Passer au contenu
Début du contenu

HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 154 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 juin 2019

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, il s'agit de la 154e réunion du Comité permanent de la santé, et c'est la dernière de cette législature.
    Nous avons aujourd'hui un programme très chargé. En fait, il y aura un vote. D'après ce que nous avons cru comprendre, la sonnerie retentira à 17 h 30. Je demande le consentement unanime pour que nous puissions siéger jusqu'à 17 h 45.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Merci beaucoup. Nous siégerons donc jusqu'à 17 h 45.
    Notre premier témoin est la commissaire Brenda Lucki, de la GRC. Elle sera avec nous pour la prochaine demi-heure.
    Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître, malgré le court préavis. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Étant donné le peu de temps dont nous disposons pour cette série de questions, chaque parti aura droit à une intervention. Nous allons commencer par...
    Pardon, madame Lucki, vous allez faire une observation préliminaire de 10 minutes. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Je tiens d'abord à dire que la GRC prend très au sérieux toute allégation signalée d'activités et d'incidents criminels et s'engage à continuer d'offrir des services axés sur la sécurité de nos collectivités.

[Français]

    De telles allégations peuvent porter sur la stérilisation forcée de femmes.

[Traduction]

    À la suite d'une consultation auprès des divisions contractantes de la GRC, les commandants divisionnaires ont constaté que, jusqu'ici, aucune allégation de stérilisation forcée n'a été signalée directement à la GRC. J'ai aussi fait des démarches auprès du président de l'Association canadienne des chefs de police pour qu'il m'aide à sensibiliser les autres services de police. L'Association a envoyé un bulletin à ses organismes membres, et un rapport devrait paraître sous peu. Les organismes membres étant pas mal nombreux, l'Association attend encore des résultats.
    Il est important de savoir que l'enquête sur une allégation de stérilisation forcée relèverait du mandat du service de police compétent. Par conséquent, il faut remettre toute preuve d'activité criminelle au service de police local compétent, là où l'infraction aurait été commise, pour qu'une enquête soit menée en bonne et due forme.

[Français]

    La GRC travaille de façon proactive avec les collectivités pour cerner les problèmes, établir les priorités parmi ceux-ci et les résoudre, de même que pour instaurer une confiance envers la GRC à titre de service de police.

[Traduction]

    Cette approche collaborative repose sur la philosophie selon laquelle la prévention est une fonction essentielle des services de police, grâce à des décisions fondées sur des données probantes et à des interventions qui sont durables, souples, dirigées par la collectivité et appuyées par la police. La GRC participe à ces efforts dans de nombreuses collectivités partout au pays et elle continuera de tendre la main avec professionnalisme et compassion afin d'accroître la confiance des collectivités qu'elle sert.
    Je dois ajouter que la compassion est l'une de nos valeurs fondamentales, mais honnêtement, je ne pense pas que ce soit suffisant dans le cadre de notre processus de modernisation. Je crois que nous devons miser plutôt sur l'empathie. Cette valeur correspond non seulement à la réconciliation, mais... Si nous pouvions tous — et quand je dis « nous », je parle de mon organisation — apprendre à nous mettre à la place d'autres personnes, nous comprendrions mieux leurs circonstances et, par conséquent, nous les traiterions différemment. Pour y arriver, il faut notamment offrir la formation nécessaire aux agents de la GRC dès leur arrivée au sein de l'organisation et continuer à le faire tout au long de leur carrière. À cet égard, nous avons instauré, à l'académie de formation, par exemple, l'exercice des couvertures de Kairos. C'est là une façon d'enseigner l'empathie et l'histoire.
    En plus de contribuer à bâtir des collectivités autochtones plus sûres et plus saines, c'est l'une des principales priorités de la GRC. Protéger la population canadienne contre les activités criminelles est primordial. Nous tenons à protéger nos collectivités et à parvenir à la réconciliation avec les collectivités et partenaires autochtones grâce à une relation renouvelée fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la confiance mutuelle, la collaboration et le partenariat.

[Français]

    Je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'était la plus courte déclaration préliminaire de 10 minutes que nous ayons eue.
    Nous allons tout de suite passer aux questions, en commençant par M. Ouellette.
    Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la commissaire, de votre présence aujourd'hui. Je suis vraiment heureux d'avoir l'occasion de vous poser des questions sur ces allégations très graves en ce qui concerne la stérilisation forcée de femmes, surtout autochtones, au Canada.
    Bien entendu, vous avez dit qu'aucune plainte n'a jamais été présentée à la GRC.

  (1535)  

     Je devrais peut-être donner plus de précisions. Lorsque nous vérifions nos dossiers, nous ne pouvons pas remonter indéfiniment dans le temps. Certaines choses sont éliminées en cours de route, en fonction de notre système de gestion des dossiers archivés. Par conséquent, nos recherches se limitent à tout ce qui a été déposé par voie électronique. Nous avons essayé d'utiliser divers mots-clés dans le système pour tenter de repérer tout ce que nous pouvions, mais nous n'avons rien trouvé.
    Y a-t-il un délai de prescription applicable à la stérilisation des femmes? Si une personne venait vous dire qu'elle veut porter une plainte, lui répondriez-vous que vous ne pouvez pas mener d'enquête parce que l'incident a eu lieu il y a 20 ans, 10 ans, 5 ans, ou peu importe?
    Cela dépend des circonstances, bien évidemment. Rien dans le Code criminel ne vise directement la stérilisation forcée. La disposition que nous invoquons est celle portant sur les voies de fait graves. Il y a aussi d'autres types d'infractions criminelles, selon ce que la victime dénonce dans sa déclaration ou l'examen des événements. Dans le cas de voies de fait graves, il n'y a pas de délai de prescription.
    De toute évidence, les médias font état de ce problème depuis plusieurs années déjà. Cela n'a rien de nouveau. Si les allégations qui font l'objet de débat dans la société sont fausses, je crois que cela mérite tout de même une enquête. Si elles sont vraies, cela mérite également une enquête. En fait, si elles sont fausses, c'est évidemment déjà dans les médias. Cela mine et détruit la réputation des gens: médecins, infirmières, travailleurs sociaux. Si elles sont vraies, il s'agit d'allégations très graves.
    Disons qu'une personne en a déjà parlé dans les médias. À quel moment la GRC, notre force de police nationale, lancerait-elle son enquête? Quel serait l'élément déclencheur? À quel moment reconnaîtriez-vous qu'un cas est suffisamment grave pour justifier la tenue d'un examen approfondi et l'intervention d'un enquêteur, ne serait-ce que pour avoir une conversation avec un avocat?
    Il est difficile de répondre à cette question. Lorsque, en ma qualité de commissaire, j'ai eu vent de ce problème, nous avons évidemment effectué toutes les recherches nécessaires, en plus d'examiner le rapport de l'autorité sanitaire régionale de Saskatoon.
    Cependant, il reste du travail à faire. J'ai remarqué que, lors d'une séance — je crois que c'était quelque part dans la transcription des délibérations —, on a mentionné plusieurs victimes, ainsi que le nom des défendeurs. Ces cas n'ont jamais été portés à notre attention; nous devrons donc faire des recherches à ce sujet. Bien sûr, nous pourrions faire face à des questions de protection des renseignements personnels dans le domaine des soins de santé, au moment d'essayer d'obtenir de l'information par l'entremise du système de santé. Dans le cas d'un crime commis contre une personne, les règles semblent toujours un peu plus difficiles, car il s'agit d'un type de crime très personnel. Vouloir faire une dénonciation n'est pas chose facile pour les gens, mais nous devons absolument pousser nos recherches pour voir si nous pouvons obtenir le nom des victimes et déterminer si elles veulent aller de l'avant.
    J'ai constaté, toujours à la lecture de la transcription des délibérations, que Mme Francyne Joe a parlé de choix éclairé. Cette notion s'applique également aux victimes d'actes criminels, parce que tout le monde n'est pas prêt à se manifester lorsqu'il s'agit d'un crime de nature si personnelle. C'est probablement la raison pour laquelle ces incidents ne sont pas signalés.
    Je serai honnête. Un autre facteur qui entre en jeu — et, là encore, c'est mentionné dans le rapport —, c'est le degré de confiance à l'égard de la police quand vient le temps de dénoncer un crime d'une telle nature. Certaines personnes ne pourraient même pas se rendre compte qu'il s'agissait d'un crime, selon les circonstances de l'incident. Nous devons maintenant examiner le tout et nous demander: « D'accord, y a-t-il une liste de victimes à qui nous pouvons parler et tendre la main, pour voir si elles sont disposées à fournir des déclarations? »
    À l'heure actuelle, quel est le degré de confiance entre les peuples autochtones et la GRC au Canada? Tenez-vous des statistiques là-dessus, et comprenez-vous les résultats des sondages à ce sujet? Manifestement, il s'agit d'un facteur très important à prendre en considération. Si une personne ne veut pas porter plainte, quelle en est la raison?
    Je crois que cela varie, et c'est différent dans tous les organismes. C'est pourquoi nous misons tant sur la réconciliation. Bien entendu, divers rapports ont été publiés. Nous cherchons toujours à nous améliorer. Cela dépend de la collectivité. Dans certaines collectivités, le degré de confiance est très élevé et, dans d'autres, pas tellement. Je suppose que cela dépend des expériences personnelles des habitants de ces collectivités.

  (1540)  

    Vous essayez évidemment d'établir une relation avec les collectivités autochtones, mais l'histoire de la GRC est également jalonnée d'actes d'oppression contre les peuples autochtones.
    Oui, c'était le cas au début, par souci de protection.
     C'est un point de vue.
    Le génocide est un des sujets qui ont été évoqués ces derniers temps, et il s'agit d'une accusation très grave. De toute évidence, vous avez un rôle très important à jouer dans le maintien de l'ordre public et la protection des droits de la personne.
    D'après vous, la GRC devrait-elle jouer un rôle plus actif pour mener des enquêtes et s'assurer qu'en cas de crimes commis contre des femmes au pays, l'État leur accorde une pleine protection contre ceux qui continuent de perpétrer de tels actes criminels?
    Un témoin nous a même dit que ces crimes sont toujours en cours ou, du moins, il y a des allégations à cet égard.
    Tout crime contre une personne doit faire l'objet d'une enquête. Chaque fois que nous recevons des plaintes, nous allons au fond des choses, même s'il s'agit de plaintes formulées par des tiers dans le cas de certains crimes de violence conjugale et de crimes contre la personne, car il n'est pas si facile pour les victimes de dénoncer de tels incidents.
    Si une tierce partie déposait une plainte, accepteriez-vous de procéder à la tenue d'une enquête?
    Pour ce qui est de lancer une enquête, si cela dépend de la volonté...
    Par exemple, si notre comité vous demandait d'enquêter sur ce problème de façon plus approfondie, commenceriez-vous à enquêter là-dessus, ou est-ce que vous attendriez que quelqu'un d'autre se manifeste?
    Nous commençons par essayer d'obtenir, par exemple, le nom des victimes parce que, bien évidemment, cette information figure dans les procès civils.
    Dans une lettre que j'ai reçue du député Davies, j'ai remarqué qu'il mentionnait le nom des victimes et des défendeurs. Étant donné les problèmes de protection des renseignements personnels, je ne suis même pas sûre que nous soyons autorisés à avoir ce genre de listes, mais bien entendu, si nous en avions le droit, ce serait certainement un point de départ.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Gladu.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, madame la commissaire, d'être venue aujourd'hui.
    Tout d'abord, à votre avis, selon les définitions qui sont en vigueur, est-il illégal d'effectuer une stérilisation forcée lorsqu'une personne donne son consentement durant un accouchement?
    La seule disposition législative à laquelle nous devons recourir est celle portant sur les voies de fait graves. À ce sujet, le Code criminel précise: « Commet des voies de fait graves quiconque blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger. »
    Chaque situation dépend des circonstances.
    D'accord.
    Pensez-vous qu'il serait utile d'adopter une mesure législative qui dénonce précisément la stérilisation forcée et qui définit ce qu'est le « consentement éclairé »?
    En me rendant ici, je me suis honnêtement demandé si j'avais une opinion là-dessus. Je n'en suis pas sûre. Je pense simplement que, pour l'instant, dans le contexte de la GRC, nous nous en remettons aux dispositions actuelles du Code criminel.
    D'accord.
    Des témoins nous ont dit qu'au moins un millier de Canadiennes ont subi une stérilisation forcée.
    Estimez-vous qu'il incombe au service de police local d'enquêter sur ces cas et qu'en l'absence d'une force policière locale, cette responsabilité reviendrait à la GRC?
    La question n'est pas de savoir si cela relève d'un service de police local ou de la GRC. Il s'agit plutôt de déterminer quel est le service de police compétent. Il faut toujours tenir compte du lieu de l'incident.
    Si un incident devait se produire, par exemple, comme il en a été question, dans un hôpital de Saskatoon, la police municipale de Saskatoon serait alors le service de police ayant compétence. Si cela survenait à l'extérieur de Saskatoon, c'est-à-dire partout ailleurs en Saskatchewan, sauf à Regina, la GRC aurait alors compétence.
    Je suis sûre que lorsque vous avez su que vous alliez comparaître devant notre comité, vous avez examiné la situation. Vous avez dit qu'il n'y avait aucun cas.
    Avez-vous découvert d'autres renseignements, et auriez-vous des recommandations à nous faire quant aux mesures que nous devrions prendre pour éviter que cela arrive à d'autres femmes?
    À vrai dire, nous nous sommes penchés sur la question il y a quelques mois, lorsque j'ai reçu une lettre du député Don Davies. Nous avons également demandé l'aide de l'Association canadienne des chefs de police. Chose certaine, comme je l'ai dit, nous avons fait des recherches, et il n'y a aucun cas qui a été signalé et qui a fait l'objet d'une enquête. Nous n'avons rien trouvé dans notre système. Il s'agit donc d'encourager les victimes à se manifester.
    J'ai bon espoir, car si des victimes ont porté des accusations au civil, elles voudront peut-être déposer des plaintes au criminel. Cependant, tout le monde doit faire un choix éclairé.

  (1545)  

    Merci.
    D'accord.
    Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame la commissaire, je vous remercie d'être parmi nous.
    Le Canada étant signataire de la Convention des Nations unies contre la torture, son bilan en matière de prévention et d'élimination de la torture et d'autres formes de traitement est examiné périodiquement par le Comité des Nations unies contre la torture. Le dernier examen de la situation au Canada a eu lieu en novembre, à Genève. Dans son rapport final, le comité a officiellement reconnu que la stérilisation forcée et répandue de femmes autochtones au Canada est une forme de torture.
    Le Comité des Nations unies a soumis au Canada une liste de recommandations, notamment celle voulant que le gouvernement du Canada veille à ce que toutes les allégations de stérilisation forcée ou contrainte fassent l'objet d'enquêtes impartiales.
    D'après vous, quelle institution au Canada devrait assumer la responsabilité première de veiller à ce que toutes les allégations de stérilisation forcée fassent l'objet d'enquêtes impartiales au pays?
    J'aurais à déterminer l'endroit où l'incident a eu lieu, parce que c'est ainsi que la loi fonctionne.
    Avez-vous des raisons de croire que certaines de ces stérilisations forcées pourraient avoir été pratiquées dans des régions qui relèvent de la compétence de la GRC?
    Oui, c'est possible.
    D'accord. Comme vous l'avez souligné, je vous ai écrit en février dernier, et je vous ai signalé qu'un recours collectif avait été intenté, un recours qui, à ce moment-là, nommait quelque 60 femmes à titre de plaignantes, et nommait le gouvernement fédéral, les autorités régionales de la santé et des médecins particuliers relativement à des incidents de stérilisation forcée. Je crois comprendre que, depuis, le recours collectif est passé à 100 plaignantes.
    Sachant cela, vous disposez d'une source potentielle de noms de victimes et d'une source potentielle de noms de défendeurs. Comme je présume qu'une source doit réunir des renseignements sur la date et la nature des incidents, cette information ne constitue-t-elle pas des éléments de preuve qui justifieraient la communication avec ces personnes et l'amorce d'une enquête?
    Il faudrait que nous obtenions le nom de la source et le nom des parties. Jusqu'à maintenant, nous assurons un suivi à cet égard. Nous ignorons dans quelle mesure nos efforts seront couronnés de succès parce que, si vous avez déjà composé avec le milieu de la santé, vous savez qu'il est très difficile d'obtenir des noms ou des renseignements quelconques en raison de la protection des renseignements personnels. Donc, à moins que...
    Pourriez-vous obtenir un mandat?
    Cela dépend des circonstances mais, habituellement, lorsque nous cherchons à obtenir un mandat, nous devons fournir des renseignements très précis. Ce n'est pas un genre d'exercice général dans le cadre duquel nous demandons « tous les noms liés à ». Toutefois, je vais devoir examiner cette possibilité plus en profondeur.
    C'est de bonne guerre.
    Commissaire Lucki, êtes-vous d'avis qu'en l'absence d'une plainte, la GRC n'a pas le pouvoir d'enquêter sur une activité criminelle soupçonnée de façon préventive?
    Habituellement, nous travaillons à partir d'une plainte d'une sorte ou d'une autre, que ce soit une plainte en bonne et due forme ou une plainte soupçonnée. Nous suivons une piste liée à un nom, à une victime ou à un défendeur mais, en l'absence de noms et en vue de respecter la vie privée des parties concernées, parce que certaines victimes pourraient souhaiter intenter des poursuites civiles, mais ne pas vouloir participer à des procédures pénales quelconques...
    Cette question pourrait être soulevée au cours de l'enquête. Voilà ce que je trouve problématique. Si, en sortant dehors aujourd'hui, nous découvrions un véhicule dont le moteur fonctionne, dont le pare-brise est brisé et dont les sièges sont couverts de sang, de même que des traces de sang qui s'éloignent de la scène, diriez-vous qu'aucune enquête n'est pas requise tant qu'une plainte n'a pas été reçue?
    Non.
    Il y aurait alors des preuves potentielles d'un acte criminel, n'est-ce pas?
    Mais ces preuves seraient directement devant nous. Elles seraient là, par opposition à ces faits surtout historiques... Lorsque je parle de faits « historiques », je sais que des faits remontant à 2018 ne sont pas historiques, mais je dirais qu'ils se sont déjà produits. Ils ne sont pas en train de se produire. Les circonstances sont donc différentes.
    Alors, permettez-moi de mettre davantage l'accent là-dessus. Je vais partir du principe qu'en sa qualité d'ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould affirmait qu'elle était convaincue que la version actuelle du Code criminel était suffisamment générale pour englober ce cas, et que la réalisation d'une intervention chirurgicale contre le gré d'une personne ou sans son consentement constituait effectivement un crime. En fait, c'est le motif que le gouvernement a fourni au Comité des Nations unies sur la torture pour expliquer la raison pour laquelle il ne modifiera pas le Code criminel pour prévoir ce crime particulier.
    Je pars du principe que, si vous pratiquez une opération chirurgicale sans le consentement de la personne, vous commettez des voies de fait graves, selon la version actuelle du Code criminel. Par conséquent, comme nous savons que des dizaines et des dizaines de femmes ont affirmé que cela leur était arrivé, que nous savons quand cela est survenu et que, dans certains cas, nous savons qui a commis ces infractions, je ne comprends pas pourquoi la GRC dirait qu'elle va simplement attendre sans rien faire jusqu'à ce que quelqu'un se manifeste, même si des preuves relatives à des crimes semblent exister. Si c'était le cas, nous n'enquêterions jamais sur la mafia.
    Nous ne disons pas vraiment que nous allons attendre sans rien faire. Nous assurons un suivi afin de tenter d'obtenir quelques-uns des noms des victimes potentielles et des défendeurs potentiels, ou la totalité d'entre eux, afin de pouvoir faire un suivi et d'avoir une piste à suivre.
    Avez-vous communiqué avec l'avocat des défendeurs?
    Pas à ma connaissance, mais je sais qu'ils se sont acquittés de certaines tâches relatives à... Je ne sais pas avec qui ils ont communiqué, mais je ne crois pas qu'ils aient communiqué avec cet avocat.
    Avez-vous vérifié les dossiers déposés à la cour dans le cadre du recours collectif?

  (1550)  

    Je sais qu'il y a une foule de gens qui assurent un suivi à certains égards. Je ne connais pas les détails, mais je sais qu'ils s'efforcent de suivre la piste, afin de déterminer si nous pouvons obtenir des noms, et qu'ils travaillent avec d'autres services de police, afin de prendre connaissance des éléments de preuve dont ils disposent.
     D'accord.
    Si une survivante d'une stérilisation forcée s'était adressée à la GRC auparavant, mais qu'elle avait été renvoyée à un ordre de médecins, cette interaction serait-elle enregistrée comme une plainte ou enregistrée d'une façon ou d'une autre dans vos dossiers?
    Cette interaction devrait être enregistrée au moins comme un contact, mais, selon la date à laquelle cette intervention est survenue, elle pourrait ne pas figurer dans nos dossiers. Cet enregistrement pourrait avoir été supprimé déjà, si l'interaction est survenue il y a longtemps.
    D'accord. Je vais maintenant réitérer une question que Mme Gladu vous a déjà posée. Je sais que vous avez répondu à cette question, mais je souhaite approfondir un peu plus le sujet.
    Si une modification était apportée au Code criminel pour faire en sorte que la réalisation d'une intervention chirurgicale contre le gré d'une personne ou sans son consentement constitue une infraction particulière du Code criminel, pensez-vous que cela contribuerait à mieux orienter les agents de police sous votre commandement et à leur fournir peut-être une source d'enquête, ou pensez-vous que le Code criminel est adéquat tel qu'il est en ce moment?
    Je pense simplement que nous faisons respecter les lois qui s'appliquent — les lois actuellement en vigueur —, conformément aux circonstances particulières. Je crois que le ministère de la Justice serait mieux placé pour répondre à cette question.
    Dans le cadre de ma dernière question, je vais revenir sur le sujet de la plainte. Si quelqu'un attirait l'attention de la police sur le fait que, disons, un enfant était victime de violence sexuelle dans un ménage et que vous disposiez de certains renseignements indiquant que cela pourrait être vrai, attendriez-vous qu'une plainte ait été déposée avant de faire quoi que ce soit?
    Non, mais, si cette personne disait, par exemple, que cela s'était produit au Canada, ce qui correspond à l'information dont nous disposons en ce moment, ou que cela s'était produit dans une ville, nous suivrions la piste aussi loin que nous le pourrions afin de tenter de découvrir l'identité de la victime, à moins que nous obtenions des renseignements supplémentaires qui nous aideraient à mieux cerner l'identité de l'enfant.
    Dans ce cas...
    Non, votre temps de parole est écoulé.
    Je suis désolé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant retourner de ce côté. Quelqu'un souhaite-t-il...? Je sais que M. Ouellette souhaite poser une question.
    Monsieur McKinnon, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons entendu dire qu'il est parfois difficile pour les femmes de s'adresser aux services de police pour déposer une plainte ou pour signaler un incident. Je me demande s'il y a d'autres façons de procéder. Je me souviens que, pour entamer une poursuite criminelle, on peut fournir sous serment des renseignements à un juge de paix, je crois. Est-ce exact?
    Oui, je crois que c'est le cas.
    Les gens pourraient s'adresser à un juge de paix et lui révéler que certains événements se sont produits et qu'ils aimeraient déposer une plainte. Ces renseignements seraient transmis par la suite au service de police compétent.
    Toutefois, les juges de paix ne pourraient pas nécessairement porter des accusations. Ils pourraient présenter l'information, mais il faudrait tout de même que nous menions une enquête avant que des poursuites criminelles puissent être entamées. Nous pourrions également les encourager... Nous disposons de services aux victimes dont nous nous servons pour rendre les victimes moins mal à l'aise. De plus, les agents de la GRC suivent maintenant de nombreux cours de formation supplémentaires semblables à ceux suivis par les membres des centres de traumatologie. Nous suivons une foule de différents cours, parce que nous voulons et devons être non seulement le service de police que les gens sont à l'aise de consulter et en qui ils ont confiance, mais aussi le service de police qui les traite avec la dignité et le respect qu'ils méritent en tant que victimes lorsqu'ils se présentent devant nous.
    Je respecte cela. Toutefois, je suppose que je cherchais une solution autre que le recours aux services de police, et je me demandais si un juge de paix pourrait jouer ce rôle.
    À certains égards... Les juges de paix pourraient présenter la plainte, mais les agents de police devraient tout de même recueillir la déposition de la victime.
    Cela ne pose pas de problème. Le processus peut être amorcé à l'extérieur des services de police, n'est-ce pas?

  (1555)  

    Oui.
    D'accord.
    Mon autre question concerne les mandats, si j'ai le temps de la poser. Habituellement, les dossiers médicaux sont confidentiels. Pour y avoir accès, un mandat est nécessaire, et il faut probablement que certains incidents soient survenus pour obtenir ce mandat. Si le plaignant était la victime, vous pourriez vraisemblablement obtenir un mandat beaucoup plus rapidement pour avoir accès aux dossiers médicaux de la personne et pour donner suite à la plainte en question.
    Oui. Toutefois, lorsque nous connaissons la victime, l'accès dépend essentiellement de son consentement. La victime peut accorder son consentement, et nous pouvons alors avoir accès aux dossiers.
    D'accord. C'est formidable.
    C'était là mes questions.
    Aviez-vous une question, monsieur Ayoub?

[Français]

     Oui, j'aimerais poser une question, s'il reste un peu de temps.
    Je vais poursuivre dans la même veine que M. Davies, qui vous a demandé pourquoi vous ne faites pas d'enquête tant que vous ne recevez pas de plaintes ou que personne ne vous soumet de noms.
    Dans ce cas précis, selon vous, que devraient faire les organismes qui défendent des personnes qui ont été lésées? Il y en aurait une centaine. Selon ces gens, il y a eu un crime. Que leur conseillez-vous de faire pour que, de votre côté, vous puissiez faire votre travail?

[Traduction]

     En ce qui concerne les avocats qui disposent des 100 noms, s'ils parlaient à ces victimes et leur donnaient la possibilité de s'adresser à la police, nous discuterions assurément avec chacune de ces victimes afin d'examiner la situation d'un point de vue pénal. Voilà l'une des mesures que les avocats pourraient prendre.
     Bien entendu, ils ne vont pas non plus divulguer les noms des victimes sans leur consentement préalable, mais s'ils le faisaient et que nous étions en mesure d'avoir ces conversations avec les victimes et de les convaincre de porter plainte par l'entremise de leur avocat, ce serait une approche que nous pourrions envisager.
    Monsieur Ouellette.
    Je me demandais simplement comment la GRC concilierait ses enquêtes criminelles avec les obligations des ordres professionnels, comme le collège des médecins, qui doivent également mener des enquêtes et régir leurs membres. Y a-t-il une différence? Comment ces deux aspects sont-ils conciliés?
    Les ordres professionnels ont leurs propres processus, leurs processus de réglementation auxquels nous ne nous mêlons pas. Nous passons en revue le Code criminel et, par conséquent, c'est criminel... En ce qui a trait à la réglementation, cela fonctionne de la même façon que lorsque notre organisation mène des enquêtes internes. Cela ne relève peut-être pas du Code criminel, alors nous procédons à notre enquête interne, tout comme n'importe quel...
    Vous entendez par là qu'un médecin pourrait ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour s'assurer que quelqu'un souhaitait vraiment être stérilisé ou subir une ligature des trompes. Malgré cela, le médecin pourrait avoir pratiqué l'intervention chirurgicale, et le collège pourrait déterminer qu'il a enfreint le code d'éthique de l'ordre, mais que son comportement pourrait ne pas être un acte criminel.
    Tout dépend. S'ils ont le sentiment qu'il s'agissait d'un acte criminel, ils devraient le signaler à la police. Ce processus fonctionne de la même façon que lorsque nous menons une enquête interne. Si nous avons suffisamment de raisons — des motifs raisonnables — de croire qu'un crime a été commis, nous nous engagerons dans cette voie.
    J'ai une autre brève question à vous poser. Si quelqu'un souhaitait déposer une plainte auprès des services de police — les Autochtones s'abstiennent souvent de le faire —, comment procéderait-il? Y a-t-il un numéro qu'on peut composer pour joindre la GRC?
    Si c'est urgent, vous pouvez composer le 911, évidemment. Chaque ville possède son propre numéro local, qui...
    Nous parlons de la Saskatchewan, là où nous affirmons qu'il y a un problème très sérieux et un énorme fossé entre les services de police et les peuples autochtones. Si je ne fais pas confiance aux policiers de la Saskatchewan, comment pourrais-je les appeler? Qui pourrais-je appeler?
    Vous pourriez présenter votre plainte à un autre service de police, qui la transmettrait au service de police compétent. Si vous le souhaitiez et si vous faisiez confiance aux services de police de l'Alberta, vous pourriez vous rendre dans cette province et déposer votre plainte. Toutefois, elle serait renvoyée au service de police compétent de la Saskatchewan.
    Y a-t-il un numéro 1-800 pour joindre la GRC?
    Il y a le 911.
    Des voix: Oh, oh!
    D'accord.
     J'ai une dernière question à vous poser. À votre connaissance, au cours de l'histoire du Canada, quelqu'un a-t-il déjà été accusé, aux termes du Code criminel, de voies de fait graves liées à une stérilisation forcée?
    Pas à ma connaissance, mais je n'en suis pas complètement sûre.
    Je crois que c'est tout.
    Merci beaucoup. Il est maintenant exactement 16 heures.
    Je tiens à vous remercier de nouveau d'être venue dans de si brefs délais.
    Merci.
    Je crois que c'est le préavis le plus court que nous ayons jamais donné à qui que ce soit, et je sais que vous êtes très occupée. Je souhaitais donc vous remercier de votre collaboration.
    Nous allons maintenant faire une pause de quelques minutes et changer de groupe d'experts.
     Merci beaucoup.

  (1600)  


  (1605)  

     Nous reprenons notre 154e séance.
    Bienvenue, chers invités. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir ici pour témoigner devant nous. Nous allons poursuivre la séance jusqu'à 17 h 10.
    Je vais présenter nos invités. La Dre Judith Bartlett est une professeure à la retraite de la faculté de médecine de l'Université du Manitoba. Nous accueillons aussi des représentantes du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, notamment Sonia Alimi, coordonnatrice de la recherche, et Jihan Abbas, chercheuse. La représentante du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada est la Dre Lisa Richardson, présidente, Comité sur la santé des Autochtones, et la représentante de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada est la Dre Jennifer Blake, présidente-directrice générale.
    Je vous remercie beaucoup d'être venues.
    Nous allons demander à chacune de vous de faire une déclaration préliminaire, puis nous passerons aux séries de questions. Nous allons commencer par céder la parole à la Dre Bartlett.
    Je vous remercie de votre invitation. Il y a beaucoup de rouge dans mes notes, parce que je me rends compte que je devrai abréger beaucoup.
    Je vous parlerai de l'expérience vécue par des femmes autochtones qui se sont senties forcées de subir une ligature des trompes dans la région sanitaire de Saskatoon. La Dre Yvonne Boyer et moi-même avons uni nos forces pour étudier la question.
    Je ne vous parlerai pas des cas qui ont fait les manchettes. Vous en avez entendu parler. Nous avons lancé ce projet, parce qu'on nous l'avait demandé, à l'automne 2016. La région sanitaire de Saskatoon avait déjà tenté d'étudier la chose, mais le chercheur choisi n'avait pas la confiance des communautés, donc aucune femme n'a osé lui parler.
    Nous avons donc opté pour une approche axée sur les communautés et avons organisé des rencontres préalables avec les Autochtones et les professionnels de la santé, pour les inviter à participer à la conception de l'étude et obtenir leur accord pour participer à l'analyse des données une fois qu'elles seraient recueillies. Il s'agit là d'une approche collective particulière que j'utilise dans mes recherches.
    Nous avons effectué une revue de la littérature, bien sûr, puis avons examiné tous les outils internationaux, de même que les documents institutionnels et les lois en vigueur. Un moment donné, nous nous sommes rendu compte que nous devions également étudier les lois sur la protection de l'enfance, parce qu'elles avaient des effets.
    Dix-huit femmes autochtones ont utilisé notre ligne téléphonique confidentielle. Nous en avons interrogé sept: six en personne et une par téléphone. Les sept autres ont pris rendez-vous avec nous, mais pour diverses raisons, n'ont pas pu s'y présenter. Certaines ont fait quelques tentatives, mais elles n'étaient tout simplement pas prêtes.
    Nous avons également interrogé neuf professionnels de la santé et quelques travailleurs sociaux du domaine de la protection de l'enfance.
    Nos entrevues avec les femmes autochtones ont révélé que toutes se sont senties vraiment stressées et contraintes de subir une ligature des trompes, pendant qu'elles étaient en travail, ce qui s'ajoutait au stress que ressentent déjà normalement les femmes pendant l'accouchement. Notre étude expose l'ampleur des pressions ressenties par ces femmes. Les thèmes abordés révèlent que ces femmes autochtones vivaient pour la plupart des vies complexes et accablantes lorsqu'elles ont fait l'objet de cette coercition et que cette complexité était intimement liée au contexte historique négatif du colonialisme.
    Parmi les principaux thèmes récurrents, il s'avère que ces femmes autochtones se sentaient invisibles, impuissantes et victimes de profilage racial. Elles subissaient toutes sortes de formes de coercition. Je n'ai pas le temps de vous en parler en détail, mais vous trouverez l'information dans le rapport. Elles nous ont parlé de l'incidence de tout cela sur leur image d'elles-mêmes, leurs relations et leur accès aux soins de santé ultérieurement.
    C'est ce genre d'expérience qui fait que les femmes autochtones n'osent pas aller chercher des soins de santé. Elles sont conscientes des risques supérieurs auxquels elles sont exposées, mais ne peuvent tout simplement pas se résigner à aller consulter, ce qui a des conséquences sur leurs enfants aussi, de même que sur le reste de leur famille.
    Compte tenu de toute la détresse qu'elles vivaient et de leur peur de participer à ces entrevues, le simple fait qu'elles aient raconté leur histoire à de parfaites inconnues est assez incroyable.
    Les professionnels de la santé étaient renversés d'entendre parler de toute la coercition vécue par les femmes autochtones. Ils parlaient constamment des difficultés liées aux politiques et à l'équipe de travail. Ils se sont rendu compte qu'il y avait une attitude négative à l'égard des femmes autochtones et qu'elle nuisait aux soins internes et externes.

  (1610)  

    L'analyse des données a révélé que les professionnels de la santé travaillent dans des systèmes et des milieux hospitaliers vastes, complexes et en constante transformation. La plupart d'entre eux avaient l'impression que les politiques et les pratiques s'étaient améliorées au cours des dernières années, mais que les femmes autochtones étaient toujours laissées pour compte. Tout comme les femmes elles-mêmes, ils ont soulevé la question des services à l'enfance et à la famille. En plus d'avoir été forcées de subir une ligature des trompes, beaucoup de femmes avaient souffert du fait que leur enfant leur ait été enlevé quelques jours après sa naissance. C'est l'un des grands problèmes qui est ressorti. Elles ont toutes fait des recommandations, que vous pourrez voir dans le rapport, en plus des détails de cette étude.
    Nous avons formulé des recommandations. Nous n'arrivions pas à trouver d'information dans les dossiers médicaux. Il y a trois dossiers médicaux que nous avons pu obtenir, mais les autres avaient été détruits au bout de 10 ans. C'est là qu'on pourrait trouver des réponses sur la ligature qu'ont subie ces femmes, mais quand leur histoire remonte à 20 ans, il n'y a pas moyen de trouver l'information.
    La Saskatchewan, comme toutes les provinces à l'époque, a connu beaucoup de bouleversements dans le domaine de la santé. Nous avions l'impression que la décision impulsive des autorités d'arrêter immédiatement toute ligature des trompes après l'accouchement, à moins que la patiente n'en ait discuté au préalable avec son médecin de famille ou un obstétricien, ne cause de graves problèmes. Les professionnels de la santé et les femmes croyaient eux aussi que ce serait un problème. Nous avons recommandé, d'abord et avant tout, de revoir cette politique. Nous croyions aussi qu'il fallait utiliser les ressources existantes. Il y a, en Saskatchewan, un conseil autochtone de la santé, des services de santé exclusivement pour les Métis et les membres des Premières Nations et à l'époque, il y avait un genre de comité de direction chargé de réviser les politiques provinciales. Dans nos recommandations, nous avons rappelé aux autorités qu'il y avait des obligations dans la loi canadienne, qu'il faudrait une stratégie de mobilisation des Autochtones en matière de santé, puis que la loi canadienne prescrit des consultations et des accommodements.
    Concernant la formation culturelle, nous avons recommandé qu'il y ait une formation culturelle obligatoire sur les peuples autochtones, leurs cultures et les droits de la personne. Il faut nous attaquer franchement aux faux stéréotypes selon lesquels les femmes autochtones ne seraient pas capables de s'occuper de leurs propres enfants et éviter de prendre ce genre de décisions à leur place.
    En éducation, nous avons recommandé l'acquisition de compétences culturelles par les infirmières, les médecins et tous les autres professionnels de la santé. Cela doit aller bien au-delà de la formation culturelle. L'apprenant doit également faire preuve d'introspection pour comprendre son propre degré de privilège dans la société. Il y a beaucoup d'articles sur le sujet. Cela s'apprend.

  (1615)  

    Par ailleurs, on parle de restructuration en Saskatchewan. Nous croyons qu'il doit y avoir des modifications en profondeur et pas seulement une autochtonisation de la santé. Cela ne suffira pas. Il faut commencer à prendre des mesures extraordinaires. Cela fait probablement 20 ou 25 ans (je ne m'en souviens plus) qu'il y a un centre de santé des Autochtones et du bien-être à Winnipeg. Il y a aussi une vaste population autochtone à Saskatoon, mais elle n'a pas encore son propre centre.
    Je vais devoir vous demander de conclure, s'il vous plaît. Merci.
    D'accord.
    Nous étions d'avis qu'il fallait créer un conseil consultatif pour aider les femmes qui l'ont vécu à cheminer dans le processus de guérison de leur choix. Nous nous attendions à ce que les autorités doivent travailler en partenariat avec des groupes d'experts composés d'infirmières autochtones, de médecins autochtones et d'autres personnes pour cela, et à ce qu'elles investissent les ressources nécessaires pour assurer la participation de ces groupes.
    Ensuite, pour aider les femmes les plus à risque, nous avons recommandé la création d'un centre de la santé reproductive. L'une des professionnelles consultées nous a dit qu'elle avait au moins 30 patientes à risque élevé enceintes. Il y a des exemples dont on peut s'inspirer. Par exemple, les professionnels nous ont parlé de la Sanctum House, qui offre des services complets aux personnes vivant avec le VIH ou le sida ou qui y sont confrontées, de même que de l'Infinity House pour les mères et les enfants en transition...
    Docteure Bartlett, je suis désolé. Je dois maintenant donner la parole aux représentantes du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Merci.

[Français]

    Avant d'aborder les points qui nous intéressent aujourd'hui, au nom du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, nous souhaitons rappeler que nous sommes présentement sur des territoires algonquins non cédés et souligner la période de vérité et de réconciliation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Saisissons donc cette occasion pour examiner plus particulièrement les besoins de nos sœurs autochtones et la façon dont nous pouvons réparer les torts causés afin d'améliorer la vie des générations actuelles et futures.
    Nous remercions le Comité permanent de la santé d'avoir invité notre organisme à témoigner et saluons également les autres témoins ici présents.
    Notre communication se fera dans les deux langues officielles.
    Au sein du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, nous avons à cœur de dénoncer les oppressions de façon intersectionnelle. Ainsi, nous abordons les oppressions découlant du capacitisme, un système qui entrave les droits et les libertés des personnes dont les capacités ne correspondent pas aux normes, au même titre que le racisme, le colonialisme, le sexisme et d'autres systèmes d'oppression.
    En ce qui concerne les stérilisations forcées, nous considérons qu'elles sont une conséquence directe d'une société capacitiste. En ce sens, elles ont des répercussions particulières sur les filles et les femmes en situation de handicap. Mme Jihan Abbas mettra en évidence ce douloureux constat.
    Rappelons que la stérilisation forcée est étroitement liée à une vision eugénique visant à déterminer et à hiérarchiser les individus ainsi que leurs possibilités d'existence. Elle s'appuie sur la logique d'oppression du capacitisme, qui a établi des notions de déviance, en ciblant ce qui manque, ce qui est contre nature et ce qu'on peut oppresser et limiter. Par conséquent, nous considérons que la stérilisation forcée, en étant une expression concrète du système capacitiste, ouvre la porte notamment aux pratiques racistes, colonialistes et sexistes.
    Nous savons que le racisme et le capacitisme sont solidement imbriqués l'un dans l'autre. Il est fort utile de rappeler que le mouvement eugénique, tant aux États-Unis qu'au Canada, était lié aux idées suprémacistes des Blancs tournant autour de la dégénérescence de la race blanche. Un nombre criant de femmes noires ont subi et subissent encore des stérilisations non consenties.
    La chercheuse Shatema Threadcraft, dans son œuvre de 2016 portant sur la justice intime et le corps des femmes noires aux États-Unis, démontre la prévalence de ces pratiques.
    À cet égard, le Canada n'est pas en reste. Devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, la professeure d'université Josephine Etowa a en effet révélé que, durant une étude menée sur l'état de santé des femmes noires en Nouvelle-Écosse, on avait constaté que l'hystérectomie avait été pratiquée dans une proportion inquiétante. Je cite les propos de Mme Etowa:
On nous a raconté qu’à toutes les fois qu’une femme, surtout si elle a la peau foncée, consulte son médecin, même si elle est au début de la vingtaine, l’hystérectomie faisait toujours partie des solutions proposées à son problème de santé.
     On comprend donc comment s'articulent le racisme et le capacitisme, et l'on constate que c'est un enjeu important dans le dossier de la stérilisation forcée.
    C'est également un problème que vivent les personnes trans et intersexuées.
    M. Alexandre Baril, qui est professeur adjoint à l'Université d'Ottawa, indique dans sa thèse de 2013 que l'État canadien oblige les personnes trans souhaitant accéder à un état civil à « subir des modifications de leurs organes génitaux impliquant une suppression de la capacité de se reproduire “naturellement” ».
    La sociologue et anthropologue canadienne Morgan Holmes, qui représente le groupe Egale Canada, rapporte également les effets concrets du cisgenrisme menant à la stérilisation forcée des personnes intersexuées, surtout des enfants. Elle a également comparu devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, le 15 mai 2019. Durant son allocution, elle a dénoncé le paradoxe du paragraphe 268(3) du Code criminel, qui, tout en interdisant la mutilation génitale féminine, autorise les opérations chirurgicales d'enfants intersexués, à qui l'on retire impunément et sans consentement leurs capacités reproductives.
    Dans un autre registre, qui continue néanmoins à éclairer la situation de façon intersectionnelle, la question de la stérilisation touche également, et en grand nombre, les femmes en prison. Une étude américaine de 2016 parle effectivement des pressions subies par les femmes incarcérées pour les amener à subir des opérations chirurgicales visant à leur enlever leurs capacités reproductives. Cette même étude confirme que ces injonctions visent toujours à répondre à un système eugénique et capacitiste.
    Les faits que je vous rapporte ici ne sont que la pointe de l'iceberg. Il est important de savoir que de nombreuses autres femmes se trouvant à l'intersection de multiples oppressions sont sujettes à la stérilisation forcée. C'est pourquoi il nous semble aussi important, dans le contexte de notre allocution, d'insister sur la dimension intersectionnelle de ce problème et de démontrer que les solutions ne peuvent se trouver à l'extérieur d'une telle analyse.

  (1620)  

    Je vais maintenant céder la parole à Mme Abbas.

[Traduction]

    Au Canada, les femmes handicapées ont toujours été vulnérables à la stérilisation forcée, et elles le demeurent encore aujourd'hui.
    Bien sûr, le Canada a subi l'influence du mouvement eugénique tout au long du XXe siècle. En fait, tant l'Alberta que la Colombie-Britannique avaient des lois permettant la stérilisation de quiconque avait un diagnostic de « maladie mentale » ou de « déficience ». Selon les données de l'Alberta Eugenics Board, 1 154 femmes handicapées ont ainsi été stérilisées, et près de 40 % d'entre elles l'ont été après 1955.
    Les lois de l'Alberta sur la stérilisation n'ont pas été abrogées avant 1972, et malheureusement, en Colombie-Britannique, les dossiers faisant foi de stérilisation forcée ont été perdus ou détruits. Dans les autres provinces, même s'il n'y avait pas de loi officielle sur la stérilisation, d'innombrables femmes handicapées ont probablement été stérilisées, puisque ces opérations étaient souvent effectuées sur de jeunes femmes handicapées avec le consentement de leurs parents. De même, on peut dire que la stérilisation au Canada a toujours été sexiste, raciste et impérialiste, de sorte qu'elle touche démesurément les femmes autochtones.
    Il y a deux exemples dans la jurisprudence, qui témoignent de la vulnérabilité des femmes handicapées à la stérilisation forcée, de même que de la possibilité d'une protection juridique. En 1995, Leilani Muir, une femme atteinte d'une déficience intellectuelle, a poursuivi le gouvernement de l'Alberta pour stérilisation forcée et obtenu gain de cause. Muir, qui avait été admise à la Provincial Training School for Mental Defectives en 1955, avait été stérilisée à l'âge de 14 ans. Sa démarche a poussé le gouvernement de l'Alberta à présenter des excuses officielles et à offrir une indemnité à des centaines d'autres personnes.
    Il y a aussi un arrêt de la Cour suprême du Canada, qui remonte à 1986, l'arrêt Eve. Eve était une femme de 24 ans ayant une déficience intellectuelle. Sa mère soutenait, à titre de mandataire de sa fille, qu'elle voulait être autorisée à soumettre sa fille à la ligature des trompes. Or, la Cour suprême a tranché en défaveur de la mère parce qu'elle jugeait la procédure « non thérapeutique ».
     Cette décision phare marque un point tournant dans la bataille pour la reconnaissance des droits des personnes ayant une déficience intellectuelle. Elle est venue mettre un terme à la pratique de longue date de stérilisation non thérapeutique des personnes ayant une déficience intellectuelle ou d'autres troubles mentaux, en établissant que quelles que soient leurs compétences cognitives, toutes les personnes ont un droit fondamental ne pouvant pas être annulé.
    Malgré cette jurisprudence, l'influence parentale continue de jouer sur l'avenir des femmes handicapées, puisque leurs parents exercent sur elles un pouvoir pouvant avoir une incidence sur leur accès à la santé reproductive ou leurs décisions à ce sujet.
    Pendant nos recherches en vue du rapport More Than a Footnote, qui vient d'être publié, au moins une femme qui nous a parlé nous a dit que ses parents avaient fait des choix en matière de santé reproductive en son nom, sans son consentement et contre sa volonté. La plupart des études existantes visent les femmes ayant une déficience intellectuelle, puisqu'elles semblent particulièrement vulnérables à cela. Elles n'ont pas suffisamment accès à l'éducation et sont les plus susceptibles de vivre une mauvaise expérience en matière de santé reproductive.
    Nous tenons aussi à souligner que les jeunes femmes et filles handicapées peuvent être soumises à des formes problématiques de pouvoirs, comme la coercition reproductive, et que les décideurs adultes qui s'en occupent peuvent, de par le rôle qu'ils jouent dans leur vie, avoir emprise sur leur santé reproductive. Bien sûr, cela se situe à la jonction du paternalisme et du capacitisme.
    Une étude menée récemment au Canada présente ces formes de coercition persistante comme de la violence envers les jeunes femmes handicapées et attire l'attention sur les formes les plus courantes qu'elle peut prendre. Il y a les efforts pour saboter les méthodes de contraception, la coercition entourant la grossesse et le contrôle de l'issue d'une grossesse.
    Il y a des dynamiques uniques aux jeunes femmes handicapées qui méritent notre attention. À ce propos, il convient de faire preuve de vigilance à l'égard de l'utilisation continue du Depo-Provera, qui est courante de nos jours. Le Depo-Provera demeure une substance controversée, dont les effets secondaires peuvent être graves et sont souvent mal compris. Il y a des preuves attestant qu'il a été prescrit à des femmes handicapées avant même d'être approuvé pour la contraception au Canada. De même, une étude canadienne révèle qu'il est souvent prescrit aux jeunes femmes ayant une déficience intellectuelle parce que les membres de leur famille et leurs soignants craignent qu'elles ne tombent enceintes ou pour des raisons liées à l'hygiène menstruelle.
    L'une des interventions les plus choquantes que nous ayons vues consiste à soumettre des enfants atteints d'un handicap complexe ou d'une maladie grave à des traitements invasifs d'atténuation de la croissance, ce qu'on appelle communément le traitement Ashley. Ce traitement vise à ce que ces personnes restent petites, vraisemblablement pour qu'il soit plus facile pour les soignants de leur prodiguer des soins. Ces traitements peuvent comprendre l'administration d'estrogène à dose élevée, l'hystérectomie ou le retrait du bourgeon mammaire. Bien que cette opération semble plus courante aux États-Unis, elle se répand à d'autres pays, et il est difficile de jauger ce qui se fait au Canada. Nous aurions besoin d'un espace consacré à l'étude de tout cela.
    Enfin, les études du Réseau des femmes handicapées du Canada illustrent à quel point la coercition reproductive est répandue envers les femmes handicapées. Les femmes handicapées nous disent que même si elles ne sont plus victimes de stérilisation forcée, comme avant, elles continuent d'être fortement dissuadées d'avoir des enfants. Leurs proches, leurs amis et leurs médecins leur font continuellement des rappels qui influencent leurs décisions.
    Bien sûr, il y a plusieurs facteurs qui augmentent la vulnérabilité au sein de ce groupe. Ainsi, les méthodes de contraception à leur disposition sont limitées, et les fournisseurs de soins de santé comprennent souvent mal la réalité des personnes handicapées.

  (1625)  

    Nous avons des recommandations à faire pour réduire leur vulnérabilité. Ainsi, nous croyons qu'il faut les aider à se défendre elles-mêmes, pour que les femmes et les filles handicapées deviennent des partenaires dans les soins qui leur sont fournis, tout comme il faut sensibiliser les professionnels de la santé à la réalité des personnes handicapées pour éviter l'ignorance et le capacitisme. Il faut aussi approfondir la recherche et analyser les politiques pour comprendre toutes les façons insidieuses dont les femmes handicapées et leur corps sont sous l'emprise de leurs soignants, de leurs parents et des travailleurs de soutien.
    Enfin, de manière plus générale, le Réseau des femmes handicapées du Canada rappelle le potentiel porteur des principes de Nairobi, qui visent à affirmer les droits sexuels et reproductifs dans une perspective intersectionnelle qui comprennent à la fois une analyse comparative entre les sexes et une analyse des effets tangibles du capacitisme sur l'expérience vécue par les femmes et les filles handicapées. Ces principes nous mènent collectivement vers l'affirmation à la fois de la nécessité d'avoir accès à l'avortement en toute sécurité et du besoin d'évaluer comment le capacitisme affecte l'autonomie et l'accès à la santé reproductive.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant la Dre Richardson.
    Je vous remercie de me recevoir ici au nom du Collège royal. Je suis présidente du Comité sur la santé des Autochtones au Collège Royal et l'une des rares médecins autochtones à l'Université de Toronto. Je pratique la médecine interne générale en plus d'être très active sur la question des études en médecine chez les Autochtones. Je souhaite axer ma déclaration d'ouverture sur le rôle de l'éducation et les mesures à prendre après ces activités terribles et très troublantes. En tant que médecin et femme autochtone moi-même, je suis extrêmement touchée par cet enjeu sur le plan personnel, et je dois dire que je trouve très difficile d'en parler.
    J'aimerais vous fournir un peu de contexte pour expliquer notre perspective de l'expérience des Autochtones en général dans le système de santé. Les preuves ne cessent de s'accumuler pour attester du fait que les membres de nos peuples sont maltraités dans le système de santé. Les Autochtones sont confrontés au racisme et à l'une des formes les plus épouvantables que peuvent prendre les mauvais traitements, soit la stérilisation forcée. Nous en avons amplement de preuves: les rapports du Conseil canadien de la santé, le rapport de notre propre conseil de la santé, le rapport intitulé « First Peoples, Second Class Treatment », en plus de toutes les histoires que nous entendons tous les jours à titre de défenseurs de la santé autochtone.
    Par exemple, j'ai reçu un appel de l'un de mes collègues urgentologues, qui me disait: « Vous devez venir vous occuper de tel patient, qui vient tout juste d'avoir un infarctus aigu du myocarde, mais n'a pas reçu le traitement qui aurait pu lui sauver la vie pendant six heures parce que le personnel croyait qu'il était en état d'ébriété. » C'est la réalité à laquelle sont confrontés les membres de nos peuples dans le système de santé.
    Ensuite, il y a tout le fait d'être une femme autochtone qui s'ajoute à cela. Pour les femmes qui ont subi la stérilisation forcée, c'est évidemment un autre facteur d'intersectionnalité. J'aime bien l'approche de ma collègue pour aborder l'intersectionnalité, parce que nous savons à quel point la vulnérabilité d'une personne autochtone est extrême dans le système de santé. Ajoutez à cela le fait d'être une femme autochtone, tout ce que nous savons du rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et l'incarnation de la violence coloniale pour comprendre ce qui se passe quand une femme autochtone entre dans le système de santé. C'est le contexte dans lequel nous devons réfléchir à une solution.
    L'une de nos grandes recommandations serait que le gouvernement s'engage fermement à investir dans l'éducation des professionnels de la santé sur la sécurité culturelle. C'est ce vers quoi s'est activement engagé le Collège royal. En fait, le Conseil du Collège royal a adopté une résolution en 2017, pour faire de l'éducation sur la sécurité culturelle et le racisme une composante obligatoire de tout programme d'enseignement d'une sous-spécialité au Canada pour obtenir une accréditation. Cette formation devra aussi être offerte à ceux qui exercent déjà. Ils doivent comprendre non seulement les besoins particuliers de ces personnes, mais aussi comment l'ensemble des professionnels peuvent avoir des conversations importantes d'une manière sécuritaire sur le plan culturel. Ils doivent aussi prendre conscience des pratiques coloniales et historiques et du fait qu'elles continuent de jouer dans les interactions entre les patients et les professionnels.
    Par notre travail avec l'équipe fantastique du Collège royal, nous essayons de rassembler l'information pour la diffuser, et ce qui m'amène à ma deuxième recommandation, qui consiste à mettre en place des mécanismes de reddition de comptes. Nous avons besoin de données. Je suis médecin. Je suis chercheure scientifique. Nous avons besoin de données, mais je crois qu'il faut réfléchir à ce qui est considéré comme une donnée, parce que nous n'avons pas besoin d'un essai clinique comparatif randomisé pour voir qu'il y a un problème. Nous avons déjà les histoires de toutes les personnes qui dénoncent la situation. Il faut donc faire en sorte qu'il devienne plus facile pour elles de signaler les problèmes. Il faut rassurer les femmes qui sont passées par là et qui ont peur de toute interaction avec des professionnels de la santé. Il faut leur fournir un lieu de parole sûr et leur dire qu'elles seront écoutées, que leur expérience en tant que personne autochtone sera reconnue et valorisée.
    Quels sont les moyens que nous pouvons prendre pour cela? J'aimerais vous donner quelques exemples d'angles sous lesquels on pourrait aborder ce genre de travail. Je connais très bien certains des mécanismes qui existent en Ontario. Nous pourrions tabler sur les mesures de la qualité et les normes de qualité des autorités sanitaires provinciales et régionales, notamment sur la Loi sur l'excellence des soins pour tous, en Ontario, qui nous oblige à élaborer des plans d'amélioration de la qualité, des questionnaires sur la sécurité des patients, etc.
    Comment pouvons-nous utiliser l'expérience vécue par les patients autochtones et les femmes autochtones, en particulier, pour comprendre les politiques et les procédures en place qui favorisent la stérilisation? Comment est-elle possible dans les structures existantes?

  (1630)  

     À plus grande échelle, comment l'Agence de la santé publique du Canada, par exemple, s'appuie sur le travail remarquable qui est accompli dans la crise des opioïdes pour recueillir des données et en faire rapport? Ce que j'aime de l'Agence et de l'intervention concernant les opioïdes, c'est qu'on peut aller sur le site Web et voir les données et les chiffres. Ce degré de transparence est très important dans la collaboration avec nos communautés.
    L'autre chose que je veux dire, c'est que dans notre pratique au Collège royal, nous reconnaissons qu'il s'agit d'une institution coloniale. Nous travaillons très fort à la décolonisation, mais nous sommes conscients de l'existence de cette tension. Des professionnels autochtones extraordinaires y travaillent, mais notre pratique se fonde toujours sur l'autodétermination et l'alliance. Même si je suis une Autochtone qui travaille au Collège royal, je travaille tout de même dans un établissement non autochtone. Nous appuyons nos collègues et les organismes autochtones nationaux dans leurs appels à la criminalisation de ce comportement et de cette pratique.
    Je crois, en fait, et j'ai écouté les témoignages précédents, que le système actuel ne fonctionne pas. Comment pouvons-nous modifier le Code criminel pour nous assurer que ces situations font l'objet d'une enquête et d'un suivi appropriés? Merci.

  (1635)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de la Dre Blake.
    Je suis la présidente-directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, qu'on appelle communément SOGC. Je suis obstétricienne-gynécologue. Je suis également professeure auxiliaire d'obstétrique et de gynécologie à l'Université d'Ottawa et à l'Université de Toronto. Auparavant, j'ai été chef de l'unité d'obstétrique-gynécologie et directrice de l'unité de santé des femmes du centre des sciences de la santé Sunnybrook; chef de la gynécologie pédiatrique à l'hôpital pour enfants; et doyenne des études de premier cycle à la faculté de médecine de l'Université McMaster. J'ai beaucoup d'années d'expérience.
    Permettez-moi tout d'abord de dire que lorsqu'on m'a contactée pour la première fois au sujet de la stérilisation forcée, j'ai supposé que nous parlions d'une pratique très ancienne. J'ai été renversée d'apprendre que nous parlions de quelque chose d'actuel. J'ose espérer qu'à partir d'aujourd'hui, en fait, cela appartiendra à l'histoire.
    Je dois dire également que je parlerai des femmes. Ce n'est pas parce que nous ne tenons pas compte des besoins de tous les gens, mais bien parce que la mission fondamentale de la SOGC, c'est l'avancement de la santé des femmes. Comme nous l'avons entendu abondamment aujourd'hui, je crois, il reste du travail à faire.
    La SOGC est une société professionnelle qui représente des obstétriciens, des gynécologues, des médecins de famille, des infirmières et des sages-femmes — de nombreux professionnels. Elle défend le droit des femmes de recevoir des soins de qualité tout au long de leur vie sexuelle et reproductive, y compris, toujours, le droit de recevoir des soins sûrs respectueux et adaptés à la culture. Chaque année, plus de 380 000 enfants naissent au Canada. Dans chaque cas, nous croyons que les fournisseurs de soins sont extraordinairement bienveillants et professionnels et qu'ils sont conscients de la situation de vulnérabilité dans laquelle nous nous trouvons, les femmes, lorsque nous sommes enceintes et que nous sommes en travail; nous pouvons en parler. Nous guidons également les femmes tout au long de leur vie sur leurs besoins gynécologiques intimes. Ces besoins doivent toujours être satisfaits avec un professionnalisme et un respect sans compromis.
    La SOGC promeut les soins de santé par l'éducation, la défense des droits, le leadership et la collaboration. Nous n'avons aucun pouvoir d'examen, d'autorisation ou de réglementation à l'égard des fournisseurs de soins de santé. Nous présentons des guides de pratique clinique — de 10 à 17 chaque année — qui sont fondés sur des recherches approfondies et qui sont élaborés dans le cadre d'une collaboration interprofessionnelle. J'attire votre attention sur le guide de 2013 sur la compétence culturelle, qui a été élaboré par notre comité sur la santé des femmes autochtones en consultation avec de nombreux groupes de femmes autochtones.
    Cela fait partie de notre rôle éducatif important, qui consiste à offrir du perfectionnement professionnel à des membres qui ont le droit d'exercice, le tout fondé sur une philosophie qui respecte la santé sexuelle et génésique en tant que droit de la personne. Ces droits ont été bien décrits par les Nations unies. Le droit d'une personne de décider librement et avec discernement du nombre de leurs enfants et de l’espacement de leurs naissances, ainsi que de disposer des moyens et de l'information nécessaires pour ce faire, est un droit fondamental. Nous cherchons également à reconnaître et à corriger les inégalités en matière d'accès et de résultats auxquelles sont confrontées les femmes autochtones et les femmes vulnérables au Canada et dans le monde. C'est aussi dans l'appel à l'action no 19 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler des expériences de stérilisation présentées par des femmes autochtones et décrites dans le rapport Boyer et Bartlett. Je dois dire que dans toute intervention chirurgicale, la coercition n'a pas sa place. En tant que médecins, nous comprenons pleinement la primauté éthique de l'autonomie et, par conséquent, du consentement donné librement et en toute connaissance de cause, mais le consentement est influencé par le contexte. Je dois aborder certains de ces contextes et facteurs.
    Premièrement, la barre du consentement éclairé est beaucoup plus élevée pour les personnes vulnérables et pour les interventions non urgentes que pour les situations où la vie d'une personne est en danger dans une salle d'urgence, par exemple, et particulièrement pour les situations irréversibles. Pour un choix aussi important que la stérilisation définitive, il est préférable de tenir ces discussions bien avant l'accouchement, pour des raisons que je peux expliquer. Il est toujours plus difficile d'obtenir un consentement éclairé lorsqu'une personne souffre, est en crise ou est loin de chez elle et de sa communauté. Le processus d'obtention du consentement est beaucoup plus complexe que la simple obtention d'une signature. Il s'agit d'une discussion réfléchie sur les risques et les avantages de l'intervention, mais aussi sur les solutions de rechange. Par exemple, un DIU hormonal offre une bien meilleure contraception que la stérilisation et est réversible, et une vasectomie comporte beaucoup moins de risque chirurgical qu'une stérilisation tubaire.
    Il peut y avoir des circonstances qui mènent à une demande tardive. La Dre Bartlett a fait allusion au fait qu'un moratoire peut aussi être néfaste. Cependant, nous devons être conscients du fait que pour certaines d'entre elles, comme une complication mettant la vie en danger qui survient lors d'une grossesse subséquente, il se peut qu'on ne le sache que lors de l'accouchement, et c'est donc à ce moment que cette discussion a lieu. C'est un problème, et il faut être extrêmement prudent. Cela peut faire en sorte qu'on recommande fortement d'éviter des grossesses ultérieures. La communication est essentielle, mais c'est toujours à la femme de faire un choix éclairé. C'est à elle de décider si elle veut ou non une stérilisation et de comprendre les risques associés à l'un ou l'autre de ces choix. Il y a des risques, dans un cas où l'autre.

  (1640)  

    Pour aucune autre intervention, nous ne nous inquiétons autant du risque de regret que pour la stérilisation tubaire. Nous devons toujours nous soucier que la femme n'ait pas de raison de regretter par la suite. La capacité de porter un enfant est si fondamentale. La stérilisation tubaire est toujours considérée comme un choix permanent et irrévocable. Il existe différentes méthodes, et certaines d'entre elles sont potentiellement réversibles, mais elles comportent un risque de grossesse tubaire, ce qui peut être une complication mettant la vie en danger, surtout si l'on vit dans une communauté éloignée.
    Le consentement repose fondamentalement sur une alliance thérapeutique entre la patiente et son fournisseur de soins de santé. Si cette relation thérapeutique n'existe pas, il est beaucoup plus difficile de s'assurer qu'il y a bel et bien consentement. Les circonstances qui minent la confiance, ce sont la perception de déséquilibre des pouvoirs et l'expérience du racisme et de l'isolement. Tous ces stress intersectionnels dont nous avons parlé peuvent faire en sorte qu'il est très difficile de s'assurer que le consentement a été donné librement. L'assentiment peut être là, la signature peut être là, mais il n'y a pas de véritable test du consentement. C'est l'un des problèmes.
    En tant que médecin, on ne sait pas ce qui s'est passé avant. On ne sait pas si les conversations qui ont eu lieu ont pu influencer la décision. On ne connaît pas les traumatismes antérieurs qui ont pu mener à un consentement donné avec les facultés affaiblies. Si une femme est incarcérée, a-t-elle des enfants à charge? A-t-elle été menacée de perdre ses enfants? Y a-t-il d'autres pressions en jeu qu'elle pourrait ne pas divulguer? Est-elle aux prises avec des problèmes de dépendance? Est-elle victime de la traite des personnes? Toutes ces choses nous rendent vulnérables. Le contexte crucial peut ne pas être révélé par crainte ou en raison d'un sentiment d'impuissance ou de désespoir. Cela peut être difficile à déterminer dans les meilleures circonstances, mais si une personne est en situation de crise ou dans une situation critique, on ne le sait vraiment pas.
    La sécurité et la littératie culturelles sont des compétences importantes qui, nous l'espérons, permettront d'améliorer les relations thérapeutiques. Nous savons bien que notre façon de communiquer est liée à la culture. Il ne s'agit pas seulement de la langue. Mille autres influences culturelles pour ce qui est de notre capacité à communiquer et à nous comprendre les uns les autres.
    Nous appuyons les recommandations des appels à l'action no 23 et 24 de la Commission de vérité et réconciliation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons publié notre guide en 2013. Nous pensons que c'est crucial. Nous croyons que la formation sur la sécurité culturelle actuellement offerte ne traite pas spécifiquement ou adéquatement des questions relatives à la santé des femmes. Il y a des besoins particuliers que cela soulève et qui doivent être mis de l'avant. Ils sont beaucoup plus complexes et ne font qu'ajouter des nuances à ce qui doit être enseigné.
    Les décisions concernant la fertilité ou la stérilisation sont beaucoup plus complexes qu'une procédure technique relativement simple. J'ai vu des femmes refuser des traitements contre le cancer pour ne pas courir de risque concernant la possibilité d'avoir un enfant, et elles sont décédées en sachant qu'elles avaient pris la bonne décision même si, en fait, elles n'avaient jamais été capables de concevoir. La fertilité est quelque chose de très important pour les gens.
     Bien que les cas qui ont été mis au jour concernent des femmes autochtones, nous croyons, à la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada ou SOGC, que ces facteurs entrent en jeu pour toutes les personnes, sans égard à leur identité. Dans toute relation, la confiance, la communication et la compréhension sont primordiales. Aucun médecin ne veut apprendre qu'un patient qu'il a traité de bonne foi a donné son consentement sous la contrainte. Nous travaillerons avec toutes les parties concernées — nous nous réjouissons de cette audience — pour nous assurer qu'un processus est en place pour protéger la liberté de choix en matière de reproduction dont toutes les femmes devraient jouir.
     Nous appuyons les recommandations des appels à l'action 23 et 24 de la Commission de vérité et réconciliation d'offrir de la formation en matière de compétences culturelles, mais nous demandons en particulier des modules supplémentaires traitant des questions relatives à la santé des femmes. Nous croyons que toutes les options contraceptives doivent être pleinement accessibles à toutes les Canadiennes, sans obstacle. Nous savons que le coût est un obstacle pour bien des personnes. Cela va de l'éducation à l'accès gratuit. Nous savons que la contraception réversible à longue durée d'action est la méthode de contraception supérieure, mais nous n'avons pas encore d'implants au Canada qui sont faciles à insérer, à retirer et qui offrent une contraception efficace. Ils sont disponibles dans presque tous les autres pays. Ce ne sont pas toutes les femmes qui veulent un dispositif intra-utérin.

  (1645)  

    Enfin, une grossesse et un accouchement en santé sont au cœur d'une communauté en santé. La chose la plus importante que nous avons tous, c'est notre famille. Nous savons qu'une multitude de préjudices transgénérationnels peuvent être transmis pendant la grossesse et, inversement, être atténués par une grossesse en santé, et il y a tellement de preuves à ce sujet. Cela signifie une bonne nutrition, de l'air pur, de l'eau saine et des soins de santé appropriés dans une collectivité solidaire et bienveillante. Nous demandons au gouvernement du Canada d'aider vraiment à faire en sorte que chaque Canadien ait le meilleur départ possible dans la vie.
    Merci.
    Je dois seulement dire que vous êtes toutes des personnes extraordinaires. Nous avons beaucoup de chance d'avoir accès à votre expérience, à vos connaissances et à vos réflexions.
     Comme vous, docteure Blake, je croyais que nous parlions de quelque chose d'ancien lorsque la question a été soulevée pour la première fois.
    Oui.
     Pour bon nombre d'entre nous ici, nous n'effleurerons que la surface du problème.
    Nous allons maintenant passer aux questions. C'est M. Eyolfson qui commence.
    Je vous remercie de votre présence.
     Madame Abbas, vous avez visé juste. Au cours des témoignages, l'un des mots de ma formation médicale, qui m'est venu à l'esprit, c'est « paternalisme ». Lorsque j'étais étudiant en médecine, j'entendais par hasard des conversations entre des praticiens ayant plus d'expérience. « Cette femme de 23 ans en est à sa huitième grossesse; je vais faire une césarienne. » « Pourquoi ne lui demandes-tu pas si elle veut une ligature quand tu fais cela? » La plupart du temps, il s'agissait de femmes autochtones, mais essentiellement, c'était des personnes pauvres. Encore une fois, les Autochtones sont surreprésentés parmi les personnes qui vivent dans la pauvreté.
    Je crois que je connais la réponse à la question, mais si une femme est dans cette situation, qu'elle est sur le point de subir une césarienne et que le médecin lui dit qu'il est là de toute façon, qu'elle a déjà huit enfants et qu'il lui demande si elle veut subir une ligature des trompes, diriez-vous que c'est de la coercition?
     Je vous vois hocher la tête, docteure Bartlett.
    Oui. Sur le plan émotionnel, cette femme n'est pas en état de prendre ce genre de décision. En fait, cette situation se produit — vous avez raison — plus souvent qu'elle le devrait. Chaque fois qu'on demande à une personne de prendre une décision alors qu'elle n'est pas dans un état d'esprit lui permettant de peser le pour et le contre, alors c'est de la coercition.
    Merci.
    Dirions-nous que tout le monde autour de la table s'entend là-dessus?
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Puis-je seulement dire qu'il y a consensus, mais on ne connaît pas les circonstances. Vous avez dressé un tableau de telle façon qu'une personne, de manière cavalière en quelque sorte, dit « pendant que nous y sommes », mais on ne fait pas que dire « pendant que nous y sommes » en procédant à une césarienne. S'agit-il de sa huitième césarienne, par exemple? Où vit-elle? Je crois qu'on peut parler de généralités...
    Absolument.
    ... mais il faut vraiment comprendre que dans chaque situation, il y a des éléments précis qui doivent être très soigneusement pris en compte.
    J'en conviens. Ce que je voulais dire, c'est que s'ils le faisaient... Encore une fois, je n'aime pas l'admettre au nom des gens de ma profession, mais il y a ceux qui prennent des décisions de manière cavalière parfois, et malheureusement, ils pensent que leurs intentions sont bonnes, même si, au bout du compte, les résultats sont très désastreux.
    Nous pouvons convenir qu'il est inapproprié de prendre des décisions de manière cavalière et que cela ne produit pas de bons résultats.
    Absolument.
    J'ai maintenant une question pour tous les témoins qui œuvrent dans le domaine médical. Si vous appreniez qu'une stérilisation a été effectuée sur une femme qui n'avait pas donné son consentement, quelles sanctions ou interventions un organisme de réglementation comme une autorité responsable de délivrer des permis — par exemple, le Collège des médecins et chirurgiens de la province — est-il en mesure d’imposer?

  (1650)  

    Selon les circonstances, le médecin peut perdre son permis d’exercer. Un grand nombre d'éléments entrent en jeu, mais s'il y a réellement eu coercition, c'est-à-dire qu'on a pratiqué l'acte médical sans obtenir le consentement, cela entraînerait des sanctions disciplinaires et le Collège peut imposer une variété de mesures qui peuvent aller jusqu’à l'interdiction permanente de pratiquer.
    Merci.
    Docteure Richardson, vous avez parlé de sensibilisation relative à la culture. Je suis d'accord. Nous en avons beaucoup parlé pendant ma résidence en médecine. Je suis diplômé d’un programme de médecine d'urgence dans un campus collégial en milieu rural.
    Nous avons constaté que lorsqu'il s'agit d'enjeux fondamentaux comme celui-ci, il faut que cela soit fait avant la résidence. A-t-on discuté avec les responsables des facultés de médecine pour qu'une telle formation sur le respect des différences culturelles soit suivie au tout début d'un programme, avant que les étudiants interagissent avec les patients?
    Je vous remercie de votre question. En fait, elle ne peut pas mieux tomber, car notre organisme national principal, l'Association des facultés de médecine du Canada, une association pour les études en médecine de premier cycle ainsi que le Collège royal et le Collège des médecins de famille du Canada se réuniront dimanche prochain, car nos doyens ont approuvé la création d'un consortium national pour veiller à ce que nous diffusions et que nous menions ce type d'activités.
    Je vais parler à titre d'éducatrice. C'est une spirale, et il faut donc commencer avant d'entrer à la faculté de médecine. Nous discutons maintenant de la possibilité d’exiger une formation en matière de sécurité culturelle comme condition d'admission dans une faculté de médecine, afin que lorsque nos étudiants arrivent, nous n'ayons pas à leur enseigner ce que l'un de mes aînés appelle les fondements de la culture autochtone, et qu'ils soient prêts pour entamer le programme. Comment prodigue-t-on des soins tout en tenant compte des traumatismes vécus par les patients? Comment mène-t-on des conversations complexes qui portent sur des traumatismes historiques?
    Nous nous sommes tous engagés à faire cela. Ces efforts sont en cours. En fait, cela se fait dans les facultés de médecine depuis beaucoup plus longtemps, et nous appliquons maintenant cela aux programmes de résidence en médecine.
    Merci. J'avais d'autres questions, mais elles ont plus ou moins reçu une réponse pendant les témoignages. Je m'arrêterai donc un peu à l'avance.
    Merci à tous les témoins.
    La parole est maintenant à Mme Gladu.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les témoins.
    Je voudrais d'abord m'adresser à Dre Blake. Est-ce que seuls les obstétriciens et les gynécologues peuvent pratiquer la ligature des trompes au Canada?
    Non. Selon l'endroit où vous vous trouvez, un médecin de famille peut très bien pratiquer une ligature des trompes.
    Existe-t-il un processus de plaintes qui permettrait à une personne qui juge avoir subi un tel acte médical sans son consentement de déposer une plainte contre un obstétricien-gynécologue?
    Oui. Cela commence à l'échelon de l'hôpital local. Je crois que de nos jours, presque tous les hôpitaux ont un protecteur du citoyen ou une personne qualifiée à laquelle on peut s'adresser. À l'échelon suivant, il y a le Collège des médecins de la province ou du territoire. De plus, à tout moment, une personne peut s'adresser à son avocat, si elle juge que son cas est du ressort d'un avocat. Elle peut également s'adresser à son fournisseur de soins. Elle peut aussi demander l'aide de son médecin de famille pour faire avancer sa plainte.
    La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que nous avons entendu des témoins affirmer que certaines lois actuelles permettaient déjà de porter des accusations contre des personnes — et je ne suis donc pas certaine qu’une autre loi améliorerait la situation —, mais on nous a précisé que les gens se sentent trop intimidés pour parler à la police ou même pour suivre les étapes du processus criminel.
    J'essaie de déterminer comment nous pourrions éliminer toutes ces stérilisations forcées. Que ferait la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, la SOGC, si un professionnel était visé par une ou plusieurs plaintes selon lesquelles il pratique des stérilisations sans le consentement des patientes?
    La SOGC n’a pas d’autorité réglementaire, et nous transmettrions donc ce cas au collège provincial, qui s'en occuperait. Il faudrait que vous demandiez à des représentants du Collège comment ils gèrent les plaintes qui ont une composante criminelle, mais une stérilisation forcée serait illégale en vertu des lois canadiennes actuelles.

  (1655)  

    Adressons-nous donc à la représentante du Collège.
    Docteure Richardson, à votre avis, que ferait le Collège s'il recevait une telle plainte?
    Vous parlez de l'autorité réglementaire et des collèges provinciaux, dont je ne fais pas partie, mais j’ai abordé cette question avec la médecin en chef de notre Collège, l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario.
    Dès qu'une enquête approfondie a été menée et dès qu'elle révèle la possibilité qu’un cas relève du domaine criminel, les choses commencent à bouger. Malheureusement, nous avons de nombreux cas d'agression sexuelle et de violence sexuelle de ce type; il y a donc des précédents et ces gens ont beaucoup d'expérience dans ce domaine. La médecin en chef a dit qu'elle voulait entendre parler de ces cas, mais qu'on ne les lui signalait pas.
    Vous parlez du signalement des cas, et c’est un gros problème, car en général, les patients ne veulent pas signaler leur cas. La documentation laisse croire que seulement 20 % des incidents liés à la sécurité d’un patient qui entraînent la mort, qui accroissent la morbidité ou qui prolongent le séjour à l'hôpital sont signalés.
    Cette proportion est beaucoup plus élevée chez les patientes autochtones. Lorsque nous leur parlons, elles nous disent qu'elles craignent de signaler leur cas à cause des répercussions potentielles. Si elles font un signalement anonyme, l'établissement ne prendra aucune mesure, car c'est un signalement anonyme. Si elles produisent un rapport signé, elles deviennent soudainement des dénonciatrices dans un environnement hostile, etc.
    Je crois qu'il est essentiel de déterminer à quoi ressemble un signalement fait en toute sécurité. Il s'agit peut-être d'avoir recours à une tierce partie qui n'a pas à divulguer tous les renseignements liés aux patients et son identité, et il s'agit idéalement d'une personne autochtone ou d’une personne qui comprend l’expérience des Autochtones. Ensuite, il faut mener une enquête plus approfondie. Je crois que le signalement de ces cas est un élément essentiel lorsque nous tenons compte de… Nous avons beaucoup d'expérience dans le milieu de la sécurité des patients et dans nos institutions de soins de santé.
    Parfait.
    Docteure Abbas, j'ai une question pour vous. Nous parlons des personnes handicapées. Certaines personnes handicapées ne seraient pas mentalement capables de donner leur consentement et pourraient se trouver sous la tutelle de leurs parents. J'ai écouté vos commentaires sur les parents qui prennent cette décision pour leur enfant.
    Quelle est la décision appropriée dans le cas d’une personne qui n'est pas mentalement capable de décider si elle subira ou non un acte médical lorsque certaines personnes, par exemple ses parents ou ses gardiens, ont une procuration à son égard? Que recommanderiez-vous dans cette situation?
    Je crois que c'est toute une question. Des procédures régissent la tutelle, etc. Je crois que l'une des préoccupations que nous entendons de temps en temps, c'est que ces procédures officielles qui donnent une procuration à une autre personne ne se concrétisent pas souvent. Cela se fait plutôt de façon informelle avec les parents et les autres aidants. C'est aussi une grande préoccupation, surtout en ce qui concerne les femmes handicapées.
    Sonia, avez-vous quelque chose à ajouter ?

[Français]

     Oui. Je veux préciser ce qu'on entend aussi quand on parle de personnes qui ne donnent pas leur consentement éclairé.
    Par exemple, les personnes en situation de handicap intellectuel qui sont membres du mouvement des Personnes d'abord considèrent qu'elles peuvent donner leur consentement éclairé.
    Qui peut décréter quelles personnes peuvent ou non donner leur consentement éclairé? C'est une question plus sociétale et la réponse est très large, mais je pense qu'il faudrait aller davantage dans cette voie.

[Traduction]

    Madame Alimi, vous avez parlé des personnes intersexuées et du nombre de ces personnes qui sont stérilisées. Quel est le nombre total de personnes intersexuées au Canada?

[Français]

    Je n'ai pas le chiffre exact. Dans ma présentation, j'ai rapporté les propos de Morgan Holmes, qui représente le groupe Egale Canada. Je n'ai pas le nombre exact; je ne peux pas répondre à cette question.

[Traduction]

    D'accord.
    J'aimerais parler un peu plus de la formation sur la sécurité culturelle.
    Docteure Richardson, je crois que vous parliez de la formation nécessaire et des initiatives qui devraient être mises en œuvre à cet égard. Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle de soutien à jouer?
    Je crois que c'est une excellente question.
    Nous avons travaillé avec le Ralliement national des Métis, l'Assemblée des Premières Nations et Inuit Tapiriit Kanatami. Je suis membre de l'Association des médecins autochtones du Canada et de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada. Nous avons présenté une demande pour la création d'un grand centre de connaissances en ligne qui contiendrait des renseignements sur la sécurité culturelle, afin qu'on puisse consulter ce centre en ligne n'importe quand pour acquérir des connaissances sur le sujet. Nous avons présenté cette demande à Santé Canada et nous attendons la réponse de la Dre Gideon.

  (1700)  

    Je suis désolé, mais le temps est écoulé.
    Monsieur Davies.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure Blake, la Cour américaine des droits de l'homme et la Cour européenne des droits de l'homme ont toutes les deux reconnu que le consentement éclairé ne peut jamais être donné pendant l'accouchement et immédiatement après. Est-ce également l'avis de la Société?
    Nous évitons à tout prix de tenter d'obtenir le consentement pendant l’accouchement, et ce, pour de nombreuses raisons. C'est le moment le plus difficile, et nous tentons donc toujours de nous assurer que l'intention de demander la stérilisation a été exprimée auparavant.
    Vous n'avez pas de règle stricte aussi clairement définie.
    Nous n'avons pas de règle stricte à cet égard, mais je peux vous assurer que tout le monde s'entend pour dire que ce n'est pas le moment d'obtenir le consentement.
    La Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique a insisté sur le fait que la stérilisation en vue de prévenir toute grossesse future ne peut pas être justifiée sur le plan éthique en invoquant une urgence médicale et qu'on doit donner à la patiente le temps et le soutien nécessaires pour faire son choix. Est-ce que cela correspond aussi à l'avis de votre Société?
    Oui.
    Manifestement, lors de la dernière réunion du comité, nous avons appris qu'on pratiquait la ligature des trompes sur des femmes autochtones au Canada. Nous avons entendu parler d’un cas qui s'est produit aussi récemment qu'en décembre 2018. Ces ligatures sont effectuées pendant l'accouchement ou immédiatement après, lorsque les patientes sont épuisées physiquement et émotionnellement, et souvent encore sous l’influence d'un anesthésique et donc incapables de donner leur consentement éclairé.
    Étant donné qu'il semble bien établi, au sein de votre profession, qu'il n'est pas possible de donner un consentement éclairé pour la ligature des trompes immédiatement avant, pendant ou après l'accouchement, pourquoi, selon vous, des professionnels de la santé continuent-ils de tenter de l'obtenir des femmes autochtones?
    Je ne peux pas répondre à cette question, car comme je l'ai dit, je pensais que c'était une pratique appartenant au passé. Vous me demandez d'avancer des hypothèses sur quelque chose qui…
    Je présume que vous convenez que cela ne devrait pas se produire.
    C'est encore plus que ce que vous décrivez, car il y a également la question des hormones pendant la grossesse. En effet, les femmes enceintes sont pleines d’ocytocine, une sorte d'hormone des câlins. Lorsqu’une personne est pleine d’ocytocine ses protections naturelles ne fonctionnent plus et son cerveau fonctionne différemment. C'est visiblement une période à éviter, et ce n'est pas nécessaire, car si une personne ne veut absolument pas donner son consentement, il y a des solutions de rechange.
    Je comprends.
    Nous avons entendu des témoignages plus tôt, et j'aimerais obtenir quelques éclaircissements. Le médecin qui effectue la ligature des trompes ou l'acte médical est-il responsable, au bout du compte, de s'assurer que le consentement éclairé a été obtenu?
    Oui.
    Si ces ligatures des trompes ont réellement été effectuées, dans ce cas, c'est la personne qui effectue… Dans tous les cas, ce serait un médecin, j'imagine, quelle que soit sa spécialité. Vous avez mentionné qu'il pourrait s'agir d'un médecin de famille ou d'un…
    Le chirurgien qui effectue l'acte médical est responsable.
    D'accord. Merci.
    Docteure Bartlett, je ne sais pas si vous étiez présente lorsque nous avons entendu le témoignage de la commissaire de la GRC qui semble trouver qu'il est difficile, jusqu'ici, de connaître le nom d'une seule femme à qui cela est arrivé. Dans quelle mesure est-il difficile — vous avez mené des recherches — de découvrir l'identité ou le nom des femmes qui ont affirmé avoir subi une stérilisation forcée ou contrainte au Canada?
    Même dans le cadre de notre étude, c'est difficile. Nous avons garanti à ces femmes que leur témoignage resterait confidentiel, ce qui signifie que leurs noms ont été supprimés.
    Connaissez-vous le nom de certaines d'entre elles?
    Je sais qui elles sont, mais je ne peux pas…
    Vous ne pouvez pas divulguer leur nom, mais vous savez qui elles sont.
    Je les ai interviewées, mais je n'ai plus leurs noms.
    Je comprends, mais vous les avez trouvées.
    Nous les avons trouvées. Ces femmes nous ont trouvés par l'entremise de nos affiches et de notre initiative de sensibilisation. Nous avons dû utiliser les moyens de communication et les processus appropriés.

  (1705)  

    D'accord.
    Nous ne pouvons pas simplement dire aux femmes de signaler leur cas. La Saskatoon Health Region a un excellent système de signalement dans les unités de soins pour tous les types de problèmes. Le problème, c'est que ces femmes ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour faire cela.
    D'accord. Je vais aborder cette question si j'ai le temps.
    La Saskatchewan Health Authority enquête actuellement sur le cas d'une femme de 30 ans, une femme nakota, qui affirme qu'elle a subi une stérilisation forcée dans un hôpital de Moose Jaw, en Saskatchewan, le 13 décembre 2018. La Saskatchewan Health Authority connaît-elle l'identité de cette femme?
    Je ne pourrais pas vous le dire.
    D'accord.
    Un article de novembre 2018 de la chaîne de nouvelles du réseau APTN cite la sénatrice Boyer qui dit ce qui suit concernant le rapport que vous avez corédigé: « Le rapport que la docteure Bartlett et moi avons réalisé n'a fait qu'effleurer le problème. » Nous avons évidemment entendu parler des 100 allégations. Estimez-vous que nous comprenons actuellement l'ampleur de ce problème au Canada?
    Non. Je ne le crois pas. J'estime que beaucoup plus de recherches doivent être réalisées. Je crois qu'il faut faire quelque chose pour nous assurer que cela ne se produit pas.
    En ce qui concerne la façon dont toutes les femmes se manifesteront et composeront avec cette situation, même les femmes qui ont communiqué avec nous ont affirmé que, lorsqu'elles sont parties, elles se sont senties beaucoup mieux du simple fait d'en avoir parlé et de l'avoir dit. Il doit y avoir un endroit où les femmes peuvent se rendre pour en parler. Ces femmes ne souhaitent peut-être pas se rendre devant les tribunaux ou elles ne veulent peut-être pas discuter avec les autorités en matière de santé, mais elles ont besoin d'exprimer cette douleur.
    D'accord.
    Vous avez parlé de « mesures extraordinaires », et cela m'a frappé. Nous avons entendu la commissaire Lucki mentionner qu'il faut renforcer la confiance envers les forces de l'ordre. Le mois dernier, nous avons vu une vidéo assez choquante d'un agent de la GRC de Kelowna qui interrogeait une jeune Autochtone, une adolescente, pendant plus de deux heures après qu'elle a signalé avoir été victime d'agression sexuelle alors qu'elle se trouvait sous la responsabilité du système de protection de l'enfance de la Colombie-Britannique. Elle a été bombardée de questions vraiment méprisantes; elle s'est fait demander si elle était excitée durant l'agression. Cette adolescente a déposé une déclaration en mars dans laquelle elle affirme s'être sentie punie pour avoir signalé une agression sexuelle. Elle affirme également qu'aucune enquête sérieuse n'a été réalisée pour faire la lumière sur les circonstances de l'agression sexuelle.
    C'est le contexte dans lequel les femmes autochtones doivent interagir avec les forces de l'ordre. Or, nous venons tout juste d'entendre la commissaire de la GRC affirmer que les agents attendront que les femmes autochtones viennent à eux. Nous venons de recevoir le rapport de l'enquête sur les femmes disparues et assassinées qui traitait de cet aspect dans le contexte d'un génocide. Estimez-vous que c'est raisonnable pour le gouvernement du Canada de refuser d'ordonner à la GRC ou pour la GRC de refuser de réaliser des enquêtes proactives et de tendre la main aux femmes autochtones, compte tenu du contexte de l'expérience vécue par les femmes autochtones avec les forces de l'ordre au Canada?
    Je crois que la GRC peut tendre la main aux femmes autochtones, mais cela doit se faire différemment. C'est tout un processus qui doit se faire pour y arriver. Je ne crois pas que des femmes iront voir des agents de la GRC. Ce n'est pas sécuritaire pour elles. Je ne crois pas qu'elles le feront. Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à votre question...
    Mon temps est probablement écoulé. Donc, si quelqu'un d'autre a des commentaires...
    Votre temps est déjà plus qu'écoulé.
    D'accord. Merci.
    Monsieur McKinnon, il nous reste deux minutes.
    D'accord.
    D'après ce que nous avons entendu des divers groupes de témoins, j'ai l'impression que, parmi les nombreux problèmes fondamentaux, il y a que les victimes ne signalent pas ce qui leur est arrivé. Si les victimes ne signalent pas les cas aux forces de l'ordre, les policiers ne pourront alors jamais réaliser d'enquêtes en la matière. Si les victimes ne signalent pas à l'hôpital ou au Collège des médecins ce qui s'est passé, ces organismes n'enquêteront jamais sur ces cas.
    Docteure Richardson, vous avez mentionné que toutes les allégations de stérilisation forcée au Canada doivent faire l'objet d'une enquête rigoureuse et impartiale. Cependant, si les cas ne sont pas signalés, comment pouvons-nous le faire? Comment pouvons-nous faire en sorte que ce soit le cas ou que ce soit facile de signaler adéquatement ces cas?
    Si nous prenons le cadre proposé dans le rapport sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées et la recommandation visant la création d'un poste d'ombudsman des droits des Autochtones et la mise sur pied d'un tribunal des droits des Autochtones et des droits de la personne, soit des entités qui seraient indépendantes de toutes ces organisations, nous avons peut-être là un mécanisme. Comme la Dre Bartlett l'a dit, je crois que, compte tenu de l'histoire institutionnelle et du racisme présent au sein de ces institutions coloniales, nous devrons trouver une autre approche. Je crois que mes chers collègues qui ont rédigé le rapport sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées ont examiné le tout de manière approfondie et ont recommandé la création d'un processus indépendant.

  (1710)  

    D'accord.
    Je m'excuse. Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Je remercie énormément les témoins de leur contribution. J'espère que nous réussirons à faire bon usage de vos témoignages; je sais que nous essaierons de le faire. Nous ne réussirons probablement pas à changer les choses du jour au lendemain, mais nous ferons de notre mieux. Au nom des membres du Comité, je vous remercie énormément de vos témoignages.
    Nous prendrons une courte pause avant de poursuivre nos travaux à huis clos. Nous avons deux choses importantes à faire.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU