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ERRE Rapport du Comité

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CHAPITRE 3
LEÇONS APPRISES : HISTORIQUE DE LA RÉFORME ÉLECTORALE AUX PALIERS FÉDÉRAL ET PROVINCIAL

La réforme du système électoral est un sujet d’intérêt au palier fédéral depuis près d’un siècle, soit depuis que plus de deux partis politiques sont en lice aux scrutins fédéraux. À huit occasions, la première datant de 1921, des comités de la Chambre des communes, des commissions royales ou la Commission du droit du Canada ont étudié des éléments de réforme du système électoral.

Entre les années 1910 et les années 1970, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ont utilisé le vote préférentiel (VP), le vote unique transférable (VUT) ou une combinaison des deux systèmes au niveau provincial et/ou municipal. En outre, la question de la réforme électorale a été étudiée en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard.

Toutes ces études ont tenté, entre autres, de répondre à deux questions fondamentales sur la transposition des votes en sièges à la Chambre des communes ou aux assemblées législatives provinciales. Premièrement, lorsque plus de deux candidats se disputent une circonscription, le gagnant doit-il obtenir la majorité (plus de 50 %) des voix, ou seulement une pluralité (plus de votes que les autres candidats, sans nécessairement dépasser le seuil de 50 %), comme c’est actuellement le cas? Deuxièmement, le système électoral actuel considère que chaque circonscription est indépendant d’un scrutin individuel; il ne tient donc pas compte de l’appui que reçoit un parti politique ou une cause par-delà ces délimitations, ou à la grandeur d’une région. Faudrait-il par conséquent modifier le système de façon à ce que ces voix cumulatives se traduisent par une représentation à la Chambre des communes ou dans les assemblées législatives?

Enfin, plusieurs de ces études se sont attardées au processus de réforme, c’est‑à‑dire à l’ampleur et à la forme – processus délibératif comme les assemblées de citoyens, vote direct comme les plébiscites ou les référendums, etc. – que devrait prendre la consultation de la population sur les projets de réforme.

Comme l’a écrit l’historien canadien Desmond Morton, « les Canadiens, dans leur ensemble, combinent la prudence – apprendre du passé – et l’ingéniosité – se préparer à l’avenir[48] ». L’historique de ces études de la réforme électorale, et les témoignages fournis au Comité par ceux qui y ont pris part ces 15 dernières années sont riches en leçons utiles.

A.  1921 : Un point tournant

De la Confédération en 1867 jusqu’à 1921, les élections fédérales opposaient deux partis politiques. Comme l’a écrit Peter Russell dans son mémoire au Comité, le système uninominal à un tour fonctionnait bien dans ce contexte :

Tant que les élections fédérales n’étaient disputées que par deux partis, le système uninominal majoritaire produisait des parlements dans lesquels il y avait une assez bonne correspondance entre la répartition des sièges à la Chambre des communes et les suffrages exprimés en faveur des partis politiques. Les gouvernements majoritaires que ces parlements ont soutenus à toutes les occasions, sauf une, ont été menés par des dirigeants dont les membres du parti avaient remporté la majorité des sièges à la Chambre et dont les candidats avaient remporté plus de 50 % des suffrages exprimés[49].

Cependant, comme l’a ajouté M. Russell, depuis 1921, les élections fédérales opposent au moins trois partis. Il en a résulté que des partis ont pu former un gouvernement majoritaire – et que des candidats ont pu être élus dans leur circonscription – alors qu’ils n’avaient pas reçu la majorité des voix :

Mais la situation a changé lors de l’élection de 1921, où trois partis étaient en lice : les conservateurs, les libéraux et les progressistes. Les libéraux de Mackenzie King ont remporté la plupart des sièges (mais pas la majorité), les progressistes sont arrivés deuxièmes, et les conservateurs d’Arthur Meighen ont terminé au troisième rang. Depuis cette élection de 1921, le Canada a, à l’échelon fédéral, un système politique multipartite, dans le cadre duquel au moins trois partis politiques se disputent les sièges dans le cadre des élections parlementaires. Les élections tenues depuis cette époque ont rarement donné lieu à des gouvernements bénéficiant à la fois de la majorité des sièges et de la majorité des suffrages exprimés. En fait, seules trois des trente élections qui ont été tenues depuis 1921 sont arrivées à ce résultat : les libéraux de Mackenzie King en 1940, les progressistes-conservateurs de Diefenbaker en 1958 et les conservateurs de Mulroney en 1984. Un résultat nettement plus fréquent a été des gouvernements majoritaires formés d’un seul parti, et appuyés par nettement moins que la majorité de l’électorat.[50]

En 1921, tandis qu’entraient ainsi en lice de nouveaux partis, d’autres méthodes de vote gagnaient en popularité, particulièrement dans les Prairies et les provinces de l’Ouest. À l’échelle provinciale, des années 1920 aux années 1950, et l’Alberta et le Manitoba ont adopté le VUT pour les scrutins dans les circonscriptions urbaines et le VP pour ceux dans les circonscriptions rurales[51]. De même, de la fin des années 1910 au début des années 1920, des municipalités de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Saskatchewan ont adopté des formes de VUT[52] et même, dans un cas, une forme de VP[53]. Selon les observateurs, l’adoption de ces systèmes s’explique par l’extension du droit de vote aux non-propriétaires, à la classe ouvrière et aux femmes, et au gain de popularité enregistré subséquemment par les partis progressistes et d’union des cultivateurs/[54]. De plus, le VUT avait été adopté à la grandeur de l’Irlande.

C’est dans ce contexte qu’en mai 1921, des mois avant cette élection historique de décembre 1921 où trois partis politiques obtiendraient des sièges à la Chambre des communes, un comité spécial de la Chambre des communes s’est pour la première fois prononcé sur l’opportunité de réformer le système électoral fédéral.

1.   Le Comité spécial de 1921 de la Chambre des communes sur la représentation proportionnelle et le vote unique transférable ou préférentiel

Vers la fin de la 13e législature[55], un comité spécial de la Chambre des communes a été nommé pour « connaître de la représentation proportionnelle, du vote simple transférable ou préférentiel, et de l’opportunité d’appliquer l’un ou l’autre système, ou les deux, aux élections à la Chambre des Communes du Canada[56] ».

Dans son Premier Rapport, présenté à la Chambre des communes le 30 mai 1921, le Comité spécial de 1921 de la Chambre des communes sur la représentation proportionnelle et le vote simple transférable ou préférentiel a constaté que le système majoritaire uninominal à un tour (SMUT) ne remplissait sa fin prévue que si deux candidats étaient en lice; or, comme les élections au Canada opposaient de plus en plus souvent trois candidats ou plus, le gagnant ne l’emportait qu’avec l’appui d’une minorité des électeurs. De fait, dans son rapport de 1921, le Comité spécial a écrit qu’« [i]l doit paraître à tous que le système actuel d’élection, dans les circonscriptions d’un seul représentant, répond pleinement aux fins proposées lorsqu’il y a deux candidats seulement en nomination[57] ».

Sans aller jusqu’à recommander l’adoption de la représentation proportionnelle (RP) au prochain scrutin fédéral, le Comité s’est dit frappé par les arguments des partisans de la réforme, et a proposé qu’on détermine par plébiscite si les électeurs souhaitaient appliquer les « principes de représentation proportionnelle à des circonscriptions où des groupes existent » (c’est‑à‑dire le VUT)[58]. Cependant, il a recommandé l’adoption du VP dans les circonscriptions où plus de deux candidats se présentaient, afin que « le candidat élu en définitive représente la majorité des électeurs »[59].

B.  Études subséquentes de la réforme du système électoral au palier fédéral

1.   1935‑1937 : Le Comité spécial concernant la Loi des élections fédérales et la Loi du cens électoral fédéral

La Chambre des communes a continué d’étudier la réforme électorale dans les années 1930. Au cours de la 18e législature, élue en 1935[60], un comité spécial concernant la Loi des élections fédérales et la Loi du cens électoral fédéral a été chargé d’étudier « le régime de représentation proportionnelle; le vote alternatif dans les circonscriptions uninominales; l’inscription obligatoire des électeurs; le vote obligatoire[61] ». Mais contrairement au rapport de 1921, qui exprimait une ouverture à la réforme, cette nouvelle étude a débouché sur des conclusions plus réservées. Ainsi, dans leur rapport de 1936, les membres du Comité spécial concernant la Loi des élections fédérales et la Loi du cens électoral fédéral se sont prononcés en faveur du statu quo : ils craignaient en effet que la RP (conçue avant tout, comme en 1921, sous la forme du VUT) ou le VP ne convienne pas à l’ensemble du Dominion du Canada, c’est‑à‑dire qu’il ne « favoris[e pas] le bon gouvernement »[62]. À cet égard, il semble que le Comité spécial ne se soit pas limité à étudier l’impact de la réforme électorale sur la représentativité du Parlement, c’est‑à‑dire sur la transposition des votes en sièges : il s’est aussi interrogé sur la notion de « bon gouvernement. »

2.   Trois commissions : 1979, 1985, 1991

Après les années 1930, il faut attendre plus de 40 ans – soit 1979, puis 1985 et 1991 – pour que le gouvernement fédéral, dans le cadre de commissions royales, se penche à nouveau sur la réforme du mode de scrutin :

  • En 1979, la Commission de l’unité canadienne (la Commission Pépin-Robarts[63]) a recommandé, entre autres propositions importantes, d’introduire une forme de représentation proportionnelle mixte (RPM[64]).
  • En 1985, la Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada (la Commission MacDonald[65]), au terme d’une étude exhaustive, a recommandé que les sénateurs soient élus au scrutin proportionnel; la réforme électorale de la Chambre des communes serait un « pis-aller ».
  • Enfin, en 1991, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (la Commission Lortie) a recommandé le maintien du système uninominal à un tour, non sans appuyer l’élection des sénateurs au scrutin proportionnel, la Commission MacDonald ayant « démontré de manière convaincante » le bien-fondé de cette idée[66].

3.   Commission du droit du Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, 2004

Le début du 21siècle a été une période d’intérêt renouvelé pour la réforme du scrutin fédéral. En mars 2004, au terme d’une étude de trois ans, la Commission du droit du Canada – une entité indépendante – a déposé son rapport sur la réforme électorale, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada[67]. Dans ce rapport adressé au ministre de la Justice, la Commission prônait l’adoption de la RPM. Ce choix reposait sur trois postulats : le système électoral retenu devait « maintenir un gouvernement qui soit responsable et qui entretienne un lien direct entre les élus et leurs électeurs »; l’idée d’accroître substantiellement la taille de la Chambre des communes suscitait peu d’enthousiasme; et les améliorations aux règles électorales devaient être mises en place « sans qu’il soit nécessaire de modifier la constitution »[68].

Le Comité spécial sur la réforme électorale a pu entendre le témoignage de l’ancienne présidente de la Commission du droit du Canada, Nathalie Des Rosiers[69], et de deux anciens commissaires de l’époque de l’étude sur la réforme électorale, Roderick Wood[70] et MBernard Colas[71]. Tous trois ont réitéré leur appui à ce qu’avait conclu la Commission du droit, à savoir qu’un élément de proportionnalité devrait être incorporé au système électoral fédéral. Par exemple, Mme Des Rosiers a dit : « Je suis toujours convaincue que, quel que soit le système choisi, il devrait comporter un élément de proportionnalité[72] ». M. Wood a ajouté qu’il était maintenant plus favorable aux listes ouvertes qu’aux listes fermées[73]. Enfin, M. Colas a fermement encouragé les membres

du Comité spécial à tenir compte des conclusions du rapport de la Commission[74]. Il a ajouté que le public supporterait une initiative de réforme électorale basée sur le principe de l’équité :

D'instinct, l'être humain cherche l'équité. Les jeunes enfants disent souvent que les choses sont injustes. La première question qu'il faut poser aux Canadiens est la suivante: Est-ce qu'il est juste qu'une personne soit élue avec 30 ou 40 % des votes ou est-ce qu'il est juste de récolter 20 % des votes et de ne remporter que 10 % des sièges? Ils vous répondront « non ». Si vous proposez ensuite de corriger le système et d'en améliorer l'équité, ce sera un bon départ[75].

Le Comité a aussi entendu Brian Tanguay, principal auteur du rapport de la Commission du droit. Ce dernier a avancé que les analyses et les recommandations contenues dans le rapport « ont continué de nourrir les récents débats autour de la réforme électorale dans ce pays », et que « la seule manière de corriger les défauts significatifs du modèle de gouvernement de Westminster que nous utilisons est de mener une réforme électorale profonde, en adoptant un système qui garantit à la fois la représentation démographique et la proportionnalité dans la traduction des votes en sièges au parlement[76] ».

4.   Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Quarante-troisième Rapport (Réforme électorale) (déposé le 16 juin 2005)

En 2005, soit l’année suivant la publication du rapport pro-RPM de la Commission du droit du Canada, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a déposé un rapport[77] visant à « recommander un processus qui engage les citoyens et les parlementaires dans une étude de notre système électoral en procédant à un examen de toutes les options ».

Le rapport a recommandé un processus en deux étapes qui comporterait « la participation d’un comité spécial de la Chambre des communes et d’un groupe de consultation des citoyens » ayant « tous deux pour mission d’examiner les moyens de renforcer et de moderniser les systèmes démocratique et électoral, et de formuler des recommandations à ce sujet ». Le groupe de consultation des citoyens « ferait des recommandations sur les valeurs et les principes que les Canadiens aimeraient voir intégrés dans leurs systèmes démocratique et électoral », tandis que le comité spécial « ferait des recommandations sur les divers éléments des systèmes démocratique et électoral canadiens »[78]. Ce dernier tiendrait compte du rapport du groupe de consultation des citoyens puis « formulerait des recommandations sur les systèmes démocratique et électoral canadiens »[79] à l’adresse de la Chambre des communes.

Dans leur opinion complémentaire, les membres conservateurs du Comité ont fait savoir qu’ils « auraient préféré établir une assemblée nationale de citoyens sur le modèle utilisé pour la réforme électorale en Colombie-Britannique », ce modèle étant selon eux « nettement supérieur au processus défendu par le Comité, par ces mesures d’inclusivité et d’ouverture (équilibre géographique, équilibre entre les sexes, etc.)[80] ». Les conservateurs ont ajouté qu’« un gouvernement conservateur ne donnerait pas suite à une proposition de réforme du système électoral sans avoir d’abord obtenu l’approbation de la population dans un référendum national[81] ».

Dans une seconde opinion complémentaire, le Bloc Québécois a dit qu’il appuyait « la majorité des recommandations du rapport, spécialement celles portant sur la formation et le mandat du comité spécial de la Chambre des communes », mais qu’il « aurait aimé prendre davantage son temps pour déterminer des modalités d’une consultation et participation directes de la population au processus de réforme[82] ».

5.   Gouvernement du Canada, Consultations publiques sur les institutions et pratiques démocratiques du Canada, 2007

Enfin, en mars 2007, le gouvernement a organisé dans chaque province et territoire un forum des citoyens sur la réforme démocratique, ainsi qu’un forum national des jeunes. Au terme de ces consultations, le gouvernement a publié un rapport intitulé Consultations publiques sur les institutions et les pratiques démocratiques du Canada[83]. Le rapport indiquait, entre autres, que les Canadiens semblent préférer l’actuel SMUT à un système de RP. Les consultations ont toutefois permis de constater que les participants étaient ouverts à l’idée d’un changement et disposés à envisager l’adoption d’un système de scrutin où chaque vote en faveur d’un parti compte.[84]

C.  La réforme électorale au palier provincial

1. Premières initiatives de réforme

Tel qu’indiqué plus haut, des années 1920 aux années 1950, l’Alberta et le Manitoba ont adopté le VUT pour les scrutins dans les circonscriptions urbaines et le VP pour ceux dans les circonscriptions rurales[85]. Par ailleurs, en Colombie-Britannique, le gouvernement de coalition libéral-conservateur a adopté le VP pour l’élection provinciale de 1952, mais le Crédit social est revenu au SMUT après avoir remporté l’élection de 1953.[86] De même, de la fin des années 1910 au début des années 1920, des municipalités de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Saskatchewan ont adopté des formes de VUT[87] et même, dans un cas, une forme de VP[88].

Lors de son témoignage devant le Comité, Harold Jansen a présenté un aperçu de sa recherche sur l’utilisation du VP et du VUT au Canada ainsi que sur les leçons qui peuvent être utiles dans le cadre du processus actuel de réforme électorale. Ses commentaires sur l’utilisation du VP et du VUT sont inclus au chapitre 4 de ce rapport. M. Jansen a expliqué le contexte politique à l’origine des réformes électorales en Alberta et au Manitoba:

Ce qui a mené à ce désir de changements, ce sont les intenses débats sur le sujet, qui ont marqué la décennie 1910-1920 dans les Prairies. Un grand nombre des plaintes exprimées à l'égard du système électoral tournaient exactement autour du même thème que celui que vous entendez ici et dont nous sommes en train de discuter, le manque d'équité en matière de représentation. Le vote unique transférable, alors considéré la forme britannique de la RP, jouissait d'une popularité particulière, mais dans les provinces de l'Ouest il y avait aussi un certain élément populiste qui rendait très attrayante l'idée d'un système axé sur le candidat.
Lorsque les libéraux progressistes arrivent au pouvoir — grâce à l'alliance libérale-progressiste conclue en 1920 — ils font face à des fermiers devenus soudainement actifs et arrivent à la conclusion qu'en leur accordant cette seule demande, ils aideraient leur propre cause. Ils introduisent donc une forme de représentation proportionnelle à Winnipeg. De plus, comme Winnipeg sort tout juste de la grande grève générale, ils y voient un bon moyen de freiner le radicalisme ouvrier, un peu dans la crainte que les partis travaillistes raflent tous les sièges dans Winnipeg.
En 1922, le United Farmers of Manitoba accède au pouvoir et étend le VA aux régions rurales, ce qui était en somme une forme de trahison puisque tout le monde avait débattu la question du VUT. Cela permet au parti de préserver le fondement de son pouvoir, un mélange d'idéalisme et d'intérêts politiques partisans. Même son de cloche avec le United Farmers of Alberta. Il introduit le VUT à Edmonton et à Calgary. Il relève des pans entiers de la législation en vigueur au Manitoba, qu'il copie en Alberta. Tout était identique. Le United Farmers of Alberta était fort dans les régions rurales, faible dans les zones urbaines. Cela fragmentait son opposition, mais il tenait en partie ses promesses. Tout le monde se disait que tout ça finirait par s'améliorer et qu'ils allaient passer à autre chose. Il y avait donc, un peu partout, ce tremplin vers le VUT, mais la chose ne s'est jamais concrétisée.
Le souci premier, c'était la taille des circonscriptions. C'est effectivement un gros problème à une époque où vous vous déplacez à cheval et en calèche. Vous ne pouvez pas aller sur Skype.
La raison pour laquelle le VUT a avorté était un peu différente dans chaque province. En Alberta, la raison en est une d'intérêt politique personnel pour le Crédit social. Le Crédit social perdait de la vitesse. Les libéraux et le [FCC] ont fini par comprendre qu'ils auraient pu se servir de ce système pour défaire le Crédit social.
La situation est un peu plus compliquée au Manitoba où le grand problème était la surreprésentation du milieu rural. Ils ont fait un genre de compromis. S'ils parvenaient à résoudre ce problème de surreprésentation et commençaient à introduire des commissions de délimitation indépendantes, ils abandonneraient le VUT. Les gens avaient aussi un autre sujet de plainte — c'est important de le souligner, car j'ai vu des gens comparaître devant vous et proposer l'adoption de ce modèle. Si vous utilisez le VA dans les régions rurales et le VUT dans les villes, le problème, c'est que le fait de passer de 30 à 40 % dans un groupe de 10 circonscriptions uninominales est extrêmement payant en nombre de sièges. À Winnipeg, qui compte 10 circonscriptions, passer de 30 à 40 % signifie que vous remportez un siège de plus.
Sur quoi les partis ont-ils déployé leurs efforts et focalisé toute leur attention? Sur les régions rurales. Winnipeg s'est plainte d'être ignorée[89].

2. Initiatives de réforme récentes

Ces 15 dernières années, la réforme électorale a suscité intérêt et études dans les provinces, souvent en réaction aux fréquents scrutins où les sièges obtenus aux assemblées législatives ne correspondaient pas à la proportion des voix. Le Comité a entendu de nombreux témoins engagés dans la réforme électorale en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, ainsi qu’au Nouveau-Brunswick et à l’Île‑du‑Prince-Édouard où le sujet est une fois de plus à l’étude.

a. Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique a envisagé de réformer son système électoral provincial de 2003 à 2009[90]. En avril 2003, la Colombie-Britannique a constitué une assemblée indépendante et impartiale de citoyens chargée de se pencher sur les possibilités de réforme électorale. Son mandat était d’étudier le système électoral de la province et de recommander des réformes[91]. En décembre 2004, l’Assemblée a recommandé le système à VUT comme la solution idéale pour la province[92], puis en mai 2005, cette proposition a été soumise aux électeurs de la Colombie-Britannique sous forme d’une question référendaire à l’élection provinciale. Pour que la proposition soit retenue, elle devait être approuvée par 60 % de l’ensemble des électeurs et par une majorité simple dans 60 % des 79 circonscriptions. La proposition a obtenu un appui de 57 %, en deçà de la majorité exigée de 60 %. Elle n’a donc pas été approuvée. Néanmoins, vu le soutien considérable que le système proposé a obtenu, le gouvernement a fait savoir qu’il ferait l’objet d’un autre référendum. À ce second référendum, tenu en même temps que l’élection générale provinciale de 2009, la proposition a recueilli 39 % d’appui et n’a été adoptée que dans 7 des 85 circonscriptions électorales, soit nettement moins que les 51 qu’il aurait fallu pour pouvoir procéder à la mise en œuvre.

Le Comité a entendu plusieurs témoins ayant participé au processus de réforme électorale en Colombie-Britannique. De plus, 140 personnes ont pris la parole aux assemblées publiques organisées à Victoria et Vancouver, et beaucoup ont parlé de la réforme tentée dans leur province. Quatre messages principaux sont ressortis de tous ces témoignages. Premièrement, les intervenants approuvaient le processus – l’Assemblée de citoyens – qui a servi à formuler les recommandations de réforme en Colombie-Britannique. Par exemple, comme l’a dit Gordon Gibson, qui a contribué à la conception de la structure et du mandat de l’Assemblée :

Le mécanisme d’élaboration et de consultation relatif à la nouvelle proposition électorale était au cœur de la réussite de la Colombie‑Britannique … [L]e gouvernement a mandaté une assemblée citoyenne et m’a fait l’honneur de me laisser concevoir le mécanisme. Grâce aux efforts déployés par le président, par le personnel et par les membres de l’Assemblée citoyenne, il a extrêmement bien fonctionné[93].

Diana Byford, qui a siégé à l’Assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique, a mentionné que l’aménagement de la salle de réunion (le Wosk Centre, à Vancouver) avait eu un impact positif sur le processus :

Je ne sais pas combien d’entre vous sont familiers avec cet endroit, mais il s’agit d’une salle ronde. Les sièges sont placés selon des rangées circulaires. Tous les participants ont un sentiment d’égalité. Il n’y a pas de table de dirigeants […] Le Centre est un endroit incroyable. Il nous permet de bien nous installer et de faire en sorte que tous les participants sont sur un pied d’égalité, que tous seront entendus. Je ne pense pas qu’il existe de telles installations dans un grand nombre de provinces. Je pense que cela pourrait avoir de fortes répercussions sur les résultats[94].

Deuxièmement, les témoins et un certain nombre des personnes qui ont pris la parole aux assemblées publiques ont réitéré leur appui au VUT. Comme l’a expliqué Craig Henschel, ancien membre de l’Assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique:

Si nous pouvions résoudre les problèmes d’exclusion et de représentation inégale, nous pourrions résoudre le problème de la disproportionnalité. Le vote unique transférable permet de résoudre directement ce problème. Le VUT permet d’utiliser plusieurs députés dans une circonscription pour représenter plusieurs points de vue. Cela réduit considérablement le montant des électeurs exclus, tout en conservant les députés locaux autant que possible. Le VUT est un bulletin de vote préférentiel, de sorte que le vote stratégique n’est pas nécessaire et que l’électeur peut donner une image claire de ses désirs dans le système de comptage. Le VUT utilise également un système de comptage équitable qui élit chaque député dans une circonscription avec environ le même nombre de votes[95].

Troisièmement, de nombreux témoins ont critiqué le seuil de 60 % qui a été imposé au référendum de la Colombie-Britannique sur la réforme électorale. Pour Gordon Gibson, ce référendum n’a pas échoué puisqu’il a « reçu le soutien affirmatif de près de 58 % de l’électorat », que le taux de participation a été de 61,5 %, et que la mesure a « obtenu une majorité absolue dans 77 des 79 circonscriptions ». Selon M. Gibson, « [c]e référendum s’est soldé par une réussite selon tout critère raisonnable, mais le gouvernement provincial avait établi un taux de rendement minimal de 60 %, alors une merveilleuse occasion d’expérimentation naturelle d’une réforme électorale réfléchie a été perdue[96] ».

Craig Henschel a signalé que les membres de l’Assemblée citoyenne déploraient particulièrement le seuil de 60 %[97], dont l’imposition, pour sa collègue Diana Byford, est une erreur commise par le gouvernement de la province[98].

Enfin, les témoins ont critiqué le manque d’éducation publique entre la fin du processus de l’Assemblée et la tenue du référendum sur le VUT. Comme Diana Byford l’a expliqué, aucun financement n’ayant été mis de côté pour renseigner la population sur le choix du VUT, certains membres de l’Assemblée « ont pris l’initiative de faire cette éducation » :

Ce n’est pas tout le monde, bien sûr, qui a pu le faire. Nous l’avons fait sur notre temps et à nos propres frais. Nous avons parlé à des groupes et à des organismes. Nous avons tenu des débats dans certains cas et nous avons répondu à beaucoup, beaucoup de questions. Nous avons fait ceci de décembre 2004, quand notre rapport a été livré à la législature, jusqu’au référendum en mai 2005. Ma dernière présentation orale a eu lieu le soir avant les élections[99].

De fait, Kenneth Carty, qui a été directeur de recherche pour l’Assemblée des citoyens de Colombie-Britannique sur la réforme électorale (puis consultant principal auprès de l’Assemblée des citoyens de l’Ontario), s’est dit d’avis que la réforme avait reçu un appui substantiel au référendum non pas parce que l’électorat comprenait en profondeur les rouages de la réforme électorale, mais parce qu’il avait confiance dans le processus de l’Assemblée citoyenne[100].

b. Ontario

L’Ontario a poursuivi un projet de réforme électorale de 2003 à 2007. Suivant l’exemple de la Colombie‑Britannique, la province a créé en 2006 l’Assemblée des citoyens de l’Ontario, chargée d’étudier l’actuel système électoral et de recommander des modifications[101]. En mai 2007, l’Assemblée a publié son rapport intitulé Un bulletin, deux votes – Une nouvelle façon de voter en Ontario, dans lequel elle recommandait l’adoption d’un système de RPM. Un référendum sur cette recommandation a eu lieu en même temps que les élections générales d’octobre 2007. Toutefois, la proposition n’a pas obtenu l’appui requis – au moins 60 % de tous les bulletins référendaires déposés et plus de 50 % des bulletins référendaires déposés dans au moins 64 circonscriptions provinciales – prescrit à l’article 4 de la Loi de 2007 sur le référendum relatif au système électoral[102].

Jonathan Rose, qui a été directeur académique de l’Assemblée des citoyens de l’Ontario sur la réforme électorale, a signalé que « l’Assemblée de citoyens ou [une] autre forme de délibération approfondie » est une façon utile de faire participer la population à la réforme[103]. Il a aussi insisté sur l’importance « de la composante d’apprentissage du public » dans « la stratégie globale de participation » de la population à la réforme[104].

Brian Tanguay, auteur principal du rapport Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, publié en 2004 par la Commission du droit du Canada, et expert en réforme électorale convoqué par les assemblées législatives de l’Ontario et du Québec, a dit au Comité qu’« [o]n a déploré un manque d’éducation et d’information et les partis eux-mêmes envoyaient des messages qui semaient la confusion. Tout cela a créé un contexte loin d’être optimal pour la conduite du référendum[105] ».

c. Québec

Le Québec a exploré la possibilité de réformer son mode de scrutin de 2004 à 2007. En décembre 2004, le gouvernement du Québec a déposé à l’Assemblée nationale un avant-projet de loi proposant, entre autres réformes, un nouveau système électoral mixte qui allierait des éléments du SMUT existant et une nouvelle formule de RP. En juin 2005, l’Assemblée nationale a adopté une motion portant création d’une commission parlementaire composée de neuf membres chargée d’étudier l’avant-projet de loi et de formuler des recommandations. La Commission spéciale sur la Loi électorale était soutenue par un comité de huit citoyens [106]. Des consultations publiques ont eu lieu dans toute la province à partir de janvier 2006.

La Commission a fait rapport de ses conclusions à l’Assemblée nationale en avril 2006. Dans son rapport, elle rejetait l’avant-projet de loi du gouvernement et proposait un système de RPM semblable à celui utilisé en Allemagne. La Commission reprochait principalement à l’avant-projet de loi de proposer un système à un tour qui ne reflétait pas exactement les souhaits des électeurs et qui encourageait le vote stratégique.

En décembre 2007, le directeur général des élections de la province a publié un rapport dans lequel il passait en revue les caractéristiques du « scrutin mixte compensatoire » et comparait différents scénarios à l’aide de simulations et d’analyses [107]. Aucune modification au SMUT en vigueur au Québec n’a été adoptée depuis le dépôt de ce rapport.

Benoît Pelletier, qui a été ministre de la Réforme des institutions démocratiques du Québec de 2005 à 2008, a expliqué que l’avant-projet de loi sur la RPM, qui prévoyait un seul vote (le gouvernement a ensuite ouvert la porte à un second vote) et la double candidature (c’est-à-dire que le même candidat pouvait se présenter dans une circonscription et être inscrit sur la liste d’un parti), voulait concilier divers facteurs, dont la représentation régionale et la simplicité[108]. L’idée de réforme intéressait la population, mais on ne s’entendait pas sur les détails, notamment la double candidature et l’augmentation de la superficie des circonscriptions[109]. Cependant, M. Pelletier s’est dit d’avis que les Québécois afficheraient peut-être « plus d’ouverture » aujourd’hui qu’il y a 10 ans à cette proposition de RPM du gouvernement du Québec[110].

d.   Nouveau-Brunswick

Le Nouveau-Brunswick a envisagé de réformer son mode de scrutin provincial de 2003 à 2006, et a récemment repris l’étude de cette question.

En décembre 2003, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a créé la Commission sur la démocratie législative et lui a confié pour mandat de proposer un modèle de RP adapté aux besoins de la province. Le rapport final, que la Commission a remis en janvier 2005, recommandait un système de RPM régionale, ainsi qu’un référendum exécutoire qui devait avoir lieu au plus tard en même temps que les élections provinciales de 2007[111]. En juin 2006, le gouvernement de la province a répondu au rapport final et aux recommandations de la Commission dans un rapport intitulé Améliorer le mode de fonctionnement du gouvernement [112]. À la suite du changement de gouvernement survenu à l’automne 2006, un nouveau rapport en réponse aux recommandations de la Commission a été rendu public en juin 2007 sous le titre Un gouvernement responsable et redevable. Ce rapport décrivait 20 initiatives que le gouvernement provincial comptait prendre entre 2007 et 2012 pour améliorer et renforcer la démocratie législative au Nouveau-Brunswick.

De 1999 à 2005, David McLaughlin a été sous-ministre du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord. À ce titre, il a déclenché et supervisé la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick. Lors de sa comparution devant le Comité, il a expliqué pourquoi la Commission avait recommandé la tenue d’un référendum sur la RPM :

Les principes clés que nous avons appliqués afin de prendre une décision relativement à un nouveau système électoral comprenaient la représentation locale, c’est‑à‑dire le principe selon lequel toutes les régions géographiques de la province doivent avoir leur propre représentant à l’Assemblée législative qui défend leurs intérêts; la représentation équitable, pour s’assurer que l’opinion de tous les Néo‑Brunswickois était représentée de façon équitable à l’Assemblée législative; l’égalité des votes, pour veiller à ce que le bulletin de vote déposé par chaque électeur ait une incidence égale sur la détermination du gagnant des élections; et le gouvernement efficace, soit la capacité du système d’entraîner la sélection facile d’un gouvernement stable qui est capable de gouverner la province[113].

Il a ajouté : « Nous avons recommandé un système mixte avec compensation proportionnelle en tant que solution optimale pour la province, à la lumière d’une étude de toutes les solutions de rechange relativement à la liste des principes démocratiques ». La Commission espérait que l’adoption de la RPM permettrait de corriger « un résultat bizarre de la politique provinciale : de gros gouvernements majoritaires et des oppositions petites et faibles ». De plus, on croyait que ce système assurerait « l’égalité de la représentation entre les communautés linguistiques anglophone et francophone » dans la province[114].

M. McLaughlin a cité deux conclusions des travaux de la Commission – sur la conception du nouveau système et sa légitimité publique – qui pourraient aider le Comité :

Premièrement, le système uninominal majoritaire à un tour possède de bonnes caractéristiques et est à la fois familier et légitime pour la plupart des électeurs. Après tout, nous acceptons les résultats le soir des élections, et le Canada a progressé. Toutefois, il présente des inconvénients et des lacunes clairs qu’un système mixte avec compensation proportionnelle pourrait atténuer. Nous savons que ce système reflète davantage les valeurs démocratiques de l’équité, de l’inclusivité, du choix et de l’égalité des votes. Cependant, le système mixte avec compensation proportionnelle à l’échelon national n’a jamais vraiment fait l’objet d’un modèle ni d’une analyse complète, à ma connaissance, sauf pour un rapport produit par la Commission du droit du Canada. Nous avons trouvé dans les résultats des conséquences réelles, à la lumière de la conception particulière de ce système, au sujet desquelles vous allez devoir faire des recherches et que vous devrez prendre en considération si vous décidez de recommander ce système.
Deuxièmement, la légitimité publique d’un nouveau système électoral est hautement souhaitable et l’emporte sur les intérêts des partis et des politiciens. La question concerne les citoyens et les électeurs dans une démocratie axée sur les citoyens. La tenue d’un référendum est la façon la plus simple, la plus claire et la plus acceptable de conférer une légitimité à long terme, non seulement au système, mais – et c’est encore plus important – aux résultats qu’il produit[115].

Enfin, M. McLaughlin a proposé, au lieu d’un référendum préalable à l’instauration du nouveau système électoral, un « référendum de validation » :

Je sais que cette question est litigieuse, alors laissez-moi proposer un deuxième choix qui est tout de même une option viable : prévoir un référendum de validation après deux élections, d’après un examen parlementaire du système, et donner aux Canadiens l’occasion de l’accepter, peut-être sous réserve d’améliorations, ou de revenir au système précédent[116].

Lise Ouellette, qui a été coprésidente de la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick de 2003 à 2004, a réitéré devant le Comité son appui à l’étude et aux conclusions de la Commission : « L’écart entre le nombre de votes remportés et le nombre de sièges obtenus à l’Assemblée législative ou au Parlement […] est vraiment une faille majeure de notre système électoral, et il faudra corriger cela, quelles que soient nos convictions à d’autres égards[117] ».

En juillet 2016, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a soumis un document de travail sur la réforme électorale[118] à un comité spécial de la réforme électorale. Le gouvernement travaille de plus à la mise sur pied d’une commission sur la réforme électorale qui étudiera : les obstacles à l’entrée en politique pour les groupes sous-représentés, l’accroissement de la participation à la démocratie (y compris par le mode de scrutin préférentiel et le vote électronique), l’âge minimum pour voter, et les règles en matière de contribution aux partis et de dépenses des partis[119].

e.   Île‑du‑Prince-Édouard

L’Île‑du‑Prince-Édouard a mené une première réflexion sur l’éventuelle réforme de son système électoral de 2003 et 2007. Aujourd’hui, elle envisage à nouveau de modifier le mode d’élection des 27 députés de son Assemblée législative.

En décembre 2003, le commissaire à la réforme électorale de l’Île‑du‑Prince-Édouard a recommandé que la province adopte un système de RPM. Il a cependant recommandé également de poursuivre l’étude de la question, notamment en consultant et en informant davantage la population, et indiqué que tout changement au système électoral de la province devait être approuvé par un « référendum [120] ».

En décembre 2004, l’Assemblée législative a mis sur pied la Commission sur l’avenir électoral de l’Île‑du‑Prince‑Édouard chargée de formuler une question claire et de recommander une date pour un plébiscite[121]. En mai 2005, la Commission a rendu publique sa proposition de système RPM pour la province. Le plébiscite a eu lieu en novembre 2005, avec un seuil d’approbation minimum fixé à 60 %. La proposition de réforme électorale a été approuvée par 36 % des électeurs.

Plus récemment, à la suite de la 65élection générale à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, tenue le 4 mai 2015, le nouveau gouvernement s’est engagé dans son discours du Trône de juin 2015 à étudier la réforme électorale et le renouvellement démocratique[122]. En juillet 2015, le gouvernement a publié un livre blanc dans lequel il promettait de créer un comité législatif spécial pour étudier la possibilité de substituer au SMUT le scrutin préférentiel ou la RP et « définir la question à soumettre aux Insulaires concernant le futur mode de scrutin […] d’ici le 30 novembre 2015[123] ».

À la suite de consultations initiales auprès de la population, le Comité spécial a déposé son deuxième rapport en avril 2016. Il y recommandait que, dans le cadre d’un plébiscite qui aurait lieu en novembre 2016, les électeurs puissent classer en ordre de préférence les divers modes de scrutin suivants :

  • Système mixte binominal avec compensation proportionnelle;
  • Scrutin majoritaire uninominal à un tour (le mode de scrutin actuel);
  • Système uninominal majoritaire à un tour avec compensation;
  • Système mixte avec compensation proportionnelle;
  • Mode de scrutin préférentiel.[124]

Conformément aux recommandations du Comité spécial[125], le plébiscite sur ces cinq options de réforme électorale s’est déroulé à l’Île‑du‑Prince‑Édouard du 29 octobre au 7 novembre 2016[126]. Tous les citoyens âgés de 16 ans ou plus étaient admissibles à voter par Internet, par téléphone ou en personne.

Le Comité a entendu le témoignage de Leonard Russell, ancien président de la Commission sur l’avenir électoral de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, instituée en décembre 2004, et de Jordan Brown, président actuel du Comité spécial sur le renouvellement de la démocratie. Les deux ont offert une analyse détaillée du plébiscite de 2005 et des considérations qui ont façonné le processus de réforme actuel. Ils ont tous les deux témoigné devant le Comité le 6 octobre 2016, un mois avant le plébiscite.

Jordan Brown a rappelé qu’au lendemain du plébiscite de 2005, certaines plaintes ont été exprimées : la RPM était trop complexe, trop peu de bureaux de vote avaient été ouverts, et le vote n’avait duré qu’un seul jour[127]. M. Russell, abondé dans le même sens, ajoutant qu’outre les bureaux de scrutin, qui ont créé de la frustration, les principaux partis de la province ont pris conscience des conséquences potentielles de la réforme :

L’autre problème qui s’est présenté pendant notre programme éducatif est que je crois que les principaux partis de la province ont réalisé pour la première fois les complexités de la proportionnelle mixte.
Ce n’était pas un problème dont on parlait à la table de la commission. Et il y avait des raisons à cela. Il y avait des gens du parti à la table, nommés par les deux principaux partis. On n’en parlait tout simplement pas. Mais une fois de plus, en dehors des circonstances officielles, plusieurs personnes parlaient de ce qu’elles savaient.
Ce qui est arrivé est que, lorsque les partis se sont rendu compte qu’avec la proportionnelle mixte, il devenait possible que ceux qui auraient eu une majorité avec le système majoritaire uninominal à un tour n’auraient pas la majorité
[…]
Ce sont les mêmes gens qui nous avaient donné le pouvoir qui commençaient à nous miner. Je ne sais pas trop comment prouver cela, mais je sais qu’on en parlait dans les réunions de paroisse, à l’église. Les partis mettaient collectivement le public en garde contre les pièges la proportionnelle mixte.
À mon avis, les partis de l’époque ont bien vu que le pouvoir qu’ils pourraient détenir avec un système majoritaire uninominal à un tour leur échapperait avec la proportionnelle mixte, mais ils avaient déjà demandé à ce que l’on continue à réclamer la proportionnelle mixte[128].

Au sujet du processus actuel, M. Brown a expliqué que le plébiscite de 2005 n’avait pas satisfait l’appétit de réforme électorale à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, étant donné qu’« au cours des sept dernières élections sur l’Île‑du‑Prince‑Édouard nous avons eu cinq parlements dans lesquels il y avait un déséquilibre relativement important entre le gouvernement et l’opposition »; « à deux reprises sur ces sept mandats nous avons eu des oppositions comptant un seul député[129] ». La décision d’envisager quatre modes de scrutin en plus du SMUT découle des principes que le Comité spécial a dégagés lors des consultations. Comme M. Brown l’a indiqué, permettre aux électeurs de classer sur le bulletin les différentes options était une tentative d’« encourag[er] les gens à aller au‑delà de leur choix favori en soufflant aux électeurs que leur favori ne serait peut-être pas choisi en premier et qu’ils voudraient peut-être avoir leur mot à dire sur le choix global en faisant un deuxième, un troisième, un quatrième ou un cinquième choix[130] ». Cependant, M. Russell était craintif que le grand nombre d’options sur le bulletin de plébiscite ne causerait de la confusion tant pour les électeurs[131] que pour le gouvernement (qui peinera à interpréter les résultats[132]). Selon lui, la population fait confiance au Comité et s’attend à ce qu’il recommande une seule option de réforme du système électoral – la meilleure.

Enfin, M. Brown a insisté sur l’importance accordée à la participation dans le cadre du processus actuel. C’est pour accroître la participation qu’il a été décidé de permettre le vote en ligne et au téléphone, sur une période assez longue (10 jours) pour que tous aient le temps de voter[133]. Si les jeunes de 16 et de 17 ans ont été admis au vote, c’est parce qu’« ils auront le droit de vote aux prochaines élections » et « qu’ils se trouveront dans un environnement (l’école) où, effectivement, une certaine structure leur permet d’apprivoiser la politique et la démocratie et d’y participer ». M. Brown a dit espérer « qu’ils rentrent chez eux et fassent l’éducation de leur fratrie et de leurs parents et grands-parents et ainsi de suite au sujet du mode de fonctionnement et qu’ils continuent de le faire tout au long de leur vie, d’une façon adéquate, structurée et bien informée[134] ».

Au total, 37 040 Prince‑Édouardiens, ce qui représente 36,46 % des électeurs admissibles, ont participé au plébiscite qui s’est tenu la première semaine de novembre 2016. Au terme de quatre séances de dépouillement[135], les résultats ont révélé que 52,42 % des électeurs préféraient un système de RPM au système actuel[136]. Dans une déclaration publiée le 8 novembre 2016, M. MacLauchlan, premier ministre de l’Île‑du-Prince‑Édouard, a dit ceci :

Quand on sait que le taux de participation était de 36,5 %, ce qui est plutôt bas, il y a lieu de se demander si une majorité claire est ressortie du plébiscite tenu entre le 29 octobre et le 7 novembre 2016. Sur les cinq systèmes proposés que les électeurs prince-édouardiens devaient classer par ordre de préférence, la représentation proportionnelle mixte a recueilli 52,42 % de la faveur populaire au terme de la quatrième séance de dépouillement. Au cours des trois premières, le système majoritaire uninominal à un tour (qui est le système actuel) a obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés. À la quatrième et dernière séance de dépouillement, 19 % des électeurs admissibles, soit un peu moins de un sur cinq, étaient en faveur de la représentation proportionnelle mixte. Il est permis de douter que ces résultats reflètent clairement la volonté des Prince‑Édouardiens, pour paraphraser le Comité spécial sur le renouvellement de la démocratie[137].

Il a ajouté :

Quand l’Assemblée législative commencera sa session d’automne, mardi prochain, la question du renouvellement de la démocratie et les résultats du plébiscite seront dans l’esprit de tous les législateurs. Nous attendons avec intérêt de prendre connaissance du détail des résultats, notamment en ce qui concerne le soutien accordé dans les différentes régions de la province, si possible par circonscription, dès qu’Elections Prince Edward Island sera en mesure de nous donner l’information[138].

[48]           Craig Brown, dir., The Illustrated History of Canada, édition du 25anniversaire, McGill-Queen’s University Press, Montréal et Kinston, 2012, p. 598 [traduction].

[49]           Peter H. Russell, Université de Toronto, Mémoire au Comité spécial sur la réforme électorale de la Chambre des communes, 26 juillet 2016.

[50]           Ibid.

[51]           Dennis Pilon, The Politics of Voting – Reforming Canada’s Electoral System, Emond Montgomery Publications Limited, Toronto, 2007, p. 81. Voir aussi : Élections Manitoba, Sommaire des procédures électorales au Manitoba de 1870 à 2011.

[52]           Calgary (de 1916 à 1961); Edmonton (de 1922 à 1928); Regina (de 1920 à1 926); Saskatoon (de 1920 à 1926); Vancouver (de 1920 à 1923); Victoria (de 1920 à 1921); Winnipeg (de 1920 à 1971). Source : Dennis Pilon, The Politics of Voting – Reforming Canada’s Electoral System, Emond Montgomery Publications Limited, Toronto, 2007, p. 81.

[53]           Calgary, de 1961 à 1973.

[54] Commission du droit du Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, Ottawa, 2004, p. 29.

[55]           Élue en 1917 et dirigée par la coalition pro conscription du Parti unioniste.

[56]           Chambre des communes, Comité spécial sur la représentation proportionnelle et le vote simple transférable ou préférentiel, Premier Rapport, Journaux, 5session, 13législature, 30 mai 1921, p. 391‑392.

[57]           Ibid.

[58]           Ibid.

[59]           Ibid.

[60]           Dans cette législature, la nouvelle Fédération du Commonwealth coopératif (FCC), qui prônait la réforme sociale, a remporté sept sièges, et le nouveau Parti Crédit Social, favorable à la réforme monétaire, a fait élire 17 députés. Ces deux partis venaient de l’Ouest.

[61]           Chambre des communes, Comité spécial concernant la Loi des élections fédérales et la Loi du cens électoral fédéral, Quatrième et Dernier Rapport, Journaux, 1re session, 18législature, 11 juin 1936, p. 446–448; et Deuxième et Dernier rapport, Journaux, 2session, 18législature, 6 avril 1937, p. 390–394.

[62]           Ibid.

[63]           Commission de l’unité canadienne, Se retrouver : Observations et recommandations, Ottawa, 1979.

[64]           La Commission a recommandé de substituer au système uninominal à un tour un système de représentation proportionnelle mixte inspiré du modèle allemand (« La réforme électorale et la Chambre des communes » [chapitre 7]) :

68. Pour établir un meilleur équilibre entre le nombre de suffrages recueillis et le nombre de sièges détenus par chaque parti politique dans les diverses régions et provinces, il y aurait lieu de modifier le mode actuel d’élection à la Chambre des communes par l’introduction d’un élément de proportionnalité qui compléterait le système actuel des circonscriptions d’un seul député élu à la majorité simple.

69.  i –  Le nombre de députés à la Chambre des communes devrait être augmenté d’environ 60.

        ii –  Ces députés devraient être choisis, parmi les candidats figurant sur des listes provinciales dressées par les partis fédéraux avant les élections générales, les sièges étant répartis entre les partis au prorata des suffrages populaires.

[65]           Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, Volume 3, partie VI, « Chapitre 21 – Les institutions du gouvernement national », Ottawa, 1985, p. 94.

[66]           Commission royale sur la réforme électorale et le financement de partis, Volume 1, chapitre 1, « Les objectifs de la démocratie électorale », Ottawa, 1991, p. 22.

[67]           Commission du droit du Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, Ottawa, 2004.

[68]           Ibid.

[69]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 août 2016, 1805 (Nathalie Des Rosiers, doyenne, Faculté de droit, Section de droit civil, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[70]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 29 septembre 2016, 1340 (Roderick Wood, professeur, Faculté de droit, Université de l’Alberta, à titre personnel).

[71]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 septembre 2016, 1835 (Bernard Colas, avocat associé, CMKZ sencrl, ancien commissaire de la Commission de droit du Canada, à titre personnel).

[72]           Questionnée sur le rapport de 2004 de la Commission du droit, Nathalie Des Rosiers a répondu :

Je demeure absolument certaine de notre évaluation du système uninominal à un tour. Même s’il nous satisfait d’une certaine façon à l’heure actuelle, il faut que nous pensions à long terme. Selon moi, ce scrutin a produit beaucoup trop de cas de distorsion. J’en demeure convaincue. Je suis encore convaincue que nos recommandations de bien tenir compte de cette question sont toujours aussi importantes et que vous devriez les présenter dans votre rapport […] Je suis toujours convaincue que, quel que soit le système choisi, il devrait comporter un élément de proportionnalité. Il faut que nous continuions à viser cela.

                ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 août 2016, 1840 (Nathalie Des Rosiers).

[73]           M. Wood souscrit toujours au rapport de 2004 de la Commission du droit :

Il y a 12 ans, la Commission du droit du Canada a publié un rapport sur la réforme électorale. À l’époque, j’étais membre de cette commission et j’ai participé à la production de ce rapport. Aujourd’hui, je voulais vous parler un peu des raisons qui nous ont amenés à nos conclusions. Tout d’abord, dans les 12 années qui se sont écoulées depuis la publication de ce rapport, sachez que je n’ai pas changé de point de vue, soit que le système à représentation proportionnelle mixte, ou RPM, est un meilleur choix que le système actuel et qu’il doit être préféré à toute autre formule. Cela étant, il y a un élément du rapport à propos duquel j’ai changé d’opinion à cause d’éléments que nous ignorions quand nous avons produit le rapport de la Commission du droit. Il s’agit de la question des listes ouvertes par rapport aux listes fermées […]

                ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 29 septembre 2016, 1340 (Roderick Wood).

[74]           M. Colas a indiqué :

Je vous invite de nouveau à lire le rapport, parce que différents problèmes ont été soulevés. Nous nous sommes demandé, par exemple, si un député élu à partir d’une liste devait avoir le même statut qu’un député élu dans une circonscription. Beaucoup d’autres questions ont été posées auxquelles nous avons répondu dans le rapport. En fait, je comprends que la réforme du système électoral n’est pas une chose facile. Vous avez un beau défi devant vous. À l’époque, j’avais parlé notamment à l’Association canadienne des ex-parlementaires et j’ai senti une certaine résistance de sa part. Bon nombre de ceux qui ont été élus grâce à un certain système se disent que si cela a fonctionné pour eux, pourquoi changer le système qui leur a permis d’être élus. Vous allez donc vous retrouver avec le bras politique qui conçoit le système, mais aussi avec les politiciens qui jouent avec le système.

Le système que nous avons proposé est selon moi facile à vendre à la population. Il y aurait donc deux façons de faire : 66 % de députés élus dans une circonscription et 33 % à partir de listes. Selon moi, cette proportion permettrait de corriger le déséquilibre et de répondre aux valeurs du XXIsiècle.

                ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 septembre 2016, 1835 (Bernard Colas).

[75]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 septembre 2016, 1940 (Bernard Colas).

[76]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 25 juillet 2016, 1415-1420 (Brian Tanguay, professeur, Département de science politique, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel). M. Tanguay s’est aussi dit en faveur des listes ouvertes : « Si je devais réécrire ou amender le rapport de 2004, j’essaierais de garantir que ces listes dans lesquelles nous faisons notre choix soient les plus ouvertes possible ».

[77]           Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Quarante-troisième Rapport (Réforme électorale), 1re session, 38législature, 16 juin 2005.

[78]           Ibid.

[79]           Ibid.

[80]           Ibid.

[81]           Ibid.

[82]           Ibid.

[84]           Jack Aubry, « Poll shows voters favour winner-take-all system », Ottawa Citizen, 16 septembre 2007 [en anglais seulement].

[85]           Dennis Pilon, The Politics of Voting – Reforming Canada’s Electoral System, Emond Montgomery Publications Limited, Toronto, 2007, p. 81. Voir aussi : Élections Manitoba, Sommaire des procédures électorales au Manitoba de 1870 à 2011.

[86]           Commission du droit du Canada, Un vote qui compte : la réforme électorale au Canada, Ottawa, 2004, p. 30 et 31.

[87]           Calgary (de 1916 à 1961); Edmonton (de 1922 à 1928); Regina (de 1920 à 1926); Saskatoon (de 1920 à 1926); Vancouver (de 1920 à 1923); Victoria (de 1920 à 1921); Winnipeg (de 1920 à 1971). Source : Dennis Pilon, The Politics of Voting – Reforming Canada’s Electoral System, Emond Montgomery Publications Limited, Toronto, 2007, p. 81.

[88]           Calgary, de 1961 à 1973.

[89]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 22 août 2016, 1930 (Harold Jansen, professeur en science politique, University of Lethbridge, à titre personnel).

[90]           La première réforme électorale en Colombie-Britannique remonte à 1952, année où le gouvernement de coalition libéral-conservateur adopte le vote préférentiel (VP) pour le scrutin de 1952. Le système est utilisé une deuxième et dernière fois à l’élection provinciale de 1953, après quoi le gouvernement créditiste rétablit le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Pour plus de renseignements, voir : Élections CB, Electoral History of BC.

[91] L’Assemblée se composait de 160 électeurs admissibles (80 hommes et 80 femmes, soit un homme et une femme de chacune des 79 circonscriptions de la province plus deux Autochtones).

[92]           Si ce système avait été adopté, la province serait passée de 85 circonscriptions à député unique à 20 circonscriptions à députés multiples, sans que ne change le nombre total de députés provinciaux. Chaque circonscription aurait eu de 2 à 7 sièges, selon sa population et sa superficie géographique, et les électeurs auraient élu leurs députés en classant les candidats sur le bulletin de vote. Pour assurer une liberté de choix optimale, et comme l’Assemblée pensait que la population serait opposée aux listes de parti, celles‑ci n’auraient pas été utilisées : les électeurs auraient pu choisir, parmi les noms à classer sur le bulletin, des candidats de plus d’un parti.

[93]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 31 août 2016, 1425 (Gordon Gibson, à titre personnel). Craig Henschel et Diana Byford ont eux aussi salué le processus et le mandat de l’Assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique, à laquelle ils ont siégé : ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 27 septembre 2016, 1520 (Craig Henschel, membre, BC Citizens' Assembly on Electoral Reform) et 1650 (Diana Byford, B.C. Citizens' Assembly on Electoral Reform).

[94]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 27 septembre 2016, 1650 (Diana Byford).

[95]           Ibid., 1520 (Craig Henschel).

[96]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 31 août 2016, 1425 (Gordon Gibson).

[97]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 27 septembre 2016, 1530 (Craig Henschel). M. Henshel a dit :

Le référendum a été établi au même moment que l’Assemblée. Mais à ce moment, nous ne savions pas qu’il y aurait une double super majorité de 60 %. Lorsque nous avons tous signé, nous pensions qu’il s’agirait d’un référendum habituel d’une majorité de 50 %. Nous n’avons eu vent de la double majorité de 60 % que plusieurs mois suivant le début du processus, et nous sommes tous restés là à ne rien faire, en pensant que cette proposition était vouée à l’échec. Nous ne pensions pas que ça fonctionnerait, même si nous aimions vraiment l’exigence d’obtenir 50 % dans différentes circonscriptions. Nous avons été forcés de nous assurer que nous répondions aux exigences et aux besoins des électeurs en milieu rural, ce que nous aurions pu éviter autrement.

                Il a ajouté, à 1545 :

Je pense que tout le monde comprend bien que la double super majorité de 60 % exigée visait à stopper la réforme en cours. C’était planifié. Ils avaient les meilleures intentions au moment de créer l’assemblée. Gordon Campbell a perdu l’élection de 1996, et je me rappelle de cette soirée électorale. Nous avions obtenu le plus de votes. Les libéraux avaient obtenu le plus de votes, mais c’est le NPD qui a formé un gouvernement majoritaire. Il était furieux et il a déclaré “Plus jamais”. À l’élection suivante, les libéraux ont remporté 77 des 79 sièges. Ce fut une majorité écrasante et l’opposition officielle a été anéantie. En Colombie-Britannique, nous avons alors compris que le système électoral ne fonctionnait tout simplement pas. Les réponses n’étaient pas les bonnes, et gouverner était difficile en conséquence. L’Assemblée législative a voté à l’unanimité en faveur de la création de l’Assemblée. C’est plus tard qu’ils se sont mis à penser que ça n’avait peut-être pas été une si bonne idée.

[98]           ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 27 septembre 2016, 1650 (Diana Byford). Elle a dit :

Le gouvernement avait deux exigences de 60 %, dont vous avez entendu parler : il fallait que 60 % des voix soient en faveur, et que 60 % des circonscriptions votent oui à la majorité simple de 50 % plus une voix. Les résultats ont été les suivants : voix, 57,69 %; circonscriptions : 77 sur 79, soit 92 %, mais le résultat a été déclaré un échec. Mon opinion personnelle est que cela a été un échec du gouvernement de Colombie-Britannique envers le peuple. J’estime également que notre succès dans l’atteinte de ces chiffres est dû au fait que ce changement recommandé est venu de citoyens ordinaires plutôt que de groupes politiques ou d’institutions.

[99]           Ibid.

[100]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 26 juillet 2016, 1440 (R. Kenneth Carty) :

Ce qui ressort clairement de ce référendum – nous avons fait plusieurs recherches sur la question par la suite – c’est que la vaste majorité des personnes qui ont participé à ce référendum ne connaissaient absolument rien de la question sur laquelle ils allaient voter. Ceux qui ont voté pour la tenue du référendum ont voté pour l’adoption du système dans une proportion de 58 %, comme quelqu’un l’a déjà mentionné. La grande majorité des personnes qui ont voté pour l’adoption du système connaissaient l’assemblée des citoyens et approuvaient cet exercice. En réalité, ils étaient là pour signaler leur approbation d’une initiative qui était venue de leurs concitoyens. Ils savaient que leurs concitoyens avaient passé un an à parcourir la province pour tenir des consultations, un an à réfléchir et à développer toute une série de solutions de remplacement, et qu’ils avaient envisagé un scrutin proportionnel mixte, le SPM, un scrutin à vote unique transférable, le VUT, et un scrutin majoritaire uninominal à un tour, le SMUT. Tout porte à croire, d’après les sondages que nous avons menés, que ceux qui ont voté pour ce système étaient bien informés à son sujet et, qui plus est, connaissaient l’assemblée des citoyens et croyaient en son travail. La majorité des personnes qui se sont présentées aux urnes en ignorant tout de ce système ont voté contre. Je pense que les faits laissent entendre, et c’est certainement le cas en Ontario, que la grande majorité des gens qui participent à ces référendums n’a aucune connaissance substantielle de la question.

[101]             Gouvernement de l’Ontario, Secrétariat du renouveau démocratique, « Le gouvernement McGuinty met à exécution son initiative historique de réforme électorale », communiqué de presse, 27 mars 2006. L’Assemblée réunissait 103 citoyens (52 femmes et 51 hommes) représentant chacune des circonscriptions de l’Ontario et choisis au hasard par Élections Ontario dans le Registre permanent des électeurs de l’Ontario. Voir aussi le site Web de l’Assemblée des citoyens sur la réforme électorale.

[102]             Loi de 2007 sur le référendum relatif au système électoral, L.O. 2007, chap. 1.

[103]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 28 juillet 2016, 1040 (Jonathan Rose, professeur associé, Département d’études politiques, Université Queen's, à titre personnel).

[104]         Ibid., 1010.

[105]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 25 juillet 2016, 1505 (Brian Tanguay).

[106] La commission spéciale, qui a entrepris ses travaux en novembre 2005, était aidée par un comité de huit citoyens, soit quatre hommes et quatre femmes.

[107]              Pour en savoir plus sur le rapport, voir Directeur général des élections du Québec, « Communiqué no 2 – Modalités du scrutin mixte compensatoire : le DGE illustre différentes options », 21 décembre 2007.

[108]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 22 août 2016, 1555 (Benoît Pelletier).

[109]         Ibid., 1530 et 1545.

[110]         Ibid., 1605.

[111]             Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Commission sur la démocratie législative, Rapport final et recommandations, décembre 2004.

[112]             Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Conseil exécutif, « Le gouvernement publie sa réponse au rapport sur la démocratie législative », communiqué de presse, 20 juin 2006.

[113]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 1er septembre 2016, 0945 (David McLaughlin, à titre personnel).

[114]         Ibid.

[115]         Ibid.

[116]         Ibid., 0950.

[117]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 7 octobre 2016, 1335 (Lise Ouellette, coprésidente, à titre individuel).

[118]         Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Renforcer la démocratie au Nouveau-Brunswick – Document de travail, juillet 2016.

[119]         Gouvernement du Nouveau-Brunswick, Commission sur la réforme électorale. La commission remettra son rapport au greffier du Conseil exécutif et secrétaire du Cabinet en janvier 2017.

[120]              Commissaire à la réforme électorale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, 2003 Prince Edward Island Electoral Reform Commission Report, p. 98. Il convient de noter que les termes « référendum » et « plébiscite » sont souvent utilisés l’un pour l’autre, parfois de façon erronée. En général, on s’attend à ce que le référendum ait un caractère exécutoire pour le gouvernement, alors que le plébiscite est plutôt un vote mené à titre consultatif. Ce qui a eu lieu dans la province en 2005 est un plébiscite et il a été enregistré comme tel, bien qu’on l’ait souvent aussi qualifié de « référendum ».

[121]             Assemblée législative de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, Motion No. 32 : Prince Edward Island’s Electoral Future.

[122]             Île‑du‑Prince‑Édouard, Discours du Trône, 1re session, 65assemblée générale, 3 juin 2015, p. 4.

[123]             Île‑du‑Prince‑Édouard, White Paper on Democratic Renewal, juillet 2015 [traduction].

[124]         Elections P.E.I., Your Choice PEI, « The Ballot », 2016 [en anglais seulement].

[125]             Île‑du‑Prince‑Édouard, Comité spécial sur le renouvellement de la démocratie, Recommendations in Response to the White Paper on Democratic Renewal: A Plebiscite Question, 15 avril 2016.

[126]              Elections P.E.I., Is it Time for Change?: http://www.yourchoicepei.ca/home.

[127]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 6 octobre 2016, 1340 (Jordan Brown, président, Assemblée législative de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, Comité législatif spécial sur le renouvellement démocratique).

[128]         Ibid., 1400 (Leonard Russell, président, Commission sur l’avenir électoral de l’Île‑du‑Prince‑Édouard).

[129]         Ibid., 1340 (Jordan Brown).

[130]         Ibid.

[131]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 6 octobre 2016, 1435 (Leonard Russell) :

Si votre comité penche pour le scrutin proportionnel mixte, sur la base de tout ce que vous avez entendu, alors, en tant que contribuable, je m’attendrais à ce que vous présentiez cette recommandation, et qu’elle ne soit pas perdue dans l’amas de choses qui existent par ailleurs pour ensuite essayer de deviner si c’est l’une des options ou non. Ne me mettez pas au défi. Comme je n’ai pas tout entendu, je dois vous faire confiance de toute façon, donc ne m’interpellez pas avec quatre ou cinq options sur lesquelles je ne sais pas grand-chose. Je compte sur le Comité pour faire cela. J’espère que vous comptez faire cela. Je ne sais pas si les autres députés de la Chambre des communes ont ce niveau de confiance, ou non.

[132]         Ibid., 1440 :

Peu importe son engagement, si le gouvernement reçoit trop d’options parmi lesquelles choisir, je crois que les chances que sa réaction soit celle prévue sont plus minces que si vous lui soumettiez une seule option. Je vous demande de me faire confiance à ce sujet. Notre province s’est déjà engagée à examiner l’enjeu. Si l’enjeu est étudié par le comité de M. Brown et qu’une recommandation est formulée, il sera plus difficile pour le gouvernement de ne pas faire quelque chose de très constructif dans la direction recommandée que ce le serait s’il avait quatre ou cinq types supplémentaires de recommandations.

[133]         ERRE, Témoignages, 1re session, 42législature, 6 octobre 2016, 1345, 1420 (Jordan Brown) :

Le volet concernant le vote en ligne est vraiment, comme monsieur Russell l’a mentionné, en réponse aux problèmes que nous avons eus en 2005. C’est une façon beaucoup moins coûteuse de faire un plébiscite. C’est une façon de faire qui demande beaucoup plus de participation, autrement dit, la question n’est pas aussi simple que lorsqu’on doit choisir entre le candidat X et le candidat Y. On peut être chez soi, devant son ordinateur, et prendre une demi-heure pour lire sur chacun et comparer chaque candidature, faire des recherches et ensuite prendre sa décision. Nous trouvions que c’était un élément clé de l’aspect « vote en ligne ». La période de votation est assez longue pour qu’on n’ait vraiment pas d’excuses. Elle dure plus de 10 jours. Si les gens sont partis, ils peuvent être absents une semaine, mais probablement pas 10 jours. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles on peut décider de prolonger une période de votation, mais c’est quelque chose qu’on peut faire quand on n’est pas obligé d’avoir du monde assis dans un bureau de scrutin durant 10 jours en ligne.

[134]         Ibid., 1420.

[135]         Lors du plébiscite tenu entre le 29 octobre et le 7 novembre 2016, on a demandé aux électeurs prince‑édouardiens de classer les modes de scrutin suivants par ordre de préférence :

·         système de représentation proportionnelle binominale;

·         système majoritaire uninominal à un tour (mode de scrutin actuel);

·         système majoritaire uninominal à un tour plus chefs des partis qui recueillent un pourcentage minimal préétabli du vote populaire;

·         système de représentation proportionnelle mixte;

·         mode de scrutin préférentiel.

Pour obtenir les résultats, on a utilisé la méthode du scrutin préférentiel. Pour être retenu, un système devait avoir recueilli la majorité des suffrages admissibles exprimés. Comme aucun système n’a obtenu la majorité à l’issue du premier dépouillement, le système étant arrivé le moins souvent en premier dans l’ordre de préférence a été éliminé. Sur les bulletins où l’option éliminée est arrivée en premier, on a tenu compte des préférences suivantes concernant les autres systèmes dans le dépouillement. Le processus s’est poursuivi jusqu’à ce qu’un système, en l’occurrence la représentation proportionnelle mixte, recueille la majorité nécessaire.

[136]         Élections Prince Edward Island, « Plebiscite Results », 7 novembre 2016 [en anglais seulement].

[137]         Gouvernement de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, « Statement from Premier MacLauchlan regarding Plebiscite », 8 novembre 2016 [traduction].

[138]         Ibid.