traduction]

+-

    L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la définition figurant dans la nouvelle loi ne rend pas cette distinction difficile. Comme je l'ai dit hier, la définition que l'on retrouve dans la Loi antiterroriste s'attaque aux activités visant à susciter la terreur. Le Code criminel s'appliquera aux manifestations violentes d'ordre moins grave.

*   *   *

+-L'immigration

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, voici ce que dit un ancien ambassadeur canadien:

Grâce au projet de loi C-11, les demandeurs d'asile pourront plus facilement entrer au Canada, et il sera beaucoup plus difficile de les expulser après leur arrivée. Dans des circonstances normales, cette faille serait déplorable. Dans la foulée du 11 septembre, le refus de procéder à une réforme immédiate de notre système frise l'irresponsabilité criminelle.

    La ministre se portera-t-elle garante de ce projet de loi menaçant l'intégrité de notre système d'immigration?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la députée était présente aux audiences du comité. Jamais elle n'a laissé entendre que le projet de loi n'était pas assez strict. En réalité, tout ce que ce parti et cette députée ont dit au sujet du projet de loi C-11, c'est qu'il est trop rigoureux.

    C'est un projet de loi musclé. C'est une refonte complète du système d'immigration et de détermination du statut de réfugié. Il nous permettra d'agir plus rapidement tout en continuant de faire preuve d'équité à l'endroit des personnes qui s'adressent à nous pour obtenir protection. Je rejette catégoriquement le tableau brossé par la députée.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'ancien ambassadeur a dit:

Le projet de loi C-11 est une catastrophe. Il fait le jeu des passeurs professionnels de clandestins. Il laisse toute grandes ouvertes les portes du Canada pour que les indésirables puissent entrer facilement. Il semble conçu de façon à ne pas permettre que l'on puisse un jour renvoyer chez eux les indésirables.

    Nous sommes d'accord.

    Quand la ministre reconnaîtra-t-elle que sa mesure législative ne colle pas à la réalité?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-11 nous donne effectivement les outils dont nous avons besoin pour pouvoir dire aux personnes inadmissibles au Canada qu'elles devront quitter le pays plus rapidement. Il nous confère ce pouvoir.

    Nous avons reçu les ressources supplémentaires pour la mise en oeuvre du projet de loi. La députée sait fort bien que ce qu'elle a dit est faux. Le projet de loi C-11 correspond à une refonte complète. Il répondra aux attentes des Canadiens.

*   *   *

[Français]

+-L'économie

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances est isolé dans son obstination à ne pas reconnaître la nécessité du dépôt d'un budget dans les prochains jours, alors que même les économistes, dont Clément Gignac, de la Banque Nationale, lui suggèrent de le faire, à l'instar du Bloc québécois depuis plusieurs semaines.

    Est-ce que le ministre des Finances va enfin se rendre à nos arguments et présenter des mesures budgétaires pour contrer le ralentissement économique?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à maintes reprises au député que je suis très ouvert à un budget, mais que ça va prendre les données nécessaires, soit les données sur la direction à court terme de l'économie, les données en ce qui concerne l'initiative globale contre le terrorisme, les données en ce qui concerne le plan d'ensemble du gouvernement canadien pour ce qui est de la sécurité nationale.

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre ne devrait pas s'inspirer du ministre de l'Industrie qui, lui, agit?

    Hier, le président de la Chambre de commerce du Québec et l'Institut canadien des comptables agréés ont demandé des mesures budgétaires rapides de la part du gouvernement fédéral, entre autres, des congés de cotisation à la caisse de l'assurance-emploi et le report, sur six mois, des acomptes provisionnels des entreprises.

    Est-ce que le ministre ne reconnaît pas que ces mesures, tel que proposé dans le plan de cinq milliards de dollars du Bloc québécois, sont valables et qu'il a les moyens de les réaliser, comme à peu près tout le monde le lui demande maintenant?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, les opinions exprimées par la majorité des économistes que j'ai rencontrés, hier soir, étaient que, à cause des baisses d'impôt substantielles qui sont déjà dans l'économie, à cause du Programme d'infrastructures qui va débuter, à cause des diminutions du taux d'intérêt, le gouvernement canadien a fait ce qu'il veut et beaucoup plus que les États-Unis.

*   *   *

  +-(1440)  

[Traduction]

+-L'immigration

+-

    M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la ministre invoque continuellement le projet de loi C-11 comme un remède à ce problème. Or, maintes et maintes fois, le problème tourne autour de l'application des dispositions de la loi actuelle et leur exécution. Voilà le problème.

    Il y a deux jours, le sergent Philippe Lapierre, de la section du contre-terrorisme de la GRC, a dit à une conférence sur le blanchiment de l'argent à Ottawa que les terroristes au Canada suivent une méthode similaire. Voilà un expert qui dit...

+-

    Le Président: Je ne sais pas s'il y a là une question, mais le député a épuisé son temps de parole. Il voudra peut-être passer à la seconde question à moins que la ministre ne veuille répliquer au préambule.

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas d'accord avec le préambule. Nous savons que beaucoup de gens ont toutes sortes d'opinions à propos du projet de loi C-11, mais il est incontestable que le projet de loi représente une grande amélioration par rapport à ce qui existe aujourd'hui.

+-

    M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais maintenant citer les paroles du sergent Lapierre. Voici ce qu'il a dit:

Certains sont envoyés ici avec une mission et certains viennent de leur prore initiative et se font recruter. Une fois ici, cependant, ils ont tous le même modus operandi.

    Ils revendiquent le statut de réfugié, puis ils demandent à recevoir des prestations de bien-être social et une carte-santé. Ils commettent ensuite des vols, puis tâchent de blanchir cet argent.

    Comment la ministre va-t-elle empêcher les criminels étrangers d'entrer chez nous et d'abuser de notre générosité?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les criminels ne sont pas admis au Canada. Les terroristes et ceux qui présentent une menace pour la sécurité, ceux qui ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ne sont pas admis au Canada. Aussitôt que nous avons des preuves à cet égard, nous les empêchons d'entrer ou, si nous les découvrons ici, nous procédons à leur arrestation et à leur expulsion aussi rapidement que possible.

    Je trouve inquiétant de voir le député tenter de généraliser et de mettre sur le même pied tous les réfugiés et ceux qui présentent une menace pour la sécurité ou les terroristes. Ce n'est tout simplement pas vrai.

*   *   *

+-Les transports

+-

    L'hon. Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

    Le trafic aérien a repris aux États-Unis ces dernières semaines. Cependant, le Canada n'a pas encore obtenu l'autorisation d'avoir des vols au départ de l'aéroport Pearson et d'autres aéroports canadiens à destination de l'aéroport national Reagan de Washington, D.C. Quand le ministre va-t-il soulever cette question auprès des autorités américaines?

+-

    L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je dois rencontrer le secrétaire Mineta demain pour m'entretenir avec lui du système de la sécurité aérienne et de la santé financière des compagnies aériennes. Il m'a téléphoné juste avant la période des questions pour me dire qu'il autorisera Air Canada à effectuer des vols à destination de l'aéroport national Reagan dès que possible. Nous espérons que les vols au départ de Montréal et d'Ottawa pourront bientôt reprendre.

*   *   *

+-La frontière entre le Canada et les États-Unis

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le Président, le volume des mouvements transfrontaliers entre Windsor et Detroit est le plus élevé de l'Amérique du Nord. Les ralentissements ont fait un tort énorme à l'économie locale et menacent même l'économie nationale. Il y a eu des mises à pied dans les secteurs de l'automobile et des services, dont 700 licenciements au casino de Windsor la semaine dernière seulement.

    Quelles mesures concrètes le gouvernement prend-il pour s'assurer que nos homologues américains s'attaquent à ce problème et pour sauver les emplois des citoyens canadiens?

+-

    L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je peux informer la Chambre que j'étais personnellement à Washington hier pour m'entretenir de ces problèmes avec des membres influents du Congrès, tant de la Chambre des représentants que du Sénat, ainsi qu'avec des membres du gouvernement. Je les ai vigoureusement exhortés à prendre des mesures et à faire le nécessaire afin que le passage à la frontière se fasse plus facilement. Je sais que mon collègue, le ministre du Revenu national, travaille à l'élaboration de mesures à cet égard.

    Je puis assurer à la Chambre et aux habitants de Windsor et de Detroit que c'est l'une de nos priorités absolues. Nous nous efforçons de trouver très rapidement des solutions en raison de l'importance de cette question pour nos deux économies.

  +-(1445)  

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le Président, je suis content de voir que le vice-premier ministre va mieux.

    Cela dit, il était à Washington hier pour comparaître devant un comité. En fait, il y était question de resserrer les contrôles à la frontière. C'est la dernière chose dont nous ayons besoin, du moins à Windsor-Detroit. Quelles mesures précises le gouvernement prend-il? Un mois et demi s'est écoulé depuis le 11 septembre, et le gouvernement n'a encore rien fait.

+-

    L'hon. Herb Gray (vice-premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je sais gré à mon collègue d'avoir remarqué que je m'étais remis de mon opération, mais il doit lui-même souffrir de cécité s'il n'a pas vu ce que faisait le gouvernement.

    Nous exerçons des pressions vigoureuses auprès des autorités américaines pour qu'elles agissent prestement car ce sont elles qui doivent prendre les mesures nécessaires pour que la circulation se fasse plus librement entre nos deux pays. Je le répète, j'ai eu des entretiens hier. Je rappelle au député les efforts déployés par le ministre du Revenu national. Mon honorable collègue devrait se procurer une nouvelle paire de lunettes qui lui permettront de voir les mesures que nous avons prises. J'ai hâte d'en voir les résultats d'ici peu.

    Ce n'est pas pendant les audiences d'un comité que j'ai rencontré...

+-

    Le Président: Le député de Fraser Valley a la parole.

*   *   *

+-La santé

+-

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, Santé Canada a commandé près d'un million de comprimés d'une version générique de Cipro, un des médicaments utilisés pour traiter l'anthrax, même si le titulaire du brevet du médicament dispose de stocks suffisants du médicament, s'il a triplé sa production et s'il ignorait la décision de Santé Canada de commander des comprimés chez un fabricant de médicaments génériques. Le gouvernement ne peut légitimement passer outre aux lois sur les brevets que s'il a déclaré l'état d'urgence au Canada.

    Le ministre de l'Industrie peut-il dire à la Chambre s'il croit que c'est une bonne idée que d'enfreindre la loi canadienne sur les brevets ou s'il a déclaré l'état d'urgence et a tout simplement oublié d'en informer la Chambre des communes?

[Français]

+-

    M. Jeannot Castonguay (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada veut rassurer tous les Canadiens que dans l'éventualité d'une attaque bioterroriste, nous serons prêts.

    Une des façons de nous assurer d'être prêts, c'est de nous assurer de pouvoir répondre à de telles attaques en ayant les médicaments nécessaires.

    Dans les circonstances, il était important de nous assurer que, oui, nous avions ces médicaments en main. Nous en avons déjà une bonne partie et les autres suivront.

+-

    M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire avoue pratiquement candidement qu'ils ne respectent même pas leurs propres lois.

    Cela étant dit, voici une autre question à laquelle le secrétaire parlementaire répondra peut-être. S'il est prêt à acheter des médicaments génériques, est-ce qu'il peut garantir à la population qu'ils sont sécuritaires, que Santé Canada donne son approbation à un médicament générique pour sauver la vie de plusieurs milliers de personnes en cas de désastre?

    Est-ce que le secrétaire parlementaire peut nous donner une réponse claire cette fois-ci?

+-

    M. Jeannot Castonguay (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il faut être prêts à cette éventualité, qui est peut-être mince, mais qui existe.

    Je peux assurer le député que les médicaments, même s'ils sont génériques, répondront aux besoins. Ils sont sécuritaires. Encore une fois, je pense qu'il est important qu'on arrête de semer la panique chez tous les Canadiens.

    On doit dire aux Canadiens que nous sommes prêts et que ce sont des médicaments sécuritaires. Nous avons pris nos responsabilités et je suis très fier du rôle que nous jouons au sein du gouvernement.

*   *   *

[Traduction]

+-L'immigration

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens ont beaucoup de questions à poser au gouvernement au sujet de ses priorités relativement aux contrôles à la frontière et aux gens qu'on laisse entrer au Canada.

    Est-il vrai que le gouvernement envoie des avocats de l'aide juridique dans les ambassades étrangères pour aider les demandeurs? Dans l'affirmative, pourquoi le fait-il?

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la députée n'a pas précisé de quel genre de demandeur il s'agissait. Elle pourrait peut-être le faire dans sa question complémentaire afin que le ministre responsable puisse répondre.

+-

    Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il s'agit des immigrants qui viennent au Canada, qui se présentent à la frontière.

    La ministre a récemment annoncé que 9 millions de dollars seraient consacrés à l'embauche de nouveaux employés. Combien de postes à temps plein seront-ils créés? Combien d'employés mettra-t-elle sur la ligne de front?

  +-(1450)  

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de répondre à la question de la députée. En fait, nous avons reçu 49 millions de dollars, et 9 millions de dollars serviront à l'embauche de plus de 100 nouveaux employés à plein temps. Ces derniers seront déployés aux postes frontaliers d'un bout à l'autre du pays afin de veiller à ce que le Canada fasse sa part pour assurer la sûreté de la frontière canado-américaine.

*   *   *

[Français]

+-Le blanchiment d'argent

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, hier, suite à une question qui lui était posée, le ministre des Finances a affirmé que le Canada était un leader dans la lutte au blanchiment d'argent.

    Pourtant, au cours de la conférence tenue sur ce sujet à Montréal cette semaine, John Mair, de la GRC, affirmait tout à fait le contraire.

    Le ministre des Finances convient-il que le Canada a un retard à rattraper dans ce domaine et va-t-il faire la promotion d'une agence internationale de lutte contre le blanchiment d'argent, tel que le demandent des experts internationaux?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le Canada en a déjà fait la demande, et d'ailleurs, c'est en partie à cause du Canada que le Financial Action Task Force on Money Laundering, un organisme international, créé par le G-7, a été mis en place.

    Je peux vous assurer qu'il continuera son travail. D'ailleurs, le Canada a déjà dit qu'on devrait augmenter ses effectifs pour qu'il puisse le faire le mieux possible.

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Justement, monsieur le Président, le ministre les Finances se targue depuis plusieurs années de jouer un rôle déterminant sur la scène internationale pour mettre fin aux paradis fiscaux.

    Or, la réalité, c'est que depuis son entrée en fonction en 1993, rien n'a été fait et plus de 140 milliards de dollars ont été transférés du Canada vers des paradis fiscaux des Antilles.

    Le ministre peut-il cesser de nous faire ses beaux discours sur son prétendu rôle sur la scène internationale et jouer son rôle de ministre des Finances du Canada en mettant fin aux ententes bilatérales avec les pays considérés comme des paradis fiscaux?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, encore là, comme le député doit le savoir, l'OCDE a mis en place un processus d'examen de tous les paradis fiscaux. Le Canada a appuyé pleinement toute cette initiative. D'ailleurs, le Canada a donné 13 millions de dollars aux pays des Antilles pour s'assurer qu'ils puissent contrôler le blanchiment d'argent et examiner à quel point il faut vraiment régler tous les problèmes en question.

*   *   *

[Traduction]

+-L'immigration

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la ministre de l'Immigration continue de nier l'existence d'un problème de sécurité dans le système d'immigration. Les chiffres de son propre ministère montrent que, dans au moins 70 p. 100 des cas, on ne sait pas si les demandeurs qui ont essuyé un refus ont quitté notre pays. Ils s'évanouissent dans la nature.

    Comment la ministre peut-elle prétendre que son système ne laisse pas à désirer sur le plan de la sécurité alors que, dans 70 p. 100 des cas, on ne sait pas si les demandeurs à qui le statut de réfugié a été refusé ont quitté le pays?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, les agents de l'immigration vérifient les arrivants. Lorsqu'une ordonnance d'expulsion est prise et que nous renvoyons une personne, nous savons qu'elle est partie. Cependant, bien des gens partent de leur plein gré. C'est ainsi que les choses se passent. Nous ne contrôlons pas, nous ne suivons pas à la trace ceux qui sortent du Canada.

    Je peux dire au député que la très grande majorité de ceux qui viennent au Canada sont respectueux des lois. S'ils sont convoqués à une audience, ils s'y présentent. Nous ne voulons pas transformer le Canada en une colonie pénitentiaire en plaçant tout le monde en détention, comme le député d'en face le souhaiterait.

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous appuyons sans aucune réserve les réfugiés authentiques. Mais il s'agit ici de personnes dont le ministère a déjà rejeté la demande. Ce ne sont donc pas des réfugiés. Le ministère a rendu sa décision, mais pas moins de 70 p. 100 des personnes rejetées restent au Canada.

    Comment la ministre peut-elle continuer de prétendre que la sécurité ne pose aucun problème dans le système de détermination du statut de réfugié?

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la proportion des personnes reconnues comme réfugiés au Canada est à peu près la même que dans d'autres pays qui ont un système de détermination du statut de réfugié. Environ 57 p. 100 des demandeurs sont acceptés au Canada, et 53 p. 100 aux États-Unis. C'est un fait.

    Je peux dire à la Chambre que tous les pays du monde ont du mal avec les expulsions, souvent à cause des documents de voyage. Sur ce chapitre, le Canada a l'un des meilleurs bilans au monde. L'an dernier, plus de 8 000...

  +-(1455)  

+-

    Le Président: Je donne la parole au député de Pierrefonds--Dollard.

*   *   *

+-Le commerce

+-

    M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

    Nous apprenons aujourd'hui que l'Organisation mondiale du commerce doit faire état d'une décision provisoire concernant la transaction de Air Wisconsin et que cette décision sera défavorable au Canada. Au vu de la décision prévue, qu'adviendra-t-il du comité de financement qui a convaincu Air Wisconsin d'acheter à Bombardier de Montréal de 150 jets régionaux?

+-

    L'hon. Brian Tobin (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, nous pensons recevoir le rapport provisoire du groupe demain, le 19 octobre. Je ne puis me prononcer sur la teneur du rapport tant que je ne l'ai pas lu.

    Je voudrais préciser au nom du gouvernement, et cela intéressera au premier chef les députés de la région de Montréal, que, quoi qu'il advienne, le gouvernement du Canada maintiendra fermement sa décision de venir en aide à Bombardier dans le différend commercial que la société a eu avec Embraer. Cela veut dire que les dispositions et le financement mis à disposition pour aider Bombardier à décrocher des contrats aux États-Unis sont fermement maintenus.

*   *   *

+-L'immigration

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la ministre de l'immigration ne comprend vraiment pas la situation. Il est évident que notre ministre de l'Immigration a permis à des terroristes et à des criminels d'entrer au pays à cause de nos lois laxistes et inadéquates en matière d'immigration. Plus tôt cette semaine, le premier ministre de la Colombie-Britannique a dit ceci:

En ce qui a trait à l'immigration illégale, la question doit être très claire au niveau politique et nos dirigeants doivent bien comprendre que c'est une chose que nous ne pouvons pas accepter au Canada depuis les événements du 11 septembre. Nous serons beaucoup plus sévères dans l'application de nos lois sur les réfugiés.

    Si la ministre n'est pas prête à écouter les Canadiens, si elle n'est pas prête à écouter nos ambassadeurs et si elle n'est pas prête à écouter l'opposition, pourrait-elle à tout le moins…

+-

    Le Président: La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a la parole.

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, en fait, nous avons écouté ce qu'on nous a dit et c'est ce qui a mené au dépôt du projet de loi C-11 à la Chambre. Ce projet de loi est présentement à l'étude au Sénat.

    Nous savons que nous devons améliorer notre façon de faire et que nous devons agir plus rapidement, mais nous sommes également résolus à faire preuve de justice, à permettre l'application régulière de la loi et à nous assurer que les gens qui se présentent au Canada en prétendant sérieusement avoir fait l'objet de persécution verront leur dossier étudié sans préjugé, parce que nous sommes fiers de notre réputation au niveau humanitaire.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens sont prêts à accepter les vrais réfugiés, mais ils ne veulent pas accepter les terroristes qui se présentent comme des réfugiés. D'ailleurs, le gouvernement de l'Ontario a annoncé qu'il mettait sur pied des équipes de la Police provinciale de l'Ontario qui seront chargées de rechercher les immigrants illégaux et les arrêter.

    Pourquoi la province de l'Ontario doit-elle faire le travail de la ministre?

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter la province de l'Ontario de consacrer davantage de fonds au travail policier. C'est exactement de cela dont nous avons besoin. Cette province suit ainsi l'exemple du gouvernement fédéral, qui consacre 1,5 milliard de dollars à la sécurité du public.

    Je remercie l'Ontario de suivre l'exemple du gouvernement fédéral.

*   *   *

[Français]

+-Air Canada

+-

    M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, après avoir tenté en vain, depuis le 1er octobre, de convaincre la ministre du Développement des ressources humaines, des centaines d'employés d'Air Canada qui perdent leur emploi sont venus manifester aujourd'hui sur la Colline parlementaire afin de sensibiliser la ministre à l'urgence de décisions concrètes pour leur venir en aide.

    La ministre va-t-elle donner son autorisation, comme elle l'a fait pour les agences de voyage, pour la mise en place d'un programme de temps partagé qui diminuerait significativement le nombre de mises à pied parmi les employés d'Air Canada?

[Traduction]

+-

    L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, mon ministère collabore étroitement dans ce dossier avec Air Canada et les syndicats.

*   *   *

+-Le bois d'oeuvre

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le Président, depuis plus de six mois, l'industrie canadienne du bois d'oeuvre a difficilement accès aux marchés américains.

    Dernièrement, on a entendu dire qu'un changement s'est produit et que des producteurs de certaines provinces essaient de conclure séparément des ententes avec les États-Unis.

    Le ministre du Commerce international pourrait-il faire le point concernant sa position sur la question?

  +-(1500)  

+-

    M. Pat O'Brien (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons entendu qu'une seule attaque personnelle irresponsable contre le ministre du Commerce international et elle venait de l'opposition officielle, qui s'est tellement intéressée à ce dossier qu'elle s'est passée de porte-parole en matière de commerce pendant des semaines.

    Une série de rencontres ont lieu actuellement, auxquelles participent des représentants du gouvernement fédéral et des provinces. Il est très important que les pratiques d'exploitation forestière soient discutées au cours de ces rencontres. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une série de rencontres entre fonctionnaires et non de négociations.

*   *   *

+-L'économie

+-

    M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, les économistes du secteur privé disent déjà que le Canada est plongé dans une récession, une récession peut-être profonde.

    Chaque jour, on annonce de nouveaux licenciements et, chaque jour, des sociétés dévoilent des bilans financiers faisant état de pertes massives.

    Le ministre des Finances, qui dit avoir pris le pouls de la situation financière du Canada, pourrait-il nous expliquer l'ampleur de la baisse des recettes? Pourrait-il aussi nous dire qui il blâmera lorsque nous afficherons un déficit?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous avons eu une excellente rencontre avec les économistes du secteur privé. Ils ont signalé, comme chacun le sait, les nombreuses incertitudes à court terme, mais ils se sont dits très confiants en ce qui concerne notre avenir à moyen et à plus long terme.

    Ils ont aussi signalé que le Canada est dans une bien meilleure situation financière pour résister à cette tempête grâce aux mesures prises par le gouvernement.

    Ils ont aussi mentionné la différence énorme entre la situation financière actuelle du Canada et celle dans laquelle il se trouvait dans les années 1990, lorsque le parti du député était au pouvoir.

*   *   *

[Français]

+-L'assurance-emploi

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le Président, hier, Alcan a annoncé la mise à pied de 3 640 travailleurs. Depuis le 11 septembre, nous avons été témoins de milliers de mises à pied au Canada, et ce n'est pas terminé.

    Dans quelques jours, la ministre du Développement des ressources humaines doit donner sa réaction au rapport sur l'assurance-emploi du Comité permanent du développement des ressources humaines.

    Avec toutes ces mises à pied, est-ce que la ministre va réduire le nombre d'heures requis à l'assurance-emploi à 700 heures, alors qu'il est de 910 heures, afin qu'un plus grand nombre de travailleurs et de travailleuses sans emploi puissent se qualifier à l'assurance-emploi?

[Traduction]

+-

    L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, permettez-moi de répéter à la Chambre que le régime de l'assurance-emploi est là pour aider les Canadiens. Notre priorité est de veiller à ce que ceux qui ont malheureusement besoin du régime puissent y recourir, et nous travaillerons à cette fin en très étroite collaboration avec tous les employeurs et tous les syndicats.

*   *   *

+-Présence à la tribune

+-

    Le Président: Je signale aux députés la présence à notre tribune des lauréates du Prix de la Gouverneure générale en commémoration de l'affaire «personne». Je demanderais aux députés d'attendre que j'aie présenté toutes les lauréates avant d'applaudir.

    Les lauréates sont: Mme Vera Danyluk, de Montréal, au Québec; Mme Linda Silver Dranoff, de Toronto, en Ontario; Mme Madeleine Gaudet, de Fredericton, au Nouveau-Brunswick; Mme Kathleen Mahoney, de Calgary, en Alberta; Mme Lynda Sorenson, de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest et Mme Anila Umar, de Calgary, en Alberta.

    Des voix: Bravo!

+-

    Le Président: Je signale aussi aux députés la présence à notre tribune de l'honorable Clint Dunford, ministre des Ressources humaines et de l'Emploi de l'Alberta.

    Des voix: Bravo!

*   *   *

+-Les travaux de la Chambre

[Travaux de la Chambre]
+-

    M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais adresser la question habituelle du jeudi au leader adjoint du gouvernement à la Chambre au sujet des travaux prévus pour le reste de la journée, demain et la semaine prochaine.

    Pourrait-il également dire à la Chambre, maintenant que la Chambre et un comité ont été saisis du premier projet de loi antiterroriste, quand nous pouvons espérer être saisis du deuxième projet de loi antiterroriste? Je sais qu'il traitera de questions liées au transport et d'autres questions importantes pour le pays.

+-

    L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de remercier les leaders de tous les partis de leur collaboration en cette période très tumultueuse. Je crois en effet que leur collaboration sert les intérêts du pays.

    Cet après-midi, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-15A, concernant la pornographie juvénile et les modifications au Code criminel. Il semble que cette étude tire à sa fin.

    Ensuite, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-35 concernant les missions étrangères. Si cette étude se termine avant la fin de la journée, je ne proposerai pas l'étude d'autres projets de loi aujourd'hui.

    Vendredi, nous entreprendrons l'étude du projet de loi S-23, modifiant la Loi sur les douanes, à l'étape du rapport et à l'étape de la troisième lecture.

    Lundi prochain, nous débattrons le projet de loi C-37, concernant les revendications entre l'Alberta et la Saskatchewan, ainsi que tout autre projet de loi dont l'étude ne sera pas terminée dans les prochains jours.

    Mardi prochain sera un jour désigné. Je crois qu'il sera réservé encore une fois à l'Alliance canadienne.

    Mercredi, nous étudierons le projet de loi C-32 concernant le libre-échange avec le Costa Rica.

    On m'a posé une question au sujet de la préparation du deuxième projet de loi omnibus qui fera suite au premier, dont un comité a été saisi il y a environ une heure ou deux. Je n'ai pas encore obtenu de date à cet égard.

    En outre, je ne sais pas si le deuxième projet de loi sera un ensemble de projets de loi, comme l'était le premier, ou un ou deux projets de loi distincts. Cependant, je tâcherai d'obtenir le plus de renseignements possible en vue de la réunion des leaders de la Chambre, mardi prochain, afin que tous les collègues puissent être informés.

  +-(1505)  

+-

    Mme Elsie Wayne: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'aimerais savoir quand le leader du gouvernement à la Chambre déposera le budget supplémentaire des dépenses du Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile.

    Étant donné qu'il pourrait y avoir des attaques terroristes nucléaires, biologiques et chimiques, ce Bureau a besoin de crédits supplémentaires. Puisque nous aurons besoin de temps pour examiner les chiffres, nous voulons savoir quand il compte déposer ce budget supplémentaire.

+-

    L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, la date du dépôt de ce budget est fixée dans le Règlement. Évidemment, nous comptons respecter les dispositions prévues au Règlement. Quant à savoir si le budget supplémentaire peut être déposé plus tôt, exceptionnellement, compte tenu des motifs invoqués par la députée, je verrai à trouver la réponse. Je n'ai pas de réponse à lui fournir pour l'instant.

*   *   *

+-Recours au Règlement

+-Rapport officiel

[Recours au Règlement]
+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais apporter quelques corrections au compte rendu du débat sur le projet de loi C-36, à la page 6276 du hansard du 17 octobre. Dans le troisième paragraphe de la deuxième colonne, on devrait lire «le navire américain USS Cole».

    La deuxième correction à apporter est à la même page, au septième paragraphe de la même colonne, où on devrait lire «Algérie» plutôt que «Nigeria».

    La troisième correction à apporter est à la troisième ligne de la fin du huitième paragraphe, où on devrait lire «usurpent le pouvoir d'un gouvernement démocratiquement élu».

    Les bleus sont arrivés tard, soit dit en passant. C'est pour cela que je n'ai pas pu apporter ces corrections avant maintenant.

*   *   *

+-Question de privilège

+-Questions orales

[Privilège]
+-

    M. André Bachand (Richmond--Arthabaska, PC/RD): Monsieur le Président, j'invoque la question de privilège. En réponse à la question que j'ai posée aujourd'hui au sujet des tests dont la version générique du Cipro a fait l'objet, le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé a donné à la Chambre l'assurance que ce médicament générique était sûr.

    En toute déférence, nous avons appris qu'en réponse à une question semblable posée dans l'autre endroit, le leader du gouvernement avait reconnu que le ministère de la Santé avait accéléré le processus des tests de la version générique du Cipro, et cela, bien que ceux-ci n'aient pas donné de résultats concluants.

[Français]

    Le gouvernement nous donne des réponses différentes. Les députés de la Chambre méritent de recevoir, de la part du gouvernement, des réponses claires et uniformes. J'aimerais que le gouvernement clarifie sa position sur cette question.

    C'est une question d'information, mais si on veut que les gens sachent ce qu'il faut faire et où s'en va le gouvernement, il faudrait qu'on ait des réponses claires.

+-

    Le Président: L'honorable député a l'opportunité de participer aux délibérations sur la motion d'ajournement de la Chambre concernant la question qu'il a posée. Il peut procéder de cette façon. Je lui suggère cela pour déterminer la vérité dans un cas comme celui-là.

[Traduction]

    Les faits se contredisent, et il ne revient pas au Président de trancher la question. Je pense qu'il le sait bien. Il peut choisir d'emprunter d'autres avenues, et il peut toujours poser une autre question demain.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

  +-(1510)  

[Traduction]

+-Loi de 2001 modifiant le droit criminel

    La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

+-

    M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je parlais de l'article 690 du Code criminel, qui traite des erreurs judiciaires. Les députés connaissent sans doute l'histoire de Steven Truscott, qui a été condamné à l'âge de 14 ans sur des preuves fort spéculatives et circonstancielles. Un livre vient d'être publié sur lui, et une requête en application de l'article 690 sera bientôt présentée par M. Truscott et son avocat.

    Les députés savent que les cours d'appel entendent habituellement des causes relatives à des erreurs judiciaires et y remédient. Après épuisement de tous les recours juridiques, l'article 690 du Code criminel autorise le ministre de la Justice à se pencher sur des erreurs judiciaires alléguées. Il se peut que les tribunaux n'aient pas eu accès à des informations connues à l'époque et qu'ils aient, par conséquent, erré dans leur jugement.

    Nombre d'observateurs et de critiques ont examiné le nouvel article proposé et ne s'y sont guère intéressés puisque les modifications proposées ne changent pas grand-chose. Elles laissent toujours au ministre le pouvoir d'annuler une condamnation.

    Dans l'exemple britannique, le cas est soumis à un organisme impartial doté de pouvoirs d'enquête impartiale accrus, qui s'occupe d'examiner la preuve. De nombreux avocats, dont le très éminent James Lockyer, qui travaille pour l'AIDWYC, soutiennent qu'il est beaucoup mieux de placer ce pouvoir entre les mains d'un arbitre impartial.

    Une condamnation injustifiée a des conséquences énormes et cause un grave préjudice. J'espère que la ministre de la Justice continuera d'examiner la question et que l'adoption des modifications proposées à l'article 690 n'empêchera pas la révision des dossiers lorsque des preuves plus solides seront apportées.

    La Chambre n'est pas sans savoir qu'un procès actuellement en cours pourrait apporter un jour nouveau sur cette question.

    En général, le projet de loi qui nous a été présenté est très positif. Il accorde aux procureurs de la Couronne des pouvoirs accrus en ce qui a trait au dépôt de certaines accusations. Des procureurs de la Couronne comme Kathy Pentz, du ministère public de la Nouvelle-Écosse, et d'autres procureurs de partout au pays, seront heureux de voir s'ajouter ces nouvelles dispositions au Code criminel, si évidemment le projet de loi est adopté.

    J'étais encouragé de voir que le ministère entend préparer des documents d'accompagnement des modifications au Code criminel. Ces documents seront mis à la disposition des procureurs généraux provinciaux et des homologues de la ministre au niveau fédéral, afin de créer une synergie ou d'assurer une transition rapide en faveur des nouvelles dispositions.

    La Coalition appuie le projet de loi. Nous avons proposé un certain nombre d'amendements à l'étape de l'étude en comité et on nous a permis d'entendre de nombreux témoins sur ce projet de loi omnibus. J'ai fait allusion plus tôt au fait que ce projet de loi se divisait à l'origine en huit parties. Le texte de loi sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui, le C-15A, ne contient plus que six parties, six éléments positifs auxquels nous accordons notre plein appui.

    Le projet de loi fait état du besoin d'imposer une peine plus sévère aux personnes reconnues coupables d'avoir désarmé un policier. Il parle de relever la barre en ce qui a trait aux peines imposées pour l'invasion de domicile. Les députés de la Coalition et d'autres députés de la Chambre auraient préféré qu'une infraction distincte pour l'invasion de domicile soit incluse dans le Code criminel, afin de rendre compte de la gravité de ce genre de comportement criminel.

    Un individu qui entre dans une maison en sachant qu'il y a quelqu'un à l'intérieur et qui tente d'y commettre un vol qualifié ou un cambriolage, souvent au prix d'une confrontation physique, mérite que son crime fasse l'objet d'un article indépendant du Code criminel comme moyen de dissuasion. Cela aurait une plus grande incidence sur le système de justice criminelle si ce délit était considéré séparément, comme un délit distinct.

  +-(1515)  

    J'ai fait allusion dès le début aux modifications du Code criminel concernant la diffusion de matériel pornographique sur Internet. Les fournisseurs de liens Internet, surtout parmi les plus petits, ont exposé leurs préoccupations au comité. Des amendements ont été proposés pour les rassurer, mais la majorité libérale les a rejetés.

    Les fournisseurs de liens Internet comme AOL Canada appuient solidement les efforts que déploie le gouvernement pour restreindre la pornographie juvénile sur Internet et pour arrêter les malfaiteurs. Toutefois, AOL Canada estime qu'il faudrait amender le projet de loi de façon à supprimer le risque de poursuites contre les intervenants qui contribuent à bloquer ou à supprimer le matériel en question.

    Ces fournisseurs de liens Internet sont très diligents dans leurs efforts d'autosurveillance. Ils craignent néanmoins que, compte tenu du libellé du projet de loi, ils soient pris dans le même filet que les individus qui publient du matériel pornographique sur Internet.

    Le problème, c'est que le projet de loi parle de «connaissance réelle ou par interprétation». Qu'est-ce qu'une connaissance réelle et, surtout, une connaissance par interprétation dans le contexte électronique? Les amendements que j'ai proposés ont été rejetés. Et pourtant, quiconque transmet, vend, importe ou a sciemment en sa possession du matériel de ce genre peut être accusé d'un délit en rapport avec la pornographie juvénile.

    Je sais que le projet de loi est exhaustif. Je traiterai à présent du harcèlement criminel. Le sénateur Oliver, de l'autre endroit, a suivi ce dossier avec très grande diligence en vue d'alourdir les peines encourues par les personnes qui se rendent coupables de harcèlement criminel, également appelé harcèlement avec menaces.

    Le harcèlement criminel est une infraction qui relève du domaine public depuis quelques années seulement. Les femmes en sont le plus souvent les victimes, et leur vie entière est perturbée par des appels téléphoniques ou des courriers persistants, ou par un individu qui les piste à maintes reprises. Ce type de comportement peut se révéler très dangereux. Il est souvent précurseur d'agressions physiques et sexuelles.

    La Coalition est d'accord pour que soient alourdies les sanctions pour harcèlement criminel. C'est le gouvernement conservateur qui, en 1993, par le biais du projet de loi C-126, modifie le Code criminel et crée cette infraction pour la première fois. La sentence maximale à l'époque était de cinq ans. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui porte cette sanction à dix ans.

    Nous considérons que le projet de loi est une initiative positive qui débouchera sur une meilleure sécurité du public. Ses dispositions seront plus dissuasives pour les contrevenants qui, après jugement, auront été inculpés en vertu des dispositions du code pénal. Nous nous félicitons d'avance de son intégration au Code criminel et des modifications qui sont apportées à toutes les autres lois correspondantes. La Coalition votera en faveur de ce projet de loi.

  +-(1520)  

+-

    M. Peter Adams: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Il y a eu des consultations, et je voudrais demander le consentement unanime pour présenter deux rapports du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

+-

    Le vice-président: Le député a-t-il le consentement de la Chambre pour présenter ces rapports?

    Des voix: D'accord.


+-Affaires courantes

[Affaires courantes]

*   *   *

[Traduction]

+-Les comités de la Chambre

+-Procédure et affaires de la Chambre

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter les 31e et 32e rapports du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant le choix des affaires faisant l'objet d'un vote. Conformément au paragraphe 92 du Règlement, ces rapports sont adoptés d'office dès leur dépôt.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'invoque le paragraphe 35(2) du Règlement. L'opposition officielle a présenté un rapport dissident, dont j'aimerais expliquer brièvement le contenu.

    L'Alliance canadienne est convaincue que toutes les affaires émanant des députés devaient faire l'objet d'un vote. La Chambre a adopté à l'unanimité, le 12 juin 2001, une motion de l'opposition demandant que toutes ces affaires puissent faire l'objet d'un vote.

    Nonobstant le paragraphe 92(1) du Règlement, le Sous-comité des affaires émanant des députés a refusé d'accepter que toutes les affaires puissent faire l'objet d'un vote. L'Alliance n'est pas d'accord. Nous estimons qu'il s'agit d'une importante réforme nécessaire à la Chambre pour renforcer la démocratie et donner à tous les députés la possibilité de soulever des points qui pourraient être débattus et votés à la Chambre.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

[Traduction]

+-Loi de 2001 modifiant le droit criminel

    La Chambre reprend l'examen de la motion: Que le projet de loi C-15A, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, soit lu pour la troisième fois et adopté.

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de la Nouvelle-Écosse pour les commentaires qu'il a faits à la Chambre au sujet de la pornographie juvénile, relativement à ce projet de loi. Comme il le sait, le procureur général de la Saskatchewan, Chris Axworthy, qui a été député à la Chambre pendant dix ans, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, il y a de cela des années, portant précisément sur l'accès à la pornographie juvénile sur Internet. J'ai pris la relève.

    Avec l'expansion d'Internet, la pornographie et la pédophilie sont des dangers qui guettent de plus en plus nos enfants. Les pédophiles rivalisent de ruses pour attirer les enfants innocents. Malheureusement, nombre de parents ne comprennent pas ce genre de danger. Est-ce que le député peut dire pourquoi, à son avis, le gouvernement hésite tant à s'attaquer vigoureusement à ce problème?

+-

    M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question. Je partage ses préoccupations au sujet du temps qu'il a fallu pour que cette mesure législative nous soit présentée. Même si elle avait été adoptée en juin dernier, il est presque inexcusable que nous ne soyons pas intervenus plus tôt pour protéger les enfants des prédateurs qui les appâtent par Internet, ce qui est précisément l'objectif de cette mesure législative.

    Nous connaissions l'existence du problème depuis longtemps. Dans ma circonscription de Pictou--Antigonish--Guysborough, la Catholic Women's League et les Sisters of Saint Martha ont été très proactives dans leur campagne du ruban blanc pour rappeler la question au gouvernement et la maintenir à l'avant-plan en vue d'initiatives législatives comme celle-ci.

    J'espère que ce pas en avant ne nuira pas aux efforts à venir des législateurs et des députés, comme c'est le cas pour le projet de loi d'initiative parlementaire que mon collègue a repris d'un ancien député, en l'occurrence Chris Axworthy.

    Nous osons espérer que l'utilisation de la technologie à des fins si infâmes et si dommageables pourra être freinée à tous les niveaux. Mon collègue a raison de souligner que les enfants sont particulièrement vulnérables, compte tenu de l'omniprésence des ordinateurs dans les écoles et dans les foyers.

    Les enfants bavardent régulièrement en ligne avec des inconnus grâce à Internet. Ce nouveau mode de communication peut s'avérer extrêmement dommageable parce que les conversations trompeuses avec des pédophiles mènent souvent à des rencontres ou à des confrontations physiques souvent à l'insu de l'enfant. Les rendez-vous peuvent avoir lieu à un endroit donné avec un pédophile connu où un individu peut commettre une terrible agression sexuelle ou des actes de violence physique. Nous croyons que ce genre de mesure législative permettra de freiner ces activités.

    Toutefois, pour que cette mesure puisse atteindre les objectifs visés, il faut fournir à la police les ressources pour faire le suivi et collaborer avec les fournisseurs de service Internet pour assurer le contrôle du réseau de communication. Par conséquent, nous espérons que le gouvernement est disposé à investir au titre de ce projet de loi et à accorder aux services policiers un financement spécial, pour freiner ce genre de communication susceptible d'avoir des conséquences extrêmement graves.

  +-(1525)  

+-

    Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

    Des voix: Le vote.

+-

    Le vice-président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    (La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

*   *   *

+-La Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 5 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, et de la motion: Que la question soit maintenant mise aux voix.

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Monsieur le Président, rien n'est mieux qu'une interruption de deux semaines en plein milieu d'un discours impromptu pour aider quelqu'un à ramasser ses idées. J'ai eu l'occasion, au cours de ces deux semaines, de lire le projet de loi, ce que je n'avais pas fait lors de ma première intervention à ce sujet. C'est une lecture fascinante. Heureusement qu'il est plus court que le C-36.

    Je limiterai mes remarques à l'article 5 qui porte sur les pouvoirs policiers et la liberté de se réunir. Voici certaines des questions que soulèvent ces dispositions.

    Les assemblées publiques varient de la réunion de quelques personnes dans un but anodin jusqu'à une grande assemblée menaçante pour l'ordre et la sécurité publiques. La gamme est vaste, mais je vais expliquer certaines possibilités en regard du projet de loi pour faire valoir mon argument qui porte sur l'article 5.

    La forme la moins agressive ou la moins perturbante d'assemblée publique est une réunion de personnes en vue de discuter d'action politique. Il se peut que le grand public ne soit même pas au courant. Il s'agit de la forme de liberté d'association la plus clairement comprise et celle qui a le plus clairement besoin de protection fondamentale.

    Passant à un échelon supérieur, on peut imaginer une réunion qui vise à attirer l'attention sur un sujet de préoccupation ou de plainte, mais dont seuls ceux qui ont voulu s'y intéresser sont au courant. Il peut s'agir d'une réunion spontanée visant à sensibiliser le public, mais seuls ceux qui se sentent concernés par la question y porteraient une grande attention.

    En grimpant encore d'un échelon, on pourrait trouver une réunion un peu plus impressionnante pour attirer l'attention sur un enjeu. Les gens se rassembleraient peut-être dans un endroit public où ils savent que d'autres les verraient et où ils espéreraient faire l'objet d'un reportage aux nouvelles et attirer l'attention du public à leur cause. Dans des circonstances normales, cela est à la fois défendable et admirable.

    Le prochain échelon pourrait correspondre à un rassemblement visant à attirer l'attention au moyen d'une forme de perturbation préapprouvée et consensuelle de la marche normale des affaires; par exemple, une manifestation pour laquelle on aurait obtenu un permis. Une rue pourrait avoir été fermée pour y laisser défiler les manifestants en interrompant le cours normal des activités, mais d'une manière comprise et acceptée par les autorités.

    Le droit municipal comporte des dispositions pour permettre ce genre de choses. En effet, cela est parfois ritualisé sous la forme d'événements politiques que nous tenons sur une base régulière. Je songe par exemple au Jour du Souvenir lorsque les rues d'une partie du centre-ville sont fermées à la circulation afin que nous puissions rendre hommage, par un événement politique, aux soldats tombés au champ d'honneur.

    Ensuite, dans la gamme des activités possibles, il pourrait y avoir l'attroupement qui trouble directement le cours normal des choses, sans qu'il y ait un consensus ou un accord complet. Il pourrait s'agir, par exemple, d'une ligne de piquetage à l'extérieur de la barrière d'une usine, dont le but ne se limite pas à distribuer des tracts, mais à bloquer l'entrée ou la sortie de l'usine. Aux États-Unis, un attroupement pouvait bloquer l'entrée d'une prison et compliquer ainsi une mise à mort. Cela frôle un peu l'illégalité, mais ce n'est pas aussi grave que les exemples que je m'apprête à donner.

    Au cours d'une manifestation, il arrive que des biens soient endommagés. Ce peut être le cas lors de grèves, de manoeuvres antigrèves et de manifestations politiques. Puis, il y a la manifestation et l'attroupement au cours desquels la sécurité personnelle est menacée. On en arrive donc à ce qu'on pourrait appeler l'émeute.

  +-(1530)  

    Enfin, à l'autre extrémité de la gamme, on trouve la démonstration ou l'action collective au cours de laquelle la vie est menacée. Il s'agit évidemment du genre de rassemblement que l'on ne peut tolérer dans une société.

    La description traditionnelle de ce genre de rassemblements et la manière d'y faire face sont traitées aux articles 63, 64, 65, et 66 du Code criminel. Avec votre permission, je vais lire un extrait de ces dispositions. Le paragraphe 63(1) prescrit:

Un attroupement illégal est la réunion de trois individus ou plus qui, dans l'intention d'atteindre un but commun, s'assemblent, ou une fois réunis se conduisent, de manière à faire craindre, pour des motifs raisonnables, à des personnes se trouvant dans le voisinage de l'attroupement:

a) soit qu'ils ne troublent la paix tumultueusement;

b) soit que, par cet attroupement, ils ne provoquent inutilement et sans cause raisonnable d'autres personnes à troubler tumultueusement la paix.

    Le paragraphe 63(2) est le suivant:

(2) Une assemblée légitime peut devenir un attroupement illégal lorsque les personnes qui la composent se conduisent, pour un but commun, d'une façon qui aurait fait de cette assemblée un attroupement illégal si elles s'étaient réunies de cette manière pour le même but.

    L'article 64 part de l'attroupement illégal pour arriver à l'étape que j'ai décrite comme étant l'émeute:

Une émeute est un attroupement illégal qui a commencé à troubler la paix tumultueusement.

    La loi prévoit ensuite diverses sanctions pour ceux qui participent à une émeute ou à un attroupement illégal. L'article 65 stipule:

Quiconque prend part à une émeute est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans.

    L'article 66 vise ceux qui participent à un attroupement illégal:

Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque participe à un attroupement illégal.

    La loi a traditionnellement fait une distinction entre attroupement légal et illégal. Comme les députés le constateront, ceux qui participent à un attroupement légal non seulement ne sont pas punis, mais encore ils voient leur droit à se réunir librement protégé par la loi. La Charte des droits et, avant elle, la Déclaration des droits ont clairement énoncé ces protections. La déclaration des droits des États-Unis renferme aussi des protections pour les attroupements légaux et pacifiques.

    Il y a donc, d'une part, les activités complètement légitimes et protégées par les pouvoirs publics dans lesquelles ceux-ci ne peuvent intervenir et, d'autre part, les activités illégales dans lesquelles les pouvoirs publics doivent intervenir pour protéger la société. Il y a deux genres d'activités.

    La loi tient compte du fait qu'au même endroit et à la même heure, il peut y avoir des gens qui manifestent en toute légalité d'une manière qui est protégée par la loi et la Constitution; des gens qui sont engagés dans un attroupement illégal et qui peuvent être trouvés coupables d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire; et des gens qui participent à une émeute et peuvent être condamnés à un maximum de deux ans de prison. Tout cela peut se produire simultanément.

    La loi est conçue de manière à inciter ceux qui participent à un attroupement légal à ne pas participer à un attroupement illégal et à inciter ceux qui participent à un attroupement illégal à résister à la tentation de se joindre à des émeutiers.

    De façon générale, ce sont d'excellentes pratiques. Ce sont des conventions qui existent de longue date dans la loi et qui ont fort bien servi notre société, la société américaine et d'autres sociétés de même tradition juridique.

    Je passerai maintenant de ces observations générales à l'article 5 du projet de loi à l'étude aujourd'hui. Je vais le lire, si vous le permettez. L'article 5 du projet de loi modifierait l'article 10 d'une autre loi et ferait les ajouts suivants. Il commence au paragraphe 10.1(1):

La Gendarmerie royale du Canada a la responsabilité première d’assurer la sécurité lors du déroulement d’une conférence intergouvernementale à laquelle plusieurs États participent et à laquelle assistent des personnes qui bénéficient de privilèges et d’immunités en vertu de la présente loi, et visée par un décret pris ou prorogé au titre de la présente loi.

    Le paragraphe 10.1(2) dispose que:

Dans l’exercice de ses responsabilités en vertu du paragraphe (1), la Gendarmerie royale du Canada peut prendre les mesures qui s’imposent, notamment en contrôlant, en limitant ou en interdisant l’accès à une zone dans la mesure et selon les modalités raisonnables dans les circonstances.

    Le paragraphe 10.1(3) ajoute:

Il est entendu que le paragraphe (2) est sans effet sur les pouvoirs que les agents de la paix possèdent en vertu de la common law ou de toute autre loi ou tout autre règlement fédéral ou provincial.

    Cela comprend les lois que j'ai mentionnées tout à l'heure.

  +-(1535)  

    Sauf erreur, ces dispositions se veulent une riposte aux manifestations et aux actes comme ceux qui ont eu lieu à Québec pour dénoncer la mondialisation et, avant cela, en dehors de notre territoire, à la bataille de Seattle. Ceux qui ont manifesté à la conférence de Seattle, il y a environ deux ans, se sont livrés à toutes sortes d'activités: protestations pacifiques, attroupements illégaux version américaine, comportements qu'on doit qualifier d'émeutiers, tous le reconnaîtront, avec parfois toute la panoplie de l'affrontement—masques à gaz, briques, tout l'arsenal pour semer le trouble et la violence.

    Pour en revenir à l'exemple de Québec, qui a un lien direct avec ces dispositions, j'ai des amis qui se sont rendus à Québec pour protester pacifiquement contre la mondialisation, dont celui qui s'est présenté contre moi pour obtenir l'investiture dans Lanark—Carleton et avec qui je suis resté en très bons termes. D'autres ont eu des comportements de la pire violence. Des policiers ont été atteints par des briques. Des propriétés privées ont été saccagées pendant ces manifestations illégales.

    Il y avait une marge entre les casseurs et ceux qui agissaient dans les limites de notre Constitution. Il faut préciser clairement que l'objectif des manifestants violents était de causer tant de chaos à l'une de ces assemblées qu'il serait impossible de poursuivre les travaux. Ce qui se passe, c'est que ces gens partent du principe qu'ils ne peuvent remporter le débat contre la mondialisation, ou quelque autre question que ce soit, par l'entremise des moyens démocratiques normaux, qu'ils sont incapables de convaincre les gens dans le cadre d'assemblées démocratiques, ouvertes et légales et qu'ainsi, ils profiteront de ces assemblées pour mener des actions illégales. C'est répréhensible. Dans la mesure où ce projet de loi répond à cela, c'est probablement une bonne chose.

    Je note que l'article 5 essaie de remédier à cette situation en déclarant que la GRC sera responsable de la sécurité à toutes ces conférences. Cela découle du fait qu'à Seattle, par exemple, la police locale était responsable de la sécurité. Elle ignorait tout de ce qui allait se produire. Les policiers de Seattle n'avaient pas la formation spécialisée voulue et n'avaient pas non plus la pratique nécessaire de ce genre de chose. Au départ, ils n'ont pas réagi avec assez de force, ce qui a conduit au chaos dans la ville. Ensuite, ils ont réagi de façon excessive et ont battu des gens qui étaient tout à fait innocents. Ils ont embarqué des gens qui n'avaient rien fait avec ceux qui avaient commis des actes répréhensibles, ce qui a entraîné un vent de sympathie pour les manifestants illégaux, ce qui n'était certainement pas l'intention des policiers. Dans cette mesure, cette partie du projet de loi est probablement tout à fait positive.

    La seule grande réserve que j'ai relativement à cela, c'est que, malheureusement, la Gendarmerie royale du Canada devient de plus en plus politisée. En effet, le commissaire de la GRC a le rang de sous-ministre et ainsi, il fait maintenant partie de la fonction publique régulière. C'est un problème qui se pose généralement dans le cas de nos organismes semi-indépendants au sein du gouvernement. C'est tout à fait regrettable. Nous avons constaté l'ingérence de Jean Carle, par exemple, dans les mesures prises à Vancouver, lors de la conférence de l'APEC, il y a cinq ans.

    Il me semble que, pour parvenir à une meilleure sécurité, il faudrait que cette mesure législative ou toute autre mesure législative essaie de rétablir le type de séparation entre l'exécutif et les maîtres politiques du Parti libéral, qui ont un certain intérêt à veiller à ce que la justice ne soit pas administrée de façon équitable. Il est regrettable que cela se produise. On pourrait remédier à cette situation. Avec de la bonne volonté de ce côté-là de la Chambre et au gouvernement, ce serait tout à fait possible.

  +-(1540)  

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, comme les gens d'en face chahutaient, je m'étonne qu'il n'y ait pas eu de questions, ce qui ne m'empêchera pas d'en poser moi-même.

    Le député a été fasciné par ce qu'il a lu dans le projet de loi. Bien que le gouvernement l'ait qualifié de projet de loi d'ordre administratif, un bon nombre des dispositions que renferme cette initiative ne sont pas sans avoir de conséquences.

    Le député a soutenu que le projet de loi avait été motivé, en partie du moins, par les préoccupations du gouvernement suite à l'enquête de l'APEC, laquelle a coûté aux contribuables canadiens plus de 10 millions de dollars. Cela avait entraîné la démission d'un commissaire et des retards considérables. La question a beaucoup inquiété les Canadiens qui ont craint que la GRC n'ait fait l'objet d'un peu trop d'influence politique, non pas uniquement dans ce seul incident, mais à d'autres égards également. Nous reconnaissons tous à quel point il est important que les forces de l'ordre soient indépendantes et la GRC, de réputation internationale, a de quoi enorgueillir tous les Canadiens.

    Le député acceptera peut-être d'exprimer officiellement ses préoccupations ou ses idées concernant la GRC. Il pourrait être dans l'intérêt des Canadiens que nous nous appliquions à faire une distinction entre les décisions susceptibles de faire l'objet d'une éventuelle ingérence politique et celles que nos forces policières devraient prendre en s'appuyant uniquement sur les faits et les enquêtes qu'elles mènent.

+-

    M. Scott Reid: Monsieur le Président, ayant été ministre dans la province du Manitoba, mon collègue a pu se familiariser à ce titre avec divers sujets. Ayant côtoyé d'autres ministres au gouvernement, il possède peut-être une compétence plus poussée que la mienne dans certains de ces domaines.

    Avec sa permission, si je puis me permettre d'aborder la question plus large de la politisation d'organismes censés être indépendants, je pourrais peut-être traiter de la thématique de sa question.

    Nous sommes aux prises, au Canada, avec un problème de politisation des organismes indépendants peu susceptible de se produire chez notre voisin du Sud. Cela est sans doute dû à la nature du système de gouvernement américain, où il existe une séparation claire entre l'exécutif et le législatif. Le pouvoir législatif exerce un certain contrôle indépendant sur le choix des juges, ce qui assure la pleine indépendance de la magistrature. Les nominations sont également assujetties à un certain contrôle législatif, ce qui n'existe pas au Canada.

    Le gouverneur en conseil nomme toujours des personnes avec l'aval du premier ministre. De plus, ces nominations sont effectuées sans intervention de l'extérieur, sauf si le gouvernement le permet et le juge acceptable. Le cas le plus évident est sans doute celui du conseiller en éthique.

    Si le député de Malpeque est intéressé à connaître mon point de vue sur la question, je l'invite à rester ici ce soir. J'entends poser une question durant le débat sur la motion d'ajournement, au cours duquel le sujet sera longuement abordé, conformément aux nouvelles règles.

    À titre d'exemple, le conseiller en éthique n'est aucunement indépendant. Bien entendu, on nous avait promis, durant la campagne électorale de 1993, de nommer un conseiller en éthique indépendant. Un problème semblable se pose dans le cas du chef d'état-major de la Défense, qui a rang de sous-ministre. Il y a donc érosion de la séparation et de l'indépendance des organismes d'État. C'était ce qui nous assurait une protection et c'est notre version de la protection qu'assure la division des pouvoirs dans le système américain. C'est là que le bât blesse.

    Comment pouvons-nous surmonter ce problème? On pourrait y arriver en donnant au Parlement un véritable pouvoir de contrôle sur le choix des personnes qui occupent ces postes. Par exemple, l'élection du Président a permis de mettre en place une personne véritablement indépendante. Le problème de l'indépendance des Présidents, qui se posait durant les années 1970 et 1980, n'existe plus. C'est parce que le Président est véritablement un agent indépendant, élu et responsable devant la Chambre.

    La tenue de votes indépendants à la Chambre, et je fais ici simplement une suggestion, pourrait assurer une certaine protection et permettre de ratifier la nomination de personnes nommées par le gouvernement. Cette façon de faire pourrait assurer une véritable protection contre une ingérence politique dans divers domaines, protection qui fait défaut à l'heure actuelle.

    J'attends les questions de mes collègues, en particulier le député de Malpeque.

  +-(1545)  

+-

    M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, je suis vraiment préoccupé par les graves insinuations que le député a faites à l'égard de la GRC. Comme le député de Portage—Lisgar l'a mentionné, la GRC est un des services de police les plus respectés dans le monde.

    Toute insinuation d'ingérence politique en Colombie-Britannique à ce moment-là va à l'encontre des conclusions de l'enquête sur le sommet de l'APEC. C'est inquiétant de voir que le député préfère ne pas tenir compte des faits pour ne pas gâter une bonne histoire. Ce genre de comportement ne me surprend pas du tout de la part de l'opposition officielle.

    Le député pourrait-il citer les sections précises du rapport de l'enquête sur le sommet de l'APEC qui viennent appuyer les allégations qu'il a faites à la Chambre?

+-

    M. Scott Reid: Monsieur le Président, le député a eu l'occasion de lire le rapport d'enquête. Je n'en ai pas de copie à ma disposition actuellement, mais je l'invite à se servir des excellentes ressources accessibles à la Bibliothèque du Parlement.

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie le député de la seule question posée par les libéraux jusqu'à maintenant. J'espère que cet intérêt pour le projet de loi persistera.

    Il reste peu de temps, et je sais que le député a réfléchi à cela. Il faut créer un équilibre difficile entre le respect des droits et libertés individuels et la lutte contre la violence. Au cours des derniers mois et des dernières années, nous avons vu une tendance croissante vers la violence par les manifestants lors d'événements nationaux et internationaux, au point où le comportement de certains manifestants gâchent pratiquement tout pour les autres. Cette volonté de certains d'enfreindre les lois de notre pays nuit à la capacité des autres d'exprimer librement leurs opinions et leurs préoccupations, comme ils ont le droit légitime de le faire.

    Je n'appuie pas nécessairement les opinions de tous les groupes de manifestants, mais je défendrais certainement très énergiquement leur droit d'exprimer ces opinions. Le député a-t-il pensé à l'impact que peut avoir cette mesure législative en donnant à la GRC plus de pouvoirs pour ce qui est de contrôler le déroulement des manifestations contre le gouvernement? Est-ce que cela fait basculer le balancier d'une façon qui pourrait empêcher le déroulement d'une manifestation légale libre et publique?

  +-(1550)  

+-

    M. Scott Reid: Monsieur le Président, dans les notes que j'ai prises pour préparer mon intervention, j'ai souligné que le paragraphe 2 prévoyait que la Gendarmerie royale du Canada peut prendre les mesures qui s'imposent, notamment en contrôlant, en limitant ou en interdisant l'accès à une zone dans la mesure et selon les modalités raisonnables dans les circonstances. C'est là un point faible du projet de loi. Il aurait été très utile que tout cela ait été rédigé de façon beaucoup plus détaillée pour que nous sachions exactement à quoi nous en tenir. Cet article ouvre la porte à un grand nombre de contestations si, comme on peut s'y attendre, certaines personnes sont d'avis qu'on n'a pas adopté des modalités raisonnables.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, il est des situations où la parole est d'argent et d'autres où le silence est d'or.

    Il est malheureux que notre collègue de Lanark--Carleton ait décidé d'utiliser le temps qui lui restait, quoique c'était son droit le plus légitime, pour compléter sa présentation. Non pas que nous ne reconnaissions ni son érudition, ni son éloquence, mais il y avait eu, je pense, une entente à l'amiable entre les différents collègues pour permettre au député de Cumberland--Colchester, qui malheureusement devait prendre un avion, de pouvoir prendre la parole quelques instants sur ce projet de loi. Il y tenait beaucoup et il n'aura pu le faire, malheureusement, compte tenu des circonstances.

    Je sais que ce n'est pas usuel en cette Chambre, mais on me permettra de signaler pour les commettants de mon collègue de Cumberland--Colchester et les citoyens et citoyennes de Nouvelle-Écosse, qu'il souhaitait prendre la parole en cette Chambre sur ce projet de loi, mais que les circonstances auront fait en sorte qu'il n'aura pu le faire.

    Il me fait grand plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi C-35, notamment parce que je garde d'excellents souvenirs de mon passage au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, à titre d'ancien porte-parole du Bloc québécois en la matière. Il s'agit de la Loi modifiant la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales.

    Je tiens, d'entrée de jeu, à souligner l'excellent travail que fait également notre collègue de Mercier dans ce domaine.

    Cette loi énonce les privilèges et les immunités dont jouissent les diplomates et les organisations internationales présents au Canada. Elle met en vigueur les obligations du Canada en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques entrée en vigueur en 1963.

    Je dirai d'abord un mot sur l'immunité diplomatique. Celle-ci, ne nous leurrons pas, a mauvaise presse. On se souvient tous et toutes du décès de cette avocate d'Ottawa, Mme Catherine MacLean, et des blessures subies par son amie, Catherine Doré. Elles avaient été frappées, au mois de mars dernier, par un diplomate russe en poste à Ottawa, M. Andrei Knyazev, alors qu'il était malheureusement en état d'ébriété. M. Knyazev se trouvait à l'abri des poursuites au Canada à cause de son immunité diplomatique. La Russie, dans un geste que je condamne, avait refusé de lever cette immunité.

    On se souvient que le ministre des Affaires étrangères avait alors annoncé qu'il prendrait des mesures pour faire en sorte que les diplomates étrangers arrêtés pour conduite en état d'ébriété ne puissent plus jamais conduire au Canada. Or, je suis étonné que le projet de loi qui fait présentement l'objet de nos débats n'en fasse pas mention. Nous aurons certainement l'occasion de questionner le ministre à ce sujet en comité.

    Les gens comprennent mal que des personnes puissent, du simple fait de leur statut de diplomate, être au-dessus des lois. Si un sondage avait lieu aujourd'hui, je ne serais pas surpris qu'une majorité de la population se prononce contre l'immunité diplomatique. C'est pourquoi, curieusement, je tiens aujourd'hui à me porter à sa défense.

    L'immunité diplomatique est indispensable au bon fonctionnement des relations internationales. Dans plusieurs pays du monde, l'arbitraire a force de loi. En certains endroits, la liberté de religion n'est pas respectée. En d'autres, c'est un crime de critiquer le gouvernement. Si nos diplomates en poste dans ces pays n'étaient pas protégés par l'immunité diplomatique, ils pourraient à tout moment être emprisonnés, voire exécutés à la moindre critique et à la moindre incartade.

    Dans ces conditions, sans immunité diplomatique, il serait difficile au gouvernement du Canada, et même à la Chambre des communes, de faire des interventions concernant ces pays sans mettre en danger la vie et la sécurité des diplomates canadiens qui s'y trouvent. Il serait difficile d'intervenir à l'Assemblée générale de l'ONU. Sans immunité diplomatique, il serait difficile à nos diplomates de porter secours aux citoyens et aux citoyennes du Canada qui se trouvent dans des régions troublées. Il serait, en un mot, difficile aux diplomates de jouer pleinement leur rôle. Et c'est un rôle important que les diplomates jouent à l'étranger.

    Il suffit de lire la Convention de Vienne pour le réaliser. Ils ont pour fonction de représenter leur gouvernement, de le défendre, de négocier en son nom, de promouvoir le développement des relations économiques, culturelles, politiques et scientifiques, et finalement de protéger ses ressortissants. Sans immunité diplomatique, l'exercice de ces fonctions pourrait être interrompu dès lors que la situation devient troublée dans le pays où ils se trouvent. Et c'est justement à ce moment-là qu'elles sont le plus essentielles.

  +-(1555)  

    Les relations diplomatiques entre États ou entre souverains existent depuis la nuit des temps. Il est un peu plus récent que les fonctions diplomatiques s'exercent aussi au sein des organisations internationales. Elles ont réellement pris leur ampleur avec la création de l'ONU au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais il y a plus que l'ONU. Les progrès des transports et des communications ont facilité le développement des organisations internationales. Certaines sont créées par traité, d'autres pas.

    En plus de ces organisations internationales, on retrouve aussi les grandes rencontres internationales, les sommets qui ne sont pas toujours chapeautés par des organisations, mais qui jouent néanmoins un rôle important dans les relations internationales.

    L'actuelle Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales est mal adaptée à cette nouvelle situation, d'où le projet de loi C-35 dont le Bloc québécois appuie le principe.

    Il n'empêche que plusieurs dispositions du projet de loi soulèvent des questions, de sérieuses inquiétudes même. Nous verrons en comité comment ces inquiétudes peuvent être apaisées. Il est trop tôt pour dire si nous appuierons le projet de loi en troisième lecture.

    La définition que l'actuelle loi donne aux organisations internationales est très restrictive. Pour être considérées comme telles, elles doivent être constituées par traité. Or, plusieurs organisations, comme l'OCDE ou le G-8, ne reposent pas sur un traité.

    La définition de mission diplomatique aussi est très restrictive. En effet, la loi actuelle ne reconnaît que les ambassades ou les consulats auprès du Canada. Les missions diplomatiques auprès des organisations internationales ne sont pas reconnues. Il y a lieu d'adapter les lois à la réalité actuelle, où les institutions internationales jouent un rôle important.

    La vocation internationale du Québec, et particulièrement de Montréal, n'est plus à démontrer. C'est particulièrement vrai dans le domaine culturel et éducatif, dans le domaine de l'environnement, de même que dans celui de l'aviation, où Montréal a un rayonnement mondial, notamment grâce à la présence de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale.

    On retrouve déjà à Montréal 70 organisations internationales dont 40 sont reconnues par des ententes avec le gouvernement du Québec. Sept de ces organisations regroupent des États et tomberaient sous l'application du projet de loi C-35. Avec le projet de loi C-35, les missions diplomatiques auprès de ces organisations pourront jouir des mêmes privilèges et immunités que les missions diplomatiques et consulaires auprès du gouvernement.

    La présence de ces organisations internationales à Montréal génère des retombées directes de plus de 185 millions de dollars et plus de 3 300 emplois. À cela, il faut ajouter les rencontres internationales que la présence à Montréal de ces organisations favorise. Voilà un autre aspect du projet de loi C-35 qui viendra aider Montréal à développer sa vocation internationale. En effet, les grandes rencontres internationales, celles auxquelles participent les États étrangers, pourraient jouir de privilèges, notamment fiscaux, que la loi accorde.

    Il n'en demeure pas moins que le Bloc québécois est très perplexe face à certains articles du projet de loi, comme je l'évoquais plus tôt.

    Premièrement, la définition d'organisations internationales. Dans la loi actuelle, on définit une organisation internationale comme étant une organisation intergouvernementale «regroupant» plusieurs États. Dans le projet de loi C-35, on ajoute que cette organisation peut être constituée ou non par traité, ce qui est fort bien. Par contre, on a remplacé l'expression «regroupant» plusieurs États par «formée de» plusieurs États. Pourquoi?

    Est-ce que cela signifie qu'une organisation internationale qui regroupe des États, mais aussi des États fédérés, des provinces, ne serait donc plus reconnue? Je pense ici, bien sûr, à la Francophonie. Je pense également à ces organisations où le Québec ne manquera pas de participer, parce qu'elles traitent essentiellement de sujets où Ottawa n'a pas vraiment, sinon aucune compétence, comme la culture, l'éducation ou la santé.

    Le projet de loi est aussi silencieux sur les associations interparlementaires. Celles-ci, on le sait, ont une importance grandissante. Certaines d'entre elles ont un secrétariat permanent ici même. Je pense notamment à la COPA, la Conférence parlementaire des Amériques, que vous connaissez fort bien d'ailleurs, monsieur le Président, dont le siège est à Québec.

    Ces associations parlementaires peuvent compter des étrangers parmi leur personnel. Or, elles ne regroupent pas des États, elles regroupent des parlements. Le projet de loi n'en fait pas mention et ne leur accorde donc aucun traitement fiscal particulier. Nous avons là une belle occasion de proclamer l'importance du rôle international des parlementaires. Ce serait dommage de la manquer. On est en droit de se poser des questions, et c'est ce qu'on fera en comité.

    Deuxièmement, l'article 4 du projet de loi C-35 a un impact sur la reconnaissance accordée aux délégations de ce que la loi appelle, et je cite: «les subdivisions politiques d'États étrangers». Ce sont, en fait, des États fédérés dont on parle ici, des provinces.

  +-(1600)  

    Je prendrai la peine de citer la loi, parce que la question est subtile, mais fort importante. La loi actuelle, à l'article 6, prévoit que le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères peuvent décider conjointement, et je cite:

[...] afin d'assurer l'équivalence de traitement [...]

a) étendre les privilèges d'exonération fiscale ou douanière octroyés au bureau de la subdivision politique étrangère au Canada ou aux personnes ayant un lien avec lui au-delà de ceux qui sont prévus à la convention de Vienne sur les relations consulaires;

    De plus, la loi prévoit que le ministre peut aussi accorder, aux bureaux et archives de ces subdivisions politiques, les immunités dont jouissent les locaux et archives consulaires en vertu de la Convention de Vienne.

    Or le projet de loi C-35 vient restreindre cela. Il est toujours question des privilèges fiscaux et douaniers, mais l'immunité des locaux est disparue. Pourquoi donc?

    Et même en ce qui concerne les privilèges fiscaux, la loi spécifie que le ministre ne peut les accorder que s'il est d'avis que, et je cite:

[...] est d'avis que les fonctions que doit exercer au Canada le bureau de la subdivision politique de l'État étranger sont sensiblement comparables à celles qu'exerce au Canada un poste consulaire, au sens [...] de la Convention de Vienne [...]

    C'est une restriction qui est actuellement absente de la loi.

    Les États fédérés, surtout dans les pays formés de plus d'un peuple, jouent un rôle de plus en plus grand dans les forums internationaux. L'exemple de la Belgique me vient en tête, mais il y en a d'autres. Tous les pays ne sont pas comme le Canada qui essaie par tous les moyens d'empêcher le peuple québécois d'échanger directement, sans le filtre d'Ottawa, avec les autres peuples de la terre.

    Les décisions qui sont prises dans les forums internationaux touchent aujourd'hui à tous les domaines, incluant ceux qui ne relèvent pas des compétences du gouvernement fédéral. Le rôle des États fédérés dans ces forums internationaux ne pourra qu'être appelé à croître.

    Pourquoi donc, alors, le projet de loi C-35 vient-il restreindre les privilèges, alors que l'époque dans laquelle nous vivons commanderait plutôt au contraire qu'on les élargisse?

    La règle de réciprocité de traitement est à la base de la Convention de Vienne. Si le Canada réduit les privilèges accordés aux délégations des États fédérés étrangers représentés ici, il y a fort à parier que les gouvernements étrangers auront la tentation de vouloir réduire également les privilèges accordés aux délégations québécoises à l'étranger. Je m'explique mal cette clause restrictive, insérée dans un projet de loi qui a justement pour objectif d'être plus ouvert.

    Le Québec compte 31 bureaux à l'étranger, soit six délégations générales, une délégation, sept bureaux et dix-sept antennes sur tous les continents.

    Ces représentants du Québec à l'étranger traitent de coopération, d'immigration et de développement économique. Ils jouent un rôle essentiel.

    Je souligne au passage le succès d'une mission économique de Mission Québec, qui avait rapporté dans ses bagages un investissement espagnol de un milliard de dollars, l'an dernier, dans le comté de ma collègue de Mercier, justement.

    Ce succès aurait été plus difficile sans la présence des représentants du Québec à l'étranger. Il ne faut pas leur mettre des bâtons dans les roues. Il faut plutôt les aider. Et c'est, on doit le penser, le rôle du gouvernement fédéral, tant et aussi longtemps que le Québec fera partie de la fédération.

    Or, on connaît le zèle du gouvernement fédéral pour mettre des bâtons dans les roues de la présence internationale du Québec. On connaît son acharnement à rendre le Québec aussi invisible que silencieux sur la scène internationale.

    On a beaucoup parlé du «petit catéchisme fédéral», par lequel le gouvernement conscrit ses diplomates en poste à l'étranger, dans sa «croisade antiséparatiste». On se souviendra aussi qu'il avait même menacé un pays africain, le Mali, pour ne pas le nommer, de lui couper toute aide au développement s'il invitait le Québec à participer à une rencontre de la Francophonie, dans les années 1960.

    La France avait dû intervenir pour que le conflit se règle, ce qui a finalement permis au Québec, seul État francophone en Amérique du Nord, de devenir membre de la Francophonie. De tels événements nous rendent suspicieux. Le gouvernement devra nous rassurer sur l'article 4 du projet de loi C-35.

    Mon troisième sujet d'inquiétude, et je conclurai là-dessus, concerne le pouvoir de la Gendarmerie royale. Cet aspect du projet de loi m'inquiétait déjà. Le projet de loi antiterroriste, le projet de loi C-36 qui vient d'être déposé, vient augmenter, vient accroître mes appréhensions.

    Le projet de loi C-35 vient ajouter un nouvel article à la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales. Il vient en quelque sorte ajouter un nouvel élément qui n'était pas traité, qui ne figurait pas dans la présente loi, celui de la sécurité lors des conférences intergouvernementales.

  +-(1605)  

    Il spécifie en effet que la Gendarmerie royale, la police montée comme l'appelle le premier ministre et comme on l'appelait il y a cinquante ans, en est responsable.

    Au départ, on peut se questionner sur ce qu'un tel article a à voir avec les immunités et les privilèges qui sont accordés aux missions diplomatiques et aux organisations internationales. Cela n'a rien à voir avec la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, que le projet de loi sur les missions étrangères et les organisations internationales vient mettre en oeuvre. D'autant plus que le paragraphe trois spécifie que cet article est, et je cite:

    

sans effet sur les pouvoirs que les agents de la paix possèdent en vertu de la common law ou de toute autre loi ou tout autre règlement fédéral ou provincial.

    Si cet article est sans effet sur les lois existantes, pourquoi dans ce cas l'apporter? J'avoue mal comprendre. Continuons donc la lecture. Le paragraphe un mentionne que:

    

la Gendarmerie royale du Canada a la responsabilité première d'assurer la sécurité lors du déroulement d'une conférence intergouvernementale à laquelle plusieurs États participent et à laquelle assistent des personnes qui bénéficient de privilèges et d'immunités en vertu de la présente loi.

    Par le passé, cette responsabilité s'est exercée conjointement par la Gendarmerie royale du Canada et les provinces. On l'a vu lors du dernier Sommet des Amériques, tenu à Québec en avril dernier. Les agents de la Gendarmerie royale et ceux de la Sûreté du Québec ont travaillé ensemble main dans la main. La présence de la Sûreté du Québec s'est avéré indispensable et profitable pour le maintien de l'ordre.

    On a tous en tête cette image un peu ridicule d'agents unilingues anglophones de la GRC demandant en anglais à des manifestants unilingues francophones de se disperser.

    Les mesures de sécurité, pour être efficaces, doivent être exercées conjointement.

    Mais continuons donc la lecture de l'article 10. Le paragraphe 2 spécifie que, dans l'exercice de ces responsabilités que le paragraphe 1 lui accorde:

    

la Gendarmerie royale du Canada peut prendre les mesures qui s'imposent, notamment en contrôlant, en limitant ou en interdisant l'accès à une zone dans la mesure et selon les modalités raisonnables dans les circonstances.

    Cet article vient donc institutionnaliser le périmètre de sécurité. Il vient légitimer d'avance les mesures que la GRC pourra prendre en matière de sécurité entourant les rencontres internationales. Il vient apporter la caution du Parlement aux mesures qui pourront être prises sans que celui-ci y soit associé, même indirectement.

    Ce n'est donc pas normal d'être obligé de fermer des villes, de barricader des quartiers et de clôturer des centre-villes pour que des chefs d'État puissent se rencontrer. Je peux comprendre que ce soit parfois nécessaire, mais ce n'est pas pour autant normal. Cela dénote au contraire un malaise dans le fonctionnement des organisations internationales, un manque de démocratie et de transparence et une absence de sensibilité pour les besoins des gens. Ce qui ne peut que provoquer des frustrations et, conséquemment, des manifestations.

    Il s'agit là d'une situation anormale qui ne saurait qu'être temporaire. Ces mesures sont des mesures d'exception qui doivent être traitées comme telles. Il n'y a pas lieu de les institutionnaliser, et ce, encore moins dans une loi dont la principale qualité est d'être permanente puisqu'elle a pour fonction d'assurer la permanence des relations internationales. C'est là la nuance importante.

    Comme mon temps s'achève, je conclurai donc. Il est clair que cet article est rédigé sur mesure pour la rencontre du G-8 qui se tiendra en Alberta, en juillet prochain. Il est clair qu'il vise à apporter la caution du Parlement aux mesures de sécurité que les forces policières s'apprêtent à prendre et qui seront, on peut le prévoir, extraordinaires. Nous devons éviter de le faire. À tout le moins, nous n'avons pas à le faire dans le cadre d'une loi sur les relations diplomatiques.

    C'est toutefois encore plus inquiétant lorsqu'on considère le contexte dans lequel se déroulera cette rencontre du G-8. Il est à prévoir que la loi antiterroriste aura déjà été adoptée à ce moment-là.

    Je rappelle que la définition du terrorisme contenue dans ce projet de loi est tellement floue qu'un député libéral est même allé jusqu'à affirmer que, selon le projet de loi C-36, les manifestants au Sommet de Québec auraient pu être considérés comme des terroristes. Il faut avoir cela en tête lorsqu'on étudie le projet de loi C-35. Il faut faire montre d'un surcroît de prudence.

    La liberté d'expression, la liberté d'association et la liberté de manifestation pacifique sont des libertés fondamentales. Elles sont en bonne partie ce qui distingue les pays démocratiques des pays totalitaires.

  +-(1610)  

    Le Bloc québécois entend questionner sérieusement le ministre sur la pertinence d'insérer cette disposition sur la sécurité des conférences intergouvernementales dans le projet de loi C-35.

    Comme on peut le constater, le Bloc québécois se pose plusieurs questions et manifeste plusieurs inquiétudes. Ces questions devront recevoir les réponses appropriées. Ces inquiétudes devront être apaisées au cours de l'étude du projet de loi.

    Néanmoins, nous reconnaissons la nécessité de rajeunir la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales. La diplomatie ne se pratique pas de la même manière et dans les mêmes forums qu'il y a trente ans.

    C'est pourquoi, malgré toutes les réserves que j'ai pu évoquer, le Bloc québécois appuie le principe de ce projet de loi.

[Traduction]

+-

    M. Brian Pallister (Portage--Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses intéressantes remarques et de ses commentaires sur le projet de loi.

    J'ai été particulièrement frappé par ses commentaires, et je crois qu'il a parlé d'une définition élargie et de la nécessité de définir les types d'organisations qui pourraient avoir droit à l'immunité diplomatique et au genre de traitement que l'on a toujours accordé uniquement à certaines catégories de diplomates, à certains organismes régis par un traité, à certains organismes admissibles et ainsi de suite. J'aimerais lui donner la chance de nous donner un peu plus de détails parce que son opinion à ce sujet m'intéresse beaucoup.

    Le second point qu'il a soulevé portait sur l'incident malheureux qui s'est produit l'année dernière, quand un diplomate russe a frappé mortellement une Canadienne et en a blessé une autre alors qu'il conduisait en état d'ébriété. Bien sûr, en raison de l'immunité diplomatique, nous n'avons pas pu le poursuivre au Canada. J'aimerais également savoir ce qu'il en pense.

    Si nous accroissons les droits du personnel diplomatique, comme il semble le proposer, ou que nous élargissons la définition de ces termes pour que davantage de personnes aient des droits aux termes de cette loi, comment propose-t-il de traiter l'augmentation inévitable au chapitre du nombre de personnes qui pourraient vivre dans notre pays sans être tenues de respecter les lois canadiennes? Comment pourrait-on à son avis maintenir un équilibre à ce niveau?

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Portage--Lisgar de me permettre de clarifier ma pensée sur ces deux questions.

    Dans un premier temps, je pense qu'on doit reconnaître que les événements tragiques survenus aux États-Unis, il y a quelques semaines, ont illustré, comme jamais un événement international n'avait pu le faire jusqu'à présent, que tous les concepts que nous avions connus jusqu'à aujourd'hui au plan des relations internationales entourant la stratégie et l'équilibre des forces militaires se trouvent bousculés.

    Depuis la Seconde Guerre mondiale, les relations internationales ont beaucoup évolué. S'il était vrai qu'autrefois les relations s'établissaient essentiellement entre États, ou précédemment entre souverains de ces États, elles ont pris une tangente tout à fait différente depuis.

    Il faut que la réalité du cadre législatif touchant la protection des immunités diplomatiques puisse s'adapter à cette nouvelle réalité internationale.

    Dans un premier temps, il convient, je pense, d'adopter une loi qui va moderniser le régime de protection de l'immunité des représentants étrangers au Canada.

    Quand on parle de relations internationales qui sont différentes, je faisais état, dans mon allocution, que de plus en plus d'organisations internationales sont de nature tout à fait différente de celles que nous connaissions autrefois. Il y a donc lieu également de faire en sorte que nous puissions reconnaître ces organisations internationales.

    Cela ne veut pas dire pour autant--et j'en viens à la deuxième question posée par mon collègue--que nous ne puissions pas, à l'interne, faire quelque chose pour éviter les abus. J'évoquais également cette lacune du projet de loi, parce que le ministre des Affaires étrangères nous disait, suite à l'accident survenu ici à Ottawa il y a quelques mois, qu'il allait faire en sorte qu'un diplomate, causant des blessures ou la mort alors qu'il conduisait en état d'ébriété, ne puisse plus conduire.

    Nous ne retrouvons pas de dispositions répondant à ce voeu exprimé par le ministre dans le projet de loi que nous avons sous les yeux actuellement.

    Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne puissions pas imposer un certain nombre de restrictions qui tombent sous le sens, pour faire face à des situations comme celles auxquelles nous avions fait face il y a un certain nombre de mois.

    Cela étant dit, il importe également de faire en sorte de ne pas restreindre, par le biais d'une législation qui vise justement à l'étendre, la définition de certaines organisations à qui on pourrait reconnaître les immunités et privilèges.

    Je faisais référence tout à l'heure à certaines organisations dont fait partie le Québec, notamment la COPA, lorsqu'on établit une toute nouvelle distinction dans le projet de loi, en disant que ne seront reconnues que les organisations formées par des États. Est-ce qu'on veut dire par là que les organisations dont feraient partie des États fédérés, comme la Conférence parlementaire des Amériques, seraient exclues des organisations qui pourraient se voir octroyer les immunités et privilèges?

    Je l'évoquais, le monde a beaucoup changé, et ce monde en pleine globalisation fait de plus en plus intervenir les États fédérés dans leurs champs de compétence sur la scène internationale.

    Il faudrait donc que le Canada tranche avec son attitude très paternaliste, traditionnellement, à l'égard des provinces, quant à leur rôle sur la scène internationale, et reconnaisse dans la nouvelle législation cette nouvelle réalité. Mais il semble bien que le gouvernement fédéral veuille, au contraire, aller à contre-courant dans son projet de loi et c'est un des aspects qui nous préoccupe.

  +-(1615)  

+-

    Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, je tiens à féliciter mon collègue de Verchères--Les-Patriotes de nous avoir exposé, d'une façon très claire, ce projet de loi qui changera, pour le Québec et le Canada, les nouvelles façons de faire sur la scène internationale.

    Le Bloc québécois a des interrogations au sujet de ce projet de loi, même si on l'appuie en deuxième lecture. Pourquoi le député de Verchères--Les-Patriotes donne-t-il tant d'importance à ce qui se passe au point de vue des manifestations et des pouvoirs que ce projet de loi va donner à la Gendarmerie royale?

    Ce projet de loi va entériner des gestes qui ne l'étaient pas dans le passé, et il aura force de loi dans des situations très particulières, lors de conférences internationales sur le territoire canadien. J'aimerais que mon collègue nous donne des précisions à ce sujet.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Monsieur le Président, je remercie ma collègue de Jonquière de sa question, qui me permet également d'élaborer et de clarifier cet aspect du projet de loi.

    Cet aspect du projet de loi, s'il était analysé pour ce qu'il est lui-même, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-35, susciterait déjà des inquiétudes. On pourrait déjà être inquiets de voir que la Gendarmerie royale se voit octroyer, par le biais de ce projet de loi, le pouvoir d'assurer seule la sécurité dans le cadre d'activités ou de conférences internationales qui se tiendraient sur le territoire du Canada.

    On l'a vu dans le passé--pensons simplement à la conférence de l'APEC en Colombie-Britannique--lorsqu'on a confié la sécurité de cette conférence à la Gendarmerie royale, et au gouvernement fédéral, par ricochet. Il semble bien--on n'a pas réussi à faire la démonstration du contraire jusqu'à présent--qu'il y ait eu, à tout le moins, une étroite parenté entre les deux dans le cadre de cette conférence, quant à la sécurité--appelons cela de la sécurité--qui a été assurée pendant l'événement. Donc, il y a lieu, à sa face même, d'être inquiets de cette nouvelle disposition prévue dans le projet de loi C-35.

    Mais lorsqu'on conjugue cette disposition du projet de loi C-35 avec les dispositions du projet de loi C-36 sur la lutte au terrorisme, à ce moment-là, on devient particulièrement inquiets, comme je l'évoquais dans mon allocution, tout à l'heure.

    On se souvient qu'un collègue du Parti libéral a évoqué la possibilité que les dispositions du projet de loi C-36 auraient pour effet de faire en sorte que les manifestants du dernier Sommet des Amériques, à Québec, auraient pu être considérés comme des terroristes.

    Si on avait confié à la seule Gendarmerie royale le soin d'assurer la sécurité dans un tel contexte, nous aurions tout lieu d'être doublement inquiets. Le passé étant garant de l'avenir, le gouvernement devra apporter des clarifications, tant sur cette disposition inquiétante du projet de loi C-35 que sur l'autre disposition prévue dans le projet de loi C-36

  +-(1620)  

[Traduction]

+-

    M. Brian Pallister (Portage--Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis ravi de pouvoir partager mes réflexions sur le projet de loi C-35. Je voudrais rendre un hommage particulier au député de Verchères--Les-Patriotes, ainsi qu'à celui qui est intervenu plus tôt. Leurs observations étaient très perspicaces et ont grandement contribué au débat.

    Il conviendrait de revenir un peu en arrière et de parler de l'aspect qui se trouve au coeur du projet de loi, soit les règles régissant l'immunité diplomatique. Pour ce faire, nous devons nous rappeler pourquoi ces règles existent.

    Les règles régissant les divers aspects des relations diplomatiques constituent une des premières expressions du droit international. Au cours de l'histoire, chaque fois qu'un groupe de pays indépendants a coexisté, on a élaboré des coutumes spéciales sur le traitement réservé aux ambassadeurs et à d'autres représentants spéciaux de ces pays, ainsi que sur les immunités et les privilèges spéciaux liés à toutes sortes d'employés du corps diplomatique. Ces coutumes découlent en partie de l'immunité des pays souverains ainsi que de l'indépendance et de l'égalité des pays, et en partie de la nécessité de disposer d'un système international.

    Les pays doivent engager des négociations et des consultations entre eux, de même qu'avec les organisations internationales. À cette fin, ils ont besoin de personnel diplomatique. Dans la plupart des cas, ce personnel comprend des citoyens de leur pays qui se rendent à l'étranger pour exercer ces fonctions, bien que, dans notre ministère des Affaires étrangères, de moins en moins d'employés de nos ambassades à l'étranger sont des Canadiens. Nous employons de plus en plus des ressortissants des pays où sont situées nos ambassades. Cette question pourra être débattue plus tard, mais elle soulève certes des préoccupations chez les députés de l'Alliance canadienne.

    En bref, d'une part, les règles du droit diplomatique exposent les obligations du pays hôte à l'égard des installations, des privilèges et des immunités à accorder aux missions diplomatiques et, d'autre part, elles renferment des dispositions sur les abus qui pourraient être commis par des membres de ces missions. Elles précisent les moyens qui sont à la disposition du pays hôte pour lutter contre tout abus de ce genre. Ce qui nous préoccupe, c'est que l'équilibre entre ces deux exigences penche peut-être trop du côté du pays. Autrement dit, il n'y a aucun recours possible contre un membre d'une mission étrangère au Canada qui a commis un acte criminel.

    Comme tout autre député sérieux dans cette Chambre, je trouve décevant que le gouvernement n'ait pas jugé bon de demander au ministre de présenter des arguments vantant les mérites du projet de loi, ou encore de présenter des orateurs pour discuter de ce dernier. Cela est certainement attribuable à une distraction et à un manque flagrant d'enthousiasme à l'égard du projet de loi. Peut-être que je me trompe, mais je soupçonne que l'on veuille traiter de façon expéditive le projet de loi en l'absence d'un débat constructif. J'invite les députés de l'autre côté de la Chambre à nous faire part de leurs idées et de leurs commentaires, car ils sont importants pour la discussion.

    L'humoriste américain Will Rogers définit la diplomatie comme l'art de flatter d'une main en tenant un gourdin dans l'autre main. Notre crainte, c'est que les gourdins se trouvent dans les mains des gens qui viennent au Canada, et non dans celles des Canadiens.

    Nous comprenons que l'immunité diplomatique traîne une longue tradition qui remonterait, me dit-on, au traité de Westphalie, et qui se serait enrichie grâce aux conventions de Vienne et ainsi de suite. Nous reconnaissons le besoin d'une telle immunité dans son sens pur. Nous savons que, dans les temps anciens, les personnes exerçant les fonctions d'ambassadeur à l'étranger étaient parfois maltraitées par les nations à qui elles devaient porter des messages. Il arrivait qu'on les décapite ou qu'on les soumette à la torture. On les enfermait aussi parfois dans des donjons. Elles étaient punies de la sorte pour avoir tenté d'agir comme intermédiaires entre deux États.

    Les pays civilisés ont évolué et décidé d'adopter de meilleurs moyens pour traiter entre eux, en accordant l'immunité à ceux qui avaient le courage de se joindre au corps diplomatique. C'était bien sûr un progrès.

    L'aspect secondaire essentiel de cette immunité était que les pays d'accueil acceptaient de ne pas prendre de mesures d'exception contre les représentants des autres pays, peu importe leur conduite, et cela était très inopportun.

  +-(1625)  

    Ce qu'ils avaient pu faire pendant la guerre quelques années auparavant était sans aucune pertinence. Les vies qu'ils avaient pu supprimer, même si c'étaient celles de citoyens du pays auprès duquel ils étaient maintenant ambassadeurs, étaient sans importance. Le fait était qu'ils étaient libres et quittes de toute accusation. Ils étaient au-dessus de la loi. Ils étaient au-dessus de la loi non seulement au sens où leurs actions précédentes, qu'elles soient criminelles ou non, étaient oubliées, mais aussi au sens où ils étaient au-dessus de la loi dans le pays où ils étaient envoyés. Bien entendu, cela signifiait qu'ils n'avaient pas à respecter les lois du pays dans lequel ils étaient envoyés.

    Heureusement, il existe relativement peu d'exemples, au moins dans les temps modernes, de diplomates étrangers ou de membres du personnel consulaire qui ont trahi la confiance ou la dignité qui accompagnent leur charge en violant les lois du pays dans lequel ils étaient en poste. Néanmoins, la réalité, dont je parlerai un peu plus tard, est malheureusement une réalité dont nous avons été témoins au Canada aussi récemment qu'il y a quelques mois: une réalité qui a des répercussions réelles sur la vie de personnes réelles; une réalité qui nous dit que les êtres humains ne sont pas parfaits; la réalité est que lorsqu'on donne à des gens un poste qui les place au-dessus de la loi, pour une raison ou pour une autre, ils semblent penser qu'ils sont au-dessus de la loi et qu'ils peuvent se comporter comme bon leur semble. Ce n'est pas une bonne chose.

    Historiquement, l'immunité parlementaire est un compromis. On pourrait dire que ce compromis a été une bonne chose au fil des ans. C'était une mesure progressive au Moyen Âge, époque où les ambassadeurs étaient décapités si les nouvelles n'étaient pas bonnes. C'était un progrès. Ce dont nous débattons aujourd'hui dans le cadre de ce projet de loi n'est peut-être pas si l'immunité diplomatique est une bonne chose en soi ou une chose nécessaire, mais plutôt si ça ne devrait pas être une question de degré. C'est ça que nous devrions débattre.

    Est-il bien d'élargir la définition des personnes qui sont au-dessus de la loi? Est-ce une chose que nous devrions envisager? Devrions-nous placer un plus grand nombre de personnes au-dessus de la loi canadienne? Est-ce quelque chose que nous devrions faire? Je ne le sais pas. Je ne le crois pas.

    Je sais que l'on se sert parfois de cas théoriques pour illustrer un point et je vais en donner un. Supposons que l'Afghanistan soit vaincu, les talibans renversés et qu'un nouveau gouvernement arrive au pouvoir et que ce soit une coalition de diverses forces représentatives du peuple afghan. Supposons que nous puissions établir une démocratie en Afghanistan, qu'il y ait des élections libres et ouvertes et que les personnes les plus populaires soient élues à un nouveau Parlement afghan.

    Supposons ensuite qu'Oussama ben Laden se porte candidat et est élu, parce qu'il est très populaire dans certaines parties de l'Afghanistan. Supposons que, pendant des années, il représente des électeurs afghans au sein d'une assemblée comme la nôtre. Comme cela se produit au Canada, bien sûr, il serait nommé diplomate au bout de quelques années, comme cela se passe chez les libéraux en face. Ils font leur entrée dans le corps diplomatique. Partout dans le monde, il y a des diplomates canadiens qui sont d'anciens politiciens libéraux.

    Disons qu'au bout de quelques années, le gouvernement de l'Afghanistan décide qu'Oussama ben Laden, à la droite des éminences grises du moment, devrait être nommé diplomate et envoyé en mission au Canada. J'espère que tout le monde commence à comprendre mon argument.

    Quand on place quelqu'un au-dessus des lois, il y a toujours des conséquences. Pour deux femmes à Ottawa, l'an dernier, les conséquences ont été réelles et permanentes. Il y aura des conséquences si nous ne défendons pas les valeurs canadiennes. Les Canadiens valorisent la règle de droit ainsi que l'observation des lois en vigueur. Nous sommes fiers de notre système juridique.

    Cela est nettement à l'opposé de la façon dont on a traité la question du terrorisme pendant trop longtemps. La réputation voulant que le Canada soit tolérant envers les terroristes s'est répandue partout dans le monde. On dit que notre pays est un refuge sûr. Chaque fois qu'on l'interroge, la ministre de l'Immigration répète la même chose. Elle le fait maintenant et, à ce que je comprends, elle le fait depuis des mois.

    Par exemple, on peut lui demander pourquoi, le week-end dernier, 50 personnes sont entrées au Canada sans la moindre autorisation, venant du Pakistan et de l'Afghanistan, et sont disparues, mais le ministère de l'Immigration ne savait pas où étaient ces gens ou ce que contenaient leurs dossiers de sécurité.

  +-(1630)  

    Dès qu'on pose une question, la ministre de l'Immigration nous accuse de mettre une étiquette sur tout étranger qui est un réfugié. Nous nous enquérons d'un processus qui préoccupe les Canadiens.

    La réputation du Canada auprès des Casques bleus, des autorités de police et des enquêteurs et du personnel du renseignement du monde entier est de ménager les terroristes. Le Canada est connu dans de nombreux pays comme un endroit où une charte protège immédiatement les droits et libertés civiles: le droit à un abri, le droit à des soins de santé gratuits, le droit à de la nourriture et le droit à des prestations d'aide sociale. Ces avantages sont immédiatement accordés, ce dont nous sommes nombreux ici à nous ennorgueillir. Le fait est que nous ne voulons pas les accorder à des terroristes, évidemment.

    La question est de savoir quoi faire pour que ce système fonctionne correctement et soigneusement. D'un côté, les libéraux disent depuis le 11 septembre qu'ils veulent régler le problème. J'en conviens. Les événements du 11 septembre ont changé notre façon de penser. Ils ont transformé nombre d'entre nous, peut-être pour toujours, et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. S'ils nous ont amenés à reconnaître qu'il faut améliorer la sécurité et mieux comprendre les défis que nous devrons relever pour défendre les valeurs canadiennes dans le monde, il sera peut-être sorti quelque chose de bien de cette tragédie.

    En réalité, toutefois, avant le 11 septembre et peut-être aussi depuis lors, les libéraux ont accueilli avec tiédeur les initiatives que nous avons proposées. Je veux dire par là que leur réaction a été lente à venir, molle, inerte, léthargique, paresseuse, indifférente, amorphe, indolente, alanguie, apathique, nonchalante, passive, lourde, terne, à moitié endormie, somnolente et assoupie. Telle est la réaction que nous obtenons depuis des années déjà du gouvernement libéral lorsque nous proposons des moyens perspicaces et novateurs d'améliorer la sécurité. Ce n'est que maintenant, par suite de la crise, qu'il semble bien les recevoir. Mieux vaut tard que jamais.

    Le projet de loi envoie le mauvais message. Il prévoit que nous allons être durs à l'égard des terroristes mais que ce sera en maintenant nos valeurs. D'autre part, nous serons très permissifs et accorderons des droits à certains groupes au sein du pays, qui, en vertu de cette mesure législative, représentent un nombre grandissant de personnes. Cela laisse croire que nos valeurs morales sont élastiques, Pourtant, ce n'est pas le cas.

    Nous n'avons plus les forces armées que nous avions, mais nous faisons notre possible. Je suis fier et nous sommes tous fiers des citoyens canadiens qui participent à l'effort militaire pour contrer le terrorisme à l'échelle internationale. Toutefois, nous ne devrions pas renoncer à faire tout en notre pouvoir sur le plan diplomatique.

    Le gouvernement affirme qu'il sévira contre le terrorisme. C'est ce qu'il a déclaré à nombre de reprises déjà. Néanmoins, lorsqu'il a eu l'occasion d'intervenir pour prouver ses dires, il n'a rien fait. Je parle maintenant de l'occasion qui nous a été donnée de nous opposer au choix de la Syrie comme membre du Conseil de sécurité des Nations Unies.

    La semaine dernière, en conférence de presse, le premier ministre déclarait que, de concert avec nos alliés, nous allions relever le défi et contrer la menace que le terrorisme fait peser sur toutes les nations civilisées.

    Toujours la semaine dernière, le ministre de la Défense déclarait pour sa part à la Chambre au sujet des terroristes: «Il ne fait aucun doute que nous devons trouver et amener devant la justice ceux qui commettent de tels gestes et ceux qui les hébergent».

    Ce sont des propos intéressants. Ce sont des paroles d'espoir que tous les députés devraient appuyer. Malheureusement, la semaine dernière, lorsque nous avons eu l'occasion d'intervenir et de nous prononcer contre la participation de la Syrie au Conseil de sécurité des Nations Unies, nous ne l'avons pas fait.

    Pourquoi aurions-nous dû refuser que la Syrie occupe ce siège? Voilà l'occasion de répondre à cette question.

    La Syrie, en tant que pays, a violé les sanctions économiques imposées à l'Irak par le Conseil de sécurité. Elle a pompé 100 000 barils de pétrole irakien par jour en utilisant son pipeline situé sur la côte méditerranéenne, ce qui illustre son mépris du Conseil de sécurité, auquel elle siège maintenant grâce à la représentation canadienne.

    La Syrie est une puissance occupante au Liban. Elle y maintient 25 000 hommes et des agents secrets. En outre, elle utilise les banques libanaises pour sa caisse noire. Enfin, elle a fait de la vallée de la Békaâ une des principales routes du monde pour le trafic de la drogue.

  +-(1635)  

    Cela va à l'encontre de la résolution no 425 de l'ONU, qui préconise l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance politique du Liban.

    Selon l'Institut international d'études stratégiques de Londres, en Angleterre, et le département d'État des États-Unis, la Syrie abrite les organisations terroristes suivantes: le Hamas, l'Hezbollah, le Djihad islamique palestinien, le Front démocratique de libération de la Palestine et bien d'autres.

    La Syrie figure sur la liste des États soutenant le terrorisme depuis que celle-ci a été créée en 1979 par le département d'État des États-Unis. Le Hamas possède un bureau politique à Damas. Il a pignon sur rue.

    Le chef du Djihad islamique, qui commande des attentats suicides à la bombe en Israël, vit à Damas. Le groupe y maintient là son quartier général. La Syrie autorise l'Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique à exercer librement leurs activités à partir de secteurs du Liban sous contrôle syrien. La Syrie permet à l'Iran d'approvisionner l'Hezbollah par l'intermédiaire de l'aéroport de Damas

    On aurait pu espérer que, tant qu'à défendre les valeurs canadiennes et faire ce que le ministre de la Défense a dit que nous ferions, soit nous opposer à ceux qui abritent et appuient des terroristes, nous aurions au moins eu le courage de dire non à la nomination de la Syrie au Conseil de sécurité des Nations Unies. C'était notre occasion, d'ailleurs éclatante, de montrer que nous défendrions les valeurs canadiennes, non seulement en paroles mais aussi en gestes, et de dire non parce que c'était ce qu'il convenait de faire.

    Je sais qu'il est nécessaire d'entretenir des relations avec divers pays avec lesquels nous sommes parfois ou le plus souvent en désaccord, et je sais aussi qu'une bonne relation se fonde sur l'ouverture, la vérité et l'honnêteté. Quand le gouvernement canadien nous a-t-il prouvé avoir dit au gouvernement de la Syrie qu'il était inacceptable d'abriter des organisations terroristes? Il ne l'a pas fait. Ce n'est pas la façon de créer une relation efficace et vigoureuse. Ce n'est pas la façon de défendre les valeurs canadiennes dans le monde.

    Hier, malheureusement, le ministre du Tourisme d'Israël a été assassiné par une organisation répondant au nom de Front populaire de libération de la Palestine, qui exerce ses activités à partir de la Syrie. Il y a une semaine et demie, nous aurions pu dire non en tant que pays. Nous aurions pu dire que les Canadiens n'appuieraient pas ce genre de comportement, mais nous ne l'avons pas fait. Hier, ce geste posé par un terroriste a fait une nouvelle veuve.

    Je ne blâme pas les députés du gouvernement pour les gestes posés par les terroristes parce que ce serait répréhensible, et je ne ferai pas cela. Je soutiens cependant que nous devons défendre les valeurs que nous prétendons être les nôtres. Si nous ne le faisons pas, c'est que ce ne sont pas véritablement nos valeurs. Nous avons une occasion et une obligation de le faire.

    Si les députés d'en face pensent que cela n'a pas de conséquences réelles, ils devraient réfléchir aux événements passés. Notre incapacité à défendre nos valeurs a réduit l'influence du Canada sur l'échiquier mondial. Lorsque nous accordons des droits supplémentaires, nous devons en subir les conséquences. Je prends pour exemple les droits des diplomates, l'immunité diplomatique.

    L'an dernier, le diplomate russe Andrei Knyasev, qui avait été mêlé à de nombreux incidents de conduite en état d'ébriété, a renversé et tué une femme avec son véhicule et a blessé grièvement son amie à Ottawa, après avoir ingurgité de l'alcool admis en franchise, auquel il avait droit en tant que diplomate. L'homme est à l'abri de toute poursuite judiciaire.

    En 1997, Oussama Al-Ayoub, un employé de l'ambassade du Koweit à Ottawa, a été accusé sous deux chefs de revente d'alcool admis en franchise, auquel il avait droit en sa qualité d'employé de l'ambassade. Il a pu échapper aux poursuites et quitter le pays.

    En 1996, Olexander Yushko, un employé du consulat ukrainien à Toronto, a réclamé l'immunité diplomatique après avoir tenté d'attirer deux jeunes filles âgées de 12 et de 14 ans dans sa voiture, en ayant à la main un mouchoir imbibé d'un anesthésique. Il a aussi été accusé sous deux chefs de conduite en état d'ébriété, de possession de plaques d'immatriculation volées et de tentative de corruption d'un agent de police. Il n'y a pas eu de procès dans ce cas non plus.

    En 1991, deux diplomates kenyans dont on n' a pas dévoilé l'identité ont invoqué l'immunité diplomatique au moment de leur interrogatoire à Ottawa, après avoir présumément attaqué quatre jeunes filles à la pointe du couteau au cours de deux incidents séparés, dans un appartement vacant où ils s'étaient introduits par effraction. Ils ont tout simplement quitté le pays sans avoir à répondre de leurs actes en justice.

    Catherine Doré, la dame qui a été blessée au cours de cet incident malheureux impliquant le diplomate Knyasev l'année dernière, avait ceci à dire:

L'immunité diplomatique ne devrait pas servir d'excuse pour contrevenir à des règles destinées à protéger les citoyens canadiens. On doit apporter des changements afin que des gens comme lui ne puissent pas échapper à la justice.

  +-(1640)  

    Le projet de loi ne fait rien pour combler les lacunes que j'ai soulignées aujourd'hui. J'encourage le gouvernement à modifier le projet de loi ou à le retirer tout simplement.

+-

    M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis certainement pas d'accord avec les dernières paroles du député qui prétend que le projet de loi ne fait rien. Les exemples qu'il a évoqués sont typiques de la part des députés de l'opposition officielle. Ils semblent regarder en arrière au lieu de regarder en avant. Plusieurs des exemples que le député a évoqués ont inspiré l'élaboration du projet de loi, qui va assez loin pour remédier à ces problèmes.

    L'autre argument que je veux contester et qui me paraît absolument erroné, c'est celui selon lequel notre pays est accueillant pour les terroristes. Le projet de loi fait clairement comprendre que les gens appartenant au service diplomatique ne sont pas au-dessus des lois. Il va assez loin pour remédier à ce problème également.

    D'après un vieux dicton, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre. Nous devons évaluer avec prudence jusqu'où nous pouvons aller dans le projet de loi, car nous avons nous aussi des diplomates à l'étranger. Si nous enlevions tous les droits et privilèges aux gens des autres pays et les traitions comme ils seraient traités dans leur propre pays, ce serait nous rendre un bien mauvais service sur la scène internationale. Nous ne pourrions plus être assurés de la sécurité de nos propres diplomates dans les ambassades à l'étranger et avoir confiance qu'ils seraient traités équitablement et conformément aux normes internationales. Il faut établir un équilibre, et c'est ce que le gouvernement tâche de faire dans le projet de loi.

    Le député semble croire que nous ne progressons pas avec le projet de loi. Je trouve cela étonnant. Ne pourrait-il pas admettre que cette mesure nous fait avancer un peu pour remédier aux problèmes que nous avons connus dans le passé?

  +-(1645)  

+-

    M. Brian Pallister: Monsieur le Président, je ne reconnaîtrai pas cela, car ce n'est pas exact. Le député se trompe carrément. Le projet de loi n'améliore pas la question ou ne règle pas le problème du comportement criminel de ceux qui jouissent de l'immunité diplomatique. Le projet de loi n'aborde pas cette question, si ce n'est qu'il augmente le nombre de personnes pouvant bénéficier de cette immunité. Il reste muet sur toute cette question.

    Le député dit que je cite des exemples du passé. Je pourrais faire des hypothèses sur des exemples à venir, si le député le veut. La réalité, c'est que ces événements se sont produits et qu'ils ont eu des répercussions sur les Canadiens. Il n'y a pas de quoi plaisanter. Ils ne sont pas insignifiants. Ils ont eu des répercussions sur les Canadiens, et le projet de loi reste muet sur les conséquences de l'extension et de l'élargissement de l'immunité diplomatique. Il est complètement muet sur cette question. À mon avis, cela montre que le gouvernement ne tient pas compte du passé ni des victimes des crimes commis par des gens qui bénéficiaient de l'immunité diplomatique et qui s'en sont prévalus. Je dirais que c'est tout le contraire. Je pense que nous devrions tirer une leçon du passé.

    Le projet de loi ne tire pas les leçons du passé. C'est plutôt une mesure législative rétrograde. Ce projet de loi fait suite aux manifestations tenues lors de la conférence de l'APEC. Le député le sait. Ces manifestations ont eu lieu il y a plusieurs années. Il s'agissait de manifestations historiques. Celles qui ont eu lieu depuis à Québec, à Seattle et à la rencontre des pays du G-8 à Gênes, étaient bien différentes. Elles rassemblaient beaucoup plus de gens. Les services de sécurité devront faire face à des besoins en matière de sécurité beaucoup plus élevés à l'avenir si nous devons être les hôtes de telles rencontres, comme nous le ferons l'année prochaine avec la réunion des pays du G-8 à Kananaskis, en Alberta.

    Cela dit, il nous incombe, c'est évident, de nous assurer d'accorder le même type de respect aux citoyens canadiens qu'aux diplomates étrangers venant chez nous. Cependant, cela ne veut pas dire que nous devons traiter les diplomates étrangers comme une classe distincte ayant des droits supérieurs à ceux des Canadiens.

    Le député a parlé de réciprocité, ce qui est un point tout à fait légitime. C'est un bon argument. Il est vrai que nous devons veiller à ce que nos diplomates à l'étranger puissent profiter eux aussi de certaines immunités et de certains droits. Je n'ai jamais prétendu que nous devrions retirer tous les droits à tous les diplomates étrangers au Canada. La terrible situation à laquelle nous serions confrontés alors, selon lui, n'a aucun fondement. Dans le cas présent, c'est une question de degrés. Il s'agit de savoir si nous devrions accorder ces droits plus largement à un plus grand nombre de personnes.

    Notre collègue bloquiste a déclaré qu'on devrait définir de façon plus large les organisations qui ont droit à l'immunité diplomatique. Je crois qu'il voudrait, et c'est la position des députés bloquistes, qu'on accorde des droits à des organisations qui sont entièrement provinciales, québécoises par exemple, et que l'immunité diplomatique soit accordée aux délégations étrangères qui viennent ici. Si je comprends bien sa proposition, cela voudrait dire que les délégations d'un certain nombre de pays étrangers et leurs membres n'auraient pas à respecter le droit canadien lorsqu'ils qu'ils se trouvent sur notre sol.

    L'immunité diplomatique n'et pas une question brûlante. Pas pour l'instant. Les gens n'en parlent pas beaucoup. Cependant, je crois que beaucoup de Canadiens aimeraient savoir quels sont les avantages de créer un royaume de hors-la-loi, essentiellement de donner à certains le droit de ne pas respecter les lois du Canada. Je pense que les Canadiens aimeraient en savoir plus à ce sujet. Je pense que beaucoup de Canadiens aimeraient savoir et comprendre pourquoi, comme le gouvernement le fait dans cette mesure législative, nous proposons d'accorder des droits de ce type à des étrangers à un moment de l'histoire où le monde ne s'est jamais autant préoccupé du terrorisme. Beaucoup de Canadiens sont très inquiets.

    Si vous le permettez, j'aimerais profiter de cette occasion pour faire part de mes remarques au sujet du projet de loi antiterroriste qui a été présenté plus tôt cette semaine à la Chambre car je n'ai pas eu la possibilité de le faire avant.

  +-(1650)  

    J'adresse mes meilleurs voeux à nos soldats et à leur famille. Les gens de ma circonscription, Portage--Lisgar, pensent à eux et sont fiers de la façon concrète dont ils défendent les valeurs canadiennes. Nous devons faire de même. Nous devons défendre les valeurs canadiennes de façon concrète, non pas seulement en paroles.

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Madame la Présidente, je n'ai pas entendu tout le discours du député, mais je l'ai bien entendu dire qu'il est bien connu que le Canada est une terre d'asile pour les terroristes. Je ne suis pas d'accord avec lui et, ce qui importe davantage, je tiens à souligner, à titre d'information pour le député, que ce n'est pas ce que le directeur du SCRS, M. Ward Elcock, a dit ce matin. En effet, celui-ci a dit exactement le contraire devant le comité de l'immigration. Non seulement il est faux de dire que le Canada est une terre d'asile pour les terroristes, mais encore il est malheureux de donner cette impression aux Canadiens au moment où nous vivons dans le climat très lourd et très émotif causé par les attentats du 11 septembre. J'estime qu'il est de la plus haute importance de replacer les choses dans leur contexte.

    Je sors tout juste d'une réunion à laquelle participait une députée membre du même parti que le ministre. Elle a fait ressortir que ce que nous avons le plus à craindre, c'est la peur de l'inconnu. La seule chose que nous devons craindre, c'est la peur elle-même, disait Roosevelt. Il faut donner aux Canadiens des renseignements concrets qui leur permettront de juger d'eux-mêmes, et non tenir des propos tout à fait irréels, comme dire que le Canada est une terre d'asile pour les terroristes.

+-

    M. Brian Pallister: Madame la Présidente, le député aurait intérêt à se reporter à une étude du comité sénatorial chargé du terrorisme selon lequel plus de 50 organisations terroristes exerceraient leur activité au Canada aujourd'hui. Le député peut peut-être donner comme références de nombreux experts, qui en savent bien plus que moi et qui s'y connaissent dans les questions de sécurité. L'ancien directeur des études stratégiques du SCRS lui-même, David Harris, a fait remarquer que le Canada mettait essentiellement un avion de transport à la disposition du djihad--que nous avons accueilli bien plus de gens dans notre pays.

    C'est compréhensible. Quand on fait une étude comparative du nombre d'étrangers que les autres pays accueillent, on constate que le Canada a une fière histoire dans le monde à cet égard. Naturellement, certains de ces immigrants pourraient être des terroristes. Je pense que le nier est sans doute plus dangereux que l'admettre. En vérité, à mesure que l'enquête progresse...

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Je suis désolée d'interrompre le député, mais son temps de parole est terminé.

    En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir, à savoir: le député de Verchères--Les-Patriotes, Le projet Tokamak; le député de Lanark--Carleton, La Banque de développement du Canada.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Madame la Présidente, permettez-moi tout d'abord une parenthèse à l'intention du député de Lanark—Carleton, qui a amorcé le débat lorsque nous avons repris cet après-midi le débat de deuxième lecture du projet de loi C-35. Il a fait remarquer que son intervention avait subi une interruption d'environ deux semaines, ce qui lui avait laissé tout le temps de réfléchir.

    Pour sympathiser un peu avec lui, je vais lui parler de mon interruption la plus longue. Après avoir été interrompu au beau milieu d'une phrase, j'ai dû attendre environ un an pour poursuivre. C'était pendant une autre législature. J'avais commencé mon intervention, puis on a laissé tomber le débat sur la mesure à l'étude. Le gouvernement a attendu un an moins un ou deux jours avant de faire reprendre le débat. C'est alors que j'ai pu reprendre mes observations. Mon problème était un peu différent de celui du député. Il dit avoir eu le temps de réfléchir à ce qu'il voulait dire. Pour ma part, j'en ai eu assez pour oublier ce que je voulais dire.

    Nous parlons aujourd'hui du projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales. Tout cela porte encore une fois sur un principe fondamental qui est celui de l'ordre public et son application. Essentiellement, le projet de loi donne au ministre des Affaires étrangères le droit d'accorder des exemptions face aux lois canadiennes à des personnes, organisations et membres de ces organisations, qui sont en grande partie des missions diplomatiques.

    J'ai un peu de difficulté avec tout ce concept. Je sais que tout cela relève de la convention et qu'il y a de nombreuses ententes conclues entre les pays. De façon générale, la règle veut que l'on exempte les citoyens d'un pays étranger de toute obligation prévue par notre gouvernement si ce pays en fait autant avec nos diplomates et nos ressortissants lorsqu'ils voyagent dans ce pays. C'est en quelque sorte le principe qui se trouve à la base de tout cela et qui serait très sain s'il pouvait vraiment être appliqué.

    Toutefois, il y a des règles et des lois que nous ne devrions pas accepter de contourner, mais nous le faisons tout de même sans broncher. Je me sentirais beaucoup mieux si nous pouvions expliquer très clairement aux diplomates en poste au pays qu'il y a certaines lois qu'eux, leur personnel, leur famille et tout autre personne qui leur sont reliées se doivent de respecter plutôt que de les exempter de toutes ces lois. On ne devrait accorder aucune exemption. Nous avions bien sûr parlé de tout cela lorsque nous avons soulevé les règles portant sur la conduite avec les facultés affaiblies. C'est l'un des meilleurs exemples et il est d'ailleurs très frais dans l'esprit de plusieurs d'entre nous qui sommes à Ottawa depuis un certain temps.

    Je crois que nous devrions dire aux gens qui viennent au pays que vous ne les exempterons d'aucune loi particulière et que s'ils ne sont pas d'accord, ils devraient se faire remplacer par d'autres personnes qui le seraient. En d'autres termes, nous ne voulons pas recevoir des gens qui enfreindront la loi et qui mettront la vie des Canadiens en danger. Nous devons voir à protéger les Canadiens. Il y a un important chaînon qui manque ici.

    Au fond, nous disons que lorsqu'on exempte une personne de la loi, ne serait-ce qu'une simple loi sur le stationnement, c'est tout le monde qui paie pour cette exemption. Je suis d'avis que ce principe est contraire au principe démocratique selon lequel tous les membres de notre société sont égaux.

    Je voudrais faire une autre observation accessoire, parce que je la trouve plutôt amusante. Quand je suis arrivé à Ottawa, il y a environ huit ans, car la semaine prochaine marquera le huitième anniversaire de cette élection-là, une des choses qui m'ont scandalisé sur le plan culturel par rapport aux villes et aux municipalités de l'Ouest où j'ai grandi, c'était à quel point on respecte peu la loi à Ottawa. J'ai été scandalisé parce que c'est à Ottawa qu'on légifère et que c'est dans cette ville, la capitale du pays, que les gens se moquent parfaitement des lois les plus fondamentales qui s'appliquent à la circulation. Cela me renversait.

  +-(1655)  

    Je dois être le seul à Ottawa qui s'arrête encore pour attendre le feu vert, même quand je marche de mon bureau à l'hôtel vers minuit. Je ne vois jamais personne le faire. Il arrive même qu'on me regarde comme si j'avais perdu la tête. On me demande pourquoi je reste là à attendre J'ai même vu des taxis s'arrêter. Je ne fais pourtant qu'observer la loi. La loi dit que je devrais attendre la permission d'avancer. Franchement, il est très clair qu'on ne fait rien pour faire respecter la loi, alors, les gens ne l'observent pas.

    Quand je conduis, je peux assurer les députés que je suis beaucoup plus soucieux de la sécurité des piétons à Ottawa que chez moi, parce que je sais que chez moi, ils restent sur le trottoir, qu'ils ne violent pas la loi, alors qu'à Ottawa, c'est tout le contraire. Si je vois quelqu'un sur le trottoir, je sais qu'il peut décider sur un coup de tête de marcher juste devant moi, et il le fait s'arrêtant à peine pour ne pas toucher mon véhicule. Malheureusement, cela ne contribue pas à faire une société très sûre.

    Un peu plus tôt cette semaine, en venant de mon hôtel à mon bureau, une marche de 10 minutes, j'ai décidé de compter les infractions dont j'étais témoin. Combien d'infractions croyez-vous que j'ai vues, madame la Présidente? Je parle uniquement d'infractions de la circulation, des véhicules qui font demi-tour dans le milieu de la rue, de piétons qui ne traversent pas à l'intersection et de piétons qui n'attendent pas le feu vert pour traverser. Dans les 10 minutes qui me séparent du Travelodge à mon bureau de la Chambre des communes, j'ai compté 61 infractions. Il est clair que la loi n'est pas appliquée et on se permet donc de la violer de façon flagrante.

    C'est une question de droit civil qui n'a réellement rien à voir avec la Chambre des communes, mais je tiens à le mentionner parce que je crois que lorsque nous avons des gens qui vivent chez nous et qui sont exempts de certaines lois, cela transmet un message tout à fait erroné. Comme je l'ai déjà dit, lorsque nous décidons d'accorder ce genre d'exemptions, nous devons avoir de bonnes raisons de le faire et nous devons nous assurer que ces raisons cadrent avec nos objectifs.

    Quand je pense à certaines de ces lois qui pourraient faire l'objet d'une exemption, je pense à la TPS. Si nous décidions d'exempter de la TPS les étrangers qui vivent au pays et qui sont membres d'une mission diplomatique ou autre, je présume que nous pourrions le faire. Je sais que cela se fait parce que nos diplomates sont exemptés de certaines taxes quand ils vont à l'étranger. Il existe une entente réciproque.

    Percevoir ou non une taxe ne constitue pas nécessairement une insulte ou une menace à notre sécurité, mais, à mon avis, il y a d'autres lois que nous devrions appliquer très vigoureusement, et j'estime que c'est là où ce projet de loi prend tout son sens. C'est une des raisons pour lesquelles les députés libéraux refusent de participer au débat. Tout au long de l'après-midi, un seul député libéral a pris la parole une fois, pendant deux minutes, pour poser une question. Il s'agissait du député de Malpeque. Je le félicite d'écouter et de participer activement.

    Cependant, le fait que le Parti libéral ne présente pas d'intervenants pour défendre le projet de loi constitue un aveu tacite qu'il est indéfendable. Les députés libéraux vont tout simplement l'adopter grâce à leur majorité, et n'auront pas besoin de tenter de convaincre qui que ce soit de voter en sa faveur, car ils voteront selon les ordres et, de toute façon, ils sont incapables de le défendre devant les autres députés.

    Je crois qu'ils agissent ainsi principalement à cause de l'incident survenu lors du sommet de l'APEC. Ils y ont invité des personnes, et je tairai leur nom, et il était bien évident qu'elles n'étaient pas disposées à obéir aux lois sur la sécurité et à d'autres lois de notre pays. Elles en ont été exemptées. Cela a ensuite suscité des craintes considérables.

  +-(1700)  

    À mon avis, une des raisons pour lesquelles les manifestants qui se trouvaient à Vancouver ont été éloignés du défilé de voitures, c'était pour assurer leur propre sécurité. Certains participants au défilé qui arrivaient de l'étranger auraient pu s'en prendre aux manifestants s'ils avaient senti que quelque chose allait mal, ce qui aurait été fort déplorable.

    Leur tâche visait à protéger leur homme. C'est légitime, mais il existe une meilleure façon de faire. Nous devrions informer les délégués qui sont invités à participer à une mission de ce genre au Canada qu'ils feraient mieux de respecter nos règles et de nous laisser assurer les services de sécurité. Ainsi, tout se ferait d'une façon ordonnée.

    Permettez-moi de m'étendre pendant quelques minutes sur le droit de manifester. Cette activité est pour ainsi dire un lieu commun au Canada et, dans une certaine mesure, aux États-Unis aussi. La liberté d'expression et la liberté de manifester ont parfois donné d'excellents résultats.

    Je pense particulièrement à nos amis américains. Je me demande combien d'autres années d'inégalité entre les noirs et les blancs se seraient écoulées aux États-Unis si Martin Luther King n'avait pas défendu sa cause et si certaines des manifestations auxquelles il a participé n'avaient pas eu lieu. Dois-je rappeler à la Chambre que ces manifestations ont toujours été pacifiques?

    Le Mahatma Gandhi en était un autre qui manifestait pacifiquement. Il faisait ce qu'on appelle de la résistance passive. Quand les gens sont prêts à défendre leur cause, à s'opposer à l'injustice et à risquer l'emprisonnement parce qu'ils croient avoir raison, ils envoient un message très puissant. S'ils manifestent assez souvent, leur message finit pas passer. Cependant, en disant aux manifestants qu'ils ont le droit de s'engager dans n'importe quelle activité, nous les invitons à rendre notre société plus anarchique.

    Nous avons vu des manifestants lancer des tartes à la crème au visage de certains ministres, et même du premier ministre. En fait, le premier ministre n'aurait pas nécessairement été mon premier choix. Toutefois, il a gagné ses galons et il a été élu par la population, et la société a le devoir de respecter son rang.

    Quand nous disons aux gens qu'ils peuvent bien manifester et lancer des tartes au citron ou à la crème au visage du premier ministre, je pense que nous en appelons à l'indignité et que cela ne devrait pas être toléré. Nous avons atteint un point où nous ne pouvons plus discerner entre un comportement acceptable et un autre qui ne l'est pas. Il y a des comportements que ne nous ne saurions tolérer.

    J'aimerais faire une autre petite digression si vous me le permettez. Une des grandes surprises que j'ai eues dans ma vie de député est l'abus dont les députés sont parfois victimes du simple fait que certaines personnes pensent que nous ne sommes pas des gens honorables.

    Il m'est arrivé quelque chose qui était à la fois drôle et triste. J'étais avec un homme d'affaires qui me faisait visiter son entreprise. Je n'étais pas là en ma qualité de député. Il savait que j'étais député. Nous discutions de façon assez raisonnable et, soudainement, en plein milieu de la conversation, sans avertissement, il m'a frappé assez fort avec son pied. Je me souviens encore de la douleur que j'ai ressentie parce qu'il m'a frappé à un endroit où ça fait mal. Il a dit qu'il se sentait mieux et qu'il avait toujours voulu faire cela à un politicien.

    Nous avons ri un peu tous les deux, et je n'ai pas poussé l'affaire plus loin, mais au fond j'étais blessé parce qu'il avait manqué de dignité envers moi. Il trouvait cela drôle, que pouvais-je faire?

  +-(1705)  

    Si les circonstances avaient été différentes, j'aurais pu l'accuser de voies de fait. Cela aurait été la bonne chose à faire, mais je ne voulais pas le faire et je ne l'ai pas fait. Nous acceptons ces choses en quelque sorte, mais nous devons nous assurer que, lorsque les gens protestent, ils traitent les autres avec dignité.

    Le genre de manifestations que nous avons eues dans ce pays ces dernières années montrent un manque total de respect et de dignité à l'égard des participants. Je fais allusion ici aux réunions du G-8, du FMI, de la Banque mondiale et de l'APEC.

    Ces gens ne sont-ils pas des gens honorables et raisonnables qui sont des leaders dans leurs pays? Ils se réunissent pour discuter et résoudre des problèmes. Pourquoi permettrions-nous à d'autres personnes de mettre leur vie en péril? Nous devrions limiter de façon raisonnable la liberté de manifestation afin de protéger les droits et la dignité des autres, comme l'exige la convention. Le Canada a accepté les dispositions visant à protéger la dignité de la personne.

    Je me permets d'ouvrir une parenthèse. Au cours de mes huit années à Ottawa, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux dignitaires étrangers, des ambassadeurs et des représentants d'autres pays. L'un des principaux lieux de rencontre est commandité par une organisation canadienne appelée Christian Embassy.

    M. Gerry Sherman réunit souvent des députés, des sénateurs et des diplomates étrangers, afin que nous puissions apprendre sur nos pays respectifs. Il a emmené certains d'entre nous dans des voyages guidés au Canada. Il fait un travail remarquable. Les gens sont traités avec la dignité qui leur est due et que, dans la presque totalité des cas, ils ont méritée. J'aimerais que ce genre d'initiative se poursuive et soit encouragée.

    J'ajouterai quelque chose au sujet des rencontres internationales. Si nous ne faisons pas les choses comme il se doit, ce genre de rencontre risque de disparaître. Les protestataires ont le droit, en démocratie, de prendre part au débat. Ils devraient faire élire leurs argumentateurs à la Chambre des communes pour qu'ils défendent leurs points de vue. Ils pourraient aussi utiliser d'autres tribunes, mais l'important est de prendre part au débat.

    Tout comme il existe une règle qui m'interdit de franchir l'espace qui sépare mon parti du parti d'en face, il en existe aussi une qui interdit aux protestataires de porter atteinte à la sécurité des autres personnes qui veulent participer à un débat. Ils ont le droit de prendre part au débat, mais ils n'ont pas le droit d'avoir recours à la violence ou de menacer les autres de violence.

    Si cette règle n'est pas respectée, un jour viendra où le G-8, le G-20, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international devront se réunir dans une île secrète où ils arriveront sans préavis. Une fois les participants sur place, il serait interdit de survoler l'endroit dans un rayon de 50 milles; ce serait la seule façon de permettre aux participants de débattre les questions paisiblement, librement et en sécurité. Je crois que le Canada devrait être cette île, mais ce sera impossible si les manifestants ne sont pas disciplinés.

    Je n'exprime pas ici la position de mon parti. Je parle en mon nom personnel lorsque je dis que j'accepte les règles qui s'appliquent dans un débat ordonné et dans une société civilisée et ordonnée. J'espère que les autres en feront autant.

    Le projet de loi C-35 ne confère pas à la GRC de nouveaux pouvoirs qui lui permettraient de gérer ce genre de situation. À mon avis, il s'agit d'une mesure régressive, parce qu'elle ne donne pas au Canada des pouvoirs accrus qui lui permettraient de jouer de façon honorable, dans la dignité et la sécurité son rôle d'hôte de ces conférences internationales et d'autres fonctions.

  +-(1710)  

+-

    M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Madame la Présidente, le député n'avait pas grand-chose à dire sur le projet de loi. Il en a parlé seulement à la fin de son intervention. Il a laissé l'impression qu'aucune accusation n'avait été portée contre l'homme qui a entarté le premier ministre. En fait, l'homme en question a été accusé et s'est vu imposer une peine. Les actes illégaux de ce genre ne sont pas permis.

    Je m'inquiète des propos du député concernant le droit de manifester. Je crois fermement à ce droit. Je conviens qu'il ne devrait pas y avoir de violence, mais s'il y en a, on devrait traiter les fautifs en conformité avec la loi.

    Je n'était pas d'accord avec l'enquête menée sur la conférence de l'APEC. Lorsque je faisais partie du Syndicat national des cultivateurs, j'ai probablement pris part à plus de manifestations dans chaque province du pays que la plupart des députés à la Chambre.

    Si les manifestants outrepassent leurs droits et se font arroser ou frapper à coups de matraque, ils ne devraient pas se plaindre. Ils savent dès le départ que, s'ils exagèrent, ils doivent en accepter les conséquences. Des manifestants au sommet de l'APEC n'ont pas accepté les conséquences de leurs actes. Je crois fermement au droit de manifester. Nous n'aurions pas au pays un système de gestion de l'offre, qui constitue un outil de commercialisation extraordinaire pour l'industrie agricole, n'eut été des manifestations.

    Nous devons préserver la liberté d'expression et la liberté de manifester. Si on nous enlève trop de droits, alors ben Laden et les gens de son espèce auront gagné la bataille. Le Canada doit veiller à maintenir les droits et les libertés pour lesquels on le respecte. Dans quelle mesure le député croit-il qu'on devrait nous priver de ces droits? Où tire-t-il la ligne?

  +-(1715)  

+-

    M. Ken Epp: Madame la Présidente, je suis d'accord avec le député. Nous avons inclus dans la Constitution du Canada le droit d'association, le droit de se réunir avec d'autres groupes et personnes partageant les mêmes vues. Je suis un farouche défenseur de cette idée, mais nous avons permis au Canada que des manifestations deviennent foncièrement violentes. Comme on ne parle pas des gens dans les médias à moins qu'un agent de la GRC ne les asperge de gaz poivré, les gens exagèrent jusqu'à ce qu'ils soient aspergés de gaz poivré. Les médias font alors mention d'eux, et Ieur message est diffusé.

    Nous devons tout d'abord faire en sorte que ces gens puissent se faire entendre par l'entremise d'un système parlementaire vraiment représentatif au lieu d'un système qui ne permet pas aux gens de faire valoir leurs idées, comme c'est malheureusement le cas actuellement.

    Deuxièmement, je n'aime pas l'expression «droit de manifester». Elle suppose le droit de se montrer violent envers autrui, ce qui est inacceptable. Il existe un droit de manifester pacifiquement et légalement. Les gens peuvent, s'ils le veulent, dire qu'il s'agit d'une protestation, ils peuvent brandir des pancartes et j'imagine qu'ils peuvent même crier.

    Même si je n'y ai pas assisté personnellement, je sais qu'il y a eu un certain nombre de rassemblements qui ont été interrompus parce que les gens criaient, parce qu'ils hurlaient, qu'ils se poussaient et se bousculaient et qu'ils empêchaient la réunion de se poursuivre.

    Pour des raisons de sécurité, on a décidé de faire sortir le premier ministre ou le chef de l'opposition officielle par la porte arrière, afin d'instaurer un climat pacifique et d'éviter qu'il y ait de la violence, des blessures ou des morts. C'est cela qui est inacceptable. C'est de cela dont je parle et que je voudrais enrayer. Je suis un farouche défenseur de la liberté d'expression.

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Madame la Présidente, j'ai deux questions à poser au député, dont une à laquelle je ne m'attends pas qu'il réponde.

    D'abord, que serait-il arrivé à l'homme qui lui a donné un coup de pied s'il s'en était plutôt pris au député de Wild Rose? Le député ne voudra peut-être pas répondre à cela.

    Ensuite, je suis plutôt d'accord avec lui lorsqu'il parle des manifestants. Il semble y avoir deux types de manifestants ces temps-ci. Il y a les gens qui manifestent parce qu'ils sont préoccupés par ce qui se passe dans la société, comme ils sont parfaitement en droit de le faire. J'appuie le droit de manifester pacifiquement. J'ai tendance à croire que, si les avenues étaient ouvertes, ils seraient entendus là où cela compte et ils n'auraient pas besoin de manifester pour passer leur message. Dans certains cas, ils ont l'occasion de se faire entendre aux bonnes tribunes, mais ils protestent quand même. J'en suis aussi conscient.

    En ce qui concerne ceux qui abusent de leur droit de manifester pacifiquement et qui semblent passer non seulement d'un événement à l'autre, mais encore d'un pays à l'autre, je me pose deux questions. Où prennent-ils l'argent pour participer à ces événements? Comment fait-on la distinction entre ceux qui protestent pacifiquement et ceux qui exagèrent, et que devrait-on faire à cet égard?

  +-(1720)  

+-

    M. Ken Epp: Madame la Présidente, je ne peux pas résister à la tentation de répondre à la première question. Je pense que la plupart des députés seraient quelque peu surpris de savoir que le député de Wild Rose est en fait une personne très douce. C'est un homme très bon et très compatissant. Il a été directeur d'une école et pendant ces années, je le sais parce que j'ai parlé à des personnes qui le connaissaient, il a guidé ses élèves d'une main ferme pour leur propre bien, et non pour le sien. C'est une personne généreuse. Toutefois, il a son franc parler. J'aimerais qu'un plus grand nombre de personnes à la Chambre prennent la parole pour dire ce qui est bien et ce qui est bon. Nous devrions le faire. Nous ne devrions pas avoir peur de laisser paraître nos émotions quand nous parlons de ce qui est mal.

    Plus tôt aujourd'hui, nous avons parlé de pornographie juvénile. Le député de Wild Rose et d'autres députés d'en face ont exprimé leur colère à l'égard de cette activité qui est totalement déplorable, ce que j'apprécie.

    Je vois ce genre de personne dans le député de Wild Rose. En l'occurrence, je pense qu'il aurait fait la même chose que moi. Nous, les hommes grassouillets, nous avons tendance à avoir un bon sens de l'humour. C'est une chose qui se développe en nous depuis que nous sommes petits.

    Voici maintenant ma réponse à l'autre question sur les limites que j'imposerais aux manifestations.

    Comme je le disais, et j'ai hoché de la tête pendant que le député posait sa question, je souscris au droit de protester et de manifester pacifiquement. Toutefois, dès qu'une personne viole le droit à la sécurité, le droit de propriété et le droit à la sécurité corporelle d'autrui, cette personne enfreint ce qui est la loi ou ce qui devrait être la loi. Je ne pense pas que ce qui est contraire à la loi, un contre un dans une rue d'Edmonton, devrait tout d'un coup devenir légal quand c'est le fait d'un gros groupe de personnes.

    Il faut être logique. Nous devons protéger les gens qui essaient de débattre et de résoudre les problèmes du pays par le biais de débats et de discussions rationnelles.

+-

    M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, Alliance canadienne): Madame la Présidente, une chose est en train d'arriver dans notre société: l'ingèrence du gouvernement dans nos affaires va en augmentant.

    Le député pourrait-il parler des inquiétudes que lui inspire le fait que le gouvernement se rapproche davantage des forces de sécurité, de la police et que cette dernière ait des liens de plus en plus étroits avec les autorités, particulièrement avec le Cabinet du premier ministre?

+-

    M. Ken Epp: Madame la Présidente, je partage cette préoccupation. Je crois que la sécurité de notre pays doit reposer sur des lois adoptées au Parlement et mises en application par des forces policières et un pouvoir judiciaire indépendant du Parlement. De cette façon, les procédures sont mieux équilibrées.

    En ce qui concerne, par exemple, les événements survenus lors de la conférence de l'APEC, une note présentée en preuve disait «PM n'aime pas cela», mais les lettres ne désignaient certainement pas le chef de l'opposition de l'époque ou le ministre des Finances, dont les initiales sont aussi PM. Elles se rapportaient sans doute au cabinet du PM, et il faudrait soigneusement éviter ce genre d'ingérence.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Madame la Présidente, c'est pour moi un privilège de participer au débat concernant le projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales. Notre journée avance, et il reste une période de débat d'environ 5 minutes et un discours de 20 minutes.

    Je suis un nouveau député et je fais face à un dilemme. Dois-je poursuivre mon discours et prendre le reste du temps un autre jour? Je veux aborder dans mon discours certains points qui soulèvent des préoccupations.

    Les dispositions du projet de loi font suite aux recommandations du rapport Hughes présenté cet été. En particulier, le projet de loi C-35 ajoute une disposition précisant que la GRC a la responsabilité première d'assurer la sécurité lors du déroulement d'une conférence intergouvernementale à laquelle participent plusieurs États et à laquelle participent des personnes qui bénéficient de privilèges et d'immunités aux termes de la loi.

    Dans l'exercice de ses responsabilités, la GRC peut prendre les mesures qui s'imposent, comme nous en avons déjà parlé aujourd'hui, notamment en contrôlant, en limitant ou en interdisant l'accès à une zone dans la mesure et selon les modalités raisonnables dans les circonstances.

    Selon moi, bien que dans ce cas isolé le gouvernement ait pris à coeur les recommandations du juge Hughes, comme bon nombre de mes collègues l'ont déjà souligné, ce n'est pas l'instrument approprié dans lequel inclure ces responsabilités et pouvoirs nouveaux. Il eut été préférable d'intégrer ces pouvoirs dans la Loi sur la GRC.

    À la suite d'audiences publiques portant sur des plaintes contre la GRC, M. Hughes a conclu que le gouvernement fédéral avait mal agi à l'occasion de l'APEC. Si nous consultions les 10 à 15 premières pages de l'épais rapport remis par M. Hughes, nous constaterions que le gouvernement a mal agi et que certaines des mesures auxquelles a eu recours la GRC, qui a succombé à l'influence du gouvernement, n'étaient pas appropriées.

    Par conséquent, M. Hughes a recommandé que le gouvernement fédéral présente une mesure législative précisant clairement que la GRC doit échapper à l'ingérence du gouvernement. Dans la section 10 du rapport, M. Hughes précise que la nature et la portée actuelles de l'indépendance policière ne sont pas clairement définies dans la loi canadienne. De plus, on ne trouve pas de consensus dans les écrits universitaires ou les décisions judiciaires concernant ce que devrait être le lien entre le gouvernement fédéral et la GRC, bien que l'on reconnaisse généralement que la GRC bénéficie d'une certaine indépendance.

    En fait, le juge Hughes estime que la Loi sur la GRC suggère qu'elle n'est pas entièrement indépendante du gouvernement parce qu'on y dit que le commissaire de la GRC est nommé par le Cabinet et est responsable de cette force, sous la direction du solliciteur général.

    Cela a suscité énormément d'inquiétude chez les députés de ce côté-ci de la Chambre. Je sais qu'à plusieurs occasions, les députés des circonscriptions de Medicine Hat et de Cypress Hills—Grasslands ont exprimé leur frustration à l'égard du fait que le commissaire de la GRC siège au Cabinet à titre de sous-ministre au ministère du solliciteur général. Pour demeurer indépendant et pour ne pas conférer à son poste ou à son organisation un caractère politique, le commissaire est nommé par le Cabinet à titre de sous-ministre.

    Après avoir examiné la tradition britannique mentionnée dans la décision de la Cour suprême dans la cause R. c. Campbell, le juge Hughes a estimé clairement inadmissible que le gouvernement fédéral ait des pouvoirs sur la GRC, notamment pour diriger les activités d'application de la loi, indiquer sur qui faire enquête, qui arrêter et qui poursuivre. Par la même occasion, on a constaté qu'il était tout aussi inacceptable que la GRC soit entièrement indépendante et n'ait pas l'obligation de rendre des comptes et qu'elle se place au-dessus de la loi.

    Nous devons donc faire la part des choses. Nous voulons d'une part l'indépendance de la GRC et d'autre part, nous exigeons qu'elle rende des comptes.

  +-(1725)  

    D'après cette conclusion, le juge Hughes recommande, à la rubrique 31 de son rapport, que la GRC demande que soient codifiés en termes législatifs la nature et le degré d'indépendance de la police par rapport au gouvernement en ce qui concerne, primo, les pratiques actuelles de la common law en matière d'application de la loi et, secundo, la prestation et la responsabilité des services de sécurité lors d'événements publics.

    Cette seconde partie est ce que le projet de loi met en oeuvre. Il met en oeuvre la partie du rapport de la commission Hughes selon laquelle il est impératif de préciser la position et les responsabilités des services de sécurité lors d'événements publics auxquels prennent part des ressortissants d'autres pays.

    Le projet de loi C-35 n'applique que le seconde partie de la recommandation. Le gouvernement doit encore appliquer la première partie de cette recommandation. Malheureusement, je ne crois pas que le gouvernement libéral ait jamais le courage de faire le nécessaire pour accroître l'obligation de rendre des comptes et l'indépendance de la GRC tout en réduisant son caractère politique. Voilà ce que nous attendons. J'espère terminer mon intervention à une date ultérieure.

  +-(1730)  

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Le député disposera de 13 minutes et 55 secondes lorsque nous reprendrons l'étude du projet de loi.

    Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.


+-INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Initiatives parlementaires]

*   *   *

[Français]

-La Loi sur le Parlement du Canada

     La Chambre passe à l'étude du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement), dont le comité a fait rapport avec un amendement.

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) propose: Que le projet de loi S-10, tel que modifié, soit agréé à l'étape du rapport.

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Avec dissidence.

    (La motion est adoptée.)

  +-(1735)  

+-

    Mme Yolande Thibeault propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

    --Madame la Présidente, c'est un honneur et un plaisir pour moi de participer au débat sur le projet de loi S-10, qui modifie la Loi sur le Parlement du Canada en prévoyant la nomination d'un poète officiel au Parlement canadien.

    D'entrée de jeu, je veux féliciter la députée de Notre-Dame-de-Grâce--Lachine pour avoir présenté ce projet de loi à la Chambre. Je tiens également à féliciter le sénateur Grafstein pour en avoir eu l'initiative dans l'autre Chambre.

    Le poste de poète officiel est une tradition qui existe dans plusieurs pays, et ceci, depuis de nombreuses années. En Angleterre, la fonction de poète fut créée dès 1616 et cette tradition a été perpétuée par plusieurs pays du Commonwealth.

    Depuis les années 1930, les États-Unis ont leur poète officiel. Au Canada, la province de la Saskatchewan nommait son premier poète officiel à l'automne 2000.

    Le titulaire du poste de poète officiel écrira des poèmes qui seront lus au Parlement à l'occasion de cérémonies officielles. Il commanditera des séances de lecture et aura également comme mandat de conseiller le bibliothécaire en chef du Parlement, tant sur la collection que sur les acquisitions de l'institution. Ce poète officiel se verrait nommé pour une période de deux ans.

    Certains penseront: mais pourquoi avons-nous besoin d'un poète officiel au Parlement? N'avons-nous pas déjà assez d'occupations?

    Eh bien, tout est là. Nous savons tous que la poésie sait embellir, mais elle sait également faire réfléchir. La poésie inspire, elle élève les consciences. Elle transcende le jeu des questions et des réponses. C'est un peu une conscience qui nous rappelle non seulement aux valeurs esthétiques, mais également aux valeurs philosophiques.

    Curieusement, Platon excluait les poètes de sa République idéale. Pensait-il que les poètes risquaient de remettre en cause les assises de la société? Il est vrai que les mots ne sont pas innocents, qu'ils sont porteurs de sens. N'y a-t-il pas un meilleur endroit que cette Chambre pour nous en persuader?

    Oui, j'en conviens, la poésie peut exorciser certaines certitudes, mais elle est également une source d'inspiration. Le grand poète anglais Shelley disait: «Les poètes sont les hiérophantes d'une inspiration insaisissable; les miroirs où se reflètent les ombres gigantesques que l'avenir projette sur le présent.»

    En France, au cours des siècles, les poètes de la cour ont célébré les faits d'armes de la noblesse, de Charlemagne à Napoléon.

    Durant l'occupation de la France, au cours de la Seconde Guerre mondiale, le pays entier chuchotait un poème de Paul Éluard intitulé Liberté, poème qui reflétait parfaitement l'âme et l'état d'esprit de ses concitoyens.

    Éluard n'est pas le seul poète inspiré par des élans patriotiques; il y en a évidemment beaucoup d'autres.

    Permettez-moi de citer deux extraits du poème intitulé Mon pays, écrit par une poète chansonnier canadienne, Janine Simard:

    

Il restera toujours à dire
Sur un si grand pays
Mais on n'a pas tout dit;
Et moi je dis qu'il est immense
Immensément joli
Jeune et plein de défauts
comme un enfant trop poli
Qui ne sait dire ce qu'il faut
Parce qu'on le lui a dit trop

Sur mon pays on a tant dit
Qu'il était froid
Qu'il était grand
Qu'il était joli
Mais on n'a jamais dit comme il faut
Qu'il était le pays le plus beau!

  +-(1740)  

    Le poète est un être de liberté. Il a la capacité à ressentir la souffrance d'autrui, car souvent il la vit dans sa propre chair. C'est pourquoi il arrive à la mettre sur papier ou à la chanter.

    Si nous, hommes et femmes politiques, avons le pouvoir de changer des choses, les poètes l'ont aussi, car parfois ceux qu'on appelle «les grands» de ce monde entendent leurs cris.

    La poésie nous unit. Elle nous permet de prendre un temps d'arrêt et elle nous humanise car elle est la voix des peuples. Un poète officiel pour le Parlement canadien ne saurait que rehausser notre sentiment d'appartenance à une société libre.

    La poésie, cet art rassembleur d'une portée universelle, a fait en sorte que l'UNESCO a déclaré le 21 mars 2001 comme étant la Journée mondiale de la poésie. Cette année est donc venue marquer la toute première célébration officielle au Canada de cette Journée mondiale de la poésie.

    J'invite tous les députés des deux côtés de la Chambre à lancer la tradition de poète officiel du Parlement canadien en votant en faveur de ce projet de loi.

[Traduction]

+-

    M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Madame la Présidente, que voilà un sujet intéressant. Il est clair que, parmi toutes les créatures, les êtres humains sont les seuls à pouvoir communiquer et transmettre des émotions. C'est certainement ce que nous faisons au moyen de la poésie.

    Les poètes sont des artistes et, tout comme les sculpteurs, les auteurs de livres et de chansons, les autres créateurs et inventeurs, ils jouent un rôle important dans la société et méritent reconnaissance et encouragement. Comme l'a fait remarquer la députée libérale, la Saskatchewan a déjà pris une mesure à cet égard. Je m'excuse, mais je ne puis me rappeler si elle a mentionné que Toronto songeait également à cette idée.

    Nous sommes confrontés à un défi particulièrement unique à la Chambre, sinon même dans le pays. Je veux qu'on me comprenne bien. J'estime qu'une des forces du Canada réside dans le fait que nous avons deux langues officielles, que nous nous exprimons en français et en anglais. Je veux être très clair à ce sujet. Cela constitue un défi singulier, car la poésie est l'art d'assembler des mots selon une séquence, et des mots qui ont une signification très précise, de sorte que nous puissions communiquer à nos semblables cette signification précise et une émotion particulière. Comme je l'ai dit en commençant, il s'agit d'une capacité unique aux êtres humains.

    Le problème se pose dans une langue comme dans l'autre. Ma collègue, qui parle couramment le français, connaît certainement les difficultés qui se posent dans sa langue. Les langues ont été inventées par des gens et non par des ordinateurs; elles reflètent la créativité de la race humaine. Permettez-moi de donner à la Chambre un exemple farfelu. Le père fit venir une fille au pair. La mère, amère, se jeta à la mer. Des mots, épelés différemment, se prononcent de la même façon mais ont un sens différent.

    J'ai un autre exemple. Le saint homme, le front ceint d'une couronne, apposa son seing et sceau sur le couvercle du seau. Quel sot, ce n'est pas sain!

    J'ai d'autres exemples, mais je vous en fais grâce.

    Je peux imaginer la difficulté que cela pose aux pauvres interprètes à la Chambre, mais je pense que ce sont des exemples des défis qu'un poète officiel devrait relever.

    Je n'ai rien contre l'idée d'un poète officiel. Les collègues de mon parti et, en fait, tous les députés auront diverses opinions sur la question, mais je n'ai aucune difficulté avec cela, si ce n'est que, comme je viens de le dire, c'est tout un défi.

    Ce ne sont pas les jeux de mots qui manquent.

    Voilà certaines des difficultés que nous avons à nous comprendre. Nous utilisons la langue pour communiquer dans la vie de tous les jours et peut-être que nous n'y réfléchissons pas toujours. Étant donné les défis que posent les deux langues, je pense qu'un poète officiel aurait devant lui une tâche monumentale.

  +-(1745)  

    Je le répète, il existe bien des façons de faire valoir ses idées. J'ai relu des choses qui ont été dites par diverses personnes et, même si l'homme auquel je songe notamment n'est pas considéré comme un poète officiel, il a dit des choses profondes. L'ancien président des États-Unis, Abraham Lincoln, a dit ceci:

On ne peut pas devenir prospère en décourageant l'épargne. On ne peut pas renforcer les faibles en affaiblissant les forts. On ne peut pas aider les travailleurs en démolissant le patronat. On ne peut pas promouvoir la fraternité en attisant la lutte des classes. On ne peut pas venir en aide aux pauvres en détruisant les riches. On ne peut pas impunément dépenser plus qu'on ne gagne. On ne peut pas rendre l'homme fort et courageux en lui enlevant toute initiative et toute indépendance. On ne peut pas aider un homme en faisant toujours pour lui ce qu'il peut et doit faire lui-même.

    Tels sont des réflexions profondes que l'ancien président américain a présenté es solennellement. Voilà pourquoi je n'ai pas d'objection à l'idée d'avoir un poète officiel.

    Je me suis demandé qui, au Canada, pourrait devenir poète officiel. J'ai songé à l'ancien ministre des Finances, John Crosbie. Je me rappelle qu'il avait composé un petit poème bien tourné sur Tequila Sheila ou quelque chose du genre. On peut appliquer toutes ces idées aux impôts. Voici un poème sur les impôts:

    

Taxez sa vache et son chevreau,
Taxez son froc et son manteau,
Taxez son blé et son travail,
Taxez cravates et chandail.
Taxez son tracteur et sa mule,
Taxez son pognon et son pécule,
Il faut absolument qu'il y passe,
Taxez son pétrole et son gaz;
Saignez-le à blanc; arrangez-vous
Pour qu'il n'ait plus un sou.
S'il braille, allez-y plus fort;
Taxez-le à mort.
Taxez son cercueil et sa tombe,
Taxez la terre qui lui fait de l'ombre.
Et comme épitaphe, inscrivez:
«Je suis mort d'avoir été trop taxé.»
Et même là, point de repos;
Car sa succession on taxera bientôt!

    On peut s'exprimer de bien des façons. J'ai été sérieux, j'ai été frivole, mais c'est une des merveilles de la langue anglaise de nous permettre de communiquer ainsi les uns avec les autres.

    Ma position sur le projet de loi sera fonction de ce que je comprendrai de la manière dont tout s'imbriquera, du genre de ressources dont aura besoin cette personne pour faire son travail et, je suis sérieux, de ce que nous serions en mesure de faire au sujet des avantages et du défi que représente l'existence du français et de l'anglais au Canada, sans parler du défi que cela représenterait pour un poète officiel. J'aimerais comprendre comment cela fonctionnerait. Ce n'est pas une question péjorative. C'est une véritable question.

    Comme le 11 novembre approche, je vais conclure mon intervention en lisant un poème écrit par Rosanna Anselmo, l'une de mes électrices. Cela tombe bien car il fait partie d'une magnifique chanson très mélancolique qu'elle chante pour nous dans ma circonscription le Jour du souvenir. Je ne vais pas la chanter, mais voici les paroles:

  +-(1750)  

    

Nous sommes l'autochtone qui danse au son des tambours.
Nous sommes l'Inuit--le Métis--Notre patrimoine est vivant.
Nous sommes le français--Nous sommes l' anglais. Nous sommes la langue de beaucoup.
Ne perdons pas de vue ce qui doit être.
Prêtons l'oreille et écoutons!

Nous sommes l'agriculteur aux mains rugueuses qui travaille son champ!
Nous sommes le mineur qui arrache ses richesses à la terre d'un mouvement incessant.
Nous sommes le bûcheron la scie au dos et le pêcheur sur l'eau.
Nous sommes les multitudes laborieuses et généreuses.
Nous sommes la main tendue!

Ensemble nous sommes une nation.
Ensemble nous sommes puissants, nous sommes forts!
Canada, notre patrie, création merveilleuse, tu es à nous!

Nous sommes les enfants, écoutez notre chant.
Nous sommes jeunes et nous avons beaucoup à apprendre de nos parents.
Que la sagesse de ceux qui ont vécu et appris à voir,
soit nos yeux pour discerner ce qui doit être.
des yeux pour voir!

Nous sommes des races différentes--qui marchent main dans la main!
Une symphonie de peuples--tous vibrant dans un seul pays!
Que nos voix se fondent--chantons en harmonie!
Canada, un seul pays, une terre unie!

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas sans intérêt que je prends la parole aujourd'hui sur un projet de loi émanant de l'autre Chambre, initialement parrainé par la députée de Notre-Dame-de-Grâce--Lachine et repris par la députée de Saint-Lambert, que je salue.

    Ce projet de loi très court veut modifier la Loi sur le Parlement en créant la fonction de poète officiel du Parlement. Quelle belle idée vraiment, et je peux comprendre qu'un tel projet séduise le Canada puisqu'il est dans la foulée des traditions anglo-saxonnes. Ce qui est, ma foi, une raison largement suffisante pour bon nombre de parlementaires de cette Chambre de l'avaliser avec fierté.

    Pourtant, le Bloc québécois n'appuiera pas cette brillante initiative. Ce sera un autre exemple de la différence de regard posé par les deux solitudes sur un même objet.

    Pour nous opposer au projet de loi S-10, nous nous sommes posé trois questions. La première: qu'est-ce que la poésie et quel est le rôle du poète? La deuxième: la liberté est-elle le bien le plus précieux du poète? Enfin, la troisième: la valeur d'un poète peut-elle être monnayée?

    Qu'est-ce que la poésie et quel est le rôle du poète?

    Après avoir lu très attentivement les allocutions prononcées tant au Sénat qu'à la Chambre des communes, force m'est de reconnaître qu'à la suite de ces lectures, je ne sais pas ce qu'est la poésie, et encore moins le rôle du poète dans la vraie vie. Histoire de savoir s'il y a une quelconque corrélation entre ces réalités qui transcendent le Parlement, on en conviendra, et l'objet du projet de loi S-10, j'aurais pu concocter une définition de mon cru. Toutefois, compte tenu du sérieux de l'affaire, j'ai cru plus sage de consulter mon ami Robert, le petit, à la rubrique «Poésie».

    Voici ce que j'y ai appris: «Poésie: art du langage visant à exprimer ou à suggérer quelque chose par le rythme, l'harmonie et l'image.»

    Ciel, comment un poète pourra sérieusement essayer d'exprimer de façon poétique le rythme du Parlement, son harmonie, mieux encore son image? Mais qu'à cela ne tienne. Ayant la rigueur à coeur et la poésie et les poètes en très haute estime, je suis allée consulter un grand poète, qui a été aussi un grand parlementaire. Pour ne rien vous cacher, j'ai consulté Victor Hugo. Tous reconnaîtront que cela vaut au moins la peine d'écouter: «Le poète ne doit avoir qu'un modèle, la nature, qu'un guide, la vérité.»

    À l'en croire, le poète du Parlement devrait exprimer la vraie nature du Parlement! C'est une tâche titanesque et les chances sont grandes qu'il vaut mieux s'atteler à d'autres travaux, comme par exemple exprimer la vraie nature de Bernadette et suivre en cela la recommandation de Guillaume Apollinaire: «On peut être poète dans tous les domaines: il suffit que l'on soit aventureux, et que l'on aille à la découverte.»

    Cette aventure extraordinaire à laquelle Apollinaire convie le poète peut-elle vraiment avoir comme objectif le Parlement et sa verte ou blanche colline, dépendant des saisons?

    La seconde question est celle qui me préoccupe le plus: est-ce que la liberté est le bien le plus précieux du poète?

    Je sais que pour moi, la liberté est mon bien le plus précieux et il ne manque pas d'exemples de gens qui ont choisi de mourir pour la liberté.

    Qu'en est-il des poètes? Certains et des plus grands ont croupi dans des prisons pour défendre la liberté. Emprisonnés, ils n'en étaient pas moins libres. Qui peut me nommer un seul poète qui aurait accepté de troquer la liberté contre de l'argent ou contre le pouvoir? Honnêtement, je n'en vois pas.

    Il est vrai que le projet de loi S-10 confierait au poète officiel la lourde responsabilité d'écrire des poèmes qui seraient lus au Parlement à l'occasion de cérémonies officielles.

  +-(1755)  

    Peut-on en conclure que «officiel» signifie non partisan? C'est bien possible. Mais comment ne pas imaginer que de se retrouver promu au poste de poète officiel du Parlement pour deux ans n'aura pas comme conséquence obligée de créer des entraves qui, insidieusement, limiteront la parole ultérieure et lui donneront un sérieux biais.

    Comment être libre quand le choix du poète officiel résultera d'une décision arrêtée sur la suggestion d'un petit nombre de personnes dont la nomination de certaines résulte de nomination politique? Comme dit l'adage populaire: «On ne mord pas la main qui nous nourrit.». «C'est élémentaire, mon cher Watson.»

    Je fais le pari de croire que les membres dudit comité n'auront pas l'embarras du choix, car bien peu nombreux seront ceux et celles qui accepteront de troquer leur liberté de poète pour être mis en nomination. J'ai peine à m'imaginer sans rire que Fernand Ouellette, Michel Garneau, Gilles Vigneault ou encore Michèle Lalonde ou Anne-Marie Alonzo puissent dire oui à une offre si alléchante.

    Ce ne sont là que mes prétentions, et l'on comprendra alors facilement que je n'ai aucun problème à souscrire au texte suivant: «L'art n'a que faire des lisières, des menottes, des bâillons; il vous dit: Va! Et vous lâche dans ce grand jardin de poésie, où il n'y a pas de fruit défendu». C'était un extrait de la préface des Orientales, signé Victor Hugo.

    La dernière question est finalement la plus simple: la valeur d'un poète peut-elle se monnayer? Ma réponse est claire et sans équivoque: la valeur d'un poète ne peut se monnayer, car la poésie, c'est l'âme d'un peuple, c'est la conscience de la beauté et la révolte contre l'injustice; c'est la joie, c'est le chagrin, la douleur exprimés en mots.

    La poésie nous renvoie notre propre image; c'est pourquoi son prix est inestimable. Le projet de loi l'a fort bien compris, puisqu'il ne semble pas que la détermination des émoluments du poète du Parlement puisse être responsable d'un quelconque déficit. D'autant que l'on pourrait y ajouter quelques bouteilles de «vin de glace». Il faut dire qu'avec le foie gras ou le Roquefort, c'est tout à fait délectable.

    Qui sait, peut-être qu'un tel cadeau pourrait entraîner la création d'un autre Bateau ivre ou encore d'une autre Romance du vin. Pour y croire, il me faudrait, à moi aussi, quelques bouteilles de «vin de glace» et encore. Plus j'y pense, plus il m'apparaît évident que le poète officiel du Parlement se retrouvera dans une drôle de galère, sinon dans une drôle de cave. Alors, pourquoi ne pas lui donner de la compagnie? À quand le danseur et le musicien officiels du Parlement, d'autant plus que la danse, comme la musique, ont comme art l'énorme privilège d'être sans paroles.

    Bien sûr, le poète s'en trouvera désavantagé, défavorisé, lui qui utilise les mots dans un pays bilingue et multiculturel. L'affaire n'est pas simple, sauf que j'ai trouvé une solution: il s'agira de trouver le rockeur officiel du Parlement. Qui n'a jamais entendu un chanteur dont on ne peut reconnaître la langue dans laquelle il chante?

    Je termine sur quelque chose d'un peu plus sérieux, une courte réflexion. Si l'on croit important de donner aux poètes la reconnaissance qu'ils méritent, qu'on prenne au Parlement des mesures pour leur reconnaître le droit de vivre décemment.

    Puisque leur rôle est essentiel, pourquoi ne pas garantir que leurs premiers 30 000 $ de revenu seront exempts d'impôts ou encore pourquoi ne pas abolir les taxes fédérales sur les livres?

  +-(1800)  

    Il faut une volonté politique réelle et personne n'aura la naïveté de croire que la nomination d'un poète officiel du Parlement fera oublier l'incurie du gouvernement à l'égard de nos artistes.

    Ce projet de loi fait la démonstration non équivoque qu'il est plus facile de tenter d'assujettir nos créateurs, que de les traiter avec respect.

[Traduction]

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD): Madame la Présidente, avant d'exprimer mon point de vue au sujet du projet de loi, je désire faire des observations concernant l'intervention de l'oratrice précédente. Je ne vois rien de répréhensible à ce que le Bloc n'appuie pas le projet de loi. Je ne sais pas non plus si mon parti va l'appuyer. Ses premières observations m'ont légèrement perturbé parce qu'elle a mentionné que cette idée séduira davantage les poètes du Canada anglais que les poètes du Canada français.

    Il y a eu des écrivains et des poètes francophones remarquables, et peut-être faudra-t-il un poète pour créer une vision du Canada dans le cadre de laquelle les députés du Bloc, les autres députés et les Canadiens réussiront à se sentir égaux au sein de cette grande nation qu'est la nôtre car, comme on le dit toujours, la plume est plus puissante que l'épée. Nous ne devrions pas, par dépit, nuire à nos propres intérêts.

    Lorsque le projet de loi a initialement été présenté à la Chambre le 24 avril, si je ne me trompe pas, j'en ai alors parlé en empruntant un mode d'expression que certains qualifieraient de poésie. Je ne sais pas si c'était vraiment de la poésie, mais mon allocution prenait la forme de vers. Il y a deux constatations intéressantes à ce sujet.

    Ainsi, parce que je m'étais exprimé de la sorte, on m'a réservé davantage d'attention qu'à l'occasion de n'importe quel autre de mes interventions à la Chambre. Nous avons abordé bon nombre de questions qui sont importantes pour mon district, pour ma province et pour mon pays. Toutefois, sans doute parce que j'avais fait quelque chose de différent, les médias étaient plus nombreux à s'intéresser à cela qu'aux autres sujets plus importants. Je ne sais pas trop ce que cela laisse entendre au sujet du poème ou, par ailleurs, au sujet de ce à quoi les médias s'intéressent vraiment.

    C'était le printemps. C'était une période où, comme on le dit, un jeune homme se met à penser à l'amour. Je n'essaie pas de dire que je suis un jeune homme, mais peut-être que les collègues de mon parti seraient considérés comme tels. L'été s'annonçait, l'herbe reverdissait et les fleurs s'épanouissaient. Nous pensions à l'été qui était à nos portes et nous pensions à le partager avec nos familles. Tout le monde semblait être bien disposé, de sorte que nous pouvions prendre le temps d'écrire un tel poème et d'être un peu moins sérieux à la Chambre. C'était une période où, lorsque nous rencontrions nos amis, nous leur faisions un sourire et leur disions bonjour. C'était une période où, lorsque nous rencontrions des étrangers, nous leur faisions un sourire et leur parlions. C'était avant le 11 septembre.

    Depuis, les choses ont profondément changé. Aujourd'hui, je voulais faire des vers pour parler du projet de loi, mais il est extrêmement difficile d'être frivole dans des temps aussi difficiles. Je ne peux tout simplement pas m'arrêter à des choses qui ne semblent pas importantes, alors que tant de questions sont importantes. Comme mes collègues du Bloc qui n'appuient pas le projet de loi, je ne suis pas convaincu que le moment soit approprié pour parler de quelque chose qui n'est peut-être pas très significatif par rapport à ce dont nous sommes saisis jour après jour.

    Je disais que, l'an dernier, l'air printanier nous invitait à regarder nos amis, à leur sourire et à leur parler. Nous n'en étions pas à les regarder avec un oeil inquisiteur, vérifiant la couleur de leur peau, nous demandant où ils allaient ou ce qu'ils avaient dans leurs poches. Le monde n'est plus ce qu'il était au moment où nous avons parlé de ce projet de loi la première fois. Nous pourrions nous demander si, justement en raison de la tragédie du 11 septembre, nous n'avons pas besoin d'un poète pour immortaliser les événements de manière à ce qu'ils restent gravés à jamais dans nos mémoires?

  +-(1805)  

    Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Je pense à un poème écrit par un grand poète terre-neuvien, E.J. Pratt, qui a écrit des merveilles, selon moi. Un de ses poèmes s'intitule Érosion. Je prends peut-être quelques libertés, mais en gros, voici ce poème:

    

Un millier d'années durant
La mer a poli inlassablement
Les contours graniteux de cette falaise
En pics, en reliefs, en escarpements.

Une nuit en une heure seulement
En une petite heure de grand vent
La mer a vite imprimé sa sculpture
À jamais sur le visage d'une femme.

    Nous connaissons tous la puissance de la mer et les deuils qu'occasionnent parfois les tempêtes. Nous pouvons imaginer l'effondrement d'une famille qui apprend que la mer a englouti l'un des siens.

    Je me suis demandé si nous avions besoin d'un poète pour nous rappeler la tragédie du 11 septembre. Je ne crois pas, parce que l'image de ces avions percutant les deux tours géantes restera à jamais gravée dans nos mémoires. Ces visions d'horreur sont impérissables. Aucun poète ne pourrait nous en restituer le souvenir.

    Je ne sais pas s'il s'est produit d'autres événements que les poètes sauraient mieux décrire. Certes, au fil des ans, les poètes ont sauvegardé la mémoire de certains événements historiques. En fait, une bonne partie de notre histoire a été traduite en poèmes, mais avons-nous besoin d'attribuer cette fonction à une personne en particulier? Nous n'avons pas eu à désigner E.J. Pratt ou Robert Service. John McCrae n'avait pas été nommé poète officiel lorsqu'il a écrit Au champ d'honneur. Ces gens ont réagi à ce qui les interpellait, aux événements de l'époque qui importaient tant à leurs yeux. Ils ont exprimé leurs sentiments en strophes afin que jamais ils n'oublient et que jamais nous n'oubliions.

    J'ai lu les oeuvres de Seigfried Sassoon, un poète britannique. Un de ses poèmes évoque un peu les événements du 11 septembre, car il y décrit le souvenir de la guerre, de ses effets et du choc qu'il n'oubliera jamais. Dans une partie du texte intitulé La tranchée, un lieu où les soldats se réfugiaient durant la guerre, il dit à un jeune soldat:

    

Je te secoue, je te réveille et tu te demandes pourquoi;
Somnolent, tu tournes la tête, tu marmonnes et tu soupires....
Tu es trop jeune pour à jamais t'endormir;
Et lorsque tu dors un peu, je vois la mort en toi.

    Voilà des mots puissants qui donnent froid dans le dos. Nous n'avons pas oublié les horreurs de la guerre, grâce à des poèmes comme celui-là et comme ceux de John McCrae et de Robert Service, qui a écrit bien d'autres textes que son fameux poème sur le Yukon.

    Notre société cache de très nombreux poètes qui savent relever le défi et réagir aux grandes occasions sans qu'il soit nécessaire de leur dire qu'ils peuvent ou ne peuvent pas écrire à ce sujet, car nous avons confié ce travail à un poète officiel. Comme quelqu'un l'a dit déjà, je crois que nous pourrions violer les droits des poètes, de l'entreprise privée si l'on veut s'exprimer ainsi. À l'heure actuelle, tous les poètes peuvent relever le défi.

    À la fin de mon poème original, j'ai mentionné que notre jury ne s'était pas encore prononcé. Nous déciderons à la fin du débat si nous appuierons le projet de loi. Je crois que nous avons au Canada d'excellents poètes et je ne suis pas convaincu qu'il faudrait en choisir un pour les occasions spéciales alors qu'il en est qui pourraient produire une oeuvre bien supérieure. Nous ne devrions pas faire obstacle aux capacités de ces gens.

  +-(1810)  

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente:

    

I had rather hear a brazen canstick turn'd...
Or a dry wheel grate on the axletree,
And that would be me teeth nothing on edge,
Nothing so much as mincing poetry.

    Même si je suis très heureux d'avoir l'occasion de citer Shakespeare à la Chambre, je suis consterné de devoir être en même temps en désaccord avec le poète, ou peut-être avec ce que dit son personnage qui affirme qu'il préférerait entendre n'importe quel bruit grinçant que d'entendre de la poésie. Cette strophe d'Henri IV, acte 3, scène 1, reflète une vue de la poésie tout à fait contraire à ce qu'on propose dans le projet de loi S-10.

    Je suis content de pouvoir parler aujourd'hui du projet de loi S-10, qui modifierait la Loi sur le Parlement du Canada pour créer le poste de poète officiel du Parlement.

    Il me semble que, à de nombreuses occasions, des poèmes ont immortalisé des événements historiques. Contrairement à ce qu'a dit notre collègue conservateur, cela s'est produit à de nombreuses reprises. Je pense par exemple à la déportation des Acadiens.

    Aurions-nous aujourd'hui une compréhension ou une mémoire aussi vive de cet événement, qui s'est produit il y a si longtemps, sans le poème Évangéline de Longfellow qui l'a si bien immortalisé? Est-ce que nos descendants vont, dans 200 ou 300 ans, se rappeler des événements du 11 septembre aussi bien que nous? C'est évident, comme notre collègue l'a dit, que nous n'oublierons pas ces événements; ils sont marqués à jamais dans notre esprit, dans notre coeur et dans notre mémoire, mais jusqu'à quand nos descendants s'en rappelleront-ils?

    Les poètes ont un rôle à jouer pour ce qui est d'aider à transmettre ces événements et à souligner et immortaliser pour tous l'importance qu'on doit y attacher et les leçons qu'on doit en tirer.

    Il me semble que la poésie a un rôle à jouer dans nos vies de tant de façons. Ce qui me frappe c'est que, même si ce n'est pas simplement un poète officiel du Parlement qui pourrait présenter des poèmes pour des occasions en particulier, rien dans le projet de loi ne laisse entendre que d'autres poètes ne pourraient pas présenter des poèmes. Seul le temps nous dira quels poèmes survivront à l'épreuve du temps, seront transmis aux autres générations et auront des messages et une force durables.

    Le poète officiel dont on propose la nomination serait chargé de rédiger des oeuvres de poésie aux fins des cérémonies officielles du Parlement. Il ou elle pourrait aussi parrainer des lectures de poésie qui pourraient, espérons-le, avoir un effet apaisant dans cette tourmente où nous évoluons sur la Colline.

    Bon nombre estiment que le Parlement existe pour améliorer les lois du Canada et, partant, l'ensemble de la société canadienne.

    Au fil des ans, de nombreuses idées ont émané de cet endroit et ont contribué à améliorer grandement la vie de nos concitoyens. En fait, le gouvernement a à coeur l'acquisition continue du savoir. Dans cette optique, le poète officiel du Parlement serait un excellent ajout.

    Il me semble tout à fait opportun que le Parlement élargisse son rôle éducatif en désignant un spécialiste permanent qui s'adonnera à la poésie chaque fois qu'on en aura besoin.

    Le projet de loi dont nous sommes saisis propose que le poète officiel soit désigné pour un mandat de deux ans par les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat. Il ou elle serait choisi à partir d'une liste de trois noms soumise par un comité présidé par le bibliothécaire parlementaire et composé par ailleurs de l'administrateur général de la Bibliothèque nationale, de l'archiviste national du Canada, du commissaire aux langues officielles du Canada et du président du Conseil des arts du Canada.

    La nomination d'un poète officiel est une tradition de longue date dans plusieurs autres pays. Le modèle des Parlements, celui du Royaume-Uni, a créé le poste de poète officiel il y a près de 400 ans. En fait, ce poste est une charge royale pratiquement depuis le début.

    Nos voisins, les États-Unis, ont également adopté cette pratique, mais plus récemment. Leur tradition remonte à 1940, mais ils ont bonifié le rôle du poète officiel. Aux États-Unis, le poète officiel est chargé d'accroître l'amour de la lecture et de la rédaction de la poésie dans l'ensemble de la population.

    Au Canada, le poste dont on propose la création est un amalgame des deux.

    Au Canada, il existe déjà un poste de poète officiel dans une province. En Saskatchewan, la magnifique province natale de ma mère, le poste de poète officiel vise à témoigner de l'engagement de la province en ce qui concerne la reconnaissance des artistes et des arts à titre de force vitale de la communauté, une force qui atteint même la vie publique.

  +-(1815)  

    Le rôle du poète officiel de la province est de célébrer les habitants et les lieux de la Saskatchewan. Il ou elle se fait l'expression de la culture de la province, assiste aux manifestations publiques, participe aux fêtes de la province et écrit des poèmes sur l'histoire, la beauté, le caractère et le patrimoine de la province et de ses habitants. Nous pensons qu'il est de mise que le Parlement ait aussi son poète.

    Je suis d'autant plus heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur cette question que ma propre grand-mère, Rose Greene de son nom de jeune fille, devenue plus tard Rose Regan, était poète à Terre-Neuve, sa province natale Ses poèmes ont été publiés à Terre-Neuve dans des revues littéraires durant et après la Première Guerre mondiale. Elle aimait lire des recueils de poésie et écrire des poèmes. Ses poèmes traitaient de ses expériences à Terre-Neuve. C'est ce que fait la poésie. La poésie est une fenêtre ouverte non seulement sur les individus, mais aussi sur les groupes culturels, l'ensemble des Canadiens et toutes les régions. Elle traite de nous, de nos expériences d'une façon unique.

    Beaucoup de Canadiens connaissent un poète, que ce soit parmi leurs proches ou dans la communauté. Le député de Dartmouth est un poète reconnu en Nouvelle-Écosse, notre province natale.

    La poésie, comme beaucoup d'autres formes d'art, n'a pas seulement une importance culturelle, elle a aussi pour effet de rapprocher les gens. Les poètes se font l'expression de nos convictions et de nos valeurs les plus profondes, surtout en période de fête ou de crise. La capacité de rendre par des mots une idée temporelle mais durable, sérieuse mais passionnante, exigeante mais facile à comprendre, est vraiment un art. Ajouter cet art aux nombreux autres talents que l'on trouve au Parlement du Canada serait un énorme atout. Cela nous aiderait à célébrer notre histoire, notre patrimoine et notre diversité. Après tout, ce sont toutes ces choses qui font de nous de véritables Canadiens.

    J'espère que les députés de tous les partis à la Chambre appuieront comme moi ce projet de loi. Ce n'est pas souvent qu'un projet de loi d'initiative parlementaire aille de l'avant et soit adopté. Il me semble qu'il y a de bonnes chances que ce projet de loi soit effectivement adopté et qu'il ait un impact significatif sur les Canadiens. Il est temps que nous accordions à la poésie la place importante qui lui est due dans notre pays et dans notre société.

    Tous les jours, nous nous en remettons au pouvoir de la communication. Nous utilisons des mots pour nous exprimer. Les mots peuvent être très puissants. Où sont-ils plus puissants que dans la bouche d'un expert, dans la bouche d'un poète?

    Les mots nous inspirent, ils sont pour nous une source de motivation et d'enseignement. La poésie fait pour nous ce qu'aucune autre forme d'écriture ne peut faire. J'espère que tous les députés appuieront cette mesure législative.

  +-(1820)  

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je ne prévoyais pas intervenir au sujet de cette mesure législative, mais après avoir entendu le débat, je n'ai pu résister.

    J'ai beaucoup de respect pour ma collègue qui a présenté cette mesure législative. C'est un projet de loi du Sénat, donc ma collègue agit presque comme messagère. J'apprécie le fait qu'elle ait présenté ce projet de loi parce que cela nous fait réfléchir sur nos valeurs.

    Un collègue de mon parti a fait une déclaration. Je pense que nous pouvons juger par le ton humoristique de son intervention qu'il lui est probablement égal que le projet de loi soit adopté ou non. Il ne s'est prononcé nettement ni pour ni contre cette mesure. Néanmoins, il a eu recours à l'humour et c'est plutôt intéressant. La députée du Bloc québécois pour sa part a combiné l'humour aux objections qu'elle a d'ailleurs exprimées avec assez de vigueur. Nous avons également entendu le député de St. John's-Ouest. Mes collègues ont répondu à la question demandant si nous devrions avoir un poète officiel et j'aimerais ajouter quelques observations personnelles.

    La poésie est l'expression de sentiments qui sont enfouis plus profondément en nous que les simples concepts intellectuels. Je suis mathématicien si on peut dire et je pourrais aider à résoudre certaines équations. Nous pourrions régler certains problèmes mais cela serait quelque peu froid et clinique. Toutefois, si je pouvais exprimer certaines idées en poésie, elles seraient nettement plus profondes. Je suis d'accord avec ceux qui diront que la poésie est une expression de l'âme.

    Mes collègues trouveront peut-être cela amusant à mon sujet, s'ils peuvent se l'imaginer, mais dans le bon vieux temps, lorsque je faisais la cour à la jeune fille qui est maintenant mon épouse depuis 40 ans, j'ai fait de la poésie. Je lui chantais des chansons, croyez-le ou non, qui lui ont beaucoup plu à en juger par les éclats de rire qu'elles provoquaient. La poésie est l'expression de la profondeur de l'âme d'une personne. Cette partie ne me pose aucun problème.

    J'ai cependant beaucoup de mal à concevoir que le gouvernement nomme une personne chargée d'exprimer ce que l'on appelle l'âme canadienne, car je ne crois pas cela possible. Nous n'arrêtons pas de répéter à la Chambre que nous sommes un pays doté d'une grande diversité. Nous avons deux langues officielles. D'un point de vue pratique, je ne suis pas convaincu que nous pourrions trouver une personne au Canada qui parle couramment aussi bien le français que l'anglais, de même, en toute justice, que plusieurs autres langues pour refléter le quart de notre population qui est d'origine ni française ni anglaise. Il est inévitable qu'on ne réussisse pas à exprimer en deux langues, ou plus, la profondeur de ce que nous ressentons comme Canadiens.

    Je vais donc me prononcer très brutalement et dire que je voterai contre le projet de loi tout simplement parce que je crois que son objectif n'est pas réalisable.

    Par ailleurs, j'ai ressenti dans ce débat un sentiment d'irrévérence étant donné les événements qui se sont produits dans notre monde et les craintes que beaucoup de Canadiens éprouvent maintenant. Il me semble frivole et irrévérencieux de parler de la nomination d'un poète par le gouvernement alors que nous sommes confrontés à des problèmes aussi graves et sérieux.

    Je préférerais de beaucoup que l'on accorde plus d'encouragement à nos concitoyens que nous cotoyons tous les jours et qui ont une inclination pour la poésie. Dans ma circonscription, nous avons plusieurs journaux qui publient de temps à autre des poèmes écrits par des étudiants de la région. C'est quelque chose de valable et nous devrions offrir plus d'encouragement à cet égard.

    De plus, je ne pense pas qu'en payant quelqu'un on puisse stimuler sa créativité. Écrire de la poésie, composer de la musique, et je connais plusieurs personnes qui le font, ce n'est pas une chose qu'on peut allumer ou éteindre. Cela se fait au gré de l'inspiration. L'artiste saisit l'inspiration, il rédige un poème ou il écrit un morceau de musique. Cela devient l'expression de ce qu'il ressent vraiment.

  +-(1825)  

    Quand j'écris un poème ou compose de la musique, cela n'a rien à voir avec qui que ce soit d'autre. Cela vient de moi. C'est cette individualité que nous devrions encourager.

    Je vais céder la parole à mon collègue libéral car il voulait lui aussi dire quelques mots. J'en ai assez dit.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi dont la Chambre est saisie. En toute honnêteté, je dois dire que les propos du député de Elk Island me déconcertent. J'estime qu'il est essentiel et important de nous exprimer par la poésie. Je lis beaucoup de poèmes et je constate que ce que nous montre la poésie, c'est l'expression de l'âme d'un être couchée sur papier. Pour moi, c'est quelque chose d'unique et de très particulier.

    Lorsque je pense aux événements du 11 septembre et que je réfléchis à ce qui s'est passé ce jour-là, je trouve un peu de réconfort dans la poésie. Je voudrais prendre le temps de lire un poème qui, à mon avis, touche l'essence même de l'être humain. La poésie offre vraiment un mode d'expression d'une grande sensibilité. Le poème s'intitule Vol à haute altitude.

    

J'ai rompu les lourdes attaches de la terre
et j'ai dansé dans le ciel sur des ailes joyeuses;
vers le soleil je suis monté, trouvant la jubilation
des nuages déchirés de lumière. Et j'ai fait mille choses
que vous n'avez jamais rêvées, m'élançant et tournoyant
très haut dans le soleil et le silence. Planant là-haut,
j'ai poursuivi le vent vif et j'ai lancé
mon oiseau plein d'ardeur sous les voûtes de l'air.
Toujours plus haut dans le bleu délirant qui enflamme,
j'ai chevauché les hauteurs du vent avec aisance
là où jamais l'alouette ni l'aigle n'atteignirent.
Et tandis que dans le silence serein j'ai touché
le grand espace sacré, inviolé,
j'ai tendu la main et effleuré le visage de Dieu.

    En ce jour fatidique à New York, voilà quelles réflexions m'ont porté, moi qui me trouvais à Saskatoon.

    La poésie occupe une place spéciale dans nos vies, unique pour chacun de nous. J'estime qu'il est très important pour tous les Canadiens que nous ayons quelqu'un qui essaie de traduire l'âme canadienne. Cela peut aider à nous définir, à faire ressortir notre diversité. Je suis tout à fait favorable à la création d'un poste de poète officiel.

    Je dirai à mon collègue de Elk Island que nous devons envisager la possibilité que notre poète officiel ne soit pas nécessairement bilingue. Nous pourrions avoir un poète francophone pendant deux ans et un poète anglophone pendant les deux années suivantes. Il se peut fort bien que le poète ne soit pas bilingue.

    Je ne crois pas que ce soit une raison pour jeter le bébé avec l'eau du bain. Il nous faut réfléchir à ce qu'un poète, qui embrasse notre pays dans son ensemble, peut exprimer au sujet de certains événements de notre histoire.

    À considérer aujourd'hui ce qu'on nous propose, je ne vois rien de mal à écrire de la poésie, surtout à l'intention du Parlement et pour des occasions officielles, et à parrainer des lectures de poèmes. À mon sens, c'est très important et même vital pour le Parlement et le pays, pour l'édification de tous.

    Je suis heureux d'avoir eu quelques minutes pour m'exprimer sur la question. Je vais certainement appuyer le projet de loi.

  +-(1830)  

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée, et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

-Motion d'ajournement

[Ajournement]

*   *   *

    L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

*   *   *

[Français]

+-Le projet Tokamak

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Madame la Présidente, on va quitter le terrain et les propos un peu plus éthérés pour revenir à des propos plus terre-à-terre.

    Le 7 mai dernier, j'interrogeais de nouveau le ministre des Ressources naturelles au sujet de la décision inqualifiable de son gouvernement d'abandonner le projet Tokamak de Varennes.

    Nous n'avons d'ailleurs jamais cessé de nous interroger sur les motifs réels qui avaient pu amener le gouvernement fédéral à retirer unilatéralement sa contribution annuelle de 7,2 millions de dollars à ce qui constituait alors le plus important projet de recherche et développement en matière énergétique au Québec.

    C'était d'autant plus étonnant que le gouvernement fédéral s'apprêtait à signer le protocole de Kyoto, par lequel il s'engageait à réduire de 6 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre au Canada d'ici 2010-2012. Or, la recherche sur la fusion magnétique devrait éventuellement permettre la production d'une forme d'énergie propre, abondante, sécuritaire et respectueuse de l'environnement.

    Le gouvernement fédéral avait tout d'abord justifié cette décision inique par des considérations d'ordre budgétaire, ce qui pouvait sembler, du moins en apparence, tout à fait défendable en 1994. C'était toutefois sans compter le fait que le gouvernement fédéral récupérait facilement, en recettes fiscales, son investissement annuel au projet et que le Canada était aussi gagnant en termes de retombées technologiques.

    C'était sans compter, également, les dizaines de millions de dollars qui ont été investis, à même les fonds publics, dans le projet lui-même et la formation des spécialistes en fusion nucléaire, qui n'ont eu d'autre choix, par la suite, que de s'expatrier pour pouvoir mettre leur savoir et leurs compétences à contribution.

    C'est donc dire que cette décision ne constituait vraiment pas une grande démonstration de gestion judicieuse des fonds publics. Qui plus est, les arguments d'ordre budgétaire qui étaient alors invoqués par le gouvernement fédéral apparaissent aujourd'hui complètement déconnectés et même déplacés, sachant que ce dernier a accumulé dans ses coffres, depuis 1997, quelque 40 milliards de dollars de surplus.

    Ce qui est le plus sordide et inacceptable dans cette histoire, c'est la duplicité manifeste et éhontée du gouvernement fédéral. En effet, celui-ci contribue aux activités d'un consortium faisant la promotion d'un site en Ontario pour l'établissement du mégaprojet international ITER, évalué à quelque 12 milliards de dollars, et qui prévoit la construction du plus important réacteur de fusion magnétique au monde.

    Le Québec aurait eu d'excellentes chances d'attirer ce projet sur son territoire, puisqu'on y retrouvait déjà toutes les installations et l'expertise nécessaires pour réaliser un tel mandat. Mais la présence à Varennes d'un noyau important de compétences scientifiques et d'installations de très haut niveau en la matière aurait rendu virtuellement impossible la promotion d'un autre site pour l'établissement du projet ITER au Canada.

    Le ministre a contesté le fait que le gouvernement fédéral ait injecté, comme je l'affirmais, des millions de dollars dans le consortium ayant pour objectif d'attirer le projet ITER en Ontario. C'est plutôt un million de dollars sur trois ans, a-t-il affirmé, que le gouvernement fédéral versera au projet. 

    Il me répugne de devoir faire ce genre de révélations en cette Chambre, mais devant le manque flagrant de transparence du ministre, j'y suis malheureusement contraint, et ce, dans l'intérêt public. L'ex-ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne, aujourd'hui démarcheur pour le consortium ITER Canada, m'a bel et bien fait état d'une contribution fédérale de l'ordre de trois millions de dollars. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le gouvernement semble avoir quelque chose à cacher dans ce dossier, et pour cause.

    Comment, en effet, le gouvernement fédéral peut-il décemment prétendre que la fusion nucléaire ne fait plus partie de ses priorités et, de ce fait, couper définitivement les vivres au projet Tokamak de Varennes, pour ensuite investir, ne fut-ce qu'un seul million de dollars, dans un projet de fusion nucléaire beaucoup plus important, mais cette fois en Ontario?

    Le véritable scandale dans cette affaire, c'est la duplicité et les doubles standards de ce gouvernement au profit de l'Ontario qui constitue, en sera-t-on surpris, sa principale assise électorale.

  +-(1835)  

+-

    M. Benoît Serré (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Madame la Présidente, il me fait plaisir de répondre à l'honorable député de Verchères--Les-Patriotes au nom du ministre.

[Traduction]

    La contribution du gouvernement du Canada au projet Iter ne s'élève pas à des millions de dollars. Le gouvernement a plutôt décidé de verser à ITER Canada un million de dollars sur trois ans, et non pas 3 millions de dollars, pour aider l'entreprise à répondre à l'appel d'offres et à situer le projet en territoire canadien. Le financement fédéral vient à échéance à la fin du mois de mars 2002.

    Je rappelle que ces fonds ne sont pas destinés à la recherche sur la fusion nucléaire. ITER Canada dispose d'un budget annuel de 5 millions de dollars. La contribution du gouvernement fédéral vise à aider ITER Canada à assumer ses dépenses d'exploitation tandis qu'elle prépare son offre. En outre, ITER Canada s'est engagée à ce que sa proposition n'implique pas des financements fédéraux pour la construction, l'exploitation et le déclassement du projet.

[Français]

    ITER Canada entend financer sa part du projet grâce à des contributions et à des prêts du secteur privé, à une somme de 300 millions de dollars du gouvernement de l'Ontario, ainsi qu'aux revenus tirés des installations et des services fournis au projet. ITER Canada est convaincu qu'il peut financer sa contribution au projet et obtenir le projet pour le Canada sans aucun financement de la part du gouvernement fédéral.

    La contribution du gouvernement consiste à aider ce consortium à but non lucratif du secteur privé à établir ce projet international au Canada. Ce consortium regroupe des organisations prestigieuses du Québec, telles que SNC-Lavalin et l'Institut national de recherche scientifique.

    De 1981 à 1997, le gouvernement fédéral a consacré quelque 155 millions de dollars à la recherche sur la fusion et à des activités connexes. De cette somme, 109 millions de dollars, soit 70 p. 100, ont été investis au Québec, et les 48 millions de dollars résiduels en Ontario.

    Le gouvernement du Canada s'est vu prié de continuer à assurer que ITER Canada garde accès au processus de soumission. À cette fin, le gouvernement a donné son accord de principe à l'effet d'offrir un site canadien aux parties internationales d'ITER, soit l'Union européenne, le Japon et la Russie, pour effectuer la recherche sur la fusion.

[Traduction]

    Au vu des avantages sur le plan de l'infrastructure et des coûts que présente le site canadien de Clarington, en Ontario, par rapport à d'autres sites étrangers en concurrence, le Canada a de bonnes chances de remporter le marché. Une décision à ce sujet sera prise par les parties prenantes du projet ITER probablement vers la fin de 2002.

[Français]

    Si les parties d'ITER devaient opter pour un site canadien, les retombées se traduiraient par des emplois pour des Canadiens compétents dans le domaine de la recherche, des possibilités en termes d'équipement, de services d'ingénierie et de construction au Québec et en Ontario, ainsi que dans l'Ouest canadien et le Canada atlantique.

    Selon les estimations d'ITER Canada, l'octroi du projet au Canada se traduirait par des achats de biens et de services canadiens de l'ordre d'environ un milliard de dollars au cours de la période de construction étalée sur dix ans, et de trois milliards de dollars tout au long de la phase opérationnelle d'une durée de 20 ans. ITER Canada estime par ailleurs que le projet créera au Canada, en termes d'emplois directs et indirects, dont plusieurs milliers au Québec, quelque 68 000 équivalents à temps plein.

[Traduction]

    Enfin, si le projet doit être réalisé au Canada, l'étude d'impact sur l'environnement dont il fera l'objet devra satisfaire aux critères de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et de toutes les autres lois et réglementations environnementales.

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron: Madame la Présidente, je pense que je serais vraiment mal placé pour contester, de quelque façon que ce soit, les valeurs, les vertus de la fusion nucléaire et de la venue au Canada du projet ITER.

    Là n'est pas l'objet de mon intervention. Mais je trouve pour le moins ironique que, après avoir fait fermer le Tokamak de Varennes, après avoir coupé son investissement annuel de 7,2 millions de dollars au Tokamak de Varennes, le forçant ainsi à fermer, tout à coup, le gouvernement découvre les vertus de la fusion nucléaire.

    Après avoir, au dire du secrétaire parlementaire, investi plus de 120 millions de dollars dans la fusion nucléaire au Québec et en Ontario, tout à coup, on coupe tout, on dit que ça ne fait plus partie des priorités, et quelques mois plus tard, une fois que le Tokamak de Varennes est définitivement fermé, on redécouvre les vertus de la fusion nucléaire, des retombées technologiques et des retombées économiques de la fusion nucléaire pour le Canada.

    Curieusement, on annonce maintenant que le projet ITER doit s'établir en Ontario. Il est quand même étonnant que le gouvernement ait attendu que le Tokamak soit fermé pour qu'on découvre que la fusion nucléaire avait ses vertus.

    C'est ce que je remets en question et je ne crois pas que le secrétaire parlementaire ait réussi, d'aucune façon, dans sa présentation à...

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): L'honorable secrétaire parlementaire a la parole.

  +-(1840)  

+-

    M. Benoît Serré: Madame la Présidente, on sait tous que les députés du Bloc québécois aiment jouer aux martyrs et déchirer leur chemise.

    Le député doit comprendre que ce nouveau projet ITER n'est pas du gouvernement canadien; c'est un consortium international. Le gouvernement du Canada ne mettra pas un sou dans l'opération internationale de ITER.

    Je dois rappeler au député que le gouvernement du Québec avait le même choix que le gouvernement de l'Ontario et l'Ontario Power Generation. Ils ont décidé de continuer le programme de fusion. Le gouvernement de l'Ontario a investi des sommes d'argent, Ontario Power Corporation a investi de l'argent et les gens du Québec pouvaient faire la même chose.

    Je crois que le député est en train de dire aux gens du Québec qu'il s'oppose à un projet qui créera des milliers d'emplois au Québec, qui est soutenu par SNC Lavalin et l'Institut de recherche du Québec.

    Je pense que le député devrait parler à ses commettants, parce que je suis convaincu que tous les Québécois appuieront ce projet.

*   *   *

[Traduction]

-La Banque de développement du Canada

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je tiens simplement à souligner que c'est une journée historique puisque les nouvelles dispositions du Règlement s'appliquent. C'est une véritable amélioration. Ordinairement, les questions sont écrites à l'avance, tout comme le sont les réponses, et il arrive souvent qu'elles vont à contre-courant. Il est donc très profitable qu'il y ait un certain débat au cours de la deuxième ronde. C'est après tout un endroit où les débats sont censés être indispensables à notre prise de décisions.

    J'interviens aujourd'hui à la Chambre au sujet du rôle du Bureau du conseiller en éthique, le fonctionnaire chargé de superviser l'intégrité et le comportement éthique du gouvernement fédéral et des ministres.

    Le mandat du conseiller en éthique consiste principalement à éviter que les ministres se trouvent en situation de conflit d'intérêts et commettent des abus de pouvoir. En réalité, avant 1993, le gouvernement Mulroney semblait être aux prises avec un si grand nombre de scandales et de conflits d'intérêts qu'un total de neuf ministres ont démissionné à un moment où ils étaient en butte à des soupçons, et c'est le moins qu'on puisse dire.

    À cette époque, en sa qualité de chef de l'opposition, notre premier ministre actuel a été très exigeant à l'endroit des ministres du gouvernement conservateur sur le plan de la reddition de comptes. Dès qu'il y avait une erreur ou un scandale dans un ministère, le premier ministre exigeait la démission du ministre en cause. Voici ce que disait l'honorable premier ministre le 12 juin 1991:

Lorsque nous formerons le gouvernement, tous les ministres du Cabinet que je présiderai devront assumer l'entière responsabilité de ce qui se passe dans leur ministère. S'il y a du gâchis dans un ministère [...] le ministre devra en assumer l'entière responsabilité.

    Cette attitude de responsabilité est reprise dans le programme électoral libéral de 1993. Voici ce qu'on y dit:

Un gouvernement libéral désignera un conseiller indépendant pour émettre des avis à l'intention des titulaires de charges publiques et des groupes de pression sur l'application du code de déontologie. Le conseiller en éthique sera nommé après concertation avec les chefs de tous les partis représentés à la Chambre des communes et fera rapport au Parlement.

    Voyons ce qui s'est passé après les élections de 1993.

    Le conseiller en éthique actuel, Howard Wilson, a été nommé le 16 juin 1994 pour faire enquête concernant des allégations selon lesquelles des ministres et des fonctionnaires supérieurs seraient mêlés à des conflits d'intérêts ou à des activités de lobbyisme, mais il a reçu l'ordre de présenter ses constatations en secret au premier ministre et non en public au Parlement. De plus, on nous dit qu'il exerce ses activités selon un code de déontologie officiel; toutefois, ce code, s'il existe, n'a jamais été rendu public.

    Depuis six ans et demi, le conseiller en éthique n'a trouvé qu'un manquement à l'éthique de la part d'un ministre. L'actuel ministre des Transports a été forcé de démissionner en 1996 de son poste de ministre de la Défense à cause d'une lettre qu'il avait adressée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié afin de faire du lobbying pour un de ses électeurs.

    En dépit de preuves circonstancielles accablantes, le conseiller en éthique a complètement blanchi le premier ministre dans le scandale de Shawinigan. Il a blanchi le ministre des Finances dans l'affaire de la Canada Steamship Lines où des contrats ont été accordés à la Devco, une société d'État, pour le transport de charbon. Il a innocenté la ministre de la Jeunesse, qui était accusée d'avoir utilisé une carte de crédit du gouvernement pour s'acheter un manteau de fourrure. Il a également blanchi un collaborateur du ministre de la Défense, qui a fait du lobbying en faveur d'une entreprise tentant d'obtenir un contrat de 600 millions de dollars de la défense.

    Au mieux, le manque d'indépendance du bureau du conseiller en éthique remet en question la validité de ses constatations. Au pire, nous avons un conseiller en éthique nommé par le premier ministre pour faire respecter l'éthique, mais qui est en fait utilisé par le premier ministre pour blanchir le comportement contraire à l'éthique de son Cabinet.

    Au mois de février dernier, quand l'Alliance canadienne a présenté une motion visant à adopter une proposition de réforme libérale de 1993, à savoir la création d'un poste de commissaire à l'éthique indépendant qui relèverait du Parlement plutôt que des officines du gouvernement, les simples députés libéraux ont voté contre la motion.

    Ma question, qui s'adresse au leader parlementaire du gouvernement, est la suivante. Le gouvernement réformera-t-il un jour le rôle du conseiller en éthique pour que ce dernier soit nommé par le Parlement, qu'il doive rendre des comptes au Parlement et qu'il dispose des moyens nécessaires pour étaler au grand jour les scandales plutôt que de les camoufler?

  -(1845)  

[Français]

+-

    M. Claude Drouin (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Madame la Présidente, la population a rendu son verdict, tout comme le commissaire à l'étique l'a fait, le 27 novembre dernier, à l'effet que, de ce côté-ci de la Chambre, le gouvernement libéral travaille de façon transparente dans l'intérêt de la population.

    Je pense que le processus et la dynamique que nous avons présentement répondent très bien aux attentes de la population. Je le répète, la population a porté un jugement le 27 novembre dernier et cela a été très clair: les gens apprécient la façon de procéder de ce gouvernement.

[Traduction]

+-

    M. Scott Reid: Monsieur le Président, je suppose qu'il faut apprécier cette réponse pour sa brièveté, qui est à peu près sa seule qualité. J'espérais qu'on allait m'expliquer comment le conseiller allait témoigner de sa représentativité et de sa responsabilité au Parlement.

    Je vais me permettre une proposition plutôt qu'une question. On pouvait autrefois penser qu'il fallait une certaine couleur politique pour occuper le poste de président de la Chambre. Or, comme le titulaire de ce poste est élu par scrutin secret, il est universellement respecté pour son impartialité et son respect des règles. Encore une fois, le scrutin secret a été la solution.

    Je suis d'avis que si le conseiller en éthique était élu par scrutin secret par les députés, il bénéficierait du plus grand respect de la part des Canadiens. J'invite le gouvernement à prendre en considération cette possibilité.

[Français]

+-

    M. Claude Drouin: Madame la Présidente, je ne pense pas qu'antérieurement, les Présidents de la Chambre, même s'ils n'étaient pas élus, n'aient pas fait preuve de respect envers les députés des deux côtés de la Chambre.

    Je ne ferai que répéter ce que j'ai déjà mentionné--tout en prenant acte de la proposition du député de l'opposition--à savoir que le processus que nous avons présentement en place répond très bien aux attentes de la population.

[Traduction]

-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): La motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne jusqu'à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

    (La séance est levée à 18 h 48.)