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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 22 avril 2005




· 1310
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ))
V         Mme Flora Almeida Marlow (présidente, Association nationale des Canadiens d'origine indienne)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Félicité Tchapda (présidente, Cameroun, Front social démocratique)

· 1315
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Flora Almeida Marlow

· 1320
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Me André Gariépy (avocat et directeur général, Conseil interprofessionnel du Québec)

· 1325
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         Mme Flora Almeida Marlow

· 1330
V         M. Rahim Jaffer
V         Me André Gariépy

· 1335
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Me André Gariépy

· 1340
V         M. Roger Clavet
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Roger Clavet
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)

· 1345
V         Mme Félicité Tchapda
V         M. Bill Siksay
V         Me André Gariépy
V         Mme Félicité Tchapda
V         M. Bill Siksay
V         Mme Félicité Tchapda

· 1350
V         M. Bill Siksay
V         Me André Gariépy
V         M. Bill Siksay
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

· 1355
V         Mme Félicité Tchapda
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         Me André Gariépy

¸ 1400
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Félicité Tchapda
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)

¸ 1405
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         Mme Félicité Tchapda
V         Me André Gariépy

¸ 1410
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay

¸ 1415
V         Me André Gariépy

¸ 1420
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Me André Gariépy
V         Mme Flora Almeida Marlow
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Me Patrick Caron (membre du C.A., Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration)

¸ 1440

¸ 1445
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Me Patrick Caron
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Kenneth Narvey (chercheur juridique, Dirigeant responsable des opérations, Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste)

¸ 1450
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Flora Almeida Marlow

¸ 1455
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Georgette Hetti (Rassemblement Canadien pour le Liban)

¹ 1500
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Alfred Lukhanda (Communauté Congolaise du Canada)

¹ 1505
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)

¹ 1510
V         Me Patrick Caron
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Roger Clavet
V         Mme Georgette Hetti

¹ 1515
V         M. Roger Clavet
V         M. Alfred Lukhanda
V         M. Roger Clavet
V         M. Alfred Lukhanda
V         M. Roger Clavet
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay

¹ 1520
V         Me Patrick Caron
V         M. Alfred Lukhanda

¹ 1525
V         M. Bill Siksay
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Andrew Telegdi

¹ 1530
V         Mme Georgette Hetti
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Félicien Ngankoy (responsable des jeunes, Communauté Congolaise du Canada)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Alfred Lukhanda
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Kenneth Narvey

¹ 1535
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Kenneth Narvey
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Kenneth Narvey
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Kenneth Narvey
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. David Siner (à titre personnel)

º 1600
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Félicité Tchapda

º 1605

º 1610
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes)
V         M. Richard Goldman (responsable, Volet Protection, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes)

º 1615
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Richard Goldman
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Sanjiv Kumar (président, Comité d'action pour les droits de l'homme)

º 1620

º 1625
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Helena Guergis
V         M. Richard Goldman
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Rivka Augenfeld
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Helena Guergis

º 1630
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Roger Clavet
V         M. Richard Goldman
V         M. Roger Clavet
V         M. Richard Goldman
V         M. Roger Clavet
V         M. David Siner
V         M. Roger Clavet
V         Mme Félicité Tchapda

º 1635
V         M. Roger Clavet
V         Mme Rivka Augenfeld
V         M. Roger Clavet
V         M. Sanjiv Kumar
V         M. Roger Clavet
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay
V         M. Sanjiv Kumar

º 1640
V         M. Bill Siksay
V         M. Sanjiv Kumar
V         Mme Rivka Augenfeld
V         M. David Siner

º 1645
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Sanjiv Kumar
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Richard Goldman
V         M. Sanjiv Kumar
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Sanjiv Kumar

º 1650
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Sanjiv Kumar
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Sanjiv Kumar
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         M. Sanjiv Kumar
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Richard Goldman
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay

º 1655
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Bill Siksay
V         M. Sanjiv Kumar
V         M. Bill Siksay
V         Mme Rivka Augenfeld
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         Mme Rivka Augenfeld
V         L'hon. Andrew Telegdi
V         Mme Rivka Augenfeld

» 1700
V         M. Bill Siksay
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Inderjeet Singh (Comité d'action pour les droits de l'homme)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 22 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

·  +(1310)  

[Français]

+

    La vice-présidente (Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)): Nous allons maintenant débuter la réunion. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui se sont déplacées aujourd'hui, par ce beau vendredi, pour venir nous livrer leurs impressions et partager avec nous leurs connaissances. La présente séance va durer environ une heure et demie. Vous disposerez approximativement de cinq à sept minutes pour nous présenter vos mémoires. Il y aura ensuite une période de questions. Vous pourrez toujours par la suite ajouter des détails ou donner des précisions en réponse aux questions des membres du comité.

    Je voudrais préciser que vos témoignages seront publiés sur Internet. Par conséquent, si certaines informations sont de nature confidentielle ou délicate, on vous prierait de réserver ces dernières. En outre, tous vos témoignages serviront à la rédaction d'un rapport du comité. Cette dernière aura lieu à la fin de la tournée, donc probablement au cours des prochaines semaines. Bien entendu, vous recevrez une copie de ce rapport.

    Nous allons d'abord entendre le témoignage de Mme Flora Almeida Marlow.

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow (présidente, Association nationale des Canadiens d'origine indienne): Puisque j'étais ici ce matin, j'aimerais entendre cette dame d'abord. J'aimerais parler en deuxième, si vous n'y voyez aucune objection.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je n'y vois aucune objection.

    Bienvenue, madame Félicité Tchapda.

+-

    Mme Félicité Tchapda (présidente, Cameroun, Front social démocratique): Bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Permettez-moi tout d'abord de dire que c'est un privilège et un plaisir pour moi, de même que pour le Front social démocratique, d'être avec vous ici, à Montréal, dans ce beau salon Sarah Bernhardt.

    Le FSD est le principal parti d'opposition au Cameroun. Il est membre de L'Internationale Socialiste.

    Avant de commencer, je souhaite remercier les habitants du Québec dont la province est si accueillante à l'égard des immigrants francophones, et ceux du Canada, ce pays qui se désigne comme celui du troisième millénaire et où tout le monde se sent chez lui dès qu'il y met pied. C'est un pays où la diversité culturelle et l'unicité de celle-ci font l'envie de plusieurs pays. Par ricochet, le Canada devient le pays de rêve de plusieurs citoyens du monde.

    La diversité culturelle est un élément enrichissant pour un pays ouvert sur le monde comme le Canada, mais il faut souligner que tous les immigrants arrivant de partout dans le monde n'apportent pas seulement leur présence et leur façon de faire, mais aussi une expérience et des compétences acquises dans leur pays d'origine. Tel est le point que nous allons essayer d'aborder.

    Plusieurs travailleurs quittent leur pays pour immigrer au Canada à titre de travailleurs qualifiés, mais il se trouve qu'à leur arrivée, les portes du marché du Canada leur sont verrouillées en raison de leur manque d'expérience canadienne. Comment peut-on demander à une personne une expérience de travail de trois ans quand cette même personne dit être au Canada depuis cinq mois? Ce blocage s'accentue si on est un professionnel, car il faut faire partie d'un ordre représentant sa profession pour exercer. Que dire de la qualité de vie des immigrants qui, pour la plupart, étaient des médecins, avocats, ingénieurs et j'en passe, et qui se retrouvent prestataires de l'aide sociale avec un revenu qui ne leur permet même pas de payer un loyer digne? Où est donc la valeur ajoutée?

    Leur niveau de vie ne leur permet plus de donner une éducation meilleure à leurs enfants. Ils sont si épuisés par le travail à la manufacture que, rentrés chez eux le soir, ils ne peuvent plus faire les devoirs avec leurs enfants. Pour certains, ne pouvant plus vivre et répondre aux besoins de leur famille ainsi qu'à leurs propres besoins, c'est la dépression qui commence, voire le découragement. On assiste à l'éclatement des familles.

    Face à cette situation quasi courante que vivent les immigrants éduqués qui ne peuvent travailler à cause de la non-reconnaissance de leurs compétences acquises à l'extérieur du Canada, nous suggérons: une formation dans leur champ d'étude qui leur permettra de s'adapter au système canadien, de même qu'un accompagnement et un soutien, sous forme d'exemptions d'impôt, aux employeurs qui acceptent de leur donner cette expérience canadienne, bref une intégration positive.

    Un autre élément important à souligner est celui des immigrants installés ici depuis des décennies qui n'arrivent pas à trouver un emploi. Au sujet des gens de cette catégorie, on ne peut pas dire qu'ils n'ont pas d'expérience canadienne. Ce sont des hommes et des femmes qui ont étudié dans de grandes universités canadiennes, comme Polytechnique, et qui n'arrivent pas à trouver un emploi. Une étude a démontré que les Africains étaient les plus instruits au Canada, mais qu'ils étaient les plus nombreux à travailler dans les manufactures. Comment peut-on expliquer cela?

    Il sera plus utile pour la commission de trouver des moyens efficaces d'intégrer sur le marché tous ces immigrants qui, pour la plupart, ont des diplômes universitaires et ne cessent de se recycler afin de trouver une formation menant à l'obtention d'un emploi. Aujourd'hui, plusieurs étudient dans un domaine où ils espèrent trouver un emploi. La vocation pour le choix d'un emploi sont des mots qui ne veulent plus rien dire pour la plupart des immigrants. Comment attendre d'une personne qu'elle aille à Polytechnique passer des nuits blanches pour se retrouver ensuite dans une usine avec un superviseur qui n'a pas terminé sa cinquième année de secondaire?

    Un enfant grandit avec un parent qui détient un MBA des HEC, et ne comprend pas pourquoi ce parent est à la maison et vit de l'aide sociale. Voilà la triste réalité des millions d'immigrants qui, un jour, acceptent de tout laisser pour recommencer à zéro au Canada, mais qui, dès leur arrivée, se retrouvent à la croisée des chemins, ne sachant plus s'il faut retourner dans leur pays d'origine ou rester pour donner la chance à leurs enfants d'aller au-delà de leurs rêves brisés.

·  +-(1315)  

    Dans bien des cas, on opte pour le deuxième choix, celui de vivre une vie misérable avec plein de diplômes affichés au mur en attendant le premier du mois pour recevoir son chèque d'aide sociale, avec toute l'humiliation que cela comporte pour sa famille et surtout pour soi.

    Au-delà de tout ce cynisme des employeurs vis-à-vis des immigrants qualifiés, l'espoir existe, l'espoir de vivre dans le plus beau pays au monde. On attend, on attend on ne sait quoi, mais on attend. On se dit qu'un jour le soleil brillera et que ce sera notre tour, ce tour qui n'arrivera pourtant jamais si le système reste comme tel.

    Pourtant, ensemble, on bâtira un Canada fort et prospère. La coopération est la reconnaissance de la compétence de l'autre. Il faut savoir qu'il a droit à l'erreur. La compétence n'élimine pas l'erreur; elle permet de la corriger. L'erreur fait partie de l'action efficace.

    Les compétences s'acquièrent dans l'action. Si on donne à l'immigrant qualifié la chance de travailler, ce dernier pourra mettre en pratique ce dont il est capable et surtout acquérir ladite expérience canadienne.

    Je vous remercie.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Madame Flora.

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Avant de vous faire part de mes opinions, j'aimerais vous donner une idée générale de ce que j'ai connu et de mes expériences de façon à ce que vous sachiez que mes opinions ont été formées à partir de mes expériences et de ma vie.

    Je suis née à Bombay, en Inde, et j'ai étudié en Inde—j'ai fait là-bas un cours de comptable agréé—et je suis ensuite venue au Canada pour étudier l'informatique. Étant donné que j'ai grandi là-bas, j'ai une histoire; j'ai appris la façon dont on vit dans un pays du tiers monde. Dans un pays du tiers monde, les gens étudient fort et obtiennent des qualifications. Ils veulent ce qu'il y a de mieux dans la vie. Bon nombre d'entre eux vont à l'étranger, et veulent un emploi, du travail et gagner leur vie.

    Vous devez cependant comprendre également que même s'il y a des gens tout à fait honnêtes, nous avons aussi de la corruption dans bon nombre des pays du tiers monde. Bon nombre de gens qui viennent d'autres pays arrivent sans document, et il n'est pas possible de prouver ou de vérifier si ces documents sont vrais ou faux. Par exemple, lorsque j'étudiais pour devenir comptable agréée en Inde, je constatais que bien des gens, s'ils avaient de l'argent, pouvaient acheter les examens; ils pouvaient acheter certaines choses. Donc, si on a ces diplômes, comment est-il possible de prouver que ces documents sont authentiques? Vous ne pouvez pas surveiller les gens de partout dans le monde à moins d'avoir un système pour leur faire passer des examens ici. Par exemple, ils arrivent avec deux doctorats, avec des diplômes, et il n'est pas possible de surveiller tous les pays du monde pour voir comment ils ont obtenu ces documents.

    Je dis qu'il faut laisser les gens venir au Canada pour gagner leur vie et améliorer leur situation. Ils devraient avoir cette chance. Mais si on leur donne carte blanche, si tous les documents sont au même niveau, ont le même pouvoir que les diplômes canadiens, cela dévaluera notre système canadien. Ici, nous étudions en anglais et en français, et à chaque étape nous subissons des examens. Eh bien, les gens arriveront ici, peu importent leurs qualifications, avec des diplômes et ils n'auront suivi aucun cours de langue et ne connaîtront pas l'essentiel, et nous leur donnerons deux diplômes ou deux doctorats, etc. Comment se comparent-ils à ceux qui ont obtenu des diplômes canadiens? Nous les jugerons selon les qualifications avec lesquelles ils arrivent, mais il n'y a aucune façon de vérifier si ces diplômes sont authentiques ou non.

    Merci.

·  +-(1320)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Gariépy.

+-

    Me André Gariépy (avocat et directeur général, Conseil interprofessionnel du Québec): Bonjour.

    Je m'appelle André Gariépy et je suis directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec. Le conseil est le regroupement des 45 ordres professionnels qui sont des organismes de réglementation des professions au Québec. La réglementation des professions relève des provinces, selon la Constitution du Canada. Je suis ici à titre de représentant de ces 45 organismes au Québec qui réglementent la profession dans cette province.

    La justification d'une réglementation professionnelle est le fait qu'il existe des risques associés à la pratique de certaines professions: des risques à l'intégrité physique, à l'intégrité psychologique et à l'intégrité patrimoniale. Lorsque les risques sont tels que les préjudices ne sont pas réparables lorsqu'ils surviennent, l'État préfère imposer des réglementations de manière à prévenir ces risques en encadrant les compétences des personnes appelées à exercer ces professions sur le territoire.

    Le déficit démographique appréhendé au Canada se vit également au Québec. Depuis plusieurs années, les ordres professionnels, de concert avec les institutions d'enseignement, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, le milieu des employeurs et le monde de l'emploi au Québec, se sont mobilisés afin de donner une réponse adéquate et concertée au déficit démographique et à son effet sur les besoins en main-d'oeuvre au Québec et la compétitivité économique de cette province.

    Cette mobilisation est forte. Elle porte même fruit. Dans le mémoire qui vous a été présenté, dont nous n'avons malheureusement pas pu faire traduire le contenu à temps, le graphique 1 présente les fruits de cette mobilisation. Ce graphique montre bien que, depuis quatre ans, le nombre de demandes présentées aux ordres professionnels en vue d'une admission a augmenté de façon assez marquée. Cela prouve que les changements dans le message, qui est plus positif, et dans les pratiques administratives et autres des ordres professionnels ainsi que des autres partenaires portent fruit.

    Il est très important de comprendre la particularité du Québec, non seulement en raison de la Constitution qui donne des pouvoirs aux provinces sur la question de la reconnaissance des acquis, mais aussi parce que le Québec a négocié et conclu des ententes avec l'État fédéral pour se voir attribuer des responsabilités particulières en matière de développement de la main-d'oeuvre et en matière d'immigration, tout particulièrement la sélection des immigrants à l'étranger.

    Nous voulons vous dire aujourd'hui que les mesures et les initiatives du gouvernement fédéral, quoique animées d'un esprit que l'on peut considérer comme légitime, car il faut s'inquiéter du déficit démographique et de son impact sur l'économie et la compétitivité du Canada dans son ensemble, doivent s'adapter au contexte particulier des provinces en général et plus spécialement à celui du Québec, qui bénéficie de pouvoirs supplémentaires dans le cadre d'ententes avec l'État fédéral.

    Dans ce contexte, il est peut-être moins efficace de maintenir des dédoublements d'interventions. Dans la recommandation finale de notre mémoire, nous suggérons que les sommes que le gouvernement fédéral alloue aux programmes de reconnaissance des acquis, que ce soit par l'entremise d'Immigration Canada, de la Stratégie d'innovation du Canada ou de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, soient transférées aux autorités québécoises pour respecter et prendre appui sur la mobilisation efficace qu'il y a actuellement au Québec. Ainsi, on pourrait soutenir les actions qui sont déjà en place et qui sont toujours insuffisantes, parce qu'il faut toujours agir à l'égard de la reconnaissance des acquis.

    Vous verrez peut-être là un message traditionnel venant du Québec, pour ceux d'entre vous qui ne sont pas de cette province. Cependant, dites-vous bien qu'il ne s'agit pas ici de politique, mais de réalités sociales et économiques.

·  +-(1325)  

    Les phénomènes auxquels nous voulons trouver réponse en matière de reconnaissance des acquis et de besoins de main-d'oeuvre se vivent régionalement. En effet, le Canada n'est pas composé d'une région économique uniforme, d'un océan à l'autre, mais essentiellement d'au moins cinq régions économiques, ayant chacune leur tissu industriel et social distinct, bien qu'elles communiquent entre elles sur certains aspects.

    Il faut tenir compte de ces réalités et agir là où cela compte, avec des intervenants qui peuvent livrer les résultats. En ce qui a trait à ces dynamiques, cela se fait régionalement, et encore plus au Québec, étant donné la réalité particulière de ce territoire et de cette société.

    Je suis par ailleurs disponible pour répondre à vos questions. Je suis conscient, à la suite des interventions des deux personnes qui m'ont précédé, que l'encadrement des professions — souvent considéré comme un obstacle — soulève beaucoup de questions. Je suis prêt à y répondre.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup, monsieur Gariépy.

    Les députés membres de ce comité vous poseront maintenant une série de questions. Je veux simplement préciser que vous avez ici un groupe de personnes très intéressées à la question de l'intégration des immigrants, de même qu'à celle de la reconnaissance des titres internationaux. Sur ce point, je crois que l'ensemble des députés ont des questions fort intéressantes à poser.

    C'est M. Jaffer qui posera la première série de questions.

[Traduction]

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, madame la présidente.

    Merci à nos invités cet après-midi.

    Je voulais commencer par Flora. Vous avez dit que vous étiez préoccupée par le fait que des gens peuvent acheter des diplômes ou des accréditations universitaires internationales qui ne sont pas légitimes. Je serais curieux de savoir si d'après votre expérience cette pratique est répandue? Est-ce un gros problème qui devrait nous préoccuper?

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Vous savez, dans les pays du tiers monde, l'argent joue un rôle très important dans tout, dans chacun des aspects de la vie. En Inde, par exemple, les examens de 10e année et de 12e année sont des examens décisifs, obligatoires pour tous les élèves de l'ensemble du pays lorsqu'ils arrivent en 10e année ou en 12e année. L'examen de 12e année déterminera si vous allez pouvoir étudier la médecine ou si vous allez pouvoir être... Vous savez, les choix vous seront proposés en fonction de vos résultats, par conséquent la note que vous obtenez est très importante.

    Comment l'obtenez-vous? Parfois, en fait assez souvent, les gens achètent les examens avant de les passer. Ainsi, la veille, ils s'assoient et font les examens à l'avance. Ils font l'examen à l'avance et le pratiquent deux ou trois fois, avant de passer l'examen réel. En 12e année, l'examen est très décisif. Par exemple, à mon époque, nous avions à passer l'examen de sortie de 12e année en mathématiques. Tout le monde pratiquait l'examen de mathématiques, avant de passer l'examen et c'était exactement les mêmes questions que nous avions.

    L'argent a du pouvoir dans bien des pays pauvres. Moi, j'ai fait des études de commerce pour le diplôme de baccalauréat et tous ceux qui allaient passer l'examen de comptabilité avaient accès aux questions de l'examen à l'avance. Cet examen était un examen très important. Tout le monde pratiquait la veille l'examen de comptabilité, ils pratiquaient et refaisaient le même examen plusieurs fois puis, le lendemain matin, ils allaient tôt passer l'examen et c'était exactement la même chose.

    Donc, c'est selon qui vous connaissez et l'argent que vous avez, et cela détermine beaucoup de choses dans les pays pauvres. Mais je ne parle pas seulement de l'Inde. Beaucoup de gens n'aimeraient pas que je dise certaines choses. Beaucoup de gens voudraient que je demande pourquoi nos diplômes ne sont pas reconnus par équivalence? Mais rappelez-vous, dans chaque pays du monde, il existe des fraudes. L'argent achète bien des choses.

    Alors il faut comprendre qu'il y a des gens qui vont arriver au Canada avec deux doctorats, mais les pauvres qui sont au Canada, ils ont étudié longtemps et ils ont travaillé fort pour obtenir leur diplôme. Ensuite, ils sont jugés par rapport à quelqu'un qui a des diplômes étrangers, et il n'existe pas de normes. Ils n'ont aucune chance. Ils vont être en concurrence avec une personne salariée.

    Par exemple, il va y avoir une évaluation pour le niveau de salaire par rapport à quelqu'un qui a toutes ces qualifications et tous ces diplômes. Les diplômes canadiens, peuvent être simplement un baccalauréat ou une maîtrise, quelqu'un d'autre qui vient d'un autre pays peut avoir deux doctorats. Alors comment vous évaluez cela? Comment est-ce que vous réglez les choses? Comment pouvez-vous vérifier ce qui se passe dans différentes parties du monde?

    Bien sûr, je crois qu'on devrait donner la chance de travailler à tout le monde. Tout le monde devrait avoir la possibilité d'avoir une meilleure vie, mais nous avons aussi besoin d'un système de tests. Vous ne pouvez pas simplement donner carte blanche à quiconque vient avec des diplômes et dire, d'accord, maintenant, je suis un docteur. Donnez-moi la chance de devenir un docteur ou bien, par exemple, une personne pourrait dire, je suis une infirmière, alors donnez-moi la possibilité de travailler comme infirmière. Je crois qu'ils ont une chance de devenir des infirmiers et des infirmières, mais donnez-leur la chance de travailler dans un hôpital et laissez-les se former dans un hôpital. Laissez-les également passer des examens dans un hôpital, puis donnez-leur la chance d'être des infirmiers ou des infirmières. C'est ce que je crois.

    Tout le monde doit avoir la possibilité d'avoir de l'expérience et de passer un examen, puis après on peut leur donner un diplôme, mais ne leur donnez pas de diplôme juste comme ça.

    Merci.

·  +-(1330)  

+-

    M. Rahim Jaffer: Je pense que c'est le défi que nous avons. Je crois que c'est ce que Mme Tchapda disait lorsqu'elle parlait d'obtenir une expérience au Canada.

    Je pense qu'il est important de considérer la possibilité de créer des incitatifs pour les gens qui viennent au Canada avec des titres de compétences étrangers, peut-être même faire en sorte que les employeurs canadiens considèrent la possibilité de les embaucher pour leur donner une expérience canadienne.

[Français]

    Étant donné l'expérience que vous avez acquise au sein de votre organisation, pourriez-vous nous dire, monsieur Gariépy, si la situation décrite par Mme Marlow concernant les gens qui arrivent avec à leur actif des études à l'étranger est un problème que vous connaissez et contre lequel lutte constamment votre organisation? D'après vous, quelles mesures pourrait-on prendre pour donner à des gens qui ont des diplômes en bonne et due forme la chance d'acquérir une expérience canadienne en milieu de travail?

+-

    Me André Gariépy: Vous abordez un sujet tabou. Je loue le courage de madame, parce que toute une communauté indienne se lèvera peut-être pour protester. Cela donne l'impression qu'on invalide tous les diplômes obtenus en Inde. Il s'agit d'un diplôme valide, émis par une université sérieuse, qui existe et qui donne des cours, mais la personne qui l'a émis, administrativement, a été achetée. Cela signifie-t-il qu'il faut inscrire tous les immigrants de l'Inde sur une liste de cas à revérifier par mesure de sécurité? Il s'agit d'un sujet tabou.

    Cependant, pour les organismes de réglementation professionnelle, il est vrai que la validité de l'information est un problème. Vous pouvez communiquer avec vos confrères du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, qui ont développé une expertise pour déceler les fraudes dans les documents. Cependant, la fraude dont parle Mme Flora ne se trouve pas dans le document, mais dans la façon de l'obtenir. Cette situation est troublante, puisque nous ne pouvons que reconnaître qu'il s'agit d'un vrai document. On peut demander à l'université d'origine si cette personne y a bien étudié et si elle bien a obtenu ce diplôme; l'université d'origine va répondre affirmativement parce que la personne chargée de le confirmer a reçu de l'argent. Que peut-on faire? On n'ira certainement pas vérifier l'ensemble. C'est un problème.

    Cela nous amène à nous demander comment on peut vérifier la compétence des gens. Souvent, en reconnaissance des acquis, on dit qu'il faut regarder la personne devant nous plutôt que les papiers qu'elle nous fournit. Je le regrette, mais ce principe ne peut pas s'appliquer à toutes les situations. Au Québec, dans des professions qui peuvent être la source de nombreux préjudices causés à la population, comme la médecine, il faut faire la preuve qu'on a été formé à cette pratique. S'il existe des doutes, on doit faire passer, de façon systématique, des examens pour valider l'apprentissage. Cependant, un examen ne remplacera jamais une formation. Un examen, même d'une journée ou de deux journées, ne remplacera jamais quatre, cinq, six ou dix ans d'études et tous les examens que la personne aura pu subir au fil de ces études. Un examen complète une information valable, validée, affirmant que la personne a été formée à une pratique professionnelle. La validité des diplômes est un problème.

    Les 45 ordres professionnels québécois ont conclu une entente avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec sur l'échange d'informations sur les cas litigieux et douteux de validité des diplômes, pour justement déceler les processus de certaines universités et de certains types d'immigration, parce qu'il en existe. Il s'agit d'un sujet très délicat et très tabou, mais nous n'avons d'autre choix que de vérifier ces choses-là. Quelquefois, nous faisons des trouvailles malheureuses.

    Je crois que Mme Flora a fait preuve de beaucoup courage en tenant ces propos.

·  +-(1335)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Afin de faciliter les travaux du comité, et puisque nous avons un peu de temps devant nous, faites-moi signe lorsque vous souhaitez intervenir. Nous pourrons ainsi partager le temps de façon équitable.

    Monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci, madame la présidente.

    D'abord, je remercie M. Gariépy ainsi que les deux autres témoins.

    Monsieur Gariépy, dans son mémoire, le Conseil interprofessionnel du Québec recommande — les gens du Bloc ne s'y opposeront certainement pas — qu'on transfère aux autorités québécoises la part du Québec des sommes prévues pour les différents programmes fédéraux en matière de reconnaissance des acquis puisque, comme vous le disiez, c'est constitutionnel et on doit les reconnaître.

    Par contre, je me mets dans la peau d'un immigrant, et j'en suis très heureux. Des gens comme Mme Tchapda et Mme Marlow nous disent qu'un jour, le soleil brillera pour les immigrants qualifiés. Puis je regarde la liste des 45 ordres professionnels que vous représentez. Tout au long de ces audiences, j'ai entretenu le même dialogue; ces gens nous parlaient d'intégrité physique, psychologique et patrimoniale. Cela ressemble à une chasse gardée. Il semble qu'on ne veuille pas d'ingénieurs du Liban ou d'ailleurs. On entend souvent cela.

    Avec tout le respect que je vous dois, j'aimerais que vous répondiez à ces gens-là et non pas à moi. Il y a des diplômes frauduleux, on en convient. Par contre, est-ce que ce sont des cas d'espèce derrière lesquels se cachent les corporations professionnelles pour empêcher de travailler un ingénieur, une pharmacienne ou un médecin qui ne soit pas un Blanc né à Montréal ou à Toronto?

    J'aimerais que vous me convainquiez et que vous convainquiez les autres. Il ne s'agit pas d'un procès d'intention.

    Y a-t-il des progrès? Sommes-nous sur la bonne voie?

+-

    Me André Gariépy: Monsieur Clavet, je vous remercie de votre question franche, qui fait le tour de tous les préjugés qu'il y a envers les organismes de réglementation professionnelle. Je n'en suis pas surpris, puisque nous y faisons face tous les jours. Les ordres professionnels ont effectivement un rôle très ingrat.

    Quand on parle d'intégrité physique, on parle d'une personne qui peut nous endormir sur une table d'opération, prendre un scalpel et, en toute confiance, commencer à ouvrir le corps humain dans l'objectif, dit-on, de guérir ou de régler des problèmes de santé.

    Quand on parle d'intégrité psychologique, on parle d'un professionnel à qui nous remettons, dans l'intimité d'une relation psychothérapeutique par exemple, des informations, une vision de nous-mêmes, des confidences. Nous lui permettons d'avoir un pouvoir agissant sur toute la structure de fonctionnement de notre personnalité, sur notre façon de nous intégrer à la société et d'interagir avec les autres et avec nos proches. Nous permettons à cette personne de faire tout cela.

    Quant à l'intégrité patrimoniale, nous nous en remettons à l'expertise d'un avocat ou d'un comptable pour des affaires personnelles relevant de la planification financière, fiscale, etc., étant donné que nous ne détenons pas cette expertise en tant que citoyens.

    Admettons que vous devez vous faire opérer demain. Vous n'avez pas le temps d'étudier en médecine pendant cinq ans pour savoir si l'opération qu'on vous propose est la bonne et si elle sera exécutée par une personne valablement formée pour le faire avec le minimum de risques possible. C'est ce qu'on appelle les risques à l'intégrité physique, psychologique et patrimoniale.

    Dans l'État québécois comme dans tous les États du monde, dans certains cas, lorsque le risque est trop grand, l'État intervient en amont de la chose pour réglementer les compétences des gens qui exerceront ces professions. Puisqu'il y a un manque d'expertise du citoyen dans ces pratiques professionnelles, l'État n'est pas en mesure, lui non plus, d'indiquer quelles seront les bonnes normes de compétence pour ces professions. Il prend donc appui sur l'expertise des professionnels. Il demande aux médecins de générer les normes de compétence pour la pratique de la médecine et il en demande autant aux psychologues. De la même façon, il demande aux comptables de générer des normes pour que la comptabilité se fasse adéquatement et qu'il n'y ait pas de malversations de part et d'autre. D'ailleurs, on a eu des problèmes à cet égard aux États-Unis.

    La nécessité de protéger le public est bien réelle. La vraie question que vous posez vise à savoir si les organismes de réglementation professionnelle, qui ont le mandat de protéger le public contre des préjudices qui sont réels, exercent ce mandat d'une façon transparente et efficace.

    Il y a 30 ans, nous aurions pu mériter les préjugés dont vous avez fait la liste et que je ne vous attribue pas personnellement. Cependant, en 1974, il est survenu au Québec une révolution dans l'encadrement des professions. Le Code des professions a été adopté par l'Assemblée nationale. Ce code est venu imposer aux organismes de réglementation professionnelle un régime de transparence et d'imputabilité par l'entremise de la création de l'Office des professions du Québec, qui surveille l'exécution du mandat des ordres professionnels. Cela fait en sorte que les ordres professionnels qui recueillent l'expertise de ceux qui connaissent une profession pour générer une norme ne fonctionnent pas tout seuls, de façon arbitraire. Ils doivent rendre des comptes à l'Office des professions du Québec. De plus, toutes les normes qu'ils adoptent doivent être approuvées par le gouvernement du Québec. Ce n'est plus une décision arbitraire prise en cachette.

    Je voudrais vous signaler une chose, monsieur Clavet. Lors de conférences pancanadiennes organisées par le gouvernement fédéral, à savoir par Citoyenneté et Immigration Canada et par Développement des ressources humaines Canada, lorsque j'ai présenté le modèle de transparence et d'imputabilité des ordres professionnels québécois, les groupes de soutien aux immigrants dans les provinces canadiennes ont demandé que le modèle québécois d'encadrement des professions soit appliqué dans leur province. Il y a quelques années, le gouvernement du Manitoba, par l'intermédiaire de sa ministre du Travail et de l'Immigration, m'a invité à donner une conférence devant tous ces intervenants qu'on appelle en anglais les stakeholders afin que je leur explique notre façon de fonctionner. Après notre conférence, la ministre nous a dit que jamais elle n'aurait cru que l'exemple viendrait du Québec.

    Monsieur Clavet, je veux vous dire que les choses ont bien changé depuis l'époque où nous méritions ces préjugés. En fait, les résultats des actions que nous avons entreprises pour revoir les pratiques de reconnaissance des acquis sont probants.

·  +-(1340)  

    Maintenant...

+-

    M. Roger Clavet: Madame la présidente, serait-il possible de connaître le point de vue de Mme Tchapda à ce sujet? On manque toujours de temps. J'aurais aimé écouter son point de vue, par curiosité. Elle a très peu parlé.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Clavet, lorsque viendra mon tour, je jouerai la bouée de sauvetage.

+-

    M. Roger Clavet: En ce cas, c'est d'accord.

    Je m'excuse, monsieur Gariépy, je voulais que cela soit équitable pour les participants. Je vous remercie.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): C'est bien. Monsieur Siksay, vous avez la parole.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, madame la vice-présidente.

    Je remercie aussi M. Gariépy, Mme Tchapda et Mme Almeida Marlow de leurs témoignages.

    Malheureusement, mon français est très limité. Je dois continuer en anglais.

·  +-(1345)  

[Traduction]

    Je voulais dire comme il est agréable d'avoir un autre social-démocrate à la table cet après-midi. Je suis heureux que vous soyez ici, madame Tchapda. On se sent parfois seul autour de cette table.

    Je voulais poser une question au sujet de l'expérience canadienne. Au cours de nos audiences partout au pays, on nous a dit que c'était parfois une excuse pour faire de la discrimination, du racisme. Lorsque des témoins de la ville de Toronto ont comparu devant notre comité, leur comité de la diversité a souligné que c'est pour cette raison qu'ils n'utilisaient plus l'expression « expérience canadienne » dans leur processus d'embauche. Ils ont plutôt élaboré une liste de compétences et d'exigences d'emploi précises auxquelles les gens doivent répondre. Ils estiment que cela a été utile pour s'assurer que les nouveaux arrivants au Canada ont une meilleure chance d'obtenir un emploi pour la ville de Toronto.

    Avez-vous constaté que l'exigence d'expérience canadienne était utilisée pour faire de la discrimination à l'égard des gens qui cherchent du travail ici au Canada?

[Français]

+-

    Mme Félicité Tchapda: Monsieur, mon anglais n'est pas parfait. J'aimerais que quelqu'un me pose à nouveau la question en français, afin que je sois certaine de bien répondre.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Il y a des services d'interprétation.

[Français]

+-

    Me André Gariépy: En fait, je pense qu'il veut que vous expliquiez plus en détail la manière dont vous avez vécu votre expérience au Canada.

+-

    Mme Félicité Tchapda: Je réponds à votre question.

    Personnellement, j'ai pu m'en sortir. Comme je vous ai dit, on n'étudie plus par vocation. On va dans un domaine où l'on espère trouver un emploi.

    Présentement, tout le monde dans ma communauté sait que si on devient infirmier, on va trouver un emploi. Par contre, M. Gariépy met en doute la qualification professionnelle des immigrants qui arrivent avec des diplômes mérités à l'extérieur du Canada. Je connais plein de Camerounais qui ont complété leurs études à l'École Polytechnique ou à HEC à Montréal et qui travaillent dans des manufactures.

    Ne peut-on pas associer le manque d'intégration des immigrants à leur couleur plutôt qu'à leur manque de compétences? Quatre-vingts personnes complètent leur formation à HEC à Montréal ou à l'École Polytechnique et 70 d'entre eux trouvent un emploi. Comme par coïncidence, ce sont tous des Blancs, et les dix qui n'obtiennent jamais d'emploi sont des immigrants de couleur.

    Je pense que ce n'est pas une question de compétence. Je connais aussi des Camerounais qui ont complété leurs études à l'École Polytechnique sans toutefois avoir fait de stage. Pourquoi cela s'est-il passé? Parce que les entreprises étaient fermées à cela. Je pense que cela dépasse la notion de compétence. Il faut simplement que les gens ouvrent la porte et donnent la chance aux autres.

    Ce n'est pas vraiment une question de compétence.

    Je vous remercie.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Connaissez-vous des programmes au Québec qui aideraient les employeurs à faire face au problème de racisme en milieu de travail?

[Français]

+-

    Mme Félicité Tchapda: Je suis peut-être mal placée pour répondre à cette question. Je ne veux pas généraliser. Je sais qu'il y a des côtés positifs au Québec, en ce qui a trait à l'ouverture aux immigrants, par exemple. Par contre, il y a la question de l'information et des ressources. Les immigrants ne disposent pas de bonnes ressources. Ils s'informent, mais ils ne savent pas trop à quelle porter cogner pour avoir de bons conseils.

    Je pense que c'est plus une question de ressources que d'intégration.

·  +-(1350)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Je pourrais peut-être poser la question à M. Gariépy.

    Au sein de votre organisation, y a-t-il eu une discussion au sujet du racisme? Les organisations professionnelles ont-elles des ressources pour faire face à ce problème ici au Québec?

+-

    Me André Gariépy: Oui. Je répondrai en anglais, juste pour pratiquer un peu mon accent.

    Ce que Mme Tchapda dit est très important. Ce ne sont pas les ordres professionnels—comme nous les appelons au Québec—les organismes de réglementation—qui contrôlent l'accès à l'emploi, mais plutôt les employeurs. Ils sont chargés d'évaluer les compétences. Peu importe l'origine des gens, c'est la même chose, tout au moins au Québec. Cela a été adopté par le gouvernement, et les règles sont les mêmes, les exigences sont les mêmes, que l'on soit diplômé d'universités du Québec ou d'ailleurs.

    Donc, les exigences sont les mêmes, mais lorsqu'on obtient son permis d'un organisme de réglementation, il faut trouver un emploi et, oui, il y a un problème à cet égard. Je ne peux pas répondre pour le ministère de l'Immigration du Québec, mais je sais très bien, car je travaille avec eux, qu'ils ont un programme pour encourager les employeurs à embaucher des employés d'autres collectivités—des immigrants—afin qu'ils apprennent à connaître ces gens, leurs compétences, et étant donné le fait qu'ils ont ce qu'il faut pour travailler dans leurs entreprises. Nous avons ce genre de programme.

    Naturellement, nous avons besoin davantage de fonds pour le faire, et la province de Québec n'a certainement pas tous les fonds qu'elle aimerait avoir pour faire ce travail, mais au moins nous avons certains programmes en place.

    Pour ce qui est des ressources et de l'information pour appuyer les immigrants au cours du processus d'intégration, le ministère de l'Immigration du Québec a créé un service d'information pour les professions et les métiers réglementés au Québec, de sorte que l'immigrant connaît les exigences et comment... car parfois le problème consiste à comprendre comment répondre aux exigences. Ce service d'information, qui a été créé conformément à notre action à titre de conseil interprofessionnel qui représente 45 conseils professionnels, a été mis en place en 2002 et il fonctionne très bien.

+-

    M. Bill Siksay: Me reste-t-il encore du temps, madame la présidente?

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Il vous reste trois secondes.

    Monsieur Telegdi.

[Traduction]

+-

    L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

    J'ai écouté les commentaires avec intérêt. Tout d'abord, Bill, permettez-moi de dire que je tente de faire de mon mieux afin de m'assurer que vous ne vous sentiez pas trop seul dans bien des comités. Ce qui est merveilleux à notre comité, c'est que nous semblons avoir un assez bon consensus sur la plupart des questions, notamment sur celle de la reconnaissance des titres de compétences internationaux.

    Madame Tchapda, je sais d'après mon expérience personnelle, d'après ce qu'a vécu mon père, que le gaspillage des cerveaux est une chose terrible. Nous parlons en réalité du fait que les gens ne peuvent utiliser leurs connaissances et leurs titres de compétences. Nous faisons beaucoup au sujet de l'exode des cerveaux, mais le gaspillage des cerveaux est encore plus important, et nous devons vraiment nous assurer de faire quelque chose à ce sujet, car au Canada cela représente une perte financière importante—qui a un impact négatif sur notre économie—, mais ce qui est encore plus important, c'est l'impact au niveau personnel.

    Par exemple, prenons la profession de médecin. Nous avons une pénurie de médecins, et pourtant nous avons des obstacles artificiels du fait que nous ne permettons pas aux médecins formés à l'étranger qui répondent aux normes canadiennes de pratiquer leur profession. C'est une tragédie pour eux et c'est une tragédie pour les gens qui n'ont pas de médecin de famille.

    Madame Marlow, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous devons nous assurer de l'intégrité des titres de compétences que nous acceptons. Il y a un problème, car dans le cas d'un ingénieur—quelqu'un qui détient un diplôme en ingénierie—on veut s'assurer que le pont ou la maison ne va pas s'écrouler. Je sais qu'en Inde il y a eu énormément de questions, particulièrement après le tremblement de terre qui a causé énormément de pertes de vie. Je crois cependant que les associations professionnelles peuvent en avoir une assez bonne idée lorsqu'elles vérifient les titres de compétences. Il n'est pas difficile de vérifier les compétences des gens; c'est une chose qu'il est assez facile d'évaluer. Naturellement, nous voulons faire cela, car nous ne voulons pas jeter le discrédit sur les titres de compétences internationaux; cela est très important.

    L'une des questions que j'aimerais vous poser est la suivante : nous avons mis en place une nouvelle politique pour les immigrants de la composante économique. Le partage est le suivant : 60 p. 100 pour les immigrants de la composante économique, 40 p. 100 pour les réfugiés et la réunification des familles. Ma question est la suivante : devrions-nous changer ce pourcentage, et inclure également les métiers? Il est difficile pour les gens de métier d'entrer au Canada dans la composante économique à l'heure actuelle, et il y a vraiment une pénurie de gens de métier. Devrions-nous inclure les métiers dans la composante économique?

    Je mentionne cela car je ne pense pas qu'on y ait vraiment réfléchi lorsque le système de points d'appréciation a été modifié il y a un certain nombre d'années. Je sais que la raison pour laquelle on a adopté cette formule, c'était pour avoir des gens instruits afin de répondre aux changements de l'économie canadienne. Mais le fait est que nous avons désespérément besoin de gens de métier, et l'expérience démontre que dans de nombreux cas, leurs titres de compétences ne sont pas reconnus comme ils le devraient.

    Je me demande si vous pourriez tous les trois répondre à ma question, l'un après l'autre.

    Madame Tchapda, je vais commencer avec vous.

·  +-(1355)  

[Français]

+-

    Mme Félicité Tchapda: [Inaudible]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Quelqu'un d'autre veut répondre? Flora?

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: C'est une très bonne question que vous avez posée.

    Pour ce qui est des gens de métier, le Canada a une pénurie de nombreux gens de métier—par exemple, de maçons pour construire nos immeubles, et des plombiers—et de gens qui normalement ne rechercheraient pas ce genre de poste. Nous avons donc besoin de ces métiers au Canada, car il ne suffit pas d'avoir des gens qui ont fait des études supérieures; nous devons avoir une main-d'oeuvre polyvalente. Nous devons avoir des gens qui puissent occuper différentes sortes d'emplois.

    Pour ce qui est de changer le pourcentage, d'après moi, lorsqu'on reçoit un nouvel immigrant... Si nous avions la chance de choisir, je choisirais toujours une personne qui est jeune et célibataire, car cette personne arrive sans beaucoup de bagages. Cette personne est prête à apprendre et à partager son expérience. La personne plus âgée est... Une personne plus âgée est déjà ancrée dans ses habitudes et n'est pas prête à s'intégrer aussi bien. Les jeunes, les gens de métier, les gens instruits sont très importants pour le Canada.

    Merci.

+-

    Me André Gariépy: L'essentiel c'est de répondre aux besoins. J'ai l'impression que les politiques d'immigration du gouvernement fédéral et du Québec sont dictées par l'économie, de sorte que si on veut répondre aux besoins, il faut tenir compte de nos besoins en tant que main-d'oeuvre.

    Je vous rappelle que la main-d'oeuvre est un phénomène régional. Il y a des caractéristiques propres aux économies régionales au Canada. Au Québec, nous avons fait une analyse au ministère de l'Emploi, et nous prévoyons qu'au cours des cinq ou six prochaines années nous aurons besoin de 600 000 travailleurs pour répondre aux besoins en main-d'oeuvre. De ces 600 000 travailleurs, les deux tiers devront avoir une formation technique ou de métier.

    Ce qui est important pour l'immigration, c'est de choisir les gens dont nous avons besoin. Si nous avons toujours le système de points qui fait en sorte, par exemple, que celui qui détient un doctorat en histoire de l'art aura priorité sur quelqu'un d'autre qui n'a qu'une formation technique, eh bien, nous allons rater notre coup. Je sais que le ministère de l'Immigration du Québec est en train de réexaminer cela, car je travaille avec eux.

    Il est donc important d'adapter constamment cette liste pour accorder des points aux candidats à l'immigration qui répondent vraiment aux besoins de l'économie québécoise. Lorsque nous connaissons nos besoins, nous pouvons faire notre choix en fonction de ces derniers.

¸  +-(1400)  

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Nous avons pris une décision vraiment importante lorsque nous nous sommes éloignés de cela.

    Pour ce qui est du modèle européen, j'ai beaucoup d'amis qui ont appris leur métier en Europe. Ce qui me fascine, c'est qu'ils s'intéressent davantage aux arts que moi. Ils s'intéressent à l'opéra et au ballet. On le constate même d'après ce qu'ils lisent; ils lisent les philosophes. Donc, tout le modèle en Europe fait en sorte que quelqu'un qui exerce un métier est aussi une personne très cultivée.

    Vous êtes un expert dans ce domaine, et je suis d'accord avec vous, car la semaine dernière j'ai appris une chose à laquelle je n'avais pas vraiment pensé avant d'en parler à mon voisin. Il y a une grande pénurie de mécaniciens d'ascenseurs au Canada, une pénurie importante, et au Canada nous n'avons pas fait un aussi bon travail que nous aurions pu pour ce qui est de suivre le modèle européen, où des cours de métiers sont proposés dans les écoles. Ici, on a l'impression qu'on apprend un métier si on est trop bête pour aller à l'université, alors qu'en fait dans bien des cas les gens de métier gagnent deux fois plus d'argent et ont une plus grande satisfaction au travail que bien des diplômés d'université.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Félicité Tchapda: Je pense vraiment que la clé du succès de l'immigration consiste d'abord à être honnête envers les immigrants, dès qu'ils quittent leur pays. Il faut leur dire de ne pas se surprendre du fait que le Canada n'est pas le paradis qu'ils s'imaginent et qu'ils vont y rencontrer des difficultés. Plusieurs d'entre eux vendent tout, entre autres leur maison, et laissent leur emploi. Ils pensent qu'en immigrant, ils vont récupérer tous ces acquis dès leur arrivée au Canada. Très tôt, ils se rendent compte que c'est impossible.

    Il faut que les employeurs donnent leur chance aux immigrants. Les préjugés sont les paravents de nos peurs. On ne peut pas juger que quelqu'un est incompétent sans d'abord lui donner la chance d'exercer les fonctions. Certains leur disent qu'ils n'ont pas d'expérience canadienne, donc aucune expérience. Cependant, leur façon de faire peut être un plus pour la compagnie. Le plus important, peu importe la façon dont on y parvient, c'est d'aboutir au même résultat. Surtout, il faut que les employeurs soient vraiment ouverts.

    Même ceux qui sont ici et qui finissent leur baccalauréat à Polytechnique n'arrivent pas à faire un stage parce que toutes les portes sont fermées. Ils voient des emplois et savent qu'ils remplissent toutes les conditions d'admissibilité. Après six mois, ils voient le même emploi affiché. Ils ont envoyé leur cv et n'ont jamais eu de réponse. Il faut vraiment que les employeurs donnent leur chance aux immigrants, mettent de côté leurs préjugés et portent un jugement basé davantage sur les actes que sur leurs préjugés.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Je vais vous poser une question qui m'a été adressée par le public. Je vais essayer de la résumer. J'ai participé à la Semaine d'actions contre le racisme dans plusieurs communautés, à titre d'observatrice et d'oratrice. Je peux vous dire qu'il y a eu des témoignages assez marquants et blessants concernant l'accès au marché du travail, l'accès à l'emploi que la personne désire. Je m'explique.

    Des personnes venant d'autres pays, qui ont étudié à l'étranger, aspirent à contribuer positivement à la société québécoise et, à ce titre, aimeraient bien faire le travail pour lequel elles ont étudié pendant tant d'années. Elles aspirent également à mettre à profit les expériences qu'elles ont acquises à l'étranger. Je ne sais pas si cela touche nécessairement les ordres professionnels, mais je voudrais quand même vous sensibiliser à cette question. Cela me blesse chaque fois.

    Je suis moi-même issue de l'immigration. Ma mère est chinoise. Par contre, je n'ai pas le faciès chinois et je n'ai pas éprouvé de problèmes d'accès à l'emploi. C'est sûr et certain que les gens sont intrigués quand ils voient mon nom; ils se posent des questions. Toutefois, cela n'empêche pas que j'ai ressenti qu'il y avait des barrières, comme vous dites, concernant l'accès à l'emploi.

    J'ai également travaillé à la mise en place d'organismes de recherche d'emploi et des Carrefours jeunesse-emploi du Québec, qui aident les gens à faire le passage. Parfois, les personnes ont besoin d'une période d'adaptation. Il n'empêche que les témoignages que j'ai entendus au cours de la semaine ont été très blessants, dans le sens que ces choses sont souvent cachées et ne sont pas nécessairement mises au grand jour.

    J'aimerais vous entendre à ce sujet. J'aimerais savoir si des programmes de sensibilisation auprès des ordres professionnels sont mis en place, et connaître les progrès qui ont été réalisés.

    J'aimerais m'adresser à Mme Marlow et Mme Tchapda. D'après ce que j'ai pu comprendre, vous avez étudié à l'étranger. Exercez-vous actuellement la profession pour laquelle vous avez étudié?

¸  +-(1405)  

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: J'ai étudié la comptabilité et l'informatique. Je ne travaille pas dans ces domaines, mais le fait est que lorsque les immigrants arrivent au Canada, ils veulent avoir la chance de travailler quelque part. Par exemple, si un immigrant a des antécédents en comptabilité, et même s'il est au haut de l'échelle, une banque devrait tout au moins considérer lui offrir un poste de débutant afin qu'il puisse gravir les échelons le plus rapidement possible. Le problème c'est que si on ne lui donne même pas la chance de travailler dans une banque, il ne pourra prouver ses compétences en comptabilité. Chacun devrait donc avoir la chance d'obtenir un emploi, d'être ensuite testé et évalué, et de gravir les échelons.

    De la même façon, en ce qui concerne les médecins, ils arrivent au pays avec un diplôme en médecine et finissent par travailler dans des restaurants ou comme chauffeur de taxi, et ils sont perdants. Il faudrait leur donner la chance de travailler dans un hôpital; de faire certaines choses qu'un médecin ne ferait pas habituellement, de façon à ce qu'ils puissent tout au moins être dans le milieu et apprendre sur le tas, qu'ils puissent faire quelque chose, apprendre, se faire tester, et gravir les échelons. Le plus important, c'est d'obtenir un poste de débutant.

    C'est pour cette raison que je dis qu'il ne faut pas nécessairement accepter toutes leurs qualifications, mais leur donner la chance d'avoir un poste de débutant et de faire leurs preuves, ensuite ils pourront gravir les échelons comme tous les autres.

    Merci.

[Français]

+-

    Mme Félicité Tchapda: En ce qui me concerne, je peux dire que j'ai eu la chance d'arriver ici un peu plus jeune que mes autres compatriotes. J'ai vite compris, parce qu'on m'a mise au courant de la situation. On m'a dit de ne pas étudier ce que j'aimais, mais d'étudier dans le domaine dans lequel je pouvais espérer trouver un emploi. Je me suis retrouvée à étudier en sciences infirmières, et j'ai obtenu un baccalauréat. J'ai fait cela justement parce que je savais que je devais trouver un emploi.

    Quand je suis arrivée sur le marché du travail, je me suis rendu compte que ce n'était pas vraiment ce que je voulais faire. Oui, j'ai un emploi. Je fais présentement un baccalauréat en communication et relations publiques parce que je le veux.

    J'ai étudié en sciences infirmières, mais si je devais faire cela toute ma vie tout simplement parce que je veux un emploi, je ne serais pas heureuse.

    Certains de mes compatriotes ont des baccalauréats en administration, des MBA, ou sont ingénieurs, mais ils travaillent tous à l'usine à 7 $ l'heure. Leur superviseur est quelqu'un qui n'a même pas un secondaire V et qui supervise des gens qui ont des doctorats.

+-

    Me André Gariépy: Chaque cas est un drame, et il faut l'éviter. Il est vrai qu'au cours du processus de sélection et d'intégration d'une personne immigrante, à partir du début, de son premier contact avec les agents d'immigration à l'étranger — qu'ils soient du Québec ou du Canada —, et jusqu'à sa première journée au travail, il y a toutes sortes d'intervenants et de possibilités de dérapage du processus. Des 40 000 personnes sélectionnées chaque année pour émigrer au Québec, de 2 500 à 3 000 se destinent à une profession réglementée au Québec. Ce n'est donc pas la majorité.

    Il faut comprendre — et mes collèges ici présents le comprendront — qu'émigrer est un déracinement. Lorsque vous prenez un arbre et que vous le placez sur un autre territoire, il a un choc. Il faut prendre soin de cet arbre pour s'assurer qu'il prenne bien racine dans son nouveau terreau. C'est la même chose pour un être humain qui quitte un pays, une société structurée et une culture qui soutient cette structure sociale, économique et politique. Quand elle arrive dans un autre pays, elle se trouve en situation d'anomie, comme diraient les sociologues. Il y a un choc culturel, parce qu'il y a un fossé culturel. Ce fossé est fait de deux rives. La distance entre la personne immigrante et sa société d'accueil est fixée par la culture du pays où elle veut s'établir, mais aussi par ce qu'elle apporte avec elle de différent. Les deux parties ont la responsabilité de faire le pont entre les deux rives. La personne immigrante doit comprendre que c'est différent, que cela ne sera pas facile, mais qu'elle doit avancer et faire sa part. De notre côté, nous devons comprendre cette différence.

    Mme Faille nous demandait ce que les ordres professionnels faisaient de particulier pour démontrer leur sensibilité à cette distance culturelle. Je lui répondrai que s'il y a des difficultés à comprendre la différence culturelle, nous avons donné, au cours des dernières années, une formation en relations interculturelles à l'ensemble des personnes affectées à l'admission au sein des ordres professionnels. Cette formation en relations interculturelles n'est pas une formation de quelques heures pour apprendre qu'un Japonais mange du sushi. Bien sûr, c'est une image grossière.

    La formation que nous avons mise sur pied de concert avec un groupe spécialisé dans la question est une formation très professionnelle qui dure deux jours. Nous avons décortiqué le cheminement menant à l'admission à un ordre professionnel. Nous avons vu, à chaque étape de ce cheminement et du contact avec la personne immigrante, quelles seraient les conséquences d'une mauvaise compréhension par la personne immigrante, comme par la personne du Québec responsable de l'admission à l'ordre professionnel. Nous avons pu constater qu'il existe un fossé dans la communication et, en conséquence, nous assurer que notre jugement ne sera pas altéré par ledit fossé ou par ce problème de perception.

    Lorsque, pour évaluer ses connaissances et compétences acquises, un ordre professionnel demande à une personne immigrante de parler d'elle-même, de lui dire ce qu'elle a déjà fait, de parler de son expérience de travail, il faut qu'il sache que dans certaines cultures, parler de soi-même ne se fait pas. En effet, cela peut être perçu comme étant prétentieux ou quelque chose du genre. Que perçoit la personne de l'ordre professionnel qui accueille cette personne immigrante qui provient de cette culture où parler de soi-même n'est pas tout à fait dans la norme des choses? Elle perçoit que la personne est évasive, qu'elle n'a peut-être pas fait les choses que l'on pense qu'elle a faites et que, par conséquent, sa compétence n'est pas tout à fait réelle, alors qu'elle est compétente. Ces formations de deux jours très spécialisées et très riches en relations interculturelles ont aidé à vaincre ces possibilités de déficit de communication, de compréhension entre les personnes immigrantes et les institutions créées par l'État que sont les ordres professionnels.

    Cette sensibilité existe. Nous allons poursuivre cette formation, mais une chose est claire: la personne immigrante doit se préparer le mieux possible avant d'arriver au Québec ou au Canada. C'est le secret. Je rencontre souvent des groupes de soutien aux personnes immigrantes et des personnes immigrantes, et ils me disent qu'ils ne savaient pas. Cela arrive au moment de la sélection. Les agents d'immigration disent qu'ils doivent remplir leur quota de 100 000 ou 200 000 immigrants. Ils en acceptent certains et leur disent que tout va bien, qu'ils sont employables, merci, bonjour.

¸  +-(1410)  

    Je regrette, c'est de la fausse représentation. Une personne immigrante doit recevoir toute l'information nécessaire pour pouvoir, ou non, choisir de s'établir au Canada ou au Québec de façon réaliste, et pour que cet établissement soit un succès pour elle et pour nous.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur Gariépy, vous avez dit qu'en 1974, il y avait eu une révolution dans la réglementation des professions au Québec. J'ai interrogé d'autres associations professionnelles à ce sujet, mais leurs réponses ont été un peu floues en ce qui concerne les détails historiques de ce processus de réglementation et d'homologation.

    Peut-être savez-vous pourquoi on a effectué ce changement en 1974. Est-ce que le gouvernement ou les associations professionnelles réagissaient à une situation particulière? Cette modification du processus d'homologation et de réglementation des professions était-elle motivée par des défaillances du système antérieur?

    Quand nous étions à Vancouver, nous avons entendu une organisation d'infirmières philippines. Elles travaillent principalement dans des garderies d'enfants par le biais du programme des aides familiaux résidents. Durant les années 60 et 70, quand le Canada a été confronté à une grave pénurie d'infirmières, on est allé chercher des infirmières aux Philippines et ces infirmières ont pu commencer à travailler immédiatement sans réévaluation de leurs titres de compétences, et ce, sans devoir attendre une éternité pour être accréditées. Elles ont pu commencer immédiatement à travailler parce qu'on avait besoin d'elles d'urgence.

    Vous avez parlé des besoins du marché du travail au Québec et vous avez dit que vous vous efforciez de les combler. M. Clavet nous a dit qu'il vivait au Québec, qu'il n'avait pas de médecin de famille et qu'il n'avait guère d'espoir de pouvoir en trouver un. Il me semble évident qu'il y a un besoin urgent de médecins de famille au Québec et dans d'autres provinces. Et pourtant, on nous parle sans arrêt de médecins qui sont chauffeurs de taxi.

    Quand allons-nous nous décider à agir? Quand allons-nous comprendre que notre système est beaucoup trop lent et que nos concitoyens sont privés de services alors qu'il y a des gens ici qui pourraient assurer ces services?

¸  +-(1415)  

+-

    Me André Gariépy: Monsieur Siksay, en ce qui concerne les données historiques, mon passe-temps, c'est d'être un historien non professionnel. Donc, à chaque fois que je regarde quelque chose, je vais fouiller le dossier historique.

    Nous avons célébré le 30e anniversaire du code professionnel en novembre dernier sur notre site Web, www.professions-quebec.org. Nous avons le rapport de la Commission royale sur l'avenir des soins de santé au Canada et d'autres questions, dite commission Castonguay-Nepveu. Vous y trouverez un rapport sur les professions.

    Ce qu'on a réalisé en 1974 correspond à la question que posait M. Clavet tout à l'heure. On a répondu au problème de la transparence des organismes de réglementation. En l'occurence, le gouvernement ne contrôlait pas les exigences et laissait les organismes de réglementation énoncer ces exigences, qui devenaient automatiquement la loi. Ce n'est pas comme ça que les choses doivent se passer. Le gouvernement a donc décidé que cela suffisait et qu'il allait harmoniser tout cela. À l'époque, nous avions 30 lois différentes. Il faut donc harmoniser les processus et établir un équilibre entre le fait qu'on a effectivement besoin de l'expertise de certaines personnes pour proposer des exigences et une norme professionnelle et le fait qu'en tant qu'organisme de décision légitime—j'entends par là l'assemblée nationale et le gouvernement—représentant la population tout entière, c'est le gouvernement qui va sanctionner tout cela et s'il n'est pas d'accord avec la norme proposée, il pourra la modifier. Il s'agissait donc d'un changement culturel, d'une modification de l'autonomie accordée aux organismes de réglementation.

    Les organismes de réglementation au Québec sont donc toujours autonomes, mais il y a un équilibre : le gouvernement dit aux représentants des professions qu'ils peuvent faire des propositions mais que c'est lui qui a le dernier mot. On répond ainsi au problème de la transparence et de la reddition de comptes.

    Donc, comme dans le cas de Denise à propos du secteur de la santé, l'histoire nous apprend là encore beaucoup de choses. Tout d'abord, il y a quelques années, le gouvernement du Québec a modifié une disposition de ces règlements sur la sélection des immigrants qui disait qu'on ne pouvait immigrer au Québec si l'on voulait pratiquer certaines professions. C'était un très vieux règlement qui stipulait que si l'on appartenait à une catégorie professionnelle, si on était médecin et qu'on voulait immigrer au Québec, on ne pouvait pas le faire. Cela a changé il y a quelques années. C'était donc à cause d'un règlement du gouvernement que certaines personnes ne pouvaient pas venir s'installer au Québec.

    Pour ce qui est de répondre aux pénuries, si jamais quelqu'un veut encore dire que les organes de réglementation au Québec protègent un territoire économique... en période de pénurie, il y a de la place pour tout le monde. Vous savez, quand il y a pénurie, on ne donne plus de services à la population. C'est pire que d'avoir de mauvais services, il n'y a plus de services du tout.

    C'est pour cela que beaucoup de ces organismes de réglementation confrontés à des pénuries lancent même des missions de recrutement à l'étranger pour attirer des gens. On parle ici de technologues en radiologie, et même d'infirmières et infirmiers. Vous savez, les infirmières et infirmiers ont été les premiers à dire au gouvernement de retirer leur profession de la liste des professions interdites pour l'immigration au Québec. Nous avons une pénurie. Il faut ouvrir la porte. C'est vous qui êtes l'obstacle. Et le gouvernement a donc changé tout cela il y a quelques années.

    C'est là un aspect de la mobilisation qu'on constate au Québec. Tout le monde fait sa part. Le gouvernement modifie les règlements, prend des mesures administratives, fait une sélection plus ciblée, surtout quand on a besoin de ces gens-là... et les organismes de réglementation participent à cette mobilisation et lancent des initiatives de recrutement à l'étranger.

    Vous constaterez donc en lisant le mémoire qu'il a fallu longtemps pour organiser tout cela, parce que chacun a sa propre autonomie—le système d'enseignement, le système professionnel, le système de santé—mais finalement, depuis quelques années, nous avons réussi à nous entendre pour connaître le défi et travailler ensemble. Nous obtenons maintenant les résultats de cette action et nous voulons poursuivre sur cette voie.

¸  +-(1420)  

    C'est pourquoi, si jamais le gouvernement fédéral a de l'argent... programme de reconnaissance on prévoyait 68 millions de dollars pour les six prochaines années. Bon, vous ne pouvez pas superposer vos propres objectifs de programme à ce qui existe déjà au Québec, compte tenu de toute la mobilisation que nous avons eue, alors donnez-nous donc cet argent et nous allons faire le travail et tout le monde sera content, vous y compris.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je voudrais remercier toutes les personnes qui sont venues témoigner. C'est très enrichissant, comme je le disais en préambule. Je vous remercie beaucoup, monsieur Gariépy. J'ai parfois l'impression d'être toute seule ici pour expliquer les différences du Québec.

    Il y a peut-être un point dont vous n'avez pas parlé, mais qui était implicite lorsque vous avez parlé de mobilisation et de notre philosophie de réseautage. J'ai fait partie de celles qui ont mis la main à la pâte pour construire ces réseaux, et il est vrai qu'on a une façon de faire différente. Comme M. Clavet le disait plus tôt, comptez sur nous pour aller chercher l'argent.

[Traduction]

+-

    Me André Gariépy: Pour ce qui est de l'aspect politique, je suis plus axé sur l'action que sur les résultats en un sens. Mais je respecte votre rôle à cet égard, car il est parfois difficile de convaincre les gens d'Ottawa de reconnaître que les choses sont peut-être différentes au plan régional et qu'il vaudrait mieux aider les gens à faire le travail sur le plan local parce que c'est là que cela compte et c'est là qu'on peut obtenir les meilleurs résultats.

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: Je voudrais simplement dire une chose.

    Nous sommes vos invités. Nous sommes ici à titre gracieux, et nous méritons aussi un peu de respect. Vous n'avez pas à critiquer nos opinions parce que ce sont des opinions honnêtes qui se basent sur notre expérience courante. Alors s'il vous plaît, quand vous vous servirez de nos informations, dites-nous ce que vous allez en faire car nous ne voulons pas que les gens se retournent contre nous.

    Je représente une communauté qui ne partage pas nécessairement notre opinion. Je veux amener les gens à changer d'opinion. Il ne faut donc pas que cela ait des retombées négatives. Nous exprimons honnêtement notre opinion en nous fondant sur notre expérience et nos conséquences, mais il ne faudrait pas que cela se retourne contre nous.

    Merci.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous remercie.

    Les témoignages et les mémoires qui sont déposés vont faire l'objet d'un rapport. Je ne crois pas qu'on va nécessairement nommer individuellement les personnes qui sont venues témoigner. On connaît votre situation et votre réserve.

    Tout ce beau travail va mener à la rédaction de quelques rapports qui seront déposés assez rapidement, si je comprends bien.

    Je vous remercie. Nous allons passer au prochain groupe dans quelques minutes.

¸  +-(1425)  


¸  +-(1438)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je voudrais tous vous remercier. Je suis une députée de la région de Montréal, plus précisément de l'autre côté de l'île de Montréal, en banlieue, à Vaudreuil-Soulanges.

    Il me fait plaisir de vous accueillir ici, dans la région de Montréal. Malgré le fait que je vienne souvent ici — je reconnais plusieurs visages —, il me fait plaisir de vous revoir pour parler d'une question liée à la réunification familiale. Nous, les membres du comité, sommes très honorés de vous recevoir et de prendre connaissance de vos mémoires.

    Vous n'êtes pas sans savoir que votre contribution est exceptionnelle et publique. S'il y a des sujets plus délicats, j'apprécierais que vous nous le mentionniez. C'est important. Je crois que quelques témoins nous ont parlé de cet aspect.

    L'ensemble de vos mémoires nous aidera à rédiger quelques rapports, notamment un rapport sur la citoyenneté, un autre sur la réunification familiale et un troisième sur les compétences internationales. Nous apprécions donc beaucoup que vous ayez pris le temps de venir témoigner devant nous.

    Vous avez devant vous un comité dont les membres sont très sensibles à la question des personnes immigrantes. Nous allons tenter d'apporter les changements législatifs qui s'imposent du mieux que nous le pourrons.

    Comme vous êtes un groupe assez nombreux, je vais vous demander de limiter vos interventions à environ cinq minutes pour que les membres du comité aient le temps de poser quelques questions. De même, lorsque vous souhaiterez intervenir à la suite des questions, j'aimerais que vous me le signaliez parce que le temps est limité. Sans plus tarder, procédons selon la liste établie.

    Nous allons débuter avec l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

+-

    Me Patrick Caron (membre du C.A., Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration): Bonjour, madame la présidente, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés.

    C'est avec un grand plaisir que je vous présente, au nom de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, certains aspects de notre position concernant la réunification familiale.

    Les nombreux points dont nous traitons dans le mémoire sont à notre avis très importants. Néanmoins, puisque nous n'avons que cinq minutes pour les exposer, nous nous en tiendrons essentiellement aux conclusions et aux problèmes que nous avons notés. Nous nous attendons aussi à ce qu'on nous pose quelques questions sur certains aspects plus détaillés.

    Les sujets dont nous traiterons cet après-midi sont tous rattachés à un impératif de la loi qui se trouve à l'article 3. Cet article précise les buts de la loi, notamment celui de veiller à la réunification des familles au Canada. J'aimerais insister sur le terme « veiller » qui, même s'il semble très paternaliste, est aussi très important.

    Notre exposé portera donc sur quatre points. Le premier aura trait aux délais relatifs au traitement des dossiers de réunification familiale. Par la suite, nous traiterons de l'exclusion de la catégorie famille portant sur un alinéa particulier des règlements d'immigration, soit l'alinéa 117(9)d). Ce dernier parle d'une mesure d'exclusion de la catégorie familiale. Selon nous, c'est là une mesure très grave. Finalement, nous traiterons d'un élargissement souhaitable du concept de catégorie familiale, pour ensuite recommander l'ajout de précisions quant à la notion de partenaires conjugaux, qui cause énormément de problèmes en pratique.

    D'abord, pour ce qui est des délais, l'AQAADI soutient que plusieurs types de demandes de regroupement familial peuvent être présentés. Notamment, certaines demandes touchent des personnes à qui on a accordé le statut de réfugié au Canada. On présume que ces gens vivent des situations forts difficiles dans leur pays et peuvent, à l'occasion, avoir abandonné des proches, qu'il s'agisse d'un conjoint ou d'enfants.

    Ensuite, l'information statistique qui se trouve sur le site web de Citoyenneté et Immigration Canada nous apprend que les délais de traitement sont de 12 à 25 mois dans une bonne majorité des cas. Cela laisse présumer qu'après 25 mois, la majorité des cas auront été traités. L'AQAADI soutient que si ces gens ont quitté leur pays et ont été reconnus comme des réfugiés, le délai de traitement des demandes concernant les membres de la famille est tout à fait excessif. Avec le plus grand des respects, nous suggérons que cette question fasse l'objet d'une attention toute particulière.

    Maintenant, si on examine la question du traitement des dossiers dans la catégorie des conjoints, on constate, toujours selon le site web, que les délais sont longs là aussi, soit de 11 à 17 mois. Il y a une règle concernant les demandes provenant de l'extérieur du Canada, mais il reste que nous nous trouvons face à une importante dislocation de la cellule familiale. À cet égard, des ressources devraient être rendues disponibles.

    Nous pourrions aussi aborder le parrainage des enfants. On annonce ici des délais de 18 à 26 mois. Encore là, il s'agit de délais excessifs si on considère que les enfants sont une composante très vulnérable de la catégorie regroupement familial. Bien sûr, toutes nos lois, le Code civil et la Cour suprême, par exemple dans l'affaire Baker, font preuve de sensibilité, et ce, dans le meilleur intérêt de l'enfant.

    Finalement, je ne saurais passer sous silence les délais de traitement des demandes faites par des enfants voulant parrainer leurs parents à l'étranger. On parle de délais très importants. À ce chapitre, l'AQAADI recommande de faire en sorte que le traitement prioritaire ne soit plus strictement réservé aux cas de conjoints et conjointes, mais qu'il soit plutôt appliqué à l'ensemble de la catégorie famille. Le cas des personnes physiquement en danger — par exemple dans le cadre de la réunification des réfugiés — est particulièrement criant. Il s'agit d'un point sur lequel nous insistons.

    Le deuxième point dont je traiterai, qui est sans contredit pour nous de la plus haute importance, est relié à l'application d'un paragraphe très particulier du règlement. On y parle de personnes qui ne sont pas considérées comme des membres de la catégorie famille du fait de leur relation avec les répondants, par exemple lorsque le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande et que l'étranger, en l'occurrence un membre de la famille, n'a pas fait l'objet d'un contrôle à l'époque où la demande a été faite.

¸  +-(1440)  

    On parle des cas non déclarés. Ce sont des dossiers très délicats puisqu'il n'est pas rare que, de bonne foi, des gens ne déclarent pas un membre de leur famille. Évidemment, ce sont des exemples. Il y a des exemples un peu plus poussés, mais qui existent. Par exemple, que faire du cas de l'enfant qui naît après l'émission des visas, mais un peu avant l'arrivée?

    On a le problème de l'application de cette disposition. Cependant, c'est surtout sur les cas de bonne foi que l'AQAADI désire attirer votre attention. Elle recommande, et c'est très important, qu'une clause de sauvegarde soit insérée à cet alinéa, qui ne donne aucune discrétion à l'agent des visas à l'étranger lorsqu'il est confronté à la situation.

    Je vous renvoie à la page 8 de notre mémoire. La formulation pourra évidemment être évaluée au goût du jour, mais, pour l'essentiel, il s'agirait d'ajouter, à l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés:

dans le seul but d'obtenir un statut ou un privilège de l'application de la LIPR.

    Si l'idée était d'éviter le contrôle parce qu'on avait quelque chose à se reprocher, à ce moment-là, nous sommes tous d'accord: il y a consensus pour que la personne fasse l'objet d'une exclusion de la catégorie famille. Cependant, dans les situations où il s'agit d'une omission vraiment fortuite et malheureuse, il nous semble que l'objectif de réunification des familles est complètement bafoué par le libellé de l'alinéa dont nous faisons l'éloge aujourd'hui, si vous me passez l'expression. Donc, une clause de sauvegarde serait des plus nécessaires et permettrait de respecter les objectifs législatifs. Il n'y aura pas de passe-droit. Par contre, il y aura un peu d'humanité dans nos règles.

    Troisièmement, l'AQAADI pense qu'il serait intéressant, voire souhaitable, de procéder à un élargissement de la notion de regroupement familial. Pourquoi l'AQAADI prône-t-elle cette position?

    Pendant la préparation de notre mémoire, nous avons constaté que certaines des conditions pour faire partie de cette catégorie sont à ce point exigeantes que c'est comme si le texte de loi était fait pour s'appliquer à un cas tout au plus. Nous parlons notamment de l'alinéa 117(1)f) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, où on nous dit qu'un frère, une soeur ou un membre de la famille pourra parrainer à titre de répondant son frère ou sa soeur dans les cas où la personne à l'étranger sera — et attention aux conditions cumulatives — âgée de moins de 18 ans, orpheline de père et de mère et, finalement, ni mariée ni engagée en union de fait.

    On constate que les conditions sont extrêmement restrictives. Donc, l'AQAADI recommande, au chapitre de la catégorie même, de procéder à un élargissement de sorte à permettre aux frères et aux soeurs de se présenter à titre de répondants pour leur proches parents, leurs frères et soeurs à l'étranger. Il faudrait faire en sorte que la possibilité de parrainage soit la même que celle qu'a un enfant à l'endroit de son père ou de sa mère, et que les mêmes conditions s'appliquent. Ces conditions sont notamment celles afférentes à la sécurité, à la santé et aux exigences financières.

    L'AQAADI postule que l'élargissement proposé de la notion ne viendra pas créer un flot de dossiers d'immigration indésirables, mais permettrait tout simplement d'avoir un garant additionnel dans les cas où les parents ne seraient pas en mesure de suffire à la tâche en raison de la dimension de la situation.

    Je vois que le temps qui m'est imparti achève. Donnez-moi 120 secondes, et je m'excuserai auprès des autres membres du panel.

    La notion de partenaire conjugal doit également être revue parce que la formulation du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés est très générale. La définition qu'on y donne est la suivante:

« partenaire conjugal » À l'égard du répondant, l'étranger résidant à l'extérieur du Canada qui entretient une relation conjugale avec lui depuis au moins un an.

    Il n'y a pas l'exigence de résidence commune.

    L'interprétation administrative qui est donnée, comme vous le verrez aux pages 13 à 18 de notre mémoire, dépasse de beaucoup les termes très généraux du règlement. Il serait souhaitable de préciser, au niveau réglementaire, quelles sont réellement les balises. En effet, une fois encore, des absurdités peuvent se présenter.

¸  +-(1445)  

    Je conclurai sur cette question en disant ceci. Imaginons un couple dont l'un est Français de France, l'autre au Canada: les membres de ce couple ne désirent pas cesser leurs activités économiques.

    Dans le cadre de la directive, ce couple n'entrerait pas dans la catégorie du regroupement familial puisque ces personnes ne seraient pas considérées comme des partenaires conjugaux. Elles seraient pratiquement tenues de se marier alors que, suivant le règlement dans sa formulation bien large, elles pourraient, pour autant qu'une preuve suffisante existe, faire partie de la catégorie du regroupement familial.

    Afin de respecter le droit constitutionnel de ce mode d'union, l'AQAADI recommande qu'une définition de la relation conjugale soit ajoutée, de manière à éviter toutes les incertitudes et pour respecter les droits de chacun.

    C'est ainsi que je termine mon allocution. Je vous remercie infiniment de votre tolérance.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci. Vous avez eu 117 secondes.

+-

    Me Patrick Caron: Je vous remercie infiniment. Cela fait trois secondes pour les autres.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous remercie.

    On va passer au témoignage de M. Kenneth Narvey, qui est chercheur juridique et dirigeant responsable des opérations au sein de la Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste.

[Traduction]

+-

    M. Kenneth Narvey (chercheur juridique, Dirigeant responsable des opérations, Coalition des Synagogues concernant le droit relatif aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité y compris ceux de l'Holocauste): Mesdames et messieurs, j'ai passé une heure et demie avec vous ce matin parce que personne ne s'est pointée. J'ai donc très peu à vous dire et je vais essayer de le dire rapidement.

    Je parlais avec M. Siksay pendant la pause, et il m'a demandé si je faisais partie du deuxième groupe de témoins. J'ai répondu que non parce que je n'avais rien à dire à propos des titres et qualités. Il m'a répondu que j'allais sûrement trouver quelque chose. J'ai trouvé.

    Ma soeur est médecin en Californie et aussi citoyenne canadienne. Je ne connais pas tous les détails mais elle a étudié et réussi des examens du Medical Board of California et exerce aujourd'hui la médecine dans cet État. En ce qui concerne les titres de compétences étrangers, je recommanderais que le comité examine ce qui se fait ailleurs, comme dans le cas de la médecine en Californie, et voie s'il n'y a pas un modèle dont le Canada pourrait s'inspirer ou qu'il pourrait même améliorer, ce qui serait encore mieux.

    Deuxièmement, quelqu'un m'a avoué ce matin ignorer que mon organisation s'occupait de réunification des familles. Je l'ai dit ce matin et je le répète : j'ai été très ému par le témoignage de la collectivité vietnamienne. Ils ressemblent beaucoup à des gens que j'ai connus qui dès avant la Deuxième Guerre mondiale ont cherché à ouvrir les portes du Canada à l'immigration juive. Ils se trouvent dans la situation qui était la nôtre et il est de notre devoir de les aider si nous le pouvons.

    Dans ma conversation avec cette personne, je lui ai dit qu'invoquer les crimes de guerre ne signifie pas uniquement parler des auteurs des actes mais aussi de l'aide à apporter aux victimes. Les Vietnamiens des Philippines semblent avoir d'abord été les victimes de leur propre gouvernement au Vietnam, qui exerçait contre eux une discrimination du fait de leur origine chinoise, de leur appartenance à la classe moyenne ou de leur non-appartenance au Parti communiste, puis du gouvernement des Philippines qui ne les a pas traités vraiment comme il se doit non plus.

    Pendant la pause, j'ai aussi dit ceci à M. Siksay. Des gens disent que les Nazis ont persécuté les Juifs uniquement parce qu'ils étaient Juifs. Je lui ai dit : « Non, les Nazis ont persécuté les Juifs simplement parce qu'ils étaient des Nazis ». Ce n'est pas le fait d'être apatride qui fait de vous une victime; c'est la façon dont un apatride est traité. Ce n'est pas du fait d'être apatride que vous ne pouvez pas envoyer vos enfants à l'école. Si les Philippines n'autorisent pas les Vietnamiens apatrides à envoyer leurs enfants à l'école, ce n'est pas une conséquence de la situation d'apatride mais bien la conséquence de la façon dont les Philippines traitent la situation des apatrides. Au Canada, pour avoir le droit de fréquenter l'école, il suffit d'être un enfant.

    Je regrette de n'avoir pas été ici pendant une grande partie de l'exposé de Mme Williams sur la situation des apatrides, mais elle et moi avons parlé après coup et nous nous sommes rendu compte qu'il y avait peu de points de désaccord entre nous. Ce que je disais, c'est que l'apatride suscite de véritables inquiétudes, mais que, hélas, certains témoins au comité s'en servent comme d'un prétexte. Déclarer que la nationalité de mon collègue dans une unité qui assassinait des gens peut lui être retirée parce qu'il vient d'un pays qui ne lui a pas retiré sa nationalité antérieure mais qu'il ne faut pas m'enlever la mienne parce que je viens d'un pays qui refuse de me redonner ma nationalité antérieure...

    J'adore ça... ça ne figurera pas au compte rendu, mais M. Telegdi et Mme Faille communiquent par signaux de football ou peut-être de télé pour dire d'accélérer les choses, d'en finir.

    C'est essentiellement ce que je voulais dire. Le Canada doit conserver sa compassion sans aller jusqu'à traiter les coupables comme des innocents.

    Merci.

¸  +-(1450)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Nous allons continuer. Comme je vous le disais, compte tenu du fait que le comité et les témoins sont nombreux, nous allons essayer de respecter le temps alloué et de nous limiter à cinq minutes. Vous allez avoir la chance de répondre plus en détail à la suite des questions des membres du comité.

    Nous allons poursuivre avec l'Association nationale des canadiens d'origine indienne. Je cède la parole à Mme Flora Almeida Marlow.

[Traduction]

+-

    Mme Flora Almeida Marlow: De nombreuses personnes font face à ce problème lorsqu'elles veulent réunifier leur famille. Les enfants sont souvent ici et les parents à l'étranger ou vice-versa. Les familles veulent être réunifiées et avoir un sens d'appartenance. Nous devons essayer d'accélérer le processus.

    Nous ne devons cependant pas oublier l'envers de la médaille. Il arrive souvent que les hommes d'origine indienne ou asiatique rentrent dans leur pays d'origine pour trouver une épouse. Une fois au pays, ces épouses vivent souvent dans des conditions difficiles et sont maltraitées. Nous voulons donc favoriser la réunification des familles, mais nous voulons aussi bon nombre de jeunes femmes qui arrivent au pays mal préparées pour s'intégrer à la société canadienne. Le mariage éclate souvent rapidement et ces jeunes femmes se retrouvent dans une situation à laquelle elles ne peuvent pas faire face.

    Il ne faut donc pas oublier l'envers de la médaille. Les femmes qui viennent ici peuvent se retrouver sans famille, sans argent et sans appui dans une situation très difficile. Il ne faudrait pas oublier que la réunification des familles peut parfois très mal se passer. Qui va alors aider ces épouses vulnérables qui viennent de différents pays? Qui aidera les parents âgés s'ils sont maltraités par le système?

    Réunifier les familles pour qu'elles puissent profiter des petites choses de la vie est en soi un objectif louable. Nous devons aussi songer à la façon dont nous aiderons les membres de ces familles si la réunification se passe mal.

    Je vous remercie.

¸  +-(1455)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Je cède la parole à Mme Georgette Hetti du Rassemblement Canadien pour le Liban.

+-

    Mme Georgette Hetti (Rassemblement Canadien pour le Liban): Bonjour. Je suis membre du Rassemblement Canadien pour le Liban. Le RCPL est un organisme à but non lucratif qui travaille pour la promotion des droits de la personne et de la démocratie au Liban.

    Premièrement, j'aimerais parler du programme de parrainage d'un membre de la famille. Il est entravé par la hausse continuelle du montant exigé sur le salaire du répondant. Cette hausse pose problème aux nouveaux immigrants qui doivent faire face au problème d'équivalence des diplômes étrangers, ainsi qu'à une pénurie accrue d'emplois, ce qui les empêche de trouver un emploi payé adéquatement pendant les premières années. Ce problème pourrait être en partie résolu si la loi considérait aussi les actifs des parents qui vivent à l'étranger, en les additionnant au salaire du répondant. Cela peut se faire en exigeant une garantie de la part des parents parrainés, certifiant leur capacité de subvenir à leurs propres besoins avant leur arrivée au Canada.

    Deuxièmement, j'aimerais parler du retard général lors du traitement des dossiers de réunification des familles des réfugiés. Les longs délais résultent souvent d'un retard administratif, de la répétition des examens médicaux, de l'exigence de documents souvent difficiles à obtenir à des étapes avancées du processus de traitement du dossier. C'est notamment le cas pour les documents de vérification de sécurité. À cet effet, nous proposons l'établissement d'un mécanisme qui accélérerait le processus de traitement des dossiers, notamment les tests médicaux et de sécurité dès le début du traitement du dossier.

    Nous voudrions également vous faire part de nos vives inquiétudes quant au risque de manque de confidentialité entourant le traitement des dossiers des familles de réfugiés à l'ambassade du Canada à Damas. Selon les révélations de Darcy Egglestone, ancien responsable de la sécurité à l'ambassade du Canada à Damas, les demandes de visa canadien faites à Damas sont triées par des employés de nationalité syrienne sans la moindre supervision de la part des fonctionnaires canadiens, et la nièce du ministre syrien des Affaires étrangères, M. Farouk Chareh, fait partie de ces employés. Selon M. Egglestone, quand on travaille dans un État policier tel que la Syrie, on sait que sa police secrète, la Mukhabarat, interroge les employés de l'ambassade canadienne de façon régulière. Nous ne savons pas si les employés coopèrent avec la police secrète ou sont loyaux envers leur employeur, l'ambassade du Canada.

    Ces citoyens ont un accès limité à l'information, mais il y a une exception dans le cas des dossiers d'immigration. Ces citoyens syriens préparent tous les dossiers avant de les envoyer à un agent d'immigration canadien. Sont-ils encadrés? Oui, par un cadre syrien dans des locaux situés au sous-sol de l'ambassade où ne travaille aucun agent canadien. Les propos de M. Egglestone ont été corroborés par Me Richard Kurland, avocat à l'immigration, ainsi que par M. Don Cameron, un fonctionnaire à la retraite, qui a travaillé pendant 29 ans au sein des services d'immigration de neuf ambassades canadiennes, notamment au Moyen-Orient. Il a dit que les affirmations de M. Egglestone étaient très crédibles. Nous vous prions donc de réagir face à ces sérieuses carences en matière de sécurité, qui exposent les familles de réfugiés à de graves représailles, que ce soit au Liban ou en Syrie.

    Troisièmement, je voudrais parler du droit d'appel des réfugiés. Dans plusieurs cas, des réfugiés immigrants se sont trouvés face à un vide juridique et ils ont vu certains de leurs droits violés, à cause de l'absence de mécanisme d'appel efficace. À titre d'exemple, nous décrivons le cas d'une famille libanaise qui est arrivée au Canada en l'an 2000. Cette famille a fui le Liban en raison d'un conflit politique et a demandé le statut de réfugié. Dès le début du processus de traitement du dossier, en 2002, après deux ans, la commission a déclaré qu'une de ces personnes n'était pas admissible. On a déterminé qu'elle ne pouvait pas demander le statut de réfugié car on la soupçonnait — soupçons non fondés — de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Malgré cette grave décision, les limites imposées par la loi actuelle, notamment les moyens de recours en appel auxquels un demandeur de statut de réfugié a droit, n'ont pas permis de protéger les droits de cet individu et de lui permettre de se défendre contre une des plus graves accusations dont une personne puisse être victime.

¹  +-(1500)  

    La décision de priver cet individu du droit d'être qualifié pour présenter une demande de statut de réfugié était basée sur des soupçons qui n'avaient pas été vérifiés. Au contraire, même les tribunaux militaires libanais, qui faisaient partie des facteurs que l'individu craignait, ont émis contre lui un verdict qui ne comprenait aucune accusation de crime de guerre ni de crime contre l'humanité, tel que soupçonné par les agents de Citoyenneté et Immigration Canada.

    En fait, la décision des agents et l'absence d'un mécanisme d'appel efficace n'ont fait que contribuer à la violation du droit à la présomption d'innocence dont bénéficie cet individu, tel que garanti par la Charte canadienne des droits et libertés et par la Déclaration universelle des droits de l'homme.

    Le plus triste est que ce cas n'est pas unique. Au moins une dizaine de personnes dans la même situation ont eu le même problème. Pourtant, jusqu'à présent, il existe des raisons sérieuses qui nous portent à croire que les demandeurs du statut de réfugié risquent la torture et les mauvais traitements en cas de déportation au Liban.

    Un mécanisme d'appel efficace aurait pu protéger le droit de ces individus de se défendre, et aurait contribué à la prise d'une décision mieux fondée quant à la qualification de ces individus pour le statut de réfugié, ou quant à leur condamnation pour des actes criminels.

    Une telle décision a un impact non seulement sur la personne elle-même, mais aussi sur toute sa famille, incluant l'épouse et même les enfants nés au Canada, qui seront déportés de leur pays de naissance. Une telle tragédie ne fait que montrer la nécessité de fournir aux demandeurs du statut de réfugié toute la protection légale à laquelle ils ont droit, comme tout autre citoyen ou résident canadien.

    À notre avis, un droit d'appel doit être rapidement institué.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Nous allons poursuivre avec le représentant de la Communauté catholique congolaise de Montréal.

+-

    M. Alfred Lukhanda (Communauté Congolaise du Canada): Merci, madame la présidente.

    Mon collègue et moi-même avons quelques préoccupations à soumettre au comité. La première concerne la discrimination dont la minorité francophone noire du Canada serait victime. En fait, quand on regarde les statistiques, on se rend compte qu'il faut neuf mois aux bureaux des visas de Rome, de Colombo et de Beijing pour finaliser 30 p. 100 des cas, alors qu'il en faut 23 au bureau d'Abidjan. S'il faut 17 mois au bureau des visas de Rome pour finaliser 80 p. 100 des cas qui lui sont soumis, il en faut 36 au bureau d'Abidjan. S'il faut 11 mois, ou moins d'une année, au bureau des visas de New Delhi pour finaliser 80 p. 100 des dossiers, il en faut 31 au bureau d'Abidjan. La minorité francophone noire s'est donc dit qu'elle n'était peut-être pas la bienvenue au Canada.

    Nous avons des propositions à faire, soit de dépêcher une mission en Afrique noire francophone pour déterminer les causes du retard accusé par le bureau d'Abidjan et d'ouvrir une ambassade canadienne dans le deuxième plus grand pays francophone, de façon à ce qu'on sente un désir d'encourager l'immigration francophone.

    Le deuxième point porte sur la notion de la famille. On s'est rendu compte qu'au Canada, ce qu'on appelle la famille est la famille nucléaire. Or, la plupart des personnes qui viennent au Canada en tant que réfugiés ou immigrants ont une conception plus large de la famille. En Somalie — c'est l'exemple que je donne dans le texte —, quand une personne meurt, les autres membres de la famille s'occupent des enfants exactement comme de pairs. C'est pourquoi on ne peut pas comprendre que de telles personnes puissent abandonner leurs neveux, cousins ou proches lorsqu'elles arrivent au Canada. On aurait souhaité que la politique canadienne en matière d'immigration se montre attentive à la diversité culturelle, notamment en ce qui concerne l'intérêt supérieur de l'enfant. On suppose en effet que le Canada se veut un florilège de cultures, un arc-en-ciel. On ne comprend pas comment sa politique en matière d'immigration peut être restrictive en ce qui concerne les autres manières de concevoir la famille.

    Le troisième point concerne le caractère arbitraire du ratio constitué de 60 p. 100 d'immigrants économiques et de 40 p. 100 d'immigrants non économiques. Selon nous, cette répartition ne favorise ni la réunification des familles ni l'arrivée de réfugiés.

    Le cinquième point se rapporte à la disposition sur le membre de la famille exclu dont on vient de parler. Comme on l'a expliqué plus tôt, cette disposition pénalise toute personne qui, par ignorance ou par oubli, ne mentionne pas ou ne déclare pas un membre de sa famille. Or, en arrivant ici, il ne peut plus déclarer sa famille. Plutôt que d'opter pour une clause de sauvegarde, comme l'a proposé mon collègue, nous demandons que cette disposition soit tout simplement abrogée.

    Le sixième point concerne les enfants réfugiés qui arrivent au Canada séparés de leurs parents. Nous aurions souhaité que ces enfants puissent avoir la possibilité de parrainer leurs parents, leurs frères et soeurs et même, de façon à ce que ce soit conforme à la proposition sur l'élargissement de la famille, toute personne qui aurait exercé sur eux une autorité parentale.

    Le septième point concerne la procédure d'urgence destinée aux enfants à risque. Certains pays sont des zones de guerre. Quelques-uns font même l'objet d'un moratoire qui empêche le Canada d'y déporter des gens. Or, si le Canada ne peut pas déporter des gens vers ces pays pour des raisons de sécurité, on comprendrait que le plus rapidement possible, il fasse sortir de ces zones de guerre des enfants qui s'y trouvent. Autrement, ces enfants sont recrutés comme enfants-soldats ou meurent pendant qu'ils attendent la réunification de leur famille. Cela s'est déjà produit, et on en parle dans les rapports auxquels j'ai fait allusion.

    Dans la dernière directive que CIC a présentée, on demande, pour que ces enfants puissent bénéficier de la procédure d'urgence, que les deux parents soient absents. Pour notre part, nous nous sommes dit que dans une zone de guerre, la présence d'un des parents ne constituait pas un bouclier contre les balles. En plus, dans des pays comme la République démocratique du Congo, on peut parler... [Inaudible] ... au cours des dix dernières année.

¹  +-(1505)  

    Suite au rapport de l'expert du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme qui vient d'être publié, on s'attendrait à ce qu'on prenne des mesures urgentes pour faire sortir ces enfants de ces zones. Bien entendu, des recommandations accompagnent chaque point. Vous trouverez cela en détail dans le rapport.

    Le dernier point a trait à l'ADN. Nous proposons que les tests d'ADN constituent bel et bien un dernier recours parce que cela coûte cher. De plus, on souhaite pouvoir recourir aux méthodes alternatives pour prouver les relation familiales.

    Je vous remercie. Je suis disposé à répondre à vos questions.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): C'est impressionnant, cela n'a pris que cinq minutes. Je vous remercie.

    Commençons notre tour de questions. Madame Guergis, voulez-vous commencer?

[Traduction]

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Je vous remercie, madame la présidente.

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui et les remercier de leur présence. Nous vous savons gré du temps que vous nous consacrez.

    Les deux ou trois dernières semaines ont été longues. Bien que je n'aie pas participé à la tournée entière du comité, j'ai entendu beaucoup de témoins à Ottawa.

    J'aimerais dire quelques mots sur l'élargissement de la catégorie de la famille, sujet dont nous avons beaucoup entendu parler. D'aucuns pensent que nous devrions augmenter le nombre de personnes que nous accueillons au Canada chaque année. De nombreux témoins nous ont décrit les nombreux avantages économiques que présente pour les nouveaux Canadiens la possibilité de pouvoir s'intégrer à leur propre communauté. Ils nous ont dit que ça pourrait être une façon de faciliter l'intégration des nouveaux immigrants dans diverses parties du pays.

    Il ne fait aucun doute que les obstacles que doivent surmonter les immigrants potentiels pour venir au Canada sont trop nombreux et que les temps d'attente sont trop longs. Nous devons améliorer la situation, mais j'ai quelque réserve à cet égard.

    Si nous élargissons la catégorie de la famille, comment empêcher qu'un membre de la famille attende deux ou trois ans l'arrivée au pays d'un ou deux des membres de sa famille et qu'une autre famille parvienne par ailleurs à faire rentrer au pays un grand nombre de ses membres? Je crois que c'est sans doute déjà un problème qui se pose à l'heure actuelle. Comment faire en sorte que ce genre de problème ne se pose pas?

¹  +-(1510)  

+-

    Me Patrick Caron: Pour répondre à votre question de façon aussi simple que possible, pour ce qui est d'assurer des taux de succès de réunification comparables des familles, si nous élargissons la catégorie de la famille, nous devrions cependant nous assurer que les membres de la famille auxquels nous accorderons le droit de parrainer d'autres membres continueront de parrainer des membres de leur famille immédiate. Sur une très longue période, je crois qu'il serait pratiquement impossible que tous les membres d'une famille puissent venir s'installer au Canada en vertu d'une exception ou d'une autre. Tout le monde connaît l'exception du dernier membre de la famille. Cette question suscite aussi de l'attention.

    Dans des circonstances comme celles-ci, du point de vue pratique, si le père, la mère et la fratrie d'une famille est réunie pour des raisons humanitaires, en invoquant l'exception du dernier membre de la famille ou par d'autres moyens, il serait très simple et absolument sans risque d'élargir la catégorie de la famille tout en imposant les mêmes exigences en matière de finances et de sécurité que celles que nous avons déjà indiquées. Comme nous l'avons déjà souligné, il serait contraire à l'objectif que vise la loi que certains membres d'une famille viennent s'installer au Canada pendant que d'autres, soit des frères et des soeurs, ne puissent pas le faire, n'aient pas les moyens de poursuivre leurs études et vivent dans un autre pays.

    Il faut que la catégorie de la famille ne soit pas trop étendue. On réglerait le problème de façon très simple en élargissant la catégorie de la famille, mais en ne l'élargissant pas trop.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Voulez-vous poser d'autres questions, madame Guergis?

    Monsieur Clavet, vous avez la parole.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup, madame la présidente. Je me sens comme un immigrant ou un réfugié dont sept agents essayeraient de réduire l'espace. Je vais essayer de vous rejoindre en cinq minutes. Je suis très heureux de me sentir comme un immigrant, mais pas quand on est coincé comme cela.

    Certaines allégations de Mme Hetti sont troublantes et me préoccupent beaucoup. La présence d'une police secrète à l'ambassade canadienne devrait nous révolter et me révolte si cela est fondé. Il y a pire qu'une personne qui torture: c'est celle qui ferme les yeux devant la torture. On a vu cela dans le cas de Maher Arar. Est-on en train de fermer les yeux, à l'ambassade dont vous parlez, sur la violation des droits de l'homme? J'aimerais vous entendre à ce sujet.

+-

    Mme Georgette Hetti: Franchement, nous avons des craintes. Ce monsieur qui a écrit cet article est allé là-bas. Il était responsable de la sécurité à l'ambassade du Canada. Il était canadien. Il a décrit ce qu'il a vu pendant qu'il était à Damas. On a toujours des craintes, puisque tout le monde sait comment fonctionnent le système et la politique en Syrie. Franchement, c'est troublant pour nous tous.

    On ne peut pas vraiment dire qu'on a vu cela, mais j'ai des craintes. Lorsque j'ai lu l'article de ce monsieur, je me suis dit que ces craintes étaient fondées.

¹  +-(1515)  

+-

    M. Roger Clavet: On va certainement vérifier.

    J'adresse cette fois ma question à M. Lukhanda.

    La discrimination à l'égard de la communauté francophone et noire du Canada me trouble aussi énormément. Je ne conteste pas du tout ce que vous dites. Je l'ai constaté. Les chiffres sont ahurissants. Vous avez suggéré de dépêcher une mission en Afrique noire francophone pour voir si cela commence là-bas, si l'information que l'on donne est exacte et pour expliquer pourquoi il semble y avoir de la discrimination.

    Dans les faits, comment avez-vous constaté qu'il y avait discrimination? Vous avez parlé de statistiques qui permettaient de comparer Abidjan à d'autres villes. Ce genre d'information se vérifie-t-il?

+-

    M. Alfred Lukhanda: Je me suis fondé sur un cas précis, celui de la réunification des familles. Comme base d'information, je voulais prendre les éléments disponibles, soit les statistiques qui sont publiées.

    En fait, le bureau d'Abidjan est reconnu comme étant le bureau le plus lent. Quand on regarde le nombre de pays que dessert le bureau d'Abidjan, on se rend compte que, curieusement, il s'agit en fait de pays francophones. La liste est là. De là à en arriver à notre conclusion, il n'y a qu'un pas.

+-

    M. Roger Clavet: Faut-il aller là-bas pour obtenir la réponse? Peut-on l'obtenir ici?

+-

    M. Alfred Lukhanda: Je crois que le travail doit être fait de part et d'autre. Premièrement, il faut d'abord se rendre compte objectivement du fait qu'il y a des blocages et se demander pourquoi il n'y a des blocages qu'à ce bureau d'Abidjan. Je crois qu'il s'agit d'un problème de réunification des familles. La clé se trouve outre-mer. Il faut donc aller là pour voir pourquoi il y a des blocages, pourquoi cela va mieux à Colombo, à Rome, à New Delhi. Les gens qui font affaire avec ces bureaux arrivent au Canada en moins d'une année alors qu'il faut 36 mois pour ceux qui ont fait affaire à Abidjan. Cela signifie 36 mois pendant lesquels les familles sont brisées.

    Je ne vais pas vous énumérer toutes les conséquences de la brisure des familles, puisque des rapports ont été faits par le Conseil canadien des réfugiés et par la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, la TCRI. Je crois que ces rapports sont clairs quant aux conséquences. Quand on se rend compte qu'il y a de l'indifférence face à ces conséquences et que le groupe qui est touché est une minorité, on est tenté de conclure que le francophone n'est peut-être pas le bienvenu.

    C'est pour cela que j'aimerais que l'on fasse cette enquête. On a fait trois propositions.

    Une autre chose est curieuse. Le deuxième pays francophone au monde, après la France, est le Canada. Ce pays est vaste comme un continent et attire beaucoup de gens, mais curieusement, ce pays francophone n'a même pas un bureau. Je ne porte pas de jugement, mais je constate ce fait et je suis tenté d'en arriver à une conclusion. Il s'agit d'un rapport collectif. Je ne peux pas l'assumer seul, mais j'assume pleinement ce que je dis. Je ne peux pas comprendre que le deuxième pays francophone après la France, le Canada, qui est très vaste et qui compte plusieurs millions d'habitants francophones, ne soit pas attentif à cette dimension de la francophonie. Pour moi, c'est un problème de sensibilité, si l'on veut vraiment promouvoir l'immigration de francophones. On sait que le 18 avril, ou la semaine dernière, on a fêté le 20e anniversaire de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Je disais que la minorité francophone noire ne s'était vraiment pas associée à cette célébration, parce qu'elle s'est dit, en regardant les statistiques, qu'elle était victime d'une certaine discrimination.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup. Vous continuez à m'impressionner. Cela fait exactement cinq minutes.

    Monsieur Siksay, c'est à vous.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, madame la vice-présidente.

    Je vous remercie de votre témoignage.

[Traduction]

    Mme Hetti a soulevé la nécessité d'un appel dans les cas de réfugiés. J'aimerais dire quelques mots à ce sujet.

    Je suis sûr que vous savez que le comité s'est fermement prononcé en faveur d'une section d'appel des réfugiés. C'est prévu dans la LIPR. Le gouvernement s'était engagé à créer cette section. Il ne l'a jamais fait et bon nombre de personnes ici présentes l'ont vivement reproché aux deux ministres et au gouvernement à chaque fois que nous avons pu le faire. Le comité a formulé une recommandation très ferme à cet égard.

    Malgré la limite d'un appel par écrit seulement, tous les intervenants du domaine s'entendent pour dire que notre système serait grandement amélioré avec la création d'une section d'appel. Nous devons la créer sans tarder. Je partage tout à fait votre avis là-dessus.

    J'aimerais poser une question à MM. Caron et Lukhanda. Vous avez tous deux parlé des membres de la famille qui sont exclus. Monsieur Caron, vous avez proposé un article de sauvegarde et vous, monsieur Lukhanda, l'abrogation de la disposition. Pourriez-vous nous donner plus de précisions.

    La plupart des témoins que nous avons entendus ont recommandé l'abrogation de la disposition. Vous avez fait une suggestion quelque peu différente, monsieur Caron. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi votre organisme n'est pas en faveur de l'abrogation de la disposition. Monsieur Lukhanda, je vous demanderais de nous expliquer votre position également.

¹  +-(1520)  

[Français]

+-

    Me Patrick Caron: Permettez-moi de vous répondre en français, afin que l'expression de mes idées soit plus conforme à ma pensée. Je vous offre mes excuses pour ce qui est de ma pratique de l'anglais. Par ailleurs, dans le cadre de mon travail, j'ai la chance de parler le cambodgien.

    L'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration est plutôt favorable à l'application d'une clause de sauvegarde parce qu'elle ne saurait tolérer que des gens profitent du système d'immigration pour faire passer des dossiers qui ne seraient pas admissibles autrement. On parle ici tout simplement d'un souci d'équité. Bien sûr, une personne pourrait s'amuser à trouver des failles dans la loi. En tant qu'association de juristes, l'AQAADI n'est pas d'accord pour qu'on permette ce genre d'abus. Ces derniers sont la cause de l'ajout d'un grand nombre de restrictions dans la plupart des corpus législatifs. On n'a qu'à prendre comme exemple la catégorie relative à la famille et aux conjoints ou conjointes. On sait très bien que le processus d'entrevue étant à ce point serré, un certain nombre de demandes seront refusées même si les couples sont de bonne foi. Ce sont les abus qui donnent lieu à un durcissement excessif.

    D'autre part, la clause de sauvegarde permet d'atteindre des objectifs de la loi, sur lesquels nous sommes d'accord. Toutefois, nous souhaitons un assouplissement; ce dernier laisserait à l'agent d'immigration et ce, à sa discrétion, la possibilité de constater l'erreur de bonne foi. Abroger la règle telle qu'elle est maintenant ne serait peut-être pas nécessaire. Notre proposition permettrait d'éviter l'effet indésirable tout en respectant la raison pour laquelle le gouvernement a mis en vigueur la disposition réglementaire. Nous insistons toutefois sur le fait que l'AQAADI est tout à fait favorable à l'enrayement du fléau que constituent les fausses représentations et les tentatives visant à contourner la loi. Notre position repose sur ces assises.

    J'espère que cela répond bien à vos questions et que j'ai respecté la limite de temps.

+-

    M. Alfred Lukhanda: Selon moi, un système de droit ne peut pas se fonder sur le risque. Prenons le cas de la politique canadienne en matière d'immigration. Elle ne peut pas être fondée sur la lutte contre le terrorisme. Cette façon de voir les choses est viciée. On ne peut donc pas élaborer une loi ainsi. Le rôle de la loi est basé sur des rapports équilibrés au sein de la société.

    En ce qui a trait à cette disposition, je ne veux pas insister sur la possibilité d'en appeler parce que c'est un élément naturel de tout système de droit, et nous avons supposé que cela existait. Non seulement elle a été prévue par la loi, mais elle doit exister parce que tout système de droit a un recours puisque tout le monde peut se tromper. Errare humanum est. Il faut pouvoir corriger ce qui a été fait.

    Un système de droit sans appel est un système aveugle. Il n'est pas possible d'envisager un tel système de droit, parce qu'il n'offre pas la possibilité de corriger les erreurs humaines ni les méchancetés humaines — parce que cela existe —, pour ne pas faire le lien avec le manque de stage dont a parlé le premier groupe.

    On suppose donc que l'appel existe, ou qu'il devrait exister. On ne pouvait même pas en parler ici; on présume donc que c'est là. Nous avons plutôt prévu l'abrogation. Lorsqu'une personne fait de fausses déclarations — et c'est le but de tout cela —, la personne est inadmissible pendant deux ans, après quoi elle redevient admissible. Par contre si — par erreur, pour une raison ou pour une autre — un membre de la famille oublie de mentionner quelque chose, il est condamné à vie. C'est inacceptable, non seulement par rapport à la finalité de la disposition de la loi, mais par rapport au sens humain commun.

¹  +-(1525)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Je vous remercie.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Andrew Telegdi.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je suis désolé, mais je ne peux pas parler français.

[Traduction]

    J'aimerais vraiment connaître votre point de vue, en particulier en ce qui touche la recommandation visant l'appel. Notre comité se penche notamment sur la Loi sur la citoyenneté qui s'applique à six millions de Canadiens nés à l'extérieur du pays. Comme vous avez fait valoir qu'il n'existait pas de droit d'appel, je crois que vous devez être conscient de la situation, mais vous n'en avez pas parlé ce matin. J'aurais cru que vous le feriez.

    Je ne suis pas né dans ce pays. J'ai été admis comme réfugié. À l'heure actuelle, la révocation de la citoyenneté se fonde sur le rapport d'un seul juge qui rend une décision fondée sur la prépondérance des probabilités. La décision rendue par ce juge ne peut pas faire l'objet d'un appel. La décision est ensuite soumise au Cabinet dans le cadre du processus de la Chambre étoilée et la révocation devient finale.

    Permettez-moi de vous parler des affaires entendues par les tribunaux sur lesquelles je me suis penché. Dans ces affaires, il s'agissait de savoir si une personne avait dit la vérité ou si elle avait menti quant on lui a posé une question qui peut ou non avoir été posée il y a 50 ans. Il n'existe aucune preuve indiquant que la question a été effectivement posée et le juge rend sa décision fondée sur la prépondérance des probabilités, ce qui correspond à des probabilités de 49 à 51 p. 100. Je travaille d'arrache-pied à faire changer cette situation qui va à l'encontre de l'article sept de la Charte des droits et libertés en ce qui touche notre citoyenneté.

    Je soulève cette question non pas parce que je veux lancer un débat, mais simplement pour vous signaler ce problème. Il s'agit du chapitre C-29 des Lois révisées de 1985. Il s'agit de la Loi sur la citoyenneté, l'une des lois sur lesquelles nous nous penchons. Cette loi a été adoptée avant la Charte des droits et libertés et il est très important qu'autant de personnes que possible nous fassent des suggestions à cet égard. Je conviens avec M. Siksay que le comité s'est fortement prononcé en faveur de l'inclusion d'un droit d'appel.

    Pour revenir à la question de la citoyenneté, je soutiens que cela fait de nous tous qui ne sommes pas nés dans ce pays—ce qui veut dire la moitié des membres du Comité de la citoyenneté et de l'immigration dont deux ont été acceptés au pays comme réfugiés—des Canadiens de deuxième catégorie et cela m'inquiète beaucoup. Cela inquiète aussi beaucoup tous les autres collègues qui font partie du comité.

    J'attire votre attention sur cette question dont nous sommes maintenant saisis. Vous pouvez consulter le site Web du Comité de la citoyenneté. Nous avons publié un rapport sur la question il y a un certain temps, et nous devons maintenant présenter notre rapport final. À écouter ce que vous disiez...

    Madame Hetti, vous avez dit que deux enfants qui sont nés au pays allaient être expulsés. On ne peut pas expulser des enfants, mais vous dites qu'on le fera parce que leurs parents vont l'être. Vous ai-je bien compris?

¹  +-(1530)  

[Français]

+-

    Mme Georgette Hetti: Oui.

[Traduction]

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Ces cas m'inquiètent beaucoup. Ce que nous avons fait, madame la présidente et mesdames et messieurs... il s'agit presque d'une tradition... lorsque nous essayons de favoriser la paix dans une partie du monde qui est ravagée par la guerre, nous offrons d'accueillir des réfugiés. Si ces personnes demeurent dans la région, elles essaient de participer au processus de règlement du problème qui peut exister depuis longtemps. Supposons que la paix s'instaure au Moyen-Orient. Il y a des gens qui ne mériteront pas un prix humanitaire, mais qui ne pourront pas demeurer dans cette partie du monde. S'ils le faisaient, ils mettraient en péril la paix.

    Je soulève cette question parce qu'elle me préoccupe et parce que je pense que le comité devra y réfléchir.

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Quelqu'un veut-il intervenir rapidement?

+-

    M. Félicien Ngankoy (responsable des jeunes, Communauté Congolaise du Canada): Bonjour.

    Je m'appelle Félicien Ngankoy et je suis de la communauté congolaise.

    J'ai eu l'occasion de participer à une téléconférence avec le Conseil canadien des réfugiés et Citoyenneté et Immigration Canada. Je me suis rendu compte que, comme le disait mon collègue Alfred Lukhanda, au bureau d'Abidjan il y avait effectivement discrimination, puisqu'il y a des problèmes dans ces régions. Vous devrez peut-être vérifier.

    Je reviens aux dernières paroles de l'honorable député sur les enfants qui doivent partir parce que leurs parents sont déportés.

    C'est vrai qu'il existe des recours quand on déporte les parents, comme le disait le ministre de l'Immigration il y a deux semaines. Il parlait de recours pour des raisons humanitaires; et puis, il faut vérifier si une personne risque la torture si on la renvoie dans son pays. Cependant, toutes ces conditions ne se traduisent pas par des recours, parce qu'un droit d'appel, prévu par la loi en 2002, n'a malheureusement jamais été appliqué jusqu'à ce jour. Par exemple, si une personne craint la torture en cas de renvoi, pour avoir droit à une vérification, elle doit posséder un passeport. À l'immigration, on doit présenter un passeport avant de remplir le formulaire. Mais pourquoi un réfugié qui a quitté son pays, qui n'a aucun contact avec son ambassade, qui n'a ni document ni passeport, entrerait-il en contact avec les responsables de son pays? Il dévoilerait qu'il est ici, alors qu'il a fui. Mais sans passeport, il n'a pas droit à l'examen des risques avant renvoi. Il en découle que, dans la plupart des cas, les parents repartent avec leurs enfants, même si ceux-ci sont nés au Canada.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Lukhanda, vouliez-vous intervenir?

+-

    M. Alfred Lukhanda: Je veux plutôt vous faire part de mon inquiétude au sujet de la dénaturalisation.

    Certains pays n'acceptent pas la double nationalité. Un individu qui a la nationalité canadienne n'a donc plus la nationalité de son pays d'origine. Si on le dénaturalise, on en fait un apatride. Ne cause-t-on pas alors un autre problème?

    Je suis inquiet à ce sujet.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Voulez-vous répondre?

+-

    M. Kenneth Narvey: Puis-je dire quelque chose?

[Traduction]

    Ce que M. Telegdi vient de dire au sujet de la participation du Canada au processus de paix au Moyen-Orient m'intéresse beaucoup. Le Canada peut évidemment participer à ce processus et devrait le faire.

    Il est une question difficile à laquelle je ne connais pas la réponse. Je voudrais cependant poser cette question.

    Vous avez entendu un témoin—je crois que c'était le même jour que lorsque vous avez accueilli la communauté vietnamienne—qui appartenait à un comité de Palestiniens de Montréal. Il a parlé du cas des Palestiniens sans État et vous a demandé votre aide pour réunifier sa famille et faire venir sa femme au Canada. Je ne connais pas la réponse à ce problème, mais ce genre de cas soulève plusieurs questions.

    Si j'ai bien compris ce témoin, sa femme est en Jordanie. Si je ne m'abuse, le Liban ne traite pas très bien les Palestiniens. Un Palestinien au Liban ne peut pas exercer la médecine, par exemple. En Israël, oui; en Jordanie, oui, mais pas au Liban. Le problème ce n'est pas seulement que les Palestiniens n'ont pas d'État, mais qu'on ne les traite pas comme on le devrait. Si je ne m'abuse, les Palestiniens sont des citoyens à part entière de la Jordanie, et je ne sais donc pas si la situation qu'on nous a décrite est exacte.

    Le témoin a aussi dit qu'il possédait une attestation de la municipalité de Gaza indiquant que sa maison avait été détruite. Je ne sais pas si cette maison avait été détruite par un incendie, au cours d'un affrontement militaire ou dans le cadre d'un programme que les Israéliens ont maintenant abandonné s'étant rendu compte qu'il était mauvais. L'idée semblait bonne à l'époque. La maison du responsable d'un attentat suicide était détruite. La maison de cette personne a-t-elle été détruite parce qu'un membre de sa famille était un responsable d'un attentat suicide? Je ne le sais pas.

    Il s'agit de questions complexes. Pour ce qui est du droit international, dans la définition que lisait M. Clavet à l'article 1 de la Convention déterminant le statut légal des apatrides, il existe une exception dans le cas des personnes auxquelles s'applique un autre programme des Nations Unies. La même exception existe dans la Convention sur les réfugiés. Elle s'applique essentiellement aux Palestiniens.

    Par ailleurs, le Canada n'est pas tenu de reproduire mot pour mot une convention internationale, particulièrement une convention à laquelle il n'est pas signataire. Si nous pouvons contribuer au processus de paix au Moyen-Orient, nous devrions le faire. Je ne suis pas exactement sûr...

    Puis-je vous poser une question? Andrew, à qui pensiez-vous?

¹  +-(1535)  

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: C'est à toute la question de l'armée du Sud-Liban que je pensais; c'est cela qui me préoccupait.

+-

    M. Kenneth Narvey: Personnellement...

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Bien sûr, d'autres personnes sont concernées, mais je voulais juste dire qu'il était important de garder l'esprit ouvert afin de maintenir la paix une fois qu'elle sera établie...

+-

    M. Kenneth Narvey: Bien dit!

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: ... et c'est la façon de le faire. Je crois que nous l'avons fait avec les Irlandais et dans d'autres cas.

+-

    M. Kenneth Narvey: Je suis parfaitement d'accord.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons clore cette partie de la séance.

    Je voudrais vous remercier encore une fois et répéter que nous apprécions beaucoup le contenu de vos interventions et toute l'information que vous nous avez fournie. Nous allons examiner avec une attention particulière l'ensemble des témoignages. Le rapport sera disponible très prochainement. Souhaitons qu'il y ait des élections le plus tard possible pour que nous puissions terminer nos travaux.

    Merci beaucoup.

¹  +-(1538)  


¹  +-(1556)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Nous allons débuter sans tarder, étant donné que les gens qui doivent nous présenter des mémoires sont tous ici et que le quorum est atteint. Je voudrais souhaiter à tous la bienvenue. Je reconnais les visages.

    Je réitère l'importance de l'exercice auquel nous nous livrons actuellement. Nous avons choisi minutieusement les sujets. La question de la réunification familiale est d'une grande importance pour nous. Vos propos seront tous pris en considération lors de la rédaction de nos rapports. Je vous invite à être généreux en informations, bien que nous soyons restreints par le temps qui nous est alloué. Je limiterai donc la présentation de chacun de vos mémoires à cinq minutes. Ensuite, vous aurez la chance de préciser votre opinion en répondant aux questions qui seront posées par les membres de ce panel. Je vous en remercie.

    Monsieur Siner, puisque c'est votre baptême, nous vous souhaitons bonne chance. Je vous indique à l'avance que vous avez ici un groupe de personnes très motivées qui s'intéressent beaucoup à la question de la réunification familiale. Vous n'avez donc rien à craindre. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

+-

    M. David Siner (à titre personnel): Merci beaucoup.

    Je ferai ma présentation en anglais, s'il vous plaît, parce que cela me sera plus facile.

[Traduction]

    Je voudrais, pour commencer, vous remercier tous du temps que vous m'accordez. Je vous en suis reconnaissant. Je sais aussi que vous connaissez parfaitement la situation. À ce que je comprends, cela fait longtemps que des personnes ayant le même problème que moi vous communiquent leur situation.

    Je représente ici trop de Canadiens qui font face à la politique immorale et illégale du gouvernement canadien en matière de réunification des familles. Comme 220 000 personnes chaque année, je suis venu au Canada comme immigrant reçu par choix. J'ai véritablement choisi le Canada. J'ai même choisi le Québec comme destination ultime, bien que je n'aie pas eu de certificat de sélection du Québec. Je travaille dans le domaine pharmaceutique et je voulais véritablement venir ici et travailler dans ce domaine. Je suis ravi de pouvoir dire que c'est précisément ce que je fais.

    Comme bien d'autres personnes, avant de venir au Canada, je me suis renseigné et j'ai fait des recherches sur les façons de faire et la tradition du Canada, notamment la tradition démocratique d'égalité, de liberté et de dignité. En tant qu'immigrants, bien sûr, nous faisons face à des défis nombreux; mais nous sommes prêts à nous débrouiller. Mais jamais, même dans mes pires cauchemars, je n'aurais imaginé être traité avec tant d'absence de respect par CIC, qui m'a donné, comme à beaucoup d'autres immigrants, la fausse impression suivante : qu'une fois admis, selon des conditions très strictes et parfois difficiles à avaler, nous serions réunis avec nos êtres chers.

    Le fait que le Canada accueille volontiers parents et grands-parents, dans le souci de réunir les familles, a joué un rôle important dans ma décision de venir m'installer ici. C'est pourquoi j'ai été très très déçu de découvrir que ce n'était pas véritablement le cas. Dans la pratique, nous sommes en butte à une politique éhontée et immorale où on nous facture des milliers de dollars en frais de traitement, sans avoir la moindre intention de même se pencher sur nos demandes. On nous tient ainsi éloignés de nos parents, délibérément et pour toujours.

    Il y a plus grave encore : la propagation de rumeurs fausses selon lesquelles seraient prises des mesures pour remédier à la situation. En fait, quelqu'un a créé la situation actuelle et quelqu'un d'autre s'efforce à présent de réparer les choses en nous disant que le nombre de membres de familles acceptés allait tripler, passant de 6 000 à 18 000 personnes par an. C'est comme donner une Tylénol par jour à des cancéreux et de vouloir qu'ils s'estiment heureux de la qualité du traitement qu'ils reçoivent. En tant que Canadiens travailleurs et respectueux des lois, nous refusons d'être leurrés par l'annonce fallacieuse de l'augmentation des quotas jusqu'à 18 000 personnes par an, quand 100 000 êtres humains attendent que CIC traite leurs demandes dans un esprit humanitaire.

    Politiciens et militants accablent les gens dans ma situation de leur sympathie. Nous n'avons pas besoin de sympathie. Nous avons besoin d'actes. J'aimerais donc vous demander votre soutien et votre compréhension, à chacun d'entre vous. J'espère que chacun d'entre vous sera véritablement en mesure d'agir pour faire face à la situation.

    Nous cherchons une solution complète, non partielle. Vous savez sans doute que le processus pour faire venir des familles au Canada est complexe. Il faut d'abord faire une demande au Centre de traitement des demandes de Mississauga. Ensuite, vu que je suis résident du Québec, mon dossier est sans doute transmis au bureau du Québec. C'est seulement après cela, une fois franchies toutes les étapes difficiles ici au Canada, que mes parents peuvent faire une demande de visa dans leur pays de résidence. Autrefois, cela prenait une éternité; maintenant, après la nouvelle annonce, il faudra une éternité moins quelques secondes. Je ne crois pas que les choses changent véritablement.

    J'espère vraiment que le comité prendra des mesures pour régler le problème et y trouver une solution complète, du jour où la demande est effectuée au moment de l'obtention des visas. Il y a eu une époque merveilleuse où six mois ou une année suffisaient. Je ne vois pas pourquoi six mois ou une année ne suffiraient pas maintenant.

º  +-(1600)  

    Je voulais aussi signaler que, comme je suis résident du Québec, mon dossier serait transmis à Immigration-Québec. J'aimerais qu'il soit alors traité exactement comme il devrait l'être.

    En tant que résident du Québec, je pense que le gouvernement du Québec peut aller plus loin et délivrer un certificat de sélection du Québec dans certaines circonstances, si le parent avance en âge ou si je suis enfant unique. Il devrait nous aider à en faire plus dans ces domaines. Je pense que c'est possible, vu que le gouvernement du Québec dispose d'une certaine autonomie dans ce domaine. Je compte sur le gouvernement du Québec pour remédier au problème. Il est toujours possible d'apporter une assistance. Je sais que ce n'est pas ici d'en parler, mais je voulais le mentionner.

    Rien n'empêcherait, par exemple, que les dossiers du Québec soient transmis directement à Immigration-Québec. Cela ne gênerait pas le traitement des dossiers du CTD de Mississauga, vu que le dossier est transmis au ministère du Québec de toute façon. Je ne comprends pas pourquoi nos dossiers ne peuvent pas être transférés directement à Immigration-Québec et traités là-bas. Cela déchargerait le CTD de Mississauga.

    Pour conclure, je sais que vous connaissez les tenants et les aboutissants du problème, si bien que je ne veux pas vous retenir plus longtemps. J'espère que nous nous rencontrerons dans des circonstances différentes où je serai en mesure de vous remercier pour les actions que vous avez prises.

    Merci beaucoup.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Nous allons poursuivre avec le témoignage de Mme Félicité Tchapda du Front social démocratique.

+-

    Mme Félicité Tchapda: Merci.

    Pour ceux qui n'étaient pas là plus tôt, je dirai que je représente le Front social démocratique, qui est le principal parti d'opposition au Cameroun et qui est membre de l'Internationale Socialiste.

    Tout d'abord, je veux vous remercier de cette initiative visant à rencontrer la population pour entendre des points de vue différents, afin de prendre des décisions. En effet, le Canada est un pays comptant des citoyens venant des quatre coins du monde. Je pense qu'un thème comme celui de la réunification des familles est vraiment le bienvenu dans la mesure où plusieurs immigrants, quand ils quittent leur pays d'origine, laissent derrière eux femmes, enfants, parents et amis. La réunification de la famille est le seul moyen de réunir tout ce monde.

    Nous pensons que la commission doit revoir sa politique en ce qui concerne les conditions de parrainage d'un parent ou d'un membre de la famille. Présentement, il faut répondre à certaines exigences en matière de revenu pour pouvoir parrainer un parent. Cette mesure nous semble inéquitable, dans la mesure où elle est vague et élastique.

    Combien doit-on gagner annuellement pour avoir droit à la visite d'un être cher? Nous comprenons qu'il faille prendre en charge la personne dès sa venue ici, mais pour une visite de deux semaines ou d'un mois, nous ne croyons pas que le revenu doive être un facteur majeur pour l'obtention d'un visa. Nous croyons tout simplement qu'il serait plus juste de dire que tout parent a le droit de rendre visite à un enfant qui réside au Canada.

    Une autre condition que nous jugeons partiale est l'âge de la personne à parrainer. Présentement, il faut que les frères et soeurs, neveux, nièces ou enfants soient orphelins et soient âgés de moins de 18 ans. Bien que 18 ans soit l'âge de la majorité au Canada, il faut reconnaître que, dans plusieurs pays, notamment au Cameroun, il est de 21 ans.

    Il faut noter que, dans plusieurs cultures, il ne faut pas être l'aîné d'une famille pour pouvoir aider. Dans la culture africaine, par exemple, tu peux aider ton frère si tu le peux, qu'il soit ton aîné ou ton cadet. On pense que la limite d'âge est un facteur qui enclave la culture africaine, et la culture camerounaise en particulier.

    Si le plus jeune membre d'une famille arrive au Canada après l'âge de 18 ans, ses chances de parrainer qui que ce soit dans la famille sont réduites. Je prends mon cas comme exemple. Je suis la plus jeune de ma famille. Quand je suis arrivée ici, j'avais 18 ans. Cela veut dire qu'un membre de ma famille qui voudrait venir au Canada ne pourrait pas se faire parrainer par moi. Il faudrait qu'il fasse lui-même la demande.

    La durée du parrainage est très importante. Nous constatons la lenteur du traitement des dossiers, à Abidjan par exemple, que certains participants ont soulignée tout à l'heure. Il faut attendre trois ans pour qu'un dossier soit étudié. Nous implorons vivement les membres du comité d'accélérer la procédure d'étude des dossiers, car la réunification des familles est l'unique solution pour permettre aux immigrants de sortir de l'isolement qu'ils sont contraints de vivre dans bien des cas.

    Quand on arrive dans un pays où on ne connaît personne, l'adaptation est rude. Mais le sentiment de ne pas être seul, l'amour et le soutien de ses proches sont des éléments qui aident à s'épanouir et à traverser les moments difficiles du déracinement.

    Avec plus de sécurité et d'assurance, il peut sembler plus facile de vivre cette nouvelle vie. Il ne faut pas oublier que l'isolement a un impact néfaste sur la santé, et donc sur la productivité. Avoir des immigrants qui participent à la construction de la société canadienne, c'est aussi avoir des personnes heureuses, ayant la joie de vivre, et non des personnes qui attendent du facteur une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada, ou des personnes qui dépensent une partie de leur revenu à l'achat de cartes d'appel pour appeler des êtres qui leur sont chers.

º  +-(1605)  

    Nous le savons et les études le prouvent: une personne en bonne santé psychologique est une personne équilibrée, apte à produire et à contribuer à la société.

    Nous pensons que le comité doit se pencher sur ce que coûtent par année une personne malade et une personne prestataire de l'aide sociale. Les procédures que nous lisons sur le site Internet nous laissent croire que la plus grande crainte de l'immigration est que ces personnes soient prestataires de l'aide sociale en arrivant. Admettons que ce soit le cas. Ces personnes pourront s'en sortir si elles le veulent et si la société les aide. Par exemple, si un immigrant est isolé ici et qu'il tombe malade, il coûtera plus cher au gouvernement que celui qui est prestataire de l'aide sociale. Je crois qu'une journée à l'hôpital coûte 600 $, alors que l'aide sociale n'atteint pas 600 $ par mois.

    Nous croyons qu'il faut être souple et revoir les conditions par rapport à l'âge, et surtout le délai de traitement des dossiers qui paraît parfois éternel, qui en décourage plusieurs et qui brise plusieurs familles: au cours de cette attente, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Merci.

º  +-(1610)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant entendre la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

+-

    Mme Rivka Augenfeld (présidente, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes): Bonjour. Merci de nous entendre et d'être venus à Montréal. Cela facilite évidemment beaucoup nos présentations.

    Je ne répéterai pas qui nous sommes, car je l'ai dit ce matin. Je souligne toutefois que la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes est un regroupement de nombreux organismes qui travaillent sur le terrain et qui voient quotidiennement des centaines, sinon des milliers, de personnes aux prises avec de très longs délais — qui ne sont vraiment pas nécessaires — dans la réunification familiale.

    Nous croyons qu'il existe de multiples causes à ces délais. Vous les connaissez sans doute, grâce au travail que vous faites à ce comité et dans vos comtés respectifs. Le reste de la présentation se fera en anglais, et nous nous en excusons. Cependant, vous pourrez poser vos questions en français et en anglais. Mon collègue, Me Richard Goldman, va faire le gros de la présentation.

[Traduction]

+-

    M. Richard Goldman (responsable, Volet Protection, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes): Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci à nouveau de nous accueillir.

    Les groupes qui sont membres de notre organisation et les gens qui sont venus nous voir ont vraiment à coeur la réunion des familles. Parmi les gens qui sont venus nous voir, il s'en trouve une, Bernadette Rufonya, qui est ici présente. Elle est réfugiée du Burundi et essaie de faire venir ses cinq enfants. Si vous voulez la rencontrer après la séance, elle se tiendra à votre disposition. Elle fait partie d'un groupe de soutien informel de gens qui sont dans la même situation qu'elle.

    Si déplorable que soit la situation dans laquelle tous ces gens se trouvent, nous aimerions vous faire part de deux cas où des familles ne peuvent même pas demander d'être réunies. Nous estimons qu'on pourrait trouver dans un délai relativement bref des solutions juridiques, législatives ou politiques si tant est qu'on ait le courage de les mettre en oeuvre.

    Les deux cas en question concernent des membres de la famille qui sont exclus, et des personnes provenant d'un pays visé par un moratoire. Je vais d'abord traiter de ces dernières. Puis, si nous en avons le temps, je parlerai ensuite des membres de la famille qui sont exclus.

    Ici encore, parce que la question suscite un vif intérêt au sein de la collectivité et parmi nos groupes membres, nous comptons parmi nous Dorothy Dubé et Wellington Mazongo, qui font partie d'un groupe communautaire du Zimbabwe. Ils ont pris l'initiative de venir avec leurs propres déclarations, qui je crois vous ont été distribuées. Eux aussi se feront un plaisir de répondre à des questions au cours de la période de questions ou informellement après la séance. Le Zimbabwe est un des pays visés par le moratoire.

    À l'occasion, le Canada impose une suspension temporaire des renvois vers différents pays, parce que les conditions y sont instables ou présentent un danger. C'est une bonne chose. On évite ainsi à des milliers de gens l'obligation de rentrer dans des pays en difficulté ou déchirés par la guerre. Naturellement, les personnes qui bénéficient de ce moratoire, comme c'est le cas de tous les réfugiés qui ont essuyé un refus, ne peuvent même pas entamer le long processus de réunion des familles.

    Dans la plupart des cas, ces moratoires durent quelques années. Par exemple, les moratoires concernant les renvois au Burundi et au Rwanda sont imposés depuis plus de 11 ans. Nous croyons qu'au bout d'un certain temps, il devient nécessaire pour des raisons humanitaires de réexaminer la situation des réfugiés de ces pays qui ont essuyé un refus.

    Le problème tient en bonne partie à la façon dont sont traitées les demandes présentées pour des raisons d'ordre humanitaire ou des motifs de compassion. Tout d'abord, il faut au Canada attendre trois ans pour que soit entendue une demande présentée pour des raisons d'ordre humanitaire ou des motifs de compassion. Nous parlons ici de gens qui doivent verser des droits de 550 $ par adulte et de 150 $ par enfant.

    Quand sont étudiées les demandes présentées par des gens provenant de pays visés par le moratoire, l'exercice est parfois artificiel. L'agent, contrairement à ce qui se passe dans d'autres situations, ne peut pas tenir compte du degré de risque existant dans le pays d'origine, parce qu'il n'existe aucune possibilité de retour dans ce pays. L'agent ne peut tenir compte que du potentiel d'établissement au Canada.

    Dans bien des cas faisant appel à des considérations humanitaires, la prise en compte du potentiel d'établissement au Canada et du risque couru par le demandeur dans son pays d'origine révèle que les difficultés auxquelles il est exposé sont suffisantes pour justifier l'approbation de sa demande. Toutefois, on ne peut pas en tenir compte dans le cas des pays faisant l'objet d'un moratoire. L'agent ne peut tenir compte que du potentiel d'établissement au Canada. Certaines personnes, bien qu'elles fuient un pays ravagé par la guerre ou subissent le traumatisme de la séparation de leur famille, ont un très grand potentiel d'établissement et sont acceptées. D'autres ont un moins grand potentiel d'établissement et d'intégration. D'après notre expérience, ces personnes qui ont un moins grand potentiel d'établissement, dont certaines ont même vécu de façon autonome pendant des périodes pouvant aller jusqu'à cinq ans au Canada, essuient un refus.

    Nous estimons que ces refus sont injustifiés et inhumains. Nous croyons que, mis à part des facteurs négatifs majeurs comme la criminalité, la plupart des gens qui sont soumis à un moratoire depuis plusieurs années finissent par être autorisés à rester. Nous avons examiné un programme spécial pour les Algériens, qui avait été mis en place après la levée du moratoire concernant l'Algérie. Grâce à ce programme, plus de 90 p. 100 des requérants avaient finalement été autorisés à rester.

º  +-(1615)  

    Même en l'absence d'un programme spécial, il semble assez clair que si quelqu'un se voit refuser l'entrée après, par exemple, avoir passé trois ou quatre ans au Canada, il est tout probable qu'il sera accepté au bout de six ans, de huit ans ou de 10 ans, quand le moratoire sera finalement levé. Le refus initial retarde donc injustement la réunion des familles et prolonge leurs souffrances.

    Nous recommandons par conséquent l'adoption d'une politique d'intérêt public concernant les demandes pour des raisons humanitaires et des motifs de compassion faisant en sorte qu'une période d'incapacité de rentrer dans son pays pendant une période de trois ans en raison d'une suspension des renvois doive, en l'absence de facteurs négatifs majeurs, normalement constituer une difficulté émérite inhabituelle et suffisante pour entraîner une décision favorable dans le cas des demandes pour des raisons humanitaires ou des motifs de compassion.

    Ai-je le temps de parler des membres de la famille qui sont exclus ou devons-nous revenir à ce sujet?

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Vous avez une minute.

+-

    M. Richard Goldman: D'accord. Je ne mentionnerai alors qu'un cas, qui est représenté ici, et que nous aimerions résoudre à Montréal. C'est le cas d'une femme qui a dû fuir le Burundi à l'âge de deux ans et qui a été élevée au Rwanda. Au cours du génocide de 1994, elle a été séparée de son fils de huit ans. Elle a ensuite fait l'objet d'une demande parrainée pour venir au Canada. Elle était convaincue que son fils était mort, étant donné que ni la Croix Rouge ni personne n'avaient pu le localiser. Ce n'est qu'après son arrivée au Canada qu'elle a reçu cette nouvelle incroyable que son fils avait été retrouvé vivant au Rwanda.

    Comme elle pensait que son fils était mort, elle ne l'avait pas mentionné dans sa demande de résidence permanente. Elle essaie depuis de parrainer sa demande. On le lui refuse en vertu de l'alinéa 117(1)(9)d) parce qu'elle ne l'a pas déclaré dans sa demande. La Section d'appel de l'immigration a déclaré ne pas avoir compétence en la matière.

    Il semble donc, comme le disent mes collègues de AQAADI et d'autres, que c'est une interdiction à vie, bien qu'il n'existe aucune autre sanction à vie au Canada, et en fait la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés modifie ainsi un vieux dicton, un des plus anciens, à savoir que l'erreur est humaine, sauf quand il est question de réunion des familles.

    Je n'ai rien d'autre à ajouter pour l'instant. Je vous remercie.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci. Notre prochain témoin est M. Sanjiv Kumar, du Comité d'action pour les droits de l'homme.

[Traduction]

+-

    M. Sanjiv Kumar (président, Comité d'action pour les droits de l'homme): Honorables membres du comité permanent, madame la présidente, le Comité d'action pour les droits de l'homme voudrait remercier le comité de lui permettre généreusement d'exprimer son point de vue sur la réunification des familles.

    Aujourd'hui, plusieurs membres du Comité d'action pour les droits de l'homme sont présents dans cette salle, tandis que d'autres cherchent l'Hôtel Intercontinental sur une carte, n'étant pas très familiers ni avec le français ni avec l'anglais. Ils doivent être en train de chercher leur chemin et viendront sans doute nous rejoindre prochainement.

    Quand nous pensons à la réunification des familles, nous envisageons trois catégories. La première est celle des personnes sans statut qui vivent ici pendant de nombreuses années, loin de leur famille et de leurs enfants. Nous avons même des exemples de personnes dont les enfants sont devenus suffisamment grands pour se marier et restent séparés de leur père ou de leur mère.

    Nous avons maintenant ici des membres du groupe qui viennent de se joindre à nous; ce sont d'eux dont je parlais tout à l'heure, qui ont trouvé leur chemin jusqu'à nous.

    Il y a donc d'abord le cas des personnes qui n'ont pas de statut. Normalement, lorsqu'on parle de réunification des familles, on parle d'immigrants qui sont déjà ici et du temps de traitement des dossiers des membres de leur famille. Mais si nous voyons ce qui s'est passé au cours des derniers jours dans ce domaine, et ce qui va sans doute se passer avant que le comité ne termine ses travaux et ses recherches, avant qu'il ne présente ses recommandations, on constate que l'honorable ministre de l'Immigration a déjà apporté sa solution aux problèmes, quand il a déclaré, la semaine dernière, que les parents de ceux dont le dossier est déjà complet peuvent obtenir un visa de cinq ans pour séjours multiples.

    Le gouvernement a donc déjà trouvé la solution. Je ne sais pas si votre rapport sera utile, en ce sens que les solutions sont déjà plus ou moins trouvées. Mais nous voudrions également dire que ce sera utile dans une certaine mesure, en particulier si les parents sont en mesure de retrouver leurs enfants. Mais la famille, ce n'est pas uniquement les parents. D'autres membres doivent également rejoindre leur famille, mais ils ne peuvent le faire que lorsque leur demande a été entièrement traitée. Par conséquent, même si nous avons une solution partielle—et certains esprits critiques diront sans doute que c'est davantage une formule qui permet au ministère de l'Immigration de ramasser de l'argent—nous pensons que c'est une bonne solution temporaire pour certains. Mais nous voulons prendre en considération tous les éléments du problème.

    Pour les personnes sans statut, le gouvernement n'a rien annoncé, même si les médias ont dit au cours des derniers mois qu'il allait faire quelque chose en matière de régularisation, puisque c'est la solution idéale pour réunir les familles de ceux qui vivent au Canada sans statut.

    C'est pourquoi le Comité d'action pour les droits de l'homme considère que la régularisation est une question essentielle, et c'est ce que le comité devrait dire au gouvernement.

    Il existe une deuxième catégorie de personnes dont nous parlons en matière de réunification des familles. Pour ceux qui sont déjà accueillis en tant que réfugiés, les démarches administratives prennent des années, comme nos amis l'ont déjà mentionné. Une fois qu'une personne est acceptée et que sa demande de résidence permanente au Canada peut être traitée, nous aimerions savoir pourquoi on ne pourrait pas traiter également les demandes des membres de sa famille. Pourquoi ces personnes ne peuvent-elles pas venir ici pour présenter leur demande? Voilà notre deuxième préoccupation.

    La troisième préoccupation concerne la troisième catégorie de personnes dont nous avons déjà parlé, c'est-à-dire celles qui sont déjà ici dans la catégorie des immigrants. Il faudrait faire quelque chose pour que leurs demandes soient traitées plus vite. Évidemment, un visa de cinq ans pour séjours multiples apporte une solution partielle, mais ce n'est pas la bonne solution, qui consisterait à réunir tous les membres de la famille, et non pas à en accueillir seulement certains à l'exclusion de certains autres.

º  +-(1620)  

    Nous voulons également insister sur le fait que si le gouvernement régularise, la régularisation devrait être universelle et exempte de discrimination.

    Une autre chose importante préoccupe tous nos membres ici présents devant le comité permanent—nous ne sommes que leur porte-parole, mais ils partagent tous cette opinion—à savoir que le gouvernement dit qu'il a lancé un programme de régularisation. Sauf erreur de ma part, l'honorable ministre a comparu devant le comité permanent, auquel il a dit qu'il avait l'intention de régulariser environ 100 000 personnes. Dans une telle situation, pourquoi la mesure ne profiterait-elle pas à tous? Comment se fait-il que Citoyenneté et Immigration ait précipité les procédures d'expulsion? Nous demandons instamment au comité permanent de faire cesser immédiatement les expulsions, puisque le gouvernement et le ministre ont l'intention de procéder à une régularisation. Si certains craignent d'être expulsés malgré tout, à quoi sert la procédure de régularisation?

    Merci beaucoup. Nous aurions bien d'autres choses à dire, mais les contraintes de temps nous en empêchent.

    J'aimerais particulièrement remercier la présidente, qui nous permet d'intervenir de nouveau à Québec, où nous aurons encore une heure pour nous exprimer. Nous pourrons y aborder d'autres détails et d'autres aspects de la question.

    Merci beaucoup.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): J'encourage les témoins à nous donner plus de détails. Vous aurez l'occasion de répondre aux questions que les membres du comité vous poseront.

    Je vous rappelle que nous sommes limités par le temps et que chaque intervention doit durer moins de cinq minutes.

    Madame Guergis.

[Traduction]

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, madame la présidente.

    Je remercie sincèrement tous nos témoins d'aujourd'hui, qui ont pris le temps de venir nous rencontrer.

    Ce que vous nous dites n'est pas entièrement nouveau pour nous. On nous l'a déjà dit au cours de nos déplacements, mais nous apprécions sincèrement les bons conseils que vous nous donnez aujourd'hui.

    David, j'ai apprécié vos propos sur les annonces faites récemment. Je sais que tous les membres du comité sont favorables à cette mesure, mais il a fallu en attendre l'annonce pendant longtemps. Nous sommes plusieurs à n'être prêts à y croire que lorsque nous pourrons le voir. Des milliers de noms figurent encore sur une liste d'attente et, comme vous l'avez dit, la procédure est tout simplement trop longue. Je suis désolée que tous ces délais vous soient imposés.

    Monsieur Goldman, vous avez fait quelques propositions concernant les politiques du ministère. Vos recommandations me semblent excellentes. La première portait sur les trois ans d'inaptitude : si l'on ne peut pas revenir chez-soi, on devrait être automatiquement admissible...

+-

    M. Richard Goldman: Une admissibilité automatique serait peut-être excessive, mais on pourrait envisager d'y voir un facteur habilitant, puisque le ministre a la possibilité de faire des énoncés de politique sur la façon dont les demandes humanitaires doivent être traitées.

+-

    Mme Helena Guergis: J'apprécie cette recommandation.

[Français]

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Il existait un programme quand ce gouvernement est arrivé au pouvoir en 1993. En 1994, le ministre Marchi avait lancé un programme qui s'appelait le IMRED. Ce programme permettait justement aux personnes qui demeuraient au Canada trois ans après un refus et qui ne pouvaient retourner dans leur pays de faire une demande d'immigration selon des critères un peu plus souples. On reconnaissait qu'après un certain temps, il fallait permettre aux gens de faire leur vie. Pour des raisons que l'on n'a jamais comprises, quelques années plus tard, Mme Robillard a annulé ce programme.

    Rien ne permet à un agent qui étudie les demandes pour raisons humanitaires d'assouplir les critères d'acceptation. En ce qui a trait à ces demandes, un certain pouvoir discrétionnaire positif serait acceptable. Pour cela, il faut des directives. Le manuel n'est pas la loi; il pourrait être modifié afin d'autoriser plus facilement l'acceptation des demandes pour des raisons humanitaires, en clarifiant ce qu'est un préjudice, car ce mot peut être compris de différentes façons. Cela ne demande même pas un amendement à la loi; cela exige une interprétation des termes « humanitaire » et « compassion » qui soit mieux adaptée aux circonstances.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): J'étais là en 1994. Je travaillais au ministère à ce moment-là.

    Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

    Je voudrais dire également que je suis très contente d'entendre que la mère dont vous avez parlé a retrouvé son fils. Il me semble tout à fait absurde que dans un pays comme le Canada, aucune exception ne soit prévue pour les circonstances de ce genre. Je vous remercie d'avoir porté cette question à mon attention. Nous allons continuer à y travailler, indépendamment de tout ce qui pourrait être annoncé, car nous considérons qu'il y a encore bien des progrès à faire sur ce point.

º  +-(1630)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Clavet, souhaitez-vous intervenir?

+-

    M. Roger Clavet: Oui. Merci beaucoup, madame la présidente.

    D'abord, je voudrais m'excuser auprès de nos invités de ne pas avoir assisté à la présentation de M. Kumar. J'avais un appel téléphonique important à faire. Je me reprendrai lors des audiences suivantes et en lisant le contenu. Toutefois, je respecte beaucoup les gens qui sont ici et toute la communauté. J'examinerai tous les faits. Je m'excuse.

    Monsieur Goldman, vous avez mentionné l'exemple de Lea, née au Burundi. C'est absolument incroyable, les circonstances qui font qu'une personne peut retrouver son fils et ensuite éprouver des difficultés. Vous demandez un traitement exceptionnel dans de tels cas. Vous demandez qu'on soit un peu plus humain et compréhensif. C'est à peu près ce que vous dites: le système d'immigration tel qu'il est conçu ne prévoit pas ce genre d'exceptions.

+-

    M. Richard Goldman: Au Canada, la peine capitale n'existe pas. Même un meurtrier reçoit au maximum une peine de 25 ans. Or, la personne demeure inadmissible pendant toute sa vie, alors qu'en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, une pénalité de deux ans est imposée dans les autres cas de fausses représentations. Nous ne comprenons pas du tout pourquoi cette inadmissibilité devrait durer pour la vie. Cette disposition a été adoptée il y a deux ans, dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Comme je l'ai dit, nous ne comprenons pas pourquoi aucune discrétion n'est possible. C'est pourquoi nous sommes en faveur de l'abolition de cet article.

    Quand quelqu'un a omis de déclarer une autre personne pour un motif valable, comme dans le cas que j'ai exposé, on devrait pouvoir s'en remettre à la discrétion d'un agent pour décider et, au pire, imposer la peine de deux ans d'inadmissibilité qui est déjà prévue dans la loi.

+-

    M. Roger Clavet: Je salue l'approche que vous défendez, laquelle est bâtie sur une compréhension humaine des problèmes. Vous dites qu'une fois que le délai de trois ans est épuisé et qu'il n'y a vraiment plus aucun moyen, le gouvernement devrait appliquer la règle de la compréhension. Si, en trois ans, on n'a pas fait la preuve avec tous les moyens dont on dispose, on doit se servir un peu de sa tête et de son coeur et laisser venir ces gens.

+-

    M. Richard Goldman: En fait, on parle de suspensions temporaires de renvoi imposées par le gouvernement canadien. Cela signifie que le gouvernement reconnaît que ces gens ne peuvent pas retourner dans leur pays. Si, au bout de trois ans, et en l'absence d'autres facteurs négatifs comme la criminalité, on ne peut toujours pas renvoyer la personne dans son pays, il nous semble que les directives concernant les motifs humanitaires devraient permettre d'affirmer que la personne s'est établie suffisamment au Canada. Ce serait lui poser une difficulté excessive et inhabituelle que de la faire attendre plus longtemps pour obtenir la résidence permanente.

+-

    M. Roger Clavet: J'ai également un commentaire à adresser à M. Siner, qui disait vouloir, non pas de la sympathie, mais de l'action. J'approuve entièrement cette idée.

    Quand un résidant du Québec doit faire traiter son cas à Mississauga, cela m'apparaît un peu bizarre. Pour notre part, nous avons une réponse toute faite: la souveraineté du Québec. Un jour, nous aurons notre système d'immigration et nous mettrons fin à ce truc. Par contre, je ne sais pas si vous irez jusque-là. Ce n'était pas le propos de ma question, quoiqu'on regarde souvent dans cette direction.

    Pensez-vous qu'on pourrait se diriger vers une situation où, à tout le moins, on pourrait traiter ces cas ici, plutôt que de les envoyer un peu partout? Abonderiez-vous dans ce sens?

+-

    M. David Siner: Absolument. J'aimerais bien que mon dossier soit traité ici, au Québec, étant moi-même un résidant du Québec. Si mon dossier doit être traité ici un jour, pourquoi ne l'est-il pas maintenant?

+-

    M. Roger Clavet: D'autres personnes souhaitent-elles commenter sur le fait que des cas sont souvent traités à un autre endroit en raison de la bureaucratie? Est-ce qu'on ne pourrait pas centraliser cela?

+-

    Mme Félicité Tchapda: Le cas que j'évoquerai n'en est pas un du Québec, mais d'Afrique. Tous les dossiers du Cameroun sont présentement traités en Côte-d'Ivoire. Je vous citerai le cas d'une petite fille qui a obtenu son baccalauréat, qui est l'équivalent du DEC ici. Elle a fait sa demande pour venir ici comme étudiante il y a un an et demi, mais n'a jamais reçu de réponse. Elle s'est rendue à l'ambassade à Yaoundé, où on lui a dit que son dossier était traité à Abidjan. Finalement, on ne sait plus où s'adresser dans de telles situations. On ne lui a jamais dit si sa demande de passeport et tous les autres dossiers avaient été acceptés ou non. Quand elle s'est présentée à Yaoundé, on lui a dit que le dossier était traité à Abidjan. Finalement, les gens sont perdus dans de telles situations.

º  +-(1635)  

+-

    M. Roger Clavet: C'est une grosse machine.

    Madame Augenfeld.

+-

    Mme Rivka Augenfeld: La question est la suivante: le système actuel répond-il aux besoins? Des êtres humains font des demandes de résidence ou de réunification familiale. C'est comme si ces êtres humains devaient être au service du système, alors que c'est le système qui doit être au service des gens. Cela peut sembler banal, mais c'est comme ça. Pourquoi le traitement d'un dossier ordinaire devrait-il prendre autant de temps? Quand le dossier revient de Vegreville, il est mis sur une tablette à Montréal, et ce n'est que trois ans plus tard que quelqu'un l'ouvre. Pourquoi? On nous dit que c'est parce qu'il n'y a pas suffisamment de ressources. Mais pendant ces trois ans, il se passe toutes sortes de choses. N'y a-t-il pas un gaspillage de ressources? Est-ce que la personne ne gaspille pas des années de sa vie? Trois ans plus tard, on dit que les gens traînent ici et on les accuse de vouloir prolonger leur séjour au Québec. Cela se retourne contre elles. Le système pourrait être plus efficace. Les gens paient ce service, mais on n'y affecte pas suffisamment de ressources.

    Pour la réunification familiale, les ressources dans les postes à l'étranger ne sont pas adéquates étant donné le nombre de cas en Afrique ou ailleurs, le nombre de bureaux et ce qu'on demande aux gens d'ici pour qu'ils puissent faire venir leur famille. Je suis sûre que d'autres témoins vous ont dit que les membres de la famille qui se trouvent ici deviennent un peu des agents d'immigration, parce qu'ils doivent renseigner la personne à l'étranger sur la façon d'envoyer des documents. On demande aux gens d'envoyer des documents originaux, très précieux. On demande depuis quelque temps que les documents soient [Inaudible] ici. Il y a toute une série de choses. Nous vous avons parlé aujourd'hui de deux de ces choses.

    Dans notre pratique quotidienne, nous voyons tous les problèmes dont vous avez entendu parler au Canada. Nous nous sommes arrêtés au problème des gens qui ne peuvent même pas faire une demande aujourd'hui, mais il y a évidemment beaucoup d'autres problèmes. Le système actuel va même à l'encontre des intérêts de tous les Canadiens et Québécois. Quand autant de gens attendent aussi longtemps, ce n'est pas bon pour la population d'ici. Ce n'est pas sain. Ce n'est pas bon pour qui que ce soit.

+-

    M. Roger Clavet: Monsieur Kumar, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

+-

    M. Sanjiv Kumar: Souvent, j'ai écouté, même dans les réunions du Conseil canadien pour les réfugiés, certains des représentants de CIC. La dernière fois à Toronto, ils ont parlé du problème de ressources. Ils ont également parlé du fait que nous n'avons suffisamment de ressources pour agir.

    J'aimerais ajouter un bref commentaire. Rivka a aussi parlé du problème des ressources. Je pense qu'il y a un problème en ce qui concerne les ressources au Canada; il y a un problème au niveau de la coordination et de l'organisation. Il y a un énorme problème de blanchiment d'argent au Canada, dont vous êtes tous au courant. Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur cette question. Il y a beaucoup d'argent qui est utilisé à mauvais escient. Il faudrait que l'on vérifie la chose. Il y a une énorme économie illégale ou parallèle qu'il faudrait vérifier.

    Par ailleurs, lorsque nous insistons sur la nécessité de régulariser la situation des gens, comme l'a mentionné l'honorable ministre... Plus de 100 000 personnes travaillent et vivent ici illégalement, sans statut. Pourquoi ne pas les intégrer à la société? On pourrait ainsi créer d'énormes ressources, des milliards de dollars, et nous pourrions régler ces problèmes. Lorsque nous disposerons de suffisamment de ces ressources, elles seront susceptibles de créer de l'emploi. Nous pourrons donner de l'emploi à de nombreux Canadiens, et les demandes pourront être traitées beaucoup plus rapidement.

    Pourquoi ne pas corriger le système, au lieu de trouver simplement des excuses?

    Merci beaucoup.

+-

    M. Roger Clavet: Cela semble logique.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Monsieur Siksay.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Je vous remercie, madame la présidente.

    Je tiens à remercier chacun d'entre vous des témoignages que vous nous avez présentés cet après-midi. Ils ont été très utiles. Il y a beaucoup d'aspects sur lesquels j'aimerais commenter ou au sujet desquels j'aimerais poser des questions, et nous n'avons pas beaucoup de temps. Mais j'aimerais simplement faire quelques observations.

    M. Goldman a parlé des personnes qui l'accompagnent—Bernadette, Wellington et Dorothy. J'espère avoir l'occasion de vous parler après la réunion, parce qu'il est important d'entendre vos histoires, aussi. Je vous remercie d'être venus.

    Les comparutions de M. Kumar devant le comité sont toujours intéressantes, parce qu'il est toujours accompagné d'un énorme entourage. J'ai cette image de lui en train de se déplacer un peu partout à Montréal accompagné en tout temps de cet énorme entourage. Je reconnais l'importance de ces questions pour sa collectivité.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Nous sommes moins nombreux aujourd'hui parce que nous savions qu'il y aurait moins de place. Nous serions venus en plus grand nombre.

º  +-(1640)  

+-

    M. Bill Siksay: Je trouve cela stupéfiant, mais je remercie chacun d'entre vous d'être venu.

    Quelques personnes ont mentionné l'annonce faite par le ministre la semaine dernière à propos des demandes émanant de parents ou de grands-parents. Cela offre de l'espoir mais suscite également des préoccupations, comme M. Siner l'a mentionné. Voici un gouvernement qui a fait par le passé diverses promesses. En fait, il a présenté mais n'a pas pleinement mis en oeuvre un projet de loi sur des aspects de l'immigration que nous considérons importants, comme la Section d'appel des réfugiés.

    Nous voulons donc considérer cette annonce encourageante, et nous sommes heureux que des nouveaux fonds y aient été affectés, mais je crois que nous devons demeurer vigilants et veiller à ce que le gouvernement prenne des mesures concrètes qui permettront d'obtenir le résultat souhaité. Étant donné que le système a désespérément besoin d'argent, cet argent pourrait facilement disparaître dans le système, puisqu'il en a désespérément besoin pour toutes sortes d'initiatives.

    Je crois que l'on a bien compris que cela ne permettra pas vraiment de remédier à l'arriéré si nous n'augmentons pas le nombre total d'immigrants pour qu'il se rapproche de la proposition de 1 p. 100 qui a été faite, du moins nous l'espérons. Et cela ne nous ramène même pas au niveau de 2003 qui était de 20 000 parents et grands-parents. Il y a donc toutes sortes de contraintes qui se rattachent à cette annonce et il nous reste encore beaucoup de travail à faire.

    Si cette annonce a été faite, je crois que c'est grâce au grand nombre de gens qui ont si bien défini les problèmes, des gens comme M. Siner et d'autres personnes d'un bout à l'autre du pays dont nous avons entendu les témoignages, ces derniers mois et par le passé, ainsi que les membres du comité.

    Je tenais donc simplement vous signaler cette préoccupation.

    Nous avons parlé brièvement de ceux qui disent qu'il ne s'agit pas simplement d'une question d'argent. Il me semble que c'est une question assez importante pour un ministère qui a connu de telles compressions dans les années 90. L'Immigration et l'Environnement ont subi les plus importantes compressions de tous ministères fédéraux lorsque M. Martin a commencé à réduire les dépenses du gouvernement fédéral. Le ministère de l'Immigration ne s'en est jamais remis. Le dernier budget a finalement prévu de nouveaux fonds pour l'établissement, et tout récemment, de nouveaux fonds pour les demandes émanant de parents et de grands-parents. Mais certains ont laissé entendre qu'il y a un problème d'efficacité au niveau du ministère, que les quotas imposés signifient qu'une fois qu'une ambassade ou une mission étrangère atteint le quota voulu pour l'année, elles ne font plus rien. Elles interrompent simplement le traitement pendant deux ou trois mois ou plus—et qu'il y aurait lieu d'y consacrer du temps.

    Selon vous, s'agit-il d'une question d'argent ou de ressources? Devons-nous mettre plus de fonds à la disposition de ce ministère, ou existe-t-il des moyens de réorganiser le système ou d'y apporter d'autres améliorations qui d'après votre expérience pourraient être utiles?

+-

    M. Sanjiv Kumar: Beaucoup d'autres personnes sont préoccupées par la question que vous venez de soulever. Nous devons augmenter les ressources, réaménager le système et assurer l'utilisation efficace des ressources. Ces deux aspects sont importants.

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Je dirais qu'il faut absolument prévoir davantage de ressources dans certaines régions du monde, c'est évident. Par contre, il faut aussi modifier les attitudes et assurer une formation si, d'une part, le ministère dit ne pas avoir suffisamment de ressources et qu'ensuite les agents d'immigration ou des visas consacrent énormément de temps à demander aux gens de produire un plus grand nombre de documents; à mettre en doute tout ce qu'ils disent; à leur demander d'envoyer des documents déjà envoyés l'année précédente; et à leur demander de se soumettre à un test d'empreintes génétiques, alors qu'il est assez évident qu'il s'agit simplement d'une solution de facilité, parce qu'alors ils n'ont pas à trop réfléchir; à demander aux gens de...

    Lorsque le centre de Vegreville a été conçu, il était sensé recevoir 80 p. 100 des cas. Maintenant, Vegreville ne peut pas refuser; il ne peut qu'accepter. Mais dès qu'il y a un doute, il ne s'en occupe pas mais le renvoie, et alors rien ne se fait. Il n'y a rien qui empêche les agents d'immigration de Vegreville d'utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour poser quelques questions et s'occuper d'un cas de façon positive et réduire ainsi considérablement le nombre de cas renvoyés aux bureaux locaux. C'est une question d'attitude et de formation et une façon de voir les choses... Je ne suis pas en train de dire que tous les agents d'immigration agissent ainsi; certains agents sont excellents, mais trop souvent on semble partir du principe, surtout à l'égard des personnes de certains pays, qu'il est trop facile pour les personnes de ces pays de se procurer de faux documents, et qu'il est trop facile de... On a tendance à se méfier d'eux dès le départ. L'approche adoptée n'est donc pas positive.

    Tous ces changements pourraient permettre de réaliser des économies parce qu'il serait alors possible de traiter les dossiers de façon beaucoup plus efficace et beaucoup plus humaine, et cela laisserait du temps pour le traitement des dossiers véritablement difficiles et complexes.

+-

    M. David Siner: Il est bien connu que depuis 2003, un moratoire a été imposé sur le parrainage des parents. Donc il faudrait tout d'abord lever ce moratoire, cesser de faire de fausses annonces, lever le moratoire et remédier à cet arriéré de 100 000 demandes. Ensuite, si l'on veut traiter le reste des demandes, les 18 000 ou 20 000 demandes par année, c'est bien—mais il faut d'abord se débarrasser de l'arriéré.

    Je vous remercie.

º  +-(1645)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Telegdi, il nous reste un peu de temps.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, madame la présidente.

    Vous savez, notre comité a déployé de grands efforts pour convaincre les responsables que le Canada devait accueillir davantage d'immigrants appartenant à la catégorie de la famille. Nous pouvons faire des recommandations. Malheureusement, nous ne prenons pas les décisions. Nous formulons des recommandations, puis nous continuons d'en parler et d'encourager le gouvernement à les adopter.

    J'estime que le visa pour séjours multiples représente un énorme progrès. Auparavant, la situation était ridicule, car toute personne qui présentait une demande se voyait refuser l'entrée au Canada. C'était tout à fait insensé, car les personnes qui demandaient à entrer au Canada pour visiter leur famille se voyaient refuser la permission. Il s'agit d'une attitude sans précédent qui devait être modifiée car, l'année dernière, nous avons rejeté 151 000 demandes de visa. En 1997-1998, le gouvernement en a rejeté 70 000. Par conséquent, nous accueillons cette annonce très favorablement.

    Je crois également que le ministère constatera qu'il arrive parfois que des parents qui viennent rendre visite à un résident du Canada se rendent compte qu'ils ne se plaisent pas dans notre pays. Mais il est illogique de décider soudainement de priver à jamais une personne de la possibilité de rendre visite à ses enfants parce que cette personne a dit qu'elle voulait rendre visite à ses enfants. Notre comité a dénoncé cette règle.

    L'autre question qui nous préoccupe est celle du revenu, et je souscris tout à fait à votre opinion à ce sujet. Je m'occupe du dossier d'une femme qui ne peut pas parrainer son conjoint de fait, qui est aussi le père de ses enfants, parce qu'elle est prestataire de l'aide sociale. Et le couple a quatre enfants. Ainsi, cette dame continuera de dépendre de l'aide sociale jusqu'à ce que son conjoint puisse revenir au Canada pour se trouver un emploi. Nous devons cesser de suivre les règles et les règlements aveuglement et envisager des solutions pour l'avenir.

    Je suis d'accord avec vous pour dire que le moratoire constitue un énorme problème. Il y a au Canada trop de personnes dont la situation demeure irrésolue. Ces personnes ne peuvent pas poursuivre leurs études ni obtenir de prêts étudiants, elles vivent dans l'incertitude. C'est un autre problème que nous devons régler.

    Au sujet de la régularisation des sans-papier, j'espère que nous y consacrerons beaucoup plus de temps. Monsieur Kumar, je sais que personne ne possède de chiffres exacts, nous ne faisons que supposer, mais, à votre connaissance, quel est le nombre de sans-papiers?

+-

    M. Sanjiv Kumar: Je crois qu'ils sont au-delà de 100 000.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Plus de 100 000. Je dirais même qu'il y en a davantage. Comptez-vous seulement les sans-papiers qui font partie de la communauté indo-canadienne?

+-

    M. Richard Goldman: Il s'agit seulement des personnes qui sont dans cette salle.

    Des voix : Oh, oh!

+-

    M. Sanjiv Kumar: Non, non, je voulais parler de...

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Non, je crois que le problème est beaucoup plus important que cela. Je ne connais pas exactement les chiffres aux États-Unis, mais le gouvernement américain prévoit régulariser la situation de 25 à 30 millions d'immigrants irréguliers.

    Je crois que dans notre pays, de nombreux emplois dans le secteur de la construction, et dans de nombreux autres secteurs, sont occupés par des sans-papiers. Par conséquent, s'il était possible de les expulser immédiatement, notre économie en subirait des répercussions terribles.

+-

    M. Sanjiv Kumar: C'est exact.

º  +-(1650)  

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Nous sommes confrontés à un certain nombre de défis, et il y en a un qui me paraît important. En effet, si nous régularisons la situation des sans-papier, nous devrons du même coup élaborer un plan crédible de réduction du nombre de demandes d'asile, ce qui sera très difficile. Si nous ne le faisons pas, les personnes qui veulent venir au Canada auront l'impression qu'il suffit d'entrer au pays puis d'attendre que leur situation soit régularisée.

    J'ai fait part de cet argument au ministère, et un grand nombre de personnes au pays se rallient à cette opinion, de même que des témoins dont nous avons entendu les exposés qui portaient sur le resquillage.

+-

    M. Sanjiv Kumar: En fait, j'aurais une observation à faire à ce sujet. Le ministère de l'Immigration a déjà dépensé une fortune afin d'empêcher certaines personnes d'entrer au pays. En effet, à la lecture des données pertinentes, on constate que le nombre de personnes qui entrent au Canada et demandent le statut de réfugié a connu un déclin marqué.

    Dans ce contexte, le problème peut être réglé de cette façon, dans une certaine mesure, car les fonctionnaires du ministère de l'Immigration appliquent rigoureusement les règles et ne permettent pas aux personnes visées d'entrer au pays. Quoi qu'il en soit, notre opinion par rapport à cette situation est une toute autre question. Par contre, pour ce qui est de la régularisation des sans-papier, les immigrants irréguliers travaillent, c'est ce qui leur permet de survivre. Il s'agit d'un facteur très important. En effet, il n'est pas question de créer quoi que ce soit pour ces personnes. Il s'agit simplement d'en faire des membres à part entière de la société afin qu'ils puissent y apporter leur contribution.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je ne suis pas en désaccord avec vous, car, comme je l'ai dit, notre économie souffrirait énormément si les sans-papier quittaient le Canada d'un seul coup. Nous devons examiner sérieusement le système dans son ensemble, car le dossier Singh a sérieusement porté atteinte à la perception de tous les actes qui sont régis par le système. Le Globe and Mail y a même consacré un article, et je crois que nous devons rationaliser ces activités.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Je crois que nous avons fourni beaucoup de renseignements au Globe and Mail afin d'aider les journalistes à recueillir des informations en Inde et ailleurs sur toutes ces questions. Essentiellement, le problème tient au fait qu'un homme ait pu demeurer au pays pendant 16 ou 17 ans puis qu'on lui dise soudainement de quitter le pays. Si nous estimons qu'une personne ne doit pas rester au Canada, alors nous devons nous doter d'un système efficace de prise de décision qui fasse en sorte que cette personne dispose de six mois pour quitter le pays, ou d'un an si des membres de sa famille sont ici, si tous les membres de sa famille le sont.

    J'ai seulement une crainte au sujet de cet homme qui a passé 16 ans au Canada. Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'une personne respectable, ou quoi que ce soit de ce genre. J'ai parlé à toutes les personnes concernées, y compris à de nombreux membres de sa communauté. Je suis préoccupé par le fait qu'il est demeuré au pays pendant 16 à 17 ans. Sa femme est enterrée ici, ses enfants vivent ici et, aujourd'hui, nous l'expulsons du pays. Il ne fait aucun doute qu'il a posé de nombreux gestes répréhensibles, mais nous devons nous demander s'il n'est pas nécessaire de rationaliser le système qui régit de telles situations.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Notre comité s'est dit préoccupé par ce dossier. Il y a même un ministre qui a quitté ses fonctions le lendemain de sa nomination, car le système était inacceptable. C'est ce que je veux dire, ce que je veux souligner.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Je pourrais vous parler simplement de l'ampleur de la déroute du système. Hier, j'ai reçu une télécopie de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, c'est-à-dire de l'une des personnes qui siègent à cette commission, au sujet du dossier dont nous discutons. Une commissaire de l'immigration et du statut de réfugié a effectué une recherche. Je n'ai pas besoin de mentionner le nom de cette personne, mais elle a fait une recherche sur des questions qui n'ont aucun lien avec le dossier. J'ai la télécopie et les questions qui sont abordées dans ce document sous la main.

    Ainsi, les responsables n'étudient pas ces questions convenablement, et ne font pas un travail exhaustif et adéquat. De nombreuses personnes en subissent les conséquences. Nous avons demandé à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié de convoquer une nouvelle audience pour étudier le dossier dans son ensemble, et nous avons obtenu une audience qui a été fixée au 27. Je demande aux membres de votre comité d'assister à cette audience afin d'en étudier le déroulement et la façon dont sont prises les décisions. Ce sera instructif pour tout le monde.

    Merci beaucoup.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Goldman, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    M. Richard Goldman: Je ne crois pas que nous avons intérêt à nous arrêter trop longtemps à un dossier en particulier. Monsieur Telegdi, si vous craignez que le Canada n'ait pas de programme crédible en vue de réduire le nombre de demandeurs d'asile, je crois que le gouvernement est en avance par rapport à vous à cet égard, car, comme l'a mentionné M. Kumar, il y a eu un déclin marqué du nombre de demandeurs d'asile. En 2001, environ 42 000 personnes ont demandé le statut de réfugié. Ce chiffre est descendu à 25 000 personnes l'année dernière, et, avec la conclusion de l'entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, on envisage une autre réduction de 5 000 à 6 000 personnes.

    De plus en plus, au Canada, nous percevons les réfugiés comme des personnes contre lesquelles nous devons nous prémunir, plutôt que comme des personnes que nous devons protéger. C'est l'une de nos plus importantes préoccupations. L'entente sur les tiers pays sûrs aura des répercussions énormes pour les Colombiens, par exemple, qui ne parviennent jamais à entrer au Canada actuellement, qui se verront refuser l'entrée aux États-Unis et qui seront renvoyés en Colombie.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je ne suis pas sûr de la politique. Lorsqu'il y a des réfugiés légitimes qui cherchent à venir au Canada, nous essayons de les en empêcher. Je crains que des gens de pays qui produisent des réfugiés soient empêchés de venir. Nous avons plusieurs préoccupations au sujet de l'entente sur les tiers pays sûrs et nous allons la revoir en juin ou en juillet. Ils sont sensés produire un rapport dans six mois, ce qui nous amènerait à la fin de juin. Toujours est-il qu'elle pose problème.

    Voilà le problème. C'est-à-dire que c'est exactement ce que nous faisons. Dès que nous recevons des réfugiés légitimes d'un autre pays, l'alarme se déclenche.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Monsieur Siksay, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Bien entendu. J'ai une autre question.

    Avons-nous le temps pour une autre question?

º  +-(1655)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Vous avez trois ou quatre minutes. Nous terminerons ensuite.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Certaines personnes ont parlé du visa de visiteur et du fardeau financier qu'il représente. Vous savez sans doute qu'il y a un projet de loi d'initiative parlementaire devant le comité qui propose le paiement d'une caution pour l'obtention d'un visa de visiteur. Je me demande si les membres de votre comité ont une opinion là-dessus, je me demande si vous estimez que c'est une bonne idée, un aiguillon dans la bonne direction. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?

+-

    M. Sanjiv Kumar: C'est un projet de loi déposé par Gurmant Grewal. C'est une question difficile : d'un côté, il permettrait à des gens de revoir des membres de leur famille, mais de l'autre côté, en seconde analyse, on voit bien que ce projet de loi favorise les riches. C'est une injustice flagrante. Nous pensons qu'il faut trouver moyen de permettre aux gens de venir au Canada de façon légitime.

    J'ai écrit à de nombreux membres de ce comité au cours des derniers jours au sujet de l'affaire de Mme Paramjit Kaur Khalra. Elle est la femme d'un défenseur des droits de la personne reconnu à l'échelle internationale, qui a été assassiné. Des milliers de personnes vont lui porter hommage dimanche à Toronto. On attend plus de 20 000 personnes.

    On l'a invitée à faire une déclaration, mais on lui a refusé un visa parce qu'elle n'avait pas assez d'argent dans son compte en banque. C'est une défenseure des droits de la personne, et son mari a révélé les circonstances de la mort de 25 000 personnes. En fin de compte, nous avons dû porter l'affaire à l'attention de membres du Parlement. Ce n'est que hier que nous avons réussi à obtenir un permis du ministre pour elle, donc elle pourra être des nôtres.

    De nombreuses personnes ont travaillé sur cette affaire jour et nuit. Mais combien d'autres personnes se font refuser des visas tous les jours? L'argent ne devrait pas être un facteur pour obtenir un visa, et il faudrait analyser les motifs légitimes.

    Souvent, des gens se font refuser des visas par manque de ressources financières. Les philosophes ne sont pas riches, donc on ne peut pas donner de visas aux philosophes. Les professeurs et enseignants des pays de l'Asie du Sud-Est ne sont pas riches non plus, donc ils n'obtiennent pas de visas. Par contre, on pourra offrir un visa à un criminel qui a amassé une fortune par des moyens illégaux. Dès qu'il vous montre qu'il a assez d'argent, on lui ouvre la porte tout grand. Tandis qu'une autre personne, une bonne personne qui n'a pas de moyen d'obtenir de l'argent de façon légale, à celle-là on lui ferme la porte.

    Interjeet Singh a dit qu'il voulait rajouter quelque chose sur la question de...

+-

    M. Bill Siksay: Je suis désolé. Pourrions-nous entendre d'autres témoignages sur la question des visas de visiteur, avant de passer à M. Singh?

    Y a-t-il d'autres observations?

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Une fois de plus, il me semble que ce qu'on présente, c'est un cataplasme qui ne fait que créer davantage de problèmes et des classes de personnes. Je pense que nous sommes en train de créer une situation où les agents d'immigration se rabattent sur la solution de la facilité plutôt que de bien analyser les dossiers et d'utiliser leur discrétion dans l'octroi de visas.

    Il y a trop de cas où les gens sont traités comme des abuseurs potentiels quand en fait rien n'indique que c'est le cas. Il est presque impossible de faire venir de la parenté de certains pays et ceci sans raison valable. Pourquoi devrions-nous imposer un fardeau financier aux personnes qui ne veulent que rendre visite à leur famille?

    Il y a bien trop de possibilités d'abus et je pense que ça pourrait être très discriminatoire.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Il reste environ 30 secondes. Oui, monsieur Telegdi.

[Traduction]

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je pense qu'une chose qui est importante de ce processus, c'est que ça ne s'appliquait qu'une fois que les demandeurs étaient refusés, car alors ils n'avaient aucun moyen de se rendre ici. Ça aurait été semblable au système judiciaire, où les gens peuvent déposer une caution. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas derrière les barreaux, car les pauvres déposent des cautions.

    Il suffit de prendre ces chiffres et de les comparer à des fins de qualité avec ceux des agents de visa. Si les agents de visa les refusent et qu'ils viennent ici et réussissent. Les chiffres montreraient donc que les agents refusent trop de personnes. Cela ne devrait s'appliquer qu'aux personnes qui n'auraient pas pu venir ici autrement.

+-

    Mme Rivka Augenfeld: Je pense aussi que trop de gens se font refuser sans motif valable.

+-

    L'hon. Andrew Telegdi: Je suis tout à fait d'accord.

+-

    Mme Rivka Augenfeld: On n'étudie plus les raisons pour lesquelles les gens sont refusés en premier lieu, on étudie plutôt les raisons et problèmes systémiques qui mènent à ces refus, qui sont fondés sur des préjudices. Nous devons étudier le problème de base, étudier les raisons pour lesquelles les visas de visiteurs sont octroyés ou refusés. Il est trop facile d'étudier le problème à l'envers.

»  -(1700)  

+-

    M. Bill Siksay: Madame la présidente, l'associé de M. Kumar a quelque chose à ajouter.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): D'accord.

[Traduction]

+-

    M. Inderjeet Singh (Comité d'action pour les droits de l'homme): Il y a quelques jours, l'honorable Joe Volpe déclarait qu'il nous fallait 30 000 camionneurs au Canada immédiatement. La plupart de nos gens dans nos collectivités conduisent des camions, possèdent leur propre véhicule, leur propre camion, et ils n'obtiennent pas de contrats que pour eux-mêmes. Ils en donnent aussi à d'autres personnes. La plupart d'entre eux possèdent deux, trois, ou quatre camions—c'est-à-dire un parc—et ils donnent du travail à d'autres personnes. Et pourtant, ils affrontent l'expulsion. Donc, d'une part, nous avons désespérément besoin de conducteurs, et d'autre part, nous expulsons des conducteurs qui font affaire au Canada et qui réussissent très bien.

[Français]

-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Je vous remercie beaucoup de votre apport aux travaux du comité.

    Je vais répondre rapidement à Sanjiv. Je ne crois pas que le ministre va faire la sourde oreille au travail et aux recommandations du comité. En fait, notre cher ami qui est derrière vous transmet nos recommandations au ministre en simultané. Des annonces ont été faites dernièrement, et je pense que le comité peut s'attribuer une partie du mérite, et vous-même également, pour avoir débattu de recommandations fort valables.

    Je suis toujours prudente lorsqu'il y a des annonces. Par le passé, certaines annonces ne se sont pas concrétisées. À cet égard, je vous invite à faire preuve de prudence et d'une certaine objectivité lorsque les choses sont faites. Dans la pratique, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup d'exceptions.

    Comme vous l'avez dit, en ce qui concerne les grands-parents et les parents, il faut tenir compte du fait qu'il y a un arriéré. À une nouvelle personne qui arrive et qui veut faire une demande, il ne faut pas donner l'espoir d'un traitement rapide, lorsqu'on sait qu'il y a un arriéré dans le traitement des dossiers.

    Cependant, on est dans la bonne voie et on essaye de trouver des mesures pour améliorer le système. Le ministre nous a promis de revoir le système dans son ensemble, et de s'assurer que nous ayons un système d'immigration juste et équitable. À cet égard, en tant que comité, je crois que nous sommes très solidaires. Nous allons tenir bon. Le rapport qui sera déposé reflétera vos opinions. Ensemble, nos voix seront unies pour régler une fois pour toutes la situation. Il faut avancer dans la bonne direction pour améliorer le système d'immigration. Voilà qui termine la journée ici, à Montréal.

    Le comité poursuit sa tournée mardi prochain à Halifax, plus précisément au Sportsplex de Dartmouth. Suivez les travaux du comité. Nous serons à nouveau dans la province de Québec, à Québec, mercredi prochain. Ensuite, on conclura avec quelques témoins à Ottawa. Suivez nos rapports. Tous ceux qui ont contribué à nos travaux pourront avoir accès aux rapports. Ils seront disponibles dès que possible sur le site du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je vous invite donc à le consulter régulièrement.

    Ce ne seront pas les seuls sujets dont nous allons traiter. Nous faisons une tournée pancanadienne, mais nous traitons de certains sujets sur une base hebdomadaire. Vous pourrez voir les prochains sujets qui vont être traités: entre autres, la question de la régularisation des personnes sans statut, des questions d'actualité qui concernent les apatrides, et d'autres sujets. Vous pouvez également consulter la liste des priorités du comité. On a essayé, dans la mesure du possible, de suivre les recommandations et les opinions des personnes. On vous invite à consulter périodiquement ce site. Nous sommes très actifs.

    Merci beaucoup.

    La séance est levée.