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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 031 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 9 avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1905)  

[Traduction]

    Chers collègues, nous sommes prêts à commencer. Nous accusons un peu de retard et je prie nos témoins de nous en excuser; c’est à cause des votes à la Chambre qui ont pris plus de temps que prévu et c'est pourquoi nous avons dû nous précipiter ici. Certains d'entre nous sont accourus en autobus, nous avons couru jusqu'ici et nous allons maintenant commencer.
     Cette séance sur le projet de loi C-23, Loi sur l'intégrité des élections, est télévisée et nous aurons une partie en vidéoconférence. Les témoins qui seront entendus durant la première heure sont Carolann Barr, de Chez Toit, Leslie Remund, de la RainCity Housing and Support Society et M. Beyene, de la Ethiopian Association.
     Est-ce exact? Ai-je prononcé votre nom à peu près correctement?
    Vous êtes de la région métropolitaine de Toronto? Super.
     Habituellement, nous commençons par une brève déclaration de cinq minutes ou moins.
     Monsieur Beyene, nous commencerons par vous étant donné que vous êtes en vidéoconférence. Nous procédons toujours de la sorte au cas où nous perdrions la liaison; vous aurez au moins donné votre témoignage.
     Donc si vous désirez commencer par une déclaration d'ouverture, nous vous donnons la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Bonsoir à tous.
    Ma brève déclaration de ce soir portera principalement sur un élément majeur du projet de loi C-23. Je m'attarderai à la participation civile dans le processus électoral et tout particulièrement, à l'expérience des Éthiopiens à Toronto. Mon point de vue est fondé sur mes observations et mon engagement au sein de la collectivité.
     Je suis président de l'association. Juste pour vous donner un aperçu, l'association est au service des Éthiopiens et d'autres arrivants depuis 34 ans. Elle a été créée en 1980 afin de fournir des services en matière d'établissement, de gestion de situations de crise et de services aux aînés, aux jeunes, aux personnes atteintes du VIH-sida, de même que pour participer à toutes sortes d'initiatives communautaires. Bien que notre capacité ait été réduite considérablement récemment, cela fait partie de notre mandat, du service communautaire que nous offrons et nos services ne sont pas destinés qu'aux personnes d'origine éthiopienne; des services et des programmes spécifiques sont offerts à tous les autres nouveaux arrivants admissibles.
     Sachez que la communauté éthiopienne de la région métropolitaine de Toronto est forte d’environ 50 000 âmes, même si nous ne disposons pas d'un compte exact. Parmi les défis auxquels se heurtent les membres de cette communauté, selon les études effectuées, mentionnons un taux élevé de chômage et de sous-emploi, ainsi que des obstacles quant à l'accès aux services et aux programmes dans des secteurs très précis.
     Notre communauté est relativement nouvelle au Canada, les premières personnes d'origine éthiopienne se sont établies ici au cours des 30 à 40 dernières années. Nous tentons de répondre aux besoins précis de ce groupe de personnes, mais il y a des lacunes énormes, un grand nombre de questions à résoudre, dont l'une est la participation active des membres de la communauté éthiopienne au processus électoral des différents paliers de gouvernement au Canada, soit aux paliers municipal, provincial et fédéral.
     À ce moment de mon exposé, je voudrais dire deux mots sur le projet de loi lui-même. Permettez-moi de citer les propos du directeur général des élections devant ce présent, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le 6 mars dernier:
Il est essentiel de comprendre que le principal défi pour notre démocratie n'est pas la fraude électorale, mais bien la participation électorale. Je ne crois pas qu'en en éliminant le recours à un répondant et en interdisant d'utiliser la carte d'information de l'électeur comme preuve d'adresse nous améliorerons de quelque manière l'intégrité du processus de vote. Par contre, nous aurons retiré à de nombreux électeurs admissibles la possibilité de voter.
     J'attire votre attention sur l'expression « participation électorale », dans cette citation du directeur général des élections. Je résume rapidement en trois points: premièrement, comment pouvons-nous activement faire participer une communauté comme celle de la Ethiopian Association au processus électoral; deuxièmement, la mobilisation actuelle de la communauté — nous sollicitons la participation des membres de notre communauté — pourrait servir à dispenser une éducation civique sur les rouages de la politique canadienne; et troisièmement, comment inciter les gens à voter. Je n'ai pas de chiffres sous la main, mais d'après ce que j'ai pu observer, je crois que peu de personnes d'origine éthiopienne vont voter et ce, en raison de facteurs comme l'exclusion ou l’inclusion sociale, l'emploi, et le temps passé en famille ou au travail pour subvenir aux besoins de la famille.
     Ces caractéristiques générales touchent d'autres groupes ethnoculturels ou ethnospécifiques, mais elles existent également dans la collectivité éthiopienne. Nous avons donc besoin d'établir une stratégie, dans le cadre du projet de loi C-23, lequel a une portée beaucoup plus étendue que la problématique que je viens de présenter.

  (1910)  

     En ce qui a trait à la participation de notre groupe culturel, le travail de mobilisation communautaire peut se faire par l'intermédiaire d'un autre organisme comme la Ethiopian Association, en partenariat avec les bureaux électoraux et d'autres organisations pertinentes. Par exemple, la Semaine canadienne de la démocratie en septembre pourrait être l'occasion d'éduquer nos membres au processus électoral.
     J'ai participé à des séances de formation à la Fondation Maytree, ici à Toronto. Le projet visant à enseigner aux membres de la communauté le fonctionnement des différents paliers de gouvernement a commencé en 2011. Cet important type d'initiative permet également de puiser dans les ressources existantes.
     Je sais qu'il existe un grand nombre de documents et de ressources sur l'éducation civique, mais ils doivent être accessibles dans la langue et en fonction de la sensibilité culturelle appropriées, car l'un des éléments dont il faut tenir compte est l'expérience des nouveaux Canadiens. Dans leur pays d'origine, les Éthiopiens ont une culture politique différente... et ceci a un effet négatif sur la participation de ces néo-Canadiens à notre système politique. Leur expérience a pu ne pas être positive, ce qui pourrait expliquer leur indifférence à la politique. Ils croient que leur voix ne changerait rien ou ils sont réticents à s'engager politiquement en général.
     Le processus éducatif doit être adapté en fonction des besoins uniques de chaque communauté culturelle, de chaque électeur pris individuellement ou en tant que membre d'un groupe ou d'une communauté. C'est à ce niveau qu'un organisme comme la Ethiopian Association peut agir comme ressource ou partenaire potentiel en collaboration avec d'autres ressources existantes, afin de promouvoir l'éducation.
     La question des nouveaux électeurs est également à étudier. Nous devons intervenir dans les premiers stades et inciter les parents et les jeunes électeurs de la communauté à obtenir cette éducation. Voilà d'ailleurs un autre élément. Nous savons que les parents et les écoles jouent un rôle considérable dans la prise de décisions des jeunes enfants lors du processus électoral. Nous devons donc accorder des ressources et du temps pour éduquer les parents, car cela aura un effet composé. Même si les enfants reçoivent une certaine éducation civique à l'école, laquelle contribue également à éduquer les parents, nous devons travailler sur les deux plans afin d'atteindre les résultats souhaités.
     Comme le temps file, je m’arrête ici.
     Merci beaucoup.

  (1915)  

    Fort bien. Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant écouter Mme Barr, en cinq minutes ou moins, si possible. Je vous en prie.
     Je m'appelle Carolann Barr. Je suis la directrice administrative de Chez Toit, une organisation caritative nationale axée sur la recherche de solutions à long terme pour les sans-abri. Nous travaillons en partenariat avec des organismes de première ligne, effectuons des recherches et organisons des activités de sensibilisation du public.
     Je tiens d'abord à remercier le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de m'avoir invitée à parler du projet de loi C-23 qui vise à modifier la Loi électorale du Canada. Les médias ont largement couvert cette nouvelle et j'ai entendu certains d'entre vous qui ont été interrogés par Evan Solomon. Je crois que ce que je m'apprête à vous dire reflète assez bien ce que beaucoup de gens pensent de cette question. Je vais concentrer mes commentaires sur mon expérience de travail au contact des personnes vulnérables, tout particulièrement les sans-abri.
     Je travaille depuis plus de 20 ans dans ce secteur, en collaboration avec des organismes de première ligne, et j’administre différents programmes. J'œuvre dans divers environnements de santé et de services sociaux. J’ai travaillé avec diverses populations de jeunes et d’adultes aux prises avec des problèmes de pauvreté, d’itinérance, de santé mentale et de toxicomanie. J’ai consacré ma carrière à contribuer à réduire les obstacles auxquels sont confrontées les personnes qui sont désavantagées.
     En fait, j’ai participé aux premières consultations à ce sujet, c'était au début de l'an 2000, je crois. Elles étaient tenues par Élections Canada. Les tables rondes visaient à déterminer comment aider les gens dans le besoin à accéder à leurs pièces d'identité pour diverses raisons et comment les aider à aller voter. Je suis donc très heureuse d'être ici aujourd'hui.
     Élections Canada accepte la carte d'identité des électeurs, la CIE, comme preuve de résidence en certains endroits particuliers, comme les établissements de soins de longue durée et les campus d'étudiants. Une telle initiative est pleine de sens et elle fonctionne. Je suis fière de vivre dans un pays où l’on peut aider de la sorte un voisin à voter.
     La garantie que tous les Canadiens puissent exercer leur droit de vote est ce qui légitime le processus électoral. Nous savons tous que l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens canadiens le droit de participer à l’élection de leur gouvernement et le droit de
     Le projet de loi C-23 propose d’éliminer la CIE et de l’interdire comme preuve d’identité ou de résidence. Une telle orientation a de graves répercussions et peut violer les droits garantis par la Charte de certains groupes d’électeurs, comme je viens de le mentionner, les personnes âgées, les étudiants, les membres des Premières Nations, les personnes ayant récemment déménagé, les sans-abri... Un rapport récent a estimé à environ 200 000 le nombre de sans-abri au Canada. Nous savons qu'un bon nombre d'entre eux peinent à conserver leurs pièces d'identité et à les renouveler.
     Le gouvernement prétend que l’élimination de la CIE diminuera la fraude électorale. Je crois que vous avez mentionné ce point, Wosen, et suggéré que cette question porte beaucoup plus sur la participation électorale. D'après moi, la fraude électorale n'a pas été clairement démontrée. Alors je pose la question: pourquoi, si le système en place fonctionne, voulons-nous changer les choses en ce moment?
     Chez Toit travaille en étroite liaison avec des organismes partenaires et intervient directement auprès des sans-abri. En me fondant sur mon expérience avec ces organismes, je sais que nous estimons tous que les personnes confrontées à la perte d’un logement ne doivent pas être davantage marginalisées par l’impossibilité d’exercer leur droit de vote. Nous devons nous assurer que la carte d’information de l’électeur soit maintenue comme preuve d’identité.
     Le projet de loi abroge également les dispositions concernant le recours à un répondant. Nous savons que 120 000 personnes ont eu recours à un répondant lors de l’élection de 2011. Cela représente un nombre important d'électeurs. De plus, nous savons que le nombre de sans-abri est considérable. Le directeur général des élections a affirmé que la CIE a un taux d’exactitude de 90 % et que son élimination enlève le dernier filet de sécurité des électeurs qui n’ont pas les documents nécessaires pour prouver leur identité.

  (1920)  

     Je vais maintenant parler des répercussions du projet de loi sur les sans-abri.
     Les sans-abri canadiens n’avaient pas le droit de voter, mais des mesures ont été mises en place au fil des ans pour leur permettre de donner l'adresse d'un refuge et d'être considérés comme des électeurs. Compte tenu de là où nous en sommes aujourd'hui avec la carte d'information de l'électeur et le recours à un répondant, j'espère que le gouvernement entendra les commentaires de la population et qu'il n'abolira pas ces méthodes.
     Ces personnes n'ont pas de pièces d'identité, car elles ont des difficultés, non pas parce qu'elles refusent de se plier aux règles. Nous ne devons surtout pas revenir à l’époque où le droit de vote des personnes les plus marginalisées de notre société était récusé. Les personnes sans abri ou désavantagées de quelque manière ont déjà beaucoup perdu. Elles ne doivent pas perdre en plus leur droit de vote garanti par la Charte.
    Merci, madame Barr.
     Madame Remund, en moins de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, à vous monsieur le président et aux membres du comité.
     Merci d'avoir invité RainCity Housing and Support Society à s'adresser au comité. Je m'appelle Leslie Remund. Je travaille pour RainCity Housing depuis 18 ans. J'occupe actuellement le poste de directrice associée, responsable des activités quotidiennes des programmes.
     Voici un aperçu de notre organisation.
     RainCity Housing est une organisation de prestation de services, incorporée en 1990. Nous fournissons un logement et des services de soutien aux gens dans le besoin à Vancouver. Nous offrons plus de 500 logements avec services de soutien, 100 lits dans des refuges d'urgence et une variété de programmes d'aide spécialisés, dont des services de proximité et de santé cliniques. Nos principales activités prennent place dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, l'un des quartiers les plus vivants, mais aussi les plus pauvres au Canada.
     Je vais vous parler un peu de cette collectivité, car c'est le but de mon intervention.
     Ce quartier du centre de Vancouver est unique de par la concentration de logements à prix modique, qui sont gérés principalement par des organismes sans but lucratif comme le nôtre. La très grande majorité des 18 000 résidants vivent sous le seuil de la pauvreté. Quatre-vingt-huit pour cent des membres de notre collectivité sont locataires. En termes de sécurité du logement, un tiers d'entre eux vivent dans des hôtels à chambres individuelles, un autre tiers occupe des suites de location hors marché et les 6 % restants vivent dans des établissements de soins communautaires. Nous avons plus de 1 600 sans-abri, vivant soit dans des centres d'hébergement ou dans la rue.
     Comme je le disais, les hôtels à chambres individuelles constituent un important parc à logements pour les personnes à faible revenu. Ce sont de petites chambres, comprenant généralement des installations communes pour le bain et la cuisine. Ces hôtels forment un environnement intime, abritant des collectivités fortes, toutefois ils n'offrent pas la sécurité dont profitent ceux qui habitent leur propre appartement. Dans les refuges d'urgence, de nombreuses personnes partagent une grande salle commune avec des matelas disposés au sol, et elles ont peu d'intimité.
     Notre population d'aînés est assez importante, elle compose plus de 21 % de la collectivité. Les Autochtones en milieu urbain constituent 10 % de notre communauté.
     RainCity Housing and Support Society conteste deux aspects du projet de loi C-23 sur l'intégrité des élections: l'élimination du recours à un répondant et de la carte d'identité des électeurs pour confirmer l'adresse d'une personne. La suite de mon exposé portera sur l'aspect pratique de la vérification d'identité des électeurs pour les membres de notre collectivité, sujet qui touche à notre domaine d'expertise.
     Il y a actuellement 38 documents autorisés... j'ai entendu dire 35, mais je suis allée vérifier sur le site Web. Je peux me tromper de deux ou trois.
    Nous avions noté 39.
    J'ai visité le site d'Élections Canada. Les mathématiques ne sont pas mon point fort. C'est en travail social que j'excelle.
    Ne vous fiez pas à moi.
    D'accord.
     Il y a actuellement 38 ou 39 documents autorisés énumérés par Élections Canada. Même si ce nombre peut paraître substantiel, il est décevant. Quand j'ai examiné la liste en fonction des membres de notre collectivité, le nombre d'options réelles pour nos citoyens est considérablement moindre.
     De nombreuses pièces d'identité se rapportent à l'habitation, à l'éducation, à la propriété ou à l'accès aux services publics conventionnels. Les permis de conduire, passeports canadiens, permis de pêche, de piégeage ou de chasse; les factures de services publics; les enregistrements et les papiers d'assurance de véhicules; les baux résidentiels; les documents hypothécaires; les relevés de régimes de retraite; les polices d'assurance; les avis d'évaluation et d'impôt foncier; les cartes d'adhésion ou permis d'organismes de protection de la faune; les permis d'armes à feu et les cartes d'employé ne sont pas compatibles avec la pauvreté et ceux dont la mobilité sociale et économique est faible.
     L'utilisation de services d'encaissement de chèques plutôt que des banques est courante dans les collectivités à faible revenu, car l'exigence de produire des pièces d'identité valides est remplacée par d'autres méthodes de vérification. La fréquentation de comptoirs d'encaissement de chèques signifie que la personne ne possède ni carte de débit, ni carte ou relevé bancaires.
     D'autres pièces d'identité autorisées ne sont ni pertinentes ni accessibles, selon notre expérience, comme celles reliées à l'éducation — les cartes d'étudiants, la correspondance émise par une école, un collège ou une université; les cartes de la Société canadienne du sang, quoique je n'aie jamais entendu parler d'une collecte de sang dans notre collectivité; les cartes d'identité d'une société des alcools, qui n'existent pas dans notre province.
     Certaines pièces d'identité sur la liste ont été modernisées et n'affichent plus le nom de la personne, comme les cartes des bibliothèques publiques qui ne comportent maintenant qu'un code à barres et une signature.
     Exiger des citoyens de notre collectivité qu'ils obtiennent et conservent ces types de pièces d'identité est déraisonnable.
     Comme je l'ai mentionné plus tôt, RainCity Housing and Support Society doit composer avec la réalité de la situation actuelle des personnes. Notre travail n'est pas abstrait, il est d'ordre pratique. Les gens se présentent à nos bureaux avec peu ou pas de biens personnels. Une grande partie des efforts de notre personnel de première ligne consiste à les aider à obtenir les ressources nécessaires, dont les pièces d'identité.
     Nous avons consacré collectivement des milliers d'heures à remplir des demandes de pièces d'identité pour des gens. Le processus est rarement rapide ou simple. Pour obtenir une pièce d'identité, vous devez souvent en posséder déjà une. Le point de départ est le certificat de naissance. L'obtention d'un certificat de naissance dépend des ressources financières dont vous disposez, de la connaissance du nom de fille de votre mère ainsi que le lieu de naissance de vos parents. La période d'attente, selon la province du lieu de naissance, peut-être de quatre à six semaines voire plus. Ce sont des obstacles réels pour les personnes avec qui nous travaillons.
     Les circonstances uniques dans lesquelles vivent les membres de notre collectivité ont amené l'organisme électoral de la province de Colombie-Britannique à ajouter des options d'identification lors des dernières élections provinciales. En février 2013, avant la tenue des élections provinciales, Elections B.C. a approuvé l'utilisation des étiquettes d'ordonnance sur les bouteilles de médicaments comme une forme acceptable d'identification pour notre collectivité seulement. Notre gouvernement provincial a reconnu que les citoyens de notre collectivité requièrent des considérations particulières afin de protéger leur droit inhérent de voter. Nous n'attendons rien de moins du gouvernement fédéral.
     Les lacunes d'une collectivité sont souvent compensées par ses forces. L'une des forces de notre collectivité et des autres collectivités à faible revenu, c’est l’entraide. C'est pourquoi le recours à un répondant est si important dans ce contexte — un citoyen en aide un autre. Nous estimons que le recours à un répondant devrait continuer à être permis à moins qu'une autre méthode soit mise en place pour assurer que tous les Canadiens conservent le droit de voter, et tant qu’on en sera pas là.
     L'une des missions fondamentales de RainCity Housing and Support Society est de promouvoir l'inclusion sociale des personnes défavorisées et de faire reconnaître que la majorité des personnes avec qui nous travaillons ont été empêchées de participer de manière égale à la société. Le droit de vote est un droit fondamental de citoyenneté et nous demandons que l'inscription des électeurs soit élargie plutôt que restreinte.
     Merci de m'avoir entendue.

  (1925)  

    Merci beaucoup.
     Nous enchaînons par les questions.
     Nous débuterons par M. Richards et ferons un premier tour de sept minutes chacun.
     Monsieur Richards, vous avez la parole.
     Je vous remercie toutes les deux de vous être déplacées, et merci aussi, monsieur Beyene, qui êtes en vidéoconférence.
     Je m'adresse à vous, mesdames Barr et Remund.
    Vous dirigez toutes deux un organisme qui vient en aide aux sans-abri ou aux personnes dans une situation semblable. S’agissant des questions dont vous avez parlé aujourd'hui, je crois que nous partageons tous cet objectif, soit que tous les Canadiens qui veulent voter puissent le faire. Je crois que nous partageons aussi le souhait que ces votes soient obtenus dans le cadre d'un processus équitable aux yeux de tous les Canadiens. Certaines préoccupations ont été soulevées à propos du recours à un répondant, par exemple... Je crois qu'il est important d'assurer que tous ceux qui désirent voter en aient la possibilité.
     J'aimerais examiner les issues possibles avec vous et poser quelques questions sur le processus que vous avez employé dans le passé pour aider votre clientèle à exercer leur droit de vote. Je crois que vous avez utilisé la méthode du recours à un répondant dans le passé.
     J'ai effectué une petite recherche sur le sujet et j'ai découvert que, dans bien des cas, les refuges font beaucoup plus que procurer un toit à leurs résidants... Il est évident que l'aide que vous leur apportez va bien au-delà de cela. Vous les aidez à trouver une façon de se remettre sur pied. Il faut vous en féliciter.
     Vous les aidez notamment à se procurer des pièces d'identité, car ils en ont besoin dans plusieurs situations, comme pour trouver un emploi et ce genre de choses... J'ai appris des administrations provinciales que les refuges aident les personnes à obtenir un certificat de naissance. C'est en effet la principale pièce d'identité qui permet d'obtenir toutes les autres. Vous avez mentionné 39 pièces d'identité, madame Remund, c'est bien 39. Un certain nombre d'entre elles doivent être utilisées. Certaines peuvent attester l'identité des personnes, d'autres leur adresse. Certaines attestent les deux, bien sûr. Donc, il existe un certain nombre d'options.
     Vous avez précisé lesquelles ne s'appliqueraient pas à votre clientèle. Vous avez absolument raison, dans la plupart des cas que vous avez mentionnés, dans le cas des personnes que vous aidez, ces options ne conviendraient probablement pas. Le service qu'offrent les refuges d'obtenir le certificat de naissance d'une personne leur procurerait certainement le premier document dont ils ont besoin. Il resterait à obtenir une preuve d'adresse.
     Vous savez, je suppose, qu'un des documents pouvant servir de pièce d'identité et de preuve d'adresse est une attestation de résidence émise par un refuge ou une soupe populaire. Par conséquent, si vous pouviez leur fournir cette attestation en plus du service que vous offrez déjà pour l'obtention du certificat de naissance, votre clientèle serait en possession des deux pièces d'identité requises. Si je mentionne ce fait, c’est que le processus de recours à un répondant serait beaucoup plus facile pour aider votre clientèle... à servir dans le processus de recours à un répondant. Le processus de recours à un répondant exige, comme vous le savez sûrement, qu'une personne habitant dans le même district électoral ne puisse se porter garant de plus d'une personne. J'imagine que cela peut être compliqué pour vous si, par exemple, vos employés voulaient servir de répondants, ils devraient résider dans le secteur du bureau de vote où le refuge est situé, puis ils ne pourraient se porter garants que d'une personne. Je sais qu'il existe des programmes de bénévolat à cet effet, cependant ils se trouvent probablement dans une zone grise, car il est difficile de prouver une relation avec une personne dans ce cas. Sur le site Web d'Élections Canada, on donne comme exemple de répondant un voisin ou un colocataire. La relation avec la personne est évidente dans ces cas-là.
     Je suis curieux d'entendre votre opinion, car de nombreux refuges aident à obtenir le certificat de naissance et en défraient également les coûts. Il y a aussi la disponibilité de l'attestation de résidence. Croyez-vous que grâce à elle, il vous serait plus facile d'aider votre clientèle à être en mesure de voter en vue d'une élection?
     Qu'en pensez-vous?

  (1930)  

    J'ai participé à des cliniques d'identification dans divers organismes de la région de Toronto et, en effet, obtenir des pièces d'identité et obtenir de l'aide pour faire ces demandes de pièces d'identité est toujours l'objectif premier. Nous savons qu’il est très important pour notre clientèle de commencer à stabiliser sa vie et, si possible, à envisager de trouver un logement.
     Je sais que ces programmes sont toujours menacés d'être coupés. D'un côté, il est vrai que cela constitue une première étape et que c'est important. Toutefois, le financement est limité. Je discutais avec les responsables d'un organisme l'autre jour et ils me disaient à quel point ces cliniques d'identification étaient importantes, non seulement pour les sans-abri de la communauté, mais aussi pour d'autres personnes, qui ont, par exemple, perdu leurs pièces d'identité à la suite d’un incendie dans leur logement. Ces cliniques peuvent servir dans toutes sortes de situations. Bien sûr, le financement de ce programme risque d’être coupé. Pendant qu'on s'efforce à obtenir leurs pièces d'identité, que ce soit par l'intermédiaire d'une clinique d'identification ou...

  (1935)  

    Mais je suis sûr que, pour un programme de ce genre, on trouverait un grand soutien au sein de la collectivité. Je crois que vous trouveriez un grand nombre de personnes ayant un grand sens civique qui accepteraient volontiers de financer une initiative comme celle-là, non seulement pour permettre aux gens de voter, mais aussi pour beaucoup d'autres raisons qui font que ce programme est nécessaire. Je suis certain que vous obtiendriez un grand soutien...
    Je sais. Il n'est pas question de fonds fédéraux, les fonds pour ces programmes proviennent du gouvernement provincial. Comme je travaille dans ce secteur depuis 20 ans, je sais que ces cliniques sont toujours menacées de coupure. Alors je suis d'accord, l'obtention de pièces d'identité est importante. C'est toujours la responsabilité des travailleurs sociaux d'aider les gens de cette façon et de les replacer sur la bonne voie.
    Je n'ai pas beaucoup de temps alors je dois vous interrompre. Je m'en excuse.
     L'autre question est celle de l'attestation de résidence. Croyez-vous que vous pourriez offrir ce service à votre clientèle? Pensez-vous que ce serait difficile à réaliser?
    Nous en avons déjà fournies. Vous devez comprendre que, lorsqu'une personne se présente chez nous, nous devons faire le tri dans toute la série de problèmes qui l’assaillent. Nous devons donc souvent faire des priorités. Nous avons assez de personnel, mais le travail est très exigeant. Nous avons un système de triage et souvent, les gens ne restent pas assez longtemps...
    Je dois vous interrompre à nouveau, Croyez-vous que cette attestation...
    Merci, monsieur Richards.
    ... surtout si vous aviez un formulaire en main, ne serait-ce pas plus facile que de maintenir un programme de bénévoles pour trouver des bénévoles qui acceptent d'être des répondants?
    Voilà que je viens encore une fois de disparaître.
     Merci, monsieur Richards.
     Nous prendrons quelques réponses rapides de nos témoins, car nous ne pourrons faire une deuxième série de questions si nous ne respectons pas...
    Je ne crois pas qu'une solution soit meilleure qu'une autre. Je crois que nous devons en avoir le plus possible.
    Super. Merci.
    Je suis d'accord avec vous.
    Nous allons d'abord entendre M. Christopherson, et je pense que vous partagerez votre temps de parole avec vos collègues, mais vous n'avez qu'à m'en avertir.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     En fait, je poserai la question initiale, puis je laisserai la parole à mes collègues.
    Parfait.
    Je me joins à mes collègues pour vous remercier tous d'être présents ici ce soir. Ceci est une importante motion d'intérêt public pour le Canada; cela importe vraiment que vous soyez venus. Merci beaucoup.
     Si vous le permettez, je vais m'adresser tout de suite à M. Beyene. Monsieur, nous avons grandement apprécié votre exposé. Je dois avouer d'entrée de jeu que je suis très chanceux d'avoir visité votre beau pays à deux reprises. Lors de mon dernier voyage, je suis allé à Addis Abeba qui célébrait le 50e anniversaire de l'Union africaine et la grande ouverture de son nouveau siège social. C'est un très beau pays. Dans la région métropolitaine de Toronto et les régions avoisinantes de Hamilton, nous avons une très petite communauté éthiopienne, mais très dynamique, dont les membres sont très intéressés à jouer leur rôle de citoyens.
     La question que je vous pose est la suivante. Dans le cadre de la législation proposée, le directeur général des élections ne serait plus responsable des programmes d'éducation civique de portée plus étendue ni de l'éducation générale des Canadiens, non sur des sujets portant sur les lieux de vote et les façons de voter, et sur les pièces d'identité, mais sur les fondements de notre système électoral et sur son fonctionnement. Ces programmes s'adressent aux différentes collectivités, aux différents groupes de la société et visent évidemment à permettre, dans votre cas, aux personnes d'origine éthiopienne, pour qui le Canada est un nouveau pays, de participer au processus électoral. Le projet de loi limite la capacité du DGE à le faire et laisse la tâche aux partis politiques, lesquels répliquent qu'ils offrent déjà de l'information au public et que c'est dans leur meilleur intérêt.
     Au NPD, nous craignons que la portée de cette éducation électorale ne soit pas assez étendue. Les partis politiques ont pour objectif de faire élire des candidats; nous croyons que le DGE devrait continuer à éduquer l'ensemble de la collectivité et les différentes communautés. Je me demandais si vous pouvez nous en dire plus sur le sujet. À quel point est-ce important pour votre collectivité d'obtenir cette éducation sur notre système électoral et son fonctionnement? Croyez-vous que le DGE devrait continuer à jouer son rôle plutôt que de passer cette responsabilité aux partis politiques?
     Quelle opinion avez-vous sur ce sujet, monsieur?
    Merci beaucoup.
     Je vous remercie également pour vos bons mots sur mon pays d'origine.
     Il est très difficile de déterminer qui devrait continuer à éduquer les nouveaux Canadiens et tous les autres Canadiens, afin qu'ils puissent s'engager activement et participer sciemment au processus électoral. D'après ce que j'ai lu, le DGE et Élections Canada ont jusqu'à maintenant mis en œuvre une quantité considérable de processus éducatifs, dans la mesure où un budget d'environ 1,6 million a été alloué en 2012-2013 pour le travail d'éducation du public. Ils ont créé du matériel éducatif en différentes langues, collaboré avec des organismes communautaires, organisé des activités promotionnelles et publicitaires dans les médias afin de donner des renseignements à la collectivité. Toutes ces mesures sont essentielles pour motiver la participation des nouveaux arrivants.
     Encore une fois, d'après ce que j'ai appris d'Élections Canada, les parents et l'école jouent un rôle de soutien important et significatif en appuyant leurs jeunes électeurs, leurs jeunes enfants dans l'apprentissage du processus électoral et démocratique. Les données recueillies montrent qu'environ 46 % des jeunes reçoivent cette éducation à école, de même que les parents. Ces mesures ont été rendues possibles par Élections Canada et le pouvoir accordé au directeur général des élections.

  (1940)  

    Très bien.
    Donc cela créera un immense vide. Je retourne la question au comité: si ce n'est le directeur général des élections et Élections Canada, qui s'en chargera? Y aura-t-il des engagements visant à remettre les ressources en place pour assurer la prestation de ces programmes d'éducation?
     Les organismes communautaires comme la Ethiopian Association pourraient être de bons partenaires dans la détermination du contexte et l'adaptation des processus éducatifs, selon la langue et la culture, surtout pour composer avec l'expérience et la culture politiques des nouveaux Canadiens acquises dans leur pays d'origine.
     Comme vous le savez, dans la majorité des pays d'Afrique, le processus politique évolue dans un contexte très difficile, le système électoral est donc un concept plutôt étrange et nouveau pour certaines personnes. Un énorme processus d'éducation est nécessaire pour eux.
    Excellent. Je vous remercie infiniment, monsieur.
    Un peu moins de deux minutes, merci.
     Monsieur Beyene, merci beaucoup d'être venu et d'avoir fait une excellente présentation de la situation, en soulignant l'importance de l'éducation et de la sensibilisation des nouvelles communautés immigrantes.
     Je m'adresse à Mmes Barr et Remund.
     Vous avez toutes les deux mis l'accent sur une chose que je trouve vraiment importante; vous avez toutes les deux utilisé une expression très semblable pour évoquer l'idée d'un citoyen qui en aide un autre. J'ai trouvé le concept de dignité assez frappant. J'ai également été étonné, quand M. Richards a suggéré qu'il existe certaines restrictions à la capacité de répondant d’un autre électeur. Aucune restriction n'est mentionnée à l'article 143, si ce n’est qu’il faut être résident de la même section de vote.
     Je me demandais si vous pouviez nous parler davantage de la dignité de voter pour les personnes à qui vous venez en aide et pourquoi nous ne devrions pas perdre de vue cette réalité.
    Les personnes avec qui nous travaillons sont quotidiennement confrontées à des circonstances difficiles. La pauvreté exige de chercher constamment des façons de satisfaire à ses besoins. Ce qui est admirable dans ces collectivités, par exemple dans Downtown Eastside, c'est que si quelqu’un a à manger, il partage avec son voisin. Ainsi, personne n'est pauvre ni affamé; tous deux ont quelque chose à manger.
     Je crois qu’en présence d’une déficience naturelle dans une collectivité, un autre phénomène prend la relève, celui de la solidarité humaine. Je vois aussi les gens lutter pour conserver leur droit d’exercer leurs propres choix. Je crois qu'il n'y a rien de tel que de voter pour avoir le sentiment qu’on peut changer les choses dans la société. Je dois dire qu'il y a des partisans de tous les partis politiques dans notre collectivité, des discussions politiques ont lieu. Voter a un effet égalisateur sur les gens. C'est l'une des seules choses dans la société qui ne soient pas basées sur la situation financière ou le statut. Voter et donc avoir voix au chapitre représente le seul moment où nous sommes tous égaux.
    Une voix: Bravo!

  (1945)  

    Merci beaucoup, monsieur Scott.
     La parole est maintenant à M. Simms, pour sept minutes, s'il vous plaît.
     Merci d'être venus ici et merci, monsieur, de vous joindre à nous par vidéoconférence.
     L'une de vous deux a dit — j'ai oublié qui et je m'en excuse — que pour obtenir une pièce d'identité, il faut en posséder une. Je n'avais pas entendu ces propos auparavant, mais c'est une bonne remarque. C'est la manière la plus intelligente de dire les choses.
     Qu'il soit question de 38, 39 ou même de 100 pièces d'identité, plus on descend dans la liste, plus on constate que les pièces énumérées deviennent de plus en plus hors d'atteinte pour le citoyen moyen, alors certainement plus pour les personnes défavorisées. Vous avez donné les exemples suivants: les baux, documents d'hypothèque, factures, pourvu qu'ils arrivent par courrier. La pièce d'identité de base est maintenant la carte de santé et malheureusement, l'adresse de la personne n'y figure pas, ce qui complique les choses encore plus. Supposons qu'ils puissent obtenir l'attestation dont on discute ici. À quel point est-elle difficile à obtenir?
    Je ne crois pas que l'attestation elle-même le soit. Nous avons parlé de normes culturelles. Je crois que nous devons aussi parler de normes communautaires. Nous avons des aînés dans notre collectivité qui vont au même comptoir d'encaissement de chèques depuis 30 ans, au même bar — c'est leur salon, en somme, car ils vivent dans une petite chambre d'hôtel.
     L'identification des personnes dans nos collectivités fait souvent référence à des antécédents: « Je vous connais depuis tout ce temps, n'est-ce pas? » Nous avons des médecins qui ne demandent pas la carte de santé à une personne parce qu'ils la servent depuis vingt ans.
     Je ne suis pas certaine d'avoir répondu à votre question. Ce que je veux dire c'est qu'en l'absence de pièces d'identité, les gens ont créé d'autres types de normes et ces normes sont vivantes et fortes dans notre collectivité. Il est certain que peu de gens demandent des attestations, mais nous en fournissons volontiers.
     Ce n'est pas toutes les personnes défavorisées qui vivent dans un refuge. Donc c'est un autre point à mentionner. Beaucoup de gens dans notre communauté sont mal logés, c'est-à-dire qu'ils partagent de petits espaces avec d'autres ou ils vivent dans ces hôtels à chambres individuelles dont j'ai parlé plus tôt. Ce n'est donc pas tous les pauvres, les sans-abri ou les gens vivant dans des logements précaires qui peuvent bénéficier de cette option qu'est l'attestation. Ai-je bien répondu à votre question?
    Mais ce n'est pas une pratique courante? Disons-le comme cela. Vous n'assistez pas à cela souvent?
    Non.
    Et c'est une nouvelle pratique qui devra être présentée.
    Et elle s'accompagne d'éléments compliqués; les attestations de résidence doivent être vérifiées le jour de l'élection. Je ne peux pas simplement écrire une lettre et la remettre à une personne; il y a un processus de vérification avec cette attestation. Une personne autorisée au refuge doit signer la lettre.
    D'accord.
     Lorsque je travaille avec les aînés, je constate qu'ils s'appuient énormément sur la carte d'information de l'électeur. C'est probablement la pièce d'identité la plus populaire et maintenant, avec les nouvelles règles d'Élections Canada et la façon dont elles sont appliquées, je me demande comment ils aviseront les gens pour leur dire: « À propos, vous ne pouvez plus utiliser cette carte. »
     J'ignore quel type de campagne publique sera mise en place à cet effet, mais vous connaissez bien la situation, car vous l'avez mentionnée toutes les deux. Mais les gens, les personnes avec qui vous travaillez, comptent beaucoup sur cette carte pour aller voter.
    Oui. La plupart des personnes de ma connaissance qui votent aux élections utilisent la carte d’identité des électeurs. C’est une pratique répandue car ces personnes n’ont pas de document d’identité.
    C’est sans aucun doute le cas. Cependant, quel est le document d’identité le plus communément utilisé, selon vous?
    Je n’ai pas la réponse à cette question.
    Et si je disais: la carte d’assurance santé?
    Je ne me hasarderais pas à dire la carte d’assurance santé.
    Très bien.
    Un grand nombre de mécanismes d’identification ont été créés au niveau de la collectivité locale. Nous avons, par exemple, un centre d’enseignement des aptitudes à la vie quotidienne, lequel délivre une carte. D’ailleurs, pour tout vous dire, il existe des documents d’identification établis au niveau local et qui sont bien plus souvent utilisés que ceux émanant du gouvernement.
    Je vois. J’imagine, par conséquent, que le mécanisme du répondant joue un rôle très important, je dirais même essentiel au moment des élections, pour les personnes dont vous vous occupez et que vous aidez à voter.
    En effet. Lorsqu’arrive le temps des élections, il est beaucoup question du système de répondant, pour permettre aux voisins de voter.
    Avez-vous l’impression que beaucoup de gens abusent du système?
    Je ne sais pas si la tricherie est généralisée et je ne vois pas pourquoi les gens devraient tricher. Je n’ai jamais entendu parler de quiconque se rendant du foyer pour sans-abri au bureau de vote afin de se prendre pour un autre. Ils en ont déjà plein leur chapeau et je crois que ça ne correspond pas à la situation.

  (1950)  

    J’approuve.
    Je vous en prie, madame Barr.
    Je voudrais renforcer ce qui vient d’être dit. Ces personnes en voient déjà de toutes les couleurs, et l’idée d’abuser du système ne paraît guère faire partie de leurs priorités. Pour eux, l’idée de se rendre au bureau de vote et de déposer leur bulletin est une grande affaire. Je crois qu’il ne faut pas oublier cela, parce que pour ces personnes, le fait de pouvoir voter pour le candidat qui leur paraît le bon, c’est aussi espérer qu’il les aidera à surmonter certains de leurs problèmes. Alors si on ne leur donne pas cette possibilité, sous une forme ou sous une autre — c’est la raison pour laquelle, une fois de plus, je pense qu’il est important de régler le problème de l’identification, en mettant en place les financements et les initiatives nécessaires. Mais entre-temps, il faut aussi avoir une solution, sous une forme ou sous une autre.
    Monsieur Beyene, je vous présente mes excuses et je ne voulais surtout pas vous exclure de cette conversation.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce que vous venez d’entendre?
    Je voulais décrire de façon précise le volet de la participation civile et celui de l’éducation civile. Pour moi aussi, le fait de pouvoir voter constitue un aspect crucial. N’oublions pas que c’est une des façons de donner la parole aux néo-Canadiens, d’abaisser les barrières à la libre participation au processus électoral. Dans ce contexte, le fait de voter est une sorte de privilège; pour moi, c’est un honneur. Lorsque je suis arrivé au Canada il y a une quinzaine d’années, que j’ai obtenu ma citoyenneté et que je suis allé voter, eh bien, je votais pour la première fois de ma vie. C’est pour moi une expérience d’une grande valeur. Donc, lorsque ce processus est entravé, cela veut dire qu’il y a un problème de plus touchant le processus électoral.
    Monsieur Simms, je vous demande pardon, mais vous avez dépassé vos sept minutes.
    C’est à moi de vous demander pardon.
    Oui, j’imagine que si je vous demande pardon, c’est uniquement parce que je suis Canadien.
    Nous aurons du temps si nous savons nous limiter à une minute pour la question et la réponse.
    C’est au tour de M. O'Toole.
    Vous avez une minute. Top, chronomètre.
    Merci à toutes les personnes venues témoigner. Madame Barr, j’ai l’impression que je devrais porter mon petit chapeau. J’ai beaucoup admiré le travail accompli par Chez Toit.
    J’aimerais faire une petite déclaration et recueillir ensuite vos réactions. Je vais prendre comme point de départ ce qu’a déclaré mon collègue M. Richards. Votre participation aux activités d’Élections Canada en 2000 ou 2001 a conduit à l’adoption des 39 pièces d’identité que nous connaissons, et je vous en remercie. On parle beaucoup en ce moment de privation des droits civiques; or, dans les conditions actuelles, le formulaire pourrait être utilisé par toutes les associations que vous avez mentionnées, qu’il s’agisse d’aînés, d’étudiants, de Premières Nations ou de sans-abri, étant donné que le document est établi avec votre aide, entre autres, ce qui permet d’avoir une pièce répondant aux exigences de résidence pour les groupes qui risquent de perdre le droit de voter.
    Par conséquent, s’agissant des sans-abri, je pense qu’une lettre adressée par l’administrateur du foyer… Qu’il s’agisse de conseils de bande, de foyers, d’établissements scolaires, de résidences pour personnes âgées, aussi, on pourrait utiliser le formulaire distribué par Élections Canada, l’imprimer, et ainsi on n’aurait plus besoin que d’une souche de chèque gouvernemental ou d’un relevé de prestations sociales.
    Merci, monsieur O'Toole.
    Cela répond aux exigences. Votre association pourrait-elle préparer les formulaires pour le premier jour de l’élection et le distribuer à vos membres?
    Je sais que je fais un régime sévère, mais je ne pense pas être devenu transparent, tout de même. Lorsque je mentionne expressément votre nom, je m’attends à ce que vous cessiez de parler. Nous passons à présent à Mme Latendresse.
    Vous avez une minute pour la question et la réponse, ce qui nous permettra d’en avoir le plus grand nombre possible.

[Français]

    Je serai vraiment très brève.
    Je vais poursuivre sur la lancée de M. O'Toole. Trouvez-vous raisonnable que le gouvernement demande aux refuges de sans-abri et aux soupes populaires de fournir toute cette paperasse? Ces organismes ont déjà énormément de responsabilités et de travail à faire. Ils aident des gens qui partent de si loin. Croyez-vous que le gouvernement fait une bonne utilisation des ressources en imposant maintenant à ces organismes la responsabilité pleine et entière de s'assurer que ces personnes pourront aller voter?

[Traduction]

    Pour être tout à fait franche, je pense que les seules personnes qui pensent aux élections des semaines et des mois à l’avance, ce sont les politiciens.
    Je crois fermement que les foyers d’accueil manquent de personnel expérimenté pour faire face à des crises intenses. Je pense que c’est beaucoup leur demander, surtout lorsqu’on manque d’effectifs chargés d’aider les gens à obtenir leurs pièces d’identité ou d’aider les électeurs à se rendre dans les bureaux de vote. Encore une fois, c’est beaucoup leur demander.

  (1955)  

    Merci infiniment.
    Monsieur Reid, vous avez une minute pour la question et la réponse, s’il vous plaît.
    Je voudrais poser ma question à Mme Remund. Étant donné que le système du répondant existe pour les scrutins provinciaux en Colombie-Britannique, cela soulève pour moi une question. Si je comprends bien le régime, il permet de voter dans un bureau de scrutin hors de sa propre circonscription. Je pense que cela ne veut pas dire que tout le monde peut se présenter et voter, et certaines personnes ont néanmoins besoin d’une identification concrète. Je base mon hypothèse sur le fait qu’en Colombie-Britannique, on peut apporter comme preuve un flacon correspondant à une ordonnance de médicament. Pourriez-vous m’expliquer cela plus en détail?
    La question du flacon de médicament sur ordonnance?
    C’est bien cela. Mais tout d’abord, quelle est la justification du système de répondant? À l’évidence, même lorsque les dispositions sont très générales, cela ne semble pas résoudre tous les problèmes, alors que le flacon de médicament est une solution efficace.
    Il est très difficile de faire voter des personnes à faible revenu, notamment en raison de leurs besoins particuliers. Nous sommes d’avis que le régime de répondant n’est pas la solution, non plus que la carte d’identification de l’électeur. Mais lorsqu’on passe en revue la liste de toutes ces options et de ce qui peut être appliqué de façon réaliste, compte tenu des populations qui relèvent de nous… Je viens de passer la liste en revue, et j’y ai retrouvé huit ou neuf personnes que j’ai vues régulièrement au cours de ma carrière de 18 années. Notre difficulté tient au fait que si l’on élimine deux autres options raisonnables, on réduit les possibilités de vote au sein de notre collectivité. C’est la raison pour laquelle le flacon avec le médicament… Nous ne nous attendions pas à ce que tout le monde adopte le système du flacon de médicament, mais cela reste l’une des options les plus pratiques pour les personnes concernées.
    Merci beaucoup.
    Nous allons nous en tenir là et faire une pause de deux minutes.
    Je tiens à remercier nos invités de l’aide qu’ils nous ont apportée ce soir et des informations qu’ils ont bien voulu partager avec nous.
    Nous allons faire une petite suspension de deux minutes, le temps de faire venir de nouveaux témoins.

  (1955)  


  (2000)  

    Nous allons, si vous le voyez bien, reprendre nos délibérations et entamer la deuxième heure. Ce soir, nous sommes reliés par vidéoconférence à deux de nos témoins qui se trouvent à Vancouver, en Colombie-Britannique. Ces deux témoins sont Wanda Mulholland, coordonnatrice de développement communautaire appartenant au Groupe d’intervention de Burnaby Task Force on Homelessness, et Nathan Allen, de la Portland Hotel Society.
    Bienvenue à tous les deux.
    Nous entendrons également Abram Oudshoorn, représentant de la grande ville de London et de la London Homeless Coalition.
    Bienvenue à tous les trois. Nous allons commencer par entendre les déclarations de nos invités en liaison de vidéoconférence. Je préfère toujours commencer par les vidéoconférences parce qu’en cas de rupture de la communication, nous pouvons tout de même compter sur l’enregistrement des déclarations liminaires.
    Madame Mulholland, voulez-vous avoir l’amabilité de commencer?
    Je vous remercie de cette occasion qui m’est donnée de présenter mon point de vue au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes à propos du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada.
    Je voudrais traiter en particulier de l’importance du système de répondant pour le processus électoral.
    Je m’appelle Wanda Mulholland et je suis coordonnatrice de développement communautaire pour la Burnaby Task Force on Homelessness, qui a été constitué en janvier 2005. Notre groupe, qui est de nature non partisane, comprend des représentants d’agences gouvernementales, d’autorités de la santé, de la GRC, des services sociaux et des organismes communautaires, d’associations d’amélioration des entreprises, de fournisseurs de logements, de communautés confessionnelles et de citoyens concernés; nous sommes tous déterminés à œuvrer ensemble afin de cerner et de traiter les problèmes des sans-abri dans la ville de Burnaby.
    Permettez-moi de vous citer l’article 25, paragraphe (1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies:
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
    J’interviens au nom des citoyens de Burnaby qui vivent dans l’extrême pauvreté et qui sont sans toit. Ces citoyens canadiens ne bénéficient pas d’un grand nombre des droits fondamentaux qui sont proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies.
    Nous savons que la pauvreté est la principale cause de sans-abrisme, et que 20 % des sans-abri se retrouvent dans la rue. Les 80 % restants sont des sans-abri occultes, qui habitent temporairement chez des amis ou à qui l’on cède un divan.
    Un grand nombre des hommes et des femmes qui vivent dans la pauvreté ont un emploi — il s’agit des pauvres au travail — ou encore sont étudiants, lorsque ce ne sont pas des citoyens vivant avec un faible revenu. Ces personnes vivent toutes dans des endroits temporaires et mal adaptés, et elles doivent affronter des difficultés liées à leur sécurité, aux problèmes de sommeil, de vêtements, d’alimentation, d’accès aux soins de santé et aussi à un logement convenable.
    Chacune de ces personnes est arrivée au stade du sans-abrisme pour des raisons tenant à sa propre vie. Citons, parmi les facteurs de telles situations, la perte d’emploi, les incendies, la maladie, les incidents traumatiques, les incapacités, les difficultés familiales, la maladie mentale, la toxicomanie, ou des conjonctions possibles de ce genre de problèmes.
    Un grand nombre des personnes actuellement sans abri ont mené, dans le passé, ce que d’autres considéreraient comme des vies fécondes, jusqu’à ce que quelque chose vienne casser leur équilibre. Ces personnes peuvent avoir eu des carrières en tant que pompier, enseignant, propriétaire d’entreprise, étudiant universitaire obtenant de bons résultats, auteur retenu par des éditeurs, parent aimant ses enfants. Un grand nombre de ces personnes, du fait de leur situation de sans-abri, ont perdu leur famille, leur communauté et également le sentiment de leur propre valeur.
    À tous les niveaux, les sans-abri sont ostracisés par la société des personnes bien intégrées. Ceux qui connaissent la pauvreté ont du mal à utiliser les transports publics, car ils ne peuvent se permettre le prix du billet. Les personnes pauvres ne peuvent pas utiliser les toilettes des établissements car elles sont réservées aux clients qui consomment ou qui achètent. Les personnes tombées dans la pauvreté extrême sont isolées et rejetées car, bien souvent, elles ne répondent pas aux attentes de la société en matière d’hygiène, de présentation et de comportement. Souvent, les personnes vivant dans la pauvreté craignent pour leur propre sécurité car elles ne disposent pas d’une maison qui les protège de la vindicte d’autrui.
    Il est fréquent que les sans-abri n’aient pas des cartes leur donnant accès aux soins médicaux ou aux services gouvernementaux. L’absence de documents d’identité constitue également un obstacle pour qui veut aller voter. Lors des élections municipales, provinciales et fédérales, la Burnaby Task Force on Homelessness a coopéré avec une agence membre du réseau afin de venir en aide aux personnes marginalisées qui souhaitent voter. Nous avons offert l’utilisation de formulaires d’attestation pour les personnes ne disposant pas de tous les documents d’identité nécessaires au vote.
    La Charte canadienne des droits et libertés stipule que
tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
    Le fait d’abroger l’option du système de répondant empêche les personnes marginalisées d’exercer leur droit de vote en tant que citoyens canadiens. C’est encore une façon d’ostraciser les personnes du fait qu’elles sont pauvres et de leur nier les droits des citoyens intégrés au reste de la société.
    Au nom de tous les citoyens canadiens de l’ensemble du pays qui vivent dans la pauvreté extrême et qui sont sans abri, y compris les citoyens de Burnaby, en Colombie-Britannique, la Burnaby Task Force on Homelessness recommande que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre passe en revue les amendements proposés à la Loi électorale du Canada et les déclare inconstitutionnels, non démocratiques et constituant un empiétement important sur les droits fondamentaux d’un grand nombre de citoyens canadiens vulnérables.

  (2005)  

    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Mulholland.
    Nous passons à présent à M. Allen pour son mot d’ouverture. Je vous en prie.
    Je remercie le Comité de prendre le temps d’entendre des renseignements provenant de la rue au sujet de certaines des difficultés que présente pour les Canadiens à faible revenu la production de pièces d’identité.
    Je m’appelle Nathan Allen et j’habite le quartier Downtown Eastside de Vancouver depuis plus de 12 ans. Pendant presque toutes ces années, j’ai été directeur de la coopérative d’épargne et de crédit Pigeon Park, qui est également la succursale 48 de la coopérative d’épargne et de crédit communautaire Vancity, dirigée en association avec la PHS Community Services Society. La coopérative Pigeon Park a ouvert ses portes il y a plus de 10 ans afin de fournir des services financiers aux résidants à faible revenu du quartier Downtown Eastside de Vancouver, qui comprend les sous-districts de Gastown et Strathcona et le quartier chinois.
    Le quartier Downtown Eastside est le plus ancien de Vancouver. Il s’agissait autrefois d’un camp de travail où l’on trouvait une forte concentration de centaines de logements situés dans des maisons de chambres. Ces maisons de chambres sont des immeubles de cinq ou six étages dont chacun compte des chambres d’un peu plus de trois mètres carrés et des salles de bains communes. Il y a 100 ans, ces maisons de chambres hébergeaient des travailleurs forestiers quand ils n’étaient pas sur un chantier. Vous connaissez peut-être la chanson « Summer Wages » d’Ian Tyson, légende canadienne de la musique country, au sujet de la vie à Vancouver à cette époque.
    Au fil des ans, bien sûr, ce travail dans le secteur des ressources s’est progressivement éloigné de la ville, les services et les entreprises ont quitté le Downtown Eastside, et ces maisons ont accueilli les plus pauvres des résidants de Vancouver. Avec son important port de commerce, son grand aéroport et sa proximité des États-Unis, Vancouver a vu se répandre les stupéfiants, et ces drogues ont afflué dans le Downtown Eastside, où l’alcoolisme était déjà endémique. Au début, il s’agissait d’opiacés, comme l’héroïne; depuis une vingtaine d’années, le crack et plus récemment la méthamphétamine en cristaux ont gagné beaucoup de terrain.
    Pendant que croissait cet afflux de stupéfiants dans la rue, la police a appliqué une stratégie de confinement par laquelle elle a chassé les revendeurs de drogue et les prostituées des quartiers plus huppés de Vancouver pour les concentrer dans le Downtown Eastside. Parallèlement, les pouvoirs publics désinstitutionnalisaient les services de santé mentale, sans mettre en place des ressources suffisantes pour prendre le relais dans la collectivité. C’est ainsi qu’on a vu déferler dans le quartier Downtown Eastside une vague de personnes atteintes de maladies mentales et ne bénéficiant d’aucun soutien. De plus, les séquelles de politiques comme celle des pensionnats indiens se font vivement sentir dans le quartier. En effet, près d’un sans-abri sur quatre se déclare autochtone, alors que les Autochtones forment 2 % de la population métropolitaine.
    Pendant ce temps, les gouvernements des deux paliers supérieurs se sont retirés du secteur de la construction de logements, et l’intensification du développement du centre-ville de Vancouver a exercé une pression à la hausse sur les prix, de sorte que les logements abordables se sont faits encore plus rares. De plus, comme Vancouver ne connaît pas des hivers aussi rigoureux que le reste du Canada, elle ne possède pas non plus un réseau de refuges pour sans-abri aussi développé que les grands centres de l’Est du Canada.
    Qu’est-ce que tout cela a à voir avec le vote?
    À cause de tous les facteurs que je viens de mentionner, le quartier Downtown Eastside de Vancouver compte un nombre exceptionnellement élevé d’électeurs admissibles qui ne possèdent pas les pièces d’identité nécessaires pour participer à une élection canadienne.
    La coopérative d’épargne Pigeon Park sert la population du Downtown Eastside depuis 2004. La banque répondait à un besoin essentiel, car il est très difficile pour les citoyens à faible revenu d’obtenir des services financiers. La plus grande difficulté pour eux consiste à produire les pièces d’identité requises pour ouvrir un compte. Les pièces exigées sont les mêmes que pour voter.
    Comment donc ouvrons-nous des comptes pour des personnes sans papiers? Comme dans la Loi électorale, nous faisons appel à des répondants: des voisins, des travailleurs de l’aide financière, des fournisseurs de logements, des professionnels de la santé, tels des médecins et des infirmiers, etc. En plus de 10 ans d’activité, après avoir ouvert des comptes pour plus de 10 000 personnes différentes, nous n’avons jamais eu un seul cas de fraude à l’identité.
    Pourquoi est-ce un problème d’obtenir des pièces d’identité suffisantes?
    La principale raison est d’ordre financier. Une carte d’identité avec photo comme la carte d’identité de la Colombie-Britannique ou un permis de conduire coûte 40 $. Pour une personne qui ne reçoit que 200 $ en aide au revenu, cela représente 20 % de ses maigres revenus, et c’est une dépense inabordable pour beaucoup. Il s’agit dans la pratique d’un cens électoral.
    Les personnes dont le logement n’est pas sûr ou qui sont sans abri ont beaucoup de mal à garder leurs possessions. C’est triste à dire, mais les personnes qui dorment dans la rue se font souvent vider les poches, tandis que les vols sont fréquents dans les logements peu sûrs, comme le sont la plupart des logements des résidants très pauvres du Downtown Eastside.
    En ce qui concerne les problèmes de santé mentale et de toxicomanie, la situation à Vancouver demeure critique. Dans mon travail, j’ai constaté que les personnes qui éprouvent des problèmes de santé mentale ont souvent du mal à s’y retrouver dans la bureaucratie et à effectuer les démarches nécessaires pour obtenir des pièces d’identité. En outre, les personnes ayant des problèmes aigus de santé mentale ont de la difficulté à conserver des documents et les égarent souvent.
    Bref, je ne puis qu’affirmer ce que l’expérience m’a appris: les électeurs vivant en marge de la société — des gens qui devraient voter d’après moi, puisque les politiques publiques les touchent directement — doivent disposer d’un autre mécanisme pour exercer leur droit de vote. Pour des milliers de citoyens très vulnérables, il pourrait être impossible de produire les pièces d’identité qu’exige le projet de loi C-23.
    Je prie instamment le Comité de penser aux dizaines de milliers d’électeurs canadiens sans abri au moment de modifier la législation électorale, et d’envisager des moyens de garantir à tous les électeurs admissibles l’accès à notre système démocratique.
    Je vous remercie une fois de plus.

  (2010)  

    Merci, monsieur Allen.
    Nous passons à présent à M. Oudshoorn, à qui je demande de bien vouloir présenter sa déclaration…
    Je remercie à mon tour le comité de l’occasion de témoigner devant lui.
    Je représente la London Homeless Coalition et le London Community Advocates Network. Toutefois, mes commentaires reposeront en grande partie sur mon expérience de travail à titre d’infirmier de première ligne auprès de sans-abri, d’infirmier au London InterCommunity Health Centre et de professeur adjoint à l’Arthur Labatt Family School of Nursing, où mes travaux de recherche et mon enseignement sont axés sur les points de convergence de la pauvreté, du logement et de la santé.
    J’aimerais vous présenter brièvement deux situations qui, d’une certaine manière, illustrent la réalité de citoyens canadiens qui vivent l’itinérance: l’obtention et la conservation de pièces d’identité; et une journée d’élection typique dans les organisations oeuvrant auprès de sans-abri à London, en Ontario.
    L’obtention et la conservation de pièces d’identité constituent un des principaux défis auxquels sont confrontées les personnes qui vivent l’itinérance relativement aux obstacles qu’ils doivent surmonter pour se sortir de l’itinérance et de la pauvreté en général. Des études de recherche qualitatives et quantitatives ont souligné de manière constante la perte rapide de pièces d’identité courantes et exactes, et ce, dès le début de l’itinérance. Plus longue est la période d’itinérance, moins la personne itinérante a des chances de posséder des pièces d’identité courantes et exactes. Une telle situation touche plus particulièrement les personnes confrontées à un problème de santé mentale, de même que les femmes qui fuient la violence familiale.
    Comment peut-on perdre des pièces d’identité? Malheureusement, elles sont souvent volées en même temps que des biens personnels, comme un sac à dos ou un porte-monnaie. Elles peuvent aussi être perdues en raison de la vie chaotique associée à l’itinérance. Des pièces d’identité peuvent être oubliées, par exemple si une personne sans abri ne peut pas retourner à un refuge, où ses biens personnels se trouvent, ou si une femme qui fuit la violence familiale ne peut pas avoir accès à ses biens.
    Une fois qu’une pièce d’identité est perdue, le processus de son remplacement est laborieux, dispendieux et long. Les individus doivent souvent revenir à leur lieu de naissance afin d’obtenir un certificat de naissance, puis attendre de quatre à huit semaines avant de l’obtenir avant de pouvoir demander une autre pièce d’identité. Un tel processus représente un défi, puisqu’il requiert une adresse permanente pendant toute la période que dure le remplacement. Par chance, de nombreuses organisations actives auprès de sans-abri ont l’habitude de leur offrir une adresse permanente et sont bien outillées pour le faire. Malheureusement, en raison du chaos dans lequel vivent certains sans-abri, le processus de remplacement de pièces d’identité perdues est souvent interrompu. Souvent, des pièces d’identité qui ont été demandées restent en souffrance parce que le requérant est tombé dans un nouveau cycle de détresse. En conséquence, un jour ou l’autre, un nombre important de personnes vivant l’itinérance au Canada se retrouvent sans pièces d’identité.
    Cela représente tout un défi — que nous avons pu généralement relever à London. Les organisations de santé et de services sociaux de London se mobilisent, à chaque journée d’élection, pour veiller à ce que, dans toute la mesure du possible, les citoyens qui souhaitent voter puissent le faire, malgré leur situation en matière de logement et les problèmes liés à leur identification. Une telle mobilisation communautaire vise d’abord à s’assurer que les individus se servent d’une organisation comme London InterCommunity Health Centre comme adresse permanente et qu’ils obtiennent ensuite une carte d’information de l’électeur. Dans le cas des personnes n’ayant pas reçu une carte d’information de l’électeur, si par exemple l’adresse d’expédition n’était pas la bonne, le niveau suivant de mobilisation est centré sur les dispositions du paragraphe 143(3) de la Loi électorale du Canada, qui porte essentiellement sur le recours à un répondant.
    Comme vous le savez, au titre de ce paragraphe de la loi, les personnes ayant une pièce d’identité appropriée peuvent recourir à un citoyen de leur propre section de vote agissant en tant que répondant. Ainsi, les travailleurs œuvrant dans les organisations de santé et de services sociaux connaissent les dispositions en question, ainsi que des répondants qui résident à l’intérieur des sections de vote où la plupart des individus vivant l’itinérance se trouvent à London.
    Lorsqu’une personne sans abri qui ne possède aucune pièce d’identité se présente à une organisation et exprime sa volonté de voter — peut-être après avoir vu une affiche incitant les gens à « nous demander comment voter » —, elle est aussitôt mise en contact avec un répondant, qu’il s’agisse d’un travailleur de l’agence ou d’un autre sans-abri qui déclare aussi vouloir voter, qui l’accompagnera au bureau de vote. La démarche est d’autant plus simplifiée dans notre collectivité car certaines agences de service utilisent notre bureau de vote, ce qui facilite l’accompagnement à pied.
    Ainsi, vous pouvez aisément vous représenter le travail.
    Permettez-moi d’ajouter à cette déclaration quelques éclaircissements concernant la lettre d’attestation, car, contrairement aux témoins qui nous ont précédés, nous l’utilisons souvent à London. Malheureusement, le libellé stipule que la personne a sa résidence ordinaire dans telle ou telle agence et y reçoit les prestations. Cela convient pour les personnes qui séjournent dans un foyer depuis un certain temps, mais pour d’autres, ceux qui dorment là où ils peuvent, qui se déplacent d’une ville à l’autre ou qui échouent sur un divan de circonstance, dont l’adresse ne cesse de changer, ou encore qui viennent d’être admis dans un logement social et qui sont en transition, ce mécanisme ne sert à rien. Nous utilisons assez fréquemment la lettre d’attestation, mais elle comporte une importante lacune, et c’est justement cette lacune que le système de répondant vient combler.

  (2015)  

    Conformément au projet de loi C-23, les dispositions du paragraphe 143(3) de la Loi électorale du Canada sont abrogées. Une telle modification pose une difficulté très concrète aux personnes vivant l’itinérance partout au Canada et les prive de leurs droits associés à une composante importante du processus démocratique. Malheureusement, dans la plupart des cas, un remplacement complet de pièces d’identité dans les délais n’est tout simplement pas réalisable en raison des coûts et du temps qu’il requiert. Mais soyez assurés que les organisations concernées mettent tout en oeuvre pour y arriver. En somme, si le projet de loi C-23 est adopté tel qu’il a été rédigé, il aura des répercussions négatives sur un segment particulier de la population. Dans toute analyse de politiques, il s’agit là d’un important signal d’alarme.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Je vois que nous sommes dans les temps.
    Je donne la parole à M. Reid, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je commencerai par vous, monsieur Oudshoorn.
    Vous avez évoqué les formulaires d’attestation et l’usage que vous en faites. J’imagine que si quelqu’un se présente pour voter muni d’un formulaire d’attestation, il leur faut également une autre pièce d’identité. Ai-je raison de dire que cette attestation, à elle seule, n’est pas suffisante?
    Je vais devoir demander à un agent de services sociaux de répondre à cette question.
    Je m’étais fondé, pour poser ma question, sur ce que déclare le directeur général des élections sur son site Web concernant les documents à présenter. Il dit qu’il faut avoir un document original comportant le nom et l’adresse de l’intéressé, mais cela se trouve dans une rubrique où l’on dit: « Montrez deux pièces d’identité autorisées; toutes deux doivent mentionner votre nom et l’une d’entre elles doit également préciser votre adresse. »
    J’imagine que ce document constitue l’une des deux pièces, celle avec l’adresse.
    Je me demande donc si, en considérant cette pièce d’identité comme unique, sans qu’il soit besoin d’une autre, cela pourrait simplifier les choses. Mais j’imagine que vous n’êtes pas vraiment en mesure de répondre à cette question.

  (2020)  

    Je tiens en tout cas de mes collègues qui sont en contact direct avec nos assistés, à savoir les travailleurs sociaux, que le principal problème tient à la formule « réside en temps ordinaire et reçoit des services de ». Mes collègues remettent aux intéressés les lettres d’attestation qu’ils leur demandent, mais seulement lorsque la situation le permet.
    À titre d’exemple, si quelqu’un se présente au Centre intercommunautaire de santé, où l’on reçoit toutes sortes de prestations, les agents du centre ne savent pas nécessairement où l’intéressé réside en temps ordinaire. On est donc renvoyé en direction du foyer, lequel peut être un foyer où la personne est simplement venue pour la nuit, ou encore un foyer d’accueil fournissant un service spécifiquement nocturne, par exemple, pour la prise en charge des alcooliques ou pour permettre aux gens de se remettre avant de repartir.
    Encore une fois, c’est l’expression « réside en temps ordinaire » qui pose problème, si bien que la lettre rend service, mais pas dans tous les cas.
    J’étais sur le point de vous interrompre, et comme je déteste qu’on m’interrompe, je suis content que vous vous soyez arrêté de vous-même.
    Ne pensez-vous pas que cela constitue de toute façon un problème compte tenu du système de répondant? Lorsqu’une personne n’a pas vraiment de domicile fixe le jour du vote, il devient difficile de trouver quelqu’un qui réside dans la même circonscription et qui puisse faire office de garant, n’est-ce pas?
    Là, la situation est différente… Imaginons que je sois infirmier dans un dispensaire et que s’y présente quelqu’un que je connais, y compris son nom. Si ces données sont confirmées par celles qui figurent dans son dossier d’assisté et si cette personne vit dans la section de vote où j’habite moi-même, alors les conditions sont satisfaites.
    À mon avis, dans ce genre de situation, chacune des pièces du système, qu’il s’agisse du système de répondant ou de la lettre d’attestation, correspond à un scénario différent pour l’intéressé, et l’éventail actuel d’options est celui qui donne à tous les intéressés les meilleures chances de pouvoir voter.
    Vous avez compris que j’essaie de déterminer si l’on peut adapter la lettre d’attestation de manière à en améliorer l’utilité.
    Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre à cette question: si c’est le cas, je continuerai de m’adresser à vous, mais dans le cas contraire, je me tournerai vers d’autres témoins.
    Savez-vous si Élections Canada fournit un formulaire standard et vierge de toute mention?
    Oui, c’est le cas.
    Donc, ils ont un tel formulaire et c’est celui que vous utilisez.
    Nous imprimons le formulaire, lequel prévoit une section pour l’intéressé et que ce dernier doit remplir, et une section que doit remplir l’agence prestataire du service.
    Très bien. J’imagine donc qu’il conserve une liste des signatures autorisées des personnes qui travaillent dans ces foyers d’accueil?
    Je n’ai pas connaissance d’un tel détail.
    Peut-être, dans ce cas, pourrais-je poser la question à Mme Mulholland.
    J’ai noté que vous aviez dit: « Nous avons proposé d’utiliser les formulaires d’attestation pour nous porter garants des personnes qui n’ont pas de pièces d’identité. »
    J’ai une question concernant ce que je viens de citer, mais auparavant, j’aimerais savoir si vous pouvez répondre à la question que j’ai adressée à M. Oudshoorn concernant les formulaires.
    Je confirme que les formulaires que nous avons utilisés nous ont été fournis par Élections Canada. Nous avons reçu pour instructions, à travers l’agence à laquelle nous sommes affiliés, de mettre l’adresse de l’agence sur ces formulaires lorsque nous nous portons garants d’une personne sans domicile fixe. C’est ainsi que nous avons pu déclarer que nous connaissons les personnes, que c’est bien là leur adresse et que cela correspond au bassin de population visé.
    En d’autres termes, vous ne connaissez pas vraiment leur adresse, puisqu’ils n’ont pas de domicile fixe. Mais disons qu’en gros, vous savez qu’ils sont du coin et qu’il y a de fortes chances pour qu’ils relèvent de ce bureau de scrutin ou d’un bureau de scrutin voisin.
    Burnaby est très étendu géographiquement, avec un grand nombre de parcs où séjournent un grand nombre de personnes sans abri, si bien que l’on n’a pas d’autre adresse possible que celle de l’agence.
    Très bien, je comprends.
    Nous avons proposé que les formulaires d’attestation servent à se porter garant des personnes qui n’ont pas de pièces d’identité. J’imagine qu’il ne faut pas prendre à la lettre ce que vous avez dit, étant donné que les formulaires d’attestation et le système de répondant sont deux choses distinctes. Et je pense que vous pouvez émettre un formulaire d’attestation pour un certain nombre d’individus sans pour autant devoir vivre dans le même district électoral, à condition toutefois d’avoir une position de responsabilité, que ce soit dans une soupe populaire ou dans un foyer d’accueil, ou encore au sein de quelques agences bien déterminées.
    J’imagine donc, et je vous demande de bien vouloir le confirmer, que vous parlez de deux choses distinctes, n’est-ce pas?
    En effet.
    La personne qui a rempli ces formulaires avait comme fonction spécifique celle de surveillant du programme d’assistance aux sans-abri.
    Parfait, voilà qui m’aide à mieux comprendre.
    Monsieur Allen, vous avez décrit la façon dont vous obtenez que des personnes jouent le rôle de répondants auprès d’autres personnes afin de permettre à ces dernières d’ouvrir un compte à Pigeon Park Savings. J’imagine que c’est un système différent de celui mis en oeuvre par Élections Canada, mais je me trompe peut-être et il se peut que les deux systèmes soient identiques.
    J’imagine que la personne qui joue le rôle de répondant émet, d’une certaine façon, une sorte d’attestation, ou est-ce que je me trompe?

  (2025)  

    Disons que les choses se font au cas par cas. Cependant, il m’est arrivé d’ouvrir des comptes pour des personnes qui arrivent dans un nouveau contexte de logement; lorsque ces nouveaux venus ont comme voisin une personne qui a déjà un compte chez nous depuis quelque temps, c’est très analogue au cas d’un électeur présent depuis un certain moment dans la circonscription et qui figure sur la liste électorale. Le répondant nous dit alors: « Cette personne n’a pas actuellement de pièces d’identité mais elle a besoin d’ouvrir un compte et je peux me porter garant pour elle. » Dans ces conditions, j’ouvre le compte. Je précise que cette pratique n’a jamais donné lieu à la moindre fraude.
    Cette voie d’accès a été d’une immense utilité pour les personnes de notre quartier.
    Je l’imagine sans peine.
    J’imagine tout de même que ces gens déposent de l’argent et que le garant ne vous dit pas: « Je réponds de cette personne afin qu’elle puisse retirer de l’argent. »
    Est-ce bien le cas?
    Bien entendu, pour qu’il y ait de l’argent dans le compte, il faut qu’ils en mettent.
    Bien, j’ai compris.
    Je ne sais jusqu’où je vais pouvoir aller parce que j’ai encore du mal à me faire une idée du tableau.
    Est-ce qu’il me reste encore du temps?
    Votre temps est épuisé.
    Dans ce cas, je dois renoncer à poser cette question.
    Merci beaucoup de vos explications qui m’ont été très utiles.
    Nous passons à présent à Mme Latendresse, pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux commencer par remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je tiens à vous remercier tout particulièrement du travail que vous faites en général. Vous aidez les personnes les plus démunies de notre société. S'il n'y avait pas de gens comme vous, ces personnes n'auraient absolument rien. Je vous en remercie grandement.
    Nous examinons présentement les changements qui seront apportés à la Loi électorale du Canada. Entre autres choses, les gens ne pourront plus utiliser la carte d'information de l'électeur ni avoir recours à un répondant pour voter, et c'est problématique. Il est vrai que ces systèmes n'étaient pas utilisés par beaucoup de personnes. On sait qu'une grande majorité de Canadiens ont leur permis de conduire et que c'est suffisant pour voter. En réalité toutefois, ces deux mesures étaient le filet de sécurité pour s'assurer que tous les citoyens canadiens avaient le droit de voter. C'est un droit fondamental en vertu de notre Constitution.
    Les gens que vous représentez aujourd'hui sont ceux dont il est question ici, ceux qui, au bout du compte, sont oubliés par la société. Ces personnes ont quand même le droit de vote. Le recours à un répondant et le nouveau système d'utilisation de la carte d'information de l'électeur sont deux mesures qui permettaient de s'assurer que personne n'était laissé pour compte.
    J'ai ici des chiffres qui démontrent que, tout dépendant de la façon dont on calcule ce nombre, on compte présentement au Canada entre 300 000 et 900 000 personnes considérées comme des sans-abri ou des sans domicile fixe. C'est un nombre très élevé. Je ne l'aurais pas cru aussi élevé. Ce sont des gens comme vous qui doivent se débrouiller pour fournir la documentation nécessaire à ces gens pour qu'ils puissent voter. Déjà, ce que vous faites, c'est super bien. Or, cette mesure refile aux refuges de sans-abri et aux soupes populaires toute la responsabilité de fournir cette documentation. Selon moi, c'est mettre un poids énorme sur des ressources déjà surutilisées. Ces personnes n'ont pas beaucoup de temps ni d'énergie à consacrer à cela.
    Pourrais-je entendre vos commentaires à ce sujet et savoir ce que vous en pensez?
    Madame Mulholland, vous pouvez répondre la première, si vous le voulez.

[Traduction]

    Nous nous sommes donnés pour mission d’aider les personnes en difficulté, et nous ne nous sommes jamais préoccupés du temps qu’il faut consacrer à cette mission, car nous avons comme priorité d’aider les personnes à voter si elles le souhaitent.
    J’ajoute que l’idée de leur voir ôter cette possibilité nous inquiète beaucoup.
    J’aimerais ajouter quelque chose.
    Certains jours, nous sommes tout simplement débordés de travail dans notre quartier. Il se passe toutes sortes de choses, et si nous voulons venir en aide à quelqu’un pour qu’il puisse voter, qu’il s’agisse d’une personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant ou de quelqu’un ayant des problèmes de mobilité, ou encore s’il faut trouver une personne de leur comté afin qu’elle les accompagne et qu’elle joue le rôle de répondant, nous devons consacrer beaucoup de temps à organiser tout cela; mais nous savons aussi que sans cela, cette personne ne pourra pas voter.
    Tout cela est très bien, y compris les formulaires dont on a parlé. Il est bon également que tous les partis politiques s’affairent pour faire en sorte que leurs sympathisants aient tous leurs papiers en ordre avant le jour des élections. Cependant, lorsqu’il s’agit de personnes dont la marginalisation est extrême, le système de répondant offre une modalité supplémentaire sans laquelle ces personnes ne seraient pas habilitées à voter.
    Je comprends ce que vous voulez dire et nous essayons de mettre le plus grand nombre possible de personnes en condition de voter. Cependant, cela exige beaucoup de travail et nous aimerions avoir davantage de personnes qui nous aident dans ce sens. Cela augmenterait probablement l’incidence du vote des sans-abri, mais, lorsqu’arrive le jour des élections, il y a une limite à notre capacité d’intervention même si nous ne ménageons pas nos efforts.
    Mon équipe et moi-même essayons d’aider ces personnes de toutes les façons possibles, qu’il s’agisse de les transporter ou de les aider à se procurer les pièces nécessaires, ou encore de leur trouver un répondant allant de 8 heures du matin jusqu’à 8 heures du soir. Et je dois dire que nous sommes toujours déçus de n’avoir pas pu mettre la main sur tout le monde, mais c’est là une chose impossible.

  (2030)  

    Je voudrais souligner que ces agences opèrent avec des budgets limités et doivent par conséquent faire des arbitrages quant à leurs dépenses. En dernier ressort, ces agences s’efforcent toutes de mettre fin au sans-abrisme, c’est-à-dire de fournir aux personnes concernées un logement sûr, permanent et abordable. Il faut toutefois préciser que ces agences offrent parallèlement d’autres services, et elles sont nombreuses à disposer d’un fonds d’obtention de pièces d’identité qui prend partiellement en charge les frais de remplacement de ces documents.
    Plus nous consacrons de temps, d’énergie et de ressources à résoudre les problèmes des pièces d’identité, et moins il nous en reste pour mettre véritablement fin au sans-abrisme en donnant aux intéressés l’aide au logement dont ils ont besoin.

[Français]

    Je vais donner le reste de mon temps de parole à mon collègue.

[Traduction]

    J’aimerais, si vous le permettez, revenir sur la carte d’information de l’électeur. Les gens du gouvernement voient rouge lorsque nous parlons de carte d’identification des électeurs, mais nous pensons que c’est la bonne définition.
    Vous avez beaucoup d’expérience dans ce domaine. Je crois que c’est lors de l’audience précédente que quelqu’un nous a décrit les efforts qu’il faut déployer pour obtenir la carte d’identification de l’électeur — mais peut-être est-ce quelqu’un de votre groupe de témoins, excusez-moi si je me trompe —; toujours est-il que cette carte, associée au système de répondant, mettrait une personne en règle pour voter.
    Le directeur général des élections est en principe habilité à désigner toute pièce d’identité qu’il juge bon de retenir, à cette réserve près que le projet de loi aura pour effet d’interdire que l’on utilise la carte d’identification de l’électeur comme pièce d’identité. J’aimerais savoir de quelle manière cela affectera les personnes que vous souhaitez aider le jour de l’élection. Compte tenu de toutes les démarches qu’il faut accomplir pour obtenir ces cartes d’identification des électeurs, comment imaginer que ceux qui ont eu la chance de l’obtenir se voient refuser de l’utiliser comme pièce d’identification une fois arrivés au bureau de vote? Combien de Canadiens seront refoulés tout simplement parce que le document n’est pas reconnu comme pièce d’identité, d’après vous?
    Il est difficile d’imaginer quoi que ce soit de plus décourageant, parce qu’il s’agit de personnes qui ont accompli bien des efforts pour aller s’inscrire comme électeurs, ou qui avaient déjà voté par le passé. Nous parlons ici de citoyens canadiens actifs mais qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas de pièces d’identité le jour de l’élection. Il est probable qu’un grand nombre de personnes prendront pour acquis que cette carte leur permettra de voter, alors je vous laisse imaginer la déception de quelqu’un qui prend le temps nécessaire pour aller voter et puis qui apprend que le document qu’il utilisait par le passé n’est plus valable et qu’il ne peut pas voter. C’est tout à fait déprimant et je rejette une telle perspective.
    Merci.
    Merci, monsieur Christopherson.
    Avec votre permission.
    Certainement, veuillez être bref.
    Je vais tenter de vous décrire les personnes avec lesquelles nous travaillons souvent et qui ont ce problème. Par exemple, certaines d’entre elles ont une adresse permanente, qui peut même être une maison familiale, mais étant donné qu’elles traversent des cycles de pauvreté il leur arrive de traverser des périodes où elles sont sans logis, sans documents d’identité, si bien qu’avec ces allers-retours au domicile familial, il leur arrive aussi d’avoir des papiers d’identité.
    Je dirais qu’il y a une proportion importante de personnes qui vivent la double expérience du sans-abrisme et de la pauvreté, et qui risquent d’être privées du droit de vote parce qu’on leur refuse l’utilisation de cette carte.
    Je vous remercie.
    Ils disent que l’on veut favoriser le vote du plus grand nombre possible, mais là nous voyons qu’il y a des entraves.
    Monsieur Simms, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci d’être des nôtres aujourd’hui.
    Merci également de venir représenter la Colombie-Britannique.
    Je commencerai par M. Allen. J’ai été très intéressé par votre description du mécanisme que vous utilisez à Pigeon Park Savings, et je vais vous citer:
    
Vous voulez savoir comment nous nous y prenons pour ouvrir des comptes lorsqu’une personne n’a pas de document d’identité? Eh bien, tout comme pour la Loi électorale du Canada, nous appliquons un système de répondant, c’est-à-dire que nous demandons aux voisins, aux agents de l’aide financière ou à ceux de l’aide au logement, ou encore au personnel des dispensaires tels que les médecins et les infirmières et infirmiers, de se porter garants.
    Je cite à présent un passage décisif:
    
En 10 années d’exercice et après avoir ouvert des comptes pour plus de 10 000 personnes, nous n’avons jamais rencontré le moindre cas de fraude lié à une falsification d’identité.
    Monsieur Allen, votre déclaration est pour le moins affirmée, et elle concerne le domaine bancaire; c’est donc un contexte différent de l’exercice d’un droit constitutionnel, qui relève de l’article 3 de notre charte et de l’exercice du droit de vote.
    Les témoins qui vous ont précédé nous ont dit qu’il n’y avait pas véritablement d’incitation à la fraude dans un tel contexte. Cependant, pour une raison qui reste à déterminer, on voit peser sur notre débat une hypothèse particulièrement toxique, qui associe un certain soupçon au système de répondant et qui vient affaiblir le souci d’encourager les gens à voter. Êtes-vous d’accord avec mon impression?

  (2035)  

    Absolument. Comme je l’ai déjà dit, lorsque quelqu’un a un compte chez nous et que nous connaissons l’historique des transactions de ce compte, il y a un parallèle avec la liste électorale. Je veux dire par là que la confiance qui s’est établie autorise l’ouverture d’un compte pour que la personne puisse y déposer des chèques ou des espèces, que ce compte serve à des virements et qu’il soit assorti d’une carte de DAB et de la fourniture de services financiers.
    Cette façon de procéder en vigueur à Pigeon Park Savings Bank est essentielle pour nous, sinon nous n’aurions tout simplement pas de clients titulaires de comptes. Lorsque nous avons commencé, la quasi-totalité des comptes que nous ouvrions concernait les personnes qui avaient perdu une bonne partie de leurs attributs civiques, par exemple des sans-abri auxquels les autres institutions financières avaient retiré leurs services — précisément parce ces institutions exigent que l’on ait un document d’identité en cours de validité, avec des critères très semblables à ceux que pourrait imposer le projet de loi C-23.
    Nous-mêmes avons des dossiers sur des milliers de personnes et nous faisons tout notre possible pour leur procurer une identification. Cependant, comme l’ont dit des intervenants précédents, ce n’est pas facile d’exhumer le certificat de naissance d’une personne, ou encore de retrouver son NAS, et même d’avancer l’argent pour obtenir une carte d’identification du ressort de la Colombie-Britannique. J’ajoute que les personnes souffrant de problèmes mentaux ont beaucoup de mal à faire preuve de la patience nécessaire pour une telle entreprise et, comme vous l’imaginez facilement, lorsqu’il s’agit de toxicomanes cela pose des problèmes supplémentaires.
    Je ne veux pas dire par là qu’il faudrait retirer le droit de vote à certaines catégories de personnes. Je pense que la personne souffrant de troubles mentaux et de toxicomanie, sans abri de surcroît, doit néanmoins rester habilitée à voter, quoi qu’en pensent ceux qui voudraient leur retirer tous les privilèges. Je suis d’avis que ces personnes sont capables de participer au processus démocratique et que l’on doit leur en reconnaître le droit. Même si l’on ne parle pas beaucoup des enjeux de certaines élections, les gens se mobilisent autour du processus électoral et je trouve extrêmement décourageant qu’on veuille leur en retirer la possibilité. Je pense que cette injustice est bien illustrée dans ce qui se passe dans le Downtown Eastside, où l’on peut observer ce phénomène à une échelle systémique compte tenu de la forte concentration de pauvres.
    Je crois aussi que les règles sont déjà très restrictives et qu’il faut accomplir un véritable parcours d’obstacles pour pouvoir voter. Alors, leur retirer la possibilité même d’entreprendre ce parcours serait quelque chose de tragique.
    Vous considérez donc qu’il s’agirait d’une grave privation de droit. Pensez-vous que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, la participation aux prochaines élections en sera fortement modifiée?
    Oui, je le crois.
    Très bien.
    Monsieur Oudshoorn, j’aimerais entendre vos commentaires sur la question que je viens de poser concernant le système de répondant. Mais je voudrais aussi revenir sur l’une de vos déclarations, qui a retenu mon attention: vous avez dit que l’attestation comportait une grosse lacune, alors que beaucoup de gens nous ont dit qu’une telle attestation serait une véritable panacée en matière de garantie. Pourriez-vous nous décrire plus en détail la lacune dont vous parlez?
    Bien volontiers. Lorsqu’on met en parallèle la phraséologie utilisée pour l’expression « réside en temps ordinaire » et pour la définition du sans-abrisme, on voit qu’elles ne convergent pas. S’agissant des foyers d’accueil, l’éventail de services que nous offrons nous permet de résoudre le problème dans certains cas. Mais, pour la majorité des intéressés, il s’agit de personnes sans abri n’ayant pas d’emploi correspondant à la notion de « résidence ordinaire ».
    Toutes mes excuses, madame Mulholland, je ne voulais certainement pas vous tenir à l’écart. Avez-vous des observations concernant ce dont il est question?
    Je voudrais simplement renforcer l’idée que le fait d’exclure les gens de voter dans leur propre pays parce qu’ils sont pauvres — alors que la pauvreté induit toute une série de difficultés — est une idée infiniment décourageante, qui mine toutes les personnes avec lesquelles je travaille.
    Merci beaucoup.
    Est-ce qu’il me reste un peu de temps?
    Il vous reste une minute et demie, monsieur Simms.

  (2040)  

    Ah pauvre de moi.
    J’en connais qui ne manqueraient pas cette occasion.
    Votre générosité est infinie.
    Il y a un problème dont nous n’avons pratiquement pas débattu aujourd’hui, et c’est le fait que l’on a limité le mandat d’Élections Canada à la fourniture d’informations purement factuelles telles que l’emplacement des bureaux de scrutin et la date du vote, ce qui est une bonne chose en soi, mais on lui a coupé les ailes pour ce qui est d’encourager les gens à voter, à leur faire comprendre les enjeux de l’élection à travers une meilleure communication et une meilleure information. Est-ce que cela vous préoccupe également, monsieur Oudshoorn?
    Bien entendu, et j’ajoute que les gens doivent être informés de ce qui se passe. À ce propos, je tiens à souligner à l’intention de votre comité que, selon moi, les sans-abri sont tout à fait à l’écoute politiquement parlant, si j’en crois l’avidité avec laquelle ils suivent les nouvelles au niveau local et lisent assidûment les journaux dans les soupes populaires et les foyers d’accueil.
    À mon avis, les sans-abri sont des personnes au fait de la chose politique et bien informées. Les questions à l’ordre du jour ont souvent une incidence directe sur leurs conditions de vie et de subsistance, comme le démontrent les différentes plates-formes électorales des partis en lice. Je suis convaincu que la publicité faite à la campagne électorale est un élément important, mais peut-être dans une moindre mesure pour la population que je connais le mieux.
    Merci, monsieur Simms.
    Nous passons à présent à M. O'Toole pour une période de quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd’hui et du travail qu’ils accomplissent.
    Je crois que le problème de fond, ici, c’est la participation électorale. Dans une étude qui remonte à 2007, Élections Canada a désigné le sans-abrisme comme l’un des obstacles importants à cette participation, en indiquant que les sans-abri sont l’une des trois catégories qui connaissent des difficultés particulières dans ce domaine.
    Vous nous dites, à l’instar des témoins précédents, que ces personnes sont submergées par le quotidien, ce qui explique leur faible taux de participation. Cependant, des experts qui sont venus témoigner devant nous à propos de la situation au Canada et aux États-Unis nous ont dit que la participation électorale n’a que très peu de corrélations avec les questions d’identification ou avec les obstacles bureaucratiques, et qu’elle tient davantage à toute une série de facteurs socio-économiques et autres.
    M. Simms nous dit que le système de répondant suscite des soupçons. Je citerai, à ce propos, le rapport Neufeld soumis par Élections Canada, dans lequel on lit que le taux d’erreur lié au système de répondant varie de 46 à 80 %.
    Enfin, tant M. Oudshoorn que M. Allen nous ont décrit les difficultés que présente l’application de ce système. Monsieur Allen, vous dites que cela mange beaucoup de temps au cours de la journée. Quant à M. Oudshoorn, il vous a dit que lorsqu’un sans-abri dépourvu de pièces d’identité entre dans une agence et manifeste le désir de voter, il faut l’apparier avec quelqu’un en mesure de se porter garant. Or, comme l’a déclaré M. Reid, cet appariement avec les garants semble beaucoup plus difficile à réaliser que la simple rédaction d’une attestation.
    J’ai bien compris les préoccupations que suscite le recours aux attestations, notamment en raison du concept de résidence ordinaire. Et si Élections Canada mettait au point une attestation simplifiée, sur une page seulement, qui permettrait à une personne de se qualifier comme résident ordinaire même si on ne l’a pas aperçue dans le foyer depuis quelque temps? Est-ce que cela ne simplifierait pas les choses pour des associations telles que les vôtres, qui opèrent en première ligne? Vous pourriez ainsi utiliser ces attestations simplifiées pour encourager la participation électorale plutôt que de devoir apparier les gens, le jour de l’élection, en leur faisant porter des maillots appropriés? Qu’en pensez-vous?
    J’ai tendance à être d’accord. Le recours au système de répondant est plus lourd que la lettre d’attestation. À l’heure actuelle, il prend le relais lorsque la lettre d’attestation ne convient pas ou lorsque nous ne pouvons pas la fournir. Dans ce cas, nous recourons au système de répondant. Je pense en effet qu’une modification de la lettre d’attestation simplifierait les choses. Ainsi, s’il suffit d’attester que la personne reçoit régulièrement des prestations dans le centre, plutôt que de parler de résidence ordinaire, alors oui, l’attestation simplifie la procédure. Cependant, en l’état actuel des choses, la lettre d’attestation ne convient pas dans tous les cas, si bien que le système de répondant vient combler très utilement une lacune.
    Ma collègue Mme Latendresse nous dit que le recours aux attestations représente une énorme charge de travail, mais si je comprends bien, vous nous dites qu’une fois modifiée, l’attestation pourrait être plus facile d’utilisation que l’appariement dans le cadre du système de répondant.
    Je précise que l’attestation, dans sa forme actuelle, ne comporte qu’une seule page et qu’elle est relativement simple. Je dois tout simplement décliner mon identité, dire où je travaille, indiquer qui est l’intéressé et où cette personne travaille et enfin où elle réside ordinairement et où elle reçoit les prestations. Il suffirait d’en modifier le libellé pour qu’elle soit plus efficace.

  (2045)  

    Je m’adresse à présent à M. Allen ou à Mme Mulholland pour leur demander ce qu’ils en pensent et si la simplification de l’attestation contribuerait à augmenter la participation électorale.
    Je pense que tout ce qui peut stimuler la participation électorale est une bonne chose. Mais je ne crois pas qu’il faille opter pour un système à l’exclusion de l’autre. Nous pouvons garder le système de répondant et l’attestation de manière à les utiliser en fonction des circonstances.
    Si vous me permettez d’exprimer mon point de vue, je crois que la participation…
    Vous pourriez exprimer votre point de vue si vous aviez davantage de temps, mais comme tel n’est pas le cas, nous allons passer à M. Scott, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi de dire, à propos de la question posée par M. O'Toole, que si lui et ses amis du gouvernement étaient disposés à entamer un dialogue visant à redéfinir le mot « adresse » dans la loi, afin que la lettre d’attestation… puisse s’appliquer aux personnes qui reçoivent les prestations mais sans aller jusqu’à exiger qu’elles résident ordinairement dans le centre où ces prestations sont fournies, alors nous aurions sans aucun doute une piste pour une solution. Et pourquoi pas?
    Parallèlement, comme l’a dit M. Allen, pourquoi ne pas conserver le système de répondant comme filet de sécurité et se défaire des cartes d’information de l’électeur? Elles proviennent d’une fusion de bases de données dont on n’a pas démontré qu’elles étaient à l’origine de fraudes.
    Monsieur Oudshoorn, permettez-moi de vous complimenter, vous et vos collègues de London, du travail d’entraide citoyenne auquel vous vous consacrez, qui est une grande source d’inspiration. Je me bornerai à m’associer aux propos de Mme Alexandrine Latendresse, à savoir que l’élimination pure et simple du système de répondant, sans mécanisme de remplacement garanti, serait une absurdité.
    Monsieur Allen, vous avez employé une métaphore qui m’a frappé en parlant de la course d’obstacles, car je pense que si quelqu’un est disposé à se lancer dans cette course, c’est trop cruel de l’en empêcher. Merci d’avoir su trouver une description aussi appropriée et aussi poignante.
    J’aimerais prolonger les questions posées par M. Reid, notamment ses questions fort pertinentes concernant l’ouverture du compte en banque. Je dois dire que je décèle ici un paradoxe, car si l’on peut se porter garant pour ouvrir un compte en banque — et vous nous dites qu’il y a eu une dizaine de milliers de cas sans la moindre fraude portée à votre connaissance — ,j’imagine que l’on a dû trouver un moyen de faire la preuve du domicile à travers les procédures établies par la banque; or, cela répond à la question de la deuxième pièce d’identité que les gens pourraient ne pas avoir. Dans ce cas, pourquoi ne pas autoriser le système du répondant comme système prioritaire, si l’on peut ainsi obtenir une adresse valable?
    Une voix: Bravo, bravo!
    M. Craig Scott: J’ai vraiment l’impression que nous tournons en rond. Nous ne faisons pas confiance aux gens, alors même que l’exemple que vous nous avez proposé démontre que si l’on sait faire confiance… Quelle preuve y a-t-il, selon vous, que les gens risquent davantage de tricher le jour des élections qu’à l’occasion de l’ouverture d’un compte en banque?
    Vous parlez là de choses que je connais bien en tant que gestionnaire de banque, et j’atteste qu’il n’y a pas eu de cas de falsification d’identité. Bien sûr, on peut imaginer que quelqu’un aille subtiliser un chèque dans une boîte à lettres pour ensuite demander à quelqu’un de se porter garant afin qu’il puisse ouvrir un compte et encaisser le chèque… Mais cela ne se produit tout simplement pas. Lorsque nous avons un titulaire de compte qui répond de quelqu’un d’autre, tout comme cela se fait pour la liste électorale, c’est là un mécanisme qui a permis à des milliers de personnes d’ouvrir un compte en banque, et, s’agissant des élections, de voter le jour des élections. Je n’ai jamais rencontré un seul cas de falsification d’identité, pas un seul, pendant les 10 années où j’ai travaillé dans ce quartier.
    Je vous remercie.
    Madame Mulholland, souhaitez-vous ajouter quelque chose pendant les 30 secondes qu’il nous reste?
    J’ajouterai simplement qu’il s’agit d’être capable de faire confiance aux gens et de prévoir les mécanismes leur permettant de participer. Il faut aussi admettre qu’il n’est pas juste de pénaliser les gens parce qu’ils sont pauvres, parce que c’est la pauvreté qui est à l’origine de leurs problèmes d’identification. Il est essentiel, si nous voulons apporter un appui à tous nos concitoyens au sein d’une société démocratique, de conserver ces deux mécanismes à la fois.

  (2050)  

    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Scott.
    Nous passons à présent à M. O'Toole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais poursuivre mes questions sur ce sujet important, en vous demandant de vous reporter au rapport d’Élections Canada de 2007 intitulé La participation électorale des personnes présentant des besoins spéciaux. On trouve dans ce rapport des recommandations, notamment concernant les bureaux de vote itinérants et l’assistance dans ce domaine. Je rappelle une chose que nombre de Canadiens ne savent peut-être pas, à savoir que les réformes électorales de 2000 permettent de recourir aux foyers d’accueil pour répondre aux critères de résidence, et cette disposition est nouvelle. Mme Barr, qui a comparu devant nous au nom de Chez Toit, a été l’une des nombreuses participantes aux tables rondes organisées avec Élections Canada, et peut-être bien vous aussi.
    C’est ainsi que l’on est arrivé à notre fameuse liste de 39 pièces d’identité, dont la lettre d’attestation fait partie. Je voudrais donc vous remercier pour le cas où vous auriez participé, comme l’a fait Mme Barr. Cela dit, il est important de faire une distinction entre les difficultés que pose le système de répondant et la participation électorale. Le système de répondant intervient lorsque l’identification fait défaut. L’étude menée par M. Neufeld sur la base des élections de 2011 et de certaines élections partielles, dont la mienne, indique que non seulement ce système a posé des problèmes de mise en oeuvre, mais qu’il a également entraîné un taux d’erreur considérable puisque l’on a parlé de 46 % d’erreurs graves — je signale qu’un tel taux est, selon les tribunaux, de nature à faire invalider le résultat. Je voudrais donc dire que les erreurs liées à l’application du système de répondant auquel nous essayons de remédier n’ont pas d’incidences sur les difficultés de participation au vote que peuvent rencontrer les sans-abri.
    Madame Mulholland, vous avez dit que la pauvreté ne doit pas constituer un obstacle. Dans l’esprit de ce que je disais auparavant à propos de l’attestation, avez-vous constaté, depuis 2000 et jusqu’à l’instauration de l’attestation, une utilisation accrue des foyers d’accueil, et avez-vous constaté une meilleure participation électorale?
    Nous n’avons pas de foyers d’accueil à Burnaby, si bien que nous ne sommes pas en mesure de participer dans les mêmes conditions que les autres municipalités.
    Avez-vous observé d’autres choses, par exemple une évolution depuis la réforme de 2000 jusqu’à l’adoption de l’attestation; est-ce que cela a amélioré le taux de participation des sans-abri ou des personnes séjournant dans les foyers d’accueil?
    Je n’ai pas de chiffres là-dessus, mais je voudrais souligner que la lettre d’attestation découle directement du secteur d’aide aux sans-abri, et que cela remonte avant mon époque. En ce temps-là, j’avais davantage de cheveux, moins de diplômes et je ne travaillais pas encore dans ce secteur. Cela a été conçu de façon complémentaire au système du répondant et les deux mécanismes devaient coexister. Lorsqu’on a recommandé la lettre d’attestation, il n’était pas question de se passer du système de répondant.
    D’après votre expérience du système de répondant, il semble que le fait d’apparier les personnes présente des difficultés, notamment le fait que l’on ne peut répondre que d’une seule personne.
    En effet.
    Comment vous y prenez-vous pour identifier ces personnes, je ne veux pas parler des gens qui ont besoin d’assistance mais de ceux qui sont en mesure de jouer le rôle de garant?
    Pour commencer, il faut faire savoir aux gens que les élections approchent, notamment avec les pancartes qui disent: « Demandez-nous comment faire pour voter. » Il faut aussi faire savoir aux prestataires qu’ils peuvent se proposer comme répondants, et ensuite essayer de regrouper les gens. Par exemple, si vous travaillez dans une agence — je ne veux pas dire un bureau de vote — , que trois ou quatre personnes déclarent qu’elles désirent voter et que toutes se connaissent pour avoir vécu ensemble dans des foyers mais n’ont pas nécessairement de pièces d’identité, vous pouvez les regrouper au moment du vote.
    Est-ce qu’il ne serait pas plus facile que vos bénévoles aient à leur disposition une pile d’attestations qu’ils peuvent remplir lorsqu’ils reconnaissent quelqu’un?
    Encore faudrait-il que le libellé de l’attestation réponde aux besoins. On ne peut pas remettre une attestation comme ça, à toute personne qui se présente dans l’agence.
    Mais s’il s’agit d’une personne que vous reconnaissez parce qu’elle a séjourné dans le foyer?
    Si l’on peut effectivement attester que le foyer était la résidence ordinaire de la personne, la réponse est oui.
    Merci.
    Je voudrais remercier tous nos témoins. Merci, monsieur Oudshoorn, madame Mulholland et monsieur Allen. Merci de nous avoir fait profiter de vos points de vue et merci, également, pour le travail que vous accomplissez, ainsi que de l’aide que vous nous avez apportée ce soir en témoignant devant nous.
    La séance est levée.
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