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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 22 avril 2005




¾ 0805
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)
V         Le président

¾ 0810
V         M. Kenneth Narvey (chercheur juridique , Dirigeant responsable des opérations, Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste)

¾ 0815

¾ 0820
V         Le président
V         M. Kenneth Narvey
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         M. Kenneth Narvey

¾ 0825

¾ 0830
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         M. Kenneth Narvey

¾ 0835
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         M. Kenneth Narvey

¾ 0840

¾ 0845
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey

¾ 0850
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         Le président
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Kenneth Narvey
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         M. Kenneth Narvey

¾ 0855
V         Mme Meili Faille
V         M. Roger Clavet
V         M. Kenneth Narvey
V         M. Roger Clavet
V         M. Kenneth Narvey

¿ 0900
V         M. Roger Clavet
V         Le président

¿ 0905
V         M. Kenneth Narvey

¿ 0910
V         Le président
V         M. Kenneth Narvey
V         Le président
V         M. Kenneth Narvey
V         Le président

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Flora Almeida Marlow (présidente, Association nationale des canadiens d'origine indienne)
V         M. Roger Clavet
V         Mme Flora Almeida Marlow

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         Mme Marie-Claire Namroud (directrice générale, Rassemblement Canadien pour le Liban)

¿ 0945
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer

¿ 0950
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Rahim Jaffer
V         Mme Flora Almeida Marlow

¿ 0955
V         M. Rahim Jaffer
V         Mme Marie-Claire Namroud

À 1000
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         Mme Flora Almeida Marlow

À 1005
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Bill Siksay

À 1010
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Bill Siksay
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Bill Siksay
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Bill Siksay
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Marie-Claire Namroud

À 1015
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Lui Temelkovski

À 1020
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         Le président
V         M. Roger Clavet
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         M. Roger Clavet
V         Mme Marie-Claire Namroud

À 1025
V         M. Roger Clavet
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Roger Clavet
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Roger Clavet
V         Mme Marie-Claire Namroud
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Cathal Marlow (à titre personnel)

À 1030

À 1035
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Rahim Jaffer
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Roger Clavet

À 1040
V         M. Cathal Marlow
V         M. Roger Clavet
V         M. Cathal Marlow
V         M. Roger Clavet
V         M. Cathal Marlow

À 1045
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay
V         M. Cathal Marlow

À 1050
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Cathal Marlow

À 1055
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Cathal Marlow
V         M. Lui Temelkovski
V         M. Cathal Marlow
V         M. Lui Temelkovski

Á 1100
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Cathal Marlow
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes)
V         Mme Glynis Williams (directrice, Action Réfugiés Montréal)

Á 1115

Á 1120
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Rivka Augenfeld
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Amy E. Hasbrouck (directrice générale, Centre ressource à la vie autonome de Métro Montréal)

Á 1125
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Amy E. Hasbrouck
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)

Á 1130
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         Mme Glynis Williams
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Glynis Williams

Á 1135
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Rivka Augenfeld
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Meili Faille
V         Mme Amy E. Hasbrouck

Á 1140
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay
V         Mme Glynis Williams

Á 1145
V         M. Bill Siksay
V         Mme Amy E. Hasbrouck
V         M. Bill Siksay
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Glynis Williams
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Glynis Williams
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Glynis Williams
V         M. Lui Temelkovski

Á 1150
V         Mme Rivka Augenfeld
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Glynis Williams
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Glynis Williams

Á 1155
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Amy E. Hasbrouck
V         M. Lui Temelkovski
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 22 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¾  +(0805)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Ladies and Gentlemen, bonjour.

    Nous sommes prêts à commencer. J'allais demander à Mme Faille de dire welcome, mais étant donné qu'elle n'est pas encore arrivée, je vais inviter M. Clavet à souligner notre arrivée dans la belle province.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Bonjour tout le monde. Il me fait plaisir, au nom du Bloc québécois, d'accueillir les témoins et tous les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration à cette séance, afin de poursuivre l'étude en cours.

    Justement, notre vice-présidente adorée, qui se rend à la table des invités, va continuer cette petite introduction, car mon intervention n'était qu'un début.

+-

    Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je suis très heureuse, car je ne serai pas celle, aujourd'hui, qui aura mal aux oreilles. En effet, depuis quelques semaines, j'ai dû avoir recours aux services des interprètes qui nous accompagnent.

    Je voudrais vous souhaiter la bienvenue chez nous. Je viens d'une banlieue de Montréal où je travaille auprès des communautés d'immigrants, des communautés ethno-culturelles de Montréal, depuis plusieurs années. J'ai été élue députée lors de la dernière élection. Il me fait donc plaisir de vous accueillir et de vous entendre.

    Vous avez devant vous un comité qui est très près des communautés. Je crois que nous effectuons un sacré bon boulot. Il est à souhaiter que vos témoignages iront tous dans un beau rapport et que nous aurons le temps de déposer le résultat de nos consultations avant la prochaine élection.

    C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Faille.

    C'est en effet un plaisir pour nous d'être à Montréal, et je suis vraiment ravi de la grande contribution que vous faites au comité. Permettez-moi de dire que je suis très heureux de tous les membres du comité, car je pense que nous avons réussi à nous concentrer de façon très non partisane sur notre travail. C'est le Parlement à son meilleur.

    Monsieur Narvey, vous avez cinq minutes, et vous en aurez peut-être plus encore. Si quelqu'un arrive, vous en avez cinq; si personne n'arrive, vous en avez sept. Cela vous va-t-il? M. Narvey et moi-même remontons loin en arrière dans ce dossier. Nous avons toujours maintenu une très bonne relation cordiale—nous ne sommes pas toujours d'accord, parfois oui, parfois non.

    Monsieur Narvey, allez-y avec votre exposé.

¾  +-(0810)  

+-

    M. Kenneth Narvey (chercheur juridique , Dirigeant responsable des opérations, Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste): Bonjour, tout le monde, et bienvenue à Montréal.

    Je m'appelle Kenneth Narvey. Je suis chercheur juridique et dirigeant responsable des opérations d'une coalition de synagogues de Montréal portant un très long nom. Il s'agit de la Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste—pour faire plus court, je vais parler de la Coalition des Synagogues ou de la coalition.

[Français]

    En français, c'est la Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste.

    Je serai ravi de répondre à vos questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

[Traduction]

    Je vous ai il y a quelque temps envoyé un courriel vous expliquant ce dont je voulais vous entretenir. Nous sommes en faveur d'une loi sur la citoyenneté améliorée. Cela veut entre autres dire qu'il ne devrait plus y avoir de rôle pour le gouverneur en conseil. Le gouvernement devrait être le procureur, mais non pas le juge. Ce devrait être aux tribunaux de s'occuper de façon consolidée de la citoyenneté et de l'immigration.

    Au contraire d'un certain nombre d'autres intervenants, nous pensons que la citoyenneté ne devrait pas être irrévocable. D'un autre côté, il ne faudrait pas qu'elle soit révoquée à la légère. Il y a... Je ne sais trop s'il s'agit d'une invention canadienne, mais cela fait partie du droit canadien, et dans la Loi sur l'immigration et dans la Loi sur la citoyenneté: les considérations humanitaires.

    Ce que nous proposons—et nous avons proposé cela à des éditions antérieures du comité—est qu'il y ait...

    Le président est en train de me prendre en photo. Je pense que je suis sur le point d'être photographié par le président.

    Nous proposons que, comme dans des ébauches antérieures du projet de loi, la citoyenneté soit contestée par une mesure enclenchée par le ministre. Il est important que figure à l'article le mot «en tout temps»—«at any time»—, car s'il ne s'y trouve pas, alors une action est automatiquement légalement prescrite après six ans, et nous nous opposons à toute prescription en vertu d'une loi.

    Si une personne arrive cette année au Canada, après avoir participé au massacre de personnes à Darfur, et ment pour entrer au pays et devenir citoyen canadien, nous ne pensons pas que sa citoyenneté doive être irrévocable après six, dix ou 50 ans, alors il est important que les mots at any time, en tout temps, figurent dans cette disposition de la loi, comme ils figurent dans la Loi sur la taxe d'accise, qui dit que si une personne a trompé les autorités en matière de taxe d'accise, elle peut être poursuivie at any time, en tout temps.

    Nous pensons que la Cour fédérale devrait décider si une personne a obtenu sa citoyenneté par des moyens frauduleux. Si la Cour décide que tel est le cas, elle devrait être amenée, en vertu de la loi, à retirer la citoyenneté, avec une exception. Si la Cour en arrive à la conclusion qu'il y a des considérations humanitaires valables pour lesquelles il ne faudrait pas révoquer la citoyenneté de l'intéressé, alors elle ne devrait pas la révoquer. Si elle décide de révoquer la citoyenneté, elle devrait décider si la personne doit être expulsée. Si elle décide que la loi permet l'expulsion de la personne, alors, là encore, elle devrait déterminer s'il y a des considérations humanitaires valables pour lesquelles il ne faudrait pas que la personne soit expulsée.

    Il devrait y avoir un appel. Nous préférerions un appel avec autorisation afin que les tribunaux puissent décider si vous avez au moins une chance, mais nous pourrions accepter qu'il y ait appel à la Cour d'appel fédérale même sans autorisation. Un appel à la Cour suprême du Canada exigerait bien sûr une autorisation.

    Vous avez tous sur vos bureaux tout un tas de documents que j'ai apportés avec moi ici aujourd'hui. Cela m'ennuie beaucoup d'être désobligeant, mais j'aimerais marquer mon désaccord quant à une chose que dit le comité. Je veux parler de la question de l'apatridie.

    J'ai ici quatre documents. D'aucuns diraient qu'il y en a six. Les deux premiers, en anglais et en français, sont des extraits du rapport de novembre du comité. Il s'agit des trois pages traitant de l'apatridie. Il me faudrait peut-être me reporter à la dernière page. Le comité dit, sous la rubrique Principes directeurs: «Personne ne devrait être privé de sa citoyenneté canadienne si une telle décision devait rendre cette personne apatride». Nous ne sommes pas d'accord. L'apatridie est une infortune, mais ce n'est pas la même chose que d'être torturé; ce n'est pas la même chose que de se faire jeter dans un trou noir.

    Les lois en matière de citoyenneté qui existent de par le monde varient beaucoup d'un pays à un autre. Certains pays, comme la France, disent que si vous venez au Canada et devenez citoyen canadien, vous demeurez citoyen français. D'autres pays, comme la Hollande ou l'Inde, disent que si vous venez au Canada et devenez citoyen canadien, vous perdez alors votre citoyenneté hollandaise ou indienne.

¾  +-(0815)  

    Nous ne voulons pas que le fait d'être Hollandais ou Indien donne le droit d'obtenir frauduleusement la citoyenneté canadienne. Si vous venez d'un pays qui vous retirera votre citoyenneté, si vous pouvez obtenir la citoyenneté canadienne par des moyens frauduleux, alors vous obtenez la citoyenneté canadienne à vos risques et périls.

    C'est votre risque. Si vous décidez de venir au Canada et de mentir pour entrer au pays, pour ensuite dire que l'on ne peut pas vous reprendre votre citoyenneté canadienne, même si vous avez commis des massacres dans votre pays d'origine, étant donné que cela vous rendrait apatride—alors votre problème est avec votre pays d'origine qui ne vous rend pas votre citoyenneté. Il est parfaitement illogique que l'apatridie potentielle serve d'autorisation à mentir, et cela n'est pas du tout exigé par le droit international.

    Le troisième document que j'ai ici est la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, dont le Canada est signataire. Ce que je vous montre ici est le Recueil des Traités. L'anglais et le français y figurent côte à côte. Si vous prenez ce document aux pages 8 et 9, vous verrez l'article 8 qui dit «Les États contractants ne priveront de leur nationalité aucun individu si cette privation doit le rendre apatride».

    Mais il y a une exception au paragraphe 8.2 et tout particulièrement à l'alinéa 8.2b).

[Français]

2. Nonobstant la disposition du premier paragraphe du présent article, un individu peut être privé de la nationalité d'un État contractant;

b) S'il a obtenu cette nationalité au moyen d'une fausse déclaration ou de tout autre acte frauduleux.

[Traduction]

    Je n'ai pas ce document avec moi ici aujourd'hui, mais je me souviens d'avoir trouvé à la bibliothèque du ministère des Affaires étrangères à Ottawa les travaux préparatoires à ce traité, c'est-à-dire la documentation préparatoire qui, en droit international, est utilisée pour interpréter les traités. Le Canada, lors de la conférence au cours de laquelle ce traité a été élaboré, a précisé que, de son point de vue, constitue une fausse déclaration ou un acte frauduleux le fait de dissimuler sciemment des faits essentiels.

    Ce n'est donc pas juste deux choses, c'est trois choses. Quantité de personnes parfaitement innocentes disent qu'elles étaient agriculteurs alors que ce n'était pas le cas, alors qu'ils étaient ouvriers dans la construction ou tailleurs. Nous ne souhaitons pas que toutes sortes de personnes parfaitement innocentes perdent leur citoyenneté. Nous comptons que personne ne va jamais même essayer de leur retirer leur citoyenneté et que les tribunaux diront qu'il ne faut pas être ridicule et que les raisons humanitaires visent à laisser les gens conserver leur citoyenneté. Mais si c'était entre deux criminels de guerre, entre deux personnes dont on pourrait dire qu'elles sont criminelles de guerre, deux personnes appartenant à des unités ayant commis des crimes de guerre, dire que l'on révoquera la citoyenneté de l'un mais pas de l'autre parce que l'un d'eux vient d'un pays qui lui rendra sa citoyenneté ou qui ne la lui a jamais enlevée, mais l'autre pas, serait selon nous une erreur.

    Le document suivant que j'ai ici est enrubanné plutôt qu'agrafé, car je n'ai pas réussi à trouver hier soir une agrafeuse suffisamment grosse pour traverser tout le paquet. Il provient du Recueil des Traités des Nations Unies, volume 360. Cet après-midi, je vais me reporter à d'autres éléments de ce traité, mais si vous voulez bien le prendre aux pages 136-137, vous avez là côte à côte l'article 1, définition du terme «apatride»; le paragraphe 1.2, «Cette convention ne sera pas applicable»; le sous-paragraphe 1.2(iii) «Aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser»; l'alinéa 1.2(iii)a) «Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes».

    Cela vous semblera peut-être familier. Vous êtes tous experts en matière de lois sur la citoyenneté et vous connaissez tous la LIPR. Figurent à la page arrière la LIPR les paragraphes E et F de l'article 1 de la convention sur les réfugiés. L'exclusion qui y figure est identique—les dispositions de la convention sur les réfugiés ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser... des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis un crime de guerre.

    Les deux documents suivants que j'ai, et sur lesquels M. Matas a attiré votre attention à Winnipeg—mais j'ai ici les textes exacts—sont les versions anglaise et française de dispositions sur l'apatridie de la Commission Deschênes. Le juge Deschênes renvoie également à un troisième instrument international, ou peut-être un premier instrument international, dont nous sommes tous très fiers, soit la Déclaration universelle des droits de l'homme. La Déclaration universelle des droits de l'homme dit que tout individu a droit à une nationalité. J'ai une fois tenté de traduire cela. Il y a plus de 100 façons de traduire cet énoncé, alors il ne faut pas le traduire; il faut voir ce qu'il dit. C'est que everyone has the right to a nationality, et nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, mais au Canada nous ne privons arbitrairement personne de quoi que ce soit.

    Le président me fait signe qu'il me faut boucler. Je constate qu'il y a une longue liste d'autres personnes qui souhaitent prendre la parole.

    Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

¾  +-(0820)  

+-

    Le président: Le président vous a accordé 12 minutes.

+-

    M. Kenneth Narvey: Merci.

+-

    Le président: Merci à vous.

    Je pense que nous pourrions entamer une discussion sur certains des points que vous avez soulevés. Si vous permettez que je résume, vous estimez que le processus de révocation de la citoyenneté devrait être fondé sur la prépondérance des probabilités par opposition au doute raisonnable. Voilà donc une question.

    L'autre question que vous soulevez est qu'il ne devrait pas être nécessaire de prouver qu'il y a eu crime de guerre; il devrait suffire de prouver que la personne a agi de façon frauduleuse pour entrer au pays. Vous et moi avons eu cette discussion. La fraude exige une norme criminelle, alors que si vous déclarez une personne coupable de fraude, avec ce que vous proposez, il s'agit d'une norme civile.

    De toutes façons, je vais m'arrêter là, mais ce sont là deux questions dont vous et moi discutons depuis des années.

    Je vais commencer par donner la parole à M. Rahim Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à vous, monsieur Narvey, de votre exposé.

    J'ignore si c'est le président, le recherchiste du comité, voire même M. Narvey qui va devoir tirer cela au clair pour moi, mais à moins que j'aie mal compris, ce que l'on nous dit aujourd'hui est que le Canada est partie à cette entente des Nations Unies au sujet de l'apatridie. C'est ce que dit M. Narvey, mais des témoins que nous avons déjà entendus ont dit que nous n'avons pas signé cet accord.

    Quelqu'un pourrait-il tirer cela au clair pour moi car manifestement c'est...?

+-

    M. Kenneth Narvey: Il y a deux ententes.

    Celle à laquelle nous sommes partie—j'y ai inscrit «2 E & F», et c'est celle qui porte le sceau du Canada, les armoiries du Canada—a pour titre Convention sur la réduction des cas d'apatridie. Cela a été fait à New York en 1961. C'est entré en vigueur en 1975. Le Canada y a adhéré en 1978. Cela vise la réduction des cas d'apatridie. C'est cette convention qui dit que vous pouvez révoquer la citoyenneté si la personne l'a obtenue frauduleusement.

    L'autre document, le gros document épais, est le Recueil des Traités portant le sceau des Nations Unies. Il s'y trouve un traité de 1954, qui est entré en vigueur en 1960. Le Canada n'y est pas partie. Il y a des gens qui pensent que le Canada devrait être partie à ce traité. Le Conseil canadien des réfugiés, notamment, a recommandé cela.

    Lorsque j'ai communiqué avec vous par courriel, inspiré par les présentations très émouvantes soumises au Comité par les Vietnamiens au sujet des Vietnamiens aux Philippines, j'ai dit que je pensais que c'était là une bonne idée, mais qu'il ne faudrait pas attendre d'adhérer à un traité pour aider les Vietnamiens aux Philippines.

    Il y a peut-être un petit problème avec... Je devrais peut-être dire quelques mots au sujet du traité auquel nous n'avons pas adhéré. Tout d'abord, il a pour titre Convention relative au statut des apatrides, alors il ne vise pas la réduction de l'apatridie. Il porte sur la façon dont on doit traiter les apatrides. Son principe général est qu'il ne faut pas réserver aux apatrides un pire traitement que celui que vous accorderiez à d'autres non-Canadiens. Vous traitez un Anglais différemment d'un Canadien; vous traitez un Français différemment d'un Canadien; vous traiterez l'apatride de la même façon. L'apatridie ne signifie pas que vous êtes sans statut, que vous n'êtes pas un être humain, que les gens peuvent vous bousculez comme ils le veulent.

    Il se trouve dans le texte de ce traité un passage qui dit que les pays qui le signent «n'expulseront un apatride se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public». Cela est quelque peu confus et il y a certains pays qui, lorsqu'ils ont signé, ont précisé que dans leur esprit l'expression «se trouvant régulièrement sur leur territoire» ne concernait pas leur territoire. Cela ne veut pas dire vous êtes sur place alors vous pouvez rester. Je dirais que dans une situation dans laquelle il s'agirait d'expulser un Anglais, il devrait également être possible d'expulser un apatride. Si aucun pays ne vous acceptera, alors nous avons bel et bien un problème.

    Mais l'apatridie ne devrait pas pouvoir être utilisée comme bouclier: j'ai le droit de fumer de la marijuana parce que je suis adolescent; j'ai le droit d'acquérir la citoyenneté canadienne et de la conserver en mentant, car autrement je serais apatride. Les apatrides doivent être traités avec respect, comme chacun doit être traité avec respect. Malheureusement, d'aucuns utilisent cela pour dire «Ne me frappez pas, je suis apatride» au lieu de «Ne me frappez pas, je ne devrais pas être frappé».

    Je pense que l'organisation que je représente est en quelque sorte en train de reculer par rapport à l'idée de dire si nous devrions ratifier ce traité. Nous devrions traiter tout le monde de façon juste. Ce traité renferme des choses étranges. Il y a à la fin un document qui a pour objet de servir de genre de passeport—les États contractants devant fournir des titres de voyage aux apatrides—ce qui est une bonne idée. Je suis heureux de voir, à y regarder de près, que l'on n'insiste pas pour dire que les titres de voyage figurant à la fin devraient être le véritable document officiel. C'est une simple suggestion.

    Le document renferme deux choses qui pour moi semblent dépassées. Premièrement, il demande une description de la couleur de la personne, et l'autre aspect est l'emploi des mots «nose/nez». Qu'est-on censé dire au sujet du «nez», je ne sais pas. À l'époque, le nez d'une personne était censé être décrit sur un passeport, mais cela est absurde.

¾  +-(0825)  

    Il me semble donc que si nous adhérions à ce traité et si nous délivrions des titres de voyage, nous ne voudrions pas décrire la couleur et le nez de la personne.

    Étant donné que personne n'est encore arrivé dans la salle, puis-je poursuivre pour faire le lien avec ce qui se passe dans les Philippines, ou bien devrais-je traiter de cela cet après-midi? Je vais le faire tout de suite.

    Une présentation très émouvante vous a été faite par les Vietnamiens. Ils se trouvent aujourd'hui dans la situation qu'ont vécue les Juifs après la Seconde Guerre mondiale—avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale—c'est-à-dire qu'ils essaient d'ouvrir les portes du Canada, et l'organisation dont je suis le porte-parole aimerait faire tout son possible pour aider. Je ne sais pas, mais quelqu'un pourra peut-être me dire si le problème a été réglé. À un moment donné, il semblait que le problème avait été réglé lorsque la communauté vietnamienne a applaudi le ministre. Puis, à la lecture des transcriptions de vos réunions, il est apparu que le problème n'avait pas été réglé, que l'ambassade du Canada aux Philippines créait des difficultés. Le problème a-t-il ou non été réglé?

    Une chose que vous constaterez dans la documentation que je vous ai fournie est que les Philippines ont signé le deuxième traité avec une réserve et ne l'ont jamais ratifié. Cette réserve était que le pays n'était pas certain de pouvoir ouvrir les marchés du travail philippins aux apatrides, et il semble qu'il n'y ait toujours pas de garantie que le marché du travail des Philippines soit accessible aux apatrides. Il semble donc que l'ambassade canadienne aux Philippines, qui dit que les Vietnamiens aux Philippines ont trouvé une solution dans les Philippines, fasse erreur. J'espère sincèrement que l'ambassade arrêtera de créer des problèmes et que ces personnes qui méritent l'aide et la protection du Canada viendront ici.

    Mais j'aurais tendance à penser que les principes contenus dans le deuxième traité sont bons. Certains des détails posent peut-être problème, exigent peut-être que nous émettions des réserves et expliquions.

    Question suivante, s'il vous plaît.

¾  +-(0830)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à Mme Faille.

    Madame Faille.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Je lu vos documents plusieurs fois. Nous avons essayé de nous joindre, mais cela a été impossible: nous sommes trop occupés, d'un côté de l'autre.

    Lorsqu'on étudie l'histoire, on s'aperçoit, en ce qui concerne la définition de war crimes, qu'il y a des gens que l'on considère actuellement comme nos amis et qui, dans quelques mois ou quelques années — qui sait? — peuvent tout à coup devenir oppressifs, indésirables. Le problème actuel est que les choses changent très rapidement.

    Comment fait-on pour déterminer avec une certaine certitude qui sont les bonnes personnes et qui sont les mauvaises personnes?

    Lorsqu'on travaille avec des gens des pays persans ou du Moyen-Orient, le contexte change. Il y a des groupes de ces populations qui veulent renverser les États en place. Il y a un désir de créer des pays séculaires. Comment fait-on pour déterminer cela?

    Actuellement, lorsqu'on se penche sur le cas de certains individus, on trouve qu'il y a des excès dans le domaine des mesures de renvoi. On étiquette les gens comme des criminels de guerre. Or, lorsqu'on regarde les dossiers, l'histoire et leur implication dans les affaires, on constate qu'il n'est pas évident que ces personnes sont vraiment des criminels de guerre. Il arrive souvent, dans des gouvernements en transition, que les documents soient très difficiles à obtenir. Lorsqu'on les obtient, c'est toute la crédibilité de tout ce qui s'est passé au cours des journées d'audience qui est mise en cause.

    Comment fait-on, dans le monde moderne, pour éviter que ne se répètent des erreurs de l'histoire que l'on connaît tous?

+-

    M. Kenneth Narvey: Vous posez là plusieurs très bonnes questions. Dans la mesure du possible, il faut être aussi objectif que possible et ne pas penser que nos amis ne sont jamais coupables de crimes de guerre et que nos ennemis le sont toujours.

    Par l'évolution du droit international, la société essaie de faire en sorte que la guerre soit un jeu soumis à des règles. Ce n'est pas vrai que tout est permis en temps de guerre, ce n'est pas vrai que tout est permis lors d'une révolution. Quelqu'un qui peut renverser un régime en faisant tuer des enfants n'est pas un héros à mes yeux. Il y a toujours la question de la crédibilité et les fausses allégations. Il faut donc qu'il y ait des tribunaux, des règles quant aux preuves, le bénéfice du doute. Il ne faut peut-être pas que ce soit hors de tout doute, mais la prépondérance des probabilités ne veut pas dire que l'on tire au sort pour savoir si une personne est coupable de quelque chose ou non.

    Les tribunaux prennent très au sérieux ce qui est prouvé et ce qui ne l'est pas. Il faut que toute personne ait la possibilité de se défendre, de faire comparaître ses témoins, de contre-interroger les témoins des autres. Il faut qu'il y ait des niveaux d'appel, pour essayer de minimiser les erreurs judiciaires.

    Dans notre système, au Canada, il y a beaucoup de garde-fous. Avant qu'une personne ne soit déportée du Canada, elle a une dizaine de recours pour convaincre quelqu'un qu'elle ne doit pas être déportée. Elle a aussi toujours la possibilité d'être déportée dans un pays de son choix, et non pas dans le pays de ses ennemis.

    Par exemple, au Moyen-Orient, il y a des gens qui pensent que l'armée du Liban du Sud est horrible. Pour moi, c'est difficile de dire cela. Ce sont des gens qui ont été de notre côté. Pour moi, être membre de l'armée du Liban du Sud n'est pas un crime en soi, mais cela n'excuse pas les crimes non plus. La même chose vaut pour d'autres situations.

    Malheureusement, il y a eu, par exemple en Yougoslavie, des crimes de toutes parts. Ce n'est pas vrai que les Bosniaques étaient innocents et que les Serbes étaient des meurtriers. Il y avait des innocents et des meurtriers des deux côtés. Comme le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, les tribunaux et les habitants d'ici doivent soigneusement essayer de faire la part des choses. La perfection n'est pas possible, mais il faut faire de son mieux.

¾  +-(0835)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci également à M. Narvey. Je suis heureux de vous revoir. Nous nous sommes rencontrés il y a de cela de nombreuses années alors que je travaillais pour Svend Robinson et que vous vous occupiez de questions liées à la Commission Deschênes, alors je suis vraiment ravi de vous retrouver.

    J'aimerais revenir sur votre déclaration voulant que l'apatridie soit une infortune, mais pas une chose comparable à la torture. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous estimez que ce n'est pas aussi grave que le croient certains?

    Mon autre question est la suivante: en tant que société, quand assumons-nous collectivement la responsabilité quant à certains des systèmes que nous mettons en place? Des exemples seraient nos vérifications de sécurité visant les immigrants et les vérifications de sécurité qui sont effectuées lorsqu'une personne devient citoyen canadien. Quand disons-nous que les responsables, c'est nous, pour mettre en place un système et rendre compte des décisions que nous prenons et en assumer les conséquences?

    Quand allons-nous assumer la responsabilité de notre système de droit pénal et dire que nous avons mis en place des mesures pour traiter des cas de fraude ou de crimes de guerre et que nous allons tenir les citoyens canadiens responsables par rapport aux normes que nous avons établies ici, au lieu de dire, «Vous avez commis tel crime alors il vous faut vous en aller»—que c'est en définitive le problème de quelqu'un d'autre?

    Peut-être que vous pourriez répondre pour moi à ces questions.

+-

    M. Kenneth Narvey: Merci. Si jamais j'oublie quelque chose, vous serez gentil de me le rappeler.

    Lorsque je me suis lancé dans ce travail, mon premier choix a été la poursuite au criminel. Ce n'est pas tout le monde qui était d'accord avec moi. À la Commission Deschênes—nous avons des copies en anglais et en français du rapport de la Commission Deschênes—j'ai parlé brièvement de recours en matière d'immigration, mais surtout de recours au criminel. Il se trouve je pense toujours au Canada des personnes contre lesquelles fonctionneraient des recours au criminel. Il existe des preuves suffisantes.

    L'un des arguments en faveur d'un recours en matière de citoyenneté et d'immigration par opposition à un recours au criminel est que tout particulièrement dans le cas de la Seconde Guerre mondiale, mais également pour d'autres conflits plus récents qui reculent petit à petit dans notre passé, si vous vous êtes débrouillé pour entrer au Canada en mentant—non pas en utilisant un mensonge innocent, en disant par exemple que vous étiez agriculteur alors que vous étiez cordonnier ou bijoutier ou travailleur dans la construction, mais en disant que vous étiez agriculteur alors que vous étiez criminel de guerre, alors que vous étiez membre d'une unité qui se promenait d'un village à l'autre pour tuer des gens—alors votre mensonge pourrait être tel qu'il serait impossible... C'est votre mensonge qui dissimule la preuve. La question est toujours celle de ce que vous cachez. Si vous cachez le fait que vous avez six enfants en disant que vous en avez quatre, ce n'est pas grave. Si vous cachez le fait que vous avez tué six enfants, ou 600 enfants, alors c'est grave.

    À cause de la façon dont les crimes de guerre ont été et sont organisés aujourd'hui, si vous êtes membre de la milice Janjaweed au Soudan, qui tue des gens à Darfur ou si vous êtes membre de l'un des groupes rebelles qui abat des innocents à Darfur, nous ne pourrons peut-être pas établir que vous avez personnellement tué quiconque, car les seuls témoins, ce sont les morts. Ils ne sont pas disponibles et vos collègues ne vont pas vous balancer, et s'ils le faisaient nous ne devrions pas les croire.

    Il ne faudrait pas traiter l'appartenance à l'Interahamwe au Rwanda, l'appartenance à des organisations décrites par la jurisprudence canadienne comme servant principalement une fin brutale limitée, comme étant simplement une erreur de parcours en disant, eh bien, nous avons fait des vérifications, vous avez commis une faute, alors vous êtes autorisé à rester.

    Le président a mentionné la fraude. La fraude est un crime, mais la fraude relève également de la catégorie civile. S'il y a un différend s'agissant de savoir qui possède cet immeuble, et que quelqu'un dit qu'il en est le propriétaire et que quelqu'un dit non, tu me l'as volé—tu me l'as pris par des moyens frauduleux ou bien tu m'as menti au sujet de quelque chose lorsque nous étions en train de faire la transaction—la propriété de cet immeuble n'est pas déterminée sur la base du doute raisonnable. Cela est tranché dans les cours civiles du Canada. L'on recourt à ce que l'on appelle la prépondérance des probabilités, mais il ne s'agit pas là d'une norme très basse: il s'agit de la norme qui veut que vous «convainquiez le juge».

    Lorsque vous perdez votre citoyenneté, nous n'allez pas en prison du fait de l'avoir perdue. Lorsque vous êtes expulsé, vous n'êtes pas incarcéré du fait d'être expulsé. À moins d'aller en prison, une norme pénale n'est pas appropriée. Lorsque vous dites qu'il nous faut assumer nos responsabilités, cela revient à dire que nous devons assumer la responsabilité de ne pas avoir découvert que vous avez commis un crime. Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus. Nous faisons de notre mieux, mais nous ne voulons pas autoriser les gens à nous tromper. Nous ne voulons pas dire vous avez réussi à nous tromper une fois, alors bravo.

    Le dicton veut que si vous me trompez une fois, honte à vous, et que si vous me trompez deux fois, honte à moi. Certains témoins ont dit que s'ils peuvent vous tromper pendant cinq ans, alors le tour est joué. Je ne suis pas de cet avis. Si vous nous trompez... les gens ont dit qu'ils ne devraient pas craindre que quelqu'un vienne leur reprendre leur citoyenneté. Eh bien, si vous l'avez obtenue par des moyens frauduleux, vous devriez vous inquiétez. Il est malheureux que cela signifie également que ceux et celles qui n'ont pas obtenu leur citoyenneté frauduleusement devraient eux aussi s'inquiéter. C'est comme la différence entre la richesse héritée et la richesse gagnée

¾  +-(0840)  

    Nous tous sommes exposés au risque que quelqu'un se pointe et nous demande de quelle manière nous avons obtenu notre voiture, disant penser que nous l'avons obtenue par des moyens frauduleux. Il faut espérer qu'il n'y aura pas trop de menteurs qui viendront contester la modeste richesse que nous réussissons à accumuler, mais la vie est pleine d'imperfections et l'une d'entre elles est que les fausses accusations sont toujours possibles. Nous faisons de notre mieux pour éviter que des accusations frivoles n'aboutissent devant les tribunaux, pour faire rejeter par les tribunaux les accusations fausses ou non fondées, et pour suivre des processus d'appel tels que l'erreur commise à la cour de première instance ne soit pas une erreur finale.

    Mais de là à introduire une loi sur la prescription et à dire que nous n'avons appris qu'ultérieurement qui vous étiez vraiment, alors cela ne compte pas, je ne serais pas d'accord.

¾  +-(0845)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je regrette d'être arrivé en retard pour l'exposé, mais je lirai avec beaucoup d'intérêt la transcription.

    Kenneth, j'ai plusieurs questions. Puisque c'est votre domaine, vous pourrez peut-être nous dire ce qui est advenu de M. Milosevic et de M. Hussein. Ont-ils déjà été jugés coupables?

+-

    M. Kenneth Narvey: Non.

+-

    M. Lui Temelkovski: Non. Très bien, alors—

+-

    M. Kenneth Narvey: Le procès de Saddam Hussein n'a pas encore commencé et, d'après ce que je sais, celui de M. Milosevic est en cours.

+-

    M. Lui Temelkovski: Il me semble donc qu'il serait juste de dire que ces genres de procès ne sont pas une affaire de 24 heures?

+-

    M. Kenneth Narvey: Oui.

+-

    M. Lui Temelkovski: Mais serait-il également juste de dire que l'obtention de la signature d'un ministre pour expulser quelqu'un peut être une affaire d'une minute?

+-

    M. Kenneth Narvey: Je dirais que non. La signature proprement dite peut demander une minute, mais c'est comme faire adopter un projet de loi à la Chambre des communes. L'on peut adopter un projet de loi à la Chambre des communes le vendredi en l'espace d'une minute, mais la préparation de cette minute demande des années.

+-

    M. Lui Temelkovski: Très bien. Je vous ai entendu dire juste avant cela que vous ne seriez pas en faveur de l'imposition de délais en matière de révocation.

+-

    M. Kenneth Narvey: C'est exact.

+-

    M. Lui Temelkovski: Alors dès lors qu'une personne obtient sa citoyenneté canadienne, elle devrait la conserver, à moins d'être un criminel de guerre et d'être jugé coupable par une cour de justice.

+-

    M. Kenneth Narvey: Eh bien, ce n'est pas là mon point de vue, c'est le vôtre. Mon opinion est que la révocation, en tant que moyen de traiter des questions de criminalité de guerre, est valable. Cela ne devrait pas dépendre d'une condamnation. Ce ne devrait pas être entrepris de façon frivole, et s'il y a des preuves... Je ne pense pas qu'il faille utiliser la citoyenneté par opposition aux cours pénales dans le cas d'affaires pour lesquelles on dispose de preuves qui permettraient de faire aboutir une poursuite au criminel.

    Si la personne était membre d'une unité qui commettait des crimes de guerre, mais que son rôle particulier est perdu dans le brouillard du temps, alors quelque chose comme l'actuel système est le bon système. Comme vous le savez, la dernière page de la LIPR renferme la disposition d'exclusion de la convention sur les réfugiés. Des centaines de personnes originaires de dizaines de pays qui sont venues au Canada demander le statut de réfugié ont été écartées sur la base de la commission possible de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.

    Des personnes ont été exclues du fait... On a récemment exclu une femme qui avait été fonctionnaire chinoise responsable de l'application de la politique de l'enfant unique.

+-

    M. Lui Temelkovski: Devrait-on pouvoir retirer à une personne sa citoyenneté sans pour autant l'expulser? Devrions-nous garder la personne au Canada en tant qu'immigrant reçu ou bien l'expulser?

+-

    M. Kenneth Narvey: Elle devrait être expulsée—

+-

    M. Lui Temelkovski: Si elle est jugée coupable, bien sûr.

+-

    M. Kenneth Narvey: Eh bien, la «culpabilité» est un concept criminel.

    En 1992, la Chambre des communes était saisie d'un projet de loi, et j'ai comparu devant... non, je n'ai pas comparu devant le comité, mais après la fin de ses travaux; j'ai fait distribuer des documents au comité. La question posée était la suivante: qu'arrive-t-il lorsque vous perdez votre citoyenneté?

    Selon l'interprétation faite de la loi avant 1992—voyons si je peux m'en rappeler—lorsque vous perdiez votre citoyenneté, vous ne retrouviez pas votre statut de résident permanent. Il y a eu une proposition visant à changer cela, à vous permettre de récupérer ce statut. J'ai présenté des instances et le résultat est ce que l'on voit dans la loi aujourd'hui: si vous avez obtenu votre citoyenneté par des moyens frauduleux sur le plan, simplement, citoyenneté, comme par exemple en envoyant quelqu'un passer votre examen linguistique pour vous, vous récupérez votre statut de résident permanent, mais si vous avez commis un acte de fraude sur le plan immigration, en mentant à votre agent d'immigration, alors vous ne le récupérez pas.

    Voilà ce que prévoit l'actuelle loi, et je dois dire que j'approuve.

¾  +-(0850)  

+-

    M. Lui Temelkovski: Pour enchaîner là-dessus, de nombreux Canadiens arrivent dans ce pays sans parler un mot d'anglais. Je pense donc que l'idée qu'ils mentent serait elle-même un gros mensonge, car ces personnes n'ont même pas pu remplir les papiers elles-mêmes. Vous savez vous-même qu'au Canada si j'obtiens de vous que vous signiez un papier qui n'est pas écrit dans votre langue, ce sera dès le demain jugé inadmissible. Voilà pour ce qui est de la première chose.

    Deuxièmement, cela devrait-il être répercuté sur la génération suivante? Si nous expulsons le parent A, le parent B devrait-il lui aussi être...?

+-

    M. Kenneth Narvey: Vous voulez dire les enfants?

+-

    M. Lui Temelkovski: Oui, les enfants.

+-

    M. Kenneth Narvey: Très simplement, non. Il y a eu une proposition, et le président en est au courant, selon laquelle l'on allait révoquer la citoyenneté...

    Était-ce pour les enfants nés au Canada?

+-

    Le président: Non, un enfant âgé d'un jour entrant au pays avec quelqu'un d'autre pouvait voir sa citoyenneté révoquée par décision arbitraire du Cabinet.

+-

    M. Kenneth Narvey: Premièrement, cette décision arbitraire du Cabinet devrait définitivement être enlevée de la loi. Le président et moi-même sommes parfaitement d'accord là-dessus. Le rôle du Cabinet ne devrait pas être celui qui figure dans l'actuelle Loi sur la citoyenneté.

    Dans la pratique, pour toutes les personnes, et il n'y en a pas un si grand nombre que cela, dont on prétend qu'elles ont été criminels de guerre ou associés de criminels de guerre pendant la Deuxième Guerre mondiale—et il se trouve que ce sont tous des hommes, bien qu'il ait pu y avoir certaines femmes—en aucun cas le gouvernement a-t-il révoqué la citoyenneté de la conjointe. Il aurait pu le faire, mais il ne l'a pas fait. Si certains de leurs enfants sont nés à l'étranger et sont venus ici, en aucun cas le gouvernement a-t-il révoqué leur citoyenneté.

    De façon générale, les gens sont responsables de leurs propres actes, mais non pas de ceux d'autrui.

+-

    M. Lui Temelkovski: Il a donc été argué que si vous enlevez le père des enfants, alors autant enlever les enfants aussi, car si vous enlevez le père de la famille, alors il n'y a plus d'unité familiale.

+-

    M. Kenneth Narvey: Si l'on parle de jeunes âgés de 20 ans, c'est une chose. Mais si l'on parle de personnes âgées de 60 ou de 80 ans, alors c'est tout à fait autre chose.

    Jusqu'ici, la seule personne à être expulsée en tant que prétendu criminel de guerre est M. Luitjens. Il a été expulsé en Hollande, a été incarcéré en Hollande, a été libéré de prison en Hollande et est mort en Hollande. Son épouse, en tant que citoyenne canadienne, avait certainement la possibilité de l'accompagner en Hollande—ou pas; c'était à eux de décider de cela. J'ignore si elle est allée. Je ne connais pas les règles en matière de visites des prisons hollandaises.

    Je ne pense pas que nous devrions traiter quiconque durement, mais je ne pense pas non plus qu'il nous faille traiter les tueries comme si ce n'était rien.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Clavet.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Je voudrais d'abord apporter une précision au sujet des Vietnamiens qui sont présentement aux Philippines, monsieur le président.

    Vous avez lu les procès-verbaux de nos réunions. Le comité a déposé une motion et a obtenu des garanties du gouvernement, entre autres du ministère. Nous les attendons dès le début du mois de mai. On doit nous faire part des détails sur la façon dont on va procéder. M. Sam — son nom de famille m'échappe —, qui s'occupe justement de faire le suivi dans le dossier des Vietnamiens, mentionnait dans les journaux que la communauté vietnamienne a entamé des procédures dès que le ministre a fait son annonce. Or, comme c'est souvent le cas pour tout ce qui relève de l'administration, les gens de l'ambassade n'avaient pas encore reçu les instructions du ministère. Cela prend un certain temps. Par contre, nous avons obtenu des garanties à l'effet que ces 500 personnes pourront venir au Canada à compter du début du mois de mai.

+-

    M. Kenneth Narvey: Je voudrais féliciter le comité en général et vous en particulier, madame Faille, d'avoir adopté cette motion. Cela fait chaud au coeur de voir que le Canada peut enfin, avec la participation de ce comité, faire ce qu'il faut faire pour ces pauvres gens. Merci.

¾  +-(0855)  

+-

    Mme Meili Faille: Je vais laisser la parole à mon collègue M. Clavet. Il a des questions pour vous.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, Meili. Merci, monsieur Narvey. Je vous félicite pour votre excellente présentation. Vous connaissez bien vos dossiers.

    Tout à l'heure, dans le recueil de traités, à la page 137, j'ai vu la définition du terme « apatride »: « une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. » C'est une définition très large et, en même temps, restreinte, puisqu'il y a beaucoup d'autres sous-entendus.

    Or, dans votre témoignage, monsieur Narvey, vous avez dit qu'être apatride, c'est malheureux, mais que ce n'est quand même pas la torture. À mon avis, en État de droit, être apatride est un drame, parce qu'on entre dans les fissures, les méandres, les failles du système. Vous sembliez dire que c'était grave, mais que ce n'était rien comparativement à la torture.

    Quelle est votre propre définition du terme « apatride » aujourd'hui, en 2005, dans un État de droit où on reconnaît les compétences lorsqu'une personne a une existence juridique? À mon avis, être apatride est un drame. J'aimerais que vous nous disiez ce que veut dire pour vous être apatride.

+-

    M. Kenneth Narvey: Dans la Charte canadienne des droits et libertés, on parle des droits de tout individu. Cela ne touche pas certains Canadiens ayant la nationalité de tel ou tel autre pays, cela touche tout le monde. Ce ne sont pas que les gens qui sont citoyens d'un pays qui ont droit à un procès juste et équitable; tout le monde y a droit. S'il y a à Montréal une personne ayant la citoyenneté française et une autre personne n'ayant la citoyenneté d'aucun pays, toutes deux ont les droits de la personne. Si on est citoyen d'aucun pays, on n'a le droit de vote nulle part, et aucun pays n'a l'obligation de nous laisser entrer chez lui.

    Cependant, on ne vous tuera pas parce que vous êtes apatride. Être apatride ne veut pas dire qu'on n'a pas la liberté de parole. C'est une malchance que d'être apatride, mais si tout le monde est traité également, avec respect, et si tout le monde a les mêmes droits, sauf pour quelques bémols...

    On définit une personne apatride comme une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. Un des problèmes mentionnés par le Haut Commissariat des Nations Unies est que, tout comme on a détruit les papiers de gens étant arrivés ici comme réfugiés, si on dit que l'apatridie est une protection, non seulement on protège les apatrides mais on donne aux apatrides plus de droits qu'aux autres. Les gens donc peuvent renoncer à leur nationalité afin d'acquérir les droits des apatrides, si ceux-ci sont meilleurs que ceux des Américains ou des Chinois. On ne doit renvoyer personne, apatride ou non, dans un pays où il sera torturé.

+-

    M. Roger Clavet: Puisque le temps presse, monsieur Narvey, j'aimerais ajouter quelque chose. Vous avez dit qu'il devrait y avoir une procédure d'appel lorsqu'il y a révocation de citoyenneté, même s'il n'y a pas de demande.

    Comment cela pourrait-il fonctionner?

+-

    M. Kenneth Narvey: Je ne dis pas qu'on doit le faire même s'il n'y a pas de demande. La question est de savoir si on a besoin d'une autorisation de la cour ou non. En anglais, on parle de leave; en français, c'est une autorisation. Il y a des situations dans notre système où on peut obtenir quelque chose de plein droit, sans demander d'autorisation. En d'autres circonstances, il faut la permission de la cour de première instance pour faire appel, ou celle de la cour de deuxième instance. En général, pour aller devant la Cour suprême du Canada, il faut d'abord obtenir une autorisation. Dans les autres projets de loi, on a soulevé la question de savoir si l'appel devrait seulement se faire avec autorisation ou de plein droit. Nous préférons que ce soit avec autorisation, mais nous pouvons accepter que ce soit de plein droit.

¿  +-(0900)  

+-

    M. Roger Clavet: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je vais maintenant prendre un tour.

    Comme vous le savez, M. Narvey est sans doute notre plus fidèle partisan, s'agissant de son assiduité à suivre nos travaux, et il en sait certainement beaucoup sur ce dossier et m'a aidé au fil des ans en éclairant ma lanterne. Lui et moi sommes tout à fait en accord pour dire que nous devrions traiter de criminels de guerre.

    Là où nous divergeons, Ken, c'est sur ce point-ci: ce n'est pas parce qu'une personne dit simplement qu'une autre est un criminel de guerre que c'est bel et bien le cas. Il y a tout un saut à faire de la norme criminelle à la norme civile, et les perceptions de certains quant aux dossiers que nous traitons peuvent être tout à fait et entièrement différentes.

    Il me faut dire merci à Roger, car il a soulevé un point très important: comment doit-on envisager l'apatridie? Pour les six millions de Canadiens qui sont citoyens par choix, l'apatridie et la perte de sa citoyenneté seraient des choses plutôt traumatisantes, mais cela dépend également de la matrice de l'obtention de votre citoyenneté ou de votre entrée au pays. Si vous êtes arrivé dans ce pays en tant que réfugié, alors vous avez un bien plus gros problème que si, mettons, vous arrivez d'Angleterre en tant qu'immigrant de la classe économique ou autre, car votre risque n'est pas tout à fait le même. Je pense que vous avez dit—et je crois que c'est la clé de toute cette question—que si vous avez obtenu votre citoyenneté par un moyen frauduleux, alors vous devriez être inquiet. S'il s'agissait d'intervenir à ce niveau-là, alors il faudrait établir qu'il y a eu fraude selon les normes en vigueur au criminel, et c'est là que nous ne sommes pas d'accord. Puis vous avez dit que si vous n'avez pas obtenu votre citoyenneté frauduleusement, vous devez malgré tout vous inquiéter.

    La question a été cristallisée pour moi lors de nos audiences à Vancouver: nous entendions un professeur de l'Université Simon Fraser qui parlait d'un sujet qui n'avait rien à voir avec la révocation de la citoyenneté mais qui a tout d'un coup abordé la question et a demandé au comité, quand est-ce que je deviens un vrai Canadien? La question est peut-être très cérébrale pour vous, mais elle est très viscérale pour moi, et nous en avons déjà discuté ensemble.

    Ayant suivi les dossiers et ayant, en séance de comité, entendu Olya Odynsky et Irene Rooney, dont les parents sont passés par ce processus et dont vous connaissez très bien les cas, il me faut adopter la caractérisation de toute cette affaire donnée par Peter Worthington, journaliste au Toronto Sun, selon qui Odynsky et Oberlander, ou les adolescents ukrainiens, étaient aussi des victimes des nazis.

    Si vous regardez l'énoncé de politique, lorsque toute cette affaire a été lancée en 1995, le gouvernement a commencé par dire qu'avant d'aller de l'avant avec l'un quelconque de ces cas il lui faudrait avoir des preuves de criminalité individuelle, mais le gouvernement a changé sa politique au fil des ans. Il dit maintenant, si vous êtes membre de ce groupe, alors nous pouvons vous poursuivre. Il y a un énorme... Lorsque je regarde Odynsky et Oberlander, c'étaient deux adolescents de 17 ans qui ont été conscrits sous le coup d'une menace de mort—en tout cas dans le cas d'Odynsky, à qui on a dit que s'il ne faisait pas ce qu'on lui disait de faire il allait être exécuté.

    Je suppose que c'est là que réside notre désaccord, et je ne sais trop comment vous régler le problème de devoir vous inquiéter si vous n'avez pas obtenu votre citoyenneté frauduleusement—vous inquiétez de savoir si ce que vous dites est acceptable. Et c'est cela qui me ramène au professeur de l'Université Simon Fraser, qui a dit, en gros, que c'est de la mauvaise politique publique que de traiter des très très rares cas et de terroriser le plus grand nombre.

¿  +-(0905)  

+-

    M. Kenneth Narvey: Il y a là une centaine de sujets différents. Je vais m'efforcer d'en traiter d'un nombre maximum. Et j'hésite à vous donner mon impression quant aux cas Odynsky et Oberlander, mais je pense que je vais malgré tout le faire.

    M. Odynsky n'avait pas 17 ans, mais 18 ans, et le récit de la façon dont il a été conscrit est très crédible. Il a été appelé avec tous les autres jeunes âgés de 18 ans de son village. On avait demandé au maire du village de fournir la liste de ceux qui allaient avoir 18 ans cette année-là. C'est la méthode de conscription habituelle en Europe; cela s'appelle «la promotion de». Ceux qui vont avoir 18 ans cette année sont appelés. À l'heure actuelle, en Israël, les jeunes qui fêteront leurs 18 ans cette année sont appelés dans l'année.

    M. Oberlander dit qu'il avait 17 ans. Il a eu 18 ans le 24 février 1941 ou 1942. Il a été pris en février. Si je lui faisais subir un contre-interrogatoire, je lui demanderais s'il a fêté son anniversaire avant ou après avoir été pris. Mais à l'époque, la conscription à 18 ans se faisait dans tous les camps en Europe.

    J'ai récemment relu la décision dans l'affaire Odynsky. J'avais pensé l'apporter avec moi ici aujourd'hui, en anglais et en français, mais je ne l'ai pas fait, alors je vous en parle de mémoire, sous toutes réserves. Si je devais me tromper, je m'en excuse d'avance.

    À la fin de la décision, le juge MacKay a suggéré que le ministre ou que le gouverneur en conseil ne poursuivent pas M. Odynsky. Il a dit qu'il n'y avait aucune preuve que M. Odynsky avait pris quelque mesure que ce soit contre un autre individu. C'est une drôle de façon de dire les choses, mais si vous consultez le dossier, vous verrez que la meilleure preuve contre M. Odynsky a été son propre témoignage. Si une personne déclare, «J'ai fait ceci», alors il y a une chance raisonnable que cela a été le cas. Si elle dit, «Je n'ai pas fait ceci», alors l'on peut avoir un doute, mais un doute n'est pas une preuve.

    Je vais maintenant parler de l'affaire de M. Rudolph, qui n'est plus de ce monde. Il était ingénieur à l'usine qui a construit les fusées d'artillerie V-2 qui ont servi au bombardement de Londres. Le bombardement de Londres n'était pas un crime de guerre, mais l'utilisation de travailleurs asservis pour construire les roquettes est un crime de guerre. Vous pouvez embaucher des travailleurs pour produire des armements, mais si vous utilisez des esclaves vous commettez un crime de guerre. M. Rudolph a demandé aux SS de lui fournir des travailleurs esclaves, et il a dit «Mais ils ne se sont pas toujours pliés à mes demandes», ce qui, de son avis, le disculpait, car s'il ne se pliait pas à ces demandes, pourquoi venait-on donc l'embêter à ce sujet? Cependant, le fait de faire une telle demande, de demander des esclaves, est un crime de guerre en soi.

    M. Odynsky—et ce n'est pas moi qui le dis, car je n'étais pas là, mais lui—a été garde auprès du camp de travail de Poniatowa, un lieu appelé Siedlung, qui veut dire établissement, à quelques kilomètres du camp de travail de Poniatowa. Il dit qu'il était garde de périmètre. À l'intérieur du périmètre il y avait les baraquements des gardes ukrainiens, les baraquements des Allemands et un bloc appartement pour, comme il dit, les travailleurs asservis juifs «mieux nantis». Il gardait le périmètre.

    Eh bien, que fait un garde de périmètre? Le garde de périmètre fait deux choses: il garde des gens à l'intérieur et il garde des gens à l'extérieur. Garder les gens à l'intérieur—en terminologie canadienne, l'on parle de détention de force ou illégale, et c'est le fait d'être là avec un fusil pour veiller à ce que les gens ne sautent pas la clôture, ne s'échappent pas—constitue en soi un crime de guerre.

    Ce n'est pas le même crime de guerre que le meurtre. Quantité de meurtres ont été commis à Poniatowa dans un intervalle de deux semaines. La meilleure preuve semble être que ce sont les Allemands qui les ont commis et non pas les Ukrainiens. L'on ne veut pas accuser M. Odynsky de choses qu'il n'a pas faites, mais ce qu'il dit avoir fait—c'est-à-dire avoir été armé d'un fusil, avoir enfermé les gens et avoir surveillé le périmètre pour tout sauveteur potentiel afin que personne ne puisse pénétrer à l'intérieur du périmètre et libérer les prisonniers—est un crime de guerre. Selon mon interprétation, M. Odynsky, selon son propre témoignage, a commis le crime de guerre que l'on commet lorsqu'on est un garde de périmètre d'un camp où l'on commet des crimes de guerre.

¿  +-(0910)  

    On me signale qu'il me faut accélérer.

    M. Oberlander—d'après lui, et non pas d'après moi—a été un traducteur pour l'Einsatzkommando. L'Einsatzkommando était une organisation spécialisée dans le meurtre: elle tuait des Juifs, elle tuait des Gitans, elle tuait des personnes souffrant de maladie mentale, elle tuait des commissaires communistes. Elle se déplaçait de ville en ville remplissant les fossés antichar d'hommes, de femmes et d'enfants. Elle tuait des bébés. C'est tout ce qu'elle faisait. Son objet principal était de commettre des meurtres.

    Le juge MacKay a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que M. Oberlander avait tué qui que ce soit. Il a également conclu que M. Oberlander avait été membre de cette unité.

    M. Oberlander—et il se trouve que j'ai pu voir une partie de la documentation dans cette affaire—a soumis au gouverneur en conseil, en tant que preuve de disculpation, un document émis par les Britanniques indiquant qu'il avait été relâché d'un camp de prisonniers britanniques et que l'armée allemande l'avait réformé. Il n'avait jamais été membre de l'armée allemande. Si c'était l'armée allemande qui avait commis ces crimes, il se serait toujours agi de crimes, mais cette unité particulière avait été organisée en tant qu'unité distincte non militaire dans le but exprès de tuer des gens.

    M. Oberlander a déclaré qu'on lui avait demandé ce qu'il avait fait pendant la guerre et qu'il avait répondu qu'il était traducteur de l'armée allemande. Ce n'était pas vrai. Il était le traducteur d'une bande de meurtriers. Voulons-nous ici du traducteur d'Al Capone?

    Je ne pense pas qu'il me faille en dire plus sur un cas individuel. Je pense que M. Oberlander devrait jouir de tous les droits d'appel.

    J'espère que cela répond à certaines de vos questions.

+-

    Le président: En fait, non. Il vous faut lire les conclusions de M. MacKay: il dit qu'absolument aucune preuve n'a été fournie. Tout ce que je veux dire—et j'estime que cela est très important pour le comité—c'est que vous pouvez appeler quelqu'un un criminel de guerre, mais la personne ne devient pas un criminel de guerre du simple fait que vous lui collier cette étiquette. Elle devient criminel de guerre si la preuve en est fournie à une cour de justice.

    Si vous consultez la décision du juge MacKay, vous verrez qu'il dit clairement qu'Oberlander et Odynsky n'ont commis aucun acte criminel. Tout ce que je peux dire c'est que dans le cas d'Oberlander, la Cour fédérale d'appel a renversé à l'unanimité la décision du gouvernement de lui révoquer sa citoyenneté.

    Il y a donc beaucoup de subtilité dans tout cela. Je vais m'arrêter là-dessus, car je ne pense pas qu'il soit juste pour le comité que vous et moi poursuivions cette discussion.

+-

    M. Kenneth Narvey: J'y ai travaillé aussi récemment qu'hier, alors je peux vous dire que la décision du juge Décary de la Cour fédérale d'appel n'a pas été simplement de renverser la révocation de la citoyenneté, mais bien de renvoyer l'affaire au gouverneur en conseil pour une nouvelle décision.

+-

    Le président: Oui, mais c'est une décision qui ne pourra pas être livrée.

    Je vais clore ici cette discussion et voir si quelqu'un d'autre a encore des questions.

    Pas de questions?

    Monsieur Narvey, merci beaucoup. J'espère que vous continuerez de suivre nos... Il est toujours bon de savoir que vous êtes là en train de regarder lorsque je passe à la télévision.

    Cela a vraiment été formidable de vous connaître pendant toutes ces années. Merci beaucoup.

+-

    M. Kenneth Narvey: Merci, monsieur le président. J'ignore si je serai le seul témoin cet après-midi. Nous pourrions poursuivre. Merci.

+-

    Le président: Je pense que nous avons déjà couvert cela en partie. Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant suspendre la séance.

¿  +-(0915)  


¿  +-(0916)  

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Nous sommes prêts à entamer cette partie de la séance avec le deuxième groupe de témoins. Nous accueillons donc, de l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne, Mme Marlow, présidente; et du Rassemblement canadien pour le Liban, Mme Marie-Claire Namroud, directrice exécutive.

    Madame Marlow pourriez-vous commencer? Vous disposez de sept minutes.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow (présidente, Association nationale des canadiens d'origine indienne): Avant de commencer, j'aimerais vous situer un petit peu mon passé, afin que vous puissiez comprendre mon point de vue.

    Je m'appelle Flora Almeida Marlow et je viens de Bombay, en Inde, où je suis née et ai grandi. Je suis venue ici en tant qu'étudiante étrangère pour étudier l'informatique, puis j'ai obtenu mes papiers d'immigrante reçue, me suis mariée et suis devenue Canadienne et je travaille maintenant ici au Canada.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Monsieur le président, pourriez-vous rappeler aux témoins qu'ils peuvent s'exprimer en français ou en anglais. Je sais que Mme Marlow parle un très bon français. Pourriez-vous le rappeler aux prochains invités, puisque nous sommes à Montréal?

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je travaille avec ma communauté indienne depuis quelque temps déjà. Je suis le premier président de sexe féminin de la communauté indienne depuis 25 ans. C'est toute une victoire que d'amener les gens d'ici à changer leur attitude à l'égard des femmes, et ici au Québec je suis la première femme indienne présidente.

    J'oeuvre depuis quelque temps avec la communauté indienne et la communauté immigrante et j'ai relevé différentes choses qui ne fonctionnent pas bien et qui doivent être améliorées. Par exemple, c'est une très bonne chose qu'il y ait la catégorie réunification familiale. Vous savez, nous voulons que nos parents et grands-parents viennent, et parfois également d'autres membres de nos familles. Mais bien des fois nos parents, qui sont âgés, viennent ici et ont le sentiment d'être les serviteurs de leurs enfants aisés. Ils s'occupent des enfants, de la cuisine, du nettoyage. Leur mode de vie ici est très différent. Ils sont parfois déracinés, arrachés à des pays au climat plus doux, et ils arrivent dans un pays où les conditions climatiques sont si extrêmes et ils sont parfois obligés de travailler comme des esclaves pour leurs enfants, et ce sans rémunération aucune.

    Je vois parfois de très vieux parents qui viennent ici sans pouvoir parler l'anglais ou le français. Ils sont forcés de travailler et ils sont isolés. Ils restent dans leur chambre pendant des jours et des jours et ils ne bougent pas de la maison à cause du climat extrême. La réunification des familles est donc une très bonne chose, mais bien des fois ces vieux parents sont maltraités par leurs enfants. Il nous faut donc tenir compte de cela.

    L'autre question est celle des raisons ayant motivé le mariage. Beaucoup d'hommes retournent dans leur pays d'origine pour se trouver une épouse. Ils la ramènent ici au Canada sans lui dire quelles sont les conditions ici, ce à quoi elles vont être confrontées dans ce pays. Par exemple, j'ai vu de mes amies, qui sont les enfants de professionnels en Inde, arriver ici en tant que jeunes mariées, et se voir obligées de se lever tôt le matin et de trimer pour la famille réunie tout entière.

    L'idée de venir dans ce pays, un pays qui selon eux est pavé d'or... ce n'est pas la réalité. Et elles arrivent ici et se retrouvent en train de travailler pour toute la famille traditionnelle réunie. Bien souvent, il leur arrive quantité de choses horribles mais elles ne peuvent jamais en parler, car dans notre société, c'est toujours l'homme qui prend les décisions, et la femme doit rester en arrière-plan et elle n'a jamais de voix.

    L'autre chose que j'ai découverte en me préparant à ma comparution est que le plus gros problème auquel la communauté indienne est aujourd'hui confrontée est qu'elle a le sentiment d'avoir été victime et d'avoir subi des injustices du fait de ce qui s'est passé avec l'affaire d'Air India. Un si grand nombre de personnes, Canadiennes et Indiennes, sont mortes lorsque cet avion a explosé, et les gens attendent depuis 20 ans que justice soit faite, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Des extrémistes et des terroristes sont dans ce pays, dans leur maison, et ces pauvres gens qui doivent souffrir, les enfants et les familles en deuil, n'ont personne vers qui se tourner. Les personnes qui ont participé à l'attentat n'ont même pas été incarcérées; elles sont libres, libres d'aller et de venir.

    Voilà quel est le système judiciaire canadien—les extrémistes et les terroristes sont ici et ils continuent de vivre ici. Ils ne sont jamais expulsés. Notre procédure en matière d'expulsion doit être réexaminée. Lorsque les gens arrivent ici au Canada ils devraient être justes et honnêtes, et lorsqu'on découvre qu'il y a eu mensonge en ce qui les concerne, alors ils devraient être expulsés. Les mesures en matière d'expulsion devraient être beaucoup plus strictes et être prises beaucoup plus au sérieux. C'est là mon opinion.

¿  +-(0935)  

    Je peux vous donner un autre exemple: cette triste affaire qui est arrivée à Mme Judy Sgro. Elle a été accusée de certaines choses, d'avoir donné des pizzas à son équipe de campagne. Mais l'homme qui l'a accusée était au pays depuis 18 ans. Il s'adonnait à des activités illégales, fraude bancaire et ainsi de suite. Il est illégalement dans ce pays depuis 18 ans et il n'a pas été expulsé, mais il peut faussement accuser une personne.

    Et cette pauvre femme, travailler si fort... Il faut être une femme pour comprendre que pour réussir, il faut travailler si fort pour atteindre ce niveau. Et se faire donner carte blanche... Elle était responsable de certaines choses...

    Lorsqu'un homme commet des actes de fraude depuis 18 ans, vous ne le consultez jamais. Même s'il est traîné devant les tribunaux ou autre, il parviendra à prouver qu'il est en faillite. Mais elle, qu'a-t-elle perdu? Elle a perdu sa carrière. Elle a perdu sa réputation. Elle est déjà injustement jugée. Mais l'homme qui est dans ce pays illégalement depuis 18 ans, qui fraude les banques, on le croit sur parole, et les médias en font toute une histoire.

    J'ai de nombreux cas dont j'aimerais vous parler, mais la chose dont j'aimerais que les gens se rendent compte est que lorsqu'on parle de réfugiés... Vous savez, si cet endroit disposait de fonds illimités, nous pourrions accepter tous les réfugiés. Mais il vous faut également réaliser que de nombreux réfugiés sont peut-être également en train de raconter une histoire. Alors que se passe-t-il dans ce marché? Les gens qui font longtemps la queue partout dans le monde, en toute franchise, désireux de venir au Canada, en toute justice et en toute franchise, voient leur file d'attente retardée. Mais si vous prononcez le mot «réfugié», vous passez tout de suite en tête de queue. Vous êtes tout d'un coup le premier dans la file.

    Je pense qu'il nous faut faire les choses de façon juste, donner à chacun sa juste chance. Si vous découvrez qu'une personne a fait quelque chose, a inventé son histoire, alors elle devrait être expulsée tout de suite au lieu de rester pendant 18 ans, car c'est là un fardeau pour le contribuable. Le contribuable ne dispose pas d'une quantité illimitée d'argent. Il nous faut nous rendre compte que les gens travaillent dur pour gagner leur vie, et c'est un fardeau, alors lorsqu'une personne est ici illégalement, elle devrait être renvoyée tout de suite.

    Merci.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre Mme Namroud.

[Français]

+-

    Mme Marie-Claire Namroud (directrice générale, Rassemblement Canadien pour le Liban): Mon nom est Marie-Claire Namroud et je suis du Rassemblement canadien pour le Liban. C'est un organisme à but non lucratif travaillant à la promotion des droits de la personne et de la démocratie au Liban. Je vais essayer de répondre de façon brève aux questions que le comité a posées.

    La première question porte sur le préambule à inclure dans la Loi sur la citoyenneté. Le Canada est un des pays reconnus pour accepter un grand nombre d'immigrants venant de partout dans le monde à chaque année. Cependant, la notion de citoyenneté pourrait être différente d'un pays à un autre. Par exemple, Le Petit Robert définit un citoyen en lien avec ses droits politiques. Si on se base sur certains systèmes politiques qui ne sont pas démocratiques, on voit que la citoyenneté n'est pas nécessairement liée à des droits politiques tels qu'on les connaît ici, au Canada. Je prends comme exemple le droit de vote pour les femmes ou la multitude de partis politiques.

    Donc le fait d'avoir un texte qui définit les responsabilités et les droits des citoyens canadiens va éclairer les demandeurs de citoyenneté quant à leurs droits et à leurs responsabilités. Je crois également que cela va assurer un contexte légal qui s'appliquera à tous les Canadiens de toutes les cultures.

    La deuxième question porte sur les critères à utiliser pour accorder la citoyenneté aux nouveaux arrivants. Nous sommes très conscients que nous vivons dans un monde qui change beaucoup, où toute la question de la mondialisation s'impose et où le mode de vie change, ce qui exige une plus grande mobilité, beaucoup plus de déplacements.

    J'invite le comité à considérer deux points importants lors de sa réflexion sur la flexibilité à introduire dans les exigences de la citoyenneté, notamment la résidence et la connaissance des langues.

    Le premier point est le processus d'intégration des immigrants. On a fait une étude, il y a quelques mois, auprès de 135 Canadiens d'origine libanaise ou immigrants libanais. Cette étude a démontré qu'il y a une corrélation positive assez importante entre la période qui est vécue au Canada et l'appréciation et l'intégration à la société canadienne. Les gens qui ont passé plus de temps de façon continue étaient plus stables. Ils ont cherché de l'emploi, ils ont continué leurs études, ils ont été plus productifs aux niveaux économique et social.

    Je pense que l'article 28 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est une référence valable, sauf qu'il ne faut pas encourager, par exemple, certains demandeurs de citoyenneté ou des Canadiens qui obtiennent la citoyenneté à quitter le Canada pour aller s'établir dans leur pays d'origine. Le paragraphe 28(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés stipule que l'époux ou le conjoint d'un citoyen canadien, lorsque ce dernier n'est pas au service de l'armée canadienne ou du gouvernement, doit répondre à l'exigence de résidence.

    Dans la même logique, nous croyons qu'il faut aussi considérer la période vécue ici par le demandeur de la citoyenneté avant qu'on ait donné suite à sa demande de statut de réfugié comme étant similaire à la période vécue par les autres catégories d'immigrants, parce que finalement, le demandeur du statut de réfugié a passé ici une période assez importante. Il est guidé par son désir de se stabiliser dans un environnement sécuritaire.

    Si je continue en respectant la même logique, je crois que la connaissance de la langue est aussi importante. Bien sûr, il faut prévoir des dérogations pour définir les groupes qui peuvent être exemptés. Nous croyons qu'on pourrait introduire un mécanisme par lequel on pourrait aussi exiger une meilleure connaissance de la part de certains groupes. Je pense particulièrement aux jeunes, aux universitaires qui sont en âge d'apprendre.

    Lors de cette étude, nous avons constaté que les gens qui ont un problème de langue ont un problème d'intégration. Souvent, la barrière de la langue avait causé un certain sentiment d'isolement ou même de discrimination. On confond souvent les deux. En fait, il serait avantageux d'encourager certains groupes ou même de mettre en oeuvre certains programmes pour améliorer la connaissance d'au moins une des deux langues officielles durant les premières années après l'établissement au Canada.

    Le deuxième point touche la prévention d'abus du système. Il faut dire que le système actuel comporte déjà des lacunes. Il y a des raisons sérieuses pour lesquelles certaines personnes n'ont pas vraiment répondu à l'exigence de résidence en particulier. Je vous invite donc à penser, tout en établissant une certaine définition de la période à passer, à établir un mécanisme en parallèle qui permette de vérifier de façon plus efficace si le demandeur a répondu à cette exigence.

    La troisième question portait sur le retrait de la citoyenneté et les processus à suivre. Nous sommes d'accord sur la plupart des commentaires des témoins et nous vous invitons à établir un processus d'appel, à donner aux individus le droit d'aller devant les tribunaux. Si la question de la sécurité nationale s'impose, nous demandons qu'il y ait au moins un contrôle judiciaire.

    Un autre problème à considérer est celui du risque encouru par une personne quand on lui retire la citoyenneté ou qu'on la déporte. Il faut voir si elle risque de devoir faire face à la torture ou à de mauvais traitements dans son pays d'origine. Je pense qu'il est important d'établir un mécanisme d'évaluation des risques avant d'envoyer des gens. Il s'agirait d'un mécanisme un peu similaire à celui établi pour les réfugiés.

    La quatrième question portait sur le serment. On accepte n'importe quelle version, sauf qu'on considère que l'introduction des droits, des libertés et des valeurs démocratiques est d'une importance extrême, parce que cela permet de mettre ces valeurs en relief pour les nouveaux immigrants.

    Finalement, la cinquième question rejoint un peu tout ce que je viens de dire. L'introduction d'un préambule dans la Loi sur la citoyenneté, la présence d'une certaine flexibilité dans les exigences de résidence et de connaissance de la langue et la présence d'un certain mécanisme de contrôle de ces exigences vont tous contribuer à la valorisation par les immigrants de l'octroi de la citoyenneté.

    J'ajouterai une seule chose. Il serait bon de trouver un mécanisme pour mettre en relief et valoriser encore plus les droits de la personne et les valeurs démocratiques auprès des nouveaux demandants, en parallèle avec les connaissances de la langue, de la géographie et de l'histoire. On pourrait, par exemple, les introduire dans les tests de citoyenneté de façon plus prononcée.

    Merci.

¿  +-(0945)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Félicitations à vous deux et merci de participer au processus.

    Je donne la parole à M. Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de ce matin.

    Ce que j'aimerais demander, et je pense que les deux témoins voudront peut-être s'y prononcer, car elles en ont toutes deux parlé dans une certaine mesure...

    Flora, vous avez mentionné l'explosion de l'avion Air India et la frustration de la communauté face aux personnes qui restent dans le système mais qui devraient être immédiatement expulsées, avez-vous, je pense dit, si elles sont jugées coupables de certains crimes. Nous envisageons cette situation particulière dans le contexte de la citoyenneté et du fait qu'il pourrait être plus facile d'expulser des personnes ayant commis un crime mais n'ayant pas la citoyenneté canadienne.

    Cependant, si la personne a la citoyenneté canadienne et vit ici depuis quelque temps, peu importe les genres de crimes qu'elle a commis, devrait-elle passer par tout le processus de traitement équitable avant de se faire expulser ou de voir sa citoyenneté révoquée? Je ne sais trop si vous avez clairement étayé cela dans votre exposé. Parliez-vous en gros des personnes qui sont dans le système et qui essaient de rester ici, ou bien appliqueriez-vous cela également aux citoyens canadiens qui ne sont clairement pas ici depuis très longtemps? Qu'en pense la communauté ou qu'en pensez-vous personnellement?

    J'aimerais connaître votre avis à toutes les deux au sujet de cette question de révocation de la citoyenneté.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: C'est une très bonne question. Je pense qu'il nous faut faire les choses de façon démocratique, mais il nous faut également être juste et faire preuve de bon sens. Si la procédure équitable ou l'obtention de la justice demande 20 ans, par exemple, alors le système est défectueux. Il nous faut pouvoir prendre des mesures tout de suite. Si nous disons qu'une personne est un terroriste et si nous disons qu'il nous faut suivre la procédure équitable et que cela demande des années, nous n'obtenons pas justice pour ceux qui ont subi un préjudice ou ont souffert. Il nous faut donc un système plus efficient. Bien qu'il nous faille agir de façon juste, il nous faut également tenir compte de l'aspect temporel.

    Il nous faut donc expulser ces personnes. Je conviens tout à fait que les personnes qui ont commis des injustices à l'endroit de l'humanité doivent être expulsées, et ce tout de suite. Elles devraient également avoir l'occasion de faire appel, mais pas à l'infini, car le système doit être un petit peu plus efficient face à ces genres de crimes.

    Merci.

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Je partage l'avis de Mme Marlow dans presque tout ce qu'elle dit. Je conviens qu'il nous faut protéger notre société et ne pas laisser les gens profiter du système. En même temps, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, il importe d'établir peut-être une façon ou une chance pour ces personnes de se défendre et instaurer un mécanisme d'évaluation du risque si elles sont expulsées.

    Mais nous ne pouvons absolument pas laisser ces choses perdurer de façon illimitée. Il nous faut un mécanisme qui fonctionne à l'intérieur d'un délai donné ou limité, et il nous faut parfois prendre des décisions qui ne seront pas avantageuses pour la personne concernée, mais qui le seront pour la société et le peuple canadien.

+-

    M. Rahim Jaffer: Merci.

    Ma question suivante, et ce sera sans doute ma dernière, concerne la citoyenneté, car c'est de cette partie que nous discutons à l'heure actuelle. Nous avons depuis le début de nos audiences entendu un certain nombre de témoins nous dire que s'agissant d'éduquer les gens au sujet de la citoyenneté et de leur capacité de participer, l'importance de la citoyenneté est une chose qui fait défaut dans notre système. Je sais que vous êtes toutes deux au Canada depuis quelque temps, mais vous avez également représenté des membres de vos communautés qui sont nouveaux au Canada et d'autres qui sont ici depuis longtemps.

    Pourriez-vous nous dire s'il y a quelque chose que nous devrions envisager à une plus grande échelle pour essayer de convaincre les gens, une fois qu'ils ont leur citoyenneté, de l'importance de celle-ci et de l'aspect participation une fois la citoyenneté acquise. Il me semble que notre système d'éducation fait ici défaut en ce qu'il n'apprenne pas aux gens que la citoyenneté doit être assortie de certaines responsabilités. Vous pourriez peut-être réagir à cela et nous livrer vos idées.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Oui, la question est juste, car avant l'acquisition de la citoyenneté, il faut parler du niveau entrée. Avant que de nouveaux immigrants n'entrent au Canada, ils devraient être renseignés sur ce qu'est le Canada. Lorsque je suis arrivée ici, je n'avais pas la moindre idée de ce qu'était le Canada. Nous ne parlons pas à ces gens. Avant d'arriver sur notre territoire il leur faudrait être au courant des deux langues officielles. Bien des fois, les immigrants ne parlent ni l'anglais ni le français. Comment peuvent-ils s'intégrer s'ils n'ont même pas les connaissances linguistiques de base? Ils ne savent rien de la géographie. Ils ne savent rien du climat. Ils ne savent pas qu'il peut y avoir des conditions climatiques extrêmes.

    Avant donc de parler de citoyenneté, avant même que ces gens n'arrivent au pays, il nous faut, je pense, parler de la question de savoir s'ils seront en mesure de s'intégrer. Ces gens pourraient très facilement passer toute leur vie ici dans un petit ghetto et ne jamais s'intégrer. Il nous faut donc communiquer ces renseignements aux gens avant qu'ils ne viennent ici. Bien sûr, lorsqu'une personne devient citoyen, il lui faut savoir qu'en plus de jouir de leurs droits, il y a beaucoup de responsabilités. Nous n'insistons pas suffisamment sur les responsabilités. Nous ne parlons aux gens que de leurs droits, à répétition, mais il faut qu'il y ait des responsabilités.

    Lorsque vous venez dans ce pays, il vous faut contribuer, car il y a dans ce pays beaucoup de gens qui ont travaillé pendant bien des années. Des générations entières ont travaillé et ont bâti ce beau pays. Vous ne pouvez donc pas vous attendre à n'en retirer que des bénéfices sans contribuer. Les nouveaux réfugiés sont si souvent à l'assistance, et ils trouvent que c'est ce qu'il y a de mieux parce que chez eux ils n'avaient jamais rien. Alors ils viennent ici et ils s'assoient dans un petit ghetto parce qu'ils touchent leur chèque de bien-être et se portent vraiment très bien.

    Le Canada est une terre d'avenir si vous cherchez à faire quelque chose de votre vie. Il importe d'apprendre aux immigrants chaque étape sur la voie de l'intégration. J'ai vu ces programmes d'intégration et de langue au Québec. Et que se passe-t-il? Les Indiens se retrouvent entre Indiens pour apprendre le français. Comment peuvent-ils apprendre le français s'il n'y a que des Indiens entourés d'autres Indiens? Je leur dis que pour apprendre le français il faut faire le lien avec une autre communauté. Si vous vous retrouvez entre Indiens, vous serez dans un autre genre de ghetto. Vous parlerez le hindi ou le punjabi et vous ne progresserez jamais. Lorsque vous apprenez une langue, il vous faut rencontrer des gens différents. C'est ainsi que vous êtes exposé à l'autre langue, que vous apprenez. Vous apprenez à voir le monde sous un jour différent. Autrement, vous venez au Canada, vous demeurez Indien toute votre vie et vous ne voudrez jamais changer.

    C'est pourquoi je pense que les gens doivent apprendre à s'intégrer, et l'intégration découle des programmes auxquels les gens participent. Il existe un si grand nombre de programmes, et le peuple canadien veut faire tellement de bonnes choses pour les nouveaux immigrants, mais il ne sait pas comment s'y prendre. L'on investit beaucoup d'argent dans des cours de langue. L'on investit beaucoup d'argent dans le «Comment s'intégrer», mais cela ne fonctionne pas. Pourquoi? Parce qu'on donne de l'argent aux gens pour qu'ils forment des petits ghettos. Parfois c'est une question de votes. Vous savez, il s'agit parfois simplement d'obtenir le vote des différents groupes, mais cela doit changer.

    La mentalité doit changer. Obliger les gens—par exemple un Indien ou un Pakistanais—à rencontrer en cours de langue des Italiens ou des Grecs. Il faut mélanger les gens.

    Il faudrait, pour obtenir sa citoyenneté, en savoir quelque chose sur la géographie. Les gens ne savent pas qui est le premier ministre. Ils ne savent rien. J'ignore comment ils parviennent à réussir l'examen, car ils ne savent strictement rien. S'ils ne connaissent pas la langue, comment peuvent-ils savoir quoi que ce soit?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Rahim Jaffer: Souhaitez-vous intervenir également?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la conception de la citoyenneté peut différer d'une ville à une autre, d'une culture à une autre. J'ai cité quelques exemples. Je pense que c'est l'origine du problème que nous connaissons aujourd'hui, celui qui fait que des communautés culturelles présentes au Canada n'ont pas la faculté de s'intégrer avec les Canadiens.

    Et je pense que c'est un problème très sérieux auquel il faut vraiment s'attaquer. Le problème est que lorsque nous arrivons au Canada, nous ne recevons pas... Je suis arrivée il y a plusieurs années. Personne ne m'a expliqué ce qu'est la citoyenneté canadienne et tout ce que je savais, c'était ce que j'ai appris en préparant mon examen de citoyenneté. Et je crois que cela ne suffit pas, car il suffit de quelques jours pour s'y préparer et ensuite c'est fini.

    Si vous considérez les programmes scolaires, on n'enseigne pas suffisamment aux gens, surtout aux nouveaux immigrants, quels sont les avantages de la citoyenneté canadienne. En quoi est-elle différente des autres nationalités? Je ne dis pas qu'elle est meilleure ou pire, mais quelles sont les caractéristiques? Quelles sont les conséquences de sa possession? Quels sont vos droits? Quelles sont vos responsabilités?

    Le Canada est l'un des pays qui est un leader dans le monde sur le plan des droits humains et des valeurs démocratiques. Mais cela n'a pas été intégré dans la vie de ces gens. Lorsque ces gens nous arrivent, ils savent seulement: «Bon, j'ai le droit de trouver du travail, et j'ai la responsabilité de payer des impôts». Mais la citoyenneté ne s'arrête pas là. Il faut expliquer son contexte culturel et juridique, son sens légal et culturel.

    Je propose quelques idées sur lesquelles nous pouvons travailler. La première c'est que, avant que les gens soient admis au Canada, ce serait une bonne idée d'organiser un programme de cours dans les ambassades pour informer les candidats sur le Canada. Qu'est-ce qui le distingue? Qu'est-ce que la citoyenneté canadienne? Et cela doit être fait avant, ou en tout cas au tout début du processus d'obtention du visa d'immigrant.

    Ensuite, je préconise un programme similaire après leur arrivée ici. Les premières années sont primordiales, et c'est à ce stade qu'il faut travailler fort.

    La troisième option est de mettre en place de tels programmes dans les écoles.

    La quatrième est d'appuyer les ONG communautaires qui s'occupent d'instruire les gens, car les programmes gouvernementaux ne parviennent pas à toucher toute la collectivité. Par exemple, dans la communauté libanaise, les personnes âgées ne vont pas fréquenter les écoles et elles ne travaillent pas. C'est donc là où interviennent les ONG communautaires.

    Merci.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Faille, allez-y, je vous prie.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Merci, monsieur le président.

    Je travaille de très près avec la communauté indienne. Plus d'un organisme représente cette communauté. Il y a le vôtre, mais il y a également des groupes qui travaillent de façon horizontale sur des questions particulières.

    Un des points soulevés par Flora Marlow était la question des menaces et des délateurs. Il s'agit de gens qui font des fraudes, de gens qui sont considérés comme dangereux dans leur pays d'origine et qui circulent librement ici. J'ai travaillé à plusieurs cas avec la communauté et je sais ce qui se passe sur le terrain. J'aimerais poser des questions sur les travaux du SCRS et de la GRC.

    Souvent, l'identité des délateurs de fraudeurs ou de personnes dangereuses n'est pas protégée adéquatement. On utilise des méthodes telles que le recours à des cahiers de photos ou à des listes, et on finit par avoir suffisamment de noms et de photos pour rendre la communauté instable. Au temple de Ville-la-Salle, j'ai vu plusieurs dirigeants de la communauté qui étaient très inquiets face à de telles pratiques.

    En ce qui concerne la citoyenneté, j'aimerais que vous nous disiez, madame Marlow, quand, selon vous, on devient un citoyen. Devrait-il y avoir une période d'approbation? Une fois acquise, la citoyenneté est un droit, non un privilège.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je voudrais expliquer que si une personne a obtenu frauduleusement les documents de sa citoyenneté, elle doit retourner dans son pays, parce que la fraude n'est pas spécifique à un geste précis. Cela ne change pas. C'est le cas, à mon avis, pour quelqu'un qui aurait fourni de fausses informations, des informations qui ne sont pas vraies. Par exemple, si un terroriste prétend qu'il est un religieux et qu'il est le représentant d'une religion, ça va si ses activités le confirment, mais s'il fait des choses mauvaises pour l'humanité, qu'est-ce qu'on va faire? Va-t-on taxer les gens davantage? Les personnes qui habitent ici, les Canadiens, vont-ils être taxés davantage à cause des fraudeurs?

    On doit être juste envers les personnes normales qui contribuent à faire fonctionner la société. Je crois que c'est la chose à faire. On doit faire une enquête, mais ensuite, la personne qui s'est montrée coupable de fraude doit retourner dans son pays.

    Vous m'avez posé une autre question sur l'explosion de l'avion d'Air India et sur les dénonciateurs. Est-ce que nous sommes protégés? Je demande toujours au ministre ce que l'on va faire pour les victimes et leurs familles, mais personne ne m'aide. Si quelqu'un agit mal envers moi, personne ne m'aide.

    Par exemple, l'autre jour, le ministre du Revenu était à Montréal. Il était accompagné de plusieurs personnes. J'ai expliqué que toutes les communautés indiennes veulent une enquête. Un homme est venu chez moi et m'a remis un papier en me disant d'appeler le numéro qui y était inscrit: il allait me donner toutes les réponses à mes questions. J'ai eu un peu peur, parce qu'il ne m'a pas donné son nom ni aucune autre information. Il m'a seulement dit de lui téléphoner et qu'il avait toutes les réponses.

    Je suis porte-parole pour notre communauté, mais personne ne m'aide si quelque chose arrive. Le SCRS demande toujours les mêmes choses. Trois cents types étaient là, mais plus que deux cents l'ont réalisé. Pourquoi? Ce sont des questions auxquelles on doit répondre, mais peut-être y a-t-il des gens qui se sont infiltrés à l'intérieur du SCRS. On n'obtient pas de réponses à nos questions. On a besoin de réponses, on a besoin d'une enquête, parce que si on protège les terroristes, quelqu'un s'est peut-être infiltré à l'intérieur du SCRS.

À  +-(1005)  

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: J'aimerais dire que j'ai inversé votre question. Bien sûr, la souveraineté est un droit, et non un privilège, mais je pense aussi que c'est un droit pour tous les autres de vivre dans une société sûre et honnête. Si on fait preuve de laxisme face à de telles fraudes, n'encourage-t-on pas d'autres personnes à faire pareil?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Siksay.

[Français]

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Merci, mesdames Namroud et Marlow, pour vos témoignages.

[Traduction]

    Je vais arrêter de vous torturer avec mon français. J'ai des questions pour vous deux.

    Je veux féliciter Mme Marlow de son élection à la présidence de son association. Je réalise que c'est pour vous une grande occasion, alors acceptez toutes mes félicitations.

    Madame Namroud, vous avez mentionné la nécessité d'une plus grande flexibilité en ce qui concerne les conditions de résidence. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous entendez précisément à ce sujet.

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Lorsque je parlais de flexibilité, je parlais du recours à l'article 28 de la loi sur la protection des réfugiés. Mais je disais qu'il fallait aussi être prudent et ne pas aller trop loin. Je disais qu'il y a déjà quelques échappatoires dans le système concret. On voit des cas de personnes qui ont abusé du système et dont on a de sérieuses raisons de croire qu'elles n'ont pas réellement rempli les conditions de résidence.

    Je disais qu'il fallait examiner de très près le paragraphe 2 de l'article 28 car je ne pense pas que ce serait une bonne chose que de l'appliquer tel quel. Il faut soit le supprimer, soit mettre en place un autre mécanisme en parallèle afin de pouvoir contrôler l'application ou la façon dont les gens remplissent les conditions de résidence. Permettre aux Canadiens de trouver un emploi à l'étranger, puis les encourager ou faciliter l'acquisition de la citoyenneté canadienne par leurs conjoints, sans même qu'ils aient vécu au Canada, ne va pas les aider, à mon avis. Ces personnes ne connaissent rien du Canada. Elles ne savent rien de la culture, et pourtant on leur donne la citoyenneté, et cela ne va pas les aider.

+-

    M. Bill Siksay: Merci de vos suggestions concernant la citoyenneté. Elles sont utiles et je les apprécie.

    Madame Marlow, vous avez dit certaines choses intéressantes sur les sensibilités culturelles des parents et épouses arrivant au Canada. Le plus souvent, on nous dit que nous devons être plus sensibles aux différences culturelles entre le Canada et les autres pays. Vous semblez épouser le point de vue inverse.

    On nous dit que nous devons être plus ouverts pour ce qui est de la définition de la famille. Dans des régions comme l'Asie, la définition de la famille est plus large. On nous dit également que nous devons être ouverts aux conceptions culturelles différentes du mariage. J'ai cru vous entendre dire quelque chose d'un peu différent, et j'aimerais donc que vous précisiez votre pensée à ce sujet.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Peu d'Indiens vous décriront l'envers de la médaille. Vous n'aurez droit qu'à une version. Je pense qu'il faut écouter les deux côtés. C'est la seule façon de prendre une bonne décision.

    Il y a beaucoup d'exploitation des personnes âgées. Nous venons d'un mode de vie traditionnel en Inde et en Asie. C'est plutôt l'élite qui émigre au Canada. Ils sont élevés avec des servantes. Ils sont l'habitude que quelqu'un nettoie leurs toilettes. Ils ont l'habitude que quelqu'un aide avec la cuisine et le ménage et le soin des enfants. Lorsqu'ils arrivent au Canada, ils n'ont plus cela, alors souvent ils font venir leurs parents âgés et grands-parents et les exploitent. Tout en prétendant prendre en charge ces personnes, ils jouissent d'une main-d'oeuvre gratuite. Ils ont des gens assis à la maison qui s'occupent des enfants, qui font tous les petits travaux que personne d'autre ne ferait au Canada. Ces pauvres parents!

    Une femme âgée de 80 ans a été amenée ici par une jeune femme parce que celle-ci a un emploi et pas le temps de s'occuper de son ménage. Elle fait donc venir cette vieille femme, sa mère, et lui fait faire toute la cuisine. La femme nous dit qu'elle n'a plus l'énergie pour faire ce travail. Elle était maigre comme une ficelle, un squelette, mal nourrie. En hiver, elle doit porter un manteau qui est tellement lourd qu'elle ne peut même pas le soulever.

+-

    M. Bill Siksay: Puis-je vous interrompre une seconde? Je comprends les circonstances. Quelles mesures préconisez-vous?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je dis que si vous faites venir les parents, il faudrait avoir un mécanisme pour vérifier les conditions de vie. Il faudrait une approche de bon sens.

    Dans le cas que j'ai mentionné, vous déracinez une vieille femme de 80 ans, l'arrachez à un climat chaud pour la faire venir dans un pays au climat extrême. Elle n'a même pas de manteau. Elle ne connaît pas la langue. Il faut tenir compte de l'aspect humain. Bien souvent, les gens veulent faire venir les parents, mais les parents ne veulent pas partir. Il faut déterminer les circonstances.

+-

    M. Bill Siksay: Serait-il acceptable que le ministère de l'Immigration dise à une famille en Inde: «Non, nous pensons que vous allez exploiter votre mère, alors nous ne la laissons pas entrer»?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Non, je parle d'une approche de bon sens. Dans le cas d'une personne âgée, il faut aller la voir et vérifier si tout va bien. Il faut un suivi. Sinon, la personne peut être maltraitée et exploitée. Nous nous battons pour les droits des gens partout dans le monde, mais parfois c'est au Canada qu'ils sont violés.

+-

    M. Bill Siksay: Quelles mesures prendrions-nous, alors? Si le Ministère fait une visite de suivi et constate des abus, que préconisez-vous qu'il fasse?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Monsieur, la famille qui la fait venir devrait être tenue responsable et obligée de rendre des comptes. Sinon, c'est donner carte blanche à l'exploitation.

    Vous ne savez pas ce qui se passe dans une famille, ce qu'il advient à ces jeunes mariées. Parfois, elles sont exploitées. Il n'est pas juste que le rôle du Ministère s'arrête une fois la personne arrivée chez nous. Il faudrait faire un suivi. Si on ne le fait pas, on oublie les droits des gens qui vivent au Canada.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci aux intervenants. C'est très intéressant.

    Marie-Claire, vous avez mentionné que nos ambassades à l'étranger devraient distribuer de l'information. Avez-vous dit qu'il devrait s'agir d'information culturelle?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Je voulais dire qu'il faut parler aux gens qui songent à immigrer au Canada du Canada, de la culture canadienne, du climat, du système politique, à quoi ils doivent s'attendre à leur arrivée. Je pense que cela ferait une grosse différence et résoudrait peut-être en partie le problème dont nous parlions. S'ils étaient informés du genre de vie qu'ils mèneront ici, ils pourraient prendre des décisions appropriées.

    Il faut le leur dire, car bien souvent, c'est un choc culturel. Les gens viennent ici parce qu'ils pensent que c'est un pays très libre. Je pense qu'il n'est pas libre, mais les connotations sont différentes pour les gens de cultures différentes. D'une façon, c'est comme le paradis, mais d'une autre ce ne l'est pas. Il faut travailler très dur, et cela doit être souligné.

À  +-(1015)  

+-

    M. Lui Temelkovski: Qui peint ce tableau paradisiaque? Sont-ce les enfants? Pensez-vous que le gouvernement devrait rectifier les récits que les enfants font aux parents?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Il y a de nombreux facteurs, mais les principaux responsables sont les membres de la famille. Des gens qui viennent ici et qui rentrent ensuite passer l'été ou un ou deux ans là-bas, racontent souvent des histoires. C'est la réalité. Il faut l'admettre et la regarder en face.

    Les immigrants en sont en partie responsables, mais il y a aussi toute la politique d'immigration qui veut que le Canada ouvre grand ses portes. Cela donne aussi une certaine idée ou une image fausse du système ici, mais je peux dire que souvent les parents et amis sont les responsables.

    C'est pourquoi les ambassades doivent dispenser une information fiable, expliquer aux gens quelle est réellement la vie ici, dès le début, lorsqu'ils présentent la demande.

+-

    M. Lui Temelkovski: Vous avez mentionné également qu'il faudrait accroître les connaissances requises pour être naturalisé. Il faudrait poser des questions plus nombreuses et plus difficiles aux candidats à la citoyenneté que ce que ne connaissent nos enfants au sujet du Canada, des questions telles que les richesses naturelles ou les principales industries qui existent en Colombie-Britannique, dans l'Île-du-Prince-Édouard, etc. Pensez-vous que cela ferait d'eux de meilleurs citoyens?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Je pense que si vous soulignez l'importance de la vie dans un système démocratique et les caractéristiques du système, cela aidera les gens à se faire une meilleure image du Canada. Certes, il est important de connaître la géographique et l'histoire, je ne dis pas qu'il faut exclure cela, mais il faudrait aussi proposer cette autre information et expliquer aux gens qu'il est tout aussi important de connaître celle-ci.

    À mon avis, cela ferait d'eux de meilleurs citoyens, qui savent qu'ils vont vivre dans un système plus démocratique, qui respecte les droits des personnes âgées et les droits humains.

+-

    M. Lui Temelkovski: Ce sont là des choses fondamentales, mais je pense qu'il faudrait des questions qui approfondissent un peu plus.

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Non. Je pense que si nous faisons état de ces éléments que sont les droits humains et la démocratie, c'est déjà un gros pas en avant.

+-

    M. Lui Temelkovski: D'accord. Vous avez dit également que cela devrait s'appliquer aux aînés, aux personnes âgées qui arrivent au Canada—ou bien avez-vous dit le contraire?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: J'ai mentionné des groupes particuliers, tels que les jeunes et étudiants universitaires, qui sont à un âge où ils peuvent apprendre, si bien qu'ils peuvent réellement assimiler cette information. Je n'ai pas de suggestions concernant les personnes âgées. Je souligne que ce serait pour les jeunes.

+-

    M. Lui Temelkovski: Flora, vous avez mentionné que les gens abusent du système à leur arrivée au Canada. Vous représentez un groupe, l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne. Y a-t-il de ces gens dans votre groupe?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Nous disions cela en général. Mais beaucoup appartiennent à mon groupe, mais je les vois parce que je travaille avec... Je l'ai vu, je l'ai vécu. J'ai vu—

+-

    M. Lui Temelkovski: Quelles responsabilités avez-vous, collectivement, si vous constatez que quelqu'un abuse du système?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je demande seulement quelles sont les responsabilités des autorités canadiennes? Que fait la police? Parfois, comme je l'ai dit, lorsque je parle de l'affaire d'Air India, il n'y a personne pour protéger—

+-

    M. Lui Temelkovski: Nous parlons ici de personnes qui abusent du système, par exemple les faux réfugiés. Vous avez parlé de gens qui contournent la file d'attente et abusent du système. Connaissez-vous de telles personnes?

À  +-(1020)  

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je vous dis que lorsque les gens remplissent une fausse déclaration de demande d'asile et revendiquent faussement le statut de réfugié, c'est du resquillage car des gens font la queue dans le monde entier pour venir régulièrement et légalement et son évincés parce que quelqu'un d'autre invente une histoire. Très souvent, lorsque vous fouillez un peu, vous découvrez que ce n'est pas 100 p. 100 des demandeurs d'asile qui disent la vérité. Donc, lorsque vous tombez sur une personne qui n'est pas un vrai réfugié, il faut faire des vérifications et prendre des mesures, car sinon vous empêchez d'autres personnes du monde entier de venir au Canada.

+-

    M. Lui Temelkovski: Vous savez que ce ne sont pas tous les demandeurs d'asile qui obtiennent le droit de rester au Canada, n'est-ce pas?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je le sais, mais je dis qu'il faut être plus strict, faire plus de vérifications et vérifier les dossiers plus sérieusement. En outre, les personnes qui travaillent sur ces dossiers, par exemple, doivent connaître la mentalité des gens dans le pays d'origine, car ce que dit la personne n'est pas nécessairement parole d'évangile. Parfois, il faut en avoir conscience et donner à la personne une chance.

+-

    M. Lui Temelkovski: Bien.

    Vous avez mentionné aussi que les gens qui ne parlent pas anglais ne font pas de bons citoyens canadiens.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit que s'ils ne savent ni l'anglais ni le français et ne peuvent pas s'intégrer, ce sera très difficile pour eux. Je n'ai jamais dit qu'ils ne le peuvent pas. Bien entendu, ils peuvent vivre dans un petit ghetto et bien s'en tirer.

+-

    M. Lui Temelkovski: D'accord. Quelle est votre définition de l'intégration? Peut-être faudrait-il vérifier d'abord cela.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: J'entends par intégration le fait que les gens viennent dans ce pays, y travaillent, y gagnent leur vie et contribuent cela à la société. Ils ne restent pas assis à la maison pour toucher un chèque d'aide sociale. À mes yeux, cela ne répond pas à mon idée de l'intégration.

    Mon idée de l'intégration c'est qu'une personne qui s'installe dans ce pays apprend à le connaître et contribue à ce pays et lui est utile. Voilà ce qu'il faut exiger des gens lorsqu'ils viennent.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Clavet, allez-y, je vous prie.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Merci, monsieur le président.

    Mme Marlow a parlé de la vérité et des mensonges que l'on peut raconter pour sa famille. On entre dans une zone très difficile. Parfois, par amour ou par ennui, on peut enjoliver la situation. Or, on ne le fait pas nécessairement parce qu'on veut exploiter les gens, par exemple.

    La question s'adresse autant à Mme Namroud qu'à Mme Marlow. Elle porte sur les gens qui sont ici mais qui ont des membres de leur famille là-bas. Comment peut-on légiférer en cette matière? Vous avez parlé de cas d'exploitation de personnes âgées, ce qui est très grave. Mais comment peut-on légiférer de façon à distinguer le mensonge joli de celui qui constitue vraiment une trahison?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je vais répondre en anglais parce que mon français n'est pas très bon.

[Traduction]

    Je dirais qu'il nous faut assouplir le visa de visiteur. Dans le cas de parents et grands-parents, lorsqu'il existe une occasion spéciale, par exemple un mariage ou un décès ou une fête importante, donnez-leur la possibilité, faciliter leur venue dans le pays pour retrouver la famille. Aidez-les à jouir de la naissance d'un enfant et aider leur fille. Ils pourront ainsi se sentir partie de la famille et moins coupés d'elle.

    En outre, en saison de temps clément—souvent les gens ne sont pas intéressés à venir en plein hiver, quand il fait moins 40. Ils préfèrent venir quand il fait meilleur, pour profiter des bonnes occasions. Donnez-leur ces retrouvailles avec la famille et ainsi, une fois heureux, ils repartiront chez eux.

    C'est ce que je pense. Cela améliorerait la vie des deux côtés.... Ils auraient les retrouvailles familiales mais ils rentreraient chez eux lorsque le temps devient inclément. Ainsi, on réglerait le problème.

[Français]

+-

    M. Roger Clavet: Madame Namroud, désirez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: Je pourrais envisager deux possibilités, comme je l'avais mentionné.

    Premièrement, il faut véritablement donner à ces gens, même s'ils sont âgés, la chance d'avoir accès à une information plus crédible. Il faut leur donner une source d'information autre que les parents ou la famille, afin de leur permettre de savoir ce qui se passe au Canada et comment on y vit.

    La deuxième possibilité à laquelle je peux penser consiste à s'assurer que les gens, en particulier les parents ou les personnes âgées, qui viennent ici ont suffisamment de moyens pour vivre ici, que ce soit grâce à la personne qui les parraine ou grâce à leurs propres actifs. De cette façon, on pourrait s'assurer, au moins pour une certaine période, qu'ils ne viennent pas ici pour être bénéficiaires de l'aide sociale pour ensuite, s'ils n'aiment pas leur expérience, retourner dans leur pays.

    Le point le plus important demeure d'abord l'information.

À  +-(1025)  

+-

    M. Roger Clavet: Madame Namroud, j'aimerais revenir sur l'étude qui a été menée par le Rassemblement Canadien pour le Liban, je crois, auprès de 135 citoyens d'origine ou de souche libanaise.

    Comment s'effectue l'intégration des Libanais? Retrouve-t-on la même démarcation entre chrétiens et musulmans? L'étude portait-elle uniquement sur le volet chrétien, ou avait-elle une portée plus générale?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: L'étude a été menée seulement auprès des chrétiens. Par contre, l'échantillonnage comptait un certain pourcentage de musulmans. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il y ait véritablement une différence entre chrétiens et musulmans. C'est plutôt culturel.

    La question la plus importante dans cette étude était vraiment de savoir jusqu'à quel point les gens s'intègrent et de cerner les facteurs les plus importants qui inhibent le processus d'intégration. On avait remarqué que l'un d'eux était la période de temps passée ici. Les gens qui étaient au Canada depuis deux ou trois ans n'appréciaient pas autant leur expérience que ceux qui y avaient passé sept, neuf ou dix ans. On avait aussi remarqué que le niveau d'éducation ne faisait aucune différence. Les gens qui avaient plus de scolarité n'avaient pas fait une évaluation de l'intégration tellement différente de celle des autres.

    Je ne pense pas que la religion ait joué un rôle à cet égard. C'étaient plutôt l'information qu'ils avaient obtenue et les attentes qu'ils entretenaient avant leur arrivée qui avaient joué un rôle très important.

+-

    M. Roger Clavet: Enfin, les citoyens libanais de deuxième génération s'intègrent-ils mieux que ne l'ont fait ceux de la première génération?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: On n'a pas vraiment abordé cette question. Cependant, d'après les observations générales et les études, c'est effectivement le cas. Comme je l'ai dit, en général, les gens qui ont passé dix ans au pays ou qui sont de la deuxième génération apprécient davantage le système ici. On n'a pas compilé de statistiques comme telles à cet égard, mais on a obtenu des réponses qui semblent nous indiquer cela.

+-

    M. Roger Clavet: Quel serait le plus grand obstacle qui ajoute à la difficulté d'adaptation?

+-

    Mme Marie-Claire Namroud: C'est d'abord l'équivalence des diplômes étrangers. Viennent ensuite la pénurie d'emplois, puis la question de la langue. Les pourcentages existent, je pourrais vous fournir l'étude. Elle est disponible sur notre site.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, madame Namroud.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Étant donné que M. Marlow est arrivé en retard, nous allons lui donner la possibilité de faire un exposé de cinq minutes maintenant. Ainsi, vous pourrez en tenir compte lors du deuxième tour de questions.

    Monsieur Marlow.

+-

    M. Cathal Marlow (à titre personnel): Bonjour à tous. Je suis désolé d'être un mauvais citoyen et d'être arrivé en retard, mais c'était inévitable.

    Il est excellent de voir les gens discuter de la problématique, car elle est importante. Probablement, nombre d'entre vous, autour de cette table étiez des immigrants vous-mêmes il n'y a pas si longtemps. Je ne pense pas que l'on puisse réellement séparer la citoyenneté de l'immigration en ce sens que ceux qui constituent normalement de bons immigrants seront normalement aussi admissibles comme bons citoyens. C'est la où il nous faut mettre le processus en marche.

    Ce que disait Marie-Claire est très important: nous devons communiquer l'information aux candidats à l'immigration pour qu'ils sachent ce qui les attend à leur arrivée au Canada. Ce n'est pas le paradis. Ce n'est pas Disneyland. C'est un endroit où les gens doivent travailler pour vivre et contribuer à une société dans laquelle ils connaîtront la solitude s'ils ne cherchent pas à s'intégrer.

    Vous avez demandé ce que signifie réellement l'intégration. Je pourrais vous raconter une petite histoire sur l'Irlande, d'où je suis originaire. Nous avons là une tradition appelée ceilidhing. Pour ceux qui ne connaissent pas la langue irlandaise, ceilidhing signifie aller rendre visite à ses voisins. Si vous arrivez dans un nouveau quartier, vous allez voir les gens et faites leur connaissance pour en savoir un peu sur eux. Vous leur demandez: «Puis-je faire quelque chose pour vous aider?», et ce faisant vous vous familiariser avec le voisinage. Si vous êtes étranger, vous vous familiarisez avec les coutumes des gens—et leur langue et ce qui les distingue. Qu'y a-t-il chez ces gens à quoi moi, immigrant potentiel dans ce pays, puis-je m'identifier?

    Flora et Marie-Claire ont toutes deux entièrement raison lorsqu'elles disent qu'il faut offrir une information claire aux gens avant qu'ils ne prennent la décision de quitter le pays où ils sont nés pour s'établir dans un pays nouveau dont ils ne savent à peu près rien ou alors, le peu qu'ils savent provient souvent de sources non fiables.

    Je pense qu'il y a une petite crise au Canada que je qualifierais de crise d'identité. Qui sommes-nous, les Canadiens? Qu'est-ce que la société canadienne? Que défendons-nous? Qu'est-ce que, à nos yeux de Canadiens, un bon citoyen? Comment le gouvernement canadien définit-il un bon citoyen? À quelles valeurs un bon citoyen est-il censé adhérer? Et qu'est-ce qu'un mauvais citoyen?

    Il faudrait mettre en place une sorte de mécanisme, un peu comme un examen. Si un homme d'affaires veut faire des affaires au Canada, il est dans son intérêt d'aller faire un tour dans le pays et de poser quelques questions. Par exemple, qui sont ces gens? Qu'est-ce qui les fait aller? Comment pouvons-nous les servir? Comment pouvons-nous conclure de meilleures affaires avec eux?

    C'est une comparaison un peu simpliste, mais à un certain stade nous devons adopter une stratégie similaire à l'égard de l'immigrant. Si un immigrant vient au Canada, il doit bien être avantageux pour lui, ainsi que pour le pays hôte, d'être suffisamment renseigné sur le Canada et son peuple: l'histoire, les religions, les églises dominantes, les coutumes, les difficultés, le climat—et le risque de mener une vie très solitaire. Ce sont là des choses importantes. Il n'y a pas grand-chose dans la loi à cet égard.

    Si vous êtes un citoyen ordinaire arrivé dans ce pays comme immigrant, je parie que vous avez connu la solitude. Je parie que vous avez connu la frustration. Et je parie que vous auriez voulu, à un moment donné, avoir été mieux informé sur le pays avant d'y arriver. Si vous êtes comme moi, on vous a dit une semaine avant le départ: «Vous partez au Canada car nous avons besoin là-bas d'un homme d'affaires pour ouvrir un marché». Mais je vous parle là d'une certaine catégorie de personnes; heureusement pour moi, je n'ai pas eu à venir comme réfugié. Mais je peux vous dire que, lorsqu'il m'a été difficile d'obtenir la citoyenneté canadienne ou le statut de résident, certains m'ont dit: «Du fait que vous venez d'Irlande du Nord, vous devriez demander l'asile». J'ai dit, non, je ne vais pas mentir ni tricher; si le Canada me veut, je resterai et je veillerai—sans vouloir me vanter—qu'aucun Canadien ne devra jamais débourser un sou pour me faire vivre dans ce pays. Je ferai de mon mieux, à la mesure des forces que Dieu me donnera, pour apporter quelque chose au pays qui m'accueille. À ce titre, je m'efforcerai d'en apprendre autant que je pourrai sur le pays et d'aider les gens de ce pays de mon mieux.

À  +-(1030)  

    Je pense que nous, comme nation, devrions coucher sur papier ou annoncer ce que nous attendons d'un bon citoyen canadien. Nous avons une Charte des droits et libertés et nous en faisons grand cas dans la société. Mais avons-nous réellement expliqué l'envers de la médaille, qui signifie: «Savez-vous quoi? Toutes ces choses ne viennent pas toutes seules, il faut les mériter. Si vous voulez être respecté, vous devez mériter le respect. Si vous voulez des droits...»

    Je pense que les immigrants qui ont du bon sens disent que s'ils viennent ici et si le pays hôte fait beaucoup pour les accueillir, alors eux aussi ont un devoir envers ces gens et doivent contribuer plus qu'ils ne reçoivent. Je pense que c'est quelque chose que nous constatons tous. Il y a des gens qui donnent et d'autres qui prennent et je pense qu'il importe de pouvoir distinguer entre les deux.

    Je rejette parfois la correction politique pour appeler un chat un chat. Parfois, c'est cela qui tue notre nation. Nous avons peur d'appeler un chat un chat, de crainte d'être traité d'intolérant. Aussi, on rejette le bon sens parce qu'on a peur de devenir intolérant.

    Une petite chose dans la Loi sur la citoyenneté me gêne réellement—je dois le dire—et c'est le fait que, pour devenir citoyen du Canada, il faut jurer allégeance à la Reine. Pour moi, c'est un peu beaucoup. Vu d'où je viens—il y a beaucoup d'autres pays dans le même cas—nous avons beaucoup de mal avec cela. Je crois qu'il y a beaucoup de gens qui vivent dans notre pays depuis longtemps et qui n'ont pas demandé la naturalisation parce qu'ils ne parvenaient pas à se résoudre à jurer allégeance à une monarchie qui a pendant longtemps opprimé la nation. Il faut mettre fin à cela. Je pense qu'il faut prêter serment au pays qui nous accueille, le Canada.

    Personnellement, lorsque j'ai prêté serment, j'ai dit «Canada» au lieu de «la Reine» et j'espère que le type ne m'a pas entendu. J'espère que l'on ne va pas me jeter dehors pour cela, car mon allégeance va au Canada et non pas à la Reine d'Angleterre ou au Commonwealth.

    Pour résumer, ayant écouté Marie-Claire et Flora, je trouve qu'elles ont une approche du problème pleine de bon sens. Disons aux gens à quoi ils s'engagent avant de venir chez nous. Disons-leur ce que nous attendons d'eux, comme citoyens. Disons-leur ce que nous allons tolérer et ce que nous n'allons pas tolérer. Ainsi, si les gens sont aussi informés que possible sur ce qui les attend, ils seront mieux équipés pour prendre une décision éclairée. Je pense qu'ils deviendront de bons citoyens, car je crois qu'un bon citoyen est quelqu'un qui contribue non seulement à son bien-être propre mais aussi au bien-être du pays et de la nation qui les accueillent. Je pense que c'est là votre secret.

    Disons-leur qui nous sommes. Disons leur ce en quoi nous croyons. Disons-leur que s'ils peuvent s'adapter à ce modèle, ils sont les bienvenus. Je pense que nous devons être capables d'être fermes et de leur dire: «C'est à vous, l'immigrant, de vous adapter à notre pays et non pas à nous de nous adapter à vous.» Beaucoup de responsables gouvernementaux l'oublient, font tout pour ne pas offenser certains. Nous changeons nos lois pour nous adapter aux immigrants et c'est une erreur. J'appelle cela le syndrome de la queue qui remue le chien. Cela n'a pas lieu d'être. Je pense qu'il faut dire aux immigrants qui viennent ici qui nous sommes, ce que nous sommes, et que s'ils ne sont pas prêts à s'adapter à ce modèle, la direction de la sortie est par là.

    Je vous remercie infiniment de m'avoir écouté.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup, monsieur Marlow, pour votre témoignage.

    Nous allons commencer un tour de questions. Chacun des membres du comité aura la chance de vous poser quelques questions. Vous pourrez, à ce moment-là, poursuivre votre témoignage. Merci.

    Monsieur Jaffer.

[Traduction]

+-

    M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur Marlow.

    Je n'ai pas vraiment de questions. Je pense que vous avez bien résumé nos propos antérieurs. Mais je trouve votre attitude encourageante. Je vous encouragerais presque à faire de la politique afin que vous puissiez appeler un chat un chat. C'est quelque chose qui manque souvent et vous l'avez bien faire ressortir.

    Mais c'est intéressant. Vous venez d'Irlande et j'ai un collègue, un ami très proche de notre caucus, qui est également d'Irlande mais qui est fervent monarchiste. Je ne sais pas ce que vous avez bien pu lui faire avant qu'il n'arrive ici, mais c'est intéressant à voir. Jason Kenney est fou de monarchie et, venant d'Irlande, cela m'a toujours surpris.

    Néanmoins, c'est tout ce que j'ai réellement à dire. Merci de vos remarques.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): La parole est à vous, monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, madame la présidente.

    D'abord, monsieur Marlow, pour des raisons que vous comprendrez, je n'ai pas l'intention, moi non plus, de signer un ordre d'expulsion parce que vous n'avez pas prêté serment à la Reine.

    Par contre, je comprends également que vous dites que ce n'est pas aux immigrants à s'adapter, mais l'inverse.

À  +-(1040)  

+-

    M. Cathal Marlow: Non, non.

+-

    M. Roger Clavet: C'est-à-dire que la société d'accueil doit, elle, accueillir ces gens, mais que les immigrants doivent s'adapter.

    Je voulais savoir jusqu'où ça va, puisque la communauté d'accueil doit aussi être sensible aux différences culturelles. Sinon, on va tous se ressembler, on sera interchangeables et on prêtera serment à une seule personne, à un seul État, à une seule société.

    Faut-il tenir compte aussi des différences culturelles par rapport aux gens qui viennent d'un peu partout? Est-ce quelque chose que l'on doit également garder en tête lors de la préparation d'une mesure législative?

+-

    M. Cathal Marlow: C'est une très bonne question. Bien sûr, il y a toujours une sensibilité associée à certaines coutumes, mais je pense que l'essentiel, c'est l'information.

    Si on agit comme un bon père de famille, on dira à tous qu'ils sont comme nos enfants, qu'ils sont les bienvenus chez nous, à condition qu'ils respectent le règlement de la maison. On a une culture dans cette maison, on a une certaine histoire, un certain héritage. Donc, on leur dit qu'ils sont les bienvenus, qu'ils peuvent pratiquer leurs coutumes, mais qu'ils ne peuvent pas nous les imposer. On est prêt à les tolérer, à tolérer certaines choses, mais quand elles interfèrent avec les règles de la maison ou qu'elles nuisent au maintien de la paix dans la maison, on s'excuse, mais on doit agir comme bon père de famille et dire non

    La tolérance est une vertu nécessaire. La sensibilité aussi est nécessaire. Mais vient un temps où un père de famille doit de se dresser et agir comme un homme — j'espère que mes propos sont conformes à la rectitude politique — et dire non. Ils viennent ici comme invités. On les respecte comme des invités, mais voici comment on agit. S'ils sont capables d'agir conformément à ce modèle, ils sont les bienvenus. Si cela leur pose des problèmes, ils en auront aussi face à nous.

    C'est la raison pour laquelle je dis qu'il est important de définir un modèle de ce qu'est la société canadienne. Quelle est notre philosophie dominante? D'où sommes-nous venus? Qui étaient nos ancêtres? Qui a défriché toutes ces terres? Quels efforts ont été faits pour que l'infrastructure soit telle qu'elle est aujourd'hui?

    Le respect va donc dans les deux sens. Oui, il doit y avoir un respect de la part de la société hôte envers les immigrants, parce que la plupart d'entre eux viennent ici pour apporter leur expertise, leur expérience. C'est une richesse incroyable. Toutefois, faisons comme dans beaucoup de pays, utilisons cela à bon escient afin d'aller dans une même direction, vers l'amélioration du pays et de la société, et non pas vers une diversité qui cherche à créer des groupes d'intérêt au sein desquels on trouve beaucoup de plaignards qui empêchent la nation de progresser.

+-

    M. Roger Clavet: Avez-vous l'impression, monsieur Marlow, que la société québécoise — puisque vous êtes ici et que vous êtes d'origine irlandaise — a tendance à manquer parfois de sensibilité face aux Irlandais, aux Écossais, aux Anglais? On vous identifie comme des Anglais. N'est-ce pas justement la preuve qu'il nous manque encore des trucs, comme communauté d'accueil, sur le plan de la sensibilité culturelle?

+-

    M. Cathal Marlow: Permettez-moi de vous dire une chose, monsieur Clavet. Je n'ai jamais de ma vie vu une société aussi accueillante que la société québécoise, à un point tel que, étant arrivé ici avec peu de connaissances de la langue française, ces gens-là, même si leur anglais n'était pas terrible, s'efforçaient de parler anglais avec moi.

    Je suis donc tout à fait surpris de l'accueil que j'ai eu de la part de la société québécoise. J'ai une grande admiration pour elle. Si j'avais un conseil à donner aux Québécois, je leurs dirais d'être eux-mêmes, d'être conscients de leurs belles traditions, de ne pas avoir peur de la partager et de protéger leur pays, leur nation, parce que cela en vaut la peine.

    En ce qui concerne les immigrants, je leur dirais de ne pas manquer pas de sensibilité. C'est une question d'éducation. Peut-être le ministère de l'Éducation pourrait-il dire que la population anglophone du Québec est composée de 40 p. 100 de gens d'origine irlandaise, de tel pourcentage de gens d'origine écossaise. Lorsque des gens arrivent aujourd'hui dans la société, on pourrait leur demander s'ils sont d'origine britannique ou s'ils viennent d'une autre partie du monde.

    Une personne normale ne s'offusque pas du tout de cela. Au contraire, elle se considère chanceuse d'être accueillie dans cette terre. J'ai le devoir d'apprendre aux gens qui m'accueillent qui je suis, d'où je viens, ce que j'apporte, pourquoi je suis ici. Ce n'est pas à la société hôte de faire de grands efforts, mais c'est plutôt à la personne qui vient comme invitée d'expliquer qui elle est et de s'intégrer à la population, d'apprendre la langue, de ne pas rester dans les ghettos, d'aller à la recherche du monde, comme font de bons voisins.

    Quand on va dans un voisinage qui n'est pas le nôtre, il est normal de faire la connaissance des personnes aux alentours. Sinon, on risque de vivre une vie privée de connaissances, de culture, une vie moins remplie qui si on avait fait l'effort de sortir.

À  +-(1045)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous remercie, monsieur Marlow. J'aimerais que vos réponses soient plus brèves, car on dépasse le temps alloué. Il y a de la passion dans vos propos. Je vais sacrifier quelques-unes des minutes qui m'étaient imparties pour les laisser à mon collègue.

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, madame la vice-présidente.

[Traduction]

    Monsieur Marlow, c'est une discussion intéressante et c'en est une où je suis probablement un peu en désaccord avec vous.

    Je ne pense pas que nous soyons dans un pays où les immigrants doivent s'adapter au Canada plutôt que l'inverse. Je pense que le Canada change et évolue sous l'influence des gens qui viennent ici et je trouve que c'est une bonne chose. Je veux encourager cela. Je pense que la politique de multiculturalisme que nous poursuivons au Canada est importante pour notre société et elle a été très importante aussi pour les immigrants venus au Canada, car ils savent que leur culture et leurs traditions peuvent être respectées ici et que l'on ne va pas les obliger à plonger dans le creuset et à émerger sous une forme différente comme on l'attend des immigrants dans d'autres pays.

    Il me semble que nous avons déjà parlé ce matin un peu des règles et valeurs fondamentales de notre société—la Charte des droits et libertés, nos institutions démocratiques, notre système de justice et notre droit pénal, notre politique des langues officielles. Ce sont là les choses élémentaires dont j'attends des nouveaux venus au Canada qu'ils les respectent.

    Vous avez parlé de certaines règles. À mes yeux, ce sont là les règles dont le Canada doit exiger le respect. Il me semble que d'affirmer que les immigrants doivent s'adapter au Canada va à l'encontre de l'histoire canadienne, au cours de laquelle nous avons pris certaines décisions qui étaient contraires à la tradition.

    Nous avons décidé à certains moments que les gens conquis au Canada n'étaient pas obligés de renoncer à leurs droits, à leur culture et à leur langue. Nous avons construit un pays fondé sur deux nations, fondamentalement, et nous commençons à développer du respect pour nos peuples autochtones et leur lien avec la terre et leurs valeurs culturelles, quelque chose qui est encore insuffisant mais qui est en train d'émerger dans ce pays.

    Il me semble donc que nous sommes un pays très dynamique sur le plan culturel, mais avec certaines valeurs très bien définies incarnées dans la Charte et nos institutions démocratiques.

    Je préférerais de loin tenir le cap avec une politique de multiculturalisme. Je pense qu'il faut avoir conscience du risque de ghettoïsation. Il ne s'agit pas que les gens se sentent isolés de leurs voisins et de la société, mais nous avons aussi parlé de quelques moyens de le prévenir.

    Quoi qu'il en soit, j'ai prononcé là un peu un discours et vous voudrez peut-être un peu de temps pour y répondre.

+-

    M. Cathal Marlow: Merci beaucoup. Vous avez formulé là de bonnes remarques.

    Je n'aimerais pas passer pour quelqu'un qui affirme qui faut absolument s'adapter à la vie au Canada. Je pense que c'est quelque chose à encourager. Je pense que la politique d'immigration ou la politique de citoyenneté doit en être une—et c'est ce que j'ai dit à la fin—qui bénéficie non seulement à la personne qui vient s'établir mais aussi à la société dans son entier.

    Je ne suis donc absolument pas opposé au multiculturalisme. Comme je l'ai dit, je trouve que les immigrants représentent une richesse incroyable pour la nation, mais je pense qu'il y a un danger si nous les Canadiens—comment dire—jetons notre patrimoine et notre culture à la poubelle ou les négligeons et disons que oui, nous étions intolérants sur tel et tel plan, vous nous dites que nous devons changer et vous avez raison.

    Je crois qu'il y a un danger que si nous n'avons pas un modèle solide, nous aboutirons à une société chaotique où... Si les gens vivent très bien dans leur ghetto avec leur propre petite culture, pourquoi diable prendraient-ils la peine de s'intégrer? Certains viennent de pays tellement différents du nôtre et s'ils peuvent vivre plutôt bien et plutôt heureux dans ce petit ghetto, à quoi bon s'intégrer? Mais en revanche, ils pourraient aussi dire : il y a tellement d'avantages à s'intégrer à la société, tant à apprendre auprès de la culture hôte, alors embrassons-la.

    Je ne pense pas une minute que le Canada devrait revenir sur le multiculturalisme. Je pense qu'il est une excellente chose, mais il ne faut pas en faire un Dieu comme on a tendance à le faire. Voilà ce que je dis.

À  +-(1050)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Telegdi.

[Traduction]

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, madame la présidente.

    Permettez-moi de dire, monsieur Marlow, que les Irlandais ont apporté une grande tradition dans ce pays. Ma femme est Irlandaise.

    M. Cathal Marlow: Vous n'avez pas intérêt à dire du mal de nous.

    L'hon. Andrew Telegdi: Mais l'une des choses merveilleuses, avec un pays comme le nôtre, c'est que la plupart des Canadiens fêtent la St. Patrick. Que ce soit à Montréal, à Kitchener, à Waterloo, ou à Vancouver, on fête partout.

    Lorsqu'on parle de tolérer d'autres cultures, à mes yeux... Lorsque les Sikhs ont remporté le droit de porter le turban dans la GRC, cela signifiait à mes yeux que mon pays reflète ses habitants. Je ne considère pas cela comme de la tolérance, c'est plutôt de l'inclusion, car cela m'enrichit. C'est une attestation du fait que je suis arrivé ici comme Hongrois et que je suis maintenant Canadien. La population canadienne reflète les valeurs de ce pays et le pays change beaucoup.

    Je pense que vous avez dit à peu près la même chose en décrivant votre refus de jurer allégeance à la monarchie, car si je poussais votre énoncé initial à sa conclusion logique, alors la monarchie serait toujours très puissante et la Ligue monarchiste du Canada exercerait toujours son pouvoir de jadis.

    Je pense donc que lorsqu'on considère l'histoire de ce pays et l'afflux d'immigrants—qu'ils soient Irlandais, Écossais, Chinois, Indiens, des gens du monde entier—c'est à cause des conflits que nous avons vécus au fil du temps, l'absence d'attribution de droits et la triste histoire que nous avons vécue dans bien des cas que nous avons créé la Charte des droits et libertés. À mes yeux, la Charte des droits et libertés est probablement notre sainte écriture laïque. Pour moi, les droits ne sont pas conditionnels. Si les droits deviennent conditionnels, alors on peut me les enlever à tout moment et ce serait totalement contraire à l'esprit de la Charte des droits et libertés.

    Aimeriez-vous réagir à ce que j'ai dit?

+-

    M. Cathal Marlow: Je conviens avec vous qu'il est important d'avoir la Charte des droits et libertés, mais je me sépare encore une fois de vous s'agissant de son caractère sacré. Je pense qu'elle ne devrait pas exister isolément. Je n'exprime que mon opinion, mais personnellement, lorsque je suis arrivé dans ce pays, j'ai dit que je ne parlerai pas de droit tant que je n'avais pas gagné quelque chose ou contribué quelque chose à cette nation. Les droits ne m'intéressent pas tant que je n'ai pas contribué autant que possible, et je respecterai l'histoire et la tradition de cette terre.

    Pour ce qui est de l'octroi du droit de porter un turban, sans vouloir offenser personne, d'autres groupes pourraient bien dire: Écoutez, si certains groupes peuvent faire cela, pourquoi moi ne puis-je pas faire ceci? Un autre groupe viendra dire qu'il a contribué telle chose et devrait pouvoir faire telle autre. Il y a en instance un procès qui porte sur la question de savoir si on peut porter ou non un poignard à l'école.

    Là encore, je pense qu'il est important d'adopter des attitudes et des politiques de bon sens et ne pas toujours se cacher derrière la Charte des droits et libertés, car j'ai vu beaucoup de choses mauvaises être faites derrière le paravent de la Charte des droits et libertés. Personnellement, elle n'est pas ma bible; ma bible, c'est la parole de Dieu, et la Charte n'est pas ma bible. C'est elle qui me dicte ce que je pense et peut-être est-ce être intolérant de vous dire tout cela, mais mon Dieu est le créateur de la terre et c'est lui qui me jugera et sa parole est mon livre saint, car c'est lui qui me dit que j'ai certaines responsabilités à remplir avant qu'il ne me parle de mes droits.

À  +-(1055)  

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je pense avoir dit que c'est notre livre saint laïc, un ensemble de règles à suivre dans une société très pluraliste. Je vois une différence dans ma façon de percevoir le Canada; vous le percevez comme quelque chose de tolérant, moi je le perçois comme quelque chose d'inclusif. Nous resterons en désaccord là-dessus.

    Merci.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Il reste un membre du comité, M. Lui Temelkovski. Je vous demande d'être bref, car nous ne disposons que de cinq minutes environ.

+-

    M. Lui Temelkovski: D'accord. Merci, madame la vice-présidente.

[Traduction]

    Monsieur Marlow, vous m'avez fait perdre mon équilibre et peut-être est-ce une bonne chose.

    Vous dites que «nous» sommes prêts à tolérer votre culture. Qui est «nous»?

+-

    M. Cathal Marlow: Ceux dont les ancêtres ont défriché ces forêts et construit l'infrastructure en place aujourd'hui, ceux qui ont rendu cette terre accessible et facilement habitable par moi, qui suis arrivé dans les années 80. Je dirais que c'est eux le «nous», en l'occurrence.

+-

    M. Lui Temelkovski: Eh bien, je suis arrivé dans les années 60. Peut-être aurais-je dû dire que vous n'auriez pas dû venir.

+-

    M. Cathal Marlow: Peut-être, peut-être bien.

+-

    M. Lui Temelkovski: Je pense que c'est une joie, et qu'il nous faut célébrer et partager, et non pas tolérer les autres cultures au Canada. Je pense que nous nous débrouillons très bien en cela. Ce n'est que lorsque nous partageons et célébrons les autres cultures que nous pouvons frapper à la porte d'à-côté et dire «Bienvenue dans le voisinage». Nous ne pouvons pas faire cela si nous ne faisons que tolérer les attitudes et les coutumes et la langue d'autrui. Et ce système de ghetto... Vous savez quoi? C'est un plaisir de me promener dans Chinatown. Beaucoup de gens dans Chinatown se marient entre eux. Ils parlent un excellent anglais et sont de très bons Canadiens.

    Il n'y a rien de mal à vivre dans des ghettos. Les gens qui vivent dans des ghettos contribuent aussi. Nous savons que si une personne arrive au Canada et si elle n'a pas quelqu'un appartenant à sa culture ici, sa probabilité de réussir dans ce pays diminue beaucoup. Ils ont besoin d'une autre personne de leur culture pour s'épanouir dans la nôtre.

    Je suis arrivé dans ce pays tout comme vous, dans les années 60. Je ne parlais pas un mot d'anglais et d'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent, vu que je ne parlais pas l'anglais, je ne serais pas autorisé à venir selon vos règles et définitions. Et c'est triste. Ce serait un triste jour pour le Canada.

    Mes parents sont morts au Canada, connaissant très peu l'anglais, après 30 ans. Ils n'ont jamais été dépendants du système. Selon votre définition,il aurait fallu les fusiller ou les renvoyer. Je trouve très insultant lorsque vous parlez ainsi, de ghettos et de l'absence de tolérance à l'égard des nouveaux arrivants dans ce pays.

    Merci.

Á  +-(1100)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Marlow?

[Traduction]

+-

    M. Cathal Marlow: Oui, j'aimerais répondre. Je conviens avec M. Temelkovski que mon choix de mots n'était peut-être pas le meilleur. Lorsque je dis—je ne dis pas qu'il faut tolérer les cultures. Je voulais dire que certains aspects de certaines cultures ne doivent pas être imposés aux cultures existantes. Je fais allusion plus particulièrement au port d'un poignard. Je pense que c'est contraire aux règles de la plupart des écoles. J'aurais dû préciser qu'il s'agit d'aspects de certaines cultures.

    Je ne puis être contre personne. Qui suis-je pour dire du mal de qui que ce soit? Je vous dis seulement que j'ai de l'amour pour les gens. Je ne déteste pas les gens. J'ai un amour pour ce pays et je dis que si l'on n'applique pas certaines règles, on peut se retrouver avec le chaos.

    Loin de moi l'idée de dire que les gens qui ne parlent pas l'anglais ou le français ne devraient pas être accueillis ici. Je n'ai absolument pas dit cela. J'ai dit simplement que si l'information était distribuée concernant nos langues, notre territoire, notre climat, notre culture, peut-être viendraient-ils quand même mais peut-être s'abstiendraient-ils. Mais je pense simplement que ce serait plus facile s'ils étaient correctement informés des réalités du Canada.

    Je ne suis certainement pas une personne intolérante. J'ai un grand amour pour les gens. Peut-être ne l'ai-je pas exprimé, mais je vous prie d'excuser ma faible capacité linguistique.

    Mais je dirais que la getthoïsation ne contribue pas autant à la société, à mon avis, que lorsqu'une personne décide d'embrasser les cultures existantes déjà en place. C'est une opinion personnelle. Cela ne veut pas dire que je sois terriblement fâché lorsque je vois des ghettos, car ce n'est pas le cas. Je les comprends. Je comprends la nécessité pour les gens de cultures différentes de se grouper. Je peux comprendre cela. Moi-même, j'aurais adoré à certains moments trouver un ghetto irlandais, permettez-moi de vous le dire. Je n'y suis donc absolument pas opposé.

    Mais je pense qu'il faut dire aux gens que vivre au Canada, c'est plus que ce cantonner dans sa petite culture. Je ne suis certainement pas une personne intolérante. J'embrasse les autres cultures. J'adore absolument les autres cultures, mais je pense que si l'on n'a pas un ensemble prépondérant de règles, on se retrouve avec le chaos.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je remercie tous les gens qui sont venus témoigner. Je voudrais prendre une minute pour conclure.

    Je me sens un peu interpellée par tous les gens qui sont venus témoigner. Je suis métisse. Du côté de mon père, j'ai des origines chez les premières nations et chez les francophones du Québec. Quant à ma mère, elle est d'origine chinoise. Je me sens donc interpellée, parce que ce dilemme, à savoir ce que l'on inclut et ce que l'on n'inclut pas, fait partie du milieu dans lequel j'ai grandi. Je parle encore la langue de ma mère. À la maison, nous avons des pratiques totalement asiatiques; je mange beaucoup de riz. En même temps, je me sens totalement Québécoise, je fais partie intégrante du Québec. Je reconnais que les gens des premières nations sont distincts et qu'il est possible d'en arriver à une entente égalitaire avec eux.

    J'ai suis totalement tolérante et acceptante. Quand on a parlé de la pratique du port du turban, je faisais partie des gens qui militaient en faveur du port du turban. C'est sûr et certain que tous ces enjeux feront surface. Comme nation, je crois que nous nous devons d'être tolérants et d'examiner chaque chose en son temps. Nous nous devons d'être d'abord et avant tout humanistes et égalitaires.

    À cet égard, la Charte canadienne des droits et libertés accorde un certain nombre de permissions ou offre un certain nombre de possibilités. Je crois que la diversité nous enrichit. D'abord et avant tout, si on s'examine bien, on constate que tout le monde veut réussir. C'est l'ensemble des gens qui façonne l'identité de notre nation.

    Je vous remercie tous et j'espère vous revoir.

    Merci.

Á  +-(1105)  


Á  +-(1110)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): J'invite les témoins à se joindre à nous.

    J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue au comité. Nous avons très hâte d'entendre vos témoignages. Vous pouvez les présenter dans l'une ou l'autre des deux langues. Comme vous l'avez sans doute remarqué, nous avons accès à l'interprétation simultanée.

    Nous accueillons Mme Rivka Augenfeld, Mme Glynis Williams ainsi que Mme Amy Hasbrouck. Nous disposons d'une heure, alors je vous prierais de livrer vos témoignages sans dépasser les cinq minutes qui vous sont accordées. Ensuite, il y aura un tour de questions. Vous aurez alors la chance de compléter vos réponses.

    Nous commencerons avec Mme Rivka Augenfeld.

+-

    Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes): Bonjour, madame la présidente et députés membres du comité parlementaire. Merci de nous accueillir ici pour vous parler de certains aspects de la citoyenneté.

    La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est un regroupement de 140 organismes membres à la grandeur du Québec qui travaillent de différentes façons avec et pour les réfugiés et les immigrants. Nous venons de célébrer notre 25e anniversaire. Nous avons donc acquis une expérience assez importante en matière d'accueil et d'établissement des réfugiés, des droits des réfugiés et aussi quant à différents aspects de l'immigration.

    D'entrée de jeu, je voudrais dire que la Table de concertation est aussi membre du Conseil canadien pour les réfugiés et qu'à ce titre, nous appuyons toutes les positions et résolutions de ce conseil.

    Sans en faire le point central de notre présentation d'aujourd'hui, nous voulons simplement affirmer que nous sommes en faveur de l'octroi de la citoyenneté canadienne à tout enfant né au Canada. C'est une position que nous défendons depuis longtemps et dont nous avons déjà discuté à d'autres occasions.

    Aujourd'hui, nous voudrions utiliser les quelques minutes qui nous sont allouées pour parler d'un sujet qui nous tient à coeur, soit l'apatridie. Je demanderai à ma collègue Glynis Williams de vous entretenir à ce sujet. Mme Williams est la directrice d'un organisme qui s'appelle Action Réfugiés Montréal, lequel est évidemment membre de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

+-

    Mme Glynis Williams (directrice, Action Réfugiés Montréal): Je suis vraiment contente de vous dire quelques mots sur la question des apatrides. Actions Réfugiés Montréal travaille en détention; c'est un de nos projets. Nous rencontrons donc plusieurs personnes qui sont déjà apatrides.

    Je continuerai en anglais. J'ai toutefois un petit article que nous avons rédigé en français, lequel sera traduit, j'imagine, pour ceux qui ne lisent pas le français.

[Traduction]

    On a appelé la citoyenneté le droit d'avoir des droits. La citoyenneté constitue le lien entre l'individu et l'État. Sans le droit de citoyenneté, il n'y a pas d'État auprès duquel la personne peut demander la protection de ses droits humains fondamentaux.

    D'une certaine façon, je pense que les apatrides sont les orphelins de la mondialisation. Nul État n'a reconnu leur droit de participer à la société, d'exercer le moindre droit politique, et ils ne peuvent pas non plus demander la protection accordée à nous tous par notre citoyenneté ou nationalité—et les deux termes sont utilisés de façon interchangeable.

    Deux conventions portent sur l'apatridie: la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, dont le Canada est signataire; et la Convention de 1954 relative au statut des apatrides que le Canada n'a pas encore signée.

    Je suis désolée si je répète des choses que vous connaissez déjà. Je vous dispense peut-être le cours Apatridie 101.

    Généralement parlant, les lois canadiennes reconnaissent l'importance de la citoyenneté et sont conformes aux principes requis pour ne pas engendrer d'apatridie. Voilà la bonne nouvelle.

    D'aucuns demandent que la citoyenneté ne soit plus octroyée sur la base de la naissance sur le territoire. Je fais valoir que cela serait contraire à nos engagements au chapitre de la réduction des cas d'apatridie et de la prévention de l'apatridie. Nous y sommes donc catégoriquement opposés.

    Ce que le Canada n'a pas su faire, c'est répondre aux besoins des personnes considérées comme apatrides et qui ont mis le pied sur notre territoire. D'aucuns disent qu'il n'est pas nécessaire de signer cette deuxième convention, celle de 1954, car un apatride au Canada peut demander la protection à titre de réfugié ou d'une catégorie de personnes protégées. En réalité, le système de détermination du statut de réfugié n'est pas en mesure de réagir à la situation des apatrides qui ne sont pas individuellement visés par leur pays de résidence habituelle. De toute évidence, chacun vit dans un territoire.

    À ce stade, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'a ni le mandat ni la compétence pour déterminer qu'une personne est apatride. Même si elle convenait qu'une personne est probablement apatride, et périodiquement on voit une mention à cette effet dans une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il n'y a actuellement pas de cadre permettant d'accorder le statut de réfugié en l'absence d'un lien avec l'un des cinq motifs énumérés dans la convention.

    Voyons quelques exemples. Nous connaissons tous les cas de dissolution d'États ou de transferts de territoire qui peuvent entraîner l'apatridie. Citons les républiques de l'ancienne Union soviétique qui peuvent refuser la nationalité à ceux qui ne peuvent revendiquer l'appartenance ethnique remontant au temps d'avant l'annexion par l'Union soviétique, si bien qu'une partie de la population de ce territoire devient apatride. En effet, la Russie ne reconnaît pas ceux qui ne vivent pas sur son territoire actuel, et donc la personne se retrouve dans les limbes.

    La Palestine est un autre bon exemple. Les Palestiniens expulsés de chez eux possèdent parfois un document de voyage d'un autre pays mais absolument pas le droit de vivre sur le territoire de celui-ci. Ainsi, ils sont apatrides.

    Dans certains pays, le mariage ou la dissolution d'un mariage, si vous divorcez, peut entraîner la perte de nationalité pour cette personne. Les femmes sont plus souvent exposées à ce risque.

    Ceux d'entre vous qui regardent The Passionate Eye auront peut-être vu un documentaire récent traitant du cas d'une jeune fille Roumaine qui avait été parrainée pour venir au Canada, et à cause de ce parrainage-adoption par un parent canadien, son propre pays la considère Canadienne et elle a perdu sa citoyenneté.

    Voilà donc quelques exemples. Un enfant né d'un parent apatride devient apatride.

    Qu'advient-il donc des apatrides au Canada? S'ils ne sont pas acceptés comme réfugiés, alors ils entrent dans le flux de l'expulsion mais, bien entendu, n'ayant la nationalité d'aucun État et par conséquent pas de passeport, ces personnes se retrouvent souvent dans une situation flottante qui peut durer des années. Cela peut avoir toutes sortes de répercussions sur leur faculté de travailler, leur accès aux soins de santé, leur accès à l'éducation, leur mobilité et, bien entendu, la conséquence la plus traumatique serait la séparation d'avec les membres de la famille. Le traumatisme de l'apatridie ne doit pas être sous-estimé.

    Certaines personnes considérées comme apatrides se retrouvent dans des centres de détention pour immigrants en attendant leur expulsion, et c'est dans ce contexte que les gens de mon organisation entrent en contact avec eux, et nous en avons rencontré là un grand nombre.

    Nous avons des exemples de personnes qui ont été renvoyées du Canada mais auxquelles l'entrée a été refusée dans leur pays de résidence habituelle, ou quel que soit le nom que l'on veuille lui donner, et de nouveau refoulées ici.

    Dans un cas que nous avons suivi d'assez près, une personne a suivi même deux fois cette trajectoire aller-retour, ayant été renvoyée vers deux pays d'origine outre-mer, pour revenir au Canada. Nous avons recommencé encore une fois, sans succès, et il s'est retrouvé en détention pendant plusieurs mois et est tombé dans une extrême dépression.

Á  +-(1115)  

    Il n'existe aucun recours au Canada pour les apatrides et l'une des difficultés c'est que l'on ne sait même pas qui détermine l'apatridie. À ce stade, seul le HCNUR peut décider que quelqu'un est apatride, mais il n'existe pas réellement de disposition nous permettant d'en faire la demande ni de réagir une fois le statut accordé. Ni l'évaluation des risques avant renvoi ni l'examen des considérations humanitaires ne contient de dispositions permettant de remédier à cette situation d'apatridie. Dans ces conditions, que proposons-nous?

    Il serait utile d'établir une sorte de catégorie dans la politique publique afin de protéger les apatrides lorsque ces personnes n'ont aucune protection réelle. Le chapitre IP 15, article 13, du Manuel de l'immigration devrait être modifié de façon à englober l'apatridie comme facteur décisif aux fins des considérations humanitaires.

    Même maintenant, si nous optons pour la voie des considérations humanitaires, les critères vont à l'encontre... Ils sont plutôt contradictoires. Une personne apatride peut n'avoir aucun droit de travailler ou avoir du mal à travailler. C'est le cas dans l'un des dossiers sur lesquels nous travaillons en ce moment. La reconnaissance de considérations humanitaires dépend beaucoup de la faculté de prouver l'intégration et l'intégration passe par le travail.

    Actuellement, j'aide un monsieur qui vit dans le pays depuis 1993 et n'a toujours pas d'État déterminé. Nous avons un document du HCNUR, mais aucun remède à sa situation. Il est dans une très mauvaise passe.

    Je crois que je m'en tiendrai là. Désolé, j'ai probablement dépassé les cinq minutes.

    Merci.

Á  +-(1120)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Voulez-vous ajouter quelque chose, Rivka, ou préférez-vous entendre les questions?

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Je vais attendre.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): D'accord.

    La parole est à vous, madame Hasbrouck.

[Traduction]

+-

    Mme Amy E. Hasbrouck (directrice générale, Centre ressource à la vie autonome de Métro Montréal): Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de cette occasion de prendre la parole devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.

    Avant de commencer, je vous demande de faire preuve d'indulgence à mon égard étant donné qu'en lisant mon témoignage je serai incapable de vous regarder directement. Je m'appelle Amy Hasbrouck et je suis la directrice du Centre de ressources pour la vie autonome du Montréal métropolitain, en anglais Metro Montreal Independent Living Resource Centre. Il s'agit d'une organisation privée, sans but lucratif. Nous fournissons des services et une assistance aux personnes handicapées afin de leur permettre de vivre de manière autonome dans la collectivité. Nous servons dans les deux langues officielles des personnes ayant toutes sortes de déficiences, dans toute l'agglomération de Montréal.

    J'occupe cette fonction depuis décembre 2004, mais comme je n'ai pas pu obtenir de permis de travail, je n'ai pas encaissé mes chèques de paie depuis que je travaille là. Je n'ai pas de permis de travail parce qu'Immigration Canada n'a pas encore émis son avis relativement au marché du travail. Mais je crois que dès que je ferai ma demande de permis de travail et, ultérieurement, ma demande de citoyenneté canadienne—car c'est mon but de l'obtenir—je serai déclarée médicalement inadmissible à cause de mes incapacités. Il est ironique de constater que ce qui me qualifie pour occuper le poste de directrice du Centre de ressources pour la vie autonomie du Montréal métropolitain, soit mon expérience personnelle de vie avec une incapacité, soit également ce qui m'empêche de demeurer au Canada. C'est en partie la raison pour laquelle je suis ici devant vous.

    À cause de cataractes, je suis légalement aveugle depuis ma naissance. Je souffre également d'une grave dépression, de troubles post-traumatiques et d'autres troubles mentaux résultant de sévices subis dans mon enfance. De plus, je souffre d'apnée nocturne et d'un léger lupus. Pour le moment, je prends des médicaments pour la dépression et le SSPT, j'utilise une machine CPAP pour mon apnée, je porte des verres de contact, des lunettes pour lire et d'autres formes d'aide visuelle et parfois je prends des médicaments sans ordonnance pour soulager les symptômes du lupus. Et pourtant, je suis ici pour démontrer que c'est une erreur de considérer qu'une personne qui a besoin d'assistance médicale impose un fardeau excessif aux services de santé et sociaux.

    En plus de mon expérience personnelle avec les incapacités, mes autres qualifications pour l'emploi que j'occupe actuellement comportent mes 25 années d'activisme pour les personnes ayant des déficiences et pour les droits des femmes, mon expérience avec le Centre de vie autonome de Boston, tant comme membre du conseil d'administration que comme employée, ainsi que mon travail d'avocate spécialisée en invalidité, violence familiale, les droits relatifs à la santé physique et mentale. Ces titres de compétence devraient démentir l'analyse qui sous-tend implicitement l'exclusion pour cause de fardeau excessif.

    Le désir d'empêcher des étrangers handicapés de devenir un fardeau caractérise de longue date la politique gouvernementale du Canada, ainsi qu'en témoigne la Loi sur l'immigration de 1869 qui exigeait que les capitaines de navire déposent une caution de 300 $ s'ils débarquaient quiconque était «fou, débile, sourd et muet, aveugle ou infirme». Même si les références à des diagnostics spécifiques ont été éliminées des statuts en 1976, la loi exclut encore catégoriquement les personnes atteintes de déficience. Le HIV/AIDS Legal Network a montré dans son excellent rapport de 2001 que, selon le Guide du médecin, le code d'admissibilité H4D4T4S1E4M7 est attribué à une personne séropositive et que de nombreuses personnes atteintes du VIH sont exclues en utilisant cette formule.

    De même, l'Association multi-ethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec a établi que la grande majorité des personnes handicapées à qui on a refusé le statut de résident permanent au titre de l'alinéa19(1)a) de l'ancienne Loi sur l'immigration étaient des personnes ayant une forme d'incapacité mentale. Le Parlement a pris une décision importante et positive en 2001 en exonérant la plupart des candidats de la catégorie familiale et les réfugiés de l'exclusion pour cause de fardeau excessif. Pourtant, parmi ceux qui sont toujours sujets à cette exclusion figurent les personnes les plus susceptibles de pouvoir subvenir à leurs besoins, des personnes handicapées qui vivent et voyagent de manière autonome, comme moi. Mais l'exclusion subsiste, tout comme son illogisme et les faiblesses de son exécution.

    Avant de parler de l'effet de la disposition du fardeau excessif, je dois reconnaître que le règlement tient compte dans une légère mesure de l'employabilité d'une personne, qui est l'un des cinq critères qui contribuent à la cote de l'inadmissibilité médicale.

Á  +-(1125)  

    Cependant, l'effet en est dilué par les preuves requises et le processus suivi pour effectuer l'évaluation. L'expression «fardeau excessif» présuppose déjà que les personnes handicapées ne peuvent jouer de rôle social important, sont incapables de gagner leur vie, ne peuvent vivre de manière autonome et ne peuvent pas s'intégrer à la société.

    Elle implique également que toute contribution positive d'une personne handicapée est amoindrie du fait des services ou des ressources qu'elle consomme. Songez que Terry Fox, Glenn Gould ou Stephen Hawking seraient probablement jugés médicament inadmissibles au Canada selon le critère du «fardeau excessif». Je signale également qu'aucune de ces trois personnes n'a jamais travaillé au sens traditionnel du terme.

    En outre, une bonne part de la consommation de services sanitaires et sociaux des personnes handicapées est le résultat direct de barrières érigées par la société et de la discrimination. Par exemple, le haut niveau de chômage des personnes handicapées résulte de la discrimination, d'un accès réduit à l'éducation et à la formation professionnelle, des obstacles physiques et des difficultés de communication, et de l'insuffisance des services d'assistance personnelle, plutôt que d'une incapacité de travailler.

    De même, beaucoup de personnes ayant des incapacités sont institutionnalisées parce que la politique gouvernementale canalise la plupart des crédits vers ces établissements plutôt que vers des soins à domicile moins coûteux et qui pourtant offrent une plus grande dignité et autonomie aux individus.

    Plus tôt, j'ai fait référence au processus par lequel on détermine l'inadmissibilité médicale, soit des examens médicaux effectués par des médecins dans des pays du monde entier. De nombreuses recherches démontrent que les médecins ont tendance à évaluer la capacité et la qualité de vie des personnes handicapées comme étant bien moindres que ce que les sujets eux-mêmes ressentent.

    Une étude rapportée dans les Annals of Emergency Medicine en 1994 a montré que 86 p. 100 des quadriplégiques au niveau supérieur estimaient leur qualité de vie comme moyenne ou supérieure à la moyenne. Dans la même étude, seuls 17 p. 100 des médecins et infirmières pensaient qu'eux-mêmes auraient une qualité de vie moyenne ou supérieure à la moyenne s'ils devenaient invalides. Les croyances au sujet des capacités des personnes handicapées dans les pays qui ont moins d'infrastructure de transport tendent à être plus négatives.

    En outre, les médecins généralement voient les gens lorsqu'ils sont malades, ce qui contribue à une vue déformée et fragmentaire des personnes handicapées. Souvent, les médecins considèrent ces personnes comme des recueils de pathologie ou de symptômes plutôt que comme des personnes à part entière dont les corps fonctionnent simplement de façon différente.

    Cela est amplifié par les outils employés pour l'évaluation aux fins d'immigration, qui se limitent principalement à l'information de nature médicale. Ils comprennent les examens médicaux directs, des rapports médicaux, la disponibilité de services sanitaires et sociaux, la nécessité de soins médicaux ou de l'hospitalisation; la nécessité de soins à domicile, la nature aigüe ou chronique de l'affection, tout rapport d'un conseil scolaire, travailleur social ou autre prestateur de services sur les coûts probables associés à la personne, et la nécessité d'une éducation spéciale, la nécessité d'une ergothérapie, de physiothérapie ou d'autres moyens de réadaptation.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Madame Hasbrouck, puis-je vous demander de résumer? Nous ne disposons que d'un temps limité. Peut-être pourriez-vous en dire plus en réponse aux questions des membres du comité. Veuillez résumer en quelques secondes et vous pourrez compléter plus tard avec les éléments de votre rapport.

    Merci.

+-

    Mme Amy E. Hasbrouck: Je résumerai en disant qu'il est nécessaire d'effectuer une évaluation individualisée des personnes handicapées qui ne soit pas fondée sur les faits médicaux et qui prenne en compte la capacité de la personne à contribuer à la société, au niveau tant social qu'économique, et que ces éléments soient pris en considération au moment de déterminer si une personne ayant une déficience peut être un atout pour la société canadienne.

    Merci beaucoup.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.

    Madame Guergis.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci beaucoup à vous tous d'être venus. J'apprécie réellement le temps que vous avez consacré à préparer vos présentations.

    On me donne toujours le premier tour et je n'ai pas toujours de questions brillantes avant d'avoir entendu un peu les conversations autour de la table, malheureusement pour moi.

    J'ai quelques commentaires sur votre présentation, madame Williams.

    Je trouve réellement dérangeant que nous ayons certaines personnes dans notre pays qui ont commis des crimes, et on en entend parler dans les journaux de temps en temps, et qui peuvent entrer et sortir du pays. On ne semble pas parvenir à expulser ces personnes qui le méritent pleinement. Et ensuite, j'entends parler de gens qui se trouvent dans cette triste situation d'apatridie et où l'on fait tout pour leur faire quitter le territoire.

    Cela me paraît insensé. Je vais vous donner un peu le temps de réfléchir avant de répondre.

    Madame Hasbrouck, merci beaucoup d'être venue et de votre exposé. Il est très courageux. J'ai toujours déploré qu'au Canada nous ne fassions pas assez pour les personnes handicapées. J'entends par là qu'avec la façon dont nous exécutons nos programmes pour personnes avec déficience, nous semblons construire des systèmes—à l'instar de ce que vous disiez sur des barrières érigées par la société—qui ne leur permettent pas d'avancer dans la vie. Nous les traitons comme s'ils étaient des assistés et nous ne faisons rien pour les aider.

    Il en résulte une perte de talent et nous semblons avoir ce préjugé que les personnes handicapées sont incapables. J'ai apprécié vous remarques à ce sujet car il se trouve que je suis d'accord avec vous.

    Je vais m'en tenir là et vous permettre d'utiliser le restant de mon temps pour compléter vos propos.

+-

    Mme Glynis Williams: J'apprécie ce commentaire car il constitue une bonne transition vers une discussion de ce sujet.

    L'une des difficultés de l'apatridie réside en fait dans le diagnostic, si je puis utiliser ce terme. Ce n'est pas un état courant... la plupart de gens connaissent mal cette situation—la plupart des agents d'immigration, même les travailleurs de première ligne, les intervenants, parce que ce n'est pas immédiatement apparent. Il faut beaucoup de temps. Donc, les personnes se retrouvent entraînées dans le mécanisme d'expulsion, car la seule façon de considérer leur cas c'est de demander: «Avez-vous besoin de protection ou non?» Et s'ils n'entrent pas dans cette catégorie, et certains n'y entrent pas, alors ils se retrouvent dans une sorte de néant car on ne peut pas les expulser.

    Il n'y a pas d'organe officiel chargé de déterminer l'apatridie, ce qui signifie qu'il n'y a même pas moyen de chercher un remède. C'est un peu comme se retrouver devant un médecin: il ne peut pas vous soigner tant qu'il ne connaît pas le diagnostic.

    C'est donc l'un des problèmes. Par conséquent, à moins que leur avocat ou quelqu'autre personne reconnaisse que c'est là une personne potentiellement apatride—si elle a de la chance... Encore une fois, je souligne qu'on ne peut le déceler juste en regardant la personne. Il faut faire beaucoup de recherches et à ce stade seul le HCUNR peut les faire. Ce dernier a des ressources limitées et il a donc besoin qu'une autorité le saisisse.

+-

    Mme Helena Guergis: Mais à ce stade vous avez peut-être identifié un plan d'action, un moyen d'assurer cela. Pourriez-vous nous en faire part?

+-

    Mme Glynis Williams: Il y a plusieurs moyens, de régler ce problème particulier. L'un consisterait à donner à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le mandat de statuer non seulement sur les questions de protection des réfugiés mais aussi sur la question de l'apatridie, comme catégorie de personnes ayant besoin de protection.

    De fait, j'ai un peu une impression de déjà vu car j'ai parlé précisément de cela lors de la dernière venue du comité permanent. J'avais dit qu'inscrire les apatrides comme catégorie dans la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés serait une solution.

    Je suis persuadé, tout d'abord, que le gouvernement hésite à signer la convention de 1954 parce qu'il craint un gros afflux de gens qui viendraient pour profiter de cette disposition. Mais je doute très fort qu'il en soit ainsi. Pour en bénéficier, il faut déjà mettre le pied sur notre territoire. Les apatrides ne sont pas très facilement en mesure de le faire car ils n'ont pas de titre de voyage. Si vous posez la question au HCNUR, il vous dira qu'il ne connaît pas le nombre des apatrides dans le monde, mais c'est moins d'une dizaine de milliers comparé à tous les réfugiés et aux autres. C'est un petit nombre, mais ces gens restent englués dans les limbes pendant longtemps.

    Ayant travaillé longtemps sur ce problème, l'une des choses que j'ai apprises, c'est que certaines personnes se désintègrent lentement parce qu'elles n'ont pas de statut au Canada. Il y a un jeune homme qui est dans un tel état depuis l'âge de 20 ans. Il a maintenant plus de 30 ans. C'est un célibataire, qui vit seul, et est une proie facile pour d'autres personnes de sa communauté et il a eu quelques ennuis. Il n'a rien fait de nature criminelle qui mériterait qu'on l'expulse pour d'autres raisons. Il est chroniquement déprimé et sous soins médicaux et il ne fonctionne pas très bien. Il dit que cela remonte à l'époque où on l'a placé en détention en attente d'expulsion en 1998. Voilà depuis combien de temps nous travaillons sur son cas.

    Désolée de m'attarder sur ce cas particulier, mais il est une assez bonne illustration du problème. Il est passé par tout le processus de détermination. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a fait une analyse serrée de tous ces pays potentiels de résidence habituelle. Il vivait dans l'ancienne Union soviétique et le Commissariat a déterminé qu'il est apatride, mais il n'y a aucune disposition pour cela.

    La seule option actuelle sont les considérations humanitaires, qui exigent l'existence d'un très fort lien, comme vous le savez. C'est relativement flou, mais c'est beaucoup fondé sur la preuve d'une intégration réussie. Il ne peut en faire une démonstration adéquate, et on se retrouve dans une sorte de cercle vicieux.

    Par exemple, si l'on voulait un remède rapide, les considérations humanitaires pourraient englober la situation d'une personne apatride ou susceptible d'être apatride. Encore une fois, j'en reviens au fait que très peu de gens peuvent même poser un diagnostic sûr. Je pense que ce serait un très bon remède car d'autres conditions pourraient être la reconnaissance réduite et la reconnaissance de leur statut.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Madame Augenfeld, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Oui. Je trouve que votre question est importante. Mme Williams a parlé d'un cas; il y a en d'autres. Mais vous entendez l'effort énorme et les ressources qui sont déployées pour renvoyer quelqu'un. Or, comme Mme Williams l'a bien dit, les critères pour les raisons humanitaires et de compassion sont très étroits, mais on peut y trouver une façon d'accepter quelqu'un si on veut. Si l'agent veut utiliser sa discrétion de la façon la plus positive possible pour résoudre un problème, on pourrait le faire. Sinon, on gaspille beaucoup d'énergie pour des cas comme ceux-là et, comme vous le dites, toutes ces ressources pourraient peut-être être mises ailleurs. Par contre, il faut aussi une formation beaucoup plus poussée des agents d'immigration et, premièrement, des décideurs, des policy makers. Pour que la formation soit offerte aux agents sur le terrain, il faut que l'on reconnaisse quelque part que c'est important et que la formation soit disponible pour ceux qui décident de la politique et, ensuite, pour les agents qui doivent se pencher sur les cas individuels, car c'est très complexe. On imagine que c'est simple, qu'on est citoyen d'un pays ou qu'on ne l'est pas, mais je vous assure que c'est compliqué. Je pense d'ailleurs que plusieurs personnes ici savent à quel point cela peut être compliqué.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Merci, madame la vice-présidente—

+-

    Mme Helena Guergis: Mme Hasbrouck souhaite intervenir.

+-

    Mme Meili Faille: Je suis membre du Bloc. Je pourrais probablement puiser dans mon temps et en accorder une partie à Amy pour répondre brièvement.

+-

    Mme Amy E. Hasbrouck: Je voulais répondre à ce que Mme Guergis a dit.

    Les problèmes que vous avez identifiés dans le système se ramènent réellement à la différence entre l'usage du modèle médical de l'invalidité et du modèle socio-politique.

    Le modèle médical de l'invalidité est celui traditionnellement employé. Il assimile les personnes handicapées à une pathologie qui touche l'individu et à laquelle il faut remédier par une intervention médicale.

    Le modèle socio-politique considère l'invalidité comme une partie naturelle de l'existence humaine et les problèmes qui existent comme des barrières érigées par la société, la façon dont les institutions de la société sont structurées, les barrières architecturales ou les systèmes qui causent la dépendance et l'isolement des personnes handicapées. Et de toute évidence, le modèle socio-politique est beaucoup plus progressiste. Notre espoir est que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne avec déficience est un bon candidat à la citoyenneté au Canada, on utilise non pas le modèle médical comme à l'heure actuelle, mais le modèle socio-politique.

Á  +-(1140)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Merci, madame la vice-présidente.

    Je tiens à dire que j'apprécie toutes les présentations faites par ce groupe car elles ont été très utiles et ont clarifié les choses dans ma tête. Des petites ampoules se sont allumées. Je ne sais pas si vous avez remarqué que la lumière dans la salle devenait plus claire par ici, mais...

    Madame Williams, votre description de la façon dont le Canada traite l'apatridie m'a aidé à comprendre la réponse du gouvernement à la situation des réfugiés vietnamiens aux Philippines. Le gouvernement, le ministère, est venu nous dire que ces gens ne connaissent pas de difficultés particulières là-bas, bien qu'ils soient apatrides, ce que j'ai eu du mal à admettre. Il a dit qu'ils ne sont pas sur le point d'être expulsés, qu'ils ne connaissent pas des circonstances difficiles, ce que j'ai du mal à avaler lorsqu'on sait qu'ils ne peuvent légalement travailler, qu'ils ne peuvent être scolarisés, ce genre de choses. Je pense que les difficultés que cet État inflige aux gens sont énormes. Mais vu notre propre attitude à l'égard de l'apatridie et des apatrides ici au Canada, je commence à mieux comprendre qu'il adopte cette position.

    J'ai donc trouvé cela très utile. Et sur l'apatridie, on nous a dit ce matin que c'est un malheur que d'être apatride, mais ce n'est pas comme si ces gens étaient torturés ou ce genre de choses. Peut-être voudriez-vous vous étendre un peu là-dessus?

    J'aimerais faire quelques remarques sur l'exposé de Mme Hasbrouck. Il sonnait très vrai et conforme à ma propre expérience d'homosexuel, car les homosexuels étaient jadis traités selon un modèle médical. On nous a considérés comme un problème médical pendant très longtemps et on pensait qu'il y avait une solution médicale à notre état. L'une des choses contre lesquelles nous avons eu à nous battre était le modèle médical et le modèle thérapeutique que l'on nous appliquait. J'ai donc beaucoup apprécié votre présentation et pense comme vous qu'il faut considérer cela comme une situation socio-politique et s'attaquer aux circonstances qui pénalisent les personnes ayant une déficience.

    Ma question est celle-ci. Je me demande s'il est un pays qui façonne mieux que le Canada dans ce domaine, qui a mis en oeuvre ce genre d'approche ou qui travaille sur ce genre d'approche, à votre connaissance. Avez-vous des connaissances et des idées à ce sujet?

    Nous pourrions peut-être commencer avec Mme Williams, et Mme Hasbrouck pourra répondre ensuite.

+-

    Mme Glynis Williams: Merci.

    Je veux répondre à votre question sur la torture, mais je pense qu'il faut revenir à la notion que la nationalité est absolument essentielle à l'exercice des droits, à la condition humaine. Je trouve réellement utile de percevoir les apatrides comme les orphelins de notre monde, et l'on ne peut sous-estimer les séquelles de cette condition . Il faut donc partir de ce constat.

    Notre monde est divisé en États-nations. C'est pourquoi nous avons des frontières que nous défendons férocement. Cela étant posé, il faut admettre que les gens doivent posséder une appartenance à l'intérieur des frontières d'un État dans lequel ils peuvent à tout le moins réclamer leurs droits, ou dans les cas où les droits sont enfreints, les chercher ailleurs. Vous n'avez pas cela lorsque vous êtes apatride et vous ne pouvez imaginer ce que c'est.

    J'hésite toujours à employer un mot comme torture, qui est parfois galvaudé ou utilisé trop facilement, mais je pense que la nature de l'apatridie est telle que ses effets sont progressifs et de longue durée. Lorsque vous vous heurtez de façon répétée et continue au déni de vos droits fondamentaux, cela finit par s'accumuler et devient une forme de torture, je crois.

    Je ne sais pas comment définir cela. J'étais jadis infirmière; je travaillais dans les soins palliatifs et nous disions sans cesse que l'on ne peut dire à quelqu'un que sa souffrance est moindre que celle d'un autre. C'est réellement difficile à faire, et je ne le ferai donc pas. Mais je dirais simplement que le côté interminable, sans perspective de solution, peut équivaloir à de la torture.

    Pour ce qui est des Vietnamiens aux Philippines, j'ai fait une petite enquête sur leur cas car j'avais vu employer le mot «apatride». Oui, l'incapacité de jamais pouvoir envoyer ses enfants à l'école, d'acheter des biens immobiliers, de monter une entreprise—tout cela, car vous n'avez aucun droit—est intenable à long terme.

    D'ailleurs cela m'amène à une autre solution ou recommandation, qui serait d'englober l'apatridie comme catégorie dans le traitement des demandes de visa outre-mer aussi. On ouvrirait ainsi la possibilité de parrainages privés, de parrainage par «groupes de cinq», ainsi que des parrainages publics par le biais du HCNUR, sachant que les apatrides ont besoin de protection à long terme. Ces gens ont besoin d'une solution durable et c'est ce que nous recherchons.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Bill Siksay: Madame Hasbrouck.

+-

    Mme Amy E. Hasbrouck: En réponse à votre question sur ce que font les autres pays, je connais mal le droit de l'immigration des autres pays mais je soupçonne que le Canada se situe à peu près au milieu du peloton s'agissant de l'exclusion des personnes handicapées.

    Cependant, selon mon expérience, à moi qui vient des États-Unis, c'est qu'en général le Canada a 20 ans de retard sur les États-Unis sur le plan de l'intégration générale et de l'habilitation des personnes ayant une déficience. Aux États-Unis, l'accès aux bâtiments, la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées ont été inscrits dans le droit fédéral en 1973. Les personnes handicapées se sont battues pour faire appliquer ces dispositions à la fin des années 70. Donc, tout cela est en place depuis plus de 25 ans.

    Dans l'État du Massachusetts, particulièrement, d'où je viens, l'accès aux bâtiments a été rendu obligatoire au milieu des années 70. Donc, avec le roulement du parc immobilier, peu à peu, les bâtiments neufs sont devenus accessibles grâce à un code uniforme intégré au code de la construction, et il y a une sensibilisation croissante.

    Le mouvement pour la vie autonome, qui a été lancé aux États-Unis au début des années 70, a été aussi un acteur majeur. C'est du mouvement pour la vie autonome qu'est issu le modèle socio-politique de l'invalidité. Le mouvement pour la vie autonome a commencé au Canada dans les années 80, mais à Montréal, le Centre de ressources pour la vie autonome n'a été fondé qu'en 2001. Les choses ont donc démarré réellement tard ici.

+-

    M. Bill Siksay: Merci beaucoup.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Temelkovski, avez-vous des questions à poser?

[Traduction]

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins.

    Je m'adresse à Mme Williams. Vous avez mentionné que les gens deviennent apatrides à cause de la dissolution d'États et pour d'autres raisons. Est-ce que l'une des autres raisons serait que les gens quittent un pays qui persécute les gens en raison de leur appartenance ethnique?

+-

    Mme Glynis Williams: Oui.

+-

    M. Lui Temelkovski: Donc, géographiquement, l'État pourrait toujours exister, mais ils ne se sentent plus membres de cet État?

+-

    Mme Glynis Williams: Il y a là deux problèmes. Vous parlez de personnes qui renonceraient à leur nationalité, et je ne suis pas familier de cela. Je soupçonne que cela arrive, mais je n'ai pas vu beaucoup de cas.

    Il existe une autre catégorie, où vous pouvez avoir à la fois dissolution et modification de frontières, comme on l'a vu. L'ancienne Yougoslavie est un exemple. Un exemple de la manière dont quelqu'un peut se retrouver apatride est l'introduction de nouvelles loi. Par exemple, lorsque la République tchèque a été créée, il y avait des gens comme les Roma qui, pour des raisons d'ethnicité, étaient marginalisés. Il leur a été impossible de prouver qu'ils remplissaient les critères pour être citoyens. Cela a fait qu'un certain nombre de gens sont devenus apatrides, probablement sur la base de considérations relativement racistes ou discriminatoires.

+-

    M. Lui Temelkovski: Je connais des gens d'origine macédonienne qui venaient de Grèce et qui ont voulu ultérieurement rentrer en Grèce. La Grèce ne les a pas laissé entrer parce qu'ils étaient d'origine macédonienne et que les Grecs ne reconnaissent pas l'existence de Macédoniens en Grèce.

    Pensez-vous que l'élargissement de l'Union européenne pourrait contribuer à régler ce problème?

+-

    Mme Glynis Williams: C'est une bonne question. Nous avons beaucoup de chance au Canada d'avoir Carol Batchelor, qui est considérée comme l'expert mondial de l'apatridie, du HCNUR, qui est venue nous faire une conférence il y a cinq ou six ans. C'est cela qui a excité ma curiosité. Elle a dit entre autre que certaines des questions sont relativement nouvelles. La dissolution de l'Union soviétique en était une. Elle a dit que lorsque les pays, surtout en Europe, demandent l'entrée dans l'Union européenne, il peut y avoir un jeu de carotte ou de bâton dans la mesure où vos lois sur la nationalité ou la citoyenneté doivent répondre à des normes internationales pour que le pays puisse être accueilli comme membre du monde démocratique, ou en l'occurrence de l'Union européenne. L'une de ses tâches au HCNUR est de travailler avec les États nouvellement émergents pour les aider ou les encourager à aligner leur législation concernant la nationalité sur les conventions et la protection internationale.

    On peut donc entrevoir certains changements dans tout le scénario de l'apatridie à l'avenir. Mais d'ici là, on peut voir un nombre important de gens, et par voie de conséquence leurs enfants, n'ayant pas accès aux droits fondamentaux. Je ne sais pas ce qu'il va advenir. Je ne sais pas ce qu'il va advenir de l'apatridie. Il se pourrait que ce problème soit réglé dans certaines régions du monde et qu'il empire dans d'autres.

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    M. Lui Temelkovski: Rivka, souhaitiez-vous ajouter...?

Á  +-(1150)  

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    Mme Rivka Augenfeld: Oui. Je voulais ajouter que cette affaire est si complexe à cause de la manière dont certains pays traitent les ressortissants d'autres pays à un moment ou à un autre de leur histoire. Par exemple, nous avons un collègue dont la famille était originaire du Rwanda, mais qui a déménagé au Congo, qui était alors le Zaïre, la République démocratique du Congo. Ils ont habité là pendant de nombreuses années. Ma collègue était même née là; ses enfants... Il a toujours été peu clair de quel pays ils étaient ressortissants. Il n'était pas clair que le Rwanda accorderait la nationalité à ses enfants. Le Congo les traitait parfois comme des ressortissants et leur octroyait des passeports et d'autres fois non. Étant donné qu'ils étaient d'origine Tutsi, il y a eu un moment où le gouvernement du Congo—et après le coup d'État—était amical, puis il a reviré et ne les aimait plus. Est-ce que ces personnes vont donc toujours être traitées comme ressortissants?

    Il y a également un problème en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire a traversé récemment une crise terrible où un certain nombre de personnes ont été privées de leurs droits à cause de leurs origines. Même si elles étaient nées en Côte d'Ivoire, si elles avaient des origines dans un autre pays parce que leurs parents en provenaient, on ne leur reconnaît pas l'ivoirité. Je ne veux pas m'attarder là-dessus, mais tout d'un coup il y a une masse de gens qui sont privés de leurs droits parce qu'ils ne sont pas considérés comme citoyens véritables de la Côte d'Ivoire.

    Et dans différents pays en proie au nationalisme, pour quelque raison politique ou pour des intérêts ethniques nationaux, tout d'un coup on prive de leur nationalité des gens qui vivent parfois depuis des générations dans ce pays.

    Vous avez également des enfants qui sont nés en transit, par exemple des enfants de réfugiés ou des personnes déplacées.

    J'ai remarqué que ce matin des gens parlaient de leur situation personnelle. Je peux dire que je suis moi-même née comme enfant apatride dans un camp de personnes déplacées en Autriche après la Seconde Guerre mondiale. Mes parents ont quitté la Pologne ayant perdu leur nationalité polonaise à leur départ, et je suis née comme enfant apatride parce que tous les pays qui toléraient ces personnes déplacées pendant un certain nombre d'années ne leur reconnaissaient pas la nationalité. Nous sommes donc des milliers qui étions apatrides. Le premier pays, c'est à son crédit, qui m'a accordé la citoyenneté, était le Canada, lorsque nous sommes arrivés ici.

    Mais il serait terrible de penser que dans des situations similaires le Canada aggraverait le problème de l'apatridie en n'accordant pas la citoyenneté à des enfants nés sur notre territoire. Et la situation de certains de ces enfants serait beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine, vu les situations dans les pays d'origine de ces gens.

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    M. Lui Temelkovski: Combien d'apatrides avons-nous actuellement au Canada?

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    Mme Glynis Williams: C'est presqu'impossible à dire. Certains sont acceptés comme réfugiés, parce qu'ils peuvent établir un lien avec la convention. C'est ceux qui ne... Ils ne sont probablement pas plus que quelques centaines, dirais-je. Je peux me tromper, mais je ne crois pas qu'il s'agisse de chiffres importants. Vous pourriez demander pourquoi il faut toutes ces mesures extraordinaires pour un si petit nombre de gens, mais...

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    M. Lui Temelkovski: Est-ce que certains sont en détention?

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    Mme Glynis Williams: Oui. C'est là où nous tendons à rencontrer la majorité, car ils ont été placés en détention avant expulsion. On découvre ensuite qu'on ne peut pas les renvoyer. Mon organisation, avec quelques étudiants en droit et d'autres, visite chaque semaine notre centre de détention de l'Immigration, où nous cherchons à savoir qui est enfermé et si les intéressés savent pourquoi. Je peux honnêtement dire que j'ai eu affaire à une poignée, et je ne sais donc pas combien ils sont, mais sur dix années, j'en ai peut-être connu huit, et le nombre n'est donc pas énorme.

    Cependant, rien n'est fait à leur égard. On les verse simplement dans cette cohorte des expulsions. Mme Guergis a relevé le paradoxe. Nous avons ces hordes de clandestins que nous ne parvenons pas à renvoyer du Canada, ce qui crée beaucoup d'inquiétude sécuritaire chez les Canadiens. Ce serait dans notre intérêt bien compris que de régler au moins le cas des personnes qui ne sont pas un danger pour la sécurité. Puisque nous ne pouvons littéralement pas les expulser et ne seront probablement pas en mesure de le faire dans un avenir proche, accordons-leur la résidence et finissons-en.

Á  -(1155)  

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    M. Lui Temelkovski: Merci.

    Merci de votre exposé, Amy. En lisant votre synopsis, je comprends que vous ayez du mal à obtenir le statut d'immigrante. Pensez-vous que vous serez inadmissible pour raison médicale?

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    Mme Amy E. Hasbrouck: Exact. J'ai en fait consulté un avocat qui a traité un grand nombre de ces cas, et il a dit que les chances sont très minces que l'on m'accorde la résidence permanente.

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    M. Lui Temelkovski: Ce serait dommage que vous ne l'obteniez pas.

[Français]

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    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup à tous. Nous n'avons pas écoulé tout le temps qui était à notre disposition. Je voudrais vous remercier pour les témoignages que vous nous avez offerts. C'est important pour nous. Je vais réitérer ce que Andrew Telegdi a l'habitude de dire: vous avez devant vous un groupe de députés qui travaillent ensemble, sans partisanerie, et qui s'intéressent à tous les groupes, y inclus les immigrants, les personnes handicapées. La question de la citoyenneté est importante pour nous, c'est une question de droit.

    À cet égard, nous avons été très heureux d'entendre ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Il nous reste encore quelques endroits à visiter. Vos témoignages sont enrichissants. Je vous invite à suivre les travaux du comité parce que sans vous, on ne peut pas réussir. Votre apport est important. Je vous remercie.

    La séance est levée.