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JUST Rapport du Comité

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CHAPITRE SEPT : DIFFICULTÉS À OBTENIR UN CONSENSUS — RECOMMANDATIONS ET CONCLUSIONS

A. INTRODUCTION

Comme dans d’autres pays, il n’y a guère de consensus au Canada autour de la question de la prostitution adulte, bien que l’on s’entende à l’unanimité sur le fait que l’exploitation sexuelle des mineurs par la prostitution ne doit pas être tolérée. Cette conclusion s’est imposée au Sous-comité après qu’il eut entendu près de 300 témoins dans le cadre des audiences publiques et privées tenues à Ottawa, Toronto, Montréal, Halifax, Vancouver, Edmonton et Winnipeg, du 31 janvier au 30 mai 2005. Dans le cadre de notre examen des dispositions du Code criminel portant sur la prostitution, nous avons constaté une divergence d’opinions concernant la nature de la prostitution, ses causes et ses effets ainsi que les mesures à prendre pour régler le problème.

B. LES RECOMMANDATIONS UNANIMES DU SOUS-COMITÉ 

Malgré les divergences d’opinions et les points de vue contradictoires dans les témoignages et parmi les membres du Sous-comité, quelques points d’entente ressortent de l’étude et ont jeté les bases de recommandations solides.

Tout d’abord, le Sous-comité estime qu’il ne faut jamais tolérer la violence, la discrimination et l’intimidation contre les personnes qui vendent des services sexuels.

L’exploitation sexuelle commerciale des mineurs

Comme tous les témoins, le Sous-comité estime aussi que l’exploitation sexuelle des mineurs (agés de moins de 18 ans) est un crime grave qui doit faire l’objet de lourdes sanctions. Afin de créer un environnement au sein duquel l’exploitation sexuelle des mineurs est vigoureusement condamnée, les forces policières doivent avoir suffisamment de ressources et de formation pour veiller à la répression pleine et entière des personnes qui utilisent et exploitent sexuellement des enfants et des jeunes par le biais de la prostitution.

RECOMMANDATION 1

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada voie à ce que l’exploitation sexuelle commerciale des mineurs (agés de moins de 18 ans) demeure un crime grave faisant l’objet de lourdes sanctions et que les forces policières reçoivent suffisamment de ressources et de formation pour veiller à la répression pleine et entière, en vertu de la loi, des personnes qui utilisent et exploitent sexuellement des enfants et des jeunes par le biais de la prostitution.

La traite des personnes

Le Sous-comité insiste sur le fait qu’il faut interdire la traite des personnes, intenter les poursuites qui s’imposent et offrir une aide et des services adéquats aux victimes. Certes, le Sous-comité salue les initiatives prises par le Canada pour lutter contre ce crime grave, mais il reconnaît qu’il reste encore du chemin à faire, surtout quant à la formation des forces policières et à la prestation des services et des programmes destinés aux victimes. Pour poursuivre efficacement les trafiquants, les forces policières doivent recevoir suffisamment de ressources et de formation. Par conséquent :

RECOMMANDATION 2

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada voie à ce que le problème de la traite des personnes demeure une priorité, afin que les victimes bénéficient d’une aide et de services adéquats, et que les trafiquants soient traduits devant la justice.

Le statu quo est inacceptable

Le mandat du Sous-comité était de tenter d’améliorer la sécurité des personnes qui vendent leurs services sexuels et des collectivités en général. Après avoir examiné les lois criminelles entourant la prostitution avec ce mandat en tête, les membres du Sous-comité s’accordent à dire que le statu quo est inacceptable. Le cadre social et juridique en matière de prostitution adulte n’est pas efficace pour prévenir et contrer la prostitution, l’exploitation et la violence qui ont cours dans le milieu de la prostitution, ni pour prévenir ou réparer les torts causés aux collectivités. Il doit donc être réformé ou renforcé. Cette opinion reflète celle de la vaste majorité des témoins entendus par le Sous-comité de même que les conclusions des principales études sur la prostitution menées au cours des 20 dernières années.

Les lois criminelles en matière de prostitution ne sont pas appliquées également

Les membres reconnaissent que les lois actuelles en matière de prostitution ne sont pas appliquées également, «  ce qui a favorisé l’émergence d’une industrie du sexe à deux paliers [au sein de laquelle] les prostitués détenant un permis et ne travaillant pas dans la rue, dont les services sont plus chers, agissent en toute impunité, ou peu s’en faut273  » tandis que les personnes plus vulnérables et marginalisées — celles qui se livrent à la prostitution de rue, surtout les Autochtones et les personnes transsexuelles ou transgenres ainsi que les toxicomanes — sont régulièrement arrêtées. Contrairement à l’article 213 du Code criminel, les autres dispositions portant sur la prostitution (articles 210 à 212) sont rarement appliquées par les policiers et échappent souvent au radar du mécanisme de poursuite fondé sur les plaintes. Bien que la prostitution de rue ne représente que 5 à 20 p. 100 des activités liées à la prostitution, elle représente néanmoins plus de 90 p. 100 de tous les incidents liés à la prostitution rapportés par les policiers. Il est donc évident que la loi est appliquée d’une manière inégale. Par conséquent :

RECOMMANDATION 3

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse que le statu quo sur les lois canadiennes entourant la prostitution est inacceptable et que les lois actuelles ne sont pas appliquées également.

L’urgent besoin de lois et de programmes

Le Sous-comité en est arrivé à la conclusion qu’il faut établir des lois et des programmes pour protéger les gens contre l’exploitation, prévenir celle-ci et les aider à reprendre leur vie en main. Il est primordial de lancer des campagnes de sensibilisation et de prévoir des programmes s’attaquant aux causes sous-jacentes, comme la pauvreté, l’inégalité sociale et l’exploitation sexuelle, afin d'éviter que des personnes s’engagent dans la prostitution par manque de choix ou par la force. Par ailleurs, il faut également prévoir des stratégies d’abandon afin d’aider les personnes qui veulent se sortir de la prostitution à reprendre le contrôle de leur vie. Comme bon nombre de témoins, le Sous-comité croit fermement que, pour réduire la prostitution de survie, il faut instaurer divers programmes et services sociaux, afin de s’attaquer aux facteurs sous-jacents qui ne laissent à certaines personnes pas d’autres choix que de se livrer à la prostitution. Par conséquent :

RECOMMANDATION 4

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada établisse et développe des campagnes de sensibilisation et des programmes afin d’éviter que des personnes s’engagent dans la prostitution par manque de choix ou par la force, et afin de sensibiliser les jeunes, les enfants et la société aux risques d’être entraînés de force dans le milieu de la prostitution. Le gouvernement doit également collaborer avec d’autres niveaux de gouvernement, des institutions et des organisations non gouvernementales pour élaborer des stratégies d’abandon permettant d’aider les personnes qui se livrent à la prostitution mais qui souhaitent s’en sortir à reprendre leur vie en main.

Le besoin de recherches et de collecte de données

Tout au long de son étude, le Sous-comité a constaté un manque d’information sur la prostitution au Canada. Il estime qu’il faut effectuer davantage de recherches pour en venir à une meilleure compréhension des causes et des effets de la prostitution. Comme mentionné au chapitre 2, la recherche empirique dans ce domaine est trop souvent muette sur certains problèmes fréquemment associés à la prostitution, notamment le crime organisé, le commerce de drogue et la traite des personnes aux fins de la prostitution. Par conséquent :

RECOMMANDATION 5

Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada finance des recherches sur la prostitution afin de pouvoir cerner avec plus de justesse les activités de prostitution au pays, les problèmes qui y sont associés et les besoins des personnes impliquées dans ces activités. Il estime qu’une meilleure compréhension des causes et des effets de la prostitution est essentielle à la mise en œuvre de politiques et de programmes qui auront des répercussions favorables sur la vie des personnes impliquées dans la prostitution et des collectivités en général.

Tout au long de son étude, le Sous-comité a également constaté l’absence d’analyse juridique des dispositions actuelles du Code criminel relatives à la prostitution (articles 210 à 213), ainsi que celles relatives à la violence, à l’exploitation et à la nuisance. Voici certaines des questions qui demeurent sans réponse :

  • Face au grand nombre de mineurs exploités par le biais de la prostitution, pourquoi l’article 212 du Code criminel est-il si rarement invoqué pour éliminer ce problème urgent?

  • Pourquoi les articles 210, 211 et 212 du Code criminel sont-ils si rarement appliqués comparativement à l’article 213?

  • De nombreux policiers ont dit au Sous-comité qu’ils préféraient s’attaquer à la demande de prostitution plutôt qu’aux personnes prostituées elles-mêmes. Si c’est le cas, pourquoi les clients sont-ils si rarement ciblés par les initiatives d’exécution de la loi?

  • Pourquoi les responsables de l’exécution de la loi et les procureurs ne semblent-ils pas utiliser les dispositions d’application générale du Code criminel destinées à prévenir l’enlèvement, l’extorsion, l’exploitation sexuelle et les voies de fait, pour lutter contre la violence dans la prostitution?

Enfin, les données probantes qui ressortaient des témoignages entendus sur les approches juridiques et sociales de la prostitution adoptées dans d’autres pays étaient incomplètes et contradictoires. Le Sous-comité estime que d’autres recherches sont nécessaires pour déterminer les incidences de ces approches et de l’approche canadienne sur des problèmes tels que la traite des personnes et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. De plus, le Sous-comité est d’avis que des données et des analyses plus complètes sur les cadres juridiques et sociaux pouvant servir à réprimer la criminalité liée à la prostitution aideraient le gouvernement à trouver une solution viable et efficace au problème de la prostitution au Canada. Par conséquent :

RECOMMANDATION 6

Le Sous-comité recommande que le ministère de la Justice coordonne à titre prioritaire la réalisation d’une étude sur la prostitution avec les autres niveaux de gouvernement, des institutions et des organisations non gouvernementales, ainsi qu’avec des personnes qui vendent des services sexuels. Cette étude engloberait l’examen des pratiques exemplaires adoptées au Canada et à l’étranger.

C. OPINION DE LA MAJORITÉ — POINTS DE VUE DE TROIS PARTIS

La prostitution comme problème de santé publique

Les membres du Sous-comité ne sont pas parvenus à s’entendre sur une stratégie permettant d’assurer la sécurité des personnes qui vendent des services sexuels et des collectivités en général. Cela dit, la majorité des membres du Sous-comité — ceux du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc Québécois — croient fermement que la prostitution est avant tout un problème de santé publique, et pas seulement un problème de droit criminel. C’est pourquoi ils proposent une approche pragmatique qui reconnaît l’importance de la prévention, de l’éducation, du traitement et des mesures de réduction des préjudices pour toutes les personnes qui participent aux diverses formes de prostitution allant de l’esclavage sexuel et du sexe de survie jusqu’à l’échange de services sexuels entre adultes consentants. Même s’ils reconnaissent le besoin criant de programmes pour aider les personnes qui veulent quitter le milieu de la prostitution et pour aider et protéger les personnes qui sont contraintes à se prostituer, ils reconnaissent aussi l’importance d’offrir des mesures de réduction des préjudices pour régler les problèmes sous-jacents de la pauvreté et des inégalités sociales et pour répondre aux besoins de santé et de sécurité des personnes qui se livrent à la prostitution (au moyen de l’éducation sexuelle, de la distribution de condoms, de l’établissement de listes de clients violents, etc.). Par conséquent :

RECOMMANDATION 7

La majorité des membres du Sous-comité préconisent des efforts concrets immédiats pour améliorer la sécurité des personnes qui vendent des services sexuels et les aider à quitter le milieu de la prostitution si elles ne s’y trouvent pas par choix. Aussi, le gouvernement fédéral devrait considerer augmenter les paiements de transfert aux provinces pour qu’elles puissent affecter d’importantes ressources au soutien du revenu, à l’éducation et à la formation, à la réduction de la pauvreté et au traitement des toxicomanies, et ce, dans le respect des compétences des provinces.

L’approche du Canada à l’égard de la prostitution adulte est contradictoire

Les membres du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc Québécois estiment qu’il faudrait reconnaître que l’approche quasi juridique adoptée par le Canada à l’égard de la prostitution — en vertu de laquelle la prostitution adulte est légale en soi, mais pratiquement impossible à pratiquer sans enfreindre la loi — est contradictoire. À l’instar de la conclusion formulée il y a 20 ans par le Comité Fraser, ils soutiennent que, puisque la prostitution adulte est légale au Canada, il faut en préciser les conditions d’exercise. En outre, après avoir entendu les témoignages, ils sont arrivés à la conclusion que la situation actuelle fait plus de mal que de bien; elle crée un environnement de marginalisation où les personnes prostituées sont souvent isolées et craignent de s’adresser à la police pour dénoncer les sévices et la violence dont elles sont victimes. Selon les membres du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique, le gouvernement du Canada doit convenir de cette contradiction et de l’inefficacité des lois et amorcer une réforme du droit qui envisagera la modification des lois sur la prostitution, ce qui devrait permettre de faire porter les sanctions criminelles sur les situations de préjudice.

En arriver à un équilibre sans juger

Les membres du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc Québécois sont d'avis que les activités sexuelles entre adultes consentants qui ne nuisent pas à autrui, qu’il y ait échange d’argent ou non, ne devraient pas être interdites par l’État. Ils jugent essentiel d’en arriver à un équilibre entre la sécurité des personnes qui vendent leurs services sexuels — sans les juger — et le droit de tous les citoyens de vivre en paix et en sécurité. Pour veiller à ce que les personnes qui vendent leurs services sexuels et les collectivités soient protégées contre la violence, l’exploitation et la nuisance, la majorité des membres du Sous-comité demandent que l’on puisse s’en remettre aux dispositions d’application générale du Code criminel visant diverses formes d’exploitation et de nuisance, comme le fait de troubler l’ordre public, d’exposer des choses indécentes, la coercition, l’agression sexuelle, la traite des personnes, l’extorsion, l’enlèvement, etc. L’approche proposée par ces membres repose sur l’idée selon laquelle il vaut mieux chercher à combattre l’exploitation et la violence dans le contexte de la prostitution que de criminaliser les adultes consentants qui se livrent à des activités sexuelles en échange d’argent.

D. LE POINT DE VUE DU PARTI CONSERVATEUR

La prostitution comme forme de violence et non comme activité commerciale

En revanche, comme bon nombre de témoins qui ont comparu devant le Sous-comité, les membres du Parti conservateur considèrent que la prostitution est une activité dégradante, déshumanisante, souvent contrôlée par des individus manipulateurs et opportunistes, qui s’en prennent à des victimes souvent incapables de se prémunir contre les sévices et l’exploitation. Ils estiment que la façon la plus réaliste, la plus humaine et la plus responsable d’aborder la prostitution est de commencer par voir la plupart des personnes prostituées comme des victimes.

Remise en question de la notion de consentement et du caractère inoffensif de la prostitution

Contrairement aux autres partis, les conservateurs ne croient pas qu’il est possible pour l’État de créer des conditions d’isolement où le consentement à des relations sexuelles en échange d’argent ne nuit pas à d’autres. Ils sont d’avis que la prostitution sous toutes ses formes a un coût social et que tout effort de l’État pour la décriminaliser appauvrira les Canadiens et les Canadiennes — les Canadiennes en particulier — en donnant aux hommes l’impression qu’il est acceptable de considérer le corps de la femme comme une marchandise et d’en faire une exploitation intrusive. Selon les membres conservateurs, c’est une approche qui viole la dignité des femmes et mine les efforts déployés pour construire une société dont tous les membres, quel que soit leur sexe, jouissent du même niveau de respect. De plus, comme les difficultés sociales et économiques propres aux femmes sont souvent ce qui les entraîne dans la prostitution, les conservateurs se demandent dans quelle mesure le « consentement  » est vraiment donné par choix, et non par nécessité.

Les membres conservateurs pensent aussi qu’en raison des éléments négatifs qu’elle attire, la prostitution est inacceptable en n’importe quel lieu, commercial, industriel ou résidentiel, y compris les salons de massage et les maisons privées. Selon eux, il serait contraire à l’éthique pour un gouvernement d’avilir ou de mettre en danger un quartier en permettant une plus grande circulation de prostituées, de clients et de proxénètes et, par conséquent, en exposant les résidants à des niveaux élevés de harcèlement, de leurre et de consommation de drogue.

L’approche conservatrice

Les membres conservateurs conviennent que le statu quo dans l’application des lois est inacceptable, mais que la décriminalisation n’est pas la solution. Ils citent l’exemple de la Suède, qui a décriminalisé la prostitution dans les années 1960, puis l’a criminalisée à nouveau en 1999 après avoir conclu que la décriminalisation avait en fait aggravé les problèmes qu’elle espérait résoudre. Les conservateurs sont aussi très préoccupés par l’expérience d’autres pays qui démontre un lien entre la décriminalisation et l’accroissement de la prostitution adulte et juvénile274 ainsi qu’avec un contrôle accru du crime organisé sur la prostitution275.

Par conséquent, ils demandent des réformes juridiques et sociales qui permettraient de réduire la prostitution sous toutes ses formes grâce à des sanctions criminelles qui ciblent clairement les exploiteurs (les clients et les proxénètes) et rendent les personnes qui se livrent à la prostitution — les victimes — plus à même de quitter le milieu. Ils proposent une nouvelle approche de la justice criminelle, en vertu de laquelle les auteurs d’un crime financeraient, par de lourdes amendes, la réadaptation et le soutien de leurs victimes. Ces amendes serviraient aussi d’importante mesure dissuasive. Quant aux personnes prostituées, les conservateurs recommandent un système qui aide celles qui en sont à leur première infraction et celles qui ont été forcées d’adopter ce mode de vie à s’en sortir et leur évite un casier judiciaire. Toutefois, les personnes qui, de leur plein gré, cherchent à tirer profit du «  commerce  » de la prostitution seraient tenues responsables de la victimisation qui résulte de la prostitution dans son ensemble. Pour s’attaquer au problème du commerce sexuel à deux paliers, ces membres estiment que la loi doit s’appliquer de la même manière à toutes les formes de prostitution (pratiquée dans la rue ainsi que dans les services d’escortes, les salons de massage, les maisons closes et ailleurs).

Les conservateurs rejettent toute velléité de présenter les dispositions du Code criminel figurant à l’annexe D comme une protection suffisante pour les personnes prostituées ou pour la collectivité. Ils sont d’avis qu’une telle tentative découle d’une volonté de décriminalisation qui éliminera les outils nécessaires pour protéger les collectivités contre la prostitution, et les personnes prostituées contre l’exploitation et l’abus. Tout en reconnaissant que les lois sur le racolage pourraient être améliorées, ils estiment que la marginalisation n’est pas le produit des lois, mais est plutôt le résultat des efforts déployés pour les contourner. Ces efforts témoignent d’ailleurs de la nécessicité d’intervenir.

Les conservateurs sont d’avis que la prostitution comporte un important volet de santé publique, mais ne peuvent appuyer la recommandation 7 formulée par la majorité, dans la mesure où elle permet aux personnes prostituées de conserver un mode de vie dangereux et dégradant. Le Parti conservateur réclame l’établissement de vastes stratégies et de programmes d’éducation qui visent à réduire toutes les formes de prostitution et à encourager toutes les personnes prostituées à participer à des programmes d’abandon.

E. DIFFICULTÉS D’ÉTABLIR UN CONSENSUS

L’examen des lois effectué par le Sous-comité a fait ressortir d’importants points d’entente et de désaccord en ce qui a trait à l’approche juridique et sociale qu’il convient d’adopter face à la prostitution, ce qui reflète probablement les divergences d’opinions au sein de la population canadienne en général.

Les divergences d’opinions parmi les membres et entre les témoins entendus en ce qui a trait à la prostitution sont souvent de nature philosophique. C’est certainement là l’un des principaux facteurs qui a empêché le Sous-comité de trouver un consensus concernant la façon d’aborder la prostitution adulte. Certains membres considèrent la prostitution comme une forme de violence à l’endroit des femmes, donc une forme d’exploitation en soi. D’autres voient la prostitution entre adultes consentants comme l’expression d’un droit de la personne, soit le droit d’un adulte d’utiliser son corps pour offrir des services sexuels contre de l’argent et de le faire dans un environnement sûr.

Comme indiqué précédemment, malgré la vaste étude du Sous-comité, beaucoup de questions demeurent sans réponse. Il y a de toute évidence un manque de recherches et de données sur la prostitution et les problèmes tels que l’exploitation sexuelle des enfants et des jeunes à des fins commerciales, le trafic des personnes aux fins de la prostitution et le rôle du crime organisé. De plus, le Sous-comité n’a pu trouver de réponse à la question de savoir pourquoi les nombreuses lois d’application générale qui peuvent être invoquées pour réprimer la violence et l’exploitation dans le contexte de la prostitution et pour en contrer les répercussions néfastes sur les collectivités sont rarement utilisées pour combattre ces crimes. De même, il estime n’avoir pas entendu suffisamment de témoignages sur les incidences des réformes juridiques et sociales entreprises par d’autres pays pour faire face à la prostitution.

Répondre à ces questions et à d’autres faciliterait certainement l’atteinte d’un consensus sur les changements à apporter afin que la loi protège plus efficacement les personnes qui se livrent à la prostitution et les collectivités en général.



273Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution, Rapport et recommandations relatives à la législation, aux politiques et aux pratiques concernant les activités liées à la prostitution, décembre 1998, p. 65.
274Témoignage de Richard Poulin au sujet des Pays-Bas et des États australiens qui ont décriminalisé la prostitution, 9 février 2005.
275Voir le témoignage de Yolande Geadah, de Julie McNeice et de Richard Poulin, de l’Université d’Ottawa.