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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bon après-midi tout le monde.
    Conformément à l'article 108(2), et de la motion adoptée le 29 septembre, le Comité poursuit son étude de la santé mentale et de la prévention du suicide chez les vétérans.
    Les témoins que nous accueillons aujourd'hui sont M. Claude Lalancette, M. Dave Bona, M. Brandon Kett et M. John Dowe. Merci, messieurs, de votre présence.
    Comme vous le savez peut-être, les témoins peuvent présenter un exposé et de faire quelques déclarations d'ouverture pendant 10 minutes. Ensuite, il y a une période de questions et de réponses. Nous procéderons par rotation pour cela.
    Monsieur Lalancette, vous pouvez commencer. Vous avez 10 minutes.
    Tout d'abord, j'aimerais lire une déclaration du Dr Nevin. Il vous présente ses excuses. Il souhaite apporter une correction à une déclaration qu'il a faite mardi, et je crois qu'il est très important que je vous communique cela, puisqu'il me l'a demandé.
    Certainement.
    Puis-je avoir cinq minutes pour lire ce courriel?
    Le Comité est-il d'accord?
    Dans la mesure où il est présenté.
    Bien. Vous pouvez le présenter. Nous vous accordons cinq minutes pour cela.
    Nous le présenterons aussi. Le Dr Nevin le présentera.
    Il m'a demandé de présenter ses excuses au Comité. Il a involontairement induit en erreur le Comité mardi. Il vous a dit que la monographie canadienne de la méfloquine n'avait pas été mise à jour récemment. Le Dr Nevin vous dit qu'il est heureux d'avoir appris ce matin qu'il y a eu une mise à jour en date du 4 août 2016, et que cela est su. Voici les changements :
la méfloquine peut causer des troubles mentaux graves chez certaines personnes. De graves effets secondaires peuvent se manifester soudainement, et ils peuvent durer des mois, voire des années après qu'on ait cessé de prendre la méfloquine. Les symptômes de troubles mentaux graves sont, entre autres : anxiété, impression non fondée que des gens vous veulent du mal,
    Je suis désolé, mais cela me touche beaucoup. Je continue :
paranoïa, dépression, voir et entendre des choses, hallucinations, pensées suicidaires ou pensées d'actes violent contre soi-même ou contre les autres, agitation et comportements inhabituels.
    Le Dr Nevin aimerait dire que : « Si cela est vrai, l'affirmation faite par M. Hehr voulant que ce médicament n'ait pas d'effets à long terme et ne soit pas nocif est complètement erronée. »
    Voilà, c'est ça.

  (1540)  

    Vous avez dit que vous alliez nous présenter ce document ou nous en fournir une copie.
    Le Dr Nevin vous écrira.
    Merci beaucoup. J'apprécie cela. Monsieur Lalancette, vous avez maintenant 10 minutes. Merci.
    J'aimerais m'excuser. J'ai des problèmes de concentration. Je travaille très fort à les surmonter. J'ai essayé de résumer tout ce que j'ai à dire en 10 minutes, mais en raison de mon manque de concentration, ce pourrait être plus long; je vous demande donc d'être patients avec moi.
    Bonjour tout le monde. Je m'appelle Claude Lalancette. Je suis un parachutiste vétéran. J'ai fièrement servi mon pays pendant plus de 10 ans. Je suis un membre du Royal 22e Régiment et j'ai servi avec fierté au sein du Régiment aéroporté du Canada.
    Le 26 décembre 1992, mon gouvernement m'a déployé en Somalie pour des opérations de libération. On nous a donné de la méfloquine comme médicament antipaludéen. C'est à cela que je peux retracer l'origine de mes problèmes de santé mentale; je dis problèmes, parce qu'ils restent encore non résolus.
    Quand je pense maintenant au théâtre, je peux dire que les nuits pendant lesquelles nous pouvions dormir étaient envahies de cauchemars. Nous savons tous qu'en théâtre, on est en état de disponibilité opérationnelle tous les jours, 24 heures sur 24. Quand nous ne sommes pas en patrouille, nous sommes de garde à la base. Nos nuits étaient partagées et les horaires variaient, ce qui rendait très difficile d'avoir une bonne nuit de sommeil.
    Si je me souviens bien, nous étions autorisés à prendre deux bières, et c'est là que j'ai eu les cauchemars les plus terrifiants. Pour ne pas perdre mon calme, je vais limiter les détails. En rétrospective, quand je pense à la méfloquine, les choses paraissent évidentes. Nous étions jeunes et extrêmement bien formés pour cette mission, mais l'intensité de notre agressivité et de notre psychose a mené à la fermeture d'une force d'élite du Canada, le Régime aéroporté du Canada.
    Je ressens jusqu'à présent la honte qui a accompagné cette fermeture, tout le blâme et toute la honte qu'a connus ce régiment. J'ai d'autant plus honte que j'ai blâmé pour la fermeture du régiment deux personnes innocentes : Clayton Matchee et Kyle Brown, qui sont des victimes.
    Quand je regarde en arrière, je vois l'effondrement de ma carrière militaire. Je suis passé du 1er Commando au peloton d'éclaireur. Quand le Régiment a été démantelé, j'ai été posté à la compagnie de parachutistes à Valcartier. Là, ma carrière a touché le fond. J'ai été expulsé du Royal 22e Régiment en raison de mon implication dans l'incident du 4 mars de l'enquête sur la Somalie. J'ai été exclu de la participation à une mission de l'ONU en Haïti. J'ai reçu des menaces concernant ma carrière, je me suis fait dire que si je parlais trop, de nombreuses carrières en souffriraient, surtout la mienne. Cette menace était inutile, compte tenu de ma forte loyauté envers mes frères.
    J'ai finalement été libéré en 2001. Après les Forces armées, j'ai essayé d'étudier, essayé de reprendre pied, et cela m'a été très difficile. J'ai étudié l'informatique, et chaque jour était une lutte à cause de mon manque de concentration, mais j'avais besoin de persister pour ma famille.
    J'ai commencé à avoir des problèmes de dépression et autres et, en 2007, j'ai reçu le diagnostic de SSPT. Au début, je ne savais pas qu'est-ce qui m'arrivait. J'étais déprimé, irritable, agressif et hypervigilant. J'avais des difficultés à dormir et des pensées suicidaires. J'ai consulté le médecin au sujet de mes problèmes, parce que j'étais en train de perdre le contrôle. Mes cauchemars me hantaient. Mon agressivité faisait de moi un homme très dangereux. Je savais que quelque chose n'allait pas et que je devais faire quelque chose à ce sujet. J'entendais l'horloge dans ma tête.
    Mes premiers contacts avec des professionnels de la santé mentale m'ont amené à communiquer avec Anciens Combattants. C'était trop complexe pour le comité civil, et celui-ci m'a donc aiguillé vers des soins plus spécialisés, c'est-à-dire ACC. Quand j'ai communiqué avec ACC, je me suis fait dire que je devais aller d'urgence à l'hôpital de Sainte-Anne.

  (1545)  

    Je m'y suis rendu le lendemain. Là, j'ai vu un travailleur social et une infirmière, et j'ai parlé à un Dr Bélanger, un psychiatre. Ce médecin a vaguement expliqué ma situation et m'a demandé de me faire admettre immédiatement. J'étais si ébranlé et angoissé que cela m'a fait paniquer. J'ai refusé et quitté l'hôpital.
    C'est pendant que je ruminais tout cela dans ma tête tandis que j'étais bloqué dans la circulation en chemin vers chez moi que j'ai eu mon premier épisode de psychose. J'étais dans la circulation, essayant de digérer tout cela quand un semi-remorque a commencé à me suivre de trop près. Un besoin insurmontable de réagir m'a envahi. Ma colère a éclaté. J'ai bondi de ma voiture et je me suis dirigé vers le camion. Sans aucune hésitation, j'ai ouvert la porte du camion et j'ai littéralement arraché le conducteur de son véhicule, malgré le fait qu'il portait sa ceinture de sécurité. Une fois l'homme hors du camion, j'ai commencé à le battre, puis j'ai repris mes esprits.
    C'était surréaliste. Je ne pouvais pas croire ce que j'étais en train de faire. J'étais au milieu d'une autoroute avec 1 000 voitures derrière moi qui me regardaient attaquer ce pauvre homme. J'ai tout lâché, je suis retourné en courant à ma voiture et j'ai pris la fuite. Une fois à la maison, j'ai appelé l'hôpital pour organiser mon admission le lendemain. Je savais que j'avais besoin d'aide, que je devais aller chercher cette aide.
    Depuis cet incident, j'ai eu deux autres épisodes de psychose de rage au volant. Je ne me permets plus de conduire à cause de ces incidents. Depuis que je me suis soumis aux traitements d'ACC, j'ai subi trois traitements en interne à l'hôpital de Sainte-Anne-de-Bellevue. Là, j'ai été mis en sédation profonde au moyen d'antipsychotiques et d'antidépresseurs.
    Après mon premier séjour à l'hôpital, j'ai passé 18 mois sans voir mon médecin. Elle renouvelait mes ordonnances par télécopieur, sans me voir. J'ai été en thérapie à l'hôpital pendant cinq ans. Je prenais tellement de médicaments que ma santé en a été affectée. J'ai eu le diabète, ainsi que des problèmes de digestion, et mon poids a atteint 127,7 kilos. Malgré le fait que je prenais un maximum de médicaments, j'ai contemplé le suicide, la corde autour du cou, à trois reprises. Seulement la pensée de mes enfants m'a gardé en vie. Mais aujourd'hui, où sont mes garçons?
    Durant tout ce temps, ma santé mentale ne s'améliorait pas. Ils augmentaient le dosage de mes médicaments jusqu'au point de me stabiliser, mais je ne restais pas stable. Je luttais contre mes médicaments. Les troubles du sommeil s'aggravaient. Malgré le fait que je prenais de fortes doses, je n'y arrivais pas. Pour couronner le tout, je m'auto-médicamentais avec du cannabis pour combattre mes symptômes qui s'aggravaient. Je ne comprenais pas pourquoi je n'allais pas mieux.
    Le cannabis au moins m'apportait un certain soulagement. Il contrôlait très bien mes symptômes et me conférait la paix dont j'avais besoin. J'étais très agressif à la maison, où ma famille marchait sur des oeufs. Mon hypervigilance créait un effet de bunker. J'avais de graves problèmes sociaux; j'étais très dangereux. Tous ces médicaments que je prenais ont sapé ma virilité. Je ne comprenais pas pourquoi je n'allais pas mieux.
    Vivre ainsi a détruit ma vie. J'ai été marié pendant 20 ans, mais plus maintenant. J'avais une famille affectueuse, mais plus maintenant. J'avais un foyer affectueux, mais plus maintenant. J'avais une vie, mais plus maintenant.

  (1550)  

    Les membres de ma famille sont devenus mes victimes. Le SSPT a envahi leurs vies. Je vis dans la pauvreté à cause d'attaques de la part de l'Agence du revenu du Canada. J'ai aussi des problèmes de gestion pour avoir pris de mauvaises décisions en raison de mes symptômes.
    Mon état mental m'a amené à prendre de mauvaises décisions, ce qui m'a endetté davantage. Ce n'est pas que je sillonnais la ville sous l'effet de la cocaïne ou en pleine crise. J'étais un mari, n'est-ce pas? J'étais le père de deux enfants qui tentait d'améliorer sa situation. J'ai reçu un montant forfaitaire et un an plus tard, après avoir acheté ma maison, j'ai été attaqué par l'Agence du revenu du Canada. Je vais sauter cette partie. Ceci, je crois, devrait....
    Une voix: Pouvez-vous nous soumettre cela?
    M. Claude Lalancette: Oui, je vais vous soumettre le texte entier. Je l'ai déjà soumis. Pour ne pas perdre de temps, je vais avancer.
    J'ai fui le pays en 2012 parce que j'étais en train de mourir aux mains de mon gouvernement. J'ai quitté pour me guérir. J'étais en train de mourir. J'ai perdu ma famille, mon domicile, ma santé, mon honneur, et je vivais d'un système d'ACC qui m'humiliait. Je me sentais comme un fardeau, et j'étais complètement disjoncté. Je me suis installé dans le sud, là où je pouvais guérir. Les rayons du soleil ont guéri ma dépression. Les aliments étaient naturels, sans OGM, et cela a guéri mon diabète. Le mode de vie plus lent de là-bas a diminué mon agressivité, ma dépression et tout le reste.
    Tout cela a été interrompu en raison des attaques de l'Agence du revenu du Canada par le truchement de mon RARM. Je devais de l'impôt sur le paiement forfaitaire. C'est tout décrit ici. Je suis revenu en mars, sur ordre d'ACC pour vérifier mon dossier et aussi pour obtenir mon statut d'ITP, parce qu'ai essayé de le faire à partir du sud, et ça été une pagaille; j'ai donc dû revenir et tout recommencer. J'attends toujours, et cela fait deux ans. Jésus...
    Au fait, depuis que j'ai appelé pour m'enquérir au sujet de la méfloquine, dont je n'avais jamais entendu parler auparavant et que cela fait tout juste cinq mois que j'en ai pris connaissance sur Internet, les employés du bureau d'ACC à Mississauga me refusent mes avantages. Ils m'ont retiré mon gestionnaire de soins cliniques qui m'aidait à me remettre sur pied. Il m'avait obtenu ma carte santé. Il m'avait obtenu l'appartement dans lequel j'étais, parce que j'étais sans abri depuis mars. Je venais tout juste d'entrer dans mon appartement en janvier. Il était en train de traiter mes problèmes financiers, et il a tout simplement disparu. Le bureau de Mississauga a été très agressif en me disant que nous devions arrêter, et maintenant, je suis sur le point de tout perdre de nouveau.
    Je crois que c'est très important. J'ai été très affecté et je me suis senti dépassé... quand j'ai découvert... j'ai été sans dormir pendant cinq jours, assimilant simplement l'information par les médias sociaux. J'étais complètement dépassé et j'ai eu, non pas une psychose, mais une crise. J'ai appelé ACC et l'aide que j'ai reçue s'est résumée à un numéro 1-800, un numéro de crise.

  (1555)  

    J'ai appelé ce numéro. J'ai expliqué ma situation. La jeune femme avait la voix qui tremblait. Elle ne pouvait pas m'aider. Elle ne savait pas quoi faire. En fait, elle avait besoin elle-même d'un numéro 1-800 pour les crises.
    J'ai appelé ACC de nouveau. On m'a dit : « Appelez le service d'urgence, monsieur ».
    J'ai appelé. J'ai demandé une ambulance. Deux agents de police sont venus et ont fait tout un spectacle. L'ambulance m'a emmené à l'urgence où, après que j'aie décrit mes symptômes, ils m'ont enfermé. Ils m'ont enlevé mes médicaments. J'ai été mis sous surveillance pour risque de suicide pendant 14 heures, et mes médicaments m'ont été refusés pendant ce temps-là.
    Il y a une certaine stigmatisation au sujet de mes médicaments. J'ai présenté une plainte au Tribunal des droits de la personne du Québec, parce que j'ai été arrêté à tort malgré tous mes permis et le fait que tout le reste était payé par ACC. J'ai été arrêté. Il y a donc une stigmatisation au niveau de mes médicaments.
    Ils m'ont enlevé mes médicaments. Après 14 heures, ils ne voulaient toujours pas me les rendre, j'ai donc demandé de quitter et ils m'ont jeté à la rue. J'ai passé les 10 jours suivants à la maison, baignant dans mon propre enfer.
    Il fallait que je me remette sur pied. J'avais un objectif. Je travaille très fort vers la guérison, et j'avance dans ce sens maintenant.
    Je me suis heurté à des problèmes de tous les côtés. Mon médecin de famille et mon psychologue sont complètement paumés. Ce n'est pas leur faute, je ne leur en veux pas. C'est le système médical qui a accepté cette substance. Personne ne sait rien à son sujet. Si je vais à la pharmacie... J'ai été récemment chez Shoppers Drug Mart. J'ai obtenu un imprimé de ce qu'est la méfloquine, et vous avez une mention de fréquence de 1 % au bas de la page. Ce n'est pas 1 %. J'en ai fait partie.
    J'implore tous les députés d'examiner la question parce que ce n'est pas un problème des vétérans seulement, c'est un problème de santé national.
    Je parle en mon propre nom devant ce Comité, en tant que parachutiste vétéran, mais je ne suis qu'une des multiples gouttes qui remplissent ce seau d'agonie.
    Un grand nombre de membres des Forces canadiennes ont pris ce médicament contre le paludisme pendant leur déploiement. Et cela, c'est sans compter les civils, le Corps des volontaires de la paix, les travailleurs de l'ONU, les travailleurs humanitaires, les étudiants, les professionnels et les voyageurs. Ce sont tous là des gens qui ont été affectés par ce médicament antipaludique, la méfloquine.
    Je demande au gouvernement canadien de s'acquitter de son obligation morale et juridique à l'endroit de ses citoyens, de ses fils et de ses filles qui défendent le pays, de tous les vétérans qui ont servi avec honneur. Il faut lancer immédiatement des mesures de sensibilisation et informer la collectivité. Le Canada est très très loin derrière le monde à ce sujet.
    Le nombre de suicides augmente et c'est la réponse. Le Canada peut se racheter en procédant à une sensibilisation exemplaire de ses citoyens, et en montrant au reste du monde que le Canada peut se placer en tête de file.
    Nous avons besoin d'aide. Cela ne mérite-t-il pas d'être examiné? C'est un problème de santé national.
    Merci de m'avoir écouté.
    Aéroporté!
    Merci, Claude.
    Monsieur Dowe.

  (1600)  

    Je remercie le Comité permanent des anciens combattants de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Je félicite personnellement l'honorable Kent Hehr et le Comité permanent d'avoir organisé ces séries de rencontres. Je vous en suis très reconnaissant.
    Je m'appelle John Dowe, et je suis un témoin direct de la psychose, de la rage et des hallucinations manifestées par le caporal-chef Clayton Matchee dans le bunker cette nuit fatidique en Somalie. Je peux librement décrire entièrement cette expérience pendant la période de questions et après mon témoignage.
    Je suis aussi un des membres fondateurs de l'International Mefloquine Veterans' Alliance. J'ai contribué à la création de ce groupe et géré l'élément canadien. Je gère également les comptes de médias sociaux ici.
    En collaboration avec des intervenants clés ici et à l'étranger, nous réseautons par le truchement de ce point de contact principal. Notre site Web, nos campagnes actuelles dans les médias sociaux et notre témoignage aux comités parlementaires font en sorte que les vétérans qui ont pris de la méfloquine obtiennent les renseignements qui leur manquent aujourd'hui, étant donné qu'il n'y a aucune mesure de sensibilisation. Au nombre de nos activités, nous renseignons nos dirigeants des systèmes de santé et militaires au sujet tant des effets prodromiques aigus que de la myriade des séquelles permanentes de ce médicament suicidaire, étant donné que les étiquettes actuelles sont dangereusement périmées. Attendez, je me reprends : nous venons tout juste d'apprendre l'existence d'une mise à jour en août, donc nous verrons cela.
    En conséquence, en l'absence d'une action à l'échelle nationale visant à identifier et à avertir les soldats et les consommateurs des dernières découvertes au sujet de la méfloquine, nous sommes laissés avec des images de psychose, de meurtre, de violence et de suicide. Nous soulignons donc la honte éthique et morale de ceux qui retardent ou refusent sciemment un débat positif visant à modifier notre politique actuelle sur le paludisme. Le dialogue et le soutien visibles démontrés par nos alliés dans le monde, tant dans leurs parlements que dans les tribunaux, font ressortir davantage la négligence dont le Canada fait preuve.
    Mon cheminement jusqu'ici a débuté à l'automne 2014, après qu'Hervey Blois ait eu une conversation téléphonique bouleversante avec Kyle Brown, et qu'il ait décidé de me passer, en quelque sorte, le bâton. Après lui avoir parlé, il a déterminé qu'il irait dans l'intérêt de la cause et des questions auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui de me transmettre le dossier qu'il avait créé au cours des deux ou trois dernières années. J'ai accepté le bâton et j'ai commencé à courir, et voici où nous en sommes.
    Membre d'un groupe en Somalie qui a travaillé avec le Dr Armstrong, Hervey Blois est un auxiliaire médical qui était présent le soir où le décès de Shidane Arone a été prononcé. Maintenant, Kris Sims, ancien chef du bureau de l'Atlantique du Sun News Network, et peu après, le directeur des communications d'Erin O'Toole, ont produit une longue entrevue télévisée à laquelle j'ai participé sur ce sujet au début de 2015. Je pourrais donner plus de détails là-dessus lors des questions.
    Voici où on en est sur le plan mondial en ce qui concerne la politique sur la méfloquine. Les Forces armées américaines ont un taux d'administration de ce médicament de 1 %. La Food and Drug Administration en a exigé la mise en garde encadrée dès 2013, et il perd de plus en plus la cote chez les consommateurs civils.
    Au Royaume-Uni, le Defense Select Committee a fourni son appui, et le ministère de la Défense a commencé à agir de façon visible. Ils sont arrivés à éliminer presque entièrement la préférence d'usage. Nous avons vu tout récemment lord Dannatt, l'ancien chef d'état-major général, offrir de sincères excuses et s'engager à traiter les problèmes des vétérans causés par la méfloquine avec beaucoup de soins et beaucoup d'attention.
    Le Sénat australien a entendu et étudié cette question, et l'Australian Defence Force et le Returned and Services League déploient des efforts continus pour mettre en oeuvre des mesures de sensibilisation et exiger une action. Autre chose très importante, le plus haut organisme pour les vétérans, l'ADSO, l'Australian Defence Services Organization, qui est l'organisme qui chapeaute la Returned and Services League et les autres groupes qui prodiguent des services aux vétérans, a appuyé sans réserve nos recommandations et notre appel à l'action. Le lieutenant général Caligari, ancien commandant du 2RAR en Australie, a déclaré qu'il y va du devoir de son pays de s'occuper de cette question. Il a rappelé à l'Australie la nature involontaire de la situation que vivent les militaires dans le tourbillon de ces épreuves, et il a demandé que l'engagement entre soldat et pays soit respecté dans le cas de ces victimes de la méfloquine.

  (1605)  

    En Irlande, Roche a retiré le produit du marché.
    Mme Wagantall, j'ai ici une note pour vous au sujet d'Apotex. J'ai remarqué votre question au Parlement au sujet des produits génériques d'Apotex, et je pourrais vous en parler après mon exposé pour ajouter un peu plus de renseignements à ce sujet.
    À l'heure actuelle, les ministres irlandais se débattent pour trouver la vérité, et la députée Clare Daly se bat vraiment dans ce Parlement irlandais pour obtenir une bonne conformité.
    Ici, au Canada, nos Forces armées distribuent ce médicament suicidaire cinq fois plus que ne le font les États-Unis, et nos étiquettes de santé publique pour les consommateurs sont incomplètes et désuètes. Là encore, nous donnerons suite à ce qu'a déclaré le Dr Nevin.
    Pour nos vétérans, en ce qui concerne le soutien au Canada, j'ai parlé à Brad White et à Craig Hood de la Légion royale canadienne. Ils ont approuvé et appuyé une enquête subséquente concernant l'impact de ce médicament sur les Canadiens aujourd'hui.
    Je demande que le Canada accepte et adopte une réduction graduelle de la prescription de ce médicament pour atteindre le taux de 1 % qu'ont les États-Unis.
    En ce qui concerne les attentes et les résultats, afin d'atteindre des pratiques exemplaires en matière de politique sur le paludisme et pour appuyer l'intention de ce Comité de soulager les problèmes de santé mentale et de suicide que nous avons aujourd'hui, l'International Mefloquine Veterans' Alliance demande au Comité de conseiller à Santé Canada, à la Défense nationale et aux Anciens Combattants de conjuguer leurs efforts et d'entreprendre une campagne d'information de santé publique et de sensibilisation auprès de toutes les personnes à qui ce médicament a été prescrit dans les Forces armées, et une campagne d'information du public conseillant aux consommateurs de consulter leur médecin parce que des renseignements à jour pour les praticiens et les consommateurs sont la clé ici pour les amener à augmenter leurs connaissances sur ce médicament et sur ses divers effets secondaires.
    D'après ce que nous avons compris, il faudra que Santé Canada, notamment le CCMTMV, le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine du voyage, devra produire une directive pour que soit retirée le verrou qui maintient fermée la porte du changement dans la politique. Nos défenseurs civils sont ici aujourd'hui également, Bev Skwemuik et Jessica Konecny. Elles géreront l'élément civil de cette question et continueront à travailler tandis que nous passons à Santé Canada pour faire en sorte que nous ayons davantage d'informations qui fassent notamment état de nos lignes directrices internationales.
    Bev et Jessica, que je viens juste de mentionner, ont travaillé assidûment à visiter les pharmacies et les cliniques de voyage afin d'examiner les renseignements qui y sont diffusés, et elles connaissent d'expérience, en tant que personnes affectées par ce médicament, la confusion que cause le manque de renseignements à jour et le fait que les avertissements ne sont pas distribués de façon uniforme. Même entre les franchises comme Rexall et Shoppers, les renseignements sont disparates d'une pharmacie à l'autre étant donné qu'il n'y a aucune procédure uniforme de renseignement des consommateurs, et cela varie d'une province à l'autre.
    Ce manque de protection des consommateurs est un obstacle au consentement éclairé, et Santé Canada doit exiger que le CCMTMV procède à un examen et modifie ses directives désuètes et dangereuses au sujet de la méfloquine.
    En conclusion, compte tenu des véritables facteurs de causalité relevés au cours de diverses périodes de service, qui ont mené à des événements horribles, un examen approfondi s'impose. Le fait même que nous n'ayons pas eu un tel examen en fonction des nouveaux renseignements va à l'encontre de nos valeurs sociales canadiennes, sans compter qu'il est honteux de refuser à de nombreux civils, militaires et vétérans, la possibilité de recevoir le bon diagnostic de lésion cérébrale acquise par intoxication à la méfloquine.
    Ces véritables facteurs de causalité que j'ai mentionnés ont mené à ces événements horribles — et je viens de vous les décrire —; quand il s'agit d'administrer cette drogue suicidaire conformément aux lignes directrices du produit, l'histoire sordide des applications militaires conformes de la méfloquine est comme une mauvaise tuyauterie : elle se détériore à chaque tournant.
    Quant à la divulgation, les citoyens comme Marj et toute la famille Matchee forcés à supporter l'opprobre d'une nation entière méritent que la vérité soit révélée.
    Kyle Brown, qui continue à errer dans un désert de malentendus et de désespoir, mérite la vérité. Hervey Blois, l'auxiliaire médical qui a lutté contre des problèmes de santé chroniques et a maintenu à l'avant-plan les travaux du député John Cummins, mérite l'honnêteté. Le colonel Kenward, le dernier commandant du Régiment aéroporté du Canada, qui est encore dans la mêlée pour avoir tenté de rectifier cette parodie d'histoire militaire, mérite la vérité. Brent Ashton, neveu du général Barry Ashton, qui a sauvé des vies par ses actes d'héroïsme lors d'une embuscade à Mogadishu, m'a confié à plusieurs reprises les problèmes qui lui ont été causés par la méfloquine et la lutte qu'il continue à mener pour maintenir une certaine qualité de vie aujourd'hui.

  (1610)  

    Cela vaut aussi pour Christian McEachern qui, excédé de ne pas recevoir les soins voulus pour son stress post-traumatique, a lancé son véhicule contre le bâtiment du quartier général en Alberta. Il a également déclaré que ses problèmes avaient commencé après avoir pris de la méfloquine en Ouganda.
    Il y a Val Santiesteban, la mère de Scott Smith, à qui l'on a refusé la vérité sur le suicide de son fils au Rwanda.
    Et que dire de Sonia Scalzo, épouse d'un autre soldat psychotique? Notre ombudsman du MDN lui a refusé six fois une procédure équitable, et c'est de notoriété publique.
    J'ai d'autres exemples, mais vous voyez ce que je veux dire.
    Dans les contacts que j'ai eus ces dernières années, j'ai également accumulé des anecdotes épouvantables que m'ont racontées des membres en service actif, comme l'ingénieur John Buckle. Son expérience de consommateur en mission et sa frustration quand il explique les effets sur sa santé au personnel médical actuel des Forces canadiennes sont la norme à laquelle sont confrontés tous les soldats aujourd'hui avec le toxidrome induit par la méfloquine.
    Il y en a beaucoup d'autres, mais je ne peux pas tous les nommer maintenant. Je manque de temps et j'en oublierai probablement quelques-uns, mais les vannes sont ouvertes.
    Ces femmes et ces hommes courageux continuent de souffrir dans la confusion et le silence, mal diagnostiqués et maltraités, et privés des services dont ils ont besoin, pour lesquels ils paient des primes et ils sont couverts. Stress post-traumatique plus pilules plus méfloquine égale mort.
    Pour terminer, nous savons maintenant comment tellement de civils, comme Bev Skwerniuk et Jessica Konecny, ont fait les frais de l'absence et de la destruction des rapports de l'essai clinique commercial contraire à l'éthique mené en Afrique. Durant les opérations, ce simulacre d'essai clinique et l'instinct qui a poussé à faire plier bagage pour de bon au régiment aéroporté dans la précipitation ont aidé à accélérer l'homologation de ce médicament et à exposer des consommateurs innocents à donner en masse un consentement non éclairé. Nos citoyens méritent mieux.
    Par ailleurs, le fait que les vétérans continuent de se voir refuser un traitement plus approprié contribue directement à la prévalence de taux de problèmes de santé mentale et à celle des tentatives de suicide et des suicides aboutis chez nos militaires et nos vétérans aujourd'hui. Le Canada peut mieux faire.
    Quand nous passerons aux questions tout à l'heure, je pourrai revenir sur mon récit de témoin de ce qui s'est passé dans le bunker ce soir-là avec Clayton Matchee.
    Merci beaucoup de votre temps.
    Merci.
    Vous avez la parole, monsieur Bona.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle David Bona. Je suis ancien combattant et j'ai servi mon pays pendant 14 ans dans le North Saskatchewan Regiment, le Royal Canadian Regiment et le Régiment aéroporté du Canada. J'ai été déployé en opération à Chypre, en Arabie saoudite pour la guerre du Golfe, en Somalie et au Rwanda.
    On m'a diagnostiqué un stress post-traumatique lié aux déploiements opérationnels et des lésions cérébrales acquises causées par la méfloquine qu'on m'a donnée en Somalie et au Rwanda. Ma carrière s'est arrêtée à cause des mauvais mécanismes d'adaptation que j'ai développés pour faire face aux effets débilitants du stress post-traumatique et des lésions cérébrales acquises dues à la méfloquine.
    Je suis passé en cour martiale et j'ai été libéré parce qu'inapte à continuer mon service militaire. Être libéré pour un motif 5(f), ce n'est pas agréable, vous savez.
    Je me suis engagé comme simple soldat et quand j'ai quitté l'armée 14 ans plus tard, j'étais toujours simple soldat.
    J'aimerais vous lire une lettre de mon épouse, Teresa.
Dave et moi sommes ensemble depuis 14 ans. Je l'ai regardé se démener et lutter pour trouver un semblant de paix d'esprit, pour essayer d'atténuer ses sautes d'humeur, la colère, la rage. Il m'a fallu quelques années pour les voir arriver, pour savoir quand s'y attendre, et quelques autres années encore pour vraiment comprendre que ce n'était pas moi qui les provoquais, que je ne pouvais pas les empêcher quoi que je fasse ou ne fasse pas.

Aussi, après ses accès de rage et de colère, après qu'il perdait la tête, venaient la dépression et la culpabilité, ce qui est tout aussi affreux. L'impuissance du « Pourquoi est-ce que je ne peux pas...? Est-ce que c'est tout ce que je peux espérer pour le reste de ma vie? Est-ce qu'il n'y a rien d'autre? » Et après, inévitablement, la dernière question, celle qui me brise le coeur et me met en colère, « Pourquoi est-ce que tu es avec moi? »

Les conséquences psychologiques pour moi, pour nos jumeaux de 11 ans et pour nos aînés qui sont maintenant adultes, les regarder grandir en étant hypervigilants aux sautes d'humeur de Dave et après aux contrecoups du jour qui durent. Dans tout cela, il y avait aussi des moments de folie totale, presque comme si une autre personne était entrée dans nos vies.

Furieux de sa situation, Dave m'accusait de choses impossibles, créait une réalité parallèle avec des détails qui étaient exagérés ou qui n'existaient tout simplement pas. Quand je regarde ses yeux dans ces moments-là, et il en arrive encore, c'est comme si le Dave que je connais et que j'aime n'existait plus. Il est livide. Son regard est plus sombre et il a l'air si méchant, sans humanité. C'est une expérience absolument effrayante.

Mais la vraie question est la suivante : pourquoi n'allait-il pas mieux? Il mangeait sainement, faisait de l'exercice. Deux fois par mois et parfois toutes les semaines, il voyait une des meilleures psychologues dans son domaine pour soigner le stress post-traumatique. Il a passé un mois à Bellwood, en Ontario, pour un traitement interne du stress post-traumatique. Il a suivi tous les protocoles de traitement du stress post-traumatique — 17 ans de traitement, 17 ans de travail acharné tous les jours.

Puis il y a eu un coup de génie, une découverte. Il y a trois ans, la psychologue de Dave a changé son plan de traitement pour y inclure le protocole qu'on prescrit à quelqu'un qui a des lésions cérébrales traumatiques, une nouvelle thérapie qui reconditionne le cerveau autour des régions lésées en utilisant un type de neurofeedback sous surveillance électronique. Les résultats ne sont pas apparus du jour au lendemain et il arrivait que les choses semblent empirer, mais pour finir, on a commencé à voir les effets. Les accès de rage se sont espacés, il a fini par arriver à se calmer plus rapidement, par passer d'une semaine à quelques jours et, finalement, à quelques heures.

Je ne suis pas une spécialiste et je serais incapable de faire la différence entre le stress post-traumatique et les dommages causés au cerveau de Dave par la toxicité de la méfloquine, mais je crois sincèrement, de ce que j'ai observé personnellement et à partir des témoignages de membres de sa famille sur sa personnalité avant qu'il prenne de la méfloquine, que tous ses moments de folie sont causés par la méfloquine. Je crois aussi que le stress post-traumatique dont il continue de souffrir beaucoup est également dû aux effets toxiques de la méfloquine. Mais j'ai autant d'espoir que de colère. Il est grand temps de reconnaître les faits et de ne pas tout mettre dans le fourre-tout qu'est devenu le diagnostic de stress post-traumatique. Depuis trois ans, la situation est plus gérable pour nous. Ce n'est pas parfait, mais nous avons de l'espoir, alors que nous n'en avions pas avant, et tout cela grâce au nouveau protocole de traitement de Dave. La honte que portent ces soldats et ces vétérans depuis 25 ans commence à se dissiper pour certains d'entre eux parce que ce n'est pas seulement le stress post-traumatique qui les accable. Leur cerveau est endommagé par le médicament qu'on leur a délivré.

  (1615)  

    Je vais juste passer rapidement en revue quelques extraits d'une page de la lettre témoignage que j'ai affichée sur le site Web de l'International Mefloquine Veterans' Alliance, pour vous expliquer où les problèmes ont commencé :
Le premier jour où j'ai pris de la méfloquine pour la Somalie, en 1992, je me suis presque aussitôt senti malade. J'ai eu mes premières convulsions cette nuit-là. J'avais un voile noir devant les yeux et je voyais des étoiles, et après, je me sentais désorienté et étourdi. Au départ, cela n'arrivait que les jours où je prenais de la méfloquine, mais par la suite, cela arrivait n'importe quand, quand j'étais couché, debout à faire la queue au supermarché, assis à table pour souper.

La fréquence de ces convulsions n'était pas régulière, une fois ou deux par semaine, ou une fois ou quatre fois par mois.

[Après les premières convulsions] je suis allé le lendemain matin au [poste sanitaire de l'unité pour en parler aux assistants médicaux], mais j'ai entendu quelqu'un qui disait que ceux qui ne prenaient pas de méfloquine ne seraient pas déployés. Alors, j'ai tourné les talons et je suis reparti. Depuis, je continue à avoir des mini-convulsions. La dernière remonte à trois ans environ.

Je n'arrivais pas à dormir. Je pensais que c'était la chaleur, mais rétrospectivement, je dirais que c'était probablement la méfloquine.

Le bourdonnement d'oreilles a commencé après quelques semaines de prise de la méfloquine. Il commençait n'importe quand et s'arrêtait. Parfois, c'était en même temps que les convulsions ou pendant que je conduisais, que j'étais allongé ou debout à faire la queue au supermarché. Je sentais le changement se produire en moi. Mes idées devenaient confuses et la colère commençait à monter. Pendant toute la mission en Somalie, la paranoïa et l'angoisse grandissaient. Cela craignait quand on accompagnait des convois à partir de Mogadiscio. J'ai commencé à planquer de la bière dans le Grizzly pour m'aider à dormir.

Les cauchemars, des nuits intéressantes...

Je faisais des cauchemars épouvantables. Je tuais mes proches et des membres de ma section. Ces cauchemars étaient tellement intenses qu'ils avaient l'air vrais. Je me réveillais. Je ne dormais plus. Du moment où j'ai pris ce médicament, au début de la mission, je n'ai plus dormi et cela a continué jusqu'au Rwanda.
    Je vais sauter des passages. Je remettrai un récit de mon expérience au Comité. Ce que j'aimerais montrer maintenant, c'est le lien entre le stress post-traumatique et la toxicité de la méfloquine.
Le Rwanda — traumatisme, traumatisme, traumatisme.

Je le répète, le premier jour où j'ai pris de la méfloquine, j'ai eu des convulsions, je me suis senti malade et je n'ai même pas essayé de dormir — j'ai juste bu du café cette nuit-là. Les problèmes de sommeil ont continué et j'ai commencé à avoir un sérieux problème de boisson. On aurait dit que je n'étais plus capable de boire de l'alcool... Tout au long du déploiement, il y a eu des incidents traumatiques quotidiens, deux, trois, quatre ou plus certains jours. Je ne sais pas trop quoi en dire. Cela craignait. Aujourd'hui encore, les images de ces petits Noirs qui ont explosé me hantent

... je n'ai pas dormi les deux premières semaines au Rwanda. J'étais sentinelle toute la nuit et, après, le matin, je me portais volontaire pour conduire le VLMR à Kigali...

  (1620)  

Après être rentré de Kigali, je déchargeais le camion, je le rendais et j'avais assez de temps pour reprendre mon poste de sentinelle. C'était par période de deux semaines, je n'arrivais tout simplement pas à dormir. Chaque fois que je fermais les yeux, tout ce que je voyais, c'étaient des chiens qui emportaient dans leur gueule des bébés morts, et des amis qui se faisaient abattre ou qui sautaient sur des mines. La seule chose pour contrôler des images, en déploiement, c'était l'alcool. Régulièrement, pendant toute la mission — il me semble que c'était par cycles de deux semaines environ —, j'achetais une caisse de bière locale et je m'enfermais dans la salle du fond pour en boire autant que je pouvais, jusqu'à ne même plus pouvoir marcher ou me tenir debout. Je finissais par tomber ivre mort et je dormais enfin toute une nuit.

La colère, les périodes aléatoires de colère incontrôlable, une colère telle que je n'arrivais pas à avoir les idées claires. Des fois, c'était pour des vétilles. J'étais dans une colère noire, prêt à exploser. La dépression a commencé à prendre le dessus — je passais de la colère à une dépression si profonde que, par moments, je me surprenais avec mon fusil dans les mains à me dire qu'il serait si facile...
    Aujourd'hui encore, j'ai des problèmes d'équilibre et de vertiges. Je ne peux même pas aller sur le toboggan aquatique avec mes enfants. Je ne peux pas aller dans des montagnes russes. Quand j'étais sapeur-pompier d'attaque initiale au ministère de l'Environnement, on m'a proposé un poste d'agent de lutte aérienne dans les bombardiers d'eau pour la province. C'était un honneur pour moi. J'ai essayé de tenir le poste pendant deux mois et demi. Tout allait bien tant que l'avion volait bien à l'horizontale. Dès que nous virions au-dessus du feu pour prendre des photos et filmer. Je commençais à vomir. Et cela a duré deux mois et demi, au point que les pilotes plaisantaient à longueur de mission sur le nombre de sacs à vomi que je remplissais.
    Pour finir, quand aucun autre médicament que... La prochaine étape pour lutter contre les vomissements, c'étaient les médicaments qu'on donne aux patients en chimiothérapie et qui sont très durs sur le système. Finalement, j'ai dû démissionner. J'avais perdu 20 livres.
    Ce sera tout.
    Merci. Je suis désolé des détails.

  (1625)  

    Le témoin suivant est Brandon Kett.
    Bonjour, je m'appelle Brandon Kett. C'est un honneur de m'adresser à vous aujourd'hui à ce Comité et de créer un sentiment de validation pour ceux d'entre nous qui se débattent et souffrent dans les ténèbres. Je ne pourrai jamais dire toutes les épreuves que ma famille et moi-même endurons depuis 10 ans, mais au cours de ces 10 minutes, je vais essayer de brosser un tableau de la réalité.
    J'ai passé 14 ans dans les Forces armées canadiennes. J'étais fier d'en être membre et j'ai toujours fait de mon mieux. Je m'efforçais d'être un exemple pour tous les soldats que j'ai formés au fil des années et d'être un mentor pour eux. Je n'ai jamais vraiment voulu aller à la guerre, mais quand mon pays me l'a demandé, j'ai sauté sur l'occasion, en 2006. Un membre de mon escadron qui était déployé ne pouvait pas partir, alors j'ai pris sa place. Je partais pour l'aventure de ma vie. Je suis fier d'avoir été déployé et d'avoir représenté mon pays, le Canada.
    Dans mon esprit, j'étais prêt, mais on n'est jamais vraiment prêt à être déployé dans un environnement aussi hostile que celui de l'Afghanistan. Faute de temps, je n'irai pas dans les détails de ce que j'ai vécu à l'étranger, mais je soumettrai mon témoignage complet par la suite.
    Cela dit, ce n'est pas pour cette raison que je m'exprime devant vous aujourd'hui. Si je suis ici, c'est à cause de la méfloquine. Quand on nous en a donné en mission, on ne nous a pas expliqué le risque de maladie incurable que peut entraîner la prise de ce médicament. On était au courant des cauchemars dont les gens parlaient. Ils en plaisantaient et parlaient des « pilules qui rendent cinglé » ou des « mercredis loufoques ». Je vois rétrospectivement l'effet dévastateur que ce médicament a eu sur mon rendement professionnel et sur ma responsabilité personnelle, sans oublier la spirale descendante dans laquelle je suis pris depuis mon retour.
    Dans mon cas, la dépression a commencé à s'installer là-bas. Au début, il y a eu des cauchemars intenses, une confusion qui m'empêchait de me concentrer, un manque de motivation et la baisse de mon rendement professionnel. J'ai serré les dents, je me suis accroché et j'ai terminé ma mission.
    À mon retour au Canada, j'ai rencontré une fille et nous avons commencé, avec beaucoup de difficultés, à nous fréquenter et nous avons fondé une famille. Toutes ces années, c'est un gâchis. Quand je rentrais à la maison, j'étais l'ombre de moi-même. Je souffrais de dépression et d'angoisse, j'éprouvais de la colère, et je devenais facilement agité. Je me rappelle que je voyais les jouets de ma fille par terre, au milieu de la pièce, à la maison, et je voulais donner des coups de pied dedans et donner des coups de poing dans les murs pour rien. J'étais confus et je n'ai jamais vraiment compris ce qui n'allait pas. Je n'ai pas eu de mal à accepter le diagnostic de stress post-traumatique parce que, dans ma vie et dans ma tête, c'était les montagnes russes. Je me rappelle même avoir dit à mon ex que j'avais l'impression de ne plus être la même personne quand je suis revenu.
    Je n'ai pas tardé à perdre pied. Je buvais beaucoup, j'étais très dépressif, j'étais constamment angoissé et tout allait mal. J'étais imprudent et je ne pensais pas à mon avenir.
    Quand j'étais sur la base de Gagetown, j'ai entendu parler d'un autre soldat qui s'était tué en se pendant à l'escalier de la cave. Alors, un jour que mon ex avait emmené les enfants magasiner, je suis descendu à la cave avec de la paracorde. J'ai attaché la corde à l'escalier et je l'ai passée autour de mon cou. Je ne me suis pas pendu, mais ça été suffisant pour moi. J'ai craqué et j'ai su que j'avais besoin d'aide. Mon désir d'avoir une vie de famille stable se désintégrait devant mes yeux. Comme une maison en proie aux flammes que je regardais brûler sans pouvoir rien faire. Je n'ai jamais eu la moindre chance à cause de ce médicament.
    Finalement, j'ai eu trois enfants avec cette fille. La relation ne marchait pas, mais pour remplir le vide que je ressentais en moi, je faisais des enfants en espérant qu'un jour, je me stabiliserais, mais ce jour n'est jamais venu.
    Je luttais surtout intérieurement et je me suis complètement isolé dans ma tête. Je suis devenu dépendant au jeu et je recherchais tous les exutoires. Je réagissais en soldat : je serrais les dents pour continuer.
    J'ai entendu parler du Dr Nevin et de son travail en cherchant à en savoir plus en ligne sur mes symptômes qui ne correspondaient pas vraiment à ceux du stress post-traumatique. Presque tous mes symptômes concordaient parfaitement avec ceux de l'intoxication à la méfloquine, et j'ai trouvé beaucoup de sites instructifs qui expliquaient en détail comment le médicament peut causer des symptômes semblables à ceux du stress post-traumatique. À ce stade, je me présentais tous les jours à la revue des malades et ma chaîne de commandement ne me lâchait pas et voulait faire un exemple de moi parce que je me défendais.

  (1630)  

    Ma prétendue famille régimentaire avait disparu. Je me sentais trahi. Ma chaîne de commandement me traitait en paria et ordre était donné de garder ses distances avec moi. Comme je me battais contre la chaîne de commandement, j'avais la réputation d'un fauteur de troubles.
    Pour le bien de ma santé mentale... J'ai perdu mes enfants. J'avais des difficultés financières. J'ai perdu ma maison. J'ai sombré dans une dépression qui m'isolait et qui a duré, et je ne m'en suis jamais remis. Je suppliais qu'on m'aide parce que je souffrais jour après jour. À ce moment-là, je vivais les pires souffrances.
    Après l'échec de mon mariage, mes enfants sont rentrés en Ontario. J'ai perdu ma maison, pratiquement tout ce que je possédais. Je louais une chambre dans le sous-sol chez quelqu'un, je dormais sur un matelas à même le sol tellement j'étais mal en point financièrement avec la pension alimentaire et mes propres médicaments que je devais acheter. Je n'avais pas les moyens d'aller voir mes enfants. Même si j'avais pu, je m'isolais et j'étais incapable de planifier ce déplacement et d'y aller.
    J'ai commencé à être soigné pour le stress post-traumatique quand j'étais dans les Forces armées canadiennes à Gagetown, en 2011. Depuis 2007, mon mariage était au point de rupture. J'ai demandé de l'aide pour le sauver, mais rapidement, cette aide s'est concentrée sur moi et sur mon stress post-traumatique.
    J'ai commencé une psychothérapie. Je prenais des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, des ISRS, contre la dépression et j'avais des rendez-vous médicaux réguliers toutes les semaines. Le système médical du MDN n'était pas équipé pour me soigner. Le traitement pharmaceutique standard était inefficace. Je suis resté longtemps dans le système. Je ne voulais pas mettre fin à ma carrière dans les Forces aussi jeune, avec la perspective d'une libération pour raisons médicales.
    J'ai tout fait pour essayer d'aller mieux, mais sans grand résultat. J'avais du mal à me souvenir de mes rendez-vous ou à savoir si j'avais pris mes médicaments ou si je suivais mon traitement à la lettre, parce que j'étais traité pour stress post-traumatique, et ça n'avait pas d'effet sur moi.
    On s'asseyait et on parlait du traumatisme que j'avais vécu en Afghanistan et il y avait une panoplie de médicaments, mais pas d'amélioration. En six mois, on m'a changé 13 fois de médicament modificateur pour les troubles cognitifs. Voilà comment fonctionnait mon équipe médicale pour traiter le problème.
    J'avais des pensées suicidaires. Je parlais souvent des idées morbides qui me venaient dans la tête comme un film, tous les jours, à répétition. L'isolement dans lequel j'ai vécu quand mes enfants m'ont été enlevés m'a déconnecté de la vie. J'avais l'impression que mon équipe médicale me laissait tomber, parce que je lui avais parlé de la méfloquine et je lui avais apporté les travaux du Dr Nevin. Je n'ai pas eu de traitement médical approprié depuis deux ans.
    J'ai été libéré le 3 mai de cette année et on m'a inscrit sur une liste de 500 personnes en attente d'un médecin. Ma chaîne de commandement n'a même pas ouvert mon dossier quand j'ai été transféré pour savoir si je souffrais de stress post-traumatique. Au lieu de m'aider, elle s'est acharnée sur moi.
    Je me suis retrouvé avec des mesures disciplinaires et des accusations d'infraction disciplinaire parce que mon incapacité à gérer ma situation financière faisait de moi un fardeau administratif. L'indemnité forfaitaire versée par ACC a fini par me causer des problèmes qui persistent aujourd'hui encore. Je ne peux pas me stabiliser mentalement à cause de mes difficultés financières. Mes trois petites filles étaient et restent mon élément moteur. Je ne baisse jamais les bras et à aucun moment je n'envisage une solution finale.
    Après, j'ai laissé tomber le système médical. J'ai arrêté d'aller à mes rendez-vous. Je me mettais dans de sales draps. Je perdais complètement les pédales et je m'enfonçais de plus en plus. Il n'y avait personne pour m'aider.
    C'est alors que j'ai découvert le cannabis. Je n'en avais pratiquement jamais fumé avant, sauf quelques fois ici et là, mais il s'est passé quelque chose quand j'en ai fumé cette fois. Je pouvais ressentir de nouveau. C'était effrayant parce que j'ai dû faire face à tout un tas d'émotions négatives qui remontaient à la surface.
    Les choses sont devenues un peu plus gérables pour moi en prenant du cannabis. Je me sentais plus vivant, je ne me mettais plus aussi vite en colère et j'avais de meilleurs résultats qu'avec tout ce que j'avais essayé avant. Ce n'était toujours pas facile, mais c'était une béquille qui m'aidait à avancer et que je devais payer de ma poche en 2013... ma libération en mai dernier... parce que le MDN ne voulait l'accepter comme pharmacothérapie.
    J'étais franc avec le personnel médical. Il voulait juste cataloguer ma consommation et la mettre sur le même plan que l'alcoolisme. J'ai attendu que le temps passe, comme une peine de prison, et j'ai gardé la tête basse. Presque deux ans d'attente à regarder mes enfants grandir sur Skype, à vivre cette existence infernale au purgatoire.
    J'ai essayé de me faire muter à l'Unité interarmées de soutien du personnel, l'UISP, en pensant que j'y trouverais de l'aide. J'essaie toujours de trouver la chose ou l'endroit qui finira par me stabiliser. J'ai un comportement autodestructeur et je n'arrive pas à rester sur les rails.
    Je n'ai jamais vraiment baissé les bras et je m'efforce tous les jours de gérer ma vie. J'ai enfin été autorisé à utiliser mon Voc Rehab et j'ai pu renouer avec mes enfants au cours des dix derniers mois.

  (1635)  

    Je savais au fond de moi que je ne pourrais pas aller à l'école, mais je croyais que les choses seraient plus faciles en revenant vivre en Ontario. Ce n'était pas le cas. Les deux années passées loin de mes enfants ont suffi à détruire notre lien déjà fragile. La culpabilité de mon comportement dans les relations me hante. Depuis quelques années, je mène une rude bataille pour regagner une partie de ce que j'ai perdu.
    Je vais sauter des passages parce que nous n'avons plus le temps.
    Pour terminer, j'espère que le comité entendra les personnes qui viennent parler ici cette semaine et qu'il fera preuve de la diligence raisonnable voulue pour remédier à cette tragédie qui broie des vies, des relations et des familles. Parfois, je me dis que si j'avais pu régler ce problème dans les années 1990, je ne serais pas assis devant vous aujourd'hui.
    J'espère retrouver ma foi dans le Canada et avoir une fin positive à ajouter à cette histoire, avec un programme de sensibilisation de tout premier ordre, avec des traitements, de la recherche et de l'aide pour ceux qui souffrent. Le Canada doit arrêter de délivrer ce poison à ses soldats et à la population. Nous devons nous tenir informés des recherches scientifiques et des toutes dernières meilleures données. Il y a beaucoup de trous dans l'histoire et beaucoup plus de détails dans le système du MDN, la négligence de ma chaîne de commandement, et j'ai dû endurer bien d'autres facettes et obstacles. J'espère que ceci n'est que le début d'un dialogue et que je pourrai soumettre mon témoignage détaillé par la suite. Aidez-nous parce que nous souffrons.
    Merci d'avoir pris le temps d'écouter mon histoire. J'espère que des mesures seront prises sans attendre pour apporter une aide.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à notre première série de questions, par tranches de six minutes. Je demande aux membres d'adresser leurs questions aux témoins en les appelant par leur nom, afin que nous sachions qui va répondre.
    Nous allons commencer par Mme Wagantall.
    Merci, messieurs. Je ne peux pas imaginer ce que vous vivez. Ce que j'apprends, plus que toute autre chose, en tant que députée, c'est que ce sont les victimes qui doivent dépasser ce qu'elles ont déjà vécu pour obtenir des changements. Je vous suis très reconnaissante, nous le sommes tous, de votre présence ici et du courage dont vous faites preuve en venant nous parler aujourd'hui.
    J'entends dans vos propos à tous un thème récurrent que je trouve tout à fait extraordinaire, à savoir que vous n'êtes pas les seuls concernés. Vous ne pensez pas qu'à vous, vous voulez que ce problème soit réglé pour bien d'autres aussi.
    Tout d'abord, Claude, pourriez très brièvement — j'ai six minutes —m'en dire un peu plus sur ce que vous voulez voir ressortir de cet effort?
    Je crois que l'International Mefloquine Veterans’ Alliance le dit, que nous sommes tellement en retard. Le Canada accuse un tel retard sur cette question. Je pense qu'avec un peu d'honneur et de fierté ravalée, nous pouvons arriver à un programme de sensibilisation exemplaire et de tout premier ordre. Avec ce programme, je crois que nous devrions assumer et tendre la main aux victimes de ce médicament. Les deux premières à qui je voudrais voir tendre la main, ce sont Kyle Browm et la famille Matchee, qui en ont désespérément besoin.
    Je ne connais pas grand-chose en la matière, je suis juste un fantassin à qui... Je ne sais pas ce que je fais depuis que j'ai commencé ce truc, mais je ne pense pas que ce soit mon... J'aimerais y participer, mais je ne pense pas que ce soit ma responsabilité de chercher à sensibiliser. En revanche, j'aimerais que le programme soit exemplaire et qu'il soit mis en place d'urgence. Ce ne devrait pas être aux médias sociaux de faire ce boulot. J'étais super excité quand j'en ai entendu parler et je crois que la sensibilisation est...

  (1640)  

    Qu'elle est essentielle.
    Oui.
    Elle est essentielle. Merci, c'est très important. C'est ce que tout le monde dit.
    Dave, j'ai vraiment été frappée quand vous avez dit que vous avez pris le médicament, que les résultats étaient effrayants et que vous saviez que ça n'allait pas. Vous avez essayé d'aller en parler à quelqu'un et vous avez entendu dire des choses et compris que vous ne seriez pas déployé si vous ne preniez pas ce médicament. Donc, vous êtes reparti sans rien dire. Qu'est-ce qui serait arrivé si vous aviez refusé de prendre le médicament? Qu'est-ce que ça veut dire pour vous, en tant que soldats, de ne pas être déployés?
    Ce que ça voulait dire pour moi en tant que soldat?
    Oui. Vous avez dit que vous n'auriez pas été déployé?
    Ce serait comme un joueur de hockey qui s'est entraîné jusqu'au niveau de la LNH et qui resterait assis dans les gradins pendant que ses coéquipiers jouent. C'est complètement impensable de rester assis à la maison quand on est déployable.
    Très bien. Merci.
    Vous avez mentionné que, tout à coup, votre médecin a compris, en quelque sorte, et décidé qu'elle devrait vous soigner pour des lésions cérébrales et pas pour un stress post-traumatique.
    Le Dr Susan Brock, qui aime beaucoup ses soldats, voyait tous ces jeunes gars rentrer d'Afghanistan avec des lésions cérébrales traumatiques qu'elle ne pouvait pas soigner. Sur ses propres fonds, elle a fait de sacrées recherches pour aider ces jeunes gars. Elle est tombée sur le neurofeedback LORETA qui a été développé aux États-Unis. Ce traitement a été mis au point au départ par la Ligue nationale de football, la NFL, pour soigner des footballeurs souffrant de commotion cérébrale. Il en est ressorti que la commotion cérébrale semblait être un traumatisme, comme les lésions cérébrales traumatiques. Elle a obtenu des résultats surprenants avec certains de ces jeunes gars qui ne pouvaient même pas parler et qui parlent de nouveau. Elle m'a juste inscrit au protocole parce que je ne répondais pas au traitement classique du stress post-traumatique, mais mon cas ne collait pas avec les critères des lésions cérébrales traumatiques.
    Brandon, vous êtes jeune. Quand j'ai commencé à entendre parler de ce problème, j'ai pensé à la Somalie, mais de toute évidence, le problème est plus vaste que je ne l'imaginais.
    Avez-vous d'autres amis et avez-vous connaissance de camarades avec qui vous étiez soldat que vous représentez également par votre présence ici aujourd'hui?
    Oui. Dans la partie que j'ai sautée, je voulais dire que les gens avec qui j'ai pris de la méfloquine sont maintenant à des postes de leadership au MDN et sont capables de tirer ou pas, avec des degrés de violence contrôlée s'ils sont déployés, et cela me fait peur.
    Merci.
    Monsieur Fraser
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs, de votre présence ici aujourd'hui et de nous avoir fait part de votre histoire. Je puis vous assurer que nous avons tous écouté attentivement votre témoignage. Il est évident que nous voulons en tenir compte et faire des recommandations pour améliorer la situation.
    Brandon, vous avez mentionné, de même que Claude et Dave, la sensibilisation et le traitement de tout premier ordre. Comment devrait se faire cette sensibilisation, selon vous, pour être certain d'inclure autant de monde que possible dans ce processus? Pouvez-vous me décrire le traitement que vous voyez par la suite pour ce problème?

  (1645)  

    Il faut mettre sur pied un meilleur système de suivi pour pouvoir repérer les suicides de vétérans et les personnes souffrant de différentes maladies. Je ne sais pas vraiment comment on va s'y prendre maintenant qu'on a libéré tout le monde, ni comment où va retrouver tout le monde. S'ils sont partis dans tous les sens, il va falloir trouver un moyen de les ramener, mais ce n'est pas de mon ressort.
    Pouvez-vous répéter la deuxième partie de votre question?
    C'est le traitement qu'on peut offrir.
    Beaucoup de traitements qui marchent pour moi sont de type holistique et naturopathique. Ce n'est pas vraiment reconnu par le gouvernement fédéral comme traitement validé pour des maladies. Selon moi, il va falloir une sorte de compromis au sujet des traitements de médecine douce.
    John, l'organisation à laquelle vous appartenez est un groupe international qui dénonce, si j'ai bien compris, les dangers de la méfloquine. Je crois comprendre aussi que c'est une organisation relativement nouvelle. Pensez-vous qu'elle puisse jouer un rôle dans la sensibilisation et dans le traitement de ces problèmes pour nos Canadiens?
    Tout à fait. Je crois qu'au cours des dernières années, en même temps dans plusieurs pays, nous avons établi une grande confiance et recueilli beaucoup de données et de témoignages, aussi, ce qui en fait un excellent point de contact initial pour les gens, non seulement au Canada, mais dans quelques autres pays aussi.
    Notre site Web a beaucoup de succès — et aussi Twitter et même ma page Facebook. Les gens sont plus à l'aise pour raconter leur histoire en tant que personnes qui ont pris ce médicament, pour chercher à se renseigner et pour se montrer proactifs dans l'adaptation de leurs traitements de santé mentale pour mieux prendre en compte ce qu'ils ont sans doute, c'est-à-dire des lésions cérébrales acquises.
    Très bien. Pensez-vous que votre organisation puisse jouer un rôle auprès d'ACC pour essayer d'aider en ce qui concerne la sensibilisation?
    Si on nous le demande, tout à fait. Ce serait un honneur pour moi d'aider à faire des consultations sur ce sujet, évidemment.
    D'accord.
    Claude, vous avez mentionné des difficultés financières que vous avez traversées, en partie parce que vous aviez mal géré vos fonds, mais de toute évidence, à cause de problèmes de santé mentale. Selon vous, comment pourrait-on améliorer le soutien psychologique, offrir d'autres services qui auraient pu aider, mais qui n'existaient pas?
    Je pense que quelqu'un qui a des problèmes comme nous à qui on verse une indemnité forfaitaire la dépensera tellement facilement. Nous avons des problèmes de dépendance et d'autodestruction. Des problèmes de suicide et de meurtre à cause de ce médicament. Cela crée juste une situation. Une indemnité forfaitaire crée une situation où les choses peuvent déraper.
    Il me semble qu'une pension serait plus... qu'une indemnité forfaitaire.
    Pensez-vous, cependant, que d'autres services pour apprendre à faire un budget, comment dépenser l'argent, aideraient?
    Eh bien, oui, peut-être pour aider les vétérans parce que, je vous le dis, avec ma concentration, mon administration, j'avais besoin de Warner Stahl. Warner Stahl était le gestionnaire de soins cliniques qu'on m'a retiré. Il remettait mes choses en ordre parce que j'étais désorganisé.
    Je crois qu'un gestionnaire de soins cliniques ou quelqu'un pour aider les vétérans avec leurs dépenses, leurs idées et les faire réfléchir... parce que certaines personnes perdent la tête, surtout avec une indemnité forfaitaire. Cela se dépense très facilement.
    Je comprends. C'est bien dit.
    Dave, vous avez dit que vous n'avez pas vu de résultats jusqu'à ce que votre psychologue vous soigne pour des lésions cérébrales traumatiques. Est-ce bien cela?
    Qu'est-ce qui l'a amenée à penser que vous souffriez de lésions cérébrales traumatiques? Comment est-ce que l'idée lui est venue?
    C'était un coup de dés. Elle avait plusieurs clients dans le même bateau que moi, avec des centaines de milliers de dollars de traitement pour un stress post-traumatique sans résultat.
    On était à court d'options et c'était, littéralement, un coup de dés. Nous avions tout essayé, alors nous avons décidé d'essayer cela aussi.

  (1650)  

    Brièvement, quel type de traitement avez-vous suivi ensuite et combien de temps s'est écoulé avant que vous commenciez à voir des résultats?
    Cela s'appelle le neurofeedback LORETA. On vous met sur la tête un bonnet couvert de capteurs qui suivent l'activité électrique de votre cerveau. On vous fait écouter de la musique en faisant monter et baisser le volume ou regarder un écran qu'on agrandit ou rapetisse.
    Cela crée des voies parce que, lorsque le cerveau est endommagé par le stress post-traumatique et par la toxicité de la méfloquine, les voies neurologiques normales sont endommagées et elles ne communiquent pas. Le neurofeedback LORETA apprend au cerveau à communiquer en contournant la zone endommagée et crée de nouvelles voies.
    D'accord, merci.
    Madame Jolibois.
    J'aimerais tous vous remercier, Claude, Dave, Brandon et John, de nous avoir raconté votre histoire. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Ce que je vais vous demander va être douloureux. Je vais poser la question à John. Le caporal Matchee et Kyle Brown, quelle est leur histoire?
    Concernant le caporal-chef Clayton Matchee, comme témoin oculaire des événements de la soirée — je n'étais pas en service, mais je me dirigeais vers le bunker. Shidane Arone était prisonnier dans le bunker. J'imagine qu'il avait été capturé. Je ne l'avais pas remarqué en traversant l'enceinte. J'allais faire un appel à la maison par téléphone satellite.
    Après avoir terminé mon appel à la maison par transmission satellite — nous avions une période de cinq à dix minutes par semaine pour appeler à la maison —, je suis retourné dans l'enceinte. À côté de l'entrée principale de l'enceinte, il y avait un bunker où les prisonniers étaient gardés pendant un jour ou deux, en attendant leur transfert à la prison que nous avions aidé à mettre en place. Quand je suis arrivé à l'enceinte, le caporal-chef Clayton m'a aperçu — le bunker était assez près de l'entrée principale —, et il m'a appelé. Il m'a alors annoncé que nous avions un prisonnier, et il m'a dit d'entrer dans le bunker.
    Quand je suis entré, j'ai vu qu'il était avec Kyle Brown, qui se trouvait un peu à l'écart sur le côté. Le caporal-chef Matchee tenait une matraque en bois.
    À l'époque, quand je suis allé dans le bunker — j'insiste pour que vous compreniez bien le contexte —, j'étais un simple soldat et je n'étais pas en service. J'étais au plus bas échelon, un militaire du rang, un simple soldat, et j'étais devant le caporal-chef. La détention des prisonniers dans le bunker ne faisait pas partie, n'a jamais fait partie de mes tâches. J'étais chargé de patrouiller à pied au centre-ville, mais il m'a quand même appelé. Il savait que je ne faisais pas partie de sa section, que ce n'était pas dans ma définition de tâches, mais j'y suis allé quand même. Il était caporal-chef. J'ai regardé à l'intérieur du bunker. Je suis entré dans le bunker. Avec sa matraque en bois, il a soulevé la tête de Shidane Arone et j'ai vu son visage couvert de bleus et de sang. Il avait les lèvres enflées et son nez avait l'air cassé.
    En l'apercevant, je me suis demandé c'était à cause de la capture, s'il avait été blessé durant la capture. Je n'étais pas certain. Il était 23 h 5. À mes yeux, le prisonnier n'était pas dans un état très grave. J'ai été boxeur amateur pendant cinq ans en Alberta et en Colombie-Britannique. J'ai vu beaucoup de blessures et j'en ai moi-même subi beaucoup dans le ring. Le prisonnier ne me semblait pas en situation de danger imminent. C'est ce que j'ai vu, et je pensais qu'il voulait simplement me montrer ou me dire que nous avions un prisonnier. Je ne comprenais pas vraiment ce que je faisais là. Ensuite, il a regardé vers le sol... Tout de suite après m'avoir montré Shidane Arone, le caporal-chef Clayton Matchee s'est mis à lui donner des coups de matraque sur les cuisses, en blasphémant et en criant : « Maudites araignées » — excusez mon langage grossier. Il lui matraquait les jambes, puis il a reculé et il s'est tourné vers le fond du bunker, en frappant sans arrêt sur les murs avec sa matraque. Il n'y avait pas d'araignées chameaux à cet endroit.
    Nous étions envahis par les araignées chameaux, ou solifuges, des bêtes énormes, dégoûtantes, très laides. En fait, elles ne sont même pas des araignées. Elles appartiennent à la classe des arachnides, et elles sont assez nuisibles. C'est assez impressionnant. Nous étions infestés. Ce que j'ai vu, c'est Clayton Matchee qui était victime d'hallucinations, dans un état de psychose et de rage violente. Quand il s'est retourné pour chasser les araignées solifuges — tout s'est passé en quelques secondes —, je me suis dit que c'était ma chance de partir. J'ai vu ce qu'il faisait. C'était insensé. J'ai regardé Kyle Brown, qui m'a regardé, et nous ne savions pas ce qui se passait. Kyle Brown était aussi un soldat à cette époque, au bas de l'échelon, comme moi. Je venais d'avoir 22 ans. J'ai pensé que c'était le moment de sortir de cet enfer, alors j'ai reculé, je suis sorti du bunker et j'ai pris mes jambes à mon cou pour rejoindre ma couchette. Tout ce que je voulais, c'était de me retrouver dans mon lit. Il était 23 h 8.
    Peu de temps après, j'avais fait 25 pas au plus, j'ai entendu Kyle Brown s'approcher rapidement. Il m'appelait : « John, John, John. » Je me suis arrêté et je l'ai regardé. Il m'a dit : « Je ne sais pas ce qui se passe. Ce n'est pas dans ma nature. Je ne comprends pas ce qui arrive. » Je lui ai répondu : « Moi non plus. Il est caporal-chef. Tu es un soldat, comme moi. Ce sont les ordres. Je ne comprends pas non plus ce qui se passe. Je retourne à ma couchette. » Il est resté là un moment, et j'ai regagné ma couchette. Je m'étais retourné après quelques pas, et j'ai vu qu'il marchait vers le bunker, la tête basse.
    Une fois arrivé à ma couchette, j'ai tout de suite mis le disque que j'écoute toujours pour m'endormir et me détendre après les événements de la journée, ce qui normalement voulait dire pour moi les patrouilles à pied au centre-ville et quelques tirs de semonce au pont Bailey. J'écoutais toujours le même disque.

  (1655)  

    C'était un nouvel album des Barenaked Ladies. En fait, c'était le premier disque du groupe, avec beaucoup de musique acoustique, très douce, très apaisante. Cette musique m'aidait à me détendre et à m'endormir. Le disque dure 58 minutes. Après 58 minutes, après avoir écouté le disque au complet dans ma couchette, dans l'espace où je dormais, loin du bunker, j'ai enlevé mes écouteurs. Je ne pouvais pas dormir. J'étais encore sous le choc après ce que je venais de voir. Je ne m'y attendais pas. C'était très étrange.
    Je n'étais pas un fumeur, mais il m'arrivait de fumer. Je n'achetais jamais de cigarettes parce que c'était comme admettre que j'aimais fumer. J'en demandais aux autres. Je savais que Brady MacDonald était de quart dans l'enceinte ou dans la tente du quartier général des communications. Je savais qu'il était de quart et j'ai décidé d'aller lui demander une cigarette. Brady MacDonald a toujours été très aimable. Il était très gentil avec moi et il m'en a donné une. C'était une Export A. Ces paquets sont surnommés « La mort verte ». Peu importe, ces cigarettes sont horribles.
    J'ai fumé ma cigarette et, juste avant de l'éteindre, j'ai regardé du côté de l'ouverture de la tente modulaire. J'ai vu un groupe d'hommes sortir du bunker, mais qui restaient autour. Ce même bunker où j'étais une heure plus tôt. Ils essayaient de ranimer Shidane Arone, étendu au sol, inerte. Ils lui ont lancé de l'eau pour lui faire reprendre conscience. Ils n'y sont pas arrivés. En m'approchant, j'ai vu ce qui se passait. Quelqu'un a dit : « Appelez l'infirmier! » J'ai seulement dit : « Mon dieu! » Je me suis retourné, et je ne rappelle plus trop ce qui s'est passé après. J'ai peut-être parlé à une ou deux personnes avant de retourner à ma couchette.
    Le lendemain, les choses ont déboulé rapidement. Des agents de police m'ont interrogé pour établir où je me trouvais au moment des événements, et ils ont fini par décider que je devais témoigner pour la poursuite contre Kyle Brown. J'ai donc témoigné pour la poursuite.
    C'est ce qui est arrivé durant les quelques minutes que j'ai passées dans le bunker, c'est ce que j'ai vécu.
    Comme je connaissais Clayton Matchee avant la mission, je suis en mesure de comprendre dans quel état il se trouvait à ce moment, et ce qui se passait. Il frappait des araignées chameaux imaginaires parce qu'il avait des hallucinations, c'est évident, et c'est aussi clair que sa rage était due à un épisode psychotique. Il n'a même pas remarqué que nous étions sortis du bunker. Il n'a même pas essayé de nous arrêter, alors qu'il avait insisté pour que je vienne.
    Je pourrais continuer, mais je crois que vous en avez assez entendu.
    Merci.
    John, pouvez-vous expliquer l'ordre que le caporal-chef Matchee a donné concernant la manière de traiter le prisonnier?
    Oui. Nous avions reçu l'ordre de ne pas être tendres avec les prisonniers. Shidane Arone avait déjà été intercepté au moins 15 fois avant. C'était un récidiviste. Ce n'était pas la première fois qu'il tentait de pénétrer dans l'enceinte. Évidemment, la situation s'était corsée et les affrontements se multipliaient au centre-ville. Les choses bougeaient et des hostilités éclataient beaucoup plus souvent. Le climat était devenu beaucoup plus tendu. Shidane était un récidiviste et, lors du rassemblement, nos commandants de section nous avaient indiqué que nous devions être plus durs avec les prisonniers, pour passer un message et bien leur faire comprendre que nous étions sérieux. Est-ce que ces ordres donnaient carte blanche au caporal-chef Matchee? Non, bien entendu.
    Monsieur Eyolfson.
    J'arrive à peine à imaginer comment vous vous sentez tous après ce que vous avez vécu.
    John, pourriez-vous nous décrire les symptômes que vous avez eus après cet événement?

  (1700)  

    Vous parlez des symptômes psychologiques que j'ai eus?
    Oui.
    Je n'ai pas encore tourné la page. Le plus intéressant, comme je l'ai mentionné dans mon exposé tout à l'heure, est que malgré tout ce que nous avons vécu en Somalie et l'opprobre que le pays a jeté sur nous, nous en parlions très peu. Ce n'était pas un sujet de conversation très populaire.
    Après une erreur de diagnostic en 2000, j'ai été libéré du service parce qu'apparemment, je souffrais d'une forme type d'arthrite très branchée appelée spondylarthrite ankylosante. Je n'ai jamais souffert de cette maladie et, en 2015, j'ai réussi à prouver que c'était une erreur de diagnostic et à faire corriger dans mon dossier. Peu importe, j'avais été libéré à cause de cette maladie héréditaire que je n'avais pas en 2000, et je devais trouver autre chose à faire de ma vie. J'ai toujours aimé enseigner et j'avais fait un peu d'instruction à l'école d'infanterie avant ma libération. Je suis donc allé en Asie de l'Est et j'y ai enseigné l'anglais pendant quelques années. En 2005, je suis allé vivre à Toronto, loin du milieu militaire. Comme je n'étais plus dans ce monde, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. J'avais coupé tous les contacts et je m'étais complètement immergé dans le monde civil. Même chose pour la méfloquine. J'étais dans la plus complète ignorance.
    Cependant, je n'étais pas guéri par rapport aux événements du bunker. La très brillante femme que j'ai épousée, Anna Zacios, a un diplôme en psychologie de l'Université York. Elle voyait bien que j'avais des choses à régler, et le traumatisme que j'avais vécu avec Kyle Brown dans le bunker en faisait certainement partie. Donc, à la fin de 2008 ou en 2009, j'ai suivi son conseil. Je suis allé voir un thérapeute, qui a décrété que je souffrais d'un trouble de stress post-traumatique. J'ai fait des séances de thérapie pour mes pertes de mémoire et d'autres symptômes, y compris la culpabilité d'être un survivant.
    Si je comprends bien la séquence des événements, l'unité au complet avait reçu une ordonnance de méfloquine. C'était une pratique généralisée au sein de l'unité à ce moment?
    Nous participions alors à un essai de médicament commercial, et nous étions tous obligés de prendre le médicament. Sans exception.
    Je crois que les membres des équipages aériens étaient exemptés. Oui, ils étaient exemptés. Certaines personnes qui présentaient des facteurs génétiques recevaient de la doxycycline, de même que celles qui avaient souffert de certains symptômes. Malheureusement, pour le gros des troupes sur le terrain en Somalie, ce n'était pas optionnel.
    D'accord.
    Pour ce qui est des symptômes, de votre difficulté à tourner la page... Certains de ces symptômes ont-ils été attribués à la méfloquine?
    Pas à cette époque.
    J'ai fait mes découvertes concernant la méfloquine après avoir parlé à Kyle Brown au téléphone, à l'automne 2014. C'est donc très récent, deux années à peine. Je n'étais au courant de rien au sujet de la méfloquine. Toutefois, j'ai fait beaucoup de recherches et j'ai trouvé qu'il y a maintenant trois types de personnes : celles qui ont des problèmes, mais qui ne savent pas s'ils sont dus à un stress post-traumatique; celles qui n'ont pas de problèmes, mais qui ont pris de la méfloquine et qui sont inquiètes des effets à long terme sur la santé, et celles qui souffrent d'un stress post-traumatique associé à une intoxication à la méfloquine, ou des effets de la comorbidité de l'intoxication à la méfloquine exacerbée par le stress post-traumatique.
    À cause de ces troubles concomitants, nous demandons que des recherches soient menées pour démêler ce qui est dû à un stress post-traumatique et ce qui est dû à l'intoxication à la méfloquine, pour que les gens aient des réponses. C'est assez confus pour le moment.
    Merci.
    Claude, j'aimerais de nouveau vous exprimer à quel point je suis désolé pour l'expérience que vous avez vécue. Nous savons que vous avez besoin d'aide.
    Actuellement, recevez-vous des services par l'intermédiaire du ministère des Anciens Combattants?
    Je n'ai plus de lien avec les Anciens Combattants. Très récemment, pour une raison inconnue, ils se sont réveillés et ils m'ont offert des prestations. Mais la communauté est plus au courant de ce qui se passe que les Anciens Combattants.
    Pour me présenter ici, j'ai dû mobiliser toute mon énergie, me préparer mentalement, m'organiser. C'était très éprouvant.
    L'expérience des deux dernières semaines m'a permis d'apprendre que ma communauté offre des services de proximité en santé mentale que le Ministère ne connaît pas. C'est très emballant parce que c'est fait avec compassion, respect et tact. Tact, compassion, respect, trois choses que vous ne trouverez pas au ministère des Anciens Combattants.
    Ceux qui m'ont enfermé à l'hôpital Grand River après que j'ai parlé de mes symptômes étaient brusques et grossiers. J'ai craqué. J'ai donné des coups de pied dans la porte, et deux agents attendaient de l'autre côté que je l'enfonce. Si j'avais réussi à enfoncer la porte, je peux vous affirmer que je ne serais pas ici aujourd'hui.
    Il faut faire de l'éducation. C'est pourquoi j'ai demandé à ces deux spécialistes de témoigner, mardi passé. Aujourd'hui, vous avez les témoignages de milliers de gens, des citoyens canadiens, des anciens combattants, des militaires qui crient au secours.
    Un feu s'est allumé dans la communauté, et nous exigeons des réponses et des services de proximité, tout de suite.
    Merci.

  (1705)  

    Merci.
    Monsieur Rioux.

[Français]

    Je fais de la politique depuis longtemps, et je dois avouer que votre témoignage d'aujourd'hui m'a beaucoup ému.
    Je tiens surtout à vous dire que vous êtes structuré. Vous avez bien présenté votre cause et je pense que vous avez choisi le bon endroit pour le faire. Nous sommes ici pour vous représenter. Aujourd'hui, je me sens interpellé comme député. C'est peut-être un des rôles les plus importants que j'aurai à jouer.
    Je vais continuer dans le même sens que mon collègue qui vous a demandé si vous aviez encore des liens avec Anciens Combattants Canada.
    En passant, je suis un nouveau membre de ce comité.
    Indépendamment de ce que vous devriez avoir, êtes-vous présentement encore admissible à des services?
    Monsieur, quand je suis venu ici pour ma deuxième grève de la faim, j'ai planté mes pieds au Parlement au bon moment. J'ai rencontré les bonnes personnes. Les gens du 31e Groupe-brigade du Canada m'ont dirigé. Ils ont ouvert mon dossier. Ils ont vu pourquoi les choses allaient au ralenti. Il y a des choses qui sentent très mauvais, selon moi. Des choses ont été suspendues et d'autres ont été annulées.
    Par ailleurs, j'ai voulu interjeter appel, parce que j'étais d'avis que mes droits avaient été bafoués par cette décision. Or, j'ai reçu une lettre d'un avocat qui avait pris la décision de ne pas interjeter appel.
     Il y a donc certaines choses auxquelles vous êtes admissible, mais que vous ne recevez pas.
    C'est exact.
    D'accord.
    Par ailleurs, vous nous avez beaucoup parlé de la recherche. Vous avez parlé de vous et des anciens combattants, mais cela touche l'ensemble de la population canadienne. Selon ce que je comprends, le médicament est encore en vente libre, malheureusement.
    Qui devrait faire ces recherches, selon vous?
    Je crois que Santé Canada devrait ouvrir ses portes et consacrer des fonds pour faire une importante recherche à ce sujet. Par contre, je ne sais pas s'il existe des fonds pour cela.
    Comme ancien combattant, je ne sais pas ce que je pourrais faire. Je pourrais certainement ouvrir mon dossier d'Anciens Combattants Canada et le rendre public. Vous pourriez l'examiner de A à Z et constater que les pilules ont eu un effet dramatique sur ma vie.
    Je ne crois pas que faire ce genre de recherche soit ma responsabilité, mais je pourrais me porter volontaire pour ouvrir mes dossiers et montrer que les antidépresseurs et les antipsychotiques ont réellement ravagé ma vie. Ils ont amplifié mes symptômes. Ils ont provoqué l'autodestruction dans ma vie. C'est incroyable. C'est démontré dans mes dossiers médicaux. Tout ce cheminement est documenté à Anciens Combattants Canada.
    C'est un problème nouveau.
    Est-ce que, en dehors du groupe...
    Monsieur, le problème n'est pas nouveau, mais le traitement est tellement archaïque que j'ai failli mourir. Aujourd'hui, mes frères, mes amis qui sont dans la position que celle où j'étais il y a quatre ans, quand j'étais énorme et en train de mourir, sont en train de mourir à leur tour, monsieur.

  (1710)  

    Je crois que nous nous sommes mal compris.
    Selon ce que je comprends, vous avez trouvé que c'était la cause de votre problème il y a environ deux ans.
    Non, cela fait cinq mois.
    C'est en ce sens que je vous dis que c'est récent. C'est une situation nouvelle.
    C'est exact.
    Je ne nie pas que cela vous touche.
    Vous avez cerné la cause. Vous faites même partie d'un groupe international. Vous en discutez, vous faites des comparaisons. Avez-vous recueilli des témoignages de civils?
    Oui, monsieur.
    Deux demoiselles sont présentement assises à l'arrière de la salle. Elles sont prêtes à témoigner devant le Comité permanent de la santé. Ces jeunes femmes ont vécu un enfer.
    La différence entre leur enfer et le nôtre, c'est qu'elles ont eu le choix de prendre le médicament ou de l'abandonner. Quant à nous, un membre du service médical — un ambulancier, je crois — nous a ordonné de prendre cette drogue. Nous avons parlé des symptômes, mais cela n'a rien donné. Cependant, ces demoiselles ont eu le choix. C'est la seule différence.
    Ce sont des histoires horribles. Au cours des cinq derniers mois, alors que j'ai commencé cette prise de conscience, j'ai entendu des histoires d'horreur.
    Je vous remercie énormément de nous avoir fait prendre conscience de ce problème. Il y a un début à tout, et je crois que vous serez perçu comme quelqu'un qui a initié un nouveau et important processus.
    Je le souhaite.
    Je vous félicite de votre courage et vous remercie de l'énergie que vous avez consacrée à ce dossier.

[Traduction]

    Monsieur Brassard.
    Tout d'abord, messieurs, je voudrais vous remercier d'avoir servi notre pays. J'ai été profondément touché par vos témoignages.
    Robert, s'il vous plaît.
    Monsieur Kitchen.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je joins ma voix à celle de mon collègue.
    Nous avons effleuré le sujet des lésions cérébrales acquises. Mardi, nous avons eu la chance d'entendre le Dr Nevin sur ce thème.
    Il nous a parlé un peu de toxicité et des traitements. Il nous a dit que les intervenants ont eu tendance à traiter les symptômes comme des troubles de santé mentale.
    Je ne suis pas d'accord. Je n'y crois pas. Plus j'en entends parler, plus je fais de recherches, et plus je suis convaincu qu'il s'agit d'un problème d'intoxication.
    Auriez-vous l'amabilité de nous faire part de vos commentaires à ce sujet, monsieur Dowe?
    Je piaffe d'impatience. Nous sommes en face d'une vaste incompréhension de ce qui se passe au juste. L'intoxication à la méfloquine n'est pas une maladie mentale. C'est une lésion cérébrale acquise. Ses manifestations sont également idiosyncrasiques, c'est-à-dire que chaque personne ne réagit pas de la même façon, au même moment ou au même degré.
    Monsieur Brassard, je ressens la même chose à votre égard que ce que vous évoquent nos témoignages. J'ai entendu les comparutions des derniers jours et vous avez parlé d'empoisonnement au plomb et au mercure, entre autres. Était-ce bien vous? Qui était-ce? C'était quelqu'un d'autre? Désolé.
    Ces deux expériences sont très proches. Tout comme l'empoisonnement au plomb ou au mercure, la méfloquine s'accumule dans des parties du cerveau, et les dépôts intraneuronaux peuvent avoir des effets très graves chez certaines personnes, en perturbant la barrière hémato-encéphalique et les trajectoires de transmission. Elle peut aussi provoquer des lésions profondes dans la partie limbique du cerveau. C'est ce qu'on entend par « lésions cervicales acquises », soit toutes les lésions qui se produisent après la naissance. Le cerveau est attaqué par des agents chimiques. Ce n'est pas une maladie mentale.
    L'intoxication à la méfloquine a ceci de particulier que, si un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine, ou ISRS, est prescrit, les symptômes sont aggravés parce que le cerveau ne fonctionne pas à pleine capacité. C'est là que les problèmes commencent. Les soldats reçoivent un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique parce qu'ils présentent des symptômes analogues. Selon le DSM-IV ou le DSM-5, les symptômes observés et ceux que les patients décrivent doivent être traités avec un ISRS, une psychothérapie, et ainsi de suite.
    Comme nous le savons, ce cocktail ne fera qu'empirer l'état du soldat. Les marqueurs du stress post-traumatique ne s'atténuent pas. Il est alors soupçonné de simuler des symptômes, d'avoir des troubles somatoformes, et que sais-je. Son entourage commence à penser qu'il ne fait pas d'effort pour guérir. Il devient encore plus déprimé parce qu'il ne redevient pas aussi fonctionnel qu'on le lui avait promis dans ses séances de psychothérapie et d'autres thérapies. Il s'enfonce toujours plus, et les idées suicidaires apparaissent. Nous savons en effet que si la cause n'est pas traitée, les troubles associés et opportunistes s'aggravent et finissent par emporter les malades, si l'on peut dire.

  (1715)  

    Merci, monsieur le président.
    Durant les témoignages, il a été question entre autres de la communauté, un sujet dont Claude a aussi parlé, de la possibilité de garder la trace des soldats tant qu'ils ont un lien avec le MDN ou les Anciens Combattants. Cependant, après leur départ, toute trace statistique disparaît et nous les perdons de vue.
    Monsieur Dowe, je sais que la question vous intéresse depuis longtemps. De manière empirique ou non, pouvez-vous nous dire combien de personnes sont aux prises avec ce problème?
    De manière empirique, nous parlons de 18 000 personnes. Je vais m'en tenir à ce chiffre. Nous savons qu'il y en a 20 000 ou quelque chose comme cela. C'est un chiffre arbitraire, mais disons entre 15 000 et 20 000. Nous estimons que 30 % environ souffrent de troubles chroniques invalidants attribuables au médicament, et que ces personnes ont reçu un diagnostic ou un traitement inadéquat, ou dans ces eaux-là. Le nombre de personnes atteintes se situe entre 4 000 et 5 000. C'est énorme.
    Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de symptômes neurologiques ou psychiatriques. Sur le plan neurologique, certaines personnes souffrent d'acouphènes, de vertiges et d'autres symptômes d'encéphalopathie qui peuvent être mal interprétés en raison de l'absence d'un diagnostic pour l'intoxication à la méfloquine.
    Nous parlons d'un très grand nombre de personnes, quelque chose comme 5 000.
    Merci.
    Je crois que nous avons terminé?
    Oui, merci.
    Monsieur Fraser, je crois que vous allez partager votre temps de parole?
    Oui. Je vais laisser ma question à M. Brassard. Je crois qu'il voulait poser une autre question et son temps a été amputé, alors je lui cède mon tour.
    Non, ce n'est pas nécessaire. Mais merci quand même.
    D'accord.
    Claude, vous nous avez raconté de manière très vivante vos épisodes de rage au volant. Ils se sont produits à quelques reprises, selon ce que vous avez raconté. À quand remonte votre dernier épisode? Quand avez-vous réglé ce problème? Je sais que vous avez été assez courageux pour vous faire traiter, mais pendant combien de temps avez-vous eu ces épisodes?
    En fait, juste avant que je m'enfuie et que ma vie s'écroule. Mon divorce, tout le reste, la perte de ma maison dans un incendie, le décès de ma mère... tout cela en un an. J'ai eu un autre épisode psychotique, et je me suis dit jamais plus. Je me suis débarrassé de ma voiture. Je n'ai pas conduit depuis mon retour au Canada. Je ne peux pas conduire. Brandon Kett pourrait en témoigner. Je deviens extrêmement nerveux et agressif. En un clin d'œil, je passe de 0 à 1 000 sur l'échelle de la rage. J'ai de la difficulté à me contrôler. Heureusement, je me soigne de manière naturelle, et cela m'aide énormément. Je ne sais pas quoi dire d'autre.
    Vous avez dit que lorsque vous avez commencé vos traitements, vos états dépressifs et votre agressivité ont diminué.
    À vrai dire, je me suis évadé. J'ai utilisé le soleil comme antidépresseur. J'ai changé mon alimentation pour me débarrasser du diabète et de mes maux d'estomac. J'ai perdu beaucoup de poids. En fait, j'ai fondu.
    Combien de poids avez-vous perdu?
    Je pesais 127 kilogrammes, et j'en pèse maintenant 86. J'avais énormément de surpoids à cause des pilules et de la dépression, entre autres.
    Désolé, mais où en suis-je?

  (1720)  

    Le traitement a atténué votre dépression.
    Oui, j'ai suivi un processus naturel. J'ai opté pour des solutions naturelles pour atténuer mes problèmes. Toutefois, depuis que je suis en ville, j'ai tendance à m'isoler...
    C'est plus difficile.
    ... et à rester à la maison. Je vis dans un bunker. Ma médication me stigmatise. J'ai été enfermé. J'ai dû aller au tribunal provincial pour régler la question de la pension alimentaire avec mon ex-femme. J'ai présenté mes pièces d'identité quand on me l'a demandé, montré l'emballage, à quoi servait le médicament, avec l'ordonnance sur le côté... On m'a quand même passé les menottes.
    Avec les autres facteurs de stress, cela peut devenir explosif.
    Oh oui! J'étais sur le point d'exploser. Ils étaient deux. Je me suis énervé et je me suis tourné, et j'ai vu qu'il y en avait huit autres. Je me suis mis les mains derrière la tête parce que je ne voulais pas provoquer d'incident. Ils m'ont quand même enfermé et envoyé en bas. Parce que j'étais agressif, j'ai été enfermé et menotté avec les mains derrière le dos pendant deux heures.
    D'accord. Merci, Claude.
    Je me tourne maintenant vers M. Eyolfson, qui va partager mon temps.
    Il vous reste un peu moins de trois minutes.
    D'accord, merci.
    Claude, vous m'avez parlé de ce qu'il vous faut et de ce que, je l'espère, nous pouvons vous aider à trouver. Je vais poursuivre dans la même veine avec Dave.
    Tout d'abord, recevez-vous actuellement des services des Anciens Combattants?
    Oui.
    Bien. Estimez-vous que ces services sont suffisants? Est-ce que vous avez d'autres besoins qui nécessiteraient d'autres services?
    Les services ne sont pas suffisants. Actuellement, j'alterne entre une journée par semaine de neurofeedback et une de psychothérapie, pour apprendre à gérer mes problèmes d'agressivité et ce genre de choses. Par contre, j'aimerais beaucoup intégrer un programme de traitement des lésions cervicales acquises en établissement hospitalier, pour apprendre tout ce que je peux à ce sujet. Je pourrais acquérir des aptitudes qui me permettraient de trouver un emploi et de soutenir ma famille.
    Très bien, merci.
    Je vais poser la même question à Brandon. J'imagine que vous recevez actuellement des prestations des Anciens Combattants?
    En fait, non. Je reçois maintenant des prestations du RARM parce que je viens d'être libéré, mais les deux régimes se recoupent presque. J'ai un gestionnaire de cas aux Anciens Combattants mais, au fédéral, nous sommes coincés parce que les lésions dues à la méfloquine ne sont pas reconnues et elles sont méconnues. Au fond, je me sens ballotté à travers le système, parce que personne ne sait vraiment quoi faire avec mon cas. Je dois expliquer les données scientifiques et tout le contexte, pour que les intéressés aient toute l'information nécessaire. En quelque sorte, je les éduque sur la façon de me traiter.
    D'accord. Merci.
    John, recevez-vous actuellement...
    Oui.
    Et est-ce que ce que vous recevez est suffisamment? Et si non, que faudrait-il faire pour les bonifier?
    Qu'est-ce qui devrait bonifier quoi au juste?
    Les services que vous recevez sont-ils suffisants et, si non...
    Sur le plan financier ou sur le plan administratif?
    Les deux, peu importe. Tout ce qui peut vous aider. Est-ce que l'aide fournie à tous les niveaux est suffisante...
    Actuellement, elle est suffisante, mais j'ai dû me battre becs et ongles pour y arriver. Mais pour répondre à votre question, oui, je suis très satisfait.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Kitchen, nous en sommes aux périodes de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    De nouveau, merci.
    Messieurs, nous vous avons entraînés à travailler en unités. Nous vous avons entraînés à vous faire mutuellement confiance et à vous protéger les uns les autres, et nous vous en remercions. Seulement, nous vous avons aussi entraînés à devenir — j'ai horreur d'avoir à parler de lavage de cerveau dans ce contexte. La réalité est que vous avez été entraînés à obéir aux ordres et, après votre libération, il est très difficile pour vous d'oublier ce que vous avez fait parce que vous n'êtes pas déconditionnés.
    Monsieur Lalancette, vous dites que votre famille est une victime des événements. Je crois que tous les autres nous ont aussi dit, indirectement, que leurs familles sont des victimes. Le ministère des Anciens Combattants a-t-il fait quoi que ce soit pour aider vos familles?

  (1725)  

    Non, rien.
    Non. Le Ministère m'a offert de m'aider à payer les études de mon fils. Je l'ai invité à emménager avec moi le 25 janvier, dans l'appartement que mon gestionnaire de soins cliniques m'a trouvé. Il a fallu des mois pour que le Ministère donne enfin son approbation. J'ai reçu 87 $ pour couvrir le billet d'autobus de mon fils. C'est tout.
    Sur le plan médical, mon fils et mon ex-femme ont tous les deux désespérément besoin d'aide en santé mentale. Ils ont besoin d'être guidés, de comprendre ce qui s'est passé. Mon fils a coupé tous les ponts avec moi, jusqu'à supprimer mon nom de son nom de famille. Il me déteste. Il ne comprend pas ce qui s'est passé. Je ne comprenais pas ce qui m'est arrivé.
    Mon fils qui vit avec moi maintenant n'en peut plus de me voir sauter au plafond à tout bout de champ. Il n'arrive pas à se concentrer à l'école. Il se prépare à retourner au Québec, pour vivre avec sa mère. Je serai seul à la fin du mois. Le cauchemar n'en finit pas, et ma famille souffre énormément.
    Monsieur Bona, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui. Selon la politique des Anciens Combattants, si ma femme va consulter un psychologue, chacune de ses visites veut dire des visites en moins pour moi. Malheureusement, nous devons concentrer tous les soins sur moi. J'en ai besoin pour retrouver mon équilibre et redevenir un membre productif de la famille.
    Merci.
    Monsieur Kett, je vous pose la même question, rapidement, parce que je veux avoir le temps de poser une dernière petite question à M. Bona.
    Mes enfants sont les principales victimes. Le déménagement a hypothéqué ma relation avec eux, quand ils m'ont été retirés. J'ai été séparé d'eux, et les séquelles commencent à se faire sentir. Nous avons besoin d'aide.
    Merci.
    Monsieur Dowe, je vais revenir à vous après.
    Monsieur Bona, vous venez de la Saskatchewan. Je viens aussi de la Saskatchewan. Dans la rangée, nous venons tous de la Saskatchewan. Vous avez parlé de l'accès à des services de santé mentale pour votre femme. C'est extrêmement difficile en Saskatchewan. Nous avons déjà parlé en comité de l'accès à des services de santé mentale pour nos anciens combattants dans les régions éloignées. Quelle est votre situation? Lorsque votre femme a besoin de tels services, est-ce qu'elle doit se rendre à Edmonton ou à Winnipeg?
    Elle ne reçoit pas de services parce que...
    Elle ne peut pas recevoir de services, d'accord.
    ... l'important est mon équilibre. Je ne peux pas rater de séances parce que...
    Vos services seraient réduits.
    Oui.
    Merci.
    Vous avez dit que vous receviez des traitements, vous avez parlé d'une psychologue, qui a beaucoup à cœur...
    Oui.
    Où se trouve-t-elle?
    Malheureusement, elle a déménagé en Colombie-Britannique cette année. Pendant six mois, j'ai fait la tournée des psychologues pour en trouver un autre aussi compétent que Susan Brock, et je suis finalement tombé sur D'Arcy Helmer, à Saskatoon, un excellent psychologue.
    Merci.
    Nous allons conclure avec Mme Jolibois. Vous avez trois minutes.
    Merci beaucoup, et merci de nous avoir raconté votre histoire.
    John, vous avez dit tout à l'heure que Kyle Brown et le caporal-chef Matchee étaient des victimes.
    Que voulez-vous dire?
    Je pense que le caporal-chef Matchee est une victime parce qu'il souffrait de psychose, d'hallucinations et d'accès de rage incontrôlables et que, parce qu'il avait les facultés affaiblies par le médicament et qu'il se sentait légitimé par un ordre illégal, la coupe a débordé. Quand il a repris ses esprits et qu'il a réalisé ce qui l'attendait, ce qui lui arrivait, c'en était trop et il a fait une tentative de suicide.
    Kyle Brown a subi l'opprobre de toute une nation. Il a été un bouc émissaire pour l'ensemble de la mission.
    Dans la dernière année et demie, j'ai réussi à avoir quelques contacts épisodiques avec Kyle. Il vit la même chose que tant d'autres soldats et anciens combattants vivront quand ils découvriront et comprendront qu'ils pourraient souffrir d'une lésion cérébrale acquise. Il pourrait s'agir de la réponse à tous les problèmes, ou à une grande partie des problèmes qu'ils attribuaient jusque-là au stress post-traumatique ou que sais-je, et qui explique pourquoi ils ne répondent pas aux traitements traditionnels.
    Kyle ne comprend pas très bien tout ce qui arrive. Il veut être heureux. Il comprend qu'il se passe beaucoup de choses ces temps-ci qui permettront de mieux comprendre qu'il a enduré durant la fameuse nuit et ce qu'il continue d'endurer aujourd'hui.
    Et oui, je crois fermement que c'est la famille de Clayton Matchee qui a le plus souffert parce qu'il n'est plus tout à fait lucide et ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive. C'est sa femme, Marj, et c'est toute la famille Matchee, sa mère et son père, toute la communauté qui portent ce poids sur leurs épaules.

  (1730)  

    Dave, pouvez-vous décrire votre relation avec le caporal-chef Matchee?
    Je faisais partie du 3e Commando. Je n'étais pas dans la même enceinte — j'étais dans une autre. J'ai réalisé que — évidemment. Ma relation avec la famille Matchee a débuté lors du procès en cour martiale qui s'est déroulé en Saskatchewan après notre retour. J'allais à la cour pour soutenir la famille, simplement.
    Est-ce que je peux poser une dernière petite question?
    Quel type de soutien Kyle et le caporal-chef Matchee reçoivent-ils?
    Nous avons approché l'organisme Soutien sur le terrain pour les vétérans, VETS Canada, pour qu'ils intercèdent pour Kyle chaque fois que nous l'avons localisé. J'ai eu des contacts sporadiques avec sa famille. Actuellement, Kyle est plutôt récalcitrant à toute forme d'aide. Nous avons bien peur que si nous ne réussissons pas à lui faire entendre raison et à l'aider à retrouver l'équilibre, cette année pourrait bien être l'une des dernières de sa vie. Nous avons demandé à des organismes de tenter d'établir un lien avec lui mais, pour l'instant, il résiste.
    C'est pourquoi les services de proximité sont si importants. Il faut du tact, de la compassion, du respect. C'est un terrain très fragile.
    Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
    Beaucoup de personnes à qui des ISRS ont été prescrits vont cesser brusquement de les prendre. Elles le feront sans consulter un médecin pour qu'il diminue progressivement leur dose et fasse un suivi des symptômes et de leur degré de fonctionnalité. Ces personnes s'exposent à des risques très graves, et toute leur famille en même temps, parce qu'elles pensent que tous leurs problèmes sont dus à la méfloquine, mais ce n'est pas toujours le cas. Elles sont confuses. Elles ont perdu espoir. Si elles abandonnent leur médication, le chaos risque de s'installer. Nous devons en être conscients.
    En fait, j'ai participé à la longue entrevue filmée en janvier 2015, pas avant Noël. Comme beaucoup d'hommes étaient à la maison pour Noël, nous ne voulions pas qu'ils restent dans leur sous-sol à ruminer cette masse d'information. C'était important pour nous. Nous avons pensé qu'il serait mieux d'attendre la nouvelle année, pour qu'ils soient de nouveau occupés par le travail. Quand ils travaillent, ils ont une certaine structure, plus que quand ils sont en congé et qu'ils ont le temps de plonger dans les coins sombres de leurs souvenirs.
    Merci.
    J'aimerais ajouter un autre point.
    J'ai essayé de retracer les membres du peloton auquel j'appartenais en Somalie, le 9peloton, 3Commando. J'ai retrouvé 10 soldats. Sur les 28 soldats déployés, 2 se sont suicidés, 6 ont fait une tentative de suicide, et le seul soldat qui va bien est le seul à ma connaissance qui n'a pas pris le médicament.
    Je n'ai pas retrouvé les autres membres du peloton.
    J'aimerais vous remercier tous, messieurs, Claude, Dave, Brandon et John, d'avoir pris le temps de venir témoigner, et surtout d'avoir consacré du temps au service de notre pays.
    Si vous avez autre chose à ajouter, je vous invite à rédiger un mémoire et à le transmettre au greffier. Le greffier remettra votre mémoire au Comité et il sera incorporé au compte rendu. Vos mémoires nous rendront un grand service, et tous les membres du Comité vous en seront reconnaissants.
    La séance est levée.
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