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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 139 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 janvier 2019

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous allons commencer notre 139e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
    Nous accueillons Scott Garvie, producteur exécutif de Shaftesbury Films, ainsi que Lori Marchand, directrice générale du Théâtre autochtone au Centre national des arts.
    Monsieur Garvie, puisque vous êtes en tête de liste, c'est vous qui commencerez.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je m'appelle Scott Garvie, et je suis vice-président principal des affaires commerciales et juridiques de Shaftesbury Films à Toronto. Je préside actuellement le conseil d'administration de la Canadian Media Producers Association. Merci beaucoup de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui de l'importance des droits d'auteur pour les producteurs. Les droits d'auteur ont une incidence directe sur notre capacité de réaliser d'excellentes séries canadiennes. Pour rémunérer équitablement les producteurs et les artistes, nous devons continuer à reconnaître le producteur comme étant l'auteur et le premier détenteur des droits d'auteur des oeuvres audiovisuelles. J'aimerais vous parler du travail des producteurs pour vous expliquer son importance.
    Vous connaissez déjà peut-être la série populaire produite par ma société, c'est-à-dire Murdoch Mysteries et Frankie Drake Mysteries, qui sont diffusées sur la CBC. Je suis fier de vous dire que Murdoch Mysteries et Frankie Drake Mysteries sont parmi les trois séries les plus populaires de la CBC actuellement. Nous avons d'autres projets en cours, dont la série YouTube et le film Carmilla, qui jouit d'une popularité immense auprès de la communauté LGBTQ, la série d'horreur Slasher diffusée sur Netflix, et Emerald Code, une série Web destinée aux filles et qui porte sur les sciences et la technologie. Nous sommes en train de produire deux séries dramatiques pour les heures de grande écoute, qui seront diffusées plus tard cette année, dont une série coproduite avec Rogers intitulée Hudson and Rex, et une autre coproduite avec Corus qui s'appelle Departure.
    Le producteur porte de nombreux chapeaux. Comment produisons-nous des séries formidables? Bien franchement, il y a un peu d'alchimie dans chaque série que nous créons. Parfois, une série qui devrait être chaudement accueillie pour ses qualités techniques rate le coup auprès du public cible, alors qu'une autre série dépasse de loin nos espoirs quant à sa popularité. La série Murdoch Mysteries en est un parfait exemple. Qui aurait cru qu'une série dramatique se déroulant dans les années 1890 à Toronto trouverait tant de fans à l'échelle mondiale? Grâce à l'écriture hors pair, aux valeurs propres à la production et aux décisions prises pour le casting, c'est une série très populaire qui est diffusée dans plus de 110 pays, et nous sommes ravis d'en être à notre 13e saison à la CBC.
    Pour produire d'excellents films et séries pour la télévision, nous devons porter de nombreux chapeaux. Nous disons souvent que nous sommes des chasseurs de trésors. Nous cherchons une idée, un concept ou un récit original d'un scénariste. Nous transformons ces idées dans le contenu que vous regardez en embauchant les artistes et en travaillant avec eux.
    Dans le cas de Murdoch Mysteries, nous avons pris l'option de scénariser une série de romans par une écrivaine torontoise très peu connue, Maureen Jennings. Nous avons ensuite passé du temps à développer la série et au fil des ans, nous avons collaboré avec de nombreux scénaristes et réalisateurs. En fait, nous avons eu trois ensembles différents de scénaristes en chef et d'auteurs-producteurs, et nous avons embauché plus de 75 réalisateurs aux fins de la série. Notre propre équipe créative a joué un rôle important quant au façonnage de la série. Tout cela se fait sous la direction de notre équipe de producteurs, dont moi-même, Christina Jennings, qui vient d'être investie de l'Ordre du Canada pour son travail sur Murdoch Mysteries, et Julie Lacey.
    Nous prenons également des risques. Nous investissons les revenus de nos réussites dans la recherche-développement qui s'impose pour créer de nouvelles séries. Ainsi, nous avons consacré 10 ans à développer notre nouvelle série Hudson and Rex parce que nous étions convaincus de l'intérêt du concept. C'est une série qui porte sur un policier et son chien, et nous voulions lui rendre honneur. Nous avons investi quelque 300 000 $ dans le développement, pour payer les scénaristes et d'autres afin d'amener la série à l'étape où nous pourrions enfin trouver un diffuseur qui le prendrait.
    Nous sommes également des gestionnaires de ressources humaines. Nous sommes le pôle pour tous les éléments créatifs et financiers ainsi que les partenariats qui font qu'un projet est réussi. Que nous soyons en train d'examiner les notes des scénaristes avec les réalisateurs, de négocier avec l'agent d'un scénariste ou de convaincre notre vedette, et dans le cas de Rex, c'est un chien, de sortir de sa roulotte, c'est nous qui entretenons des rapports avec les artistes. De plus, nous surveillons toujours le marché.
    Dans le cas de Murdoch Mysteries, nous avons une entente avec un diffuseur du Royaume-Uni, un diffuseur français, soit France Télévisions, la CBC et ITV, qui s'occupent des ventes à l'étranger. Nous dialoguons constamment avec eux pour trouver la meilleure façon d'atteindre leurs auditoires particuliers et nous assurer que la série connaît un maximum de succès le plus longtemps possible partout au monde.
    Nous sommes également des comptables. Le système de crédits fiscaux canadiens repose sur les droits d'auteur des producteurs. Nous gérons divers budgets, crédits fiscaux, flux de trésorerie et investissements pour réaliser les séries. Parallèlement, nous nous assurons que nos artistes et nos techniciens sont rémunérés équitablement pour leur travail. Cela veut dire que nous sommes responsables de gérer les revenus qui vont aux investisseurs et participants créatifs après la production des séries.
    Nous sommes des vendeurs. Nous sommes toujours en train de vendre, que ce soit de vendre notre idée à un scénariste ou à un diffuseur ou encore vendre notre vision d'une nouvelle série télévision aux divers partenaires dont nous avons besoin. Shaftesbury réunit une équipe de 35 personnes à Toronto et à Londres qui travaillent fort pour appuyer nos séries comme Murdoch Mysteries et Frankie Drake Mysteries.
    Pour faire augmenter l'intérêt des auditoires pour la série, nous faisons certaines activités de promotion. Nous avons un jeu d'évasion inspiré par Murdoch Mysteries à Casa Loma à Toronto. Nous avons réalisé des séries Web d'entretien avec les comédiens de Murdoch Mysteries et Frankie Drake Mysteries avec la CBC, dans lesquelles les comédiens parlent des épisodes.
    Nous avons également envoyé en tournée canadienne les costumes d'époque de la série Frankie Drake afin que les gens puissent voir et toucher les vêtements. Nous sommes en train de créer une pièce de théâtre qui sera en tournée au Canada sous la marque Murdoch.
    Les producteurs sont, et doivent l'être, les auteurs et les premiers propriétaires d'une oeuvre audiovisuelle. Cependant, dans le cadre de votre étude, vous avez entendu des représentants de la Guilde canadienne des réalisateurs et de la Writers Guild of Canada dire que la Loi sur le droit d'auteur devrait être modifiée afin que le scénariste et le réalisateur soient tous les deux les auteurs d'un épisode d'une série ou d'un film télévisé. Cette modification, à mon avis, n'est non seulement pas indiquée, mais en plus elle nuirait gravement à la capacité du producteur d'exploiter une oeuvre audiovisuelle, d'en vendre la licence et d'en tirer les recettes.
    Toute personne qui laisse entendre qu'une telle modification ne gênerait pas la production des films a tort; le travail que nous devons faire pour réaliser une série serait complètement perturbé. Le producteur et les guildes ont réglé ces problèmes il y a longtemps dans les contrats de travail, et il n'est pas nécessaire de modifier ces contrats maintenant. Ce serait catastrophique que d'avoir de multiples détenteurs de droits d'auteur sur un marché monnayable et bien ordonné qui ne peuvent être repérés ou qui refusent d'accorder les droits d'exploitation nécessaires. La collaboration qui s'impose pour produire une série télévisée est complètement différente du cas de figure d'un seul auteur de roman ou d'un compositeur de chanson.
    Ce sont les producteurs qui embauchent les personnes créatives clés et travaillent de près avec elles. Comme je viens de le décrire, nous travaillons avec les scénaristes pour transformer les idées en scénarios; nous embauchons les réalisateurs pour transformer les scénarios en projets; nous embauchons les comédiens, les concepteurs de production, les compositeurs, les musiciens, les éditeurs et les équipes techniques qui nous aident à façonner le projet et transposer notre vision collective sur l'écran. Tout le monde a un rôle important, et nous reconnaissons profondément la valeur de ces efforts créatifs, mais c'est le producteur qui réunit tous ces éléments artistiques individuels et transforme une idée ou un concept en projet pour le transposer à l'écran et ensuite le vendre sur le marché.
    Dans le cas de la télévision, les droits d'auteur et d'exploitation constituent le fondement même de notre modèle d'affaires. Nous sommes constamment en train de créer de nouvelles propriétés intellectuelles en utilisant les ressources de l'entreprise comme capital de démarrage important. Afin d'avoir une entreprise de la taille nécessaire, c'est-à-dire qui est capable d'être concurrentielle sur le marché international et vendre nos séries, les producteurs doivent détenir les droits d'auteur pour les séries.
    Il serait impossible d'avoir une entreprise de production viable sans avoir un carnet bien garni de nouveaux projets potentiels. La série Frankie Drake en est un excellent exemple. La CBC nous a demandé de créer une série qui pourrait être diffusée après Murdoch. Fort heureusement, nous étions déjà en train de développer le concept de Frankie et nous avons donc pu réagir très rapidement à cette demande du marché.
    La détention des droits d'auteur par les producteurs est le fondement même des modèles de rémunération des artistes dans les industries créatives. Nous investissons dans le développement; nous rassemblons les partenaires financiers et créatifs; nous payons les artistes et les créateurs équitablement, à la fois à partir de notre budget et des ententes conclues avec la guilde pour un pourcentage des recettes.
    Il n'est pas nécessaire de modifier la Loi sur le droit d'auteur relativement aux droits d'auteur ou à la possession des oeuvres audiovisuelles. Les producteurs sont les auteurs et les premiers détenteurs des droits d'auteur de leurs projets télévisés et doivent continuer de l'être.
    Je vous remercie de m'avoir donné la parole aujourd'hui. Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.

  (1535)  

    Merci.
    Au tour maintenant de Mme Marchand, de l'Indigenous Performing Arts Alliance.
    Allez-y.
    Je m'appelle Lori Marchand. Je fais partie de la nation Syilx ou Okanagan. Je suis venue en ma qualité de représentante de l'Indigenous Performing Arts Alliance. Je suis actuellement la directrice générale du nouveau théâtre autochtone du Centre national des arts, poste que j'occupe depuis neuf mois. Auparavant, j'étais la directrice exécutive du Western Canada Theatre, un petit théâtre régional situé dans le territoire traditionnel non cédé des Tk’emlúps te Secwepemc dans la ville qui s'appelle Kamloops, en Colombie-Britannique.
    Le WCT, grâce au travail de ses quatre directeurs artistiques sur 19 saisons, s'est taillé une réputation nationale pour avoir parrainé, développé, présenté et produit des oeuvres autochtones dans un esprit de collaboration et de respect. Le comité pourrait s'intéresser à deux exemples en particulier qui ont ensuite eu une incidence ailleurs, notamment dans d'autres troupes de théâtre.
    En 2000, le WCT et la Secwepemc Cultural Education Society, la SCES, a chargé un dramaturge cri, Tomson Highway, de créer une pièce inspirée d'un document historique qui s'appelle The Laurier Memorial, un document présenté à Wilfrid Laurier dans la ville de Kamloops en août 1910. Le document a été présenté conjointement par les chefs des nations Secwepemc, Nlaka'pamux et Syilx, qui sont connues de façon collective comme les nations Salish de l'intérieur et qui s'appellent les nations Shuswap, Thompson et Okanagan respectivement dans le document.
    Le document a été dicté à un ethnographe renommé, James Alexander Teit, un homme venu des îles Shetland qui avait épousé une femme de la nation Nlaka'pamux, et qui a traduit le document. Le document décrit les 100 ans de la relation entre les nations autochtones et les colons, les protocoles traditionnels pour accueillir les invités dans nos maisons, et le manque de respect offert en retour, ce qui a mené à l'érosion du territoire et aux moyens traditionnels de vivre, ainsi qu'à l'amenuisement de la confiance dans les relations autochtones avec la Couronne.
    Comme je l'ai dit, la pièce constituait un effort conjoint entre le WCT et la SCES pour reconnaître le fait que la pièce était inspirée de l'histoire et des récits du peuple Secwepemc. La pièce a été rédigée et développée au courant de nombreux ateliers et a fait l'objet de lectures publiques à Tk’emlúps te Secwepemc, et des membres de la communauté ont pu participer au processus de développement.
    Le développement de la pièce a été intégré à un projet ARUC financé par le CRSH à l'Université Thompson Rivers. Un documentaire intitulé Tomson Highway Gets His Trout était l'un des moyens tangibles de faire connaître les résultats. Le documentaire a été diffusé par la suite sur la chaîne Bravo.
    En bout de ligne, la première de la pièce Ernestine Shuswap Gets Her Trout a eu lieu en juin 2004 au théâtre Sagebrush, et des représentants de toutes les 17 nations Secwepemc y étaient, ce qui ne s'est jamais produit depuis, ainsi que des représentants des nations Nlaka'pamux et Syilx. Le grand chef national Phil Fontaine y a assisté au nom de l'Assemblée des Premières Nations.
    Le contrat contenait deux dispositions touchant aux redevances, dispositions qui étaient irrégulières: pour chaque production, 3 % des redevances du dramaturge seraient versées à la Secwepemc Cultural Education Society; et si dans toute période de 12 mois, le dramaturge gagnait plus de 25 000 $ en redevances de la pièce, quel que soit le médium, c'est-à-dire au théâtre, à la télévision, au cinéma, et ainsi de suite, alors un petit pourcentage et je m'excuse, mais ma mémoire me fait défaut, mais c'était ou bien 2 ou 3 %, serait versé au théâtre commanditaire, soit le WCT. Malheureusement, une telle conjoncture ne s'est pas produite.
    Le prochain projet qui risque de vous intéresser est l'écriture et le développement d'une pièce par Kevin Loring, un dramaturge Nlaka'pamux, qui est actuellement le directeur artistique du théâtre autochtone au CNA. Le WCT, en partenariat avec le Vancouver Playhouse, a reçu une subvention de 95 000 $ de Arts Partners in Creative Development, un fonds établi en marge des Olympiques de 2010 à Vancouver, afin de financer l'écriture et le développement de Where the Blood Mixes. La subvention a permis de verser des cachets au dramaturge et à deux artistes autochtones: un artiste graphique chargé des éléments de design, ainsi qu'un musicien qui s'occuperait de la trame sonore.

  (1540)  

    Le financement a également permis de tenir un atelier de production de la pièce, soit un atelier de mise en scène avec des éléments de production qui pouvaient faire la tournée des communautés. Dans le cadre d'un partenariat avec la nation Tk’emlúps te Secwepemc, l'atelier de production a répété au Centre Chief Louis, l'ancien pensionnat de Kamloops.
    On a invité les aînés à venir lancer les répétitions au moyen d'une cérémonie d'accueil, et on a prévu du temps après la cérémonie pour permettre aux aînés de parler avec les acteurs, les créateurs et les membres de l'équipe du WCT. Le public était bienvenu lors des répétitions, afin que les aînés et les membres de la communauté puissent venir y assister en tout temps. La pièce a été présentée au public trois fois au théâtre Pavilion du WCT. Le prix des billets était nominal, soit entre 10 et 15 $, et dans certains cas l'entrée était gratuite afin de permettre à un maximum de gens d'y assister.
    Après le spectacle, les membres de l'auditoire pouvaient réagir et faire part de leurs commentaires à Kevin directement. L'atelier de production s'est rendu à Trail, où on a donné au public la même possibilité. L'atelier s'est ensuite rendu à Lytton, la communauté de Kevin. On y a tenu un festin et, là encore, les gens ont pu transmettre leurs commentaires à Kevin. C'était un événement touchant et puissant pour la communauté, qui se voyait sur la scène. Enfin, la pièce a eu sa première à Vancouver le 11 juin 2008, le jour où le gouvernement fédéral a présenté ses excuses pour les pensionnats.
    Je ne l'ai pas noté dans mon discours, mais la pièce a remporté le prix du gouverneur général pour une oeuvre dramatique.
    La relation du WCT avec le peuple Tk’emlúps te Secwepemc s'entretient au moyen d'activités directes, telles des discussions et des demandes adressées directement au chef et au conseil, et des activités de rayonnement organisées par l'entremise du Conseil tribal des Shuswap, des organisations des services et des nations Nlaka'pamux et Syilx.
    Le WCT, et dans la plupart des cas les artistes eux-mêmes, a demandé la permission de raconter les histoires. La reconnaissance de la permission se fait comme je l'ai décrit précédemment, grâce au versement d'une partie des redevances, ou encore par une reconnaissance imprimée sur le matériel de promotion, tel que les affiches, les brochures, les sites Web et les copies papier du texte.
    Grâce au processus de développement et de production, les efforts de consultation et de rayonnement ont permis aux membres de la communauté de se voir honorés et représentés de façon honnête et respectueuse sur la scène. L'oeuvre est devenue accessible à la communauté en raison des prix et de l'engagement.
    Dans les cas où le sujet abordé risquait de raviver des souvenirs éprouvants, le WCT s'est assuré de la présence de conseillers spécialisés en traumatismes et d'aînés, ainsi que d'un espace sûr afin que les membres de la communauté puissent participer dans un cadre rassurant.
    Le WCT est également un producteur. Il est membre de la Professional Association of Canadian Theatres, et de ce fait, signataire des ententes professionnelles avec la Canadian Actors' Equity Association, la Associated Designers of Canada et la Playwrights GuiId of Canada. Tous les cachets des artistes sont régis par ces ententes. Les ententes permettaient de fixer des montants de base; un soutien financier accordé pour des raisons culturelles était versé en raison des valeurs et des pratiques internes du WCT.
    Le WCT est un théâtre régional qui produit une gamme étendue d'oeuvres pour l'intérieur sud de la Colombie-Britannique. En ma qualité de cadre au sein de la compagnie, j'ai aidé à établir et à développer ces pratiques et, à la base, à créer un climat de confiance avec les Tk’emlúps te Secwepemc et de façon plus étendue avec les nations Salish de l'intérieur. Au final, c'était la générosité de ces nations et des membres de leurs communautés, qui nous ont donné l'autorisation d'utiliser leurs histoires et leurs ressources, qui a rendu possibles notre travail et le tissage de relations.
    J'espère que d'autres témoins pourront vous parler de façon plus détaillée des défis auxquels sont confrontés les artistes, les écrivains et les recherchistes qui arrivent dans une communauté, qui publient les histoires de cette communauté et qui ensuite revendiquent les droits d'auteur. Je vous soumets les pratiques du WCT comme solution de rechange.
    Il y a beaucoup de travail à faire à l'échelle nationale pour favoriser le travail des artistes autochtones. La production théâtrale exige une infrastructure telle que des espaces pour les prestations et des installations pour répéter et construire les décors. Ces ressources n'appartiennent pas aux artistes et compagnies autochtones. Aucune compagnie autochtone n'a signé le Canadian Theatre Agreement, en grande partie parce que les structures pour les répétitions et les représentations ne tiennent pas compte des façons autochtones de travailler et ne s'y prêtent pas. Les artistes autochtones peuvent choisir de ne pas devenir membres de la Canadian Actors' Equity Association, car leurs prestations sont culturelles, et ont lieu, par exemple, dans le cadre d'un pow-wow.
    Lorsque les artistes travaillent avec une compagnie qui doit se soumettre à la Canadian Theatre Agreement ou son homologue, la Independent Theatre Ageement, les artistes doivent payer des cotisations au CAEA, des cotisations qui en bout de ligne viennent réduire le cachet de l'artiste.

  (1545)  

    Ces exigences ont essentiellement entraîné l'exclusion des compagnies et des artistes autochtones, une situation que la Professional Association of Canadian Theatres et la Canadian Actors' Equity Association se sont engagées à résoudre.
    Comme c'est un argument plutôt circulaire, cette situation laisse les compagnies et les artistes autochtones en manque de ressources sur le plan financier et sur le plan de l'infrastructure spécialisée.
    C'est un enjeu vaste et complexe. Au nom de l'Indigenous Performing Arts Alliance et de ses membres, je vous remercie d'avoir entrepris cette étude.
    Merci.
    Nous passons maintenant aux questions.
    Nous entendrons d'abord M. Hogg. Il a sept minutes.
    Je vous remercie beaucoup de vos exposés et des renseignements que vous nous avez fournis.
    Monsieur Garvie, vous avez parlé de quelques merveilleuses réussites comme Murdoch Mysteries et Frankie Drake Mysteries. Vous avez parlé de ces réussites et vous avez affirmé à nouveau que les producteurs doivent détenir les droits d'auteur, car dans le cas contraire, ces réussites auraient pu ne jamais voir le jour.
    Pouvez-vous nous donner quelques exemples de la façon dont les choses pourraient avoir été différentes si les producteurs n'avaient pas eu cette responsabilité?
    Vous semblez avoir insisté sur les réussites. Je présume que quelques échecs ont également eu lieu.
    Je crois qu'au départ, au moment de lancer le projet, la vraie titulaire des droits d'auteur de ce concept était l'auteure d'une série de livres. Nous avons conclu une entente avec elle. Elle participe aux revenus chaque année dans le cadre de notre budget et elle profite également du succès de l'émission. Elle gagne donc de l'argent en même temps que nous.
    Si nous n'étions pas en mesure de contrôler cette propriété intellectuelle et que les scénaristes que nous avions embauchés aux premières étapes de la production de l'émission... Ce n'était pas leur idée. Nous leur avons dit que nous avions une idée et nous leur avons demandé de nous aider à l'étoffer. En fait, nous avons eu quelques petits problèmes avec certains scénaristes qui ne comprenaient pas vraiment les scénarios que nous souhaitions réaliser ou le ton que nous souhaitions adopter, et nous avons donc cherché d'autres scénaristes.
    Si les premiers scénaristes qui ont participé à notre projet étaient devenus à ce moment-là titulaires du contenu du projet, tous les efforts auraient pu s'arrêter là, car nous n'aurions peut-être pas pu continuer et réaliser notre émission si personne n'avait adhéré à leur vision. Cela aurait créé des obstacles dans le processus de développement.
    Lorsque nous allons sur le marché et que nous parlons à un radiodiffuseur du Royaume-Uni, de la France ou même du Canada, il existe un ensemble de droits dérivés de la propriété du droit d'auteur qui permet d'exploiter le concept du plus grand nombre de façons possible. Si nous avions divisé ces droits entre différents titulaires de droits d'auteur, nous n'aurions peut-être pas tous ces droits ou nous ne serions peut-être pas en mesure de les exploiter pleinement ou efficacement.
    J'ai lu l'exposé livré par les représentants de la CMPA. Stephen Stohn a formulé un commentaire qui m'a également marqué. Nous avons réalisé plus de 200 épisodes de Murdoch Mysteries. Nous avons embauché plus de 150 scénaristes pour écrire ces scénarios. Nous avons eu plus de 75 réalisateurs. Si tous ces gens étaient titulaires des droits d'auteur, ils ne pourraient rien faire, car nous sommes propriétaires du projet sous-jacent. Ils ne peuvent pas les vendre sur le marché. Ils peuvent être propriétaires du scénario ou du travail effectué, mais ils ne peuvent rien faire avec cela. Si c'était le cas, tout fonctionnerait à l'envers dans ce domaine d'activité.

  (1550)  

    Pouvez-vous nous parler d'un pays qui aurait adopté un modèle différent du nôtre, c'est-à-dire un modèle différent qui fonctionne dans un autre pays?
    Je suis désolé, monsieur. Il faudrait que je parle aux représentants de la CMPA, car ils pourraient s'informer sur la structure à l'extérieur du Canada.
    Cela dit, pensez-vous que le modèle qui existe actuellement au Canada vous est favorable?
    Je pense qu'il est favorable à l'industrie. Je crois qu'il y a un processus clairement établi sur la façon dont on fait les choses dans le milieu de la télévision et l'industrie du film. Les différentes parties ont conclu des ententes négociées de bonne foi entre les scénaristes, les réalisateurs, les acteurs et tous les participants au projet. Si vous avez déjà visité un studio de télévision, vous savez que 200 personnes y travaillent. Toutes ces ententes sont élaborées avec des guildes, afin de protéger les employés ou les agents contractuels. Il existe également un mécanisme qui veille à ce que ces gens soient récompensés en cas de réussite.
    Je crois que cela fonctionne. Je pense que nous devons moderniser le système de droit d'auteur pour qu'il reflète les nouveaux moyens de diffusion, mais je crois que le système de base est un bon système.
    Donc les principes qui sont en oeuvre sont tout à fait appropriés, à votre avis.
    Lorsque vous allez, comme vous l'avez mentionné, en Angleterre et dans d'autres pays où vous avez distribué certaines de vos émissions, observez-vous des différences dans le processus de demande de ces pays?
    Relevez-vous d'une autre administration?
    Pas en ce qui concerne le droit d'auteur. Les conditions liées au droit d'auteur peuvent être différentes, mais nous sommes essentiellement propriétaires du projet et nous vendons ensuite les droits d'exploitation pour une période donnée. Toutes les lois en matière de protection du droit d'auteur auxquelles nous sommes assujettis sont en quelque sorte harmonisées.
    En ce moment, le seul privilège que vous voyez, c'est une certaine modernisation du système.
    Oui, il faudrait un système plus efficace et plus moderne pour assurer le suivi de la retransmission. Toutefois, je crois que la théorie sous-jacente est correcte.
    Madame Marchand, vous avez mentionné qu'il y avait eu quelques désaccords et que des valeurs et des pratiques fondamentales seront essentielles ou serviront de fondements pour établir des lignes directrices. Pouvez-vous nous parler un peu de ce fondement, des valeurs, de la façon dont vous les mettez en oeuvre et du fonctionnement de tout cela?
    La notion ou la valeur sous-jacente, c'est que les histoires appartiennent à la communauté. La voie que suivront le Western Canada Theatre et, idéalement, le théâtre autochtone du Centre national des arts, sera de reconnaître cette notion. En effet, le partage ou la diffusion de ces histoires à l'extérieur de la communauté passe réellement par une demande de permission et un processus de consultation dans lequel les membres de la communauté participent pleinement et peuvent donner leur avis sur le produit final.
    En ce qui concerne la rémunération ou le droit d'auteur officiel, cela devient difficile, surtout dans les cas où... Dans de nombreux cas, malheureusement, c'est une personne non autochtone qui a visité une communauté pour apprendre une histoire qu'elle a ensuite diffusée à plus grande échelle. Par l'entremise de ce droit d'auteur, cette personne prive essentiellement la communauté de ses droits liés à sa propre histoire. Ce sont des situations que nous nous efforçons activement de prévenir.
    Monsieur Garvie, si vous mettiez en scène certaines des histoires dont parle Mme Marchand, les valeurs qu'elle a mentionnées seraient-elles visées par le modèle dont vous parlez?
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Oui.
    Nous mettons sur pied, en collaboration avec une bande indienne, une institution cinématographique dans le Nord de l'Ontario. Nous avons conclu une entente avec l'école et avec des étudiants qui racontent... Je ne suis pas sûr qu'il s'agit d'histoires traditionnelles, car ce sont plutôt des réflexions contemporaines sur leur vie. Nous collaborons avec eux, et ils participent au processus créatif.

  (1555)  

    Vous devez donc conclure une entente avec eux en vertu des valeurs dont Mme Marchand...
    Nous ne voulons pas nous approprier cette histoire.
    D'accord. Excellent.
    Nous entendrons maintenant M. Yurdiga. Il a sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Garvie et madame Marchand, de prendre le temps de nous informer.
    Nous avons entendu les représentants de nombreux groupes — des créateurs, des artistes, des producteurs et des distributeurs. L'un des thèmes qui semblent constamment revenir est celui du partage des revenus. On tente de déterminer quelles parties en prennent trop et quelles parties n'en reçoivent pas assez.
    Dans tout domaine d'activités, on détermine cela au moment du contrat. Comment protégeons-nous...? Monsieur Garvie, à titre de producteur délégué, comment cela se passe-t-il, selon vous? Supposons que je suis un artiste. Vous voulez que je donne une prestation, que je joue dans l'un de vos films ou autre chose. Quelles sont les premières étapes? Comment chaque intervenant est-il protégé? Même si vous examinez les redevances après les faits, tout est-il déterminé dès le premier jour? Comment cela fonctionne-t-il?
    Je répondrai de façon générale. Il y a certaines personnes qui ne sont pas régies par des conventions collectives. Nous produisons des émissions dramatiques aux heures de grande écoute au Canada. Nous faisons affaire avec l'ACTRA, la Writers Guild of Canada et la Guilde canadienne des réalisateurs. Certains projets sont réalisés à l'extérieur des protections offertes par ces ententes conclues avec les guildes, mais nous devons tout de même conclure une entente, et je présume que c'est un accord commercial. Une personne est donc prête à fournir ces services ou à nous faire participer à son contenu, selon l'entente que nous avons conclue. C'est une relation purement contractuelle.
    La grande partie de nos activités se déroulent dans le cadre de relations industrielles très structurées qui déterminent les taux de base auxquels il faut payer les gens. Mais tous les éléments font toujours l'objet de négociations. L'entente conclue avec la Writers Guild of Canada stipule un taux de base qu'il faut payer pour un scénario. Il se peut qu'un scénariste très prisé ne se préoccupe pas du taux de base et demande un taux deux fois plus élevé. Il faut donc entamer une négociation commerciale. Si nous pouvons nous permettre de payer ce scénariste, nous le ferons. Sinon, nous passerons au suivant et nous trouverons quelqu'un avec qui nous pouvons nous entendre.
    Les conventions collectives qui ont été négociées entre la CMPA et les diverses parties prévoient différents types de rachats dont on peut se prévaloir pour être payé à l'avance dans le cadre d'un budget. Vous pouvez obtenir du travail même si l'émission n'est pas réalisée, car vous avez toujours un contrat et des frais de scénario, par exemple. Si le projet se poursuit, et que vous souhaitez modifier l'utilisation que vous avez négociée, il se peut que vous deviez payer d'autres frais à la partie concernée — par exemple, le réalisateur. Si vous souhaitez faire un rachat lié au DVD au lieu d'un rachat seulement lié à la télévision, il existe un mécanisme qui détermine le prix que vous devez payer pour modifier cette utilisation.
    La plupart des ententes contiennent également un type de formule qui calcule le moment où le producteur a récupéré les coûts de production, et il y a ensuite un partage des revenus, c'est-à-dire des profits. Encore une fois, cela fait partie des négociations. Quelques taux de base ont été établis, mais le marché prend ensuite la relève.
    L'an dernier, nous avons produit une émission avec David Shore, avec qui je suis allé à l'école de droit, et qui est également le créateur de l'émission House. Il a maintenant beaucoup d'influence. Nous avons conclu une entente avec lui et cela nous a coûté beaucoup d'argent, mais il avait le pouvoir et l'influence nécessaires pour exiger cette somme.
    Les protections en oeuvre prévoient des taux minimums, mais les taux maximums sont tous fondés sur notre capacité de négociation, sur la mesure dans laquelle une personne est déterminée à travailler avec nous et sur la mesure dans laquelle nous sommes déterminés à travailler avec cette personne. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Je vous remercie de votre réponse. C'est compliqué, surtout pour une personne qui arrive dans le milieu artistique et qui cherche à se faire connaître. Manifestement, certaines personnes renoncent à une partie de leurs redevances pour pouvoir entrer dans ce milieu, et nous entendons ensuite parler d'elles. C'est un défi. Je ne sais pas si le droit d'auteur, à lui seul, peut résoudre les problèmes qu'un grand nombre de personnes ont mentionnés dans le cadre de nombreux témoignages.
    Madame Marchand, selon vous, que doit-on faire dans le cadre de la Loi sur le droit d'auteur et que doit-on faire de plus pour veiller à ce que tout le monde soit protégé de façon équitable?
    Il n'y a aucune pression.
    Je dois admettre que je suis venue avec un point de vue assez précis. Dans un contexte plus vaste, je dirais seulement que je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas seulement la Loi sur le droit d'auteur qui est en jeu, car il s'agit également de veiller à ce que les artistes — et chaque artiste individuel, par exemple — ont les moyens d'assurer leur subsistance, n'est-ce pas? Actuellement, les artistes, surtout les artistes du milieu théâtral, vivent sous le seuil de pauvreté. Ce sont des voix importantes pour notre nation, et nous reconnaissons leur contribution.
    J'aimerais également revenir sur une chose qu'a dit M. Garvie et qui concerne l'évolution du milieu. Il ne s'agit manifestement pas seulement des DVD et des copies; il y a également la diffusion sur le Web, un réseau de distribution complet par l'entremise d'Internet et certains contrôles. Je vous mentirais si je vous disais que je connais les réponses. Je crois qu'il s'agit d'énormes questions dont nous sommes saisies.
    J'aimerais beaucoup commencer à penser autrement et à trouver une façon de partager certaines de ces ressources, et les redevances — une façon de rémunérer les artistes pour leur travail, afin qu'ils puissent continuer de vivre de leur métier. Je dis cela, mais je suis également une productrice qui comprend que l'infrastructure nécessaire doit exister pour que le travail soit fait, et qu'il faut également que le tout soit financièrement viable.
    Je suis désolée, je crois que j'ai plus de questions que de réponses.

  (1600)  

    Je vous remercie de votre réponse. La solution n'est pas simple. Parfois, mes questions sont d'ordre général, car il n'existe aucune formule magique pour régler les choses, mais nous pouvons toujours nous efforcer de faire mieux.
    Vous avez utilisé sept minutes et une seconde. C'est parfait.

[Français]

    Monsieur Nantel, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Si vous ne comprenez pas, vous pouvez utiliser l'écouteur, afin d'entendre l'interprétation.

[Français]

    Je vais essayer de vous répondre en français, mais je vais peut-être avoir de la difficulté.
    C'est gentil. Ce qui est important, c'est l'information que vous nous fournissez. Je vous remercie beaucoup.
    Madame Marchand, j'aimerais savoir quels sont les enjeux spécifiques des Premières Nations, des Métis et des Innus en matière de droit d'auteur. Ont-ils un concept plus large ou plus sociétal du droit d'auteur?
    Dans la recherche faite par les analystes du Comité, il est question du témoignage d'un chanteur du Nord qui dit que les chants de gorge font l'objet d'un débat de droit d'auteur. Dans l'univers où j'ai gravité, c'est surprenant. Quand un élément culturel est très traditionnel, il est naturellement du domaine public. N'est-ce pas le cas chez vous?
     Il y a des contenus culturels pour certains types d'histoires ou de chansons. Comme je l'ai dit, c'est à la communauté de faire savoir s'il est possible de transmettre ces histoires et ces chansons.

[Traduction]

    J'ai un peu de difficulté avec mon français.
    Vous le parlez très bien.
    J'aimerais invoquer les travaux de mon collègue Kevin Loring. James Alexander Teit a créé des enregistrements sur cylindres de cire avec la permission de la nation Nlakap'amux. Kevin collabore avec cette communauté pour ramener ces chansons et ces histoires dans l'usage courant. Étant donné que ces histoires et ces chansons ont une pertinence culturelle très précise, les quatre ou cinq personnes qui écoutent les enregistrements des enregistrements sur cylindres de cire et qui tentent de les comprendre se demandent s'il est approprié de traduire et de diffuser leurs travaux sur certaines de ces chansons.

[Français]

    C'est tout à fait spécifique de la culture autochtone.

  (1605)  

    Merci, madame Marchand.

[Traduction]

    Monsieur Garvie, nous avons entendu parler du principe de ce que les Américains appellent maintenant le « showrunner », c'est-à-dire le scénariste en chef. Le scénariste en chef est probablement titulaire d'une partie des droits d'auteur. Cette notion peut-elle s'appliquer ici, au Canada?
    Malheureusement, ce n'est pas une solution universelle.
    Nous avons des émissions. Pour utiliser l'exemple de Murdoch Mysteries, nous avons développé cette émission jusqu'à un certain point et nous avons ensuite embauché un scénariste en chef qui n'avait aucunement participé à l'étape du développement. Nous avions donc bâti la structure de l'émission avant son arrivée. Il a travaillé pendant deux ans et après cette période, il a décidé de partir et d'aller travailler sur un autre projet. Nous avons embauché une autre équipe dont les membres ont travaillé pendant trois ans et maintenant, nous avons notre troisième scénariste en chef. À titre d'information, le scénariste en chef est appuyé d'une équipe de six ou sept scénaristes. Ils se réunissent et rédigent...
    Les histoires suivantes.
    Non. Nous produirons 18 émissions cette année. Nous leur décrivons les histoires que nous voulons raconter. Ils travaillent sur ces idées, et ils décident ensuite entre eux qui écrira chaque scénario.
    Dans l'exemple de Murdoch Mysteries, nous avons eu trois différents scénaristes en chef qui ont tous fait du bon travail, car l'émission est toujours en ondes.
    Il y a d'autres cas dans lesquels nous nous adressons à un scénariste. Par exemple, nous produisons une émission appelée Slasher. C'est une émission d'horreur. Nous avons rencontré, de façon informelle, un scénariste en chef que nous aimions beaucoup. Je lui ai demandé ce qu'il aimerait vraiment faire. À ce moment-là, il travaillait sur des émissions pour toute la famille. Il a répondu qu'il voulait travailler sur une émission d'horreur, comme I Know What You Did Last Summer. Nous avons conclu une entente avec lui. Nous avons acquis les droits d'auteur et nous l'avons embauché pour faire le travail. Nous partageons les revenus avec lui de façon très favorable, car nous reconnaissons que c'était sa passion et son idée.
    Tout change. Il n'y a pas d'approche universelle.
    Ce qui nous ramène au point soulevé par mon collègue, M. Yurdiga. C’est par le contrat que vous reconnaissez l’importance du créateur.
    Pour moi, l’aspect le plus important est qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant à savoir qui en est propriétaire et qui peut en faire l’exploitation, et que ce que vous avez mis sur le marché soit exploité correctement.
    Le pire, c’est l’incertitude qui vous force à attendre parce que vous ne pouvez rien vendre, étant donné que vous n’avez pas les droits. Pour reprendre l’exemple de Murdoch, j’ai conclu une entente avec l’auteur des livres il y a 16 ans, pour une raison quelconque. Je n’avais aucune idée que le Web allait être créé. On se retrouve constamment à recommencer et à négocier de nouveaux droits.
    Nous n’avions jamais pensé faire une pièce de théâtre. Nous avons recommencé. Nous venons de terminer de négocier les modalités d’une collaboration avec Shaw, et l’auteur participe. Tout change constamment. Dans un monde idéal, nous aurions déjà eu tous ces droits. Nous avons simplement affirmé que nous négocierions de bonne foi plus tard, si de nouveaux projets se présentaient.
    Vous nous invitez à nous pencher sur la confusion entourant les droits des producteurs et ceux des scénaristes ou des directeurs. C’est intéressant.
    Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés en tant que producteurs de contenu canadien au Canada? Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous sommes ici pour veiller à ce qu’ils puissent prospérer davantage.
    Parlez-vous des défis liés aux perturbations qui nous attendent en général ou des défis liés au droit d’auteur?
    Il y a beaucoup d’enjeux, beaucoup de perturbations, beaucoup de plateformes différentes, de nouvelles façons de faire et de nouveaux défis. Nous y sommes confrontés tous les jours et nous devons trouver des solutions.
    Il y a une chose que les producteurs canadiens font bien depuis toujours; nous n’avons pas adopté le modèle américain, où les studios assurent la totalité du financement. Je dirais que la nouvelle génération de studios américains, ce sont les Netflix de ce monde. Ils financent les projets en totalité, embauchent du talent canadien et envoient toute la valeur à l’extérieur du pays.
    Chez Shaftesbury, nous visons à créer notre propre propriété intellectuelle, à trouver et à raconter des histoires qui reflètent l’expérience canadienne. Nous sommes très fiers d’être canadiens. Nous aimons ces récits canadiens et nous voulons les vendre partout dans le monde. Nous voulons être au centre de tout cela. Nous voulons maximiser ces revenus et nous sommes déterminés à le faire parce que c’est bon pour nous, parce que c’est bon pour les gens en aval, puisque nous partageons les revenus en aval au lieu de laisser quelqu’un d’autre récupérer toute la valeur.

  (1610)  

    Malheureusement, nous avons déjà dépassé le temps imparti.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Breton pour sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Marchand et monsieur Garvie, merci d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je vais poursuivre avec vous, monsieur Garvie, sur le même sujet que celui abordé par mes collègues.
    Au cours des dernières semaines et des derniers mois, des témoins qui ont comparu devant le Comité ont recommandé que la Loi sur le droit d'auteur soit modifiée pour que le scénariste et le réalisateur soient réputés être les premiers titulaires du droit d'auteur et les coauteurs d'une œuvre cinématographique, et pour exclure expressément les producteurs.
    Que pensez-vous de cette recommandation? Si l'on donnait suite à cette recommandation, quelles seraient les répercussions, selon vous?

[Traduction]

    Manifestement, vous comprendrez, d’après mon témoignage, que je suis contre cette approche. Je pense qu’il est un peu fallacieux d’avancer cet argument, comme le font beaucoup de parties. À mon avis, il y aurait moins de production s’ils étaient titulaires du droit d’auteur, en fin de compte, à moins qu’ils puissent conclure une entente avec des gens prêts à acheter le contenu. Si nous ne sommes pas propriétaires du contenu et que nous n’avons aucun contrôle sur le processus, nous n’aurons pas autant intérêt à travailler avec ces gens, et nous explorerons d’autres avenues pour nos activités.
    Si la Writer’s Guild disait: « Vous ne pourrez le faire que si nous détenons les droits sur l’épisode et que nous contrôlons le flux de revenus », nous n’aurions aucun intérêt à appuyer ce genre de projet, à moins d’être très bien payés. Inversez la dichotomie; ils devraient nous payer pour qu’on les aide à la création, au financement et à la production.
    Ces gens n’exploitent pas une entreprise qui veut créer des débouchés. Ils sont embauchés par des entreprises comme Shaftesbury à titre d’auteurs, de directeurs ou d’acteurs. Pour moi, il est illogique qu’ils s’assoient dans le siège du conducteur et qu’ils prennent le contrôle du processus.
    Rien ne les arrêtera. Il y a de très bons auteurs qui sont aussi producteurs. S’ils sont prêts à prendre les risques financiers liés au développement, à prendre le risque d’aller à la banque, à remplir les formulaires pour les crédits d’impôt et à trouver du financement, je leur souhaite bonne chance. Ils sont tout à fait libres de le faire, et ils sont les bienvenus à la CMPA. Beaucoup de nos membres le font. Toutefois, lorsqu’on n’est pas prêt à prendre ce risque et qu’on ne veut pas faire partie du processus, il est un peu fallacieux d’avancer qu’on devrait être celui qui en bénéficie le plus.

[Français]

    Dans quelle mesure les producteurs médiatiques jouent-ils un rôle en matière de droit d'auteur et, surtout, de juste rémunération de nos artistes et de nos créateurs?

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur. J’ai manqué la première partie de votre question.

[Français]

    J'aimerais connaître le rôle que jouent les producteurs en ce qui concerne les droits d'auteur et la juste rémunération des artistes.

[Traduction]

    Je pense que c’est un rôle très important. Je pense que nous devons gérer la production. Nous gérons le processus de création. Nous gérons le processus de production et le processus d’exploitation. Nous travaillons avec tous ces gens; ils jouent un rôle important dans nos activités et nous avons besoin d’eux. Nous devons travailler et collaborer avec eux, mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent être titulaires du droit d’auteur.
    Nous avons une relation de travail respectueuse fondée sur des contrats et nous pensons que cela les protège très bien.

[Français]

    Madame Marchand, vous avez répondu à plusieurs questions jusqu'à maintenant. Pouvez-vous nous parler davantage des défis propres aux artistes et aux créateurs autochtones? Différents sujets ont été abordés, mais y a-t-il d'autres éléments que vous voudriez ajouter? Quels sont les défis auxquels fait face votre organisme?
    Les défis sont nombreux.

[Traduction]

    Il y en a tellement que je ne sais pas vraiment par où commencer. Encore une fois, pour rester dans le contexte des travaux du Comité, il y a des contraintes culturelles. Il y a les conséquences historiques de la colonisation sur la vie et la réalité des gens, et je dirais que c’est le principal frein au succès.
    Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, les infrastructures historiques n’appartiennent pas aux entreprises, aux artistes ou aux producteurs autochtones. Les entreprises du domaine du théâtre, comme le Festival Shaw et le Festival de Stratford, ont produit des oeuvres anglaises et américaines et des auteurs américains pendant une bonne partie des années 1970, de sorte que ce n’est que maintenant que les nouvelles voix, les voix canadiennes et autochtones, commencent à se faire entendre.
    La Commission de vérité et de réconciliation a aussi eu une incidence sur notre industrie. J’aimerais penser que les artistes étaient peut-être légèrement avant-gardistes à cet égard. Je viens de la Colombie-Britannique; sur les formulaires de demande du Conseil des arts, les entreprises doivent répondre à la question suivante: « Dans vos relations avec les communautés autochtones, le cas échéant, quels protocoles avez-vous mis en place, à titre de producteur, pour mener ces activités? »
    Je dirais que les conseils, tant à l’échelle fédérale que dans certaines provinces, on fait des efforts pour améliorer la situation et ont commencé à financer ces nouvelles voix. Pour ce qui est de la récente série, je peux citer en exemple certaines entreprises, comme Urban Ink, l’entreprise qui a coproduit Children of God. Certains d’entre vous l’ont peut-être vue, au Centre national des arts ou dans votre communauté. C’est une oeuvre musicale inspirée de l’histoire des pensionnats.
    Le travail d’Urban Ink dans cette production a été reconnu, mais comme je l’ai dit, les principaux obstacles sont d’ordre culturel.

  (1615)  

    Je dois vous interrompre ici, car nous passons maintenant à M. Shields, pour cinq minutes.
    Nous passons plutôt à M. Blaney, pour cinq minutes.
    Allez-y, monsieur Blaney.

[Français]

    Nous vous remercions de votre flexibilité, madame la présidente.
    Je vais m'exprimer en français, avec des broches, en plus. Heureusement que nous avons de bons interprètes.
    Bonjour et bienvenue.
    Madame Marchand, je vais commencer par vous adresser de bons mots et vous féliciter pour votre nomination au Centre national des arts, où vous faites la promotion de la culture autochtone.
    Monsieur Garvie, vous êtes le producteur d'une série qui connaît un grand succès. J'ai vu sur le site qu'il y avait deux épisodes. Vous allez entamer votre 13e saison. J'ai beaucoup aimé voir la passion qui vous animait quand vous répondiez aux questions de M. Nantel. Vous êtes fier d'être Canadien, de produire du contenu canadien et de raconter des histoires canadiennes.
    Pour ma part, bien sûr, je suis fier d'être Québécois. Nous savons que nos téléséries et nos artistes jouent un rôle très important dans notre identité. Cela touche aussi à la rémunération de nos artistes canadiens et québécois. Malheureusement, les libéraux, eux, semblent faire la sourde oreille. Ils essaient de gagner du temps alors que le loup est dans la bergerie.
    Monsieur Garvie, vous avez parlé de perturbations. On assiste à des transformations majeures, et tout ce que les libéraux trouvent à dire, c'est qu'ils vont étudier cette question après les prochaines élections. On ne sent pas une volonté concrète de protéger nos créateurs de contenu culturel canadien. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    On veut modifier la Loi sur le droit d'auteur. Je pense que vous et les différents intervenants avez clairement expliqué votre point de vue. Un adage dit:

[Traduction]

    « Ne changeons pas ce qui fonctionne bien. »

[Français]

    Nous avons quand même un modèle intéressant, même s'il est à parfaire. Vous avez bien démontré que les producteurs jouent un rôle important et qu'il faut faire attention de ne pas briser cet écosystème. On dirait que la tarte se rétrécit. Vous avez dit que des entreprises américaines venaient un peu compliquer les choses.
    En tant que Comité permanent du patrimoine canadien, nous devons présenter des recommandations pour protéger la rémunération des artistes. Cela passe par la protection de l'industrie culturelle québécoise et canadienne.
    Je voudrais vous donner l'occasion de vous exprimer à cet égard, si vous avez des commentaires ou des réflexions à faire.

  (1620)  

[Traduction]

    Nous prenons toujours en considération le secteur de la production au Canada, tant la production nationale que les services, et nous veillons à ce qu’ils ne se nuisent pas mutuellement. Ce sont deux modèles d’affaires très différents, mais ce sont d’excellents secteurs qui créent beaucoup d’emplois pour les artistes, les directeurs, les acteurs et le personnel de tournage. Bien que je ne pense pas que mon entreprise puisse se tourner vers l’industrie des services pour prospérer, je suis convaincu qu’elle joue un rôle extrêmement important dans notre pays, et l’appui des provinces et du gouvernement fédéral par l’intermédiaire des crédits d’impôt, notamment, a été un outil formidable pour stimuler les affaires et créer des emplois.
    Ce qui me pose problème, c’est qu’un studio étranger vienne ici pour profiter de l’argent du système, mais sans y réinvestir.
    Il a actuellement une conférence appelée Prime Time. Ce matin, il y a eu un débat plutôt animé entre un représentant de Netflix et la présidente de la CBC/Radio-Canada, alors qu’ont été lancées, en quelque sorte, des allégations d’impérialisme culturel. J’ai pensé qu’elle y est allée d’une déclaration un peu dure, mais il n’en demeure pas moins que si nous voulons que des entreprises canadiennes et québécoises racontent des histoires typiquement canadiennes et reflètent la réalité canadienne, il nous faut des entreprises fortes, il faut les appuyer et, comme vous l’avez dit, il nous faut des entreprises qui ont les infrastructures et les ressources nécessaires pour oser, pour croître, et pour former du nouveau talent.
    Les entreprises de services, les entreprises étrangères qui viennent ici font appel aux meilleurs. Ils n’ont pas nécessairement intérêt à former des talents ou des jeunes, ou à contribuer à la croissance des entreprises canadiennes.
    Je suis convaincu qu’il est important d’appuyer les maisons de production indépendantes. Cela nous aidera à assurer la pérennité de nos activités, maintenant et pour la prochaine génération de Canadiens.
    Nous lui accordons 12 secondes.

[Français]

    D'accord.
    Je vous remercie beaucoup. Ce que je retiens de vos commentaires, c'est une mise en garde en ce qui concerne les intervenants qui viennent écrémer notre marché. C'est clair que nous sommes interpellés par cette réalité et que nous devons réagir à cette transformation du marché. Nous avons la responsabilité de protéger les intérêts culturels canadiens. J'ai bien compris votre point de vue et je le partage.
    Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

    Juste pour que ce soit clair, il me semble vous avoir entendu dire que vous êtes favorable à l’idée que Netflix participe au système canadien.
    Si c’est ce que je semble avoir dit, c’est probablement à cause de mes broches, parce que j’ai dit exactement le contraire.
    Je voulais seulement que ce soit clair.

[Français]

    Madame Dhillon, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci à nos témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai aimé écouter vos témoignages.
    Monsieur Garvie, je tiens à vous dire que j’adore Murdoch Mysteries. C’est une émission exceptionnelle et d’une grande créativité. On y voit beaucoup de talent. Je suis heureuse qu’elle figure parmi les émissions que vous avez retenues. Vous êtes dans le domaine depuis 1994. Ma question est la suivante: quel rôle les producteurs de médias ont-ils joué par rapport au droit d’auteur et à la juste rémunération des artistes?
    Je pense que nous en avons déjà parlé brièvement aujourd’hui. Je ne veux pas me répéter, mais je pense que le rôle des producteurs canadiens dans ce système est de créer de la propriété intellectuelle — d’excellentes histoires —, de diffuser ces histoires sur des plateformes qui attirent les auditoires au Canada, puis d’exporter ce contenu à l’extérieur du pays, le plus possible, à la fois pour raconter des histoires et générer des revenus qui seront ensuite réinvestis dans le système. Pour moi, la propriété du droit d’auteur est un facteur très important du recyclage, tout aussi important, des revenus en R-D et en création de PI par les entreprises canadiennes.

  (1625)  

    J’aimerais avoir votre avis sur la recommandation qui a été faite au Comité par deux autres témoins. Selon eux, la Loi sur le droit d’auteur devrait être modifiée afin que le scénariste et le réalisateur soient tous les deux considérés comme les premiers titulaires de droits d’auteur et les coauteurs d’une oeuvre cinématographique, en excluant spécifiquement les producteurs.
    Je n’en pense pas grand-chose, encore une fois. Je pense que c’est fallacieux. Je pense que c’est opportuniste et que cela ne correspond pas à la façon dont fonctionne le marché ni à la réalité de la production et du financement des oeuvres cinématographiques et télévisuelles au Canada.
    Je pense que mes amis de la Writers Guild et de la Guilde canadienne des réalisateurs tentent de s’approprier une part de la propriété du contenu alors qu’ils n’y contribuent qu’en partie. Leur rôle est certes important, mais ce n'est pas le plus important. De toute évidence, ils ne prennent aucun risque financier. Ils veulent la récompense sans assumer une part du risque, ce qui est injuste, à mon avis, et je m’y oppose farouchement.
    Merci.
    Ma prochaine question s’adresse à vous, madame Marchand. Précédemment, dans votre exposé, par rapport au financement, vous avez parlé de l’émergence de nouvelles voix autochtones. Vous avez mentionné l’aide accordée par le fédéral et certains gouvernements provinciaux. En quoi cette aide a-t-elle favorisé l’émergence de ce talent dans la sphère créative?
    Actuellement, comme je l’ai mentionné, les infrastructures n’appartiennent pas aux dirigeants autochtones. Beaucoup d’oeuvres qui ont été produites jusqu’à maintenant ont été réalisées en misant sur des relations avec ce que nous appellerons des infrastructures coloniales.
    Il y a eu des cas où ce travail a été entrepris dans le respect et la collaboration — et j’aimerais parler de mon travail au Western Canada Theatre —, mais pour ce qui est de l’avenir, nous aimerions simplement que ces infrastructures et ces ressources soient confiées aux dirigeants autochtones afin que le processus soit dirigé par les Autochtones d’entrée de jeu.
    On voit que cela commence à se produire, avec les changements actuels. Sans vouloir mettre qui que ce soit sur la sellette, Kevin et moi espérons collaborer avec le Conseil des arts du Canada et, peut-être, entreprendre une enquête sur les infrastructures actuellement dirigées par des Autochtones. Où manque-t-on de ressources? Où pourraient-elles être augmentées? Quel plan pourrait-on adopter pour l’avenir? Essentiellement, il s’agit de reconnaître les voix autochtones et la nécessité d’un processus dirigé par les Autochtones, et ce, dès l’élaboration du concept initial.
    Voilà qui met fin aux cinq minutes qui vous étaient accordées et à la première partie de notre réunion.
    Si vous me le permettez, je poserai une courte question, à laquelle vous pourrez répondre par écrit, monsieur Garvie. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de la façon dont le système de crédit d'impôt du Canada se fonde sur l'appartenance du droit d'auteur au producteur. Je pense qu'il serait utile que vous clarifiiez cette question pour nous, que vous nous expliquiez comment fonctionne le système à cet égard.
    Je vous transmettrai une réponse.
    Cela nous serait très utile; merci.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance un instant, puis nous entendrons notre prochain groupe de témoins. Merci beaucoup. Votre témoignage était excellent.

  (1625)  


  (1630)  

[Français]

    Nous allons reprendre la séance.
    Nous accueillons par vidéoconférence M. Julien Castanié, qui est le président d'Illustration Québec. De l'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens, nous recevons M. Robin Metcalfe, qui en est le président, et Mme Moira McCaffrey, qui en est la directrice exécutive.
    Nous allons commencer par le témoin qui est avec nous par vidéoconférence.
    Monsieur Castanié, vous avez la parole.

  (1635)  

    Bonjour à toutes et à tous. Je suis Julien Castanié. Je suis un illustrateur et, comme vous l'avez dit, je suis le président d'Illustration Québec. Je voudrais, dans un premier temps, remercier ce comité de l'occasion qu'il donne à notre association de s'exprimer sur un sujet aussi important que le droit d'auteur.
    Illustration Québec est une association d'artistes créée en 1983 — mon année de naissance, par pur hasard. Elle représente environ 300 membres. Elle a pour mission de regrouper les illustrateurs et les illustratrices, de les représenter et de défendre leurs intérêts, mais aussi de témoigner et de promouvoir la pratique de l'illustration.
    Je tiens à souligner l'aspect unique de l'illustration, qui est un art social et accessible. L'illustration apparaît dans toutes les sphères de nos vies pour communiquer des messages graphiques et appuyer des idées. C'est un art omniprésent qui a pour origine la création d'un ou une artiste qui prête son oeuvre à un contexte donné. On peut retrouver des illustrations autant sur une boîte de céréales que dans un album jeunesse, ou encore sur l'affiche d'un théâtre qui a décidé d'utiliser l'illustration pour communiquer.
    J'aimerais maintenant parler de la réalité économique de notre métier.
    Les illustrateurs sont des travailleurs autonomes au statut précaire qui ne bénéficient pas des normes de travail réservées aux salariés. Ils ne bénéficient pas non plus du chômage en cas de baisse ou de cession d'activité pendant une période donnée.
    Malheureusement, comme dans plusieurs disciplines artistiques, notre métier demeure très difficile. Selon notre dernier rapport d'enquête, qui date de 2018, effectué auprès des professionnels québécois de l'illustration, la situation est vraiment alarmante: 45 % des illustrateurs et des illustratrices, soit quasiment la moitié, tirent un revenu net de moins de 15 000 $ annuellement de leur activité de création artistique. Ils doivent donc se tourner vers d'autres emplois pour gagner un revenu de subsistance.
    C'est la raison pour laquelle j'insiste sur la nature vitale du droit d'auteur pour les artistes que nous sommes. Chaque exception, chaque nouveau support de diffusion qui ne génère pas de rémunération pour les auteurs est une amputation aux revenus des créateurs.
    J'aimerais maintenant parler rapidement des modèles de rémunération des illustrateurs et des illustratrices dans le contexte du droit d'auteur. Il y en a cinq.
    Le premier, c'est la vente de licences d'utilisation de créations dans le cadre de commandes d'un client. Cela peut être une illustration éditoriale dans un magazine, la création de l'illustration d'une affiche ou des illustrations pour un site Web.
    Le deuxième modèle, ce sont les redevances sur le prix de vente d'un objet qui reproduit des illustrations. Ici, on pourrait parler d'albums jeunesse, c'est-à-dire de la diffusion d'illustrations par la voie d'un objet libre, mais il est aussi question d'autorisations d'exploitation, c'est-à-dire de l'utilisation d'images diffusées sur tout un tas d'objets, par exemple une tasse à café ou un stylo. Dans le cas des livres jeunesse, les redevances versées par les éditeurs représentent un pourcentage qui se situe entre 3 et 5 % du prix de chaque livre vendu. Pour vous donner une meilleure idée, si le livre était une pomme, le droit d'auteur pour l'illustrateur correspondrait aux pépins de la pomme.
    Le troisième modèle de rémunération, c'est le Programme du droit de prêt public du Conseil des arts du Canada, qui est en fait une compensation de la disponibilité des oeuvres littéraires que l'on peut emprunter en bibliothèque.
    Le quatrième modèle, ce sont les redevances qui proviennent des sociétés de gestion collective de droits de reproduction, comme Copibec au Québec.
    Le dernier modèle est le droit d'exposition, c'est-à-dire les droits qui sont versés pour l'exposition d'oeuvres originales.
    Je profite de cette occasion pour parler d'un droit qu'il n'y a pas au Canada, mais qui existe dans des dizaines d'autres pays. Il s'agit du droit de suite, lequel vise à accorder aux artistes en arts visuels une portion des revenus de revente d'une oeuvre après la vente initiale de celle-ci. C'est quelque chose qui n'existe pas au Canada, mais que nous recommanderions de créer.

  (1640)  

    Le droit d'auteur est donc vraiment vital pour les illustrateurs et les illustratrices. Voici nos cinq recommandations pour améliorer les conditions de travail des artistes par l'entremise de cette loi.
    La première serait d'élargir les redevances pour la copie privée aux nouveaux supports numériques pour les distribuer aux artistes. La loi devrait s'adapter aux nouveaux supports. Les oeuvres artistiques sont régulièrement partagées sur les supports numériques, comme les téléphones cellulaires ou les tablettes, et cette utilisation n'est pas couverte par la loi. C'est vraiment un manque à gagner pour les artistes, dont la situation est déjà précaire.
    La seconde proposition serait de rémunérer les utilisations des oeuvres sur le Web. À ma connaissance, il n'y a pas à ce jour de contrôle sur la diffusion ou la reprise d'oeuvres sur Internet. Il faudrait peut-être trouver un système qui permettrait de gérer l'utilisation des oeuvres et la rémunération due aux artistes. Alors, à qui reviendrait cette tâche? Je m'interroge vraiment ici: est-ce que ce serait la responsabilité des sociétés de gestion collective, celle des fournisseurs d'accès, celle des diffuseurs? C'est une question ouverte. Sans contenu, en fait, le support n'a plus de sens. En fait, ceux qui mettent à disposition les oeuvres devraient être tenus d'en verser les droits ou, à tout le moins, d'en faciliter la redevance envers les ayants droit des oeuvres.
    La troisième recommandation serait de créer un crédit d'impôt. Dans le contexte d'appauvrissement de nos métiers, nous recommandons qu'un crédit d'impôt pour droit d'auteur soit inscrit dans la loi fédérale. Il existe déjà au Québec, entre autres. Donc, avoir cet appui serait un levier assez puissant de soutien à la création.
    La quatrième recommandation serait d'observer ce qui se fait à l'étranger pour soutenir les artistes. À ce propos, je voudrais attirer votre attention sur une mesure de soutien de la création qui existe en France. Les sociétés françaises de gestion de droits collectifs, comme la Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe, la SAIF, ou la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit, la SOFIA, qui sont les équivalents de Copibec au Québec ou du Programme du droit de prêt public au Canada, soutiennent les artistes par des aides à la création et à la diffusion des oeuvres, mais aussi par des aides à la formation des artistes ou encore le développement de l'éducation artistique et culturelle. Leurs actions sont financées grâce au quart des sommes perçues au titre de la copie privée, conformément au Code de la propriété intellectuelle français. Nous pourrions imaginer un tel dispositif pour soutenir les créations canadiennes.
    La dernière proposition...
    Monsieur Castanié, vous avez déjà dépassé votre temps de parole de presque une minute. Je vous demanderais donc de conclure votre présentation. Vous aurez peut-être le temps d'aborder les autres éléments lorsque vous répondrez aux questions.
    C'est parfait, je vous remercie. Je vais donc conclure.
    Le dernier point serait de créer un droit de suite au Canada, car son absence est une forme de discrimination à l'encontre des artistes canadiens qui souhaitent vendre leurs oeuvres à l'international.
    En conclusion, je dirais que les illustratrices et les illustrateurs québécois sont dans un marché relativement petit à l'échelle d'une province, pour des raisons démographiques, et que le système de licence proportionnelle à la diffusion d'une oeuvre, donc le droit d'auteur, est très fragile dans ce marché très petit. Selon moi et selon Illustration Québec, il faut à la fois consolider le droit d'auteur actuel, à travers le droit de suite et le droit de copie privée numérique, l'étendre au numérique et aider, en parallèle, les activités de création des artistes grâce à des crédits d'impôt ou à de l'aide à la création. Cela est très important.
    Je vous remercie.

  (1645)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Organisation des directeurs de musées d'art du Canada, Robin Metcalfe et Moira McCaffrey. Allez-y.

[Français]

    Merci de nous accueillir, madame la présidente.

[Traduction]

    L'Organisation des directeurs des musées d'art canadiens représente plus de 85 directeurs de musées d'art qui dirigent une diversité d'institutions d'arts visuels à la grandeur du Canada. C'est une organisation modeste qui compte un conseil d'administration bénévole et une seule employée, Moira McCaffrey, notre directrice générale qui m'accompagne aujourd'hui.

[Français]

    Notre énoncé de mission est le suivant: « CAMDO-ODMAC renforce la capacité des directeurs de musées d'art et de galeries d'art publiques du Canada de plaider en faveur de l'art et de son importance dans la société. » C'est dans cet esprit que nous nous adressons au Comité aujourd'hui.

[Traduction]

    Les artistes sont le fondement de l'écosystème des arts visuels. Sans leur travail créatif, nous n'aurions rien à présenter au public. D'autres organisations, comme le Front des artistes canadiens, ont documenté les conditions économiques insatisfaisantes sous lesquelles travaillent de nombreux artistes canadiens. Ce serait à l'avantage des divers publics canadiens et de tous ceux qui leur présentent l'art visuel si les artistes pouvaient travailler dans des conditions qui assurent leur sécurité économique.
    CAMDO-ODMAC a été l'un des principaux initiateurs du Sommet des arts visuels en 2007. Ce sommet cherchait à rassembler le secteur des arts visuels pour plaider en faveur d'intérêts communs. Notre adhésion à I' Alliance pour les arts visuels reflète cet engagement. Nous appuyons l'appel de l'Alliance à une solution qui intègre une réforme du droit d'auteur dans un ensemble de mesures plus holistiques afin de lutter efficacement contre la précarité socioéconomique systémique continue dont souffrent les artistes indépendants et les artistes professionnels au pays.

[Français]

    Nous trouvons encourageant que votre comité travaille en tandem avec le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie et qu'il s'intéresse non seulement à la Loi sur le droit d'auteur, mais également à la question élargie de la rémunération des artistes.

[Traduction]

    Nombre d'intervenants du secteur des arts visuels ont du mal à réunir les ressources nécessaires pour offrir une valeur culturelle aux collectivités canadiennes. Les musées d'art doivent protéger leur viabilité financière et administrative pour s'acquitter de leurs mandats fondamentaux. Nous pouvons facilement nous retrouver dans une position défensive et nous accrocher à notre petite part du gâteau qui bien souvent, selon les circonstances locales, n'est pas restée en phase avec la croissance de la production et de la présentation des arts visuels au Canada, ou avec la volonté manifeste des Canadiens de découvrir l'art visuel.
    Les artistes visuels vivent rarement de leur art. Ils exercent généralement une autre profession, comme l'enseignement, pour obtenir une sécurité d'emploi, des avantages sociaux et des régimes de retraite. Revenu Canada a tendance à les considérer comme des entrepreneurs autonomes. Ce modèle comporte toutefois de sérieuses lacunes. Les artistes produisent des objets et des expériences de valeur culturelle intangible pour le bien public, une valeur que ne peut refléter qu'imparfaitement le prix de leurs oeuvres sur le marché.

[Français]

    Les artistes sont des collaborateurs professionnels des musées lorsqu'ils présentent leur art à divers publics. Ils ont le droit de recevoir une juste compensation pour la valeur qu'ils offrent, que ce soit par l'achat d'oeuvres d'art pour des collections publiques ou par les honoraires versés pour des expositions temporaires, des performances, des résidences, des ateliers et des présentations.

[Traduction]

    Nos membres se basent sur un barème des tarifs d'exposition recommandé qui a fait l'objet d'une entente entre CAMDO-ODMAC, l'Association des musées canadiens, le Front des artistes canadiens et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec.
    Toutefois, certains modèles de rémunération qui semblent bien fonctionner pour un groupe donné peuvent avoir des conséquences indésirables pour un autre. Par exemple, la mise en oeuvre de la recommandation de supprimer les mots « créée après le 7 juin 1988 » du paragraphe 3(1) de la partie 1 de la Loi sur le droit d'auteur aurait des conséquences diverses pour les institutions représentées par nos membres.

[Français]

    Pour certaines, ces conséquences pourraient être négligeables. Pour les musées qui se concentrent uniquement sur l'exposition temporaire d'art contemporain, il peut sembler arbitraire de faire la distinction entre les oeuvres exposées sur la base de la date de leur création. Certains préféreront rémunérer tous les artistes sur une même base, peu importe la date de création de leurs oeuvres.

  (1650)  

[Traduction]

    Par contre, pour les musées qui ont d'importantes collections historiques, particulièrement des oeuvres datant du milieu du XXe siècle et des oeuvres d'art moderne qui sont encore sous la protection du droit d'auteur, le retrait de cette date pourrait avoir des conséquences importantes, non seulement sur le plan du coût des droits d'exposition, mais aussi sur celui des coûts administratifs reliés à la recherche des artistes et des successions à qui payer ces droits d'exposition. Ces frais administratifs peuvent facilement excéder les montants payés aux artistes. La hausse de ces coûts pourrait même empêcher certains musées d'exposer des oeuvres de leurs propres collections et en obliger d'autres à réduire leurs programmes d'expositions et à investir davantage dans l'administration. Dans les deux cas, l'objectif de mettre de l'argent dans les mains des artistes n'est pas atteint.
    Procéder à un tel transfert du fardeau financier entre les artistes et les musées, c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul, alors que Pierre et Paul ont tous deux besoin d'un soutien approprié pour offrir ce bien public.
    Un mécanisme du droit d'auteur actuellement en vigueur au Canada pourrait offrir un modèle pour le déploiement efficace des fonds publics afin d'améliorer la rémunération des créateurs. Le droit de prêt public verse une compensation financière aux auteurs, traducteurs, illustrateurs, photographes et éditeurs pour l'accès public à leurs livres dans les bibliothèques canadiennes.
    En vertu de ce système, les bibliothèques — au-delà du coût de l'achat d'un livre — n'ont pas à payer les créateurs ni à les retracer pour négocier des contrats relatifs à l'utilisation de leur ouvrage. La Commission du DPP procède à l'échantillonnage des catalogues de certaines bibliothèques publiques du Canada et calcule les paiements à verser aux créateurs publiés inscrits au programme, sur la base de l'estimation de la circulation de leurs ouvrages. Le Canada a été le 13e pays à créer un tel programme en 1986, avec un budget initial de 3 millions de dollars. En 2017, 33 pays offraient des programmes similaires.
    Le programme du DPP offre les avantages suivants: premièrement, il n'impose pas de fardeau financier ou administratif aux institutions qui donnent aux Canadiens l'accès à du matériel protégé par le droit d'auteur; deuxièmement, il minimise les coûts des transactions en centralisant l'administration en une seule commission auprès de laquelle les créateurs n'ont qu'à s'inscrire plutôt que de négocier des licences de droits d'auteur individuelles; troisièmement, il optimise la mesure dans laquelle les coûts du programme se traduisent directement en paiements aux créateurs.

[Français]

    Le modèle du programme du DPP est relativement sans friction. D'autres modèles d'administration des licences de droits d'auteur pourraient bien s'en inspirer. Les recommandations relatives à la réforme du droit d'auteur doivent être considérées dans le contexte des autres lois, politiques et mécanismes utilisés pour les réaliser. Les institutions publiques doivent avoir les ressources pour couvrir la hausse des coûts. Les régimes de gestion du droit d'auteur doivent minimiser la paperasserie et le fardeau administratif, simplifier les processus et optimiser l'allocation des ressources aux bénéficiaires visés.

[Traduction]

    Nous recommandons que le Comité permanent du patrimoine canadien conseille à la Chambre d'adopter une approche intégrée qui équilibre la viabilité des institutions et la sécurité économique des artistes et qui déploie la législation sur le droit d'auteur, la politique fiscale et le financement d'une manière holistique, et que le Comité considère le programme du droit de prêt public comme un modèle possible de gestion de certains paiements pour l'utilisation du droit d'auteur des artistes.

[Français]

    Nous appuyons les recommandations de l'Alliance pour les arts visuels. Celle-ci propose que le Comité collabore avec l'Agence du revenu du Canada pour s'assurer que la Loi de l'impôt sur le revenu est interprétée en concordance avec les réalités des artistes indépendants. Elle recommande également que le Comité se dote des outils appropriés pour évaluer les conditions socioéconomiques des artistes professionnels et en faire le suivi.

[Traduction]

    Ces outils doivent mesurer et évaluer les conditions opérationnelles des musées canadiens de manière à ce que les solutions soient viables pour les institutions et qu'elles obtiennent le soutien des professionnels des musées, en solidarité avec les artistes canadiens. De plus, le Comité doit se pencher sérieusement sur la question du droit de suite sur la revente des oeuvres artistiques en portant une attention particulière à réduire le plus possible le fardeau administratif que cela peut imposer aux institutions.

[Français]

    Nous sommes des partenaires désireux de participer à toute conversation et à toute étude visant à concevoir des modèles probants pour un nouveau régime sur les droits d'auteur. Une réforme fructueuse, selon nous, créera un modèle intégré de déploiement de la Loi sur le droit d'auteur, de la politique fiscale et du financement qui sera financièrement et administrativement viable pour toutes les parties en cause.
    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à la période de questions. Monsieur Long, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos invités. Vos témoignages sont très instructifs.
    Je viens de la circonscription de Saint John—Rothesay, au sud du Nouveau-Brunswick, où se trouve le plus ancien musée établi du Canada: le Musée du Nouveau-Brunswick. La communauté des arts et de la culture est en plein essor. C'est rafraîchissant de voir ce qui se passe là-bas.
    Pour qu'une industrie survive, grandisse et s'épanouisse, il faut bien sûr qu'elle soit en santé et il faut une juste rémunération. C'est pourquoi nous discutons de ces enjeux.
    Monsieur Castanié, vous avez parlé du crédit d'impôt et de son incidence. Pouvez-vous nous en parler davantage, et nous parler du modèle québécois de rémunération?

  (1655)  

[Français]

    Bien sûr.
    Au Québec, la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma accorde une déduction fiscale aux artistes professionnels, ce qui leur permet de ne pas payer d'impôt sur les 15 000 premiers dollars de droits d'auteur qu'ils perçoivent. Ce crédit d'impôt a une grande incidence, justement. J'ai cité tout à l'heure des chiffres sur les revenus de nos illustrateurs et nos illustratrices: la situation est vraiment dramatique. De telles mesures fiscales sont des leviers assez puissants pour aider nos créateurs. Ce crédit d'impôt n'existe qu'au provincial pour l'instant et n'a pas d'équivalent canadien. Il a pourtant fait ses preuves dans l'aide provinciale qu'il peut apporter aux créateurs.

[Traduction]

    Pouvez-vous me dire quelle a été l'incidence de ce crédit d'impôt sur les artistes en arts visuels qui vivent dans la pauvreté? Est-ce qu'il leur a permis de se sortir de la pauvreté?

[Français]

    Le résultat est de payer moins d'impôt. Tout crédit d'impôt a une incidence sur les personnes à faible revenu, dont les artistes. Cette déduction en particulier aide beaucoup à ce chapitre les nombreux artistes qui arrivent à gagner un peu d'argent.

[Traduction]

    Quelles leçons peut-on en tirer selon vous? Si le gouvernement fédéral procédait à la mise en oeuvre d'une forme de crédit d'impôt pour les artistes en arts visuels, croyez-vous qu'il devrait s'inspirer du modèle québécois?

[Français]

    Veuillez répondre brièvement, monsieur Castanié.
    Les modèles sont assez différents selon les provinces. Je crois savoir qu'en Ontario, ce sont les 20 000 premiers dollars de droits d'auteur perçus qui ne sont pas imposables. Il semble donc que plusieurs provinces aient décidé d'agir de manière similaire tout en s'adaptant à la réalité de leur économie. Cela semble avoir été assez efficace.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Metcalfe, madame McCaffrey, je vous remercie pour votre exposé. Est-ce je pourrais avoir votre avis également? Selon vous, comment peut-on améliorer la Loi sur le droit d'auteur pour veiller à ce que les artistes en arts visuels canadiens puissent gagner un salaire suffisant dans ce domaine? M. Castanié a parlé du crédit d'impôt au Québec. Pouvez-vous me dire d'abord ce que vous en pensez et ensuite comment, selon vous, nous pourrions mettre en oeuvre une telle mesure à l'échelle fédérale?
    Je dois commencer par vous dire que notre organisation n'a pas étudié la question de près.
    J'aimerais juste connaître votre opinion.
    Je n'y vois pas d'objection. Je crois que cela s'harmonise à nos recommandations. C'est ce que nous avons dit dans notre exposé. Les créations des artistes relèvent du bien public et leur valeur ne se reflète pas tout à fait dans la rémunération qu'ils reçoivent. Ainsi, je crois que la politique fiscale devrait reconnaître cette contribution des créateurs au Canada.
    Madame McCaffrey, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Non. Je suis tout à fait d'accord avec notre président.
    De toute évidence, le marché s'est transformé au cours des dernières années. Je voulais vous entendre parler de l'incidence de ces changements et des technologies numériques sur les artistes contemporains.

  (1700)  

    Je crois que les changements ont la même incidence sur les artistes en arts visuels que sur les autres créateurs. Je suis écrivain; je suis donc un créateur également. Je sais que l'émergence des technologies numériques a complètement changé la donne en ce qui a trait à la rémunération des créateurs fondée sur d'anciens modèles de droits d'auteur.
    Comment peut-on suivre le rythme? Quelle est votre vision de l'avenir?
    Je crois que de nombreux modèles ont été proposés. Par exemple, on pourrait appliquer des frais modestes selon le moyen d'accès à Internet, qui pourraient être redistribués d'une certaine façon, comme on le fait pour le prêt public, dont j'ai parlé plus tôt. Il faut que les frais associés à ce programme soient modestes, pour ne pas devenir un fardeau pour les consommateurs. Si l'on applique ces frais de façon générale et que les montants recueillis sont remis aux distributeurs par l'entremise d'un mécanisme efficace qui n'entraîne pas trop de frais administratifs et qui maximise le transfert des ressources vers les créateurs, alors je crois qu'il s'agit d'un modèle approprié à prendre en compte.
    Je viens du milieu des sports et du hockey, et aussi des affaires. J'en apprends beaucoup grâce à ce comité.
    Je n'ai jamais vu un tel écart, et un tel nombre d'artistes et de personnes qui contribuent aux arts et à la culture qui vivent au jour le jour et tentent de s'en sortir.
    Selon vous, qu'est-ce qui aiderait le plus les artistes? Croyez-vous que c'est un crédit d'impôt ou une modification de la loi?
    Vous ne pourrez malheureusement pas répondre à cette question tout de suite parce que nous n'avons plus de temps. Vous pourrez toujours nous présenter une réponse écrite si nous n'y revenons pas au courant de la réunion.
    La parole est maintenant à M. Shields. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence. Chaque fois que nous recevons un nouveau groupe de témoins, nous apprenons de nouvelles choses. Illustration Québec compte 300 membres; certains rapportent environ 15 000 $, ce qui représente 4,5 millions de dollars.
    Est-ce qu'ils contrôlent le marché? Est-ce qu'il y a d'autres contrats au Québec, qui viennent d'ailleurs? Est-ce qu'il y a de l'argent qui s'en va, auquel ces 300 membres n'ont pas accès? Quelle est la part de marché de ces 300 personnes? En avez-vous une idée?

[Français]

    Le Québec est le principal marché des illustrateurs québécois. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, le marché québécois est démographiquement petit. Le Québec est un petit marché francophone. Par exemple, un livre pour enfants imprimé en français n'aura pas la même diffusion qu'un livre pour enfants imprimé en anglais, qui pourra être distribué dans le Canada anglophone ou aux États-Unis.
    Nos 300 membres travaillent principalement au Québec, mais les revenus qu'ils tirent de ce marché ne leur suffisent pas. Ils sont obligés d'aller chercher des revenus supplémentaires ailleurs, par exemple dans certaines parties du Canada anglophone, en Europe et aux États-Unis. Les marchés étrangers sont plus difficiles à percer, en particulier celui des États-Unis, où il y a une forme de protectionnisme. Même si, sur papier, nous pouvons travailler pour le monde entier grâce à Internet, en réalité, notre marché se trouve principalement dans la région où nous vivons.

[Traduction]

    Merci.
    Je crois que M. Long a effleuré un sujet que je voulais aborder: les technologies numériques et la transformation.
    Votre réponse était très précise et je crois que d'autres témoins ont dit la même chose que vous auparavant. Je crois qu'en ce qui a trait au droit d'auteur, il faut des termes plus vastes.
    Avez-vous des suggestions de termes que nous pourrions utiliser pour parler de la technologie associée au droit d'auteur? Il faut aller plus loin qu'une simple désignation de quelques composantes technologiques.
    Julien.

  (1705)  

[Français]

    Excusez-moi, je n'ai pas tout à fait compris votre question. Pouvez-vous la reformuler, je vous prie?

[Traduction]

    Vous avez parlé de quelques équipements technologiques associés au numérique, mais dans le domaine du droit d'auteur, il faut des termes plus larges si l'on veut pouvoir les utiliser encore plus tard, dans 10 à 15 ans.
    Y a-t-il des termes plus larges que vous voudriez utiliser pour le droit d'auteur?

[Français]

    Vous voulez que je parle de choses plus générales. C'est une bonne question, mais je ne saurais pas vous parler de termes plus globaux que ce que j'ai exprimé jusqu'à maintenant.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Je passe maintenant aux représentants de l'ODMAC.
    Mon petit-fils a fini de réparer un camion, en se disant que celui-ci vaudrait ensuite un certain montant, mais je n'ai pas manqué de lui dire que la valeur du camion est le prix qu'un acheteur est disposé à payer. Peu importe le prix que l'on y attribue, c'est le montant que les gens sont prêts à débourser qui compte. Mon petit-fils a ainsi tiré une leçon intéressante: on peut consacrer des heures et des heures à quelque chose, mais si personne n'est disposé à payer...
    Vous nous avez remis une longue liste de recommandations. Pouvez-vous nous présenter uniquement celles qui se rapportent au droit d'auteur et nous dire laquelle vous paraît la plus importante pour la suite des choses?
    Je crois que le point crucial que nous essayons de faire valoir, c'est la nécessité de veiller à ce que les divers mécanismes évoluent en même temps, parce que l'un influera sur l'autre. Ce qui nous préoccupe dans le contexte des musées, c'est que la réforme du droit d'auteur ne tient pas compte des effets négatifs imprévus qu'une modification pourrait avoir non seulement sur les institutions, mais aussi sur les artistes.
    En ce qui a trait au droit d'auteur, je dirais que ce qui compte le plus, c'est que les modèles utilisés doivent, d'une part, réduire le plus possible le fardeau administratif qui pèse sur ceux qui utilisent ou présentent des oeuvres protégées par le droit d'auteur et, d'autre part, maximiser le transfert des ressources vers les créateurs, sans imposer de fardeau financier ou administratif indu aux autres institutions culturelles.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Le droit de prêt en est-il un exemple?
    Oui, le droit de prêt public en est un exemple, compte tenu de la façon dont il est structuré. Il n'impose aucun fardeau administratif ou financier indu aux bibliothèques, mais il dirige les fonds vers les auteurs, les illustrateurs, etc., pour l'utilisation de leurs oeuvres dans les bibliothèques publiques. Pour notre part, nous soutenons qu'un système comparable pourrait être appliqué à certains types de droit d'auteur pour les musées et les galeries d'art.
    Quels seront les effets du numérique sur votre domaine?
    Moira, voulez-vous répondre à cette question?
    Je pourrais peut-être parler de l'incidence énorme des médias sociaux sur les musées. À une certaine époque, les musées étaient connus pour interdire la prise de photos lors d'expositions. Bien entendu, c'était, en partie, pour protéger les oeuvres à cause du flash et tout le reste, mais il y avait aussi une autre raison: protéger le droit d'auteur des artistes, qui n'étaient pas payés pour autoriser la distribution des images.
    Nous savons tous que ce temps est révolu. Aujourd'hui, il est impossible de contrôler la prise de photos dans le cadre des expositions et, en fait, la plupart des grands artistes contemporains qui en ont les moyens encouragent cette pratique.
    La réalité, c'est que la plupart des artistes sont pénalisés lorsque leurs oeuvres sont photographiées et largement distribuées sur Internet, parce qu'ils ne reçoivent aucune rémunération en retour. C'est là un facteur important à prendre en considération chaque fois qu'il est question du « numérique ». Cela pose problème pour les musées.
    Permettez-moi d'ajouter que la mise en ligne des collections représente un défi, à moins qu'il y ait un mécanisme, comme celui du droit de prêt public, qui permet aux artistes d'être rémunérés pour l'utilisation de leurs oeuvres, sans imposer de coût administratif et financier aux musées.
    Merci.

[Français]

    Nous continuons maintenant avec M. Nantel pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être présents.
    Monsieur Castanié, j'aimerais obtenir une clarification. L'essentiel des oeuvres artistiques d'illustration de vos membres est-il créé sur commande ou de leur propre initiative?
    L'illustration a la particularité de répondre à ces deux notions. Elle peut être à la fois une commande, par exemple une affiche, mais la création artistique née de cette commande est une œuvre d'art, en fait. Il est intéressant de repenser à cette notion de commande. Pensons aux commandes royales qui ont été faites aux grands artistes européens au fil des siècles. Cela raconte beaucoup la manière dont ces artistes ont été financés.

  (1710)  

    Vous dites ici que toute l'œuvre de Mozart a été créée au nom d'un empereur autrichien ou de je ne sais trop qui.
    Dans cette optique, vos œuvres sont sujettes à un contrat, où le mode de rétribution est convenu avec l'utilisateur. L'œuvre demeure la vôtre, mais une licence est accordée à certaines conditions à l'utilisateur professionnel, qui peut être un auteur. C'est ce qu'on dit.
    Dans d'autres pays, les droits des illustrateurs sont-ils mieux défendus? Y a-t-il un droit de suite ou un droit moral sur leurs œuvres? Je ne peux pas m'empêcher de penser à la bande dessinée Astérix. Même si elle n'est pas aussi populaire dans le monde anglophone, je pense que tout le monde ici sait qu'elle a été illustrée par Uderzo et écrite par Goscinny. Le droit d'auteur sur les illustrations est-il plus clair dans d'autres pays?
    Est-ce qu'il existe un droit moral? Oui. C'est intrinsèque à la question du droit d'auteur. Est-ce qu'il existe un droit de suite? Pas au Canada, que je sache. Par contre, ce fameux droit de suite existe dans plus de 90 pays dans le monde, y compris en France. Plus largement, un droit de suite, c'est lorsque le créateur original d'une œuvre perçoit un pourcentage d'environ 5 %. Ce droit est prélevé sur les ventes successives d'une œuvre, quand elle passe d'acheteur en acheteur. Si l'artiste original a vendu une œuvre d'art 100 $, qu'elle est revendue 1 000 $ plus tard, ou peut-être même 1 million de dollars par la suite, l'artiste a un intérêt dans cette spéculation.
    Je ne voudrais pas avoir l'air de faire de l'humour, mais vous me mêlez davantage. Vous retournez au statut d'une oeuvre d'art, et non au statut d'une illustration de commande.
    Une illustration est une oeuvre d'art. C'est une notion qui peut être particulière à comprendre. L'oeuvre d'art peut être exprimée dans la création d'une illustration découlant d'une commande, mais également dans la création d'une illustration à la seule initiative du créateur. Je pense aux livres pour enfants, qui peuvent être l'initiative d'un écrivain illustrateur qui a décidé d'écrire un livre et de l'illustrer. En soi, c'est une oeuvre d'art soumise au droit d'auteur, comme le sont celles de tous les artistes en arts visuels.
    Je vais charcuter l'enjeu. Vous êtes illustrateur et vous faites les illustrations d'un livre pour enfants écrit par un auteur. C'est une oeuvre que vous faites et qui vous appartient, pour laquelle vous octroyez une licence à l'éditeur ou à l'auteur, ou aux deux. Dans un tel cas, y a-t-il un droit de suite qui s'applique? Si oui, dans quel contexte cela s'applique-t-il?
    Il n'y a pas de droit de suite dans le cas de telles illustrations. Quand je parlais de droit de suite au Canada, je voulais plutôt parler de la création d'une illustration et de sa vente en tant qu'original. Dans le cas d'un livre pour enfants, comme vous l'avez souligné, il y a vraiment un contrat, où une licence d'utilisation est octroyée et assujettie à une temporalité, à un espace géographique et à des conditions de support. Cela correspond aux droits d'auteur qui sont liés à la création des illustrations qui ont été faites sur les pages.
    Même si je connais assez bien ce sujet, je trouve cela complexe de voir ce qui s'applique et ce qui ne s'applique pas. Même vos réponses ont donné lieu à quelques quiproquos.
    Monsieur Metcalfe et madame McCaffrey, au sujet du droit d'auteur, de la façon dont on applique le droit de suite et, surtout, de votre proposition de droit d'exposition publique, y a-t-il d'autres pays où ces changements ont été faits et où cela fonctionne bien?

  (1715)  

[Traduction]

     Le modèle de droit de prêt public que j'ai mentionné a certainement été utilisé dans de nombreux autres pays. Selon moi, s'il est difficile de trouver des modèles dans d'autres pays pour des questions comme les droits d'exposition, c'est, en partie, parce que le Canada est un chef de file en la matière à l'échelle internationale. Je crois que d'autres pays nous observent pour savoir comment nous allons procéder et comment ce modèle pourrait évoluer avec le temps.

[Français]

    Merci.
    Nous continuons avec Mme Dhillon pour sept minutes.
     Merci, madame la présidente.
     J'aimerais vous aviser que je vais partager mon temps de parole avec M. Boissonnault.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Castanié.
    Au cours de votre témoignage, vous avez parlé de cinq modèles de rémunération. Vous avez aussi parlé des oeuvres des illustrateurs qui se retrouvent sur des sites Internet. Dans l'ère numérique d'aujourd'hui, qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire pour s'assurer que les artistes et les créateurs reçoivent une juste rémunération?
    C'est certainement l'un des enjeux que doit examiner votre comité. C'est une question difficile. On se demande comment on pourrait rémunérer l'utilisation des images sur Internet. J'ai développé ma pensée sur cet aspect sous la forme d'une question ouverte justement parce que je n'avais pas de réponse toute faite à ces enjeux pourtant réels et assez importants. Les images sont utilisées, copiées et diffusées, et pourtant aucune rémunération n'y est associée.
    Avez-vous fait quelque chose par le passé pour améliorer la situation?
    Notre association n'a rien fait, non. Je n'ai pas la référence exacte, mais je sais qu'il existe des systèmes qui agiraient comme des sortes de clés permettant d'identifier l'image d'une de nos créations et de la retrouver sur Internet. Comme le Web est extrêmement vaste, il s'agit de l'un de nos grands enjeux.
    Selon vous, la situation s'est-elle améliorée au cours des cinq dernières années ou a-t-elle empiré?
    Le numérique a complètement bouleversé nos pratiques. Cela a présenté certains avantages: par exemple, cela nous a permis, à nous les travailleurs autonomes, de communiquer plus vite et cela a beaucoup facilité diverses étapes de nos créations. Par contre, le numérique a également créé de l'incertitude. La grande difficulté, effectivement, est de s'adapter aux nouveautés que l'on vit au quotidien à un rythme accéléré.
    Je prends en exemple la création d'une illustration pour la couverture d'un roman. La rémunération pour ce type de contrat a toujours été de 800 $ à 1 000 $; il y a une licence d'utilisation pour ce livre. Quand le numérique est arrivé, on a commencé à publier des livres sous format PDF ou autres formats électroniques, sans pour autant modifier la rémunération pour cette couverture de livre. Aucune licence supplémentaire n'était octroyée, sous prétexte, selon les éditeurs, que le marché pour ces nouveaux formats en était à ses balbutiements et qu'il n'y avait donc pas lieu de modifier les modalités de rémunération. Or, on voit ces dernières années que les ventes de livres en format numérique peuvent être intéressantes et qu'il faut donc rajuster le tir.
    Merci beaucoup.
    Je cède le reste de mon temps de parole à mon collègue.
    Merci beaucoup, chère collègue.
    Monsieur Castanié, il est évident qu'il existe plus d'artistes au Québec grâce au traitement fiscal dont ils bénéficient. Merci de nous avoir fait part de toutes vos pensées et vos idées là-dessus.

[Traduction]

     Monsieur Metcalfe, madame McCaffrey, j'essaie de comprendre un peu mieux le droit de prêt public. Je serai très franc. Qui sont les perdants et qui sont les gagnants dans ce modèle? Est-ce que tout le monde fait de petites concessions et finit par avoir l'impression de capituler, tout en reconnaissant les avantages obtenus, et est-ce que cela rend le système plus efficace? J'aimerais bien le savoir.
    Nous sommes saisis de cette étude depuis plusieurs mois, et j'ai constaté qu'il y a certains cas où les droits des artistes — que nous devons respecter — peuvent également empêcher la diffusion accrue d'une oeuvre dans d'autres langues. Prenons l'exemple d'une oeuvre qui est conçue à l'origine en français ou en anglais; si vous voulez la faire traduire, vous devez obtenir la permission de tout le monde. Il faut que tous les intervenants vous donnent le feu vert pour que vous puissiez prendre ce qui existe déjà dans la langue d'origine et y ajouter une autre langue — même si vous utilisez des sous-titres et, surtout, une voix hors champ. Je trouve cela très intéressant parce que nous vivons un pays bilingue. Si nous voulons distribuer du matériel pédagogique d'un bout à l'autre du pays, il devient difficile, même pour les musées, de transmettre l'information à un plus grand nombre de personnes, à moins que nous puissions retrouver tous les artistes et obtenir leur approbation. Je trouve cela curieux.
    Comment le droit de prêt public s'avère-t-il utile dans votre domaine? Que devons-nous prendre en considération dans le cadre de notre examen?

  (1720)  

    Eh bien, je crois qu'il faut faire une distinction entre les différents types d'utilisation. Ainsi, il convient parfois de conclure un contrat individuel avec le créateur. Par exemple, si nous faisons une exposition des oeuvres d'un artiste, c'est-à-dire une exposition solo, alors le musée et l'artiste devraient trouver un terrain d'entente. Cela fait déjà partie de notre système de fonctionnement.
    Dans le cas d'autres utilisations comme la présentation d'une oeuvre en ligne, par exemple, dans le cadre de notre collection, disons au moyen d'une image à faible résolution, nous serons aux prises avec un fardeau administratif excessif si nous devons obtenir la permission de chaque artiste. En revanche, s'il y a un système qui centralise le tout et auquel les artistes peuvent s'inscrire, un système qui leur offre une rémunération et qui prévoit certaines mesures de contrôle — comme je l'ai dit, l'utilisation d'une image à faible résolution pour que l'oeuvre ne puisse pas être reproduite à des fins lucratives —, alors un modèle comme celui du droit de prêt public permettra au musée de ne pas avoir à subir beaucoup de tracasseries administratives, mais l'artiste sera rémunéré pour la présentation de son oeuvre dans un média public.
     Ma question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous: à votre avis, qu'est-ce qui a amené les 33 pays — ou les 20 pays après nous, le Canada étant le 13e — à adopter le modèle? Qu'y a-t-il de si intéressant dans le modèle ? Savez-vous si certains pays l'ont intégré de leur régime de droit d'auteur et de protection des artistes?
    Il vous reste 30 secondes.
    Les avantages sont, comme je l'ai dit dans mon exposé, la réduction des coûts des transactions et la reconnaissance de la valeur que représente le travail des auteurs pour le bien public. Pour aller dans le sens de ce que notre autre témoin a dit, la valeur des oeuvres culturelles va souvent au-delà de ce que les créateurs sont payés la première fois.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Yurdiga. Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Bien honnêtement, je n'avais jamais réfléchi à cet aspect du milieu des arts ou des représentations. Je pense toujours à la télévision, à la radio et à ce genre de choses. Nous avons beaucoup parlé de la rémunération et du droit d'auteur, mais nous n'avons pas dit grand-chose sur l'application de la loi. On a beau avoir des droits d'auteur, mais si l'application de la loi est peu rigoureuse, on ne sera toujours pas à l'abri des violations.
    J'ai entendu de nombreux artistes se plaindre des coûts énormes liés à ce processus et, bien souvent, ils ne peuvent rien y faire. Ils n'ont pas les ressources financières nécessaires pour intenter des poursuites.
    Voici une question générale à l'intention de tous les participants d'aujourd'hui: d'après vous, quelles sont les mesures qui s'imposent sur le plan de l'application de la loi?
    Dans le contexte des musées, pour en revenir aux deux types de relations en ce qui concerne le versement d'un droit d'exposition ou l'établissement du droit d'exposition approprié pour les artistes, cet aspect est surveillé dans le cadre du système de financement. Si nous ne versions pas les droits d'exposition appropriés aux artistes, si nous ne passions pas des contrats en bonne et due forme avec les artistes, nos bailleurs de fonds en prendraient connaissance, et nous nous ferions réprimander pour avoir agi de la sorte ou encore, notre financement serait refusé. Bien entendu, les artistes ont le droit légal de nous poursuivre en justice dans pareil cas, mais cet aspect est déjà pris en compte dans le système de financement.
    En ce qui a trait aux autres types de droits, certains sont mieux gérés au moyen d'un système plus collectif, comme le système du droit de prêt public, l'objectif étant d'amener tous les intervenants — tant les créateurs que les utilisateurs d'oeuvres protégées — à s'inscrire au système pour assurer le transfert uniforme des ressources.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui.
    Monsieur Castanié.

  (1725)  

[Français]

     Je vais rebondir sur le témoignage qui vient d'être exprimé. Il est effectivement exact que le droit de prêt public ne fonctionne que si l'ensemble des auteurs inscrivent leurs oeuvres.

[Traduction]

    Quand nous avons affaire à un réseau mondial, qui n'est plus régi à l'intérieur de nos frontières, au Canada, ce n'est pas là le problème, puisque le système est beaucoup plus efficace à l'intérieur d'un pays donné. Je parle plutôt des nombreux incidents qui surviennent à l'extérieur de nos frontières. Comme nous le savons, il y a tout le temps des violations du droit d'auteur. Il est difficile de surveiller la situation et de poursuivre les individus qui continuent d'utiliser les oeuvres d'autrui pour leur seul bénéfice financier.
    Je n'ai entendu aucun chiffre. Nous ne connaissons même pas la valeur des coûts annuels que représentent les atteintes au droit d'auteur pour notre industrie. Divers pays prendront votre oeuvre, en feront une production de masse et vendront le produit, mais beaucoup de créateurs et d'artistes en souffrent financièrement. Par conséquent, selon vous, comment le gouvernement devrait-il aider à poursuivre les gens qui enfreignent sans cesse la Loi sur le droit d'auteur?
    En ce qui concerne les gens de l'extérieur du Canada, un des avantages d'un système comme celui du droit de prêt public pour ce genre de droit d'auteur, c'est qu'on peut ensuite signer des ententes avec d'autres pays dotés d'un système similaire. Ainsi, les artistes canadiens sont récompensés pour l'utilisation de leur matériel dans l'autre pays, et il en va de même pour les artistes de l'autre pays dont le matériel est utilisé au Canada. La Commission au Canada et celle, disons, en Allemagne concluent une entente; autrement dit, seuls deux organismes doivent en arriver à une entente pour que cela fonctionne.
    Monsieur Castanié, qu'en pensez-vous?

[Français]

    Effectivement, je vais rebondir aussi sur les témoignages à propos des sociétés de gestion collective. Celles-ci sont en lien et discutent entre elles un peu partout sur la planète afin de reverser les droits. C'est le cas de la société québécoise de gestion collective, Copibec, laquelle a des ententes en France avec d'autres sociétés soeurs, si je puis dire, comme la SOFIA ou la SAIF. Il existe des ententes internationales de ce type.
    L'autre réalité est que cela n'existe pas dans tous les pays du monde. Il y a une dizaine de pays, principalement en Europe, qui ont de ces liens et qui échangent des informations sur les droits d'auteur avec le Canada. Pour ce qui est du Québec, ces droits sont reversés par l'intermédiaire de Copibec.
    Merci à tous les témoins d'aujourd'hui.
    Vos idées étaient très intéressantes et nous ont beaucoup aidés.

[Traduction]

    C'est sur cette note que nous allons mettre fin à notre réunion.
    La séance est levée.
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