Passer au contenu
Début du contenu

CC2 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-2


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 novembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    M. Lee m'a jeté un regard plutôt sévère, et avec raison, pour me faire savoir qu'il faudrait commencer.
    Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 26 octobre 2007, nous étudions le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence. Je souhaite à tous la bienvenue.
    Cet après-midi, nous allons entendre des témoins de l'Association canadienne des chefs de police, de la Société John Howard et, à titre personnel, Isabel Schurman, de la Faculté de droit.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Je pense que la plupart d'entre vous ont déjà comparu devant le comité et que vous connaissez donc les règles, mais j'aimerais néanmoins donner un bref aperçu de notre fonctionnement pour la gouverne de tous. Vous avez chacun 10 minutes pour faire votre allocution d'ouverture. J'ai ici un petit chronomètre, et lorsque vous arriverez à la fin de ces 10 minutes, je vous ferai signe de conclure. Puis, nous passerons aux questions. Pendant le premier tour, chacun aura sept minutes, en commençant par le Parti libéral, suivi du Bloc, des néo-démocrates et enfin des conservateurs. Ensuite, chaque parti aura cinq minutes au cours des tours suivants.
    Je tiens à vous demander d'être aussi concis que possible afin que nous puissions poser le maximum de questions que possible, je demanderais donc à tous les membres du comité et à tous les témoins également de suivre cette consigne et je pense que nous aurons un après-midi productif.
    Sur ce, je demanderais à M. Pichette de bien vouloir commencer.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, messieurs, honorables membres du comité, je me présente: mon nom est Pierre-Paul Pichette et je suis assistant-directeur chef du service des opérations corporatives au Service de police de la ville de Montréal. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue, M. Clayton Pecknold, directeur adjoint du Service de police de Saanich, en Colombie-Britannique. Nous comparaissons devant vous aujourd'hui à titre de représentants de l'Association canadienne des chefs de police, étant tous les deux vice-présidents du Comité de modifications aux lois de cette organisation. J'en profite également pour vous transmettre les salutations distinguées de notre président, M. Steven Chabot, directeur général adjoint de la Sûreté du Québec.
    L'Association canadienne des chefs de police représente la direction des forces de maintien de l'ordre du Canada. Quatre-vingt dix pour cent de ses membres sont directeurs, directeurs adjoints ou autres cadres supérieurs issus des différents services de police canadiens, tant municipaux, provinciaux que fédéral. Notre association a pour mission de promouvoir l'application efficace des lois et règlements canadiens et provinciaux, et ce, au bénéfice de la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes. Dans ce contexte, nous sommes régulièrement appelés à nous positionner lors de réformes législatives, et sur ce plan, c'est toujours avec enthousiasme que nous participons avec les instances gouvernementales aux consultations entourant la réforme du droit pénal, tel que nous le faisons devant vous aujourd'hui.
    Je demanderais maintenant à mon collègue M. Pecknold de vous faire part de nos commentaires concernant le projet de loi C-2. L'allocution de M. Pecknold se fera en langue anglaise. Par la suite, je reprendrai la parole le temps de faire quelques remarques finales.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président, honorables députés. Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.
    Comme beaucoup d'entre vous le savent, l'ACCP comparaît devant votre comité et celui du Sénat pour discuter d'une grande diversité de projets de loi. En fait, des membres de notre association ont témoigné devant ce comité pour discuter de plusieurs des projets de loi qui font maintenant partie du projet de loi C-2.
    Avant d'aborder le projet de loi C-2, nous aimerions réitérer une observation d'ordre général que nous avons déjà formulée ici à une autre occasion en ce qui concerne la complexité du droit pénal et la confiance du public à l'égard du système de justice. L'ACCP croit que les solutions rapides et les simples replâtrages ne suffisent plus à corriger de nombreux éléments du Code criminel.
    Deux convictions, à ce sujet. Premièrement, nous croyons que le droit pénal, y compris les dispositions sur la détermination de la peine, doit être complètement remanié pour que le système de justice pénale regagne la confiance du public qui s'effrite. Deuxièmement, nous croyons qu'il faudrait faire beaucoup plus d'efforts pour donner à la police les outils dont elle a besoin pour trouver et arrêter les délinquants violents. J'y reviendrai dans quelques instants.
    Comme vous le savez, le titre abrégé du projet de loi C-2 est « Loi sur la lutte contre les crimes violents ». L'ACCP s'unit au Parlement pour dire qu'il faut mettre fin aux crimes violents qui sévissent dans nos collectivités.
    Avant de comparaître ici aujourd'hui, j'ai eu la chance de parler à mes collègues du service de police de Vancouver, qui luttent contre une vague de violence liée aux armes à feu dans leur ville. Comme nous tous dans les milieux policiers, ils reconnaissent que ce n'est pas un simple projet de loi qui va régler le problème social complexe qui sous-tend l'activité des gangs et la culture de violence qu'elle transmet à nos jeunes. Il faut une stratégie de vaste envergure, articulée au niveau national mais avec des ressources locales. Beaucoup de choses sont en oeuvre, mais il faut en faire encore davantage.
    L'ACCP appuie le projet de loi C-2 comme étant une étape dans une stratégie d'ensemble de réduction de la criminalité. Nous croyons que les Canadiens s'inquiètent beaucoup des questions visées par ce projet de loi. La violence liée aux armes à feu, les drogues et l'exploitation de nos enfants comptent parmi les plus grandes craintes du public en matière de sécurité, et ce, avec bonne raison.
    Nous sommes heureux également que le Parlement aide les tribunaux à garder incarcérées les personnes qui constituent un danger pour notre société. Les délinquants qui récidivent pendant qu'ils sont en liberté provisoire ou qui échappent à la justice en quittant leur province, contribuent grandement à miner la confiance et la foi du public dans la capacité du système de justice pénale de les protéger.
    Mon collègue et moi sommes heureux de répondre à vos questions précises sur le projet de loi C-2, mais auparavant, permettez-nous de vous expliquer pourquoi nous disons qu'il n'est qu'une étape dans une stratégie d'ensemble.
    L'ACCP a plusieurs priorités législatives et demande notamment depuis plusieurs années des outils modernes pour lutter contre les crimes modernes. Le projet de loi C-2 cible en partie trois grands dangers pour la société: les armes à feu et les gangs, l'exploitation des enfants et les drogues. Votre police lutte tous les jours pour mettre fin à la violence, pour démanteler les gangs, pour arrêter les prédateurs sexuels qui s'en prennent aux enfants et pour mettre hors jeu les vendeurs de drogues. Ces enquêtes sont souvent d'autant plus difficiles que les délinquants réussissent à exploiter les nouvelles technologies, comme les moyens de communications numériques et lnternet, pour favoriser leurs intérêts.
    Depuis de nombreuses années, l'ACCP demande au gouvernement et le prie de moderniser nos capacités d'enquête dans ces domaines, dans le cadre de l'initiative du pouvoir d'accès légal. Comme vous le savez, l'ancien gouvernement avait déposé un projet de loi sur la modernisation des techniques d'enquête, qui n'avait pas encore été adopté lors de la dissolution du Parlement. Nous nous réjouissons que ce projet de loi ait été représenté comme projet de loi d'initiative parlementaire et nous y voyons la preuve que tous les parlementaires s'inquiètent, tout comme nous, de l'érosion des capacités d'interception de votre police.
    Sauf votre respect, il est grandement temps d'agir. Nous vous demandons d'intervenir de manière décisive et rapidement.
    Je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est votre police qui doit se débrouiller pour s'y retrouver dans une société de plus en plus complexe en utilisant seulement les outils que vous leur accordez afin d'assurer la sécurité de nos rues. Pour notre part, nous allons continuer à vous offrir l'appui des chefs de police canadiens dans votre étude de ce projet de loi et, nous l'espérons, des nombreux autres projets de loi à venir.
    Merci.

  (1540)  

    Merci.

[Français]

    Je m'excuse, monsieur le président, je voudrais faire une petite conclusion.

[Traduction]

    Monsieur Pichette, il vous reste trois minutes et demie, il n'y a donc pas de problème.

[Français]

    D'accord.
     Pour faire suite aux commentaires de mon collègue, j'aimerais rappeler aux membres du comité que tous les corps de police canadiens sont soucieux d'appliquer les lois et règlements en vigueur de façon adéquate. Une législation claire, sans ambiguïté, constitue un agent facilitateur considérable sur le terrain, tout en assurant une meilleure compréhension et une plus grande adhésion de la population.
    À mon tour, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos commentaires sur le sujet, et sachez que nous demeurons à votre disposition pour toute interrogation que notre intervention pourrait avoir suscitée.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Jones, la parole est à vous.
    Monsieur le président, membres du comité, honorables invités, je vous remercie de me donner la possibilité de commenter ce projet de loi.
    La Société John Howard du Canada s'inspire constamment de son énoncé de mission, qui se fonde sur la recherche de réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime. Nos 70 bureaux dans tout le Canada mettent en oeuvre des programmes fondés sur des données probantes à l'intention des délinquants qui sont mis en liberté et de leur famille. Il s'agit notamment de les préparer à leur mise en liberté et de leur offrir tout un éventail de programmes qui permettent de mieux veiller à leur réinsertion fructueuse dans la collectivité. Nous accordons beaucoup de poids à l'avis des experts.
    La Société John Howard privilégie l'intelligence face au crime et non pas la dureté : voilà pourquoi nous favorisons des politiques qui amènent réellement une réduction de la criminalité et de la récidive.
    Je souhaite aborder quatre points dans mon court mémoire : premièrement, le préambule contient les termes suivants: « [...] ces lois devraient faire en sorte que les délinquants violents soient détenus en prison [...]  ». Cette disposition annonce une réorientation fondamentale des pratiques et des principes canadiens en matière d'incarcération, et le fait qu'elle soit présentée à la toute fin de cet article d'introduction, ce qui lui donne une apparence inoffensive, témoigne d'un excès particulièrement flagrant de la part du législateur.
    Rien dans la LSCMLC ne justifie que des délinquants soient détenus en prison ou même punis. Au Canada, les gens sont incarcérés parce qu'ils sont punis, pas pour y être punis. C'est là une tradition de longue date de notre pays — une tradition qui s'appuie sur la notion, corroborée par des preuves, que la prison ne fait qu'endurcir les délinquants et les rend moins adaptés à la vie en société.
    De fait, comme les experts du SCC le confirmeront, les programmes axés sur la communauté et fondés sur des données probantes sont plus rentables et parviennent mieux à réduire la récidive. La neutralisation illimitée contrevient aux principes de la LSCMLC — ainsi qu'aux valeurs de la société canadienne — car cette loi prône la modération et la retenue dans l'application de la sanction la plus sévère autorisée par l'État. Ce préambule sonne donc le glas du principe de la retenue dans le recours à l'incarcération.
    En fait, le thème sous-jacent du projet de loi C-2, c'est que — malgré les preuves — le Canada va importer des États-Unis le pire des remèdes qui n'ont rien donné pour abaisser les taux de criminalité et rendre les collectivités plus sûres. Un changement de philosophie aussi radical devrait, pour bien faire, être l'objet de débats soutenus par des experts et non pas être camouflé dans un texte législatif qui, dans son ensemble, aura vraisemblablement des répercussions profondes sur les principes et les pratiques en matière d'incarcération dans tout le Canada.
    Les conséquences de ce préambule sont nombreuses et importantes. Or je n'ai ni le temps ni l'expertise nécessaires pour vous les expliquer en détail. Je souhaite simplement vous faire part officiellement de notre grande inquiétude et de notre conviction que les Canadiens devraient savoir que le projet de loi C-2 bouleverse les fondements de nos principes correctionnels sans être débattus au sein de la population ni même par des experts.
    Deuxièmement, j'aimerais parler du processus entourant l'examen du projet de loi.
    Quoique les éléments du projet de loi C-2 aient été examinés par le Parlement à la session précédente, ce projet de loi omnibus contient quelques nouvelles caractéristiques notables. Le renvoi accéléré du projet de loi C-2 à l'étape de la sanction royale suivant le processus utilisé par votre comité contrevient aux principes fondamentaux de la pratique démocratique inhérents au régime de gouvernement britannique, car il passe outre aux étapes des délibérations et de la réflexion. Nous avons au moins envers les Canadiens — si nous nous préparons à les incarcérer en plus grand nombre — le devoir de procéder à un débat vigoureux sur les conséquences de ce projet de loi et de nous engager à réduire le plus possible les pires préjudices qui seront inévitablement causés par le taux d'incarcération plus élevé.
    Même si nous nous sommes déjà exprimés sur certains aspects des projets de loi précédents, le projet de loi C-2 est suffisamment complexe et s'assortit d'énormes conséquences sur ce qui suit, notamment —

  (1545)  

    Monsieur Jones, je m'excuse de vous interrompre. J'aurais probablement dû vous signaler au début de ma séance que nos délibérations font l'objet d'une interprétation simultanée. Je vous demanderais donc — quitte à vous accorder un peu plus de temps — de ralentir un peu votre débit pour que nos interprètes puissent faire leur travail.
    Le projet de loi C-2 est suffisamment complexe et s'assortit d'énormes conséquences sur ce qui suit, notamment: le taux d'incarcération; le surpeuplement des prisons existantes, y compris les centres de détention préventive, le problème de la double occupation des cellules sur la gestion en toute sécurité des populations carcérales — sans oublier l'incidence du nombre accru de détenus présentant des troubles mentaux ou des problèmes de toxicomanie; le problème du surpeuplement sur les conditions de travail du personnel du SCC; la propagation accélérée de maladies transmissibles par le sang entre les détenus et le spectre de la tuberculose à multirésistance aux médicaments; les ressources déjà insuffisantes affectées aux options de traitement qui ont fait leurs preuves pour réduire la récidive; l'abrogation prévue de la libération conditionnelle d'office et ses conséquences sur la réinsertion fructueuse des délinquants dans la collectivité; les coûts économiques attribuables au projet de loi C-2 conjugué à la Stratégie nationale antidrogue de même que les occasions fondées sur des éléments probants qui disparaissent en conséquence; la répartition inégale de la douleur et des souffrances qui accompagneront la mise en oeuvre du projet de loi C-2 conjugué avec la Stratégie nationale antidrogue, c'est-à-dire plus de délinquants de milieux socioéconomiques défavorisés, plus de délinquants autochtones, des délinquants affichant des besoins plus criants, dont les besoins déjà excessifs en santé mentale, en toxicomanie, etc.; les répercussions de ce revirement punitif sur l'environnement du système de justice pénale canadien qui avait — jusqu'à maintenant — résisté en majeure partie à l'américanisation, axée sur la dureté des interventions et les représailles, de notre système correctionnel.
    Troisièmement, les peines minimales obligatoires. Il est vraiment ironique que le projet de loi C-2 cherche à étendre le recours aux peines minimales obligatoires au moment même où certains États chez nos voisins du Sud, notamment la Floride et la Californie tentent de s'en défaire. On fait l'éloge des peines minimales obligatoires aux Canadiens comme s'il s'agissait d'un des volets d'une grande stratégie visant à réduire la criminalité. Pourtant, comme l'a déclaré Anthony Doob le 6 décembre 2006 : « Les meilleures études sur le sujet sont assez cohérentes à cet égard. L'imposition de peines minimales obligatoires ne contribuera pas à réduire la criminalité ».
    Pis encore, le projet de loi C-2 écarte des approches éprouvées dans la réalité qui ont permis de faire baisser la criminalité et de rendre les collectivités plus sûres.
    Le projet de loi C-2 — particulièrement lorsqu'il est conjugué à la Stratégie nationale antidrogue — lance le message que le gouvernement du Canada est prêt à tolérer une inéquité encore plus grande dans la répartition de la douleur, de la dénonciation et des châtiments. Il ne fait absolument aucun doute que les peines minimales obligatoires vont donner lieu à des peines disproportionnées pour au moins certains délinquants — selon toutes vraisemblances les plus marginalisés et vulnérables aux atteintes à leurs droits. Les Canadiens devraient être consultés à ce sujet : notre modèle actuel, fondé sur la détermination de peines proportionnées au crime, devrait-il être réformé de la sorte — à la hâte et en bafouant les principes démocratiques, particulièrement si cette réforme heurte les principes fondamentaux de la justice distributive et cible ceux qui risquent déjà le plus d'être victimes de la discrimination sanctionnée par l'État?
    Je sens que je vais manquer de temps; je vais donc laisser tomber les conséquences sur la santé du recours accru à l'incarcération et je passe tout de suite à la conclusion.
    Pour résumer, je souhaite répéter un fait connu depuis longtemps des criminologues, pénologistes et historiens de l'incarcération : la prison est un moyen coûteux de rendre des gens — qui viennent pour la plupart de milieux défavorisés et démunis — pires qu'ils l'étaient. Les preuves en sont si convaincantes que ce fait n'est même plus contesté. Moralement, nous ne pouvons pas prétendre que les 200 dernières années de recherche sur les prisons et leurs effets ne sont pas pertinentes ou peuvent être écartées parce qu'elles ne s'inscrivent pas dans l'idéologie de l'heure. Les programmes communautaires sont plus efficaces et coûtent moins cher. Ils ne sont pas des foyers d'infection ni une source de cynisme et de désespoir comme les prisons. Ils ne renforcent pas les attitudes et les comportements asociaux comme les prisons. Les programmes éprouvés ne brisent pas les familles et ne corrompent pas l'esprit des jeunes comme les prisons. Les prisons sont dans bien des cas un remède pire que le mal qu'elles sont censées guérir. Elles devraient rester une solution de tout dernier recours lorsqu'un État aspire à des idéaux démocratiques fondés sur l'autonomie. Si le gouvernement défie ses propres experts et fait fi de toutes les preuves qui existent sur les prisons, puis qu'il s'entête à faire grimper les taux d'incarcération au Canada, il léguera à nos enfants et à nos petits-enfants une calamité qui nécessitera ensuite des centaines d'années de guérison.
    Merci.

  (1550)  

    Merci, monsieur Jones.
    Madame Schurman, le greffier m'a informé que vous deviez partir un peu plus tôt, pour prendre votre train.
    Merci beaucoup. Mon train est à 18 h 55 et on m'a dit que je devrais donc partir d'ici vers 17 h 15.
    Bien.
    Que le comité sache que ceux qui ont des questions pour Mme Schurman feraient bien de les poser en premier, pour avoir le temps de le faire.
    Merci.
    Je vous remercie tous de cette occasion de revenir vous parler.
    Mes propos porteront uniquement sur ce qui était le projet de loi C-27, puisque d'après l'invitation que j'ai reçue, c'est ce qui vous intéresse particulièrement. Si vous avez des questions sur d'autres parties du projet de loi C-2, je m'efforcerai d'y répondre.
    La partie la plus préoccupante du projet de loi C-27, qui fait maintenant partie du projet de loi C-2— En fait, il y a deux parties très préoccupantes. D'abord, ce projet de loi n'est pas nécessaire. En effet, il ne traite pas d'une dangerosité qui ne fait pas déjà l'objet du droit actuel. Le deuxième aspect très préoccupant comporte deux volets. Il y a d'abord l'élimination de la discrétion judiciaire, qui est inquiétante et qui est un thème récurrent dans divers projets de loi en matière de droit pénal. Deuxièmement, les dispositions sur l'inversion du fardeau de la preuve du projet de loi C-27 sont préoccupantes. Elles ne résisteront pas à une contestation judiciaire, si on se fie à la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada au cours des 20 dernières années.
    Ce projet de loi ressemble à la loi américaine des trois fautes. Il y a certes des différences marquées, mais cette copie même vague du modèle américain n'est ni nécessaire ni réaliste.
    Dans le droit actuel, le poursuivant peut demander l'évaluation d'un condamné, pour qu'il soit déclaré délinquant dangereux, et le juge peut ordonner cette évaluation. L'élément déclencheur est une condamnation pour une infraction ayant causé des sévices graves à la personne. Dans le droit actuel, cette catégorie comprend les actes criminels comportant des éléments de nature sexuelle ou de la violence, toute conduite qui met la vie de quiconque en danger y compris la violence psychologique. Une vaste gamme d'infractions est donc déjà comprise. Toujours en vertu du droit actuel, quand le rapport est produit, le juge doit croire hors de tout doute raisonnable qu'il s'agissait bien d'une infraction causant des sévices graves à la personne, des menaces envers autrui d'après certaines preuves — un comportement répétitif ou agressif —, ou que l'incident était d'une nature très brutale.
    Du point de vue constitutionnel, la privation de liberté nécessitera une preuve hors de tout doute raisonnable lorsque sa durée sera indéterminée. En fait, ce fardeau de preuve est l'un des éléments qui a assuré la constitutionnalité des dispositions actuelles jusqu'ici. Actuellement, la demande peut être faite au moment de la détermination de la peine, ou dans les six mois qui suivent, ou même plus tard si de nouveaux faits sont connus. Dans le droit actuel, on ne laisse donc pas filer des contrevenants dangereux, on ne les laisse pas échapper aux griffes de nos lois, si vous voulez.
    Actuellement, si les faits au dossier ne justifient pas une désignation de délinquant dangereux, le contrevenant peut se retrouver dans la sous-catégorie du délinquant à contrôler, pour lequel il y a un risque substantiel mais aussi une possibilité raisonnable de le contrôler. On peut ainsi récupérer certains contrevenants, quand il y a vraiment une possibilité de le faire.
    Un des principes clés de la détermination de la peine au Canada, c'est d'imposer la peine la moins privative de liberté, quand c'est possible, pour respecter les objectifs de la détermination de la peine. Voilà pourquoi, dans l'affaire Johnson de 2003, on a statué que, lorsqu'un juge préside une audience de désignation de délinquant dangereux, il doit considérer si la personne peut être désignée délinquant à contrôler, si cette désignation est suffisante. Le droit actuel nous donne tous les moyens dont nous avons besoin.
    La deuxième partie de mon exposé porte sur les aspects très préoccupants du projet de loi que sont l'élimination de la discrétion judiciaire et l'inversion du fardeau de la preuve. Actuellement, si un juge croit, d'après la preuve, qu'il faut désigner un contrevenant délinquant dangereux ou délinquant à contrôler, le code exige qu'il inflige une certaine peine : indéterminée dans le cas des délinquants dangereux, ou autre chose, pour le délinquant à contrôler. Une fois que le juge vous a déclaré délinquant dangereux, il n'y a plus de discrétion quant à la détermination de la peine. Il reste tout de même une discrétion judiciaire puisque le juge garde le pouvoir d'ordonner une évaluation faisant l'objet d'un rapport, et que le poursuivant doit prouver les allégations s'y rapportant. Dans le système proposé, le juge devra ordonner la production du rapport, et le poursuivant n'aura rien à prouver en raison de la présomption applicable.
    Même si le poursuivant doit prouver certaines choses, soit les condamnations et les éléments de dangerosité prévus par le Code criminel, rappelons qu'il n'est pas tenu de prouver que c'est un cas désespéré, pour qu'un contrevenant soit déclaré délinquant dangereux. Dans certains cas, on a pu prouver qu'un traitement était possible, mais le contrevenant a tout de même été déclaré délinquant dangereux. Je pense à l'affaire Pedden, en Colombie-Britannique, en 2005.
    Le poursuivant peut maintenant prouver qu'un comportement est celui d'un délinquant dangereux, sans avoir à faire état des condamnations préalables du contrevenant. Quelqu'un peut être déclaré contrevenant dangereux, actuellement, à partir d'un seul incident pour lequel il a été condamné.

  (1555)  

    Le poursuivant doit prouver qu'il existe une probabilité de comportement dangereux chez l'accusé, en raison de l'impossibilité pour lui de contrôler ses pulsions. Un comportement brutal peut n'arriver qu'une fois, comme on l'a vu dans l'affaire Langevin, devant la Cour d'appel de l'Ontario. On a donné au terme « conduite » des définitions allant jusqu'à l'écriture de textes relatifs au sadisme sexuel. Même des écrits peuvent être considérés comme une conduite, dans certaines circonstances, aux yeux de la loi, actuellement.
    Signalons que l'élimination de la discrétion judiciaire et l'inversion du fardeau de la preuve supprimeraient deux protections importantes pour les justiciables. Un tel régime ne résisterait pas à une contestation judiciaire. L'arrêt Lyons, de 1987, a permis le maintien du régime actuel, parce qu'il y avait une discrétion accordée au procureur et parce que le fardeau de la preuve était réparti de manière à protéger les droits du justiciable.
    En ce qui concerne la discrétion judiciaire, il importe que je vous rappelle que vous n'avez pas entendu de juges. Étant donné leur devoir de réserve, ils ne peuvent venir vous parler.

[Français]

— obligation de réserve —

[Traduction]

    L'application des principes de détermination de la peine exige que l'on tienne compte de nombreux éléments. Les peines minimales obligatoires telles que celles prévues dans le projet de loi éliminent le pouvoir discrétionnaire des juges, qui ont les mains liées, ce qui les empêchera d'atteindre des résultats équitables.
    Mon collègue a parlé de l'expérience américaine relativement aux peines minimales obligatoires. En réalité, elles ont touché principalement les personnes de milieux défavorisés, les minorités, sans parler des personnes qui ont des difficultés d'apprentissage ou qui sont moins instruites. Nous observons déjà une représentation disproportionnée des membres des premières nations dans les prisons canadiennes. Cette loi aura-t-elle pour effet d'exacerber la situation?
    Je vais sauter la partie sur la situation américaine, mais si vous avez des questions, j'ai des observations à ce sujet.
    En éliminant le pouvoir discrétionnaire des juges, à cause de la menace de désignation de délinquant dangereux et du fardeau presqu'impossible pour l'accusé, on accorde énormément de pouvoir à certains procureurs de la Couronne. Ce système serait-il utilisé pour forcer les accusés à plaider coupables : « Si vous plaidez coupable, je ne ferai pas de demande de désignation de délinquant dangereux »? Voulons-nous vraiment ce genre de coercition dans notre système de justice pénale?
    Ceux qui se feront piéger seront les démunis, les membres des minorités et les Autochtones. Combien de fois cette menace poussera-t-elle les accusés à plaider coupables pour éviter la désignation, et qu'est-ce que cela nous apporte? Nous ne saurons pas quel crime a réellement été commis. Avant de se pencher sur la demande de désignation de contrevenant dangereux, les avocats essaieront d'éviter les peines minimales obligatoires de deux ans pour les premières infractions, parce que, chaque fois que vous recevez une autre peine minimale obligatoire de deux ans, vous courez le risque qu'à la prochaine infraction, votre client soit désigné contrevenant dangereux. Cela va-t-il biaiser tout le système? Il faut se poser cette question.
    En vertu du nouveau système, il existe 25 infractions désignées. Cette liste comprend les voies de fait, le fait de braquer une arme à feu, etc. Les peines minimales obligatoires signifient que beaucoup de ces infractions désignées deviendront passibles de deux ans d'emprisonnement, quelle que soit la gravité objective de ces actes. Un jeune toxicomane qui sort avec ses amis et commet deux vols séparés est-il vraiment un contrevenant dangereux parce que les deux vols se sont produits pendant les six mois de sa vie où il avait un problème de toxicomanie? Deux condamnations à deux ans de prison pour deux infractions désignées pousseront le procureur à faire une demande de désignation de contrevenant dangereux.
    Sur les 12 infractions désignées primaires — si vous les regardez —, l'agression sexuelle désigne absolument tout, du simple toucher à l'agression grave. Décharger intentionnellement une arme à feu engendre une peine minimale obligatoire. On envisage de revenir à de vieux articles pour les infractions primaires désignées. Vous avez les anciens articles. Jusqu'où allons-nous remonter? Si votre première condamnation à deux ans de prison date d'il y a 20 ans et que vous avez été condamné à un an de prison minimum obligatoire pour une deuxième infraction, vous êtes un contrevenant dangereux. Cela reflète-t-il vraiment le caractère dangereux de cette personne? La Couronne demandera une désignation d'infraction dangereuse dans ce type de cas, et ici, il y a renversement du fardeau de la preuve.
    La nouvelle loi prévoit le renversement du fardeau de la preuve pour les infractions primaires, mais certains diront que cette liste d'infractions peut sembler arbitraire. L'agression sexuelle est une catégorie très vaste. La prise d'otage semble très dangereuse, mais il s'agit uniquement d'une infraction désignée. Cela répond-t-il au critère constitutionnel du caractère arbitraire? Le caractère arbitraire sera extrêmement important dans les contestations constitutionnelles.
    Le renversement du fardeau de la preuve ne s'applique qu'à la catégorie des infractions primaires. Il est injuste qu'à une même audience de contrevenants dangereux, certains profitent des règles habituelles parce que le renversement de la preuve ne s'applique pas, quelle que soit la violence de leur crime, parce qu'ils n'ont pas de casier judiciaire. Or, pour d'autres accusés, le fardeau de la preuve est renversé et, dans certaines circonstances, ceux-ci n'ont absolument aucune chance. Donc, en vertu du principe de la présomption d'innocence, dans le cas de ces 12 infractions, pour des raisons arbitraires, puisque ces infractions n'ont même pas été choisies en raison du fait qu'elles sont toutes punissables des mêmes peines maximales, ce petit groupe de personnes, ou ces contrevenants, si vous voulez, ne pourront profiter des règles habituelles. C'est sur cette inégalité que se fonderont les contestations constitutionnelles.
    Monsieur le président je vais aller plus vite.
    La justification et la jurisprudence qui font état du besoin du renversement du fardeau de la preuve sont exceptionnelles. J'ai plusieurs observations sur le renversement du fardeau de la preuve et sur les critères constitutionnels, mais je les réserve pour la période des questions.
    Lors d'une audience de contrevenant dangereux, le renversement du fardeau de la preuve soulèvera d'autres questions. L'accusé essaiera de prouver qu'il ne représente pas un danger. Il fera venir des experts. Ceux-ci l'auront examiné. La Couronne ne peut pas forcer l'accusé. Comment va-t-elle contester cette preuve? Ce sont des problèmes pratiques auxquels personne n'a réellement songé.

  (1600)  

    De la même façon, lorsqu'il y a renversement du fardeau de la preuve pour une deuxième infraction, soit lorsque le tribunal détermine que l'accusé est un contrevenant dangereux, il doit préconiser une condamnation de durée indéterminée à moins d'estimer qu'une peine moins sévère permettrait tout de même de protéger la population. Le deuxième renversement de la preuve est également superflu et rien ne semble indiquer que les contrevenants récidivistes dangereux ne sont pas déjà couverts par le système.
    Madame Schurman, je sais que vous avez beaucoup à dire, et je suis sûr que les membres du comité vous laisseront la possibilité de le faire, mais il faut passer aux questions. Merci.
    Madame Jennings.
    Je souhaite remercier les témoins d'être venus aujourd'hui, d'avoir accepté notre invitation malgré le peu de préavis.
    J'ai quelques questions pour l'Association des chefs de police. Monsieur Pecknold, vous avez dit que le temps des solutions rapides était révolu et que les simples replâtrages ne suffisaient pas. Vous avez dit qu'il fallait revoir complètement notre système de justice pénale, et ce, le plus vite possible. Vous avez signalé que vous étiez prêt à répondre à des questions sur certains articles du projet de loi C-27, et j'ai deux questions à ce sujet.
    Si vous avez pris connaissance du projet de loi C-27 d'origine et avez étudié l'article sur les contrevenants dangereux qui figure dans le C-22, vous avez remarqué que le gouvernement a proposé quatre amendements importants dont l'un porte sur le délinquant à contrôler et les violations de l'ordonnance de surveillance de longue durée. Il s'agit en réalité d'une proposition libérale, car, à notre avis, si quelqu'un est considéré comme un délinquant à contrôler en vertu du système actuel, cela veut dire, bien des fois, que cette personne a déjà subi une audience visant à déterminer si elle devait être considérée délinquant à contrôler, qu'elle a été désignée comme dangereuse, mais que le juge a tenté de déterminer si la désignation de délinquant à contrôler et l'ordonnance de surveillance de longue durée suffisaient à protéger la communauté, etc.
    Au sujet du pouvoir discrétionnaire de la Couronne de présenter une demande de désignation, en vertu du projet de loi C-27, et compte tenu du projet de loi C-2, pensez-vous...? Est-ce que l'Association s'est demandé, advenant que l'on cherche vraiment à protéger les Canadiens et à avoir des collectivités plus sûres, s'il ne valait pas mieux s'assurer qu'il y a une réelle évaluation, un réel déclencheur automatique — il pourrait s'agir de la deuxième ou de la troisième condamnation, pour répondre aux préoccupations dont Me Schurman a parlé, au sujet des infractions arbitraires? De cette façon, il y aurait une évaluation menée par un expert du contrevenant, récidiviste dans la plupart des cas. Si cette évaluation indique que la personne ne devrait pas être désignée contrevenant dangereux, elle fournit tout de même suffisamment d'information aux services correctionnels, par exemple, pour que le contrevenant suive les programmes appropriés, la thérapie adéquate, selon ce qui est nécessaire pour améliorer ses chances de réadaptation ou nous permettre de contrôler le risque qu'il représente pour la collectivité et de diminuer la possibilité de récidive. Nous pourrions avoir un système comme celui-ci plutôt que celui proposé dans le C-2, en vertu duquel pour une troisième condamnation, la Couronne présentera une demande de désignation. Rien ne garantit que la Couronne... Et vous risquez alors la situation dont Me Schurman a parlé, où les accusés plaident coupables en échange d'une accusation moins grave.

  (1605)  

    Aucun d'entre nous ne se dit expert dans ce domaine particulier du droit pénal, mais je crois qu'il faut quand même reconnaître une certaine réalité. J'ai entendu nos collègues nous parler de la discrétion judiciaire. Nous avons fait allusion à ce que les procureurs peuvent et ne peuvent pas faire. Il s'agit là d'un thème dont notre association parlera un peu plus au cours des prochains jours, c'est-à-dire la capacité du reste du système juridique, nos partenaires au sein du système juridique, à composer avec certaines des modifications à la législation et les conséquences de celles-ci. Nous reconnaissons ce fait. J'ai écouté mon collègue de la Société John Howard nous parler des taux d'incarcération.
    Nous sommes également préoccupés par nos collègues les procureurs et leur capacité de gérer la charge de travail. Comme nous, ils doivent relever le défi. Nous allons en parler. Si nous voulons aborder certains de ces problèmes exhaustivement, nous devrons examiner cette capacité.
    La réalité, c'est bien sûr qu'ils sont confrontés à des défis au niveau de la capacité, leur priorité étant naturellement de prendre des décisions dans l'intérêt du public. Il demeure cependant que les ressources sont limitées et qu'il faut prendre des décisions; dans les cas difficiles et pour lesquels il existe un pouvoir discrétionnaire, je vous dirais que, du point de vue de l'association, nous nous inquiéterions du fait que l'intention du projet de loi pourrait être entravée par la réalité.
    Donc, même en vertu du système actuel, il demeure un problème important: le manque de ressources, à la fois pour la police locale qui oeuvre sur le terrain pour lutter contre le crime violent —
    Nous savons que le taux de crimes violents est à la baisse, sauf chez les jeunes. Des statistiques montrent qu'il y a effectivement une hausse chez les jeunes. D'après les études que j'ai lues, il me semble que le meilleur facteur dissuasif, c'est la possibilité de se faire prendre, puis, le cas échéant, d'être rapidement l'objet d'accusations et de poursuites, avec de bonnes chances d'inculpation si l'on est véritablement l'auteur du crime en question.
    Si toutes les ressources étaient disponibles pour faire cela, nous rendrions nos collectivités plus sûres pour nos enfants et les Canadiens. Pourquoi ne pas commencer ainsi?
    C'est pas moi, ni un chef de police, ni un chef de police adjoint qui vous contredira: nous voulons tous des ressources supplémentaires.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez 40 secondes environ.
    Dans ce cas-là, je vais vous remercier.
    Monsieur Jones, monsieur Schurman, si vous avez des observations en ce qui concerne les questions que j'ai posées, je vous demanderais de les faire lors d'un prochain tour.
    Merci, madame Jennings.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais commencer par Mme Schurman.
    J'aimerais que vous nous donniez quelques explications pour que l'on comprenne bien. L'essentiel de notre défi est de voir à ce que le projet de loi C-27 ne dépasse pas la mesure qu'on est en droit d'attendre à l'égard de la lecture de nos chartes.
    Vous dites, par exemple, que le juge devra demander le rapport à la Couronne et qu'il n'aura rien à prouver. Expliquez-nous davantage comment cela va se passer devant une cour de justice eu égard au fardeau de la preuve et à la documentation qu'il faudra fournir. Contre quoi nous mettez-vous en garde?
    Je comprends que le régime actuel, tel qu'il fonctionne, vous apparaît répondre aux besoins de sécurité de la société, mais donnez-nous clairement les appréhensions que vous avez sur la question du fardeau de la preuve et dites-nous comment cela va se dérouler devant une cour de justice.
    Par la suite, je poserai une question à l'Association canadienne des chefs de police.

  (1610)  

    D'abord, je crains qu'il existe dans le projet deux renversements. L'un concerne la personne qui a été condamnée deux fois dans le passé pour une infraction primaire. Pour cette personne, il existe un renversement de preuve qui oblige le juge à déclarer cette personne délinquant dangereux, sauf si elle fait la preuve du contraire. Évidemment, la loi est plus précise que mes paroles.
    L'autre renversement, c'est qu'une fois que le juge déclare quelqu'un délinquant dangereux, il doit oublier toute sentence à part la période indéterminée, sauf si la personne qui a été déclarée délinquant dangereux prouve qu'une des autres options suffit.
    Excusez-moi, je n'ai pas bien compris. Dans la mesure où le juge statue qu'il est devant une personne qui doit être déclarée délinquant dangereux, que doit oublier cette personne?
    Dans le projet de loi, comme je le comprends, il doit donner pour sentence une période d'incarcération indéterminée. Il existe deux autres options, mais le juge ne pourrait pas les choisir, sauf si la personne le convainc qu'une des deux autres options est suffisante.
    Ça, c'est Johnson.
    Disons que c'est une variation de Johnson.
    Le problème de ces renversements n'est pas le fait qu'à l'étape de la sentence, une personne n'est plus présumée innocente. J'ai lu un témoignage fait ici où on vous a assuré que c'était constitutionnel parce qu'il n'y avait plus de présomption d'innocence, la personne ayant été trouvée coupable. Là n'est pas le problème.
    Le problème vient des articles 9 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés sur la détention arbitraire, et du fait que chaque personne a droit à la vie, la liberté et la sécurité, et ne peut pas en être privée, sauf en accord avec les principes de justice fondamentale. Ce sont là vos deux problèmes; c'est là que ce projet de loi ne tiendra pas devant une contestation constitutionnelle.
    Pour tenir devant une contestation constitutionnelle, il faut pouvoir démontrer par une preuve devant la cour que l'objectif est important, que le changement est nécessaire, que la loi telle qu'elle existe ne fait pas l'affaire et que le moyen que l'on a choisi est le moins intrusif possible et que c'est une option qui viole le moins possible les droits de la personne. Ce ne sera pas possible, et ce sont les procureurs de la Couronne et les procureurs de l'État qui auront ce fardeau, parce que la partie qui veut...
    Si vous le permettez, je vais revenir en arrière pour qu'on comprenne bien.
    Oui.
    Je veux le faire avant qu'on déborde sur l'article 1 et le test.
    Qu'est-ce qui vous amène à penser que cela ne passerait pas au chapitre de la détention arbitraire? Expliquez-nous cela concrètement. Nous sommes très inquiets, à un point tel que le Bloc a déposé une motion pour enjoindre le gouvernement de déposer toutes les études et tous les avis juridiques. Je n'imagine pas que le gouvernement ne l'appuie pas, je serais détruit intérieurement. Nous voterons la motion plus tard, mais dites-moi concrètement ce qui ne passerait pas au chapitre de la détention arbitraire.
    Concrètement, c'est l'arrêt Lyons de la Cour suprême du Canada en 1987.

  (1615)  

    Y a-t-il violation dans le projet de loi en ce qui a trait à la détention arbitraire?
    Dans l'arrêt Lyons, on a contesté les articles qui existent présentement. Ces articles ont survécu à la contestation parce qu'il y avait discrétion du procureur de la Couronne de procéder ou non, il y avait discrétion judiciaire, entre autres. J'y vais de mémoire, parce qu'il y a un bout de temps que je ne l'ai pas lu au complet, mais il y avait discrétion judiciaire, il y avait un système de fardeau de la preuve qui était juste dans les circonstances. On ne mettait pas le fardeau sur la personne et on laissait à la poursuite le soin de prouver hors de tout doute raisonnable avant...
    C'est l'article 753 qui était contesté dans...?
    C'est bien cela.
    D'accord. Je me rappelle qu'on avait même posé une question d'examen, il y a deux ans, là-dessus. Enfin, c'est une autre question.
    Dans l'arrêt Lyons, il était également question de violation de l'article 7 qui concerne la vie, la liberté et la sécurité de la personne, parce que ce sont les principes de justice fondamentale.
    D'accord. En vertu du nouveau régime, s'il devait être adopté, quand un juge se retrouvera devant une personne qu'il devra déclarer délinquant dangereux, il n'y aura plus de discrétion judiciaire sur le plan de la détermination de la peine.
    Il y a deux choses. Le premier renversement est encore plus troublant. Il touche celui qui a été condamné deux fois pour une infraction primaire. Une fois que le juge a cette personne devant lui, il doit le déclarer délinquant dangereux, sauf si la personne le convainc de ne pas le faire. C'est le premier renversement.
    Mais la Couronne doit le demander, elle n'en a plus le choix. Le juge doit donc évidemment statuer.
    C'est cela, mais une fois que c'est demandé, c'est accordé, sauf si la personne peut prouver qu'elle ne devrait pas être désignée ainsi. Comment une personne peut-elle prouver qu'elle ne posera jamais certains gestes dans l'avenir?
    Une fois que la Couronne le demande, c'est un automatisme. Quand on a posé la question aux fonctionnaires, ils n'ont pas répondu dans ce sens-là.
     Quand la Couronne demande l'évaluation, le juge est obligé, selon la nouvelle loi, de l'ordonner. Une fois l'évaluation faite, si la Couronne est capable de démontrer que la personne devant le juge a été condamnée deux fois pour infraction primaire et qu'elle est devant la cour pour le même type d'infraction, le juge doit la déclarer délinquant dangereux.
    C'est ce que l'évaluation conclut?
    Oui.

[Traduction]

    Monsieur Ménard, nous venons de franchir le cap des sept minutes. Je suis sincèrement désolé, mais vous manquez de temps. Nous allons céder la parole à M. Comartin.

[Français]

    Vous êtes d'une sensibilité qui vous fait passer pour une rose dans un champ d'herbe à poux.

[Traduction]

    J'ai l'impression de gêner.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus.
    Quand nous avons examiné le projet de loi C-27, nous avons reçu diverses estimations du nombre de demandes additionnelles dont les tribunaux seraient saisis. Ces estimations allaient de cinq à 50.
    Quelqu'un parmi vous trois a-t-il tenté de déterminer combien de demandes additionnelles — non pas combien de délinquants seront désignés dangereux — sont susceptibles d'être faites si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle?
    Je crois savoir que le nombre de demandes augmente régulièrement depuis 1997.
    Oui, le nombre a augmenté et atteint maintenant environ 20 demandes par année, mais il a déjà été considérablement moindre.
    Madame Schurman, en ce qui concerne la conformité du projet de loi avec la Charte et la Constitution, je vous pose la question que j'ai adressée à tous les témoins. Y-a-t-il un expert au pays, surtout au sujet de l'inversion de la charge de la preuve, que les tribunaux écouteront ou qui serait en mesure de prédire ce que les tribunaux penseront de la constitutionnalité de cette mesure législative quand elle sera contestée, ce qui est inévitable? Peut-être êtes-vous l'une de ces expertes, mais je cherche plutôt —
    Ce serait bien peu modeste de ma part. L'inversion du fardeau de la preuve est un domaine très spécialisé du droit constitutionnel; il vous faut donc quelqu'un qui est expert à la fois du droit constitutionnel et du droit criminel. Peut-être pourrais-je réfléchir à votre question et, si un nom me vient, vous en faire part. Il est fort probable que, dans l'arrêt Lyons, la Cour suprême du Canada a fait mention des écrits des experts les plus respectés à cette époque. Sauf pour ceux qui ont peut-être été nommés juges depuis, comme Yves-Marie Morissette, celui auquel je pensais, vous pourriez solliciter l'avis de l'un de ces experts.
    Merci.
    Vous avez fait allusion à la possibilité de faire une demande outre les deux fois où c'est prévu dans le projet de loi. On peut présenter une demande au moment de l'imposition de la peine ou six mois plus tard, ou encore si l'on a de nouvelles preuves — Mais vous avez soulevé la possibilité — et je sais qu'il y a une autre disposition à ce sujet — de permettre qu'une demande soit faite même plus tard. Pourriez-vous nous expliquer dans quelle situation cela pourrait se faire?

  (1620)  

    À l'heure actuelle, la demande peut être présentée plus de six mois après le prononcé de la peine s'il est prouvé qu'ont été mises au jour des preuves pertinentes dont la poursuite n'avait pu raisonnablement prendre connaissance au moment du prononcé de la peine. Si, après le fait, la poursuite prend connaissance d'un fait qui aurait influé sur sa décision de présenter ou non une demande, elle peut présenter une demande même si plus de six mois se sont écoulés depuis que la peine a été imposée. Cela se produit rarement, mais la loi le permet à l'heure actuelle. Il n'est donc pas nécessaire de modifier la loi pour permettre cela. C'est déjà prévu.
    La probabilité qu'on invoque cette disposition entraînera-t-elle plus de demandes faites aux termes des modifications législatives dont nous sommes saisis?
    Je l'ignore. Je ne sais pas si cela changerait quoi que ce soit —
    Bon, mais si on l'invoque, il y aurait encore une fois renversement du fardeau de la preuve. Si on découvre de nouvelles preuves, par exemple dans des cas qui se déroulent sur une longue période, le fardeau de la preuve serait inversé, n'est-ce pas?
    Je ne vois rien dans les modifications proposées qui empêcherait cela.
    J'ai une dernière question, encore une fois pour vous, madame Schurman. En imposant ce critère très strict, celui des trois condamnations, ne risquons-nous pas de provoquer un changement d'attitude au sein des tribunaux ou d'amener les poursuivants à renoncer à présenter au tribunal toute information sur le comportement antérieur, l'inconduite, aussi grave soit-elle, à moins qu'il ne puisse aussi satisfaire au critère des trois condamnations?
    Il est intéressant que vous posiez cette question, car j'estime fort probable que les avocats de la défense feront valoir que, si le législateur a jugé bon d'imposer le critère de la condamnation précédente, c'est qu'il ne veut pas qu'on désigne dangereux les délinquants qui n'ont pas de condamnations antérieures. On peut déjà prévoir que les arguments de la défense s'appuieront sur cette logique. Vous soulevez là un point important.
    Il ne faut pas sous-estimer les effets qu'auront ces modifications législatives conjuguées aux dispositions sur les peines minimales obligatoires, car certains poursuivants se diront : « Un instant. Ce type de 20 ans a reçu deux condamnations pour lesquelles on lui a imposé une peine de deux ans en raison des peines minimales obligatoires; je ne peux pas demander qu'il soit désigné dangereux. » Bon nombre de procureurs de la Couronne hésiteront à appliquer la loi dans son sens strict de crainte de provoquer des injustices. Il nous faudrait compter beaucoup sur le pouvoir discrétionnaire de la poursuite; qu'en sera-t-il alors dans les régions ou les localités où les poursuivants refusent d'user de leurs pouvoirs discrétionnaires? Je trouve cela aussi préoccupant.
    Il vous reste plus d'une minute.
    Monsieur Pichette, avez-vous une idée du nombre de cas, au Canada, où l'accusé écope d'une peine de deux ans pour une agression causant des lésions corporelles, une agression peu sérieuse mais qui n'est pas la première du délinquant, qui reçoit aussi une peine de deux ans ou plus parce qu'il récidive en commettant une introduction par effraction dans un dessein criminel et qui commet ensuite un crime grave avec violence? Selon moi, il y a des milliers de cas de ce genre au pays chaque année.

[Français]

    Monsieur Comartin, je pourrais vous répondre que vous avez entièrement raison. Toutefois, si vous me le permettez, je vais vous faire part de cas typiques auxquels nous faisons face à Montréal et faire une relation, de façon générale, avec les crimes reliés à des gangs de rue.
    En 2006, sur 42 homicides commis à Montréal, 12 étaient directement reliés aux gangs de rue. C'étaient des crimes très violents. En 2007, soit en date du 31 octobre, sur 37 homicides, 14 étaient reliés aux gangs de rue. Pour ce qui est des tentatives de meurtre, ils étaient au nombre de 42 en 2006. En date du 31 octobre 2007, il y en a eu 45. Je ne parle ici que des crimes reliés aux gangs de rue. Je fais abstraction de tous les crimes semblables reliés à autre chose. Pour revenir à votre question, je vous répondrai que pour nous, c'est significatif.

  (1625)  

    Est-ce que les personnes sont...

[Traduction]

    Monsieur Comartin, je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Moore, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins. J'ai quelques questions à vous poser.
    Je m'adresserai d'abord à l'Association canadienne des chefs de police. Merci de votre témoignage et de votre message selon lequel il ne faut pas se concentrer sur un seul élément du système de justice si nous voulons véritablement l'améliorer. Nous, nous vous avons écoutés. Nous avons prévu des mesures en matière de ressources et en matière de technologie. Bien sûr, la plupart croient aussi qu'il nous faut un bon Code criminel pour que nos collectivités et nos rues soient sûres. Je vous remercie donc de nous avoir transmis ce message.
    J'ai maintenant une question pour Mme Schurman. J'espère que nous partons tous du même point de départ, à savoir que l'une des raisons d'être du système de justice — sa principale raison d'être, à mon avis —, c'est de faire en sorte que nos collectivités soient sûres, que les Canadiens vivent en toute sûreté et que les innocents soient protégés contre ceux qui voudraient leur faire du tort. Selon vous, est-il jamais indiqué d'imposer une peine indéterminée d'incarcération, de faire en sorte qu'un délinquant ne soit jamais remis en liberté?
    Tout d'abord, je vous rassure: tous — pas seulement nous ici présents, mais tous les juges du pays, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense et ceux qui comparaissent devant les tribunaux chaque jour — tiennent à ce que notre système de justice contribue à faire de notre pays un pays sûr.
    J'ajouterais à l'intention de mes collègues au bout de la table que bon nombre d'entre nous réclament ouvertement depuis des années davantage de ressources pour la police, pour la détection du crime et l'arrestation des criminels. Il a été démontré par des études et prouvé que ce qui a le plus grand effet dissuasif, c'est la certitude d'être appréhendé et la crainte d'être traduit devant les tribunaux.
    En réponse à ce qu'a dit mon collègue à mes côtés, les Américains ont constaté — et nous devrions les écouter — que chaque million de dollars consacré au programme de sensibilisation et de désintoxication permet de réduire la criminalité 15 fois plus que chaque million de dollars investi dans les prisons de Californie et de Floride.
    Pour ce qui est de savoir s'il est jamais indiqué d'imposer une peine d'incarcération d'une durée indéterminée, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Lyons, a déclaré que la disposition existe et qu'une telle peine est acceptable à condition qu'elle soit exceptionnelle, qu'elle soit très bien définie et que les droits du délinquant sont bien protégés devant les tribunaux. La Cour suprême du Canada a statué que cette peine est indiquée mais seulement dans des cas exceptionnels.
    Merci.
    Il me semble que ce projet de loi traite justement des cas exceptionnels. Les dispositions du projet de loi C-2 portant sur les délinquants dangereux s'appliqueront à ceux qu'on pourrait appeler les pires criminels du pays. Quelqu'un a fait mention d'un délinquant qui aurait commis ce qu'on a appelé un crime peu sérieux, mais ce ne sont pas là ceux qui sont visés par ce projet de loi.
    Je crois que nous sommes tous conscients des critères très exigeants et des importantes mesures de protection, y compris la Constitution, qui garantiront aux Canadiens l'application de cette loi non pas dans son sens le plus large mais dans son sens le plus strict. Il n'en reste pas moins qu'il y a des personnes qui, malheureusement, ne sont ni capables, ni désireuses de se réadapter malgré tous les démêlés qu'elles ont eus avec la justice. Ce sont des contrevenants qui commettent des crimes graves comme ceux énoncés dans ce projet de loi — les infractions primaires désignées, par exemple, qui sont les pires crimes qu'on puisse imaginer. Nous estimons devoir agir pour protéger les Canadiens contre ceux qui ne sont nullement disposés à se réadapter et qui ont commis les pires infractions.
    Je m'adresse maintenant à l'Association des chefs de police. Heureusement, les délinquants à qui s'appliqueront les dispositions sur les délinquants dangereux, les pires criminels, sont rares. D'après votre expérience et celle de ceux que vous représentez, quels sont les principaux défis que présentent les délinquants à risque élevé, les délinquants les plus dangereux du Canada, par opposition à ceux qui, bien qu'ils aient commis des crimes graves, ne font pas partie de cette catégorie. Je pense tout particulièrement au problème de la récidive.

  (1630)  

    Nous appuyons toute disposition conforme à la constitution autorisant l'incarcération prolongée des délinquants les plus dangereux. Nous appuyons ces mesures et nous collaborons avec les services de la poursuite pour qu'elles se concrétisent. Nous avons été un peu inquiets des effets éventuels de l'arrêt Johnson et, d'ailleurs, je ne crois pas qu'aucune étude n'ait encore été menée sur l'incidence de cette décision.
    Par ailleurs, j'ai ici le rapport d'une étude qui a été faite par la police de Vancouver sur le programme pour les récidivistes. La police de Vancouver a un programme s'adressant aux multirécidivistes de cette ville. Fait curieux, dans l'échantillon qu'on a étudié, on a constaté que les peines d'incarcération imposées aux récidivistes devenaient de plus en plus courtes. Comme c'était plutôt étonnant, on l'a signalé au ministère de la Justice.
    Les multirécidivistes représentent tout un problème pour nous. Ils commettent non seulement les crimes les plus graves, mais aussi régulièrement des infractions contre les biens et d'autres crimes violents et non violents dans nos collectivités. Choisissez-en un et vous constaterez —
    Vous connaissez des délinquants dangereux. Peut-être que certains d'entre eux auraient dû être désignés dangereux dans le passé mais ne l'ont pas été.
    J'aimerais maintenant avoir votre avis sur ceci: il y a beaucoup de gens qui veillent à la protection des droits des accusés, à juste titre. Dans notre système, ces droits sont pleinement protégés. Mais contrairement à ce que certains témoins ont dit, dans le cas de ceux que nous visons, la question n'est pas de savoir s'ils récidiveront mais quand ils récidiveront. En dépit des meilleurs efforts des autorités qui consacrent souvent beaucoup de ressources à ces cas, certains délinquants récidiveront, même si on les suit pratiquement 24 heures par jour.
    Me reste-t-il du temps?
    Non, votre temps est écoulé.
    Pourrais-je avoir une brève réponse? C'est ce que certains nous ont dit.
    Je vais demander à ces messieurs de répondre une fois que M. Bagnell aura la parole pour poser ses questions.
    Si vous pouviez préparer une réponse, je suis certain que M. Moore serait reconnaissant.
    Je suis désolé, mais j'aimerais poser quelques questions.
    Je veux remercier les chefs de police, cependant, d'avoir appuyé le projet de loi de Mme Jennings sur la modernisation des techniques d'enquête.
    Monsieur Jones, je suis d'accord sur presque tout ce que vous avez dit, et j'ai même fait des pressions en ce sens.
    Mes questions sont pour Mme Schurman. Est-ce que vous avez dit que, en vertu de l'ancienne loi, si quelqu'un commettait un crime particulièrement brutal, une seule fois, il pouvait être désigné comme criminel dangereux, mais qu'en vertu de la nouvelle loi, les procureurs attendront que trois crimes aient été commis?
    Je ne dis pas qu'ils vont attendre; je dis qu'il y a un danger à inclure ceci disons dans la loi. Sous le régime de l'ancienne loi, une des affaires clés a été l'affaire Langevin , entendue par la Cour d'appel de l'Ontario, où un seul acte très brutal a suffi pour le désigner comme criminel dangereux. Donc cette possibilité existe maintenant.
    Un des dangers que je peux prévoir — bien que je ne puisse prédire l'avenir — , étant donné que le législateur a jugé nécessaire d'inclure des articles particuliers touchant ceux qui ont déjà été condamnés, c'est qu'il y a un risque que les tribunaux disent que le législateur s'est exprimé très clairement, et que si c'est un seul acte, il doit être exceptionnellement grave. Peut-être que nous aurons même des critères plus élevés que ceux qui s'appliquent actuellement pour des crimes isolés. Je ne dis pas que c'est ce qui arrivera; je dis que c'est possible.
    Ma deuxième question concerne le pouvoir judiciaire discrétionnaire. Il me semble que le paragraphe 42(4) confère un pouvoir judiciaire discrétionnaire. Le ou la juge peut imposer une peine seulement pour le crime pour lequel l'accusé a été condamné, donc en fait, être désigné criminel dangereux ne fait aucune différence. La troisième infraction mériterait une peine semblable. Est-ce que cela ne protège pas le pouvoir discrétionnaire du juge, et donc rend la disposition conforme à la Charte parce qu'il peut imposer une peine proportionnelle?

  (1635)  

    Il y est écrit que le tribunal doit imposer une de trois options. Cependant, le paragraphe 753(4.1) précise que la peine doit être pour une période indéterminée à moins que le tribunal soit satisfait de la preuve démontrant qu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une mesure moindre protège la population. Cela revient à mettre sur les épaules de l'accusé, plutôt que du procureur, le fardeau de démontrer qu'une peine indéterminée est la réponse adéquate.
    Est-ce que cela ne place pas plutôt le fardeau sur le juge, qui à partir de ce qu'on lui a présenté, doit prononcer une peine raisonnable?
    Vous voyez, à cause du libellé du paragraphe 753(4.1), il est forcé d'imposer une peine d'une période indéterminée dans un pénitencier à moins d'être satisfait par la preuve soumise lors des audiences qu'une peine moindre suffirait. La preuve devra être présentée par quelqu'un, et elle ne sera certainement pas présentée par la Couronne.
    Très bien. J'ai une autre question. Désolé d'être pressé, mais nous avons le temps...
    Je sais que nous voulions parler plus du renversement du fardeau de la preuve, et que ce n'est pas un aspect inhabituel du système judiciaire et qu'il a été déclaré conforme à la Charte auparavant, alors pouvez-vous m'expliquer pourquoi il ne serait pas déclaré conforme dans cette nouvelle utilisation?
    C'est en fait très rare. Le renversement du fardeau de la preuve est une mesure exceptionnelle. Au fil des ans, on l'a permis pour le cautionnement et en vertu d'autres dispositions du code dans des circonstances très particulières, mais chaque fois que la Cour suprême du Canada doit se prononcer sur le renversement du fardeau de la preuve, elle parle d'une mesure exceptionnelle, car il va à l'encontre de ce qu'est censé être le système de justice.
    Outre ce que j'ai dit plus tôt, l'une de mes principales objections, c'est que nous n'avons aucune preuve empirique de la nécessité de cette mesure; par conséquent, il est fort peu probable qu'elle soit jugée constitutionnelle. Si nous n'avons pas de preuve de la nécessité d'inverser ainsi la charge de la preuve, quel argument la Couronne invoquera-t-elle quand on contestera cette disposition devant la Cour suprême du Canada?
    Voilà ce que disait mon collègue: rien ne prouve qu'il est nécessaire d'inverser le fardeau de la preuve dans ces situations.
    Voici ma dernière question: vous affirmez que ces dispositions législatives sont inutiles, mais le fait qu'elles exigeront du poursuivant qu'il décide de demander une audience ou non ne permettra-t-il pas d'éviter que certains délinquants dangereux passent entre les mailles du filet?
    J'aimerais revenir à vos dernières observations. Le fardeau de la preuve est inversé dans tous les cas de renvoi sous garde. Ce n'est donc pas une mesure exceptionnelle.
    L'inversion de la charge de la preuve pour le cautionnement est une mesure exceptionnelle. Il y a eu les arrêts de la Cour suprême du Canada dans les affaires Pearson et Morales, des cas d'infractions graves en matière de drogue, mais le renversement du fardeau de la preuve pour le cautionnement n'a été approuvé que pour quelques infractions. Je crois que nous en avons touché quelques mots quand je suis venue témoigner sur le projet de loi C-35.
    Votre autre question... Je l'ai oubliée.
    Je vous ai posé une question sur le fait que le poursuivant devra dorénavant prendre une décision.
    Très rapidement, je vous prie.
    À l'heure actuelle, c'est le poursuivant qui doit lancer la procédure. Au terme de ces modifications, une fois qu'il aura demandé le renvoi pour évaluation, le juge devra prendre une ordonnance en ce sens. Il n'aura plus la discrétion qui lui permet, actuellement, de remettre en question les demandes qui lui semblent injustifiées au tout début de la procédure.
    Monsieur Harris, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il m'apparaît important de répéter que la partie de ce projet de loi visant les délinquants dangereux a été conçue pour s'appliquer précisément aux pires criminels, aux criminels endurcis de notre société. Ne prétendons pas, comme le laissent entendre certaines observations qui ont été faites ici, que ces dispositions ratissent si large qu'elles toucheront aussi des délinquants qui ne méritent pas d'être désignés dangereux, car c'est tout à fait faux. Ceux qui seront désignés dangereux seront les pires criminels, ceux qui ne peuvent tout simplement assumer la responsabilité de leurs actes. J'estime important de le répéter afin que ceux qui regardent nos délibérations aujourd'hui comprennent bien pourquoi ces dispositions existent.
    Deuxièmement, madame Schurman, je vous sais gré de nous avoir fait part de votre point de vue de juriste. Vous avez fait du très bon travail. Votre contribution est importante. Mais permettez-moi de vous faire remarquer, aux fins du compte rendu, que ce projet de loi n'a pas été rédigé sur une serviette de papier en deux ou trois heures; il a été rédigé avec l'aide des meilleurs juristes et constitutionnalistes auxquels le ministre de la Justice a pu faire appel. Ceux qui ont approuvé la version définitive de ce projet de loi l'ont fait sachant qu'il pourrait faire l'objet d'une contestation aux termes de la Charte ou de la Constitution, mais sachant aussi que cette mesure législative serait jugée constitutionnelle ou conforme à la Charte. J'estime que cela doit aussi figurer au compte rendu.
    Il y a donc divergence d'opinion chez les juristes et il est probable que ce sera la Cour suprême qui tranchera. Je vous remercie donc de vos observations.
    Avant de terminer, j'aimerais poser une question sur le renversement du fardeau de la preuve, qui semble effrayer M. Jones et qui semblait effrayer des témoins que nous avons entendus hier.
    Je crois savoir que, à l'heure actuelle, la charge de la preuve est inversée pour les demandes de libération conditionnelle. Autrement dit, celui qui demande à être libéré sous condition doit prouver à la Commission nationale des libérations conditionnelles qu'il mérite d'être remis en liberté.
    Cela semble avoir assez bien fonctionné jusqu'à présent. Celui qui ne peut prouver à la Commission des libérations conditionnelles qu'il devrait être libéré sous condition n'obtiendra tout simplement pas une libération conditionnelle.
    J'essaie de comprendre pourquoi on hésite tant à imposer un fardeau semblable à celui qui a déjà été reconnu coupable d'un crime. Il ne s'agit pas de déterminer la culpabilité puisque l'accusé a été condamné. Il s'agit plutôt pour lui de démontrer au juge pourquoi il ne devrait pas être désigné dangereux, si c'est ce que la Couronne demande.
    C'est simplement une nouvelle application d'une procédure qui existe déjà. Je ne vois donc pas pourquoi les avocats de la défense, en particulier, ont tant d'appréhension. Tout ce que ça changera pour eux, c'est qu'au lieu de devoir défendre leurs clients, ils devront faire la preuve de ce qu'ils avancent.
    Qu'en pensez-vous?

  (1640)  

    Votre question s'adresse-t-elle à nous tous? S'adresse-t-elle à moi ou à...
    Si le renversement du fardeau de la preuve marche pour les libérations conditionnelles, pourquoi craignez-vous tant que le projet de loi C-2 inverse le fardeau de la preuve pour d'autres procédures judiciaires?
    Parce que les règles du jeu de la cour criminelle n'ont jamais été les mêmes que celles des tribunaux ou organes administratifs, car les audiences que tiennent les organes administratifs n'ont pas les mêmes buts ou fins que celles des cours criminelles et parce que les conséquences des décisions prises par les cours criminelles relèvent d'une toute autre catégorie que celles qui sont rendues par les tribunaux administratifs. Comme le veut la tradition de la common law, qui a été intégrée à nos lois actuelles, c'est...
    Mais l'objectif n'est-il pas le même? Dans un cas, le détenu veut sortir de prison et dans le second, il veut rester en liberté; ils doivent donc expliquer pourquoi il devrait en être ainsi.
    Oui, mais les règles de la justice fondamentale qui, selon les tribunaux, s'appliquent à la détermination de la peine sont parfois bien différentes de celles qui ont été jugées convenables pour la prise de décisions administratives après le prononcé de la peine. Ces règles sont souvent bien différentes.
     J'imagine que c'est ce qui donne du travail aux avocats.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Harris.
    Génial.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Schurman, je vais continuer, si vous me le permettez, en vous invitant à poursuivre là où nous avons été interrompus. Cela me préoccupe beaucoup.
     J'ai beaucoup apprécié l'hyperbole de M. Harris. Vous savez que les hyperboles chez les conservateurs, ce n'est pas ce qui est le plus répandu. Cette formulation verbale dans laquelle on nous dit que le projet de loi a été rédigé par les plus grands juristes est un hommage à peine voilé à M. Hoover. Je veux bien m'y associer, mais évidemment, vous comprenez que cela ne peut être suffisant et ne peut nous dispenser de prendre connaissance des avis juridiques. Mais je partage votre enthousiasme non contenu pour le professionnalisme de la fonction publique.
    Cela étant dit, je veux vous demander de continuer. Vous avez bien fait valoir que vous aviez des craintes concernant la détention arbitraire. S'il y avait une contestation, il y a de la jurisprudence. Il y a des craintes.
    Continuons maintenant avec l'article 7. Comment peut-on réconcilier cela et quelles dispositions du projet de loi sont les plus à risque en ce qui concerne l'article 7?
    En ce qui concerne l'article 7 de la Charte, on ne peut être privé de notre liberté, sauf en accord avec les principes de justice fondamentale. Ce qu'on dit dans certaines dispositions de ce projet de loi, c'est plus ou moins que vous allez être emprisonné pour un temps indéterminé, sauf si vous prouvez que vous ne serez jamais un danger à l'avenir. On impose plus ou moins à la personne le fardeau de prouver ce qui arrivera dans l'avenir. Évidemment, c'est particulier comme fardeau.
    Dans l'arrêt Lyons de 1987 de la Cour suprême on a composé avec la question de l'article 7. La raison pour laquelle, dans l'arrêt Lyons, il fut décidé que la procédure était constitutionnelle était justement que le fardeau de prouver que la personne était un délinquant dangereux revenait à la Couronne, qui devait en faire la preuve hors de tout doute raisonnable. C'était un des éléments clés dans l'arrêt Lyons à l'époque.
     La Cour suprême a dit que même le fait que la Couronne n'était pas obligée d'aviser à l'avance qu'elle allait demander l'audition sur la qualité de « dangereux » n'était pas en soi suffisant pour violer la Charte, mais que c'était peut-être suffisant pour que quelqu'un retire son plaidoyer de culpabilité par la suite.
    Mais en ce qui concerne l'article 7, on l'a vu dans le débat de Lyons et on l'a vu dans la législation que nous avons actuellement. Ce que nous avons présentement fonctionne et est constitutionnel. Alors, pourquoi s'engager dans quelque chose qui provoquera peut-être un débat qui durera des années avant que les procureurs puissent l'utiliser comme il le faut?

  (1645)  

    Vous touchez un point intéressant parce qu'il y a très peu de témoins, et le ministre, je dois le dire, n'a pas répondu à la question.
    Qu'est-ce qui fait que, dans le régime actuel, ça en fonctionne pas? On nous a dit qu'il fallait investir 600 heures pour monter des dossiers. Au fond, le ministre ne nous a pas expliqué ce qui ne fonctionne pas dans le régime actuel, où quand même plus de 300 personnes ont été déclarées délinquants dangereux.
    On semblait nous dire que les avocats de la Couronne étaient réticents à monter des dossiers, qu'il y avait une difficulté. Alors, est-il nécessaire de réaménager un régime? Avez-vous, vous aussi, des indications que le régime ne fonctionne pas?
    Partir du principe que le régime ne fonctionne pas est peut-être un peu dangereux, parce que ce qu'on voulait et ce que vos collègues disent que l'on veut aujourd'hui, c'est quelque chose de tout à fait exceptionnel. Donc, si ce qu'on veut est quelque chose de tout à fait exceptionnel, dans un pays comme le Canada, avec les taux de criminalité que nous avons, il ne devrait pas y avoir autant de personnes déclarées délinquants dangereux chaque année.
    Donc, je pense qu'il y a un problème réel de ressources, je suis d'accord. Dans certaines situations, un procureur de la Couronne pensera le faire mais ne le fera pas parce qu'on ne lui donnera peut-être pas assez de liberté et de temps pour préparer et monter le dossier.
    Quelles sont les ressources qui manquent?
    C'est un problème de fonds ou d'effectifs aux bureaux des procureurs. Oui, ce problème existe, j'en suis convaincue, mais je suis aussi d'avis qu'il ne faut pas nécessairement tenir pour acquis que le système ne fonctionne pas. C'est exceptionnel et cela devrait rester exceptionnel.
    Par contre, madame Schurman, si on renverse le fardeau de la preuve et qu'à la troisième offense, le renversement du fardeau de la preuve s'installe, ce sera très long, très difficile et très coûteux également pour l'aide juridique de faire cette démonstration. D'autres témoins sont venus nous dire que c'est extrêmement difficile — et vous l'avez dit vous-même — de faire cette preuve. Prouver qu'à l'avenir on ne commettra pas un délit, c'est prouver par la négative. C'est une preuve qui est quasiment impossible à faire.
    Oui, et le coût en matière d'aide juridique est également un enjeu. De plus, le fait que la personne réussisse à présenter cette preuve avec experts à l'appui et tout le reste n'enlèvera rien à la procédure, comme vous le dites. Il faut quand même que cette procédure soit longue et pénible dans la plupart des cas, j'imagine. On essaie peut-être de court-circuiter la chose avec le renversement de la preuve, mais je ne suis pas certaine que ça produise l'effet escompté.

[Traduction]

    Madame Freeman.

[Français]

    J'ai une minute?

[Traduction]

    Nous pouvons vous mettre sur la liste, mais nous devons d'abord passer à M. Petit.

[Français]

    Je vous remercie d'être présents parmi nous cet après-midi. Je vais m'adresser principalement à M. Pichette et à M. Pecknold.
    On parle strictement du renversement de la preuve depuis environ une heure ou une heure et demie, mais le projet de loi comprend aussi des dispositions sur les peines minimales, l'âge de protection et la conduite avec facultés affaiblies. Vous avez mentionné plus tôt — et vous avez attiré mon attention sur ce sujet — que vous aviez déjà quelques statistiques sur ce qui se passait à Montréal concernant les homicides, notamment. Si on tente de modifier le Code criminel, c'est pour régler une situation ou du moins empêcher qu'elle se reproduise trop souvent.
    Plus tôt, vous nous avez fait part de statistiques concernant des homicides reliés aux gangs de rue. Avez-vous d'autres statistiques ou données sur la conduite avec facultés affaiblies pour la province de Québec, par exemple, qui pourraient nous guider et nous indiquer si nous allons dans la bonne direction?

  (1650)  

    Malheureusement, monsieur Petit, je ne possède pas de statistiques que je pourrais vous présenter de façon appropriée pour le moment. Par contre, j'écoute le débat depuis plus d'une heure et je vais me permettre de réitérer la position de l'association. Comme l'a dit plus tôt mon collègue M. Pecknold, nous croyons que le Code criminel est déjà très complexe. Je vous encourage à vous mettre à la place des citoyens et citoyennes que vous représentez et que nous sommes appelés à protéger. Pour ces personnes, c'est très compliqué. Je vous invite à essayer de comprendre comment le citoyen ordinaire peut décoder ce dont on vient de parler.
    Je comprends que le droit est important et que les droits des détenus sont également importants, mais pouvons-nous nous arrêter et penser aux victimes? Pouvons-nous voir à ce que les citoyens comprennent la justesse du système de justice, et nous demander s'ils considèrent qu'un individu ayant été reconnu coupable a reçu une sentence appropriée?
    Je côtoie régulièrement les citoyens de l'île de Montréal et je vous dirai bien humblement que dans maintes situations, ils se demandent pourquoi des individus ayant commis des crimes que je qualifierai de violents écopent d'une sentence si légère ou pourquoi des personnes qui commettent à répétition des crimes contre les citoyens — pensons aux entrées par effraction ou aux vols de véhicules, par exemple — sont encore en liberté.
    Je comprends qu'un débat sur les dispositions du projet de loi doive avoir lieu, mais je vous encourage à vous questionner. Que va retenir le citoyen des débats que nous tenons présentement?

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jones, l'affaire Callow — également connue sous le nom de l'affaire du violeur au balcon — a souligné les problèmes par rapport à quand il faudrait ou non faire une demande pour les contrevenants dangereux. Cette affaire a également souligné le fait que notre système n'a aucun mécanisme qui permet de gérer le cas d'une personne qui risque de causer encore plus de dommages à la société une fois qu'elle sera libérée.
    Est-ce que votre agence a songé à des lois qui pourraient être utiles pour créer cette structure? Est-ce que vous avez songé aux ressources dont on aurait besoin pour s'occuper d'une personne libérée après une longue période d'incarcération et qui risquerait de constituer une menace pour la société?
    Merci de votre question, monsieur Comartin.
    La société est régie par d'excellentes preuves, dont, comme vous le savez sans doute, une bonne partie ont été produites au Canada, sur la façon de réduire le taux de récidive. Nous estimons que plus on met l'accent sur la sécurité, la construction de prisons ou — pour revenir à mes amis dans la salle — l'application de la loi, moins on aura de ressources à injecter dans les programmes de traitement qui produisent des résultats.
    J'aimerais répondre à M. Harris, qui a dû s'absenter pour un moment. Le projet de loi C-2 n'est pas une mesure législative isolée. Le projet de loi C-2 se trouve dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la drogue. Ces choses ont tendance à se mélanger.
    Pour revenir à l'observation de M. Harris, lorsque j'ai lu le libellé de la stratégie nationale de lutte contre la drogue, c'est en vain que j'ai cherché à trouver les mots « fondé sur les faits » et  « réduction des méfaits ». Ces deux concepts sont appuyés par tous les spécialistes, de l'Organisation mondiale de la Santé à l'Association médicale canadienne, or on ne les trouve nulle part dans le texte. Cela envoie un message aux Canadiens. Cela indique que nous ne nous intéressons pas aux faits, mais plutôt à l'idéologie.
    Je m'en remets aux spécialistes juridiques en ce qui concerne les faits dans l'affaire que vous avez soulignée. Nous nous plaignons systématiquement du fait que l'on ne finance pas adéquatement les programmes de traitement, surtout lorsqu'on tient compte des faits qui témoignent de leur succès à créer des collectivités plus sécuritaires.

  (1655)  

    Madame Schurman, ma question porte sur le même sujet. Avez-vous analysé quelle mesure législative additionnelle serait utile afin de créer un suivi lorsqu'une personne est libérée dans de telles circonstances?
    Je ne pourrais malheureusement pas vous aider, car je ne connais pas suffisamment bien ce cas. En revanche, l'on pourrait apporter des modifications mineures au Code criminel qui feraient en sorte que l'on n'arriverait pas au type d'articles dont la Cour suprême nous a déjà dit de nous méfier. Je m'excuse de ne pas pouvoir vous être plus utile.
    D'accord.
    Dans votre exposé, vous avez indiqué que vous aviez des renseignements supplémentaires sur l'expérience américaine et le plus haut taux d'incarcération des Américains. Si vous voulez nous en parler davantage, cela pourrait être utile.
    Aux États-Unis — je suis d'accord avec mon collègue —, dans plusieurs États, on recourt de moins en moins aux peines minimales obligatoires parce qu'on est arrivé à la conclusion qu'elles sont très coûteuses et inefficaces. Elles ne se sont pas révélées avantageuses.
    Toujours aux États-Unis, on parle des coûts liés aux peines d'incarcération à durée indéfinie de détenus vieillissants ainsi que des coûts relatifs à la détention de contrevenants plus jeunes. Dans ce dernier groupe, l'âge des détenus est souvent de 18 à 35 ans. Il s'agit souvent de pères. Or, l'emprisonnement de parents entraîne d'énormes coûts sur le plan social. Les enfants souffrent de problèmes émotifs et économiques. Selon des études effectuées par l'Urban Institute Justice Policy Center du Michigan, en raison de l'incidence de dépression et de perturbations familiales, les enfants de détenus souffrent de très lourdes conséquences sociales. Ce sont certaines des choses qu'on observe aux États-Unis.
    De plus, et ainsi que je le disais plus tôt, pour réduire la criminalité, il serait plus efficace d'affecter les sommes présentement consacrées aux établissements carcéraux à d'autres secteurs.
    L'exemple des jeunes hommes âgés de 18 à 35 ans est fort juste, car, ainsi que le savent tous ceux qui travaillent dans le système judiciaire, dans de très, très nombreux cas, après quatre, cinq ou six ans de délinquance, ces contrevenants deviennent d'excellents citoyens, respectueux des lois.
    La mise en vigueur de cette loi risque justement d'entraîner la détention de certains de ces délinquants temporaires, bien que vos collègues d'en face affirment vouloir prendre seulement les pires criminels. Ce qui est à craindre pourtant, c'est qu'on prenne aussi ces gens-là dans les mailles du filet, ce qui dépasse de beaucoup ce qui est recherché.
    Par rapport à —
    Monsieur Comartin, je m'excuse, mais votre temps de parole est écoulé.
    M. Kramp sera le prochain à prendre la parole puis M. Lee.
    Madame Schurman, vous avez parlé de coûts, terme qui m'a quelque peu étonné, qu'il s'agisse des coûts liés au système carcéral ou, ainsi que M. Craig Jones l'a affirmé, des coûts inhérents aux mesures à prendre par rapport à un grand criminel. J'aimerais cependant vous rappeler, ainsi qu'à tous ceux et celles qui suivent cette audience, qu'on néglige un autre coût très lourd, soit celui que doivent assumer les victimes. Tout le monde ici connaît ou connaîtra une victime. Nous pouvons tous nous imaginer ce que ce serait s'il s'agissait de notre soeur, de notre frère ou d'un autre parent ou encore d'un ami ou d'un voisin, et nous l'avons d'ailleurs observé. Nous avons aussi pu voir quelles sont les affreuses séquelles de cela — des vies, des familles et des collectivités détruites. Il faut donc équilibrer les choses ici.
    Plus des deux tiers de notre population demandent des mesures de protection inexistantes à l'heure actuelle. Les gens ont besoin de voir le balancier revenir davantage dans l'autre sens. C'est bien ce qu'ils nous disent. Nous estimons donc qu'il faut trouver le moyen de le faire. Les amendements au Code criminel ne sont pas une panacée, je l'admets, mais leur absence fait partie du problème. Bien sûr, les causes sociales sont d'une importance primordiale. La réinsertion sociale aussi.
    Maintenant, en ce qui concerne la partie du projet de loi portant sur les délinquants dangereux, j'aimerais poser quelques questions, soit à M. Pecknold, soit à M. Pichette.
    Étant donné votre expérience dans le domaine judiciaire, dans la police, si vous faites face à un délinquant violent, avez-vous observé...? Estimez-vous que ces criminels risquent de récidiver, ou est-ce que le crime qu'ils ont commis restera unique? Avez-vous déjà observé des cas où on ne commet qu'un crime? Est-ce bien ce que vous avez observé, ou bien à l'occasion, avez-vous vu des criminels qui risquent de récidiver?

  (1700)  

    Je vais vous répondre de la façon suivante. S'il n'y a pas de personnes qui commettent des délits et qui récidivent, pourquoi avons-nous besoin d'unités pour les récidivistes chroniques? Pourquoi avons-nous besoin d'unités intégrées pour les prédateurs sexuels qui assurent le suivi des prédateurs sexuels dont le mandat est expiré ou qui sont assujettis à une supervision et qui récidivent? Nous réagissons à ces menaces parce que nous sommes obligés de le faire. Nous avons des récidivistes chroniques. Nous nous inquiétons que leur détermination de la peine et leur peine progressive ne correspondent pas au délit ni au mal engendré par ces délinquants au sein de la société.
    Le public ne mérite-t-il pas d'être protégé des personnes qui constituent de toute évidence un problème grave?
    Nous sommes ici pour appuyer les modifications au Code criminel, qui constituent une partie d'une initiative plus grande pour lutter contre le crime violent. Il est donc clair, monsieur, que c'est ce que veut le public.
    Merci.
    Est-ce que vous cherchez à obtenir des observations d'un seul groupe en particulier? L'un des autres témoins souhaite s'exprimer.
    Non. Si M. Jones souhaite s'exprimer sur le même sujet, cela me ferait plaisir de...
    Merci, monsieur Kramp.
    Si, comme vous l'affirmez, les origines sociales du problème sont d'une importance critique, c'est là qu'il faut affecter les ressources. C'est ce que nous indique la preuve.
    Monsieur, je vous affirme de la façon la plus respectueuse, que c'est ce que nous faisons dans le cadre d'une opération sur plusieurs fronts. Les ressources sont bien affectées là. Nous avons besoin d'éducation. Nous devons tenir compte des conséquences sociales au sein de la collectivité. Autant le gouvernement actuel que les gouvernements précédents tendent, il est évident, vers toutes les mesures préventives ainsi que des mesures de réadaptation.
    Notre société a-t-elle abordé ce problème d'une façon exemplaire? Non. Notamment en ce qui concerne la réadaptation, notre bilan me semble lamentable, mais nous devons également nous protéger contre ceux qui... Il s'agit d'une poignée de personnes. On ne souhaite pas mettre des centaines de personnes en prison. Il s'agit d'une petite poignée de personnes qui ont commis des crimes odieux, des crimes inimaginables, qui ont fait outrage à l'humanité. Ne devrait-on pas assurer une certaine protection contre de telles personnes? Voilà ma question.
    Il devrait y avoir une certaine protection, mais rappelons-nous que le taux de criminalité est en baisse constante depuis 25 ans.
    Je ne suis pas d'accord. Le taux en ce qui concerne les crimes violents est en hausse, monsieur. Je suis d'accord que le taux de criminalité global a baissé, mais il ne s'agit pas ici d'infractions sommaires. Nous ne parlons pas des petits délits. Nous parlons de crimes violents et c'est la raison pour laquelle nous traitons d'un projet de loi sur les crimes violents.
    Votre temps de parole s'est écoulé.
    Monsieur Lee.
    Monsieur le président, je suis toujours préoccupé par la constitutionnalité de la partie du projet de loi qui porte sur les délinquants dangereux. J'ai pris note de l'intervention de M. Harris aujourd'hui. Il semblait dire que le ministère de la Justice avait fourni, et les mots exacts m'échappent, une garantie absolue quant à la constitutionnalité des dispositions en question. J'ai du mal à croire que le ministère de la Justice serait en mesure de se prononcer de façon absolue sur la constitutionnalité des dispositions, et j'aimerais bien savoir comment M. Harris peut-il savoir cela.
    J'en suis sûr, monsieur Lee, mais les questions...
    Je n'adresse pas ma question à M. Harris, mais s'il a des renseignements sur un avis juridique quant à la constitutionnalité de la chose, j'aimerais bien le voir.
    Je veux poser une question à Me Schurman, parce qu'elle enseigne le droit et parce que mes collègues de l'autre côté posent souvent des questions hypothétiques. M. Harris a dit de ce projet de loi qu'il ciblait les pires criminels. Je serais ravi que ce soit le cas, et que le projet de loi cible efficacement les pires criminels. Mais nous n'employons pas ces termes-là. Il faut employer d'autres termes dans nos lois, et concevoir quelque chose qui protège nos concitoyens.
    Voici ma question pour Me Schurman. Mettons de côté les pires cas, comme celui du contrevenant dont le casier est très lourd, avec des tonnes d'infractions violentes. Notre collègue, Eddie Greenspan, serait son avocat. Ce criminel aura droit à une audience équitable et sera ensuite déclaré délinquant dangereux. Prenons plutôt l'autre extrême. Parlons d'un citoyen. Pourriez-vous imaginer une hypothèse qui prêterait le flan à une contestation judiciaire en vertu de la Constitution, en raison des circonstances de l'accusé, ou du condamné, ou de l'infraction? D'instinct, je dirais que ce projet de loi risque d'être contesté. Mais pas dans le cas d'un scénario s'appliquant au pire des criminels, plutôt relativement à une affaire visant un citoyen du nord de la Saskatchewan ou du nord du Québec, à qui s'applique cette présomption. Je parle d'un citoyen peu instruit, qui n'a pas accès au meilleur des avocats, et qui pourrait avoir commis l'une des infractions dont vous avez parlé dans votre témoignage.
    Pouvez-vous penser à un scénario hypothétique qui montrerait la faiblesse de cette loi, en cas de contestation en vertu de la Charte?

  (1705)  

    Volontiers.
    Prenons le cas d'un jeune homme de 19 ans, qui a participé à une bagarre dans un bar et qui a commis des voies de fait. Cela fait partie des infractions désignées. Imaginons en outre qu'il ait eu sur lui une arme. On lui inflige alors une peine plancher de deux ans. Deux années plus tard, il est impliqué dans une certaine affaire avec ses copains et il décide de faire quelque chose. Il n'a encore que 21 ans, et on lui impose une autre peine minimale obligatoire. Il se retrouve donc condamné pour deux infractions désignées et le fardeau s'alourdit encore un peu, pour lui.
    Mais allons encore un peu plus loin, et prenons une infraction primaire, soit décharger une arme à feu avec une intention particulière. Imaginons que le contexte soit celui d'une communauté des premières nations, où se produit un grave incident et qu'une arme à feu soit déchargée avec une intention particulière. Ce genre d'accusation est vite portée. C'est désormais une infraction primaire, en vertu de cette loi, qui prévoit une peine minimale obligatoire supérieure. Imaginons ce même citoyen, qui a maintenant 30 ans, et qui s'est vu infliger à 20 ans une peine de deux ans. Même s'il y a de nombreuses années de cela, il tomberait dans la catégorie qui nous intéresse.
    Voilà pour des scénarios, mais n'oubliez pas qu'une contestation judiciaire ne sera pas lancée simplement parce que les faits d'une affaire le permettent. Quand la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Smith, il y a sept ans, affaire qui portait sur une peine minimale obligatoire de sept ans pour importation de narcotiques, la peine de M. Smith a été maintenue. La cour a abrogé la loi mais n'en a pas fait profiter M. Smith, estimant qu'il méritait une peine de huit ans. La loi a été abrogée en considération de certaines hypothèses sur lesquelles la Cour s'était penchée.
    Il n'est donc pas nécessaire que tous les faits soient parfaitement réunis pour qu'une contestation ait lieu.
    Je veux appuyer ce projet de loi. Y a-t-il moyen de régler ce problème? Peut-on le modifier, le corriger, lui mettre un diachylon, du Polyfilla ou autre chose, de manière à corriger le problème, pour que ces dispositions soient moins vulnérables à une contestation judiciaire?
    Il vous reste 15 ou 20 secondes.
    La solution se trouve probablement déjà dans nos lois actuelles, et il faudrait peut-être consacrer les énergies aux ressources destinées à ceux qui administrent les lois actuelles. C'est sans doute là la solution, parce que dans ce cas-ci, on se complique peut-être la vie pour rien.
    Il me reste deux autres personnes sur la liste des intervenants, et elles auront quatre minutes plutôt que cinq. Nous devons terminer à 17 h 15, pour traiter d'une motion qui a été présentée, dont nous devons discuter et qu'il faut mettre aux voix, à 17 h 15. Il s'agit de la motion de M. Ménard.
    Monsieur Jean.

  (1710)  

     Merci, monsieur le président. Je suis content d'avoir la possibilité de poser mes questions aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser aux chefs de police. J'ai pratiqué le droit comme criminaliste pendant 11 ans dans le nord de l'Alberta. Bien franchement, je doute que l'inversion du fardeau de la preuve fasse une grosse différence pour ces gens-là. Très honnêtement, je ne pense pas. J'ai travaillé sur le terrain, et je ne pense pas que l'inversion du fardeau change grand-chose. Qu'en pensez-vous?
    Je suis désolé, je ne crois pas avoir bien compris votre question. Changer des choses pour qui?
    Pour les criminels, qui ont droit à un procès juste et qui doivent être entendus.
    J'ai écouté la discussion sur l'inversion du fardeau de la preuve. Je crois savoir que la Constitution et la Charte sont des documents évolutifs. Je mets toute ma confiance dans la Cour suprême du Canada, qui, si elle était saisie de ces questions, modifierait la loi, au besoin.
    Bien.
    Pensez-vous vraiment que les peines minimales obligatoires feront passer un message clair aux criminels? Est-ce que c'est ça l'objectif? S'agit-il plutôt de gérer les criminels en les écartant de la société, après le fait?
    Probablement les deux. Il y a certainement l'aspect dissuasif, mais nous savons que les jeunes de 21 ans qui s'entre-tuent en se tirant dessus dans les rues de nos villes connaissent les conséquences auxquelles ils s'exposent, s'ils sont pris avec une arme chargée. Ils connaissent les lois et je suis convaincu que si vous avez pratiqué le droit criminel, vous l'avez constaté.
    Ils les connaissent.
    Maître Schurman, avez-vous des commentaires à formuler au sujet de ma dernière question: s'agit-il de faire passer un message clair aux criminels, ou principalement de gérer la situation pour ces 200 ou 300 —
    Vous parlez des peines minimales obligatoires?
    Oui.
    Je suis ravie que vous posiez la question, puisque c'est une chose dont je n'ai pas eu l'occasion de parler. La situation devient très complexe quand une telle infraction est assortie d'une peine minimale obligatoire, et telle autre, de telle autre peine minimale. Il est irréaliste de croire que le genre de crimes commis par des gens armés cesseront parce qu'on ajoute un an à la peine. Voilà pour commencer.
    Ensuite, il y a une question qui me préoccupe fort, en tant que citoyenne, en tant que personne sensible à la situation des familles des victimes de crimes, en tant que mère, etc. Y a-t-il lieu d'affirmer qu'une agression sexuelle commise avec une arme à feu, par exemple, est bien plus grave qu'une agression sexuelle commise avec une machette? Franchement, je vois dans les deux cas des crimes horribles. Je suis donc préoccupée par le fait que ces peines planchers soient associées à certaines choses, mais pas à d'autres qui sont tout aussi répugnantes, et qu'en outre, on présume que des criminels qui sévissent dans nos rues, munis d'armes illégales, se diront qu'il est préférable de ne pas commettre un tel crime parce qu'il est assorti d'une peine supplémentaire d'un an. Voilà quelle est ma préoccupation.
    Qu'en est-il du message à faire passer aux criminels, aux contrevenants violents? Pensez-vous que ce sera efficace?
    Si on y consacre des ressources aussi. Le message est le suivant: si vous faites ceci, vous vous ferez prendre. C'est la conclusion qui a été tirée avant la création de la Commission de réforme du droit dans les années 1970. Maintes études disent depuis que ce qui fait baisser le taux de criminalité au pays, c'est la certitude pour le criminel de se faire prendre et d'être condamné.
    Merci.
    Merci, monsieur Jean.
    Monsieur Bagnell, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux questions et je voudrais une courte réponse à la première, que voici: nous avons parlé de la discrétion qui existe toujours pour le poursuivant, qui même dans le cas d'une triple condamnation, n'est pas tenu de demander une audience pour la désignation de délinquant dangereux. Le procureur peut décider de faire cette demande ou non. Il y a donc toujours cette discrétion?
    Oui.
    Bien.
     Voici maintenant la question à laquelle je veux que vous consacriez les quatre minutes qu'il me reste. Quelques députés de l'opposition ont affirmé à tort, je crois, en voulant que le public l'entende pendant nos audiences, que le projet de loi vise les pires crimes commis contre l'humanité, les pires de tous les crimes, les crimes les plus horribles. Je voudrais que vous nous expliquiez, en raison des peines minimales obligatoires, comment des gens qui ne sont pas les pires criminels de la société, les pires contrevenants, seront ciblés par ce régime.
    On le voit déjà dans l'application des peines minimales obligatoires existantes. Un exemple: pensons à un délinquant assez jeune qui fait l'objet d'un rapport présentenciel très positif. Tout le monde dans la communauté dit qu'il n'a pas d'antécédents violents, mais le juge n'a d'autre choix que d'infliger une peine minimale obligatoire parce que le crime a été commis avec une arme à feu. On le voit couramment, et si des juges pouvaient vous en parler, ils vous diraient combien la qualité de l'administration de la justice souffre du fait qu'ils ne puissent établir ce genre de distinction. Prenez un contrevenant qui pourrait être très positif pour la société, mettez-le en prison, envoyez-le à l'école du crime, enlevez-lui tout espoir et toute possibilité de s'en sortir. Voilà le genre de situation qui est préoccupante.
    Le problème, c'est qu'avec les 25 infractions désignées et les 12 infractions primaires, il y a une très large gamme d'infractions assujetties à ce régime.

  (1715)  

    Désolé, c'était des membres du parti ministériel que je citais.
    Je pense que M. Jones voulait intervenir.
    J'allais justement vous en parler, monsieur Bagnell. M. Jones voudrait répondre, si possible.
    Ma question est la suivante: si les peines minimales obligatoires fonctionnent bien dans ce contexte, pourquoi ne pas les appliquer à toutes les infractions? Avons-nous vraiment besoin de juges? Pourquoi les politiciens n'infligeraient-ils pas des peines, à distance? Si les peines minimales obligatoires sont efficaces, pourquoi ne sont-elles pas plus courantes? Pourquoi les administrations judiciaires s'en écartent-elles, plutôt que de les adopter tout de go?
    Je pense qu'il incombe aux partisans des peines minimales de prouver leur effet dissuasif, ce que les faits ne prouvent pas.
    Monsieur Bagnell, il vous reste encore une minute et demie.
    J'aimerais qu'on poursuive, avec Me Schurman, sur l'idée qu'on pourrait mettre à l'ombre pour le reste de leur vie, de manière indéterminée, des contrevenants qui ne sont ni les pires, ni les plus répugnants. Est-ce possible, avec ce projet de loi?
    Je pense que c'est tout à fait possible en vertu du projet de loi, étant donné la combinaison des fardeaux de preuve, le nombre d'infractions désignées ou primaires et l'élimination de la discrétion pour les juges. Le procureur a encore, certes, la discrétion de présenter ou non une demande. Mais une fois la demande faite, dans certaines circonstances, la discrétion judiciaire est très restreinte.
    Maître Schurman, je crois que vous devez partir parce que votre taxi ne peut pas attendre.
    Je suis vraiment désolée, mais je vous remercie encore une fois pour cette invitation.
    Merci d'être venue aujourd'hui.
    Voilà qui termine nos questions aux témoins.
    Je vais suspendre la séance environ 30 secondes. Nous devons aller voter en Chambre ce soir et nous y serons appelés à 17 h 30. Je vais faire une pause de 30 secondes à une minute et au retour, nous traiterons de la motion de M. Ménard.

  (1720)  

    Je voudrais que nous reprenions nos travaux, afin que personne ne manque le vote de confiance de ce soir. Personne ici ne voudrait rater ça, j'en suis convaincu. Et je fais confiance à M. Ménard, nous pourrons tous aller voter à la Chambre, ce soir.

[Français]

    Le gouvernement ne doit pas tomber maintenant. Ménageons donc l'avenir.
    Voulez-vous que j'explique ma motion, monsieur le président?

[Traduction]

    Très bien, si vous le voulez bien.

[Français]

    Je suis prêt à retirer la première partie de la motion si la greffière et vous-même nous confirmez que les fonctionnaires viendront demain de 10 heures à 11 heures pour nous parler des garanties, à savoir qu'ils peuvent nous démontrer que le projet de loi est raisonnablement constitutionnel. Il faudra bien sûr garder à l'esprit que tout le monde peut contester les lois.
    Dans ces conditions, je pense qu'on pourrait retirer la première partie et voter sur la deuxième. La deuxième est très importante. En effet, dans le cadre de notre travail de parlementaires, la vigilance et l'information doivent nous animer. Le gouvernement et le ministère ont la responsabilité de nous présenter ce qui a été élaboré. Au cours d'une envolée oratoire à laquelle il ne nous avait pas habitués, M. Harris nous a dit qu'il y avait des gens très compétents au ministère, et je suis d'accord avec lui. Je n'imagine pas qu'un gouvernement responsable ne soit pas nanti d'études, d'expertises ou d'avis juridiques.
    Je crois que Mme Jennings ou M. Lee vont présenter un amendement que nous allons appuyer. Des appréhensions ont été exprimées concernant le droit de garder le silence, la détention arbitraire et l'article 7. Je suis prêt à respecter toute la confidentialité que l'on voudra bien nous suggérer, mais je crois que nous ne pouvons pas voter sans avoir obtenu cette information. Ce n'est qu'une façon d'être responsables en tant que parlementaires.
    Je retire donc la première partie.

[Traduction]

    Je peux vous dire, monsieur Ménard, que les fonctionnaires du ministère ont confirmé que ce sera possible. Nous avons encore un témoin demain matin, qui comparaîtra de 9 heures à 10 heures, puis de 10 heures à 11 heures, ce sera au tour des fonctionnaires du ministère de répondre à vos questions ainsi qu'aux questions des autres membres du comité. D'ailleurs, il y aura une limite de temps. Les fonctionnaires nous ont affirmé qu'ils seraient ici pour répondre aux questions, plutôt que pour présenter un exposé. Nous aurons donc un maximum de temps pour leur poser des questions.

[Français]

    Serait-il possible de demander à nos recherchistes de nous rédiger une petite note sur les grands principes jurisprudentiels et les arrêts qui ont été rendus en matière de renversement du fardeau de la preuve? On a déjà cité deux arrêts. J'en connais deux, et je vais les relire. Je sais que c'est beaucoup de travail pour les recherchistes et que par conséquent, on ne pourra pas obtenir cette information demain. Par contre, si on pouvait nous la remettre à nos bureaux lundi avant le vote article par article, ce serait apprécié.

[Traduction]

    Vous pouvez me confier cette demande et j'en parlerai à la greffière et à nos attachés de recherche, pour voir si nous pouvons faire cela ou non.
    Si j'ai bien compris, et je tiens à ce que ce soit clair, parce que les fonctionnaires du ministère seront ici demain, vous retirez la première partie de votre motion.

[Français]

    Voilà.

[Traduction]

    Nous sommes donc saisis de la deuxième partie seulement.
    Madame Jennings, vous avez la parole.

[Français]

    À la suite de discussions avec notre collègue M. Ménard, les libéraux vont proposer l'amendement suivant:

[Traduction]

Que le ministère de la Justice soit invité à
    — nous ajoutons ceci —
fournir, confidentiellement, sur une base de huis clos, lequel protège les avis au ministre, tous les avis juridiques qu'il a en sa possession quant à la constitutionnalité du projet de loi C-2, pour le vendredi, 16 novembre 2007, à 15 heures.

  (1725)  

    Monsieur Ménard, acceptez-vous cet amendement?

[Français]

    J'accepte l'amendement.

[Traduction]

    Vous acceptez l'amendement.

[Français]

    Oui, bien sûr.

[Traduction]

    Monsieur Moore.

[Français]

    Il accepte l'amendement.

[Traduction]

    Je suis assez surpris. Je savais que M. Ménard allait présenter sa motion, mais je suis étonné de voir la modification que vient de présenter Mme Jennings — Avec son expérience, elle aurait dû savoir qu'il est tout à fait inapproprié de réclamer ce genre de document en comité.
    Premièrement, ces avis sont fournis par le ministère de la Justice au gouvernement et au ministre. Ils n'ont pas à être divulgués de cette manière. Les représentants du ministère sont bien disposés à comparaître, comme ils l'ont fait dans le passé, afin de discuter du point de vue juridique du gouvernement concernant des projets de loi, mais pas de produire des avis juridiques. Cela m'exaspère un peu. L'opposition peut faire comparaître tous les témoins qu'elle désire afin de recevoir un avis sur la constitutionnalité de ce projet de loi, mais Mme Jennings et certainement M. Lee savent que cela ne s'est jamais produit sous un gouvernement précédent et ça ne se produira pas dans ce cas-ci — c'est-à-dire, que des renseignements privilégiés soient divulgués au comité. En fait, c'est tout à fait inapproprié.
    Madame Jennings.
    Merci.
    Je n'ai pas eu l'occasion de parler de ma propre modification lorsque je l'ai présentée et je remercie le président de me permettre de le faire.
    La question du lien de confidentialité exclusif avocat-client est bien connue. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada a tout à fait raison lorsqu'il dit que les gouvernements précédents formés tant par le Parti libéral du Canada que par le Parti progressiste-conservateur du Canada — je ne crois pas qu'il y ait déjà eu d'autres partis qui aient formé le gouvernement du Canada — n'ont pas rompu le lien privilégié entre avocat et client.
    Cependant, il se peut que l'on déroge à ce lien privilégié. Le comité a le droit de réclamer des documents. Les libéraux ont présenté cette modification après avoir entendu nos préoccupations concernant le respect de la confidentialité des renseignements.
    De même, lorsqu'un comité entend un témoignage ou reçoit des documents à huis clos, ces témoignages ne sont pas rendus publics. Toute personne qui assiste à une séance à huis clos et a accès à des renseignements doit obligatoirement les garder confidentiels. Pour ce qui est des transcriptions, une seule copie est gardée au bureau du greffier, et les députés doivent se rendre au bureau en question, signer un registre, et doivent consulter le document sur place.
    Si le comité choisit d'appuyer cette modification, les mêmes conditions s'appliqueraient aux avis juridiques que devrait déposer le ministre concernant la constitutionnalité du projet de loi C-2, des avis qu'il aurait reçus en vertu de ses responsabilités comme ministre de la Justice et procureur général du Canada, et ces renseignements devraient être gardés confidentiels.
    M. Ménard a la parole, puis viendra le tour de M. Moore et de M. Lee.

[Français]

    Monsieur le président, je pense qu'il faut d'abord situer le débat là où il doit se situer.
    Nous sommes des parlementaires, nous avons la responsabilité de faire du droit, et nous devons le faire de façon éclairée. En fait, j'aurais pu présenter un autre amendement qui aurait proposé que nous ne débutions pas l'étude article par article avant d'avoir nous-mêmes engagé des experts et des conseillers juridiques pouvant aviser le comité. Nous aurions pu aller à la Chambre, demander un budget et engager des experts. Cependant, comme nous ne voulons pas retarder l'analyse du projet de loi et que les leaders se sont engagés à faire en sorte que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre le 23 novembre prochain, je n'ai pas présenté cet amendement.
    J'ai fait partie du sous-comité qui a étudié le crime organisé. En effet, un sous-comité avait été créé au moment où, en présence des Hells Angels, des bombes explosaient dans nos communautés. Nous nous étions engagés sous serment à ne pas rendre publiques certaines informations. Nous sommes des parlementaires. Pour ma part, si je prête serment et que je m'engage en vertu du huis clos à respecter la confidentialité de l'information, je vais honorer cet engagement.
    À moins que le gouvernement ne craigne...

  (1730)  

[Traduction]

    Je m'excuse, monsieur Ménard, d'interrompre votre fil de pensée, mais j'ai besoin du consentement unanime du comité pour prolonger la séance de cinq ou sept minutes afin que nous puissions régler cette question avant le vote. Nous devons avoir le consentement, puisque le timbre sonne.
    Sommes-nous d'accord?

[Français]

    Je vous annonce, monsieur le président, que nous allons commencer par cette question demain et que nous ne permettrons pas l'audition des témoins tant que nous n'aurons pas voté sur ce sujet.

[Traduction]

    J'apprécie vos commentaires sur la façon de procéder. Nous allons traiter de cette motion demain matin lorsque nous nous rencontrerons.
    Je n'ai pas reçu le consentement unanime, donc je lève la séance jusqu'à demain matin à 9 heures.