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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 091 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mai 2017

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Nous sommes saisis aujourd'hui de l'ordre de renvoi concernant le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017.
    Je m'excuse aux témoins de notre retard. Nous essaierons d'accorder une heure à ce groupe et une heure au suivant.
    Pour commencer, nous recevons M. Sanger, économiste principal au Syndicat canadien de la fonction publique.
    Toby, la parole est à vous.
    Je vous remercie infiniment de m'avoir invité.
    J'aimerais dire d'emblée que je me réjouissais de la promesse électorale du gouvernement, confirmée dans les lettres de mandat des ministres, de mettre en place la Banque de l'infrastructure du Canada qui fournira du financement à faible taux aux projets de construction de nouvelles infrastructures municipales.
    Je me réjouissais aussi beaucoup de la promesse d'un gouvernement plus ouvert et plus transparent et de celle de renforcer la classe moyenne et ceux qui travaillent fort pour en faire partie.
    J'étais très heureux d'entendre le premier ministre dire qu'il mettrait fin à l'utilisation antidémocratique des projets de loi omnibus pour empêcher les parlementaires d'étudier les propositions et d'en débattre convenablement. C'est la raison pour laquelle, comme bien d'autres, je suis si déçu des plans contenus dans le projet de loi C-44 pour la Banque de l'infrastructure. Les promesses sont rompues l'une après l'autre.
    Déjà, cette banque n'offrira pas de financement à faible taux aux municipalités. C'était la promesse électorale et celle qui se retrouvait dans les lettres de mandat des ministres. Or, la priorité est désormais d'attirer des capitaux à intérêt élevé du secteur privé. J'ai récemment rédigé un rapport dans lequel j'expose pourquoi ces projets pourraient coûter deux fois plus cher s'ils dépendent d'emprunts privés à intérêts élevés. Personne ne remet ces chiffres en question. En fait, il y en a même qui estiment que le retour sur l'investissement sera encore plus grand pour le secteur privé. Cela signifie que nous en aurons pour la moitié de notre argent en infrastructure: nous en retirerons donc moins d'infrastructure, pas plus.
    Cette banque ne sera ni ouverte, ni transparente, ni imputable aux Canadiens. Le vérificateur général du Canada est bien plus limité lorsqu'il se penche sur les activités des sociétés d'État que sur des projets directement publics. De plus, selon ce projet de loi, quiconque divulguerait des renseignements sur les promoteurs de projets d'infrastructure serait passible d'une amende de 10 000 $ et de six mois d'emprisonnement. Ces investissements doivent être faits dans l'intérêt du public, alors que le projet de loi interdit aux fonctionnaires de siéger à son conseil d'administration.
    Cela n'aidera pas à renforcer la classe moyenne ni ceux qui travaillent fort pour en faire partie. Certes, les investissements en infrastructure créeront de l'emploi, mais on pourrait en créer beaucoup plus si l'argent était investi dans la construction et l'emploi plutôt que dans le remboursement d'intérêts élevés. Ce sont les classes moyennes et ouvrières qui seront les plus durement touchées par les frais d'utilisation élevés associés à ces projets. Ce sera néfaste pour l'économie que de gaspiller ainsi de l'argent qui pourrait servir à autre chose.
    Cette banque a été conçue, comme nous le découvrirons bientôt, par un petit groupe de financiers privilégiés qui en seront les principaux bénéficiaires. Ce groupe comprend BlackRock Inc., le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, qui vient tout juste d'embaucher d'anciens hauts fonctionnaires. Comme d'autres l'ont déjà dit, s'il ne s'agit pas là d'un conflit d'intérêts, je ne sais bien pas de quoi il s'agit. Le ministre de l'Infrastructure et le premier ministre prétendent avoir consulté les syndicats et d'autres acteurs, alors que nous savons que cette structure a été pensée par le Conseil consultatif en matière de croissance économique du ministre des Finances, qui se compose à la majorité de grands PDG.
    Je rappelle en passant que cette mesure fait partie du projet de loi budgétaire omnibus.
    Par ailleurs, cette banque ne favorisera pas le genre de planification nationale détaillée de l'infrastructure dont nous avons besoin. Au contraire, les intérêts privés dominants feront pencher la balance du côté de tout ce qui permettra d'optimiser leurs profits privés. Si la banque est autorisée à recevoir des propositions spontanées, elle pourra trier sur le volet les actifs publics à privatiser par soif de profit. Il en résultera un amalgame de projets privatisés disparates ayant pour seule logique la quête de profits privés sur l'infrastructure publique. Le financement public initial de 35 milliards de dollars pavera simplement la voie à cette mascarade.
    Je dois cependant dire que j'ai été très étonné, hier, d'entendre le ministre des Finances dire que c'est le Cabinet qui approuverait les projets, parce que d'après mon interprétation du projet de loi et celle de la plupart des observateurs, ce n'est pas ce qui en ressort.
    Le gouvernement devrait plutôt s'efforcer de respecter les promesses pour lesquelles les Canadiens l'ont élu et mettre en place une Banque de l'infrastructure qui fournirait du financement à faible taux aux projets de construction de nouvelles infrastructures municipales, et j'entends par là du financement public. Le gouvernement du Canada ne manque pas d'outils pour emprunter à faibles taux d'intérêts. De même, s'il avait recours à une banque publique ou à un créancier comme la Banque de développement du Canada, la SCHL ou DEC, ses investissements et ses emprunts n'alourdiraient pas le déficit ou la dette autant que la proposition actuelle.
    Ensuite, il devrait assortir la banque et ses projets d'une imputabilité et d'une transparence bien plus grande et les assujettir à la surveillance du vérificateur général. Il devrait assurer la pleine divulgation publique de toutes les analyses de rentabilisation, des évaluations de l'optimisation des ressources et des contrats. Des fonctionnaires devraient siéger à son conseil d'administration pour veiller à ce que la banque agisse dans l'intérêt du public. Il faut veiller à ce que les projets d'infrastructure publique demeurent publics et non qu'ils fassent l'objet d'ententes secrètes.

  (1600)  

    Vous devriez également établir un processus public et transparent, fondé sur une analyse des faits, afin d'assurer une planification véritablement objective des projets d'infrastructure publique auxquels accorder la priorité au Canada. Ce type de proposition est essentiel pour assurer une planification vraiment rigoureuse de l'infrastructure nationale.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Sanger. Vous décrivez les choses telles que vous les voyez.
    Nous recevons maintenant M. Khan, directeur de l'Institut des finances publiques et de la démocratie, ainsi que M. Bartlett, économiste en chef.
    Monsieur Khan.
    Je remercie le président, les vice-présidents et les autres membres du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. C'est pour moi un honneur d'être parmi vous aujourd'hui.

[Français]

    Je formulerai de brefs commentaires sur le projet de loi C-44, notamment en ce qui concerne les infrastructures essentielles du Canada.

[Traduction]

    L'Institut des finances publiques et de la démocratie, dont je suis directeur de la Gestion des résultats et mon collègue Randall Bartlett, économiste en chef, a récemment publié un article sur l'évaluation des risques et des occasions que présente la Banque de l'infrastructure du Canada. La prémisse de base de cet article, c'est que nous devons nous doter d'une stratégie nationale en matière d'infrastructure fondée sur des données probantes. Ce devrait être notre priorité.

[Français]

    Notre travail à cet égard nous a permis de cerner trois éléments clés qui forment la base des étapes nécessaires en vue de façonner un plan de travail et une stratégie nationale pour les infrastructures essentielles.

[Traduction]

    Premièrement, il convient d'évaluer exhaustivement notre stock d'infrastructure. Plus précisément, nous devons nous demander si ces infrastructures nous procurent ou sont en voie de nous procurer les avantages escomptés au moment de l'approbation des projets. Un rapport publié par le National Audit Office du Royaume-Uni met en lumière les coûts et les défis associés à la mise en oeuvre des grands projets gouvernementaux, notamment quelques problèmes récurrents qui nuisent au rendement de ces projets.
    Les auteurs se sont penchés sur 149 grands projets entrepris au Royaume-Uni en date de juin 2015, dont le coût total atteignait 511 milliards de livres pendant le cycle de vie. Or, ils estiment que, pour 34 % de ces projets, il est douteux ou impossible qu’ils soient réalisés avec succès à moins que des mesures soient prises. Les investissements en infrastructure ne garantissent pas à eux seuls des résultats.

[Français]

    La deuxième étape est de mener une analyse stratégique des futurs besoins en infrastructures au Canada.

[Traduction]

    Cette analyse permettrait de décrire les avantages économiques, sociaux et environnementaux attendus des investissements en infrastructure. Elle tiendrait compte de facteurs comme les tendances démographiques, la croissance de la population, l'activité économique actuelle et prévue, les corridors commerciaux et les futurs stimuli de la croissance économique, l'environnement et toute autre particularité ou besoin régional important.
    Enfin, en comprenant bien l'état de nos infrastructures actuelles et nos besoins futurs, nous pourrons voir l'écart entre le statu quo et nos besoins en matière d'infrastructure. Ce serait le strict minimum, à notre avis, pour nous doter d'une stratégie nationale en matière d'infrastructure fondée sur des données probantes.
    À l'heure actuelle, on estime l'écart entre le stock national et nos besoins entre 0 et 1 000 milliards de dollars. Bien que les estimations comportent toujours une part d'incertitude, c'est une très vaste fourchette, qui ne nous permettra pas de jeter les assises d'une stratégie nationale en matière d'infrastructure.

[Français]

    Il est impératif de comprendre où nous en sommes et où nous allons. Ce n'est qu'à ce moment qu'une feuille de route peut être tracée, afin de nous amener à destination.

[Traduction]

    En toute honnêteté, le budget de 2017 prévoit un projet ambitieux de collecte de données sur l'infrastructure canadienne afin de dresser un état des lieux pour mieux orienter les investissements en infrastructure. Ainsi, le projet de loi d'exécution du budget prévoit la collecte et la diffusion de données pour suivre et évaluer l'état de l'infrastructure au Canada parmi les fonctions de la Banque de l'infrastructure du Canada.
    À notre avis, la collecte de données prévue dans le budget de 2017 et la fonction qu'il confère à la Banque de l'infrastructure du Canada sont précisément ce dont nous avons besoin avant tout pour jeter les bases scientifiques d'une stratégie nationale en matière d'infrastructure. Les détails de ce projet seront annoncés au cours des prochains mois, et nous avons très hâte de connaître les tenants et aboutissants de ce projet, ainsi que son calendrier. Commençons par nous doter d'un plan, après quoi nous pourrons mettre en place les bonnes stratégies et les bons outils, comme la Banque de l'infrastructure, pour mettre ce plan en oeuvre.

  (1605)  

[Français]

    Ces initiatives ne sont malheureusement pas dans le bon ordre: nous mettons la charrue avant les boeufs.

[Traduction]

    Je vous remercie de nous accorder un peu de votre temps et de nous permettre de nous entretenir avec vous aujourd'hui. Je suis tout disposé à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Khan.
    Le prochain intervenant sera M. Dachis, qui représente l'Institut C.D. Howe. Je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.
    Je m'appelle Benjamin Dachis. Je suis directeur associé de recherche à l'Institut C.D. Howe. Nous sommes un groupe de réflexion national non partisan sur la politique publique.
    Je vous résumerai aujourd'hui des travaux de recherche que j'ai publiés récemment sur le site Web de l'Institut C.D. Howe. J'en ai apporté quelques copies pour ceux que cela intéresse. Je présenterai également des travaux de Steve Robins, chercheur à l'Université Harvard, que nous publierons le mois prochain.
    Le principal constat qui se dégage de nos travaux, c'est que la décision du gouvernement de créer la Banque de l'infrastructure est vraiment un pas dans la bonne direction, mais qu'il faut maintenant en peaufiner les détails. Nous croyons que la banque doit bénéficier d'un modèle de gouvernance indépendant, s'engager fermement à prendre des décisions fondées sur des données probantes et réduire au minimum l'influence politique dans ses négociations avec des partenaires potentiels du secteur privé ou d'administrations locales et provinciales.
    Premièrement, il importe de rappeler les avantages à recourir à des investissements privés plutôt qu'à une dette absorbée par le contribuable. Le financement gouvernemental de l'infrastructure comporte deux formes de coûts cachés pour l'économie. Il y a d'abord le risque accru pour les contribuables, puis le préjudice économique de l'imposition.
    L'un des arguments les plus souvent évoqués en faveur de l'investissement gouvernemental en infrastructure, c'est la faiblesse du taux d'intérêt comparativement à celui applicable à pratiquement toute autre forme d'emprunt. On serait porté à en déduire que le gouvernement devrait emprunter lui-même, n'est-ce pas? Eh bien, ne sautons pas aux conclusions: si le taux d'intérêt est plus bas, c'est parce que le créancier voit les contribuables comme garants de tout dépassement de coût ou retard de livraison. Il peut être préférable pour tous de partager le risque avec des investisseurs institutionnels.
    Deuxièmement, tous les deniers publics que le gouvernement investit en infrastructure viennent nécessairement de taxes, et ces taxes signifient moins d'investissements de la part des entreprises et moins d'emplois pour la population. Le gouvernement peut alléger ce préjudice économique en faisant payer les utilisateurs plutôt que les contribuables pour l'infrastructure et en demandant à des investisseurs institutionnels de trouver du financement à sa place. C'est ce qui se passe dans les projets d'infrastructure avec investissement privé.
    Il faut toutefois nous demander comment procéder pour bien faire les choses. Premièrement, au besoin, Ottawa et les provinces devraient créer des organismes de réglementation indépendants qui seraient chargés de surveiller les actifs en infrastructure pour veiller à ce que leurs propriétaires, qu'il s'agisse de gouvernements ou d'investisseurs institutionnels privés, agissent dans l'intérêt du public et dans une perspective de viabilité à long terme. Fait à noter: ce ne devrait pas être le rôle de la banque.
    Analysons maintenant certaines des principales caractéristiques de la Banque de l'infrastructure telle qu'elle est proposée. Premièrement: la gouvernance. La banque devrait être investie d'un objectif unique qui définirait clairement le type de projets qu'elle vise à soutenir. Son indépendance devrait être garantie par la loi, de manière à la mettre à l'abri d'une influence politique constante, et les membres de son conseil d'administration devraient être indépendants et bénéficier d'un mandat à durée fixe.
    Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit effectuer la planification normalisée des projets et se doter d'indicateurs rigoureux pour mesurer les coûts, les avantages et les risques. Il doit également s'engager à financer la collecte de données, à hauteur de plus de 100 millions de dollars en frais d'investissement, par exemple. À ce titre, la volonté exprimée dans le budget de 2017 d'améliorer la collecte de données sur l'infrastructure est clairement un pas dans la bonne direction.
    Enfin, pour que l'analyse de la banque soit jugée crédible, rigoureuse et factuelle, celle-ci doit être affranchie des visées politiques du gouvernement au pouvoir. Il y a fort à apprendre de l'expérience d'Infrastructure Australia. Quand cette institution a été créée, elle était administrée par un conseil à l'indépendance limitée, qui comptait même des représentants de ministères parmi ses membres. Les États et les municipalités n'avaient donc pas envie d'y participer, puisqu'ils ne considéraient pas la banque assez indépendante. En 2014, le gouvernement fédéral de l'Australie a modifié son mandat afin de la doter d'un conseil d'administration véritablement indépendant pour répondre aux doléances des États et des municipalités. Dorénavant, les administrateurs ne peuvent être remplacés qu'en présence de motifs valables, et le quart d'entre eux est nommé sur la recommandation d'autres ordres de gouvernement.
    Cette indépendance garantie par la loi signifie que le ministre en poste ne peut pas donner de directives à la banque sur le contenu de ses analyses ni l'obliger à réaliser des projets sans avantages nets. Tout octroi initial de ressources publiques doit recevoir l'approbation du ministre de l'Infrastructure et des Communautés, avec l'assentiment du Cabinet. C'est absolument nécessaire pour assurer la surveillance démocratique voulue, mais cette approbation ministérielle ne doit survenir qu'au tout début du processus. Lorsque la banque commence à lancer des appels d'offres de concert avec des partenaires privés ou gouvernementaux, elle devrait être en mesure de mener ses transactions à bien sans avoir à obtenir d'autres approbations ministérielles afin de convaincre les marchés de l'indépendance du processus d'approvisionnement.
    Bref, la proposition du gouvernement de mettre en place une banque de l'infrastructure est une excellente idée si les choses sont faites correctement, et le projet de loi contient les principaux éléments d'une bonne proposition. Nous avons toutefois besoin de meilleures garanties institutionnelles, c'est donc là une question importante à laquelle le Comité doit réfléchir dans son étude du projet de loi.

  (1610)  

    Sur ce, je suis tout disposé à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Manahan, qui représente la Residential and Civil Construction Alliance of Ontario.
    Merci, monsieur le président Easter, les vice-présidents et les membres du Comité.
    Je m'appelle Andy Manahan. Je suis directeur exécutif de la Residential and Civil Construction Alliance of Ontario, un poste que j'occupe depuis environ 11 ans.
    Évidemment, comme nous sommes une association provinciale, j'ai rarement l'occasion de prendre la parole à Ottawa, et je l'apprécie beaucoup.
    Notre organisation a pour caractéristique unique d'être une association syndicale et patronale. Il n'y a aucune autre organisation au Canada, à ma connaissance, qui regroupe à la fois des associations d'entrepreneurs et des syndicats du domaine de la construction, donc ce sont nos membres qui bâtiront une partie des projets financés grâce à l'agence d'investissement dans l'infrastructure du Canada ou à tout autre programme de financement des infrastructures existant ou future.
    Je dois préciser d'emblée que nous avons commandé un rapport indépendant, en 2009 environ, qui recommandait la création d'une banque de l'infrastructure, sans toutefois en prescrire toutes les composantes. Donc, quand nous avons entendu, en 2015, que le gouvernement à Ottawa envisageait de mettre en place une banque de l'infrastructure, nous avons décidé de commander un autre rapport et d'utiliser le terme « banque de l'infrastructure ». Ce rapport a donné lieu à une table ronde, qui rassemblait le sous-ministre, le sous-ministre adjoint de l'infrastructure de l'Ontario et bien d'autres éminences grises, dont Ben, pour réfléchir aux menus détails de cette proposition.
    Je dois dire que cette idée est loin de faire l'unanimité, mais en général, nous avons conclu que cette banque ou cette agence peut avoir bien du mérite si elle est constituée convenablement.
    À l'issue de cette table ronde, nous avons confié un mandat à Matti Siemiatycki, qui sera ici un peu plus tard, cet après-midi, pour vous faire des recommandations détaillées sur le fonctionnement possible de cette organisation. Je laisserai Matti vous en parler plus en détail.
    Je veux vous présenter très simplement les principaux rôles que cette organisation devrait jouer selon notre organisation. Comme Ben nous l'a dit, je crois que l'évaluation des projets est une fonction fondamentale.
    J'ai reçu hier à peine le rapport de KPMG sur divers éléments, dont le manque de financement des infrastructures et le déficit au Canada, et à mon avis... Vous savez, certaines personnes citent toujours le chiffre de 123 milliards de dollars pour décrire le déficit, alors qu'il date de 10 ans. Notre propre modélisation en matière d'infrastructure se fonde sur le modèle multi-agents, qui donne une perspective différente à l'analyse. Plutôt que de nous demander à combien se chiffre le manque à gagner, nous nous demandons ce que nous dépensons en infrastructures par rapport au PIB. Actuellement, nos dépenses se situent à 3,1 % du PIB canadien. D'un point de vue macroéconomique, l'idéal serait de 5 %, donc c'est un objectif.
    Je trouve utile de faire des estimations précises lorsque vient le temps d'établir les budgets locaux ou régionaux, mais que ce genre d'hypothèses ne sert pas à grand-chose lorsqu'il s'agit d'ingénierie, de remplacement complet ou d'autres choses du genre. Je pense que les grands cabinets de consultants en gestion font fausse route en insistant autant sur l'ampleur réelle du déficit, parce que cela ne nous aide pas vraiment.
    Bien qu'il y ait de grandes pénuries en infrastructures, la liste des projets qui répondraient aux critères, notamment d'importance sociale et environnementale, serait sûrement longue, mais comment déterminer l'ordre de priorité des projets parmi tant de projets pertinents? Je pense que nous pourrions probablement dresser la liste des très bons projets dans toutes vos circonscriptions, mais qu'il faut absolument chercher les projets rentables, de divers points de vue.
    Parlons aussi de revenus. Matti abordera sans doute la question à son tour, mais il est très important que ces projets génèrent des revenus. Je sais qu'il peut être politiquement toxique de parler de péage routier, par exemple, mais les revenus fiscaux tirés de la taxe sur l'essence sont en baisse. Nous voyons ce qui se passe aux États-Unis, avec la création de fonds en fiducie fédéraux et locaux pour financer des autoroutes. La situation n'est probablement pas aussi grave au Canada, mais elle suit la même tangente, parce que les voitures consomment de moins en moins de carburant et qu'il y a un plus grand nombre de véhicules électriques, donc il doit y avoir une transition.
    Je pense que c'est en mai 2016 que j'ai entendu le ministre des Finances lancer quelques idées et parler des différentes stratégies possibles. Je crois que nous sommes à l'aube de l'ère des véhicules connectés, des voitures autonomes et des véhicules électriques et que cela se mariera très bien au modèle de la tarification routière.
    J'ai appris lors d'une conférence à laquelle j'assistais vendredi dernier qu'il y a, aux États-Unis, 14 États de l'Ouest qui se demandent comment effectuer la transition de la taxe sur l'essence à la tarification routière. Ils sont en train de mener une expérience sans véritable incidence financière — c'est comme un jeu avec de l'argent Monopoly —, mais plus de 5 000 personnes participent à ce programme volontaire et essaient d'imaginer l'avenir. Nous ne savons pas encore ce qui en ressortira, mais je pense que nous aurions intérêt à garder un oeil sur ce genre d'initiatives de villes intelligentes, aux États-Unis et de plus en plus au Canada.

  (1615)  

    Si Ben a parlé d'indépendance dans son allocution, c'est notamment parce qu'il arrive que certains politiciens prennent des décisions qui envoient des messages vraiment négatifs.
    Ainsi, lorsqu'il a été convenu pendant la campagne de 2015 qu'il n'y aurait pas de péage pour le pont Champlain, il fallait comprendre qu'il y avait tout lieu de s'inquiéter de l'accès à venir à des sources de revenus. Je pourrais vous donner bien des exemples, mais je tiens à souligner celui du prolongement du métro à Scarborough. L'agence qui a effectué l'analyse de rentabilisation pour ce projet en est arrivée à la conclusion qu'il fallait opter pour le train léger. Étant donné la popularité de l'ancien maire Ford à Toronto, l'approche adoptée par la première ministre et les liens entre Ford et l'ancien premier ministre Harper et l'ancien ministre des Finances Flaherty, c'est une décision politique qui a été prise, malgré tous les éléments qui pointaient dans le sens contraire. On a alors déterminé que l'on avait besoin d'un métro, le projet étant maintenant limité à une seule station. Nous allons certes en bénéficier, car ce sont sans doute nos membres qui vont construire ce métro mais, pour dire les choses comme elles sont, il aurait été préférable d'avoir un train léger avec plusieurs arrêts, chacun d'eux donnant lieu à des projets de construction résidentielle. Comment adopter un modèle de financement novateur dans ce contexte? Il faut récupérer la plus-value. Il y a bien des efforts créatifs qui sont entravés lorsqu'une ingérence politique semblable bouleverse les choses. Je ne suis pas en train de dire que c'est généralisé; je voulais seulement vous donner ces quelques exemples.
    La gouvernance est sans doute l'enjeu le plus important en la matière. J'estime que le PDG de Metrolinx s'est retrouvé dans une situation de conflit d'intérêts, car il devait rendre des comptes à la fois au conseil d'administration de Metrolinx et à ses maîtres politiques à Queen's Park. S'il avait joui de l'indépendance voulue, il aurait probablement été plus persuasif en affirmant que le train léger était la meilleure solution.
    Je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet, car je crois que vous avez compris où je voulais en venir. Est-ce l'exemple d'un cas extrême? Non. Même avec les nouveaux éléments dont vous avez sans doute pris connaissance à l'effet que l'achalandage n'est pas aussi élevé qu'il le devrait alors que les coûts continuent de grimper pour atteindre des niveaux exorbitants, personne ne semble vouloir rectifier le tir dans ce projet.
    Au fil de l'évolution de l'agence, je ne préconise pas une approche au ralenti, mais plutôt une progression prudente ciblant des secteurs particuliers. Est-ce que cela devrait être le commerce, le transport ou le transport en commun? Devrions-nous considérer la tarification en fonction du coût total ou la tarification axée sur la conservation pour l'avenir de l'approvisionnement en eau dans ces collectivités? Oui. Devrions-nous examiner la question du transport d'énergie verte? Oui.
    Il y a de nombreux concepts possibles, mais nous devrons veiller à prendre des mesures évolutives de la sorte pour que ce programme puisse être déployé efficacement.
    Je vais en rester là. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Manahan.
    Avant d'amorcer le premier tour de questions où chacun aura droit à cinq minutes, j'aurais quelque chose à vérifier auprès de mes collègues du comité. En raison notamment des hommages rendus à la Chambre, nous risquons de terminer plus tard que prévu aujourd'hui, si bien que nous ne pourrons sans doute pas accueillir les témoins qu'il nous reste à entendre concernant les sections de la partie 4.
    J'aimerais voir à quel moment nous pourrions le faire. Nous recevons deux groupes de témoins demain après-midi. Nous en aurons deux autres jeudi après-midi. Nous pourrions le faire avant d'amorcer l'étude du projet de loi le 29 mai, mais comme il est déjà prévu que nous travaillions jusqu'à 21 heures ce soir-là, nous risquons de manquer de temps. Ne pourrions-nous pas examiner ces sections jeudi matin? Est-ce que cela vous conviendrait?

  (1620)  

    Si nous tenons une séance le 29 de toute manière, pourquoi ne pourrions-nous pas la prolonger d'une trentaine de minutes ce soir-là?
    Il faudra peut-être plus de 30 minutes si l'un de ces témoins est... Il y a la question des frais de service pour laquelle nous avons déjà trois ou quatre personnes sur la liste. Il y a aussi la question de la banque de l'infrastructure et également celle des investissements. Cela pourrait donc être long.
    Nous pourrions toujours le faire le 29, mais je pense qu'il serait préférable que nous nous réunissions jeudi matin afin de pouvoir procéder à un examen approfondi de ces questions.
    Est-ce que jeudi matin vous convient?
    Très bien; nous informerons donc les témoins concernés.
    Désolé, messieurs, pour cette parenthèse. Nous allons maintenant débuter le premier tour avec M. Sorbara qui a droit à cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous. Nous vous prions d'excuser notre retard. J'ai deux ou trois observations à faire avant de poser une brève question.
    J'ai entendu différents points de vue concernant les infrastructures. Je connais très bien le modèle des partenariats public-privé (PPP) en Ontario. Je m'occupais de négocier des obligations pour une des grandes banques, et je comprends bien le fonctionnement du financement pour les PPP et les différents modèles utilisés pour la construction, l'entretien et l'exploitation, notamment. Nous avons le projet de prolongement de la ligne de métro York Spadina jusqu'à Vaughan et nous aurons accès d'ici quelques semaines à un hôpital flambant neuf construit à Vaughan dans le cadre d'un PPP. En outre, notre gouvernement a mis de l'avant un plan sans précédent prévoyant des investissements dans les infrastructures qui totaliseront plus de 180 milliards de dollars au cours des 12 prochaines années.
    Je suis d'accord avec ceux qui disent que le progrès doit avoir préséance sur le processus. Nous voulons que les projets puissent aller de l'avant. Nous ne voulons pas en discuter pendant une éternité. Je pense que c'est l'une des raisons qui expliquent notre déficit actuel en matière d'infrastructures, peu importe la manière dont on s'y prend pour en évaluer l'ampleur. Il s'agit de veiller à ce que le travail sur le terrain puisse être entrepris dès que possible.
    À mon humble avis, la banque de l'infrastructure est l'un des moyens à notre disposition pour accélérer les choses en favorisant la construction d'un plus large éventail d'infrastructures grâce à la mobilisation des capitaux nécessaires. Je suis conscient de l'importance de la gouvernance et de la prise de décisions en fonction des données probantes pour les projets réalisés, mais reste quand même que l'idée est très inspirante. Je félicite notre gouvernement de l'avoir lancée. Je salue également la souplesse d'esprit dont notre gouvernement a fait montre pour envisager un mécanisme semblable parallèlement aux autres modèles qui existent au Canada. Je me réjouis en outre que nous intéressions non seulement au processus mais, chose plus importante, aux progrès à réaliser.
    J'ai une brève question pour le représentant de l'Institut C.D. Howe.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez du rôle très important que les investissements privés jouent dans le développement des infrastructures.
    Les investissements privés sont effectivement importants, et je ne saurais trop insister sur le fait que le débat public passe sous silence le principal avantage qui en découle, à savoir le transfert du risque. Au Canada, lorsque des initiatives d'approvisionnement public sont entièrement gérées par le secteur public, il arrive que des projets comme celui du prolongement de la ligne de métro au-delà de l'Université York à Toronto dépassent considérablement les budgets prévus et accumulent les retards. Qui doit alors en faire les frais? Lorsque le secteur public est responsable, ce sont les contribuables qui paient la note en bout de ligne.
    Lorsqu'il y a partage des risques dans le cadre d'un modèle faisant appel à du financement privé, le projet n'en demeure pas moins risqué, mais ce ne sont plus les contribuables qui doivent éponger la facture finale. Cela nous ramène aux commentaires du ministre Sohi qui disait à quel point il était important de veiller à investir non seulement dans des projets prêts à démarrer, mais aussi dans des projets qui méritent d'être mis en chantier.
    Il est donc primordial de choisir les bons projets en évitant de précipiter les choses pour mettre une initiative en branle sans avoir établi un plan d'affaires rigoureux. Le secteur privé peut contribuer à injecter une certaine logique dans le processus, car un investisseur privé s'assure toujours de prendre toutes les précautions nécessaires avant d'aller de l'avant avec un projet. Voilà autant d'éléments vraiment cruciaux si l'on veut optimiser nos investissements.
    Il vous reste du temps pour une très courte question.
    Monsieur Manahan, n'ayez crainte, je ne vais pas vous parler des aspects politiques du dossier du métro de Scarborough.
    M. Andy Manahan: D'accord.
    M. Francesco Sorbara: J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'importance de la gouvernance pour la mise en place efficace d'un mécanisme comme celui de la banque de l'infrastructure.

  (1625)  

    J'ai lu récemment dans les médias que les circonstances étaient en train de changer. Nous sommes d'avis qu'une indépendance véritable est nettement préférable à l'octroi d'un droit de veto ou de rappel, ou à la remise en question des moyens d'évaluation utilisés. C'est notre point de vue. Vous pouvez peut-être le faire avec d'autres types de programmes d'infrastructures, mais c'est totalement à éviter dans le cas de la banque.
    Merci à tous les deux.
    Monsieur Deltell.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, soyez les bienvenus à votre Chambre des communes.

[Traduction]

    J'aimerais traiter de la situation de celui qui prend les risques dans le contexte de cette nouvelle banque de l'infrastructure.
    Monsieur Bartlett, nous sommes tous conscients qu'un investisseur privé accepte d'assumer un risque dans l'espoir d'une rétribution quelconque.

[Français]

    Enfin, on obtient des résultats.

[Traduction]

    La prise de risques est l'élément clé de tout système capitaliste. Nous parlons ici d'infrastructures qui ne pourront jamais être revendues. Elles sont construites à un endroit précis à des fins d'utilité publique. Pouvez-vous nous dire comment vous voyez la situation du preneur de risque dans le cas de la banque de l'infrastructure? Qui devrait assumer le risque, le contribuable ou l'investisseur privé.
    Si le secteur privé participe à ces projets, le risque doit être transféré au propriétaire de l'actif. Le secteur privé doit établir son prix en fonction du rendement prévu compte tenu des risques encourus avec les investissements consentis. Cela comprend à la fois les risques de pertes découlant d'un rendement inférieur et ceux associés à la plus-value de l'actif. C'est à ce titre qu'il convient en définitive de transférer les risques en fonction des parts de propriété détenues.
    Dans le cas d'un modèle de partenariat public-privé, nous nous inquiétons notamment du fait qu'il arrive souvent que les risques ne soient pas entièrement transférés au secteur privé. Le secteur public continue alors à assumer une partie des risques liés au rendement attendu et à la demande anticipée, et ce, même si le transfert visait l'objectif contraire. Nous nous demandions dans notre récente publication si le prix des actifs était fixé correctement dans un contexte où il n'y a pas transfert complet des risques du secteur public vers le secteur privé.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Dachis?
    Je suis un peu du même avis. Le modèle canadien de partenariats public-privé n'a pas été perfectionné au point de pouvoir tenir compte du risque lié à la demande. La plupart des projets en PPP réalisés au Canada semblaient vouloir tendre légèrement vers cette direction. Ce sont, par définition, les gouvernements et les contribuables qui doivent payer la note lorsque la demande prévue ne se concrétise pas. Les gouvernements surestiment sans cesse la demande à venir. C'est ainsi qu'un projet comme un circuit de transport en commun ou une route peut se retrouver sur la facture des contribuables. Les investisseurs privés qui participent à un projet sont davantage incités à s'assurer que la demande prévue est conforme à la réalité, car la survie de leur entreprise peut en dépendre. Dans le secteur public, il n'y a pas vraiment de risques directs assumés par qui que ce soit.
    Monsieur Sanger.
    Comme le disait M. Bartlett, nous avons constaté qu'à peu près tous les PPP au Canada sont justifiés en invoquant un transfert des risques au secteur privé. Nous n'avons pas pu obtenir de détails à ce sujet, car le tout est gardé confidentiel. C'est une véritable préoccupation. À la suite de son examen de 74 PPP en Ontario, la vérificatrice générale de la province a conclu qu'absolument rien ne permettait d'affirmer que le risque était effectivement transféré. Elle a également découvert que des risques d'une valeur atteignant au moins 3 milliards de dollars étaient comptabilisés en double. Il n'y avait pas la moindre preuve d'un tel transfert qui sert pourtant à justifier tous ces partenariats. On peut toujours trafiquer les chiffres pour montrer que le risque a été transféré, mais ce n'est tout simplement pas le cas. La part du secteur privé n'atteint généralement que de 10 % à 50 %, et on peut présumer que le risque pourrait être transféré dans une proportion beaucoup plus forte.
    Il faut aussi considérer le fait que les projets d'infrastructure visant à offrir un service à la population devront être pris en charge par le secteur public pour le maintien du service à long terme. Presque tous ces projets de PPP sont réalisés à titre d'entités ad hoc distinctes. Ces projets sont parfois appuyés par de grandes entreprises, mais celles-ci sont constituées en sociétés à responsabilité limitée. Ces entreprises peuvent ainsi quitter l'aventure qu'elles appuient sans vraiment courir un grand risque. Qui doit alors réparer les pots cassés pour que le service soit maintenu? C'est le secteur public. Voilà le mode de fonctionnement dans différents scénarios.
    C'est le transfert du risque qui compte d'abord et avant tout. Je ne crois pas que les affirmations en ce sens soient très crédibles. C'est un véritable problème. Cela peut paraître judicieux en théorie, mais ce n'est pas ce qui arrive dans les faits.

  (1630)  

    Merci à tous les deux.
    Monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence.
    Chose intéressante, il y a dans la région que je représente le projet de la promenade Herb Gray, un partenariat public-privé se chiffrant à 1,4 milliard de dollars. On s'apprête d'ailleurs à relier cette promenade à un pont où il y aura un poste frontalier dans le cadre d'un PPP, une première pour une telle installation.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'évaluation des risques relativement à ce projet de la promenade Herb Gray. Il s'agissait essentiellement de ce que l'on appelle une structure sur poutres. Cinq cent poutres ont dû être détruites dont 200 qui ont été retirées du sol et remplacées à cause d'un entrepreneur privé participant au PPP qui a pris des raccourcis au niveau des travaux de soudure nécessaires. Il est intéressant de noter que toute cette histoire a été rendue publique simplement parce que l'un des travailleurs et moi fréquentons le même centre de conditionnement physique.
    Il y a également eu des problèmes de paiements non effectués. L'entrepreneur principal dans le cadre du PPP ne voulait pas payer ses sous-contractants locaux qui l'ont traîné devant les tribunaux. Des entreprises locales qui devaient avoir des contrats garantis ou tout au moins effectuer certains travaux dans le cadre du projet dans un régime concurrentiel, n'ont pas été payées pour certains de ces travaux. Il y a également certains frais juridiques qui font eux-mêmes l'objet d'un litige. Il semble que tout cela ne soit pas inhabituel dans le cas d'un PPP.
    J'aimerais savoir ce que M. Sanger, et je vous invite tous à répondre, pense de cette réalité des PPP. Je crains que nous ne permettions ainsi que des déficiences et des coûts supplémentaires viennent contrecarrer l'avantage que procure une formule de conception, construction et recouvrement au moyen d'un système de cautionnement, par rapport à la marge de profit supplémentaire pouvant découler d'un PPP.
    Je suis d'accord avec vous. Vous soulevez des préoccupations importantes.
    Comme d'autres l'ont indiqué avant moi, la banque de l'infrastructure proposée sera également fondée sur l'imposition de frais d'utilisation, lesquels vont augmenter. Pour bon nombre des PPP réalisés au Canada, on ne tient pas compte du risque lié à la demande, et je crois que d'autres témoins vous en ont parlé. Ces projets vont donner lieu à des frais d'utilisation, si bien qu'il y aura génération de revenus. Comme je l'indiquais, tout cela va se traduire par des coûts supplémentaires pour les Canadiens de la classe moyenne.
    Il y a un autre point que je veux relever. Ben Dachis a parlé d'Infrastructure Australia. Il y a eu tellement de privatisation en Australie que l'ancien responsable du bureau de la concurrence a indiqué que cela était néfaste pour l'économie en raison des coûts additionnels pour les particuliers. Il s'agit donc d'une mesure très régressive, car elle empêche d'utiliser cet argent à d'autres fins.
    Je conviens avec vous que la situation est difficile du point de vue des PPP. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter en raison de l'augmentation des frais d'utilisation. Ce sont d'ailleurs en partie les coûts élevés pour l'électricité qui expliquent la faible popularité actuelle de la première ministre ontarienne.
    Pour ce qui est des contrats de partenariat public-privé, comme d'ailleurs de toute entente entre les secteurs public et privé, il faut surtout s'attarder au libellé et s'assurer qu'il y a des incitatifs suffisants pour les deux parties. Dans la situation que vous nous avez décrite, il semble bien que ce ne soit pas le cas. Dans les PPP qui ont été les plus fructueux, le secteur privé a joué un rôle du début à la fin du processus, en incluant l'exploitation et l'entretien, de telle sorte que les motivations des deux parties s'harmonisaient. Je suis persuadé que l'entreprise fautive n'aurait pas installé ces poutres de mauvaise qualité si elle avait su qu'elle aurait à les remplacer à tous les deux ou trois ans par la suite. C'est souvent l'autre aspect qui est problématique dans le cas des partenariats public-privé, en ce sens que le secteur public ne transfère pas au secteur privé la responsabilité des activités d'exploitation et d'entretien.

  (1635)  

    Il est important de noter que 40 000 véhicules, dont 10 000 camions, circulent sur cette route. Il est plutôt étrange que l'on mette ainsi en péril ce qui représente 35 % de nos échanges quotidiens avec les États-Unis, une valeur de près d'un milliard de dollars par jour. Si l'on procède cette manière, tous les contrats pourraient être à risque. Et s'il y en a un que l'on ne veut pas plomber, c'est bien celui-là.
    Je suis d'accord.
    C'est l'une de nos inquiétudes concernant la Banque de l'infrastructure du Canada. Les ententes conclues devront être structurées de manière appropriée de telle sorte que les motivations de toutes les parties soient harmonisées afin d'assurer une utilisation optimale de l'argent des contribuables canadiens.
    Je vais céder la parole à Ben.
    Merci à tous les deux.
    Je vous accorde 10 secondes pour répondre.
    Dans le cas de la promenade Herb Gray, il faut se demander qui a payé pour l'erreur commise en bout de ligne.
    Je vous dirais très brièvement que nous pourrions avoir de meilleures infrastructures au Canada si nous avions davantage recours aux frais d'utilisation. Pour combler les lacunes du transport commun et diminuer la congestion sur nos routes, nous devons établir des péages et des frais pour nous assurer que ces actifs sont adéquatement utilisés. S'il y avait plus de péages, il y aurait moins de congestion, et il est tout à fait novateur de proposer une formule de génération de revenus dans le contexte de la banque de l'infrastructure.
    Merci à tous les deux.
    Monsieur Ouellette.
    J'aimerais bien répondre si vous me laissez une minute.
    C'est d'accord.
    Je connais ce projet. Il s'agissait d'une société étrangère, c'est-à-dire une société espagnole, et M. Murray était le ministre des Infrastructures et des Transports à l'époque. Lorsqu'il a entendu parler de cela, il a fortement insisté pour que les poutres soient remplacées. Manifestement, ce genre d'affaires se retrouve devant les tribunaux.
    Je tiens à mentionner un détail dont nous n'avons pas tenu compte jusqu'ici — et la vérificatrice générale n'en a pas tenu compte non plus. En effet, si nous réalisons un vrai projet en P3 qui englobe la conception, la construction, le financement et l'entretien, ce projet sera mieux construit dès le départ. Il sera également mieux entretenu. Cela fait une grande différence. La vérificatrice générale comparait des pommes et des oranges. Elle est complètement passée à côté de cela.
    Notre organisme faisait partie d'une équipe qui a rencontré les intervenants d'Infrastructure Ontario à la suite de cet évènement. Il y a d'autres exemples de participation de consortiums étrangers, notamment le prolongement de la ligne de métro Spadina. Ce n'est peut-être pas la solution universelle, mais nous avons veillé à ce que tous les futurs contrats d'IO contiennent 10 % de contrats locaux, ce qui signifie que les entreprises locales ont légèrement plus de chances de remporter une soumission. Cela aide...
    D'accord. Je dois vous arrêter ici.
    Monsieur Ouellette.
    L'une de mes questions concerne la structure de gouvernance. Actuellement, nous avons proposé un conseil d'administration dont la présidence serait nommée par décret du gouverneur en conseil. J'aimerais obtenir votre avis sur cette structure. Est-elle adéquate? Devrait-on exercer une surveillance plus étroite ou moins étroite?
    Vous pouvez tous répondre, si vous le souhaitez.
    J'ai formulé quelques commentaires sur Metrolinx. Je crois que la séparation de l'Église et de l'État est très importante dans le cas de cet organisme. Cela me dérange vraiment qu'il soit possible, par exemple, de remplacer tous les membres du conseil ou quelque chose de ce genre.
    Cela s'est produit dans le cas de Metrolinx en 2009 ou 2010. Il s'agissait surtout d'un conseil d'administration doté d'un fondement municipal. En effet, il était composé de politiciens municipaux — à une exception près. Je crois que les intervenants provinciaux pensaient qu'ils allaient effectuer un changement global, et c'est devenu ensuite un conseil formé de représentants du secteur privé.
    En ce qui concerne Metrolinx, à l'époque, j'étais d'avis qu'un conseil hybride aurait été plus efficace. Il aurait été composé de certains représentants élus et d'experts dans un domaine particulier, que ce soit en comptabilité, en ingénierie ou dans le domaine des transports. Ces types de personnes doivent être représentés au sein d'un conseil réellement efficace.
    En ce moment, les grandes lignes du projet de loi sont bien conçues. Ce qui est important, maintenant, ce sont les questions de gouvernance qui doivent être réglées. Ces questions de gouvernance devraient-elles être enchâssées dans la loi — mais dans ce cas, elles seront bien établies et difficiles à modifier — ou devrait-on tenter de les intégrer dans des règlements ou dans d'autres questions de structure institutionnelle liées à la Banque?
    J'aimerais vous donner l'exemple d'Infrastructure Australie, car selon sa loi habilitante:
le ministre ne doit pas donner de directives sur le contenu d'une vérification, d'une liste, d'une évaluation, d'un plan ou d'un conseil
    Actuellement, on ne prévoit pas ce type d'indépendance ultime, c'est-à-dire l'indépendance de la Banque, dans cette proposition.
    Il faut donc savoir si les membres du Comité recommandent d'apporter des changements au projet de loi, ce qui ralentira le processus, ou s'ils souhaitent être en mesure de terminer le processus rapidement, mais au risque d'engendrer un manque d'indépendance ou d'indépendance perçue.

  (1640)  

    En ce qui concerne notre avis, pour être tout à fait honnête, nous n'avons même pas encore examiné la question de la gouvernance.
    Nous sommes d'avis que nous devons réellement mener une évaluation stratégique des besoins ascendants, afin de bien comprendre nos lacunes et nos stocks actuels en matière d'infrastructure. En fait, nous pensons qu'en ce moment, la Banque de l'infrastructure met la charrue devant les boeufs, et nous n'avons pas encore examiné la question de la gouvernance, car nous pensons qu'il faut obtenir des données probantes sur le rendement actuel de notre infrastructure et sur nos besoins stratégiques futurs.
    Une fois que nous aurons établi ce portrait global, ainsi qu'un plan et une stratégie en matière d'infrastructure nationale, nous pourrons vraiment nous pencher sur la question de la gouvernance et déterminer la structure de la Banque.
    C'est une très bonne question. Il y a beaucoup de fonds publics dans ce projet, c'est-à-dire 35 milliards de dollars au départ, du gouvernement fédéral. Je crois que les intérêts du public devraient être représentés, pas nécessairement par un politicien, mais par un représentant public de haut niveau, si cet argent est utilisé. Ce n'est que le début. Nous devons accepter le fait que tous ces projets seront, au bout du compte, payés par le public, que ce soit par l'entremise des gouvernements ou des frais d'utilisation. Le public devrait donc être représenté d'une façon ou d'une autre.
    Les gens sont préoccupés au sujet de l'interférence politique et de divers politiciens. Vous êtes tous élus, ce qui offre une perspective démocratique. Nous ne devrions pas critiquer les politiciens de cette façon. Toutefois, je crois que vous devez également réfléchir à la façon dont vous pouvez éviter que certains de ces projets soient visés par des éléments politiques inappropriés... par exemple, la création du belvédère à Muskoka dans le cadre du G7, etc. Les États-Unis ont un bon système qui réduit ce genre d'affectation.
    Vous devez mettre en place une planification complète fondée sur des données probantes et qui prévoit des critères pour établir un ordre de priorité des projets. Cela revient aux propos de M. Ali Khan, c'est-à-dire l'établissement de ce type de gouvernance.
    Monsieur Ouellette, vous avez le temps de poser une très brève question.
    Très brièvement, sans fournir trop d'explications, à votre avis, quels types de projets pourraient être financés par cette Banque, et quels types seraient appropriés?
    L'expansion de VIA Rail pour offrir une liaison ferroviaire à grande vitesse entre Toronto, Ottawa et Montréal, par exemple.
    Je suis d'accord. C'est une bonne idée.
    En fait, c'est un excellent exemple.
    Je suis également d'accord.
    M. Benjamin Dachis: Je viens de dépenser 2 milliards de dollars.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Est-ce...
    M. Robert-Falcon Ouellette: Toby n'a pas eu la chance de répondre.
    Il s'agit surtout du mode, et pas nécessairement du type de projet. Ma principale préoccupation concerne le coût plus élevé du financement privé qui le pervertira.
    Et moi qui croyais que nous allions avoir une réponse unanime de nos témoins.
    Monsieur Liepert.
    Monsieur Khan et monsieur Dachis, si je peux interpréter vos commentaires, nous sommes saisis d'un projet de loi budgétaire, et cet organisme en matière d'infrastructure se trouve au centre. Ce que j'entends, c'est qu'à votre avis, cela ne devrait pas faire partie du projet de loi budgétaire. Cela devrait faire l'objet d'une question distincte qu'il faut traiter de façon appropriée plutôt que de l'intégrer au projet de loi budgétaire.
    Êtes-vous d'accord?
    En fait, je crois que nous sommes plutôt d'avis que... Il ne s'agit pas de savoir si c'est dans le projet de loi budgétaire ou non. Nous pensons réellement que l'initiative la plus importante que nous devrions entreprendre, c'est d'obtenir tout d'abord des données et des preuves liées à...
    Mais nous devons adopter ce budget dans deux semaines. Ne dites-vous pas essentiellement qu'il faut le faire de façon appropriée — donc, à l'extérieur du projet de loi budgétaire?
    Je crois qu'on peut dire que si « faire les choses de façon appropriée » signifie que cela nous aidera à choisir les bons projets qui contribueront à combler ou à réduire les lacunes en matière d'infrastructure, dans ce cas, absolument.
    J'aimerais d'abord préciser que je suis économiste, et non rédacteur législatif. Il s'agit donc de se demander combien de détails institutionnels doivent être intégrés au projet de loi comparativement à ceux qu'on peut traiter plus tard. C'est une question que devra poser le Parlement et les membres du Comité.

  (1645)  

    J'aimerais poursuivre une autre discussion qui s'est amorcée plus tôt.
    Tout d'abord, je dois admettre que je suis partial, car j'appuie grandement les P3. J'appuie grandement les projets P3 du Canada ou le concept mis sur pied par le gouvernement conservateur. Je ne connais pas vraiment l'initiative dont parlait M. Masse, mais je sais ce qui se passe en Alberta.
    À mon avis, les P3 fonctionnent seulement s'ils englobent la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien complets. Je crois que j'entends quelques indications dans ce sens. Donc, si cet organisme en matière d'infrastructure souhaite progresser, serait-ce l'un des éléments qu'il devrait examiner — c'est-à-dire ne pas se contenter d'adopter des P3 qui concernent seulement la conception et la construction, mais de veiller à ce que tous les éléments de la chaîne soient présents, afin d'éviter que les contribuables doivent payer la facture? Si le secteur privé ne peut pas justifier tous les éléments, le gouvernement devrait-il dans ce cas offrir des garanties de prêt ou les autres choses qui font l'objet de discussions?
    Une participation au capital à long terme, telle que proposée dans le cadre initial de l'Énoncé économique de l'automne 2016, correspond exactement à ce dont nous parlions, c'est-à-dire un rôle d'exploitation et d'entretien à long terme pour les investisseurs institutionnels. Je vois vraiment la notion de cette Banque de l'infrastructure pour traiter la question principale pendant la construction, comme Andy l'a mentionné. Les fournisseurs de P3 ne pensent peut-être pas à long terme, mais grâce à une participation au capital, ils le peuvent certainement.
    J'aimerais ajouter que l'élément lié à l'exploitation n'est pas essentiel, contrairement à l'élément lié à l'entretien.
    Si l'on revient à la privatisation des systèmes de transport ferroviaire au Royaume-Uni dans les années 1980, on avait conclu des ententes selon lesquelles les travailleurs syndiqués pourraient conserver leurs emplois. Je crois que dans une certaine mesure, l'entretien est important. Toutefois, l'exploitation... et nous envisageons...
    Je viens de Toronto, et je m'excuse donc pour l'exemple que je vais donner. Dans le cas du TLR transurbain d'Eglinton, d'après ce que je comprends, la Commission de transport de Toronto s'occupera de l'exploitation. Elle doit le faire pour intégrer le système existant. Il pourrait exister d'autres projets dans lesquels l'élément lié à l'exploitation est important.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, Ron?
    Je demanderais à M. Bartlett.
    Encore une fois, cela revient à la rédaction des contrats utilisés.
    L'une des choses à considérer relativement à la propriété de ces biens, c'est qu'il s'agira d'un quasi-monopole. Étant donné que c'est un fait, et puisque les investisseurs du secteur privé ont intérêt à obtenir des revenus nets rajustés en fonction des risques aussi élevés qu'ils le peuvent pour accroître leur rentabilité, ils ont non seulement intérêt à accroître les revenus en augmentant les frais d'utilisation, mais également à réduire leurs coûts. Cela pourrait inclure l'entretien différé, etc.
    Au bout du compte, cela revient à la rédaction du contrat et aux obligations des autres propriétaires du bien relativement à l'entretien de ce bien à long terme.
    Merci à tous les intervenants.
    Madame O'Connell, vous avez la parole.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par formuler quelques commentaires. Je crois que quelqu'un a mentionné la conversation sur l'infrastructure et la Banque de l'infrastructure.
    Je crois que le problème, c'est que lorsque nous parlons de la Banque de l'infrastructure et des types de projets, nous parlons de projets uniques. Nous ne parlons pas des trottoirs, d'un parc ou des types d'infrastructure dont les petites collectivités ont besoin et auxquels pensent la plupart des Canadiens. Donc, cette confusion — ou parfois ces propos alarmistes — liée à la privatisation de toute infrastructure dans nos collectivités n'est pas ce dont il est question. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement s'est également engagé à fournir du financement pour l'infrastructure dans des tribunes traditionnelles.
    Ensuite, la conversation a été lancée, et on a donné des exemples de projets liés à des P3 qui n'ont probablement pas très bien réussi.
    J'ai des antécédents dans le milieu municipal, et je peux vous parler de projets complètement financés par le gouvernement qui ont aussi déraillé, car les propositions dépassaient le budget, il y a eu des retards liés à la construction, des employés n'ont pas été payés, une municipalité a été facturée deux fois, on a utilisé de l'acier illégal chinois, ou on a fait appel à des travailleurs non qualifiés. Des exemples de ce type sont en cours, et les contribuables finissent par payer d'une façon ou d'une autre. Des cas se retrouvent également devant les tribunaux. Dans ma municipalité, par exemple, nous avons dû poursuivre des gens qui n'avaient pas terminé des projets comme ils étaient censés le faire.
    Voici donc mon problème. En effet, j'aimerais comprendre la corrélation selon laquelle les mauvais projets ou les mauvais entrepreneurs existent seulement dans le cadre d'un système de type P3. Malheureusement, nous pouvons avoir affaire à de mauvais entrepreneurs dans le cadre d'un projet complètement financé par le gouvernement ou dans des partenariats avec le secteur privé.
    C'est le commentaire que je tenais à formuler. Je suis sûre que certains d'entre vous souhaitent répondre à cela. Étant donné que mon temps est limité, je voulais formuler ce commentaire et ensuite poser une question liée aux lacunes en matière d'infrastructure, car cela m'intéresse.
    Nous ne parlons pas de chaque trottoir, de chaque parc ou de chaque besoin municipal. Comment déterminez-vous ces lacunes lorsque parfois, ces projets...? Nous avons beaucoup entendu parler du transport en commun, par exemple. Parfois, les municipalités ne connaissent pas nécessairement leurs besoins, car ils sont trop gros pour envisager de les combler dans les budgets de 5, 10 ou 15 ans que nous établissons. Il s'agit, par exemple, d'une chose qu'on aimerait acquérir, mais il faut d'abord réparer la piscine locale, le trottoir ou une route. Comment pouvons-nous parler de ces lacunes, lorsque ces types de projets de transformation...? Certaines municipalités ne savent peut-être même pas quels sont leurs besoins ou comment les identifier.

  (1650)  

    Qui aimerait répondre en premier?
    Monsieur Dachis.
    Tout d'abord, je dirais que vous êtes sur le point d'entendre l'avis de Matti Siemiatycki et de Mark Romoff. Matti vous donnera toutes les réponses que vous souhaitez obtenir sur le rendement des P3. Désolé, Matti, je vous mets sur la sellette.
    Le problème avec le fondement des lacunes en matière d'infrastructure, c'est qu'on fait la comparaison avec un monde idéal qui n'existe pas. Par exemple, j'ai une lacune en matière de Porsche, une lacune en matière de Ferrari, et une lacune en matière de Learjet. J'aimerais vraiment obtenir toutes ces choses.
    Une lacune en matière d'Armani.
    C'est le fondement de la façon dont la plupart des gouvernements ont défini les lacunes en matière d'infrastructure.
    La création d'une banque qui reçoit des propositions non sollicitées est un début, car on peut profiter de l'ingéniosité du secteur privé qui cerne un besoin et propose de le combler grâce à un projet fondé sur des frais d'utilisation. C'est une très bonne façon de contribuer à régler ce problème avec des fonds concrets pour appuyer une proposition.
    Si vous me permettez d'intervenir, je pense que vous avez absolument raison. Tous les types de projets ont eu des problèmes, et il y a eu un problème lié à ce qu'on a appelé le biais optimiste à l'égard du secteur public, et ce n'est donc pas une situation unique.
    Ce qui est préoccupant dans ces grandes ententes conclues avec le secteur privé, c'est qu'on n'a pas de transparence et que la possibilité qu'il y ait des délits d'initié est plus élevée, comme nous l'avons vu dans le cas de l'hôpital de McGill, à Montréal. En effet, il y avait beaucoup de corruption et de fraude dans ce projet. Ces cas n'offrent pas une transparence suffisante.
    J'ai discuté des lacunes en matière d'infrastructure avec la FCM. Ben a raison. Je crois que c'est la raison pour laquelle il est important d'améliorer la planification nationale à cet égard, et pas seulement pour tenter d'obtenir une valeur pour l'argent investi, mais aussi pour tenter de déterminer les coûts et les avantages de ces différents projets de cette façon, afin que ce ne soit pas seulement axé sur cela ou sur les soumissions non sollicitées. Les gens voudront réaliser un profit dans le cadre de ces projets.
    Nous avons l'exemple du REM à Montréal, qu'on considère comme étant l'exemple parfait de cette situation, mais il présente de gros problèmes. Ce n'est pas intégré, car les intervenants jugent qu'ils feront davantage d'argent avec le système existant. Les gens devront payer davantage.
    Je suis très préoccupé au sujet de l'augmentation des frais d'utilisation dans ce cas. Certaines personnes pensent que c'est une chose positive, mais je crois qu'il faut vraiment examiner ce qui s'est produit en Ontario et ailleurs pour comprendre comment ces frais d'utilisation ont réellement nui à des membres de la classe moyenne, car ils ont fait augmenter leurs coûts et maintenant, ces gens se rebellent. C'est un avertissement important pour l'avenir, et vous devriez en tenir compte.

  (1655)  

    Je dois vous interrompre, monsieur Sanger.
    Messieurs Aboultaif et Grewal, chacun de vous disposera de trois minutes.
    Venons-en au fait. L'important, finalement, c'est le coût. Nous sommes au Canada. Il y a des projets. Ce secteur attire les investisseurs. Nous pouvons leur accorder des garanties extraordinaires. Ils prennent donc des risques pas aussi élevés qu'à l'étranger. Ici, dans un pays où la situation, au départ, est saine, c'est une occasion en or pour tout investisseur dans les infrastructures canadiennes.
    Alors, messieurs, si nous devons comparer ce type de coût d'investissement à d'autres types comme les PPP, de quel pourcentage parle-t-on? En avez-vous une idée? Savez-vous ce qu'il en coûtera, en fin de compte, au contribuable?
    N'importe qui peut répondre.
    Nous ignorons ce qu'il en coûtera au contribuable, mais il circule beaucoup de renseignements sur les rendements qui attirent les investisseurs privés dans diverses infrastructures.
    On cherche un rendement annuel moyen de 10 à 15 % avant correction pour les risques. Environ la moitié est un rendement en espèces des revenus produits, et l'autre moitié est la plus-value en capital, mais c'est très significatif, vu que, en général, les actifs sont très liquides. Ces contrats sont très difficilement résiliables. Ils comportent un risque de crédit, un risque politique et réglementaire, tous ces risques contre lesquels le secteur privé réclame de généreuses contreparties.
    De plus, c'est un investissement dans des friches industrielles. Cette banque a semblé se spécialiser dans l'investissement dans des installations nouvelles. Ces actifs particuliers auxquels aucun groupe d'autres actifs n'a été associé auront besoin d'être encore plus rémunérateurs pour attirer les investissements du secteur privé, en raison des risques beaucoup plus élevés.
    Randall a touché à un certain nombre d'aspects différents de cette question. C'est un expert.
    Ce sont les rendements escomptés par le secteur privé. Michael Sabia et d'autres l'ont confirmé. Si on s'attend à ce type de risques pour un projet d'une durée de 30 ans... J'ai fait le calcul dans ce rapport. Il montre que pour un projet de cette durée, les coûts pourraient presque doubler ceux d'un projet financé au taux des obligations à long terme du gouvernement canadien.
    Monsieur Manahan.
    Je tiens à donner un exemple, parce que c'est vraiment important.
    Je suis en rapport avec divers investisseurs aux États-Unis, qui, s'ils réalisent un projet de transport en commun... En raison de l'économie du partage, le partage de véhicules, pour transporter des passagers vers les stations, par exemple, personne, actuellement, n'investit dans les infrastructures de stationnement. Le risque est trop élevé, parce que, dans les 15 à 20 prochaines années, nous vivrons dans un monde de véhicules autonomes. Ces véhicules, qui transporteront quelqu'un à destination, n'auront pas besoin de se garer.
    C'est peut-être à ce genre de situation que le secteur privé sera plus sensible. Vous êtes les premiers à l'apprendre. Aucun des gros investisseurs des États-Unis ne touchera à ce genre de projet par les temps qui courent, le genre que vous devez examiner.
    Monsieur Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici.
    Dans ma circonscription, la construction d'infrastructures ne réussit pas à suivre le rythme de croissance. Il se construit des maisons, les familles emménagent, mais, pour celles qui sont des plus importantes, les écoles, les routes et les réseaux de transport en commun, les retards s'allongent. La ville de Brampton pourrait demander à la Banque de l'infrastructure du Canada de la financer. Son conseil municipal a accordé jusqu'à 400 millions de financement à notre train léger sur rails flambant neuf. Les citoyens appuient la banque parce que, en fin de compte, l'État sera en mesure de construire de meilleures infrastructures.
    Quand j'étais avocat d'entreprise, nous avons beaucoup travaillé à des projets de PPP. Nous en connaissons tous les avantages et les inconvénients. Grâce à votre expérience du domaine, pouvez-vous me dire si des projets de PPP ont fait faillite?
    Je me lance.
    Il y en a eu un important, de Metronet, au Royaume-Uni, que le gouvernement a dû renflouer.
    Désolé, je voulais dire au Canada.
    Au Canada, les promoteurs de certains des premiers PPP mis sur pied ici, à Ottawa, ont quitté le navire, et le gouvernement a dû prendre le relais. Il n'y a pas eu de faillite. L'un des partenariats s'appuyait sur une entreprise du Royaume-Uni, l'autre sur Sensplex. Après trois années écoulées sur les 30 prévues du projet, les promoteurs ont réclamé plus d'argent, en raison de l'insuffisance des revenus. La Ville d'Ottawa a cédé à leurs demandes.
    Les faillites ont été peu nombreuses, en partie parce que les promoteurs annoncent qu'ils auront besoin de plus d'argent. Je pense que, de toute manière, on y met beaucoup d'argent, en partie parce qu'il n'y a pas de risque de demande. Le problème, ici, est que ce risque existera, le risque de revenu découlant de ces projets de la banque de l'infrastructure. Le risque de faillite des promoteurs est donc plus élevé.
    Au Canada, la plupart des PPP sont adossés. La rémunération de la mise à disposition est garantie par le gouvernement. Sauf de rares exceptions, la plupart ont des revenus garantis, ce qui diminue d'autant le risque de faillite.
    Hamilton Water... J'ignore si ce projet a fait faillite, mais Enron l'avait entrepris. On en trouve un certain nombre d'exemples.

  (1700)  

    Monsieur Dachis.
    Selon le point de vue, la faillite est l'échec d'un projet, mais, par ailleurs, on peut la considérer comme un transfert réussi des risques au secteur privé. Si nos trois projets de PPP produisaient un rendement attrayant, ça signifierait que nous payons trop cher le transfert des risques. On peut donc considérer la faillite comme la réussite d'une politique.
    Merci.
    J'ai une ou deux questions.
    Monsieur Dachis, dans votre exposé, à la page 5, vous parlez du projet de loi et de gouvernance. Pour obtenir la gouvernance qui convient et dont vous parlez, le projet de loi doit-il être amendé ou s'agit-il davantage d'un processus concernant les modalités de fonctionnement de la banque de l'infrastructure, qui est fixé par règlement ou dans la politique de la banque?
    C'est la question à un million de dollars. Faut-il passer par la loi? Faut-il réformer la loi ou existe-t-il, dans les institutions, des garanties qu'on peut instaurer dans les pratiques de la banque?
    Un bon exemple de modalités pas nécessairement intégrées dans la loi est la Banque du Canada. Si le ministère des Finances écrivait à son gouverneur de fixer les taux d'intérêt de telle manière, ce serait comme s'il appuyait sur le bouton nucléaire, une atteinte assez grave à la confiance du public.
    La question devient alors: Peut-on concevoir les rapports entre les ministères des Finances et de l'Infrastructure et cette banque à l'extérieur des lois, de manière à créer la même sorte de structure assurant l'indépendance par rapport au politique. Elle est très importante. Votre comité devra désormais y réfléchir.
    Merci.
    J'ai une autre question sur les infrastructures. Vous avez presque tous été d'accord pour le train à grande vitesse. Mais je crains, comme peut-être les Albertains ou tous ceux qui ne vivent pas dans le centre du Canada, que ce projet de 5 milliards de dollars corresponde aux besoins de cette région. Mais qu'un projet de 1,5 million, dans ma circonscription, est aussi important pour son économie que ce projet colossal.
    Nous savons qu'une municipalité, quelque par en Alberta, exige tant par bovin, j'ai oublié combien, pour s'occuper de ses ponts, et c'est simplement trop pour les producteurs. Sans intervention politique...
    Tous veulent exclure les politiciens, mais nous avons la responsabilité de l'ensemble du pays. Que répondre?
    C'est une question vraiment importante.
    Des programmes régissant les taxes sur l'essence, des programmes du plan Chantiers Canada sont fondés sur un critère comme la population ou un autre critère comme le nombre d'usagers du transport en commun.
    Je ne crois pas que l'organisme chargé des infrastructures dont nous discutons devrait avoir le mandat de saupoudrer le pays de projets en fonction de la population ou d'assurer l'attribution d'un projet à chaque province. Son mandat devrait être l'obtention du meilleur rendement sur l'investissement et d'investir là où l'évaluation dit que l'investissement est une décision logique.
    Il se peut même que le choix du train à grande vitesse ne soit pas raisonnable pour le centre du Canada. Ça reste à voir.

  (1705)  

    D'accord.
    Sur ce, monsieur Khan, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Seulement que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous préconisons l'analyse prospective des besoins.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, il faut garder à l'esprit les besoins des régions et leur variabilité. Pour bien saisir les besoins globaux, il faut une analyse locale, ascendante et stratégique qui soit fidèle aux besoins de la région et à ses variations. On veut examiner tous les résultats globaux pour l'ensemble des Canadiens, pas seulement pour le centre de population.
    D'accord.
    Monsieur Sanger, avez-vous quelque chose à dire?
    Je suis d'accord.
    Je voudrais dire que certains des petits centres du pays obligés d'emprunter à des coûts supérieurs pourraient profiter le plus d'une banque financée publiquement à un coût moindre.
    Pour répondre à votre question antérieure, la réponse d'hier du ministre des Finances m'a frappé. Les projets seraient autorisés. Le projet de loi que j'ai lu n'en dit rien. Une telle confusion exige absolument de le peaufiner à part plutôt que d'en précipiter l'adoption à la faveur d'un projet de loi omnibus.
    Merci.
    D'accord. Sur ce, je vous remercie tous d'être venus témoigner.
    En attendant que le prochain groupe de témoins fasse son entrée, je suspends les travaux.

  (1705)  


  (1710)  

    Reprenons. On reprend sa place?
    Nous devrons gérer notre temps au plus près, parce que la sonnerie ne nous donne pas le choix. Il faut y aller, et il reste sept minutes.
    Comme vous le savez, la séance porte sur le projet de loi C-44, et nous vous sommes reconnaissants de venir faire vos exposés.
    Monsieur Macdonald, nous commençons par vous. Vous êtes économiste principal au Bureau national du Centre canadien de politiques alternatives.
    Merci beaucoup, monsieur Easter. Je remercie votre comité de m'avoir invité à venir discuter du projet de loi C-44.
    Tout projet de loi d'exécution du budget suscite toujours des propos intéressants et fait toujours beaucoup parler de lui. Bref, je vous félicite d'avoir mis fin à plusieurs réductions d'impôts coûteuses et peu utiles qui ont été consenties au cours des années antérieures. J'espère que votre comité continuera sur sa lancée et qu'il s'occupera de plusieurs des échappatoires fiscales plus importantes et plus régressives, comme la déduction pour options d'achat d'actions et le taux d'inclusion des gains de capital.
    Aujourd'hui, je voudrais concentrer mes observations sur le projet de banque de l'infrastructure. Faisons d'abord observer que quelle qu'en soit la structure, les prêts n'arrivent pas à la cheville du financement fédéral et, au cours du siècle qui vient de s'écouler, une évolution notable est survenue dans les investissements dans les infrastructures et dans la part des autorités qui en étaient responsables. En 1955, 35 % de chaque dollar consacré aux infrastructures provenait de l'État fédéral. Aujourd'hui, c'est 15 %, le relais ayant été pris par les municipalités. En 1955, 25 % de chaque dollar consacré aux infrastructures provenait d'elles. Aujourd'hui, c'est près de 50 %. Quant à la part des provinces, elle est restée tout ce temps à peu près la même.
    L'État fédéral continue de payer le taux d'intérêt le plus faible tout en profitant de la plus grande assiette fiscale. Par ailleurs, les municipalités doivent payer les taux d'intérêt les plus élevés, mais leur assiette fiscale est la plus réduite. Cette différence entre les coûts est dissuasive pour les dépenses consacrées aux infrastructures, et les coûts dont on charge ce palier inférieur frappent celui qui est le moins en mesure de les payer.
    D'après moi, les principales fonctions d'une banque bien conçue d'investissement dans les infrastructures sont d'abord d'abaisser les taux d'intérêt pour les municipalités et d'ensuite faciliter les emprunts. Elles profiteraient particulièrement aux petites municipalités ou à celles qui connaissent mal les projets d'envergure. Cependant, aucune de ces fonctions simples n'est proposée dans le projet de loi C-44.
    Les municipalités sont exposées à des taux d'intérêt supérieurs à ceux que doit payer l'État fédéral. Ce matin, j'ai consulté les taux des obligations pour la ville d'Ottawa qui paie 2,25 % sur les obligations de cinq ans. La région de Halton, en périphérie immédiate de Toronto, paie 2,54 % pour les obligations du même terme. Le taux payé par l'État fédéral, pour ses obligations du même terme serait de 0,82 %, soit, en gros, 1,5 % de moins que ce que paient les grandes villes. À l'instar des hypothèques, des taux d'intérêt supérieurs signifient des coûts plus élevés pour les villes et des droits plus élevés pour les usagers canadiens.
    Une banque d'investissement dans les infrastructures pourrait emprunter à des coûts moindres, près du taux fédéral. Pour sa part, le taux d'emprunt que paie l'État fédéral est près d'un minimum sans précédent, vu la demande incroyable dont ses obligations font l'objet. Autrement dit, les investisseurs se les arrachent, ce qui en élève le prix et en abaisse le rendement. La banque pourrait en profiter et refiler les économies aux villes.
    Cependant, je crains que, à cause de sa structure actuelle, cette banque n'atteigne pas l'objectif de réduire des coûts d'emprunts pour les villes, et que, en fait, il n'obtienne le résultat exactement contraire. L'organisme proposé semble répondre aux besoins des investisseurs et non à ceux des villes. En fait, l'apport d'aucun gouvernement, comme on le dit explicitement et bizarrement, n'est nécessaire pour accéder aux fonds par le truchement de la banque, dont il semble que l'objectif privilégié sera les partenariats public-privé, les PPP, et non le financement à moindre coût. La conséquence prévisible sera que les taux d'intérêt imposés aux villes sur les projets de la banque seront de 7 % à 9 % plutôt que de 0,08 %, le taux d'emprunt fédéral en vigueur. Autrement dit, la structure qu'on propose multipliera les taux d'intérêt par 10.
    Comme pour les hypothèques, des taux d'intérêt sensiblement plus élevés entraînent le paiement de taux supérieurs pendant la vie du projet, et ces coûts supérieurs sont supportés par les gouvernements, les usagers ou les deux.
    Les municipalités ne sont pas aveugles, préférant souvent le financement public, en raison de ses coûts inférieurs à ceux des PPP. Ce n'est pas un problème hypothétique. En 2014, la vérificatrice générale de l'Ontario a examiné pour 28 milliards de dollars de projets de PPP entrepris par le gouvernement de cette province, un montant, entre parenthèses, semblable à celui qu'envisage la banque fédérale. La vérificatrice avait conclu que les PPP ajoutaient 8 milliards aux 26 milliards des projets, un surcoût presque entièrement attribuable aux coûts supérieurs d'intérêt et supporté par le gouvernement de la province et, en fin de compte, par les Ontariens pour augmenter les profits des consortiums des PPP.
    J'encourage votre comité à recentrer la mission de la banque de l'infrastructure sur l'abaissement des taux d'intérêt pour les municipalités tout en accélérant leur accès à des prêts pour infrastructures.

  (1715)  

    La réorientation des priorités de la banque sur les besoins des villes plutôt que des investisseurs servira au mieux les intérêts des Canadiens en maintenant les coûts et les frais d'utilisation peu élevés, tout en encourageant les villes à faire appel à la banque en raison de ses taux concurrentiels.
    Je vous remercie infiniment de votre attention, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Macdonald.
    C'est maintenant au tour de M. Romoff, président et chef de la direction du Conseil canadien pour les partenariats public-privé.
    Monsieur le président, coprésidents et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Je suis heureux de m'adresser à vous au nom du Conseil, une organisation sans but lucratif, non partisane et composée de membres qui représente l'ensemble des instances gouvernementales du Canada ainsi que le secteur privé. Sa mission consiste à faire valoir des méthodes judicieuses, novatrices et modernes pour le développement des infrastructures et la prestation de services, au moyen de partenariats public-privé, ou PPP. Le Conseil préconise les politiques gouvernementales fondées sur des données probantes, sensibilise les intervenants et les collectivités sur les avantages économiques et sociaux des PPP, et favorise l'adoption des pratiques exemplaires d'ailleurs dans le monde pour continuer d'être les meilleurs dans notre domaine.
    Je tiens à souligner que le Conseil n'est pas un groupe de pression. Au contraire, il travaille en partenariat avec les gouvernements pour leur permettre d'obtenir les meilleurs résultats et d'offrir la meilleure valeur aux contribuables, grâce à leurs investissements respectifs dans l'infrastructure.
    Le Conseil est ravi d'appuyer aujourd'hui le projet de loi C-44, et plus particulièrement les dispositions sur la création de la Banque de l'infrastructure du Canada.
    Je sais que les membres du Comité sont bien conscients que, indépendamment de la taille du déficit canadien en matière d'infrastructure — que certains estiment à environ 1 000 milliards de dollars — et des défis budgétaires que tous les gouvernements du pays doivent relever, un investissement continu dans les infrastructures est absolument indispensable puisqu'il stimule la création d'emplois, la productivité, la croissance économique et la prospérité, de même que la compétitivité à l'échelle mondiale. C'est pour cette raison que le Conseil a appuyé les programmes d'infrastructure à long terme des gouvernements successifs visant à combler le déficit du pays en matière d'infrastructure. On notera bien sûr à cet égard l'investissement fédéral sans précédent et ambitieux de 186 milliards de dollars pour les 12 prochaines années.
    Nous serons les premiers à dire que le gouvernement ne peut pas y arriver seul. Aucune instance gouvernementale n'a l'argent ou l'expertise nécessaire pour créer l'infrastructure de calibre mondial requise pour faire croître l'économie canadienne et améliorer le bien-être social de nos citoyens. C'est pourquoi la création de la Banque de l'infrastructure du Canada est une initiative aussi intéressante et novatrice qui arrive à point nommé.
    Comme vous le savez, la banque a pour mission de réaliser des projets d'infrastructure générant des revenus en attirant des investisseurs privés. L'injection de fonds privés permet au gouvernement de mieux utiliser les deniers publics afin de réaliser un vaste éventail de projets d'infrastructure, comme de nouveaux systèmes d'aqueduc, des logements sociaux, des installations récréatives et culturelles et des infrastructures dans les réserves.
    Le Canada est reconnu pour la réussite de ses partenariats avec le secteur privé. L'idée de faire participer le secteur privé à la conception, à la construction, au financement, à l'entretien et même à l'exploitation d'infrastructures publiques essentielles ne date pas d'hier au Canada. Nous avons une longue tradition de PPP fructueux au pays. Le modèle canadien a donné lieu à des infrastructures de qualité, qui ont été construites dans le respect des délais et du budget, et qui offrent une valeur exceptionnelle aux contribuables. Ce résultat est surtout attribuable à la rigueur et à la discipline que le secteur privé apporte au processus d'approvisionnement.
    Il y a actuellement 258 PPP au Canada. La valeur des installations déjà en activité ou en construction dépasse les 122 milliards de dollars, ce qui comprend toutes sortes de projets, comme des hôpitaux et des établissements de soins longue durée, des routes, des ponts, des transports en commun et des installations de traitement de l'eau et des eaux usées. Il est important de souligner que, dans tous les cas, ces projets demeurent de propriété publique et restent sous le contrôle de l'État. Il ne s'agit en aucun cas de privatiser les actifs du gouvernement.
    D'après l'estimation indépendante du Canadian Centre for Economic Analysis, les PPP auraient permis aux Canadiens d'économiser jusqu'à 27 milliards de dollars depuis leurs 25 années d'existence. Il a été démontré que ces projets sont construits 13 % plus vite que ceux qui sont réalisés de la façon traditionnelle, ce qui a apporté 11 milliards de dollars de plus à l'économie canadienne.
    Surtout, les PPP créent 115 000 emplois et génèrent en moyenne 5 milliards de dollars chaque année en salaires additionnels. Grâce à cette excellente feuille de route, les PPP canadiens sont reconnus comme étant les meilleurs au monde.

  (1720)  

    Au fil des ans, Nanos Research a démontré que 7 Canadiens sur 10 sont toujours en faveur des PPP et reconnaissent que le secteur privé est mieux outillé que le gouvernement pour réaliser des projets de grande qualité dans le respect des délais et du budget.
    L'expérience canadienne en matière de PPP prouve qu'il ne manque pas de capital privé à investir dans l'infrastructure canadienne, et que le secteur privé est prêt à assumer un risque considérable pour appuyer ces projets. Nous avons un problème de fonds au Canada, mais pas de financement. Si elle est structurée adéquatement, la Banque de l'infrastructure du Canada pourra selon nous mettre davantage à contribution les deniers publics en transférant le risque lié aux revenus et en réduisant les dépenses publiques, tout en s'assurant que les projets sont livrés à temps et dans le respect du budget, puis qu'ils sont bien entretenus tout au long du cycle de vie de l'actif.
    Lorsque je parle d'une structure adéquate, je veux dire que chaque projet qui fait appel à la Banque de l'infrastructure doit d'abord et avant tout avoir fait l'objet d'une analyse commerciale solide. Aussi, le processus d'approvisionnement qui en découle doit être concurrentiel, efficace, transparent et équitable. Il faut aussi reconnaître que tous les gouvernements n'ont pas la capacité ou l'expertise nécessaire pour réussir des projets importants, complexes et générateurs de revenus qui relèveront de la Banque.
    Dans ces circonstances, nous demandons instamment au gouvernement de créer un fonds pour la préparation au projet qui serait à la disposition des instances provinciales, territoriales, municipales et autochtones qui sont moins expérimentées. L'argent leur permettrait de faire appel aux services de consultation et aux conseillers dont ils ont besoin pour réussir la mise en marché de leurs projets.
    Aux yeux du Conseil, la Banque de l'infrastructure du Canada est un autre outil dans la trousse du gouvernement qui lui permet de réaliser des infrastructures de qualité supérieure pour les Canadiens, et d'assurer une meilleure stabilité économique aux collectivités d'un bout à l'autre du pays. Nous croyons que la Banque peut attirer des capitaux privés et s'inspirer du modèle canadien de PPP réussis. Nous sommes les premiers à affirmer que les PPP ne sont pas une panacée, mais lorsqu'ils sont créés pour les bonnes raisons et les bons projets, ils produisent des résultats tangibles dans l'intérêt des Canadiens.
    Maintenant que l'emplacement de la Banque a été décidé, les prochaines grandes étapes consistent à recruter un président compétent et expérimenté, un conseil d'administration et un PDG qui, ensemble, viendront étoffer cette nouvelle institution. Mon Conseil est convaincu que sous une direction forte et déterminée, la Banque de l'infrastructure du Canada sera bien placée pour continuer à mener le pays sur la voie du succès, et nous sommes heureux d'appuyer la loi dont le Comité est saisi.
    Je vous remercie infiniment. Je serai ravi de répondre aux questions.
    Merci beaucoup.
    Le prochain intervenant est M. Siemiatycki, qui témoigne à titre personnel.
    Je m'appelle Matti Siemiatycki, et je suis professeur agrégé en géographie et en planification à l'Université de Toronto. J'ai passé les 15 dernières années à étudier l'infrastructure, et plus particulièrement les partenariats public-privé, ou PPP. Au cours de la dernière année, je me suis surtout intéressé à la Banque de l'infrastructure.
    J'ai d'ailleurs rédigé deux rapports à ce sujet, qui donnent des détails sur le rôle et la structure de cette entité. Depuis que j'étudie la Banque de l'infrastructure, son rôle a changé. Il est passé d'un rôle de financement à faible coût des municipalités à un rôle visant à attirer du capital privé et à investir dans des infrastructures génératrices de revenus.
    Dans le cadre de mes études, je me demande sans cesse quelle est la valeur de cette banque. À la lecture des commentaires et des discussions publiques sur la Banque, il est question de déterminer sa valeur publique et d'évaluant l'avantage de se doter d'un établissement semblable. Nous souhaitons notamment savoir quels types de projets feront l'objet d'un investissement. Permettez-moi donc de prendre quelques minutes pour vous parler de ces idées, c'est-à-dire la valeur publique de la Banque, et le type de projets qui seront réalisés.
    Je pense qu'il faut d'abord comprendre quelques éléments fondamentaux relatifs au secteur de l'infrastructure au Canada. Premièrement, la plupart des biens d'infrastructure dans les secteurs qui préoccupent les Canadiens, et que le gouvernement a priorisés, ne couvrent pas leurs coûts d'exploitation, et encore moins leurs coûts d'immobilisations à l'aide de frais d'utilisation. Cela comprend le transport en commun, la plupart des routes sans péage, bon nombre de nos systèmes d'approvisionnement en eau et notre parc immobilier abordable. La plupart de ces actifs ne recouvrent pas leurs coûts au moyen de frais d'utilisation, y compris VIA Rail.
    Cela signifie que la Banque ne versera pas de sommes supplémentaires à ces secteurs. Il ne s'agit pas de fonds additionnels. Tout argent investi grâce à la Banque devra être remboursé d'une façon ou d'une autre. L'argent proviendra soit de frais d'utilisation qui n'existent pas sur ces classes d'immobilisations, soit d'une autre source gouvernementale. À l'exception des projets qui perçoivent des frais d'utilisation, il ne s'agit pas de fonds nouveaux permettant d'accroître les ressources. C'est une technique de financement, et non pas de nouveaux fonds. Nous devons l'établir clairement.
    Si la Banque se concentre sur les projets qui génèrent des revenus, cela réduira la portée des projets qui seront vraiment rentables et intéressants. N'oubliez pas que nous avons beaucoup parlé des investisseurs institutionnels. La raison pour laquelle ces entités n'ont pas beaucoup investi au Canada jusqu'à présent, c'est par manque de flux des occasions d'investir. Ils ne s'intéressent pas à ce genre d'actifs, mais plutôt aux projets de très grande envergure, qui ont généralement une valeur minimale de 500 millions de dollars, pouvant aller jusqu'à un milliard de dollars. Ils veulent des projets astronomiques dans lesquels ils peuvent obtenir une participation. Jusqu'à maintenant, ces types de projets n'ont pas souvent été réalisés au Canada.
    Le troisième point à soulever, c'est que les provinces et les municipalités fournissent la plupart des infrastructures au Canada. La Banque de l'infrastructure fédérale devra donc favoriser la collaboration. Elle ne proposera pas de projets, et elle devra collaborer tant avec des investisseurs privés qu'avec des instances provinciales et municipales, qui sont bien souvent responsables des approbations, de l'exploitation et de l'entretien des actifs.
    En quatrième lieu, il existe déjà des institutions au pays qui fournissent plusieurs de ces services. Les organismes de financement des provinces et des Premières Nations offrent déjà un financement peu coûteux aux municipalités. Il existe également des organismes de PPP dans tout le pays qui apportent une expertise et un soutien. N'oublions pas que la plupart des projets de PPP au Canada sont provinciaux, et non pas fédéraux. Nous devons comprendre ces chevauchements organisationnels et nous assurer de bien collaborer avec cette institution.
    Enfin, comme Mark l'a mentionné, nous avons beaucoup utilisé les modèles de PPP d'un bout à l'autre du pays, de sorte qu'il y a déjà des capitaux privés du côté des infrastructures.
    Après cette mise en contexte, la question qui se pose est la suivante: quel rôle la Banque de l'infrastructure peut-elle jouer? Je suis d'avis que la véritable occasion à saisir consiste à opter pour des projets non conventionnels, novateurs et d'importance nationale. Je parle de vrais gros projets qui changent la donne, de projets ambitieux qui amèneront le Canada dans une autre direction, de projets au financement non conventionnel qui sont payés au moyen de frais d'utilisation.

  (1725)  

    À mon avis, ce ne sera pas pour les projets typiques de construction routière ou de transport en commun, mais plutôt pour de très grands projets à long terme, des projets qui nécessitent souvent de nombreux partenaires, et qui s'accompagnent donc d'un risque et de la nécessité de rassembler ces partenaires. Les revenus proviendront de nombreuses sources, pas seulement des frais d'utilisation, mais peut-être aussi d'une combinaison de sources qui permettront alors de payer les capitaux et l'exploitation de l'infrastructure. Enfin, il s'agira de projets hautement risqués pour tous les partenaires, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, à savoir le gouvernement, mais en revanche, ils pourraient être grandement profitables à toutes les parties.
    Je peux vous donner quelques exemples de projets auxquels je pense afin de vraiment bien les cerner. Il y a entre autres le réaménagement d'un secteur riverain. Nous pouvons penser à un projet comme le réaménagement des terrains portuaires à Toronto. En investissant dans la protection contre les inondations dans cette zone de la partie est du centre-ville de Toronto, nous exploitons un potentiel de réaménagement de terrains se chiffrant à des milliards de dollars. Un seul investisseur ne sera pas en mesure de prendre les devants et d'investir dans la protection contre les inondations, mais il pourra participer aux projets d'immobilier et de transport une fois que les terrains seront prêts. La banque pourrait jouer un rôle en catalysant ce genre de développement.
    Les projets de transport en commun sont un autre domaine où le transport et l'utilisation des terres pourraient être regroupés dans le même genre d'entente. Habituellement, le transport et l'utilisation des terres sont deux entités distinctes. Nous avons l'occasion de les regrouper pour générer des revenus, non seulement au moyen des tarifs du transport en commun, mais aussi grâce au potentiel de réaménagement autour des stations. Ces projets permettraient également de percevoir des loyers. Ce sont des projets innovateurs de transport en commun.
    Les carrefours communautaires nous offrent une autre occasion de recourir à une utilisation multiple des terrains en jumelant des écoles publiques avec des centres de loisirs, et en essayant de financer cela en partie grâce au développement. Dans nos collectivités en forte croissance, nous avons de réelles occasions de mettre à profit le développement pour payer une partie de l'infrastructure et bâtir des collectivités fortes et intelligentes.
    L'énergie verte offre des débouchés en matière de déchets et d'eau. Il y a la possibilité de créer des réseaux énergétiques de quartier dans certaines de ces régions en forte croissance. Dans un quartier de Toronto, un projet de centrale de production d'énergie n'a pas pu aller de l'avant tout simplement à défaut d'avoir les capitaux nécessaires. Le projet aurait été payé au fil du temps par le réaménagement du terrain et les logements en copropriété, mais on n'a pas réussi à rassembler la somme nécessaire pour payer les coûts initiaux.
    Enfin, il y a l'infrastructure sociale. Il existe des exemples incroyables de projets qui regroupent des utilisations très créatives auxquelles vous ne penseriez pas. Il existe entre autres un projet de logements en copropriété et de refuge pour sans-abri se trouvant dans le même immeuble. Les revenus générés par les copropriétés servent à payer une partie du coût du terrain pour le projet.
    Je pense que c'est le genre de possibilités pour lesquelles la banque peut jouer un rôle. Je veux reprendre ce que les autres témoins ont dit, à savoir que la planification fondée sur des données probantes doit être au coeur de ces démarches. Comment pouvons-nous établir l'ordre de priorité des différentes options et des différents projets et choisir entre eux? Je pose la question parce que la banque recevra beaucoup de demandes de financement. Comment payerons-nous pour ces projets?
    Par ailleurs, la banque doit jouer le rôle de centre d'excellence qui est prévu dans la loi. Cela pourrait être une occasion en or.
    Merci.

  (1730)  

    Merci.
    Les trois premiers intervenants auront chacun cinq minutes pour poser des questions, et nous verrons ensuite où nous en sommes.
    Madame O'Connell, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de vos témoignages.
    Je veux donner suite aux propos du dernier intervenant concernant la valeur. Ma circonscription comprend deux municipalités: une municipalité de banlieue à côté de Toronto et une municipalité rurale plus au nord. Les services à large bande, par exemple, représentent une autre question importante en matière d'infrastructure. Nous avons beaucoup parlé du transport en commun. À propos de la valeur, monsieur Macdonald, vous avez dit quelque chose d'intéressant concernant l'augmentation possible des coûts.
    Lorsqu'on ne tient compte que des taux d'intérêt ou des taux d'emprunt, par exemple, ma municipalité régionale a une cote de crédit AAA, ce qui signifie que nous pourrions contracter un prêt relativement bon. J'y pense, et je trouve que c'est intéressant compte tenu de mon expérience dans le milieu municipal, mais les administrations municipales ne pensent pas ainsi. Elles ont tendance à se dire que c'est un projet et une initiative dont elles ont besoin.
    Les services à large bande sont un exemple parfait, car nous savons que les possibilités de croissance seraient illimitées. De plus, si l'une de nos municipalités devait les financer — et la personne qui me représentait au conseil municipal avait l'habitude de dire que c'était avec des « centaines de dollars » —, ce serait hors de question. En revanche, ce serait beaucoup plus réaliste si nous avions des partenaires, même si le taux d'intérêt est plus élevé et que nous devons assumer 25 ou 50 ¢ par dollar. Tout compte fait, le taux d'intérêt du projet serait peut-être plus élevé, mais nous ne serions pas les seuls à le financer.
    De plus, parce qu'il n'y a qu'un seul contribuable, si je m'adressais aux contribuables de ma collectivité, il pourrait me dire que si je veux donner suite au projet sans banque de l'infrastructure, le taux d'intérêt serait moins élevé, mais nous paierions le coût total du projet. Par contre, s'il y avait des investissements privés, ils me diraient que même si le projet dans son ensemble est assorti d'un taux d'intérêt plus élevé, les contribuables paieraient moins et n'assumeraient pas tout le risque.
    Cela fait partie selon moi de la valeur de la facture dans une perspective d'ensemble. Il est question d'ajouter des partenaires et de partager le risque et les coûts pour pouvoir transformer l'infrastructure. Ce n'est pas un projet de trottoir, de parc ou autre.
    Comme mon temps est limité, je vais m'arrêter ici et voir si vous avez des réflexions ou des divergences d'opinions à ce sujet.

  (1735)  

    Mark, allez-y.
    Vous avez parlé des services à large bande, qui sont un excellent exemple selon moi. Vous savez peut-être que dans les Territoires du Nord-Ouest, la fibre est mise en place jusqu'à la vallée du Mackenzie dans le cadre d'un projet PPP. C'est un projet qui a été mis de l'avant en tant que partenariat public-privé, et l'objectif, bien entendu, est de connecter toutes les collectivités éloignées.
    Au Manitoba, un autre projet en cours a pour but de réunir 57 communautés des Premières Nations. Une fois de plus, l'objectif est de connecter ces communautés au moyen de la bande passante.
    Ce sont des projets distincts qui vont de l'avant dans le cadre de partenariats publics-privés. Le secteur privé est grandement intéressé par le financement de ces initiatives pour les mener à terme.
    Ce qui serait intéressant dans le cas de la banque de l'infrastructure du Canada, c'est que si on donnait suite à la stratégie d'accès à Internet à large bande et qu'on réalisait à grande échelle le potentiel de ces petits projets, car le Canada, comme vous le savez peut-être, a déjà été un chef de file en matière de services à large bande, et il a maintenant pris pas mal de recul... Je pense que si nous voulons sérieusement appliquer une norme mondiale en offrant une technologie de cinquième génération ou une technologie supérieure, nous devons mettre en place l'infrastructure nécessaire.
    Vous avez mentionné ce qui est selon moi un projet très intéressant.
    Je vais juste souligner un autre point. Au Conseil, nous faisons la promotion de l'approche qui consiste à ne creuser qu'une seule fois, ce qui signifie que chaque fois que le gouvernement soulève une pelletée de terre, surtout lorsqu'il s'agit de grands projets, il doit profiter de l'occasion pour installer la fibre afin d'accroître notre capacité à transmettre des gigaoctets. C'est une erreur d'arrondissement du coût, par rapport au principal projet en cours.
    Monsieur Macdonald, c'est à votre tour.
    Je pense que rien n'empêche les municipalités d'avoir d'autres partenaires dans leurs projets. La vraie question, c'est de savoir quel rôle jouera ou non la banque de l'infrastructure.
    Si la banque de l'infrastructure vous force à entamer un projet avec un taux d'intérêt de 10 % plutôt que de vous proposer un taux de 1 %, la différence sera énorme, peu importe qui finit par assumer le coût, que ce soit le contribuable, l'usager ou l'administration municipale. L'écart entre les taux d'intérêt est énorme, surtout dans les projets à long terme. Plus le projet est long, plus le coût associé au taux d'intérêt est élevé.
    Je crois que le rôle de la banque de l'infrastructure fédéral est d'obtenir la meilleure entente possible pour les municipalités afin qu'elles payent le taux d'intérêt le plus faible possible, plutôt que de leur imposer des structures de PPP dans lesquelles elles payent le taux supérieur.
    Matti, allez-y.
    Ce que je veux savoir à ce sujet, c'est quelle est la source ultime de financement, pas la source de financement des coûts initiaux, mais la source ultime du financement à long terme, sans perdre de vue que ces projets auront des coûts permanents de fonctionnement et d'entretien qui devront être assumés.
    Si les services à large bande ne sont pas encore offerts, c'est probablement parce qu'ils ne sont parfois pas considérés comme rentables. Quelqu'un devra les subventionner. La banque de l'infrastructure sera-t-elle un organisme de subventions à long terme? Ces subventions proviendront-elles du gouvernement provincial ou de l'administration municipale, ou y a-t-il d'autres moyens de structurer l'entente? Voilà le genre de question qui déterminera quel type de projet est viable.
    Merci à tout le monde.
    Monsieur Liepert, vous avez la parole.
    Monsieur Romoff, pendant les 25 années de l'existence des PPP au Canada, a-t-il été très rare que le gouvernement soit un des partenaires financiers du consortium?
    Si vous parlez de financement, l'objectif n'est pas que le gouvernement devienne un partenaire financier. Nous parlons de projets dans lesquels des acteurs du secteur privé assument une partie du financement au moyen de sources privées. C'est essentiel aux projets, car ces acteurs sont personnellement engagés. Vous pouvez être certains qu'ils honoreront toutes les obligations contractuelles et qu'ils respecteront les délais et les exigences contractuelles, car ils feraient autrement face à des sanctions.

  (1740)  

    Le véritable avantage de l'aspect public des partenariats publics-privés est de ne pas nécessairement avoir à assumer tous les coûts initiaux. Ces coûts sont répartis sur 25 ou 30 ans, peu importe de quoi il s'agit, tandis que la banque de l'infrastructure... Je ne vais pas l'appeler une banque, car je ne pense pas que c'en est une. C'est une entité de l'infrastructure. En injectant 35 milliards de dollars dans cette entité, il est fort probable que le contribuable devienne à l'avenir un partenaire public dans certains de ces projets. Comme Matti — je vais vous appeler Matti — l'a correctement indiqué, il s'agit là du grand risque couru, et vous déciderez si vous voulez prendre ou non un risque politique. Vous prenez donc ce risque au moyen de fonds publics dans le cadre du concept d'organisme de l'infrastructure plutôt que dans le cadre d'un PPP où, pour être franc, il n'y a pas de risque. Cela se fait à l'aide d'un contrat, en vertu duquel vous déboursez de l'argent pendant 25 ans.
    Matti, est-ce une bonne façon de décrire la différence?
    À vrai dire, j'expliquerais la différence des modèles au moyen d'une échelle. On peut projeter la réalisation de projets sur une échelle allant d'une responsabilité assumée par le secteur public à une responsabilité assumée par le secteur privé. La construction traditionnelle se situe du côté public, et la privatisation complète, du côté privé. Les PPP et leurs différentes variantes sont quelque part au milieu. Dans ce cas-ci, on se rapproche davantage du côté privé du spectre. Nous verrons alors les façons dont les ententes sont structurées, et l'endroit d'où provient le financement. Il n'est pas seulement question du financement, mais aussi des sources de financement qui sous-tendent ce genre de projets et du rôle qui sera joué par le gouvernement.
    Le financement continu est une chose qu'on voit actuellement dans de nombreux modèles de PPP, mais vous dites qu'il est probable que la nouvelle entité vise des projets qui ne seraient vraisemblablement pas mis en branle dans le cadre du modèle traditionnel compte tenu du risque accru.
    Je pense que c'est vrai, et je crois que ces projets vont vraiment repousser les limites, mais qu'ils pourraient se révéler très avantageux. Dans les modèles de PPP que nous avons au Canada, l'objectif est d'optimiser le financement privé, pas de le maximiser, car le financement privé coûte cher. On y a recours pour garantir le transfert des risques. Dans le modèle de la banque de l'infrastructure, nous adoptons une approche différente. Nous essayons d'obtenir du financement au moyen de projets qui peuvent se traduire par de nouvelles sources de revenus afin d'avoir un plus grand morceau du gâteau. On conçoit ainsi une nouvelle approche.
    Merci, monsieur Liepert.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Tous les témoins peuvent répondre. La banque de l'infrastructure nécessitera du personnel, de la publicité et de l'entretien. Le secteur privé devrait-il assumer une partie des coûts? Devrions-nous également ajouter à cela notre coût d'emprunt inférieur, notre contribution? Notre coût d'emprunt inférieur est certainement un aspect très important pour brosser un portrait avantageux du projet dans son ensemble.
    Je vais commencer par M. Macdonald. Le coût de la banque de l'infrastructure proprement dite devrait-il être entièrement assumé par les contribuables à titre de dépense? Devrions-nous le partager moitié-moitié, ou recourir à une autre structure? De quoi devons-nous tenir compte au moment de conclure l'entente assortie de l'avantage important que représente un faible coût d'emprunt que personne d'autre ne peut obtenir? Devons-nous en tenir compte dans les coûts globaux assumés par les contribuables afin de payer pour la banque de l'infrastructure proprement dite?
    Peut-être. Nous verrons. On s'entend probablement pour dire que les coûts de la banque de l'infrastructure devraient être assumés par les emprunteurs au bout du compte. Votre comité doit se poser cette question pertinente en ce qui a trait à l'objectif de la banque. S'agit-il de réduire le coût des taux d'intérêt, d'utiliser les faibles taux d'intérêt du gouvernement fédéral pour abaisser le coût assumé par les villes qui se serviront de l'argent? Est-ce un véhicule pour les investisseurs afin d'obtenir le 7 ou 9 % dont ils ont besoin pour rembourser les revenus nécessaires au titre des régimes de pension? Les deux sont possibles. C'est la décision de votre comité.
    Pour l'instant, aucune des fonctions énumérées dans le projet de loi C-44 n'indique que l'objectif de la banque est de produire des taux d'intérêt dérisoires pour les municipalités. On ne parle pas des taux d'intérêt dans les fonctions de la banque. Par contre, on parle des investisseurs et de leurs besoins.
    Monsieur Romoff.

  (1745)  

    Merci.
    À mes yeux, cette entente est similaire à la création d'une société d'État. Si vous voulez savoir qui paiera les coûts de fonctionnement quotidiens de l'entité, je pense que cela revient au gouvernement étant donné que c'est une société d'État.
    L'essentiel, en ce qui a trait au mandat, au genre de projets et au travail accompli par l'entité, c'est manifestement le choix, comme je l'ai mentionné plus tôt, d'un bon président et d'un bon PDG. Ce sont eux qui partiront d'un concept qui évolue encore pour ensuite le concrétiser.
    Juste avant votre réponse, je vais poser rapidement quelques questions pour que vous puissiez y revenir de nouveau. À l'heure actuelle, les profits des PPP reviennent-ils aux Canadiens, aux entreprises canadiennes, ou sortent-ils du pays pour se retrouver entre les mains d'investisseurs étrangers? Les deux questions s'adressent à vous, et nous poursuivrons ensuite la discussion pour donner l'heure juste.
    Merci, monsieur le président.
    En ce qui concerne votre premier point, il y a déjà des institutions dont le rôle à l’échelle provinciale consiste à réduire les coûts d’emprunt. Six ou sept provinces disposent déjà de sociétés emprunteuses à l’échelle municipale. Elles recouvrent au moins une partie de leurs coûts en facturant une faible cotisation aux administrations municipales qui empruntent. Par conséquent, il y a déjà des institutions de ce genre.
    Ce qu’il ne faut surtout pas perdre de vue, c’est que l’accès aux capitaux à l’échelle municipale n’est pas problématique. Le monde déborde de capitaux, et il y a des gens qui sont même disposés à acheter des obligations municipales. Le problème, c’est que nos municipalités n’ont pas les moyens de rembourser ces capitaux. Lorsqu’elles font des emprunts supplémentaires, cela accroît leurs coûts annuels et, compte tenu de leur fardeau fiscal, elles n’ont pas la capacité de les assumer. En tant que prêteur à coûts modiques, la Banque de l’infrastructure pourrait réduire légèrement leurs coûts, mais cela ne va pas changer la donne pour les municipalités, en particulier celles dont les budgets sont déjà très serrés.
    En ce qui concerne votre question à propos de l’affectation du financement en PPP, je préciserais qu’au Canada, les PPP ont attiré des fonds provenant de financiers internationaux. Les PPP ont séduit les financiers canadiens, mais aussi des créanciers et des investisseurs provenant de partout dans le monde. L’argent est donc réparti sur un vaste territoire.
    La parole est à M. Romoff, puis à M. Macdonald.
    Matti a tout à fait raison. Le processus concurrentiel, qui est la caractéristique distinctive des PPP du Canada, a fait converger tous les acteurs mondiaux vers le Canada, parce que c’est ici qu’on trouve le marché et la filière des projets. Les consortiums qui soumissionnent pour les projets canadiens importants sont de plus en plus internationaux par définition. Ils comptent de bons éléments canadiens, mais aussi de nombreux acteurs internationaux. Au bout du compte, les recettes seront partagées.
    Je dirais aussi, en ce qui concerne…
    Mark, pourrais-je demander à M. Macdonald de répondre à la question? Ensuite, nous allons devoir poursuivre parce que la sonnerie a retenti.
    Il n’est pas nécessaire que l’emplacement des PPP et le pays de résidence des investisseurs correspondent. L’Office d'investissement du régime de pensions du Canada est certainement l’un des plus importants investisseurs dans les PPP canadiens, mais les PPP pourraient tout aussi bien se trouver dans des paradis fiscaux, par exemple. L’une des nouvelles tendances dignes d’intérêt, que la Banque de l’infrastructure pourrait accentuer, c’est la subdivision des PPP en plusieurs tranches, de sorte qu’après environ cinq ans, aucun consortium ou entreprise n’est responsable à lui seul du financement des PPP. Les PPP sont divisés en 10 ou 20 tranches qui sont vendues une à une. Ainsi, les PPP pourraient avoir 10, 20 ou 30 propriétaires, les fonds d’investissement pourraient provenir des quatre coins de la planète, et il n’est pas difficile d’imaginer que les PPP ne rapporteraient pas de profits au Canada.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, vous pouvez entendre la sonnerie. Il faudra donc que nous finissions dans environ huit minutes.
    Monsieur Fergus, si vous pouviez poser quelques questions dans environ trois minutes…
    C’est seulement la sonnerie d’appel de 15 minutes?

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à nos invités.
    Tout d'abord, monsieur Siemiatycki, vous avez mentionné que l'avantage de la Banque de l'infrastructure est de permettre aux investisseurs de poursuivre des projets qui sont rentables. Ils ne seraient pas rentables selon le cadre actuel, parce qu'ils ne procurent pas de revenus, mais peut-être le seraient-ils si on ajoutait le développement de terrains autour d'un projet. Prenons l'exemple du transport collectif. Ce ne sont pas les revenus issus de la vente des billets aux usagers du transport collectif qui vont être profitables, mais plutôt le développement des terrains autour des stations.
    Est-ce que je vous ai bien compris?

  (1750)  

[Traduction]

    Ce serait une occasion d’établir un lien plus étroit entre les transports et l’utilisation des terres à l'aide des transports en commun. Lorsque nous étudions des villes à l’échelle internationale, comme Hong Kong, Singapour ou des villes japonaises, nous constatons qu’elles ont grandement profité du fait que le développement de nouveaux transports en commun, en particulier, ait été relié aux autres développements à proximité des stations. Cela vous permet de forcer la circulation à emprunter le réseau de transports et d’obtenir les recettes issues de la vente des billets. Cela accroît également les recettes tirées des développements.
    À mon avis, cela nous donne l’occasion de guider la construction des villes afin qu’elles soient mieux aménagées. Je pense que, si nous sommes vraiment optimistes par rapport à la banque, nous pouvons imaginer qu’elle incitera plusieurs partenaires à travailler ensemble au développement d’infrastructures à usage complémentaire qui stimuleront les revenus et encourageront la construction de villes mieux structurées. J’estime que c’est la possibilité que nous envisageons en ce moment.
    J’ajouterai simplement que nous parlons en ce moment d’un concept connu sous le nom de « récupération de la plus-value ». À l’échelle internationale, nous observons de plus en plus souvent la mise en oeuvre de projets — en particulier ceux liés à des transports en commun qui ont tendance à être des métros — qui permettent de récupérer la plus-value près des stations qui se trouvent le long de la voie. Cela permet bien sûr de développer des collectivités, mais aussi de générer des revenus pour tous les ordres de gouvernement, ce qui est tout aussi important.
    Nous avons en l'occurrence l’occasion d’être beaucoup plus créatifs et novateurs dans la façon dont nous construisons les infrastructures. C’est un autre moyen de générer des revenus qui profiteront à tous les ordres de gouvernement, outre les frais d’utilisation.
    Vous pouvez poser une autre brève question.
    Je présume que cela attirerait aussi de nouveaux investissements. Il s’agirait de nouveaux fonds investis dans le réseau et les infrastructures publiques, et non de fonds transférés.
    C’est la solution au problème. Si vous obtenez de nouvelles sources de revenus — qu’il s’agisse de sources de revenus liés au développement, de frais d’utilisation liés à l’actif en tant que tel, ou d’autres types de revenus qui ne proviennent pas des gouvernements —, vous disposerez de nouveaux fonds qui pourraient accroître la taille du gâteau. Je pense que c’est le genre de projets que la banque étudiera.
    Dans les situations où l’infrastructure n’est pas la source des revenus et il ne s’agit pas de frais d’utilisation, il faudra avoir une stratégie de financement. C’est comme régler une facture de Visa. Il vous faut toujours de l’argent pour la régler, et cet argent doit venir de quelque part.
    Monsieur Romoff ou madame Macdonald?
    J’approuve les observations de Matti. Je ne crois pas pouvoir ajouter quoi que ce soit d'autre.
    D’accord. Si vous êtes d’accord, nous allons entendre quatre brèves questions. M. Aboultaif passera en premier et sera suivi de MM. Ouellette, Deltell et Sorbara.
    Monsieur Aboultaif.
    Merci.
    J’ai une brève question à poser que j’adresse à tous. Pourquoi avons-nous besoin d’une banque de l’infrastructure?
    Monsieur Romoff.
    C’est avec plaisir que je répondrai à cette question en premier.
    Nous dirions que, selon nous, le raisonnement qui justifie la banque et la raison pour laquelle nous en avons besoin, c’est qu’elle permet à des projets de voir le jour qui, normalement, n’auraient pas vu le jour.
    J’entends par là qu’il pourrait y avoir des projets — plus tôt, Matti a fait allusion à deux ou trois d’entre eux — qui, habituellement, n’attireraient pas le secteur privé en raison des risques qui s’y rattachent. Grâce aux divers instruments qui seront à sa disposition, la banque pourrait en fait réduire dans une certaine mesure les risques que présente le projet et le rendre attirant pour les investisseurs internationaux. Premièrement, la banque permettra à un plus grand nombre de projets d’être exécutés, mais elle libérera aussi des fonds publics que le gouvernement pourra investir dans d’autres initiatives.
    À notre avis, tout le monde en sortira gagnant.
    Monsieur Macdonald.
    Je pense que l’un de ses principaux objectifs pourrait être de réduire les coûts d’emprunt, quoique Matti a certainement raison de dire qu’il y a des institutions provinciales qui, dans une certaine mesure, font déjà cela. J’estime que l’un de ses véritables aspects négatifs, c’est que, si elle ne vise pas à réduire les coûts d’emprunt, elle pourrait en fait les faire augmenter substantiellement, ainsi que d’autres coûts à long terme en ce qui concerne les frais d’utilisation ou les municipalités qui sont les utilisatrices finales de ces infrastructures.
    Monsieur Siemiatycki.
    Dans le projet de loi, on mentionne la notion d’un centre d’excellence en matière d’infrastructures et de collecte des données et, selon moi, nous ne devrions pas minimiser l’importance que le centre aurait. Nous devons apprendre à choisir des projets, à tirer des enseignements de nos expériences et à faire avancer ces projets d’une façon plus intelligente. Je pense que ces initiatives pourraient vraiment stimuler les avantages à long terme des projets dans un contexte où nous allons investir des dizaines, voire des centaines, de milliards de dollars dans des infrastructures au cours des 10 prochaines années.
    Monsieur Ouellette.

  (1755)  

    Vous m’avez maintenant intrigué. Je souhaitais vous poser une question à propos d’éventuels projets dans des collectivités autochtones.
    Mais, maintenant, je veux parler de la collecte de données. En quoi notre collecte de données n’est-elle pas adéquate? Les PPP que nous avons entrepris au cours des 10 ou 20 dernières années ont-ils été couronnés de succès?
    En tant qu’universitaire, je me pose moi-même cette question constamment. Mes étudiants et moi cherchons désespérément à obtenir des données probantes qui montrent réellement le rendement des projets, qu’il s’agisse de projets de PPP ou de projets traditionnels. Comment ces projets se comparent-ils les uns aux autres? Leurs expériences sont-elles comparables au chapitre du dépassement des coûts ou de l’entretien des biens?
    Nous entendons de nombreuses affirmations et de nombreux chiffres mentionnés au sujet du rendement de ces projets. Toutefois, au Canada, nous disposons de très peu de données solides pour procéder à leur évaluation. Je pense que la banque pourrait nous aider à comprendre l’incidence des modèles d’approvisionnement, du type de projets sélectionné et des divers entrepreneurs participants. Pouvons-nous apprendre quel genre d’entrepreneurs donnent un bon rendement, et dans quelles circonstances, afin que nous puissions mieux produire des infrastructures dans les années à venir?
    Je pense que c’est le potentiel qu’a la banque en matière de collecte de données, et ce potentiel ne devrait pas être minimisé. J’estime que c’est vraiment important.
    Monsieur Macdonald
    L’un des aspects intéressants de la collecte de données supplémentaires serait la possibilité de comparer l’utilisation de modèles traditionnels à celle de modèles de PPP dans le cadre de projets semblables, afin de déterminer les modèles qui donnent un meilleur rendement à long terme du point de vue des coûts, des taux d’achèvement, etc.
    Une banque de l’infrastructure comme celle-là permettrait d’établir ces comparaisons. Bien qu’elle soit très axée sur les PPP, la banque pourrait offrir aussi un financement traditionnel à des taux très faibles. Il serait intéressant de comparer en temps réel, et non rétrospectivement, le rendement de ces projets.
    Ou vous pourriez même comparer entièrement les projets publics avec les projets de PPP et les projets d’infrastructure…
    Oui, c’est exactement le scénario qui existe en ce qui concerne les quatre projets de voie de contournement de l’Alberta, parce que trois d’entre eux ont été exécutés dans le cadre de PPP et que l’un d’entre eux a fait l’objet d’un approvisionnement traditionnel. Si nous disposions des données complètes sur ces projets… Nous avons une occasion de procéder sur place au genre d’analyse que nous aimerions tous effectuer.
    Il est remarquable de voir à quel point les données que les gouvernements recueillent à l’échelle nationale sont limitées en ce qui concerne les processus d’approvisionnement traditionnels. Nous allons un peu plus loin dans le cas des PPP parce qu’ils sont examinés de très près et qu’une grande quantité de renseignements sur l’optimisation des ressources et d’autres sujets est affichée sur les sites Web des organismes d’approvisionnement. En revanche, il n’y a pas de renseignements équivalents sur les projets traditionnels.
    La dernière intervention est accordée à M. Macdonald. Soyez bref parce qu’il ne nous reste que…
    En fait, je ne suis pas de cet avis en ce qui concerne les contrats privés que les PPP négocient. Ces contrats privés sont appelés ainsi à juste titre. Par conséquent, faire preuve de transparence devient extrêmement problématique lorsque nous tentons de les évaluer après coup.
    Je suis désolé de vous avoir pressés, messieurs. Cependant, je pense que la séance nous a permis d’obtenir de précieux renseignements.
    Cela dit, nous devons nous dépêcher d’aller voter. Nous vous remercions de vos exposés et de l’intérêt que vous avez manifesté.
    La séance est levée.
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