Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 160 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 mai 2018

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Nous poursuivons notre étude et l'examen législatif de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
    Quelques témoins sont présents, et je crois savoir que M. Kmiec aimerait également proposer une motion.
    Je dois absolument assister à une autre réunion à 16 h 15. Monsieur Albas, nous avons un problème de procédure. Normalement, nous nous tournerions vers M. Poilievre, puis M. Julian. Aucun d'entre eux n'est ici.
    Pourrions-nous nous entendre pour que M. Albas préside la réunion jusqu'à ce que nous commencions les travaux du Comité? Je serai revenu à ce moment-là. Sommes-nous d'accord?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Monsieur Albas, la parole est à vous. Vous pouvez traiter de la motion. Merci, Dan.
    Monsieur Kmiec, je crois comprendre que vous avez une motion qui a déjà été jugée recevable.
    C'est celle sur les hypothèques, pour laquelle j'ai donné avis il y a quelques semaines.
    Pouvons-nous simplement répéter, dans l'intérêt de M. Masse, afin qu'il comprenne pourquoi vous présidez la réunion à la place de notre président régulier? Je pense qu'il arrivait lorsque le président était en train d'expliquer ce que nous faisions et qu'il vous a cédé la présidence, monsieur Albas.
    Je serai ravi de le faire, monsieur Masse. Merci d'être venu aujourd'hui.
    Le président est indisposé, parce qu'il a une autre réunion. Notre vice-président n'est pas ici. De plus, le deuxième vice-président, que vous remplacez aujourd'hui, est absent, et le Comité a donc donné son consentement unanime afin que la séance d'aujourd'hui aille de l'avant. J'espère que cela vous convient.
    Oui, monsieur.
    Puisque je ne vois rien d'autre, je vais laisser M. Kmiec poursuivre avec son avis de motion.
    Je ne vais pas la lire, puisqu'elle est longue, mais c'est la motion que j'ai inscrite au Feuilleton auprès du Comité des finances afin qu'on étudie un rapport sur les effets des changements apportés aux règles hypothécaires. Ce sont des changements des règles hypothécaires liées à la ligne directrice B-20 qui ont été introduits par le BSIF le 1er janvier. Ces changements contiennent de nombreux éléments.
    Un des principaux éléments que je tiens à mentionner... Je regardais le calendrier du Comité et j'ai remarqué qu'il y avait des ouvertures en juin, mais il y a aussi évidemment un calendrier pour l'automne. Cette motion est formulée avec soin pour dire que cette étude devrait commencer une fois l'examen législatif de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes achevé et déposé à la Chambre. Je suis très conscient du fait que nous devons d'abord terminer l'étude que nous effectuons en ce moment. Je sais qu'on tiendra par la suite des tables rondes prébudgétaires. Je ne veux pas les éclipser ni les remplacer.
    Je dis simplement au Comité des finances, à des fins de planification, que je crois que cela devrait être notre prochaine étude. Je propose simplement la motion pour que nous puissions amorcer une conversation sur celle-ci, puis voir dans quel sens elle évolue à la table.
    Je crois que les changements apportés aux règles de la ligne directrice B-20 ont des effets très importants sur les hypothèques et sur la capacité des Canadiens de renouveler leur hypothèque. On en a déjà parlé. J'ai quelques articles de presse sur ce nouveau test de résistance auxquels je vais me reporter, l'augmentation de 2 % à laquelle les propriétaires, lorsqu'ils renouvellent leur hypothèque, doivent se conformer.
    Il y a un grand nombre de personnes. Pas moins de 50 000 Canadiens, qui auraient auparavant pu s'acheter une maison, pourraient se trouver dans l'impossibilité de le faire, d'après la SRC. C'est un article qui est paru il n'y a pas si longtemps. Au total, 100 000 Canadiens qui ont déjà souscrit une hypothèque auprès de leur prêteur vont échouer au test de résistance. Ils ne seront pas en mesure d'obtenir un renouvellement de leur hypothèque auprès de tout autre prêteur. Ils seront essentiellement coincés avec leur prêteur actuel. Je pense que c'est un enjeu sur lequel le Comité devrait se pencher, et il devrait examiner si ces changements des règles et le fonctionnement du test de résistance profitent en réalité au public et aux Canadiens.
    D'après une statistique que j'ai obtenue dans le rapport de Marchés des capitaux CIBC, 47 % des hypothèques existantes devront être refinancées en 2018, ce qui représente en réalité une augmentation de 25 à 35 % au cours d'une année normale. Cela a déjà eu des répercussions; les gens recherchent des hypothèques plus courtes et doivent les renouveler plus souvent, autrement ils ne seront pas en mesure de se qualifier.
    Encore une fois, je pense que c'est un enjeu que nous devrions examiner. Je pense qu'il est important. Je crois que beaucoup de Canadiens se voient privés d'une hypothèque en ce moment. J'entends cela souvent. Je reçois beaucoup de courriels et d'appels des électeurs dans ma circonscription. Je dirais qu'il y a probablement une demi-douzaine de cas importants, et dans peut-être deux douzaines de cas, ils regardent l'année qui s'en vient et voient qu'ils auront peut-être des difficultés. Pour beaucoup d'entre eux, il s'agit en réalité de situations ou de séparations conjugales, où ils avaient le revenu nécessaire pour renouveler leur hypothèque et seraient en mesure de le faire dans des circonstances normales, mais à Calgary, on parle d'un taux de chômage de 8 % et d'un taux élevé de sous-emploi, donc les gens ont du mal à faire la preuve de leurs revenus au moment d'obtenir leur renouvellement.
    Un test de résistance de 2 % ne fait qu'ajouter à ce fardeau. Nous avons vu la banque centrale augmenter le taux préférentiel, ce qui a évidemment des répercussions, car vous atteignez un taux encore plus élevé que celui que vous essayez de renouveler. Les charges de remboursement hypothécaire, que je tiens à mentionner, ont connu une hausse importante dans presque toutes les villes canadiennes, d'après un rapport de 2017 de la RBC. Je suis sûr que, pour 2018, cela ne va que s'aggraver.
    Même si le BSIF a apporté le 1er janvier ce changement qui, j'en suis sûr, était déjà prévu — je suis sûr que c'est quelque chose qu'il allait faire de toute façon — beaucoup de gens savaient qu'il s'en venait, donc le volume des hypothèques renouvelées a bougé. Vous pouvez voir que le volume était en fait assez élevé en décembre 2017, puis il diminue de façon importante par la suite. Cela n'a pas repris en mai. J'attendais de voir s'il y aurait une reprise en mai. Habituellement, mai et juin sont d'excellents mois pour les hypothèques en général. Les gens sortent, ils voient des maisons, c'est le printemps. Ils cherchent à faire des rénovations, à déménager dans une maison plus petite, ou ils cherchent, un type de propriété différente ou simplement à entrer sur le marché. C'est le moment de l'année où vous le faites. C'est le moment de l'année où je l'ai fait lorsque j'ai acheté ma maison il y a bien des années.
    Je pense que ces changements apportés à la ligne directrice B-20 touchent les nouveaux venus sur les marchés immobiliers. Le fait d'accéder à la propriété, d'investir dans votre maison, est le meilleur investissement que vous ferez, probablement le meilleur investissement financier si vous le gérez de façon très judicieuse.
    Le deuxième élément de cet investissement, c'est qu'il vous permet d'investir dans la collectivité à laquelle vous appartenez. Pour une grande partie des collectivités, où il y a une généralement une proportion élevée de propriétaires fonciers, les associations communautaires et les associations de résidants dans ma circonscription s'en tirent vraiment mieux que dans les régions où il y a une proportion élevée de locataires à court terme, pas de locataires à long terme. Les locataires à long terme s'occupent de leur maison, se préoccupent vraiment des régions où ils vivent et investissent eux-mêmes dans leur collectivité.

  (1615)  

     D'après le Financial Post, les premiers acheteurs semblent être un des groupes les plus touchés par la ligne directrice B-20. D'après les résultats préliminaires, le test de résistance — tel qu'il est proposé — a comprimé le budget consacré à l'achat d'une maison des milléniaux d'environ 40 000 $. C'est une proportion de 16 %. J'ai demandé à M. Poloz, le gouverneur de la Banque du Canada, à quel moment la Banque aurait les données nécessaires pour mener une évaluation, et il a répondu que ce serait peut-être dans un an. Je pense que nous pourrions commencer à l'automne, une fois achevée l'étude législative que nous entreprenons en ce moment, afin que nous puissions l'inscrire au dossier et essentiellement demander à la Banque du Canada et à d'autres personnes de produire des données. De nombreuses associations ont déjà commencé à le faire.
    J'aimerais toutefois donner le contexte concernant cette étude sur la ligne directrice B-20. Ce n'est pas le seul changement qui touche les hypothèques. Je vais juste en faire le décompte: à partir de décembre 2015, je vois 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 — ça fait beaucoup — 14, 15, 16, 17, 18, 19 changements des règles hypothécaires qui ont mené à la situation actuelle. L'affaire, avec la ligne directrice B-20, c'est son effet domino.
    Vous avez un ensemble de changements apportés aux règles, et vous avez maintenant des taux d'intérêt qui ont augmenté et ont fait en sorte qu'il est plus difficile pour les gens de renouveler leur hypothèque ou d'entrer sur le marché immobilier, donc je pense que cela mérite d'être étudié, parce que nous pouvons examiner la ligne directrice B-20 en soi, mais nous avons également l'avantage d'une incidence de deux ans sur les données pour chaque changement des règles qui a été apporté.
    Je pense que c'est avantageux. Je pense que c'est également opportun de le faire à l'automne. Nous verrons ce que l'été nous apporte en ce qui concerne le volume des ventes et les changements de prix. Je pense que la ligne directrice B-20 a été conçue précisément pour les marchés de Vancouver et de Toronto, mais les répercussions ont été énormes dans les petites collectivités et les petites villes. Et je pense que lorsque nous observons le marché canadien, il existe non pas un marché immobilier canadien, mais bien toute une série de marchés différents. Vous comparez des maisons dans une localité, près du travail, près d'une bonne école — c'est généralement ce que nos parents recherchaient. Pour ceux qui n'ont pas d'enfants, vous cherchez des moyens de transport faciles. Se rendre au travail et en revenir, aller à l'épicerie... ce sont les choses qu'ils recherchent. Ces gens, les nouveaux venus, sont chassés du marché par ces changements liés à la ligne directrice B-20.
    J'ai une liste des groupes que l'on devrait précisément examiner, à mon avis. Si nous adoptons la motion en ce moment, tout particulièrement, l'ensemble de ces différents courtiers hypothécaires et de ces associations différentes, de ces groupes d'affaires différents, auront l'été pour examiner les données en prévision de l'étude hypothécaire du Comité.
     Enfin, puisque je veux céder la parole et entendre ce que les autres ont à dire au sujet de la possibilité d'une étude ici, le Financial Post signale que la croissance hypothécaire au Canada est à son plus faible niveau depuis 2001. D'après la RBC, en date de mars, les ventes de maisons à Calgary ont chuté de 18 % sur 12 mois. Celles à Victoria ont diminué de 19 % sur la même période. M. Tim Hudak, le responsable de l'Ontario Real Estate Association, a dit que l'effet cumulatif de ces nouveaux changements hypothécaires équivaut à ce qu'il a appelé « une guerre aux acheteurs ». Cela a été rapporté dans le Huffington Post, et je pense que l'un des effets les plus importants ici — et c'est celui avec lequel je terminerai — c'est l'avertissement de Professionnels hypothécaires du Canada selon lequel ce nouveau test de résistance va réduire, à son avis, la demande de logements de pas moins de 15 %, ce qui va entraîner une diminution de 100 000 à 150 000 emplois dans l'économie. C'est une réduction de 15 % de la demande. C'est passablement gros pour un unique changement des règles.
    Je pense que cela mérite d'être étudié, parce que cela aura de très grandes répercussions sur la croissance du PIB au Canada à la fin du mandat, et nous savons à quoi ressemblent les chiffres dans le budget de 2018. Je sais que c'est à l'automne que nous tenons habituellement nos tables rondes prébudgétaires, donc je pense que cette étude va de pair avec la capacité d'informer le gouvernement au sujet de ce qu'il pourrait faire mieux, si le changement des règles du BSIF était le mauvais choix, si on doit y apporter des amendements, si le fait de revenir en arrière... Beaucoup des propositions que nous avons entendues de la part de l'industrie ne disent pas que l'on doit éliminer complètement la ligne directrice B-20. On dit seulement que nous devrions changer la façon dont elle est mise en oeuvre, remplacer le test de résistance par quelque chose d'autre et apporter quelques autres changements aux règles également.
    Je vais terminer ici. Je suis prêt à discuter pour savoir si nous pouvons obtenir l'unanimité et une approbation pour cette étude, qui devrait commencer, encore une fois, après l'étude actuelle. C'est ainsi que la motion est libellée — c'est-à-dire que, une fois l'étude actuelle achevée, celle-ci pourrait être la prochaine à venir.
    Cela dit, je vais céder le reste de mon temps. Je suis sûr que les membres savent que je suis plus qu'heureux d'en parler, mais nous avons ici des invités qui vont nous renseigner sur l'examen que nous entreprenons en ce moment, et je suis impatient de participer à la conversation.

  (1620)  

    Merci, monsieur Kmiec.
    Avant de passer au débat, j'ai été un peu négligent en prenant les devants et en vous laissant aller de l'avant. Évidemment, il s'agit d'un avis de motion que vous avez déposé le lundi 26 février 2018, et il serait donc conforme au Règlement que nous nous exprimions aujourd'hui. Avant de passer au débat relativement à la motion de M. Kmiec, j'aimerais juste remercier nos invités, M. Barutciski et M. German, d'être ici. Nous allons juste nous occuper de certaines affaires d'abord, puis nous passerons à notre étude.
    Cela dit, M. Kelly a dit qu'il aimerait prendre la parole. Y a-t-il d'autres membres qui aimeraient aussi le faire?
    Non? D'accord.
    Monsieur Kelly.
    Je ne veux pas prendre beaucoup de temps. Je sais que nous accueillons des témoins relativement à une étude importante qui est déjà en cours.
    M. Kmiec l'a très bien exprimé, donc la seule chose que je vais ajouter, en plus de ce que Tom a dit, c'est simplement de suggérer à mes collègues d'en face... et j'espère qu'ils ont quelque chose à dire à ce propos. Nous savons que dans toutes les circonscriptions, nous devons tous composer avec cette question. L'accession à la propriété est une question importante pour tous les Canadiens, dans toutes les régions du Canada. Il n'y a pas de région du Canada qui n'est pas touchée par les changements importants apportés au marché hypothécaire et à la disponibilité du crédit hypothécaire. J'espère que nous saisirons cette occasion et tiendrons l'étude à l'automne, avant la consultation prébudgétaire.
    Cela dit, je vais inviter mes autres collègues à intervenir dans le débat sur la motion.
    Merci, monsieur Kelly.
    Y a-t-il d'autres membres qui aimeraient s'exprimer?
    Comme je ne vois aucune main levée, nous allons passer au vote.
    Je demande un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
    (L'amendent est rejeté par 5 voix contre 3.)
    Nous allons maintenant revenir aux travaux d'aujourd'hui. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre examen législatif de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il s'agit de notre 12e réunion sur le sujet, et nous recevons aujourd'hui Peter German, président du Centre international pour la réforme du droit criminel à l'UBC, et Milos Barutciski, associé chez Bennett Jones.
    Bienvenue à vous deux. Je vous remercie de votre patience et je crois comprendre que vous avez tous deux une déclaration liminaire.
    Monsieur German, commençons-nous par vous?

  (1625)  

    Monsieur le président, si ça ne vous dérange pas, M. German et moi avons décidé qu'il sera le premier, et je suivrai.
    Excellent. S'il vous plaît, la parole est à vous, monsieur German.
    Je remercie le Comité et je vous remercie, monsieur le président. Je suis reconnaissant d'avoir été invité à comparaître, et nous espérons pouvoir fournir quelques opinions qui vous aideront dans votre travail.
    Je dois dire d'entrée de jeu que les opinions que j'exprime ne sont que les miennes, pas celles du Centre international ni celles de la province de la Colombie-Britannique. Je soupçonne que si je suis ici, c'est en raison de la visite du procureur général. En réalité, ma note d'information a été fournie au Comité par le procureur général.
     En guise de contexte, je suis avocat, ancien sous-commissaire de la GRC et ancien sous-commissaire des services correctionnels fédéraux. Ma thèse de doctorat portait sur le recouvrement de l'argent volé par des kleptocrates dans les pays en développement et sur le fait de ramener cet argent dans le monde industrialisé. Je suis l'auteur d'un texte sur le blanchiment d'argent, Proceeds of Crime and Money Laundering, qui est publié depuis environ 20 ans et demeure d'actualité. Tout récemment, j'ai été mandaté par le procureur général de la Colombie-Britannique pour enquêter sur des allégations de blanchiment d'argent dans nos casinos. Je me présente à vous aujourd'hui avec cette expérience, avec cette perspective. Si je peux me permettre, j'aimerais prendre cinq minutes environ pour vous faire part de quelques réflexions.
    La tâche qui vous incombe, messieurs, est en réalité très importante. Je suis sûr que vous en êtes bien conscients. Cette législation sur les produits de la criminalité est importante à bien des égards. Je ne veux pas commencer sur une note négative, mais je le ferai. Notre régime d'application de la loi comporte quelques problèmes fondamentaux. Le Canada lui-même n'a vraiment pas beaucoup de raisons d'être fier de sa façon de s'occuper du blanchiment d'argent. Le Canada a été un suiveur, plutôt qu'un chef de file, sur la scène internationale. Cette situation n'est pas nouvelle. Elle existe depuis quelque 20 ans, depuis 1989, lorsque la législation sur le recyclage des produits de la criminalité a d'abord été proposée.
    La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes est une bonne législation en tant que telle, mais encore une fois, le Canada a tendance à toujours emboîter le pas à d'autres pays — le Royaume-Uni, les États-Unis — à toujours se faire pousser par le GAFI, à toujours se faire pousser par l'OCDE...
    Monsieur German, je m'excuse de vous interrompre, mais la sonnerie retentit, ce qui indique qu'il y a un vote imminent. Sous réserve des règles du Comité, je dois vous interrompre et demander aux membres du Comité si nous avons la permission de poursuivre pendant 15 à 20 minutes de plus. Nous sommes rendus un peu plus loin, donc nous dirons 10 minutes, et je vais simplement vous demander de poursuivre.
    Ai-je le consentement unanime de tout le monde?
    Des députés: D'accord.
    Le président suppléant (M. Dan Albas): Merci, monsieur, et désolé de l'interruption.
    Merci.
    Je vais décrire quelques problèmes. Le premier, c'est qu'il y a un manque d'urgence en ce qui concerne la façon dont le Canada aborde ce problème. Ce n'est rien de nouveau. Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit cette année ou l'année dernière. Cela existe depuis un certain temps. Je vais vous donner un exemple très bref: la cryptomonnaie. Nous sommes tous au courant de la cryptomonnaie. En 2014, on a apporté des modifications législatives, et quatre ans plus tard, nous sommes toujours en attente des règlements. C'est caractéristique de ce que nous observons. Je me rends compte que les choses ne se produisent pas instantanément.
    Le deuxième, c'est le fait de trouver un équilibre. Si on examine l'article préparé par le Comité des finances, on voit qu'il est bien rédigé, mais il y est constamment question de trouver un équilibre entre la lutte contre la criminalité et, d'abord, la protection des renseignements personnels, ce qui est important, comme nous le savons tous; ensuite, le fardeau indu qui incombe à des entités qui sont réglementées; et enfin, les ressources publiques.
    Je dirais que l'on doit se rendre compte que le blanchiment d'argent est intimement lié au crime organisé. Or, le crime organisé est intimement lié aux drogues, au fentanyl, à un certain nombre de produits. Il y a des personnes qui meurent dans les rues. Vous ne voudriez pas que votre service de police dise: « Eh bien, c'est une agression contre un membre de la famille. Nous devons équilibrer un peu les choses. Nous pourrions ne pas pouvoir venir à la maison pendant un certain temps .» La situation n'est pas différente lorsque vous parlez de blanchiment d'argent. C'est la façon de traiter avec le crime organisé.
    Nous devons faire très attention lorsque nous cherchons à équilibrer les choses. Ce que nous devons vraiment faire, c'est répartir les ressources et les utiliser de notre mieux, ce qui m'amène à la question de l'application de la loi. C'est une très bonne chose d'avoir une Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est une excellente chose de créer ce cadre, tous les règlements et le CANAFE, de demander aux entités de présenter des rapports et d'accumuler beaucoup d'information et de renseignements, mais si personne ne fait quoi que ce soit avec ceux-ci, vous gaspillez beaucoup d'argent du gouvernement et beaucoup d'argent des entités à qui l'on demande de présenter des rapports.
    Même si un certain nombre d'agences reçoivent des renseignements du CANAFE, en réalité, une seule agence est chargée de mener des enquêtes complexes sur le blanchiment d'argent, et c'est la GRC. Bien franchement, la GRC a abandonné ce domaine en 2012, et elle commence à peine à le reprendre. Nous en voyons les répercussions en Colombie-Britannique. La GRC reconnaît qu'elle fait de son mieux pour recréer les unités qui ont été abolies, comme la Section des produits de la criminalité, la Section des délits commerciaux, et ainsi de suite.
    Vous avez ce cadre et vous vous appuyez sur celui-ci; vous essayez d'éliminer les échappatoires. Comme le procureur général l'a mentionné, je crois, c'est un peu comme le jeu de la taupe. Vous comblez une lacune dans un domaine, puis vous devez examiner d'autres faiblesses dans l'économie, mais rien de tout cela ne vous amènera nulle part, à moins qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe de l'application de la loi.
    Dans la stratégie pour lutter contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, le troisième pilier est l'interruption. Je crois savoir que l'interruption comprend diverses choses, mais l'application de la loi en fait partie, et en ce moment, nous ne voyons juste pas d'application de la loi.
    Je pourrais poursuivre longtemps, mais je vais m'arrêter ici. Je suis rendu à environ cinq minutes, et je vais céder la parole à mon ami. Merci.

  (1630)  

    Maître Barutciski.
    Merci, monsieur le président.
    Je m'appelle Milos Barutciski, comme le président l'a dit, et je suis associé chez Bennett Jones, firme de droit nationale. Je travaille au bureau de Toronto. À l'origine, c'est une firme de Calgary.

[Français]

    Cela étant dit, comme je suis québécois, je vais commencer mon intervention en français. Pourquoi pas? Cela en vaut la peine.
    Comme Me German, je suis avocat. Nous nous connaissons bien et depuis longtemps, mais nous ne savions pas que nous serions tous deux présents ici aujourd'hui. Vous ne serez pas trop surpris de constater que mon point de vue est quelque peu semblable, je crois, à celui de Me German. Il n'est pas identique, et la raison en est simple: nos racines sont différentes. Me German a poursuivi une carrière en tant que policier pendant plusieurs décennies. Pour ma part, je suis avocat et, à ce titre, je représente principalement, et depuis un peu plus de 30 ans, des compagnies. J'ai commencé ma carrière à Montréal et je l'ai ensuite poursuivie à Ottawa. Je suis maintenant à Toronto, et ce, depuis 25 ans.
    Je conseille des gens. Je défends des compagnies, principalement, et rarement des individus, dans des affaires touchant la réglementation économique à l'échelle internationale.

[Traduction]

    J'ai été chef de cabinet pour le Bureau de la concurrence pendant mes deux brèves années au gouvernement, mais j'avais l'habitude d'y faire beaucoup de travail sur les cartels. Je n'en fais plus beaucoup, parce que j'ai d'autres associés qui le font depuis aussi longtemps que moi, et bien franchement, je dirige mon attention sur d'autres choses.
    Qu'est-ce que je fais? Pendant les 10 à 15 dernières années, je me suis principalement intéressé au travail sur la corruption, les sanctions — essentiellement ce type de travail réglementaire économique. Mes clients, comme je l'ai dit, proviennent principalement du milieu des affaires. C'est une perspective très différente de celle de Peter, mais mes points de vue ne sont pas entièrement différents des siens.
    Commençons par le blanchiment d'argent, qui est évidemment un problème réel. Il se répercute dans chaque secteur de l'économie. Nous avons tendance à le voir comme appartenant au monde criminel, et bien sûr, c'est le cas, mais malheureusement, les milliards de dollars qui sont blanchis au pays seul ne vont pas seulement des poches d'un bandit aux poches d'un autre bandit. Ils passent à travers une chaîne de professionnels, d'entreprises légitimes et de milliers d'autres facilitateurs qui ne sont pas tant peu méfiants, que volontairement aveugles ou prêts à regarder ailleurs. C'est un problème.
    Je me souviens il y a probablement 15 ou 20 ans — Peter va s'en souvenir — quand Norm Inkster a pris sa retraite comme commissaire de la GRC. Il avait l'habitude de tenir ce discours qui commençait par environ 15 minutes de « Permettez-moi de vous raconter votre journée ». Plus personne ne fume, parce que les gens se sont éloignés des cigarettes, mais à l'époque, au début des années 1990, lorsque vous attendiez à l'arrêt d'autobus, vous fumiez une cigarette qui a avait été passée en contrebande par l'intermédiaire des douanes sur une réserve, peut-être, ou ailleurs. C'était un produit de la criminalité, et vous faisiez ceci, et vous faisiez cela. Je ne vais pas répéter l'histoire, mais essentiellement, ce que Norm racontait, c'était comment vous ne pouvez passer une journée sans être touché et influencé par le blanchiment d'argent.
    La réponse, c'était le régime que nous avons aujourd'hui, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, même si la portion du « financement des activités terroristes » a été accrochée un peu plus tard, après le 11 septembre. Elle est issue du GAFI, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux à Paris, dont le Canada est membre depuis longtemps. Toute l'idée supposait de hausser le coût du blanchiment d'argent facile. Si je me souviens bien, dans les années 1990, c'était de 6 à 8 ¢. Y en a-t-il parmi vous qui ont réellement regardé combien il en coûtait aujourd'hui pour blanchir de l'argent? Ce n'est probablement pas beaucoup plus que 6 à 8 ¢. Dans certains segments, cela a probablement augmenté jusqu'à 15 ¢, mais vous savez, les bandits ne dorment pas la nuit non plus. Ils vont à une fête, puis ils travaillent toute la nuit et ils trouvent aussi d'autres solutions de contournement. Nous allons entendre le rapport de Peter en temps voulu, mais dans sa province de la Colombie-Britannique, il semble qu'on prenne l'argent aux deux extrémités.
    Le régime avait pour but de hausser le coût du blanchiment d'argent, et pour ce faire, on créait des gardiens — principalement des institutions financières. L'idée, c'était de faire une brèche dans le problème, en faisant des institutions financières, des comptables et des avocats les gardiens essentiels, mais il y a toute une histoire au sujet des avocats dans laquelle nous n'avons pas besoin d'entrer. En tenant responsables les personnes qui facilitent et déplacent l'argent, à un point tel qu'elles doivent à tout le moins faire preuve d'une diligence raisonnable de base, puis rendre des comptes ou tenir des registres, selon le cas, nous pouvons en réalité faire une brèche dans le régime.
    Si nous ne faisons pas de brèche, que diable faisons-nous? Je peux vous dire que, dans les années 2000, j'étais praticien d'exercice privé. Nous étions toute une poignée de personnes à conseiller les institutions financières sur la mise en oeuvre des règlements, et c'était un secteur assez actif. Dans les premiers jours de l'entrée en vigueur des règlements — vers 2004-2006 — j'ai travaillé sur peut-être la première vérification sur la LRPC effectuée par le BSFI, et, sur un coin de table, en fonction du travail que nous avions fait pour remédier à la situation, j'ai calculé que les cinq banques de l'annexe I et les compagnies d'assurances avaient, entre elles, dépensé environ 5 milliards de dollars juste pour mettre en oeuvre le système.
    Depuis, nous avons accumulé des coûts massifs. Nous avons refilé ces coûts, comme Peter l'a dit, principalement aux institutions financières, mais aussi à d'autres secteurs de l'économie. Ça serait bien si nous obtenions en réalité quelque chose — si nous luttions en réalité contre le crime et appliquions les mesures de contrôle — mais nous ne le faisons pas. Certaines des questions que vous devriez vous poser au cours de votre étude du projet de loi portent exactement là-dessus: la mise en oeuvre.
    Les institutions financières, mes clients, essaient avec diligence de respecter la loi au moyen de déclarations ou d'enregistrements, et parfois elles dérapent, mais la position par défaut, c'est qu'elles préfèrent ne pas prendre de risque en exerçant leur jugement; elles vont plutôt juste accumuler des masses de documents. Il s'agit de voir au respect de la liste de vérification. Il ne s'agit pas réellement de se conformer à la loi, parce que les gens qui ne se conforment pas — qui volent, trichent ouvertement et ainsi de suite — continuent simplement de le faire. Tout ce que nous avons fait, c'est imposer au secteur privé des coûts qui finissent par être refilés aux consommateurs; pourtant, en l'absence de toute mesure d'application de la loi, qu'est-ce que c'est? C'est une montagne de papiers, ou des bits et des octets.
    Je reviens à la même conclusion que Peter. Il est logique d'équilibrer les choses, mais cela doit être équilibré pour une raison, pas seulement pour imposer tous les coûts à l'économie. Lorsque je parle des banques, bien sûr, ce sont de grands joueurs, mais ces coûts sont refilés aux consommateurs. La question, c'est de savoir avec quoi vous équilibrez cela. C'est ce sur quoi vous devez vous concentrer.

  (1635)  

    Je vous remercie tous deux de votre contribution.
    Mesdames et messieurs, avant d'aller voter, si nous revenons et qu'il n'y a aucun consentement unanime pour prolonger la séance afin de permettre au moins une série de questions pour nos témoins, je pense que nous pourrions perdre au change. Cela dit, c'est votre décision. Si vous revenez sans avoir pris une certaine forme de décision, toutefois, nous reviendrons à huis clos et nous nous entretiendrons des affaires du Comité. Le fait de revenir et de procéder à au moins une série de questions voudrait dire que nous devrions prolonger la réunion d'une demi-heure. J'essaie de savoir si le Comité souhaite faire ajouter cette demi-heure, pour que ces témoins puissent être interrogés et ajoutés au compte rendu.

  (1640)  

    Je pense que nous devrions, monsieur le président, avoir une entente ou une motion pour nous assurer qu'aucune motion ne serait proposée durant cette période prolongée, parce que nous pourrions avoir quelques conflits d'horaire avec des députés. Dans ce cas, il nous faudrait nous précipiter pour les aborder, à moins qu'on s'entende pour qu'aucune motion ne soit proposée durant cette période.
    La décision revient aux membres du Comité. Y a-t-il consentement unanime pour aller de l'avant?
    Disons-nous qu'il n'y aura pas de motions lorsque nous reviendrons?
    Simplement pour que nous puissions entendre nos témoins.
    Certains députés pourraient avoir des engagements après 17 h 30. Je ne suis pas sûr s'ils souhaitent poursuivre davantage.
    Le greffier m'a dit que nous ne pouvons pas empêcher la présentation de motions. Nous sommes à la croisée des chemins. Ou nous prolongeons la réunion, ou nous remercions les membres.
    Puis-je poser une question?
    Je ne sais pas ce qui est à l'ordre du jour concernant les affaires du Comité. Je présume qu'une partie des éléments concernent le voyage. Serait-il possible de reporter cela à un moment ultérieur? Je ne sais pas ce qui est à l'ordre du jour, et donc je n'en connais pas l'urgence.
    Je sais qu'on ne peut pas remettre les affaires du Comité. Encore une fois, le temps presse.
    Monsieur Fergus.
    J'ai un peu un faible pour... Je sais qu'il n'y a rien dans les règles qui nous empêche de proposer une motion, mais je crois en réalité à la bonne parole des gens autour de la table. Je demanderais que nous nous mettions tous d'accord pour ne pas aborder d'affaires du Comité, de sorte que nous puissions interroger ces deux témoins qui ont consacré un peu de temps et d'énergie pour comparaître devant nous. J'aimerais faire appel à leurs lumières.
    D'accord, il nous faut trouver une solution rapidement.
    Monsieur Masse.
    Je suis d'accord, et vous avez ma parole.
    Monsieur Sorbara.
    Je crois que nous devrions revenir et terminer les affaires de notre comité, puis durant le temps qu'il nous reste jusqu'à 17 h 30, nous pouvons poser des questions.
    Nous n'avons pas cette option. Nous devons avoir le consentement unanime pour revenir et poser des questions pendant un tour. Avons-nous le consentement unanime?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Messieurs, s'il vous plaît, si ça ne vous dérange pas, nous allons nous occuper des affaires du peuple, puis nous reviendrons pour vos poser quelques questions précises. Nous continuerons tout de suite après avec les affaires du Comité.
    Le Comité suspend ses travaux.

  (1640)  


  (1715)  

    Nous allons poursuivre avec les témoins et poser des questions.
    Pour donner au plus grand nombre possible de membres la possibilité de poser des questions, êtes-vous d'accord pour accorder des périodes de cinq minutes?
    Des députés: D'accord.
    Le président suppléant (M. Dan Albas): Madame O'Connell, s'il vous plaît, la parole est à vous.
    Merci. Je vous remercie tous deux d'être ici, avec toutes les modifications.
    Monsieur German, vous avez dit qu'en 2012, les choses ont vraiment changé, et la GRC se repenche sur le dossier, pour ainsi dire. J'essaie de noter ce que vous dites. Vous avez fourni quelques exemples des divisions ou des ministères responsables du blanchiment d'argent qui ont été éliminés. Pourriez-vous expliquer cela un peu plus?
    Évidemment, à mesure que l'étude du Comité se poursuit, nous devons présenter quelques recommandations au gouvernement. Au moment de reformer ces divisions, y a-t-il des choses que nous devons faire pour en revenir au bon niveau d'application de la loi?
    Merci. C'est une excellente question.
    Je ne parle pas au nom de la GRC, mais ce qui s'est passé vers 2012 ou 2013, c'est que, avec la hausse des incidents terroristes survenant au Canada et la prise de conscience du fait que nous pourrions être victimes de terrorisme à la maison, la GRC a déplacé beaucoup de ressources dans cette direction. Elle a aussi restructuré ses ressources liées au crime organisé. Elle a défait des unités qui avaient existé pendant longtemps, comme la Section des délits commerciaux et la Section des produits de la criminalité. Ces unités s'intéressaient aux crimes commerciaux depuis les années 1970 — elles possédaient beaucoup d'expertise et ainsi de suite. Elles ont essentiellement créé des équipes responsables du crime organisé et elles affectaient quelques spécialistes à chaque équipe, comme un spécialiste en blanchiment d'argent et en fraude.
    Le problème avec cela, c'est que vous n'avez pas ce noyau de personnes qui peuvent faire avancer un dossier, et elles finissent donc par être des ajouts, disons-le ainsi, à une enquête sur la drogue. Au fil du temps, vous perdez cette expertise. Selon ma compréhension, maintenant, environ cinq ans plus tard, la criminalité en col blanc commence à être plus visible au pays, ou du moins dans certaines régions du pays. Encore une fois, je ne parle pas au nom de la GRC. Il suffit de lire les articles de journaux, il est évident qu'elle essaie de recréer son expertise dans ce domaine. C'est vraiment essentiel, en ce qui concerne le travail nécessaire pour composer avec la législation sur les produits de la criminalité.
    J'aimerais juste ajouter — et c'était une de mes préoccupations depuis le tout début, en 1993, lorsque la première législation sur les produits de la criminalité était en place — que c'est le ministère des Finances qui est responsable de cette législation. Il n'y a rien de mal à cela. C'est juste qu'il ne s'occupe pas de l'application de la loi. C'est le vérificateur général qui s'en charge. Vous avez deux ministères. C'est très bien que le ministère des Finances s'occupe du cadre, mais il doit entamer des discussions, et vous devez vous assurer que le vérificateur général se prête également au jeu. Les deux ministères doivent discuter pour que vous puissiez adopter une approche holistique à l'égard de ce problème.

  (1720)  

    Rapidement, je vais juste prendre la parole au sujet — pardonnez-moi, je ne sais pas qui l'a dit — de la façon dont l'argent est essentiellement blanchi, le fait que cela se produit dans des cas d'aveuglement volontaire. J'aimerais parler un peu des enjeux de la propriété bénéficiaire et de ces échappatoires. Je pense que nous avons entendu beaucoup de témoignages sur cette question. L'une d'entre vous a-t-il une opinion sur la façon de s'occuper de la propriété bénéficiaire, mais aussi de la décision judiciaire — je ne veux pas l'appeler une échappatoire — de la communauté juridique ou de l'exception, pour ce qui est de s'occuper de certains des enjeux concernant les avocats et la communauté juridique au Canada, tandis que d'autres administrations ne semblent pas avoir ce problème.
    Pour ce qui est de l'aspect juridique, je pense que c'est surtout beaucoup de bruit pour rien.
    Généralement, les avocats... Rappelez-vous le règlement original qui a été invalidé. Il concernait des avocats qui déplacent de l'argent, où les avocats sont en réalité des intermédiaires; ils prennent des fonds en fiducie et les déplacent à l'extérieur du pays. Les avocats qui prennent de l'argent sale en fiducie et le déplacent sont vraiment déjà en marge. Ils ont enfreint 101 autres règles avant de faire cela. Le fait d'engager une bataille massive sur ce front et de consacrer les ressources d'une grande partie de défenseurs bien intentionnés de la réglementation en matière de LRPC, cela revient essentiellement à laisser l'éléphant entrer par la porte, courir partout, piétiner les fleurs et ressortir, pendant que nous mettons l'accent sur une question technique. C'est une question technique qui intéresse les intellectuels.
    Je ne dis pas que ce n'est pas un enjeu réel. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'avocats qui font de mauvaises choses. Tout ce que je dis, c'est que c'est comme une goutte d'eau dans l'océan. Rappelez-vous ce que c'est: ce sont juste des avocats qui gèrent de l'argent. La plupart d'entre nous ne géront pas d'argent. L'argent est rarement... Parfois, c'est le cas, mais ce n'est pas la façon dont la plus grande partie de l'argent blanchi fait son chemin. Ce que nous faisons, c'est permettre à tout un tas d'autres choses de se passer, et sans que cela même passe inaperçu, mais la loi n'est pas appliquée.
     Lorsque Peter dit qu'il n'y a pas d'application de la loi, nous avons cette infrastructure massive qui est extrêmement coûteuse à maintenir et sur laquelle on doit continuer de travailler, et oui, que l'on doit maintenir... Lorsque je dis « extrêmement »... nous parlons de milliards par année pour les entités déclarantes, mais nous dépensons une fraction de cela. J'ai dit cela une fois à... Je ne vais pas mentionner son nom, mais il était un des surintendants de l'unité des crimes commerciaux il y a un certain nombre d'années. Je lui ai dit: « Si vous aviez le choix entre avoir la législation sur la LRPC et les renseignements dont dispose le CANAFE, et que, à l'occasion, vous pouviez y avoir accès dans certaines circonstances, etc., ce qui vous coûte X milliards de dollars, et simplement obtenir 500 millions de plus pour embaucher des juricomptables, des enquêteurs et tout un tas de personnes, que choisiriez-vous? » Sans hésiter, il a répondu: « Je vais prendre l'argent. »
    Donc je vous demande à vous... C'est pourquoi j'ai dit qu'il fallait mener quelques études. Obtenir les données. Combien de confiscations y a-t-il eu? Quelle somme d'argent a été saisie? Combien y a-t-il eu de poursuites pour blanchiment d'argent, etc.? Car en ce moment, nous avons un régime assez coûteux qui, à mon avis, n'a pas accompli beaucoup. Pourquoi?
    J'imagine que d'autres membres vont vouloir examiner la question, mais je dois vous arrêter ici.
    Puis-je répondre à cette question, si vous n'y voyez pas d'objection? J'ai une opinion différente à ce sujet, très franchement.
    Si je peux me permettre, monsieur le président, très rapidement...?
    Oui, très rapidement. Si vous pouvez le faire en une minute, je vous en serais reconnaissant.
    D'abord, en ce qui concerne la propriété bénéficiaire, je poserais une question rhétorique. Pourquoi les gens ne voudraient-ils pas divulguer le vrai propriétaire d'une entreprise? Pourquoi voudrait-on dissimuler cela dans le cadre d'opérations commerciales normales?
    Pour ce qui est des avocats, j'aimerais juste très rapidement souligner que le problème ne tient pas tant aux avocats responsables de la réglementation; c'est le fait du renseignement. Ils sont les gardiens dans un très grand nombre de types d'entreprises différentes, et le CANAFE n'obtient pas leurs renseignements. C'est un élément manquant.
    Je comprends bien le secret professionnel. Je suis avocat. Je comprends cela. Prenez la Colombie-Britannique, par exemple, et les notaires qui traitent la plupart des affaires résidentielles, de l'immobilier. Ils doivent en fait rendre des comptes au CANAFE, donc le renseignement provient des notaires, mais pas des avocats.
    Le Barreau de la Colombie-Britannique a une réglementation très rigoureuse. Je suis d'accord, mais les avocats jouent un rôle essentiel par rapport à une très grande partie de notre économie. Il y a un si grand nombre de renseignements qui passent par eux, que c'est un peu comme le chaînon manquant. Je n'ai pas de réponse à cela. Je me suis dit que je vous en ferais simplement part.

  (1725)  

    Merci. Je vous en remercie.
    Monsieur Kelly.
    Je vais poursuivre sur quelques thèmes semblables.
    Monsieur German, j'ai été ravi de vous l'entendre dire — ce sera versé au compte rendu — et de valider ce que j'ai longtemps entendu sur ce sujet: l'absence d'enquête. Je n'étais pas au courant de l'absence, de la lacune particulière, dans la politique de la GRC dont vous avez parlé. Je vais vous demander d'en parler un peu plus et d'expliquer la façon dont l'absence de ressources agit sur la capacité d'avoir un régime de lutte fonctionnel contre le blanchiment d'argent.
    Merci.
    J'aimerais citer un passage du document de consultation lui-même, qui est en réalité assez révélateur. À la page 34 du document de consultation, il est écrit que « le Canada demande ou obtient rarement une assistance internationale relativement aux enquêtes et poursuites canadiennes concernant le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. »
    Pourquoi?
    Presque toutes les affaires liées au crime organisé franchissent les frontières. Le blanchiment d'argent traverse les frontières. Pourquoi le Canada ne fait-il pas de demandes? Il ne le fait pas, parce que ce sont les policiers qui enquêtent sur ces choses qui font des demandes, n'est-ce pas?
    M. Pat Kelly: D'accord.
    M. Peter German: C'est très bien de dire que le cadre n'est pas assez bon ou que les traités d'entraide juridique sont compliqués et ainsi de suite, mais les Américains utilisent les traités d'entraide juridique. Les Britanniques font de même. Ils arrivent ici, et nous répondons à leurs demandes. Encore une fois, j'espère que cela va changer. Au bout du compte, si nous n'avons pas de spécialistes qui enquêtent sur ces choses, des gens qui sont formés pour faire ce travail, et que vous faites partie du crime organisé, vous vous dites: « De quoi nous inquiétons-nous? »
    Je voulais que cela soit clairement dit aux fins du compte rendu. Merci.
    Maître Barutciski, vous avez dit quelque chose qui a vraiment attiré mon attention et m'a rappelé ma propre expérience dans l'industrie. Vous avez parlé du respect de la liste de vérification. Je me suis, tout de suite, dit que c'est l'approche qui permet en réalité à un criminel de déjouer facilement le système — en comprenant comment le respect de la liste de vérification fonctionne — mais cela crée des difficultés et de la confusion, peut-être, pour les praticiens de l'industrie qui doivent vraiment comprendre leur rôle. Si vous faites juste cocher des cases, il faut vraiment un nez absolu pour flairer une transaction pourrie.
    Mon expérience réside dans l'immobilier et les hypothèques. À mon époque, on m'a dit que peut-être jusqu'à 60 % de tous les produits de tous les crimes au Canada sont recyclés au moyen de transactions immobilières. Je vais vous laisser formuler des commentaires sur ce que je viens de dire.
    La question du respect de la liste de vérification ne se limite pas à ce domaine. Nous le voyons dans tous les domaines. Vous devez l'aborder du point de vue de la raison pour laquelle une entreprise veut se conformer.
    C'est l'échelon supérieur qui fournit la raison fondamentale et donne le ton: nous ne voulons pas que vos gens soient malhonnêtes, parce que cela met l'entreprise en péril. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est, et les gens ayant des incitatifs personnels pour bonifier les recettes de ce trimestre, de sorte qu'ils puissent obtenir la prime qui y est associée ou quoi que ce soit d'autre, des choses se produisent, et le ton qui est donné par l'échelon supérieur est important.
    L'autre chose qui motive les entreprises, ce sont les risques liés à la responsabilité. Lorsque vous avez un régime de réglementation complexe, comme celui que nous avons en vertu de la LRPCFAT... et je peux indiquer d'autres régimes qui sont semblables. La même chose s'est produite avec les lois sur les valeurs mobilières, en passant. La Loi sur les valeurs mobilières, qui devait être composée de lois axées sur la protection de l'épargne pour permettre aux investisseurs de comprendre les possibilités, est maintenant un bourbier où il y a absence de transparence. Mais c'est là toute la question.
     Les sociétés investissent énormément pour réduire au minimum la responsabilité. Si vous êtes une institution financière, une banque, une société de fiducie ou une compagnie d'assurance... et qu'on peut se déchaîner contre vous parce que vous n'avez pas suivi le bon processus, n'avez pas déclaré la bonne chose de façon opportune, ceci ou cela, vous vous assoyez et vous établissez des systèmes qui atténuent ce risque. Mais cela signifie essentiellement consacrer de rares ressources en matière de conformité avec la liste de vérification pour se conformer au régime massif, plutôt que de prévenir les risques que le régime est censé atténuer. Vous détournez en réalité des ressources de la vraie conformité.
    Comprenez-moi bien. Je ne suis pas contre ce que le CANAFE fait, et j'appuie ce que la législation fait. Le CANAFE accomplit un certain travail. Le problème, c'est la rupture dont Peter parlait entre le régime de réglementation et l'application de la loi...

  (1730)  

    C'est très bien. Merci.
    Il me reste juste un moment.
    Où l'immobilier s'inscrit-il dans tout cela? Y en a-t-il parmi vous qui ont des statistiques exactes ou importantes sur la façon dont l'argent est blanchi au Canada?
    Vous avez posé une question au sujet de la propriété bénéficiaire. Je crois en réalité que la propriété bénéficiaire devrait être déclarée.
    Là où je ne suis plus d'accord avec certains des défenseurs, c'est en ce qui concerne les rapports publics. Je ne vois pas cela, et ce n'est pas ici la place pour expliquer en long et en large pourquoi je crois qu'un registre public est logique. En ce qui concerne un registre confidentiel auquel le gouvernement et les responsables de l'application de la loi peuvent accéder, ma position est complètement alignée sur celle de Peter. Pourquoi ne voudriez-vous pas présenter de rapport?
    Le problème avec l'immobilier, c'est que les règles du jeu ne sont pas équitables en ce moment. Certains aspects de l'immobilier sont réglementés, d'autres ne le sont pas. C'est abordé dans le document de consultation. Vous devez avoir des règles du jeu équitables où tout le monde est réglementé ou personne ne l'est. J'espère que tout le monde est réglementé.
    Puis, bien sûr, vous devez également vous assurer que les gens font des déclarations — il y a eu toutes sortes de rapports selon lesquels cela ne se produit pas dans l'industrie immobilière — et qu'une personne s'occupe, encore une fois, de faire appliquer la loi.
    Ma réponse à votre question, c'était que la propriété bénéficiaire va finir par aider à éliminer les problèmes dans l'immobilier.
    Monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs. Cela a été un cirque ici, et je vous remercie de votre patience.
    J'ai manifesté un grand intérêt à l'égard de cette question, ayant défendu un projet de loi sur les paris sur une seule épreuve sportive, qui a récemment été rejeté. Les États-Unis sont allés de l'avant avec cela, dans une décision de 6 contre 2, et seront maintenant essentiellement, un bastion pour le crime organisé lié aux paris sportifs, et aussi le porte-drapeau d'opérations étrangères infâmes auxquelles participeront des Canadiens.
    Une des choses qui sont claires au sujet du travail que nous avons mené par rapport au projet de loi C-25, en ce qui concerne la propriété bénéficiaire, c'est que le Canada a la réputation internationale de traîner la patte pour ce qui est de traiter de la propriété bénéficiaire. Cependant, je veux dire aux fins du compte rendu que, au chapitre de la divulgation publique et privée, il est intéressant de constater que vous pouvez, avec le numéro de la société, demander au public de vous subventionner pour tout ce qui va de vos frais de représentation jusqu'aux radiations, une série de choses différentes, mais vous n'avez pas réellement besoin d'en divulguer la propriété. Vous obtenez tous les avantages de la subvention publique, des déductions fiscales, mais vous n'avez pas besoin de divulguer en réalité ce que vous êtes...
    J'aimerais obtenir vos commentaires. Quelles raisons criminelles seraient évoquées pour refuser de révéler réellement cette identité publique?
    Je ne suis pas d'accord avec Milos sur cette question. Je ne vois aucune raison pour laquelle vous ne voudriez pas un registre public. Qu'y a-t-il là à cacher?
    Si vous parlez du capital-actions, il pourrait y avoir un certain seuil, mais en ce qui concerne les conseils d'administration et les propriétaires bénéficiaires réels des entreprises, pourquoi cela ne serait-il pas public?
    J'imagine que vous pourriez évidemment cacher une intention criminelle si vous ne voulez pas le faire. Cela ne veut pas dire que ceux qui ne le font pas pour cette raison exclusive particulière... Au bout du compte, la réalité, c'est qu'il y a peut-être quelque chose à cacher.
    On constate un mouvement international vers la divulgation de la propriété bénéficiaire. Ça arrive au Royaume-Uni, en Allemagne. C'est juste une question de temps. Maintenant, on doit encore voir dans quelle mesure c'est fait. Nous avons une démarcation entre le fédéral et les provinces, mais bien sûr, nous savons que les gouvernements ont parlé de cette question.
    Vous êtes d'accord en ce qui concerne le privé... serait-il possible de peut-être établir la différence, puis...
    Ce n'est pas privé. Je parle de la propriété bénéficiaire qui est divulguée un peu comme vous divulguez des renseignements à l'ARC ou à un certain nombre d'organismes de réglementation gouvernementaux. Ce sont des renseignements d'affaires confidentiels.
    Je vais vous donner un exemple simple. Si j'ai une société minière, pétrolière et gazière, je dépense des centaines de millions de dollars ou des milliards de dollars pour trouver ces ressources. Si je signale à mes concurrents que je recherche... Je ne sais pas. Je crois que vous êtes un député de Windsor, et vous ne voulez donc peut-être pas des activités d'exploitation à ciel ouvert à Windsor.
    Nous avons déjà une mine de sel. C'est une des plus grandes mines au Canada.
    Si je vais signaler à mes concurrents qu'il pourrait y avoir la technologie et le savoir-faire dans lesquels j'ai investi pour trouver les ressources, que je surveille des propriétés dans un lieu parce que j'ai enregistré un claim, qui est une propriété dans le cadre de cette société, etc., je me nuis autant à moi-même que je nuis à l'économie. Le fait de le déclarer au gouvernement pour qu'on puisse faire appliquer la loi est une chose complètement différente.
    Je vous donne seulement cet exemple. Je pourrais poursuivre pendant des heures; vous ne voulez pas que je le fasse.

  (1735)  

    J'ai déjà passé par là, et vous pouvez poursuivre pendant des heures, mais le Comité ne vous le permettra pas.
    C'est un bon exemple. C'en est un, et il y a d'autres moyens pour les sociétés qui ont cette intention de trouver assez facilement cette information au sujet de leurs concurrents. Elles le font de façon régulière.
    Ce que je veux dire, c'est que si vous demandez aux contribuables de financer et de déduire tout, en passant d'une partie de golf à la recherche et au développement ou à quelque chose d'autre, il y a probablement une responsabilité double, dans le contexte de la divulgation, pour empêcher le crime organisé et d'autres activités infâmes que le public subventionne en payant pour les forces de police et les organismes.
    Monsieur Masse, nous tous, tout le monde dans la salle, réclamons toutes sortes d'exemptions dans nos déclarations de revenus. Il revient au gouvernement, essentiellement à l'ARC, d'examiner nos réclamations et de décider si ces exemptions, ces dispositions, sont réalisées de façon légitime. Ce n'est pas différent.
    C'est fait dans le cadre de nos déclarations de revenus régulières. Je crois que ce que vous demandez, c'est une... C'est différent de ce vers quoi le reste du monde s'en va.
    Lorsque vous regardez l'Union européenne, l'Australie, d'autres administrations, elles ont levé le voile sur certaines de ces choses, parce que les dommages sont bien plus grands.
    Merci. Cela fait cinq minutes.
    Avant de passer au député Fergus, j'ai une question rapide.
    Que ce soit privé ou public, quel type d'information devrait figurer dans ce registre de propriété bénéficiaire?
    Je ne crois pas qu'il y ait une réponse facile à cette question.
    Ce que vous voulez regarder, ce sont les normes internationales. Le Canada veut se conformer aux normes internationales ou avoir une longueur d'avance sur celles-ci.
    Je pense que ce qui importe, c'est la transparence. C'est de cela qu'il est question. C'est la transparence de la propriété, pour que vous sachiez à qui vous avez affaire. Il ne s'agit pas de révéler des documents fiscaux ou votre situation fiscale. Il s'agit de la propriété d'entreprises. Il s'agit de savoir qui est le propriétaire réel d'une entreprise, de sorte que vous savez à qui vous avez affaire et que cette personne ne se cache pas derrière le voile organisationnel.
    Ce pour quoi j'opterais... Peter a juste éludé la vraie question. Vous savez à qui vous avez affaire en toute transparence. Je croyais que nous parlions du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités criminelles.
    La propriété bénéficiaire, ce n'est pas de me permettre de savoir que je transige avec M. Masse par l'entremise de sa société mère personnelle. Il s'agit de s'assurer que peu importe s'il s'agit d'entreprises, de trafiquants de drogues ou de kleptocrates, de quelque pays que vous choisissez, ils ne peuvent se dissimuler sous leur identité pour essentiellement commettre des crimes, permettre des crimes et garder l'argent.
    À notre avis, c'est ce en quoi consiste notre travail, pas au fait de savoir à qui on a affaire. J'ai un million de façons... Je passe beaucoup de temps à conseiller mes clients sur la règle de la connaissance du client et sur le fait de savoir à qui ils ont affaire.
    Nous allons passer au député Fergus, pour cinq minutes.
    Je remercie beaucoup nos témoins, M. German et M. Barutciski.
    Monsieur German, j'aimerais revenir au point que vous avez soulevé en ce qui concerne l'importance des mesures d'application de la loi ainsi que des capacités en matière d'interruption. En une minute et demie, seriez-vous en mesure de préciser cette question et d'en donner une meilleure idée au Comité?
    Plus précisément, quels types de mesures d'application de la loi et d'outils d'interruption seraient utiles, à votre avis, et de quels modèles de partout dans le monde pouvez-vous vous inspirer?
    Le terme « interruption » est issu du document de consultation, qui fait référence, je crois, aux trois piliers du ministère des Finances. Je ne crois pas que ce soit un bon mot à utiliser. Je pense que l'« interruption » est censée être un terme englobant un certain nombre de sujets différents. Nous parlons vraiment d'application de la loi, donc idéalement, le troisième pilier est l'application de la loi.
    Lorsque vous parlez de l'application de la loi, cela signifie que vous avez des unités de spécialistes formés. Ils n'ont pas nécessairement besoin d'être des policiers, mais nous parlons d'unités responsables de l'application de la loi. Vous voyez certainement cela aux États-Unis, avec l'approche relative au groupe de travail — des groupes de travail qui s'occupent de blanchiment d'argent et ainsi de suite. Nous n'avons pas de tels groupes en ce moment. Nous en avons déjà eu. Je dis que ceux-ci doivent être reconstitués.

  (1740)  

    Merci beaucoup — et vous terminez à temps.

[Français]

     Maître Barutciski, j'apprécie vos commentaires. J'aimerais juste continuer la discussion sur ce type de propriété bénéficiaire, qu'elle soit privée ou publique.
    Je sais que vous préférez un système privé ou confidentiel géré par le gouvernement, mais pouvez-vous nous dire quels sont les avantages d'un système public? Dans quel contexte faudrait-il avoir un système public?
    Ce n'est pas vraiment ma grande inquiétude. Je comprends tout à fait pourquoi on cherche à avoir un registre de propriétés bénéficiaires. C'est tout à fait logique. On devrait avoir cela pour faciliter l'application de la loi.
    Y a-t-il des pays qui ont un système géré par le gouvernement et qui n'est pas accessible au public?
    Je ne le sais pas encore, car c'est tout à fait nouveau. Tout ce mouvement lié aux propriétés bénéficiaires est complètement nouveau.

[Traduction]

    La propriété bénéficiaire est un enjeu depuis peut-être trois ou quatre ans, tout au plus.

[Français]

    Tout le monde est en train d'expérimenter cela. Les personnes actives dans ce domaine, que ce soit les avocats, les journalistes ou d'autres personnes intéressées, préfèrent un système ouvert au public pour des raisons de transparence. Je comprends tout à fait cela, mais ce n'est pas vraiment le but recherché ici. Le but est de faciliter l'application de la loi et d'empêcher qu'il y ait des violations de la loi.
    Si un individu sait qu'il va se servir d'une compagnie numérique pour cacher des fonds illégaux et que son intérêt dans cette compagnie sera divulgué grâce à un système permettant à la police ou à un enquêteur de le trouver éventuellement, cela va le dissuader d'utiliser ce moyen. C'est un peu le raisonnement. De mon point de vue, rendre publics toutes les affaires privées et tous les intérêts de propriété de tout le monde n'est ni nécessaire aux fins d'application de la loi, ni efficace pour qu'il y ait de la transparence en ce qui touche la

[Traduction]

    diligence raisonnable, afin que vous sachiez à qui vous parlez, à qui vous avez affaire.

[Français]

    Il y a d'autres façons de le faire.

[Traduction]

    Ma question s'adresse à quiconque aimerait répondre. Nous avons parlé de la propriété bénéficiaire. Nous avons parlé de mesures d'application de la loi. Vous n'avez pas évoqué certaines des nouvelles technologies qui ont été mises au point, par exemple, les technologies de chaînes de blocs. Quelles sont certaines de vos préoccupations à ce sujet? Que devrions-nous examiner pour essayer de prendre de l'avance sur ces faits nouveaux?
    Dans les faits, j'ai tout un ensemble de choses que je pourrais mentionner si nous avions le temps, mais assurément en ce qui concerne les chaînes de blocs, cela semble être une invention très positive. Il y a toutes sortes d'utilisations possibles pour les chaînes de blocs. Cela pourrait révolutionner, essentiellement, les services administratifs. Ce n'est pas tant la chaîne de blocs. Il semble que la préoccupation réside dans la cryptomonnaie et le fait qu'elle peut être utilisée comme une autre forme d'espèces par le crime organisé. Je pense que c'est là où l'accent est mis.
    Pour revenir à votre question précédente au sujet des modèles, je veux juste saluer la belle province, parce que ce que le Québec a fait après la Commission Charbonneau, c'est-à-dire créer une unité de quelque 300 vérificateurs et spécialistes de l'application de la loi pour s'occuper de l'industrie de la construction, est vraiment une pratique exemplaire, et il serait vraiment bien de voir cela reproduit dans d'autres provinces et ailleurs.
    D'abord, je suis complètement d'accord avec ce que Peter vient de dire. Le Québec est à l'avant-plan de cet aspect — faire appliquer les mesures concernant la criminalité en col blanc et créer des ressources.
    En ce qui concerne les enjeux liés aux chaînes de blocs ou..., la cryptomonnaie est peut-être la forme la plus dangereuse, selon ce point de vue — je suis d'accord avec Peter — mais c'est juste une de plusieurs choses sur lesquelles nous nous concentrons et que nous étudions. C'est une des choses auxquelles nous devons prêter attention.
    J'éprouve un grand sentiment de frustration lorsque nous passons trop de temps à parler de la propriété bénéficiaire ou des avocats: « Pourquoi les avocats ne devraient-ils pas produire des rapports? » Je vois où Peter veut en venir. Les avocats jouent un rôle. Toutefois, ils ne gèrent habituellement pas l'argent. Le fait d'accorder de l'attention à ces types de choses, le registre public ou le registre privé, tandis que les grandes questions ne sont pas encore réglées...
    Parlons de la propriété bénéficiaire. C'est bon. Comment allez-vous vous occuper des fiducies? Dans un régime de common law, les fiducies sont créées presque par une simple poignée de main. Je peux détenir le titre légal. Je vais déclarer cela. Il y a, toutefois, une relation de confiance établie par la conclusion d'une transaction, qui est implicite en vertu de la loi. La fiducie est unique... Les avocats de société, les avocats-fiscalistes et les spécialistes en droit successoral utilisent des fiducies pour structurer certains types de choses par des moyens très créatifs. Cela ne sera pas visé par la propriété bénéficiaire traditionnelle.
    La propriété bénéficiaire du Royaume-Uni avance dans cette direction, mais une bonne partie du travail de pointe sur la propriété bénéficiaire et des choses qui sont étudiées par le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux est en réalité motivé par les pays de droit civil qui n'ont pas de concept de fiducie. Vous devriez vous occuper d'un grand nombre d'enjeux qui sont bien plus grands au chapitre de leurs répercussions sur la criminalité et l'économie.

  (1745)  

    Monsieur le président, M. German a mentionné qu'il a écrit sur un certain nombre de choses dont il pourrait parler. Je me demande s'il pourrait les soumettre.
    J'en ai parlé.
    Monsieur German, je pense que vous avez dit qu'il y a un ensemble d'éléments. Je m'excuse de n'avoir pas été ici et des perturbations qu'ont causées les votes à la Chambre. Si vous avez d'autres renseignements que vous aimeriez envoyer au moyen d'une note au greffier, ceux-ci nous parviendront, et nous les examinerons.
    Cela dit, j'aimerais vous remercier tous deux d'avoir répondu aux questions des membres. C'est un enjeu important.
    Je comprends ce que vous dites, Milos, soit qu'il y a d'autres questions que nous devrions aussi examiner.
    Merci beaucoup, messieurs, de vos témoignages aujourd'hui.
    Nous allons maintenant suspendre la séance et siéger à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU