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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 23 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Chers collègues, la séance est ouverte. Il s'agit de la 35e réunion du comité des affaires étrangères.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 14 avril 2016 et à l'article 20 de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, nous procéderons à l'examen prévu par la Loi. Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de Mme Kimberly Prost, qui se trouve à La Haye, aux Pays-Bas, où il est, je crois, 21 heures ou à peu près.
    Madame Kimberly, je vous souhaite la bienvenue. Selon notre procédure, qui vous a sans doute été expliquée, vous aurez tout le temps voulu pour vos remarques préliminaires, après nous passerons à la période de questions, qui durera peut-être 40 ou 50 minutes. Cela nous donnera amplement de temps pour réfléchir à vos remarques en vue de la discussion qui suivra.
    Je vous cède donc la parole. Soyez la bienvenue à cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international du Canada.
    Merci beaucoup.
    Bonjour à tous. Comme cela a été dit, je formulerai des observations fondées sur mon expérience de cinq années en tant que Médiatrice auprès du Comité des sanctions contre Al-Qaïda du Conseil de sécurité. Je fais remarquer que, même s'il s'agissait d'un rôle international, je crois qu'il a permis de tirer beaucoup de leçons applicables à un contexte national.
    Mes observations porteront sur les deux textes législatifs portés à mon attention. Je ferai quelques brefs commentaires visant directement la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus avant de formuler des observations plus générales concernant la Loi sur les mesures économiques spéciales et, plus globalement, la question des sanctions. Outre mon expérience en matière de sanctions, j'ai dirigé le Groupe d'entraide internationale au ministère de la Justice du Canada pendant 10 ans, m'occupant de questions d'entraide juridique et d'extradition, y compris d'entraide pour le blocage des avoirs.
    Voilà plusieurs années que je suis à l'extérieur du Canada, et je dois dire que j'ai été, que je demeure, quelque peu perplexe devant la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Je suppose que ma perplexité tient au fait que je ne vois pas la nécessité pour le Canada d'avoir une loi de cette nature quand il est déjà doté d'un solide système de contrôle et de confiscation d'actifs et des produits de la criminalité, ainsi qu'un d'un régime d'entraide juridique et d'un ensemble de traités d'assistance mutuelle.
    Je comprends, pour avoir pratiqué dans ce domaine pendant de nombreuses années, qu'il soit très difficile et parfois très décevant de réaliser la saisie des produits de crimes commis à l'extérieur du pays et le blocage d'actifs découlant de la corruption de dirigeants étrangers, mais cela s'explique par le fait que le régime législatif qui est en place comporte des freins et contrepoids qui mettent en équilibre, d'une part, le pouvoir de contrôle et de confiscation d'actifs et, d'autre part, les droits individuels. Pour résoudre cette situation, il me semble qu'il serait plus sensé de travailler à modifier les régimes existants, qui comportent toutes ces protections, que d'adopter un texte législatif qui, à mes yeux, ne comporte que des éléments d'une loi sur le contrôle et la confiscation et des éléments assistance mutuelle, mais qui ne contient d'aucune façon un ensemble de protections.
    Je signalerais trois choses qui m'ont particulièrement frappée dans le texte législatif: d'abord, l'absence très étonnante d'exigences imposées à un État étranger de fournir, dans sa demande, des renseignements, encore moins des preuves, étayant l'affirmation selon laquelle les fonds ont été détournés ou obtenus indûment; ensuite, l'absence de tout détail quant aux agissements allégués de la personne visée pour détourner ou obtenir indûment les actifs en question; enfin, l'absence de la capacité de contester la demande sur le fond, plutôt que sur son statut.
    Ces commentaires ne portent que sur le texte législatif. Je traiterai maintenant de façon plus générale de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de l'approche en matière de sanctions.
    Je fais deux mises en garde. Tout d'abord, mes commentaires portent spécifiquement sur le recours à la LMES et aux sanctions pour cibler des individus, parce que c'est alors que se pose la question des droits. Ce n'est pas dans un contexte de sanctions contre un État ou un secteur, qui soulèvent, bien entendu, des enjeux politiques, mais non la même question des droits.
    En deuxième lieu, j'insisterais qu'il est en principe très utile et tout à fait approprié — en particulier aujourd'hui avec la fragmentation et la division qui caractérisent le Conseil de sécurité qui siège à New York — qu'un pays comme le Canada dispose d'un pouvoir lui permettant d'agir avec souplesse, en tant que membre d'une organisation internationale, collectivement par accord ou même seul, afin d'exercer des sanctions pour contrer une menace à la paix et à la sécurité internationales.

  (1535)  

    Il y a cependant des leçons très précises que j'ai retenues de mon rôle de médiatrice, à savoir que ce pouvoir est très susceptible d'être remis en question quant à sa crédibilité et à son étendue. Il y a trois points sur lesquels le Conseil de sécurité a été critiqué relativement à ses régimes de sanctions. Je pense que certains d'entre eux ont une certaine résonance relativement à ce texte législatif et à l'approche actuelle.
    Le premier point que je ferai valoir est qu'il existe des objectifs et des raisons de principe très précis qui sous-tendent le recours aux sanctions, en particulier dans le contexte de la paix et de la sécurité internationales. J'ai pris connaissance de certains des témoignages précédant le mien et je sais donc que vous avez entendu certains des grands spécialistes dans le domaine. Je suis certaine que vous avez entendu répéter que les trois buts fondamentaux des sanctions sont, bien sûr, d'empêcher les menaces de se concrétiser, de stigmatiser les personnes en cause et, peut-être le plus important, de modifier le comportement visé par les sanctions. C'est en fonction de ces raisons que les lois établissant des sanctions doivent être formulées et pour lesquelles elles doivent être mises en application.
    Malheureusement, il arrive que les sanctions servent plutôt comme substitut aux enquêtes ou aux poursuites criminelles ou à des fins de contrôle et de confiscation d'actifs, du fait que le contrôle dure si longtemps. Les régimes de sanctions, tout simplement, ne sont pas assortis des normes, des exigences de preuve ou des protections procédurales qui sont au cœur des processus d'enquête criminelle et de contrôle d'actifs et qui assurent une protection des droits.
    Le deuxième point, lié de très près au premier, est que, lorsqu'il s'agit d'exercer le pouvoir de sanction, ce pouvoir doit être défini avec grand soin, notamment quand ce sont des individus qui sont visés. Il faut cibler une menace définie précise en appliquant des critères objectifs prédéfinis. Il ne suffit pas qu'il y ait une menace; il doit y avoir des critères permettant de déterminer à quel moment un individu y participe ou en est responsable, en tout ou en partie. Il faut donc pouvoir évaluer le comportement de l'individu en cause au moyen de ces critères en fonction d'une norme établie. C'était là l'objet essentiel du rôle du médiateur. C'est ce que je devais mettre en pratique, et cette fonction était d'importance cruciale.
    Le troisième point, bien entendu, réside dans le fait que, comme la norme est beaucoup moins contraignante que dans les poursuites criminelles, il faut qu'il y ait des procédures très claires qui assurent un processus équitable aux individus et entités ciblés, ceux qui figurent dans la liste. Cela comprend les éléments fondamentaux du processus équitable: signification d'un avis, même postérieure au blocage ou à l'amorce de l'action ou de la mesure économique, communication des motifs précis pour lesquels l'individu a été inscrit sur la liste, possibilité de contester ces motifs et d'être entendu par un décideur et, le plus important, révision indépendante par un organe habilité à apporter un redressement réel.
    C'est tout un défi de tenter d'obtenir l'application de ces principes sur le plan international, mais cela ne devrait pas l'être au Canada, où il existe un système juridique et judiciaire qui fonctionne bien.
    Quant à l'application de ces principes, je ferai quelques brèves observations sur certaines des préoccupations que soulève, il me semble, la LMES et sur ce que cela reflète pour ce qui est de… Cela s'applique aussi, à bien des égards, à la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.
    La première de ces préoccupations a trait au critère en vertu duquel des sanctions pourraient être imposées, critère qui est extrêmement large et vague, qui fait état de « rupture sérieuse » et de « grave crise internationale » et, dans l'autre contexte, de concepts de détournement.
    Si vous voulez un champ d'application aussi large, il faut, à tout le moins, que les décrets et règlements pris en vertu de cette loi, ainsi que les décrets spéciaux, expliquent en quoi la situation particulière constitue ou présente une menace générale à la paix et à la sécurité internationales. Je ne vois aucune exigence de cette nature dans le texte de loi, pas plus que je ne vois que les décrets établissent ou expliquent ce lien.

  (1540)  

    Beaucoup plus grave est l'absence de critères régissant l'inscription d'individus sur la liste. Quels sont les critères d'après lesquels leur comportement est évalué et, plus important, quels faits précis sont énoncés dans l'un ou l'autre des deux textes législatifs qui feraient qu'une personne puisse y être inscrite?
    La deuxième préoccupation, très voisine, c'est que, s'il s'agit réellement d'une loi autorisant des sanctions, définissant les sanctions, buts et objets, il faut que cela soit formulé dans le texte de la loi, ce qui n'est pas le cas, il me semble. Je dirai — et je l'ai souvent dit quand je m'occupais de dossiers d'Al-Qaïda — qu'il est très difficile de recourir aux sanctions pour inciter les gens à changer leur comportement si on ne leur dit pas quel est le comportement qui leur est reproché. Je constate que le problème est patent dans ce cas-ci.
    La troisième préoccupation, celle que je mets en exergue, concerne les exigences de processus équitable. Ici, je dois faire une mise en garde. Je suis absente du Canada depuis bien des années et je n'ai pas passé en revue mon droit administratif. Je soupçonne qu'il existe une voie de révision judiciaire des décisions ministérielles, parce qu'une révision ministérielle est prévue. Si ce n'est pas le cas, ce texte de loi serait pire encore que ce que j'ai trouvé quand, à mon arrivée à New York en 2010, j'ai examiné le système d'Al-Qaïda, parce qu'il n'y aurait alors aucune révision objective, ni redressement réel.
    Même si le processus équitable est assuré, ce qui étonne c'est qu'aucun de ses éléments — avis, motifs et choses de ce genre — n'est précisé dans le texte de loi. De plus, puisqu'il est question d'agir ou de prendre des mesures économiques à l'encontre d'individus qui se trouvent à l'étranger, il serait approprié d'établir très clairement dans le texte quelles sont les protections assurées par le processus équitable et quelle piste d'action un individu peut suivre. J'insiste sur le fait que la révision ministérielle ne satisfera pas au critère de révision objective et indépendante voulu par le processus équitable.
    Je termine là-dessus parce que je pense que, pour compléter mes remarques, il vaut beaucoup mieux de simplement répondre à vos questions. Je sais que vous vous penchez sur cette question depuis longtemps et que vous avez entendu beaucoup de gens. Ayant lutté pendant cinq ans pour faire respecter ces principes dans une ambiance qui n'y était pas du tout propice et sans être outillée pour assurer l'équité, je me contenterai d'exhorter le comité et le gouvernement, mon gouvernement, à établir, dans ces deux textes de loi, un régime de sanctions efficaces et une politique en matière de sanctions qui permettront d'atteindre les importants objectifs de principe qui ont été fixés tout en sauvegardant les droits individuels.
    Merci de votre attention.

  (1545)  

    Merci beaucoup, madame Prost. Vos remarques nous seront très utiles.
    Nous passerons directement aux questions des membres du comité, d'abord à celles de M. Allison.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Prost, de votre témoignage.
    Je vous ai écouté avec attention. Ce que nous cherchons à faire, c'est de réprimer l'action de personnes qui portent gravement atteinte aux droits humains. Évidemment, il n'y aura probablement pas eu d'enquête pour le prouver. Le contexte était celui d'une loi Magnitsky mondiale, comme celle adoptée aux États-Unis et envisagée par d'autres pays. Cela fait partie du problème, non? Tout d'abord, parce qu'on peut être plus ou moins sûr que le pays concerné ne fera pas enquête.
    Je suppose que ma question est la suivante: comment composons-nous avec une telle situation? Vous dites que les sanctions ne sont pas un substitut à une enquête s'il y a camouflage ou d'autres manigances du genre. Ce qui nous préoccupe, ce sont les individus qui s'enrichissent indûment dans leur propre pays, puis placent leurs avoirs dans les démocraties occidentales où, à quelque moment futur, des membres de leur famille ou eux-mêmes pourront y avoir accès. On nous sert l'argument que ces choses ne se font pas vraiment, mais elles se font effectivement, peut-être moins au Canada qu'aux États-Unis, au Royaume-Uni ou dans certains pays européens.
    J'aimerais connaître vos vues sur cette situation. Nous tâchons de trouver des moyens pour résoudre ce problème, et je vous entends dire qu'il y aurait peut-être lieu d'apporter des modifications, de formuler de nouvelles définitions, de faire des choses de ce genre. Ce que nous cherchons à faire, là où l'application régulière de la loi fait défaut… Je comprends bien que si cela vient d'un pays avec des institutions démocratiques bien établies et qu'il existe déjà des situations problématiques qui mènent à inscrire arbitrairement les gens sur une liste ou à leur imposer des sanctions, sans application régulière de la loi, cela ne serait pas forcément sensé. Dans certains de ces pays, ces procédures ne sont pas toujours en place. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Vous avez exprimé des pensées qui méritent réflexion. Y a-t-il, à votre sens, moyen de renforcer le système et de le rendre équitable et raisonnable?
    Oui. Ce sont de très bonnes questions, parce qu'elles touchent au dilemme dans lequel nous sommes. Nous voulons être en mesure d'agir, en particulier dans les affaires de corruption. La corruption est un défi majeur dans un grand nombre de pays et elle a un effet des plus paralysants. Certes, nous voulons les aider et être capables de leur retourner les actifs qui ont été détournés.
    Sur ce même point, je ferai quelques observations concernant les sanctions, parce que ce sont, dans mon esprit, deux choses très distinctes.
    S'il s'agit d'une situation dans laquelle on soupçonne ou croit que des individus ont détourné ou obtenu indûment de l'argent de leur pays et où vous voulez saisir ces actifs, il existe déjà un certain nombre de moyens pour s'y prendre. L'approche par la voie de poursuites criminelles pour saisir les produits de la criminalité est très difficile lorsqu'il s'agit d'actifs étrangers, mais dans quelques provinces — il y en avait trois, je pense à mon départ, mais il y en a probablement plus maintenant —, il existe des mécanismes pour les saisir.
    Par conséquent, il faut plutôt intenter une action qui vise directement les actifs. Vous n'avez pas à vous occuper de l'individu en cause, ni de poursuites criminelles; mais lorsque vous visez les actifs, vous pouvez recourir à l'assistance mutuelle pour tâcher au moins d'obtenir de l'information du pays concerné sur les agissements supposés de l'individu ou les moyens par lesquels il aurait sorti l'argent du pays. Ce n'est pas facile, mais il y a au moins un meilleur équilibre, et vous pouvez tenter de saisir les actifs tout en assurant un certain niveau de protection des droits.
    L'autre problème qui surgit dans ces cas, que nous avons pu constater en de nombreuses occasions, c'est qu'un régime politique est renversé et remplacé par un autre; cela peut s'expliquer par le climat de corruption qui y règne, mais il peut s'agir simplement d'une lutte politique, si je puis m'exprimer ainsi.
    Je vous exhorte à examiner de près les lois et les pratiques existantes au Canada. C'est également conforme à l'approche internationale. La Convention des Nations unies contre la corruption a tout un chapitre là-dessus. Voilà ce que j'ai à dire sur cet aspect de la question.
    Par ailleurs, s'il est question d'infliger des sanctions à des gens dont le comportement est inquiétant ou d'éviter de nouvelles violations du droit humanitaire international, la norme est beaucoup moins contraignante. Ce n'est plus du tout la norme qui s'applique aux poursuites criminelles. Vous pouvez imposer des sanctions aux…
    J'appliquais le critère de la suffisance de l'information pour admettre un motif raisonnable et crédible d'inscription de tel individu sur la liste. Il n'est pas nécessaire d'obtenir beaucoup d'information et il y a souvent le renseignement qui peut servir, mais cela permet alors à l'individu, au bout du compte, de contester son inscription s'il le désire. Ainsi est créé un mécanisme qui demeure inutilisé dans la plupart des cas, mais qui assure au moins une protection à la personne qui souhaite faire radier son nom de la liste.
    Voilà quelques-unes de mes idées à ce sujet. J'espère qu'elles vous seront utiles.

  (1550)  

    Bien sûr que oui, et nous comprenons certainement, je pense, les changements de régime. L'Ukraine est, je pense, un bon exemple de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement qui s'en prend parfois au précédent. Mais comment faire avec un pays comme la Russie, où le régime n'a pas changé et qui, bien franchement, n'offrira aucune collaboration?
    Dans les faits, l'État est responsable du camouflage dans la plupart des cas. Comment composez-vous avec les Russes, par opposition aux…?
    Oui. L'autre aspect de la question, bien entendu, c'est qu'on peut recourir aux sanctions d'une manière très marquée par la politique. Je parle ici du régime des sanctions par opposition au blocage des avoirs d'un individu qui les aurait obtenus au moyen d'une activité criminelle. Vous pouvez dire, et je pense que cela a été dit dans certains cas, qu'il faudrait infliger des sanctions à tous les ministres de la Russie ou que des sanctions leur seront imposées parce qu'ils contribuent, par exemple, à l'agression en Crimée ou à son annexion. Il n'y a rien de mal à cela en tant que fondement de principe sur lequel repose l'application de sanctions. Seulement, il faut préciser que tel est leur but et s'assurer aussi que la liste contient les noms de personnes qui sont des ministres, des dirigeants, des responsables.
    Il n'y a rien d'inapproprié à procéder de cette façon. Il faut ensuite permettre à ces personnes de contester leur inscription, soit parce qu'elles ne sont pas ministres, soit parce qu'elles n'ont pas acquis dans le cadre de leur fonction les actifs en cause.
    Merci.
    Merci, monsieur Allison.
    Je cède maintenant la parole à M. Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup, madame Prost, d'avoir accepté de témoigner devant nous aujourd'hui. J'ai été vivement intéressé par votre exposé.
    J'ai une question qui fait suite à celle de M. Allison sur les sanctions dans la perspective des droits humains.
    De toute évidence, la législation actuelle, en particulier la LMES, vise les crises internationales et les atteintes à la paix et à la sécurité internationales. Vous avez parlé avec insistance du fait que, même dans sa version actuelle, le libellé des lois est relativement vague. Il existe un courant de pensée émergent, notamment aux États-Unis, qui préconise l'inclusion des droits humains en dans les lois établissant des sanctions.
    Je me demande cependant, si nous décidions d'emprunter cette voie, comment il faudrait libeller la loi pour en supprimer le caractère vague et la rendre assez précise. Je me demande si nous ne sommes pas, dès le départ, dans une situation sans issue du fait que le langage des droits humains est forcément vague, sauf quand il s'agit de caractériser des violations plutôt systémiques, les crimes les plus graves, tels que le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité. Cependant, si cette précision était donnée, ces crimes seraient déjà tenus — par la plupart des gens, au moins — pour des atteintes à la paix et à la sécurité internationales. Je me demande donc s'il est sage d'emprunter cette voie. J'espère que vous comprenez ce que je veux dire.
    Je vous demande de parler du danger de libeller vaguement les lois pour peu que nous comptions concentrer nos efforts sur les droits humains, et aussi de l'utilité d'adopter des lois prévoyant des sanctions qui accorderaient priorité aux droits humains. Ces deux questions m'intéressent grandement.
    Il s'agit d'une question qui prend de plus en plus d'importance sur la scène internationale.
    Traditionnellement, le Conseil a généralement exercé ses pouvoirs — exception faite de l'apartheid en Afrique du Sud, où il visait très directement cette politique  — dans les cas de conflits et de réactions aux conflits et pour tenter de mettre fin aux conflits, ainsi que dans le cadre de la lutte au terrorisme. De plus en plus cependant, c'est dans le contexte de violations du droit humanitaire international et de graves violations des droits humains qu'il les exerce. Il y a certainement place pour des lois établissant des sanctions qui auraient assez de souplesse pour s'appliquer aux situations touchant les droits humains et aux cas de violations graves des droits humains ou même des violations du droit humanitaire international.
    Le difficile cependant… Il n'y a rien de mal à avoir ces termes généraux dans la loi, y compris ceux portant précisément sur les droits humains dans la définition large des graves violations et ainsi de suite. Puis, si un système de décrets spéciaux comme le vôtre — qui est bon, je pense —, est en place, vous pouvez le définir très précisément en fonction de la situation que vous ciblez, qu'il s'agisse d'une violation de catégories particulières de droits humains ou d'un scénario particulier où vous voulez être plus encore plus précis.
    À mes yeux, la difficulté réside dans le fait qu'il n'y a rien entre cette déclaration générale au sujet des menaces à la paix et à la sécurité internationales — qui pourraient, je pense, inclure les droits humains parce que le Conseil les a certainement interprétées en ce sens — et un décret visant un pays. Entre les deux, il n'y a rien qui explique en quoi il y a atteinte à la sécurité, même dans le préambule du décret, pour dire que des violations de tel ou tel genre ont été rapportées et que la situation a été confirmée. Il faut pousser les choses plus loin lorsqu'il s'agit de cibler des individus; il est alors nécessaire de dire ce qu'ils ont fait: un tel était à la tête de l'armée ou d'un groupe rebelle ou quelque autre groupe, quel rôle il a joué, ces genres de choses.
    Je crois fermement que la loi devrait permettre cette souplesse, mais ensuite il faut décider du moment et de la manière de l'appliquer, et c'est probablement là le plus difficile.

  (1555)  

    Permettez-moi d'abuser un peu de vos compétences. Si vous aviez à conseiller des parlementaires, et je suppose que c'est ce que vous faites en ce moment, sur le libellé à envisager pour modifier la LMES, par exemple, ou toute autre loi sanctionnant les atteintes aux droits humains, que recommanderiez-vous pour bien cerner ces atteintes à une échelle justifiant l'imposition de sanctions?
    Certains termes viennent spontanément à l'esprit à cause du langage souvent employé dans les normes sur les violations graves des droits humains, les infractions au protocole. Je vous suggérerais d'étudier certains textes qui portent sur ces questions, tant, dans une certaine mesure, les résolutions du Conseil de sécurité qu'à ce qui est dit à Genève au Conseil des droits de l'homme, que ce qui se fait dans le système européen, quoiqu'il ait beaucoup de défis qui se posent à lui, comme Maya Lester vous l'a sans doute fait savoir.
    Vous pouvez utiliser des expressions générales de cette nature dans la loi. Le difficile, c'est de décider quand l'invoquer. Mais à votre place, j'étudierais les ressources que je viens de mentionner pour l'utilité de leur libellé.
    J'ai peut-être mal compris vos commentaires précédents. J'ai cru comprendre que vous disiez que les sanctions ont leur place, mais qu'il existe aussi des lois qui portent sur des situations comme les atteintes aux droits humains, les violations très graves des droits humains. Pourriez-vous nous dire s'il est, oui ou non, plus sensé de recourir aux lois existantes qui ciblent les violations très graves des droits humains que de recourir à l'imposition de sanctions? Les sanctions auront-elles un effet plus grand que celui de lois qui sont déjà en vigueur? Je me demande si nous ne jouons pas ici un jeu autour des droits humains, ce que personne, je pense, ne voudrait faire.
    Quand je dis « jouer un jeu », j'entends les tentatives pour embarrasser ou cibler certains régimes pour des motifs très politiques, qui pourraient même procéder, par exemple, de la politique intérieure.
    Veuillez poursuivre, je vous prie.
    Sur ce point, je distingue deux choses. La première, c'est que si vous voulez vous en prendre à des individus en visant leurs actifs, je pense que vous disposez déjà de beaucoup d'outils pour le faire, en quelque sorte. Par ailleurs, il est tout à fait approprié de recourir à des sanctions. C'est là un des principaux objets des sanctions, de stigmatiser et de pointer du doigt les leaders et dirigeants gouvernementaux. Comme il s'agit de l'un des principaux objets, je crois que ce critère est parfaitement légitime pour peu que le Canada veuille s'engager dans cette voie, bien que la stigmatisation soit beaucoup plus efficace lorsqu'elle se fait dans le cadre d'une organisation multilatérale ou des Nations Unies.
    Le problème, bien sûr, c'est que les outils de répression des violations graves des droits humains constituent presque toujours des infractions criminelles. Il faut avoir le pouvoir de poursuivre en justice leurs auteurs, et c'est là la difficulté que nous constatons aujourd'hui en ce qui concerne les atteintes au droit humanitaire international ou les graves violations des droits humains qui se produisent en Syrie, par exemple. La solution à de telles situations réside dans les poursuites et les réparations en justice, non dans des sanctions. Celles-ci peuvent être utiles à un certain point.
    Toutefois, les sanctions sont peut-être la seule possibilité que nous avons dans ce contexte, tout particulièrement parce que la communauté internationale n'y a pas actuellement recours. Je pense qu'il y a encore une place pour les sanctions. Je travaille actuellement à la Cour pénale internationale, où je constate qu'il y a tellement de limites à ce qui peut être accompli par la voie judiciaire. Je pense que ce pouvoir est probablement une bonne chose, mais il faut alors choisir les situations où l'exercer et l'exercer avec parcimonie.
    Merci, monsieur le président.

  (1600)  

    Merci, monsieur Fragiskatos.
    La parole est maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Prost, je vous remercie de votre présentation.
    J'aimerais revenir sur le point soulevé par mon collègue Dean Allison.
    Concernant la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, vous dites essentiellement qu'on a déjà des outils à cet égard. Effectivement, on a une entente d'assistance mutuelle. On a aussi la possibilité de viser un pays, des ministres et ainsi de suite. Il y a une situation cependant qui ne semble pas tout à fait couverte.
    Il y a eu des cas, notamment celui d'un personnage russe — dont je n'ai pas le nom en ce moment — à qui on avait interdit l'entrée au Canada pour corruption. Cet homme n'est pas poursuivi par son propre pays et celui-ci le couvre. Donc, on ne peut pas passer par le traité d'entraide juridique. Il fait partie d'un gouvernement dont on n'apprécie pas les actions, mais ce n'est pas pour cela qu'il a été visé. C'est plutôt parce qu'il était reconnu comme étant un personnage corrompu.
    N'est-ce pas là quelque chose qui n'est pas couvert par nos autres lois?

[Traduction]

    Je pense qu'il y a deux questions et je veux être très claire à ce sujet. Le Canada dispose d'une très bonne loi en matière d'assistance mutuelle, de même qu'en ce qui concerne les produits de la criminalité et le blocage des actifs. Elle s'améliore, mais il n'est jamais trop tard pour la rendre étanche. Elle ne pourra jamais s'appliquer à toutes les situations, notamment celles auxquelles sont mêlés des dirigeants corrompus protégés par leur gouvernement.
    À mes yeux, plutôt que de chercher à avoir des lois précises qui corrigeraient toutes les lacunes qui se présentent — et il continuera de s'en présenter —, nous devrions concentrer nos efforts sur l'amélioration du régime dans son ensemble. Pouvons-nous en faire plus quant aux dispositions d'assistance mutuelle afin de montrer clairement comment nous pourrions bloquer les actifs plus rapidement dans les situations où il n'y a pas d'ordonnance judiciaire? Peut-être que cela pourrait se faire.
    Y a-t-il quelque chose à faire relativement aux définitions des « produits de la criminalité »? Pouvons-nous en faire davantage pour ce qui est des actifs et de leur saisie au moyen de procédures civiles?
    Voilà seulement pour l'aspect de la saisie des actifs, et, je pense, lorsqu'il est question de s'en prendre aux actifs et aux dirigeants corrompus, que nous disposons de très bons outils. À mes yeux, la meilleure approche est de renforcer ces outils, parce qu'ils comportent déjà intrinsèquement des régimes et des protections.
    La deuxième question à considérer est l'envers de la première, c'est-à-dire les sanctions. Dans le cas d'un dirigeant corrompu, pour pouvoir saisir ses biens, le poursuivre en justice ou obtenir que le gouvernement de son pays le poursuive comme il se doit, nous pourrions déterminer s'il y a une politique ou une menace que le Canada veut contrer.
    La troisième option est d'accepter simplement qu'il s'agit d'une situation devant laquelle le Canada est impuissant, faute de pouvoir soit bloquer les avoirs, soit d'imposer une sanction. Je pense que nous devons aussi accepter qu'il y a certaines choses qui nous répugnent, mais qui échappent tout simplement à la portée de notre capacité de légiférer.

  (1605)  

[Français]

     D'accord.
    Je veux simplement souligner que dans certains cas, certains de ces biens peuvent être ici, au Canada. Souvent, le gouvernement peut ressentir une obligation morale à ce sujet.
    Je passe à une autre question, non pas au sujet des sanctions touchant la question des droits de la personne, mais plutôt des sanctions en général contre un pays, des dirigeants ou d'autres aspects. Il me semble qu'il y a une ambiguïté entre le fait de vouloir être très précis dans nos définitions et se donner la flexibilité nécessaire pour agir. Par exemple, au cours des 20 ou 30 dernières années, la nature de ce qui est une menace à la paix et à la sécurité a évolué énormément et on ne sait pas ce qui nous attend dans les 10 ou 20 prochaines années.
     N'y a-t-il pas un avantage à garder une formulation qui ne soit pas excessivement précise, de manière à ne pas s'enfermer dans une camisole de force?

[Traduction]

    Je ne suis aucunement en désaccord, parce que le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies est formulé expressément par rapport aux menaces à la paix et à la sécurité internationales. Je pense que vous devriez maintenir la souplesse aussi grande… Je pense qu'il pourrait utile de donner des exemples de ce qui peut constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales, reprenant ce que dit le mandat et présentant ensuite quelques exemples de ce qu'il pourrait être, mais le gardant ouvert. Le point clé, c'est qu'en prenant des mesures contre un État, et plus particulièrement contre un individu, vous devenez alors très précis.
    Dans le cas présent, ce sont le terrorisme, les attaques terroristes, la violation des droits humains ou l'utilisation d'enfants-soldats qui constituent la menace à la paix et à la sécurité internationales. Quelle que soit la menace, vous vous trouvez à la définir avec précision, mais la loi qui s'y applique est toujours très générale.
    Je n'ai aucune difficulté avec les définitions qui figurent dans la version actuelle de la LMES. C'est quand on arrive aux décrets spéciaux qu'il est vraiment difficile de voir quelle situation précise est visée. C'est là qu'il importe, je pense, de bien la définir.

[Français]

    Pensez-vous que c'est un élément qui devrait être ajouté à la législation actuelle, soit que la raison des sanctions devrait être précisée quand elles sont établies?

[Traduction]

    Tout à fait. C'est le plus important, et ce sur deux plans. D'abord, il faut savoir quelle est la menace dans une situation particulière — qu'il s'agisse de la Birmanie, de l'Ukraine ou d'ailleurs — et déterminer avec précision pourquoi elle constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales. Ensuite, et c'est très important, quand et pourquoi allez-vous tenir tel ou tel individu pour responsable? Il faut que cela soit précisé au moyen d'un critère objectif. Quand c'est un dirigeant de l'État, cela va de soi. Vous aurez dit de qui il s'agit, ou dans le cas d'un militaire, qui il pourrait être. À mon sens, c'est ce qui fait actuellement défaut, parce que ce n'est pas exigé expressément. Si j'étais une personne dont le nom figure dans la liste, je n'en saurais rien. À vrai dire, je le saurais probablement, mais cela devrait néanmoins être précisé dans le décret.

[Français]

     C'est un peu l'équivalent en droit civil. Quand quelqu'un est accusé, il a le droit de connaître la raison de cette accusation, de manière à être en mesure de se défendre, le cas échéant.

  (1610)  

[Traduction]

    Précisément.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Saini.
    Bonsoir, madame Prost. Merci beaucoup d'avoir accepter de témoigner.
    Je veux vous questionner sur le travail que vous faisiez en tant que Médiatrice aux Nations Unies, parce que je suis d'avis que la révision judiciaire est d'une grande importance. À votre arrivée aux Nations Unies, vous avez déclaré publiquement qu'il n'y avait pas de critère ou que vous le définissiez en cours de route. Je voudrais savoir quel critère ou quelle norme vous appliquiez pour décider s'il y avait lieu d'inscrire tel nom dans une liste de personnes à sanctionner pour quelque motif que ce soit.
    J'ai eu de nombreux problèmes à mon arrivée — en fait, j'en ai eu durant tout le temps que j'ai passé à l'ONU, mais ça fait partie du travail.
    J'ai eu deux problèmes en particulier: le Conseil de sécurité n'avait pas été précis quant au genre d'examen qu'il attendait de l'ombudsman, si bien que j'avais le choix entre un examen a posteriori — comme un examen judiciaire classique consistant à se demander si la décision de coucher la personne sur la liste était justifiée sur la foi des renseignements disponibles à l'époque — et la possibilité d'effectuer un examen de novo et de demander s'il était justifié de maintenir la liste, tandis que la personne avait demandé à être désinscrite.
    Je crois, a posteriori, avoir fait le bon choix parce que j'aurais risqué de perdre très rapidement mon poste si j'avais fait l'autre choix. J'ai opté pour le test contemporain. On ne m'a d'ailleurs jamais posé la question de la décision originelle de coucher le nom de la personne sur la liste; on m'a plutôt demandé, à partir de tous les renseignements que nous avions alors, si cette personne devait ou non être retirée de la liste.
     Le fait de procéder comme je l'avais décidé présentait un avantage réel, sous l'angle des sanctions. J'avais plusieurs dossiers — ce qui m'a d'ailleurs un peu surprise — de personnes qui étaient prêtes à reconnaître leur participation à des activités d'al-Qaeda ou leur lien avec cet organisme, mais leur situation avait changé. Un examen judiciaire traditionnel ne m'aurait jamais permis d'examiner en profondeur ce genre de cas et l'approche de novo, qui s'inscrit dans le présent, a fonctionné. Celle-ci est maintenant acceptée par le comité et elle est énoncée dans la résolution.
    Quand au deuxième problème — excusez-moi, vouliez-vous...?
    Non, ça va. Vous pouvez terminer.
    Je voulais vous poser la question de la procédure de novo, mais poursuivez.
    Parfait.
    Le deuxième problème, que je trouve un peu troublant dans la loi, tient au fait que, si vous voulez revoir objectivement les listes, vous devez savoir quelle norme appliquer à la conduite de la personne concernée. Sur ce plan, le conseil ne m'avait donné aucune indication si ce n'est qu'il m'avait précisé qu'il ne s'agissait pas d'une procédure au pénal. J'ai donc dû chercher une norme et c'est ce qui m'a amené à examiner de nombreux autres régimes de sanctions et de nombreuses lois nationales. J'ai finalement choisi la norme du renseignement suffisant pour fournir une base raisonnable et crédible à l'inscription dans la liste.
    Je vais enchaîner sur ce que vous avez dit au sujet de l'évaluation de novo. Dans ce cas-là, vous n'avez pas forcément en main les informations sensibles dont le gouvernement se sert pour inscrire une personne sur une liste de sanctions. L'information que vous avez est indépendante, comme vous l'avez dit, et vous appliquez une démarche de novo, si bien que vous n'avez pas forcément des données sensibles. Je sais, par ailleurs, que vous avez conclu certaines ententes avec d'autres pays pour accéder à ces données sensibles.
    Êtes-vous autorisée à un haut niveau de sécurité pour cela? Comment fonctionne le processus?
    L'un des grands défis, dans ce genre de cas, c'est qu'il existait souvent des données confidentielles justifiant l'inscription sur la liste et que c'est même parfois encore le cas.
    J'ai fait deux choses. D'abord, comme j'avais travaillé pour le gouvernement du Canada pendant de nombreuses années, l'État m'a fait la grâce de m'accorder une autorisation de sécurité de haut niveau qui m'a permis d'accéder à certaines données déjà visées par des ententes de partage, des données donc auxquelles je pouvais accéder grâce à ma cote de sécurité. Aux yeux de certains États, cela m'a également conféré une crédibilité, ce qui n'était pas négligeable. Et puis, il ne m'a plus resté qu'à instaurer des relations de confiance avec les différents États concernés à qui j'ai demandé de me communiquer ces données, m'engageant en retour à ne les partager avec personne d'autres — ni avec mon personnel, ni avec le comité, ni avec qui que ce soit. J'ai alors pu me servir de ces données pour évaluer la justification de l'inscription dans la liste.
    C'est donc ce que j'ai fait et je suis parvenue à conclure un grand nombre d'ententes.
    Il y a autre chose que je voulais aborder. Durant le temps où vous avez travaillé à l'ONU, vous êtes passée de fonctions assorties de pouvoirs d'observation à des fonctions avec pouvoirs de recommandations.
    Cela m'amène à vous poser une dernière question, mais avant, pouvez-vous m'expliquer la différence que cela a fait dans la conduite de votre travail?
    Une différence énorme. Ce fut très important. C'était le premier renouvellement et si ce changement a été si important, c'est qu'à l'époque où je ne pouvais faire que des observations, il suffisait qu'un seul membre du comité dise « je ne suis pas d'accord pour qu'on retire cette personne de la liste » pour que tout le processus d'arrête là et que tout le travail ait été réalisé pour rien.
    Le changement de résolution a signifié deux choses. D'abord, on m'a confié un pouvoir de recommandation. Je dois honnêtement vous dire que mes « observations » étaient en fait des recommandations; je les ai simplement appelées observations. Deuxièmement, et plus important encore, cela a changé la charge de travail et le fait que, advenant que je recommande une désinscription, la personne visée pouvait être retirée de la liste dans les 60 jours à moins que tout le comité diverge d'opinion avec moi — ce qui n'est jamais arrivé — ou qu'il réclame un vote au conseil, ce qui n'est jamais arrivé non plus. L'élément fondamental est qu'il y a eu consensus sur le mandat.

  (1615)  

    J'ai une dernière question. Nous sommes en train d'examiner la LMES et le régime de sanctions. Évidemment, les choses seront un peu différentes, parce qu'il est ici question des Nations Unies plutôt que d'un État en particulier. Cependant, ne pensez-vous pas que le système ou le régime créé — le régime de l'ombudsman aux Nations Unies — pourrait fonctionner aussi bien au Canada, peut-être moyennant quelques variations? Pensez-vous cela possible et le recommanderiez-vous?
    J’appuie résolument ce programme maintenant. J’avais des doutes, au début, mais je crois qu’il s’agit d’un moyen très pratique de résoudre les problèmes causés par les sanctions, notamment en ce qui concerne les informations confidentielles; c'est très avantageux pour l’individu, étant donné qu'il est rapide, peu coûteux, et ne requiert pas les services d’un avocat. Il présente de nombreux avantages par rapport au contrôle judiciaire traditionnel.
    Je souscris tout à fait à son utilisation dans le contexte de l'Union européenne, et je sais qu’il en est de même pour Maya. Oui, je crois qu’il pourrait s'agir d'un très bon mécanisme à l’échelle nationale, qui pourrait tenir lieu, par exemple, d’un examen ministériel, qui n'a pas la même objectivité.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Saini.
    J'accorde la parole à M. Miller.
    Madame Prost, j’aimerais m’attarder un peu plus sur la norme que vous avez invoquée. Vous avez soulevé des préoccupations que nous partageons en ce qui concerne la primauté du droit, l’application normale de la loi, nommez-le comme vous le voulez. En tant que pays démocratique, nous n'avons pas le luxe de dresser des listes de personnes, comme le font certains autres pays, ou de les traiter d’une certaine façon, comme bon nous semble, parce que nous respectons la primauté du droit.
    J’exagère peut-être, étant donné qu’il existe une tendance voulant qu’on invoque immédiatement la norme criminelle et le fardeau de la preuve, ce qui n’est peut-être pas nécessaire dans certains cas.
    Pour revenir un peu en arrière, nous examinons les lacunes possibles dans la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou dans la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, ou tout autre législation pénale concurrente, relativement aux violations flagrantes des droits de la personne, et de la possibilité de créer une liste de personnes qui auraient commis des actes grossiers et indécents et de bloquer leurs avoirs au Canada, qu'ils soient mal acquis ou non.
    Certains des outils législatifs disponibles sont déjà en place au Canada, et ils sont assujettis à un processus d’examen normalisé. Cela ne s’applique peut-être pas dans le cas de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, et c’est à juste titre que vous l’avez souligné. Par ailleurs, la Loi sur les Nations unies s’applique ici. En revanche, la norme de contrôle administratif pourrait être trop faible.
    J'aimerais avoir votre avis au sujet de cette tension. Selon vous, quel serait le meilleur moyen législatif concevable pour bloquer les biens d’une personne qui a, selon la prépondérance des probabilités, commis de tels actes et dont les avoirs se trouvent au Canada, et quel genre de mesures de sauvegarde serait souhaitable?
    C'est une question intéressante.
    Mon défi était d’utiliser une norme qui ne provient pas de l’un ou l’autre système juridique. Mon grand défi était de ne pas utiliser une norme de droit commun ou de droit civil. J’ai fait des recherches sur les différentes normes; ensuite, j’ai tenté d’en extraire des concepts à partir desquelles je pourrais formuler une norme qui n'est pas propre à l'un ou l'autre système. C'est alors qu’il m’est venu l'idée des renseignements suffisants pour fournir une base raisonnable et crédible. Ces composantes sont parmi celles qui s’appliquent à toutes les normes.
    Si j’agissais ainsi au Canada, en étant au courant des normes qui s'appliquent là, j'utiliserais probablement les critères relatifs aux mandats de perquisition et aux motifs raisonnables. Certes, la norme criminelle ne convient pas pour les sanctions, parce qu’on n'utilise pas les mêmes mesures qu’au criminel.
    Je suis d'accord; je ne crois pas que la norme du caractère raisonnable qui s’applique aux contrôles judiciaires suffit à elle seule. Je crois que c'est quelque chose entre les deux. À mon avis, la norme qui s’applique aux mandats de perquisition suffirait probablement.
    En outre, j'aime la norme que j’ai développée, mais comme je l'ai dit, il s’agissait de bien incorporer les deux systèmes juridiques. À mon avis, c'est très important.
    Sur le plan des mesures de protection, il suffit de fournir ce remède et les éléments de base. On doit avertir ces personnes et leur faire part de la nature des accusations qui pèsent contre eux. Il s’agit d’un processus assez simple dans les situations que vous invoquez. Ensuite, ils doivent avoir accès à un mécanisme de révision quelconque, s'ils choisissent de l’utiliser — un ombudsman, un contrôle judiciaire, ou que sais-je encore. Cela devrait figurer au premier plan de la loi. Cela lui donne de la crédibilité.

  (1620)  

    Soyons clairs: ces personnes peuvent être en fuite, et le gel des avoirs peut évidemment les dissuader de commettre d'autres actes indésirables.
    En revanche, le défi sur le plan national porte sur la capacité des personnes qui, à titre de ressortissants étrangers, ne sont évidemment pas protégées par les mesures que prévoit la Charte, lesquelles s’appliquent aux citoyens canadiens; toutefois, ils peuvent avoir recours à d’autres mesures de protection. Tenter d’incorporer cela dès le début est un défi, je crois. Comme vous l'avez dit tout à l'heure au sujet de la loi en vigueur, c'est déjà dans le Code criminel lorsqu’il s’agit de produits du crime ou d’un acte terroriste. Une protection intégrée existe évidemment.
    L'autre tension qui existe porte sur la dimension opérationnelle. Quels preuves ou documents présente-t-on à une banque pour la persuader de bloquer un compte, ou empêcher la négociation d’un titre?
    J’ignore si vous possédez de l’expérience dans ce domaine, mais j’aimerais avoir votre avis à ce sujet.
    Oui, nous avons eu ces défis lorsque je dirigeais le service d'entraide au ministère de la Justice. Nous recevions ces demandes accompagnées de renseignements qui étaient peut-être insuffisants pour justifier une ordonnance de blocage.
    Il s'agit d'une pratique très bien connue à l’échelle internationale. Les banques sont beaucoup plus chatouilleuses, surtout ces jours-ci. Parfois, si on leur divulgue ces informations, il y a d’assez bonnes chances que l’argent soit gelé, conformément aux exigences liées au blanchiment d'argent, si l'argent se trouve dans un compte de banque. Et même si vous croyez ne pas disposer d’informations suffisantes pour obtenir un mandat de perquisition. Cela semble un peu délicat, je le sais, mais il s’agit d'une pratique courante, parce que les banques sont beaucoup plus sensibles au blanchiment d'argent aujourd'hui, comme nous le savons.
    Parfois, on peut au moins gagner du temps grâce à de telles méthodes, et on peut alors tenter de recueillir plus d'informations, si elles sont nécessaires. Il est certes utile d’avertir les banques lorsqu’on a des soupçons. Les Suisses le font tout le temps. C'est ainsi qu’ils réussissent à faire bloquer plusieurs comptes et transactions. Et je crois que ça fonctionne.
    Une importante différence s’applique en fait au blanchiment d’argent, car il empêche... Ce n'est pas tant le gel, mais l'effet du gel, dans la mesure où la banque qui détient le compte, le titre, ou quoi que ce soit, ne peut effectuer un transfert, parce qu'elle n'a pas l’assurance que l’argent sera expédié au bon endroit, ou qu’il appartient légitimement à la personne voulant effectuer le transfert. Je crois qu’il importe de faire cette distinction.
    Voilà tout pour mes questions. Je vais céder le reste de mon temps.
    Merci, monsieur Miller.
    J'accorde maintenant la parole à M. Levitt.
    Ce comité a consacré beaucoup de temps à discuter de la notion de violations flagrantes des droits de la personne. J’aimerais que l’on revienne un peu sur ce sujet.
    Dans votre déclaration, vous avez dit que l'ONU et les organismes multilatéraux seraient les meilleurs leviers pour imposer des sanctions efficaces et plus musclées à l'échelle mondiale. Vous avez par ailleurs travaillé à la Cour pénale internationale. Pouvez-vous nous donner un aperçu plus général?
    Comme nous pouvons le constater, le pouvoir de certaines de ces institutions est en déclin. Récemment, nous avons pu observer que nombre de pays ont pris leur distance de la CPI, ou du moins qu’ils ont menacé de le faire. Nous observons des problèmes à l'ONU, certainement au niveau du Conseil de sécurité. Prenons la Syrie et la Russie comme exemples significatifs.
    S'il y avait un accord et que nous étions en mesure de travailler avec des alliés partageant la même vision, par le biais des organismes multilatéraux existants, ce serait un moyen plus facile et possiblement plus efficace qui nous empêcherait d’avoir à agir seul, ou de façon unilatérale en collaboration avec des alliés qui partagent la même vision, et qui pourraient avoir une loi semblable.
    Pouvez-vous imaginer l’avenir, ou même consulter un peu votre boule de cristal? Comment cela se déroulera-t-il, selon vous? Ces complications et ces pays qui se retirent du cadre multilatéral auront-ils un impact sur ce processus? Le cas échéant, est-ce qu'il incombe aux pays comme le Canada, qui désirent être en mesure de s'opposer à des choses comme les violations flagrantes des droits de la personne, d'envisager une collaboration avec des groupes de pays plus informels qui partagent ces valeurs et qui ont leurs propres régimes de sanctions nationaux?

  (1625)  

    Pour ce qui est de l'atmosphère générale, je crois que le contexte dans lequel le Canada devrait ou non adopter ce genre d'approche est... Personnellement, j'étais à Rome lorsque le Statut de Rome a été adopté pour créer la Cour pénale internationale. Je me souviens du vif enthousiasme, et de l’adoption très rapide du statut. La CPI a connu de grands succès. Nous éprouvons maintenant des difficultés en raison des pays qui la désertent, mais nous devons penser sur le très long terme. Il s’agit d’une institution permanente.
    La justice pénale internationale connaîtra toujours des hauts et des bas. C'est la perspective générale. Je crois qu’il en est de même au chapitre du multilatéralisme sur la question des droits de la personne: des gens vont se retirer, d’autres iront de l’avant, et les États changeront.
    À mon avis, le Canada doit absolument adopter une politique et avoir la souplesse nécessaire pour agir lorsque la situation l’exige. Je crois que l’adoption d’une loi solide serait une très bonne politique. Il s’agit ensuite de l’utiliser lorsque les conditions sont propices et, dans certaines circonstances, des alliances pourront même être formées.
    Selon moi, il nous faut absolument adopter une telle loi. Ensuite, nous pourrons affronter les mauvaises passes et apercevoir la lumière au bout du tunnel; on pourra utiliser la loi de cette façon.
    Merci, monsieur le président.
    Chers collègues, cela met fin à la première heure dont nous disposons pour les témoins.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier madame Prost d'avoir pris le temps de nous faire profiter de sa sagesse, de son expérience, et de nous avoir fait part de quelques un des défis qu’elle a dû relever au Conseil de sécurité.
    Madame Prost, si vous désirez faire part au Comité de toute autre chose, n'hésitez pas à communiquer avec nous par l'entremise de la greffière, et nous y jetterons certainement un coup d'œil.
    L’un des enjeux que vous avez abordés porte notamment sur notre examen de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus; toutefois, nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter. Il s'agit de la révision d’une loi qui existe depuis environ cinq ans et qui doit, après ce laps de temps, faire l’objet d’une révision, conformément à l’une de ses dispositions.
    Parmi les questions que je pose chaque fois que j’en ai l’occasion se trouve celle-ci: cette loi est-elle toujours nécessaire? Aucun de nos témoins ne semble en avoir une très bonne opinion. Vous semblez vous-même croire qu’elle n’est pas vraiment utile. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, étant donné que l’une des recommandations que nous soumettrons au gouvernement, à la Chambre, portera sur son maintien, son renouvellement, l’ajout possible d’une autre clause de révision, ou sur son abrogation, si elle n’a plus de pertinence pour le gouvernement et l’application de sanctions.
    Voilà les questions que nous devrons nous poser lorsque nous ferons rapport à la Chambre, et j’aimerais avoir votre avis à cet égard. Je sais que nous n’aurons pas assez de temps aujourd'hui, mais je suis convaincu que vous avez également une opinion tranchée sur cette question.
    Au nom du Comité, je vous remercie beaucoup de votre témoignage cet après-midi.
    Merci beaucoup. Je suis heureuse d'avoir eu cette occasion.
    Chers collègues, nous allons maintenant prendre une pause de quelques minutes, avant de passer aux prochains témoins: l'Association des banquiers canadiens et la Banque canadienne impériale de commerce. Ils seront des nôtres dans quelques instants pour nous livrer leur témoignage.

  (1625)  


  (1630)  

    Je désire rappeler à l’ordre cette réunion. Nous accueillons Mme Sandy Stephens, directrice adjointe du contentieux de l'Association des banquiers canadiens, et M. Stephen Alsace, directeur principal des sanctions, Groupe AML mondial, pour le compte de la Banque canadienne impériale de commerce.
    S’agit-il d’un témoignage, ou y en a-t-il deux?
    Il n’y en a qu’un. Je ferai une déclaration liminaire, et je répondrai ensuite aux questions.
    Pardonnez-moi, madame Stephens. J’ignorais que vous étiez sortie de la pièce. Nous vous souhaitons la bienvenue encore une fois et vous remercions d’être des nôtres.
    Je crois que vous avez observé le fonctionnement de ce comité, alors prenez le temps de faire votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux questions. Je vous cède la parole.
    Nous tenons à remercier le Comité d'avoir invité l'Association des banquiers canadiens à exprimer son avis dans le contexte de sa révision de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
    L'ABC oeuvre au nom de 59 banques canadiennes, filiales de banques étrangères, succursales de banques étrangères au Canada, et de leurs 280 000 employés.
    Je tiens tout d'abord à souligner que l'ABC et ses membres n'ont pas de position quant aux objectifs politiques ou à l'efficacité des sanctions économiques en tant qu'instrument politique. Ces décisions sont entièrement à la discrétion du gouvernement fédéral. Les banques jouent cependant un rôle important dans leur mise en œuvre. Les banques sont au premier plan du régime canadien de sanctions économiques, car nos institutions doivent limiter les transactions financières, ou geler les avoirs des particuliers ou des entreprises que le gouvernement a désignés.
    Nous sommes d’avis que votre comité examine ces deux lois en temps opportun. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la façon d'améliorer l'administration du régime de sanctions économiques au Canada, pour veiller à ce que le gouvernement et le secteur privé soient bien équipés pour répondre au renforcement des programmes de sanctions qui a eu lieu au cours des dernières années.
    Les banques disposent de systèmes de contrôle vastes et sophistiqués pour assurer qu'elles soient conformes aux lois et règlements portant sur les sanctions économiques. À titre d’organisme de réglementation prudentielle du secteur bancaire, le Bureau du surintendant des institutions financières a pour mandat d'assurer que les banques et autres institutions financières soient en bonne santé financière et conformes à leurs lois et exigences de surveillance. Cela comprend une exigence législative imposée par les deux lois que votre comité étudie actuellement.
    Sur le plan des sanctions économiques notamment, c’est en 2010 que le BSIF publiait pour la dernière fois des directives expliquant aux banques comment elles devraient respecter les exigences législatives et réglementaires. Les banques doivent prouver au BSIF que leurs mesures de contrôle peuvent faire une recherche en continu des dossiers pour trouver des particuliers et des entités passibles de sanctions financières, déterminer si elles gèrent ou détiennent les biens des personnes désignées, et prévenir les activités interdites relativement aux biens des personnes désignées. Les banques doivent aussi surveiller et prévenir les transactions interdites, fournir à la GRC et au SCRS des renseignements sur les biens des personnes désignées qu’elles gèrent ou détiennent, et faire une déclaration mensuelle auprès du BSIF au sujet de la valeur globale des biens des personnes désignées qu’elles gèrent ou détiennent.
    Les exigences législatives et réglementaires qui s’appliquent au régime de sanctions économiques sont importantes et leur respect exige des ressources considérables. Cela peut être particulièrement difficile pour les petites institutions financières qui doivent répondre aux mêmes exigences que les plus grands établissements.
    Nous aimerions partager nos recommandations avec le Comité, étant donné qu’elles pourraient servir à améliorer l'efficacité et l'efficience du régime de sanctions économiques au Canada.
    Tout d'abord, nous sommes d’avis que le gouvernement pourrait aider les institutions financières à respecter les lois et règlements sur les aux sanctions économiques au moyen de directives d’orientation générale additionnelles. Le BSIF a publié des directives pour améliorer la compréhension des lois existantes, mais ce document d’orientation n'a pas été mis à jour depuis 2010.
    En adoptant des directives d’orientation additionnelles pour aider le secteur privé, Affaires mondiales Canada agirait à l’instar d’autres instances politiques comme le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Union européenne. De nombreuses entreprises canadiennes se tournent maintenant vers ces autres instances pour mieux comprendre les mesures semblables qui ont été adoptées à l'échelle nationale. La complexité croissante du régime des sanctions, qui comprend non seulement l’analyse des listes, mais aussi des sanctions imposées en fonction des activités et des secteurs, renforce le besoin d'une orientation plus complète et d'une approche de collaboration entre le gouvernement et l'industrie.

  (1635)  

    Deuxièmement, à propos de l'idée que le gouvernement devrait fournir davantage de directives, je dirais que l'efficacité des sanctions économiques serait, d'après nous, renforcée si le gouvernement et le secteur privé collaboraient davantage. L'amélioration du dialogue permettrait au secteur privé de mieux comprendre la façon d'interpréter les lois et les règlements. De plus, le gouvernement serait plus sensible aux difficultés auxquelles font face les autres acteurs.
    Parmi les options à envisager, on pourrait penser à la nomination d'un agent de liaison avec l'industrie des services financiers qui serait chargé des questions particulières aux institutions financières et offrirait une aide en ligne ou par téléphone pour répondre aux questions du public. Cela serait conforme à l'approche adoptée aux États-Unis et fournirait des moyens de communication entre les intéressés qui faciliteraient le respect des règlements.
    Par exemple, lorsque les institutions financières éprouvent de la difficulté à savoir si un particulier ou une entreprise est visé par le régime ainsi que la nature des mesures à prendre pour se conformer au programme de sanctions, il serait extrêmement utile qu'elles puissent bénéficier d'une aide directe et en temps réel de la part du gouvernement pour qu'elles puissent respecter le régime en vigueur. Sur un autre front, il serait souhaitable que le secteur privé comprenne mieux le processus de demande de permis, qui occasionne bien souvent de longs délais.
    Troisièmement, nous sommes convaincus qu'il devrait exister une liste consolidée des personnes désignées sur laquelle les institutions financières pourraient se baser. Aujourd'hui, les banques doivent consulter 19 listes distinctes d'entités et de personnes visées. L'absence de méthode de communication systématique des mises à jour régulièrement apportées à ces listes impose un fardeau inutile au secteur privé et aggrave les risques de non-respect des règlements, ce qui compromet le régime mis en place.
    Pour terminer, nous pensons que ces recommandations renforceraient le régime de sanctions économiques actuel adopté par le Canada, ce qui permettrait au gouvernement d'atteindre ses objectifs de politique étrangère, sans pour autant bloquer les opérations commerciales autorisées. Nos recommandations ne prévoient pas de modifications législatives particulières, mais elles auraient néanmoins pour effet de renforcer l'efficacité du cadre actuel, ainsi que le respect de ce cadre par le secteur privé, en introduisant davantage de clarté et de directives.
    Les banques prennent très au sérieux leurs responsabilités en matière de sanctions économiques et elles cherchent à s'assurer qu'elles respectent toutes les règles. Les banques canadiennes reconnaissent que les sanctions économiques constituent un outil de politique étrangère important pour le gouvernement et aucune banque ne souhaiterait compromettre les objectifs du gouvernement ou sa réputation en ne respectant pas les diverses lois et règlements qui constituent le régime en vigueur.
    Encore une fois, je vous remercie d'avoir invité l'ABC aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre vos questions.

  (1640)  

    Je vous remercie. J'apprécie votre attitude, tout comme vos commentaires préliminaires.
    Nous allons passer directement aux questions et nous allons commencer par M. Kent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les deux d'être venus aujourd'hui. Il est intéressant... Je suis certain que le Comité va prendre en considération vos recommandations, parce qu'elles sont tout à fait conformes aux témoignages que nous avons entendus de la part d'avocats qui représentent des sociétés qui souhaitent respecter le règlement relatif aux sanctions, mais qui ne disposent pas de directives concrètes pour les aider à le faire. Les entreprises qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'avocats s'abstiennent parfois de conclure des opérations économiques légales avec d'autres sociétés, pour la seule raison qu'elles ne souhaitent pas risquer de contrevenir à ce régime.
    Nous avons entendu des témoignages selon lesquels, lorsqu'il s'agit de surveillance et de respect du régime par des institutions comme les banques, ainsi que de détection des violations et de l'application de la loi, il s'agit bien souvent d'une question de ressources et d'établissement des priorités par les divers groupes ayant des responsabilités dans ce domaine. Quelles sont les ressources dont les grandes institutions financières canadiennes, les banques à charte, disposent et quelle sorte de fardeau économique un tel régime impose aux banques sur le plan interne?
    Je vais demander à mon collègue Stephen de répondre à cette question, parce qu'il possède une expérience concrète dans ce domaine.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. Je vais répondre à cette question.
    Nous ne sommes pas en train de critiquer le régime des sanctions, ni même de nous plaindre des sommes que nous devons dépenser pour le respecter. Nous sommes heureux de le faire dans le sens que nous comprenons les aspects politiques qui sont en jeu et que nous sommes de bonnes sociétés citoyennes. Je dirais néanmoins que ce coût est important. Il est considérable. Nous ne sommes pas la plus importante des cinq grandes banques, mais nous dépensons des millions de dollars par an pour appliquer ce régime. Nous savons que nous sommes constamment tenus de mettre à jour nos systèmes, nos processus. Nous consacrons du personnel et des ressources importantes à la révision des processus et des sanctions.
    Si vous voulez m'accorder deux minutes, je pourrais peut-être vous décrire d'une façon générale...
    Je vous en prie.
    ... ce que nous faisons tous les jours.
    Nous examinons la base de données de nos clients, qui se chiffrent par millions, pour voir s'il n'y a pas de nouveaux signalements, que ce soit à partir d'une liste de sanctions ou dans notre base de données actuelle de nos clients. Nous examinons également des centaines de milliers de transactions chaque jour. À partir de ces centaines de milliers de transactions examinées à la lumière de listes, nous obtenons entre 40 000 et 50 000 signalements. Il s'agit de correspondances possibles.
    Ce n'est pas mon équipe qui s'en charge. Ces tâches sont confiées à des groupes opérationnels. Ils effectuent un examen de premier niveau pour voir si la correspondance est réelle, et également parce que nous utilisons une logique floue de façon à pouvoir prendre en compte les différentes variations des noms utilisés. Il y a ensuite une opération de tri. Les correspondances sont envoyées à mon équipe qui les examine. Il faut que les paiements soient autorisés chaque jour avant 17 heures parce que nous ne voulons pas bloquer le système financier. C'est un fardeau que nous acceptons. Il entraîne toutefois des coûts importants.

  (1645)  

    On pourrait également se demander s'il ne faudrait pas aller au-delà de la liste officielle et de l'absence de liste complète des entités ou des personnes sanctionnées, en s'en remettant au CANAFE et à la Loi sur le blocage de biens de dirigeants étrangers corrompus.
    Êtes-vous tenus de signaler les opérations douteuses effectuées par des particuliers ou des entités de pays sanctionnés à des organismes comme la GRC ou le surintendant des services financiers ou en fait, le SCRS?
    Nous respectons les obligations que nous imposent les règlements et cela passe par des signalements. Lorsque nous constatons une correspondance positive avec une personne figurant sur une liste, il y a diverses lois qui nous imposent l'obligation de signaler la chose directement à la GRC ou au SCRS. Nous le faisons.
    Pour le reste, pour ce qui est à l'extérieur du domaine des sanctions, il pourrait s'agir d'opérations qui concernent une organisation terroriste figurant sur la liste qui nous imposerait des obligations différentes. Nous signalons alors ces cas au CANAFE. Nous pouvons envoyer un rapport de transaction douteuse et dans certains cas, nous faisons rapport directement à la GRC ou au SCRS.
    Avez-vous des contacts réguliers avec les agences de sécurité du Canada, avec Immigration Canada, avec Affaires mondiales Canada, avec tous les différents groupes qui assument différentes responsabilités à l'égard des diverses sanctions?
    Malheureusement, il y a des agences gouvernementales et des ministères qui sont peu disposés à collaborer avec nous. Habituellement, nous essayons de faciliter le dialogue avec les agences gouvernementales par l'intermédiaire de l'Association des banquiers canadiens. Il y a des comités permanents — par exemple, celui de la sécurité — qui rencontrent régulièrement des membres de la GRC et d'autres groupes, de sorte que ce dialogue existe, mais il n'est pas établi avec tous les ministères.
    Nous avons dit quelques mots dans notre étude des conséquences imprévues. Je connais un cas particulier. C'était un de mes électeurs, un ancien combattant blessé, qui a reçu une prestation, une somme importante, et qui a déposé cette somme, pour des raisons personnelles tout à fait légitimes, dans une banque internationale qui possède des succursales tant au Canada qu'à l'étranger. Ces fonds ont été bloqués parce que cette opération avait été qualifiée de transaction douteuse et possiblement, illégale.
    Est-ce que des cas de ce genre se produisent souvent, celui de personnes qui sont visées par le régime de façon accidentelle ou non intentionnelle?
    Si je comprends bien la question, je pars de l'idée que...
    Je ne veux pas nommer la banque.
    Non, mais la personne concernée ne figurait pas sur une liste, je crois. Elle n'était pas sanctionnée.
    Non, pas du tout.
    Très bien.
    Cependant, je ne sais pas si c'est le CANAFE, je pense, ou tout simplement, la prudence de la banque...
    Je ne peux pas vraiment vous parler de cet aspect. Je sais que les banques ont mis en place des systèmes de surveillance capables de détecter les possibilités de blanchiment d'argent. Diverses règles s'appliquent à ces opérations de sorte qu'il est possible qu'une activité suspecte soit détectée. Cette activité peut être légitime ou non. Cela varie, mais je sais néanmoins que, s'il y a une correspondance, les banques — du moins notre banque — font enquête. Elles examinent chaque dossier et nous l'espérons, elles les règlent de façon appropriée.
    Pour ce qui est du respect du régime, dans le cas où une entité figurant sur la liste, ou une société ou une organisation numérotée est propriétaire de biens se trouvant en votre possession, est-ce à vous ou aux agents de sécurité qu'il incombe de faire un suivi des personnes qui pourraient être associées...? Si c'est une société à numéro ou la filiale d'une société à numéro qui est chargée de dissimuler des fonds, que ce soit au Canada ou à l'étranger...

  (1650)  

    C'est en fait une excellente question. Je suis heureux que vous l'ayez posée en ce qui concerne une entité figurant sur une liste ou ses filiales, parce que c'est une des questions que nous avons posées à Affaires mondiales Canada. C'est un domaine où il demeure des ambiguïtés. Nous appliquons les lignes directrices qu'a publiées le BSIF, les lignes directrices du BSIF. Elles contiennent une disposition qui permet aux institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral de communiquer avec le ministère des Affaires étrangères — à l'époque, c'était le MAECI — pour obtenir des conseils sur l'interprétation des textes législatifs. Nous avons essayé de procéder de cette façon ces dernières années avec Affaires mondiales, mais nous n'avons eu aucun succès.
    Nous avons rencontré des représentants d'Affaires mondiales en 2015 et nous espérions pouvoir collaborer davantage avec cet organisme, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Sur ce point, nous avions une question sans réponse portant sur les entités figurant sur la liste et leurs filiales à 100 %. Ces dernières sont-elles également visées par le régime? Si vous prenez la définition de biens, vous constatez qu'elle peut s'appliquer aux actions détenues par une filiale. Nous avons posé la question directement à Affaires mondiales...
    Sans obtenir de réponse.
    ... sans obtenir de réponse et cela a directement bloqué certaines transactions économiques. Il y a un certain nombre de nos clients qui sont dans l'incertitude depuis 16 mois parce que nous avons présenté une demande de permis sans obtenir de réponse. On ne nous dit même pas dans quel délai nous pouvons nous attendre à obtenir une réponse et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. C'est parce que nous pensons que cela est inacceptable.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Kent.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux pour être venus témoigner aujourd'hui.
    Au cours de notre étude, nous avons entendu des entreprises qui nous ont dit que le respect des sanctions imposait un lourd fardeau aux banques parce qu'elles étaient confrontées à un ensemble disparate de dispositions impératives. J'ai rencontré des représentants de l'Association canadienne des coopératives financières et un des problèmes qu'ils nous ont signalés était qu'elles étaient désavantagées par rapport aux grandes banques à cause des sanctions, des politiques. Avez-vous d'autres renseignements au sujet des répercussions que peuvent avoir les dispositions relatives aux sanctions sur les coopératives financières?
    Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, parce que je représente une banque à charte. Je peux comprendre leur frustration. J'ai mentionné dans un témoignage précédent que le respect du régime entraînait des coûts importants. Il n'y a pas seulement les règlements canadiens. Nous devons également tenir compte des autres régimes internationaux lorsque nous exerçons nos activités commerciales. Cela vient s'ajouter aux obligations imposées par le Canada et le tout est très lourd.
    Nous voulions néanmoins dire, très franchement, que ces dernières années, Affaires mondiales Canada n'a vraiment pas facilité les choses. Si l'on remonte à 2010 — non, je ne devrais pas remonter aussi loin. Je vais remonter à 2013, l'année où j'ai commencé à exercer ces fonctions. C'était une époque pendant dans laquelle Affaires mondiales, le MAECI à l'époque, collaborait avec nous beaucoup plus volontiers. Lorsqu'un nouveau régime de sanction était adopté, ou qu'un pays était ajouté, le ministère organisait un appel conférence auquel il invitait les représentants de l'industrie. Il faisait des appels distincts pour les banques, et je crois qu'il en faisait également pour les coopératives financières à l'époque. Les représentants du ministère répondaient aux questions assez facilement et ils fournissaient des conseils très utiles, parce que vous savez qu'on ne publie rien. Affaires mondiales ne publie pas les questions posées fréquemment comme le fait l'OFAC aux États-Unis.
    Nous trouvons cela frustrant parce que depuis 2015, c'est pratiquement le silence radio. Auparavant, je pouvais prendre le téléphone et parler à un avocat de la section du droit économique et obtenir ne serait-ce qu'une indication et savoir s'il faudrait peut-être un permis ou si notre interprétation semblait bonne. Depuis 2015, il n'y a plus rien. Le ministère ne fournit même plus des conseils limités. Il nous demande de communiquer par courriel ou de présenter une demande de permis.
    Eh bien, nous envoyons un courriel sans obtenir aucun conseil. La réponse type du ministère était la suivante « Vous devez obtenir des conseils juridiques indépendants ». Nous avons demandé l'avis d'avocats qui travaillent dans cette industrie; c'est un cercle vicieux. Ils ne possèdent pas les réponses. Ils doivent s'adresser à Affaires mondiales.
    En fin de compte, cela se ramène au processus d'attribution de permis. Vous posez une question, vous demandez des conseils généraux et l'on vous répond: « Nous ne pouvons pas vous donner une réponse générale. Il faut décrire un cas précis. » Nous attendons une transaction, une transaction réelle. Nous avons des clients qui attendent. Ils veulent obtenir une lettre de crédit et il faut présenter une demande.
    Cela fait 16 mois que nous attendons.
    Je pense que les recommandations que nous avons présentées aujourd'hui seraient utiles pour tous les participants du régime, du point de vue du secteur privé, y compris de celui des coopératives financières.
    Pour en revenir aux banques, pensez-vous qu'il y a eu des excès de zèle? Pouvez-vous nous signaler un cas où cet aspect a fait problème pour les banques?

  (1655)  

    Cela se produit en fait assez fréquemment.
    Lorsqu'il y a une ambiguïté, lorsqu'il y a la moindre imprécision, les banques — et je pense que les coopératives financières feraient la même chose — privilégient la prudence. Elles agissent de façon conservatrice et sont plus réticentes à effectuer des transactions.
    Il ne s'agit pas nécessairement de notre banque, mais nous l'avons constaté avec d'autres institutions financières internationales, en particulier celles qui sont obligées d'appliquer d'autres régimes de réglementation. Elles vont tout simplement bloquer la transaction et elles refusent tout simplement d'en faire avec certains pays. Elles ne reconnaissent même pas que certaines exceptions sont permises. Elles ne veulent même pas les examiner, à cause du coût qu'entraîne le respect du régime et de l'obligation d'avoir du personnel qui se consacre à cette tâche et en réalité, à cause du risque que cela leur fait courir.
    Nous prenons position. Nous essayons d'examiner chaque transaction sur une base individuelle. Il y a beaucoup de Canadiens qui ne savent pas que, même si nous, une banque canadienne, autorisons la transaction, il arrive qu'il y ait une autre partie dans un autre pays qui participe également à la transaction. Cette autre partie peut fort bien décider de la refuser. Cela a des répercussions néfastes sur nos clients. Nous essayons de leur expliquer que ce n'est pas à cause de nous, et que c'est l'autre banque qui refuse d'effectuer la transaction.
    De meilleures directives aideraient les banques à mieux respecter le régime, mais elles permettraient également aux entreprises de se développer et de pouvoir faire ces opérations.
    Si vous le permettez, je dirais que nous souhaitons simplement obtenir des lignes directrices, ne serait-ce qu'une liste de certaines marchandises et de certains pays pour lesquels un permis n'est pas exigé. Cela aurait un effet très positif sur l'économie canadienne, en particulier parce que nous avons beaucoup de clients qui s'intéressent à ces marchés émergents. Ils aimeraient pouvoir y pénétrer, mais ils ne peuvent le faire à cause de l'ambiguïté des dispositions, du manque d'interprétation et de directives.
    Allez-y, monsieur Sidhu.
    Connaissez-vous certaines possibilités commerciales qui ont été bloquées par la banque à cause de ces sanctions?
    Pas directement. Cela touche principalement nos clients. Je peux vous dire bien franchement que nous ne nous précipitons pas pour ouvrir des succursales dans la plupart des pays sanctionnés. Cela dit, nous avons été invités à participer, peut-être par des organismes de crédit syndiqué, mais nous avons refusé de le faire à cause des ambiguïtés du régime des sanctions; de sorte que, oui cela s'est produit.
    Mme Laverdière est la suivante. Allez-y.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais commencer en mentionnant que les points que les témoins soulèvent aujourd'hui sont des points que nous avons déjà entendus. Je ne dis pas que votre présentation était inutile, au contraire. Vous avez fait un excellent sommaire des points et des problèmes que nous avons déjà entendus en ce qui a trait à la mise en oeuvre de ces lois, même de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou LMES. À ce sujet, il y a eu une poursuite en 25 ans en vertu de cette loi. Je pense donc qu'il y a des problèmes très réels.
    J'aimerais vous questionner sur la « surconformité » ou l'overcompliance avec la loi. Il y a eu notamment des sanctions contre l'Iran. J'ai rencontré des étudiants iraniens dont on avait fermé les comptes bancaires parce que les banques aimaient mieux être plus prudentes qu'autre chose. C'est ce qui touche la mise en oeuvre de ces mesures ici, au Canada.
    Je pense que nous comprenons bien les problèmes et que vos recommandations seront très utiles. Par ailleurs, on vous demande aussi de vous conformer aux régimes de sanctions dans les autres pays où vous pouvez exercer vos activités, comme aux États-Unis, en Europe ou ailleurs. J'imagine que cela complique aussi les choses pour les banques.
    Y a-t-il quelque chose que le gouvernement du Canada pourrait faire pour alléger ce fardeau?

[Traduction]

    C'est une excellente question.
    Je dirais encore une fois qu'effectivement, à notre avis, le gouvernement canadien pourrait faire certaines choses. Il pourrait certainement agir dans les domaines que nous avons déjà mentionnés. Il s'agit d'administration. Il s'agit de directives. Nous ne pensons pas que les dispositions elles-mêmes contiennent des lacunes graves; c'est simplement ce qui entoure cette législation, que ce soit un regroupement des listes ou le fait de fournir des directives en matière d'interprétation. Cela permettrait de régler certains problèmes.
    Je peux vous dire très franchement que, s'il y avait une voie d'accès, si nous pouvions approcher le gouvernement dans ce genre de cas, pour lui dire que nous ne savons pas très bien ce qu'il faut faire à l'égard de ces étudiants et qu'il y a de nouvelles sanctions qui sont entrées en vigueur à l'époque, si nous avions la possibilité de dialoguer avec un représentant du gouvernement de façon à faire disparaître ces craintes, etc., je suis certain que cela n'aurait pas eu les mêmes conséquences.
    Il est exact que les sanctions internationales font problème. Très franchement, vous avez mentionné l'exemple de l'Iran. Le Canada a certes assoupli le régime des sanctions générales contre l'Iran, mais dans l'ensemble, les États-Unis ne l'ont pas fait de sorte que nous nous posons beaucoup de questions lorsqu'une opération doit se faire en dollars US. Il y a des banques qui ont imposé certaines restrictions à l'ouverture de comptes libellés en dollars US. Pourquoi? C'est parce que les opérations en dollars US doivent être autorisées par une banque correspondante américaine, et il y a aussi le fait que les répercussions des sanctions sont préoccupantes.
    Nous pensons — et nous l'avons indiqué clairement dans notre mémoire — que le gouvernement pourrait faire davantage et accorder un soutien en matière d'administration et d'infrastructure. L'Australie est un bon exemple d'un pays qui s'occupe de faire de la sensibilisation. Le gouvernement organise deux fois par an des conférences itinérantes. Il rencontre les sociétés et l'industrie pour présenter des directives au sujet des sanctions. Il participe effectivement à des conférences.
    J'ai assisté à quatre conférences internationales ces deux dernières années. Deux étaient tenues à Toronto, une à Washington et une à New York; elles étaient organisées par l'American Conference Institute. Je connais bien la situation parce que j'ai pris la parole à chacune de ces conférences. On m'a demandé « Quel est le ministère ou l'organe du gouvernement canadien que vous aimeriez voir participer à cette conférence, en qualité de représentant du Canada, en plus des avocats? » J'ai répondu à chaque fois: « Invitez Affaires mondiales Canada ». Ce ministère a été invité quatre fois. Il n'a jamais participé à ces conférences.
    Il n'y a pas que les Canadiens qui participent, il y a la communauté internationale. Il y a des avocats. Il y a des banques. Elles veulent connaître quelle est sa position au sujet des sanctions canadiennes.

  (1700)  

    Merci beaucoup. Encore une fois, ces points sont tous très intéressants.
    D’ailleurs, nos fonctionnaires pourraient apprendre des expériences des autres en assistant à ces conférences internationales.
    Je suis d’accord.
    Oui, absolument.
    J’aurais une dernière question concernant les recommandations. Nous avons vu la petite brochure qui renferme des recommandations et qui n’a pas été mise à jour depuis 2010. Souhaiteriez-vous avoir un manuel d’information sur le cadre général ou un document sur les sanctions en général et des documents précis ou de l’information sur chaque nouveau régime de sanctions qui entre en vigueur? Serait-il utile d’avoir des principes-cadres généraux et des directives précises, notamment sur les sanctions contre l’Iran ou d’autres natures?
    Oui, pour répondre brièvement, je crois que ce serait utile.
    Je pense que le guide du BSFI est utile aux petites institutions financières, comme les caisses populaires. Si vous commencez, c’est relativement utile. Le guide traite des éléments de base, mais il reste qu’il est assez élémentaire.
    Nous aurions vraiment eu besoin de plus d’information lorsque les sanctions ont été imposées contre la Russie. Je dois dire que, d’un point de vue pratique, lorsque les sanctions ont été imposées contre la Russie, bien honnêtement, c’était la pagaille. Ces sanctions sont complètement différentes. Elles ne font pas en tant que telle partie de la liste des sanctions. Une partie d’entre elles oui, mais il y a trois autres annexes distinctes qui séparent les transactions de crédit et l’émission de titres de créance. Les périodes de temps ne sont pas les mêmes. On prévoit que toutes les transactions sont une émission de titres de créance dépassant 30 jours, une transaction de crédit dépassant 90 jours... C’est très compliqué. Encore aujourd’hui, nous devons revoir manuellement tous les types de transactions russes. Nous devons les vérifier pour déterminer si elles entrent dans l’une des nouvelles catégories ou si elles visent, par exemple, le forage en eau profonde ou la fracturation hydraulique dans l’Arctique. Par ailleurs, nous n’avons même pas de définition pour l’« Arctique ». Sur la scène internationale, on utilise trois définitions du cercle polaire arctique. Les Européens ont leur définition, les Américains aussi et nous aussi.
    Alors...
    Alors, lorsque nous devons déterminer l’emplacement, nous demandons où est le site. Où faites-vous le forage? J’ai des analystes qui doivent essayer de repérer l’endroit sur la carte et qui doivent trouver la longitude et la latitude afin de déterminer si les sanctions s’appliquent. C’est très difficile à comprendre.

  (1705)  

    De nombreux ministères du gouvernement le font. Lorsqu’une nouvelle réglementation entre en vigueur ou que de nouvelles directives sont élaborées, le ministère organise une tournée de présentation pour informer l’industrie. C’est une façon de faire répandue.
    Merci beaucoup, madame Laverdière.

[Français]

     Je remercie les témoins de leurs commentaires.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Fragiskatos.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Alsace, pourriez-vous dire au comité quand le régime de sanctions a-t-il été imposé contre la Russie?
    C’était en juillet 2014, je crois.
    C’était en 2014. Ok.
    Vous avez mentionné qu’à un moment la collaboration était très positive avec Affaires mondiales, mais qu’ensuite les choses se sont gâtées. Quand est-ce arrivé?
    C’est difficile à dire. Je pense que c’était juste avant la Russie. J’ai commencé à ce poste en octobre 2013. À ce moment, nous obtenions encore des réponses. Le Ministère ne tenait pas de conférence téléphonique pendant cette période, puis la situation s’est dégradée, probablement, en même temps que les sanctions contre la Russie.
    D’après ce que j’en comprends, le gouvernement précédent a insisté pour appliquer un régime de sanctions pour faire face aux actions de la Russie et a été catégorique que le régime allait être costaud. Il savait très bien que le fardeau de l’application du régime de sanctions retomberait sur les entreprises et les banques canadiennes. Cependant, aucune collaboration réelle n’a été instaurée.
    Je ne suis pas certain si l’on avait si bien réfléchi à la question. Si nous examinons les tendances et regardons ce qui s’est passé avec la Russie, le Canada n’a fait qu’emboîter le pas. Nous avons fait comme les Européens et les Américains en imposant des sanctions. Bien que nous ayons un régime indépendant de sanctions contre la Russie et l’Ukraine, je ne suis pas certain si la question a été posée...
    Elle ne l’a pas été.
    Dans le sens où lorsque nous parlons de ce que nous devons faire avec les sanctions et que nous voyons le soutien que nous apporte Affaires mondiales, je ne sais pas si c’était un problème avec tous les types de régimes. Je pense que la situation s’est plutôt détériorée graduellement depuis 2013. À cette époque, le Ministère était un peu plus ouvert.
    Si je devais expliquer la cause de cette détérioration, je dirais que c’est à ce moment-là qu’il y a eu un changement de personnel, un haut fonctionnaire. En son absence, je pense que personne n’était prêt à prendre les reines et à organiser ces téléconférences.
    Par contre, l’entreprise privée importe grandement au Canada. Nos banques importent. La structure bancaire est essentielle à l’économie de marché. Si nous mettons en place des mécanismes pour appliquer des sanctions, un changement de personnel ne devrait pas avoir une grande incidence.
    Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Il faudrait demander à Affaires mondiales Canada des explications à cet égard.
    C’est seulement déconcertant, car le gouvernement précédent disait être le gouvernement de l’entreprise privée, mais parallèlement il essayait de faire quelque chose pour régler des problèmes dans des pays étrangers. D’une part, il se lançait des fleurs pour les mesures prises sur la scène internationale et, d’autre part, il demandait aux banques du pays de faire tout le travail et ne les aidait pas.
    Cela dit, je souhaite parler du fardeau qui repose sur le secteur des banques et les entreprises. À part par l’intermédiaire des Nations Unies, le Canada peut, comme vous le savez, imposer unilatéralement des sanctions que ce soit en vertu de la LMES, de la LBBDEC, des dispositions antiterroristes du Code criminel, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou de plusieurs autres lois. Cependant, les sanctions sont disposées en plusieurs couches. D’ailleurs, sept régimes canadiens de sanctions font appel actuellement à deux lois ou plus parmi celles que je viens d’énumérer.
    Les régimes deviennent ainsi très complexes, parce que chaque loi impose une sanction différente pour le non-respect et définit différemment les enjeux clés, comme la propriété ou un bien. Ce doit être un vrai cauchemar que de les appliquer. Pourriez-vous dire au comité combien il est difficile d’appliquer ces régimes et si vous avez été consulté avant leur mise en place?
    En général, le secteur bancaire canadien appuie les sanctions. Nous respectons les exigences réglementaires et les lois. J’ai déjà mentionné, je crois, que les régimes sont compliqués et qu’ils constituent parfois un fardeau. Oui, c’est...
    Il semble que ce soit davantage un fardeau. J’essaie de voir la situation de votre point de vue et de la perspective d’une personne dans le secteur bancaire qui essaie de démêler le tout au quotidien. C’est un vrai cauchemar.
    Je ne suis pas certain que ce soit un cauchemar. Bien honnêtement, bien que les régimes de sanctions nous parviennent de différentes listes, nous faisons appel à un fournisseur de services pour les regrouper. Le fait que les sanctions soient sur différentes listes est un fardeau supplémentaire, car nous devons valider les listes, c’est-à-dire revenir à la source pour faire les vérifications...

  (1710)  

    Je ne veux pas vous interrompre, mais mon temps de parole est limité.
    Je dois appliquer différentes définitions de propriété et de bien. S’il y a sept régimes de sanctions nécessitant l'application de deux lois ou plus, parler de cauchemar est peut-être un peu fort. Je suis un politicien et j’ai tendance à utiliser des hyperboles de temps en temps. Ce que j’essaie de dire est qu’il s’agit d’un très grand défi. En fait, j’imagine que ce doit l’être.
    Je serai franc avec vous. Les listes ne sont pas vraiment un problème, parce que si vous êtes sur la liste, ce n’est pas important de déterminer la source. Vous êtes sur la liste ou vous ne l’êtes pas. Pour 99,99 % des vérifications que nous faisons, nous n’obtenons pas de correspondance. Si votre dossier ne correspond pas et si vous n’êtes pas une personne désignée, nous n’avons pas besoin de décortiquer la définition de propriété ou de bien. Nous n’avons pas à traiter avec la partie concernée. Ce n’est pas un problème dans la majorité des cas. Au quotidien, bien que de nombreuses vérifications et infrastructures soient requises, cela ne crée généralement pas de problèmes.
    Ce sont les autres sanctions; celles que nous appelons les sanctions sectorielles; celles qui visent un pays en particulier, comme la Russie; celles pour lesquelles nous devons nous pencher sur les armes et les munitions. Nous devons alors commencer à vérifier les biens. C’est là que les choses se corsent, parce que nous faisons face à des questions d’interprétation.
    Nous faisons les deux simultanément, mais le fardeau dont vous parlez n’est pas réellement présent au quotidien.
    D’accord, mais vous souhaiteriez avoir une meilleure collaboration en général. C’est une question sur laquelle le comité peut se pencher. C’est quelque chose qui ressort de votre témoignage.
    Oui, nous l’encouragerions. Les efforts de collaboration sont formidables.
    Nous savons que les sanctions sont un instrument politique, alors il est possible que le gouvernement ne souhaite pas nous consulter avant d’en imposer contre un pays en particulier. Cependant, nous recommanderions de nouer un dialogue général sur les nouveaux types de sanctions que le gouvernement souhaite créer, comme les sanctions sectorielles. Ainsi, nous pourrions donner des conseils sur les aspects auxquels il faut faire attention lorsqu’on caractérise certaines transactions.
    Depuis 2006, nous avons mis en place des mécanismes qui ont tendance à imposer des sanctions unilatérales. Je pense donc que c’est le facteur qui, pour vous, complique les choses. Reste qu’il n’y a aucune collaboration significative avec le secteur bancaire de quelque manière que ce soit. Il n’y a pas de dialogue. Vous vous fiiez à une personne à Affaires mondiales Canada pour faire l’intermédiaire puis cette personne part partie et tout le secteur bancaire perd voix au chapitre. C’est ce que j’ai compris.
    Nous ne pouvons pas avoir une seule personne. Nous ne pouvons nous en remettre à la bonne volonté d’une personne dans un ministère. Nous devons régler ce problème. Je suis désolé que vous vous soyez heurtés à ces difficultés dans le passé et que vous ayez dû porter le fardeau de mettre en place et de surveiller un régime de sanctions tandis que le gouvernement s’attribuait le mérite — ou essayait de s’attribuer le mérite — d’avoir mis de l’avant une politique étrangère pour s’attaquer aux états autoritaires.
    Je n’ai pas d’autres questions, monsieur.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Allez-y, monsieur Levitt.
    Pouvez-vous nous expliquer le cycle de vie de la conformité pour les banques d’un point de vue pratique? Prenons l’exemple d’une nouvelle réglementation ciblant certaines personnes dans un pays en particulier. Si cela peut vous aider, vous pouvez prendre l’exemple de la Russie. Comment êtes-vous informé de la mesure, comment l’interprétez-vous et comment vous y conformez-vous? Quelles sont les étapes pour bloquer les biens que vous détenez et pour empêcher les transactions? À quoi ressemble l’échéancier pour toutes ces étapes?
    Combien de temps avez-vous, monsieur?
    J’ai environ cinq minutes, en fait. C’est très précis.
    Je suis certain que vous pouvez le faire en cinq minutes.
    Oui. Donnez-nous la version abrégée.
    Lorsque de nouvelles sanctions sont imposées, nous en sommes généralement informés au moment de leur publication. Nous sommes abonnés à divers services. Affaires mondiales envoie des mises à jour par courriel au moyen d’un fil RSS et nous pouvons scruter tous les sites, tous les jours.
    C’est intéressant que vous souleviez la question, parce que certains noms, lorsqu’ils sont publiés pour la première fois, figurent dans diverses sources. Parfois — nous n’avions jamais vu cela auparavant —, l’information est transmise par un communiqué sur le site Web du premier ministre. C’était nouveau pour nous. Nous ne savions même pas qu’il fallait regarder sur ce site. Généralement, nous regardons sur le site d’Affaires mondiales tous les jours. Nous regardons également sur le site du ministère de la Justice tous les jours.
    Parfois, nous recevons un avis, parfois non. Il me semble que, lorsque les sanctions contre la Russie ont été imposées, nous avions eu un préavis du BSFI, car eux savaient que les sanctions seraient prises. C’était bien. Je compte également sur mon équipe. Il y a cinq avocats dans mon équipe. Nous avons également un service juridique. Nous examinons chacune de près et nous analysons les répercussions.
    Il suffit de l’ajouter à une liste et ensuite c’est relativement facile. Les noms sont ajoutés à la liste puis nous les traitons. Soit notre fournisseur de services s’en occupe, soit nous les traitons manuellement. Puis, les données sont entrées dans notre système, généralement le même jour ou le lendemain. Ensuite, si nous obtenons une correspondance ou si la transaction est bloquée, nous prenons les mesures nécessaires. Nous gelons la propriété ou les biens. Si nous obtenons un faux positif et que nous ne pouvons effectuer le rapprochement, nous retournons voir le client et lui demandons d’autres renseignements. Il est possible également que nous demandons des renseignements à la banque remettante ou à la banque d’origine s’il s’agit d’une transaction de transfert.
    Pour ce qui est des sanctions sectorielles... Si l’on ouvre un tout nouveau secteur par exemple et que l’on souhaite ajouter la pêche quelque part. Comme nous n’avons jamais vu ce genre de situation auparavant, nous organisons généralement une réunion avec l’ABC. Nous rassemblons les membres pour discuter en tant qu’industrie et déterminer quoi faire. Il se pourrait que nous fissions appel à notre fournisseur de services juridiques et lui demandions son interprétation. Nous faisons de notre mieux.
    Ce serait fantastique si nous pouvions nous tourner vers Affaires mondiales pour qu’ils organisent une téléconférence et nous expliquent les nouvelles sanctions. Ce serait l’idéal. Cette recommandation fait partie de nos demandes. C’est ce qui se passe dans d’autres pays. Les responsables peuvent ensuite publier des foires aux questions ou pourraient prévoir les questions. Ce serait formidable.

  (1715)  

    Est-ce qu’une liste regroupée vous serait utile? Cette question a été soulevée lors de quelques réunions. Nous pourrions avoir une liste plus exhaustive et vous n’auriez plus à sauter d’une source à l’autre. Je pense que c’est ce qu’ils font aux États-Unis.
     Oui, absolument. Je pense que ce serait certainement utile. C’est ce que nous demandons depuis plusieurs années. Vous avez mentionné les caisses populaires et les petites institutions financières. Nous pensons que, pour elles, tout particulièrement, il s’agit d’un fardeau. Pour les petites banques, nous savons que le fait d’avoir de multiples listes est un fardeau. Nous savons également que c’est un fardeau pour nos fournisseurs de services, car ils oublient parfois une liste. Ces fournisseurs sont soit aux États-Unis ou au Royaume-Uni et ne savent pas que nous avons 19 sources différentes.
    Outre les sanctions canadiennes, vous devez appliquer les sanctions et les règlements d’autres pays, notamment des États-Unis et de l’Union européenne. Comment cette multiplicité de sanctions, de régimes et de normes selon les pays complique-t-elle la conformité? Que pourrait faire le gouvernement pour alléger ce fardeau dans le secteur bancaire?
    Honnêtement, je ne sais pas si le gouvernement du Canada pourrait avoir une quelconque influence sur les sanctions d’autres régimes. Nous n’y échapperons jamais. Par contre, nous recommanderions une meilleure collaboration entre les pays. Ce serait formidable s’ils pouvaient harmoniser les sanctions. Ce serait également fantastique s’ils pouvaient faire une liste internationale harmonisée des sanctions. Ce serait la situation rêvée.
    Nous savons que le gouvernement du Canada a pris une décision politique en imposant un régime autonome de sanctions et c’est correct ainsi. Nous pouvons faire avec, même si ce régime complique les choses. C’est ce que j’ai mentionné auparavant. Prenons l’Iran par exemple. Nous avons deux régimes différents. Nous devons progresser péniblement dans les transactions ou avec les clients potentiels, faire une analyse détaillée, obtenir beaucoup de renseignements précis et nous assurer qu’il n’y ait pas de lien avec les États-Unis.
    Par contre, ce n’est rien de nouveau. Dans le cas de Cuba, nous devons composer avec deux régimes différents et deux approches différentes depuis des années. Par exemple, nous avons mis en place une infrastructure différente pour nous assurer que les employés des États-Unis se retirent des transactions. Nous les isolons pour nous assurer qu’il n’y ait aucun lien avec les États-Unis et que nous puissions mener à bien les transactions pour les entreprises qui font des affaires à Cuba.
    Nous espérons que dans l’avenir, il y ait une meilleure harmonisation, mais nous nous attendons tout de même à ce qu’il reste toujours des différences.
    Je sais que vous en avez déjà parlé un peu, mais à quoi s’attend l’industrie des services financiers dans un monde idéal? Quel type de soutien le gouvernement pourrait-il idéalement apporter pour que la conformité au régime de sanctions canadien soit plus facile? Vous avez déjà donné quelques exemples. Voudriez-vous ajouter quelque chose?
    Non, c’est assez élémentaire. Des foires aux questions seraient des guides fantastiques. Nous ne voulons pas des documents comptant plus de 500 questions comme ce que produit l’Office of Foreign Assets Control. Quelques questions et réponses seraient excellentes. On pourrait même envisager d’adopter un instrument comme le régime général de licence aux États-Unis, qui permet de faire ressortir les questions les plus fréquentes. Par exemple, plutôt que de délivrer une licence ou un permis sur une base ponctuelle, ils disent: « voici le type de transaction; tout le monde peut le faire », puis ils le publient. Ce serait fantastique. Le processus serait beaucoup plus efficient.
    Néanmoins, juste une meilleure information, une personne-ressource et des directives...
    Je pense que nous avions mentionné la création d’une ligne téléphonique spéciale où nous pourrions appeler pour avoir des conseils. L’industrie bancaire est reconnaissante de tout le soutien que lui apporte le gouvernement. Nous souhaitons seulement améliorer cette collaboration.
    Merci, monsieur Levitt.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Kmiec.
    Nous vous remercions tous les deux d’être ici. Il s’agit probablement de la conversation la plus intéressante jusqu’à présent, parce qu’elle porte aussi sur les aspects techniques et administratifs.
    Vous avez dit être favorable aux régimes de sanctions, et désireux de les respecter de la façon la plus simple possible. Je suis parmi les politiciens qui aiment entrer dans les détails, alors je suis heureux que vous soyez ici, parce que je vais vous demander de nous faire part des détails.
    Pour ce qui est de ces 19 listes distinctes, il y a diverses façons de les vérifier. Toutefois, est-il exact d’affirmer que ces listes ne proviennent pas toutes du Canada? Vous semblez dire que ce sont des listes dressées par le Royaume-Uni et les Nations-unis... Est-ce qu’elles proviennent toutes du Canada?

  (1720)  

    Sans trop y réfléchir, je sais qu'il y a au moins...
    Il s’agit non seulement de listes, mais de sources que l’on trouve sur divers sites Web. Il se peut qu’il n’existe pas 19 listes en vertu de lois ou de règlements. À mon avis, c’est tout simplement qu’on peut trouver ces listes sur 19 sites Internet différents.
    À la lumière de certaines des réponses que vous avez données aux questions des autres membres du comité, serait-il juste de dire que vous préférez une sanction sectorielle, ou très générique, et des sanctions plus précises à l’intention de personnes en particulier?
    Sur le plan administratif, est-il plus facile de trouver une liste qui stipule « telle personne, qui dirige tel organisme, ne peut effectuer telle transaction », en la nommant simplement, au lieu d’inscrire « toute personne impliquée dans le forage en mer qui fait des affaires en Russie »? Quelle méthode est la plus simple à gérer?
    Il y a deux éléments. Premièrement, pour ce qui est des listes et leur administration, nous demandons simplement qu’elles soient placées dans un endroit comme le Bureau de contrôle des avoirs étrangers. Il n'y aurait qu'une seule liste. Peu importe qu’elle provienne de lois différentes. On pourra inscrire des liens, de codes, de couleurs — je ne sais quoi — à une liste centrale, pour créer des liens vers d’autres lois, en tenant compte qu'il existe différentes méthodes. Au final, une seule liste suffirait aux fins du dépistage.
    L'autre élément que vous avez soulevé concerne davantage la clarté et la spécificité. C'est plus difficile à gérer, parce que c'est à cette étape qu'on analyse les différentes sanctions sectorielles. Ou il peut s’agir d’une entité, comme la Russie, qui est une entité de la deuxième catégorie. Ils sont en effet inscrits sur une liste de sanctions; toutefois, la sanction qui les frappe porte sur des opérations au titre de la dette dépassant 30 jours. Or, il leur est interdit de conclure de telles transactions. Je n’entrerai pas dans les détails, et ne dicterai pas au gouvernement sa conduite à cet égard. On pourrait l’inscrire dans une catégorie différente, ou quelque chose du genre, mais au même endroit, ou la codifier autrement. Je ne suis pas certain. Il faut trouver un moyen d’en faciliter l’usage.
    Alors, permettez-moi de vous poser la question suivante. Pourrait-on parler d’une mesure qui ressemblerait à une loi Magnitsky plus générale, qui serait un genre de répertoire central pour les sanctions, un lieu où se trouverait cette liste consolidée? Il y aurait également un accord entre les pays, pour ce qui est de la nature de ce mécanisme, de sorte qu'il n'y aurait pas de situation dans laquelle il faudrait obliger certains fonctionnaires à se récuser lorsqu’il s’agit de cas précis, comme Cuba. On pourrait dire: « Dans ces cas particuliers, ce groupe de pays accepte de sanctionner cette personne ou ce secteur du pays de la même façon ». Et on aurait alors un inventaire de ce qu’ont accepté de faire tous les pays qui imposent des sanctions. La Russie est l'exemple que nous invoquons actuellement.
    Ce serait utile.
    Ce serait utile — une mesure comme une loi Magnitsky plus générale?
    Oui, ce serait très utile. Prenons la Russie comme exemple. Des différences subtiles existent entre le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie et le Canada, mais l’idéal pour ces pays serait simplement de s'entendre sur l'uniformité du langage et de l'approche utilisés.
    Puis-je poser une autre question? Vous attendez toujours que le gouvernement réponde à certaines questions. Est-ce que vous dites qu’il s’agit de 16 mois?
    C'est pour une demande d'autorisation.
    C’est pour une demande d’autorisation. En gros, on ne vous a pas fait signe, malgré le changement de gouvernement. Vous n’avez toujours pas de réponses, les employés d’Affaires mondiales Canada ne vous ont rien donné.
    C’est exact. Notre avocat fait le suivi, et il leur demande des mises à jour. La réponse est tout simplement que la question est toujours en cours d’évaluation.
    On évalue toujours la question.
    Vous avez parlé du concept d’une autorisation générale, qui vous éviterait d’avoir à revenir et faire une nouvelle demande relative à une autre personne, alors que vous venez de dire à une autre entreprise que vous pouvez agir en vertu d’une telle autorisation.
    Est-ce que cela se produit au Canada, dans le cas d’une sanction en particulier, ou est-ce que cela n’arrive jamais? Doit-on faire une nouvelle demande pour chaque cas?
    Oui.
    Vous avez souligné que l'Australie est un pays qui fonctionne bien à ce chapitre. À part l'Australie, existe-t-il un autre régime de sanctions qui fonctionne bien, selon vous?

  (1725)  

    Dans le contexte d’une réorganisation de l'administration des sanctions, j'encourage le comité et le gouvernement à examiner un certain nombre de pays et à choisir les meilleurs éléments de chacun, tout en réfléchissant à ce qui fonctionnera au Canada.
    J'ai choisi l'Australie parce que ce pays est d’environ la même taille que le Canada. Je pourrais tout simplement parler du Bureau de contrôle des avoirs étrangers, mais nous croyons savoir que le gouvernement du Canada pourrait ne pas vouloir utiliser un modèle de ce genre.
    Pour autant que je sache, peux de banques se plaignent du régime qu’utilise l’Australie. Il s’agit d’un système collaboratif. On fournit des orientations et ça semble fonctionner.
    J'ai pu observer certains des volets du régime en place au Royaume-Uni. Il fournit des orientations. Je ne l'invoquerais pas nécessairement à titre de référence absolue.
    D’après mes observations, le modèle qu’utilise le Bureau de contrôle des avoirs étrangers comprend de bons éléments, comme la foire aux questions, et la simple possibilité d’afficher des questions et réponses. C’est un excellent début. Nous avons même demandé que l’ont crée une autorisation générique. En fait, c'est tout ce que nous avons demandé aux employés d’Affaires mondiales Canada. Nous serions même disposés à leur venir en aide pour élaborer ce qui est, selon nous, le meilleur modèle. Et on pourrait afficher ces listes, après avoir veillé à ce que leur interprétation des choses soit juste. Toutefois, nous avons constaté une réticence généralisée à cet égard.
    Merci, monsieur Kmiec.
    Nous allons maintenant entendre M. Miller.
    Je tiens à vous remercier d'être venu nous rencontrer.
    J'ai une brève question relative à la logistique entourant le signalement d’un compte bancaire ou le blocage d’un compte bancaire ou d’un compte de titres. Vous parlez à un ancien avocat spécialiste des fusions et acquisitions qui comprend à quel point vous êtes conservateur. J’ai passé de nombreux vendredis après-midi à me demander pourquoi des fonds n'avaient pas été virés, alors je comprends la situation, et je comprends que vous soyez conservateur.
    Je m’interroge maintenant quant aux droits que possède votre dépositaire de fonds ou de titres. J’aimerais savoir à quoi s’attendent les gens qui ont confié leur argent a ces institutions, et s’il est possible d’être en état de conformité excessive. Il s’agit peut-être d’un cauchemar logistique ou bureaucratique que vous vivez.
    Que se passe-t-il lorsqu'un policier ou un fonctionnaire vient vous dire qu'un compte est louche et que vous devez le bloquer? Je plaisante, mais leur demandez-vous s’ils ont des preuves ou un mandat? Quelles sont les questions que pose votre équipe juridique en tout premier lieu?
    Je ne fais plus partie de l'équipe juridique, mais je crois que vous parlez de deux choses distinctes. L'une d’entre elles est l’exigence et l’obligation pour nous de respecter la loi. Vous savez tous que les sanctions sont des lois de nature criminelle, alors il faut avoir une correspondance positive. La loi nous impose des exigences très précises lorsqu’il s’agit de signaler ou de bloquer un compte.
    Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer d'identifier la personne ou l'entité appropriée, si jamais nous devons passer à cette étape. Nous nous assurons d’avoir une correspondance exacte, et c'est pourquoi j'ai souligné plus tôt que cela se produit très rarement au Canada, sur le plan des titulaires de comptes ou même des transferts de titres.
    Il est une chose qui pourrait arriver plus souvent : le nom de la personne qui reçoit un virement bancaire pourrait apparaître sur une liste. Cela arrive plus fréquemment. C'est soit cela, ou soit le destinataire est susceptible d'être répertorié — par exemple, le nom correspond exactement, mais nous n'avons pas d'autres renseignements.
    Nous n’effectuons pas la transaction avant d’avoir fait les vérifications. Presque toutes les banques internationales avec lesquelles nous traitons ont adopté la même approche. On bloque une transaction selon des renseignements qui portent à croire qu’une personne figure sur une liste, parce que son nom est identique ou suffisamment semblable. On poursuit ensuite d’autres pistes pour confirmer l’exactitude des faits. Cela repose sur des renseignements que l’on peut obtenir au sujet de cette transaction.
    Comme moyen de précaution, vous allez tout simplement bloquer la transaction de manière préventive jusqu’à ce soient dissipés tous les soupçons?
    Oui, mais je désire faire la distinction entre une personne figurant sur une liste et les sanctions...
    Précisément.
    ... en lien avec des activités de blanchiment suspectes. Il s’agit d'un seuil fort différent.
    Règle générale, si les services policiers font enquête sur un crime possible, ils doivent obtenir une ordonnance du tribunal pour bloquer une transaction. Cela varie. C'est une tout autre histoire, si on soupçonne qu’il s'agit de blanchiment d'argent.
    Nous devons composer avec une gamme de modes de réflexion. S’il s’agit de la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, la découverte de ces activités est problématique. Mais, par la suite, il devient plutôt facile de bloquer une transaction, contrairement à ce qui se passerait dans le cas d’un blanchiment d'argent.
    L'avantage des sanctions est qu'elles définissent un peu mieux la situation. Lorsque vous êtes confrontés à une personne inscrite sur une liste, vos obligations en vertu de la loi sont très claires. Vous devez bloquer le compte. Vous le gelez, et ensuite vous faites un rapport, et c’est ce que nous faisons.
    Merci, monsieur Miller
    La dernière question appartient à Mme Laverdière.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord m'excuser d’avoir utilisé mon BlackBerry, mais des journalistes me poursuivent au sujet d’un problème, et je tente simplement de résoudre la crise en question.
    Si vous me le permettez, je passerai maintenant au français.

  (1730)  

    Certainement

[Français]

     J'étais étonnée par vos propos.
    Nous voyons tout ce que vous faites. Vous faites appel à des fournisseurs de services. Vous passez en revue l'ensemble des listes pour créer en quelque sorte votre propre liste consolidée. J'imagine que la Banque de Montréal, la Banque Scotia et toutes les grandes banques canadiennes font la même chose. Il y a une sorte de dédoublement des efforts par rapport à ce que vous êtes forcés de faire et je ne suis pas en train de blâmer les banques pour cela.
    Avant qu'on mette en place un système qui serait plus utile pour vous, pouvez-vous au moins partager des informations ou des services?
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Il s’agit d’un point valable et d’une bonne question. Les plus grandes banques du Canada utilisent des fournisseurs de services, à vrai dire, pour nous aider à dresser des listes. Certains d'entre nous utilisent les mêmes fournisseurs de services, dont bon nombre sont de première classe.
    Nous ne partageons pas vraiment de renseignements au sujet des clients, et ainsi de suite. Nous collaborons régulièrement pour parler de nos pratiques et de certaines des questions que nous confrontons, mais il n'y a pas de liste centrale. J’ignore si on pourra jamais en obtenir une. On pourrait en dresser une pour le Canada, et ce serait formidable, mais on devra obtenir les listes des autres pays. Toutefois, à moins que les Nations unies ou un autre organisme ne crée une liste principale et un service que tout le monde pourra utiliser, nous serons en quelque sorte laissés à nous-mêmes. À vrai dire, nous utilisons un fournisseur de services.
    La préparation d’une liste consolidée pour les petites institutions serait très utile, absolument. Sur le plan de l'efficacité, pourquoi ne fait-on pas cette opération une fois, au lieu de la répéter des centaines de fois, comme vous l’avez souligné?
    Chers collègues, je crois que cela conclut une bonne heure de nos discussions avec l'Association des banquiers canadiens, et la Banque canadienne impériale de commerce en particulier. Je vous remercie tous les deux d'avoir fait cette présentation. Je me réjouis de ce genre d’intervention, étant donné que celle-ci était accompagnée de recommandations. Cela nous donne l'occasion de réfléchir à ces recommandations en tenant compte de votre point de vue. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Je sais qu’on vous a posé beaucoup de questions. N’hésitez pas à faire parvenir à notre comité tout autre renseignement que vous croyez utile. Encore une fois, nous vous remercions très sincèrement du temps que vous nous avez consacré.
    Chers collègues, je vais lever la séance jusqu'à nouvel ordre, et je pense que ce sera pour demain. Ce sera demain matin à 8 h 45. Je vous remercie.
    La séance est levée.
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