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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 111 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 18 mars 2019

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Le groupe de témoins d'aujourd'hui compte le Dr Oyedeji Ayonrinde, professeur agrégé du Département de psychiatrie de Queen's University, et Mme Yasmin Hurd, professeure en psychiatrie et neuroscience à la Icahn School of Medicine at Mount Sinai.
    À titre personnel, nous avons le Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, et Andrew Baldwin-Brown, cofondateur de Spartan Wellness.
    Nous allons commencer par votre témoignage, docteur Ayonrinde.
    Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Merci de m'avoir invité à témoigner devant vous à propos de la question importante qu'est l'effet du cannabis médical sur le bien-être des anciens combattants.
    À Queen's University, à Kingston, je suis professeur agrégé en psychiatrie et directeur médical du Programme d'intervention précoce en psychose pour le Sud-Est de l'Ontario. J'occupe également un poste interdépartemental avec le département de psychologie, et je détiens des accréditations en psychiatrie et en dépendances.
    Mes recherches relatives au cannabis examinent les connaissances et les attitudes liées au cannabis, et les avantages perçus de celui-ci dans les différents groupes démographiques; la consommation de cannabis et les troubles mentaux, principalement la psychose, l'anxiété et le trouble de stress post-traumatique; et la quantification objective des produits de cannabis. Dans ce contexte, nous sommes en train de créer une clinique pour les consultations liées au cannabis en nous fondant sur les données actuelles relatives à la réduction du risque de subir des méfaits chez les jeunes et les jeunes adultes.
    J'ai également participé à un certain nombre d'initiatives menées avec les Forces armées canadiennes, Santé Canada et des professionnels de la santé visant à mieux comprendre les produits de cannabis et leur incidence potentielle sur la santé mentale de certaines personnes.
    Les anciens militaires et leurs familles font d'énormes sacrifices tout au long de leur carrière et, dans certains cas, pendant de nombreuses années après la fin de leur service actif. À titre de psychiatre ayant travaillé, au fil des ans, avec un certain nombre d'anciens combattants et leurs familles, j'aimerais souligner ce sacrifice; les conséquences sur leur santé peuvent être physiques, psychologiques, ou les deux.
    Je soutiens la prise de décisions objective et fondée sur des données par des adultes informés relativement à la consommation de cannabis médical ou récréatif, tout en préconisant la limitation des risques pour les enfants, les adolescents et les jeunes.
    Bien que le cannabis soit consommé à des fins médicales depuis des centaines d'années, l'établissement d'une base scientifique probante aussi rigoureuse que celle utilisée pour appuyer l'utilisation de médicaments et de préparations pharmaceutiques n'en est qu'à ses débuts. Nous possédons de plus en plus de données sur les effets médicaux du cannabis. Toutefois, beaucoup plus de recherches doivent être réalisées. Certains des cadres législatifs actuels sur le cannabis font du Canada un chef de file dans ce domaine. De même, nous ne pouvons ignorer certains cas isolés de personnes consommant du cannabis pour soulager leurs symptômes, comme nous l'avons constaté lors de la conception d'autres médicaments.
    Dans le cadre de mon exposé, j'aimerais présenter le cadre relatif au cannabis médical fondé sur les trois P: le patient, le praticien et la plante sous forme de pilule. Le patient, avec ses idiosyncrasies individuelles, comprend les comorbidités, l'incidence sur la famille et les facteurs socioéconomiques qui influent sur la santé ou le bien-être. Je parlerai des praticiens, de leur expérience, de leurs connaissances et de leur attitude, et du cannabis, une plante sous forme de pilule utilisée à des fins médicales.
    Pour ce qui est du patient, d'après mon expérience de travail auprès d'anciens combattants, j'aimerais formuler quelques observations, en commençant peut-être par la plus évidente. Les anciens combattants qui souffrent de problèmes de santé ont parfois de la difficulté à s'adapter et à négocier leur nouvelle identité et leurs nouveaux rôles en dehors de l'armée, notamment avec leurs enfants, leurs parents, leurs partenaires et leur réseau de soutien par les pairs.
    Les anciens combattants comprennent aussi bien des jeunes à la fin de l'adolescence que des membres âgés de nos communautés. Cette différence d'âge fait qu'il existe également des différences en matière de maturité cérébrale — avant 25 ans, chez certains — et de répercussions mentales de l'exposition à différentes substances et situations. En outre, le type d'affectation pourrait influer sur l'exposition ou la réexposition à des traumatismes. Cette exposition et la réponse des personnes touchées ne sont pas homogènes.
    Par exemple, le trouble de stress post-traumatique, qui est un trouble mental, compte des composantes subjectives et expérientielles propres à chaque personne, qui ne peuvent pas être généralisées. C'est également le cas de la douleur et des symptômes liés au sommeil. La distribution individuelle des systèmes endocannabinoïdes dans le corps pourrait également interagir avec le cannabis de façon différente chez chacun de nous.
    Les pilules ne contiennent pas une forme unique de cannabis, et lorsque l'on fait référence au cannabis, on parle d'une gamme très large et hétérogène de produits végétaux qui possèdent des composantes de base communes, dont la concentration diffère. On parle du THC et du CBD, mais il en existe bien d'autres.
    Concernant la normalisation, bien que certains produits du cannabis homologués, comme les gels, aient été élaborés en fonction de normes strictes, la quantification et la normalisation d'autres produits, comme les fleurs séchées, sont moins précises. Par exemple, il peut exister des variations considérables dans la composition d'un joint fumé, notamment quant à la taille d'un joint, à la concentration en THC, au taux de THC par rapport au taux de CBD et aux profils de terpène. Certaines conclusions précoces tirées des recherches que j'effectue en ce moment ont permis de déterminer que la concentration de THC en milligrammes était 65 fois plus élevée dans certains joints que dans d'autres.

  (1555)  

    Pour ce qui est du dosage, plusieurs facteurs peuvent avoir un effet sur la dose de produit du cannabis actif libérée dans le corps: la concentration, la quantité consommée, la méthode de consommation — il peut être fumé, ingéré ou utilisé en application topique — et le degré de tolérance d'une personne. En outre, lorsque le cannabis est fumé, on relève d'importantes différences de dosage en fonction de la méthode d'inhalation, par exemple, en fonction du temps de rétention de la fumée dans la bouche et de la fréquence des bouffées, pour n'en citer que deux. Par conséquent, des recherches supplémentaires doivent être réalisées pour cerner les doses optimales ou les régimes de dosage pour chaque trouble et en fonction du style de consommation.
    En ce qui concerne les effets secondaires, comme de nombreux produits consommés à des fins médicales, le cannabis peut causer toute une gamme d'effets nocifs ou indésirables. Certains de ceux-ci peuvent être déterminés par l'hérédité, comme le risque de psychose chez certaines personnes, tandis que d'autres peuvent indiquer une relation dose-effet directe. En outre, les effets néfastes peuvent refléter le taux des produits, et cela doit être étudié de façon plus approfondie.
    Pour ce qui est des interactions avec les médicaments, un certain nombre d'anciens combattants ont reçu un traitement pour différents problèmes de santé qui pourraient ou non être directement liés à leurs obligations militaires. Par exemple, une personne souffrant de trouble de stress post-traumatique, de cardiopathie et de difficultés respiratoires pourrait prendre plusieurs médicaments, ce qui nécessite l'intervention de spécialistes. Les interactions entre les médicaments peuvent influer sur l'efficacité globale de nombreuses interventions relatives aux problèmes de santé lorsque différentes substances sont utilisées avec le cannabis.
    Concernant la comparaison des risques par rapport aux avantages de chaque produit du cannabis médical, la méthode de consommation et d'application exige une réflexion minutieuse, et il n'est pas rare que certaines personnes tolèrent des effets néfastes parce que les avantages sont supérieurs à ceux-ci.
    Le P suivant désigne le professionnel de la santé. Beaucoup de praticiens, sinon la majorité d'entre eux, n'ont été que peu exposés à la médecine militaire. Le caractère limité de leur connaissance de l'expérience militaire peut engendrer des lacunes thérapeutiques. En conséquence, un ancien combattant qui cherche à obtenir de l'aide doit remédier aux lacunes du professionnel de la santé. L'élaboration de programmes d'enseignement médical en médecine militaire ou la création d'une faculté d'anciens combattants qui participeraient à la formation médicale pourrait permettre de combler ces lacunes et, inévitablement, d'améliorer l'expérience des soins. De plus, l'expérience des praticiens relative aux cannabinoïdes est également assez limitée, et il peut leur rester des préjugés du temps où ils devaient dire que le cannabis était mauvais pour la santé.
    Je vais maintenant parler du caractère inadéquat des données à l'appui de la confiance clinique en l'absence de numéros d'identification du médicament sur les produits du cannabis. La diversité des cannabinoïdes et leurs effets exigent une quantité bien plus importante d'information médicale et de formation. Avec une autorisation, et en utilisant du cannabis acheté auprès d'un producteur autorisé, les patients et les professionnels de la santé sont mieux informés sur le contenu produit, et ont le devoir de surveiller les réactions et les effets. L'élaboration d'un soutien offert par des centres d'excellence de la recherche en santé des anciens combattants recevant un financement central, comme l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, et des collaborations internationales, pourrait améliorer cela.
    J'aimerais faire quelques brefs commentaires sur les sujets d'étude. Étant donné que ceux-ci sont très vastes, je limiterai mes observations aux thèmes que je comprends et au sujet desquels je possède des connaissances.
    Tel que mentionné plus tôt, le nombre de grammes, par exemple, trois grammes de fleur séchée, représente une gamme très vaste et non normalisée de concentrations de THC et de taux de THC par rapport au CBD, ce qui engendre des différences en fonction de la condition de santé, du métabolisme et de la tolérance de chacun. Bien que l'on puisse considérer qu'il s'agit d'une forte consommation pour un usage récréatif, il y a une distinction à faire pour la réduction de symptômes particuliers et l'usage médical, et nous devons réaliser plus de recherches pour mieux comprendre cela.
    Les recherches actuelles sur l'utilisation du cannabis pour le traitement du trouble de stress post-traumatique et de la douleur chronique indiquent que pour le trouble de stress post-traumatique, il existe de nouvelles preuves des avantages présentés pour certaines personnes; toutefois, aucun essai clinique randomisé à grande échelle n'a été réalisé, et les études devraient s'appuyer sur des données plus précises en matière de dosage et de composition. Par exemple, l'usage fréquent de cannabis à concentration élevée en THC par les jeunes anciens combattants pourrait engendrer chez eux des symptômes psychotiques, ou aggraver leur état de santé mentale, en particulier s'il existe des antécédents familiaux. Pour ces raisons, les données sont peu concluantes et devraient pour l'instant être examinées au cas par cas.
    Pour ce qui est de l'accès aux praticiens de santé pour obtenir une autorisation médicale, les professionnels de la santé qui possèdent une connaissance approfondie de l'armée ou du bien-être des anciens combattants et qui peuvent fournir des autorisations médicales pour la consommation de cannabis sont rares. Concernant les anciens combattants, un programme de formation et d'accréditation particulier destiné aux praticiens, offert de concert avec des écoles de médecine, pourrait permettre de combler ces lacunes.
    Pour ce qui est de l'effet de la légalisation du cannabis récréatif sur l'utilisation du cannabis médical chez les anciens combattants, celle-ci présente à la fois des obstacles et des avantages pour la compréhension de l'utilisation du cannabis médical. Des recherches sur l'utilisation à des fins récréatives nous permettent de nettement mieux comprendre la réaction physiologique, les effets du dosage et les effets secondaires du cannabis sur les personnes en bonne santé et souffrant de toutes sortes de problèmes de santé. Ces nouvelles connaissances permettront, en fin de compte, d'accroître les connaissances scientifiques sur le cannabis médical. Chez les anciens combattants, la possibilité de consommation simultanée de cannabis médical et récréatif peut poser des problèmes de dosage et de surveillance.

  (1600)  

    J'aimerais formuler d'autres observations sur l'établissement d'un registre d'information national et de conseils particuliers destinés à l'armée, ainsi que de campagnes d'information conçues avec sensibilité pour les familles de militaires et adaptées à celles-ci.
    Voilà qui conclut mes réflexions préliminaires sur les sujets d'étude, et je me ferai un plaisir de répondre aux questions ou de préciser certains points. Merci de m'avoir donné l'occasion de vous en faire part.
    Merci.
    Madame Hurd.
    Merci de m'avoir invitée à m'exprimer sur ce thème essentiel, qui est si important pour les anciens combattants et notre société.
    Je suis Yasmin Hurd. Je suis la directrice de la Addiction Institute de la Icahn School of Medicine à New York, en plus d'être professeure en psychiatrie, en neuroscience et en sciences pharmacologiques. Je suis aussi une neuroscientifique dont les études sur les cannabinoïdes liées à la réduction des opioïdes et aux troubles psychiatriques connexes ont été reconnues à l'échelle internationale.
     Les anciens combattants ont toujours été des pionniers qui se battent pour des libertés que nous tenons souvent pour acquises. Malheureusement, dans certains cas, cette mission leur fait courir d'énormes risques, même lorsque la bataille sur le terrain est terminée. Nombre d'entre eux mènent alors un nouveau combat, qui est encore plus difficile que celui mené sur le champ de bataille. Un pourcentage important d'anciens combattants souffrent de trouble de stress post-traumatique, de dépression, de douleur chronique et de troubles liés à la toxicomanie. Ces problèmes sont tous liés. Par exemple, la douleur chronique a poussé beaucoup d'entre eux à consommer des opioïdes sur ordonnance. Comme de nombreuses personnes, les anciens combattants ne connaissaient simplement pas les conséquences que peuvent avoir des opioïdes si puissants, notamment le risque tragique de dépendance. Nous savons désormais que l'utilisation d'opioïdes sur une longue période crée une forte dépendance, qui a causé la mort de millions de personnes en Amérique du Nord, et engendré un fardeau économique important et la destruction de nombreuses familles et communautés.
     Le cannabis a été proposé à titre de nouvel agent pharmacologique servant à soulager la souffrance mentale et physique des anciens combattants. Malgré le caractère limité des recherches scientifiques, l'utilisation du cannabis a été largement présentée comme une façon de réduire la douleur chronique, le trouble de stress post-traumatique, l'anxiété et la dépendance aux opioïdes. Cela a eu des conséquences réellement malheureuses, car le public et les anciens combattants croient, à tort, que la marijuana peut être un remède à ces problèmes de santé.
    En tant que scientifique, il y a maintenant plus de 10 ans, j'ai lancé des études sur le cannabidiol, le CBD, cannabinoïde non intoxicant, à titre de traitement possible contre l'abus d'opioïdes. Nous avons en effet observé son efficacité pour réduire l'anxiété et le besoin de consommer des opioïdes. Toutefois, ces études en sont encore aux premières étapes de leur développement et nécessitent plus de soutien. Il nous manque toujours d'importantes données de recherche sur l'efficacité du cannabis pour le traitement de tous ces troubles. Toutefois, des exemples anecdotiques ont poussé de nombreuses personnes, y compris des anciens combattants, à commencer à fumer de la marijuana. Le fait de fumer quoi que ce soit pose des risques importants pour la santé.
    Au lieu d'utiliser des médicaments dont l'efficacité est prouvée par des données scientifiques, il semble que le marché canadien a développé ces nouveaux produits de santé fabriqués à partir du cannabis sans réaliser les essais cliniques nécessaires et les recherches indispensables pour vérifier leur sécurité et leur efficacité. En conséquence, les anciens combattants, comme de nombreuses personnes dans notre société, croient à tort que le cannabis récréatif et le cannabis médical sont une seule et même chose. Ce n'est pas le cas.
    Nous devons de toute urgence diffuser à tous des renseignements adéquats. Nous devons nous engager à réaliser les essais cliniques nécessaires et à travailler en partenariat avec des producteurs de cannabis non récréatif autorisés pour élaborer des médicaments réels, sûrs et efficaces que le département des anciens combattants puisse réellement soutenir pour le traitement des anciens combattants. Le département des anciens combattants doit repérer les entreprises qui sont réellement engagées à mettre au point des médicaments.
    Nous devons également développer des formules médicinales. Nous devons connaître les cannabinoïdes, notamment les caractéristiques du CBD ou du cannabis en spectre complet, la dose et la concentration des produits, dont il a été question plus tôt, le régime de dosage et les modes d'administration, comme les capsules ou l'inhalation, qui fonctionnent le mieux pour assurer un soulagement stable de la douleur, du trouble de stress post-traumatique et de la dépendance, tout en limitant les effets secondaires. Encore une fois, nous ne voulons pas faire courir de nouveaux risques aux anciens combattants parce que nous nous dépêchons de commercialiser la marijuana récréative à titre de médicament. Bien qu'il soit facile de faire passer les joints récréatifs pour des médicaments aux yeux des anciens combattants, cela est réellement scandaleux et même insultant pour ces derniers, qui méritent beaucoup mieux que cela.

  (1605)  

    Je crois fermement que si les scientifiques, les médecins, les producteurs autorisés de cannabis à usage non récréatif et l'organisme responsable des anciens combattants travaillent ensemble, ils peuvent mettre au point du cannabis médicinal qui repose sur des données scientifiques. Les vétérans et la société ne méritent rien de moins.
    J'ai examiné divers points soulevés au sujet de la consommation excédant trois grammes par jour et du coût du remboursement. Je ne peux pas vraiment aborder la question du remboursement, mais pour ce qui est des trois grammes par jour, je pense qu'une standardisation s'impose. Quand on parle de trois grammes, on parle de la forme fumée. Comme je l'ai indiqué, je ne pense pas, comme la plupart des gens dans mon domaine, que fumer soit une avenue valable en médecine.
    Si on veut créer un médicament, il faut trouver la meilleure formule afin de savoir quelle dose, quelle concentration et quelle posologie permettent vraiment de soulager un symptôme et un trouble précis. La même dose ne conviendra pas à tous.
    Très peu de recherches ont été effectuées pour savoir quels types particuliers de cannabinoïdes, ou la plante entière, sont nécessaires dans chaque cas. C'est pourquoi, encore une fois, il faut effectuer plus de recherches.
    Nous ne serons pas en mesure de fournir de l'information solide aux médecins et aux patients sans réaliser d'études cliniques à double insu et contrôlées par placebo.
    En terminant, je tiens à souligner qu'il faut absolument que les vétérans et la population prennent conscience que si le cannabis doit être utilisé comme médicament, nous devons le traiter comme tel. Les vétérans ont fait des sacrifices qui méritent qu'on mette tout en oeuvre pour leur fournir des médicaments sûrs et basés sur des données scientifiques. Je crois sincèrement que nous pouvons être des pionniers en les concevant ensemble.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant au Dr Jutras-Aswad.

[Français]

     Je vais m'adresser à vous en français et je pourrai répondre à vos questions dans les deux langues par la suite.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour discuter d'une question qui est extrêmement importante et qui touche des milliers d'hommes et de femmes ayant servi ce pays, des citoyens qui méritent non seulement tout notre respect, mais aussi l'accès à des soins correspondant à leurs besoins, tant pendant qu'après leurs années de service.
    Je vais commencer par me présenter. Je suis Didier Jutras-Aswad, psychiatre spécialisé en toxicomanie et chercheur au Centre de recherche du CHUM, où je dirige un programme de recherche en santé mentale et toxicomanie. Ce programme porte une attention particulière au cannabis et aux cannabinoïdes, tant pour leurs effets délétères que parfois thérapeutiques. Je dirige également le Centre d'expertise et de collaboration en troubles concomitants en santé mentale et en toxicomanie de l'Université de Montréal, où je suis professeur associé au Département de psychiatrie et d'addictologie.
    J'aimerais d'emblée préciser une prémisse importante de cette allocution: je suis d'avis que le cannabis — mes collègues l'ont d'ailleurs souligné — est une substance complexe pouvant avoir des effets positifs chez certaines personnes, mais délétères chez d'autres. Tant la dramatisation des conséquences négatives que la valorisation à outrance de ses effets thérapeutiques souvent non démontrés scientifiquement sont, à mon avis, contre-productives pour répondre aux multiples questions parfois complexes qui touchent à cette substance. J'espère donc vous présenter aujourd'hui une approche tout de même équilibrée sur un sujet qui est très important, soit l'utilisation judicieuse du cannabis thérapeutique chez les vétérans.
    Le choix adéquat de la prescription d'un traitement — comme pour bien d'autres conditions en médecine — repose habituellement sur l'examen attentif du rapport entre les bénéfices et les risques que présente l'intervention proposée.
    Dans le cas du cannabis médical, plusieurs effets dits agréables ou soulageants sont rapportés par les utilisateurs pour une panoplie de problèmes de santé. Certains de ces bénéfices ont été étudiés et sont soutenus par des données scientifiques, mais d'autres ne le sont pas. Les données pour lesquelles on a davantage de recul scientifique proviennent d'études faisant appel à des méthodologies variées, incluant souvent l'administration de cannabis sous forme de produits à doses et concentrations bien contrôlées, et non fumé ad libitum sans contrôle de la fréquence, de l'intensité et des doses consommées par l'utilisateur.
    Les problèmes de santé pour lesquels le cannabis fumé a prouvé son efficacité de façon rigoureuse sont surtout la douleur chronique et le manque d'appétit chez les personnes aux prises avec d'autres pathologies, les quantités de cannabis en cause ne dépassant généralement pas un ou deux grammes dans la très grande majorité des cas. Les autres problèmes de santé qui peuvent parfois être adéquatement traités avec des cannabinoïdes non fumés, par exemple en comprimés ou inhalateurs, sont le plus souvent la nausée, la spasticité et l'insomnie.
    Pour en revenir aux risques parfois associés au cannabis, ces derniers sont de mieux en mieux connus. Si le cannabis est consommé sans problème par la plupart des gens, il peut tout de même entraîner dans certains contextes des conséquences négatives, particulièrement sur le plan de la santé mentale: symptômes anxio-dépressifs, altérations des fonctions cognitives, apparition de tableaux psychotiques ou de symptômes de psychose, ou apparition d'un profil de consommation de cannabis avec perte de contrôle. On parle évidemment ici de toxicomanie. Tous ces risques sont modulés par plusieurs facteurs: le profil individuel de la personne, notamment son bagage génétique, son profil psychologique, le contexte ou le moment de consommation, le type de cannabis consommé, ou la fréquence et l'intensité de consommation.
    J'attirerais votre attention sur le fait que la consommation de cannabis plus puissant — avec des taux élevés de THC — ou à une fréquence régulière, par exemple plusieurs fois par semaine ou tous les jours, est souvent associée à davantage de risque de présenter des problèmes liés à cette substance, particulièrement sur le plan de la santé mentale.
    Toutes ces informations mises ensemble nous permettent à mon avis de dégager les quatre conditions auxquelles l'accès à du cannabis thérapeutique a plus de chances de présenter davantage de bénéfices que de risques pour les vétérans.
    La première condition est la prescription de cannabis uniquement après l'évaluation rigoureuse du problème médical sous-jacent et l'utilisation du cannabis uniquement pour les problèmes de santé pour lesquels nous avons des données suffisantes.

  (1610)  

     À ce sujet, nous disposons de données provenant de différentes études qui nous montrent que l'évaluation précédant la prescription de cannabis médical ou l'autorisation d'en consommer manque souvent de rigueur. Par ailleurs, nous savons qu'une bonne partie des gens qui consommeront du cannabis à des fins thérapeutiques vont le faire pour des problèmes de santé pour lesquels nous n'avons pas suffisamment de données scientifiques.
    La deuxième condition est l'utilisation des traitements pour lesquels les niveaux d'évidence sont les plus élevés et en suivant les guides de bonnes pratiques cliniques touchant les différents problèmes de santé visés. Dans la plupart des cas, le cannabis ne devrait pas être un traitement de première intention pour les vétérans.
    La troisième condition est l'administration du cannabis sous la forme pour laquelle des données suffisantes sont disponibles. Souvent, la forme fumée ne devrait donc pas être la forme de cannabinoïde privilégiée.
    La quatrième condition est l'administration de cannabis à des doses contrôlées, au plus faible dosage possible pour minimiser le risque d'effets secondaires. Une attention clinique doit être portée aux concentrations et aux fréquences d'administration, comme cela se fait pour tout autre traitement médical. Je me permets ici de mentionner que les données scientifiques sont faibles, voire souvent inexistantes pour des dosages dépassant un ou deux grammes par jour.
    En terminant, je rappelle à quel point les problèmes de santé physique ou mentale et la toxicomanie sont fréquents chez les vétérans. Des traitements existent pour la plupart de ces problèmes, sous diverses formes de psychothérapie ou de certaines pharmacothérapies, mais ne sont pas toujours disponibles ou accessibles aux vétérans. Dans bien des cas, le cannabis n'est fort probablement pas l'intervention à privilégier en première intention pour aider adéquatement ces vétérans. Cela étant dit, et particulièrement s'il est question de resserrer les modalités d'encadrement de l'accès au cannabis thérapeutique, il m'apparaît plus que jamais important que les services ou les soins dont l'efficacité est reconnue soient plus accessibles aux vétérans.
    Il me fera plaisir de répondre à vos questions lors de la période de questions et réponses.

  (1615)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant entendre M. Andrew Baldwin-Brown, cofondateur de Spartan Wellness.
    Bonjour. Je tiens à vous remercier de votre invitation à venir prendre la parole aujourd'hui.
    Je suis le caporal-chef (à la retraite) Andrew Baldwin-Brown. Je me suis enrôlé dans les forces en septembre 2001. J'étais signaleur. J'ai participé à trois missions en Afghanistan pendant les six premières années de mon service. J'ai reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique en 2012, et j'ai été libéré pour des raisons médicales en octobre 2015.
    J'ai essayé de nombreux inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine pour lutter contre la dépression, le syndrome de stress post-traumatique et des douleurs chroniques dans le bas du dos et les genoux. Je n'arrivais pas à trouver ce qui me soulageait vraiment. J'ai été plus ou moins dans la brume pendant trois ou quatre ans. Je me suis rendu compte que je n'arrivais pas à ressentir d'émotions positives ou négatives avec les médicaments traditionnels, et cela m'empêchait vraiment d'avoir accès à des soins de qualité.
    Depuis, comme je l'ai mentionné, j'ai pris ma retraite pour des raisons médicales en octobre 2015. On m'a prescrit du cannabis médicinal et j'en consomme depuis janvier de la même année. J'avais renoncé totalement à prendre des pilules.
    Depuis, après avoir constaté chez d'autres patients, d'autres vétérans, une amélioration marquée de leur qualité de vie, de leur capacité d'interagir avec leurs familles et de s'acquitter de leurs obligations, tant à la maison qu'à l'extérieur, j'ai cofondé avec huit autres vétérans une entreprise appelée Spartan Wellness. Nous avons décidé qu'il était temps pour nous, vétérans, de nous servir du cannabis médicinal pour prendre soin des nôtres.
    À l'heure actuelle, il y a à bord neuf cofondateurs, tous des vétérans, 26 éducateurs vétérans qui travaillent un peu partout au pays, de même que l'épouse d'un membre encore en service qui s'occupe de l'administration. Nous avons comme directeur médical un technicien médical à la retraite qui a travaillé 16 ans dans la Force opérationnelle interarmées. Nous sommes également en train de recruter du personnel infirmier praticien ayant aussi travaillé dans les forces.
    Lorsqu'un vétéran vient nous voir, son dossier est traité par un vétéran, il reçoit une prescription d'un vétéran, il est suivi par un vétéran et il reçoit de l'information d'un vétéran à sa sortie. À notre avis, il n'y a personne de mieux placé que nous pour aider ces patients. Nous avons pu voir leur qualité de vie s'améliorer du tout au tout. Premièrement, les vétérans restent en vie. Comme je l'ai mentionné, ils sont en mesure de s'acquitter de leurs obligations familiales et ils sont capables de recevoir des soins psychiatriques et psychologiques tout en s'occupant de leurs besoins physiques. Ils peuvent se rendre à leurs rendez-vous en physiothérapie. Ils peuvent se rendre à leur rendez-vous avec leur médecin, et ils font des progrès.
    C'est à peu près tout ce que j'ai à vous dire. Je suis ici avant tout pour répondre à vos questions, et non pour vous parler de ce que je fais.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité.
    Avant de passer aux questions, nous devons souhaiter la bienvenue à une nouvelle membre.
    Madame Blaney, je ne m'étais pas rendu compte que votre remplacement était devenu permanent, alors vous ne pouvez pas nous quitter.
    Devons-nous faire quelque chose à ce sujet?
    Nous devons l'élire au poste de deuxième vice-présidente.
    Quelqu'un pourrait-il proposer la motion?
    C'est beaucoup de travail pour vous tous.
    J'en fais la proposition.
    D'accord.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci.
    Monsieur McColeman, vous allez être le premier.
    Monsieur le président, j'aimerais que vous m'avisiez lorsqu'il ne me restera qu'une minute.
    Oui, très bien.
    Je dois présenter aux membres du Comité une question de procédure, et je vais le faire pendant ma période de questions, ce qui me permettra de vous poser des questions, et à la fin, de passer aux affaires du Comité. Cela ne devrait pas être long, mais je tenais simplement à vous informer.
    Par souci de transparence, je dois vous dire que je suis le dossier de l'utilisation du cannabis chez les personnes souffrant du syndrome de Dravet depuis probablement plus de 10 ans, et j'ai pu voir les données anecdotiques. Certains parlent en effet du syndrome de Dravet, mais il s'agit essentiellement, et les médecins le sauront, d'un problème d'épilepsie qui se rencontre souvent chez les enfants ayant des convulsions incontrôlables. Au pays, la communauté — et j'ai assisté à l'une de leurs conférences nationales — est convaincue que le cannabidiol ne prévient pas ou ne guérit pas les crises, mais que dans certains cas, selon des gens à qui j'ai rendu visite, il a permis de réduire le nombre de crises de leur enfant de 45 à 3 par jour. Il existe des organismes tant au Canada qu'aux États-Unis.
    J'ai également un fils handicapé qui a des besoins particuliers et qui a fait l'essai de l'huile de cannabis pour remédier à ses problèmes d'anxiété et d'agressivité épisodique.
    Comme vous tous, je pense qu'il y a vraiment très peu de recherches sur le sujet. Je remercie tous les médecins, car je vois le fil conducteur dans vos propos. Vous avez également entendu aujourd'hui vos collègues parler, et c'est le moins que l'on puisse dire, d'une expérimentation à l'échelle de la société sur les avantages du cannabis. On essaie de comprendre.
    Dans vos témoignages, vous avez également fait la distinction entre cannabis médicinal et cannabis récréatif. Bien sûr, le gouvernement actuel a décidé d'aller de l'avant avec la marijuana récréative, sans savoir quels en seraient les effets. Beaucoup de gens, y compris le corps médical, étaient contre l'idée parce que la légalisation constituait un geste prématuré. J'aimerais ajouter que dans ma circonscription se trouve la plus grande Première Nation au Canada, celle des Six nations de la rivière Grand, qui se lance à fond dans la production. En fin de semaine dernière, j'ai rencontré une personne qui croyait acheter un produit de cannabidiol sous forme liquide pour réduire ses douleurs. Je lui ai demandé s'il savait ce qu'il prenait. Il a répondu qu'il n'en avait aucune idée. Il n'y a pas d'étiquette sur la bouteille. Le gouvernement du Canada n'a aucune autorité sur cette nation, qui se considère comme indépendante.
    C'est ce qui se passe actuellement, et je mets les choses en contexte. L'industrie semble vouloir une réponse à une question, et j'aimerais avoir votre opinion et un point de vue honnête à ce sujet. Il y a le cannabis médicinal, qui n'est pas vraiment prescrit, mais on le recommande et on parle de cannabis médicinal. Le régime de taxation qui s'applique est le même que pour le cannabis récréatif. Le gouvernement le taxe trois fois et y ajoute une dernière taxe appelée taxe d'accise, à laquelle aucun autre médicament au pays n'est assujetti, si on y accole le mot médicinal. J'ai visité beaucoup d'installations de production, et bon nombre produisent en toute légitimité des produits médicinaux, mais le cannabis récréatif est si attrayant financièrement parlant que la plupart empruntent les deux voies à la fois. Tout repose sur la valeur pour les actionnaires, alors on cherche à faire des profits.
    Cela étant dit, certaines entreprises qui produisent de la marijuana médicinale font preuve de diligence raisonnable. Devrait-elle être imposée de la même manière que la marijuana récréative, en y ajoutant la taxe d'accise ou ce que nombre de personnes appellent la taxe sur le vice? Les vétérans devraient-ils avoir à payer la taxe d'accise sur ce qu'on dit être du cannabis médicinal?

  (1620)  

    Il vous reste une minute et 30 secondes.
    Je vais m'arrêter ici.
    Je vais vous dire quelque chose. Comme vous ne pouvez pas bien répondre à cette question en 30 secondes et que j'ai quelque chose dont je dois m'occuper, si j'ai semé une graine dans votre esprit, vous pourriez répondre plus tard, ou un de mes collègues pourrait vous demander de le faire.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir informé du temps qu'il me restait. Je suis désolé d'avoir été aussi volubile.
    Monsieur le président, je dois présenter un élément qui fait l'objet d'un avis de motion, quelque chose qui, à mon avis, a été bâclé par notre comité, si je peux m'exprimer ainsi. En raison de tout ce qui se passe, du chaos au sein du gouvernement et de ce qui se passe dans le dossier de SNC-Lavalin, nous avons une ministre qui a démissionné.
    Avant cela, nous avions un ministre. Puis madame Jody Wilson-Raybould a été nommée et a démissionné. Puis nous avons eu un ministre à temps partiel, M. Sajjan, qui est aussi ministre de la Défense nationale. Nous avons finalement un ministre à temps plein, mais il y a la transition et le chaos ambiant au sein du gouvernement au sujet de SNC-Lavalin et le scandale concernant le témoignage de la ministre au Comité de la justice. Finalement, le premier ministre s'est dit qu'il serait bon d'avoir un ministre à temps plein à ce poste.
    Si je vous dis tout cela, c'est parce que la motion vise à demander au ministre de venir témoigner devant le Comité pour répondre à des questions au sujet de ce qu'on appelle le Budget supplémentaire des dépenses (B), soit l'affectation des fonds destinés aux vétérans et le versement de ces fonds. Nous avons, en tant que comité, la responsabilité solennelle de nous assurer que les sommes se rendent bien en première ligne, là où les vétérans en ont le plus besoin. C'est un peu, mais pas seulement, en lien avec cela.
    Cela étant dit, monsieur le président, j'aimerais présenter la motion suivante:
Que le Comité invite le ministre des Anciens combattants, l'hon. Lawrence MacAulay à comparaître sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), le 20 mars 2019.

  (1625)  

    Quelqu'un aimerait-il prendre la parole au sujet de la motion?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Qui est le suivant?
    Est-ce que je peux avoir ma minute et demie?
    Il vous restait une minute. Vous pouvez la prendre.
    Merci, monsieur le président.
    C'est sans doute le temps de vous demander de répondre à ma question sur la taxation du cannabis médicinal, par rapport au cannabis récréatif, les deux étant taxés de la même manière. Devrait-on imposer une taxe d'accise sur le cannabis médicinal?
     Monsieur Baldwin-Brown.
    À titre de patient et de vétéran, je dois répondre par la négative. Quand on perturbe le système pour des vétérans qui souffrent de stress post-traumatique — qui constituent une bonne partie des patients qui consomment du cannabis médicinal au Canada —, cela crée toujours des problèmes. Les vétérans verront toujours d'un mauvais oeil toutes circonstances imprévues ou tout changement jusqu'à ce que cela leur soit pleinement expliqué.
    Dans notre cas, les vétérans, la plupart des producteurs autorisés ont absorbé, fort heureusement, la taxe d'accise. Toutefois, à l'autre bout, il se pourrait que ce ne soit pas la meilleure chose pour le ministère. Si les producteurs sont forcés d'absorber 1 $ par gramme sur un prix de 8,50 $ le gramme, il se pourrait qu'ils escamotent certaines procédures ou politiques pour fabriquer le cannabis, ce qui pourrait donner à l'autre bout un produit de moins bonne qualité.
    S'ils peuvent investir les sommes dans la production, pour payer leurs employés et s'assurer que tout est bien fait, et que la qualité y est, il n'y aurait aucune incidence. La plupart des producteurs l'ont absorbée.
    Merci.
    Monsieur Samson.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins de leur témoignage et des renseignements qu'ils nous ont fournis.
    Merci, monsieur Baldwin-Brown, d'avoir servi notre pays. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    J'entends dire de plus en plus souvent que la consommation de marijuana réduit la consommation d'autres médicaments, notamment les opioïdes. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Oui, bien sûr.
    Je peux vous parler d'un cas en particulier. Un de mes amis consomme du cannabis depuis un bon moment. Il m'a autorisé à vous parler de son cas. Il faisait partie de la Marine royale canadienne. L'équipage a eu à affronter une mer houleuse. Il est tombé en bas d'une échelle et a subi une importante blessure au dos, qui a entraîné sa libération pour des raisons médicales. Depuis, on lui a diagnostiqué une dépression de même qu'une discopathie dégénérative, et la pente sera longue à remonter.
     Cette personne a essayé tous les types d'opioïdes auxquels je peux penser. Il ne pouvait pas marcher et ne pouvait pas fonctionner. Son système digestif et ses fonctions cognitives en ont pris un coup. Il a même essayé les timbres de fentanyl et autres produits du même genre. On lui a prescrit au début trois grammes de cannabis par jour, si je me souviens bien. Il a fini par en prendre environ six, presque exclusivement du cannabidiol, une variante du cannabis totalement dépourvue d'effets psychoactifs.
    En 2016, la couverture initiale de 10 grammes par jour est passée à trois, et il a éprouvé des difficultés à obtenir des rendez-vous avec un spécialiste à temps pour effectuer la transition. Il est revenu à trois grammes par jour, mais il a ainsi dû augmenter sa consommation de produits pharmaceutiques, et il a donc recommencé à prendre des opioïdes et du fentanyl.
    Merci.
    Un des médecins aurait peut-être de l'information à nous donner à ce sujet, rapidement.

  (1630)  

    La consommation de cannabis et de produits du cannabis pour remplacer des opioïdes ou des opiacés comporte également des risques. Beaucoup de gens utilisent des produits du cannabis pour soulager leurs symptômes, et dans certains cas, ils peuvent les soulager comme avec des opioïdes.
    Il n'y a pas suffisamment de recherches pour confirmer cette idée d'un point de vue médical. J'insiste encore une fois sur le fait qu'il n'existe pas une seule sorte de cannabis. On ne peut pas faire abstraction des cas anecdotiques de soulagement des symptômes, mais il n'y a pas suffisamment de preuves pour en faire clairement un substitut comme on le ferait pour d'autres produits en médecine.
    J'aimerais savoir ce que les deux autres en pensent, s'il vous plaît. Avez-vous des commentaires.
    Madame Hurd.
    En fait, Didier Jutras-Aswad était chercheur au Mount Sinai et a contribué aux études initiales, et nous avons poursuivi sur cette lancée.
    Nous avons pu constater que le cannabidiol réduit bien les envies irrépressibles et l'anxiété. Mais il s'agissait d'études restreintes et nous en menons maintenant de plus vastes. D'autres groupes ont aussi constaté que le cannabidiol permet de réduire la consommation d'autres drogues. La nicotine et l'alcool sont sans doute ceux pour lesquels les effets positifs sont les plus fréquemment cités. La plupart de nos études portent sur le cannabidiol.
    Comme le médecin l'a mentionné, il faut vraiment effectuer plus de recherches. Nos études montrent toutefois des bienfaits potentiels.

[Français]

     Docteur Jutras-Aswad, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que je crois que nous devons prendre un peu de recul. Je crois qu'il peut être trompeur d'examiner cette question si les deux réponses possibles sont le cannabis et les opioïdes.
    En général, dans la médecine, lorsque nous parlons d'un traitement, nous avons des lignes directrices. Nous avons des lignes directrices de pratique clinique. Nous avons divers niveaux — des soins de premier niveau, de deuxième niveau ou de troisième niveau — qui s'appuient sur des preuves scientifiques. La question ne devrait pas nécessairement être un choix entre des opioïdes ou du cannabis ou des ISRS ou du cannabis. Il faut plutôt établir les meilleures interventions disponibles pour traiter divers problèmes de santé et déterminer si des preuves scientifiques soutiennent l'utilisation du cannabis pour traiter un certain problème de santé. Je crois que c'est très important. Nous avons entendu beaucoup de discussions en vue de déterminer si c'est le cannabis, des opioïdes ou autres choses. Je crois que nous devrions revenir à ce que nous faisons normalement pour déterminer le traitement pour soigner divers problèmes de santé, dont la douleur.
    Je pose encore une fois cette question à tous les témoins.
    Nous entendons des gens expliquer que cela les aide énormément, et nous entendons que des recherches montrent que c'est possible et que d'autres montrent le contraire. Où en sommes-nous exactement? Quel est le projet de recherche le plus important que nous pourrions réaliser actuellement pour nous aider à mieux comprendre cette question?
    Le projet de recherche le plus important que nous pourrions réaliser serait des essais expérimentaux bien conçus pour établir les effets de composés très précis pour le traitement d'états de santé très précis; c'est ce que nous n'avons pas. Je crois que c'est très utile d'avoir un rapport anecdotique, un patient ou un utilisateur qui rapporte des effets positifs pour enclencher ce processus. Cependant, à un moment donné, j'estime fortement que nous avons besoin d'essais cliniques randomisés et contrôlés bien conçus pour voir si le cannabis ou les cannabinoïdes peuvent être utiles pour traiter des états de santé précis en fonction d'un dosage précis, et ce n'est pas le cas jusqu'à maintenant.
    J'aimerais aussi ajouter que l'effet placebo est très fort dans le milieu, parce que de nombreuses personnes souhaitent ressentir quelque chose qu'ils n'ont jamais ressenti. Je suis donc d'accord avec Didier, le Dr Jutras-Aswad. Il faut des essais randomisés contre placebo.
    Je suis d'accord avec [Inaudible].
    Merci.
    Madame Blaney, vous avez six minutes.
    Merci.
    Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    À titre de députée qui représente bon nombre de vétérans qui doivent composer avec de nombreux problèmes, j'estime que le sujet de l'étude est très important.
    J'aimerais revenir sur deux ou trois éléments.
    J'aimerais avoir un peu plus d'informations concernant les données. Je crois que vous avez assez bien réussi à nous expliquer les endroits où nous avons des lacunes, mais j'aimerais tout de même entendre ce que sont ces lacunes. Y a-t-il des recherches en cours à l'étranger qu'il nous serait utile d'examiner?
    Il y a un autre aspect sur lequel j'aimerais vous entendre. J'entends sans cesse que l'accent est mis sur le tabagisme. Nous savons qu'actuellement les producteurs autorisés de cannabis sont chargés de déterminer la quantité de cannabis frais ou d'huile de cannabis qui correspond au nombre de grammes de cannabis séché. Vous avez aussi parlé de concentration. C'est un défi. J'ai l'impression que beaucoup d'incertitude plane par rapport à ce que cela représente.
    Quelles recommandations devrions-nous faire au gouvernement pour nous assurer de protéger les vétérans?
    Allez-y en premier, monsieur Ayonrinde.

  (1635)  

    L'élément intéressant, c'est que la recherche sur les cannabinoïdes ou les médicaments cannabinoïdes connaît une croissance rapide et que cela s'intensifie. Il y a aussi une collaboration beaucoup plus grande entre les chercheurs et les centres dans le monde. Le Canada jouit un peu d'un avantage législatif comparativement à d'autres endroits dans le monde. Il y a beaucoup d'intérêt à ce sujet dans toutes les spécialités médicales. Les données probantes concernant les avantages thérapeutiques des cannabinoïdes et des préparations de cannabinoïdes sont plus solides et sont de plus en plus uniformes que dans le cas du THC pour ce qui est des proportions, des nombres, etc., mais nous avons encore beaucoup de choses à apprendre.
    Par exemple, au Canada, nous avons le Canadian Consortium for the Investigation of Cannabinoids. Divers centres commencent à mobiliser leurs capacités et à collaborer. Les partenariats deviennent de plus en plus solides. Il y a beaucoup de vétérans dans le monde, et je crois que cela se veut une belle occasion, à condition de financer adéquatement la recherche en ce sens.
    Merci.
    Madame Hurd, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Je suis d'accord.
    Aux États-Unis, en Europe et aussi au Canada, beaucoup de travaux mettent l'accent sur les cannabinoïdes pour traiter la psychose, et nous constatons que certaines données semblent prometteuses pour lutter contre la dépendance aux opioïdes. Évidemment, dans le cas de l'épilepsie et de l'anxiété... Aux États-Unis, des études sont réalisées sur l'utilisation des cannabinoïdes pour traiter l'état de stress post-traumatique, mais toutes ces études commencent à peine ou sont à mi-chemin. Je crois que d'ici deux ans nous aurons beaucoup de renseignements.
    C'est le problème que j'ai. Le Canada a déjà décidé de légaliser la consommation de cannabis à des fins récréatives et médicales, mais je crois que nous pourrions intervenir très rapidement. Avec du financement, nous pouvons trouver des centres de collaboration pour mener cette recherche, et ce, rapidement. Ce n'est pas nécessaire d'attendre de nombreuses années. Si l'organisme chargé des vétérans veut vraiment des réponses, je crois qu'il a les ressources pour y arriver. Il y a beaucoup de scientifiques et de médecins au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde qui peuvent très rapidement participer à des études en collaboration pour trouver ces réponses.
    Merci.
    Enfin, docteur Jutras-Aswad, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Je ne répéterai pas ce que mes collègues ont déjà mentionné.
    Une chose est certaine, c'est que je suis d'accord avec Mme Hurd; il y a des réseaux au Canada et aux États-Unis. Par exemple, seulement dans le domaine de la dépendance, il y a deux réseaux très solides aux États-Unis et au Canada que nous devrions aider à mener à bien des essais cliniques.
    L'autre élément d'information et conseil que j'aimerais ajouter, c'est que nous avons aussi besoin de recherches non financées par l'industrie. Comme nous l'avons vu, l'industrie a évidemment beaucoup d'argent à investir dans [Difficultés techniques] raisons. La collaboration avec l'industrie est importante, mais nous avons évidemment besoin de recherches indépendantes pour fournir au pays et à d'autres des données impartiales concernant l'utilisation du cannabis pour le traitement de divers problèmes de santé.
    Merci beaucoup.
    L'un des autres défis, c'est que nous avons un énorme pays qui compte de nombreuses collectivités rurales et éloignées, et il y est déjà très difficile d'assurer la prestation de services aux vétérans. Cela vient rendre encore plus complexe le tout.
    J'aimerais vous poser une autre question, monsieur Baldwin-Brown. Avez-vous de l'information à ce sujet? Pouvez-vous discuter de cette question dans le contexte de votre travail?

  (1640)  

    En ce qui a trait précisément aux vétérans dans les régions rurales?
    Oui.
    Comme nous l'avons constaté, bon nombre de vétérans, en particulier ceux qui doivent composer avec un état de stress post-traumatique et la dépression, déménagent à leur retraite dans des régions très rurales. Ils veulent la quiétude; ils ne veulent pas avoir à vivre avec l'effervescence de la vie urbaine. Nous avons trouvé des moyens de continuer d'aider ces vétérans. Le cas échéant, nous pouvons dépêcher un autre vétéran pour rencontrer le vétéran et avoir cette expérience individuelle et cette explication. À titre de vétéran qui vit avec un état de stress post-traumatique, j'ai constaté qu'au téléphone ce n'était pas toujours la meilleure solution.
    Il y a beaucoup de vétérans, et les endroits où nous les recrutons ont une grande influence. Comme nous la savons, la Nouvelle-Écosse compte un nombre très élevé de vétérans par habitant. C'est également le cas de Terre-Neuve et de régions rurales de l'Ontario et du Québec.
    Merci beaucoup. J'ai terminé.
    Madame Ludwig, vous avez la parole.
    Je remercie tous les témoins de leur témoignage aujourd'hui.
    Monsieur Baldwin-Brown, je vous remercie énormément de votre service, et je remercie également vos sept collègues du leur.
    Nous avons entendu certaines personnes parler de la collecte de données. Dans le cadre de votre travail, communiquez-vous à Anciens Combattants Canada les renseignements que vous recueillez et ce que vous apprenez?
    Nous ne le faisons pas à l'heure actuelle, mais nous aimerions le faire. Nous serions heureux d'avoir l'occasion de collaborer étroitement avec Anciens Combattants Canada. Lorsque nous accueillons des patients pour une ordonnance initiale, nous leur demandons évidemment les médicaments qu'ils prennent actuellement et nous consultons le personnel médical pour nous assurer qu'il n'y a aucune contre-indication et que l'ordonnance est adéquate pour le vétéran. Ce n'est pas toujours le cas.
    Évidemment, dans le cas d'un renouvellement, nous leur demandons aussi les médicaments qu'ils prennent. Avons-nous réussi à réduire la quantité de médicaments qu'ils prennent? Comme je l'ai mentionné, nous avons réussi à le faire dans pratiquement tous les cas, et les patients ont aussi constaté notamment que leur qualité de vie s'était améliorée.
    Notre collecte de données est sans pareil au Canada actuellement. Nous cherchons vraiment à recueillir tout ce que nous pouvons.
    Où consignez-vous vos données?
    Cela se trouve en ligne dans notre propre logiciel. C'est un logiciel médical pour la gestion des dossiers médicaux électroniques.
    Y a-t-il beaucoup de vétérans qui consultent Spartan Wellness qui ont pris...? Vous avez parlé des finances, parce qu'indépendamment du coût... Y a-t-il beaucoup de ces vétérans qui ont reçu un paiement forfaitaire ou qui reçoivent une pension à vie?
    Chez Spartan, c'est un peu des deux. Nous constatons que l'âge moyen de nos patients se situe entre la quarantaine avancée et la mi-cinquantaine. Bon nombre de ces patients reçoivent des prestations au titre de la Loi sur les pensions et ils ont aussi reçu des paiements subséquents en raison de divers problèmes de santé. Si un militaire s'est fracturé la hanche à Chypre, il reçoit des prestations au titre de la Loi sur les pensions. Si un militaire a un état de stress post-traumatique en raison de son service en Afghanistan, il a droit à un paiement forfaitaire qui prendra maintenant la forme d'une pension à vie.
    Entendez-vous les vétérans avec lesquels vous travaillez parler des centres des vétérans? Utilisent-ils ces centres?
    Normalement pas, mais certains les utilisent. Je n'ai personnellement pas tendance à le faire. La majorité de nos patients traitent avec Anciens Combattants Canada à distance au moyen de Mon dossier AAC. La jeune génération, soit ceux qui ont normalement moins de 40 ans, sont de grands utilisateurs de la plateforme Mon dossier AAC.
    Encore là, c'est personnalisé. Une personne qui doit composer avec un grave état de stress post-traumatique et une grave dépression n'a peut-être pas la capacité de cliquer 82 fois pour obtenir ce dont elle a besoin. Dans la majorité des cas, ce sont des vétérans qui appellent ou des gestionnaires de cas qui communiquent de manière proactive avec les vétérans.
    Savez-vous si des vétérans profitent des services complets, notamment les services pour études ou formation ou les services aux familles?
    Il y en a certains. Je répartis les vétérans en trois grands groupes. Il y a les vétérans qui sont libérés et qui n'ont pas besoin d'aide d'Anciens Combattants Canada. Ils ont terminé leur travail et ils font leurs petites choses. Ils ont eu la chance de ne pas être blessés au cours de leur carrière militaire. Bon nombre de vétérans que je côtoyais et avec lesquels j'ai servi profitent de l'allocation pour études et formation. Il y en a au moins deux qui me viennent à l'esprit. Vous avez un deuxième groupe de vétérans qui sont libérés et qui reçoivent une certaine forme de soutien d'Anciens Combattants Canada. Il se peut que ces gens travaillent et reçoivent un complément de revenu ou une allocation pour déficience permanente. Nous avons ensuite le troisième groupe qui se compose de vétérans qui ont normalement une diminution de la capacité de gain et qui dépendent aussi d'Anciens Combattants Canada.
    Merci beaucoup.
    J'ai des questions pour le psychiatre qui est sur place.
    D'où votre financement provient-il au Canada pour vos travaux de recherche en cours?
    Le financement provient dans certains cas de l'université. Pour ce qui est d'autres recherches qui ont déjà été financées, dans un cas, c'est le don d'une famille qui a perdu un proche qui a permis de financer le tout. Il y a aussi des possibilités par l'entremise des IRSC, par exemple, et ce sont des soumissions concurrentielles.

  (1645)  

    Selon vous, y a-t-il un organisme national qui pourrait servir de centre global pour vos données au Canada? Vous avez mentionné dans votre exposé, par exemple...
    ... l'ICRSMV.
    Oui.
    Oui. L'un des organismes est le ICRSMV, soit l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, qui se trouve à la Queen's University. Cet organisme forme un réseau avec d'autres organismes de recherche sur les vétérans dans le monde en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
    Est-ce que j'ai une vision trop étroite à ce sujet si... Je vais seulement faire une suggestion.
    J'estime qu'une bonne partie du travail dont j'entends parler au Comité, en particulier par les médecins et les psychiatres, constitue des renseignements essentiels. Le réseautage et la collaboration, comme vous l'avez mentionné, sont hautement importants.
    Pour ce qui est des ordonnances médicales, est-il possible d'appliquer cela à la population en général dans le cas de problèmes psychiatriques similaires? Si nous nous limitons seulement à Anciens Combattants Canada, n'est-ce pas trop restreint?
    Ce ne l'est pas trop. Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage, il faut posséder certaines compétences uniques pour travailler avec des vétérans. Ce ne sont pas tous les cliniciens qui sont à l'aise avec les expériences des vétérans. Ce ne sont pas tous les cliniciens qui comprennent suffisamment bien ce qui se passe dans le théâtre des opérations de combat et les conséquences que cela peut avoir sur les militaires et leur famille. Un vétéran m'a confié la semaine dernière qu'il a réussi à trouver le courage de parler de son état de stress post-traumatique avec moi.
    L'approche est très différente en ce qui a trait aux problèmes de santé chez les civils. Prenons le cas d'une fracture. Une personne peut se fracturer le fémur en tombant sur la glace, dans un accident de voiture ou à la suite d'une explosion. C'est la même fracture, mais l'expérience et son aspect qualitatif et les conséquences sont considérablement différents.
    Merci.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Non.
    Monsieur Chen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question à poser aux médecins, aux titulaires de doctorat et aux chercheurs qui sont ici aujourd'hui.
    En 2016, Anciens Combattants Canada a fait passer de 10 à 3 grammes la limite autorisée aux fins de remboursement pour la marijuana utilisée à des fins médicales. Le ministère a également mis en place un processus d'approbation exceptionnelle pour ceux qui ont besoin d'une dose plus élevée. Certains ont soutenu qu'il y a un manque de professionnels de la santé spécialisés dans le traitement du SSPT qui connaissent bien l'usage de la marijuana à des fins médicales. Beaucoup d'entre vous ont souligné le manque de recherche et la nécessité d'avoir plus de données sur les effets de la consommation de cannabis médicinal.
    Pouvez-vous nous donner votre avis au sujet de certaines des préoccupations qui ont été soulevées jusqu'ici?
    Je pense qu'en ce qui concerne la profession médicale, l'un des problèmes est que lorsqu'il est question de grammes, il s'agit surtout de produits végétaux fumés, comme l'a mentionné plus tôt ma collègue, Mme Hurd.
    À l'intérieur de ces quantités, il peut y avoir toute une gamme de différences, comme nous l'avons déjà dit. L'une de nos études a établi que la puissance de ce que l'on pourrait décrire comme étant un joint pouvait dans certains cas être multipliée par 65. À l'intérieur de cette puissance qui correspond au THC, il y a toujours les effets mélioratifs du CBD. Il faut une expérience particulière pour comprendre les cannabinoïdes et acquérir une certaine compétence clinique en la matière.
    Le syndrome de stress post-traumatique est un trouble qui touche la population militaire, certes, mais qui demande aussi beaucoup plus de ressources sur le plan professionnel. Je pense que beaucoup de personnes qui souffrent du SSPT abusent de l'alcool et des opioïdes, et fréquentent des services pour les aider avec leur toxicomanie. Les mariages et les relations volent en éclats, et bien d'autres choses encore. Il faut une compétence et des ressources toutes particulières pour traiter ce genre de cas.
    Chaque aspect de ce projet de loi pourrait assurément bénéficier de beaucoup plus de ressources. Je pense que si nous pouvions faire en sorte que les étudiants en médecine et les thérapeutes reçoivent beaucoup plus tôt cette importante formation, cela serait très profitable.
    Comme nous l'avons dit, les anciens combattants pourraient vraisemblablement jouer un rôle positif considérable pour l'enseignement de la médecine. Le fait d'impressionner et de sensibiliser les professionnels débutants — un jeune étudiant en médecine, une infirmière, un travailleur social, un ergothérapeute — aura des effets déterminants pour le reste de leur carrière.

  (1650)  

    Merci, docteur, de vos observations.
    Elles vont dans le sens de ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez parlé de la création d'un registre national d'information et d'une campagne d'information, ainsi que de ce que vous venez de dire au sujet des facultés de médecine, nommément de ce qu'elles pourraient faire pour permettre aux futurs médecins d'acquérir les connaissances qu'il leur faut en la matière.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le registre national d'information que vous avez évoqué à la fin de votre témoignage?
    Oui. Je veux parler de la mise en commun de l'expérience et des ressources au sein des centres, que ce soit à Montréal, à Toronto ou ailleurs au pays. Il y a beaucoup de force dans le nombre. S'il y a un moyen de rassembler de façon sécuritaire des éléments de preuve et des données, et de les utiliser pour constituer un grand bassin de connaissances... Il y a des pays où les chiffres sont beaucoup plus grands, mais pour la population d'ici, si nous pouvions mettre tout cela en commun et produire des documents confidentiels susceptibles de fournir aux anciens combattants des renseignements pertinents fondés sur des preuves, et d'apporter des réponses à leurs familles ou à leurs enfants qui se demandent pourquoi papa est toujours en colère et si différent des autres, ou qui ne savent pas quoi répondre quand les gens leur disent « ton père consomme du pot ». Ces documents pourraient leur fournir des renseignements qui leur éviteraient de se sentir marginalisés ou de s'enfoncer.
    Après avoir parlé avec d'anciens combattants, j'ai compris que le monde peut être un endroit très solitaire. Certaines de ces expériences renvoient à de mauvais étiquetages. Certaines personnes qui ont donné leur vie au service de la nation auraient bien besoin que nous rassemblions l'information dont nous disposons à ce sujet.
    Les données montrent que le ministère a dépensé 63,7 millions de dollars en cannabis médicinal au cours de l'exercice 2016-2017. C'est trois fois plus que l'année précédente. Simultanément, il a fait passer la limite admissible de 10 grammes par jour à trois grammes par jour.
    D'après vos expériences respectives — et je serais heureux d'avoir l'avis de M. Baldwin-Brown à ce sujet —, quels sont les raisons et les facteurs dont vous pourriez nous faire part pour expliquer une telle augmentation en seulement un an?
    C'est parce que ça marche, monsieur.
    Les anciens combattants sont une collectivité très organisée. Si nous sommes tous assis ensemble dans un trou en Afghanistan et que je trouve un bon moyen de nettoyer mon fusil, je vais vous le dire. Si je trouve un bon moyen de passer du point A au point B sans me faire exploser, je vais vous le dire. Nous avons aussi une tolérance très limitée à la souffrance humaine. Si nous voyons certains de nos frères et de nos soeurs rester dans leur sous-sol pour consommer de l'alcool, nous allons faire tout notre possible pour les tirer de là. Si le cannabis fonctionne — et je ne dis pas qu'il fonctionne à chaque fois, parce que ce n'est pas le cas, mais s'il fonctionne —, nous allons nous assurer de pouvoir en consommer.
    Étant donné la légalisation de l'usage du cannabis à des fins récréatives et le fait que la plupart des membres des forces armées peuvent aussi en profiter, je pense qu'il y aura une augmentation marquée de la consommation au cours des 10 prochaines années. Si certains soldats actuellement en service essayaient le cannabis à des fins récréatives, je pense qu'ils s'apercevraient que cela les aide à dormir, et que cela peut alléger leurs maux de dos, leur douleur au genou, etc. Il faut s'attendre à ce qu'ils deviennent eux aussi des patients médicaux à leur sortie de l'armée.
    Merci.
    Monsieur Kitchen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais céder la parole à mon collègue pour un instant.
    Monsieur le président, j'aimerais simplement obtenir des éclaircissements. On m'a fait remarquer que je devrais donner un avis — ou disons que j'aimerais donner un avis pour une motion qui a pour objet d'inviter le ministre à assister à notre prochaine réunion. Je reconnais que c'est un préavis très court. J'aimerais aussi vous donner dès maintenant un avis de motion pour demander au ministre de comparaître devant le Comité, le 1er avril. J'aimerais que l'avis de motion soit exactement le même que celui que je propose aujourd'hui, mais que la date soit le 1er avril, date que j'évoquerai à notre prochaine réunion s'il ne peut pas y être.
    Je voulais seulement en informer le Comité.

  (1655)  

    D'accord, merci.
    Monsieur Kitchen, il vous reste deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Baldwin-Brown, merci de votre service.
    Madame, messieurs, merci de votre participation. L'une des raisons pour lesquelles nous avons entrepris cette étude, c'est qu'au cours des trois dernières années et demie, nous avons entendu beaucoup de choses de la part des anciens combattants qui sont venus ici pour parler des défis qu'ils ont dû relever. Nous les avons écoutés, eux et leurs familles, parler de leur retour et de leur consommation de cannabis, et faire des comparaisons avec les opioïdes qu'ils prenaient. Nous avons entendu les parents et les familles nous dire comment ils ont récupéré leur conjoint, par exemple, ou d'autres récits anecdotiques semblables.
    C'est l'une des idées ici. Il y a beaucoup de choses. Évidemment, tout cela est très nouveau. C'est nouveau pour nous comme c'est nouveau pour vous. C'est un enjeu de taille. Nous discutons de lignes directrices et de normes, qui sont deux choses différentes. Ces lignes directrices et ces normes doivent se fonder sur des recherches, mais vous n'avez pas les recherches nécessaires pour en proposer, de sorte qu'il est très difficile pour vous de prendre cette décision.
    Monsieur Ayonrinde, vous avez évoqué les trois facettes de la question: le patient, le médecin et la plante. Je pense que c'est une très bonne façon de voir les choses.
    Permettez-moi de mettre l'accent sur la partie médecin. Comme vous l'avez mentionné, nous avons des facultés de médecine qui enseignent à nos médecins en fonction des lignes directrices et des normes qui existent, alors qu'en ce qui concerne le cannabis, nous n'avons pas les lignes directrices et les normes voulues pour permettre à nos médecins de prendre ces décisions. Quelle est la dose appropriée? Quelle est la force appropriée? Devrait-il être fumé ou ingéré? Etc.
    Nous voulons rendre cela possible parce que nos anciens combattants souffrent. Comment pouvons-nous combler cette lacune afin d'offrir à nos anciens combattants les services que nous devrions peut-être leur donner, tout en nous appliquant à colliger les renseignements qu'il nous faudra des années pour rassembler?
    Monsieur Ayonrinde, pourriez-vous nous dire comment vous voyez cela?
    Je pense que ma collègue, Mme Hurd, a soulevé la question de l'urgence. Nous devons voir cela comme s'il s'agissait d'un problème très urgent et mobiliser autant de recherche que possible, en en faisant un domaine prioritaire. C'est ce que Santé Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada ont fait dans une certaine mesure. Je pense que c'est un problème extrêmement urgent. Nous ne pouvons pas continuer à pratiquer en nous basant sur des anecdotes, pas lorsqu'il s'agit d'une question aussi sérieuse. L'enseignement de la médecine doit considérer cela comme une urgence. Mon collègue, Didier... je n'ai pas compris son nom de famille, ou je ne m'en souviens pas; je vous demande pardon.
    Étant donné l'urgence de la question, je pense que le cannabis devrait être traité comme s'il s'agissait d'un médicament, à savoir, y a-t-il une posologie, etc.? C'est urgent. Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire. C'est une question qui touche à la souffrance humaine. La recherche doit être menée très rapidement. Ce n'est pas l'intérêt qui manque. Il y a beaucoup de cliniciens, de chercheurs, de scientifiques biomédicaux, de généticiens et de neuroscientifiques qui s'intéressent à cela. En fait, je dis parfois, un sourire en coin, que la « ruée vers le vert » nous a joué un tour: nous nous sommes réveillés et le train était déjà parti. La recherche pour développer la plante elle-même est allée beaucoup plus vite qu'en ce qui a trait à la profession médicale. Nous sommes en rattrapage.
    Madame Hurd, qu'en pensez-vous?
    Je suis tout à fait d'accord, mais je voudrais ajouter une chose. Je pense que c'est vraiment bien que beaucoup de gens aient trouvé un soulagement en fumant du cannabis, mais là n'est pas la question. À vrai dire, une chose qu'il faudrait établir aujourd'hui, c'est que le fait de fumer ne doit pas être considéré comme une façon médicinale acceptable d'absorber le produit.
    De plus, comme beaucoup de mes collègues l'ont dit, le Comité doit savoir que la plante de cannabis est très complexe. On trouve plus de 500 produits chimiques dans une plante de cannabis, et plus de 140 d'entre eux sont des cannabinoïdes qui ont des propriétés biologiques actives. Nous avions l'habitude d'utiliser l'écorce d'un arbre pour soulager la douleur. Nous avons ensuite isolé l'ingrédient actif dans cette écorce et nous nous sommes rendu compte que c'était de l'aspirine. Nous sommes en 2019. Nous devrions mettre au point des médicaments en extrayant les composants bénéfiques de la plante. Nous devrions à tout le moins savoir comment tel ou tel composant de la plante de cannabis agit sur tel ou tel symptôme, tant chez les anciens combattants que dans le grand public. Nous devons à notre société de ne pas utiliser 10 grammes ou 3 grammes... C'est fou de croire que quelqu'un puisse ingérer 10 grammes par jour et dire que c'est un soulagement, alors qu'avec une telle quantité, l'intoxication, la toxicité...
    Si nous continuons à laisser les gens fumer, nous allons mettre en danger la santé de nos anciens combattants. Nous devons mettre au point des médicaments pour aider les gens, et non chercher à masquer quelque chose à court terme au risque de créer d'énormes problèmes en amont. Nous pourrions concentrer nos recherches afin de déterminer très rapidement quels cannabinoïdes et quelles voies d'administration conviennent à quels symptômes. Ce n'est pas quelque chose d' impossible.

  (1700)  

    Docteur Jutras-Aswad, votre avis sur la question?
    Je ne sais pas si je suis autorisé à le faire, mais j'aimerais poser une question. Nous avons déjà un certain nombre de processus en place pour tester, évaluer, étudier et finalement approuver de nouveaux médicaments et de nouveaux traitements. En fait, la question est la suivante: pourquoi procéderions-nous différemment pour le cannabis, puisqu'il est question de cannabis thérapeutique. Nous sommes censés procéder de la sorte pour tous les autres traitements. Encore une fois, toutes ces règles et tous ces processus sont en place pour protéger le public et s'assurer que nous ne donnons pas à la population un produit ou un traitement qui ne serait pas utile ou qui, dans certains cas, pourrait même être préjudiciable.
    La question que je me pose est la suivante: pourquoi ne suivrions-nous pas les règles habituelles qui ont été mises en place dans notre pays et ailleurs, ces règles qui existent pour nous assurer que ce que nous faisons pour la population est la meilleure chose possible et la plus sûre?
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bratina, vous avez la parole.
    Désolé, j'ai raté la première partie, mais c'est une conversation sensationnelle, même si je dois dire que les échanges que nous avons eus avec d'autres experts jusqu'à maintenant — y compris ceux d'aujourd'hui — nous laissent un peu perplexes quant à la direction que nous allons prendre à cet égard. Par exemple, j'ai examiné des données de la University of Texas, à Dallas, au sujet de la cartographie du cerveau et de la façon dont le système de récompense du cerveau est modifié par la consommation continue de cannabis. Nous entendons parler de toutes ces bonnes choses qui arrivent aux anciens combattants, et c'est pourquoi nous sommes ici. Nous voulons nous assurer que ce qui leur arrive est vrai. Pour ce qui est de toute cette notion de marijuana, je constate qu'elle a une histoire de 6 000 ans qui a été interrompue au début du XXe siècle. À la lumière de ce que nous avons appris grâce à l'échographie, à l'imagerie et aux autres moyens dont nous disposons maintenant, que pouvons-nous dire en ce qui concerne les répercussions de la consommation de cannabis sur le cerveau? Pouvons-nous dire beaucoup de choses avec certitude sur les effets d'une consommation assidue?
    Qui veut répondre à cette question?
    Madame Hurd, allez-y.
    Oui. Cela dépend de l'âge du consommateur. Nous avons des études, par exemple, sur le THC et sur de nombreuses personnes dans le monde, et des études d'imagerie chez les humains. Il ne fait aucun doute que la consommation chronique de cannabis modifie le cerveau. Or, ces changements peuvent être positifs ou négatifs. Lorsqu'il s'agit d'un cerveau en développement, nous voyons qu'il a des répercussions à long terme. Lorsque l'exposition est prénatale, lorsqu'elle se produit à l'adolescence et quand vous regardez des cerveaux d'adultes, vous pouvez vois la sensibilité à la récompense, la sensibilité à la réactivité au stress. Nous constatons des changements qui, chez certaines personnes, présagent même d'un risque de psychose, ce qui est conforme à ce qui a été mentionné précédemment à savoir que ce sont des choses qui peuvent se produire chez certaines personnes.
    Le cannabis n'est pas bénin. Comme je l'ai dit, cela a certainement un impact non seulement sur la récompense, mais aussi sur les circuits cognitifs et émotionnels. Par exemple, le SSPT active la partie de notre cerveau, l'amygdale, qui est très importante pour la régulation émotionnelle. Des études ont montré que le cannabis réduit cette hyperactivité. Cependant, à long terme, l'utilisation chronique peut assurément avoir une incidence sur tous les circuits cérébraux que nous pouvons voir — pour n'importe qui, en fait —, tant en imagerie...
    Vous avez mentionné que la marijuana, le cannabis, existe depuis 6 000 ans. Les opioïdes sont également naturels et ils existent depuis des milliers d'années. Ce que nous avons fait, en tant qu'humains, c'est de tirer parti des choses qui sont dans notre environnement pour nous aider sur le plan médical. Pour répondre à la question du Dr Jutras-Aswad, je pense qu'il est très important de nous assurer que nous allons normaliser ces médicaments de la même façon que nous le ferions pour n'import quel autre.

  (1705)  

    Je suppose que je crains que nous parvenions à la simple conclusion qu'un certain nombre de grammes de marijuana devraient être fournis à un vétéran compte tenu de telle ou telle recommandation, alors que j'entends dire que toutes les études qui sont menées en ce moment ne sont pas encore concluantes.
    Je vais partager mon temps de parole avec ma collègue, Mme Ludwig.
     Merci.
    J'avais effectivement une question à poser à propos de certains des sujets de discussion d'aujourd'hui liés au fait de fumer de la marijuana. Quelles répercussions cela a-t-il sur les poumons? L'inhalation de marijuana brûlée a-t-elle des effets secondaires physiologiques comparativement à son ingestion, disons, sous forme de comprimé?
     J'ai une brève observation à formuler à ce sujet.
     Comme cela a été mentionné plus tôt, l'inhalation de cannabis brûlé est considérablement plus nocive. Toutes les leçons que nous avons tirées du tabagisme nous ont amenés là où nous en sommes aujourd'hui. Pour fumer le cannabis, certaines personnes le mélangent à du tabac. Nous pouvons tirer des enseignements de nos nombreuses années d'expérience en la matière, et nous pouvons les appliquer. Certes, les répercussions de l'inhalation de cannabis brûlé sur les maladies pulmonaires et les troubles respiratoires, entre autres choses, sont considérables.
    Les produits à ingérer — ainsi que l'examen de la loi relative aux produits du cannabis comestibles qui pourrait être présentée bientôt — entraînent un processus complètement différent. Leur métabolisation est plus lente, et leurs effets atteignent leur point culminant d'une demi-heure à deux heures plus tard.
    Si je peux me permettre d'intervenir à propos des produits du cannabis sous forme comestible, j'aimerais préciser que j'ai entendu des électeurs plus âgés de ma circonscription dire qu'ils seraient disposés à utiliser ou à accepter une marijuana qui aurait été approuvée pour une utilisation à des fins médicales, mais non sous forme de produit à fumer.
    Docteur, vous avez cité l'exemple d'un enfant qui dit à un autre: « Ton père fume du pote ». Je remarque que, même chez les gens plus âgés, le fait de fumer de la marijuana est mal vu.
    Oui.
     Les produits homologués englobent un éventail de préparations, y compris des gels, et des efforts concertés ont été déployés afin d'élaborer d'autres préparations non fumées. Il n'y a pas que des produits à fumer, il y a des produits à infuser, des huiles, des gels, etc. Ces produits permettent d'administrer des doses plus restreintes. En fait, certains d'entre eux offrent des doses considérablement plus faibles, comme 2,5 milligrammes de THC. Ces produits existent effectivement.
    Si je pouvais me permettre d'être très malicieux et de formuler brièvement des observations à propos d'un argument historique, je dirais que, dans les années 1836 à 1843, William O'Shaughnessy, qui était médecin militaire, a apporté des échantillons de chanvre indien à Londres, en Angleterre, afin de les mettre à l'essai dans ce genre de situations. Le Parlement britannique a donc eu, au milieu des années 1800, des discussions très semblables à celle que nous avons en ce moment.
    En fait, je suis en voie de publier une étude dont les conclusions sont très semblables à ce dont nous parlons en ce moment: c'est-à-dire l'utilisation de doses plus faibles, de doses plus élevées et de produits plus puissants de ce qu'on qualifiait à l'époque de « folie du chanvre indien », son incidence sur les impôts, et le fait de soutenir que les jeunes âgés de moins de 16 ans ne devraient pas l'utiliser. Le Parlement a également examiné une quantité considérable de données militaires.
    Je pense qu'il est urgent que nous montrions que nous avons évolué depuis 1836.
    Madame Wagantall.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis reconnaissante d'avoir terminé votre intervention en employant le mot « urgent », parce qu'en ce moment, en Australie, le gouvernement a, dans un effort concerté, entendu en très peu de temps les témoignages importants qu'ont apportés des vétérans à propos de la question de la méfloquine. Cette étude a donné des résultats significatifs, qui indiquent que c'est un problème que nous devons gérer immédiatement.
    En ce qui concerne la question d'urgence — si le gouvernement considérait que ce problème est urgent —, nous pourrions cerner ce problème dans des délais raisonnables. Est-ce exact? Oui ou non.
    C'est exact.
    Tout à fait.
    J'ai entendu dire qu'il y a un décalage évident entre les recherches médicales menées au Canada, Anciens Combattants Canada et les groupes de vétérans comme Spartan Wellness. Il y a un très grand nombre de vétérans qui ont le sentiment de devoir faire ce qu'ils doivent faire pour prendre soin les uns des autres.
    Je suis au courant des activités de Spartan Wellness et, d'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, Andrew, je crois que vous vous employez d'une façon très responsable et aussi efficace que possible à vous occuper de vos collègues.
    Vous disposez d'une base de données, que vous avez mentionnée, et du personnel médical prend part à vos activités.

  (1710)  

    Oui, madame.
    À quoi aimeriez-vous que servent cette base de données médicale et ces résultats de recherche dont vous disposez?
    Et, pour ceux d'entre vous qui sont médecins, compte tenu de tout ce qui se produit en ce moment et de ce qui s'est déjà produit — et il existe de nombreuses données probantes de ce genre —, êtes-vous prêts à vous servir de ces données, ou retournons-nous à la case départ?
    Andrew.
    Nous serions plus qu'heureux de communiquer, en particulier, nos données probantes à Anciens Combattants Canada. Elles sont liées à un échantillon composé de vétérans — composé surtout de vétérans. Quelques-uns de nos patients sont des civils.
    Si vous jetiez un coup d'œil à ces données, vous constateriez qu'elles peuvent faire l'objet d'extrapolation. Il s'agit d'un système très détaillé et, si nous pouvons l'utiliser pour vous venir en aide d'une façon ou d'une autre, nous sommes entièrement disposés à le faire. Comme je l'ai indiqué, d'après ce que j'ai observé en aidant probablement de 200 à 300 vétérans à franchir les étapes du processus et en les surveillant tout au long de ce processus, les résultats sont comme le jour et la nuit.
    Je pense que cet échange d'information en vaudrait vraiment la peine. En ce moment, notre processus consiste à fournir aux patients une ordonnance initiale. Après trois, six, neuf et douze mois, les patients font l'objet d'un suivi clinique assuré par des professionnels de la santé. Ils sont également examinés par un éducateur des vétérans qui possède des compétences et de l'expérience dans le domaine du cannabis.
     D'accord, merci.
    Messieurs les médecins, j'ai d'autres questions à vous poser.
    Est-ce que l'un d'entre vous aimerait répondre à cette intervention? Cette information pourrait-elle accélérer le processus? Vous serait-elle utile, ou s'agirait-il simplement de preuves empiriques — des mots que nous ne cessons d'entendre?
    Je pense que cette information est très importante. Toutefois, je le répète, à mon avis, il n'y a pas de façon de raccourcir des études et un processus d'évaluation officiels et bien conçus, et il serait dangereux d'avoir recours à des raccourcis.
    Lorsque vous voulez utiliser un traitement, et lorsque vous souhaitez évaluer un nouveau traitement, vous devez franchir différentes étapes, dont un essai randomisé. Vos études doivent être bien conçues selon des normes internationales, et elles doivent comparer un nouveau traitement à une autre forme de soin. Elles doivent être conçues très précisément, bien sûr, afin de nous permettre d'obtenir les résultats dont nous avons besoin pour déterminer si nous utiliserons cette intervention ou non.
    Je vous suis très reconnaissante de cette précision.
    D'après mon expérience au sein de notre comité et mes contacts avec de nombreux vétérans, le problème, c'est que, lorsque j'entends quelqu'un dire qu'un traitement devrait être utilisé seulement lorsqu'on aura recueilli des données suffisantes ou qu'il ne devrait pas être la première source de soins, je me souviens qu'un grand nombre de vétérans voient ce traitement comme un moyen d'être soignés et de se débarrasser d'énormes doses de produits pharmaceutiques.
    Andrew, pouvez-vous parler de cet aspect?
    Je peux parler de l'expérience que j'ai vécue au moment où j'ai quitté les forces, même si je dois admettre que cela s'est produit il y a quelques années. Lorsque les troupes déambulaient dans les corridors avec trois ou quatre bouteilles de Dieu sait quelles sortes de comprimés dans leurs poches, nous parlions des « bruissements de la mort ».
    Je ne sais pas si c'était un problème particulier ou quoi, mais en discutant avec des fournisseurs de soins de santé et des médecins civils, nous constations souvent qu'ils étaient estomaqués d'apprendre ce qu'on nous avait prescrit.
    Le travail des soldats est rude. Évidemment, nous développons des problèmes de santé, comme le trouble de stress post-traumatique, la dépression, l'arthrite et la discopathie dégénérative, beaucoup plus fréquemment et tôt dans nos vies que la plupart des Canadiens. Cela contribue donc en partie au problème, mais les médecins civils étaient parfois ébranlés lorsque nous discutions de nos traitements.
    Puis-je vous interroger également à propos de la question du nombre de grammes prescrits? J'ai un ami qui prenait des milliers de produits pharmaceutiques par mois. Sa femme l'a convaincu d'utiliser un suppositoire — comme je l'ai dit auparavant, il ne s'agit pas d'une plaisanterie — de 10 grammes. Cela a changé énormément sa vie. Par elle-même, parce que le médecin ne voulait pas l'aider, sa femme l'a essentiellement amené avec le temps à ne plus dépendre d'aucun médicament.
    C'est fantastique.
    Lorsque nous parlons de la dose nécessaire, cela dépend du type de traitement...
    Tout à fait.
    ... et avez-vous recours à différents traitements?
    Absolument. Il n'y a pas de traitement universel en ce qui concerne le cannabis.
    Mon trouble de stress post-traumatique peut être très différent de celui d'un autre vétéran qui était assis à mes côtés et qui a été témoin des mêmes incidents.
    J'ai remarqué qu'il y avait en général une corrélation entre la quantité prescrite et le degré d'invalidité du patient, c'est-à-dire le nombre de différentes maladies dont souffre le patient, qu'il s'agisse de l'arthrose, de la discopathie dégénérative, du TSPT, de la dépression, et cetera. Un patient de ce genre aura besoin d'une dose plus importante que celle d'un patient qui est atteint uniquement du TSPT et qui se débrouille avec une dose quotidienne d'un, deux ou trois grammes de cannabis.
    De notre point de vue, le cannabis médical a pour objet d'amener, comme vous le dîtes, le patient à ne plus dépendre des opioïdes ou, du moins, de contribuer à cela et de rétablir une certaine qualité de vie, afin de réduire par la suite la dose de cannabis jusqu'à ce que le patient n'en ait plus besoin.

  (1715)  

    Comment réagiraient les vétérans en entendant une conversation à propos de la création de ce qu'ils considéreraient comme un comprimé thérapeutique?
    Nous avons été forcés de procéder ainsi pendant de longues années avant que l'huile de cannabis soit aussi couverte. Évidemment, Anciens Combattants Canada ne couvrait pas les coûts de l'huile initialement. Par conséquent, bon nombre des premiers patients plus âgés devaient convertir le cannabis séché, qui était considéré comme fumable, en une forme ou une autre de préparation à base d'huile de noix de coco ou d'huile TCM.
    Et si le cannabis était offert sous forme de comprimé ou de pilule, comme la plupart des produits pharmaceutiques? Comment réagiraient-ils à cela?
    Certains vétérans accueilleraient cela très favorablement. Personnellement, je sais que le fait d'avoir à fumer du cannabis ou à le consommer par vapotage a souvent nui à ma réputation ou à ma vie sociale.
    En fait, je suis légèrement en désaccord avec Dr Hurd à propos de l'inhalation de cannabis brûlé ou de sa consommation par vapotage, étant donné que j'ai constaté qu'elles aident de nombreux vétérans à gérer des symptômes soudains du TSPT. Les huiles et les autres formes comestibles du cannabis peuvent prendre de 45 minutes à deux heures à calmer le patient. Si quelqu'un visite un centre commercial, qu'un souvenir lui fait perdre les pédales et qu'il doit sortir de là, je remarque qu'en fait, la consommation du cannabis par vapotage soulagera ses symptômes beaucoup plus rapidement qu'un produit comestible. Toutefois, cela variera d'un patient à l'autre.
     Madame Blaney, vous disposez de trois minutes.
    Aujourd'hui, nous avons entendu nos témoins expliquer à quel point cet enjeu est complexe. Je suis une nouvelle participante à l'étude et, en conséquence, je tiens à revenir sur les données et la recherche, afin d'obtenir des éclaircissements.
    Au Canada, menons-nous des recherches particulières ayant trait aux anciens combattants, au TSPT et à leur interaction avec le cannabis? Étudions-nous précisément ces aspects, afin de réunir des renseignements supplémentaires qui contribueraient vraiment à soutenir les vétérans?
    Les témoignages que nous entendons aujourd'hui traitent de la complexité de cet enjeu — des difficultés qu'éprouvent les vétérans qui tentent simplement de reprendre leur vie antérieure et qui cherchent en ce moment n'importe quelle solution qui leur permettra de sauver leur mariage, d'interagir avec leurs enfants et de maintenir leur famille telle qu'elle était autrefois. Y a-t-il vraiment des études qui examinent précisément ces aspects?
    Les Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, ont lancé un appel particulier pour des projets de recherche portant précisément sur la question du cannabis et du TSPT qui touche les vétérans. Oui, des recherches sont menées à cet égard.
    Affirmez-vous que des recherches sont en cours en ce moment?
    Le processus d'approbation et toutes ces facettes sont confidentiels. Je ne dispose donc pas de cette information, mais je suis pas mal sûr que si vous adressez cette question aux IRSC pour découvrir les projets qui ont été financés et...
    ...la date où ils seront mis en oeuvre.
    Lorsque nous effectuerons ces recherches, qui sont d'une grande importance, nous devrons étudier la situation des collectivités rurales et éloignées. Lorsqu'on envisage la réalité d'être diagnostiqué dans ces collectivités, d'obtenir les médicaments dont on a besoin, on réalise que toutes ces étapes comportent plusieurs obstacles qui doivent être surmontés d'une façon constructive.
    Quelqu'un détient-il des renseignements sur des recherches qui traitent vraiment des difficultés auxquelles ces collectivités rurales et éloignées font face? Il est vrai que de nombreux vétérans viennent s'établir dans ma circonscription tout simplement parce qu'ils souhaitent adopter le rythme de vie qui y règne. Ils veulent habiter un endroit tranquille où ils ne se sentiront pas dépassés par les événements. Je ne sais pas si, dans notre pays, nous examinons ces difficultés de la façon dont nous devrions le faire.
    Pour traiter un certain nombre de maladies, nous disposons de quelques méthodes assistées par la technologie pour venir en aide aux collectivités rurales et aux fournisseurs de soins de santé de ces collectivités. Ces professionnels de la santé seraient donc en mesure de prodiguer dans ces collectivités de meilleurs soins fondés sur des données probantes. Ces méthodes pourraient certainement s'appliquer à toutes les questions liées au cannabis.
    Nous devrions évaluer soigneusement l'idée de centraliser vraiment les connaissances sur le cannabis médical dans des cliniques particulières qui sont habituellement établies dans de grandes villes. Ce n'est certainement pas une bonne façon de s'assurer que les patients des quatre coins du pays, y compris les collectivités rurales, auront accès à des traitements.
    Pour reprendre les paroles de mon collègue, l'une des principales solutions consiste à améliorer la formation offerte dans les écoles de médecine, afin que tous les médecins, y compris ceux qui travailleront dans ces collectivités rurales, soient bien formés dans le domaine du cannabis, au lieu d'informer uniquement des cliniques particulières qui, habituellement, offrent ce genre de traitements uniquement dans les grandes villes du Canada.
    Oui, c'est un énorme problème. Bon nombre de professionnels de la santé ne savent même pas comment diagnostiquer ces problèmes ou prescrire du cannabis. Par conséquent, ils ne le font pas, ce qui laisse les membres de ces collectivités dans des situations vraiment difficiles.
    Merci beaucoup.

  (1720)  

    Cela met fin à notre séance d'aujourd'hui.
    Au nom de notre comité, j'aimerais remercier tous les témoins de l'excellent témoignage qu'ils ont apporté aujourd'hui. Chers témoins, je vous remercie de toutes les mesures que vous avez prises pour aider les hommes et les femmes qui ont servi notre pays.
     La séance est levée.
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