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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 133 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous en sommes à la 133e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
     Nous poursuivons notre étude des enjeux liés à la migration auxquels nous devons faire face, ainsi que des possibilités que nous devons saisir au XXIe siècle. Dans le cadre de cette vaste étude, nous consacrons plusieurs de nos réunions aux deux pactes mondiaux qui font actuellement l'objet de discussions à l’échelle internationale, soit le pacte mondial sur les réfugiés et celui sur les migrations. Il s’agit également de l’objectif de cette réunion.
    Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd'hui.
    Dans le premier groupe, nous avons un témoin en personne. Merci beaucoup d'être venu.
    Nous accueillons également deux témoins par vidéoconférence.
     Je pense que nous allons commencer par la témoin qui est la plus loin, puis nous passerons à la témoin qui est plus près de nous par la vidéoconférence. Nous terminerons ensuite ce premier groupe de témoins, avec la représentante d'ACT Alliance.
    Chaque témoin dispose de sept minutes.
    Nous allons commencer par Mme Michele Klein Solomon, de l'OIM, qui nous vient de Genève, en Suisse.

[Français]

     Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir d'être parmi vous cet après-midi et je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant le Comité aujourd'hui.
    Je suis très heureuse que vous vous penchiez sur ces questions et je suis ravie, au nom de l'Organisation internationale pour les migrations, d'avoir l'occasion de vous présenter un exposé et de discuter avec vous.
     Comme le président l'a mentionné, je vais parler du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Ce Pacte est le fruit des négociations entre les États membres de l'Assemblée générale des Nations Unies qui ont eu lieu au cours des 18 derniers mois. Il sera déposé par les États membres aux plus hauts échelons des États et des gouvernements aux fins d’adoption le 10 décembre à Marrakech, au Maroc.
    Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières vise surtout à améliorer la sécurité et la sûreté de la migration et à réduire les incidents et les répercussions de la migration irrégulière. Il s'agit de la première entente exhaustive sur la migration négociée entre les gouvernements.
    Il est important de mentionner qu’il n'est pas juridiquement contraignant. Il s'agit d'un cadre de coopération entre les États qui vise à gérer plus efficacement l'un des grands enjeux de notre époque, non seulement au Canada et en Amérique du Nord, mais dans toutes les autres régions du monde, c'est-à-dire comment veiller à ce que les mouvements de personnes aujourd'hui soient plus sûrs, plus ordonnés et plus prévisibles et travailler ensemble pour réduire les abus et les risques pour les personnes et les collectivités associés à la migration irrégulière et dangereuse.
    Tout d’abord, les principaux aspects de ce cadre de coopération ne sont pas juridiquement contraignants. Le Pacte respecte pleinement la souveraineté des gouvernements nationaux en leur permettant de prendre leurs propres décisions concernant leur politique nationale en matière de migration, y compris la sélection des non-nationaux qui sont admis sur leur territoire.
    Parallèlement, il reconnaît qu'aucun État qui agit seul ne peut lutter efficacement contre la migration et que, par sa nature même, la migration est un phénomène transnational. Ce Pacte est conçu pour établir un cadre de coopération permettant aux États de travailler plus efficacement ensemble.
    Pour ce faire, il stipule certains principes communs et établit 23 objectifs généraux touchant tous les aspects de la migration — des facteurs à l’origine de la migration jusqu’aux conditions de la migration en passant par la nécessité de mettre en place des mécanismes pour une migration sûre, notamment des possibilités de migration légale de la main-d'oeuvre, des possibilités de migration familiale, des possibilités de visa d'étudiant et autres choses du genre — sans imposer de quotas ou d'exigences particulières à quelque gouvernement que ce soit.
    Il aborde également des questions comme l’introduction clandestine et la traite des personnes et une meilleure coopération en matière d'application de la loi, ainsi qu’une coopération concernant le retour et la réintégration des migrants qui ne sont plus autorisés à rester.
    Ce ne sont là que quelques exemples du type d'objectifs prévus dans le Pacte. Comme je l'ai dit, il y en a 23. De grands objectifs ont été établis puis une série de pratiques exemplaires ou d'exemples de mesures à prendre pour les atteindre est énoncée pour chacun. Il appartiendra à chaque gouvernement de décider quels objectifs poursuivre, quelles mesures prendre ainsi que dans quel ordre. Il s’agit réellement d’un cadre discrétionnaire, mais il vise à créer un sentiment commun de solidarité et à susciter un engagement pour rendre le processus de migration plus efficace.
    Enfin, une gestion plus efficace de la migration ne passe pas uniquement par les gouvernements. Bien que les États membres soient principalement chargés de gérer la migration non seulement sur leur territoire, mais de coopérer, ils doivent le faire avec un éventail d'autres parties prenantes, à savoir les employeurs, lesquels ont un rôle bien réel à jouer dans le processus de migration; les recruteurs de migrants; les communautés de migrants et les diasporas elles-mêmes; les organismes internationaux dans la mesure où ils peuvent aider; et, bien sûr, les administrations locales, parce qu'une grande partie de la migration se vit localement et est déterminée par les politiques et les processus locaux. Les maires et les fonctionnaires municipaux seront des acteurs essentiels.

  (1535)  

    Permettez-moi de conclure mes observations préliminaires en disant que ce cadre réclamé et élaboré par les gouvernements — les États membres de l'ensemble des Nations unies — est maintenant très médiatisé dans certains pays. Dans certaines sociétés, on s'est demandé si c'était une bonne idée et dans quelle mesure le cadre empiéterait sur la souveraineté des États.
    Permettez-moi de souligner que le Pacte est très explicite à la fois sur le fait qu'il n'est pas juridiquement contraignant et qu'il reconnaît pleinement la compétence et la souveraineté des gouvernements de déterminer leurs propres politiques migratoires. Son objectif est de créer des politiques plus efficaces grâce à la collaboration entre les États, à l'apprentissage mutuel, à l'échange de bonnes pratiques et à la collaboration pour une meilleure gestion de la migration.
    Merci beaucoup. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Nous entendrons maintenant M. Stéphane Vinhas, coordonnateur des urgences à Développement et Paix-Caritas Canada.
     Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Stéphane Vinhas, le coordonnateur des urgences de Développement et Paix-Caritas Canada. Au nom des membres de mon organisation, des partenaires locaux que nous soutenons et des populations vulnérables que nous aidons dans plus de 40 pays, je souhaite vous remercier de cette consultation.
    Depuis 50 ans, Développement et Paix-Caritas Canada est l'organisme officiel de solidarité internationale de l'Église catholique du Canada. Nous nous appuyons sur l'engagement de 13 000 membres de partout au Canada déterminés à aider les plus pauvres dans leur lutte pour la justice dans les pays du Sud.
    Nous sommes membres du réseau international Caritas Internationalis, et nous menons en ce moment même une campagne d'éducation et de plaidoyer sur la migration forcée intitulée « Partagez le chemin ».
    Nous sommes inspirés par les paroles du pape François, et nos membres considèrent très important à la fois d'accueillir, de protéger, de promouvoir et d'intégrer les migrants et les réfugiés. Ils ont d'ailleurs participé activement à l'accueil des personnes réfugiées syriennes ici, au Canada.
    Pour ce qui est des deux pactes, ils ont particulièrement à coeur le travail sur les causes profondes des migrations forcées. En tant que témoin, c'est aujourd'hui ce message, leur message, que je vous porte.
    Chaque minute, 31 personnes sont forcées de fuir leur pays. Aujourd'hui, c'est environ le double de la population canadienne qui est en situation de migration forcée, soit environ 68 millions de personnes. La majorité de ces personnes proviennent de cinq pays: la Syrie, l'Afghanistan, le Soudan du Sud, la Birmanie et la Somalie, pays dans lesquels Développement et Paix-Caritas Canada soutient des partenaires locaux.
    Au-delà des chiffres et des concepts, les personnes migrantes et réfugiées sont avant tout des personnes comme vous et moi, en quête de paix, comme le souligne le pape François. Elles aspirent à la liberté et à la sécurité pour elles-mêmes et pour leur famille. Elles souhaitent redevenir les acteurs et les actrices de leur propre vie.
    Ces personnes ont certes pris la décision de partir, mais elles n'ont pas vraiment eu le choix de le faire. Personne ne choisit de fuir et de mettre sa vie ou celle de ses enfants en danger. On le fait par contrainte, par nécessité, par désespoir et par espoir aussi. Les personnes migrantes et réfugiées sont avant tout des êtres humains, avec leurs droits et leur dignité.
    Comment pouvons-nous les aider? Comme il en est fait mention dans les pactes, c'est en s'attaquant aux causes profondes qui poussent les gens à partir, afin à la fois de prévenir les départs forcés et de faciliter les retours souhaités. Le retour est voulu par la majorité des migrants, quand les conditions s'y prêtent. Quand elles ne s'y prêtent pas, cela crée des situations comme celle du Bangladesh, où les Rohingyas fuient ou se suicident dès qu'on leur demande de retourner en Birmanie. En Syrie, les risques de recrutement forcé, les répressions politiques et l'instabilité sécuritaire bloquent toujours les retours.
    Si nous souhaitons que les retours se fassent de manière informée, volontaire, digne et durable, il faut nous assurer que les raisons qui ont poussé les gens à partir ne soient plus. En ce sens, il faut absolument travailler à régler les causes profondes à l'origine des mouvements humains contraints. Le Pacte mondial sur les réfugiés et le Pacte mondial sur les migrations, qui ont d'ailleurs été construits par l'entremise d'une consultation de l'Église catholique, soulignent que l'élimination des causes profondes est le moyen le plus efficace de réaliser des solutions.
    La migration forcée est avant tout une conséquence d'un maldéveloppement politique, économique et social. L'humanitaire et la gestion des migrations tentent juste de répondre à ces malheureuses conséquences.
    Il est important de reconnaître les causes, les facteurs complexes, multiples et interreliés qui sont à l'origine de ces déplacements: les conflits armés, les persécutions, les causes économiques et politiques, les causes écologiques et d'autres qu'on aborde moins comme les mégaprojets dits de développement, l'exploitation minière, pétrolière et gazière, ou encore les grandes exploitations agroindustrielles.
    À la lumière de cet exposé, les membres de Développement et Paix-Caritas Canada vous présentent les recommandations suivantes, qui font écho aux deux pactes mondiaux.
    En tant qu'artisan de paix, le Canada peut s'appuyer sur son leadership pour approuver et mettre en oeuvre les deux pactes sur les réfugiés et sur la migration, en fidélité aux valeurs que porte le Canada à l'international. Il peut exercer son leadership en faisant la promotion de solutions diplomatiques et pacifiques aux conflits armés grâce à des processus de paix inclusifs, notamment avec la participation des femmes. Il peut aussi renforcer et protéger les organisations de la société civile qui travaillent à la paix, à la démocratie, à la défense des droits humains et à la responsabilisation des dirigeants dans les États fragiles du Sud. En l'absence de démocraties inclusives et participatives, protectrices des minorités, de la diversité et du droit, la migration forcée ne fera que s'aggraver.
    En tant que bailleur de fonds reconnu, le Canada peut s'appuyer sur son financement pour donner des appuis prévisibles, flexibles et pluriannuels, afin d'atteindre les Objectifs de développement durable, notamment la réduction des inégalités, pour contribuer à réduire les risques de déplacements forcés. Cela peut se faire notamment en visant l'atteinte de l'objectif de l'OCDE, soit une contribution de 0,7 % du PNB dédié à l'aide publique au développement.

  (1540)  

     Son financement peut aussi servir à des initiatives de réduction des risques de catastrophe, de prévention des conflits et de promotion de la paix.
    En tant que membre responsable de la communauté internationale, le Canada peut aussi s'appuyer sur ses valeurs pour s'assurer que les populations locales bénéficient de toutes les retombées économiques qui leur sont dues afin d'éviter les migrations économiques. Les bénéficiaires de l'aide internationale ne doivent pas être les mêmes personnes victimes de politiques internationales ou régionales, en vigueur ou manquantes, qui sont préjudiciables.
    Par ses valeurs, le Canada peut aussi continuer à travailler à la réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de préserver notre maison commune — c'est le terme qu'utilise le pape François pour qualifier la Terre — et ainsi réduire les risques de migrations environnementales.
    En conclusion, il est important de rappeler la vision exprimée par le pape François à l'occasion du premier Sommet mondial sur l'action humanitaire, qui s'est tenu à Istanbul en mai 2016. Il s'est exprimé ainsi:
[...] il ne doit pas y avoir de famille sans une maison, pas de réfugié sans un accueil, pas de personne sans sa dignité, pas de personne blessée sans soins, pas d’enfant sans son enfance, pas de jeune homme ou de jeune femme sans un avenir, pas de personne âgée sans la dignité due à son âge.
    C'est surtout de cela qu'il faut s'assurer.
     Je vous remercie de votre attention.

  (1545)  

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre Mme Kaastra-Mutoigo.
    Merci, monsieur le président. Merci de me permettre d’être avec vous aujourd’hui.
    Comme vous l'avez souligné, je m'appelle Ida Kaastra-Mutoigo. Je suis directrice de World Renew au Canada. À titre d'information, il s'agit d'un organisme qui est signataire d'une entente de parrainage pour les réfugiés depuis plus de 40 ans.
     Je suis aussi fille de parents immigrants qui ont quitté la Hollande après la Seconde Guerre mondiale, et j'ai épousé un immigrant de l'Ouganda qui a une fille qui est une immigrante de l'Ouganda.
     Je suis très heureuse de parler au nom d'Action by Churches Together, ACT Alliance, où je siège au conseil d'administration et au comité directeur. ACT est une alliance internationale constituée d'environ 150 églises et organisations confessionnelles, dont World Renew, qui travaillent ensemble dans plus de 125 pays.
    Pourquoi ACT Alliance a-t-elle participé à l'initiative du Pacte mondial? Global Alliance, comme ACT, a adopté une stratégie qui privilégie l'utilisation des ressources et le partage de l'expertise en vue de s’attaquer efficacement aux problèmes de migration et de déplacement, en particulier lorsqu’ils touchent aux droits de l'homme, aux niveaux de pauvreté et à la résilience aux catastrophes. C'est pourquoi le bureau du secrétariat mondial d'ACT Alliance a participé à chaque étape du processus d'élaboration du Pacte mondial. Nous avons également consulté nos membres partout dans le monde qui travaillent avec des migrants et des communautés d'accueil.
    Pourquoi estimons-nous que le Pacte mondial est important? Comme il a été mentionné, la création de cet accord entre les États membres de l'ONU permet de mieux prévoir et gérer la migration, tout en protégeant les droits des migrants vulnérables de leur point de départ jusqu’au pays de destination, ainsi que pendant leur réinstallation.
    Il s'attaque aux causes profondes ou aux facteurs à l'origine des mouvements intenables de migration qui se produisent. Il accroît les mesures de protection à disposition des personnes qui sont victimes de violations des droits. Il assure un meilleur accès aux services de base. Il prévient l’introduction illicite et la traite des personnes. Il favorise la collaboration dans le cadre de son application.
    Comme Stéphane l'a très bien souligné, même si ces pactes mondiaux visent les flux de migrants et de réfugiés, il est impératif que nous déterminions les causes profondes actuelles des déplacements, des conflits, des catastrophes écologiques, du changement climatique et de la pauvreté et que nous nous y attaquions. Le parrainage et la réinstallation sont des volets importants de la solution à cette crise, mais il est essentiel d'approfondir le travail de justice pour s'attaquer aux causes profondes.
    Les pactes mondiaux représenteront-ils une menace pour le gouvernement du Canada, particulièrement en ce qui concerne sa capacité d'assurer le respect des droits et le bien-être des Canadiens ou sa souveraineté? Les accords mondiaux ont été un processus entièrement dirigé par les États. La société civile ainsi que d'autres intervenants ont pris part aux discussions. Cependant, ils n'ont pas servi de moteurs à ce mouvement, pas plus que l'ONU ne l’a fait. Je pense qu'il est très important de le souligner.
    Le paragraphe 15 du pacte mondial sur les migrations réaffirme également le droit à la souveraineté des États. Je vous invite à le lire pour en faire une analyse plus approfondie. Il ne s'agit pas d'un accord international ni d'un traité, et il n'aura aucun effet juridique sur les systèmes juridiques nationaux, comme l'a souligné Michele.
    Le pacte mondial sur les migrations renforce et précise ce que les États se sont déjà engagés à faire dans d'autres traités et lois internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les objectifs de développement durable.
    Le pacte mondial sur les migrations favorise une approche pangouvernementale plus efficace à la migration en encourageant les États à modéliser la coopération interministérielle pour atteindre les objectifs établis. Il appuie une initiative dans laquelle le Canada excelle et pour laquelle il a été à l'avant-garde, à savoir le renforcement d'une approche axée sur l'ensemble de la société.
    Le pacte mondial sur les migrations alourdira-t-il le fardeau financier du gouvernement du Canada et de ses citoyens? Il y a plusieurs intervenants qui sont déjà bien outillés, dont des organismes de la société civile comme le nôtre, qui offrent d’excellents services de soutien aux nouveaux immigrants et aux réfugiés.
     Il ne représente pas non plus un fardeau financier, puisque le gouvernement du Canada continue d'établir ses propres exigences en matière d'approbation et de vérification de la viabilité économique des immigrants.

  (1550)  

    Le Canada a toujours été un pays de migrants et de mesures multi-intervenants de soutien pour les réfugiés, et il a encouragé la réalisation de plusieurs objectifs clés remarquables. Par exemple, si vous comparez les réfugiés parrainés par le gouvernement à la population en général, vous constaterez qu'ils reçoivent à peu près le même montant d'aide sociale. Les réfugiés parrainés par le secteur privé ne reçoivent aucune aide gouvernementale pendant la période de parrainage de 12 mois. Au fil du temps, les réfugiés ont enregistré le même taux de réussite économique que les autres Canadiens en matière de revenu familial et d'accession à la propriété.
    Permettez-moi de vous donner un excellent exemple. Dix ans après leur arrivée au Canada, les réfugiés vietnamiens affichaient un taux de chômage plus faible et comptaient moins sur l'aide sociale que la moyenne canadienne. Un réfugié sur cinq avait lancé sa propre entreprise. Ils paient des impôts, créent des emplois et rendent le Canada meilleur. J'ai des documents que je pourrai remettre à votre personnel plus tard.
    Quels sont les coûts potentiels pour le Canada s’il décide de ne pas appuyer le pacte mondial sur les migrations? Il convient de noter que les approches isolées et très disparates des gouvernements à l'égard des migrants peuvent potentiellement causer du tort aux États voisins, alors que certains États pourraient se retirer du Pacte mondial en évoquant des raisons comme des menaces à la souveraineté, à la paix, à l'ordre et à la bonne gouvernance, leur manque de coordination avec les États voisins en matière de migration risque vraisemblablement d'accroître la fréquence des désordres et des manifestations ainsi que la détresse chez les migrants.
    Une autre conséquence est une occasion manquée pour le Canada de faire des projections à long terme des besoins en main-d'œuvre et de planifier les migrations pour répondre à ces besoins. La santé économique du Canada dépend de cette prévisibilité de la migration permanente et temporaire.
     Le fait de ne pas adhérer à ce Pacte mondial pourrait aussi entacher la réputation du Canada à l’étranger en qualité de chef de file du dialogue sur les questions d’intérêt commun, comme la migration internationale et les droits de la personne, ainsi que pour ce qui est de trouver un équilibre sain entre ces préoccupations et les intérêts nationaux.
     Enfin, il convient de mentionner que notre système de points d'immigration apporte une contribution importante à notre tissu social et économique. Cependant, compte tenu de la crise des déplacements que nous vivons dans le monde aujourd'hui, et qui s'aggrave probablement, le Canada a un rôle essentiel à jouer en respectant son engagement à l’égard de la réinstallation compatissante et humanitaire. Nous aimons nous féliciter de nos efforts de réinstallation et de parrainage des réfugiés, mais en regardant les statistiques, nous nous arrêtons et nous demandons si l’image que nous avons de nous-mêmes est exacte. Nos statistiques sur la réinstallation des personnes qui ont été forcées de fuir sont nettement inférieures à celles de nos migrants volontaires, lesquels sont souvent très qualifiés et riches.
    Y a-t-il un meilleur équilibre, particulièrement en ce qui concerne la crise actuelle, soit le déplacement de 68 millions de personnes dans le monde? Voilà ce que souhaitent très sincèrement les organismes de bienfaisance et groupes confessionnels comme ACT Alliance. Nous travaillons en première ligne et nous entendons les gens parler de leurs expériences douloureuses et traumatisantes. Je prie Dieu pour qu’il accorde sa miséricorde et éveille la générosité des Canadiens.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie tous les trois du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui, de votre expertise et de votre passion.
     Je me suis remémoré les nombreuses réunions avec la Croix-Rouge canadienne et d'autres organismes du genre dans ma vie antérieure, et j’ai pu abaisser les épaules et me détendre; c'est plus facile pour moi de le faire.
    Nous commençons notre tour de questions avec Mme Zahid.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur contribution importante aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous tous et porte sur la question qui a été abordée brièvement dans les remarques liminaires de Mme Klein et de Mme Kaastra-Mutoigo.
    Vous connaissez tous très bien le pacte mondial sur les migrations, alors pourriez-vous nous parler chacun d’une critique commune formulée par les détracteurs? Y a-t-il des preuves que cet énoncé de principes non contraignant porterait atteinte à la souveraineté nationale?
     Nous pourrions peut-être commencer par Mme Klein.

  (1555)  

    Le Pacte énonce explicitement le fait qu'il n'est pas juridiquement contraignant et que l'un des principes directeurs de son fonctionnement — comme l'a dit ma collègue Ida d’ACT Alliance — est qu'il tient pleinement compte de la souveraineté des États quant à l’adoption de leurs propres politiques nationales en matière de migration.
    Ce principe directeur est inscrit au paragraphe 15. Je vais le lire, parce que le libellé ne pourrait être plus clair.
Le Pacte mondial réaffirme le droit souverain des États de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence, dans le respect du droit international. Compte tenu de la diversité des situations, des politiques, des priorités et des conditions d’entrée, de séjour et de travail des pays, les États peuvent, dans les limites de leur juridiction souveraine, opérer la distinction entre migrations régulières et irrégulières, notamment lorsqu’ils élaborent des mesures législatives et des politiques aux fins de l’application du Pacte mondial, conformément au droit international.
    C'est là, madame, la déclaration la plus claire au sujet de la reconnaissance du rôle de la souveraineté nationale dans la prise de décisions nationales, mais ce concept est également repris explicitement dans de nombreuses autres parties du Pacte.
    Je dirai en terminant que, contrairement à ce qu'on peut lire dans la presse, cet accord n'autorise absolument personne à entrer dans un pays sans l'autorisation explicite des autorités nationales.
    Merci, madame.
    Merci.
     Pouvons-nous passer à M. Vinhas?
    Si les deux autres témoins veulent intervenir, elles peuvent le faire.
    Je passe mon tour. Je vais céder la parole aux autres.

[Français]

    Je vais citer ce qu'a dit le pape François:
Face aux défis migratoires d'aujourd'hui, hui, la seule réponse sensée est celle de la solidarité et de la miséricorde ; [...] La politique juste est celle qui se met au service de la personne, de toutes les personnes intéressées ; qui prévoit des solutions adaptées pour garantir la sécurité, le respect des droits et de la dignité de tous ; qui sait voir le bien de son propre pays en prenant en compte celui des autres pays, dans un monde toujours plus interconnecté.
    Je souhaitais simplement répondre en citant le pape François.

[Traduction]

    Merci.
    Pouvons-nous passer à la deuxième question?
    Madame Ida, vous pouvez y répondre.
    L'Allemagne est un chef de file dans le dossier de la migration. Pas plus tard qu'hier, la chancelière allemande Angela Merkel, parlant au Parlement allemand du pacte mondial sur les migrations, a décrit certains opposants au Pacte comme des gens qui croient tout pouvoir régler eux-mêmes sans avoir à penser aux autres. Elle a indiqué que cette attitude relevait d’un nationalisme dans sa forme la plus pure.
    Êtes-vous d'accord avec la chancelière Merkel? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la collaboration est la seule façon qui nous permettra de relever le défi de la migration mondiale auquel nous devons actuellement faire face?
    Oui, je suis d’accord. J'ai également essayé de souligner dans mes déclarations que les décisions que certains pays prennent et qu'ils croient pouvoir prendre isolément ont des répercussions sur les autres pays qui les entourent. C'est le triste résultat qu'obtiennent les dirigeants très nationalistes, et ce genre de pacte va permettre d'ouvrir le dialogue entre les pays. Si tout le monde adhère au Pacte et s'engage à le respecter, nous pourrons enfin avoir des conversations sur les pratiques prometteuses qui amélioreront la migration et la sécurité à nos frontières, et réduiront probablement le nombre de personnes en détresse. Oui, je suis d'accord avec elle.

  (1600)  

    N'importe lequel d'entre vous peut répondre à ma prochaine question.
    Si le Canada ratifie les deux pactes mondiaux, devra-t-il modifier ses politiques ou ses pratiques actuelles en matière d'immigration et de réfugiés? Des changements devront-ils être apportés?
    La ratification nous poussera à examiner les instruments que nous avons actuellement en place et à déterminer si certaines politiques sont utiles ou nuisibles.
    Par exemple, nous avons préconisé l'exonération des prêts que les réfugiés sont tenus de rembourser. Imaginez une personne qui arrive au pays avec presque rien, qui doit contracter un prêt et qui doit le rembourser au cours de la première année ou des deux premières années. Je ne peux pas imaginer ce qu’elle devra vivre. Pour moi, cette exigence doit être examinée.
    Il y a des choses de ce genre. Si l’on souhaite donner aux gens la capacité de s'établir ou de se réinstaller dans leur nouveau pays, il faut envisager de leur fournir les services de soutien nécessaires. Pouvons-nous faire mieux? Je pense que oui. Je pense que les Canadiens peuvent revoir ce qu'ils font actuellement.
    Madame Klein, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Pourriez-vous répondre rapidement?
    Oui. Merci beaucoup.
     Techniquement, ni l'un ni l'autre des deux pactes mondiaux ne serait ratifié au sens où il exigerait une loi, parce qu'il ne s'agit pas de traités internationaux. Cependant, pour ce qui est de la mesure dans laquelle le Canada respecte déjà les engagements, les aspirations et les objectifs de ces pactes, le Canada est très bien placé non seulement pour mettre en oeuvre ce à quoi aspirent ces pactes mondiaux, mais aussi pour en tirer des leçons.
    Je ne parlerai que du pacte mondial sur les migrations. Comme je l'ai dit, il y a 23 objectifs, et sous chacun d'eux, il y a une liste de 10 à 15 pratiques exemplaires tirées de l'expérience de différents pays du monde, y compris du Canada. Ces pratiques sont une mine d'idées à explorer, mais ne nécessitent pas de changement, donc comme on l'a dit...
    Je crains de devoir vous interrompre, mais merci beaucoup.
    Pas de problème.
    C'est au tour de Mme Rempel.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis un peu confuse. Vous avez dit que l'accord n'est pas contraignant, mais j'ai entendu dire que s'il n'était pas ratifié par tout le monde, alors les efforts ne pourraient pas être coordonnés, et j'ai entendu dire que le Canada serait tenu de réfléchir aux principes ou de les mettre en oeuvre s’il n'y en a pas. Un changement de politique a été suggéré ici avec l'annulation des prêts.
    Si le Pacte n'est pas exécutoire, mais qu’il oblige le Canada à apporter des changements, est-ce que cela veut dire essentiellement que l’ONU affectera des rapporteurs pour clouer le Canada au pilori ou remettre en question ses politiques souveraines s'il ne se conforme pas au Pacte mondial, s'il est adopté, dans l'avenir?
    Voulez-vous que je réponde à cette question?
    Rien n'obligera le Canada à apporter des changements à la suite de l’adoption du pacte mondial sur les migrations — rien. Il n'y a aucune exigence.
    D'accord, mais vous venez de dire qu'il y a des aspects pour lesquels vous souhaiteriez que des changements soient apportés par suite de l'accord, et il y a certains principes que le Canada ne met pas en oeuvre à l'heure actuelle, alors les Nations unies pourraient peut-être...?
     Nous avons souvent eu des rapporteurs qui ont rédigé des rapports sur la politique canadienne. Pensez-vous que les Nations unies pourraient exercer des pressions sur le Canada pour qu'il modifie sa politique dans l'avenir si elle n'est pas conforme à la définition de l'ONU dans ce dossier?
    Je ne parlerai que du pacte mondial sur les migrations, et non du pacte mondial sur les réfugiés. Dans le contexte de la migration, on s'attend à ce qu'il y ait un mécanisme d'examen tous les quatre ans, mais que le genre d'examen serait déterminé par les États membres, alors il serait...

  (1605)  

    Dans le cadre de ce mécanisme d’examen, les politiques du Canada seraient ensuite examinées et passées au peigne fin...
    Non, en réalité...
    ... dans le cadre d’un processus comme celui du rapporteur de l'ONU que nous connaissons et aimons tous.
    Non, ce n'est pas du tout le même processus que celui du rapporteur. Aucun nouveau rapporteur spécial n'est nommé dans le cadre de ce Pacte, et en fait, à l'heure actuelle, il n'y a pas de rapporteur, mais un représentant spécial pour les migrations internationales nommé par le secrétaire général et...
    Le Pacte n'a donc pas force exécutoire et personne n'est tenu de le mettre en oeuvre, et il n'y a pas vraiment de processus. Vous dites que l'ONU n'inciterait personne à le faire. Alors pourquoi avons-nous dépensé autant d'argent pour l'élaborer?
    J'allais vous dire que le processus d'examen doit être entièrement volontaire, c'est-à-dire que les États décident ce qu'ils veulent partager entre eux sur le plan des pratiques et apprennent les uns des autres, et déterminent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et c'est...
    J'ai rencontré des représentants du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et j'ai demandé qu'on examine la sélection des PDIP et pourquoi les yézidis n'ont pas été orientés vers le Canada dans le cadre de l'initiative des réfugiés syriens, et j'ai entendu dire que non, nous n'avons pas besoin de changer quoi que ce soit, que c’est très bien, que tout va bien, mais pourtant, l'ONU a consacré beaucoup de temps et d'argent à l'élaboration d'un accord qui, selon vous, n'exige pas vraiment que personne ne fasse quoi que ce soit.
    La décision selon laquelle ces accords ne sont pas contraignants a été prise par les États membres. En septembre 2016, dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, qui a été adoptée par l'Assemblée générale, tous les États membres de l'ONU ont dit qu'ils voulaient créer des pactes non juridiquement contraignants. C'était une décision des États membres.
    Je vais vous poser une seule question. Dans le Pacte, il est dit que les États membres devraient éduquer les professionnels des médias sur les questions et la terminologie liées aux migrations et investir dans les normes journalistiques. Quelles seraient ces normes?
    Ce sera à chaque pays et aux médias d'information de décider.
    Qu’en pensez-vous?
    Vous voulez dire au sujet des normes journalistiques et médiatiques? On parle d’informations justes et exactes.
    Mais qu’est-ce que cela signifie? Dans le champ de compétence de l'ONU, à quoi cela ressemblerait-il? Si nous l'examinions, quelle serait un des éléments importants sur notre liste?
    Il s'agirait de statistiques réelles, de données, de suivi des tendances, de suivi du marché du travail...
    C’est la terminologie. Je me demande si ce serait comme cocher une case.
    Non, tous les contextes sont différents. Chaque État a une définition différente. Chaque État a un ensemble différent de bases de données statistiques et de rapports. Il existe une définition internationale de réfugié...
    Certains pays seraient en mesure de traiter de certains éléments tandis que d'autres ne pourraient pas le faire.
    Ce sera à chaque pays de décider comment il rapporte les informations. La disposition dont vous avez parlé vise à encourager le discours fondé sur des données probantes et les politiques fondées sur des données probantes.
    Quelles sont les lacunes du discours à l'heure actuelle?
    Il y a souvent des hypothèses ou des mythes au sujet de la migration ou des réfugiés.
    Comme?
    Les plus fréquents...
    J'invoque le Règlement. La témoin a-t-elle au moins une minute pour répondre aux questions? Il ne lui reste peut-être que 10 ou 11 secondes au maximum, pour répondre à une question. Vous ne pouvez pas donner une réponse claire et concise en 11 secondes.
    C'est mon temps, monsieur le président, et il ne me reste qu'une minute, je crois.
    C'est votre temps de parole, mais je tiens à rappeler à madame que si la témoin a répondu à une question, elle a le droit de ne pas y répondre encore, si on lui pose la même question plusieurs fois. Elle a le droit de répondre à une question...
    Je pose une question. Au sujet de l’invocation du Règlement, le Pacte et nombre des critiques qu’il a soulevées suggèrent qu’il y aurait une sorte de norme journalistique et une terminologie. Ma collègue, qui est la ministre de l'Immigration de l'Ontario, et moi-même avons reçu des insultes de la part du premier ministre et de notre ministre de l'Immigration parce que nous avions soulevé un doute quant au fait que les gens fuient la persécution dans le nord de l'État de New York, par exemple.
    Je serai peut-être plus directe. Conformément au pacte mondial sur les migrations, diriez-vous que le fait que j'appelle quelqu'un qui traverse illégalement la frontière entre les États-Unis et le Canada un migrant illégal serait une mauvaise terminologie que le Pacte mondial cherchera à corriger?

  (1610)  

    Non, quelqu'un qui arrive sans autorisation arrive sans autorisation.
    Est-ce que l'expression « migrant illégal » est correcte dans le pacte mondial sur les migrations?
    Rien n’empêche d’utiliser cette terminologie. Normalement, l'ONU parlerait d’une personne qui traverse la frontière de façon irrégulière, mais ce n'est pas une exigence et ce n'est pas de la censure. Il est possible d’utiliser le terme « illégal » également. Nous préférons le terme « irrégulier », mais nous n'allons sanctionner personne pour l’utilisation du terme « illégal ».
    Dans le cadre du Pacte mondial, si le Canada faisait l'objet d'un examen à cet égard, quel serait le traitement réservé? Les journalistes seraient-ils...
    Je suis désolé, votre temps est écoulé.
    Madame Kwan, c'est votre tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
     Il est intéressant de noter qu'au moment où nous entamons cette discussion, certaines personnes insistent pour dire que les demandeurs d'asile traversent illégalement la frontière, alors qu'ici au Canada, notre loi, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, stipule explicitement que ceux qui traversent la frontière de façon irrégulière ne commettent pas d'infraction criminelle.
    Cela dit, ma question est la suivante, et je serai très directe. Les conservateurs à la Chambre des communes, je crois que c'était cette semaine, ont demandé au premier ministre de se retirer du Pacte mondial. J'aimerais vraiment que nos témoins nous parlent des conséquences pour le Canada si nous nous en retirons.
     Nous allons commencer par les gens qui sont à l'écran, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Mme Kaastra-Mutoigo nous a déjà fait part de certaines de ses réflexions à ce sujet. J'aimerais que nous commencions par les gens qui sont à l'écran.
    Peut-être que Stéphane peut y répondre.

[Français]

     Je ne pense pas que des politiques ou des lois, ou encore une souveraineté dressée comme un mur, empêcheront les gens de migrer. C'est pour cela que j'insiste encore une fois sur le travail qui doit être fait sur les raisons profondes des migrations. En outre, comme vous l'avez si bien dit, il faut que les gens qui arrivent au Canada puissent bénéficier de toutes les protections possibles pour assurer leur dignité en tant qu'êtres humains.

[Traduction]

    Merci.
     Je vais donner la parole à notre deuxième témoin, puis je poserai ma question complémentaire.
    Merci beaucoup.
    Vous avez demandé précisément quelles seraient les conséquences pour le Canada s’il se retire. Je pense qu'il y a trois grandes conséquences.
    Tout d'abord, il perdrait la coopération, dont il a désespérément besoin, et la confiance qui lui permettent de s’attaquer à ce qui est fondamentalement un phénomène transfrontalier national. Je ne parle pas seulement avec son voisin du Sud, mais avec les pays dans le monde entier. Le risque réel est une perte de coopération.
    Deuxièmement, le Canada perdrait sa réputation sur la scène internationale et, comme il a si bien été dit auparavant, son engagement historique à l'égard de politiques justes et équitables en matière d'immigration et de réfugiés, ainsi que son leadership à l'échelle internationale.
    Troisièmement, le Canada aura des besoins très précis découlant de la migration réelle, laquelle ne disparaîtra pas, qu’il fasse partie ou non de ce cadre. Vous perdrez la capacité d'avoir des outils qui peuvent vous aider à travailler ensemble pour rendre votre intervention plus efficace.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Kaastra-Mutoigo?
    Pour moi, la plus grosse perte sera les soins et la générosité dont nous faisons preuve à l'égard des personnes qui souffrent. C’est la chose qui me déprime le plus.
    Merci.
    Nous et nos invités avons constaté la situation à l'échelle mondiale et le besoin de coopération, d'où le Pacte. Pour ce qui est de l'action directe du Canada, à part le fait de faire partie du Pacte, que pensez-vous que le Canada peut offrir à la table? Est-ce qu’il permet d'obtenir plus d'aide, par exemple? Certains nous ont dit, lors de nos séjours en Ouganda, que nous devons continuer à admettre le nombre de réfugiés pour la réinstallation même si nous ne pouvons pas réinstaller tout le monde. Le Canada peut ainsi envoyer le message à tout le monde qu’il fait partie de la solution et que la réinstallation en fait partie. Ce n'est pas la seule solution, mais c'est un élément.
    À cette fin, je me demande si vous avez des recommandations précises à faire pour que le Canada prenne des mesures directes au-delà du Pacte.
    Encore une fois, je vais donner la parole à tous les intervenants dans l'ordre où ils ont répondu à la question précédente.

  (1615)  

[Français]

    Malgré sa situation enviable, le Canada accueille, selon les chiffres de 2016, l'équivalent de 1,7 % de toutes les personnes déplacées. Vu la situation économique du Canada, il y a encore des progrès à faire pour ce qui est de l'accueil.
    Le plus important, c'est que le Canada augmente le financement qu'il accorde aux pays hôtes, qui sont généralement les pays du Sud recevant le plus de migrants et de réfugiés, afin de leur permettre de faire face aux situations d'urgence et d'augmenter leur capacité de développement. Ainsi, ces pays hôtes du Sud seront mieux en mesure d'accueillir les migrants et d'assurer leur protection et leur dignité. Si on n'aide pas les migrants dans les pays de transit, ils finiront par se retrouver possiblement au Canada.

[Traduction]

    Avez-vous une suggestion quant au pourcentage ou au nombre précis?

[Français]

    Excusez-moi, mais de quel pourcentage parlez-vous?

[Traduction]

    Je parle de nombre de réinstallations.

[Français]

    Je n'ai pas de chiffres là-dessus. C'est au Canada de faire ses propres analyses financières et de déterminer quelle est sa capacité d'accueil. Néanmoins, si on le compare à des pays comme la Jordanie et le Liban, qui reçoivent des millions de personnes sans avoir la capacité financière de le faire, il est sûr que le Canada peut en faire beaucoup plus.
    Cela dit, encore une fois, accueillir des migrants et des réfugiés au Canada n'est pas forcément la solution à privilégier. La meilleure solution consisterait plutôt à faire en sorte que les gens ne partent pas de chez eux. C'est cela, le plus important.

[Traduction]

    Merci.
    Stéphane l’a très bien exprimé. À bien des égards, le portrait à long terme des tendances migratoires — et je ne parle pas ici des réfugiés —, c'est que nous devons nous pencher sur ce qui pousse les gens à se déplacer. Souvent, c'est l’absence de possibilités chez eux.
    L'engagement du Canada et d'autres gouvernements dans le monde dans le cadre du programme de développement durable à long terme — lequel vise à réduire l'insécurité et les conflits — favorise le développement et améliore les conditions qui permettent aux gens de vivre en sécurité et dans la dignité chez eux et de ne pas se trouver dans un contexte qui les force à se déplacer, notamment en raison des conséquences de la dégradation croissante de l'environnement, laquelle est exacerbée par les changements climatiques. Beaucoup de choses qui ont une incidence sur les politiques et les pratiques relatives aux migrants et aux réfugiés peuvent être faites pour améliorer les conditions et limiter les risques pour les personnes. Le Canada est en mesure de montrer la voie à suivre à cet égard.
    Je crains de devoir vous interrompre ici.
    C'est au tour de M. Ayoub.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous.
    Les migrations mondiales sont un sujet très intéressant, et les gens partout dans le monde font beaucoup d'efforts pour avoir une plateforme où s'exprimer, ce qui permet de discuter des migrations mondiales, d'en connaître les causes et d'agir sur celles-ci.
    J'ai l'impression que deux réalités s'affrontent dans la façon de regarder cela. On peut en faire abstraction et ne pas y participer, mais on sait que les absents ont toujours tort. La meilleure façon de favoriser la réintégration des réfugiés, que ce soit dans leur pays d'origine ou dans leur pays d'accueil, est de participer à l'élaboration d'un plan. C'est ce que les pactes mondiaux semblent faire. Les personnes récalcitrantes à ces plans trouveront toutes sortes de raisons pour ne pas y adhérer. Elles ont peur et se replient sur elles-mêmes. Il y a deux réalités qui s'affrontent.
    Les États-Unis ne participeront pas à l'élaboration d'un plan. Or le Canada est un voisin important des États-Unis, et sans nécessairement vouloir devenir un leader mondial en matière d'immigration, il veut avoir une politique qui favorise l'acceptation et prône la compassion et l'équité. Comment peut-on faire connaître tous les détails de la politique migratoire à la population canadienne afin de la convaincre du bien-fondé d'une telle politique? Comment peut-on faire pour que le gouvernement Trudeau soit un leader et continue à avoir de la compassion? Le Canada a une grande histoire de compassion, mais il y a une sorte de courant conservateur dans la façon d'agir. Comment peut-on convaincre nos amis conservateurs que c'est la bonne chose à faire?
    Les témoins peuvent répondre dans l'ordre qui leur convient. Monsieur Vinhas, voulez-vous commencer?

  (1620)  

    Pour revenir à l'actualité, je vous dirais que toutes les politiques migratoires, tout ce que les États-Unis mettent en place et les menaces formulées par leur président n'empêchent pas des caravanes de migrants de s'organiser. Ce ne sont même plus des considérations individuelles, ce sont carrément des communautés de migrants qui décident de former une caravane pour se rendre aux États-Unis. On fait erreur en pensant qu'on est une île au centre du monde. Même si on était cette île, les gens pourraient quand même prendre un bateau pour y venir. On l'a vu encore une fois dans le cas des Rohingyas.
    Je répète que tous les murs que nous construirons ne serviront à rien. Il faut plutôt assurer la dignité des personnes. Comme vous le dites, le Canada est un pays d'accueil. Si un jour ses citoyens se retrouvaient à devoir fuir leur pays, ils seraient bien heureux que d'autres pays fassent preuve d'ouverture et de générosité à leur égard.
     Madame Kaastra-Mutoigo, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je regarde toujours cela du point de vue des bienfaits du Canada. Pour ceux qui sont probablement plus conservateurs, je dirais qu'il faut regarder notre société civile et l'énorme richesse qu’est sa capacité d’accueillir les gens et la façon dont nous pouvons éveiller cet esprit chez les Canadiens.
    Si je regarde notre propre communauté confessionnelle formée de plus de 200 églises, 75 % d'entre elles veulent soutenir les réfugiés. Nous n'avons même pas assez de places. En septembre, les places sont toutes pleines. Ces gens aident les réfugiés à se remettre sur pied, à trouver un emploi et à lancer une entreprise. Regardez leur contribution au développement économique. Mettre des obstacles qui limitent la croissance du Canada, à un endroit où il y a énormément de place... Il suffit de prendre l'avion et d’aller à l’autre bout du pays et de regarder les ressources que nous avons par rapport aux États-Unis. Elles sont tout simplement gigantesques.
    Pour moi, la clé, c'est d'examiner la question du point de vue de nos atouts et de trouver des moyens de multiplier ces atouts. C’est ce que fera le Pacte. Pensez à ce que nous faisons pour bien réinstaller les réfugiés.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Madame Solomon, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Oui, très brièvement, et merci beaucoup, monsieur, de votre déclaration. Elle est très humaine et convaincante.
    L'un des principaux objectifs du pacte mondial sur les migrations est de renforcer la primauté du droit et d'assurer l'application régulière de la loi dans les politiques migratoires du monde entier. De toute évidence, le Canada a pris un engagement à cet égard et a vraiment intérêt à veiller à ce que les autres pays en fassent autant. Ce sera important pour répondre aux besoins du marché du travail au Canada.
    Certaines provinces de l'Ouest, bien sûr, affichent des pénuries de compétences dans des secteurs particuliers qui peuvent être réglées notamment par des travailleurs migrants. Le Canada a également intérêt à réduire la migration irrégulière, alors il peut apporter beaucoup au reste du monde.

  (1625)  

    Merci de votre réponse.
    Il ne me reste pas beaucoup de temps.

[Français]

    On fait des ententes commerciales partout dans le monde et on s'en glorifie. On veut avoir de l'influence, participer à cela et favoriser une certaine équité. M. Vinhas a parlé de l'élimination des causes profondes des migrations forcées et du retour des réfugiés.
    Comment peut-on imputer une certaine responsabilité à des peuples ou à des pays qui finissent par être la cause d'une migration non voulue en raison d'une guerre ou...

[Traduction]

    C'est une bonne question, mais je crains de ne pas pouvoir les laisser répondre.

[Français]

    Vous aurez peut-être l'occasion d'y répondre plus tard.
    Je m'excuse.

[Traduction]

    Allez-y, madame Rempel.
    Pour Michele, le 22e objectif du pacte sur les migrations est de « mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis ».
    Qu'est-ce que cela signifie?
    Je vous donne un exemple dans les Caraïbes. Si quelqu'un a travaillé dans un pays des Caraïbes pendant de nombreuses années et a contribué au système de sécurité sociale et de soins de santé, lorsqu'il retournera dans son pays d'origine, il pourra récupérer la valeur de ses contributions grâce à un accord de coopération d'État à État.
    D'accord, pouvez-vous nous expliquer comment ces mesures fonctionneraient selon vous?
    Il y a des exemples où ces mesures fonctionnent déjà dans certains cas, en grande partie dans le cadre d'accords bilatéraux entre pays. Dans certaines régions du monde, cela se fait à l'échelle régionale.
    Si quelqu'un est admissible aux soins de santé dans un pays et déménage dans un autre, il conserverait le même droit. Est-ce bien ce que vous dites?
    Non, il récupérerait la valeur des droits accumulés, par exemple, des droits à pension. Si vous avez droit à une pension, si vous avez travaillé dans un pays pendant 10 ans et que vous avez cotisé au régime de pensions, vous pourriez emporter avec vous, à votre retour, s'il y a une entente entre les pays, la valeur de votre pension dans votre pays d'origine. On parle seulement de ce que vous avez accumulé par vos propres cotisations.
    Pour ce qui est de l’administration de cet accord, est-ce que ce serait...? J'essaie simplement de comprendre comment il fonctionne. Je sais qu'il y a beaucoup de questions au sujet des contributions de l'État.
    Avez-vous d'autres renseignements à ce sujet, pour que je comprenne bien?
    C’est difficile. C'est un sujet complexe, parce que le système national de chaque pays est différent. Pour assurer la portabilité d'un système à l'autre, il faut établir des mécanismes de traduction entre les systèmes.
    Comme je l'ai mentionné, dans les Caraïbes, par exemple, où les gens ont tendance à se déplacer et à travailler dans différents pays à différents moments de leur carrière, on a mis au point un système qui permet de répartir le temps gagné dans divers systèmes et de travailler pour...
    L’objectif ultime serait d'établir un système mondial à cet égard.
    Je ne pense pas qu'il soit réaliste d’établir un système mondial dans un avenir rapproché.
    Mais c’est ce que vise l’accord.
    Pas nécessairement. On y parle d’ententes bilatérales et régionales. Personnellement, et ce n'est que mon opinion, mais après l’avoir vu, je pense qu’il n’est pas réaliste d’imaginer un système mondial de grande envergure sur cet aspect dans un avenir rapproché.
    Y a-t-il quelque chose dans l’accord qui concerne la réforme de la sélection des réfugiés par les Nations unies pour qu’ils soient dirigés vers des pays d'accueil comme le Canada?
    Cela relève précisément de la compétence du Haut-Commissariat pour les réfugiés. Je vous demanderais donc de leur poser la question directement.
    Êtes-vous en train de dire que cela n’est pas du tout inclus dans cet accord? N’y a-t-il pas de mécanismes de réforme pour les Nations unies prévus dans cet accord?
    Parlez-vous du Pacte mondial sur les réfugiés ou du Pacte mondial sur les migrations?
    Je parle des migrations. Il n’y est pas question de réforme du processus des Nations unies.
    Il y a beaucoup de discussion.
    Mais elle est davantage axée sur les États membres.
    Oui, mais dans le Pacte mondial sur les migrations, on reconnaît aussi la décision du Secrétaire général des Nations unies d'intégrer un nouveau mécanisme de coordination au régime des migrations des Nations unies.
    Je vois, et comment fonctionnerait-il?
    Le Secrétaire général a décidé de créer ce qu’on appelle un réseau des migrations, dont le coordonnateur au secrétariat sera l’Organisation internationale pour les migrations, qui réunira les différentes parties du régime des Nations unies pour travailler de manière plus efficace au soutien des États membres.

  (1630)  

    Pourriez-vous déposer devant le Comité des renseignements au sujet de cette exigence particulière? C’est toutefois nouveau pour moi. Il serait intéressant d’obtenir plus d’information à ce sujet.
    Comme il ne me reste que quelques secondes, je vais poser une dernière question. Savez-vous combien d’argent le Canada a consacré à l’élaboration du Pacte mondial sur les migrations?
    Je ne le sais pas, parce que c’est votre mission diplomatique à New York qui négocie cela, et ce sont les gens qui sont affectés à votre mission là-bas qui vont mener ces négociations.
    Pour ce qui est du personnel supplémentaire, de l’organisation de réunions ou de ce genre de choses, y a-t-il une sorte de budget qui indique combien nous avons dépensé?
    Je ne le sais pas non plus. Jusqu’à maintenant, cela s’est fait dans le cadre des ressources existantes. Le processus menant au pacte mondial n’a pas eu de conséquences budgétaires supplémentaires.
    Merci.
    Vous devez vous arrêter ici.
    Monsieur Whalen, comme je vois que quelqu’un essaie de prendre votre fauteuil, je vais vous accorder deux minutes, puis nous allons terminer cette heure.
    Merci à tous d’être venus.
    Ma question porte sur les causes profondes des migrations. J’ai regardé le document qui a été préparé par le Vatican, que nous avons eu l’occasion d’examiner à partir du mois de janvier, et qui compte une vingtaine de principes à observer dans l’élaboration des pactes. Lorsque je regarde le pacte sur les migrations en soi... j'aimerais peut-être me concentrer sur l’objectif 2.
    Vous parlez de réduire le plus possible les facteurs défavorables et les facteurs structurels qui poussent les gens à quitter leur pays d’origine, mais il n’est pourtant pas question ici d’impunité, même s'il semble que l’impunité de l’État soit l’un des principaux moteurs de l’exode de masse dans divers pays, que la cause en soit l’effondrement des droits de la personne dans certains pays ou simplement la kleptocratie dans les pays en développement. Comment pouvons-nous envisager de revigorer les institutions étatiques à l’intérieur des pays d’origine pour les migrants, parce que je ne vois rien de cela expressément dans le document préparé par le Vatican ou dans le Pacte, mais cela doit être considéré comme la cause première.
    Si vous me le permettez, monsieur, vous avez parfaitement raison, et j’aimerais attirer votre attention sur l’objectif 2, à la dernière phrase de l’alinéa 18b) qui porte en fait sur la primauté du droit et de la saine gouvernance, de l’accès à la justice et de la protection des droits, ainsi que de la création et du maintien de sociétés pacifiques et inclusives dotées d’institutions efficaces, responsables et transparentes, ce qui rejoint directement votre argument.
    Merveilleux. C’est formidable de voir là cette affirmation.
    En ce qui concerne les documents du Vatican, Stéphane...

[Français]

     Tout à l'heure, j'ai parlé du document du Vatican. Il faut que les États du Sud prennent leurs responsabilités. Ces États ont aussi des responsabilités et il faut appuyer les sociétés civiles qui travaillent à ce qu'il y ait moins de corruption et à ce que les droits soient davantage respectés. Dans un pays, il y a aussi des courants et des forces diverses qui s'exercent. Il faut appuyer les sociétés civiles qui demandent aux États de prendre leurs responsabilités, car ces derniers sont à l'origine de ce qui se passe. La responsabilité ne revient pas seulement aux pays du Nord. Dans un monde interconnecté, les problèmes, et leurs solutions, se trouvent à la fois au Nord et au Sud.
     Je vous remercie tous d'avoir démontré l'importance du Pacte mondial.

[Traduction]

     Merci beaucoup à tous nos témoins. Vos commentaires ont été très utiles.
     Je suis toujours impressionné quand on pose une question et que quelqu’un répond d'aller voir au numéro 2, à l’alinéa 18b). C’est comme s’ils savaient de quoi ils parlent. Il est vraiment très utile pour notre comité de profiter d’une telle expertise de vous trois.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants pour permettre à notre prochain groupe de témoins de s’installer.

  (1630)  


  (1635)  

    La séance reprend. Merci beaucoup.
    Nous allons souhaiter la bienvenue à nos témoins qui se joignent à nous par vidéoconférence.
     Monsieur Elie, de la Suisse à nouveau, je me rends compte qu'il est très tard pour vous. Merci de vous joindre à nous.
     Monsieur Axworthy, du Manitoba, merci de vous joindre à nous.
    Je remercie M. McArthur et Mme Singh, de CARE Canada, qui sont présents.
    Je crois que nous allons commencer par M. Elie, du Conseil international des agences bénévoles à Genève.
    Chacun des témoins dispose de sept minutes, après quoi nous leur poserons des questions.
    La parole est à vous, monsieur Elie.

[Français]

    Vous pouvez parler en français ou en anglais.
    C'est pour un moi un privilège de m'adresser au Comité.

[Traduction]

     Je vais continuer en anglais, mais je serai heureux de répondre aux questions en français.
    Je travaille à Genève pour un réseau mondial d’ONG, le Conseil international des agences bénévoles. En conséquence, j’ai suivi de près le processus du Pacte mondial, j’ai assisté à des réunions et j’ai eu de longs échanges avec des ONG, le HCR et les États membres. Je vais m’inspirer de cette expérience pour vous présenter quelques réflexions au sujet du Pacte sur les réfugiés et de la façon dont il pourrait être mis en oeuvre.
    Tout d’abord, les origines du Pacte sur les réfugiés se trouvent dans la crise de 2015, qui a mis en lumière les grandes faiblesses du régime des réfugiés, en particulier l’absence de lignes directrices claires pour favoriser la coopération internationale dans ce domaine et la responsabilité disproportionnée assumée par quelques États, comme bailleurs de fonds ou comme pays d’accueil.
    Tout cela a démontré notre incapacité collective d'intervenir de manière prévisible, équitable et durable face à la situation des réfugiés.
    En réaction, les États membres des Nations unies ont appelé à l’élaboration d’un pacte sur les réfugiés et ont également demandé au HCR de mettre en œuvre le Cadre d'action global pour les réfugiés, le CRRF, qui fait maintenant partie intégrante du Pacte.
    Le Pacte a été élaboré en 2017 et 2018 dans le cadre d’un processus inclusif réunissant les États membres, le HCR et d’autres intervenants, y compris des ONG. Il y a donc propriété collective de ce document.
    Au cœur du processus, une série de six consultations formelles tenues cette année sur la base des textes provisoires. Chaque État membre a eu l’occasion de commenter, de signaler ses préoccupations et de suggérer des changements aux textes au cours du processus.
    Je crois que les ONG canadiennes ont apporté leur contribution, et le Canada a participé activement au processus dès le début, par exemple, lorsque l’ambassadeur McCarney présidait l’organe directeur du HCR, et plus tard aussi, dans le cadre de diverses initiatives.
    Comme vous le savez peut-être, l’adoption du Pacte est maintenant prévue à l’Assemblée générale le mois prochain. Déjà, la semaine dernière, les États membres de l’ONU se sont montrés très favorables à ses objectifs.
    En quoi consiste le Pacte? On peut considérer qu’il s’agit d’un plan visant à revigorer le régime des réfugiés et à mettre en oeuvre, de façon plus efficace et prévisible, les engagements déjà pris dans le cadre de la Convention de 1951 et d’autres instruments juridiques.
    Ainsi, le Pacte est un document pratique plutôt que normatif. Il réaffirme des obligations existantes comme le principe fondamental du non-refoulement et détaille les dispositions que les États et les autres acteurs peuvent mettre en œuvre pour améliorer leurs interventions.
    Parmi les principales caractéristiques du Pacte, j'aimerais souligner les trois suivantes.
    Il y a d’abord les dispositions visant à élargir la base de soutien et à étendre le partage des responsabilités, principalement par l'entremise d’un Forum mondial sur les réfugiés, conçu comme une nouvelle forme d’engagement régulier. Il s’agira d'un forum à multiples intervenants, c’est-à-dire qu’il ne reposera pas seulement sur des contributions de l’État, et il tentera d’aller au-delà des contributions financières, en appelant également à l’engagement, par exemple, de lieux de réinstallation, d’assistance technique et de changements de politique. La reddition de comptes sera assurée au moyen d'un processus de suivi des engagements pris et le forum sera également l’occasion de mettre en valeur de saines pratiques.
    Deuxièmement, le Pacte fait progresser la tendance mondiale qui s’éloigne de l’approche du camp de réfugiés pour promouvoir l’autonomie des réfugiés et leur inclusion dans les collectivités qui les accueillent, dans les systèmes nationaux et dans les plans de développement. Il appelle également à la mise en place d’une coopération constructive entre les acteurs humanitaires et ceux du développement.
    Enfin, la troisième caractéristique principale du Pacte veut qu'il accorde une grande importance à l’appropriation et au leadership nationaux dans la planification et la mise en œuvre des interventions en faveur des réfugiés.

  (1640)  

     Je pense que l’adoption du Pacte ne marquera pas la fin du processus, mais le début d’efforts collectifs pour en réaliser le potentiel. Je dis cela tout d’abord parce que des éléments du texte nécessiteront d’autres précisions. La façon d’organiser le Forum mondial sur les réfugiés en est un exemple, mais il y en a d’autres, comme la définition de moyens de renforcer des réseaux nationaux, comme ceux de la santé et de l’éducation, pour inclure les réfugiés.
    N’oublions pas non plus que le Pacte est déjà mis en oeuvre par l'intermédiaire du CRRF. Au cours des deux dernières années, une nouvelle volonté politique et des partenariats ont été mobilisés dans de nombreux pays en vue d’améliorer la vie des réfugiés. Bien sûr, il reste de nombreux défis à relever, mais nous pouvons poursuivre sur notre lancée.
    De ce point de vue, je pense que les partenariats seront au centre de la mise en oeuvre du Pacte, ce qui aura l’effet multiplicateur nécessaire pour accroître notre capacité collective d’intervention. Le Pacte vise vraiment à développer des approches multipartites, avec la participation des réfugiés eux-mêmes, et c’est très important.
    Enfin, en évaluant l’incidence que le Pacte peut avoir sur le Canada et sur nous tous, je pense qu’il est important d’analyser les risques associés aux lacunes actuelles du régime d'aide aux réfugiés. Échouer dans notre intervention auprès des réfugiés ne peut que mener à la radicalisation et à la perte de générations, ce qui n’est dans l’intérêt de personne.
    Nous pouvons également dire que les attentes envers les États hôtes sont élevées, et nous avons donc besoin du Pacte et d’autres efforts pour rétablir la confiance et la crédibilité du régime d'aide aux réfugiés.
    De ce point de vue, nous savons qu'à l’échelle mondiale, le Canada est considéré comme un chef de file en matière de politique relative aux réfugiés. Le Canada est reconnu pour ses principales contributions en matière de réinstallation et de voies complémentaires. Il est également un chef de file de l’éducation des réfugiés et de la protection et de l’autonomisation des femmes et des filles. Nous en sommes tous reconnaissants et nous serions ravis de voir d’autres efforts.
    Compte tenu des besoins criants, nous espérons que le Canada contribuera grandement au Forum mondial sur les réfugiés en prenant des engagements, mais aussi en mettant en valeur les saines pratiques. Les contributions ne se traduiront pas nécessairement par des niveaux de financement plus élevés ou davantage de lieux de réinstallation, même si cela serait aussi formidable, bien sûr; elles signifieront aussi que votre pays continuera de prêcher par l’exemple, de partager son expérience et son expertise, d'utiliser ses bons offices et son pouvoir rassembleur.
    Pour prendre un exemple concret, votre Initiative mondiale de parrainage de réfugiés vise à aider d’autres pays à ouvrir de nouvelles voies pour la protection des réfugiés. C’est exactement l’esprit du Pacte.

  (1645)  

    Je vous demanderais de conclure assez rapidement, s’il vous plaît.
    D’accord.
    En conclusion, les ONG ont parfois remis en question certains éléments du Pacte, comme l’absence de considération pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, mais dans l’ensemble, nous considérons qu’il s’agit d’une réalisation majeure qui contribuera à remodeler les interventions d'aide aux réfugiés. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il faudra une volonté politique et l’engagement de tous les intervenants.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Axworthy.
    Vous devriez peut-être vous inscrire à notre programme de fidélisation des témoins. Vous accumuleriez beaucoup de points. Nous sommes très heureux de vous revoir.
    Merci beaucoup.
    Je suis heureux d’être ici au nom du Conseil mondial pour les réfugiés et de dire tout d’abord que nous appuyons avec conviction l’importance du Pacte. Nous soulignons qu’il est essentiel de pouvoir commencer à mobiliser le soutien, la reddition de comptes, la participation directe et, bien entendu, le financement, qui sont tous des éléments cruciaux du bon fonctionnement d’un système d'aide aux réfugiés.
    Même dans son sens le plus large, le Pacte représente un engagement continu à trouver des solutions internationales, multilatérales, collaboratives et coopératives, par opposition au grand mal de notre époque, qui consiste à faire cavalier seul pour revenir à une forme de nationalisme du XIXe siècle symptomatique du « chacun pour soi ». Comme nous le savons, cette approche est tout simplement irréaliste face à un phénomène mondial.
    Maintenant, selon les derniers chiffres, il existe entre 26 et 27 millions de réfugiés dans le monde, et un nombre presque égal de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, un phénomène qu’il est essentiel d’intégrer à tout processus de réforme, soit dit en passant. Il y a des millions d’apatrides à qui on a refusé toute forme d’ancrage, de crédibilité ou de légitimité.
    Ce que nous disons, c’est que nous appuyons le Pacte. Comme l’a dit un intervenant précédent, c’est un début. C’est un cadre qui doit maintenant être développé en fonction des outils de travail qui sont mis en place. Je suppose que c’est comme la transition des architectes aux plombiers et aux charpentiers, qui doivent maintenant commencer à construire, ou à reconstruire, un système d'aide aux réfugiés qui se trouve vraiment dans une situation très précaire.
    Commençons par un exemple très clair, soit le système de financement. C’est un système de dons entièrement volontaire. Les négociateurs du Pacte n'ont pas été autorisés à inclure cela dans leurs négociations; ce n’était pas leur mandat. En conséquence, les propositions très importantes concernant un cadre global pour les réfugiés dépendront toujours de la bonne volonté et de la charité des autres pays et donateurs. Or, comme nous le savons, ce groupe ne cesse de rétrécir.
    L’une des choses sur lesquelles nous voulons insister comme conseil, c’est que nous devons maintenant commencer à examiner un ensemble beaucoup plus précis de trousses d’outils. Dans le domaine financier, nous nous sommes vraiment penchés sur la façon d’appliquer certaines des pratiques exemplaires en matière de préférences commerciales pour assurer conjointement le développement économique des gens dans les pays d’accueil et des réfugiés qui les rejoignent. Nous allons commencer à envisager la capitalisation au moyen d’une forme d’obligation pour les réfugiés, une sorte d’obligation à impact social. Je vais vous donner tous les détails à ce sujet, et nous les retrouverons dans notre rapport.
    Il faut certes tenir responsables les voyous, les dictateurs et tous ceux qui sont à l’origine des conflits qui créent des réfugiés. Ils deviennent les victimes de cette période de malveillance dans laquelle l’argent et la cupidité mènent désormais le monde.
    C’est l’une des raisons pour lesquelles nous militons très activement pour amener les pays à appuyer l’idée d’une réaffectation des actifs bloqués afin qu’il n’y ait pas d’impunité pour ce qui est de protéger les trésors mal acquis, alors qu’en fait, ils peuvent être rattachés par le processus juridique qui s'impose et être remboursés pour aider à remédier aux graves lacunes de financement que connaissent actuellement les groupes de réfugiés. Nous en sommes maintenant à une étape où les conférences de donateurs ne permettent de recueillir que des engagements allant jusqu’à 30, 40 ou 50 %, et même ces engagements ne sont pas respectés.
    Il ne s’agit pas seulement d'obliger les pays qui sont à l’origine des conflits et qui créent des réfugiés à rendre des comptes. Il s’agit aussi de tenir responsables les gens qui font des promesses et qui ne les respectent pas à l’autre bout du spectre. Il doit y avoir un système de reddition de comptes. C’est un aspect qui a été très difficile à négocier dans le cadre du processus du Pacte.

  (1650)  

     Le système de leadership en est un autre exemple clair. Il y a un grave manque de femmes à la tête des activités d'aide aux réfugiés, tant au niveau local que par l’entremise des organisations. Il y a aussi, je crois, cette dichotomie qui a été établie entre le rôle international et le rôle national. J'estime que les organismes régionaux ont également un rôle très important à jouer en vue d’avoir une plus grande participation et d'exercer plus de pouvoirs afin de commencer à s’attaquer aux problèmes.
    Je vais prendre un exemple. Notre conseil s’est rendu en Colombie il y a à peine deux mois pour constater l’augmentation du nombre de réfugiés en provenance du Venezuela. À l’heure actuelle, il n’y a pas de réponse au niveau régional, même si 5 000 personnes par jour traversent la frontière du Venezuela pour aller en Colombie, au Pérou, en Bolivie, en Équateur et au Brésil. À l’heure actuelle, nous nous efforçons notamment de reformuler une intervention régionale.
    Le retour des Rohingyas en Asie est semblable aux problèmes de migration que nous observons en Amérique centrale. En notre qualité de conseil, nous sommes allés en première ligne. Nous étions exactement là où les problèmes des réfugiés étaient les plus évidents et nous avons rencontré les gens qui pouvaient discuter de cette situation en toute connaissance de cause. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’une prochaine étape, d’une deuxième série d’actions organisées par des réseaux formés de gouvernements engagés aux vues similaires, du secteur privé, d'ONG et d'universités.
    C’est le genre d’initiative de réforme que certains d’entre vous au Parlement canadien savent que nous avons prise dans le passé, comme la question de la responsabilité de protéger et celle des mines terrestres. On peut réunir des réseaux actifs qui peuvent se regrouper autour de cibles très précises et les atteindre. Le Conseil était d’avis qu’une fois que l’on commence à trouver des solutions directes qui font une réelle différence pour les collectivités de réfugiés ou les personnes, l'on arrive à rétablir la confiance.
    L'on peut parler de réforme et la demander, mais il faut la gagner et la mériter. Pour la mériter, il faut montrer que les gouvernements peuvent collaborer et travailler ensemble afin de trouver des solutions, comme nous l’avons fait dans les années 1980 pour les réfugiés de la mer lorsque j’étais ministre de l’Immigration au Canada. C’est cette absence de rendement et ce manque de capacité de gérer le système, tant au niveau de la frontière qu’au niveau général, qui crée véritablement un problème.
    J’espère que le Comité appuiera fermement les pactes comme tel, mais j'ajouterais qu’il y a aussi beaucoup d’engagements très précis qui devront être pris par des gouvernements comme le nôtre, par le secteur privé et par des sources non gouvernementales, pour élaborer des initiatives très précises qui nous permettront d'apporter des changements réels au chapitre de la protection et de la défense des intérêts des réfugiés.

  (1655)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. McArthur et à Mme Singh. Mme Singh prendra la parole.
    CARE Canada est honorée de contribuer aux délibérations du comité aujourd’hui.
    CARE est une ONG internationale fondée sur les droits. Nous appuyons l’aide humanitaire vitale et la consolidation de la paix, ainsi que le travail de développement à long terme en mettant l’accent sur les femmes et les filles. L’an dernier, notre travail a atteint près de 60 millions de personnes dans 95 pays, y compris dans des pays accueillant des réfugiés comme la Jordanie, le Bangladesh et le Kenya.
    Je vais commencer par vous donner un exemple de la façon dont nous travaillons avec les réfugiés et les communautés d’accueil dans de tels contextes, puis mon collègue vous présentera notre point de vue au sujet du Pacte mondial sur les réfugiés.
    CARE est en Jordanie depuis 1949. Au cours des dernières années, la Jordanie a accueilli près de 700 000 réfugiés syriens, dont plus de 85 % vivent sous le seuil de la pauvreté. Les services gouvernementaux et les collectivités où les réfugiés essaient de se bâtir une nouvelle vie subissent des pressions considérables. En Jordanie, nous avons établi quatre centres urbains pour les réfugiés qui couvrent l'ensemble du pays. Ce sont essentiellement des centres communautaires, comme on en trouve dans n’importe quelle ville du Canada, où vous avez des enfants qui chantent faux et beaucoup d’animation. Ces centres urbains innovent en ce sens qu'ils offrent leurs services et leur aide aussi bien aux réfugiés qu'aux Jordaniens vulnérables sous la forme d'une aide financière immédiate, d'un soutien psychosocial et d'une formation professionnelle.
    Cela permet d’accomplir un certain nombre de choses. Premièrement, nos centres complètent les services offerts par le gouvernement jordanien. Deuxièmement, ils atténuent la pression exercée sur le système humanitaire actuel en renforçant les capacités des femmes et des hommes à générer des revenus et à devenir autonomes. Troisièmement, ils favorisent la cohésion sociale en fournissant des services qui, autrement, ne serait pas à la disposition de la population jordanienne locale. Enfin, ils offrent aux réfugiés un espace sûr où ils peuvent parler à d’autres réfugiés, partager leur expérience et retrouver un sentiment de normalité et de dignité.
    Comme en Ouganda, nous aidons les réfugiés à s’aider eux-mêmes. Selon notre évaluation annuelle la plus récente, la Jordanie devient de plus en plus autosuffisante et moins dépendante de l’aide. À une époque où les besoins humanitaires sont sans précédent, où les conflits s’éternisent et où les ressources sont de plus en plus rares, des solutions comme celles-ci nous aident à étirer nos budgets d’aide et à favoriser des impacts à plus long terme et plus durables.
     C’est pourquoi les États, les ONG et les organismes multilatéraux se sont réunis, en 2016, pour veiller à ce que la mise en œuvre complémentaire des pratiques exemplaires ne soit plus laissée au hasard, mais plutôt intégrée dans le système mondial de réfugiés. Au bout du compte, le défi mondial des réfugiés est tout à fait gérable.
    Les réfugiés ne représentent que 0,3 % de la population mondiale. Le problème, comme on vous l’a déjà dit, c’est que 88 % des réfugiés dans le monde sont concentrés dans une poignée d’États de première ligne. Il s’agit en grande partie de pays à revenu faible ou intermédiaire qui sont déjà aux prises avec la pauvreté, de mauvaises infrastructures, l’insécurité alimentaire et l’instabilité politique. Ce sont des pays qui, dans une large mesure, ont dû assumer seuls, pendant des décennies, la responsabilité d'accueillir des réfugiés.
    C’est pourquoi, dans la déclaration de New York, les dirigeants mondiaux ont exprimé leur détermination à sauver des vies, à protéger les droits et à partager la responsabilité du plus grand nombre de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. CARE a participé activement à l’articulation de la déclaration de New York, et nous sommes demeurés engagés tout au long des deux années de consultations intensives en vue d'un pacte mondial sur les réfugiés le plus fort possible. Je suis convaincu que c’est ce que nous avons accompli.
     Le Pacte mondial sur les réfugiés n’est en aucun cas parfait, mais il s’agit d’un document qui reconnaît que le défi mondial des déplacements forcés est intrinsèquement politique, que les pays de premier asile servent grandement l'intérêt public, que les femmes et les filles font face à des obstacles particuliers en raison de leur sexe et apportent des capacités et des contributions uniques, que les politiques de main d'oeuvre qui soutiennent l’autosuffisance des réfugiés les aident à devenir un avantage net pour les communautés d’accueil, et qu’il faut en faire davantage pour s’attaquer aux causes profondes comme les conflits, les violations des droits de la personne et du droit humanitaire international, l’exploitation, la discrimination et la pauvreté.
    Je suis ici aujourd’hui pour vous dire que CARE appuie le Pacte mondial sur les réfugiés, qui, à notre avis, peut contribuer à assurer une réponse internationale plus prévisible, constante, efficace et cohérente aux flux importants de réfugiés.
    Ce qui manque dans le Pacte mondial sur les réfugiés, ce sont des dispositions contraignantes ou une façon claire de tenir les États et les autres parties prenantes responsables de sa mise en oeuvre. Le paragraphe 4 du pacte indique qu’il sera « opérationnalisé par des contributions volontaires pour la réalisation des résultats et des progrès collectifs vers l’atteinte de ses objectifs ». C’est là que le monde a besoin de plus de pays comme le Canada.
    CARE recommande que le Canada prenne deux moyens clés pour aider le Pacte mondial sur les réfugiés à établir une nouvelle norme quant à la façon dont le monde réagit aux crises des réfugiés.
    Premièrement, le Canada devrait offrir d’être l’hôte du premier forum mondial sur les réfugiés. Le Forum mondial sur les réfugiés, établi dans le cadre du pacte, représente une occasion cruciale de calibrer les progrès, de partager les meilleures pratiques et de s’engager à contribuer aux objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés. Le Canada est considéré comme un intermédiaire honnête et se trouve dans une position unique parmi les pays pour participer à l’organisation du premier Forum mondial sur les réfugiés.
    Deuxièmement, le Canada devrait appuyer une réponse globale et sexospécifique en cas de situation de réfugiés de grande envergure ou de longue durée. Cela se ferait en partenariat avec un pays d’accueil des réfugiés et en collaboration avec le HCR et les organisations locales de la société civile. La réponse devrait inclure l’activation de la plate-forme d'appuie prévue dans le Pacte mondial sur les réfugiés, y compris les efforts visant à galvaniser l’engagement politique; mobiliser une aide financière, matérielle et technique; faciliter la cohérence entre les interventions humanitaires et de développement; et soutenir les initiatives politiques qui peuvent aider à alléger la pression sur les pays hôtes, à renforcer la résilience et l’autonomie et à trouver des solutions.
    Le Pacte mondial sur les réfugiés offre un plan d’action pour un système mondial d’intervention plus cohérent, prévisible et efficace en faveur des réfugiés, un système capable de rétablir la confiance et la coopération entre les pays. CARE croit fermement que l’opérationnalisation du pacte et notre capacité, en tant que communauté internationale, de rendre compte de ses progrès au cours des prochaines années représentent pour le Canada une opportunité exceptionnelle sur le plan de la migration au XXIe siècle.
    Sur ce, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

  (1700)  

    Merci. Merci beaucoup à tous.
    Monsieur Sarai, vous avez sept minutes.
    Je tiens à vous remercier tous de votre grande perspicacité.
    Je vais commencer par M. Axworthy, si vous voulez bien commencer.
    Vous avez travaillé au gouvernement et avec des ONG pendant plusieurs décennies, particulièrement en ce qui concerne les affaires étrangères, et vous avez été témoin de défis en matière d’immigration et de réfugiés.
    Quelles sont les principales raisons de l’augmentation du nombre de PDIP et de réfugiés? Est-ce une tendance qui a toujours existé, ou était-ce pire au cours de la dernière décennie?
     Je pense qu’il y a toujours eu des personnes déplacées. Nous avons toutefois établi certaines distinctions juridiques, de sorte qu’un réfugié doit être quelqu’un qui traverse une frontière en quête de protection contre la persécution.
    Les personnes déplacées à l’intérieur du pays sont touchées exactement par les mêmes conditions — conflits, famine, extermination, brutalité policière, etc. — mais elles ne vont pas jusqu'à la frontière. C’est pourquoi nous pensons qu’il est vraiment important que le processus de réforme, pour lequel le Pacte sera, nous l’espérons, un catalyseur, commence à intégrer la question des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.
    Je dois dire que la première fois que j’ai entendu parler de la notion de responsabilité de protéger, c’était lorsque Francis Deng était le représentant spécial de l'ONU pour les personnes déplacées au milieu des années 1990. Il a avancé l’idée que si les pays n'étaient pas capables ou désireux de protéger les citoyens et leurs droits, la communauté internationale devait assumer cette responsabilité.
    En fait, nous avons été en mesure de transposer ce concept et de l’appliquer rapidement à quelque chose qui est maintenant ancré dans le système de l'ONU, sinon toujours appliqué, et cela montre simplement que le problème des personnes déplacées nous ramène à ce que m’a dit M. Deng quand j’étais aux Affaires étrangères, à savoir qu’il faut vraiment intervenir.
    Malheureusement, comme le processus de négociation tourne autour du pacte, cela n’a pas vraiment été l’un des points centraux du programme. C’est pourquoi nous disons, maintenant que nous avons une plate-forme, que le Pacte peut fournir, que nous devons nous en inspirer et élaborer des réponses plus adaptées aux problèmes très précis et concrets que l’on trouve partout dans le monde, mais qui ont aussi des répercussions très différentes.

  (1705)  

    Y a-t-il une place dans le Pacte pour la volonté politique de prévenir les événements qui provoquent les mouvements de population à grande échelle lorsqu’un conflit, une famine ou des problèmes éclatent, afin que la communauté mondiale puisse peut-être intervenir plus tôt pour empêcher la migration forcée dans certaines situations?
    Malheureusement, le Conseil de sécurité qui, en vertu de la Charte, est le principal responsable du maintien de la paix et de la sécurité, est en train de devenir très dysfonctionnel à cause des grands conflits de pouvoir et de l’exercice du veto. Par conséquent, un grand nombre de situations conflictuelles sont tout simplement négligées ou font l'objet de beaux discours, d'une résolution ou d’une déclaration d'intention, mais pas d'une action concrète.
    Permettez-moi de dire quelques mots à propos d’un reportage qui a été publié cette semaine au sujet de la République centrafricaine. Qui lit les rapports sur la République centrafricaine? Eh bien, certains d’entre nous le font.
    C’était une histoire sur la façon dont un des groupes armés... Il y a une guerre civile et une présence de l’ONU en matière de sécurité, mais cette présence est limitée, de sorte qu’un des groupes belligérants est allé dans la capitale et a attaqué des gens dans un camp de personnes déplacées. Quelque 20 000 personnes ont été attaquées et des centaines de personnes ont perdu la vie ou ont été blessées.
     Pourquoi ne sommes-nous pas prêts à intervenir en pareil cas? Cela nous ramène, je crois, à ce qu’un des interlocuteurs précédents a dit, à savoir que le traitement des réfugiés est plus qu’une question humanitaire et qu’il s’agit vraiment d’une question politique. C’est vraiment une question de sécurité. C’est là où je pense que nous devons élargir la discussion et l’examen de ce qui doit être fait pour promouvoir la mise en oeuvre des objectifs, des buts du pacte.
    Comment prendriez-vous en compte le fait que certains pays n’ont pas choisi de participer, particulièrement l’un des plus pays qui a accueilli le plus de réfugiés par le passé, les États-Unis? Croyez-vous que sans eux, le Pacte est affaibli, ou pensez-vous qu’il serait possible qu'ils s'y joignent, à l’avenir, s’ils le souhaitent?
    Il serait toujours formidable d’avoir une pleine unité sur ces questions, mais obtenir l’unité de 193 gouvernements n’est pas si facile. Par conséquent, je pense que ce que nous avons appris au cours de la dernière décennie ou des deux dernières années, c’est que nous pouvons mobiliser la réforme et l’action internationale sans avoir à rallier tout le monde.
    Nous avons eu des initiatives auxquelles ont participé huit ou neuf pays. Ils font venir des partenaires de la communauté des ONG et du secteur privé ainsi que des institutions internationales. Ils s’attaquent à une épidémie d’Ebola par l’entremise de l’OMS. Dans notre cas, nous avons conclu le traité sur les mines antipersonnel en dehors du cadre de l’ONU, avant de le ramener à l’ONU, parce qu’il était impossible que les mandats de négociation des Nations unies permettent vraiment de résoudre ce problème.
    Je pense que nous devons commencer à réfléchir en dehors des systèmes hiérarchisés du haut vers le bas et à examiner la façon d’élaborer un système de réseau pour la mise en oeuvre active de solutions très précises.
    Je suppose que si j'avais une recommandation à faire au comité, je donnerais un appui enthousiaste au pacte et je proposerais ensuite d’examiner les solutions plus précises dont le Canada peut être un grand promoteur ou interprète.
     Ma prochaine question s’adresse à Jerome Elie, de Suisse.
     Vous avez mentionné quelque chose que je n’ai pas tout à fait saisi, et vous pourriez peut-être nous en dire davantage.
     Vous avez dit qu’il y aurait une « radicalisation accrue » si les régimes de réfugiés n’étaient pas modernisés. C'est bien cela? Pouvez-vous nous expliquer ce qui provoquerait une radicalisation accrue dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié? J’aimerais vous entendre à ce sujet.

  (1710)  

    Eh bien, cela nous amène au...
    Je crains de ne pas pouvoir vous laisser répondre à la question. Je suis désolé.
    Allez-y, madame Rempel.
    Merci.
    Monsieur Axworthy, pouvez-vous nous dire si le Conseil mondial pour les réfugiés offre des services de programmation aux réfugiés?
    Nous fournissons un certain nombre de choses intéressantes qui sont nées de notre existence. Par exemple, Eduardo Stein, l’ancien vice-président du Guatemala, vient d’être nommé envoyé de l’ONU au Venezuela. Cela découle d’une enquête que nous avons menée sur le Venezuela et la Colombie il y a à peine deux mois.
    En même temps, nous travaillons très activement avec les organisations de réfugiés pour déterminer comment elles peuvent participer à la prise de décisions...
    Vous savez comment cela fonctionne. Vous avez occupé ces fauteuils et vous savez que je n’ai pas beaucoup de temps. Le Conseil mondial pour les réfugiés offre-t-il des services aux réfugiés?
    Non.
    Pas de services pratiques de réintégration ou de formation linguistique...
    Non, nous ne sommes pas une organisation de services. Je pense qu’il y en a beaucoup.
    Cependant, nous essayons d'agir en amont en commençant à chercher un moyen de financer sérieusement ces programmes.
    Puis-je vous demander combien le gouvernement du Canada verse annuellement à votre organisation?
    Je ne pense pas que ce soit une somme annuelle. Il s’agissait d’un financement ponctuel d’environ 800 000 $, je crois. Cela a été accompagné d'une contribution trois ou quatre fois plus élevée venant des fondations américaines et de nos propres groupes de réflexion.
    C’est une contribution composite qui provient de plusieurs sources.
    Est-ce continu, ou êtes-vous autosuffisant?
    Je ne pense pas que le Conseil se considère comme une organisation permanente. Nous avons été réunis dans le but précis d’essayer de fournir une source indépendante d’idées, de propositions et de recommandations sur le processus du pacte afin que nous puissions nous atteler sérieusement à la tâche.
    D’accord.
     Vous avez dit, je crois, que l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs devrait être abolie. Est-ce exact?
    L’entente sur les pays tiers? Oui, je pense qu’à l’heure actuelle, cela nous empêche de régler certains des problèmes aux frontières.
     Lundi, je vais...
    Je vais simplement poser une autre question à ce sujet.
    Pensez-vous que le HCR devrait continuer à référer les réfugiés aux États-Unis?
    Oh, bien sûr. Je pense...
    D’accord, j’ai une question. Comment justifiez-vous cela?
    Si les États-Unis ne sont plus un tiers pays sûr et que nous devrions suspendre l’entente, pourquoi le HCR devrait-il y envoyer des réfugiés?
    Les États-Unis acceptent toujours les demandes. C’est beaucoup moins. Je pense que leur taux d'acceptation a diminué de près de 80 %...
    Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il s’agit d’un tiers pays sûr ou non.
    Non, je...
    S’il ne s’agit pas d’un tiers pays sûr par rapport aux gens qui entrent au Canada au nord de l’État de New York, pourquoi demander aux États-Unis d’accepter des réfugiés du HCR?
    Je pense qu’il faut remonter aux origines. Cela s’est fait dans le cadre des mesures de suivi des arrangements frontaliers résultant du 11 septembre. Nous voulions assurer une sorte de gestion coopérative du système.
    La situation a changé. Je pense que l’administration actuelle a une vision très différente de ce qu’est un réfugié ou de la responsabilité des États-Unis...
    Les réfugiés ne sont donc pas en sécurité...
    Par conséquent, cela rend les choses plus difficiles.
    Je veux simplement savoir si les réfugiés sont à l'abri avec Donald Trump?
    Cela dépend: à l’abri de quoi?
    Ils sont incarcérés. On leur enlève leurs enfants. Je veux dire qu'il y a un certain nombre de failles très graves dans la politique américaine à l’heure actuelle qui...
    Est-ce que le Conseil mondial pour les réfugiés, qui n’offre pas de services aux réfugiés, va aussi demander au HCR de cesser de référer les réfugiés aux États-Unis?
    Non, ce que nous proposons, je pense, c’est que nous...
     Je ne comprends tout simplement pas, monsieur Axworthy. Comment pouvez-vous dire que les États-Unis ne sont pas un tiers pays sûr pour les gens qui se trouvent déjà dans le nord de l’État de New York et qu’ils devraient venir au Canada, mais que le HCR devrait diriger les réfugiés vers les États-Unis? Soit ils sont en sécurité sous Trump, soit ils ne le sont pas.
    Le HCR ne fait que mettre en oeuvre la Convention de 1951 sur les réfugiés. S’il y a des réfugiés qui demandent l’asile, c’est la responsabilité...
     Ils sont donc en sécurité sous le gouvernement Trump.
    Le HCR...
    Les réfugiés du HCR sont en sécurité sous Trump, mais ceux qui sont dans le nord de l’État de New York ne le sont pas.
    Je dirais, encore une fois, que tout n'est pas noir ou blanc. De plus en plus...

  (1715)  

    Je dirais que si. Ou bien le système d’asile américain fonctionne et il est sûr pour les réfugiés...
    Non, ce n’est pas le cas. Il a été considérablement réduit.
    Une des choses qui dérangent...
    Qui serait alors en sécurité sous Trump? Les réfugiés du HCR sont en sécurité, mais pas ceux du nord de l’État de New York.
    Vous devriez plutôt poser la question au HCR. Je n'ai aucune influence sur cette politique...
    Mais vous êtes très respecté, monsieur, et vous avez fait une grande déclaration sur la politique canadienne. Votre organisation n’est pas financée pour offrir des services aux réfugiés, mais pour fournir un soutien à titre de centre d’études et de recherche. Vous dites maintenant que vous n’êtes pas certain de savoir qui est en sécurité aux États-Unis et qui ne l’est pas. N’est-ce pas un peu bizarre? Ne trouvez-vous pas cela étrange?
    Ce que je veux dire, c’est que nous traversons une période très difficile, alors que non seulement les États-Unis, mais d’autres pays sont en train de rétrécir considérablement...
    Mais ne pensez-vous pas qu’il est irresponsable de dire que les États-Unis ne sont plus un tiers pays sûr si vous ne pouvez pas...
    Je n’ai pas dit que c’était... J’ai dit qu’à mon avis, leur définition n’est pas la même...
    Mais vous l’avez fait. Vous avez dit que nous devrions suspendre l’accord. C’est...
    ... ou l’acceptation des réfugiés.
    ... un peu bizarre.
    Eh bien, c’est une partie du problème — le fait qu’il y a maintenant tellement d’écarts. Vous pouvez aller dans des pays européens où la définition de réfugié est beaucoup plus large qu’au Canada...
    Pour que ce soit bien clair...
    ... et vous constaterez que les États-Unis ont resserré énormément leur critères pour l'acceptation des demandes d’asile.
    Par conséquent, les réfugiés du nord de l’État de New York...
    Non, ils ne viennent pas de là.
    ... mais pas de l’ONU... On ne voit pas d'inconvénient à diriger des réfugiés du HCR vers les États-Unis sous le gouvernement Trump, mais pas ceux du nord de l’État de New York. Aux fins du Canada, celui qui vient du nord de l’État de New York est un réfugié, mais un survivant du génocide yézidi...
    Revenons à la façon dont le système devrait fonctionner.
    L’un des problèmes du système des tiers pays, c’est qu’on ne peut pas présenter une demande par l’entremise des résidences officielles ou des ambassades du Canada. Il faut traverser la frontière, parce qu’en vertu du système des tiers pays, on ne peut pas se rendre à un consulat canadien pour faire une demande...
    Pensez-vous vraiment que quelqu’un devrait demander l’asile au Canada après être arrivé aux États-Unis?
    L'hon. Lloyd Axworthy: Pourquoi pas?
    L'hon. Michelle Rempel: C’est vraiment au coeur du problème. Je n’accepte pas l’argument théorique que vous avancez.
    Je crains de devoir vous arrêter ici.
    Merci.
    Allez-y, madame Kwan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J’aimerais poursuivre dans la même veine, monsieur Axworthy. J’apprécie particulièrement le travail que vous faites, surtout à ce titre, même si vous étiez l’ancien ministre du Parti libéral et que je suis néo-démocrate. Cela dit, j’apprécie le travail que vous faites, parce que ce n’est pas une question partisane quand on parle d’une crise humanitaire, quand on parle de vies. Ce n’est pas un spectacle non plus. Il ne s’agit pas de leurrer les gens.
    Je veux parler de l’entente sur les tiers pays sûrs, parce qu’il est tellement facile de dire simplement: « Oh, oh, les États-Unis sont un pays sûr, parce que l’ONU envoie des gens vers ce pays en ce moment », mais nous essayons d'oublier que les États-Unis, comme vous l’avez mentionné, monsieur Axworthy, enlèvent des enfants à leurs parents. Nous ne tenons pas compte du fait que les États-Unis déclarent que les personnes transgenres, c’est-à-dire les membres de la communauté LGBTQ, doivent être dépouillées de leur identité, comme si c'était sûr pour les demandeurs d’asile. C’est tellement facile d’être clair et net. En réalité, cependant, lorsque cela a une incidence sur la vie des gens, ce n’est peut-être pas si noir ou blanc.
    À ce propos, j’apprécie les commentaires que vous avez faits, monsieur Axworthy, selon lesquels le Canada doit suspendre l’Entente sur les tiers pays sûrs en raison de ces agissements des États-Unis.
    Cela dit, en ce qui concerne le Pacte mondial, vous avez mentionné diverses mesures que le Canada peut prendre. Même si vous faites partie d’un centre d'études et de recherche, j’aimerais particulièrement savoir ce que vous pensez, compte tenu de votre expérience en tant qu’ancien ministre, des mesures que le Canada devrait prendre pour contribuer à faire face à cette crise mondiale à laquelle nous sommes tous confrontés en tant qu’êtres humains sur la planète.
     Merci beaucoup. J’apprécie vos propos.
    Puis-je faire un commentaire? Je pense qu’un des résultats importants de cette discussion est que les parlementaires joueront un rôle beaucoup plus actif. Cela ne devrait pas faire l’objet de divisions partisanes. C’est quelque chose qui touche vraiment la vie des gens de la façon la plus grave et la plus directe, de sorte que le Comité et d’autres peuvent promouvoir la capacité du Canada d’offrir ce genre d’initiatives générales là où les crises se produisent.
    Il faut vraiment commencer par la question fondamentale de la reddition de comptes. Les organisations internationales, les gens qui travaillent dans la communauté, doivent être soumis à une forme quelconque de jugement ou d'évaluation de leurs actions. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous travaillons avec un certain nombre de gouvernements à l’idée de pouvoir saisir les actifs gelés dans le cadre des sanctions prévues dans la loi Magnitski et les réaffecter pour aider les victimes des actes des méchants.
    La Suisse a déjà adopté une loi à cet effet. D’autres pays envisagent de le faire. Nous espérons que le Canada se penchera sur la question, parce que ce n’est pas seulement une façon de réinjecter de l’argent dans le système; cela signifie aussi que si vous êtes l’un des seigneurs de guerre ou des despotes, vous n’aurez pas tellement hâte d'envoyer de l’argent dans votre tirelire quelque part dans le monde si vous savez que le travail diligent de nos tribunaux et de nos banques nous permettra de le saisir.
    Je pense qu’il s’agit d’une mesure très précise, qui a un double effet, c’est-à-dire qu’elle fournira plus d’argent pour le système, et que c’est aussi une façon de dissuader les gens qui sont à l’heure actuelle la cause des mouvements de réfugiés.

  (1720)  

    Vous recommandez ensuite que le Canada adopte un projet de loi semblable à celui de la Suisse en ce qui concerne les actifs gelés.
    Je pense que notre équipe serait très heureuse de vous fournir des modèles à cet égard.
    Y a-t-il quelque chose que vous pourriez envoyer au comité pour que nous l’examinions?
    Oui.
    Si vous pouviez le faire, ce serait une excellente chose.
    Bien sûr. Nous allons certainement le faire.
    Merci.
    Je vais m’adresser à nos témoins qui sont ici pour parler du rôle du Canada.
    Les conservateurs ont laissé entendre, par exemple, que le Canada ne devrait pas faire partie du pacte mondial. Je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous en pensez et quelles pourraient être les conséquences si nous adoptions cette perspective.
    C'est une bonne question.
    En fait, le Canada a une certaine autorité morale. Nous avons dit dans nos remarques que le Canada est considéré comme un intermédiaire honnête. Le Canada et la société civile canadienne, ainsi que des groupes et des répondants privés qui réinstallent des réfugiés, ont participé très activement à ce processus. Je pense que nous en sommes arrivés à quelque chose que nous devons maintenant faire avancer.
    Il faut une bonne volonté politique. Il s’agit d’une synthèse et d’une codification de la volonté politique et des bonnes pratiques. Il faut maintenant passer à la mise en oeuvre. Nous ne voulons pas que cela devienne un tigre de papier.
    La bonne nouvelle, c’est que le Canada a déjà mis en place un grand nombre de systèmes et de mécanismes qui se prêtent au type d’intervention globale envisagée pour les réfugiés dans le Pacte mondial sur les réfugiés; d’où mon argument selon lequel le monde a besoin de plus de pays comme le Canada. Si le Canada reculait maintenant, cela ferait sans doute tourner bien des têtes. Ce serait une grande déception pour beaucoup de Canadiens et de réfugiés, ainsi que pour la confiance fondamentale que tout cet effort cherche à établir entre les États qui accueillent des réfugiés et des pays comme le Canada.
    Comme je n’ai pas beaucoup de temps, alors je vais poser une question très rapide — en une minute — sur cette question.
    Il y a des gens qui aiment répandre de la désinformation. Par exemple, ils qualifient les demandeurs d’asile de « clandestins » et, par conséquent, ils les dénigrent et donnent l’impression aux Canadiens qu’ils enfreignent la loi, alors qu’en fait, ils n'enfreignent pas la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
    Cela étant, que nous conseillez-vous de faire pour résoudre ce problème et essayer de faire face à cette situation et rétablir les faits?
    Je pense que les délibérations que le Comité mène ici aujourd’hui sont importantes. Je crois nécessaire que les leaders communautaires et les parlementaires se fassent entendre.
    La semaine prochaine, nous assisterons à la réinstallation de nouveaux réfugiés parrainés par des répondants privés. Il y a des milliers de Canadiens qui travaillent fort pour contribuer de leur mieux à la réforme du système mondial des réfugiés. C’est mon pain quotidien en tant que responsable des politiques et de la défense des droits qui essaie de porter ces messages d'espoir. Je pense que le Pacte mondial sur les réfugiés en est un bon exemple. Nous avons parlé du forum mondial. Ce sera pour la communauté internationale, les pays comme le Canada, dont les valeurs sont alignées sur ce genre d’interventions, l'occasion de célébrer les progrès réalisés dans quelques années. J’espère certainement que le Canada en fera partie.
    Oui, il y a des mythes à dissiper. En tant que société civile, nous faisons de notre mieux et nous avons hâte de discuter avec ceux d’entre vous qui veulent travailler avec nous.
     Merci.
    Monsieur Tabbara, vous avez seulement deux minutes.
    Merci, monsieur le président. Je serai très bref.
    Monsieur Axworthy, ma question s’adresse à vous. La Banque mondiale estime que les actifs gelés représentent une réserve de liquidités de 10 à 20 milliards de dollars par année en actifs gelés. Je sais que vous travaillez en étroite collaboration avec le CIGI dans ma région, dans Kitchener-Waterloo. Comment cela serait-il mis en oeuvre? Pouvez-vous nous donner un bref exemple de la façon dont cela serait mis en oeuvre?

  (1725)  

    Je pense qu’il y a différents modèles, mais en deux mots, nous utiliserions notre système judiciaire national, le système de la Cour fédérale, comme arbitre. Les réclamations peuvent être faites contre un avoir gelé lorsque le donateur est un escroc, est corrompu, est un seigneur de guerre, est responsable de massacres ou de génocides, et nous faisons simplement une demande.
    D'après les discussions que nous avons eues avec les institutions financières, elles s'en réjouiraient, parce qu’elles vivent dans la crainte qu’un cousin d’un dictateur ou d’un seigneur de guerre vienne demander l’argent.
    Je pense que c’est une façon d’innover. J’espère que la communauté des ONG, dans ses efforts futurs, commencera à examiner certaines des idées novatrices — pas seulement ce qui est, mais ce qui pourrait être — pour fournir des instruments différents ou un ensemble différent de leviers que nous pourrons utiliser pour apporter des changements réels qui auront une incidence directe sur les réfugiés.
    Merci, monsieur Axworthy, et merci pour vos années de service.
    Merci à vous.
    Je pense que nous allons mettre fin à cette table ronde. Nous avons une brève réunion administrative à tenir.
    Merci encore, surtout à M. Elie d’être resté debout aussi tard. Je vous en remercie.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute, puis nous reprendrons nos travaux.
    [La séance se poursuit à huis clos]
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