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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 décembre 2007

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique tient sa sixième réunion.
    Je demanderais le silence dans la salle tout au long de la réunion. Toute distraction ou interruption peut empêcher les témoins ou les membres du comité d'entendre précisément ce qui est dit. Nous ne voulons pas interrompre les intervenants et je demande donc à tout le monde dans la salle de bien vouloir respecter cette consigne.
    En rapport avec notre étude — je dis bien « étude » — sur l'entente Mulroney Airbus, le comité a adopté la motion suivante :
Qu'afin de déterminer s'il y a eu violation des normes éthiques et déontologiques par un quelconque titulaire de charge, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique examine les questions relatives au règlement conclu avec M. Mulroney dans le dossier Airbus, y compris tout nouvel élément de preuve, tout témoignage ou tout renseignement qui n'était pas disponible au moment du règlement, y compris les allégations faites par M. Karlheinz Schreiber relativement au très honorable Brian Mulroney, et plus particulièrement la réaction aux allégations par l'actuel gouvernement ou des gouvernements antérieurs, y compris la circulation de correspondances pertinentes au sein du Bureau du Conseil privé ou du cabinet du premier ministre; et aussi que M. Karlheinz Schreiber soit sans plus tarder convoqué devant le comité et que le comité fasse rapport à la Chambre sur ses constats, conclusions et recommandations en la matière.
    Notre témoin ce matin est M. Karlheinz Schreiber, qui est accompagné de son avocat, M. Richard Auger, lequel peut conseiller son client mais ne peut pas s'adresser au comité.
    Bonjour, messieurs.
    Monsieur Schreiber, je vous rappelle que vous êtes toujours sous serment.
    Je voudrais d'abord, monsieur Schreiber, vous faire savoir que nous avons reçu un très grand nombre de messages envoyés par télécopieur et par courriel de la part de Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Ils se disaient outrés par le fait que les autorités policières responsables n'aient pas respecté votre dignité personnelle quand ils vous ont menotté pour vous amener à votre résidence d'Ottawa pour avoir accès à vos documents. Cet incident inacceptable a également été exploité par certains, comme vous le savez, qui vous ont tourné en ridicule et se sont moqués de vous. Cette affaire a été rapportée dans le monde entier et, à notre avis, de l'avis du comité, la honte à laquelle on a exposé un Canadien a rejailli sur tous les Canadiens.
    Les membres du comité regrettent sincèrement cette indignité et nous encourageons fortement — très fortement — les personnes responsables à prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer qu'un tel spectacle ne se reproduise plus jamais. Ce n'est pas dans la manière canadienne.
    Monsieur Schreiber, vendredi dernier, l'un de vos conseillers juridiques a traité les travaux de notre comité de cirque politique. Sauf votre respect, je vous dis à vous et à votre avocat que ceci n'est pas un cirque politique. C'est le Parlement du Canada, notre système de gouvernement. Nous serons jugés selon l'efficacité de notre travail et non pas selon de vieilles rengaines usées.
    Les membres de notre comité sont tous d'honorables députés au Parlement qui ont été élus par la population du Canada sous les auspices de la législation électorale du Canada. En application des pouvoirs qui nous sont confiés par la Chambre des communes aux termes de l'article 108 du Règlement, nous représentons absolument les intérêts et les responsabilités du Parlement du Canada.
    Nous prenons ces responsabilités très au sérieux. Nous traitons tous ceux qui comparaissent devant nous avec dignité et respect et nous nous attendons à être traités de la même manière. Nous défendons et protégeons les principes de notre Charte des droits et libertés et nous menons nos affaires en respectant intégralement le règlement du Parlement. Enfin, nous sommes guidés par les pratiques, les précédents et les conventions du système de gouvernement parlementaire britannique.
    Que personne ne mette en doute la légitimité, l'autorité ou la détermination de notre comité pour ce qui est d'assumer efficacement et solennellement nos responsabilités envers la population du Canada, avec fermeté mais justice. Nous avons le devoir de réagir devant l'intérêt public considérable qui est en jeu dans l'affaire dont nous sommes saisis. Nous avons aussi le devoir d'entendre ce que les principaux intéressés ont à dire, dans leurs propres mots, sans l'intervention d'avocats qui peuvent n'être motivés que par les intérêts particuliers de leurs propres clients. Tout n'est pas toujours bon à entendre à travers le filtre d'une enquête judiciaire ou devant un tribunal. La raison d'être de notre comité est de promouvoir la liberté de parole et de laisser ceux qui comparaissent devant nous être jugés par l'opinion publique en fonction des propos qu'ils ont tenus.
    Monsieur Schreiber, quand vous avez comparu devant nous jeudi dernier, le comité a appris pour la première fois que, pour quelque raison que ce soit, vous n'aviez pas eu accès à vos dossiers et documents pour vous préparer en vue de votre comparution, ce qui avait été expressément — expressément — stipulé dans le mandat du Président de la Chambre. Je savais toutefois que vous étiez passible de l'extradition à partir de samedi 1er décembre. Un sursis de votre extradition en attendant le résultat d'une demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême a été accordé par la cour vendredi dernier. Si ce sursis n'avait pas été accordé, vous auriez pu être extradé samedi dernier et vous ne seriez donc pas devant nous aujourd'hui.
    C'est pourquoi j'ai pris la décision de procéder jeudi dernier et de progresser dans la mesure du possible, sachant fort bien que vous ne seriez peut-être pas en mesure de répondre à certaines questions détaillées sans consulter vos documents. À titre de président, j'assume entièrement la responsabilité de cette décision. Mais à mon avis, il n'aurait pas été dans l'intérêt public à ce moment-là d'ajourner la séance sans essayer de réaliser quelques progrès.
    J'étais gravement préoccupé par le fait que le mandat du Président de la Chambre n'avait pas été exécuté intégralement. En conséquence, vendredi dernier, j'ai écrit au sergent-d'armes pour lui demander de me faire un rapport complet afin que nous sachions exactement ce qui s'était passé et pourquoi. Le comité se penchera sur les faits quand il recevra ce rapport.
    Depuis un certain temps, monsieur Schreiber, vous avez dit publiquement à de très nombreuses reprises, y compris dans votre lettre au premier ministre Harper et ses très nombreuses pièces jointes, que vous vouliez avoir l'occasion de donner votre version de l'affaire Mulroney Airbus et de consigner publiquement les faits tels que vous les avez vécus. En conséquence, notre comité a pris des mesures extraordinaires, pour ne pas dire historiques, en vue de vous donner justement cette occasion, et le moment est venu de commencer.
    Vous nous avez fait une déclaration d'ouverture à notre réunion de jeudi dernier. Il est toutefois probable que les questions qui vous seront posées tout au long de vos comparutions ne porteront peut-être pas sur tous les points ou toutes les questions qu'il est important, selon vous, que nous comprenions. C'est pourquoi je vous invite maintenant, ou en tout temps, à comparaître devant notre comité pour faire toute nouvelle déclaration détaillée que vous estimez pertinente à l'affaire dont nous sommes saisis.
    Avez-vous une déclaration d'ouverture à faire aujourd'hui?

  (1115)  

    Monsieur Schreiber, je vais vous donner le temps dont vous avez besoin pour vous adresser à la population du Canada.
    Vous avez la parole.
    Premièrement, monsieur le président, je dois vous dire que je suis fortement impressionné et touché par vos paroles. Je vous en remercie et je remercie tous les membres du comité. Je dis bonjour à toutes les personnes présentes.
    Je crois, comme vous l'avez d'ailleurs signalé, que ce comité sera peut-être d'une grande importance pour tous les Canadiens et qu'un jour, vous serez peut-être tous très fiers d'en avoir fait partie. En effet, je crois tout à fait, du fond du coeur, que ce comité sera historique. Bien sûr, vous avez l'intention de procéder ensuite à une enquête publique complète et je crois que c'est ce qu'il faut faire, parce que nous comprenons tous que le comité ne possède pas les outils qu'une enquête aurait à sa disposition. Faisons donc de notre mieux pour satisfaire les membres du comité et les Canadiens.
    Tous les Canadiens, à mon avis, devraient suivre les travaux de ce comité très attentivement, parce que l'on ne peut pas lutter contre les actes répréhensibles en prenant la fuite, et parce que la valeur d'un pays se mesure selon la valeur exacte que les citoyens accordent à leur pays.
    Mon problème, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, est que je n'ai jamais pris la fuite de toute ma vie, et je crois être un assez bon Canadien.
    J'ai un petit problème ce matin. C'est peut-être à cause de la détention et de tout ce qui m'est arrivé, et j'ai tout mis cela par écrit. Je suis un arrière-grand-père. J'ai deux enfants, six petits-enfants, un arrière-petit-enfant, et ils n'ont pas aimé voir leur grand-père dans la position que vous avez décrite, et j'ai donc quelque difficulté à contrôler mes émotions ce matin, et je tiens à m'en excuser.
    Vendredi, j'ai comparu en cour et j'ignore si vous le savez, mais à ma grande surprise, après neuf ans, le procureur a pour la première fois consenti à me libérer sous caution. Je sais que ce comité m'a probablement protégé, comme un directeur du centre de détention d'Ottawa l'a fait quand la GRC a tenté de m'enlever. Je suis donc reconnaissant. Je demande la tenue de cette enquête depuis des années et je tiens à ce que vous sachiez — surtout vous, M. Pat Martin — que pour moi, ce fut la torture. Vous voici en train de vous battre, surtout vous qui n'avez ménagé aucun effort pour me ramener à la maison et veiller à ce que tout soit fait comme il faut, et puis je ne réponds pas à vos questions. C'est pourquoi je suis venu tout à l'heure, surtout pour m'excuser auprès de vous comme je le fais maintenant auprès de tous les membres du comité et en particulier auprès du président. Je regrette profondément que M. Thibault ne soit pas ici aujourd'hui, après les questions qu'il m'a posées, quoique je crois savoir qu'il est en train de pelleter de la neige. Je pense qu'il regrettera de n'avoir pu venir et je suis désolé pour lui.
    Je ne veux pas prendre trop de votre temps avec mes observations préliminaires, mais je voudrais attirer votre attention sur deux groupes de gens, dans les centres de détention de Toronto et d'Ottawa. Au centre de détention d'Ottawa, les gens me connaissent, parce que j'y viens depuis neuf ans, de temps à autre. Ils m'ont protégé contre cet événement illégal et nous nous séparerons très bientôt. Il y a par ailleurs le surintendant du centre de détention ici même qui a rendu possible que je rassemble tout ce dont j'avais besoin pour venir vous voir aujourd'hui.
    Ce sont des types formidables, je devais le dire.

  (1120)  

    Ce qui est drôle — vous en rirez peut-être —, c'est qu'à Ottawa, les gens sont amicaux, mais à Toronto, c'était assez extraordinaire. Les détenus savaient qui j'étais pour l'avoir vu à la télévision. Ces types-là — enfin, il y avait là des criminels en tous genres, jeunes et vieux — quand ils ont appris ce qui se passait, ils m'ont dit: « Schreiber, tu n'as pas à t'inquiéter, tu as 25 gardes du corps autour de toi, dans cette rangée de cellules. Personne ne vas te faire sortir d'ici ». J'ai trouvé cela extraordinaire.
    Donc, en d'autres mots, beaucoup de gens ont essayé de me protéger.
    Je voudrais maintenant entrer dans le vif du sujet de mon intervention d'aujourd'hui. Je crois que je vais commencer par ce qui est peut-être l'élément le plus important de toute cette affaire.
    De quoi s'agit-il? Il s'agit de savoir ce qui s'est passé sous le gouvernement de M. Mulroney, quels étaient les arrangements pour certaines sommes d'argent, ou quoi que ce soit. Mais tout cela renvoie toujours à un projet; c'était par exemple ce qui figurait dans la lettre de demande. Cela renvoie à Airbus, au projet de Bear Head, aux hélicoptères pour la garde côtière. Autrement dit, dès qu'il y a de l'argent en cause, il faut que cet argent vienne de quelque part et, dans les affaires, l'argent vient des projets. Nous aimerions en entendre davantage là-dessus aujourd'hui et en d'autres occasions.
    Je voudrais donc vous montrer quelque chose qui n'est pas connu jusqu'à maintenant. J'ai apporté des documents qui sont à mon avis les documents clés dans toute l'affaire.
    Commençons, premièrement, par l'élément le plus spectaculaire, l'affaire Airbus, qui donne un nom à toute cette histoire. Tous les événements entourant les avions Airbus, les membres du comité doivent le savoir, tournent autour d'une guerre internationale entre l'Europe — les pays européens, dont la plupart sont actionnaires de Airbus Industrie — et les États-Unis. Vous avez vu dans les médias l'attention et l'importance que le gouvernement américain a accordées à toute cette situation quand Airbus a tenté d'obtenir des clients sur le continent nord-américain. Je ne veux pas entrer dans les détails tout de suite, mais quand vous aurez des questions tout à l'heure, je serai disposé à vous entretenir des Américains en cause: le FBI, la CIA, tout le monde.
    Quoi qu'il en soit, le problème du dossier Airbus est qu'à cette époque — c'est important que vous le sachiez — les appareils Airbus ne pouvaient pas traverser l'Atlantique ni aucun plan d'eau. Les avions avaient seulement deux moteurs et, avec deux moteurs, on avait seulement le droit de s'éloigner de 90 kilomètres de la côte. Donc Airbus, pour survivre, devait vendre des avions là où les appareils pouvaient voler au-dessus de la terre ferme. Il n'y a qu'un seul endroit de ce genre. Un pays immense possédant beaucoup d'avions, à savoir l'Amérique du Nord, principalement les États-Unis. Le Canada était plus ou moins utilisé comme une sorte de cheval de Troie pour prendre pied sur le continent. Du point de vue européen, il y avait un monopole détenu par les États-Unis en orbite. C'est-à-dire que les États-Unis ont le monopole dans le domaine aérospatial militaire. Il aurait été totalement inacceptable pour les Européens de permettre un autre monopole total dans l'aviation civile, surtout pour les compagnies aériennes américaines.
    Je ne critique pas les États-Unis ni leurs compagnies pour avoir occupé une telle position dominante. Ils doivent défendre leurs propres intérêts et je n'ai pas d'objection à cela. Mais les Européens devaient s'occuper de leurs propres intérêts.

  (1125)  

    L'un de ceux qui participaient à toute cette tentative de prendre pied sur le marché nord-américain était M. Franz Josef Strauss. Franz Josef Strauss était président de l'Union sociale-chrétienne, et il était aussi premier ministre de Bavière et président du conseil de MBB, c'est-à-dire Messerschmitt-Bölkow-Blohm. Il s'agit de la compagnie qui possédait des actions dans Airbus Industrie, et il occupait donc une double fonction.
    L'autre monsieur qui participait de très près à cet effort était François Mitterrand, le président français, qui avait les mêmes intérêts que M. Strauss. En passant, c'était une amitié remarquable. M. Strauss était tellement conservateur et François Mitterrand un socialiste convaincu, comme on le sait, mais ils s'entendaient parfaitement dans ce dossier. Pour autant que je sache, c'est M. Mitterrand qui a rendu visite à M. Mulroney quand il est venu ici en visite et qui lui a parlé des problèmes d'Airbus.
    Voilà, cela résume l'aspect politique de toute l'affaire.
    Permettez maintenant que je remonte en arrière, à la fin des années 70, début des années 80, quand je suis arrivé au Canada. Je veux dire, ce n'était pas la première fois que je venais au Canada... J'ai passé le plus clair de mon temps dans l'Ouest, mais je suis venu à Montréal et dans l'est du Canada. C'est un certain Walter Wolf qui m'a invité à venir ici. Walter Wolf était un entrepreneur dans le secteur pétrolier et dont l'entreprise s'occupait de plongée sous-marine pour les plates-formes pétrolières extracôtières. Il était très proche de Michel Cogger, qui a été sénateur par la suite. Tous deux prétendaient être de très bons amis de M. Mulroney, que nous allons rencontrer.
    Premièrement, nous rencontrons le président du Parti progressiste-conservateur, qui est M. Frank Moores. M. Frank Moores venait de quitter son poste de premier ministre de Terre-Neuve et il essayait d'amasser suffisamment d'argent et de faire en sorte que M. Mulroney devienne premier ministre du Canada, et il était très bien entouré. C'était la première fois que je le rencontrais.
    Je vais essayer de résumer, mais je veux que vous compreniez bien ma position et la raison pour laquelle je raconte cela. Comme il faut de l'argent, parce que le congrès à la direction aura lieu bientôt, je me demande ce que je peux faire. Je m'interroge donc et je me dis: Bien sûr, les conservateurs de Bavière ont de très nombreux partisans, beaucoup de conservateurs, et d'autres qui les appuient pour des raisons politiques, et très souvent, c'était moi qui apportait l'argent pour les élections ou le soutien. Alors je dis: Ma foi, je suis disposé à aider, mais de quoi s'agit-il exactement? Eh bien, quand Brian Mulroney deviendra premier ministre, nous aurons un pays différent; nous aurons une attitude différente face aux affaires. Voyez-vous, il est lui-même un homme d'affaires, il travaille chez Iron Ore, il est avocat, et il comprend très bien.
    Je rencontre donc M. Mulroney au Ritz Carlton à Montréal. Son bureau était situé de l'autre côté de la rue. C'était un homme très charmant et, à l'époque, il buvait assez sec. Nous nous sommes donc assez bien entendus.
    M. Moores m'a alors expliqué que tous ces gens-là qui étaient autour cherchaient bien sûr à défendre leurs propres intérêts. L'un voulait devenir ministre; l'autre voulait obtenir un poste au cabinet du premier ministre, comme Michel Cogger, d'autres encore voulaient devenir ministres, comme Coates, et d'autres encore. Quoi qu'il en soit, je l'ai interrogé sur son emploi. Il a constitué en société ou s'apprête à constituer en société une compagnie appelée Alta Nova, qui est une entreprise de lobbying. Il m'a expliqué: vous pouvez vous imaginer ce que ce sera quand cette compagnie sera en place et que nous pourrons compter sur tous nos amis. Vraiment, ils peuvent nous aider à faire des affaires, à créer des emplois, à faire de l'argent. Oui, tout cela m'apparaissait intéressant.
    J'ai demandé: comment tout cela va-t-il fonctionner? Il m'a dit: nous allons faire comme ceci, et il m'a convaincu que tout irait bien. Je lui ai dit: et quelle est la position de M. Mulroney sur tout cela? Eh bien, m'a-t-il dit, quand il ne sera plus premier ministre, il se joindra à nous par la suite, parce qu'il lui faudra bien un gagne-pain.
    Je vous dis tout cela pour que vous compreniez le fondement de toute l'affaire. Or vous savez maintenant que l'affaire Joe Clark est arrivée. Il fallait de l'argent et, surprise, Wardair a fait venir les délégués de Montréal à Winnipeg. Cela a bien fait rire.

  (1130)  

    Enfin, la compagnie GCI, Government Consultants International, était en cause.
    Je vais maintenant prendre sur moi de lire un document, ce qui me facilitera beaucoup la tâche. La première lettre que je vais vous lire est datée du 3 février 1988. C'est une lettre adressée par GCI, c'est-à-dire Government Consultants International, au Dr Franz Josef Strauss, ministre-président, président de l'Union chrétienne-sociale, Bayerische Staatskanzlei, Prinzregentenstrasse 7, 8000 München 22, République fédérale d'Allemagne:
Dr Strauss:
Suite à ma lettre du 5 juin 1986,
— je n'ai pas cette lettre, je ne l'ai jamais vue —
je voudrais attirer votre attention sur une situation qui a surgi en ce qui a trait à la vente d'avions à air Canada.

Comme vous le savez, la vente d'appareils Airbus à Wardair a été couronnée de succès et tout s'est passé presque exactement comme nous l'avions décrit dans la lettre que vous avez reçue.

Le problème qui semble avoir surgi maintenant est que les partenaires allemands dans Airbus, contrairement aux autres partenaires, ont rejeté la demande de garantie de découvert pour la vente potentielle de 33 appareils à Air Canada. Cela a créé des problèmes qui vont au-delà de la garantie de découvert elle-même, en ce sens que les Canadiens intéressés savent que de telles garanties ont été fournies à des pays partout dans le monde et ils tiennent beaucoup à obtenir le même traitement. En outre, dans le cas d'Air Canada, qui bénéficie de la garantie du gouvernement canadien, la garantie de découvert est en fait une simple formalité.

Je crois que la vente d'appareils A320 à Air Canada serait d'une très grande importance, allant bien au-delà du nombre d'appareils en cause. Premièrement, je crois que les concurrents seront forcés de commander des appareils Airbus s'ils veulent rivaliser avec Air Canada. Deuxièmement, comme il s'agit de la ligne aérienne nationale canadienne possédant des droits d'atterrissage partout dans le monde, cela montrerait qu'une autre compagnie aérienne nord-américaine a une confiance totale en Airbus. Troisièmement, et c'est probablement le plus important, tout équipement additionnel dont Air Canada et d'autres pourraient avoir besoin devra sans doute être commandé à Airbus à cause de la communité des cockpits et d'autres technologies, ce dont nous sommes conscients.

Je crois savoir que Aérospatiale, qui est le partenaire responsable du développement canadien d'Airbus, a quasiment conclu une entente avec Canadair de Montréal pour la mise au point d'équipement pour Airbus, entente qui est non seulement satisfaisante pour les deux parties mais qui a été très bien accueillie par le gouvernement du Canada.

Je sais que toutes les parties en cause apprécieraient grandement tout ce que vous pourriez faire pour résoudre le problème susmentionné.

Dans l'intervalle, je vous prie d'agréer mes salutations amicales à vous-même et à votre famille.

Frank D. Moores
    La réponse...

  (1135)  

    Excusez-moi, monsieur Schreiber. Il nous faudra des copies. Les traducteurs et les sténographes n'auront pas pu saisir tous ces noms de personnes et de compagnies. Nous aimerions donc avoir non pas les originaux, mais des copies de tout document qui, selon vous, serait utile pour nos dossiers.
    Monsieur le président, tout a été préparé pour vous aujourd'hui.
    Je vous remercie.
    Veuillez poursuivre.
    Cette lettre-ci est de M. Franz Josef Strauss et est datée du 29 mars 1988.
Cher M. Moores,
Je vous remercie pour votre lettre du 3 février 1988 dans laquelle vous abordez le problème d'une garantie de découvert pour Airbus Industrie afin d'appuyer le financement d'une vente potentielle d'appareils A320 à Air Canada.
Pour ce qui est de l'information reçue de Deutsche Airbus GmbH, le partenaire allemand dans le programme Airbus, les discussions entre Airbus Industrie et Air Canada relativement au financement ont beaucoup progressé, mais n'ont pas encore atteint l'étape où Airbus Industrie a demandé à ses actionnaires d'approuver officiellement une garantie du fabricant offerte par Airbus Industrie. Donc, en fait, quand vous dites que le partenaire allemand « a rejeté une demande », cette affirmation repose peut-être sur un malentendu.
On m'a en outre informé que des discussions sur le financement entre Airbus Industrie et Air Canada portent maintenant essentiellement sur une garantie limitée de valeur résiduelle qui serait accordée en sus des crédits à l'exportation. Cela semble bel et bien confirmer qu'Air Canada est admissible à une garantie de découvert qui est normalement utilisée pour appuyer les ventes à des pays plus faibles.
Veuillez avoir l'assurance qu'il n'y a aucune raison de mettre en doute le fait que le partenaire allemand soit disposé à appuyer la vente d'appareils Airbus à Air Canada de la même manière que l'ont fait les autres partenaires Airbus.
Veuillez agréer,
Franz Josef Strauss
    En voici un exemplaire.
    Voilà donc un premier élément. Je pense qu'il établit très clairement, contrairement à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, que telle est bien la relation entre GCI et Airbus.
    Je vais maintenant vous lire une lettre de GCI qui m'a été adressée le 9 janvier 1991.
Cher Karlheinz,
Veuillez trouver ci-joint le document original reçu du tribunal, les chiffres obtenus du gouvernement concernant les dépenses pour MBB. J'ai fait certains calculs qui, par définition, ne peuvent être qu'approximatifs.
Veuillez agréer,
Frank Moores.
    Il s'agissait des hélicoptères de la garde côtière, mais MBB à Munich n'avait rien à voir directement avec cela. C'était une compagnie canadienne de Fort Érié. Mais pour diriger suffisamment d'argent de MBB vers Frank Moores pour d'autres affaires, ils avaient besoin du projet. Cela vous semblera quelque peu étrange, mais le ministre du Revenu de Bavière est toujours le président du conseil de MBB, Messerschmitt-Bölkow-Blohm, parce qu'ils en sont les principaux actionnaires.
    C'est donc exactement ce ministre et son ministère qui ont autorisé les soi-disant dons utiles pour des projets. Il s'agissait de satisfaire le ministre des Finances allemand dans le dossier MBB qui voulait déduire les versements à GCI, bien plus que d'une affaire de pot-de-vin à qui que ce soit — en fait, c'était une affaire qui concernait seulement les Allemands.
    Je vais aussi vous donner ce document-ci, avec tous les calculs faits à la main par Frank Moores. Il y a aussi une ventilation des commissions de MBB à GCI pour la garde côtière.
    En passant, tous ces documents sont connus du gouvernement allemand. Je suis donc disposé à vous les remettre.

  (1140)  

    J'entends des grognements parmi les députés. Ils veulent voir tout cela. Les députés savent que nous avons décidé d'un commun accord que tous les documents remis au comité seraient distribués immédiatement à tous les députés, qu'ils seraient traduits dans les plus brefs délais et distribués de nouveau avec la traduction. Vous aurez tout cela très bientôt, dès que nous pourrons mettre la main dessus, et vous n'aurez donc pas besoin de vous fier à vos notes pour poser vos questions.
    Je m'excuse de cette interruption.
    Oh non, je vous en prie. Je suis d'un abord facile.
    Veuillez prendre votre temps. Nous avons des interprètes derrière moi. Quand je vois de la fumée sortir de la cabine d'interprétation, je sais que ça va un peu trop vite.
    Veuillez poursuivre.
    Je suis d'un abord facile, monsieur le président.
    J'ai ici une lettre de GCI à M. Winfried Haastert datée du 6 août 1986 :
Monsieur Haastert,
Objet: Projet d'usine d'assemblage à Bear Head, Nouvelle-Écosse
Beaucoup de temps a passé depuis votre première visite au Canada pour examiner la possibilité d'investir ici. J'estime qu'il est utile de vous faire un bref résumé des efforts déployés à ce jour dans le cadre de ce projet, pour que nous puissions discerner quelles sont maintenant les priorités pour assurer la réalisation de cette usine.
Veuillez consulter la note ci-jointe.
    C'était donc le projet principal quand je suis arrivé dans le dossier, et cela faisait suite à une demande du gouvernement canadien, par l'entremise de l'ambassade du Canada, dans le but de créer des emplois et de faire des affaires en Nouvelle-Écosse, dans le détroit de Canso, où se trouvait l'usine d'eau lourde. La raffinerie du golfe avait été fermée. C'était la circonscription d'Allan MacEachen à l'époque. M. Mulroney avait prononcé un remarquable discours dans lequel il annonçait aux Néo-Écossais: « Je vous apporte trois choses: des emplois, des emplois et encore des emplois. »
    Créer des emplois et conserver des emplois, c'est mon travail. C'est tout ce que j'ai jamais fait dans ma vie. Je ne comprends rien d'autre. Mais pour avoir des emplois, il faut faire des affaires, et des affaires, cela veut dire des contrats industriels. Or il faut bien obtenir ces contrats industriels quelque part. C'est de là que tout découle: des emplois, des revenus, des impôts, etc. Et il y a là, monsieur le président, une famille fantastique. Il y a les politiciens de la circonscription, d'autres du gouvernement, il y a les syndicats, et puis il y a les entrepreneurs — tous dans le même bateau, parce qu'ils veulent tous la même chose. Je suis convaincu que chacun d'entre vous est confronté au même problème dans sa circonscription: des emplois, comment faire en sorte d'obtenir des emplois et des revenus et des familles heureuses.
    J'adore ce travail. J'ai donc dit: « Oui, je vais le faire ». Si vous me demandiez de le faire encore demain, même avec mes 74 ans, je sauterais dans un avion et je me mettrais à la tâche. Ce fut le travail le plus passionnant de toute ma vie.
    Le matériel de maintien de la paix et de protection environnementale, sous l'étiquette de la feuille d'érable du Canada: il n'y a pas de meilleur produit d'exportation en ce bas monde. Je peux vous dire que les soldats canadiens et les généraux canadiens ont travaillé avec moi de toutes leurs forces, et Thyssen a dépensé de l'argent, etc., et nous avons conçu, de concert avec eux, le matériel le plus sophistiqué. Par la suite, il m'a fallu reconnaître — pardonnez-moi de dire cela — que le gouvernement se fichait éperdument de la sécurité de nos soldats. C'est là que mon combat a commencé et c'est pourquoi je me suis fait beaucoup d'ennemis implacables. Mais je vous le dis, je suis fier qu'ils soient mes ennemis, parce que s'ils étaient mes amis, je serais l'un des pires Canadiens que l'on puisse imaginer. Mais on y reviendra un jour.
    Je ne veux pas vous lire tout cela. On y indique ce qui s'est passé dans toute cette affaire. C'est le rapport complet et l'on y trouve aussi un programme très intéressant. Le programme a été fait pour M. Frank Moores et sa femme. C'était les 30 et 31 janvier 1988. M. Karlheinz Schreiber et sa femme, M. Max Strauss, et nous avons aussi eu le privilège d'avoir avec nous le Dr Sami Jadallah, le Sheikh Mohammed Hussein et le prince Sultan, le prince héritier d'Arabie saoudite, qui en fin de compte a été assez stupide pour payer 200 millions de dollars de plus qu'il n'aurait dû pour des véhicules blindés.
    En attendant, tout le monde en riait en Allemagne, parce que la Cour suprême avait confirmé qu'il n'y avait eu aucune fraude, aucun pot-de-vin payé aux Saoudiens et qu'ils avaient simplement trop payé, ce paiement étant versé, selon leurs instructions, aux gens qui avaient appuyé la politique des Saoudiens pendant la guerre du Golfe et par la suite.
    Si j'avais deux minutes...

  (1145)  

    Merci, monsieur Schreiber.
    Monsieur Tilson, pourriez-vous préciser en quoi consiste votre rappel au Règlement?
    Oui, monsieur le président. Vous avez offert à M. Schreiber de faire une déclaration. Il semble être parti pour un bout de temps. Cette réunion dure maintenant depuis un peu plus de trois quarts d'heure.
    La question que je vous pose, monsieur, à l'occasion de ce rappel au Règlement, est la suivante: Allez-vous laisser M. Schreiber lire des lettres pendant tout le reste de la séance, ou bien fixerez-vous une limite quant à la durée de sa déclaration, comme nous le faisons pour les autres témoins?
    Monsieur Tilson, ce n'est pas un rappel au Règlement, mais je respecte l'intention de votre intervention.
    Comme je l'ai dit dans ma propre déclaration d'ouverture, nous pourrions poser des questions toute la journée sans jamais pouvoir visualiser le tableau que M. Schreiber est en train de nous décrire. Je pense qu'il est dans l'intérêt public, dans l'intérêt de toutes les parties intéressées, de tous les intervenants, qu'il poursuive, pourvu qu'il ne se répète pas et qu'il nous remette les documents. Je pense que c'est dans l'intérêt public. Je vais lui permettre de poursuivre.
    Monsieur Schreiber, le député a hâte de participer lui aussi et je suis donc certain que nous serons le plus concis possible. Mais je vous en prie, prenez le temps de nous dire tout ce qui est à votre avis pertinent à l'affaire qui nous occupe, pour que nous puissions comprendre exactement quelle est votre version des faits.
    Merci, monsieur le président, mon propos va au coeur même de tout ce que vous demandez et je peux satisfaire l'honorable député. Je vous ai parlé des trois projets — Airbus, Thyssen Bear Head, et les hélicoptères — et ceci est le dernier document que j'ai à vous montrer. J'espère donc que vous êtes satisfait, monsieur.
    Je voudrais maintenant passer à autre chose parce que cela me tracasse. La dernière fois, vous avez vu que j'étais vraiment surpris quand vous avez lu les chiffres de tous les dons que moi-même ou mes compagnies avaient faits aux partis canadiens. Je dois vous dire encore une fois que je n'avais pas la moindre idée de ce dont vous parliez. Ensuite, quand j'ai lu cet article de journal j'ai commencé à comprendre de quoi il s'agissait parce qu'il était question, par exemple, de ma compagnie, la Thyssen Bear Head Industries.
    Laissez-moi vous dire que le secrétaire de cette compagnie est M. Edmond Chiasson, qui est un libéral. Il est avocat. Il était avec les Doucet à Halifax. Sa femme était la directrice de campagne de M. Chrétien en Nouvelle-Écosse. Et il possédait des actions de Bear Head Industries parce que je possédais cet actif seulement en fidéicommis pour Thyssen.
    Donc, selon les procédures administratives normales, je n'étais pas en cause. J'ai eu des réunions.
    Nous avons un témoin clé de tout cela, M. Greg Alford. Il est à Toronto aujourd'hui. M. Greg Alford était vice-président principal et c'est lui qui s'occupait de tous les dons, les dîners-bénéfice et tout le reste. Je sais qu'il avait signé en 1993 le chèque aux libéraux, au montant de 10 000 $, de Thyssen Bear Head Industries — simplement pour apporter une rectification.
    M. Alford est quelqu'un de très intéressant. Il a été vice-président et, pendant un certain temps, président de GCI — la compagnie de Frank Moores — et M. Moores était plus ou moins comme son parrain, parce que le père de M. Alford est décédé et M. Moores avait des liens avec lui relativement à quelque transaction immobilière à Chaffeys Locks. Mais M. Alford a également par la suite créé Spaghettissimo North America Inc., qui est une compagnie de pâtes. Plus tard, il est devenu président de Reto's Restaurant Systems International Inc. Autrement dit, M. Alford peut vraiment répondre à beaucoup de questions du comité au sujet de GCI, Bear Head Industries, Spaghettissimo et Reto's. Il peut vous dire, par exemple, qui exactement était en cause dans l'affaire des pâtes et qui ne l'était pas.
    Mais maintenant, depuis que j'ai examiné tout cela, j'ai trouvé quelque chose d'autre de tout à fait remarquable et il m'a semblé que j'avais déjà vécu cela en Allemagne. En Allemagne, j'ai dû remettre, dans le cadre du programme saoudien dont j'ai parlé, un million de dollars au trésorier de l'Union chrétienne-sociale et, à ma grande surprise, quand toute l'affaire a été mise au jour à un moment donné, cette somme de un million de dollars avait disparu. Donc, le comptable agréé et deux ou trois autres personnes avaient simplement volé l'argent.
    La même chose est arrivée dans le cas d'un autre don au Dr Schäuble, qui est aujourd'hui le ministre des Affaires intérieures. L'argent a simplement disparu.
    Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela? Il y a de l'argent qui manque. En 1993, j'ai donné 30 000 $ au Parti progressiste-conservateur. Ce n'est pas sur votre liste et ce n'est pas sur cette liste-ci. J'ai donné l'argent en liquide au frère de M. Jean Charest pour son congrès à la direction.
    Jusqu'à maintenant...

  (1150)  

    Vous avez dit le frère de M. Charest. Est-ce Jean Charest?
    Je voulais dire Jean Charest, oui. C'était pour le congrès à la direction. J'étais là quand il a été battu par Kim Campbell.
    Mme Carole Lavallée: Merci.
    M. Karlheinz Schreiber: J'ai pensé à ce qui s'était passé et je me suis demandé sur quoi reposait toute cette affaire, et je voulais faire toute la lumière sur les paiements. Je ne suis au courant d'aucun autre paiement.
    Ensuite, je m'étais préparé... Et laissez-moi vous dire qu'au cours des huit semaines que j'ai passées dans un centre de détention, j'ai dû avoir des pertes de mémoire. Je ne savais même pas quelle quantité de documentation j'avais déjà rassemblée pour une réunion comme celle-ci. Voici donc tout ce que j'ai rassemblé à votre intention et permettez que je vous dise exactement de quoi il s'agit.
    Voici ma correspondance avec M. Mulroney. C'est pour vous. La voici.
    Des voix: Bravo!

  (1155)  

    À l'ordre.
    Messieurs, je suis content de voir que vous avez le sens de l'humour et que vous riez avec moi, parce que le plus drôle, c'est que je voulais que tout cela sorte au grand jour. C'est la raison pour laquelle quelqu'un voulait m'enlever et m'expulser du pays, et vous avez stoppé cette manoeuvre. Alors à quoi diable vous attendiez-vous de ma part aujourd'hui?
    Voici toute la correspondance avec M. Harper. La voici.
    Quand j'ai envoyé ces lettres à M. Harper, j'y ai joint ces deux volumes pour qu'il ait l'occasion de lire tout ce qui s'était passé dans ce pays depuis 1995 et même avant. Qui dira maintenant que je ne collabore pas avec le gouvernement canadien? Ne me faites pas rire. Voici, c'est pour vous.
    Il y a ensuite mon affidavit. Vous l'avez. Sinon, je vous le remets avec toutes les pièces jointes. Voici.
    Ensuite, je vous ai apporté — allons, vous saviez bien que cela s'en venait — ma dernière lettre à l'honorable Stephen Harper, dont l'objet est: « Scandale juridico-politique, abus de la confiance du public, violation du droit international par l'Allemagne ». Voici ma lettre au premier ministre, avec toutes les pièces jointes, c'est pour vous.
    Je me sens maintenant un peu comme un mendiant. J'ai les mains vides pour l'instant, et j'ignore si c'est un cadeau de Noël pour vous tous et pour les Canadiens ou bien si c'est un fardeau. Mais chose certaine, cela vous aidera à préparer les bonnes questions et peut-être des questions spéciales, en plus de tout ce que je vous ai donné, et qui est la base de toute cette affaire.
    Il n'y a pas d'autres miracles, aucune entente avec les avocats ou rien de ce genre. Quand j'ai parlé la dernière fois de tous ces documents, je me disais: Seigneur, j'ai trois avocats au Canada, trois avocats en Suisse et trois avocats en Allemagne. Tout est lié à cela d'une manière ou d'une autre, mais cela ne voudrait rien dire pour vous. Ce sont des documents qui ont été déposés devant les tribunaux et donnés aux Allemands également.
    Ce que vous avez aujourd'hui, c'est la base et si vous n'êtes pas satisfaits ou si vous trouvez quelque chose ou voulez quelque chose d'autre, faites-le moi savoir et je vais m'efforcer de le trouver et peut-être aurais-je du succès. J'espère que cela est satisfaisant pour vous.
    Merci.
    Excusez-moi, monsieur le président, encore une dernière chose. Au sujet des questions que vous avez posées la dernière fois, si vous le voulez, je peux passer en revue chacune des questions. J'ai des réponses à toutes les questions. Ou bien si vous voulez que je vous les donne un autre jour, je les ai ici. C'est à vous d'en décider.
    Premièrement, monsieur Schreiber, je veux vous remercier pour votre franchise et d'avoir fourni cette information au comité, aux Canadiens, dans un esprit de collaboration. Vous avez comparu devant nous volontairement, bien qu'il nous ait fallu recourir à certains documents. Nous comprenons que vous vouliez raconter votre histoire, et vous l'avez prouvé. C'est un magnifique cadeau de Noël pour nous.
    Je peux seulement vous donner un petit cadeau de Noël en retour. On vient de me dire que vous avez obtenu votre caution.
    Merci beaucoup.
    Vous coucherez dans votre propre lit ce soir, espérons-le.
    Toutes les choses épouvantables qui me sont arrivées, je serais prêt à les revivre encore une fois pour avoir l'occasion de retourner à la maison et de retrouver la personne que j'aime le plus au monde, ma femme.
    Je comprends tout à fait.
    Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. M. Schreiber a dit qu'il avait des réponses aux questions que nous lui avions posées. Les députés ne sont évidemment pas tenus de les reprendre exactement dans l'ordre, ni même de poser toutes les questions. Elles peuvent avoir déjà trouvé une réponse dans la déclaration de M. Schreiber ou ailleurs. Nous allons donc procéder comme d'habitude avec un premier tour de parole de sept minutes.
    Je voudrais par ailleurs vous dire, monsieur Schreiber, comme nous en avons discuté avec vous et avec votre avocat, que de ne pas répondre à une question ou de refuser de répondre n'est pas une option, et vous le comprenez fort bien. Je sais que certaines questions pourraient vous poser des difficultés, parce que vous estimez qu'y répondre pourrait nuire injustement à une autre personne, etc. Je suis prêt à écouter tout argument ou toute justification que vous pourriez avoir et je déciderai comment nous pourrions être en mesure d'obtenir le renseignement voulu, au besoin.
    Je vous rappelle également encore une fois que vous bénéficiez du privilège parlementaire, ce qui veut dire que rien de ce que vous direz devant le comité ne pourra être utilisé contre vous dans une autre procédure quelconque.
    Avez-vous bien compris ce que j'ai dit?
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Passons aux questions. Le premier tour est de sept minutes.
    Monsieur Goodale.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Schreiber, je m'appelle Ralph Goodale et je suis député de la Saskatchewan. Je remplace aujourd'hui mon collègue libéral Robert Thibault qui, malheureusement, est retenu par la tempête dans le Canada de l'Atlantique.
    Aujourd'hui, comme vous pouvez consulter tous vos documents, nous espérons pouvoir approfondir les questions dont notre comité est saisi. Je n'ai qu'une question à vous poser pour commencer, monsieur Schreiber, pour en finir avec la question d'Airbus que vous venez de soulever, et c'est la suivante.
    Airbus et le gouvernement allemand étaient évidemment vivement intéressés à obtenir le contrat canadien. Je voudrais vous demander ceci: Airbus a-t-il autorisé le versement de paiements quelconques pour faciliter l'obtention du contrat? Dans l'affirmative, à qui ces paiements ont-ils été faits? Quand ont-ils été faits? De quels montants étaient-ils? Et ces montants étaient-ils déductibles à titre de dépenses par Airbus?
    Dans tous les dossiers qui sont en cause dans cette affaire... J'ai nommé les trois, alors parlons d'Airbus.
    C'est toutefois très différent. Ce n'est pas de l'argent qu'on dépense ou qu'on gagne; c'est de l'argent qui est fonction du succès. C'était une commission. Comprenez-vous? Pas de contrat, pas de commission. Autrement dit, nous avons conclu une entente officielle avec Airbus, par l'intermédiaire d'une compagnie appelée IAL, qui est une société de fiducie du Liechtenstein. En passant, elle ne m'appartient pas. C'est une autre compagnie et elle n'est même pas nécessaire, parce que vous auriez pu être présent et être le fiduciaire d'Airbus, ou encore GCI.
    Maintenant, quand le contrat est obtenu et que vous touchez la commission sur le contrat, si GCI veut être payée en Suisse — cela a d'ailleurs été confirmé au début par la GRC — ce n'est pas illégal. Pourvu que l'on déclare l'impôt au Canada dès que l'on sort de l'argent, enfin quelles que soient les règles de l'impôt, il n'y a rien à redire. Ils peuvent décider ce qu'ils veulent. Et c'était mon travail.
    Quand vous parlez de ces dons utiles, ce qui était très important pour nous durant toutes ces années-là, il y a eu constamment des discussions entre l'industrie et le gouvernement — écoutez, il y a tellement de pays qui font cela partout. Et c'est vrai. C'est absolument vrai. J'ai été témoin de cela partout. Nous devons avoir la possibilité de déduire ce montant, n'est-ce pas?
    Comme je l'ai dit, dans le cas des hélicoptères, de temps à autre, ils ont même examiné la situation pour savoir de quoi il s'agissait. Pour que vous compreniez bien précisément — car si je comprends bien, c'est la question que vous posez —, je vais vous montrer à quel point tout cela est absurde.
    Les seules transactions qui ont eu lieu de la part de MBB est que la compagnie mère en Allemagne a vendu des pièces à la compagnie canadienne à Fort Erie, qui comptait d'autres actionnaires. Donc, quand on examine tout cela et qu'on se dit qu'on a besoin d'aide pour les dons, vous voyez déjà à quel point tout cela est absurde, parce que c'est la même chose. On prend de l'argent dans sa poche gauche pour le mettre dans sa poche droite et l'on dit: J'ai besoin d'aide et de dons pour vendre du matériel à ma propre compagnie. C'est pourquoi ils ont inventé quelque chose, par exemple la garde côtière, pour montrer qu'un projet était enfin sur pied, pour satisfaire le ministère du Revenu d'Allemagne, pour obtenir la déduction de ces dons utiles.

  (1200)  

    Monsieur Schreiber, je reviendrai peut-être là-dessus plus tard, en particulier lorsque j'aurai eu l'occasion de lire une partie des documents que vous avez déposés aujourd'hui. Passons maintenant à un sujet différent, mais qui est en rapport avec les questions qu'on vous a posées à la dernière réunion.
    Vous avez conclu un arrangement avec le premier ministre Mulroney le 23 juin 1993, au lac Harrington, en vue de lui remettre 500 000 $. Est-ce exact?
    Non.
    Alors qu'est-ce qui est exact?
    Il est exact que nous avons discuté de la situation et de ce que nous pourrions faire et nous avons convenu que lorsqu'il serait de retour à Montréal, à son cabinet d'avocat... C'était plus ou moins fondé sur ce qu'il m'avait dit, à savoir qu'il croyait que Kim Campbell allait gagner les élections, qu'il y aurait un autre gouvernement majoritaire et qu'il serait alors bien placé. C'est facile de comprendre la situation aujourd'hui, n'est-ce pas? Très simple.
    Alors je lui ai dit que j'étais d'accord, que j'étais disposé à faire cela. J'irais vérifier et lui ferait savoir ce qui était disponible. J'avais des fonds disponibles pour le projet Bear Head, qui est encore à l'état de projet, et je lui ferais savoir ce qu'il en était.
    C'était donc un accord de principe que nous travaillerions ensemble, mais ce jour-là — ce serait complètement injuste que je dise quoi que ce soit d'autre et ce ne serait pas la vérité —, nous n'avons pas parlé d'argent.
    Il reste seulement une minute et demie, monsieur Goodale.
    Nous reviendrons sur cette conversation en particulier, monsieur Schreiber, pour établir exactement quelle était la nature de votre entente avec M. Mulroney.
    Pouvez-vous me dire si quelqu'un d'autre était présent lors de cette conversation...
    Non.
    ... ou bien si c'était strictement entre vous et lui?
    Non, seulement lui.
    Dans les documents que vous avez déposés, y a-t-il un agenda ou journal personnel pouvant confirmer précisément la date et l'endroit de cette réunion?
    Oui, c'était dans les médias. J'avais une page à ce sujet et je l'ai remise. On y trouvait le numéro de téléphone et la date. Je pense que, dans l'intervalle, les journalistes ont trouvé le service qui m'avait conduit là-bas, parce qu'il avait envoyé une limousine. Mais il n'y a rien d'autre.
    J'ai une dernière question pour mon premier tour, au sujet de cette discussion que vous avez eue au lac Harrington le 23 juin. Est-il vrai que le premier paiement comptant a été fait à M. Mulroney en août 1993, à l'aéroport de Mirabel? Est-ce exact?

  (1205)  

    Oui. Après la réunion, j'ai vérifié ce qui restait pour le projet de Bear Head, de tout l'argent qui était disponible, et il restait 500 000 $. Je suis assez certain — pas à 100 p. 100, mais je suis assez certain que je n'ai eu aucune discussion avec lui avant de le rencontrer à l'aéroport. Mais à ce moment-là, je lui ai certainement dit clairement qu'il y avait dans le compte 500 000 $ et que cet argent était disponible pour ses services en cas de succès.
    Et à cette réunion, vous lui avez remis l'argent?
    Merci, monsieur Goodale. Je suis désolé, mais il ne vous reste plus de temps.
    Madame Lavallée, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Schreiber, d'être ici ce matin et de collaborer aussi aisément.
    Je dois d'abord vous remercier pour les cadeaux de Noël que vous nous avez faits. Il faut dire que j'avais fait ma liste avant et que je vous l'avais remise jeudi dernier. On n'est jamais déçu quand on fait une liste. Je ferai la même chose dans ma vie personnelle.
    La nature du contrat avec M. Mulroney, effectivement, est une des choses qui nous préoccupent le plus, mais vous avez dit plusieurs choses. Vous avez dit lui avoir donné 300 000 $ parce qu'il avait des difficultés financières. Vous avez dit — et vous venez de le redire — que c'était pour le projet Bear Head. Il a été question aussi, dans votre affidavit, de l'installation d'une usine de pâtes alimentaires. Vous avez même dit que c'était pour la réunification de l'Allemagne.
    Pourquoi avez-vous donné plusieurs versions? Je voudrais connaître la part des fronts que vous aviez organisés et la part de ce qui est vrai. Qu'est-ce qui est vrai et qu'avez-vous décidé ensemble de dire publiquement? Surtout, j'aimerais savoir d'où provenait cette somme de 300 000 $. Il y avait 500 000 $ dans le compte de Britan. D'où venait cette somme? Venait-elle d'Airbus?

[Traduction]

    Je vais commencer par vous faire un cadeau de Noël. Ce n'est pas 300 000 $, mais c'est un cadeau de Noël.
    Votre question m'a été posée plusieurs fois et ce n'est rien d'autre que de la confusion semée par les médias. Quand j'en ai parlé... Quand on fait quelque chose, on ne le fait pas pour une seule raison. J'avais plus d'une raison de vouloir l'aider. Le problème est qu'ils avaient vendu le mobilier et que Fred Doucet était aux abois, l'argent manquait, et Elmer MacKay était quasiment fou de rage qu'on ait enlevé le mobilier. Alors je me disais: Pourquoi devrais-je l'aider? Le projet n'est pas réalisé, il s'en va, pourquoi l'aiderais-je?
    C'était donc à ce moment-là... mais je dois maintenant expliquer tout cela point par point, parce que toutes les raisons que vous avez énumérées sont effectivement des raisons pour lesquelles j'ai conclu une entente avec lui. D'abord, je lui étais reconnaissant, en effet, d'avoir contribué à la réunification, parce que Mitterrand et Maggie Thatcher étaient tout à fait contre. C'était donc Mulroney, James Baker, Bush, Kohl et Gorbatchev qui avaient réalisé cela. Si vous aviez un mur au milieu de votre ville et 16 millions de vos compatriotes en prison, vous seriez reconnaissante, vous aussi, j'en suis certain, que quelqu'un aide à abattre ce mur. C'était donc une raison.
    L'autre raison était que je voulais sauver le projet. Thyssen avait déjà dépensé tellement d'argent et se sentait trahie, alors quand nous avons enfin entendu dire que le projet ne se ferait pas... parce qu'à ce moment-là, nous ne savions pas que M. Mulroney l'avait torpillé. C'est ce que nous avons appris plus tard, dans la lettre de demande. C'était en 1995, donc deux ans plus tard. À ce moment-là, nous pensions toujours qu'il se ferait. Alors y avait-il une chance? Je vous le dis franchement, je doutais que Kim Campbell puisse jamais former un gouvernement majoritaire, mais M. Mulroney était un homme très puissant au Québec et il y avait donc peut-être une chance que cela fonctionne.
    Par ailleurs, l'usine de pâtes n'avait rien à voir avec cela à l'époque; le projet n'existait même pas. C'est ce que M. Mulroney a dit. Il a été question des pâtes pour la première fois quand nous avons discuté de quelque chose. Ce projet n'existait pas parce que Kim Campbell n'a pas obtenu de gouvernement majoritaire et il ne pouvait rien faire. Enfin, vous conviendrez avec moi qu'il ne pouvait pas aller voir M. Chrétien pour lui dire d'accorder le projet à Thyssen, n'est-ce pas?
    Donc, la première fois que nous avons discuté des pâtes, il n'y avait rien qu'il puisse faire à ce moment-là. C'est seulement en 1994 que nous avons commencé à réfléchir pour la première fois à ce qui pourrait se faire; c'était en décembre, à New York. Je doute même de lui en avoir parlé à ce moment-là. Je pense que c'est beaucoup plus tard, quand Spaghettissimo a été constituée en société et qu'un homme d'affaires canadiens, un ami à moi, est venu en Suisse et nous avons alors discuté de l'affaire avec Greg Alford.
    Alors oubliez le dossier des pâtes. C'est arrivé beaucoup plus tard durant les discussions et cela n'avait absolument rien à voir avec ce paiement.

  (1210)  

[Français]

    Vous avez dit que vous étiez reconnaissant envers Brian Mulroney de ce qu'il avait fait concernant la réunification de l'Allemagne, mais vous lui étiez reconnaissant aussi de ce qu'il avait fait pour Airbus.

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Vous n'étiez-vous pas reconnaissant envers lui?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Vous n'étiez pas content.

[Traduction]

    Non. Mais vous voyez, madame, pourquoi Airbus, comme je vous l'ai dit, était une entente entre Franz Josef Strauss, François Mitterrand et, pour autant que je sache, Brian Mulroney.
    J'ai bien ri quand il a été dit publiquement que Brian Mulroney était impliqué dans l'affaire Airbus. C'est arrivé plus tard et c'était très drôle, quand quelqu'un m'a dit qu'Air Canada était une propriété libérale. Si Mulroney s'était montré ne serait-ce qu'à cinq milles d'Air Canada, il aurait fait le contraire de tout ce qu'il voulait faire.
    Non, la première fois que j'ai entendu dire que Mulroney pouvait être impliqué d'une manière quelconque dans cette affaire, c'est quand Fred Doucet m'a demandé un jour... Je dois m'expliquer un peu mieux. Il y a toujours eu une lutte entre les Doucet et Frank Moores et Gary Ouellet. Mais vous comprenez, ils étaient les actionnaires et l'argent qui a été versé dans le compte en Suisse appartenait aux actionnaires de GCI. Fred Doucet a toujours voulu que je lui dise si les chiffres que Frank Moores lui communiquait étaient exacts, si c'était le montant exact déposé là-bas. Je ne voulais pas m'en mêler, alors je lui ai dit de me laisser tranquille et de s'adresser à Moores. Je ne peux pas me mêler de vos affaires internes. Alors il m'a dit: Je veux que vous fassiez en sorte que de l'argent de ce compte soit transféré à un cabinet d'avocats à Genève...

[Français]

    Je veux simplement savoir d'où provenait l'argent qui était dans le compte Britan.

[Traduction]

    C'est votre dernière question.
    Cet argent venait d'une rubrique, dans un compte, appelée Francfort, ce qui voulait dire Frank Moores et GCI. Mais c'était mon compte, n'est-ce pas, une rubrique dans mon compte. J'avais réservé cet argent parce que Mulroney s'en allait et que rien n'avait été fait pour Bear Head Industries. C'était encore en suspens et je me sentais très mal par rapport à Thyssen, à cause de tout l'argent que la compagnie avait dépensé. J'avais laissé cette portion, cet argent pour moi, pour m'assurer de pouvoir poursuivre.
    Merci, madame Lavallée.
    Nous passons maintenant à M. Pat Martin.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai très peu de temps, monsieur Schreiber, alors je vous demanderais d'être bref dans vos réponses. Nous pourrions peut-être nous rencontrer plus tard, pour prendre un café, et ce serait sympathique.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Pat Martin: Monsieur Schreiber, votre avocat a témoigné en Allemagne — et il l'a dit encore ici au Canada — que vous aviez distribué environ 10 millions de dollars à des Canadiens pour essayer d'influencer des politiciens. Est-ce vrai?
    Mon avocat a témoigné quelque part? Je ne suis pas au courant de cela.
    Bon, alors je vais vous poser la question directement: Est-ce qu'André Ouellet a été payé par vous ou l'un de vos associés, pendant qu'il était ministre, pour faire du lobbying au cabinet du premier ministre Chrétien, ou au Conseil privé, au sujet du projet Bear Head...
    André Ouellet? Quel poste occupait-il?

  (1215)  

    André Ouellet était à ce moment-là ministre des Affaires étrangères, sauf erreur.
    Non.
    Je pense l'avoir vu pour la première fois avec l'organisation Atlantic Bölkow. Je pense qu'il en était membre.
    Oui.
    Je me rappelle lui avoir fait une visite de courtoisie un jour à son bureau de circonscription. C'est tout. Pour le reste, ce sont des gens de Thyssen qui s'en sont occupés. Je ne l'ai plus jamais rencontré.
    Pourquoi André Ouellet faisait-il encore du lobbying pour Bear Head en 1995-1996? Pensez-vous que Thyssen faisait du lobbying auprès de lui?
    Oui. M. Massmann est celui qui a repris le dossier, pour une raison très simple. Comme j'avais travaillé de très près avec le MDN à l'époque de Mulroney, il n'était pas logique que je m'en occupe. Je me suis donc retiré et M. Massmann, qui était le président, a repris avec M. Alford et ils ont rendu visite à des gens.
    Je vois.
    Durant les derniers jours de la campagne électorale de 1993, les dossiers en Allemagne montrent que 500 000 $ ont été transférés au compte en banque intitulé MARC. Pouvez-vous nous dire ce que cela désigne?
    Oui. Le compte a été créé à l'origine pour s'assurer que M. Lalonde travaille pour nous, pour Thyssen. Ensuite, on m'a dit que je n'avais plus rien à voir avec cela, étant donné que tout avait changé. Donc, s'il se passait quelque chose, ce devait être directement entre Thyssen et Marc Lalonde et je n'avais plus rien à voir avec cela. On m'a dit que l'argent était pour d'autres fins; ils me l'ont repris et c'est tout.
    Marc Lalonde vient de verser une caution pour vous aujourd'hui. Est-ce vrai? Est-il encore activement...?
    Je pense que oui. Je l'aime beaucoup; c'est un homme merveilleux.
    Est-il encore votre avocat?
    Oui.
    Donc, votre avocat a versé votre caution?
    Oui.
    C'est très inhabituel.
    Que puis-je dire? Avocat. Premièrement, c'est Stikeman Elliott. Il m'a dirigé vers un excellent avocat, Martin Langlois, et j'en suis très content.
    Par ailleurs, nos familles sont très proches. Quand je dis qu'il est mon avocat, ce pourrait être, au maximum, que je lui demande conseil ou quoi que ce soit, mais il ne fait pas de travail juridique pour moi.
    J'ignore si vous le savez, mais il ne travaille même plus comme avocat au cabinet Stikeman Elliott LLP; il travaille seulement à titre de ce que l'on pourrait appeler un arbitre international.
    Je vois.
    Je vais céder la parole à mon collègue Thomas Mulcair.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur le sujet de nos travaux, qui est le règlement de l'affaire Mulroney-Schreiber.
    J'aimerais demander à Herr Schreiber s'il peut nous expliquer pourquoi, si aucun travail n'avait été effectué, il a fait un premier paiement de 100 000 $, à Mirabel au mois d'août 1993, puis, quelques mois plus tard, un deuxième paiement de 100 000 $, dans un autre hôtel dans une autre ville, et finalement, trois paiements cash à Brian Mulroney, tout ça en l'espace de 16 mois. S'il n'y avait toujours rien de fait, pourquoi continuait-il à faire des versements pendant toute cette période?

[Traduction]

    Le premier paiement a été fait à Mirabel et — en passant, j'ai trouvé ceci — toutes les réunions ont été organisées par Fred Doucet, pas à ma demande. Il revenait toujours à la charge, jusqu'à la réunion de décembre. J'ai trouvé une note disant que je devais téléphoner à tel numéro et le rencontrer et nous nous sommes donc rencontrés au Reine Elizabeth. Mais c'était la première fois après que Kim Campbell n'ait pas gagné les élections. Je savais donc à ce moment-là qu'il avait des problèmes et j'avais l'impression — et je pense que je ne me trompais pas — qu'il serait un assez bon lobbyiste, comme il l'est d'ailleurs actuellement pour beaucoup de compagnies internationales, et que nous pourrions peut-être utiliser ses services d'une manière ou d'une autre, alors donnons-lui des dossiers pour le moment, et cela...

[Français]

    Vous êtes au courant du fait que dans son témoignage sous serment, M. Mulroney prétend qu'il n'a jamais transigé avec vous.

[Traduction]

    « Je n'ai jamais transigé avec cet homme. » Cela rappelle vaguement une phrase que nous avons entendue au sud de la frontière il y a quelques années.

[Français]

     M. Mulroney disait-il la vérité, lorsqu'il a dit qu'il n'a jamais transigé avec vous?

[Traduction]

    Monsieur, on m'a déjà embêté avec ces questions au sujet des transactions. Vous vous rappellerez peut-être que les médias ont fait état que j'ai été témoin dans l'affaire MBB et que toutes ces questions ont alors été soulevées. J'ai dit que oui, j'avais eu des transactions d'affaires avec lui, ou des discussions. Quand on m'a demandé de quoi il s'agissait, c'était à propos des pâtes. Mais c'était bien des années plus tard, quand je lui ai demandé de participer à ces problèmes d'obésité et de pâtes. C'est pourquoi j'ai dit que Greg Alford est au courant de tout cela à 100 p.100. Cela n'avait rien à voir avec 1993, rien à voir avec 1994, rien à voir avec 1995; cela a commencé aux alentours de 1996 ou 1997 ou Dieu sait quand.

  (1220)  

[Français]

    En terminant, Herr Schreiber, je voudrais vous poser une dernière question.
    Tout à l'heure, vous avez expliqué que vous aviez donné une somme de l'ordre de 30 000 $ au frère de Jean Charest, l'actuel premier ministre du Québec, pour la campagne de Jean Charest.
    À votre connaissance, le nom de M. Charest a-t-il été mentionné ailleurs dans ce dossier? D'autres personnes vous en ont-elles parlé? Vous venez de faire quelque chose qui pourrait être lourd de conséquences, en affirmant lui avoir donné 30 000 $ pour sa campagne au leadership. Pourriez-vous me dire si son nom a été mentionné à d'autres moments dans vos transactions? Va-t-on le retrouver dans les 35 000 pages de documents ou dans d'autres témoignages?

[Traduction]

    Non, cela n'a rien à voir avec tout ceci. C'était spontané. Je dois avouer que quand j'ai appris que M. Charest se présenterait à la direction, j'ai trouvé que ce pourrait être bon: quelqu'un de jeune, du sang neuf, quelque chose de très différent pour le Canada.

[Français]

    Qui vous a approché pour que vous donniez 30 000 $ à Jean Charest pour sa campagne?

[Traduction]

    C'était son frère. Son frère travaillait à l'époque au gouvernement où il occupait un poste quelconque, mais il était aussi son agent de financement. Je l'ai rencontré au bureau de la secrétaire d'Elmer MacKay à l'édifice Confédération et il m'a alors demandé si je voulais contribuer à financer la campagne de Jean Charest. J'ai dit oui, que j'étais disposé à faire cela. Nous nous sommes ensuite rencontrés quelques jours plus tard.
    Vous avez peut-être lu que quand j'ai été arrêté, tout le monde a été surpris de constater que j'avais beaucoup d'argent liquide dans mon sac à main, en plusieurs devises différentes. Quand on voyage autant que je le faisais — durant ma pire année, j'ai passé 176 jours en avion — et quand on passe constamment d'un pays à l'autre, on ne retourne pas toujours à la banque; cela vous coûte le double quand vous avez besoin d'argent. Alors on le garde. De plus, dans certaines situations, on ne peut pas utiliser une carte de crédit ou un chèque, alors je lui ai fait un chèque. Je pense que j'ai dit...
    Merci.
    Monsieur Hiebert, vous avez sept minutes.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mon collègue M. Tilson.
    Monsieur Schreiber, jeudi dernier, je vous ai interrogé au sujet de la correspondance que vous avez eue avec le cabinet du premier ministre. Vous avez dit avoir reçu une réponse à l'une des nombreuses lettres que vous aviez écrites. Je me demandais si la réponse en question se trouvait dans la pile de documents que vous avez remise au comité et si vous pourriez nous préciser quelle est cette lettre ou cette réponse.
    Si vous devez consulter le document, je vous en prie, nous pouvons vous le rapporter, ou bien...
    Mon avocat croit que cela se trouve quelque part dans les documents, parce qu'il me manque quelque chose ici.
    Bon, s'il sait où cela se trouve, je vous demanderais de venir ici pour y jeter un coup d'oeil. Nous n'allons pas poursuivre tant que vous n'aurez pas eu la chance de le faire.
    Oh, le voici. J'ai ma liste.
    Bon, merci.
    Oh, oui, bien sûr. Cela se trouve dans la correspondance avec le premier ministre. La réponse est datée du 22 janvier 2007; il a répondu à ma lettre du 16 janvier 2007.
    Pouvez-vous nous dire quelle était la teneur de la lettre?
    Oui, vous l'avez dans ce dossier-là. La teneur de la lettre est que le cabinet du premier ministre accuse réception de la lettre et déclare l'avoir transmise, avec les documents, au ministre de la Justice, M. Nicholson.
    Bon, vous déclarez donc que c'était un accusé de réception...
    Oui.
    ... du Bureau du Conseil privé...
    Non. C'était du cabinet du premier ministre.
    ... accusant réception de vos documents et déclarant que ceux-ci avaient été transmis au ministère de la Justice. C'est bien cela?
    Je préférerais que vous examiniez le document, parce que je ne l'ai pas en main. Vous dites que c'était le Conseil privé. Pourquoi ne consultez-vous pas le document?
    Monsieur le président, peut-être pourriez-vous remettre les documents à M. Schreiber.
    Je vous demanderais de ne pas compter cela dans mon temps de parole.
    Nous avons arrêté le chronomètre pour votre temps de parole, monsieur Hiebert. Je pense qu'il est important que nous ayons... Si le document est dans la salle, trouvons-le.

  (1225)  

    Monsieur le président, j'ai une copie de cette lettre. Si vous voulez, je peux vous la remettre. Elle est du cabinet du premier ministre.
    Veuillez la lui remettre.
    C'est du cabinet du premier ministre, en date du 22 janvier 2007, à Karlheinz Schreiber, MacKay Lake Estates, 7 Bittern Court, Rockcliffe Park, Ottawa (Ontario) :
Monsieur,
Au nom du premier ministre, j'accuse réception de votre lettre du 16 janvier.
J'ai transmis copie de votre lettre et des pièces jointes à l'honorable Robert Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada, à titre d'information.
Veuillez agréer,
S. Russell
Agent principal de la correspondance
    Vous dites donc clairement que cette lettre était un accusé de réception du bureau de la correspondance et que la lettre a été envoyée au ministère de la Justice, mais rien de plus. Il n'y a aucune réponse personnelle du premier ministre ni la moindre insinuation selon laquelle il s'agissait d'une réponse personnelle, ni même que le premier ministre avait lui-même pris connaissance de la lettre?
    J'ai dit que ceci est la lettre que j'ai reçue. Qu'y a-t-il d'autre à dire là-dessus? Cela se passe de commentaires.
    Bien, merci.
    Monsieur le président, je laisse le reste de mon temps à mon collègue M. Tilson.
    Je veux seulement confirmer, monsieur Schreiber, au sujet des documents que vous avez remis au greffier du comité: est-ce là la totalité des documents que vous avez concernant la question à l'étude au comité de l'éthique?
    Tout ce que j'ai pu trouver et ce que j'avais déjà en partie préparé, oui.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, quand vous aurez lu tout cela, vous aurez peut-être d'autres questions à poser et je pourrai alors...
    Non, monsieur, je veux seulement savoir si nous avons tout ou bien si vous possédez d'autres documents. Parce que vous avez déjà déclaré que vous aviez des documents à Toronto, à Ottawa et en Suisse. Je tiens à m'assurer que nous avons tout.
    Je comprends. Vous avez absolument raison, car il y a trois avocats en Suisse, trois avocats au Canada et trois avocats en Allemagne et ils ont la totalité des documents liés à cette affaire.
    Alors est-ce que vous les voulez tous, ou quoi?
    Je veux que vous preniez l'engagement, monsieur, de tout remettre.
    Je ne sais pas s'ils vont faire cela ni comment cela pourrait se faire. Je n'en ai pas la moindre idée.
    Pardon, monsieur?
    Je ne sais absolument pas comment cela pourrait se faire, mais je...
    Eh bien, vous pouvez les produire. Vous n'avez qu'à les obtenir et à les remettre au comité. C'est tout ce que vous avez à faire.
    Êtes-vous disposé à faire cela, monsieur?
    Je peux demander aux avocats de le faire, mais je me demande comment...
    Eh bien, vos avocats seraient bien avisés de faire ce qu'on leur dit de faire. D'accord?
    Alors prenez-vous l'engagement de faire cela, monsieur Schreiber?
    Oui, je peux le faire.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Avant le 25 juin 1993, avez-vous jamais donné au premier ministre Mulroney de l'argent comptant ou tout autre avantage financier pour tout service qu'il vous avait rendu?
    Encore la question, s'il vous plaît.
    Vous voulez que je répète la question?
    Oui.
    Ma question est celle-ci: avant le 25 juin 1993...
    Le 25 juin?
    Le 25 juin 1993. Vous me suivez?
    Oui, ça va.
    ... avez-vous jamais donné au premier ministre Mulroney de l'argent comptant ou tout autre avantage financier pour tout service qu'il vous avait rendu?
    Non.
    La dernière fois que vous avez comparu devant nous, monsieur, vous avez dit que vous aviez l'intention de lui donner 500 000 $. Est-ce qu'une partie quelconque de cet argent que vous aviez l'intention de donner au premier ministre Mulroney était un paiement pour un travail quelconque qu'il avait fait pour vous avant le 25 juin 1993?
    Non.
    La semaine dernière, vous avez dit que vous aviez conclu une entente avec M. Mulroney. Pouvez-vous nous dire quand vous avez conclu cette entente avec M. Mulroney?
    Oui, c'était au lac Harrington. Voici comment ça s'est passé: nous avons convenu de travailler ensemble quand il serait de retour à Montréal.
    Quand était-ce, monsieur?
    C'était le 23 juin 1993.
    Était-ce une entente écrite?
    Non.
    Était-ce une entente verbale?
    Oui.
    Est-ce que vous étiez les deux seules personnes présentes, ou bien y avait-il quelqu'un d'autre?
    Non.
    Qui était présent?
    Personne.
    Seulement vous deux?
    Oui, tout au moins dans la pièce où nous avons eu notre entretien.
    Quelle heure était-il?

  (1230)  

    Je pense qu'on est venu me chercher le matin, vers 11 heures.
    Vous avez donc parlé à M. Mulroney quelque temps après 11 heures du matin et vous êtes sûr que c'était le 23 juin 1993.
    Oui, absolument.
    Jusqu'à votre affidavit du 7 novembre 2007 de cette année, dans laquelle vous dites avoir rencontré le premier ministre Mulroney le 23 juin 1993, vous aviez constamment affirmé que la rencontre avec M. Mulroney avait eu lieu après que M. Mulroney ait quitté le poste de premier ministre du Canada. Or il a quitté cette fonction le 25 juin 1993.
    Je vous pose donc la question, monsieur: était-il, oui ou non, premier ministre à ce moment-là?
    Le 23 juin 1993, M. Mulroney occupait encore le poste de premier ministre. Cela se trouve dans mon affidavit. J'ignore de quoi vous parlez.
    Eh bien,...
    Merci, monsieur Tilson. Je dois m'excuser, nous allons passer au deuxième tour.
    Monsieur Dhaliwal, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Schreiber, d'être revenu témoigner.
    Vous avez dit aujourd'hui que vous avez conclu verbalement une entente de principe avec M. Brian Mulroney pendant qu'il était encore premier ministre et que vous avez par la suite convenu que le montant serait de 500 000 $, y compris un premier versement de 100 000 $ en argent comptant, versement qui a été fait alors que M. Mulroney était encore député au Parlement. Ne vous rendiez-vous pas compte que cela pouvait placer M. Mulroney en conflit d'intérêts, étant donné qu'il travaillait au dossier de Bear Head pendant qu'il était toujours premier ministre?
    Je n'y ai jamais pensé et je n'ai même pas pensé qu'il était encore député au Parlement; cela ne m'est pas venu à l'esprit. Durant cette rencontre, nous avons discuté de cela, et il m'a ensuite parlé de ce beau tableau ou de cette photo qu'il voulait me donner, et il m'a parlé de ce qu'il pourrait faire — c'est-à-dire que Montréal avait grandement besoin d'emplois, et tout le reste. C'était cela qui l'intéressait.
    Les 500 000 $, monsieur, c'était... Quand je lui ai parlé à Mirabel, je lui ai dit: voici l'argent qui est disponible, le montant qu'il me reste encore pour le projet. Je voulais lui faire clairement comprendre que c'était tout l'argent qui restait.
    Monsieur Schreiber, vous ne vous rendiez probablement pas compte à ce moment-là que M. Mulroney était toujours premier ministre quand vous avez conclu verbalement cette entente de principe et que vous lui avez remis 100 000 $ comptant. Aujourd'hui, vous vous rendez compte qu'il était premier ministre à ce moment-là, parce que vous avez dit que c'était le 23 juin 1993, alors que M. Mulroney a quitté son poste de premier ministre le 25 juin 1993.
    Je donne ces dates pour vous rafraîchir la mémoire et je vous pose la question: reconnaissez-vous qu'il était encore premier ministre?
    Oui. Mais comme je vous l'ai dit, la première fois que nous avons discuté d'argent ou de quoi que ce soit, c'était à Mirabel, parce qu'à ce moment-là, et c'est facile à comprendre, je devais d'abord vérifier ce qui était disponible.
    Monsieur Schreiber, je vais revenir à la question que je vous ai posée l'autre jour. Vos lettres qui ont été déposées au comité la semaine dernière indiquent que vous avez écrit à M. Harper le 16 juin 2006 et que vous avez demandé que l'on fasse une enquête sur toutes les questions qui vous concernaient, vous-même et M. Mulroney. Est-ce exact?
    Pouvez-vous m'aider? À quelle page cela se trouve-t-il? J'ai ici le compte rendu. Pouvez-vous me dire où se trouve cette question?
    C'est daté du 16 juin. Nous n'avons pas cette lettre ici, mais nous essayons d'obtenir de vous confirmation que vous l'avez écrite le 16 juin 2006.
    Je peux vous confirmer que je lui ai envoyé une lettre le 16 juin 2006, monsieur, et vous devriez l'avoir là-dedans.
    Aujourd'hui, dans cette pile-ci?
    Oui, c'est de là que vous avez tiré cela.
    Vous l'avez remise aujourd'hui, c'est bien cela?
    Oui.
    Vous avez écrit à M. Harper le 24 janvier 2007. Quel était l'objet de cette lettre et avez-vous inclus cette lettre avec les documents que vous avez déposés aujourd'hui?

  (1235)  

    Vous comprendrez, monsieur, que je dois voir la lettre, pour savoir de quoi il s'agit.
    Prenez votre temps, monsieur Schreiber.
    Il y a une lettre. La date est la bonne. Vous avez le dossier renfermant les lettres que j'ai envoyées à M. Harper. Malheureusement, je ne l'ai pas. Si vous pouviez donc l'ouvrir... Cela se trouve-t-il dans mon affidavit? Un instant.
    La lettre dit :
Monsieur le premier ministre,
    Je prends aujourd'hui la liberté de vous envoyer, à titre d'information, copie de ma lettre du 23 janvier 2007 à l'honorable Robert D. Nicholson, ministre de la Justice et procureur général, et de ma lettre du 24 janvier 2006 à l'honorable Stockwell B. Day, ministre de la Sécurité publique.
    Les nouvelles d'aujourd'hui prouvent encore une fois qui contrôle le ministère de la Justice et confirment mes inquiétudes. La conclusion inévitable est que vos ennemis politiques font obstacle à l'intention de votre gouvernement de faire un nettoyage de la manière dont la nation est gouvernée.
    Je ne crois pas que mes conseils vous intéressent, mais je peux vous dire que j'ai passé au moins 45 années de ma vie à m'occuper de politique conservatrice sur la scène internationale et que j'ai essayé d'appuyer les causes conservatrices à chaque fois que ces causes avaient besoin d'aide. C'est la principale raison qui explique mes problèmes, car une bonne action ne reste jamais impunie.
    J'ai été un proche témoin du déclin pénible du gouvernement conservateur de Brian Mulroney et je suis un assez bon observateur et je possède une mémoire impressionnante.
    J'ai appris qu'il est impossible de nettoyer à grande eau sans être éclaboussé.
    Cher premier ministre, à mon avis, vous avez besoin de l'appui solide et permanent...
    À l'ordre.
    Je m'excuse, monsieur Schreiber.
    Nos travaux sont diffusés dans les deux langues officielles et il y a ici dans la salle des gens extraordinaires qui traduisent tout ce que vous dites, mais la rapidité de votre débit leur cause quelques difficultés et je vous demanderais de bien vouloir prendre le temps voulu pour lire distinctement. Rien ne presse. Je vais vous donner le temps voulu. Je vais donner à M. Dhaliwal une minute de plus quand vous aurez terminé de répondre à sa question, pour que tout le monde soit content, surtout ces dames.
    Je suis désolé, je pensais sauver du temps en allant plus vite.
    Je comprends, mais je me soucie du sort de ces personnes derrière moi.
    Je poursuis :
    Cher premier ministre, à mon avis, vous avez besoin de l'appui solide et permanent des électeurs canadiens pour garantir votre succès grâce à leur confiance.
    Seule une enquête publique indépendante, portant sur le « Scandale politico-judiciaire » et « l'affaire Airbus », peut permettre d'opérer à Ottawa le nettoyage que vous avez promis à vos électeurs.
    Je vous souhaite la meilleure santé et le succès dans vos entreprises.
Veuillez agréer,
Karlheinz Schreiber.
    Monsieur Schreiber, avez-vous reçu une réponse à cette lettre de la part du premier ministre?
    Non.
    Avez-vous écrit d'autres lettres à des membres de l'actuel gouvernement Harper?
    Oui.
    Nous avez-vous remis ces lettres parmi les documents que vous avez déposés aujourd'hui?
    Je pense qu'elles se trouvent au dossier, parce que je crois fermement — du moins d'après mes souvenirs, parce que c'est l'un des points que je n'ai pu vérifier attentivement faute d'avoir pu rentrer chez moi — que j'ai envoyé copie de chaque lettre que j'ai envoyée, par exemple, à Peter MacKay, à M. Sorenson, à Stockwell Day, à M. Dion, et dans chaque cas j'ai envoyé copie au premier ministre pour m'assurer qu'il comprenne bien ce que je fais.
    Merci, monsieur Dhaliwal.
    Nous allons maintenant passer à M. Del Mastro.
    M. Tilson voulait seulement poser une dernière question.
    Cette date que vous nous avez donnée, monsieur Schreiber, le 23 juin 1993, me trouble quelque peu parce qu'elle ne correspond pas à ce que vous avez dit à un tribunal dans le passé. Ce n'est pas ce que vous avez dit à William Kaplan, qui est l'auteur de l'ouvrage A Secret Trial.
    Qu'est-ce que vous dites?
    Ce n'est pas ce que vous avez dit dans le passé. Vous avez dit que l'histoire commençait à la fin juin 1993, longtemps après que M. Mulroney ait quitté son poste de premier ministre.
    Le compte rendu de votre témoignage dans la cause R c. MBB Helicopter et autres est très clair. Vous avez dit ce qui suit: vous avez embauché M. Mulroney après que M. Mulroney eut quitté son poste de premier ministre. Deuxièmement, vous avez dit que vous n'aviez jamais rencontré M. Mulroney en privé pendant qu'il était premier ministre.
    Vous avez donc fait deux déclarations contradictoires, l'une devant un tribunal et dans un livre, et l'autre aujourd'hui. Quelle version est la bonne?
    Non, pour moi, ce n'est pas contradictoire. Je pense l'avoir expliqué aujourd'hui. Voici comment je comprends les choses. Quand j'ai rencontré M. Mulroney, nous avons convenu de travailler ensemble, et je lui ai dit que j'irais vérifier...
    Monsieur. Monsieur, je...
    Monsieur Tilson, à l'ordre, je vous prie. À l'ordre. Vous avez posé une question à M...

  (1240)  

    Mais il tergiverse. Il se lance dans une autre digression.
    Ma question, monsieur le président...
    À l'ordre, je vous prie.
    Monsieur Tilson, en toute déférence pour le témoin, vous lui avez posé une question. Il y a conflit. Il veut répondre. Je vous donnerai du temps pour aller plus loin. Je vais vous donner un peu de marge de manoeuvre pour cette série de questions, mais je veux entendre M. Schreiber jusqu'à ce qu'il ait fait de son mieux pour répondre à la question que vous lui avez posée.
    Veuillez poursuivre, monsieur Schreiber.
    À la rencontre du lac Harrington — je ne cesse de répéter cela — nous avons convenu de travailler ensemble quand il ne serait plus premier ministre, quand il serait de retour à son bureau, quand il aurait repris son travail, et il était convenu qu'il s'occuperait du projet Bear Head, après que Mme Campbell ait gagné les élections. Cela veut donc dire que rien ne se ferait entre la rencontre du lac Harrington et ce moment-là.
    Par ailleurs, je lui ai dit qu'il me faudrait vérifier si des fonds étaient disponibles et c'est ce que j'ai fait. Et quand nous nous sommes rencontrés à Mirabel, je lui ai dit que oui, 500 000 $ étaient disponibles.
    Quelle était la troisième question que vous avez posée?
    Bon, je vous arrête ici.
    Je redonne la parole à M. Tilson qui reviendra à la charge, peut-être avec une question supplémentaire.
    Ma question, monsieur, était celle-ci: vous avez fait aujourd'hui une déclaration qui contredit ce que vous avez dit devant un tribunal et dans un livre — ce sont des déclarations tout à fait différentes. Vous dites aujourd'hui que cette entente, cet accord a été élaboré pendant qu'il était premier ministre. Devant un tribunal, sous serment, monsieur — c'est ce que je viens de vous citer — et dans un livre, vous avez dit que non, c'était après cela. C'était après qu'il ait quitté le pouvoir.
    Ma question est très simple. Était-ce pendant qu'il était premier ministre ou bien après, alors qu'il n'était plus premier ministre?
    Je persiste à vous dire que nous avons convenu de travailler ensemble et que, quoiqu'il arrive ensuite, nous le ferions et je chercherais l'argent. Je ne vois donc pas ce que vous ne comprenez pas... nous avons une compréhension différente des affaires. Je ne vois pas de contradiction.
    J'en ai fini avec lui.
    Merci.
    Excusez-moi, j'ai l'affidavit ici et je crois que le désaccord s'y trouve.
    L'entente a été conclue...
    Monsieur le président, je vais essayer d'obtenir des précisions à ce sujet, si vous le permettez.
    Voilà la différence.
    Très bien, monsieur Del Mastro, je vais vous accorder trois minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant.
    Monsieur Schreiber, ce que vous dites, c'est qu'il y a eu des discussions au lac Harrington, et vous avez simplement convenu que vous travailleriez ensemble. Il n'y a pas eu d'échange d'argent. Il n'a même pas été question d'argent. Vous n'avez pas discuté d'un montant éventuel, vous avez seulement convenu de travailler ensemble à l'avenir. Telle était la teneur de la discussion.
    Absolument.
    Quand Brian Mulroney a témoigné durant l'enquête Airbus en 1996, il donnait un point de vue historique. Il a dit: « Je n'avais jamais transigé avec lui ».
    Aviez-vous déjà fait des affaires privées avec M. Mulroney quand l'achat d'avions Airbus était en discussion? Aviez-vous à un moment quelconque fait des affaires avec lui? Lui aviez-vous déjà payé de l'argent personnellement?
    Non.
    Non, vous ne l'aviez pas fait. Donc, la déclaration qu'il a faite durant l'enquête sur Airbus en 1996, à savoir « Je n'avais jamais transigé avec lui » est exacte.
    À mon avis, oui, parce que Kim Campbell n'a pas pris le pouvoir ni rien. Les seules affaires dont nous ayons discuté par la suite, c'était l'entreprise de pâtes. Il n'y a eu rien d'autre.
    Merci.
    Monsieur Schreiber, je veux maintenant revenir à autre chose, parce que la raison pour laquelle l'affaire Airbus a fait les manchettes pendant longtemps, c'est que des députés de l'opposition ont affirmé que l'ancien premier ministre avait reçu des pots-de-vin...
    M. Karlheinz Schreiber: Oui.
    M. Dean Del Mastro: ... pour aider dans le dossier de l'achat d'avions à réaction Airbus. Tout ce que vous avez dit aujourd'hui m'incite à croire que si l'on a acheté des appareils Airbus, c'est parce que c'était logique, parce que c'était avantageux sur le plan des coûts, parce que c'était un bon choix pour Air Canada. Est-ce exact?
    Oui, monsieur, et je suis visé par des poursuites depuis 1997 et j'ai essayé de faire sortir cette vérité devant le tribunal. Malheureusement, je n'y suis pas parvenu, parce que le gouvernement m'a mis des bâtons dans les roues tout le long du processus. Il n'y avait que deux solutions pour moi: les procédures devant un tribunal ou encore cette enquête-ci.
    Y a-t-il quelque chose de sinistre dans le fait qu'une personne qui présente une compagnie reçoive des commissions pour avoir été le représentant de la compagnie?
    Non.
    C'est bien ce qu'il me semblait.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, j'en vois qui commencent à loucher vers l'horloge et je pense qu'il est important de comprendre ce qui va se passer à partir de maintenant.
    Nous entendrons M. Asselin pendant cinq minutes, après quoi M. Martin aura la parole pendant cinq minutes, et je pense que cela nous amènera probablement à l'heure juste.
    J'aurai alors des instructions à donner à M. Schreiber quant à la nécessité d'une nouvelle comparution, puis je vais lever la séance, mais je demanderai aux députés de rester. Je veux poursuivre la séance à huis clos. Je veux que tout le monde, sauf les députés, quittent la salle à ce moment-là, à 13 heures, pour que les membres du comité puissent examiner les documents qui nous ont été remis et se mettre d'accord sur la façon de s'y prendre pour faire parvenir le plus rapidement possible tous ces documents à tous les députés.
    Monsieur Hubbard, avez-vous une question?

  (1245)  

    Monsieur le président, je m'oppose catégoriquement à cela. M. Martin a déjà eu son temps de parole. Je crois que mon tour devrait venir avant la fin de la séance.
    Non, vous êtes après M. Martin.
    Au deuxième tour, nous avons entendu M. Dhaliwal et M. Del Mastro, et nous entendrons maintenant M. Asselin. Ensuite, nous aurons un conservateur et ensuite un libéral. Je peux vous assurer que telle est la pratique établie à notre comité.
    Monsieur Asselin, cinq minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Schreiber, le projet Bear Head devait avoir lieu, ou se concrétiser, en Nouvelle-Écosse. Lorsque cela ne s'est pas concrétisé, vous vous êtes tourné vers le Québec. À défaut d'avoir pu mettre le projet sous la feuille d'érable, vous avez choisi de le mettre sous la fleur de lys du Québec.
    C'est une excellente initiative, soit dit en passant.
    Monsieur Schreiber, le projet Bear Head a fait l'objet de quelques discussions au sein du Conseil des ministres, dont M. Jean Charest faisait partie à titre de ministre de premier plan. Le lobby s'est-il maintenu au niveau de M. Mulroney, ou y a-t-il d'autres ministres du Cabinet, notamment M. Charest, qui avaient été sensibilisés à votre projet?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance, dans la mesure où je n'étais pas... Et M. Mulroney a choisi le Québec parce qu'il a dit qu'il lui serait plus facile d'obtenir des appuis auprès du gouvernement du Québec, qu'il serait plus utile là-bas qu'il ne pourrait l'être en Nouvelle-Écosse.
    Je veux dire, pour moi, franchement, c'était épouvantable, parce que c'était en quelque sorte une trahison.
    À l'ordre.
    Nous avons un petit problème avec le microphone de M. Schreiber.
    Pourriez-vous parler dans votre microphone? Laissez-le pendre naturellement et parlez normalement, et l'on verra bien si les interprètes vous entendent.
    Pourrait-on allumer son microphone, s'il vous plaît.
    Est-ce que ça marche maintenant?

[Français]

    Monsieur Schreiber, c'est un projet qui vous tenait à coeur et pour lequel vous avez versé 300 000 $ à M. Mulroney. C'était un projet que vous vouliez réaliser au Québec. Je ne comprends pas que, à part M. Mulroney, vous n'ayez pas joué de votre influence auprès de certains ministres du Québec, entre autres M. Charest. À défaut d'avoir fait votre lobby auprès de M. Jean Charest, vous avez déclaré avoir fait un premier versement de 30 000 $ au frère de M. Charest lors de la course au leadership conservateur, lorsqu'il s'est présenté contre Mme Kim Campbell. Est-ce vrai, ou faux?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Vous avez versé 30 000 $ au frère de M. Charest. Connaissez-vous le prénom du frère de M. Charest?

[Traduction]

    Je ne m'en souviens plus.

[Français]

    Vous ne vous en souvenez plus.
    Le 30 000 $ a-t-il été versé en argent cash? J'aimerais vous l'entendre dire.

[Traduction]

    Oui, c'était en liquide.

[Français]

    Y a-t-il eu d'autres versements, sous forme de contribution pour des travaux futurs, à M. Charest après que celui-ci eût succédé à Mme Campbell? Pourquoi n'avez-vous pas utilisé les services de M. Charest au moment où il était ministre de premier plan dans le cabinet de M. Mulroney?

[Traduction]

    Je vous ai dit qu'après cette campagne, bien des choses se sont passées au Québec. Cela a été fait par mon collègue Jurgen Massmann et les gens... J'ai pris mes distances par rapport à toute l'affaire.

[Français]

    Votre contribution de 30 000 $ à M. Charest au moment de sa course à la chefferie contre Mme Campbell a été faite à la demande du frère de M. Charest. Avez-vous remis ces 30 000 $ en argent comptant parce que Jean Charest était l'une de vos connaissances de longue date, ou parce que vous espériez obtenir des dividendes sur votre investissement?

  (1250)  

[Traduction]

    Eh bien, j'ai rencontré Mr. Charest. Il était le ministre de l'Environnement à ce moment-là. Et, comme je l'ai dit, il me semblait que c'était quelqu'un de nouveau, du sang neuf, alors pourquoi ne pas l'appuyer? C'était donc mon idée.
    Et, oui, bien sûr, si M. Charest avait gagné la course à la direction et était devenu premier ministre après M. Mulroney, bien sûr, je pensais qu'il se rappellerait avoir bénéficié de notre aide pendant sa campagne à la direction du parti. Je veux dire, c'est le cours normal des choses.
    Je regrette, mais je dois maintenant passer à M. Wallace.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Schreiber.
    J'ai une question principale à vous poser aujourd'hui.
    Dans votre témoignage devant nous jeudi dernier, vous avez dit que vous aviez envoyé une lettre à M. Mulroney, qui était alors un ancien premier ministre, pour lui demander de s'entretenir avec M. Harper, et que vous aviez reçu de M. Mulroney une réponse dans laquelle ce dernier disait que tout s'était bien passé. Je ne me rappelle plus des termes exacts que vous avez employés.
    Mais dans votre affidavit du 7 novembre, vous avez dit :
M. Mulroney ne semble pas avoir donné suite à ma lettre du 20 juillet 2006 et j'ai donc écrit une lettre le 29 janvier 2007 dans laquelle je disais à M. Mulroney que je comptais toujours sur son aide pour convaincre le gouvernement du Canada de lancer une enquête publique sur l'affaire Airbus.
    Et vous avez une pièce à conviction en ce sens.
    Voici donc ma question, monsieur...
    Un instant. Pourriez-vous me dire quel est le paragraphe, je vous prie?
    Page 9, paragraphe 40, traitant de la pièce 16.
    La contradiction qui me pose une difficulté, monsieur...
    Avez-vous trouvé le paragraphe?
    Il m'a dit qu'il avait une excellente mémoire.
    Avez-vous trouvé le paragraphe, monsieur Schreiber?
    Oui.
    Monsieur Wallace, poursuivez.
    La question est celle-ci: qu'est-ce qui est vrai? Jeudi dernier, vous nous avez dit que vous aviez reçu une réponse de l'ancien premier ministre Mulroney qui vous disait que tout s'était bien passé, quel que soit le sens de ces paroles, et ensuite, dans un affidavit, alors que vous aviez juré de dire la vérité, vous dites que vous n'avez eu aucune réponse. Qu'est-ce qui est vrai, monsieur?
    Il est exact que je n'ai eu aucune réponse de lui.
    Donc vous n'en avez pas eue. Ce que vous avez dit la semaine dernière n'était donc pas...
    Je n'ai pas eu de réponse de sa part, j'ai seulement su par un ami ce qu'il lui avait dit et c'est tout. Maintenant, est-ce vrai ou n'est-ce pas vrai, voilà le problème.
    Bon, c'était donc un ouï-dire. Vous n'avez donc aucune idée si M. Mulroney parlé à M. Harper de la lettre ou s'il a reçu la lettre. Et M. Mulroney...
    Oh oui, j'en ai une idée. Le premier ministre a dit...
    Bon, nous approchons maintenant de la fin.
    Nous devons venir en aide aux interprètes. Je pense qu'il faut laisser les intervenants finir leurs questions. Quand ils ont arrêté de parler, alors seulement on peut commencer à répondre. Ainsi, chacun pourra entendre clairement et comprendre ce qui est dit.
    Merci.
    Monsieur Wallace, veuillez finir votre question.
    Je veux seulement que ce soit bien clair, pour que je comprenne bien. Vous en avez peut-être une idée, mais M. Mulroney ne vous a fait aucune réponse verbale ou écrite disant qu'il avait communiqué avec M. Harper au sujet de la lettre que vous lui aviez envoyée.
    C'est exact, monsieur.
    C'est pourquoi je vous ai dit que je n'en revenais pas d'entendre le premier ministre dire à la télévision que M. Mulroney ne lui avait jamais montré la lettre, ne lui avait jamais parlé de la lettre. Ce n'était pas la première fois que M. Mulroney réclamait une lettre de ma part. Je croyais, enfin... Je crois toujours. Je le crois toujours. Je suis peut-être un idiot, mais j'y crois.
    Bon, très bien, merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Martin qui a cinq minutes.
    Je vais partager mon temps moi aussi, monsieur le président.
    S'il y a une chose, monsieur Schreiber, qui est devenue claire à mes yeux au cours de cet échange aujourd'hui, c'est que les lobbyistes qui représentent les puissances d'argent dans notre pays sont la source de tout le mal.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Part Martin: Quelle autre conclusion peut-on tirer? Ils ont corrompu la démocratie au niveau le plus élevé pendant cette longue période, et c'est la manière normale de faire des affaires dans certains milieux.
    Saviez-vous que M. Frank Moores siégeait au conseil d'administration d'Air Canada au moment même où il faisait du lobbying chez GCI pour l'achat de ces avions? Était-ce notoire?
    Je pense que la nomination à Air Canada était en quelque sorte un signal à l'intention des Européens, pour leur dire que Frank Moores était l'homme de la situation. M. Mulroney appuyait toutes les activités de GCI, à ma connaissance.
    Oui, je comprends.
    La vente d'appareils Airbus a entraîné le versement d'énormes commissions à des gens comme M. Moores, et je présume que vous en avez bénéficié personnellement, monsieur Schreiber.

  (1255)  

    Oui.
    Avec qui d'autre Frank Moores aurait-il partagé ces commissions? Comment cet argent s'est-il infiltré partout dans les affaires canadiennes...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Monsieur Del Mastro, auriez-vous l'obligeance de préciser la nature de votre rappel au Règlement avant de commencer.
    J'espère que l'on a arrêté le chronomètre.
    Monsieur Del Mastro, je vous prie.
    Je vais vous accorder votre temps, monsieur Martin.
    J'invoque le Règlement parce qu'il était impossible pour M. Schreiber de savoir ce que M. Moores faisait de son argent.
    Monsieur Del Mastro, je suis désolé.
    À l'ordre, je vous prie.
    Il lui demande de faire des conjectures.
    À l'ordre. Je crois que c'est un point de débat.
    Monsieur Martin, poursuivez.
    Je trouve cela ridicule.
    Monsieur Del Mastro, je vous en prie. À l'ordre.
    Dans la mesure de vos connaissances, monsieur Schreiber, savez-vous qui d'autre peut avoir bénéficié de la distribution de ces commissions?
    Comme c'était de l'argent de GCI, il est très évident que les actionnaires, qui qu'ils soient, avaient le droit de toucher une part de l'argent, et ils ont envoyé différentes [Note de la rédaction: Inaudible]... et tout le reste. C'est très clair, à qui c'est allé... et en passant...
    Des titulaires de charges publiques?
    Je parle des actionnaires, quand vous me demandez si je sais ce que GCI a fait de l'argent.
    Si vous demandez comment tout cela fonctionnait, il faudra le lui demander. Il en sait peut-être plus long là-dessus.
    Mais je vous pose une question. Si vous arrivez dans ce pays, par exemple, même aujourd'hui, et si vous voulez faire des affaires avec le gouvernement, et si le gouvernement ne communique pas avec vous, ne vous invite pas et ne vous aide pas quand vous arrivez, comme c'était mon cas, mais supposons que vous arriviez. À qui vous adresseriez-vous?
    Je suppose que j'apporterais une valise pleine de billets et que je commencerais à les éparpiller partout à Ottawa et à me faire des amis.
    Eh bien, cela poserait un grave problème aux responsables de la sécurité. Mais, chose certaine, vous n'auriez pas immédiatement accès à un bureau de ministre ou au premier ministre pour vous entretenir de vos projets. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?
    Autrement dit, peut-être est-il possible d'acheter cet accès.
    Non, il vous faut un lobbyiste. C'est très clair. Que pensez-vous que fait Fred Doucet aujourd'hui?
    Je vais partager mon temps.
    Il vous reste la moitié du temps, monsieur Mulcair.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais lire un passage juste avant 13 h 05, dans le compte rendu des délibérations de notre dernière séance, celle de la semaine dernière, et je vais lire votre réponse :
M. Karlheinz Schreiber:
Je dois rectifier quelque chose ici. C'est un malentendu complet et je suis ravi de vous expliquer cela. Toutes ces stupidités que l'on lit souvent dans les journaux ne sont pas forcément vraies. Tous les accords étaient entre les sociétés industrielles et Government Consultants International. J'étais au milieu pour organiser les choses et surveiller la circulation des fonds, car de l'argent nous a été volé.
    C'est exact.
    Pourriez-vous nous donner des précisions, je vous prie.
    M. Pelossi, le fiduciaire, a volé 1,2 million de dollars ou 1,3 million de dollars de ce compte, et j'ai dû le poursuivre. C'était une très mauvaise affaire. C'est pourquoi je suis impliqué dans toute l'affaire IAL.
    J'avais recommandé M. Pelossi à titre de fiduciaire. Ensuite, j'ai dû retourner voir mes clients et amis pour leur dire que 1,3 million de dollars avait été volé. Écoutez un instant. Imaginez quelle serait votre première réflexion: est-ce vrai, ou bien est-il impliqué? Est-il assez stupide pour nous avoir recommandé un fiduciaire pareil? Alors je n'avais pas d'autre choix que d'intenter des poursuites au criminel contre M. Pelossi pour leur prouver à tous que c'était vrai.
    C'était ma question suivante, monsieur le président.

[Français]

    M. Schreiber peut-il nous dire à quel moment approximativement il a été interviewé par la GRC? Par qui spécifiquement, si possible? Et à quel propos?

[Traduction]

    Alors je dois maintenant faire très attention. Dans l'affaire Airbus, je n'ai jamais été interviewé par la GRC.
    Vous n'avez jamais été interviewé par la GRC dans toute l'affaire Airbus.
    Non.
    C'est un renseignement très important. Merci.
    Nous avons une autre question à vous poser. Je reviens à la question qui vous a été posée jeudi. Qui, autre que ceux à qui nous avons déjà parlé, sont les gens — il y en a apparemment une liste de dix, d'après vos comptes, d'après ce qui a été déposé en Allemagne — qui ont bénéficié de vos largesses au fil des années? Êtes-vous disposé à donner à notre comité les noms de tous les gens qui ont reçu de l'argent de vous au fil des années et le montant de toutes les sommes en cause?
    Encore une fois, je n'ai pas bien compris cette question.
    C'est une question qui vous a été posée la semaine dernière au même moment que le passage précédent, juste après 13 h 05. Elle a été posée jeudi dernier. Nous aurons l'occasion de nous rencontrer de nouveau, mais je vous ai posé exactement cette question.
    Peut-être pourriez-vous la répéter.
    À qui d'autre avez-vous donné de l'argent, monsieur Schreiber?
    À personne.
    Vous voulez dire au Canada, enfin où, quand?
    Au Canada. Il n'y a pas eu d'autres politiciens, pas d'autres hauts titulaires de charges publiques?
    Non.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant terminer avec M. Hubbard, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suppose, monsieur Schreiber, que nous nous rencontrons aujourd'hui dans de meilleures circonstances. Vous avez passé une meilleure nuit et avez eu le temps de vous préparer et vous êtes arrivé avec tellement de documents que nous aurons probablement quelques difficultés, au cours des prochains jours, à prendre connaissance de tout ce que vous nous avez remis.
    Monsieur Schreiber, le lac Harrington est devenu un élément très important dans mes questions, et j'ai trouvé amusant d'entendre ce matin qu'en juin 1993, quand vous êtes allé au lac Harrington, une voiture est passée vous chercher. De quelle voiture s'agissait-il?

  (1300)  

    Le premier ministre l'avait envoyée à mon intention.
    Pourquoi, à votre avis, le premier ministre Mulroney, durant ses derniers jours au poste de premier ministre, vous a-t-il fait venir au lac Harrington?
    Je pensais l'avoir expliqué. La raison de cette rencontre était que Fred Doucet m'avait demandé si je serais disposé à aider Brian Mulroney, parce qu'il avait des difficultés financières. Ensuite, M. Doucet a organisé la rencontre et m'a dit que je recevrais un coup de téléphone. J'ai en effet eu un coup de téléphone et il y avait un message de la téléphoniste, je ne sais trop, disant qu'une limousine passerait me chercher si cela me convenait. J'ai accepté et on est donc passé me chercher. Je ne savais même pas où se trouvait le lac Harrington. La voiture m'a ramené également.
    Il voyait donc en vous une source d'argent pour régler ses problèmes.
    Par la suite, dans l'affidavit, alors que M. Mulroney était au lac Harrington, vous aviez certaines difficultés pour ce qui est de rester au Canada. Vous nous avez dit aujourd'hui que vous êtes une personne très politique. Vous avez vu qu'en 2005-2006, Brian Mulroney était revenu sur la scène, qu'il avait une grande amitié avec Stephen Harper, le premier ministre. Les deux avaient vu leurs efforts couronnés de succès et représentaient le nouveau gouvernement de notre pays. Et là-dessus, vous avez décidé d'écrire une lettre à M. Mulroney pour lui expliquer votre situation et lui demander d'en glisser un mot à l'actuel premier ministre, M. Stephen Harper, en espérant que, d'une manière ou d'une autre, les deux pourraient conclure une entente qui vous permettrait de surmonter certains de vos problèmes judiciaires et de demeurer ici à titre de citoyen canadien.
    Était-ce votre impression?
    Mon impression était la suivante: je croyais fermement, quand les conservateurs sont revenus au pouvoir en 2006, qu'ils feraient aujourd'hui ce qu'ils avaient demandé pendant 12 ans, c'est-à-dire qu'ils feraient la lumière sur le gâchis causé par ces épouvantables libéraux, la vendetta, la chasse aux sorcières et tout ce que les libéraux nous avaient fait, à M. Mulroney et à moi. Je veux dire, c'était normal que je m'attende à cela, compte tenu de l'histoire et des nombreux scandales qui, dans le monde, ont été déterminants pour le résultat des élections. Si j'avais été premier ministre et si j'avais cru cela, j'aurais harcelé les libéraux pendant les cinq années suivantes.
    C'est alors que j'ai constaté que le problème, c'est eux. Ils ne veulent pas d'enquête.
    Vous avez donc été très déçu de quelqu'un que vous pensiez votre ami.
    M. Elmer MacKay avait apporté son aide à propos de cette lettre. Hier, monsieur Schreiber, à la Chambre, nous avons entendu son fils, Peter MacKay, induire la Chambre en erreur quant à l'âge qu'il avait au moment où il a travaillé en Allemagne. J'espère qu'il apportera la rectification voulue aujourd'hui.
    Mais quand vous aviez des relations avec M. Elmer MacKay et qu'il a travaillé à titre d'intermédiaire entre vous-même et Mulroney et l'actuel premier ministre, vous estimiez que vous vous étiez fait avoir, pour ce qui est de votre amitié. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Aujourd'hui, en comparaissant devant notre comité, vous constatez que pour réussir à faire valoir votre vision de la justice, vous espérez que nous, à titre de députés au Parlement, pourrons faire la lumière sur tout cela pour les Canadiens et montrer à la nation toute entière votre version des faits. Est-ce exact?
    Oui. J'ai reconnu que tous les scandales qu'on a connus autour d'Air India et quelques autres encore ont tous été organisés par les libéraux et causés par les libéraux, et l'enquête Gomery... Je veux dire, quand des actes répréhensibles sont commis, il faut réparer. Je pense, je suis convaincu que tout cela aurait été... Vous constaterez dans la lettre que c'est tout à fait ce que M. Harper avait promis, et c'est pourquoi il faudrait un directeur des poursuites indépendant, parce que ces épouvantables libéraux... Je le croyais parce que M. Mulroney voulait financer ma poursuite en Alberta... Il a parlé à mon avocat. Il y a encore beaucoup d'autres histoires. Je ne vais pas vous embêter avec tout cela aujourd'hui. Je croyais, mais ensuite je me suis senti trahi — encore un autre énorme mensonge.
    Je n'ai aucune hésitation à vous dire ce que j'ai dit à M. Mulroney. Pour que tout soit bien clair pour tout le monde dans le pays, je lui ai dit dans la lettre: « J'ai été gêné quand des gens vous ont appelé 'Brian le menteur'. »
    Aujourd'hui, M. Mulroney — je dois vous le dire, Brian — si le mensonge lui-même cherche une étiquette idoine, il choisira ton visage et ton nom.
    Voulez-vous en entendre davantage?

  (1305)  

    Merci, monsieur Schreiber.
    Sur cette note de légèreté, nous allons mettre un terme à la séance. Nous avons beaucoup de documents et nous vous remercions d'avoir fait preuve de franchise devant le comité et de nous avoir fourni des renseignements.
    À l'ordre, je vous prie. Silence, s'il vous plaît. Il faut s'entendre parler.
    Le document au terme duquel nous nous réunissons, le mandat, comme vous le savez, nous permet d'exiger votre présence jusqu'à ce que le comité vous avise officiellement que l'on n'a plus besoin de vos services. Nous vous demanderons certainement de comparaître de nouveau le jeudi 6 décembre, à 11 heures.
    Écoutez, messieurs dames. Je dois vous dire que j'essaie de m'entretenir avec le témoin. Vous devez vraiment me donner une chance.
    J'invoque le Règlement.
    Donnez-moi une chance, monsieur Wallace. Laissez-moi parler.
    Eh bien, c'est vous qui prenez les décisions au nom du comité.
    Nous allons discuter. Nous allons passer à huis clos, monsieur Wallace.
    Monsieur Schreiber, nous exigeons votre présence le jeudi 6 décembre. Nous ne ménagerons aucun effort. Compte tenu du volume de la documentation, les députés auront l'occasion d'en prendre connaissance. Quand nous discuterons à huis clos, nous déciderons combien de temps nous voulons y consacrer et nous pourrons alors vous donner une meilleure idée de ce qui se passera après jeudi, dès que nous le pourrons.
    Bien, merci.
    Je veux maintenant remercier aimablement tous les membres du comité.
    Merci, monsieur Schreiber et monsieur Auger.
    Je vais lever la séance et demander à tous de bien vouloir quitter la salle.
    [La séance se poursuit à huis clos]