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JUST Rapport du Comité

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CHAPITRE QUATRE : LA RÉACTION JURIDIQUE À LA PROSTITUTION

La législation canadienne sur la prostitution a une histoire aussi longue qu’agitée remontant aux lois britanniques du XIXe siècle sur le vagabondage. Les gouvernements ont souvent tenté de contrôler la prostitution en adoptant diverses mesures législatives et d’autres réformes. Malgré ces efforts et les nombreuses études réalisées en vue de résoudre les problèmes liés à la prostitution, aucune mesure prise jusqu’ici n’a donné des résultats satisfaisants pour tous. Il y a 20 ans, le rapport Fraser —l’une des études les plus connues de la prostitution au Canada — a proposé une série de recommandations visant à améliorer la vie des personnes prostituées et des collectivités touchées par la prostitution en modifiant le cadre juridique contradictoire actuel, dans lequel la prostitution adulte est en soi légale, alors que la plupart des activités qui l’entourent sont illégales.

En dépit de ce rapport, les lois en vigueur relatives à la prostitution adulte demeurent en gros les mêmes que celles qui s’appliquaient en 1972 et auparavant.

Dans le présent chapitre, nous passons en revue l’historique de la prostitution au Canada et décrivons le cadre juridique entourant les activités liées à la prostitution ainsi que les différents problèmes que pose l’application de la législation en vigueur.

A. HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION

1. 1892 — Dispositions sur le vagabondage

Dans tout examen de l’histoire de la législation canadienne, il est important de noter que la prostitution adulte a toujours été légale. En même temps, la prostitution adulte a «  fait, et continue de faire, l’objet d’attaques indirectes111  » par l’entremise de dispositions pénales sur les nuisances et l’exploitation liées à la prostitution. Dans ce domaine, la législation canadienne s’est inspirée des mouvements de réforme sociale et morale de l’époque qui renfermaient des positions allant de celles considérant les personnes prostituées comme des victimes à protéger à celles visant à éliminer la prostitution grâce à une approche de réforme morale ou de justice pénale.

Adopté pour la première fois en 1892, le Code criminel s’est attaqué à la prostitution avec des dispositions portant sur le vagabondage et les maisons closes. Adaptées du modèle britannique, ces dispositions traitaient les bordels et la prostitution de rue comme des nuisances et des atteintes à l’ordre public. À l’instar de celle d’aujourd’hui, la disposition relative aux maisons closes considérait comme une infraction la tenue d’une maison close et le fait d’y vivre ou de s’y trouver. En pratique, la disposition sur le vagabondage criminalisait les femmes qui se livraient à la prostitution. L’alinéa 175(1)c) considérait comme vagabonde toute personne qui «  étant une fille publique ou coureuse de nuit, est trouvée dans un endroit public et, lorsqu’elle en est requise, ne rend pas à son sujet un compte satisfaisant  ». Ces dispositions visaient évidemment les femmes prostituées, mais non leurs clients, et autorisaient la police à porter des accusations contre ces femmes pour sollicitation en public à des fins de prostitution112.

Au début du XXe siècle, ces dispositions ont été étendues au proxénétisme et aux personnes vivant des produits de la prostitution. Les nouvelles dispositions découlaient de la préoccupation générale relative à la «  traite des blanches  ». Considéré aujourd’hui par beaucoup comme s’inspirant de notions paternalistes113, ce mouvement se fondait sur la nécessité de protéger les femmes et les enfants contre l’exploitation114. Comme celles concernant les maisons closes, les dispositions relatives au proxénétisme étaient essentiellement les mêmes que celles qui figurent actuellement dans le Code criminel.

2. 1972 — Dispositions contre la sollicitation

(a) Les dispositions législatives

Bien que les dispositions sur les maisons closes et le proxénétisme aient été maintenues, celles relatives au vagabondage ont été modernisées. En 1970, le Rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme115 a recommandé d’abroger la disposition sur le vagabondage et d’entreprendre une étude des moyens d’affronter la prostitution de rue. Beaucoup d’organisations féministes et de défense des droits civils avaient également intensifié leurs pressions en faveur d’un tel changement. Ces démarches ont abouti en 1972 à l’abrogation des dispositions sur le vagabondage et au remplacement de l’infraction liée au statut de la personne par une autre interdisant un comportement particulier, à savoir la sollicitation à des fins de prostitution dans un lieu public. L’article 195.1 du Code criminel prévoyait donc que : «  Toute personne qui sollicite une personne dans un endroit public aux fins de la prostitution est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité.  » Par sa structure et son objet, cette disposition annonçait déjà la disposition relative aux «  communications  » de la législation actuelle. Elle semblait remédier en outre à une forme inhérente de discrimination qui caractérisait la précédente, puisque «  personne  » pouvait s’appliquer aussi bien aux hommes qu’aux femmes qui vendaient des services sexuels116.

(b) Le problème

Il reste que la nouvelle disposition avait des inconvénients. Comme l’a dit Richard Mosley, qui parlait alors au nom du ministère de la Justice :

[C]ette modification a donné lieu à toutes sortes de problèmes, puisque son interprétation a fait l’objet de maints désaccords au cours des années qui ont suivi. La question de savoir en quoi consistait la «  sollicitation  » a suscité énormément de questions devant les tribunaux. S’agissait-il d’un clin d’oeil, d’un signe de la tête, ou d’une conversationentamée spontanément? [...] Quel degré d’importunité ou de persuasion devait être présent pour qu’il y ait «  racolage  »? On se demandait aussi si cela s’appliquait aux clients — c’est-à-dire aux clients qui auraient pu racoler quelqu’un d’autre pour les mêmes fins dans un endroit public. Est-ce que cette infraction s’appliquait également aux clients des prostituées? Eh bien, plusieurs décisions judiciaires contradictoires ont été rendues sur la question. Ce en quoi consistait un endroit public suscitait beaucoup de questions, et on se demandait aussi si la loi s’appliquait également à quelqu’un qui faisait du racolage à partir d’un véhicule à moteur dans un endroit public117.

De façon générale, les tribunaux ont eu tendance à considérer que «  lorsqu’on importunait ou faisait preuve de persuasion, il y avait sollicitation118  ». Toutefois, la question est restée incertaine jusqu’en février 1978, lorsque la Cour suprême du Canada a plus ou moins invalidé la disposition relative à la sollicitation dans l’affaire Hutt c. La Reine119. Dans cet important arrêt, la Cour a adopté une interprétation très étroite de la sollicitation, statuant que, pour qu’elle soit assimilée à un comportement criminel, elle devait être pressante et persistante. Par la suite, la Cour suprême a précisé que, pour être pressant et persistant, le comportement en cause «  devait viser un seul client potentiel et ne pouvait consister en un cumul d’avances à l’endroit de différents clients potentiels120  ».

Face à de telles interprétations et à d’autres décisions établissant qu’un véhicule à moteur ne constituait pas un endroit public, les services de police du Canada ont considéré qu’on les empêchait en pratique de réprimer la prostitution de rue et ont en fait cessé d’utiliser l’article 195.1. En évitant une sollicitation persistante, les personnes qui se livraient à la prostitution pouvaient poursuivre leur activité dans la rue sans crainte de sanctions criminelles. C’est peut-être pour cette raison que la prostitution de rue s’est sensiblement accrue dans les années 1980, bien que selon certains observateurs, ce soit la nature indirecte et contradictoire des dispositions juridiques contre la prostitution qui a entraîné cet accroissement121. D’après John Lowman :

Nombre de commentateurs de l’époque déclarèrent que cette jurisprudence avait transformé les rues du Canada en supermarchés du sexe [...] et ils attribuèrent la recrudescence de la prostitution de rue à l’arrêt Hutt [...] Je pense que le Comité Fraser a bien compris la situation lorsqu’il a déclaré que ce qui était à l’origine du problème de la prostitution de rue, c’était la nature contradictoire et contraire au but recherché de nos lois sur la prostitution122.

Quelles qu’en soient les raisons, après l’arrêt Hutt, le public a intensifié ses pressions en faveur de la modification de l’article 195.1 afin d’élargir la définition de la sollicitation. En novembre 1978, un rapport de la Commission de réforme du droit du Canada sur les infractions sexuelles123 a recommandé d’établir d’une façon plus claire que la loi s’appliquait aussi bien aux hommes qu’aux femmes prostitués et d’étudier plus avant les dispositions législatives sur la prostitution.

(c) La réaction

En réaction directe au rapport de la Commission de réforme du droit, la Chambre des communes a adopté en 1982 le projet de loi C-127, qui a modifié le Code criminel de façon à ajouter une définition précisant que «  prostitué  » englobe toute personne de l’un ou l’autre sexe qui se livre à la prostitution. La disposition relative au proxénétisme a également été libellée de façon à s’appliquer également aux hommes et aux femmes. Par ailleurs, deux grandes études nationales sur les infractions d’exploitation sexuelle ont été lancées à cette époque, l’une par le Comité Badgley et l’autre par le Comité Fraser.

Le Comité Badgley a été chargé par le gouvernement d’examiner l’exploitation sexuelle des enfants et des jeunes. En août 1984, il a publié son rapport124, dans lequel il recommandait de modifier le Code criminel au sujet de l’exploitation sexuelle des jeunes à des fins de prostitution et de pornographie. Le rapport Badgley a sonné l’alarme dans la société canadienne en soulignant le fait que beaucoup se lancent dans la prostitution à un très jeune âge et en mettant en évidence le rôle joué par les proxénètes dans le recrutement.

Le Comité Fraser a entrepris l’autre grande étude de ce sujet après que le Comité de la justice de la Chambre des communes eut publié son rapport sur la sollicitation de rue en mars 1983. En juin 1983, le ministre de la Justice a déposé à la Chambre un projet de loi rejetant la plupart des recommandations du Comité de la justice, mais a annoncé la formation d’un Comité spécial sur la pornographie et la prostitution dirigé par Paul Fraser et chargé d’étudier les problèmes découlant de la prostitution et ses déterminants sociaux et économiques. Le Comité Fraser a tenu de multiples audiences un peu partout au Canada :

[...] en vue de connaître le plus possible les diverses préoccupations de la population canadienne face à la prostitution. Les audiences ont permis de constater que la population canadienne était divisée sur la question de la prostitution de rue. Cette question faisait s’opposer les fonctionnaires municipaux, les forces policières et les groupes de citoyens qui estimaient que le Code criminel devrait être renforcé de manière à permettre le contrôle de la prostitution de rue, et les défenseurs des libertés civiles, les organisations féminines et les travailleurs sociaux qui étaient favorables à une certaine forme de décriminalisation125.

Au début de 1985, le Comité Fraser a publié son rapport qui notait l’absence de consensus au sujet de la prostitution adulte, la présence étendue de toutes les formes de prostitution et constatait que les difficultés économiques jouent un rôle important pour beaucoup des femmes qui se livrent à la prostitution. Le Comité a aussi constaté que, même si la plupart des Canadiens étaient opposés à une plus forte criminalisation des activités liées à la prostitution, beaucoup étaient favorables aux initiatives visant les nuisances associées à la prostitution. Le Comité Fraser parvenait donc à la conclusion que la prostitution constituait un problème nécessitant des réformes aussi bien législatives que sociales. Allant à l’encontre de l’opinion publique quant à l’interprétation judiciaire de la sollicitation, le Comité a soutenu que c’était la nature contradictoire et auto-destructive des différents articles du Code criminel traitant de la prostitution qui était à l’origine de l’accroissement de la prostitution de rue au Canada car, en dépit du fait que la prostitution était légale, les dispositions la concernant étaient utilisées pour contrôler le lieu et le moment où elle se produisait, essentiellement n’importe où et n’importe quand. Le Comité a souligné qu’il était essentiel de s’attaquer à cette question dans toute réforme du droit pénal126.

Dans ses recommandations, le Comité Fraser a proposé des réformes visant les causes profondes de la prostitution. Il a recommandé que les gouvernements s’engagent à éliminer les inégalités sociales entre les deux sexes, mettent en place des programmes sociaux pour les femmes et les enfants et consacrent plus de fonds aux groupes communautaires qui s’occupent des personnes qui se prostituent ou se sont déjà prostituées.

Au chapitre de la réforme législative, le Comité Fraser s’est montré favorable à une décriminalisation partielle. Il a recommandé dans son rapport de remplacer les infractions relatives aux maisons closes par une disposition permettant l’utilisation de locaux à des fins de prostitution si cette utilisation était limitée à une ou deux personnes. Le Comité Fraser a également recommandé de délivrer des permis à d’autres établissements de prostitution, qui seraient autorisés à fonctionner dans le cadre de règlements provinciaux ou territoriaux. Le Comité a aussi recommandé de modifier les infractions relatives au proxénétisme et au fait de vivre des produits de la prostitution par une disposition qui ne considérerait comme infraction criminelle que le proxénétisme visant clairement l’exploitation, que ce soit par le recours à la force, à des menaces, à des mesures coercitives ou à un comportement menaçant. De plus, l’infraction consistant à vivre des produits de la prostitution serait remplacée par une autre interdisant de forcer une personne à en soutenir financièrement une autre par la prostitution. Pour ce qui est de la prostitution de rue, le Comité s’est inquiété de l’aspect nuisance publique, soulignant qu’ «  il serait déraisonnable de relever les personnes prostituées et leurs clients de toute responsabilité juridique à l’égard des actes criminels ou des nuisances spécifiques que peuvent entraîner leurs activités  »127. Dans cette optique de nuisance, le Comité a recommandé de créer une nouvelle infraction liée aux perturbations répétées de la circulation des piétons ou des véhicules à des fins de prostitution. Enfin, comme le rapport Badgley, le rapport Fraser s’est beaucoup attardé sur les réformes nécessaires pour affronter le problème de l’exploitation des enfants et des jeunes par la prostitution.

3. 1985 — La disposition relative aux communications

(a) Le projet de loi C-49

Réagissant aux préoccupations suscitées par l’interprétation judiciaire des dispositions sur la sollicitation, mais faisant abstraction de la position du Comité Fraser à ce sujet, le gouvernement a déposé en décembre 1985 le projet de loi  C-49, qui remplaçait la disposition concernant la sollicitation par une autre relative aux communications. D’après cette disposition, qui constitue l’actuel article 213, est coupable d’une infraction criminelle quiconque communique avec une personne dans un lieu public dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services d’une personne qui vend des services sexuels. Cette modification, qui est aujourd’hui la principale disposition utilisée pour s’attaquer à la prostitution de rue, a permis d’éliminer la notion, difficile à interpréter, de «  sollicitation  », en plus d’établir le principe que «  toute personne  » désigne tant les hommes que les femmes qui se livrent à la prostitution que les clients et qu’ils peuvent tous être poursuivis. Cette modification a aussi permis l’inclusion d’un véhicule dans la définition d’«  endroit public  »128. Cette disposition, parce qu’elle concentre l’attention sur les aspects publics de la prostitution, a été adoptée de toute évidence «  pour régler le problème de nuisance; ce n’était pas pour régler tout le problème de la prostitution129  ».

(b) Autres modifications et études

Au cours des années suivantes, le Code criminel a fait l’objet de nombreuses modifications, tandis que des études étaient réalisées pour examiner les répercussions des dispositions relatives à la prostitution et proposer des réformes.

En 1988, le gouvernement a donné suite à quelques-unes des recommandations du Comité Fraser, particulièrement en ce qui concerne l’exploitation sexuelle de mineurs à des fins commerciales. Le projet de loi C-15 a été adopté, permettant d’intenter des poursuites contre quiconque obtient ou tente d’obtenir les services sexuels de mineurs et portant à 14 ans la peine maximale pour quiconque vit des produits de la prostitution d’un mineur.

Le ministère de la Justice a entrepris en mai 1987 d’évaluer les répercussions de la nouvelle disposition relative aux communications et conclu, en juillet 1989, que la prostitution de rue était aussi répandue qu’elle l’était avant la mise en vigueur de C-49 dans la plupart des villes étudiées130. Travaillant dans le cadre de cette étude, le Comité permanent de la justice et du solliciteur général de la Chambre des communes a publié, en octobre 1990, un rapport formulant des recommandations sur la disposition relative aux communications131. Le comité avait conclu que la disposition n’avait pas atteint son objectif de réduire le problème de la nuisance publique, son principal effet dans la plupart des centres urbains ayant été de «  faire se déplacer les prostitués d’un secteur à l’autre du centre-ville, ce qui ne faisait que déplacer le problème132  ». Le rapport présentait trois grandes recommandations visant à aider les personnes qui souhaitaient cesser de se livrer à la prostitution de rue, à mieux dissuader les clients et à accroître l’efficacité des organismes d’exécution de la loi :

  • Que les ministères fédéraux élaborent des programmes en vue d’offrir un financement de base aux organismes communautaires qui ont des programmes adaptés aux besoins des travailleurs et travailleuses du sexe souhaitant cesser de se livrer à la prostitution de rue.

  • Que soit modifiée la Loi sur l’identification des criminels133, pour permettre de prendre les empreintes digitales des personnes inculpées aux termes de l’article 213 du Code criminel et de les photographier, qu’il s’agisse de personnes prostituées ou de clients.

  • Que l’article 213 soit modifié pour que les juges aient le pouvoir discrétionnaire, dans les cas mettant en cause un véhicule, d’interdire aux personnes condamnées pour sollicitation dans la rue, en plus de toute autre peine pouvant leur être infligée, de conduire pendant une période maximale de trois mois.

Le gouvernement fédéral a répondu à ce rapport en mars 1991 en convenant que des programmes étaient nécessaires, mais que leur objectif devait être étendu pour tenir compte des besoins de toutes les personnes qui vendent des services sexuels, et pas seulement de ceux et celles qui souhaitent cesser de se livrer à la prostitution. Le gouvernement a donc recommandé d’autres consultations avec tous les intervenants. Il a cependant rejeté les deux autres grandes recommandations, soutenant que la modification proposée de la Loi sur l’identification des criminels ne réalisait pas un équilibre approprié entre les préoccupations sociétales relatives aux personnes prostituées et l’objectif des forces de l’ordre de réduire ou même d’éliminer la prostitution de rue. Le gouvernement a également rejeté la recommandation relative à la suspension du permis de conduire parce qu’elle allait au-delà des pouvoirs discrétionnaires d’un juge et que le lien entre l’infraction et la sanction n’était pas évident, soulignant que la prostitution de rue n’exige pas l’utilisation d’un véhicule. Pour le gouvernement, l’arrestation et les poursuites constituent des facteurs de dissuasion suffisants pour le client moyen134.

En 1992, les sous-ministres responsables de la justice ont formé un groupe de travail fédéral-provincial-territorial et lui ont confié le mandat d’examiner la législation, la politique et les pratiques touchant les activités liées à la prostitution et de formuler des recommandations à ce sujet. Le groupe de travail a publié deux rapports : en octobre 1995, un document de travail provisoire traitant principalement de l’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales, qui a entraîné
d’importantes réformes législatives135, et en décembre 1998, un rapport final formulant des recommandations et précisant les questions et la recherche sur la prostitution de rue et l’exploitation sexuelle des enfants, dont le document de travail avait donné un aperçu. Dans son rapport, le groupe de travail note qu’il n'a pas été en mesure de recommander l’abrogation des dispositions criminelles concernant la communication aux fins de la prostitution (article 213) ou les maisons de débauche (les articles 210 et 211), en raison des positions divergentes des personnes rencontrées pour son étude et de l'absence de données probantes sur les mesures de rechange.

B. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ACTUELLES

Aujourd’hui, les dispositions canadiennes sur la prostitution figurent aux articles 210 à 213 du Code criminel, qui traitent des infractions relatives à la tenue ou à l’utilisation d’une maison de débauche, au transport d’une personne à destination d’une maison de débauche, au proxénétisme et à la prostitution.

1. Article 213 — La disposition relative aux communications

L’attention étant concentrée sur la question de nuisance publique, l’infraction la plus importante et la plus souvent utilisée est celle qui figure dans la disposition
relative aux communications, à l’article 213, qui interdit de communiquer à des fins de prostitution dans un lieu public136.

Il est donc illégal de se livrer à la prostitution ou d’obtenir les services d’une personne prostituée dans un endroit public137. Cette restriction comprend le fait d’arrêter ou de tenter d’arrêter un véhicule et de communiquer ou de tenter de communiquer avec une personne dans le but de se livrer à la prostitution ou d’obtenir des services sexuels. L’infraction est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ce qui signifie que la peine ne peut pas dépasser 2 000 $ d’amende, six mois d’emprisonnement ou les deux.

En 1990, la Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité de l’alinéa 213(1)c). La Cour a conclu que même si l’alinéa viole la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2 b) de la Charte canadienne des droits et libertés, c’est là une limite raisonnable en vertu de l’article premier, compte tenu de l’objectif du Parlement, qui est d’éliminer les nuisances sociales qui découlent de la prostitution de rue 138. De plus, la Cour a statué que l’alinéa ne viole ni la garantie de vie, de liberté et de sécurité de la personne prévue à l’article 7, ni la liberté d’association garantie par l’alinéa 2d) de la Charte139.

2. Articles 210 et 211140 — Dispositions relatives aux maisons de débauche

L’article 210 du Code criminel définit l’infraction relative aux maisons de débauche, qui est restée essentiellement la même dans son objet que celle établie il y a plus d’un siècle.

Les définitions correspondantes se trouvent au paragraphe 197(1). «  Maison de débauche  » désigne un local tenu, occupé ou fréquenté par une ou plusieurs personnes à des fins de prostitution ou pour la pratique d’actes d’indécence. Selon l’interprétation des tribunaux, cette définition s’applique à tout endroit susceptible de devenir une maison de débauche, qu’il s’agisse d’un hôtel, d’une maison ou d’un terrain de stationnement, pourvu qu’il soit fréquemment ou régulièrement utilisé à des fins de prostitution ou pour la pratique d’actes indécents141 et qu’il soit contrôlé ou géré par des personnes prostituées ou par des personnes qui y ont un droit ou un intérêt142. De plus, un critère de seuil de tolérance collectif est utilisé pour déterminer si un acte est indécent143. Dans ce cadre, l’interprétation de l’indécence dépend du contexte, compte tenu de facteurs tels que le consentement, de la composition de tout auditoire présent et du caractère public ou privé du lieu, de la réputation de l’endroit dans la société et de tout préjudice causé144. L’infraction relative aux maisons de débauche est punissable sur déclaration sommaire de culpabilité.

Les tribunaux ont également déclaré que, pour être déclarée coupable de la tenue d’une maison de débauche, une personne doit exercer un certain contrôle sur l’entretien et la gestion du local et doit participer dans une certaine mesure aux activités illicites qui y sont menées, sans pour autant qu’elle participe nécessairement à des actes sexuels145. Une personne qui vend des services sexuels peut être déclarée coupable de la tenue d’une maison de débauche si elle utilise son domicile à des fins de prostitution146.

Pour être déclarée coupable d’«  habiter  » une maison close, une personne doit y résider ou occuper le local d’une façon régulière. Or, pour être déclarée coupable de «  se trouver  » dans une maison de débauche, une personne ne doit avoir aucune raison licite d’y être et avoir été trouvée là de façon incontestable par la police147. Enfin, les tribunaux ont statué que pour être déclarée coupable d’avoir sciemment permis que le local soit utilisé comme maison de débauche, une personne doit exercer un contrôle réel sur l’endroit et avoir soit accepté soit encouragé son utilisation à cette fin148.

Enfin, pour être déclaré coupable de mener ou de transporter une personne à une maison de débauche, il faut l’avoir fait en sachant pertinemment que l’endroit en question est une maison de débauche.

3. Article 212 — Proxénétisme

L’infraction de proxénétisme, définie à l’article 212149, est la plus sévèrement sanctionnée de toutes les infractions liées à la prostitution définies dans le Code criminel.

Le paragraphe 212(1) énumère les différentes formes de proxénétisme et précise qu’il s’agit d’un acte criminal susceptible de mener à des poursuites dont l’auteur est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de dix ans. Le paragraphe 212(3) traite de la preuve nécessaire relative à une accusation aux termes de l’article 212. Le constat qu’une personne vit ou se trouve habituellement en compagnie d’une personne qui se livre à la prostitution ou vit dans une maison de débauche constitue, sauf preuve contraire, la preuve qu’elle vit des produits de la prostitution. Il s’agit là d’une présomption constatable150. Elle implique de vivre en parasite des gains d’une personne qui vend ses services sexuels, l’accusé recevant la totalité ou une partie des produits de la prostitution d’une tierce personne151.

Le proxénétisme englobe les situations suivantes :

  • L’employeur qui impose ou tente d’imposer à un employé d’avoir des relations sexuelles avec un client152.

  • Le fait d’inciter une personne qui ne se livre pas à la prostitution à se prostituer ou à aller dans une maison de débauche pour avoir des relations sexuelles illicites ou à des fins de prostitution.

  • Le fait d’inciter une personne à venir au Canada ou à quitter le pays à des fins de prostitution.

  • Le fait d’exercer un contrôle ou une influence sur une autre personne, à des fins de profit, pour l’amener à se prostituer153.

  • Le fait de soûler ou de droguer une personne pour permettre à une autre d’avoir des relations sexuelles avec elle.

  • Le fait de vivre des produits de la prostitution.

Considéré séparément de la prostitution adulte, le proxénétisme visant des mineurs (moins de 18 ans) est l’infraction liée à la prostitution qui entraîne les peines les plus sévères. Les paragraphes 212(2) et 212(2.1) étendent la portée de l’infraction générale de proxénétisme prévue au paragraphe 212(1). D’après le paragraphe 212(2), une personne qui vit des produits de la prostitution d’un mineur est coupable d’un acte pouvant mener à une accusation et passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans. Le paragraphe 212(2.1) prévoit un emprisonnement d’au moins 5 ans et d’au plus 14 ans pour quiconque vit des produits de la prostitution d’un mineur si, à des fins de profit, il l’aide, l’encourage ou le force à se livrer à la prostitution ou lui conseille de le faire et use ou tente ou menace d’user de violence, d’intimidation ou de contrainte à cette fin. Enfin, d’après le paragraphe 212(4), quiconque obtient, contre rétribution, les services sexuels d’un mineur est coupable d’un acte pouvant mener à une accusation et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. Par conséquent, le fait de solliciter les services sexuels d’un mineur est toujours illégal154. Et l’accusé ne peut pas se défendre en affirmant qu’il croyait que le mineur avait 18 ans ou plus.

4. Autres dispositions du Code criminel

À part les dispositions se rattachant à la prostitution, un certain nombre d’autres dispositions du Code criminel protègent les personnes qui se livrent à la prostitution contre la violence et l’exploitation de même que les collectivités contre les nuisances associées à la prostitution. Pour la protection des personnes qui vendent des services sexuels, le Code criminel prévoit les infractions de traite de personne, d’intimidation, de vol, d’enlèvement et de séquestration ainsi que les infractions liées aux différentes formes d’agression.155 Les collectivités sont, pour leur part, protégées par les dispositions relatives aux nuisances publiques parmi lesquelles on trouve le trouble de l’ordre public, l’indécence, et la lutte contre le crime organisé. Une liste annotée des infractions du Code criminel qui pourraient, de l’avis de la majorité des membres du Sous-comité, servir à la protection des personnes qui vendent des services sexuels et des collectivités est présentée à l’annexe D. 156

L’existence de ces dispositions d’application générale constitue le principal argument des témoins favorables à l’abrogation des dispositions liées à la prostitution qui ont comparu devant le Sous-comité, dont Francis Shaver, Katrina Pacey de PIVOT Legal Society et des membres de Stella et de Maggies. L’argument en faveur de la décriminalisation se fonde sur la conviction qu’une utilisation adéquate des dispositions d’application générale contre l’exploitation, la violence et les nuisances constitue un moyen plus efficace de combattre les préjudices liés à la prostitution que le fait de considérer celle-ci comme étant préjudiciable en soi. Deborah Brock, de l’Université York, souhaite ainsi :

[q]ue les prostitués et autres travailleurs et travailleuses du sexe soient protégés par la loi. Lorsque ces travailleurs sont exploités par d’autres, je recommande que les services policiers appliquent les lois actuelles qui font partie du Code criminel, comme celles qui servent à réprimer l’agression sexuelle, d’autres formes d’agression, la fraude, l’enlèvement, le vol, l’extorsion, la séquestration, etc. Il existe de nombreuses lois pénales qui visent à éliminer ces abus à l’égard des prostitués. Ces lois ciblent le véritable problème plutôt que de s’attaquer à des mesures spécifiques à la prostitution157.

5. Le droit international

Le Canada a signé de nombreux traités sur les droits de la personne qui mettent en évidence la notion de dignité humaine et tentent de résoudre les problèmes suscités par la prostitution en adoptant un point de vue global et en imposant des obligations aux États signataires. Instrument fondamental de protection des droits de la personne en droit international, la Déclaration universelle des droits de l’homme158 de 1948 souligne que «  tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits  ». Ce droit fondamental à l’égalité est défini d’une façon plus précise dans les deux principales conventions internationales sur les droits de la personne dont le Canada est signataire, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques159 et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels160. Le Canada a également signé les conventions internationales visant particulièrement les droits de la femme et de l’enfant. Ces conventions évitent de condamner ou d’appuyer toutes les formes de prostitution adulte de façon à concentrer plutôt l’attention sur l’exploitation des femmes dans le cadre de la traite des personnes et de la prostitution forcée. Par ailleurs, les conventions condamnent sans équivoque toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et exhortent les États à punir ceux qui exploitent des femmes et des enfants.

Axée sur les droits de la femme à l’égalité, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes161 signée sous l’église des Nations Unies en 1979 déclare à l’article 6 que les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées pour «  supprimer le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes  ». Le Canada a ratifié la Convention en janvier 1982.

En 1995, la Conférence mondiale sur les femmes a adopté la Déclaration et le Programme d’action de Beijing162, qui abordent les questions liées à la prostitution en ce qui concerne les femmes et les enfants. Le paragraphe 113 b) du Programme d’action souligne le fait que la prostitution forcée constitue une forme de violence contre la femme et fixe l’objectif stratégique d’éliminer la traite des femmes et d’aider les victimes de la violence découlant de la prostitution et de la traite163. Les signataires sont invités à appuyer les efforts des Nations Unies en vue de prévenir et d’éradiquer l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, ainsi qu’à mettre en vigueur des mesures législatives destinées à protéger les filles contre toutes les formes de violence164. Le Canada s’est engagé à appliquer le Programme d’action de Beijing en septembre 2005.

La communauté internationale a également adopté en 2000 deux autres documents visant à combattre la traite des femmes et la prostitution forcée. Dans le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui s’est ajouté à la Convention contre la criminalité transnationale organisée165, l’exploitation de la prostitution d’autrui est incluse dans la définition de la «  traite des personnes166  ». De plus, l’article 5 demande aux États parties de criminaliser cette traite. Le Canada a ratifié le protocole en mai 2002.

Un certain nombre d’instruments internationaux mentionnent particulièrement l’exploitation sexuelle des enfants à des fins de prostitution. En 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant167 des Nations Unies a été adoptée pour protéger la dignité humaine et la situation des enfants, et pour mettre en évidence les droits fondamentaux et les intérêts des enfants de moins de 18 ans168. L’article 34 impose en particulier aux signataires de protéger tous les enfants contre l’exploitation et la violence sexuelle, et de prendre les mesures appropriées pour empêcher qu’ils soient forcés à se livrer à des activités sexuelles illégales et qu’ils soient exploités à des fins de prostitution. Le Canada a ratifié la convention en décembre 1991.

En 1999, la communauté internationale s’est à nouveau intéressée aux droits de l’enfant dans la Convention concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination169, de l’Organisation internationale du travail. L’article 1 et le paragraphe 3b) demandent aux États parties de prendre des mesures pour éliminer les pires formes de travail des enfants, y compris l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution. Le Canada a ratifié cette convention en juin 2000.

Enfin, le Canada a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants170 au mois de septembre 2005. L’article 1 du protocole demande à tous les États parties d’interdire la «  prostitution des enfants  », cette expression désignant «  le fait d’utiliser un enfant aux fins d’activités sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d’avantage  ». Les signataires doivent également sanctionner dans leur droit pénal le fait d’offrir, de remettre ou d’accepter un enfant à des fins de prostitution171.

Ces conventions, déclarations et protocoles condamnent l’exploitation des femmes à des fins de prostitution plutôt que la prostitution en soi. Ils veillent à ne pas s’y attaquer, préférant cibler l’exploitation et la violence liée à la prostitution. Le protocole sur la traite est conçu dans ce cadre, condamnant toutes les formes de traite de personnes et reconnaissant que la traite est intimement liée à l’exploitation de la prostitution et du travail d’autrui.

Par contre, les mêmes instruments internationaux condamnent toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, ciblant les responsables, c’est-à-dire les personnes qui offrent, remettent ou acceptent un enfant à des fins de prostitution.

C. L’EXÉCUTION DE LA LOI

1. Article 213

L’article 213, la disposition relative aux communications,est celui qui a les plus grandes répercussions sur la vie des personnes qui se livrent à la prostitution à partir de la rue. C’est aussi celui qui a été le plus critiqué par les témoins qui ont comparu devant le Sous-comité. Même si certains témoins, principalement des policiers et des résidants, ont soutenu que cette disposition constitue l’un des rares moyens qui existent actuellement pour combattre la prostitution et réduire le préjudice pour les personnes qui s’y livrent et les collectivités, les témoins ont été quasi unanimes à déclarer que l’article 213 n’est pas un outil efficace pour réaliser le mandat du Sous-comité relativement à la sécurité des personnes prostituées et des collectivités. Cela s’explique principalement par le fait que son but était de s’attaquer aux aspects de nuisance plutôt qu’à l’ensemble du problème de la prostitution172.

(a) Statistiques et caractéristiques démographiques

L’article 213 est de loin la disposition la plus utilisée de l’ensemble des dispositions du Code criminel relatives à la prostitution. C’est aussi la base la plus fréquente des poursuites intentées. Dans son principe et son application, le premier objectif est de contrôler la prostitution de rue et les nuisances connexes. Les témoignages présentés au Sous-comité soulignaient que cette disposition est la plus facile à appliquer et qu’elle est à l’origine de la plupart des plaintes présentées à la police. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 213 en 1985, les infractions relatives aux communications représentent plus de 90 p. 100 de l’ensemble des infractions liées à la prostitution déclarées par la police173.

Les statistiques concernant le recours à l’article 213 révèlent un déséquilibre manifeste sur le double plan du sexe et du rôle (client versus personne prostituée), en ce qui concerne tant les déclarations de culpabilité que les sentences prononcées. Même si le nombre des personnes accusées aux termes de l’article 213 semble se répartir à peu près également entre les hommes (majoritairement des clients)174 et les femmes, celles-ci sont plus souvent condamnées et écopent de peines plus sévères. Voici quelques chiffres qui illustrent cette tendance pour 2003-2004175 :

  • 68 p. 100 des femmes ayant fait l’objet d’accusations aux termes de l’article 213 ont été déclarées coupables, tandis que 70 p. 100 des accusations portées contre des hommes aux termes de la même disposition ont été suspendues ou retirées.

  • Après la déclaration de culpabilité, un peu moins de 40 p. 100 des femmes ont été condamnées à des peines de prison, tandis qu’un peu moins de 40 p. 100 des hommes ont été condamnés à une amende et un peu plus de 5 p. 100 à une peine d’emprisonnement.

  • En 2003-2004, 92 p. 100 des personnes condamnées à la prison en vertu de l’article 213 étaient de sexe féminin.

À cause de l’environnement marginalisé dans lequel elles vivent, les personnes prostituées peuvent avoir un casier judiciaire176 et être exposées à des peines plus sévères que leurs clients. Même si l’article 213 ne définit qu’une infraction punissable par procédure sommaire qui s’applique autant aux personnes prostituées qu’aux clients, à cause de leur mode de vie et de la relation qu’elles entretiennent souvent avec la justice, beaucoup de personnes prostituées ne se présentent pas au tribunal, ce qui amène les juges à signer un mandat d’amener. Lorsque ces personnes sont arrêtées, elles sont par conséquent accusées d’infractions plus graves — telles que entrave à la justice, tentative d’entrave à la justice, défaut de comparaître — pouvant entraîner la création d’un casier judiciaire. Cette situation est assez courante parce que les personnes qui se livrent à la prostitution plaident souvent coupable aux premiers stades de la procédure177. Ann Pollack, de la British Columbia Civil Liberties Association, a bien décrit les circonstances dans lesquelles cela se produit :

Des accusations sont portées contre les femmes, qui se retrouvent devant les tribunaux pour ne pas se manifester le jour de leur comparution, ce qui veut dire qu’elles font par la suite l’objet d’un mandat d’arrêt décerné en séance [...] C’est comme ça que ce qui, au départ, n’était qu’un crime banal, se transforme en peine d’emprisonnement non négligeable [...] Si quelqu’un était reconnu coupable de racolage, en général les sanctions ne seraient pas très sévères, il n’y aurait pas de peine d’emprisonnement. Mais quand on commence à prendre en compte les violations des restrictions spatiales et les défauts de comparaître, tous ces crimes procéduraux se rajoutent à l’infraction qui était banale au départ mais qui s’est transformée en crime passible d’emprisonnement178.

Les statistiques révèlent qu’en revanche les clients s’en tirent avec des sanctions plus légères et moins de condamnations que les personnes prostituées en vertu de l’article 213. Ils parviennent ordinairement à éviter des poursuites complètes et des peines d’emprisonnement en acceptant de participer à un programme spécial de sensibilisation (john school), au terme duquel les accusations dont ils font l’objet sont suspendues ou retirées. Il est bien possible que les clients réagissent mieux à la dissuasion, par crainte que leur famille ne soit mise au courant ou, plus généralement, que leur réputation ne soit ternie179. Voici ce qu’en a dit le détective Howard Page, du Service de police de Toronto :

J’estime que, en raison de la situation déplorable que vivent ces femmes, il y a un écart énorme entre les peines imposées aux prostituées et les peines et les solutions de rechange qu’on offre aux clients [...] je crois qu’il y a un système de deux poids, deux mesures [...] puisque le système judiciaire impose l’incarcération pour une certaine période aux travailleurs du sexe, tandis que leurs clients peuvent, avec de l’argent, éviter d’avoir un casier judiciaire. Je trouve cela inacceptable et répugnant, je trouve que cela fait des prostitués des victimes, parce que ce sont les prostitués qui sont stigmatisés, parce que l’infraction qu’ils ont commise est réprimée plus sévèrement que celle des clients180.

(b) Problèmes d’application

Tel qu’il est mentionné précédemment, l’article 213 est le plus facile à mettre en vigueur parmi toutes les dispositions du Code criminel liées à la prostitution. Le plus souvent, les infractions sont établies grâce à l’utilisation d’agents en civil jouant le rôle de clients ou de personnes prostituées, qui peuvent alors témoigner devant un tribunal au sujet des communications illicites. Toutefois, l’organisation de ces «  opérations d’infiltration  » est à l’origine de disparités dans les poursuites intentées contre des hommes et des femmes. Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution avait noté dans son rapport un fait qu’ont confirmé les agents de police ayant comparu devant nous : il est plus facile pour la police d’organiser des opérations d’infiltration contre les vendeurs plutôt que les acheteurs de sexe, surtout à cause des risques que courent les agents de police jouant le rôle de femmes qui se livrent à la prostitution.

L’application de l’article 213 place les enfants et les jeunes dans une situation difficile, ce qui a amené la police à modifier son approche avec le temps. En principe, l’article 213 s’applique également aux adultes et aux mineurs. L’âge ne compte pas quand il s’agit de porter une accusation pour une infraction de communication181. Toutefois, tant la police que la société assimilent l’implication de mineurs dans la prostitution à l’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. Les mineurs «  se trouvent dans la situation particulière où ils ont commis une infraction criminelle tout en étant victimes de leur acte182  ».

Les pratiques policières ont donc commencé à changer. La police use le plus souvent de ses pouvoirs discrétionnaires pour ne pas porter d’accusations contre des enfants et des jeunes, préférant plutôt recourir à d’autres moyens, par exemple sensibiliser l’enfant aux dangers de la prostitution, le ramener chez lui ou le placer dans un refuge183. En 2003, les infractions relatives à la prostitution juvénile représentaient moins de 1 p. 100 de l’ensemble des infractions liées à la prostitution et le nombre d’incidents déclarés à la police était passé de 181 en 1994 à 41 en 2003184.

2. Articles 210 et 211

De nombreuses préoccupations ont été exprimées au sujet de l’application et de l’interprétation des articles 210 et 211 relatifs aux maisons de débauche : mise en vigueur inégale par rapport aux dispositions sur la communication, difficultés de mise en application et portée excessive s’étendant à des contextes extérieurs à la prostitution.

(a) Statistiques et mise en vigueur

Contrairement à l’article 213, les dispositions relatives aux maisons de débauche sont rarement mises en vigueur par la police parce que les infractions correspondantes passent souvent inaperçues dans une procédure de poursuites principalement fondée sur les plaintes. Même si des témoins ont mentionné que la prostitution en établissement est très répandue à tous les niveaux de la société185, le taux des incidents mettant en cause des maisons de débauche est inférieur à
1 par 100 000 habitants186. Le problème est essentiellement que «  le travail que les policiers doivent faire à l’avance pour mener les opérations ciblées à l’intérieur est considérable, en comparaison de ce qui se fait dans la rue...187.  » Les policiers qui ont comparu devant nous ont noté que la mise en vigueur des articles 210 et 211 coûte cher en temps et en argent parce qu’elle nécessite de longues opérations de surveillance. Il y a aussi le fait que les responsables des établissements soutiennent ordinairement qu’ils font payer un droit pour des services légitimes et qu’ils ne sont pas au courant des activités illicites menées sur les lieux. Souvent, ils s’en tirent en faisant porter le blâme sur les personnes qui vendent des services sexuels dans leurs établissements188.

De nombreux témoins ont critiqué cette application inégale des articles de loi, soulignant qu’elle a pour conséquence de hiérarchiser le milieu de la prostitution. Là où la prostitution ne se fait pas à la vue du public, elle passe inaperçue pour la justice. Ils ont soutenu que la loi sert à protéger le public contre des nuisances pouvant porter préjudice à la collectivité, en mettant de côté les préjudices que peuvent subir les personnes qui se livrent à la prostitution. Plusieurs témoins ont abordé ce sujet au cours de nos audiences :

À Montréal, par exemple, les salons de massage et les agences d’escorte, où s’exerce une grande part de l’activité prostitutionnelle, ne font que très rarement l’objet d’interventions policières, contrairement à la rue, où se concentre l’essentiel de l’activité policière [...] Ainsi, les policiers ne se rendent que rarement dans ces lieux où se cache la prostitution [...] Quand on se cache dans les salons de massage ou dans les agences d’escorte, c’est toléré; c’est même pratiquement accepté. Dans la rue, c’est davantage un problème. Là, c’est pénalisé189.

À nos yeux, l’un des problèmes que pose la législation sur la prostitution est son caractère à la fois illogique et hypocrite [...] On peut gérer un service d’escorte ou de massage en toute impunité, mais lorsqu’on pratique dans la rue, la législation canadienne semble alors s’appliquer. Il semble que ce soit l’endroit où la prostitution se pratique qui détermine l’offense, et non pas sa pratique190.

En ce qui concerne les activités d’application de la loi et leurs conséquences pour les prostituées, on remarque malheureusement qu’au Canada, elles sont très déséquilibrées et qu’elles visent de façon disproportionnée la population vulnérable des prostituées de rue, prêtant peu d’attention aux clients et aux souteneurs [...] 191

(b) Portée excessive

Le Sous-comité a aussi appris que l’article 210 est régulièrement utilisé dans des contextes extérieurs à la prostitution. Se fondant sur la définition d’une maison de débauche figurant au paragraphe 197(1), qui comprend un local utilisé aussi bien à des fins de prostitution que pour la pratique d’actes d’indécence, la police recourt à l’article 210 pour cibler les établissements de bains publics et de saunas qui offrent des services à la communauté gaie ainsi que les «  clubs échangistes  »192. Tout en reconnaissant l’importance de la question, le Sous-comité croit que l’examen des bains publics homosexuels et des clubs échangistes dépasse le cadre de son mandat. Il propose donc au Comité permanent de la justice, des droits de la personne de la Chambre des communes d’entreprendre un examen de cette question pour garantir la protection des droits de tous les citoyens.

3. Article 212

L’article 212 sur le proxénétisme cible les aspects les plus clairement exploiteurs et abusifs de la prostitution; cependant, en pratique, l’article est sous-utilisé, principalement à cause de difficultés d’application et du refus de collaborer aux enquêtes de plusieurs personnes qui se livrent à des activités de prostitution.

(a) Statistiques et mise en vigueur

Comme dans le cas des dispositions sur les maisons de débauche, les articles du Code criminel relatifs au proxénétisme sont rarement utilisés pour porter des accusations. Sous-déclarés et faisant rarement l’objet de poursuites, les incidents de proxénétisme représentent moins de 1 p. 100 de l’ensemble des incidents déclarés liés à la prostitution. Même quand des accusations sont portées, elles sont le plus souvent suspendues ou retirées. En 2003-2004, des accusations ont été portées dans 51 p. 100 des cas, dont 38 p. 100 seulement ont donné lieu à des déclarations de culpabilité193.

Contrairement aux dispositions sur les maisons de débauche, ces chiffres découlent non d’une mise en application manquant d’objectivité, mais de la difficulté de réunir des preuves suffisantes pour intenter des poursuites aux termes de l’article 212. Les activités de proxénétisme sont le plus souvent très clandestines et ne sont ordinairement révélées que lorsqu’une personne s’adresse à la police pour obtenir de l’aide. Ce ne sont donc que les cas extrêmes de violence ou d’exploitation qui font l’objet de poursuites194.

Malheureusement, si, pour agir, il faut attendre la dénonciation d’une personne, une déclaration de culpabilité nécessite aussi que cette personne vienne témoigner devant un tribunal. Or les personnes qui vendent des services sexuels hésitent souvent à témoigner contre les proxénètes par crainte de représailles et par manque de confiance dans la police. De plus, le Sous-comité a appris de plusieurs sources que, lorsque les personnes acceptent de témoigner, dans bien des cas «  leur crédibilité est sérieusement mise en doute à cause de leur mode de vie195  ». Comme l’a dit Richard Dugal, du Service de police d’Ottawa :

[b]ien souvent, la difficulté tient au fait que nous devons compter sur le témoignage d’une personne travaillant dans l’industrie du sexe. Ce témoin se compare à une femme battue. En pareil cas, même dans les meilleures circonstances, il est extrêmement difficile d’obtenir une dénonciation et de poursuivre le processus jusqu’au tribunal. L’atmosphère et le milieu de la prostitution sont fondés sur une exploitation extrême. On a affaire dans bien des cas à des personnes qui ont subi un lavage de cerveau [...] Par conséquent, même si elles ont été victimes d’agressions horribles [...] ces personnes ne sont pas prêtes à engager des poursuites [...] Le témoignage des victimes fait évidemment partie de la preuve et les tribunaux y accordent généralement beaucoup de poids. En outre, il y a des faits spécifiques que nous devons prouver. Dans les cas de violence conjugale, le système judiciaire a décidé que les tribunaux pouvaient accepter en preuve davantage d’éléments connexes — ou une preuve plus large qu’une preuve directe — par opposition, d’après mon expérience, à ce qui se fait lorsque des personnes sont accusées de proxénétisme ou d’avoir vécu des produits de la prostitution196.

(b) Portée excessive

La portée excessive de la disposition interdisant de vivre des produits de la prostitution a été l’un des principaux sujets de plaintes des personnes impliquées dans la vente de services sexuels. Ces personnes — entre autres — ont dit que l’alinéa 212(1)j) a une portée excessive puisqu’il englobe facilement les personnes qui les entourent dans leur vie tant personnelle que professionnelle. Conséquemment, elles nous ont dit vivre constamment dans la crainte de voir des colocataires ou des conjoints accusés de vivre des produits de la prostitution. La disposition s’applique en outre à leurs employeurs et aux gardiens de sécurité197, dont la présence est essentielle pour assurer leur sécurité.

Même si de nombreuses décisions judiciaires, y compris l’arrêt R. c. Downey de la Cour suprême du Canada, ont établi qu’une déclaration de culpabilité en vertu de l’alinéa 212(1)j) nécessite de prouver que l’accusé vit en parasite aux frais d’une personne prostituée198, la présomption réfutable de culpabilité contenue dans le paragraphe 212(3) peut facilement donner lieu à une interprétation trop large par l’agent portant les accusations ou par le tribunal, ce qui inquiète les personnes entourant les personnes prostituées. Ce point de vue a également été exprimé par un grand nombre d’organisations :

[...] la société Pivot estime que cet article du Code criminel est trop large et qu’il interdit des activités qui pourraient améliorer la sécurité des travailleurs du sexe. Par exemple, certains travailleurs du sexe aimeraient travailler pour un employeur ou dans un environnement où ils pourraient travailler collectivement et partager les aspects administratifs ou organisationnels de leur travail; cependant, en raison des dispositions sur le proxénétisme, qui interdisent d’induire ou de tenter d’induire une personne à se prostituer et qui ont été interprétées de façon très large par nos tribunaux, certaines activités que nous ne considérons pas nécessairement comme des actes criminels pourraient faire l’objet de poursuites en vertu de cet article. Par exemple, si un travailleur du sexe adresse un bon client à un autre travailleur du sexe, contre rémunération, il serait visé par cette loi. Qui plus est, toute personne qui assume des fonctions de gestion pourrait être poursuivie en vertu de cet article [...] Ainsi, le mari ou le conjoint d’un travailleur du sexe pourrait être passible d’accusations criminelles parce qu’il partage le revenu de son conjoint199.

(c) Mineurs

Les souteneurs et les clients qui exploitent sexuellement des enfants et des jeunes à des fins de prostitution font partie des principales cibles de l’article 212. Toutefois, les enfants et les jeunes hésitent encore plus que les adultes à témoigner devant un tribunal à cause de diverses craintes et de facteurs tenant à leur mode de vie.

Les statistiques concernant le recours à l’article 212 dans le cas d’enfants et de jeunes sont assez difficiles à interpréter parce que les pratiques varient d’une province à l’autre. Par exemple, les services de police de certaines provinces recourent à l’alinéa 212(1)h) aussi bien pour les jeunes que pour les adultes, tandis que d’autres invoquent le paragraphe 212(2) dans le cas des jeunes. De ce fait, les statistiques de certaines provinces ne permettent pas de déterminer avec sûreté le nombre d’infractions mettant en cause des mineurs200.

Le Sous-comité a été informé que l’une des principales préoccupations exprimées au sujet de l’application de l’article 212 pour punir l’exploitation sexuelle des enfants et des jeunes à des fins de prostitution est que, malgré la sévérité des peines maximales prévues, peu de juges s’en servent. Dans son rapport, le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution note que ce sont les tribunaux de l’Alberta qui ont le plus souvent imposé les peines les plus sévères aux proxénètes, les condamnant à la prison pour 3 à 9 ans (notons que la peine maximale est de 14 ans). Beaucoup de témoins ont exprimé de la frustration, considérant ces peines comme trop légères par rapport à la gravité du crime. D’après le rapport du Groupe de travail, deux grands facteurs expliqueraient cemanque de sévérité : le fait que les tribunaux ne comprennent pas les répercussions du proxénétisme sur les enfants et les jeunes et la mise en vigueur insuffisante de dispositions telles que le paragraphe 212(4)201.



111Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, Rapport et recommandations relatives à la législation, aux politiques et aux pratiques concernant les activités liées à la prostitution, décembre 1998, p. 6.
112Rapport Fraser, p. 435-436; Richard Mosley, conseiller juridique, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 7 octobre 2003.
113Rapport Fraser, p. 435-436; John Lowman, professeur, département de criminologie, Université Simon Fraser, témoignage devant le Sous-comité, 21 février 2005.
114Rapport Fraser, p. 403-404; John Lowman, témoignage devant le Sous-comité, 21 février 2005.
115Rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme, Ottawa, Information Canada, 1970.
116Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 6; James Robertson, La prostitution, Bibliothèque du Parlement, Bulletin d’actualité, 19 septembre 2003, p. 2.
117Richard Mosley, conseiller juridique, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 7 octobre 2003.
118Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 7.
119[1978] 2 R.C.S. 476. Dans cette affaire, un agent de police en civil a permis à l’accusée d’entrer dans sa voiture. Elle s’est alors identifiée comme prostituée et a commencé à discuter de ses conditions. La Cour a jugé qu’une telle conduite ne s’inscrivait pas dans le champ d’application de l’article 195.1, que le Parlement avait adopté à l’origine pour interdire les actes qui «  peuvent effectivement gêner le public  ».
120Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 7.
121Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 7; John Lowman, professeur au département de criminologie de l’Université Simon Fraser, témoignage devant le Sous-comité, 21 février 2005; James Robertson, La prostitution, p. 3.
122John Lowman, professeur au département de criminologie de l’Université Simon Fraser, témoignage devant le Sous-comité, 21 février 2005.
123Commission de réforme du droit du Canada, Rapport sur les infractions sexuelles (Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada: Rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des femmes, 1978).
124Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes, Infractions sexuelles à l'égard des enfants au Canada : Rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des jeunes, 1984.
125Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 7.
126Ibid., p. 6.
127Rapport Fraser, p. 573.
128Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 8; R. v. Smith (1989), 49 C.C.C. (3d) 127 (Cour d’appel de la Colombie-Britannique).
129Lucie Angers, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 31 janvier 2005.
130A. Brannigan, L. Knafla et C. Levy, Street Prostitution: Assessing the Impact of the Law, Calgary, Regina, Winnipeg (Ottawa, ministère de la Justice, 1989).
131Quatrième rapport du Comité permanent de la justice et du solliciteur général sur l’article 213 du Code criminel (Prostitution - racolage), 4 octobre 1990.
132Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 7.
133S.R. 1985, c. I-1.
134James Robertson, La prostitution, p. 13-15.
135Mis en vigueur en mai 1997, le projet de loi C-27 modifiant le Code criminel avait pour but de protéger les jeunes de l’exploitation à des fins de prostitution et de permettre aux autorités de poursuivre plus facilement les Canadiens impliqués dans des infractions d'ordre sexuel visant des enfants, tant au Canada qu'à l'étranger. Le projet de loi C-27 : 1) Crée une nouvelle infraction, punissable par mise en accusation, de « proxénétisme grave », pour les personnes qui usent de violence ou d’intimidation afin d’obliger un jeune à se livrer à la prostitution; 2) Facilite l’exécution de la disposition interdisant le proxénétisme à l’égard de mineurs en prévoyant des poursuites contre quiconque obtient les services sexuels d'une personne qu’il croit âgée de moins de 18 ans. Toutefois, aux termes de la modification, la preuve que la personne de qui l'accusé a obtenu des services sexuels lui a été présentée comme ayant moins de 18 ans constitue, sauf preuve contraire, la preuve que l'accusé croyait qu'elle avait moins de 18 ans. Cette disposition a permis à la police de recourir à des agents en civil plutôt que d’utiliser des jeunes comme leurres; 3) Prévoit des protections spéciales pour amoindrir le fardeau des jeunes qui témoignent devant un tribunal dans des affaires liées à la prostitution, y compris les ordonnances de non-publication et la possibilité de témoigner hors-tribunal, derrière un écran ou sur bande magnétoscopique. Le gouvernement a également déposé le projet de loi C-51 en juin 1998 pour donner suite au rapport du Groupe de travail et à ses préoccupations au sujet des jeunes exploités sexuellement. Visant à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions impliquant des mineurs, le projet de loi a précisé la disposition en supprimant les mots « ou tente d'obtenir » et en ajoutant « ou communique avec quiconque en vue d'obtenir, moyennant rétribution, de tels services ». Grâce à cette modification, il n’est plus nécessaire en pratique de prouver que l'accusé savait que la victime avait moins de 18 ans, comme l'exigeait le projet de loi C-27. Le projet de loi C-51 facilitait également les poursuites, en cas d'infractions liées à la prostitution, en permettant à la police de recourir à la surveillance électronique au cours des enquêtes sur les affaires de prostitution. Voir Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 12; James Robertson, La prostitution, p. 19-22.
136213. (1) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, dans un endroit soit public soit situé à la vue du public et dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre : a) soit arrête ou tente d’arrêter un véhicule à moteur; b) soit gêne la circulation des piétons ou des véhicules, ou l’entrée ou la sortie d’un lieu contigu à cet endroit; c) soit arrête ou tente d’arrêter une personne ou, de quelque manière que ce soit, communique ou tente de communiquer avec elle.
(2) Au présent article, « endroit public » s’entend notamment de tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite; y est assimilé tout véhicule à moteur situé dans un endroit soit public soit situé à la vue du public.
137L’article 197(1) définit ainsi «  endroit public  » : «  Tout lieu auquel le public a accès de droit ou sur invitation, expresse ou implicite.  » Cela comprend tout lieu situé à la vue du public, y compris une voiture qui se trouve sur un chemin public. Voir R. v. Smith (1989), 49 C.C.C. (3d) 127 (Cour d’appel de la Colombie-Britannique).
138Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123; R. c. Stagnitta, [1990] 1 R.C.S. 1226.
139Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.); R. c. Skinner, [1990] 1 R.C.S. 1235; R. c. Stagnitta.
140210. (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans quiconque tient une maison de débauche.
(2) Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas : a) habite une maison de débauche; b) est trouvé, sans excuse légitime, dans une maison de débauche; c) en qualité de propriétaire, locateur, occupant, locataire, agent ou ayant autrement la charge ou le contrôle d’un local, permet sciemment que ce local ou une partie du local soit loué ou employé aux fins de maison de débauche.
211. Est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, sciemment, mène ou transporte ou offre de mener ou de transporter une autre personne à une maison de débauche, ou dirige ou offre de diriger une autre personne vers une maison de débauche.
141R. c. Patterson, [1968] R.C.S. 157; R. c. Sorko, [1969] 4 C.C.C. 214 (Cour d’appel de la Colombie-Britannique); R. c. Rockert, [1978] 2 R.C.S. 704; R. v. Ikeda (1978), 42 C.C.C. (2d) 195 (Cour d’appel de l’Ontario); R. c. Lahaie (1990), 55 C.C.C. (3d) 572 (Cour d’appel du Québec); William A. Schabas, Les infractions d’ordre sexuel (Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1995), p. 107; Recherche du Conseil du statut de la femme, La prostitution : profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre (mai 2002), p. 119.
142R. v. Pierce (1982), 37 O.R. (2d) 721 (Cour d’appel de l’Ontario).
143R. c. Tremblay, [1993] 2 R.C.S. 932; Recherche du Conseil du statut de la femme, «  La Prostitution : Profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre », p. 122.
144R. c. Theirlynck (1931), 56 C.C.C. 156 (CSC).
145Paragraphe 197(1); R. c. Corbeil, [1991] 1 R.C.S. 830.
146R. c. Worthington (1972), 10 C.C.C. (2d) 311 (Cour d'appel de l'Ontario).
147R. c. Lemieux (1991), 70 C.C.C. (3d) 434 (Cour d'appel du Québec).
148R. c. Wong (1977), 33 C.C.C. (2d) 6 (Cour d'appel de l'Alberta); R. c. Corbeil.
149212. (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, selon le cas : a) induit, tente d’induire ou sollicite une personne à avoir des rapports sexuels illicites avec une autre personne, soit au Canada, soit à l’étranger; b) attire ou entraîne une personne qui n’est pas prostituée vers une maison de débauche aux fins de rapports sexuels illicites ou de prostitution; c) sciemment cache une personne dans une maison de débauche; d) induit ou tente d’induire une personne à se prostituer, soit au Canada, soit à l’étranger; e) induit ou tente d’induire une personne à abandonner son lieu ordinaire de résidence au Canada, lorsque ce lieu n’est pas une maison de débauche, avec l’intention de lui faire habiter une maison de débauche ou pour qu’elle fréquente une maison de débauche, au Canada ou à l’étranger; f) à l’arrivée d’une personne au Canada, la dirige ou la fait diriger vers une maison de débauche, l’y amène ou l’y fait conduire; g) induit une personne à venir au Canada ou à quitter le Canada pour se livrer à la prostitution; h) aux fins de lucre, exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne de façon à démontrer qu’il l’aide, l’encourage ou la force à s’adonner ou à se livrer à la prostitution avec une personne en particulier ou d’une manière générale; i) applique ou administre, ou fait prendre, à une personne, toute drogue, liqueur enivrante, matière ou chose, avec l’intention de la stupéfier ou de la subjuguer de manière à permettre à quelqu’un d’avoir avec elle des rapports sexuels illicites; j) vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne.
(2) Par dérogation à l’alinéa (1)j), est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne âgée de moins de dix-huit ans.
(2.1) Par dérogation à l’alinéa (1)j) et au paragraphe (2), est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement minimal de cinq ans et maximal de quatorze ans quiconque vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne âgée de moins de dix-huit ans si, à la fois : a) aux fins de profit, il l’aide, l’encourage ou la force à s’adonner ou à se livrer à la prostitution avec une personne en particulier ou d’une manière générale, ou lui conseille de le faire; b) il use de violence envers elle, l’intimide ou la contraint, ou tente ou menace de le faire.
(3) Pour l’application de l’alinéa (1)j) et des paragraphes (2) et (2.1), la preuve qu’une personne vit ou se trouve habituellement en compagnie d’un prostitué ou vit dans une maison de débauche constitue, sauf preuve contraire, la preuve qu’elle vit des produits de la prostitution.
(4) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque, en quelque endroit que ce soit, obtient, moyennant rétribution, les services sexuels d’une personne âgée de moins de dix-huit ans ou communique avec quiconque en vue d’obtenir, moyennant rétribution, de tels services.
150R. c. Downey, [1992] 2 R.C.S. 10; Recherche du Conseil du statut de la femme, «  La Prostitution : Profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre »,, p. 125.
151R. c. Grilo (1991), 64 C.C.C. (3d) 53 (Cour d'appel de l'Ontario); R. c. Bramwell (1993), 86 C.C.C. (3d) 418 (Cour d'appel de la Colombie-Britannique); R. c. Celebrity Enterprises Ltd. (1998), 41 C.C.C. (2d) 540 (Cour d'appel de la Colombie-Britannique).
152R. c. Deutsch, [1986] 2 R.C.S. 2.
153R. c. Perrault (1996), 113 C.C.C. (3d) 573 (Cour d'appel du Québec).
154Recherche du Conseil du statut de la femme, «  La Prostitution : Profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre », p. 126.
155Les enfants bénéficient de protections supplémentaires grâce aux dispositions spécifiques relatives à l’exploitation sexuelle et à l’enlèvement.
156Malgré le fait que la liste n’est pas exhaustive, elle donne une idée de l’ensemble des dispositions générales disponibles dans le Code criminel.
157Deborah Brock, professeur au département de sociologie de l'Université York, témoignage devant le Sous-comité, 9 février 2005.
158Résolution A/RES/217 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 1948.
159999 U.N.T.S. 171, 1976.
160993 U.N.T.S. 3, 1976.
1611249 U.N.T.S. 13, 1979.
162A/CONF.177/20 1995 et A/CONF.177/20/Add.1 1995.
163Ibid., paragr. 130.
164Ibid, paragr. 230 m) et 283 d).
165Résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 2000.
166Ibid., art. 3.
167Résolution 44/25 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 1989.
168Recherche du Conseil du statut de la femme, «  La Prostitution : Profession ou exploitation? Une réflexion à poursuivre », p. 95.
169Organisation internationale du travail, Convention 182 (1999).
170Résolution 54/263 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 2000.
171Ibid., art. 3.
172Lucie Angers, avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 31 janvier 2005.
173Roy Jones, directeur, Centre canadien de la statistique juridique, témoignage devant le Sous-comité, 16 mai 2005.
174Les statistiques ne font pas de distinction entre les prostitués de sexe masculin et les clients, mais se fondent sur l'hypothèse que ces derniers forment la plus grande partie du groupe. Par conséquent, les proportions d'hommes et de femmes dans les statistiques ne représentent pas d'une façon très précise le rapport entre les personnes prostituées et les clients. Il est très probable que les chiffres réels feraient monter encore plus haut les pourcentages de personnes qui se livrent à la prostitution déclarées coupables et condamnées à des peines d'emprisonnement.
175Suzanne Wallace-Capretta, gestionnaire de la recherche, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 31 janvier 2005; Roy Jones, directeur, Centre canadien de la statistique juridique, témoignage devant le Sous-comité, 16 mai 2005; et documentation fournie par le Centre canadien de la statistique juridique, La prostitution au Canada (Statistique Canada), p. 12.
177Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 48; Suzanne Wallace-Capretta, gestionnaire de la recherche, ministère de la Justice, témoignage devant le Sous-comité, 31 janvier 2005.
178Ann Pollack, membre du conseil d'administration, British Columbia Civil Liberties Association, témoignage devant le Sous-comité, 30 mars 2005.
179Rapport Fraser, p. 421.
180Détective Howard Page, Service de police de Toronto, témoignage devant le Sous-comité, 15 mars 2005.
181L'âge de consentement aux activités sexuelles est fixé à l'article 150.1 du Code criminel, d'après lequel il n'y a pas infraction en cas de relations sexuelles consensuelles avec ou entre des personnes de 14 ans ou plus, à moins que les relations n'aient lieu dans le cadre d'une situation d'autorité ou de confiance. Dans ce dernier cas, des relations sexuelles avec une personne de plus de 14 ans mais de moins de 18 ans peut constituer une infraction, même si cette personne y a consenti. De plus, les relations consensuelles avec une personne de plus de 12 ans mais de moins de 14 ans peuvent ne pas constituer une infraction si l'accusé a moins de 16 ans et moins de deux ans de plus que le plaignant. La question de l'âge de consentement ne se pose pas en cas de prostitution d'un mineur, qui fait l'objet des infractions prévues aux paragraphes 212(2), 212(2.1) et 212(4). Comme l'a expliqué le sergent-détective John Muise, « cela n'a, en réalité, aucune incidence sur ces infractions ». L'infraction de proxénétisme grave s'applique indépendamment du consentement du mineur impliqué. De plus, l'infraction relative aux « communications » prévue à l'article 213 s'applique aussi à un mineur impliqué dans la prostitution.
182Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 31.
183Ibid., p. 32.
184Roy Jones, directeur, Centre canadien de la statistique juridique, témoignage devant le Sous-comité, 16 mai 2005; document du ministère de la Justice, Statistiques relatives aux infractions liées à la prostitution (art. 212 et 213 du Code criminel), p. 2.
185Tel que mentionné au chapitre deux, la prostitution hors-rue constitue environ 80 p. 100 ou des activités de prostitution. 
186Roy Jones, directeur, Centre canadien de la statistique juridique, témoignage devant le Sous-comité, 16 mai 2005.
187Dianna Bussey, directrice, Services correctionnels et de justice, Armée du Salut, témoignage devant le Sous-comité, 16 février 2005.
188Terry Welsh, Service de police d’Ottawa, témoignage devant le Sous-comité, 6 avril 2005; Rapport Fraser, p. 412.
189Aurélie Lebrun, agente de recherche, Alliance de recherche IREF-Relais femmes, témoignage devant le Sous-comité, 9 février 2005.
190Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale, REAL Women of Canada, témoignage devant le Sous-comité, 14 février 2005.
191Janet Epp Buckingham, directrice, Loi et politique publique, Alliance évangélique du Canada, témoignage devant le Sous-comité, 16 février 2005.
192Par exemple, les accusations contre Terry Haldane, de Calgary, ont finalement été retirées, mais il songe actuellement à contester cette disposition du Code criminel en vertu de la Charte. Voir également les décisions R. c. Kouri, 2004 IIJCan 2617 (Cour d’appel du Québec), et R. c. Labaye, 2004 IIJCan 2618 (Cour d’appel du Québec), qui sont toutes deux actuellement à l’étude à la Cour suprême du Canada.
193Document du ministère de la Justice, Statistiques relatives aux infractions liées à la prostitution (art. 212 et 213 du Code criminel), p. 10.
194Rapport Fraser, p. 390, 451-452.
195Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 50.
196Richard Dugal, Service de police d’Ottawa, témoignage devant le Sous-comité, 6 avril 2005.
197R. v. Barrow (2001), 155 C.C.C. (3d) 362 (Cour d’appel de l’Ontario); Downey.
198R. c. Downey, p. 45 : «  Le vrai parasite que l'al. 212(1)j) cherche à punir est celui envers qui la prostituée n'a par ailleurs aucune obligation légale ou morale. Ni le fait d'être une prostituée, ni celui d'être le conjoint d'une prostituée ou de vivre avec elle ne constituent une infraction. On peut choisir de vivre avec une prostituée ou de l'épouser sans encourir une responsabilité criminelle en raison des avantages financiers qui, vraisemblablement, découleront de la mise en commun des ressources et du partage des dépenses et des autres bénéfices qui normalement reviennent à tous ceux qui vivent une situation semblable.  »
199Katrina Pacey, directrice, Pivot Legal Society, témoignage devant le Sous-comité, 29 mars 2005.
200Rapport du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, p. 19.
201Ibid., p. 21-23.