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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1900)  

[Traduction]

    À l'ordre, s'il vous plaît. La séance est ouverte.
    C'est la 25e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous étudions le projet de loi C-23.
    Ce soir, notre réunion est publique et télévisée. Pour commencer, nous entendrons M. Côté, commissaire aux élections fédérales.
    Monsieur Côté, voulez-vous présenter votre collaboratrice? Je crois savoir que vous avez un exposé préliminaire.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier le comité de nous offrir la possibilité de témoigner au sujet des modifications proposées par le projet de loi C-23 et de leur incidence sur mon rôle en tant que commissaire aux élections fédérales.
    J'ai le plaisir ce soir d'être accompagné par l'avocate-conseil qui nous fournit des conseils juridiques, Mme Audrey Nowack.
    Avant de parler du projet de loi lui-même, je crois qu'il serait utile aux membres du comité que je rappelle les raisons pour lesquelles le poste de commissaire aux élections a été créé, en 1974, il y a donc 40 ans, et les raisons pour lesquelles il a alors été placé au sein du bureau du directeur général des élections.

[Traduction]

    À l'époque, le ministère de la Justice était d'avis qu'il ne devait pas être impliqué dans les poursuites engagées en vertu de la Loi électorale du Canada. Ces poursuites — pour citer le procureur général de 1974 — devaient relever du directeur général des élections, « dont l'indépendance ne peut être remise en question. » Quant au directeur général des élections, il craignait que sa participation aux enquêtes et aux poursuites en cas d'infractions électorales ne compromette son impartialité. Voilà pourquoi le poste de commissaire aux élections a été créé en 1974.
    Le titulaire a été intégré à Élections Canada afin d'être totalement indépendant du gouvernement. Au départ, le commissaire n'était responsable que des infractions en matière de dépenses électorales, mais en 1977, son mandat a été étendu à toutes les infractions électorales, y compris le lancement et la conduite des poursuites. Le poste de directeur des poursuites pénales (DPP) ayant été créé en 2006, les poursuites pour infraction électorale sont intentées par ce dernier.
    Permettez-moi de passer maintenant au projet de loi dont vous êtes saisis.

[Français]

    Le premier point que j'aimerais aborder porte sur les changements de nature organisationnelle que propose le projet de loi.
    Le projet de loi C-23 propose d'aller beaucoup plus loin que ce qu'on avait fait en 2006 en transférant le commissaire au bureau du directeur des poursuites pénales, ou DPP.
    Alors que vous étudiez cette proposition, il est important que vous compreniez les avantages du modèle actuel. À mon avis, ce modèle assure un bon et sain équilibre entre l'indépendance des enquêtes et une application cohérente et éclairée de la Loi électorale du Canada.
    En effet, je dois insister sur le fait que, en tant que commissaire, j'ai toujours joui d'une indépendance absolue concernant la conduite des enquêtes et le choix des mesures d'exécution de la loi, y compris, bien sûr, la décision de renvoyer une affaire au DPP.

  (1905)  

[Traduction]

    Je suis maintenant en poste depuis près de deux ans, et jamais le directeur général des élections, ou personne d'autre à Élections Canada, n'a tenté d'influencer d'une façon quelconque la manière dont mes enquêteurs et moi faisons notre travail. En d'autres termes — et je pense que c'est important de le dire —, à titre de commissaire, je décide seul des enquêtes à mener, des méthodes à utiliser et des mesures à prendre, comme, par exemple, le renvoi d'un dossier au DPP.
    En même temps, comme je fais partie d'Élections Canada, je vois directement comment la loi est administrée et je comprends les principaux défis touchant à la conformité, ce qui oriente mes interventions et réduit le risque que des interprétations divergentes des règles sèment la confusion parmi les entités réglementées, comme les partis politiques et les candidats.
    La nécessité d'une telle cohérence explique pourquoi, à ma connaissance, l'administration et l'application des règles sont confiées au même organisme dans la vaste majorité des régimes de réglementation. On en trouve des exemples à l'Agence du revenu du Canada, au Bureau de la concurrence, à Pêches et Océans Canada et à l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Soit dit en passant, cela s'applique même au CRTC qui, en vertu du projet de loi C-23, serait chargé d'administrer et de faire appliquer les règles sur les « services d'appels aux électeurs ».

[Français]

    À mon avis, si l'on sépare le commissaire d'Élections Canada, il risque, à long terme, d'y avoir un décalage entre l'administration des règles et leur application. Pour éviter cette situation, il est primordial de préserver et d'entretenir une relation continue entre les deux entités.
     Il n'est pas seulement question d'échange d'information dans le cadre des enquêtes, ce qui, en fait, n'est pas expressément prévu dans le projet de loi C-23 et devrait faire l'objet de modifications afin que les enquêtes soient menées efficacement et en temps opportun.
    Cela signifie également que les deux entités, Élections Canada et le bureau du commissaire, devront établir des mécanismes structurés pour poursuivre leur collaboration ouverte. Par exemple, il faudra peut-être envisager l'établissement d'un comité mixte sur la conformité à la réglementation pour étudier les tendances ou les nouveaux enjeux qui découlent de l'évolution des pratiques des partis politiques et des candidats.
    De plus, comme le projet de loi C-23 permettra aux partis d'exiger des avis écrits du DGE sur l'application de la loi et que le commissaire sera lié par ces avis, il faudra de toute évidence établir des mécanismes de consultation entre le commissaire et le DGE.

[Traduction]

    En plaçant le commissaire au sein du Bureau du DPP, le projet de loi C-23 réunirait deux fonctions qui sont normalement séparées, et avec raison.
    Ce changement de structure soulève des questions importantes par rapport à la séparation des fonctions d'enquête et de poursuite, une séparation qui avait été jugée suffisamment importante en 2006 pour qu'on retire au commissaire le pouvoir d'intenter des poursuites. Il suscite en outre des préoccupations quant à l'indépendance réelle ou apparente du commissaire par rapport au gouvernement du jour.
    En vertu du projet de loi C-23, les enquêtes du commissaire doivent être menées en toute indépendance par rapport au DPP. Bien sûr, j'ai toutes les raisons de croire que ni le DPP ni le procureur général n'interviendraient dans mes enquêtes. Toutefois, le fait que le commissaire relèverait du DPP et que ce dernier aurait à rendre compte de ses activités au procureur général pose, à mon avis, certains problèmes, du moins sur le plan de la perception.
    Pour toutes ces raisons, monsieur le président, le transfert proposé au bureau du DPP ne constitue pas, selon moi, un pas dans la bonne direction.
    J'aimerais maintenant parler des pouvoirs d'enquête du commissaire. Lors de sa comparution, le directeur général des élections a expliqué à quel point il est important d'appliquer la législation électorale avec efficacité et diligence. Il est raisonnable de croire que les Canadiens s'attendent — et je dirais que c'est à juste titre — à ce qu'on s'occupe rapidement des infractions graves aux règles encadrant les élections, et ce, dans les limites du cycle électoral normal de quatre ans.
    Lorsque la légitimité d'une charge élective est en jeu, la nécessité de répondre aux allégations d'actes répréhensibles concernant les élections est, par définition, pressante. Voilà pourquoi, comme je l'ai indiqué dans mon rapport annuel, je crois qu'il est essentiel que le commissaire ait le pouvoir de demander à un juge d'émettre une ordonnance lui permettant de contraindre une personne à témoigner.

  (1910)  

[Français]

    Selon mon expérience, il n'est pas rare que les gens indirectement concernés par une enquête, mais qui pourraient détenir des renseignements importants, refusent de coopérer. Dans un contexte politique où les allégeances sont fortes, on ne devrait pas s'en étonner. Toutefois, cette situation peut entraîner des retards considérables et même compromettre une enquête.
    Le pouvoir de contraindre une personne à témoigner dans le contexte des enquêtes sur une élection existe dans plusieurs provinces et territoires, notamment au Québec, en Ontario, au Manitoba et en Alberta. D'autres organismes de réglementation disposent d'un pouvoir similaire. Le directeur général des élections et moi-même avons tous deux recommandé que ce pouvoir soit accordé au commissaire et que ce pouvoir soit assorti des protections appropriées telles que celles prévues, par exemple, dans la Loi sur la concurrence. Ces protections comprennent notamment les suivantes.
     D'abord, avant qu'on puisse obtenir une ordonnance, il faut en faire la demande à un juge et lui soumettre une preuve par affidavit que la personne qu'on voudrait interroger détient vraisemblablement des renseignements concernant l'enquête sur une infraction à la Loi électorale du Canada.
    En second lieu, toute personne aurait le droit d'être représentée par un avocat et d'être interrogée en sa présence.
    Finalement, et c'est extrêmement important, la personne qui serait interrogée dans de telles circonstances aurait le droit de s'y soumettre sans que les renseignements qu'elle pourrait divulguer puissent être utilisés contre elle.

[Traduction]

    À mon avis, ces protections assureraient une approche équilibrée en vue d'une mise en vigueur efficace de la loi. Monsieur le président, je tiens à être parfaitement clair: si cette modification n'est pas apportée, les enquêtes continueront d'être longues, et pourraient même devenir excessivement longues dans certains cas. Pire encore, certaines avorteront tout simplement en raison de notre incapacité d'aller au fond des choses.
     Le projet de loi C-23 devrait également être modifié afin d'améliorer les dispositions proposées concernant les services d'appels aux électeurs. Premièrement, qu'il s'agisse d'un appel automatisé ou de vive voix, il devrait être obligatoire d'identifier la source de l'appel dès le début du message. Deuxièmement — et ce facteur est encore plus important —, les fournisseurs de ces services devraient être tenus de conserver un registre des numéros de téléphone joints et de mettre ce registre à la disposition du commissaire, par l'entremise du CRTC. Sans les numéros de téléphone, je vois mal comment le régime proposé pourrait être vraiment utile.

[Français]

    Enfin, en ce qui a trait aux pouvoirs du commissaire, je suis très préoccupé par les contraintes qu'impose le projet de loi sur ma capacité à informer le public du résultat de mes enquêtes. Il existe sans contredit d'excellentes raisons pour préserver la confidentialité des enquêtes, principalement la protection de la vie privée et les règles d'équité fondamentales, ainsi que la nécessité de protéger l'intégrité des enquêtes en cours, évidemment. Pour cette raison, tout comme mes prédécesseurs, je ne commente généralement pas les enquêtes que nous menons et je ne divulgue pas de renseignements à leur sujet, à moins qu'il ne soit nécessaire de le faire dans le cadre d'un processus judiciaire.
    Il est important de noter qu'il existe toutefois des exceptions rares mais importantes à cette règle. Lorsque des allégations portées publiquement mettent en doute l'intégrité d'une élection et que l'enquête démontre que ces allégations n'étaient pas fondées, il est important que le commissaire, que ce soit moi ou mon successeur, puisse rassurer les Canadiens en rendant publiques ses conclusions, notamment en fournissant certains détails factuels. Je note au passage que mon prédécesseur a eu recours à cette pratique à au moins deux reprises au cours des dernières années. Il est important, comme je viens de le dire, que mon successeur et moi ayons le même pouvoir.

  (1915)  

[Traduction]

    Je voudrais enfin mentionner la création d'un certain nombre de nouvelles infractions et l'augmentation proposée du montant des amendes. Cette augmentation en particulier constitue une amélioration sensible et opportune du régime. Toutefois, comme je l'ai indiqué dans mon rapport annuel, on ne devrait pas recourir principalement aux sanctions pénales pour assurer la conformité aux règles électorales. Le processus pénal est, par nature, lent et sévère. Il convient mal à la grande majorité des cas de non-conformité dont le bureau du commissaire a eu à s'occuper et qui ont un caractère purement réglementaire, comme le dépôt tardif de documents.
    Les sanctions administratives, telles que la réduction automatique du remboursement des dépenses électorales en cas de dépassement du plafond fixé, sont généralement mieux adaptées aux problèmes de conformité touchant le financement politique. À cet égard, j'espère que cette disposition du projet de loi C-23 orientera les réformes futures.

[Français]

    En conclusion, je tiens à préciser que j'appuie entièrement les modifications liées à l'application de la loi suggérées par le directeur général des élections lors de sa comparution devant ce comité, il y a quelques semaines.
    Je note en passant que le ministre d'État responsable de la Réforme démocratique a écrit au comité et qu'il semble ouvert à certaines modifications concernant le délai de prescription et le critère régissant le déclenchement d'une enquête.
    En terminant, je me permets d'encourager fortement les membres de ce comité à examiner les autres modifications proposées par le directeur général des élections concernant la mise en application et l'exécution de la loi.
    Mes remarques introductives étant maintenant terminées, je serai heureux de répondre à toutes les questions, pour autant qu'elles ne portent pas sur les enquêtes qui sont en cours ou d'autres enquêtes.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur le commissaire.
    Nous allons maintenant entreprendre un tour à sept minutes.
    Monsieur Lukiwski, vous êtes le premier.
    Je vous remercie aussi, monsieur Côté, de votre présence au comité aujourd'hui.
    J'aimerais commencer mes questions ou, du moins, mon dialogue avec vous en parlant de votre rôle à titre de commissaire indépendant. À l'heure actuelle — et corrigez-moi si je me trompe —, d'après votre organigramme, vous êtes en fait un employé d'Élections Canada, n'est-ce pas? Autrement dit, vous relevez de cet organisme. S'il le souhaite, le directeur général des élections a le pouvoir de vous licencier. Est-ce exact?
    Ce n'est pas exact, monsieur le président, dans le sens que je ne suis pas un employé d'Élections Canada. Je suis nommé en vertu de dispositions spéciales prévues à l'article 509 de la loi. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé préliminaire, je suis chargé, en vertu de dispositions législatives, de la mise en vigueur de la Loi électorale du Canada. Dans l'exercice de mes fonctions, j'agis en toute indépendance par rapport à Élections Canada et au directeur général des élections.
    J'ai été nommé à mon poste il y a 20 mois et, depuis, il n'y a jamais eu une tentative quelconque de la part du DGE, de représentants élus ou de partis politiques d'intervenir dans mes enquêtes ou d'influencer leur déroulement.
    Je comprends cela. J'essaie simplement de me faire une idée de la structure de l'organisation. Si c'est ainsi, qui a le pouvoir de vous engager ou de vous licencier?
    La nomination est faite par le DGE.
    Le directeur général des élections?
    Oui, en vertu de l'article 509 de la loi.
    Et qu'en est-il du pouvoir de licenciement?
    Je crois que, d'après les principes généraux du droit qui s'appliqueraient, celui qui a le pouvoir de nomination a également le pouvoir de licenciement.
    Toutefois, même s'il en est ainsi, vous dites qu'en fait, il n'est pas votre patron et que vous ne relevez pas de lui.
    Absolument. Il est parfaitement clair pour moi…
    Je sais. Je m'excuse, mais j'ai toujours cru que si une personne peut me nommer et me licencier, cette personne est en fait mon patron. Je vais cependant accepter votre affirmation.
    Là où je veux en arriver, c'est que le projet de loi C-23 vous donnerait une indépendance complète. En d'autres termes, le directeur général des élections peut actuellement vous donner l'ordre d'ouvrir une enquête sur un sujet particulier. Le projet de loi C-23 vous rendrait totalement indépendant. Par exemple, le directeur général des élections peut demander l'ouverture d'une enquête, comme n'importe qui d'autre d'ailleurs, mais vous auriez le plein pouvoir de décider de mener une enquête, en fonction de vos propres critères et non pour vous conformer à une directive venant d'ailleurs. J'estime par conséquent que le projet de loi augmente et renforce votre indépendance. Je crois que ce serait une bonne chose — en toute franchise, je ne sais pas si cela s'est déjà produit, mais, en principe, puisque le directeur général des élections a le pouvoir de vous nommer et de vous licencier, comme vous l'avez dit —, surtout dans le contexte de ce qui se produirait si vous décidiez, dans une affaire donnée, d'enquêter sur un employé d'Élections Canada. Ne pensez-vous pas qu'il y aurait alors conflit d'intérêts?

  (1920)  

    Cette question comprend de nombreux éléments, monsieur le président. Je vais essayer d'y répondre un élément à la fois.
    Le directeur général des élections nomme effectivement le commissaire, mais, à mon sens, il n'est pas le patron. Ainsi, s'il est vrai que le gouvernement nomme les juges, on ne peut pas considérer qu'il est leur patron. Une fois que le DGE a nommé le commissaire, celui-ci est responsable, tout seul, de la mise en vigueur de la loi.
    Le directeur général des élections peut-il vous ordonner d'ouvrir une enquête?
    Il peut me transmettre un dossier et me donner l'ordre de mener une enquête à son sujet, mais le déroulement de l'enquête, son étendue et ses suites dépendent entièrement de moi.
    Toutefois, il est quand même habilité à décider s'il convient de mener ou d'ouvrir une enquête, n'est-ce pas?
    Il peut me prier d'examiner une chose ou de faire une enquête à son sujet. Je le remercierais alors et déciderais ensuite, de concert avec mon directeur des enquêtes, de la façon de mener l'enquête.
    Auriez-vous le pouvoir de rejeter sa demande ou sa directive?
    Le DGE est un agent du Parlement. J'aurais tendance à croire que s'il me transmet dossier pour enquête, il a probablement de bonnes raisons de le faire.
     Toutefois, en vertu du projet de loi C-23, et c'est la distinction que j'essaie d'établir… Je ne cherche pas du tout à discutailler, mais je pense que la distinction est importante. En vertu du projet de loi C-23, personne ne pourrait vous donner des ordres. Vous seriez le seul à pouvoir décider s'il convient ou non de mener une enquête. Celle-ci se fonderait sur une plainte ou donnerait suite à la demande de quelqu'un, mais la décision vous appartiendrait. À l'heure actuelle, vous dites au comité que si le directeur général des élections vous ordonne de mener une enquête, vous le faites. Vous menez peut-être l'enquête à votre façon, ce qui est parfait, mais vous n'avez pas le droit de refuser.
     Eh bien, il y a une loi du Parlement qui précise les circonstances dans lesquelles le directeur général des élections peut me demander de mener une enquête. Par conséquent, c'est le Parlement qui a décidé de la manière dont les choses doivent se faire. Encore une fois, je crois qu'il est très important de noter que, si le DGE prend cette décision, il m'appartient de décider de la façon de le faire. De même, si le projet de loi C-23 est adopté tel quel et que notre bureau est transféré au bureau du DPP, il m'appartiendrait encore de décider de la façon de mener les enquêtes.
    Je reviens à la question de savoir ce qui arriverait si vous aviez à enquêter sur un membre du personnel du directeur général des élections. N'y aurait-il pas alors au moins une perception de conflit d'intérêts puisque le directeur général des élections peut, comme vous l'avez admis, vous nommer et vous licencier?
    Je ne crois pas qu'il y ait conflit d'intérêts.
    J'ai une de choses à vous dire à ce sujet…
    Pas même une perception? Vous avez dit dans votre mémoire que l'une des raisons pour lesquelles vous ne croyez pas qu'il convienne de vous transférer au bureau du DPP, c'est la perception qu'il pourrait y avoir un conflit. Ne croyez-vous pas que la même perception existerait si vous deviez enquêter sur une mesure prise par le directeur des élections, qui a le pouvoir de vous nommer ou de vous licencier?
    J'ai au moins deux choses à dire à ce sujet.
    Premièrement, je considérerais certainement comme très grave toute allégation de fraude ou d'inconduite impliquant un fonctionnaire électoral ou un employé d'Élections Canada. Je peux vous assurer qu'à titre de commissaire, j'userais de toute mon énergie et de tous les outils à ma disposition pour tirer l'affaire au clair. Voilà le premier point.
    Deuxièmement, comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, il y a de nombreux avantages à faire partie d'Élections Canada pour des raisons liées aux opérations courantes. Il est très important pour nous, étant responsables de la mise en vigueur de la loi, de comprendre les priorités et l'environnement dans lequel nous devons prendre les décisions nécessaires. Nous ne pouvons pas fonctionner dans un monde distinct. Nous avons besoin de cet accès.
    De plus — et cela est encore plus important —, si le projet de loi C-23 est adopté tel quel, de sérieux problèmes se poseront en ce qui a trait à l'information que le DGE peut me communiquer, à titre de commissaire. À l'heure actuelle, nous faisons tous les deux partie de la même organisation, de sorte que l'information circule librement et rapidement. Si je devais passer à une organisation différente — qui serait en l'occurrence un ministère fédéral —, il y aurait toutes sortes de difficultés liées, par exemple, à la protection de la vie privée et des renseignements personnels: le DGE aurait-il le pouvoir de divulguer ces renseignements et de nous les communiquer? C'est certainement un aspect à considérer parce que ce genre d'incertitude occasionnerait des problèmes et des maux de tête sans fin.
     Je soutiens, monsieur le président, que c'est une question très importante. La loi devrait être claire quant à ce que le DGE peut me communiquer et à ce que je peux lui demander si le projet de loi C-23 est adopté tel quel.
    J'irai même plus loin. Il me semble que le projet de loi devrait contenir une disposition — encore une fois s'il est adopté tel quel — imposant au DGE de répondre à toute demande d'information que je lui présenterais et de me communiquer les renseignements en cause. De la même façon, le projet de loi C-23 prévoit, dans le cadre du nouveau régime devant être mis en place, que le CRTC me communique tout renseignement que je lui demanderais dans le contexte des services d'appels aux électeurs.

  (1925)  

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lukiwski.
    Encore une fois, le temps parole est largement dépassé. Essayons donc de surveiller où nous en sommes.
    Monsieur Scott, vous avez la parole pour plus ou moins sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Côté.
    Je n'essaierai même pas de résumer ce que vous avez dit, mais il me semble très clair que vous avez donné toute une série de raisons pour lesquelles la relation symbiotique qui existe entre votre bureau et le reste d'Élections Canada est l'un des avantages qu'il y a à vous maintenir là. Vous avez aussi énuméré un certain nombre de risques que comporte le transfert au bureau du DPP.
    Voyez-vous un problème quelconque à votre situation actuelle dans la structure d'Élections Canada, un problème qui serait réglé par votre transfert au bureau du DPP?
    Non, je n'en vois pas, mais je voudrais ajouter ceci. Si la crainte d'un conflit d'intérêts possible dû au fait que nous faisons partie d'Élections Canada est suffisante pour qu'on estime que des mesures correctives sont nécessaires, il me semble qu'il vaudrait beaucoup mieux inscrire dans la Loi électorale du Canada le même genre de garantie législative touchant mon bureau et mon mandat que ce qui est proposé actuellement en cas de transfert au bureau du DPP.
    Pour moi, cela réglerait deux problèmes: d'une part, mon désir de continuer à faire partie d'Élections Canada pour mieux comprendre les questions qui se posent et avoir un accès rapide à l'information et, de l'autre, la perception qu'ont apparemment certaines personnes au sujet d'un manque d'indépendance ou d'un manque de stabilité de mes fonctions.
    Apparemment, certains ont effectivement cette perception malgré toutes les preuves du contraire.
    Ainsi, vous dites essentiellement que tout ce qui peut constituer un avantage dans ce projet de loi — par exemple, la stabilité des fonctions prévue dans le projet de loi C-23 et dont vous ne bénéficiez pas actuellement — peut facilement être assuré tout en maintenant votre bureau au sein d'Élections Canada.
    C'est bien cela.
    Exactement.
    Très bien. Je vous remercie.
    Je suppose que le ministre vous a consulté. Avez-vous une idée des vraies raisons pour lesquelles il voudrait transférer votre bureau?
    Le ministre ne m'a pas consulté au sujet du projet de loi.
    Il ne vous a pas consulté.
    Non.
    Passons à une autre question. Vous-même et le directeur général des élections avez tous deux présenté de très bons arguments dans quelques rapports — vous l'avez fait dans votre rapport 2012-2013 — pour expliquer que vous avez besoin du pouvoir de demander à un juge une ordonnance judiciaire vous permettant de contraindre une personne à témoigner. Dans votre rapport, vous exposez en détail de quelle façon les témoins refusent de coopérer et rendent vos enquêtes difficiles. Est-ce que tout cela découle d'une expérience directe auprès de témoins dans le cadre d'enquêtes récentes? Par exemple, en ce qui concerne les appels frauduleux de 2011, avez-vous eu des problèmes de ce genre qui vous ont amené à croire que vous avez besoin du pouvoir de contraindre des gens à témoigner?
    Tout d'abord, monsieur le président, comme je l'ai dit, je n'ai pas de commentaires à faire sur des enquêtes. Toutefois, pour répondre à la question qui m'a été posée, je dirai qu'il y a eu un certain nombre de cas où nous avons eu affaire, dans le cadre de nos activités d'enquête, à des gens qui détenaient des renseignements liés à nos investigations et qui ont simplement refusé de nous parler. Cela s'est produit à plus d'une reprise dans des cas d'une certaine importance.

  (1930)  

    Je recommande à chacun de lire la page 13 de votre rapport pour avoir une description générale du genre de problèmes que cela occasionne.
    Je crois que vous l'avez souligné d'une façon qu'on ne peut… Vous avez dit: « … je crois qu'il est essentiel que le commissaire ait le pouvoir de demander à un juge d'émettre une ordonnance lui permettant de contraindre une personne à témoigner. » Vous avez parlé des protections qu'il y aurait, comme dans le cas de la Loi sur la concurrence, et avez ajouté ceci: « … je tiens à être parfaitement clair: si cette modification n'est pas apportée, les enquêtes continueront d'être longues, et pourraient même devenir excessivement longues dans certains cas. Pire encore, certaines avorteront tout simplement en raison de notre incapacité d'aller au fond des choses. »
    Peut-on dire, pour toute enquête — pas une enquête en particulier — que votre bureau a dû abandonner ou à l'égard de laquelle ce pouvoir lui a manqué, que ce pouvoir aurait été utile?
    Ce pouvoir nous aiderait considérablement. Comme je l'ai dit, nous avons eu un certain nombre de cas dans lesquels des personnes qui, à notre avis, détenaient des renseignements liés à nos enquêtes ont refusé de parler. Je crois vraiment que ce pouvoir est essentiel. Si nous devons mener rapidement des enquêtes afin d'aboutir assez tôt à des résultats et d'établir tous les faits, nous avons tout simplement besoin de ce pouvoir.
    Je vais peut-être passer à un autre aspect. Le projet de loi contient certaines dispositions dont tout le monde a entendu parler. Il y a le fait que vous avez l'obligation d'informer les gens qui font l'objet d'une enquête, sauf exception. Il y a aussi le fait que vous ne pouvez pas parler d'une enquête, sauf exception. Toutefois, les exceptions prévues ne comprennent pas le cas où une enquête est fermée. Une fois qu'une enquête est fermée, vous n'avez plus le droit de rien dire. On a l'impression que beaucoup de choses constituent de nouvelles entraves, comme le fait que, pour ouvrir une enquête, vous devez avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. D'après le ministre, ce serait une erreur.
    Je vois encore une autre chose ici. Je me demande ce que vous en pensez. Ai-je raison de croire que, dans la structure actuelle d'Élections Canada, le DGE vous a délégué le pouvoir d'accéder au Trésor pour engager des enquêteurs temporaires, des spécialistes judiciaires et d'autres experts de ce genre? Est-ce exact?
    J'ai actuellement ce pouvoir par voie législative. Il est d'ailleurs maintenu dans ce projet de loi, ce dont je me félicite. Si le projet de loi est adopté, je continuerai d'avoir accès au Trésor.
    Oui, mais sous réserve de l'approbation du DPP, n'est-ce pas? Y a-t-il une raison quelconque de ne pas inscrire dans le projet de loi que vous seul avez le pouvoir direct de signature vous permettant d'engager des enquêteurs temporaires?
    Je crois que le système de dépenses du gouvernement comporte une sorte de raffinement qui exige que l'administrateur général ou l'agent comptable d'un ministère — le DGE dans le cas d'Élections Canada — donne une approbation finale. Toutefois, il n'y a pas de doute que, dans la structure actuelle, mes demandes de fonds tirées sur le Trésor n'ont jamais suscité la moindre difficulté. C'est ce que je dirais à ce sujet.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Scott.
    À vous, monsieur Lamoureux. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous ai écouté, monsieur Côté, et ce que j'ai entendu confirme dans mon esprit à quel point cette mesure législative est mauvaise, à quel point le projet de loi C-23 constitue une force de destruction de la démocratie au Canada. Ce n'est pas un pas en avant; c'est un important recul. Je me sens insulté rien qu'en pensant que vous n'avez pas été consulté, comme vous l'avez dit, au sujet de vos fonctions de commissaire et de leur transfert à l'extérieur d'Élections Canada.
    Je crois que vous avez été exceptionnellement clair. J'ai quelques questions à vous poser.
    Le scandale des transferts de fonds, les appels automatisés, les dépenses excédentaires et la tricherie, voilà les choses qui, pour l'ensemble du public, ont marqué les dernières élections. Il y a une impression générale concernant la confiance du public ou son absence à cause des milliers d'appels téléphoniques qui ont précédé les dernières élections. D'énormes attentes reposent sur vous, comme commissaire, parce que les gens espèrent que vous irez jusqu'au bout pour établir tous les faits dans ces importantes affaires.
    Je ne vous demande pas de parler de questions particulières, mais pouvez-vous dire clairement qu'il sera plus difficile pour vous d'intenter des poursuites si ce projet de loi est adopté sans être modifié, de façon à prévoir, par exemple, le pouvoir de contraindre des témoins?

  (1935)  

     Monsieur le président, je ne crois pas que je m'exprimerais ainsi. Je dirai cependant que le régime actuel doit être amélioré pour que nous puissions disposer de moyens plus importants. Or je constate que, même si le DGE et moi-même avons demandé ce pouvoir supplémentaire, il ne nous a pas été accordé dans le projet de loi C-23.
    Vous avez raison.
    Vous dites, à la page 7 de votre exposé: « Pire encore, certaines — il s'agit ici des enquêtes — avorteront tout simplement en raison de notre incapacité d'aller au fond des choses. »
    Oui, c'est bien ce que j'ai dit.
    Pour moi, cela signifie que si quelqu'un violait la loi, il y aurait de très bonnes chances que vous renonciez à votre enquête parce que vous seriez incapable d'aller au fond des choses. Cette incapacité serait attribuable au fait que certaines personnes pourraient tourner en dérision notre loi électorale. Comme vous n'avez pas le pouvoir de les contraindre, elles n'auraient pour cela qu'à dire: « Je n'ai pas à vous aider. »
    Monsieur le président, je dirai simplement que j'ai soigneusement choisi les paroles qui figurent dans mon exposé préliminaire et qu'effectivement, certaines enquêtes avorteront en raison de notre incapacité d'aller au fond des choses.
    Si j'ai bien compris, tant vous que le directeur général des élections aviez estimé qu'il était important de vous accorder le pouvoir de contraindre les témoins. Dans votre exposé, vous avez mentionné beaucoup d'autres organismes et associations indépendantes qui sont investis de ce pouvoir. Ils n'ont même pas à s'adresser à un tribunal. Vous voulez qu'on vous donne la possibilité de faire appel à un juge pour contraindre une personne à témoigner.
    C'est exact. Nous avons recommandé l'adoption d'un régime très semblable à celui qui a été établi en vertu de la Loi sur la concurrence. Ainsi, comme vient de le dire le député, nous aurions la possibilité de présenter une demande à un juge, qui jouerait le rôle d'arbitre entre nous et le citoyen en cause et déciderait, en fonction des circonstances, s'il convient ou non de nous accorder l'ordonnance que nous essayons d'obtenir. Le député a tout à fait raison de dire que, dans quelques autres secteurs réglementés — en particulier dans le domaine des valeurs mobilières, par exemple —, le dirigeant de l'organisme en cause a le pouvoir d'émettre lui-même une telle ordonnance.
    C'est exact.
    Je crois qu'il est important de répéter une chose que vous avez dite dans votre exposé préliminaire. En 1974, lors de la création de votre bureau, on avait jugé bon de le placer au ministère de la Justice. Par la suite, il a été déplacé parce qu'on a estimé que le gouvernement avait la possibilité d'exercer une certaine influence, alors qu'au sein d'Élections Canada, comme vous l'avez dit, il n'y aurait aucune crainte réelle ou perçue que l'indépendance du commissaire aux élections soit compromise.
    C'est l'historique de cette disposition. Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter une chose.
    Pour garantir une concurrence équitable, le Parlement du Canada a décidé de donner ce pouvoir au commissaire de la concurrence. Dans la même veine, si nous voulons des élections équitables, pourquoi n'accordons-nous pas, pourquoi le Parlement du Canada n'accorderait-il pas au commissaire le même genre de pouvoir qui est conféré à un autre commissaire afin de garantir une concurrence équitable? Il me semble que les valeurs en jeu sont au moins équivalentes et, par conséquent, que le Parlement ferait preuve de cohérence s'il décidait de faire pour des élections équitables ce qu'il a clairement choisi de faire pour assurer une concurrence équitable.
    Oui, j'ai bien l'impression que le projet de loi aurait essentiellement pour effet d'affaiblir les moyens dont vous disposez pour obtenir justice en cas de violation de la loi électorale et d'augmenter d'autant les dépenses de votre bureau parce que vous seriez obligé de créer des groupes spéciaux pour traiter avec Élections Canada.
    Êtes-vous d'accord avec moi?
    Il y aura sûrement une certaine perte d'efficacité si notre bureau est transféré au bureau du DPP à cause des facteurs que j'ai déjà mentionnés, comme l'obtention de renseignements et l'échange d'information entre les deux organisations. De plus, si nous n'avons pas davantage de moyens d'agir, si nous n'avons pas le pouvoir de demander une ordonnance afin de contraindre une personne à témoigner, alors, oui, les enquêtes continueront dans certains cas d'être longues ou même excessivement longues.

  (1940)  

    Des poursuites plus coûteuses et moins nombreuses ainsi qu'une baisse de la confiance du public dans l'indépendance de votre bureau seraient donc vraisemblables. Est-ce exact?
    J'ai déjà parlé de ces questions, et je ne m'exprimerai pas nécessairement dans les termes que vous avez utilisés, mais je crois que c'est essentiellement sinon exactement ce que j'ai dit.
    Avez-vous jamais eu l'occasion de présenter directement votre point de vue au ministre?
    Non.
    Avez-vous jamais fait savoir au ministre que vous aimeriez lui faire part de votre opinion?
    Non.
    Pouvez-vous nous donner une indication quelconque… Maintenant que beaucoup de gens savent qu'ils n'ont qu'à dire non quand vous leur demandez de témoigner, croyez-vous que cela affaiblira la loi?
    Cela ne nous aidera pas.
    Nous allons maintenant entreprendre un tour à quatre minutes, en commençant par M. O'Toole.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais également vous remercier, monsieur Côté, pour les services que vous avez rendus, notamment, comme je l'ai appris ce soir, au bureau du Juge-avocat général.
    Je vous remercie.
    Je vais vous proposer une meilleure analogie que celle que vous avez établie avec le Bureau de la concurrence parce que votre exposé m'a rappelé beaucoup de ce que j'ai appris à la faculté de droit, il y a une dizaine d'années, et certains travaux que j'ai faits. J'y ai surtout pensé lorsque vous avez dit que vous estimiez être responsable de la mise en vigueur de la loi. Ce sont vos propres paroles.
    À mon avis, il serait préférable de faire la comparaison avec les commissions de valeurs mobilières qui sont chargées de la réglementation et de l'administration du marché des valeurs dans l'intérêt public. Bien entendu, la confiance du public à l'égard de ce marché est vraiment critique. Dans les 15 dernières années, les commissions de valeurs mobilières qui ont des commissaires et une structure très semblable à la vôtre se sont écartés du modèle des agences multifonctionnelles dotées de fonctions d'enquête, de poursuite et même d'arbitrage, qui présenteraient une certaine similitude. En 2003, le juge Coulter Osborne a dirigé ce qu'on a appelé le Comité de l'équité, qui a étudié la « bifurcation » de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, mesure qu'avait déjà adoptée la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique.
    Les raisons pour lesquelles je recours à cette analogie sont très claires pour moi. Votre bureau a été créé en 1974. Vous avez dit qu'à ce moment, le directeur général des élections s'était inquiété de sa présence au sein de l'organisme. Ensuite, en 2006, le mandat d'intenter des poursuites a été transféré au DPP. Ne peut-on pas considérer le projet de loi C-23 comme la phase finale de cette bifurcation? Aujourd'hui, nous avons Élections Canada qui s'acquitte d'une fonction dans l'intérêt public. Sur le plan administratif et dans le respect de tous les principes de justice naturelle, le service chargé de l'examen rétrospectif, c'est-à-dire des poursuites découlant des enquêtes, est complètement distinct. Maintenant, avec le projet de loi, les poursuites et les enquêtes feraient partie des services du DPP. N'est-ce pas là la dernière étape de la bifurcation? Cette structure ne s'aligne-t-elle pas sur les pratiques modernes de l'administration publique?
    Monsieur le président, je voudrais revenir à quelques-uns des points que j'ai abordés dans mon exposé préliminaire.
    Tout d'abord, nous avons au Canada au moins quatre provinces qui ont mis en place le système que nous proposons. Je pense en particulier à l'Ontario, au Québec, au Manitoba et à l'Alberta. Je signale en outre que la Commission électorale australienne est investie de ce pouvoir, de même que la Commission des élections fédérales des États-Unis.
    Je note aussi, comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, que nous avons dans l'administration fédérale des organismes tels que le Bureau de la concurrence, Pêches et Océans Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada où il y a encore…
    Je m'excuse de vous interrompre, mais il ne me reste pas beaucoup de temps. J'ai utilisé l'exemple de la Commission des valeurs mobilières à cause de la réforme réglementaire des 15 dernières années et parce que cet organisme a un objet très semblable d'intervention dans l'intérêt public. Comme je vous ai lancé cet exemple à un moment où vous n'étiez peut-être pas prêt, je vous prie de ne pas hésiter à envoyer vos observations au comité plus tard, mais ne voyez-vous pas l'avantage qu'il y a, du point de vue de la confiance du public, à placer une fonction administrative dans un organisme administratif distinct, Élections Canada, et à placer ailleurs votre fonction, c'est-à-dire les enquêtes, comme l'ont fait les commissions des valeurs mobilières?
    Non, je ne vois pas l'avantage et ce, pour plusieurs raisons, la principale étant que si l'indépendance du commissaire est un sujet de l'occupation réel, on peut y remédier en apportant des modifications à la Loi électorale du Canada.

  (1945)  

    J'ai mentionné cette préoccupation. Je dis simplement que ce principe d'administration publique est appliqué un peu partout.
    Même s'il s'agit d'un principe d'administration publique, comme vous le dites, je crois que la Loi électorale du Canada peut dire très clairement, noir sur blanc, que le commissaire doit exercer ses fonctions en toute indépendance, et ainsi de suite. Il y a par ailleurs la perte d'efficacité qui découlerait inévitablement, à mon avis, du retrait du bureau du commissaire de la structure d'Élections Canada et de son transfert à un ministère fédéral.
    Cela constitue un problème réel à un moment où on nous demande constamment d'accélérer nos enquêtes et d'aboutir plus rapidement à des conclusions. Chaque fois que vous augmentez la distance, chaque fois que vous laissez la place à des obstacles à l'échange d'information…
    Mais n'est-ce pas justement de distance que je parle? La séparation des deux fonctions n'est-elle pas importante pour renforcer la confiance du public?
    C'est probablement une très bonne question, monsieur O'Toole, mais je vais quand même passer à la personne suivante.
    Madame Latendresse, vous avez quatre minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Côté, je vous remercie d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui.
    Mes questions portent sur l'article 510.1 proposé, une nouvelle disposition qui va limiter la plupart des renseignements que vous aurez le droit de communiquer. En fait, cette disposition implique que vous serez tenu au secret pour tout ce qui se passe dans votre bureau. Par contre, il y a une liste d'exceptions, dont la suivante:
b) les renseignements qui, à son avis, sont nécessaires pour mener une enquête;
    Vous pouvez donc communiquer ce genre de renseignements.
    Selon les dispositions actuelles du projet de loi, aurez-vous encore le droit de communiquer ces renseignements aux gens une fois qu'une enquête sera conclue, à votre avis?
    Monsieur le président, comme je l'ai mentionné dans ma présentation d'ouverture, selon mon interprétation et celle des avocats et conseillers juridiques qui me conseillent, l'article 510.1 soulève de très sérieuses questions pour ce qui est de savoir si, lorsqu'une enquête sera terminée, je serai en mesure d'en communiquer les résultats, sauf pour ce qui est de déclarer que l'enquête est terminée et que nous avons décidé de ne prendre aucune mesure.
    Dans le cas de dossiers largement médiatisés où nous voudrions assurer les Canadiens que nous avons fait enquête à ce sujet et leur donner un aperçu de ce que nous avons découvert, de ce que nous avons fait et des raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés à de telles conclusions, je dois malheureusement dire que, lorsque mes conseillers juridiques et moi-même lisons l'article 510.1 dans la forme proposée, nous arrivons à la conclusion que notre capacité de faire un rapport de ce genre serait extrêmement limitée, voire complètement inexistante.
    Vous suggérez donc d'amender cette disposition.
    Tout à fait.
    Ma prochaine question concerne la nomination du prochain commissaire aux élections.
     Est-il exact de dire que le directeur général des élections ne pourrait pas être consulté sur la personne mise en nomination?
    C'est ce que j'ai vu dans le projet de loi.
    Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Me prononcer sur cette question n'est pas nécessairement mon rôle. Par contre, j'ai trouvé cela étrange, et j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi on a jugé bon d'inclure une telle disposition dans le projet de loi.
    Toutefois, il y a peut-être des personnes mieux placées et mieux informées que moi qui pourraient répondre à votre question.
    J'ai été surpris de voir qu'on avait inclus cette disposition.
    Une autre disposition stipule qu'aucun employé ayant déjà travaillé à Élections Canada ou y travaillant présentement ne peut être nommé commissaire. J'imagine que vous trouvez cela un peu étrange également. On dirait qu'on s'acharne sur Élections Canada en ce qui a trait au commissaire, ce qui est bizarre.
    Ça soulève de sérieuses questions.
    Pouvez-vous aussi nous parler, en termes généraux, de la consultation menée par le ministre d'État? Votre bureau a-t-il été consulté sur les changements à la Loi électorale du Canada qui touchent votre bureau? Avez-vous été consulté personnellement?
    Monsieur le président, je pense avoir répondu à cette question antérieurement. Je répéterai donc que ni les gens de mon bureau ni moi n'avons été consultés par le ministre d'État sur les dispositions qu'on trouve dans le projet de loi.
    Le directeur général des élections et vous avez fait des recommandations dans le passé. Certaines d'entre elles ont-elles été incluses dans le projet de loi?
    Généralement, je pense que le directeur général des élections a pu vous faire part des choses qui y ont été incluses.
     À mon avis, certaines propositions de modification sont positives. C'est le cas notamment de l'augmentation des amendes dans certaines situations et de la création de nouvelles infractions. Par exemple, le fait que des personnes fassent obstruction aux enquêtes que nous menons constituerait maintenant une infraction. Je pense que c'est un changement très positif. Il y a aussi une nouvelle infraction liée au fait de se présenter sous une fausse identité, de se faire passer pour quelqu'un d'autre. Je pense que cette modification est bienvenue.
    J'ai aussi souligné, lors de mes remarques d'introduction, le fait qu'on propose d'introduire dans la loi une pénalité de nature administrative, c'est-à-dire que le remboursement des dépenses électorales pourrait être réduit si quelqu'un a excédé le plafond qui lui était applicable. À mon avis, cela constitue un pas dans la bonne direction; c'est utile.
     Je pense qu'il devrait y avoir plus de choses comme celles-là. Comme je l'ai mentionné, la Loi électorale du Canada, qui est extrêmement touffue, sanctionne beaucoup d'infractions. La loi compte au moins 600 articles, et plusieurs des infractions dont il est question sont uniquement de nature réglementaire. En tant que citoyen qui a observé le système de justice canadien, je ne crois pas que la poursuite pénale devrait être notre seule arme pour traiter ces infractions. Il devrait y avoir d'autres choses, comme des mesures administratives qui nous permettent de régler les dossiers plus rapidement et avec plus de prévisibilité. Ainsi, on pourrait s'attarder aux dossiers vraiment plus importants, compte tenu de la nature des allégations faites ou des infractions commises.

  (1950)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Côté.
    Nous allons maintenant passer à M. Reid pour terminer ce tour. Vous avez quatre minutes.
    Je siège au comité de la procédure depuis plus d'une décennie. Nous recevons régulièrement des rapports du directeur général des élections, mais nous ne voyons pas aussi souvent le commissaire aux élections.
    Publiez-vous des rapports indépendants semblables à ceux du DGE pour décrire vos activités de l'année précédente et ce que vous avez réalisé? Établissez-vous de tels rapports?
    En septembre dernier, j'ai produit un rapport annuel qui a été le premier à être publié par le bureau du commissaire aux élections. Ce rapport est public. Il décrit nos activités et nos travaux. Il renferme également un certain nombre de recommandations liées aux problèmes que nous avons connus et aux modifications à faire pour nous permettre de mieux affronter ces problèmes.
    Vous avez donc publié un rapport en septembre dernier, et c'était le premier rapport annuel de votre bureau. Avez-vous l'intention de continuer à en produire tous les ans?
    C'est certainement mon intention. À cet égard, je noterai que, d'après le projet de loi, dans sa forme actuelle, ce ne serait plus le commissaire qui rendrait compte de ses activités. Ce serait plutôt le directeur des poursuites pénales qui rendrait compte des activités du commissaire, sauf en ce qui concerne les détails des enquêtes.
    Je trouve cela regrettable. Je crois que le commissaire aux élections, où qu'il se situe dans l'organisation, devrait pouvoir rendre compte de ses propres activités, sans que son rapport soit filtré par quelqu'un d'autre.
    Voyons si j'ai bien compris. Dans sa forme actuelle, la Loi électorale du Canada ne vous charge pas de produire un rapport. Vous l'avez fait de votre propre initiative. La loi ne vous l'interdit cependant pas. Par ailleurs, le projet de loi vous empêcherait de présenter le genre de rapport que vous avez publié en septembre dernier. Est-ce exact?
    Le projet de loi charge nommément le directeur des poursuites pénales de rendre compte des activités du commissaire au procureur général du Canada.
    Y a-t-il, à votre avis, quelque chose qui interdirait de modifier le projet de loi pour vous permettre de présenter un rapport directement à notre comité?
    Je me demande si je ne devrais pas, en fonction des règles de l'appareil gouvernemental et de la procédure parlementaire, présenter un rapport au Parlement plutôt qu'au comité. Mais il est clair pour moi que rien ne peut empêcher le comité ou le Parlement de modifier le projet de loi pour préciser que c'est le commissaire lui-même qui doit rendre compte de ses activités.
    Que le rapport aille au comité, au Parlement ou aux deux Chambres, il appartient…
    Je peux vous donner une opinion à ce sujet. Vous devriez présenter un rapport non à n'importe quel comité, mais au nôtre parce que nous nous occupons de toutes les questions touchant les élections. Il serait logique que le même comité supervise toutes ces choses. L'analogie que j'ai donnée au cours d'autres réunions est celle du conseil d'administration. Si votre entreprise a de multiples divisions, vous voudriez que tous les cadres rendent compte de leurs activités au même conseil d'administration.
    Quoi qu'il en soit, c'est un document très intéressant.
    L'analogie que je ferais, monsieur le président, c'est que le directeur général des élections présente son rapport aux deux chambres du Parlement. C'est ce que je crois savoir. Comme il y a des éléments communs entre les deux, une modification du projet de loi pourrait prévoir que le rapport du commissaire, comme ceux des autres agents du Parlement, aille directement aux deux chambres du Parlement.

  (1955)  

    Très bien. Cela est très utile. Je vous remercie.
    Excellent. Nous avons donc terminé.
    Merci, monsieur Côté, d'être venu au comité ce soir pour nous présenter ces renseignements.
    Je voudrais remercier le président et les membres du comité d'avoir pris le temps de m'entendre. Merci beaucoup.
    Merci à vous.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour laisser les témoins s'installer.

  (1955)  


  (2000)  

    La séance reprend. C'est encore la 25e réunion du comité. La séance est publique et télévisée. Nous entendrons maintenant un nouveau témoin, M. Corbett.
    Nous sommes très heureux de vous voir. Je m'excuse de vous avoir fait venir si tard, mais nous avons tellement travaillé sur le projet de loi C-23 que nous avons l'impression que nous nous en occupons 24 heures sur 24. Je crois savoir que vous avez un exposé préliminaire à présenter. Je vous prie de le faire. Quand vous aurez terminé, nous aurons quelques questions à vous poser.
    Comme vous le savez, M. Côté a abordé beaucoup des questions qui se posent d'une manière très approfondie. J'espère, pour ma part, pouvoir ajouter quelques renseignements contextuels fondés sur l'expérience que j'ai acquise pendant les six années où j'ai été commissaire aux élections, fonctions que j'ai occupées jusqu'en juillet 2012. Avant cela, j'ai travaillé au ministère de la Justice pendant 34 ans, surtout à la Direction du droit pénal. Je connais donc bien le bureau du DPP et son organisation. Durant mon mandat de commissaire, je me suis occupé de trois élections fédérales dans une période d'un peu plus de quatre ans. Vous vous souvenez probablement de toutes ces élections.
    Je me soucie beaucoup de la capacité du commissaire à enquêter sur les violations alléguées de la loi d'une manière efficace et opportune. Je suis très pragmatique. Je trouve qu'il n'y a rien dans les modifications proposées qui puisse renforcer cette capacité et que l'une des modifications l'affaiblira.
    Dans les enquêtes importantes, l'un des principaux problèmes est qu'elles durent trop longtemps. L'une des enquêtes que nous avons terminées nous a pris deux ans et un mois. Ensuite, le directeur des poursuites pénales a mis 16 mois pour examiner ce que nous avions fait. Le dossier des poursuites judiciaires avait près de 400 pages. C'était tout un livre, mais il ne représentait que le résumé des preuves que nous avions réussi à recueillir. Dans ce cas et dans d'autres, le retard était attribuable aux témoins clés qui refusaient d'avoir une entrevue avec un enquêteur. Dans quelques cas, ces témoins étaient activement découragés d'accepter l'entrevue.
    Ce qui manque dans les modifications, c'est le pouvoir de demander une ordonnance judiciaire contraignant un témoin vital à répondre aux questions des enquêteurs. Avec ce pouvoir, on n'aurait plus besoin de recourir à des procédures plus compliquées, plus coûteuses et plus intrusives et on pourrait fort bien épargner un temps considérable. Encore une fois, je ne peux pas dire grand-chose des affaires qui sont devant les tribunaux, mais vous pouvez imaginer ce que nous avons enduré d'une façon générale lorsque nous nous sommes occupés des appels automatiques.
    Internet n'est soumis à aucune réglementation. C'est une vraie jungle. Les quelques ordonnances judiciaires que nous avons obtenues et ce qu'il nous a fallu apprendre pour trouver notre chemin dans ce bourbier étaient vraiment remarquables. S'il nous avait été possible de contraindre les témoins, nous aurions probablement avancé beaucoup plus rapidement. Je m'inquiète beaucoup de la perception publique de la situation lorsqu'il nous est impossible de faire progresser ces affaires qui intéressent le public au plus haut point.
    La loi nous donne déjà le pouvoir d'obtenir une injonction, ce qui nous permet de nous adresser aux tribunaux en période électorale pour faire certaines choses. Nous n'avons jamais usé de ce pouvoir. Nous l'avons brandi de temps en temps, de sorte que les gens connaissent son existence et savent que nous pouvons y recourir au besoin. Si nous avions le pouvoir d'obtenir une ordonnance judiciaire contraignant une personne à témoigner, je crois que nous ne l'utiliserions pas très souvent. Les gens ne pourraient pas alors dire aux témoins « Vous n'avez pas à coopérer » parce que la loi nous donnerait un moyen d'obtenir cette coopération. Bien souvent, la simple existence de ce pouvoir suffirait pour persuader les témoins de coopérer.
    L'aspect préjudiciable des modifications réside dans le transfert du bureau du commissaire, qui quitterait Élections Canada pour s'établir au bureau du directeur des poursuites pénales. Élections Canada est un centre vital d'information, de renseignement et d'expertise en matière électorale. Il n'en existe pas d'autres, et sûrement pas au bureau du directeur des poursuites pénales.
    En réalisant ce transfert, on priverait les enquêteurs d'un accès facile aux experts d'Élections Canada. Ces experts comprennent les juristes qui connaissent la loi à fond et qui donnent régulièrement des avis juridiques à son sujet, notamment dans le cadre des enquêtes, de façon à les orienter dans la bonne direction, si vous voulez. Il y a aussi les vérificateurs qui appliquent la loi aux aspects financiers des campagnes, ainsi que les experts qui s'occupent directement des élections et qui appliquent la loi au scrutin et à la campagne en période électorale.

  (2005)  

    Il importe de se rappeler que le bureau du commissaire se compose d'une vingtaine de personnes qui utilisent les ressources qu'elles peuvent trouver, la principale source étant Élections Canada. De plus, il y a des services de police qui aident les enquêteurs. Le DPP leur prête également son concours pour l'obtention des ordonnances judiciaires et pour les questions dont les tribunaux sont saisis.
    Je ne sais pas vraiment si le transfert réduirait l'accès des enquêteurs aux dossiers conservés à Élections Canada. Des dispositions particulières de la loi garantissent l'accès à certains dossiers, mais si les enquêteurs sont exclus d'Élections Canada, il pourrait être difficile pour eux d'accéder aux dossiers. Cet accès est essentiel pour confirmer les plaintes et les renvois concernant les aspects financiers faits par les vérificateurs. C'est une question juridique sur laquelle je ne peux pas me prononcer, mais je la trouve quand même inquiétante.
    Un autre aspect mérite d'être porté à votre attention car, même s'il est important, personne d'autre ne vous l'a signalé. Je veux parler de la surveillance des irrégularités en période électorale. Je me suis occupé de trois élections, dont chacune a été précédée d'une campagne électorale d'environ 35 jours. Nous réunissions une équipe composée d'enquêteurs et du personnel juridique qui leur est affecté. Ces gens étaient sur le terrain pendant la totalité de la campagne, faisant deux postes de travail chacun de façon à couvrir 12 heures par jour.
    Les plaintes arrivent de différentes sources: directeurs du scrutin, membres du public et partis politiques. Elles portent sur tout ce qui se passe dans cette période de 35 jours. Nous surveillons les élections et prenons des mesures pour nous assurer du respect des règles. Nous avons des contacts auprès des partis politiques, auxquels nous demandons de s'occuper de certains problèmes qu'ils sont les mieux placés pour régler. Nous avons aussi des contacts auprès des services de police municipaux. Nous prenons les plaintes, les versons dans l'ordinateur et les affichons à l'écran. Ensuite, nous désignons des enquêteurs s'il y a quelque chose à faire, puis nous intervenons non en envisageant d'intenter des poursuites plus tard, mais en cherchant à faire respecter les règles du jeu pendant que la campagne suit son cours.
    Comme vous le savez bien, les pancartes suscitent des plaintes sans fin. Les municipalités s'en plaignent si elles gênent la circulation. Les propriétaires d'immeubles se fâchent lorsque leurs locataires mettent de grandes pancartes dans les fenêtres. Les pancartes sont volées. Il y a des gens qui en trouvent sur leur terrain sans qu'ils aient donné une permission. Il y a des pancartes qui sont placées par-dessus d'autres pancartes. Il y en a qui sont affichées sur des panneaux appartenant au gouvernement. Les équipes chargées de les placer se disputent les meilleurs endroits. Nous nous efforçons de régler ces problèmes.
    J'ai un autre exemple. Un candidat veut entrer dans un immeuble en copropriété — il y a en effet beaucoup de gens qui vivent dans des condos ces jours-ci —, mais la direction lui refuse l'accès. Les règlements de la société de condominium peuvent l'interdire. Nous prenons alors contact avec les représentants de la société et avec leurs avocats, si nous pouvons les trouver. Nous les informons des dispositions de la loi et leur demandons de prendre les mesures nécessaires. Les candidats ont droit à un accès raisonnable à un immeuble en copropriété, à un immeuble d'appartements ou à un centre commercial. Voilà le genre de choses dont nous devons nous occuper.
    Vous vous souvenez peut-être de l'affaire un peu loufoque qui s'était produite au Québec lorsqu'un journaliste avait trouvé une boîte de scrutin ouverte et l'avait photographiée. La boîte avait l'air d'avoir été endommagée. Cela avait fait beaucoup de bruit. Nous sommes intervenus immédiatement. L'affaire s'est réglée quand nos enquêteurs, la police municipale, le directeur du scrutin et des représentants des partis ont examiné la boîte et sont arrivés à la conclusion que les bulletins de vote contenus dans les enveloppes n'avaient pas été touchés. Ils ont tous convenu que les bulletins pouvaient être acceptés. Nous avions donc scellé la boîte et repris notre travail.
    Voilà le genre de choses qui se produisent en période électorale, comme vous le savez vous-mêmes. Nous étions là 35 jours d'affilée, travaillant à deux postes par jour et observant les événements dans le but non d'intenter des poursuites, mais de rétablir l'ordre. La loi électorale est en fait une loi de réglementation.
    Je ne sais pas qui s'occupera de tout cela aux prochaines élections, mais je suis sûr que ce ne sera pas le DPP. Je ne sais pas qui d'autre le fera. Est-ce que d'autres employés d'Élections Canada peuvent s'en occuper? Je ne pense pas qu'ils aient les compétences nécessaires. Les enquêteurs ont des compétences très particulières. Presque tous sont d'anciens policiers ayant une trentaine d'années d'expérience.

  (2010)  

    Ils sont très doués quand il s'agit de persuader la police municipale de prendre en charge certaines affaires qu'ils ne jugent pas prioritaires. Tout cela a un aspect très pratique que vous devez essayer de comprendre dans l'optique d'un transfert à un organisme différent qui, comme je l'ai dit, n'a pas les compétences nécessaires et a l'habitude d'agir indépendamment des enquêteurs.
    Le retrait du commissaire de la structure d'Élections Canada ne renforce en rien l'indépendance de son bureau. Je dois vous dire que l'ingérence politique est inexistante. Je n'en ai jamais été témoin sous quelque forme que ce soit. Aucun enquêteur ne m'a jamais dit que quelqu'un avait essayé d'influencer son enquête. De mon temps, le directeur général des élections évitait très soigneusement d'intervenir dans mon travail. Je prenais toutes les décisions et travaillais de concert avec le DPP si des poursuites étaient envisagées.
    Pour ce qui est de notre façon de faire les choses et des mesures que nous prenions, nous avions produit un document de 19 pages, qu'on peut encore trouver sur le site Web d'Élections Canada, pour renseigner le public sur ce que nous faisions et sur notre façon de travailler. Ce document est à la disposition de quiconque veut l'examiner. Je dois dire qu'il n'était pas courant pour nos enquêteurs d'être associés au bureau du procureur. J'y ai longtemps travaillé, surtout dans le domaine réglementaire, même si les procureurs ne s'occupent pas des infractions touchant la réglementation. Leurs principaux dossiers, de même que ceux du DPP, portent sur les infractions au Code criminel et les infractions liées à la drogue, au terrorisme, au blanchiment d'argent, à l'évasion fiscale et aux choses de ce genre. Il est peu courant, dans le contexte de la common law, que des enquêteurs travaillent au bureau d'un procureur, en liaison avec lui ou sous son égide, même d'une façon générale. Les enquêteurs sont habituellement placés auprès de l'organisme chargé de la mise en vigueur de la loi, surtout parce que celui-ci s'occupe de réglementation et non de poursuites, son but étant d'assurer la conformité aux règles.
    Personnellement, je n'aime pas les poursuites. Je m'efforce plutôt de faire respecter les dispositions et les objectifs de la loi. Mais, de plus en plus souvent, les parties se retranchent sur leurs positions et adoptent un mode accusatoire. Les témoins refusent de répondre aux questions ou sont découragés de le faire. Les choses s'enveniment. S'ils coopéraient, si nous réussissions à aller au fond des choses assez rapidement — ce qui arrive à l'occasion —, nous pourrions prendre des mesures autres que les poursuites pour obtenir la conformité. Nous avons en fait une entente de conformité que nous utilisons dans de nombreux cas mineurs. Toutefois, les cas graves ne peuvent pas être réglés de cette façon. Ils doivent faire l'objet d'une enquête qui peut aboutir à des poursuites.
    En général, les procureurs veulent examiner les conclusions d'une enquête en toute indépendance après qu'elle s'est terminée. En fait, moins ils ont de contacts avec les enquêteurs avant, mieux cela vaut pour eux. S'ils ont eu affaire aux enquêteurs par suite d'une demande de nature judiciaire, c'est un autre membre du bureau qui prend la décision d'intenter des poursuites. Le rôle du procureur consiste alors à déterminer les personnes à accuser et la nature des accusations. Si l'affaire relève du Code criminel, elle est renvoyée à un tribunal pénal.
    Permettez-moi de dire quelques mots de la fraude électorale, qui est pour vous un sujet de préoccupation. Pendant que j'étais commissaire, nous avions examiné un certain nombre d'allégations relatives à une fraude électorale organisée. Les plaintes avaient été jugées sans fondement et n'avaient pas donné lieu à des poursuites. Dans deux cas, j'avais publié un communiqué. Dans un autre cas, l'examen avait été confié à un cabinet de consultants nommé Navigant. Nous avions intenté des poursuites dans un certain nombre de cas individuels de vote illégal, mais, à mon avis, même si nous avions découvert des erreurs administratives, il n'y avait pas vraiment de fraude électorale.
    Quand j'ai pris possession de mes fonctions, je ne connaissais rien à ce domaine. J'avais alors été frappé par l'éthique qui régnait dans le processus électoral. Les 60 % d'électeurs qui vont aux urnes prennent le vote très au sérieux. Ils se soucient énormément du système et du processus, qu'ils appuient très fort. C'était la première observation que j'avais faite. J'ai découvert aussi que les gens d'Élections Canada, du plus haut placé au plus humble, avaient très à coeur le rôle dont ils s'acquittaient. Tout commence par des élections équitables et des résultats fiables.

  (2015)  

    C'est ainsi que s'établit le processus démocratique.
    Voilà qui met fin à mon petit discours d'aujourd'hui.
    Génial. Monsieur Corbett, je pourrais vous écouter toute la nuit, mais je sais que les membres du comité souhaitent vous poser des questions. Nous allons donc leur permettre de le faire.
    Nous commencerons par un tour à sept minutes. À vous, monsieur Lukiwski.
    Merci beaucoup.
    Je voudrais aussi vous remercier, monsieur Corbett, de votre présence.
    Nous sommes heureux de vous revoir. En effet, vous avez déjà comparu devant le comité. Comme mon collègue, M. Reid, j'ai l'impression de siéger ici depuis une éternité. Je crois que cela fait huit ans.
    J'ai effectivement une question à vous poser au sujet de l'une de vos anciennes enquêtes. Puis-je vous demander, monsieur, puisqu'il s'agit d'une enquête déjà terminée, si vous pouvez nous en parler?
    Je préférerais bien sûr ne pas revenir sur une enquête ou des poursuites, mais…
    Aucune accusation n'avait été portée, mais je suis simplement curieux. C'est une affaire au sujet de laquelle je me suis longtemps interrogé. Maintenant que j'ai l'occasion d'être avec vous dans la même pièce, j'aimerais obtenir quelques renseignements pour satisfaire ma curiosité.
    J'espère que vous vous souvenez de cette affaire. Il s'agissait de l'ancien député conservateur Jeremy Harrison. Aux élections de 2006, il était candidat dans le grand nord de la Saskatchewan. Au niveau provincial, c'était la circonscription de Meadow Lake, mais la circonscription fédérale était celle de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill.
    Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, oui.
    C'est cela.
    Lors de ces élections fédérales, Jeremy était le député sortant. Nous observions les résultats du scrutin et, en fin de soirée, avant d'aller me coucher, j'ai appris que les médias l'avaient donné gagnant parce qu'il était en avance de quelques centaines ou peut-être de plusieurs centaines de voix. Son principal adversaire était un candidat libéral nommé Gary Merasty. Gary était un membre bien connu des Premières Nations. Il avait été chef de l'une des bandes du nord de la Saskatchewan.
    En fin de soirée, il ne restait plus qu'un seul bureau de scrutin dont on n'avait pas les résultats. Comme je l'ai dit, Jeremy, qui était en avance de quelques centaines de voix, avait été déclaré gagnant. Je suis allé me coucher en pensant qu'il était réélu. Le lendemain matin, j'apprends tout à coup que c'était Gary Merasty qui avait remporté le siège. Le dernier bureau de scrutin à envoyer ses résultats se trouvait à l'extrême nord de la province, dans une réserve des Premières Nations. Ses résultats étaient arrivés avec un retard de trois heures et demie, alors que tous les autres votes avaient déjà été comptés. Et quand les responsables ont fait le décompte des voix avec trois heures et demie de retard, ils se sont aperçus d'une chose incroyable. Ils ont constaté d'abord que plus de 100 % des électeurs admissibles de cette réserve des Premières Nations avaient voté. Je crois que le taux de participation était de 103 ou 105 %. De plus, les votes étaient en totalité en faveur de M. Merasty.
     Bien entendu, M. Harrison avait trouvé cela très inhabituel. C'est aussi mon avis jusqu'à ce jour. Je crois que la plupart des Canadiens raisonnables auraient trouvé cela plutôt louche. Si on avait supposé au petit bonheur qu'il y avait eu fraude électorale, on aurait pu se dire que quelqu'un voulait voir M. Merasty gagner, avait attendu pour savoir combien de voix il lui fallait pour l'emporter, avait rempli la boîte de scrutin de faux bulletins, puis l'avait expédiée. Et voilà, un petit tour de passe-passe et M. Merasty est élu.
    Je crois que votre bureau a mené une enquête et que nous avons reçu un rapport du directeur général des élections. Monsieur Corbett, le rapport venait peut-être de votre bureau, mais je pense que c'est Élections Canada qui l'a diffusé, disant qu'on n'avait trouvé aucune preuve de fraude et qu'en fait, c'était presque une bonne chose parce qu'Élections Canada essayait d'inciter les membres des Premières Nations à voter, de sorte qu'un taux de participation de 103 % constituait un signe encourageant. Pourquoi le taux de participation avait-il dépassé 100 %? Élections Canada n'avait pas vraiment pu procéder à un dénombrement et ne savait pas combien de personnes vivaient dans la réserve. Dans ces conditions, dire que le taux de participation était de 103 % n'était peut-être pas très exact. Quant au fait que tous les votes sans exception étaient en faveur du candidat libéral, encore une fois, Élections Canada a jugé qu'il n'y avait là rien d'inhabituel, ou du moins rien qui justifie de recommander au DPP d'intenter des poursuites ou de s'adresser aux tribunaux parce que M. Merasty était un chef ou un ancien chef bien connu des Premières Nations. Il était donc tout à fait vraisemblable que 100 % des gens aient voté pour lui.
    À ma connaissance, l'enquête sur cette affaire n'était pas allée très loin. À première vue, il me semble — et je crois que la plupart des Canadiens raisonnables seraient du même avis — que quelque chose de louche s'était passé.
    Vous souvenez-vous de cette enquête, monsieur? Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet rien que pour satisfaire ma curiosité? Cette affaire me trotte dans l'esprit depuis des années.

  (2020)  

    Nous avions publié un communiqué…
    Je m'en souviens.
    Je l'ai ici.
    C'est à vous que je pose la question, monsieur.
    Le communiqué est plus fidèle que ma mémoire.
    Vous avez dit que plus de gens ont voté qu'il n'y en avait d'inscrits sur la liste des électeurs. C'était bien le cas. Cette liste était très incomplète par rapport au nombre d'électeurs possibles dans cette collectivité. Je me souviens qu'on avait demandé aux membres de la bande les raisons de ce vote unanime en faveur d'une personne. Ils avaient répondu: « Nous avons dit aux gens qu'ils obtiendraient plus d'avantages des libéraux que des conservateurs s'ils votaient pour le candidat libéral. C'est ce qu'ils ont fait. » À ma connaissance, il n'est pas illégal d'organiser une réunion de la bande et de suggérer aux gens de voter pour un candidat qui servirait mieux leurs intérêts.
    Avez-vous découvert les raisons du retard?
    Non, je ne me souviens pas de cela.
    Il y avait eu un retard de plus de trois heures et demie.
    Pour cette élection-là, diverses personnes ont dû se porter garantes pour de nombreux électeurs qui ne figuraient pas sur les listes. Il y a des gens dans cette circonscription qui n'avaient pas d'adresse municipale. Ces électeurs avaient des boîtes postales dans la circonscription voisine, mais c'est là qu'ils vivaient. Les personnes qui dirigeaient le bureau de vote connaissaient tout le monde en ville. Elles pouvaient se porter garantes pour tous les électeurs. Les électeurs n'avaient pas de permis de conduire indiquant leur adresse. C'était une enquête intéressante et franchement, avant de m'y pencher, je ne savais pas que de telles situations pouvaient exister.
    Au cours de votre enquête, avez-vous pensé à la possibilité d'une fraude électorale? Avez-vous envisagé cette option?
    À quel genre de fraude pensez-vous...?
    Je pense au fait de truquer une élection.
    Non, nous n'avons rien trouvé de tel. Rien.
    Je sais que vous n'avez rien trouvé.
    Nous avons noté par contre beaucoup de négligences et des registres mal tenus, des problèmes administratifs, si vous voulez.
    Votre enquête n'a-t-elle révélé aucun indice qui aurait pu vous amener à recommander éventuellement d'annuler le vote ou peut-être de demander un nouveau scrutin?
    Non. Ce qui m'a étonné, cependant, c'est que la bande avait offert un prix aux électeurs pour les inciter à venir voter. Le prix était un poste de télévision et je me suis dit qu'il y avait peut-être là quelque chose d'anormal. En effet, il est interdit d'offrir des récompenses pour orienter le vote des électeurs. Quand nous avons interrogé les représentants de la bande, ils nous ont dit: « Ici, il est impossible de faire sortir les gens sans leur donner la possibilité de gagner quelque chose. Voilà comment nous fonctionnons. Si nous organisons une réunion, il faut faire un tirage et offrir un prix pour que les gens viennent assister à notre réunion. »
    Récapitulons. Les dirigeants de la bande ont offert un poste de télévision grand écran comme prix pour encourager les gens à voter pour un candidat plutôt qu'un autre.
    Non, ils n'ont pas encouragé les électeurs à voter de cette manière.
    Ou alors, ils leur ont dit qu'il serait probablement dans leur intérêt de voter de préférence pour...
    En effet.
    À mon avis, il y a là une sorte d'encouragement.
    Une voix: Quelle est la taille de votre écran de télévision?
    Comment place-t-on les noms dans le chapeau pour faire le tirage? Eh bien, les dirigeants de la bande sont là pendant que les gens viennent voter, assis près de la fenêtre, avec la liste des membres de la bande en main. Ils les regardent entrer dans le bureau de vote et entourent leurs noms qu'ils découpent ensuite pour les mettre dans le chapeau. Par la suite, le tirage révélera que Mme Untel a gagné le poste de télévision. La gagnante a refusé de nous parler.
    Vous ne voyez rien d'irrégulier dans tout ça.
    Monsieur Lukiwski, vous avez épuisé tout votre temps et je n'ai pas de télévision pour vous.
    Monsieur Harris, la parole est à vous et vous disposez de sept minutes. C'est un plaisir de vous compter parmi nous aujourd'hui, monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici.
    Et merci à vous, monsieur Corbett, pour votre témoignage et votre anecdote.
    Permettez-moi de vous poser une question. M. Lukiwski vient d'utiliser les sept minutes dont il disposait pour vous poser des questions au sujet d'une enquête qui est close. Je pense que si le texte de loi sur lequel nous nous penchons était adopté, vous ne seriez pas en mesure de nous parler de l'enquête après sa clôture.
    Je ne sais pas. Je ne connais pas bien...
    Vous ne connaissez pas bien le projet de loi...

  (2025)  

    Je ne connais pas les détails du projet de loi...
    Je peux vous dire que, d'après le projet de loi, le commissaire aux élections ne pourra fournir aucune information ni même commenter l'enquête dès le moment où celle-ci sera close et si aucune accusation n'est déposée. Par conséquent, si la loi était adoptée, vous ne seriez pas autorisé à raconter cette histoire à M. Lukiwski une fois que les élections seraient passées. Croyez-vous que ce serait utile de vous interdire de commenter une enquête une fois que celle-ci serait close, si aucune accusation n'est déposée?
    Lorsque je suis devenu commissaire, il me semblait regrettable que l'on consacre beaucoup d'argent et d'efforts à une enquête, mais qu'on ne puisse pas en parler publiquement si l'enquête concluait qu'il n'y avait pas matière à poursuite. Par conséquent, j'avais décidé de procéder différemment. Lorsque l'affaire suscitait un grand intérêt public, j'avais décidé de publier au moins un communiqué pour faire état des résultats de l'enquête. J'avais eu du mal à imposer ma décision auprès du personnel des communications d'Élections Canada, mais je l'ai appliquée quand même.
    Que penseriez-vous du fait que la nouvelle loi empêche la publication d'un tel communiqué?
    Je pense que le public a le droit de savoir.
    Non seulement la nouvelle loi vous interdirait de publier un communiqué, mais que penseriez-vous du fait que l'on vous empêche de commenter une enquête ayant conclu à une faute très grave pour laquelle vous ne pourriez pas déposer des accusations pour la simple raison que les contrevenants refuseraient de collaborer, même avec l'encouragement des personnes concernées par l'élection? Le public n'aurait-il pas intérêt à savoir qu'il y a eu une fraude mais que vous ne pouvez pas identifier les contrevenants parce qu'aucun d'entre eux ne veut collaborer et parce qu'ils respectent les instructions qu'on leur a données?
    Je n'ai jamais été aux prises avec une telle situation et je ne sais vraiment pas ce que j'aurais décidé dans un tel cas.
    Mais pensez-vous que l'intérêt du public est bien servi si la loi vous interdit de parler d'une telle situation?
    Je vois ce que vous voulez dire.
    Très bien.
    Dans la mesure où cela est possible, j'aime une certaine ouverture dans ce domaine.
    Vous avez dit également que les enquêtes prennent beaucoup de temps et qu'il est parfois difficile de les mener à terme. M. Côté nous a dit que certaines enquêtes sont abandonnées en raison du refus de collaboration des personnes concernées. Cela revient pratiquement à donner aux gens des moyens de contourner le système. Cela encourage les gens à faire les choses en grand, car ainsi l'enquête est plus longue. Les contrevenants peuvent aussi refuser de collaborer et faire leurs appels à l'extérieur du pays, là où la loi n'empêche pas ce genre d'opération.
    Qu'est-ce qui passe par la tête des gens qui proposent une telle loi électorale cautionnant de pareils stratagèmes? Avez-vous une idée de ce qui motive ces gens-là?
    Le refus de collaborer de la part de certaines personnes est un phénomène relativement nouveau. C'était très décevant pour moi de constater que des gens prenaient des rendez-vous pour nous rencontrer et qu'ils les annulaient par la suite.
    Monsieur Corbett, j'ai été impressionné par votre déclaration. Je crois comme vous qu'environ 60 % des électeurs sont extrêmement sérieux et considèrent le droit de vote comme un droit sacré ou une responsabilité. Ces personnes-là souhaitent, comme vous l'avez dit, une élection juste, avec des résultats fiables. C'est ce que nous appelons le fondement de la démocratie.
    D'un côté, nous avons la Commission des valeurs mobilières qui supervise la gestion du marché boursier dans l'intérêt public, le CRTC, et Pêches et Océans qui régit le nombre de prises de poisson. Ces organismes peuvent contraindre des témoins à fournir des renseignements afin de mener leur enquête, alors que, d'un autre côté, des commissaires comme vous et vos enquêteurs, qui étiez des agents chargés de faire respecter ce principe fondamental et sacré qui est le fondement de la démocratie — une élection juste —, n'ont pas le même type de pouvoir pour exercer leur rôle et faire respecter la loi, comme vous l'avez dit. Est-ce que cela vous paraît normal?
    Eh bien, c'est mon devoir d'attirer l'attention des députés sur cette question. C'est ce que je fais aujourd'hui.
    Vous ne voulez donc pas qu'il en soit autrement? De fait, vous pensez probablement que des élections bien organisées et justes ont beaucoup plus d'importance que certains autres aspects de notre société.

  (2030)  

    Bien sûr, j'y crois beaucoup. Cette loi est beaucoup plus importante par exemple que la Loi sur les pêches ou n'importe quelle autre. C'est la base même de notre démocratie.
    Monsieur Corbett, il y a une question qui me dérange. Le directeur général des élections recommande, dans le cas par exemple des appels automatisés dont vous avez parlé, que les données soient conservées pendant un an. Est-ce une période de temps suffisante? Par exemple, si un enquêteur décidait maintenant d'examiner les données du système de gestion de l'information du Parti conservateur jusqu'à la période qui précède la dernière élection d'avril 2011, cela ne poserait aucun problème si ces données n'existaient pas. Mais, ne pensez-vous pas que ces données pourraient être utiles plus d'un an après les faits?
    Je ne sais pas si nous avons examiné suffisamment de cas pour en arriver à cette conclusion. Comme vous le savez, nous avons reçu des plaintes au sujet des appels automatisés. La première chose que nous voulons savoir, c'est quel est le type de message reçu par les plaignants. Ont-ils obtenu le numéro de téléphone de la personne à l'origine de l'appel? Est-il possible pour nous de confirmer ce qu'ils nous disent? Les plaintes n'étaient pas toutes exactement les mêmes. Avant d'intervenir, nous devons confirmer que la plainte est justifiée.
    Par conséquent, je suppose qu'un enquêteur s'adresserait rapidement à la banque de données pour obtenir des informations. Dès lors que les enquêteurs ont un accès direct, ils sont en mesure de trier les plaintes si l'auteur de l'appel est inscrit. Mais je vous dirais bien franchement que nous n'avons pas assez d'expérience dans ce domaine.
    Merci, monsieur Harris. Vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Simms pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur Corbett, merci d'être venu.
    Lorsque j'ai pris connaissance de ce projet de loi, j'ai pensé au départ que le bureau gagnerait en indépendance en étant placé sous la responsabilité du DPP. Mais en parlant à d'autres personnes et après avoir effectué mes propres recherches, j'ai compris que ce ne serait peut-être pas une aussi bonne chose car cela reviendrait plutôt à isoler le bureau. D'autre part, si j'en crois ce que vous nous avez dit un peu plus tôt, il semble que l'enquêteur en chef cherche à obtenir le plus de renseignements possible et une grande partie de ces données proviennent des scrutateurs, des greffiers du scrutin et des vérificateurs — tout au moins d'après ce que j'ai pu constater.
    C'est exact.
    Le gouvernement a beau dire que vous auriez tout à fait le droit d'obtenir ces données, l'accès à ces informations ne sera pas aussi immédiat. Il me semble qu'en tant qu'enquêteur à Élections Canada, vous avez exercé votre indépendance, mais en même temps, vous étiez en mesure de noter les signaux d'alerte déclenchés dans les bureaux de vote et les divisions de toutes les régions du pays.
    Je ne sais pas exactement si vous parlez du rôle de surveillance ou du rôle d'enquête.
    Je parle de l'enquête.
    Après une élection, Élections Canada a un entrepôt rempli de documents. Tout est mis en sac et on peut fouiller pour trouver les documents qui nous intéressent. Les documents sont là, mais nous avons besoin du personnel des élections pour nous aider à les trouver dans l'entrepôt, pour y avoir accès. Cela ne serait pas nécessairement impossible même si nous étions de l'extérieur.
    Je suis plus inquiet au sujet de notre capacité à utiliser les compétences. Élections Canada est le seul centre du pays à réunir des compétences en matière d'élections fédérales. On peut y consulter des avocats afin de savoir comment ils procèdent pour organiser les élections, ou si l'on souhaite connaître le rôle des vérificateurs et savoir comment ils appliquent la loi.
    C'est ce que j'appelle le droit appliqué par opposition au droit théorique. Il y a une loi qu'il faut appliquer dans la vie réelle. C'est utile de savoir comment les enquêteurs exercent leur rôle. Il est utile de pouvoir tirer parti de l'expérience des personnes qui exercent ce rôle depuis plusieurs années.
    Est-ce que cela nous ramène à la notion que vous avez évoquée tout à l'heure, notion qui me paraît très intéressante, à savoir que le rôle du commissaire consiste moins à entamer des poursuites qu'à faire respecter la loi?
    Exactement.
    C'est donc un élément important, puisque le commissaire dispose de toute cette information qu'il peut consulter à son gré en s'adressant aux personnes sur le terrain, comme les vérificateurs.
    Vous reconnaissez par conséquent que ce changement aura pour effet d'isoler un bureau.

  (2035)  

    Que ce soit une volonté délibérée ou non, ce changement aura pour effet d'isoler le bureau.
    Il nous est déjà arrivé de constater des infractions claires par rapport à la loi. Nous nous sommes alors adressés directement au parti politique concerné pour lui demander de se conformer à la loi. Il a accepté et a changé sa façon de faire. Par conséquent, nous avons privilégié la voie de la conformité à celle de la poursuite. Voilà comment il est possible de faire respecter la loi tout en évitant les poursuites.
    Mon collègue, M. Côté, a tout à fait raison. Si l'on confiait de telles affaires à un tribunal pénal, le juge ne serait pas intéressé en vérité à trancher un litige électoral alors qu'il est saisi par des affaires de tentatives de meurtre et autres.
    Vous affirmez que le DPP est plus concerné par les infractions au Code criminel que par les infractions à la Loi électorale. Le point de vue est totalement différent lorsqu'on prend en compte la question de la conformité.
    C'est exact.
    Je regrette que les questions électorales soient placées le cas échéant dans un contexte contradictoire et je m'inquiète que l'on doive intenter des poursuites.
    Savez-vous combien d'infractions prévoit la Loi électorale?
    J'en ai une bonne idée.
    Il y en a environ 200. Allons-nous intenter des poursuites pour toutes ces infractions? Bien sûr que non; ce serait impossible.
    La personne que je plains le plus est l'agent officiel, celui qui est chargé de tout mettre en ordre quand la campagne est finie, que tout le monde est rentré chez soi et que l'euphorie est retombée. Certains d'entre eux sont complètement dépassés — ils veulent bien faire et sont bien intentionnés. Par exemple, j'ai reçu des lettres de comptables qui se disaient incapables de mettre de l'ordre dans les comptes et déclaraient qu'ils n'accepteraient plus jamais d'être l'agent officiel d'un candidat. Ce serait vraiment un progrès si l'on pouvait simplifier la vie de ces agents.
    Mais je m'éloigne du sujet.
    Non, c'est très bien. Vous êtes tout à fait dans le sujet qui nous intéresse. À la lumière de ce que vous avez dit de la situation qui prévaut encore maintenant, je pense que la capacité à contraindre une personne à rendre un témoignage, comme l'a signalé un peu plus tôt le commissaire actuel — vous avez évoqué l'affaire des appels automatisés — est un aspect absolument essentiel de son rôle. Le pouvoir de contraindre une personne à rendre un témoignage serait d'autant plus important que le bureau relèverait désormais du DPP.
    Je suis d'accord. Je ne veux pas trop m'attarder sur les appels automatisés, mais on ignorait totalement ce qu'Internet permettait de faire en déclenchant par exemple 100 000 appels pour un coût très minime. Je ne sais pas ce qui nous attend à l'avenir.
    J'ai lu récemment au sujet de l'obligation de compte rendu au CRTC concernant les messages. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
    Pensez-vous que ce serait une mesure efficace pour encourager le respect de la loi?
    Je ne sais pas, je ne connais pas les détails de la loi. C'est un texte que je ne connais pas très bien. Je regrette, mais vous devrez poser la question à quelqu'un d'autre.
    Très bien.
    Mais de manière générale, lorsque vous étiez en fonction et maintenant que vous êtes un ancien commissaire, est-ce que le gouvernement vous a contacté officiellement pour vous demander si cette mesure était vraiment efficace?
    Est-ce que les pouvoirs conférés actuellement par la Loi sur la concurrence vous auraient été utiles dans vos enquêtes? Personne n'y a vraiment pensé.
    Non, je ne crois pas.
    Je suis ravi de constater que les pénalités sont plus lourdes et plus conformes aux peines réglementaires prévues par d'autres lois. Ce n'est pas encore assez, mais c'est certainement une amélioration. Il n'y a rien de pire que de dépenser plein d'argent pour enquêter au sujet d'une infraction qui aboutit à une amende de 5 000 $.
    Merci, monsieur Simms. Vous pouvez poser votre question avant l'expiration de votre temps de parole, mais je ne peux pas vous donner plus de temps. Merci.
    Le prochain intervenant est M. Van Kesteren.
    Je vous souhaite la bienvenue au comité ce soir; c'est un plaisir de vous avoir.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Quatre minutes? Je vais essayer de faire vite. Merci à tous de me donner cette occasion.
    Je n'avais pas l'intention de prendre la parole jusqu'à ce que j'aie entendu l'anecdote de Tom. Cela m'a rappelé ma propre histoire.
    Monsieur Corbett, je ne sais pas si je suis d'accord avec vous — je devrais plutôt dire que je ne partage pas du tout votre point de vue — quand vous dites que toutes les élections au Canada sont justes et honnêtes. Je crois que c'est vrai dans la plupart des cas, mais « ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu », cette petite phrase peut ouvrir la porte à toutes sortes de suppositions.
    Lorsque je me suis présenté pour la première fois, en 2004, j'étais un des candidats qui avaient été battus de peu, par une différence de 403 voix ou quelque chose comme ça. J'étais un vrai novice; je ne m'étais jamais présenté aux élections auparavant et je ne m'y étais jamais intéressé de près ou de loin.
    Assez abattus et déprimés, nous avons fait le bilan de la campagne et nous avons examiné les bulletins de vote et les résultats. Nous avons remarqué alors que nous avions été battus à plate couture, 53 voix contre 2 ou 60 contre 2 dans un certain bureau de vote. Ce n'était pas très réjouissant. La question qui se posait était de savoir où se trouvait ce bureau de vote. Eh bien, il se trouvait dans des résidences pour personnes âgées. Je vous pose la question, mais je connais la réponse et j'espère que vous aussi avez la même réponse...
    Pour l'élection suivante, nous avions placé un représentant dans ces résidences et, nom d'un chien, je pense que nous l'avons remporté dans presque toutes ces résidences pour personnes âgées.
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet des poursuites. Je pense que je serais comme tout le monde, un peu nerveux et j'hésiterais à faire quelque chose d'illégal s'il y avait des conséquences ou si la loi était un peu plus sévère, comme l'expliquait M. Lukiwski — plutôt que de laisser passer certaines choses —, j'hésiterais à participer à une manoeuvre comme celle-là.
    Ne pensez-vous pas que cette modification de la Loi électorale empêcherait ce type de fraude?

  (2040)  

    Excusez-moi, quelle modification...?
    Je parle de ce genre d'entourloupette, toutes ces petites irrégularités que les gens ont pratiquées pendant de nombreuses années. Ne pensez-vous pas que le personnel d'un bureau de scrutin hésiterait un peu à mettre en place de telles manoeuvres?
    Vous voulez dire, s'il y avait une infraction?
    Exactement et, dans ce cas-là, il y en avait une.
    Vous devez mieux définir l'infraction, mais dans le bureau de vote, il y a beaucoup d'observateurs, y compris les représentants des différents partis politiques.
    Nous n'avions pas de représentant dans ce bureau...
    Oui, on peut dire que c'était de ma faute. Vous avez raison; j'aurais dû avoir des représentants dans ce bureau. Nous n'en avions pas; nous étions des novices.
    Mais qu'il y ait des représentants ou non, ne pensez-vous pas que ce n'est pas correct d'intervenir auprès de personnes âgées qui ne savent probablement pas quel jour on est, et donc encore moins pour qui elles vont voter...?
    En effet. Cela s'appelle influencer le vote.
    Je suppose que parmi les 200 infractions que prévoit la loi il y en a une qui s'applique à cette irrégularité. Je crois qu'on peut vraiment se poser des questions sur la façon dont le vote se déroule dans certaines résidences pour personnes âgées.
    Si nous étions mieux en mesure de repérer ces irrégularités et si les conséquences étaient plus sévères qu'une simple petite amende... Je pense par exemple...
    Une amende supérieure à quelques milliers de dollars...
    Oui.
    En effet. Ce sera possible grâce à votre projet de loi. Les amendes seront plus sévères. Je pense que la loi reconnaît déjà une telle infraction.
    Merci, monsieur Van Kesteren.
    C'est maintenant au tour de M. Scott, pour quatre minutes. Apparemment, Mme Latendresse vous cède tout son temps.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Corbett d'être venu témoigner.
    Dans votre témoignage, j'ai été frappé par quelque chose d'extrêmement important, parce que je ne crois pas que nous en ayons déjà entendu parler. Il s'agit de la participation du personnel du bureau du commissaire aux élections fédérales le jour des élections lui-même, de sa collaboration avec le personnel d'Élections Canada...
    C'est pour toute la période électorale, l'ensemble des 35 jours...
    ... pour les 35 jours que dure la période d'élection, et leur rôle consistant à régler les problèmes et déceler les irrégularités. Vous vous demandez qui jouera ce rôle désormais que le lien symbiotique avec Élections Canada aura disparu. Je crois que vous avez dit tout simplement « Ce n'est pas le DPP qui va le faire ».
    En effet.
    Mais alors qui?
    Comme je l'ai dit, ce rôle sera sans doute repris par Élections Canada, sans l'aide des enquêteurs.
    Je ne parle pas de quelques enquêteurs; toute l'équipe était sur la brèche pendant 35 jours. Nous mettions la pression sur tout le terrain. Et ces questions, pouvons-nous nous en occuper tout de suite pour assurer l'intégrité du processus? Je ne sais pas... Je n'en sais rien...

  (2045)  

    Ce n'est pas vraiment une question de pure forme. Pensez-vous que le transfert au bureau du DPP aura pour conséquence inattendue d'améliorer notre processus électoral?
    Eh bien, au cours de cette période de 35 jours, on doit pouvoir compter sur une personne chargée de la réglementation, ainsi que sur les enquêteurs qui, je vous l'assure, monsieur, sont excellents. Ils sont très compétents. Ce sont des anciens policiers qui ont une trentaine d'années d'expérience, qui savent traiter avec les gens et qui peuvent obtenir le concours des forces de police municipales. Lorsqu'un enquêteur téléphone pour demander à parler au directeur d'un immeuble d'habitation en copropriété, celui-ci accepte généralement de l'écouter. Ils sont extrêmement efficaces.
    Il est dommage pourtant que...
    J'aimerais bien savoir si quelqu'un d'autre est capable de jouer ce rôle.
    Exactement, mais il est dommage que cela soit le résultat du transfert totalement inutile d'un bureau dans un autre secteur de la capitale pour des raisons qui semblent dictées par une sorte de haine à l'endroit du directeur général des élections.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Craig Scott: J'aimerais vous poser une question sur une autre enquête désormais close. Il s'agit du mécanisme de blanchiment d'argent consistant à faire faire un aller-retour aux fonds. Savez-vous comment le mécanisme a-t-il été découvert? Est-ce que c'est grâce au rapport des candidats concernant leurs dépenses d'élection ou à partir des rapports des associations de comté?
    C'est grâce à la vérification des rapports des candidats sur les dépenses électorales...
    Exactement.
    ... les chiffres étaient énormes.
    Donc, les chiffres étaient énormes, mais le bureau en question n'avait pas accès à la documentation et aux recettes du bureau national du parti. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Diriez-vous que la leçon tirée de la découverte du stratagème de dépenses utilisé par le Parti conservateur serait qu'il est utile pour le directeur général des élections d'avoir accès à la documentation et aux recettes des bureaux nationaux lors des campagnes nationales?
    Je suis sûr que le directeur général des élections serait d'accord avec vous à ce sujet, mais ce n'était pas essentiel dans ce cas particulier.
    Pas dans ce cas...
    Nous disposions de beaucoup d'autres informations.
    Très bien.
    Merci beaucoup.
    Nous allons terminer ce tour avec M. O'Toole qui dispose de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Corbett de prendre le temps de partager avec nous votre expérience. C'est très intéressant.
    J'aimerais vous poser quelques questions inspirées directement de vos déclarations. Je vais rappeler certaines de ces déclarations avant de poser les questions qui en découlent.
    Vous avez dit tout d'abord que d'après votre expérience au ministère de la Justice et au bureau du commissaire, il est inhabituel de réunir en un même bureau les enquêteurs et les procureurs. Vous avez dit également que le bureau du commissaire est relativement petit — vous avez dit, je crois, qu'il regroupait une vingtaine de personnes — et qu'il dépend essentiellement des ressources d'Élections Canada. Il s'agit donc d'une petite unité logée dans un organisme plus grand et entièrement tributaire de celui-ci sur le plan des ressources.
    Vous avez parlé des juristes. J'ai une question à ce sujet. Ces juristes conseillent-ils aussi bien le commissaire que le directeur général des élections et l'administration?
    Ils peuvent le faire, mais en fait, je pense que ce n'était pas le cas. Nous avions des conseillers juridiques qui travaillaient presque tout le temps avec nous, sur une base individuelle, mais la même section juridique s'occupait de toutes les questions de cette nature. Élections Canada tenait à ce que notre bureau respecte les positions juridiques adoptées par Élections Canada.
    Vous avez souligné aussi qu'il vous semblait inhabituel que les enquêteurs et les procureurs travaillent ensemble, étant donné que l'application de la loi de réglementation et n'a pas le même objectif qu'Élections Canada, qui est la conformité. Est-il juste de dire que les activités des enquêteurs se préoccupent moins de cet objectif et s'intéressent plus a posteriori aux 200 infractions que vous avez mentionnées?

  (2050)  

    Non. Comme je l'ai dit, nous préférons avant tout faire respecter la loi sans avoir à nous préoccuper des infractions. C'est ce qui se produit lorsque des témoins s'adressent à nous pour nous signaler une irrégularité et nous dire ce qui s'est passé. C'est le premier pas vers une collaboration et peut-être une transaction visant à faire respecter la loi et sans aucun renvoi. Les transactions ne sortent pas de notre bureau. Lorsque les gens collaborent et acceptent de nous dire ce qui s'est passé, c'est qu'ils sont de bonne foi au départ.
    Je suis content que vous l'ayez mentionné. Je ne connais pas personnellement les transactions visant à faire respecter la loi, mais vous en avez parlé dans votre témoignage. Lorsqu'il y a eu enquête, est-ce que le commissaire lui-même, avec les enquêteurs et l'équipe, décide si une transaction est adaptée à la situation?
    Oui.
    Le directeur général des élections est-il consulté dans le cas de telles décisions?
    Non.
    Pour être clair, l'équipe du commissaire participe à l'enquête, aux décisions concernant la poursuite et même aux décisions concernant le règlement d'éventuelles poursuites et tout cela est regroupé au sein d'Élections Canada.
    Pas les décisions concernant les poursuites. Nous faisons une enquête. Une transaction visant à faire respecter la loi correspond mieux aux affaires moins graves que par exemple les fraudes électorales ou autres infractions. Permettez-moi de vous donner un exemple. Des dépenses électorales excédentaires de quelques milliers de dollars ne donneront pas lieu à des poursuites.
    Voilà un bon exemple, puisque je pense que nous avons tous eu connaissance de transactions de ce type au cours de l'actuelle législature.
    Votre temps est désormais écoulé. Il est près de 21 heures et je pense que nous devons libérer M. Corbett.
    Merci beaucoup. Monsieur Corbett, si vous avez un jour envie de prendre un café avec moi, je serais ravi d'écouter vos histoires.
    Je dois vous dire que j'étais un profane et que ce fut pour moi une expérience très instructive à propos du processus électoral.
    Merci beaucoup d'être venu témoigner ce soir.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, nous nous retrouverons ici demain soir, au numéro 1 de la rue Wellington, de 19 heures à 22 heures ou plus tard.
    Autre chose susceptible d'intéresser le comité?
    Le comité n'ayant rien à signaler, je lève la séance.
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