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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 76e séance du Comité permanent de la santé. Nous poursuivons notre étude sur la résistance aux antimicrobiens.
    Nous recevons un groupe de témoins remarquables aujourd'hui.
    Nous accueillons la Dre Wendy Levinson, présidente de Choisir avec soin.
    Je souhaite aussi la bienvenue à Dr Andrew Morris, directeur du Programme de gestion des antimicrobiens, Sinai Health System.
    Nous recevons également Mme Suzanne Rhodenizer Rose, ancienne présidente, ainsi que Mme Jennifer Happe, agente et directrice, Prévention et contrôle des infections Canada.
    Enfin, nous accueillons Dr Yoav Keynan, chef scientifique, National Collaborating Centre for Infectious Diseases.
    Merci beaucoup de votre présence. Nous avons hâte d'entendre vos témoignages.
    Docteure Levinson, voulez-vous commencer? Vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé.
    Je vous remercie de m'accorder le privilège de m'adresser au Comité. Je suis ici à titre de présidente de Choisir avec soin.
    Choisir avec soin est une campagne nationale menée par des cliniciens dans le but d'aider les cliniciens et les patients à engager un dialogue au sujet des examens, des traitements et des interventions inutiles afin de permettre aux patients de faire des choix éclairés. Nous organisons également des campagnes internationales avec la communauté Choisir avec soin, qui compte actuellement des membres dans 20 à 25 pays partout dans le monde.
    Selon des données de l'Institut canadien d'information sur la santé, jusqu'à 30 % des examens et des traitements que nous faisons sont inutiles, ce qui signifie qu'ils n'améliorent pas la santé des patients, et dans certains cas, ils peuvent même être nocifs. Les utilisations inutiles d'antibiotiques en sont certainement un exemple: elles n'apportent pas nécessairement d'avantages aux patients, elles peuvent lui nuire et elles peuvent avoir une incidence néfaste sur l'ensemble de la société puisqu'elles sont un élément moteur de la résistance aux antimicrobiens.
    Comme vous le savez très bien, la résistance aux antimicrobiens est un problème mondial. Ses causes vont bien au-delà des soins de santé humaine, et les solutions doivent être multifactorielles. Cependant, dans le domaine des soins de santé, les antibiotiques sont utilisés abusivement et inutilement dans les hôpitaux, dans les cliniques externes et de soins primaires, ainsi que dans les établissements de soins de longue durée.
    Je vais vous expliquer en partie pourquoi les antibiotiques sont surutilisés et je vais vous présenter des pistes de solutions. Il est important de souligner que la surutilisation de nombreux examens et traitements, comme les antibiotiques, est une question complexe. La surutilisation est intégrée dans notre régime et dans notre culture médicale. Des facteurs liés aux cliniciens, aux patients et aux systèmes entraînent la surutilisation.
    Les cliniciens prescrivent inutilement des antibiotiques pour des raisons diverses. Ils croient que les patients veulent une ordonnance et ils souhaitent leur faire plaisir. Si vous êtes avec un parent dont l'enfant n'a pas dormi de la nuit parce qu'il a mal aux oreilles et qu'il fait de la fièvre, vous voulez procurer du soulagement. Il peut être long d'expliquer à une mère que son enfant a une infection virale et non bactérienne et que des antibiotiques n'aideront pas; nous savons donc qu'il est souvent plus facile d'écrire une ordonnance.
    Les recherches ont aussi montré que, de façon générale, les patients se sentent soulagés s'ils ont l'impression qu'un médecin les a écoutés et a prêté attention à leurs symptômes. Ils n'ont pas nécessairement besoin de l'ordonnance. Franchement, dans une clinique très occupée, les médecins pressés peuvent trouver plus facile d'écrire une ordonnance que d'avoir une discussion qui pourrait être difficile.
    Dans la population générale, comme vous le savez, beaucoup croient à tort que les antibiotiques peuvent être efficaces pour guérir les rhumes et les infections virales. Nous vivons dans une société où les gens s'attendent à ce que les médicaments soient des solutions miracles et à ce qu'il y ait une pilule magique pour chaque mal. C'est la culture dans laquelle nous vivons. Les patients se présentent souvent chez le médecin en s'attendant à repartir avec une ordonnance. En outre, ils ne sont pas au courant des risques posés par les examens et les traitements inutiles en général, et certainement par les antibiotiques en particulier.
    Enfin, des facteurs liés au système de soins de santé contribuent aussi aux utilisations inutiles d'antibiotiques. Par exemple, les systèmes d'information employés au Canada ne donnent pas de rétroaction aux médecins et aux autres cliniciens sur leurs pratiques d'ordonnance. Les systèmes informatiques utilisés dans les hôpitaux et les cliniques sont très différents les uns des autres; pourtant, ils pourraient être employés pour aider les prescripteurs à choisir les antibiotiques adéquats. De plus, les hôpitaux utilisent des modèles d'ordonnances, qui sont en gros des ordonnances rédigées d'avance pour des situations données. Ces modèles d'ordonnances favorisent peut-être la surutilisation.
    Quel est le rapport entre tout cela et Choisir avec soin? Selon nous, les changements s'opèrent de l'intérieur. À notre avis, ce sont les professionnels de la santé qui doivent mener les efforts pour lutter contre la surutilisation en général, et l'utilisation abusive des antibiotiques en particulier. Pour ce faire, nous travaillons avec des sociétés nationales spécialisées. À l'heure actuelle, environ 60 organisations participent aux efforts; elles comprennent des associations de médecins de famille, de spécialistes, de personnel infirmier, de pharmaciens et de dentistes. Ces sociétés dressent une liste de recommandations Choisir avec soin pour leur spécialité. Elles sélectionnent un minimum de cinq examens et traitements qui sont cliniquement inutiles ou qui pourraient nuire à la santé des patients. Comme ce sont les médecins, les infirmiers ou les cliniciens mêmes qui dressent les listes, la campagne est toujours menée par la base, ce qui est plus efficace, à notre avis, que l'approche descendante.

  (1535)  

    À l'heure actuelle, il y a approximativement 270 recommandations Choisir avec soin, dont environ 20 portent précisément sur les antibiotiques. Je vais vous donner deux exemples. Le premier concerne la médecine familiale: « N'utilisez pas d'antibiotiques pour traiter une infection des voies respiratoires supérieures vraisemblablement d'origine virale. » Le deuxième touche la médecine d'urgence: « Ne prescrivez pas un antibiotique aux adultes et aux enfants atteints de maux de gorge sans complication. »
    Une autre façon de faire participer les cliniciens est en travaillant avec la prochaine génération. Nous visons à enseigner dans les écoles de médecine. Il y a deux ans, nous avons lancé un programme très intéressant appelé ESPOIRS. En fait, le programme a été créé par des étudiants. L'acronyme ESPOIRS correspond à « étudiants et stagiaires pour l'optimisation de l'intendance des ressources en santé ». Il s'agit d'une campagne de la base, dirigée par des étudiants et visant à changer la culture des études de médecine et à lutter contre les comportements qui entraînent la surutilisation.
    Nous devons aussi déployer des efforts pour modifier les attentes des patients et de la population, ce qui représente, évidemment, un défi majeur. Pour y arriver, nous avons mis en oeuvre de nombreuses stratégies visant à promouvoir le message que trop, c'est comme pas assez. Vous avez peut-être vu notre image d'un hot dog couvert de moutarde. Bien sûr, le message est le même en ce qui concerne précisément les antibiotiques.
    La campagne cherche à atteindre la population générale par l'intermédiaire des médias. Nous avons travaillé avec des médias d'information et des stations de radio et de télévision. Nous avons aussi rédigé des lettres d'opinion. Plus précisément, nous avons lancé des campagnes ciblées pour sensibiliser les patients lorsqu'ils sont dans le bureau du médecin, au moment où ces préoccupations sont au premier plan. Par exemple, nous avons distribué des affiches dans les cabinets de tous les médecins de famille de l'Ontario, des affiches qui transmettent le message que ce n'est pas en prenant plus d'antibiotiques que vous vous débarrasserez de votre rhume. Nous avons créé ces affiches et d'autres documents à l'intention des patients parce que nous voulons les encourager à poser trois questions: ai-je vraiment besoin d'antibiotiques; quels sont les risques; et y a-t-il des options plus simples ou plus sécuritaires?
    Enfin, nous devons prendre des mesures à l'égard des facteurs liés au système de soins de santé. Le milieu clinique dans lequel les médecins travaillent a une grande influence sur leur pratique. Pour venir à bout des facteurs liés au système qui entraînent la surutilisation, nous avons tenté de rassembler les acteurs qui influent sur le milieu de la pratique médicale et de faire en sorte qu'il soit plus facile pour les médecins de prendre la bonne décision, c'est-à-dire d'éviter les ordonnances inutiles.
    De plus en plus de données recueillies dans le cadre de projets de démonstration menés au Canada montrent que nous pouvons transformer le milieu de la pratique médicale. Par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, le groupe Choisir avec soin fournit aux médecins de première ligne des données comparatives sur leurs pratiques d'ordonnance et celles de leurs collègues. En outre, il mène une vaste campagne de sensibilisation du public concernant les utilisations inutiles d'antibiotiques.
    Choisir avec soin appuie la collectivité croissante de cliniciens novateurs. De fait, plus tôt aujourd'hui, près de 100 groupes ont participé à un webinaire sur les antibiotiques et les façons de les éviter. D'un océan à l'autre, des cliniciens oeuvrant dans des lieux divers, tels que des hôpitaux et des cliniques, ont commencé à adopter des mesures d'amélioration de la qualité pour promouvoir la recommandation selon laquelle trop, c'est comme pas assez.
    Enfin, bien entendu, la résistance aux antimicrobiens est une préoccupation d'ordre mondial. Comme je l'ai déjà dit, entre 20 et 25 pays membres de la communauté Choisir avec soin travaillent ensemble. Nous collaborons aussi avec l'OCDE, par exemple, qui a mesuré les taux d'utilisation d'antibiotiques dans différents pays. Comme vous le savez peut-être, notre utilisation d'antibiotiques est beaucoup plus élevée que celle d'autres pays. De fait, elle est deux fois plus élevée que celle des Pays-Bas. Nous tentons donc de comprendre comment nos collègues néerlandais ont réussi à faire mieux que nous, surtout dans le contexte des cliniques externes.
    En résumé, il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous demeurons optimistes. Nous sommes d'avis que l'utilisation inutile d'antibiotiques fait simplement partie de la culture médicale, tout comme l'utilisation abusive d'autres examens et traitements. Or, si nous pouvons mobiliser les médecins et les professionnels de la santé pour qu'ils contribuent aux changements en faisant preuve de leadership, nous arriverons à apporter des changements.

  (1540)  

    Les médecins ne sont pas le seul élément moteur. Nous travaillons dans un système complexe qui regroupe des facteurs divers liés aux cliniciens, aux patients et au système de soins de santé. En favorisant le leadership des cliniciens et en éduquant les patients, nous pouvons encourager les médecins et les patients ou le personnel infirmier et les patients à entamer des discussions dans le but de déterminer si le patient a réellement besoin d'antibiotiques. Nous employons des stratégies éclairées fondées sur des données probantes pour apporter des changements et pour travailler avec tous les acteurs du vaste réseau des soins de santé — les cliniciens, les patients, le public et les organisations de fournisseurs de soins de santé — dans le but de transmettre le message que dans le domaine de la santé, trop, c'est comme pas assez, surtout en ce qui concerne les antibiotiques.
    J'ai très hâte de discuter avec vous.
    Merci beaucoup. Nous aussi, nous avons très hâte de discuter avec vous.
    Je donne maintenant la parole au représentant du Sinai Health System.
    Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs. Je suis honoré d'avoir le privilège de pouvoir venir vous parler de la résistance aux antimicrobiens, ou la RAM.
    Je m'adresse à vous en ma qualité de directeur du Programme de gestion des antimicrobiens du Sinai Health System et du Réseau universitaire de santé, deux organismes de soins de santé universitaires de Toronto largement reconnus comme des chefs de file du domaine des soins de santé aux échelles locale, provinciale, nationale et internationale.
    Je souligne, sans faire de sémantique, que je vais employer les termes « antibiotiques » et « antimicrobiens » de façon interchangeable durant mon exposé.
    Je suis devenu infectiologue parce que je voulais guérir les gens. Les antibiotiques sont comme un remède miracle. Ils ont la même valeur pour les infectiologues que les scalpels pour les chirurgiens. La seule différence, c'est que ce ne sont pas les infectiologues qu'on glorifie, mais plutôt les antibiotiques.
    Aujourd'hui, on ne peut plus se fier à n'importe quel antibiotique pour guérir les gens. Souvent, les médecins ne font que deviner quelle infection ils soignent, et ils se trompent fréquemment. De plus en plus souvent, même lorsqu'ils savent à quelle infection ils ont affaire, les médecins sont incapables de choisir un antibiotique curatif.
    En tant que patients éventuels, vous devriez avoir peur. En tant que législateurs, vous devriez être poussés à agir devant la crise de santé publique mondiale la plus importante de notre génération.
    Durant mon exposé, je vais répondre à quatre questions. Premièrement, que sont les antibiotiques? Deuxièmement, qu'est-ce que la RAM? Troisièmement, pourquoi le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes et la population canadienne devraient-ils se soucier de la RAM? Quatrièmement, qu'est-ce que le Programme de gestion des antimicrobiens du Sinai Health System et du Réseau universitaire de santé peut vous apprendre, à vous et au Canada, sur la lutte contre la RAM?
    Que sont les antibiotiques? Pour survivre, les organismes qui se trouvent dans l'environnement, surtout les bactéries et les champignons, luttent les uns contre les autres. Grosso modo, les antibiotiques sont les armes que les champignons utilisent pour repousser les bactéries. Alexander Fleming nous a appris à exploiter ces armes pour tuer les bactéries. Ainsi, aujourd'hui, non seulement les bactéries environnementales, mais aussi les bactéries animales, ichtyennes, aviaires et humaines — les microbiomes — sont exposées intentionnellement aux antibiotiques.
    Qu'est-ce que la RAM? La résistance aux antimicrobiens, ou la RAM, est un exemple élémentaire de sélection darwinienne. La plupart des bactéries qui sont exposées aux antibiotiques meurent, mais celles qui ont aléatoirement subi une mutation les rendant résistantes aux antibiotiques finissent par prospérer. Les nouvelles souches de bactéries ainsi créées sont donc résistantes aux antibiotiques. Il faut seulement deux éléments pour que la RAM se manifeste: des bactéries et des antimicrobiens. La RAM se produit naturellement dans l'environnement, mais lorsque les gènes qui rendent les bactéries résistantes aux médicaments se répandent dans une collectivité, une exploitation agricole ou un ménage, il n'est pas toujours possible de renverser la croissance de la résistance aux médicaments.
    Les bactéries humaines ne devraient pas vraiment être naturellement résistantes aux antimicrobiens. Normalement, nous ne sommes pas en contact étroit avec les champignons et leurs antibiotiques. Il devrait donc en être de même pour nos bactéries, à moins que nous soyons exposés aux antibiotiques. Plus nous utilisons des antibiotiques et plus nous en abusons, plus notre microbiome risque de devenir résistant. La situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement a été causée par l'utilisation peu utile, abusive et incontrôlée d'antimicrobiens à l'échelle mondiale.
    Pourquoi le Comité et la population canadienne devraient-ils se soucier de la RAM? Les Canadiens sont fiers de leurs soins de santé. Aujourd'hui, ils ont des attentes relativement à la sûreté des grossesses, des accouchements et des soins néonataux; à la gestion d'infections courantes, comme la pneumonie ou les infections urinaires; aux interventions chirurgicales courantes; et même aux greffes d'organes et de cellules souches. Or, la résistance aux antimicrobiens menace la sûreté de ces soins. Dans certains cas, il s'agit d'une menace actuelle et non d'une future menace.
    Aux États-Unis, jusqu'à la moitié des agents pathogènes qui causent des infections chez les patients atteints de cancer et ceux ayant subi une intervention chirurgicale sont déjà résistants aux antibiotiques de première intention. J'aimerais beaucoup vous présenter des données canadiennes, mais nous n'en avons pas; toutefois, la situation est probablement comparable. Lorsque j'ai commencé à pratiquer la médecine, il n'y avait pas d'infection impossible à soigner. Aujourd'hui, les médecins comme moi doivent couramment avoir recours à de nouveaux traitements pour soigner des infections courantes. La résistance aux médicaments a rendu de nombreux antibiotiques tellement obsolètes que les fabricants ont arrêté de les produire et les cliniciens ont arrêté d'apprendre à leur sujet.
    Lorsque j'ai commencé à pratiquer la médecine, le seul sigle courant qui se trouvait dans le lexique médical relatif à la RAM était « SARM », ou le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline. Aujourd'hui, la liste comprend, entre autres, les sigles suivants: KPC, BLSE, NMDA1, ERV et ICD.
    L'insécurité de l'approvisionnement d'antibiotiques — je ne me rappelle pas la dernière fois où il n'y avait pas de pénurie d'un type quelconque d'antimicrobien — aggrave le problème. Les organismes résistants aux médicaments coûtent des milliards de dollars au système de soins de santé. Ces coûts s'ajoutent au plus de 1 milliard de dollars que nous dépensons pour payer les médicaments d'ordonnance au Canada, dont environ la moitié sont utilisés inutilement.

  (1545)  

    Selon les estimations de la Banque mondiale, le risque de RAM est plus important que la crise financière mondiale d'il y a 10 ans. De façon plus importante, elle menace la sécurité nationale et la sécurité publique et menace les Canadiens encore plus que la violence et les accidents. Toutefois, la RAM ne fait pas les manchettes. Il n'y a pas de marche, de course, de randonnée de vélo, de tournoi de golf ou de gala organisés pour la résistance aux antimicrobiens. Il n'y a pas de ruban et l'industrie pharmaceutique a pris ses distances par rapport au développement des antimicrobiens.
    On a incité les gouvernements à investir dans les approches industrielles à l'égard de la RAM, qui sont nécessaires, soit dit en passant, mais cela s'est fait au détriment de l'investissement dans les domaines éprouvés de la santé publique, animale, agricole et environnementale, qui explorent les déterminants sociaux de la santé. Je m'en voudrais de ne pas souligner l'importance de ce besoin chez nos populations autochtones.
    Qu'est-ce que vous et le Canada pouvez apprendre sur la lutte contre la RAM par l'entremise du programme de gérance des antimicrobiens du Réseau de santé Sinai et du Réseau universitaire de santé? C'est le premier et le plus important en son genre au Canada. Il tient compte de toutes les bonnes mesures à prendre pour lutter contre la RAM au Canada, mais jette aussi la lumière sur tout ce qui nuit à la progression de cette lutte. En 2009, les dirigeants des hôpitaux pour lesquels je travaille, qui tiennent les cordons de la bourse, ont reconnu le besoin d'investir plus pour améliorer les soins offerts aux patients et la sécurité. Ils ont demandé la mise sur pied d'un programme en matière de responsabilisation et ont laissé les experts comme moi mener le bal. Au bout du compte, les deux organisations ont compris que la collaboration et l'établissement d'un programme conjoint associé à une surveillance partagée amélioreraient l'efficacité des deux programmes. Il a fallu conclure des ententes et mettre en oeuvre des politiques à cette fin, mais on a réussi.
    Notre programme repose sur des investissements permanents importants, et nous sommes obsédés par la surveillance et les études épidémiologiques de grande qualité sur la RAM et l'utilisation des antimicrobiens dans nos hôpitaux. Au fil du temps, nous avons mis sur pied une équipe interprofessionnelle qui compte du personnel infirmier, des pharmaciens, des médecins, des professionnels des données et de l'informatique, de même que des experts en matière de gestion et de mise en oeuvre des projets.
    Nous avons commencé à l'échelle locale et avons réussi à améliorer l'utilisation des antibiotiques en plus de réaliser des économies. En misant sur ces réussites, le Council of Academic Hospitals of Ontario, et plus tard Qualité des services de santé Ontario, ont financé l'exportation de notre programme et de notre approche dans d'autres administrations. L'écosystème que nous avons développé s'est étendu à Santé publique Ontario de même qu'à des projets de recherche nationaux et internationaux, et a aidé à former les leaders des autres provinces en matière de RAM.
    Nos pharmaciens coordonnent la formation offerte aux autres pharmaciens à l'échelle nationale et offrent un cours novateur et révolutionnaire axé sur la gérance des antimicrobiens. Notre infirmière coordonnatrice, qui occupe le premier poste en son genre au Canada, est déterminée à faire des connaissances sur les infections et les antibiotiques une compétence de base pour le personnel infirmier.
    Nous avons aussi convaincu les dirigeants du secteur de la santé que ces programmes avaient besoin de professionnels en matière de gestion de projets et de programmes. Notre gestionnaire est en grande partie responsable de notre croissance et de notre réussite.
    Nous avons aussi établi des pratiques exemplaires et en avons facilité l'accès pour les fournisseurs. Nous avons fait preuve de transparence dans nos réussites et nos échecs, car oui, nous avons échoué à maintes reprises. Vous pouvez consulter notre site Web, antimicrobialstewardship.ca, à cet effet. Nous menons également des activités de recherche importantes et en constante évolution afin de trouver des façons d'améliorer l'utilisation des antibiotiques.
    Bien que je sois fier de notre programme, ce qu'il vous faut savoir, c'est de quoi le Canada a besoin. Ce qu'il faut, c'est un leadership en matière de financement, un leadership de la part des experts et une structure de responsabilisation intégrée, de même qu'un engagement à l'égard de la surveillance fiable et normalisée de la RAM et de l'utilisation des antimicrobiens au Canada, associée à des recherches épidémiologiques.
    Il faut un examen interprofessionnel de la RAM, qui soit idéalement fondé sur une vision unique de la santé. Cela signifie de tenir compte de l'environnement, des animaux et des humains.
    Nous devons évaluer et accroître l'excellence dans l'ensemble du pays. Nous devons investir dans les leaders de demain. Nous devons désigner les pratiques antibiotiques acceptées et les rendre accessibles. Il n'y a aucune norme nationale relative à l'utilisation appropriée des antibiotiques au Canada.
    Nous avons besoin d'investissements dans les sciences. Au Canada, le financement de la recherche sur la gérance des antimicrobiens et la RAM représente moins de 10 millions de dollars par année. Ce qui est gênant, c'est que l'apport des établissements pour lesquels je travaille représente environ 10 % de cet investissement national.
    Le système de surveillance de la résistance aux antimicrobiens — et le terme « système » est un euphémisme ici — n'a pas de fonds réservés. Il s'appuie sur le financement de la lutte contre les maladies infectieuses, qui n'a pas de lien avec le système, et consiste en un ensemble disparate de renseignements qui frustre les nombreux utilisateurs qu'il vise à aider.
    Le financement n'est rien comparativement au financement de 273 millions de dollars des Instituts de recherche en santé du Canada pour le cancer ou l'oncologie, aux 95 millions de dollars de l'Institut ontarien de recherche sur le cancer, aux 91 millions de dollars du Fonds de recherche en santé du Québec et aux nombreuses autres sources de recherche, y compris les fondations caritatives et l'industrie.

  (1550)  

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, monsieur le président, je suis ici au nom du Réseau de santé Sinai et du Réseau universitaire de santé pour vous dire que le Canada a besoin d'un leadership fédéral et d'un financement connexe pour passer d'un cadre pancanadien sur la RAM à des mesures pancanadiennes concrètes à l'égard de la RAM.
    Il faut assurer un leadership d'expert en santé et en sciences par l'entremise d'une structure de responsabilisation provinciale, territoriale et fédérale qui réunit les diverses disciplines en vue d'une approche de santé unique, qui serait associée à des systèmes de surveillance pour recueillir, compiler et étudier les données sur la RAM et l'utilisation des antimicrobiens.
    Le Canada a la capacité d'être un chef de file mondial à cet égard. Nous devons préparer la prochaine génération d'experts, les attirer dans ce domaine essentiel à notre mission et accroître de manière exponentielle le financement connexe, indépendamment de l'important rapport Naylor — qui a malheureusement été ignoré, j'en ai bien peur — avec lequel je suis en accord. Ces nouveaux experts assureront la recherche, innoveront et diffuseront les solutions nécessaires en vue de lutter contre la RAM.
    Je vous remercie de m'avoir écouté.
    Nous vous remercions de votre déclaration.
    Docteur Keynan, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à témoigner devant vous.
    Je m'appelle Yoav Keynan. Je suis le directeur scientifique du Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses, ou CCNMI. Les six centres de collaboration nationale en santé publique ont été mis sur pied à la suite de l'épidémie de SRAS, pour répondre à la perception de faiblesse à l'égard du système de santé publique du Canada. Si on la compare à l'épidémie de SRAS, la RAM représente un problème beaucoup plus profond et beaucoup plus grave.
    À l'heure actuelle, le CCNMI est associé à l'Université du Manitoba à Winnipeg, en vertu d'un accord de contribution avec l'Agence de la santé publique du Canada. Le mandat du CCNMI est d'assurer le transfert et le courtage des connaissances afin de produire des données probantes et d'autres renseignements pour orienter la pratique et les politiques de santé publique dans l'ensemble du Canada à tous les échelons. Le centre fait le pont entre les praticiens de la santé publique, les décideurs, les chercheurs et les cliniciens qui partagent l'objectif d'améliorer le contrôle des maladies infectieuses au Canada.
    Depuis sa création en 2005 sous la direction du Dr Ronald, du Dr Plummer et d'autres, le CCNMI a permis d'attirer l'attention sur la résistance antimicrobienne et sur l'importance de la surveillance, de l'utilisation et de la gérance appropriées en la matière. Par exemple, le CCNMI contribue à la semaine de sensibilisation aux antimicrobiens depuis 2010.
    Depuis, le CCNMI a accru sa présence et le centre joue un rôle de premier plan dans le domaine de la santé publique, surtout en appuyant les efforts de collaboration pour améliorer la coordination et la prestation équitable des initiatives en matière de gérance des antimicrobiens dans les divers secteurs, disciplines et milieux. J'insiste ici sur un point déjà soulevé par le Dr Morris, soit l'inégalité dans la répartition des ressources en matière de gérance des antimicrobiens. Nous avons de très bons centres d'excellence au Canada, mais les services ne sont pas offerts de manière équitable dans toutes les administrations.
    Grâce à une étroite collaboration avec l'Agence de la santé publique et d'autres partenaires et collègues, le CCNMI est en mesure d'organiser et de tenir des réunions en personne dans l'ensemble des administrations fédérales, provinciales et territoriales et d'assurer la participation des autres organismes du portefeuille de la santé à ces réunions.
    En juin 2016, le CCNMI a coorganisé une table ronde nationale sur la gérance des antimicrobiens qui a mené à l'élaboration d'un plan d'action national intitulé « Rassembler les pièces du puzzle », de même qu'à la mise sur pied d'AMS Canada, un réseau national d'experts et d'intervenants clés en matière de gérance, coprésidé par le CCNMI.
    Dans les deux mois qui ont suivi la table ronde, et avant qu'AMS Canada ne lance officiellement le plan d'action, nous avons entrepris de nouveaux travaux en vue de recueillir des données probantes et autres connaissances sur la gérance en santé publique. Notre travail se centre sur le rôle essentiel de la santé publique dans le contrôle de l'émergence et de la propagation de la RAM. Les intervenants en santé publique collaborent avec les fournisseurs de soins de santé et les établissements en vue de promouvoir les stratégies d'éducation, de surveillance et de prévention. Les intervenants en santé publique jouent un rôle important dans la planification des programmes et stratégies de prévention des infections et sont bien placés pour promouvoir la gérance des antimicrobiens dans tous les milieux de soins de santé, surtout pour combler les lacunes connues en ce qui a trait au déploiement des programmes communautaires de gérance des antimicrobiens et aux régions rurales, et pour éliminer les inégalités parmi les populations désavantagées sur le plus structurel qui sont mal servies par les systèmes de santé.
    Je vais vous donner quelques exemples des activités du CCNMI qui visent à orienter et à mobiliser les intervenants en santé publique en vue d'aborder la RAM. Nous avons contribué à approfondir les connaissances des professionnels de la santé publique à l'égard des fardeaux et des moteurs de la RAM, de même qu'à définir leur rôle dans les efforts pour contrôler la RAM. En 2016, nous avons commandé deux études: l'une examine le rôle des soins de santé aux animaux et aux humains dans la résistance accrue aux antimicrobiens au Canada et à l'échelle internationale; l'autre présente un glossaire pour favoriser une compréhension commune de la terminologie.
    Plus tôt cette année, nous avons tenu une série de présentations à l'occasion de la conférence Santé publique 2017 où nous avons mis la résistance antimicrobienne et la gérance des antimicrobiens à l'avant-plan. Nous allons faire circuler deux documents que vous pourrez consulter si cela vous intéresse.

  (1555)  

    Le CCNMI réaffirme le rôle du secteur de la santé publique en favorisant l'échange de connaissances interdisciplinaires sur les programmes de gérance des antimicrobiens fiables et fondés sur des données probantes en offrant aux praticiens, aux chercheurs et aux planificateurs des occasions d'échanger au sujet des réussites et des défis des régions ou des établissements en ce qui a trait aux programmes de gérance des antimicrobiens. Par exemple, lors de la conférence de 2017, nous avons organisé une réunion pour les intervenants de la région de l'Atlantique, au cours de laquelle nous avons diffusé un webinaire en direct dans le but d'échanger des connaissances. Plus tard ce mois-ci, nous coprésiderons des séances d'éducation et de formation continues accréditées destinées aux médecins, aux pharmaciens et au personnel infirmier, dans le but de lancer un dialogue sur les façons de prescrire les antimicrobiens de manière appropriée.
    De plus, nous avons documenté dans une étude de cas facile à lire les stratégies qui ont été utiles et qui ont bien fonctionné en Alberta, dans le but d'élaborer un programme provincial en matière de gérance. Nous avons partagé cette étude avec les autres administrations. Ces projets nous ont aidés à documenter les défis, les lacunes et les capacités en matière de gérance à l'échelle régionale, provinciale et nationale. Nous avons ainsi pu organiser des échanges dans la région de l'Atlantique et procéder à une validation avec une autorité régionale de la santé du Manitoba dans le but d'utiliser les outils développés par d'autres administrations pour mettre en oeuvre un programme de gérance des antimicrobiens.
    Comme je l'ai dit précédemment, des thèmes et défis similaires émergent. Nous avons besoin d'une infrastructure de TI et la capacité en vue d'établir des mesures et des analyses de l'utilisation des antimicrobiens et de la RAM est inadéquate. On aimerait qu'il y ait des ressources disponibles pour les praticiens et les patients... un leadership approprié pour favoriser les partenariats entre les médecins et les pharmaciens. On a déjà parlé du manque de lignes directrices et de la difficulté d'y avoir accès.
    Nous avons l'intention d'analyser la répartition des programmes de gérance, notamment la compréhension et les façons de mettre en oeuvre la gérance dans les collectivités rurales et des Premières Nations, de même que la disponibilité des documents et ressources pour les utilisateurs francophones.
    Dans le cadre du programme de gérance des antimicrobiens, notre rôle consiste notamment à favoriser le développement des milieux communautaires, ce qui vise entre autres les soins de longue durée et les soins continus, et à miser sur les forces et l'expertise des milieux de soins actifs comme le Réseau de santé Sinai et le Réseau universitaire de santé à Toronto, dont on a parlé plus tôt.
    Nous encourageons les cadres supérieurs et les professionnels de la santé publique à cibler l'information qui pourrait être utilisée dans un contexte de santé publique. Par exemple, nous offrirons plus tard ce mois-ci un webinaire pour présenter le modèle d'analyse de rentabilisation d'un programme sur la gérance des soins actifs élaboré par l'Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada. Ce webinaire expliquera les éléments essentiels d'un programme de qualité et les ressources nécessaires en vue d'assurer une gérance efficace. Un médecin principal de la santé publique abordera les façons d'aider les médecins en santé publique et les stagiaires à comprendre le rôle de la santé publique de même que les façons d'élaborer des programmes similaires dans la collectivité.
    Cette année, en collaboration avec le programme Des pilules contre tous les microbes? et les Services de santé de l'Alberta, nous chapeauterons une communauté de pratique grandissante ou un réseau de praticiens et de décideurs qui sont désireux de comprendre comment élaborer et mettre en oeuvre des programmes de gérance des antimicrobiens adaptés aux différentes réalités des soins de longue durée et des maisons de soins infirmiers... les lacunes sont importantes. Nous offrons une série de webinaires qui constituent une plateforme en vue d'établir des relations et d'encourager le dialogue. Notre premier webinaire a témoigné de l'ampleur des besoins, puisque nous avons reçu un nombre incroyable de réponses et que 350 personnes s'y sont inscrites.
    Le CCNMI a appuyé l'élaboration et la diffusion d'outils de sensibilisation du public, surtout pour permettre aux médecins de soins primaires d'éduquer leurs patients au sujet de l'utilisation nécessaire des antibiotiques. Nous avons révisé et promu activement nos populaires blocs d'ordonnance sans ordonnance, et en avons créé un à l'intention des parents de jeunes enfants. Nous avons aidé les autorités régionales de la santé du Manitoba à créer leur propre bloc d'ordonnance viral et à l'intégrer à leur système médical informatisé.
    Parmi les autres efforts de collaboration en matière de sensibilisation, nous avons élaboré une campagne nationale de médias sociaux et coordonné les efforts afin que les médecins prescripteurs du domaine de la santé publique transmettent le même message. Ces efforts peuvent donner lieu à une sensibilisation plus systématique et mieux coordonnée qui mise sur la position de tous les partenaires pour atteindre divers publics.

  (1600)  

    Pour ce faire, il faut assurer l'harmonisation par l'entremise d'un plan proactif dirigé par le Canada. Nous croyons qu'il faut aller au-delà de la Semaine de sensibilisation aux antibiotiques et établir une stratégie plus intégrée pour accroître les connaissances et changer les habitudes en matière de prescription.
    À l'heure actuelle, le CCNMI évalue la mesure dans laquelle le personnel de la santé publique peut obtenir et comprendre les données sur la surveillance de la résistance antimicrobienne au Canada. Nous avons l'intention de travailler avec nos partenaires et d'établir un lien entre la santé publique et les gestionnaires de données dans le but d'offrir des versions que les intervenants en santé publique pourront utiliser pour planifier les interventions. À l'heure actuelle, les données de surveillance sont cloisonnées et difficiles à comprendre, comme l'a fait valoir le Dr Morris.
    Enfin, à la suite des activités tenues dans l'ensemble du Canada pour favoriser la contribution des autorités sanitaires et la gérance, et pour réduire la résistance, nous travaillons avec nos collègues à l'établissement d'un centre d'excellence qui pourrait maintenir les efforts de lutte contre la résistance antimicrobienne.
    En résumé, nous croyons qu'il y a un besoin de leadership continu à l'échelle fédérale. Comme je l'ai dit plus tôt, ce leadership doit être associé à un financement en vue d'affecter les ressources nécessaires à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au renforcement des programmes. Nous devons favoriser une coordination nationale de la gérance afin de veiller à ce que les projets qui ont été lancés puissent se poursuivre et à ce qu'il y ait un leadership en matière de planification en santé publique afin d'accroître la portée des initiatives, ce qui comprend une reconnaissance continue de l'importance de la santé publique et des intérêts en matière de santé publique, au-delà du contexte des soins cliniques et des soins actifs.
    Merci.

  (1605)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant aux représentantes de Prévention et contrôle des infections Canada. Vous disposez de 10 minutes. Je ne sais pas si vous allez vous partager votre temps de parole.
    Madame Rose, vous avez la parole.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Suzanne Rhodenizer Rose, et je suis l'ancienne présidente de Prévention et contrôle des infections Canada, ou PCIC. Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour aborder la question urgente de la résistance aux antimicrobiens, ou RAM, au Canada. Je suis accompagnée de Jennifer Happe, professionnelle en prévention des infections et représentante de PCIC.
    PCIC est une association multidisciplinaire qui compte plus de 1 600 membres au pays. Elle est dévouée au bien-être et à la sécurité du public, et préconise des pratiques exemplaires de prévention et de contrôle des infections tout le long du continuum de soins.
    Je souhaite d'abord féliciter le Comité de prendre le temps d'étudier cet enjeu, qui mérite l'attention des élus et de la population qu'ils servent, même si le sujet est souvent réduit à quelques courts extraits dans les médias. Par exemple, les gens qui ont entendu parler des superbactéries ou de la pandémie d'influenza peuvent être tentés de croire que ces problèmes sont très loin d'eux, soit parce qu'ils appartiennent au passé ou à des continents lointains. Or, cette croyance est profondément erronée. À vrai dire, il a été déterminé que la RAM représente une menace fondamentale au système de santé moderne. Elle pose des défis non seulement aux patients qui en subissent les effets, mais aussi à l'ensemble du système de santé. Lorsque nos meilleurs médicaments pour combattre la maladie ne peuvent pas détruire les microorganismes qui infectent les gens, les maladies se propagent facilement et sont beaucoup plus difficiles à traiter.
    De plus, l'Organisation mondiale de la santé, qui a fait preuve d'un leadership exceptionnel à ce chapitre, remarque que la résistance aux antimicrobiens augmente le coût des soins de santé, compte tenu des séjours prolongés à l'hôpital et des soins plus intensifs nécessaires. C'est la situation de la RAM. Ce sont des problèmes que nos fournisseurs de santé peuvent rencontrer au quotidien au Canada, dans les hôpitaux, les cliniques, les cabinets dentaires et d'autres milieux de soins de tout le continuum. Il est important de présenter en détail la pression exercée sur les hôpitaux et le système de santé, car les antimicrobiens traitent de moins en moins efficacement certains agents pathogènes.
    Lors d'un témoignage devant la Chambre des représentants des États-Unis en 2013, le Dr Tom Frieden, directeur des Centers for Disease Control and Prevention, ou CDC, a expliqué très clairement les conséquences de la situation. Il a dit que les patients dont l'infection est résistante aux antibiotiques sont souvent beaucoup plus susceptibles de mourir, et que les survivants demeurent beaucoup plus longtemps à l'hôpital, prennent plus de temps à récupérer et sont frappés d'une invalidité à long terme. Dans ce contexte, il n'est donc pas surprenant que la capacité globale de notre système de santé s'effrite chaque jour, alors que les fournisseurs de soins finissent par ajouter des séries d'antibiotiques et par se tourner vers des médicaments moins courants et plus toxiques pour traiter les organismes antibiorésistants les plus courants, comme le staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, ou SARM, ou la bactérie C. difficile, de même que les inquiétants organismes producteurs de carbapénémase qui sont apparus récemment. Parallèlement, les compagnies pharmaceutiques investissent de moins en moins dans de nouveaux traitements améliorés, et les professionnels n'ont pas les ressources dont ils ont besoin pour endiguer efficacement ce raz-de-marée.
    En raison de ces faits réunis, il est important plus que jamais de veiller à ce que des mesures convenables de prévention des infections et de lutte contre celles-ci soient en place pour limiter la propagation des organismes résistants aux antimicrobiens, et d'améliorer le traitement lorsque des patients sont infectés. Les professionnels en prévention des infections dans les hôpitaux canadiens, dans des rôles de santé publique et dans d'autres établissements de santé travaillent d'arrache-pied pour y arriver. Cependant, la bataille est inégale.
    Nous croyons que le Canada est bien placé pour devenir un chef de file dans la lutte contre la RAM. Mais pour y arriver dans l'intérêt de notre population, nous devrons investir massivement dans le soutien des systèmes nationaux, et verser des fonds afin de nous doter des ressources humaines nécessaires pour mettre en œuvre et favoriser les pratiques de prévention et de contrôle des infections dans tout le continuum de soins de santé.
    La RAM est un enjeu très complexe qu'on ne peut pas régler par un simple changement de politique ou une percée dans la pratique et la technologie médicales. Au contraire, les gouvernements fédéraux et provinciaux, les professionnels et les administrateurs de la santé, le milieu agricole, nos partenaires à l'étranger et la population dans son ensemble doivent être conscients des préoccupations urgentes et globales qui ont été rapportées partout.
    Des mesures ont été prises par les instances fédérales et provinciales, ainsi que les autorités sanitaires régionales pour contrer les difficultés relatives à la RAM, y compris pour limiter la propagation et la prévalence des infections causées par des organismes résistants aux antimicrobiens, et pour encourager une utilisation responsable des antimicrobiens. Or, il y a un secteur clé où le Canada accuse un retard par rapport aux autres pays, et où le gouvernement fédéral doit être un chef de file, et c'est la compilation des cas de bactérie résistante, et l'analyse des réussites de nos interventions collectives.
    Le gouvernement canadien a publié un document qui s'intitule Résistance et recours aux antimicrobiens au Canada: cadre d'action fédéral. Le cadre comporte quatre piliers que PCIC appuie fortement.

  (1610)  

    Afin de mettre en oeuvre le changement efficacement, il faut pouvoir évaluer si les mesures prises ont le résultat escompté. Grâce à la surveillance, qui est une des meilleures mesures de la résistance aux antimicrobiens, nous connaissons le nombre et le taux d'organismes antibiorésistants qui se trouvent dans le milieu de la santé.
    Pour que la surveillance soit efficace, les mesures doivent être prises de la même façon, afin de comparer des pommes avec des pommes, puis des oranges avec des oranges. Lorsqu'elle est uniforme, la surveillance donne un aperçu du fardeau de la maladie, établit des taux de référence pour les comparaisons internes et externes, cerne les facteurs de risques éventuels, et permet l'évaluation d'interventions précises. Par conséquent, PCIC demande instamment la mise en oeuvre d'une stratégie de surveillance nationale des organismes résistants aux antimicrobiens.
    À l'heure actuelle, nous mesurons le nombre et le taux d'organismes résistants de différentes façons au pays. Le procédé est donc fragmenté. Or, la RAM ne tient pas compte des frontières politiques et territoriales. Une démarche fragmentée ne permet donc pas de protéger la santé des Canadiens et n'est conforme ni à la stratégie Une santé ni au plan d'action fédéral.
    Nous savons très bien que des mesures sont déjà en place à cette fin, mais nous croyons que ces démarches à la pièce ne suffisent pas à contrer la menace grandissante de la RAM qui nous guette.
    Le Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales, ou PCSIN, recueille des données jugées hautement fiables, mais ne couvre qu'une partie très infime des nombreux établissements de santé au pays. La plupart des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée ne sont actuellement pas en mesure de participer à la surveillance du PCSIN. Le programme n'a pas non plus les ressources humaines et l'infrastructure technique nécessaires pour atteindre son plein potentiel.
    Le Réseau canadien de renseignements sur la santé publique, ou RCRSP, recueille lui aussi des données, mais il pourrait être davantage mis à profit pour appuyer la collecte des données et leur intégration à d'autres sources.
    L'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS, a récemment envisagé d'utiliser les renseignements et les données administratives qui se trouvent dans les dossiers médicaux des patients en tant que source de données sur la RAM et les infections liées aux soins de santé. Même si cette méthode électronique de collecte des données est efficace et a une portée nationale, elle n'offre pas la fiabilité dont nous avons besoin pour définir avec exactitude le taux de RAM au Canada.
    La création du Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, ou SCSRA, est un engagement fédéral qui s'inscrit dans le cadre du plan d'action fédéral sur la RAM et de l'utilisation au Canada, et a constitué une première étape importante pour décider quels organismes résistants devaient être surveillés en priorité. Ce n'est toutefois qu'un élément du casse-tête, et les éventuelles données de ce système peuvent compléter celles d'un registre national des infections liées aux soins de santé.
    Il faut des systèmes de surveillance intégrés et solides pour brosser un tableau complet de la RAM au Canada. Nous ne partons pas de zéro. En collaboration avec d'autres organisations, PCIC a adopté des définitions normalisées des cas aux fins de surveillance du côté des soins de longue durée, puis a participé à faire avancer l'adoption de définitions normalisées sur la surveillance des soins actifs, et s'engage à établir s'il est possible que ces définitions soient adoptées d'un océan à l'autre.
    Il y a également une vague d'intérêt de la part des partenaires, qui s'engagent à vérifier s'il est possible d'utiliser les infrastructures déjà en place pour appuyer une démarche pancanadienne. Ces objectifs correspondent à ceux qui sont définis dans le cadre du gouvernement fédéral, et permettent de les atteindre.
    Le Canada est reconnu comme un chef de file mondial dans plusieurs aspects de la santé, mais nous accusons pourtant un retard par rapport à de nombreux autres pays dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une approche nationale concernant la RAM. Il faut que le fédéral tende la main à ses partenaires provinciaux et territoriaux et aux ministres et sous-ministres afin de créer un système de surveillance national et uniforme, dont les définitions de cas seraient approuvées à l'échelle nationale, et qui serait suffisamment financé. Nous avons besoin de soutien pour que les données recueillies soient mieux intégrées et plus utiles à la population et aux professionnels de la santé qui luttent contre la RAM au quotidien.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Le portrait de la situation que vous avez tous dressé est incroyable, et pourtant, nous en entendons très peu parler.
    Nous allons maintenant passer aux questions de sept minutes, à commencer par M. Ayoub.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser ma question en français.

[Français]

     J'ai beaucoup aimé les présentations, car elles ont vraiment touché à l'ensemble de la situation.
    Je suis un néophyte, n'étant pas du domaine médical mais un Canadien qui se préoccupe de la santé des Canadiens. En vous entendant parler du volet de la communication et de celui de l'éducation, je me suis dit que la résistance aux antimicrobiens tue à petit feu. C'est latent et on ne le voit pas, mais on le subit. Les recherches nous le prouvent. Vous disiez que vous aviez de la difficulté à obtenir de l'information. Vous avez des données scientifiques, mais il y en a beaucoup à interpréter.
    Même si le Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens existe, comment peut-on valider les améliorations qui sont faites au fil du temps pour combattre l'épidémie de résistance aux antibiotiques?
    Je ne sais pas qui peut répondre à ma question. Je dispose de sept minutes, mais j'aimerais poser d'autres questions par la suite.

  (1615)  

[Traduction]

    Madame Rose, vous pouvez commencer.
    Je pense que votre question est excellente. Nous avons un certain nombre de systèmes de surveillance en place. Je suis d'avis que le Canada peut utiliser la structure déjà en place. C'est une infrastructure adéquate qui peut être adaptée à l'échelle du pays et intégrée de façon à ce que nous comparions la même chose partout. Si les données recueillies sont bien analysées, évaluées et surveillées, et qu'on peut en dégager des tendances, nous pourrons savoir comment nous nous portons à l'échelle régionale, locale ou pancanadienne, en fonction des taux de RAM et des infections liées aux soins de santé.
    Quel est l'élément déclencheur? Où devons-nous nous améliorer? Où faut-il améliorer le travail d'équipe?
    Le gouvernement canadien a créé un cadre d'action pancanadien qui cible quatre compétences de base. En plus de la surveillance, il comprend la prévention et le contrôle des infections, l'intendance et… j'ai soudainement un blanc pour le dernier élément.
    La recherche et l'innovation.
    Merci. C'est la recherche et l'innovation. Comment puis-je l'oublier?
    Le financement.
    Oui. C'est vraiment au moyen de ces quatre compétences de base que vous allez vous attaquer au coeur du problème.
    Vous avez posé une bonne question, mais je tiens à souligner que les Canadiens de Montréal, les Sénateurs d'Ottawa et les Maple Leafs de Toronto font des analyses plus poussées dans leur organisation et ont des données plus fiables que nous n'en avons sur la RAM dans l'ensemble du pays. Si nous pouvons déterminer combien de temps chaque joueur est en possession de la rondelle, et que les analystes peuvent savoir comment optimiser ce temps, nous pouvons assurément connaître la situation de la RAM au pays et apprendre à l'optimiser.

[Français]

    Ce que vous dites est intéressant. Je me demandais justement si trop d'organismes faisaient des recherches en parallèle sans partager les informations recueillies.
    Vous avez beaucoup de demandes d'information au sujet des soins et du financement, mais j'ai l'impression qu'on travaille en silos et qu'on a de la difficulté à se parler.
    Comment pourrait-on améliorer les discussions et le transfert d'information et surveiller les progrès?
    C'est tout à fait vrai.

[Traduction]

    C'est tout à fait juste. Les efforts doivent être coordonnés. Il y a vraiment peu d'argent dans ce domaine. Je vous ai dit que c'est une fraction du montant accordé à d'autres domaines des soins de santé, et qu'il n'y a aucune coordination. Or, il faut une coordination nationale des différents secteurs au pays et au fédéral, de même qu'à l'échelle provinciale et territoriale. Tous les efforts doivent être coordonnés. Il faut aussi une infrastructure qui assume cette coordination.

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame Rhodenizer Rose, vous avez la parole.

[Traduction]

    Dernièrement, PCIC s'est associé à un certain nombre d'organisations nationales, comme l'Agence de la santé publique du Canada, l'ICIS et l'Institut canadien pour la sécurité des patients, ou ICSP. Nous avons commencé par une journée de mise en commun de l'information sur la façon dont nous recueillons actuellement les données sur les infections liées aux soins de santé et les organismes résistants aux antimicrobiens. Il y a eu une série d'échanges pendant plusieurs mois visant à déterminer quelles données étaient les plus fiables, car tous les intervenants les recueillent différemment et emploient différentes définitions et méthodes de collecte.
    La semaine dernière seulement, nous avons finalement convenu que nous avions tous des pièces du casse-tête qui sont des forces. Si nous pouvons collaborer davantage et utiliser les infrastructures et les ressources existantes — cela ne veut pas dire qu'elles seront adéquates, et des fonds seront nécessaires —, nous verrons qu'il y a beaucoup de bonnes choses en place. Il s'agit simplement de réunir ces éléments disparates.

  (1620)  

    Je vous remercie de votre réponse.
    J'ai une autre question, peut-être à l'intention de Mme Levinson.
    Vous avez affirmé que 30 % des examens sont superflus, comme nous le disons. Ils sont inexacts.

[Français]

     Il y a beaucoup d'économies à faire du côté du gouvernement, bien qu'on demande plus de fonds. Je pense à un régime d'assurance-médicaments, par exemple. Il semble que, dans le cadre d'un plan d'action pancanadien, on ferait plus d'économies.
    Par ailleurs, j'ai été surpris sans l'être vraiment, puisque c'est la réalité, d'entendre dire que les médecins prescrivaient des médicaments simplement pour rassurer les gens. Je me demande s'ils recherchent ainsi un effet placebo temporaire ou simplement la facilité. Ils savent ce qu'il en est, mais agissent tout de même de cette façon. Il faut les sensibiliser.
     Comment pouvons-nous nous attaquer à ce problème? Quelle est la solution?

[Traduction]

    Si nous prenons un peu de recul pour voir le contexte global, nous constatons qu'il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les médecins prescrivent trop de médicaments et d'examens. Il arrive que des patients en fassent la demande, ce qui est particulièrement vrai pour les antibiotiques en consultation externe.
    Parfois, il est simplement plus long d'expliquer les choses au patient. Si un patient en détresse consulte, il voudra un antibiotique parce qu'il veut retourner au travail. Il dira au médecin: « Docteur Morris, je veux juste une prescription, après quoi je sortirai de votre bureau. » Le médecin se demande alors s'il va perdre son temps à expliquer au patient la raison pour laquelle il n'a pas besoin de l'antibiotique, ou s'il est simplement plus rapide de le lui donner pour qu'il soit heureux. C'est plus facile d'obtempérer.
    Il arrive aussi que des médecins prescrivent trop par crainte d'être poursuivis, de sorte qu'ils essaient de penser à tout et d'être rigoureux. Dans…
    Quelle est la réponse? Je sais cela, mais quelle serait la solution?
    Il n'y a pas de solution miracle. Comme vous l'avez entendu, c'est un problème complexe.
    Certaines mesures doivent être prises sur le plan politique, au moyen de la surveillance et de tout ce que vous entendez. Nous croyons aussi qu'il faut convaincre les professionnels de la santé d'avoir cette discussion avec leurs patients, car dans les consultations externes où de nombreux antibiotiques sont prescrits, c'est ce tête-à-tête… Il faut agir au niveau supérieur, mais il faut aussi faire participer les professionnels.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Il faut faciliter la tâche au médecin de famille dont le patient veut des antibiotiques. Donnons-leur des outils pour simplifier la conversation. Il pourrait par exemple y avoir des ordonnances qui ne donnent pas d'antibiotiques. L'ordonnance dirait « Prenez des cachets d'aspirine, du liquide et du repos, puis dans X jours, vous pourrez remplir cette ordonnance si vous ne vous sentez pas mieux. » C'est le médecin qui préciserait le nombre de jours. Lors d'études, seulement 30 % des ordonnances étaient remplies puisque le rhume se résorbait après trois jours. Voilà qui faciliterait les choses pour le médecin.
    Nous devons convaincre la profession de régler le problème, en plus des solutions plus politiques — ce ne doit pas être la seule solution. Il faut aussi sensibiliser la population, car si les gens pensent qu'il n'y a aucun mal à cela, ils vont simplement prendre les médicaments. Ils vont même les demander. Si les gens comprennent que les médicaments peuvent leur causer du tort, à eux ou à leur enfant, ils seront moins susceptibles de les demander.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Webber.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins. Vos présentations étaient fort intéressantes.
    Docteur Keynan, vous avez parlé des conférences que vous avez organisées et auxquelles vous avez assisté où la résistance aux antimicrobiens, ou RAM, était à l'avant-plan. Vous avez parlé plus particulièrement de rencontres d'intervenants, de programmes d'intendance et d'études de cas.
    Vous dites que l'Alberta arrive bien à documenter les stratégies employées dans les études de cas. Je pense que j'ai été un de ces cas. Il y a environ trois ans, j'ai visité l'enfer. Tout a commencé par une soirée à serrer de nombreuses mains en tant que politicien. J'invite mes collègues à écouter attentivement pour apprendre de mon expérience, car la politique est une profession très dangereuse, compte tenu des nombreuses pognées de main.

  (1625)  

    Surtout à la Chambre des communes.
    Oui.
    J'avais une coupure de papier qui a mené à une infection sanguine bactérienne infectieuse puis à une infection de l'os. J'ai pris des antibiotiques pendant environ deux mois à l'aide d'une pompe et passé plusieurs jours à l'hôpital, tout cela après avoir serré des mains.
    D'abord, j'ai été admis au programme de maladies infectieuses de l'Université de Calgary. Le médecin m'a d'abord administré une petite... Les antibiotiques n'ont pas tous la même puissance, n'est-ce pas, docteur Morris? Le médecin m'a d'abord administré un antibiotique faible; il ne m'a pas administré un antibiotique plus fort, parce que, j'imagine, qu'il possédait des connaissances en matière de RAM.
    La dose a été augmentée jusqu'à ce qu'on m'administre, après deux mois de traitements, l'antibiotique le plus puissant pour régler le problème. Le problème n'aurait-il pas été réglé plus rapidement si l'on m'avait administré dès le début l'antibiotique plus puissant? Cela m'aurait évité deux mois d'enfer.
    Votre question s'adresse au Dr Keynan.
    Concernant le traitement des infections, personne ici ne prétend qu'il faudrait éviter d'utiliser des antibiotiques. Ils devraient être utilisés lorsque c'est nécessaire. On commence par administrer les bons antibiotiques et on tente de bien cibler le traitement. Les choses se compliquent lorsqu'il y a une résistance aux antimicrobiens.
    Il faut alors jouer aux devinettes, et c'est là une partie du problème. De plus, nous n'avons aucune ligne directrice pour nous dire que, si un patient a une infection en particulier, il convient de lui administrer des antibiotiques ou si un patient n'a pas besoin d'antibiotiques, car il s'agit d'une infection virale.
    Cela permettrait de répondre aux questions précédentes sur la façon d'expliquer aux patients et à leurs familles pourquoi on évite d'administrer des antibiotiques dans un cas, alors que dans d'autres cas, on sort l'artillerie lourde.
    C'est une combinaison de choses et la réponse n'est pas simple. Je ne connais pas assez bien votre situation pour me prononcer. Dans certains cas, les lignes directrices peuvent nous aider à faire en sorte que les patients qui ont besoin d'antibiotiques les reçoivent immédiatement, sans délai, et à éviter que ceux qui n'en ont pas besoin reçoivent inutilement des antimicrobiens.
    Le problème, c'est qu'il y a des dommages collatéraux importants. Le recours à des antibiotiques polyvalents n'a pas seulement un impact sur le patient à qui on les administre; il a aussi un impact sur l'environnement hospitalier. Ces organismes se transmettent d'un patient à l'autre; c'est la raison pour laquelle il faut frapper tôt et fort. Mais, il faut aussi savoir quand lever le pied.
    Il existe de très bonnes études de cas de programmes auxquels vous avez fait allusion en Alberta et à Mount Sinaï. Il existe une certaine expertise, mais seulement une partie de celle-ci est accessible et elle ne couvre pas tout le pays.
    Selon vous, ces réunions avec les intervenants ont-elles permis de faire des progrès? Les médecins commencent-ils à reconnaître l'importance de la RAM, maintenant qu'ils en savent davantage sur le sujet?
    En ce qui me concerne, et c'est la même chose pour le CCNMI, la plus grande révélation a été de voir que les médecins de la santé publique et les administrateurs de la santé publique des diverses régions ne considèrent pas la gestion des antimicrobiens ou la résistance aux antimicrobiens comme faisant partie.... Ils ont des millions de problèmes à régler liés aux diverses préoccupations en matière de santé. La résistance aux antimicrobiens était une menace lointaine pour eux.
    Leur participation à la conversation a été très satisfaisante, car je crois que nous avons maintenant des champions, des gens qui s'intéressent à la question. Il suffit maintenant de donner l'accès aux renseignements et de trouver d'autres champions dans d'autres régions. Pour cela, il faudrait mettre sur pied un centre national pour coordonner ces efforts et reproduire ces histoires de réussite.... Il est inutile de réinventer la roue pour toutes les régions. Il suffit d'utiliser l'expertise disponible dans les centres d'excellence.
    Pour cela, il nous faut du financement durable afin que ces activités...

  (1630)  

    Pas seulement pour les médecins. Je crois que les Canadiens aussi doivent en apprendre davantage sur la RAM. Beaucoup d'entre nous n'avaient jamais entendu parler de ce problème jusqu'à ce que le Comité décide d'en faire l'étude.
    Que savent les Canadiens au sujet de la RAM?
    Docteure Levinson.
    D'abord, je crois que la plupart des gens s'inquiètent davantage de leur propre infection. Pour eux, le fait qu'il peut y avoir une résistance aux antimicrobiens ailleurs dans l'hôpital, c'est peut-être seulement théorique. La recherche montre que les gens doivent comprendre les risques qu'ils courent. S'ils comprennent que les antibiotiques peuvent entraîner des réactions cutanées ou des allergies.... Les antibiotiques ne sont pas bénins. Vous ne voulez pas en consommer si vous n'en avez pas besoin. Vous voulez seulement en recevoir si vous en avez vraiment besoin.
    Je crois qu'il y a beaucoup de confusion, car les gens croient qu'il est préférable de recevoir un traitement aux antibiotiques que de ne recevoir aucun traitement. Nous n'expliquons pas vraiment très bien aux patients quels sont les risques. Ce n'est tout simplement pas le genre de sujet que les médecins abordent. Les risques sont difficiles à expliquer, car il y a des nuances. Le risque est relatif. Le traitement peut avoir des avantages marginaux ou des risques marginaux. Ces concepts statistiques sont plus faciles à expliquer avec des aides à la décision et des exemples visuels. Mais, nous n'en avons pas. Donc, les gens ne comprennent pas bien le risque.
    Merci beaucoup.
    Madame Sansoucy, je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur contribution aux travaux du Comité.
    Ma première question s'adresse à vous, docteure Levinson. Dans un article paru en 2016 dans le Huffington Post, on rapporte vos propos ainsi:
Nous devons changer les pratiques des médecins pour qu'elles correspondent aux pratiques exemplaires. Il faut les amener à arrêter d'utiliser diverses interventions qui ne sont pas étayées par des faits. Il faut que les patients comprennent que les tests et les traitements ne sont pas toujours nécessaires et qu'ils peuvent comporter des risques et provoquer des effets secondaires.
    Vous l'avez encore dit aujourd'hui.
    Selon vous, si nous avions une directive nationale et un formulaire fondé sur des données probantes et assorti d'aides à la décision pour les médecins prescripteurs, est-ce que cela nous permettrait d'atteindre les objectifs que vous souhaitez?

[Traduction]

    De nombreuses spécialités ont adopté des lignes directrices. On sait comment les médecins et sociétés élaborent les lignes directrices, mais celles-ci expliquent souvent ce qui devrait être fait, et non ce qui ne devrait pas être fait. Elles expliquent rarement ce qu'il faut arrêter. Pensez à tous les patients plus âgés qui consomment une quantité innombrable de médicaments. Ils consultent leur médecin et le prochain spécialiste ajoute un autre médicament à leur traitement, mais rares sont ceux qui disent: « Voyons voir si vous consommez trop de médicaments. » Arrêtez quelque chose ne fait pas partie des lignes directrices.
    Selon nous, si les spécialistes prenaient le temps d'examiner leurs pratiques et de se demander si les traitements habituels qu'ils administrent — et qui peuvent faire plus de mal que de bien, selon les données disponibles — et s'ils se mettaient à parler... car notre profession ne parle pas vraiment de la surutilisation. Vingt de nos 60 sociétés ont choisi d'assumer leurs responsabilités — et le secteur des maladies infectieuses est certainement l'un des secteurs qui travaillent avec nous — et ont dressé des listes qui incluent les antibiotiques. Beaucoup ont du matériel concernant les opioïdes et autres problèmes de santé publique pour lesquelles vous vous inquiétez. Il y a de nombreuses raisons qui expliquent pourquoi les tests et traitements sont surutilisés. À mon avis, nous devons solliciter la participation des membres de la profession pour corriger le problème, car celui-ci existe depuis trop longtemps sans que rien ne soit fait pour le régler.

[Français]

    Vous avez dit que votre approche était utilisée dans plusieurs pays. L'Organisation mondiale de la santé a un plan d'action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. À titre d'État membre, quelle est la responsabilité du Canada par rapport à ce plan d'action mondial? Le savez-vous?

[Traduction]

    Je crois que les autres témoins en savent probablement plus que moi sur l'Organisation mondiale de la santé.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Je vais répondre d'abord. Nos engagements sont semblables à ceux soulignés dans le cadre pancanadien. Nous avons des responsabilités en matière de surveillance, de gestion des antimicrobiens et de prévention et de contrôle des infections. Nous avons également des responsabilités quant à l'élaboration de politiques en appui à la sensibilisation du public et au changement, et le cadre pancanadien soutient la recherche et l'innovation.
    Puisque l'on compte parmi les signataires des accords des Nations unies et de l'OMS des pays à faible revenu, à revenu intermédiaire et à revenu élevé, la barre est en fait plutôt basse. Je sais que de nombreux pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, l'Allemagne, les Pays-Bas, et des pays scandinaves, notamment, investissent considérablement plus que le Canada et ont déjà amorcé des travaux importants et fait des investissements importants. Les États-Unis ont créé un comité consultatif présidentiel sur la RAM composé de dirigeants nationaux importants qui formulent des conseils sur les domaines dans lesquels il faudrait investir. Au Canada, nous ne formulons pas de tels conseils à l'intention de nos dirigeants.

  (1635)  

[Français]

     Je vous remercie, et je vais poursuivre en vous posant quelques questions.
    Dans un article de CBC News, en juillet dernier, on rapporte, monsieur Morris, que vous avez déclaré que, depuis longtemps, les médecins disent aux patients de prendre les antibiotiques pendant de longues périodes sans se baser sur des données scientifiques.
    Je vais vous lire une traduction de vos propos tels qu'on les a rapportés:
En général, nous avons toujours cru qu'une période un peu plus longue était préférable. Je dirais que la pensée traditionnelle, celle qui s'est répandue il y a longtemps, est que si vous arrêtez l'administration d'antibiotiques trop tôt, vous allez contribuer au développement de la résistance. La résistance émerge principalement lorsque des bactéries sont exposées aux antibiotiques. Plus les bactéries sont exposées aux antibiotiques, plus les risques de résistance sont importants.
    Selon vous, cette pensée traditionnelle, qui a été propagée à propos de la résistance aux antimicrobiens, exacerbe-t-elle le problème qu'elle souhaite résoudre?

[Traduction]

    Absolument. La pensée traditionnelle vient d'une mauvaise compréhension, qui se perpétue depuis les premières déclarations d'Alexander Fleming, quand il a reçu son prix Nobel, et nos expériences dans la gestion de la tuberculose. Elle ne se fonde pas sur des faits. Le fait de traiter plus longtemps la plupart des infections accentue le risque d'effets néfastes pour le patient, d'infections résistantes aux antibiotiques, et il est presque certain qu'il ne procure aucun avantage.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, les deux principaux éléments nécessaires pour développer une résistance aux antibiotiques, ce sont les bactéries et les antibiotiques. Plus on prend d'antibiotiques, plus on développe de résistance aux antibiotiques.

[Français]

    Dans votre présentation, vous avez formulé différentes recommandations.
    Comment peut-on s'assurer que les médecins qui prescrivent des antibiotiques ont rapidement accès aux données probantes les plus à jour sur la résistance aux antimicrobiens?

[Traduction]

    J'estime important de mettre en place un système adapté. Nous avons besoin d'une base de données centralisée, d'un registre commun. Il faut rendre l'information facile à comprendre, facile à digérer. L'infographie, par exemple, aide beaucoup. C'est un peu comme les analyses des équipes sportives auxquelles je faisais allusion. Nul besoin d'avoir de formation en statistique pour comprendre ces analyses. Nous avons besoin de données complexes préanalysées pour que les prescripteurs, les décideurs et même le public — soyons honnêtes — puissent les comprendre facilement. La seule véritable solution consiste à centraliser les données et à investir dans ces données.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Bratina, allez-y.
    Je viens de Hamilton. Il se fait beaucoup de recherche dans ce domaine à l'Université McMaster. J'étais très content d'apprendre que nous avions reçu des subventions de recherche, mais quand j'ai participé à la cérémonie de remise, je me suis rendu compte qu'il n'y en avait que deux sur seize qui iraient à McMaster. Je viens de lire le communiqué. Les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec d'autres chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique, de Simon Fraser, de Dalhousie. Ils conçoivent des logiciels et des bases de données. Ce ne sont pas des subventions très importantes.
    Ne serait-il pas préférable de cibler un ou deux centres plutôt que de répartir l'argent entre 15 ou 16 récipiendaires? Qui veut me répondre?

  (1640)  

    Je pense qu'il serait important d'établir un registre central dans lequel tout le monde verserait les données recueillies, selon la même méthodologie et les mêmes définitions de cas. Cela permettrait de voir les différentes tendances épidémiologiques selon les régions. Nous savons, par exemple, qu'il y avait plus de résistance antimicrobienne dans l'Ouest, à l'époque, en raison du SARM. Elle était moindre dans l'Est. Les taux diffèrent selon les régions du pays.
    La normalisation des définitions de cas et la mise en commun des données dans un registre central, d'où l'information pourrait être diffusée, permettrait aux cliniciens et aux divers acteurs du pays de les consulter et de mieux comprendre les caractéristiques propres aux divers endroits.
    Je dirai seulement que je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui a été dit. Le seul danger que je vois à un registre central, s'il n'y a pas de véritable réseau, c'est qu'il pourrait y avoir un certain manque de mobilisation locale, pour revenir à ce que la Dre Levinson disait. Et je dois ici signaler que je travaille actuellement à l'établissement d'un réseau national dans cet objectif précis. J'estime très important qu'il y ait un engagement partout au pays pour que ce système soit pertinent à l'échelle locale. Il doit également tenir compte des diverses populations marginalisées. Les communautés autochtones doivent être prises en compte.
    Je crois que ce sont des choses très importantes, mais quelqu'un, quelque part, doit en assurer la coordination. Je serais d'accord avec cela.
    J'ajouterais un autre élément. Tout cela est vrai, mais il y a aussi des aspects de recherche sur lesquels nous pourrions vouloir solliciter nos experts de partout au pays. Par exemple, nous pourrions vouloir demander aux sociologues de nous aider à comprendre, selon l'économie comportementale et les sciences sociales, quelle serait la meilleure façon de motiver les médecins à changer leurs habitudes et à entrer des données probantes dans le système. Il pourrait y avoir des centres de gestion épidémiologique et de surveillance, mais nous voudrions peut-être aussi solliciter l'aide de chercheurs pour répondre à des questions qui nous permettraient de rendre le changement plus harmonieux.
    Ce pourrait être le genre de bourse dont nous aurions toujours besoin.
    Merci.
    Ma prochaine question porte sur les systèmes immunitaires et le bien-être général. Je suis un ancien marathonien qui dévorait les kilomètres, et j'ai couru avec beaucoup de médecins. Nous tenions tous des journaux de course, qui finissaient par être des journaux de santé. Habituellement, 30 % des marathoniens souffriront d'une infection respiratoire dans les deux jours suivant un marathon. On nous disait de faire attention de ne pas prendre trop de médicaments, parce que les troubles respiratoires guérissent. De fait, c'est ce que les journaux montrent.
    Le corps médical en général devrait-il consacrer plus de temps au renforcement du système immunitaire et du bien-être général en plus de s'attaquer aux problèmes antibiotiques?
    C'est une question complexe. Je ne suis pas certain d'y avoir de réponse. L'une des clés d'un système immunitaire sain et équilibré, c'est le maintien du microbiome normal, quel qu'il soit, or l'exposition aux antimicrobiens a des effets sur le microbiome. La disparition de la protection naturelle qu'assure le microbiome cause une dysfonction immunitaire qui augmente la vulnérabilité aux infections. Ainsi, le fait de ne prescrire des antimicrobiens que lorsqu'on en a vraiment besoin a pour effet de renforcer ce système.
    Il y a également d'autres méthodes que je...
    Très bien. J'ai une autre question.
    J'ai dirigé une délégation médicale dans la ville de Qingdao, en Chine, en janvier dernier. Nous sommes allés visiter un très grand complexe en construction dans cette ville. Il était intéressant de voir à quel point la médecine traditionnelle est intégrée au système médical en Chine. Y a-t-il des leçons à tirer de cet exemple sur la façon dont les Chinois traitent les infections, bien souvent grâce à des herbes médicinales qui existent depuis des temps immémoriaux?

  (1645)  

    Serait-ce avantageux? Je pense que la plupart des gens vous répondraient que oui. Cela dit, je crois que nous avons tous déjà souligné qu'on n'investit pas assez dans l'infrastructure de base de la santé publique, dans les mesures de prévention des infections (comme l'hygiène des mains, la qualité de l'environnement, l'absence de surpopulation, les mesures sanitaires et j'en passe), de même que dans la surveillance et la compréhension des problèmes.
    Je pense qu'il y aurait sûrement des avantages à cela pour la mise au point de traitements et de médicaments. La plupart des chercheurs à la recherche de remèdes à toutes sortes de maladies, dans le secteur privé comme dans les universités, ont déjà commencé à étudier les effets des traitements alternatifs et traditionnels. Je pense que c'est simplement une autre avenue. Cela fait partie du volet recherche et innovation de notre cadre pancanadien.
    Avez-vous des observations à faire sur la prolifération des désinfectants — vous savez, les produits pour les mains qu'on trouve un peu partout — et leur contribution au problème global?
    Je vais laisser nos collègues de PCIC répondre à cette question.
    À ce jour, il n'existe aucune preuve de résistance bactérienne à l'alcool, donc pour l'instant, ces produits causent plus de bien que de mal. Il y a des preuves scientifiques très solides qui montrent qu'une bonne hygiène des mains peut réduire beaucoup la propagation des micro-organismes, donc pour l'instant, c'est une solution très abordable, mais très efficace.
    Soyez bref, s'il vous plaît. Vous n'avez presque plus de temps.
    Je trouve curieux que le véritable problème semble être la communication, et qu'à l'ère de la communication, les médecins et leurs patients n'aient pas assez d'information.
    Merci.
    Madame Gladu, je vous dois une minute supplémentaire pour le tout premier tour.
    D'après ce que je comprends, l'Organisation mondiale de la Santé a un plan articulé autour de quatre piliers: la surveillance, la prévention des infections, l'intendance et la recherche. A-t-elle un protocole sur les antibiotiques, pour déterminer lesquels seront utilisés en premier pour attaquer, ou arrive-t-il qu'un pays surutilise un antibiotique donné et qu'une résistance à cet antibiotique se développe sur son territoire, puis que bien sûr, ses citoyens prennent l'avion, puis se rendent un peu partout ailleurs, ou un autre antibiotique est utilisé?
    Premièrement, je mentionnerai qu'il ne serait pas possible d'établir un protocole universel, parce que les bactéries et leur résistance diffèrent d'un endroit à l'autre dans le monde. On peut certainement espérer qu'un jour, il y aura une norme acceptable établissant les paramètres d'utilisation des antibiotiques pour qu'ils ne soient utilisés chez les humains ou les animaux que lorsqu'ils souffrent d'une infection documentée ou que l'utilisation d'antibiotiques à des fins préventives est avantageuse et pour qu'ils soient prescrits par un professionnel de la santé. Je pense que la première étape consisterait à établir une norme, parce qu'à l'heure actuelle, on peut se rendre dans certains pays en développement et choisir les antibiotiques qu'on veut selon leur couleur, leur forme et leur taille.
    Il importe pour les Canadiens que nous militions en faveur d'une utilisation responsable des médicaments au pays. La plupart des infections chimio-résistantes enregistrées au Canada sont de souche étrangère, mais pas toutes. Il y a tout de même des souches qu'on peut fièrement qualifier de canadiennes, mais beaucoup viennent d'ailleurs aussi.
    Au Canada, suffirait-il de mieux éduquer les médecins et le public ou y a-t-il quelque chose qui incite les médecins à prescrire un antibiotique plutôt qu'un autre?
    Je peux commencer.
    L'éducation est un volet très important, mais nous savons qu'en matière de santé, elle ne suffit pas à elle seule. Selon ce qu'on appelle la science de la mise en oeuvre, c'est probablement l'une des stratégies les plus faibles à notre disposition. Nous avons besoin de gouvernance et de politique. Nous avons besoin de pratiques exemplaires. Nous avons besoin de rapports de force. Nous devons comprendre, comme la Dre Levinson le mentionnait, ce que les économistes comportementaux et ceux qui savent comment faire changer les comportements savent déjà. Nous devons mettre des mesures en place pour qu'il devienne très facile de faire ce qu'il faut. À elle seule, l'éducation ne changera pas grand-chose.

  (1650)  

    J'ajouterais une chose.
    Il y a toutes sortes de choses assez simples dont nous savons qu'elles fonctionnent, comme la vérification et la rétroaction. Si vous me montrez que je prescris deux fois plus d'antibiotiques que ma collègue pour des patients similaires, je me rendrai compte que je dois modifier mes façons de faire. Ce sont des choses très simples, mais nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour les faire.
    C'était ma prochaine question. De combien d'argent aurions-nous besoin pour l'infrastructure et la recherche? Le savons-nous?
    De 100 millions de dollars.
    Une voix: Êtes-vous sérieux?
    De 100 millions de dollars. D'accord.
    Madame Rose.
    Je ne saurais vous donner de chiffre exact, mais je sais qu'il existe déjà des plateformes dont nous pourrions nous inspirer ou que nous pourrions utiliser pour ne pas avoir à dépenser 25 millions de dollars dans la création d'une base de données ou d'un registre national. Nous pourrions tabler sur ce qui existe déjà.
    Excellent.
    Si je peux ajouter une chose, on m'a demandé si j'étais sérieux. Je suis extrêmement sérieux. Nous utilisons bien plus d'un milliard de dollars en antimicrobiens. Nous dépensons des milliards de dollars pour isoler des patients et prévenir la propagation des bactéries. Ces 100 millions de dollars rapporteront au centuple.
    Excellent.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez du rapport Naylor. J'ai été porte-parole en matière de science, donc j'ai lu le rapport Naylor et ses 289 pages. Quelles parties de ce rapport estimeriez-vous nécessaire de mettre en application pour lutter contre la RAM?
    C'est une bonne question.
    Il y a beaucoup de choses dans le rapport Naylor. Chose certaine, il est très important que la recherche scientifique réponde à des visées scientifiques. L'un des éléments clés du rapport Naylor, c'est que nous devons réapprendre l'esprit scientifique, réapprendre à faire des recherches qui ne sont pas nécessairement axées sur un objectif. Je pense que c'est l'un des éléments importants qui s'en dégage.
    Nous devons pouvoir investir dans les jeunes chercheurs et ceux qui sont en milieu de carrière. Le rapport Naylor montre que les recherches sont très orientées, ce qui laisse bien peu de marge de manoeuvre aux jeunes chercheurs et à ceux en milieu de carrière.
    Très peu de recrues choisissent d'étudier la RAM, parce qu'il n'y a pas de financement dans ce domaine. Si je devais choisir un domaine scientifique pour publier des articles, je pourrais choisir la RAM et publier dans trois ou quatre journaux. Il y aurait peut-être un organisme subventionnaire au Canada pour me financer. Ou je pourrais choisir d'étudier le cancer ou les maladies du coeur, puis avoir accès aux fonds d'une dizaine d'organismes subventionnaires et publier dans une centaine de journaux différents.
    J'estime donc très important d'investir pour favoriser la recherche et attirer des recrues vers ce domaine, tant en recherche fondamentale que dans l'étude des aspects plus complexes qui conjuguent les sciences sociales, la science des données et les sciences cliniques.
    Si je peux ajouter une autre chose rapidement, je pense que l'une des recommandations très importantes du rapport Naylor était de promouvoir l'innovation en général, parce que je crois que notre système de santé stagne beaucoup et que nous n'innovons pas très facilement dans la prestation de services de santé.
    Je pense que cela stimulerait la créativité des travailleurs sur le terrain et qu'il faut savoir l'exploiter à bon escient.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous avez le temps de poser une dernière question.
    Très bien.
    Ma question porte sur l'aptitude du Canada à concevoir de nouveaux antibiotiques. Est-ce une possibilité? Faut-il des fonds de recherche pour cela?
    Les meilleures estimations sont celles d'un groupe de réflexion américain, qui évalue à 2 milliards de dollars l'investissement moyen nécessaire de la conception à commercialisation d'un seul médicament.
    Quand vous m'avez demandé combien il nous en coûterait de nous attaquer à la RAM par les piliers que nous avons mentionnés, je vous ai donné un chiffre bien inférieur à cela. Nous avons besoin de solutions pharmacologiques. Nous avons absolument besoin de nouveaux médicaments, mais si nous nous demandons comment rentabiliser le mieux nos investissements, ce ne sera pas dans les solutions pharmacologiques.
    Merci.
    De plus, les solutions pharmacologiques sont temporaires et ne remplaceront jamais les principes fondamentaux des programmes que nous avons mentionnés.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Eyolfson.
    Je vous souhaite de nouveau la bienvenue parmi nous.
    Mes questions sont assez cliniques. Les habitués savent que j'ai été urgentologue pendant une vingtaine d'années.
    J'ai vu bien des choses dans ma pratique. Pendant ma formation, on m'a appris à utiliser l'antibiotique le plus simple possible pour traiter une infection, parce qu'on ne veut pas créer de résistance aux antibiotiques les plus avancés. Malgré tout, on voyait toutes sortes d'annonces très attrayantes dans les journaux médicaux faisant la promotion d'antibiotiques plus avancés, puis on voyait des gens commencer à les utiliser.
    Quand l'Amoxil était toujours l'antibiotique de première ligne pour traiter l'otite ou l'infection de l'oreille chez l'enfant, on voyait à l'occasion des jeunes s'étant fait prescrire du Ceclor se présenter à l'urgence. Cela correspond probablement à utiliser un bâton de baseball au lieu d'un simple cure-dent.
    Selon vos observations, les publicités à l'intention des médecins influencent-elles indûment leurs choix d'antibiotiques?

  (1655)  

    Je pense que ce n'est plus un problème aussi répandu qu'il y a deux ans, parce qu'il n'y a plus de nouveaux antibiotiques qui permettent à une société pharmaceutique d'engranger d'énormes profits. L'investissement dans la mise au point de nouveaux antimicrobiens a diminué.
    Très bien, merci.
    Docteure Levinson, vous avez expliqué brièvement que certains médecins affirment ne pas vouloir que les patients se fâchent contre eux et crient ou qu'ils ont peur de se faire poursuivre, par exemple. Je me rappelle des omnipraticiens avec qui je parlais quand j'étudiais en médecine, qui me racontaient que s'ils ne leur donnaient pas d'antibiotiques, des parents amèneraient leur enfant voir un autre médecin, puis qu'ils se plaindraient d'avoir dû voir deux médecins.
    Pour ce qui est du cadre juridique médical, pour en parler parfois avec des collègues américains, je sais que notre environnement juridique médical est très différent du leur. Les Américains sont beaucoup plus susceptibles de poursuivre leurs médecins que les Canadiens.
    Y a-t-il des tendances qui se dégagent dans les pratiques américaines et les pratiques canadiennes? Encore une fois, je comprends qu'elles peuvent être difficiles à comparer, parce que la collecte de données est bien meilleure aux États-Unis. Est-ce que le cadre juridique médical a changé?
    C'est intéressant. Je vais répondre à cette question, parce que j'ai moi-même étudié la relation entre les communications et les fautes professionnelles médicales. J'ai étudié l'attitude des médecins américains par rapport à celle des médecins canadiens, et en général, les médecins canadiens surestiment gravement leur risque de poursuite. C'est tellement épouvantable pour un médecin que nous pensons tous que c'est très susceptible d'arriver, alors que c'est... Les médecins continuent de se comporter comme si c'était une menace dominante, alors que c'est chose assez rare au Canada, comparativement aux États-Unis.
    Nous avons beaucoup parlé avec les représentants de l'Association canadienne de protection médicale, l'ACPM, de la façon dont nous pouvons travailler avec les médecins pour qu'ils abandonnent certains comportements. Ils craignent de se faire poursuivre davantage s'ils ne font plus certaines choses, comme de prescrire des antibiotiques lorsque les patients les demandent. L'ACPM estime pourtant les poursuites très peu probables, particulièrement si l'on peut s'entendre avec les médecins sur la définition de bonnes pratiques.
    Merci.
    J'aimerais ajouter une chose. Il se trouve que j'ai sous les yeux une correspondance de l'ACPM. Elle date d'un an, mais au cours des cinq années précédentes, l'ACPM n'avait reçu que 150 plaintes à l'échelle du Canada, et l'utilisation d'antibiotiques n'était évoquée dans aucune. Pratiquement aucune plainte ne visait à dénoncer une sous-utilisation. Au contraire, les patients dénonçaient surtout les effets néfastes d'antibiotiques.
    C'est très bon à savoir. Je pense que plus de médecins doivent savoir cela.
    Ce serait un changement systématique fondamental, mais s'il y avait des normes relatives aux ordonnances pour qu'en plus du médicament prescrit, les indications doivent être écrites, alors le pharmacien pourrait effectuer une seconde vérification. Si le pharmacien recevait une indication selon laquelle le médicament Ceclor est prescrit pour une infection de l'oreille, il pourrait faire une vérification et appeler le médecin pour lui demander, « Êtes-vous certain que vous voulez prescrire ce médicament »? J'ai exercé dans un hôpital, et cette pratique était courante. C'était un hôpital universitaire, alors il y avait des pharmaciens sur place qui faisaient cela très régulièrement. Ils demandaient au médecin: « Êtes-vous certain que c'est le bon médicament? Nous avons remarqué une résistance locale et nous pensons que ce médicament est meilleur. » Serait-il utile d'avoir un programme de surveillance des médicaments ou un programme de rédaction des ordonnances pour les consultations externes?
    De nombreuses études se sont penchées sur la façon de changer le comportement des médecins. J'ai mentionné plus tôt le fait de mener des vérifications et de recueillir des avis pour faire part aux médecins de leur rendement par rapport à leurs collègues. On peut aussi demander aux médecins de vérifier pourquoi ils prescrivent ce médicament particulier et de préciser l'indication. Cette pratique s'est révélée très efficace dans une foule de situations, car lorsqu'on doit justifier pourquoi on prescrit un médicament et pour quelle indication, on a tendance à être plus prudent. C'est une stratégie, mais il y a une foule de stratégies. Cela se rapporte encore une fois à la façon dont nous pouvons favoriser le changement.

  (1700)  

    Mon temps de parole est écoulé. Merci beaucoup.
    Monsieur Van Kesteren.
    Je dois vous dire, cependant, que je ne comprenais pas trop au début. C'est comme l'une de ces montagnes russes où l'on pense comprendre, puis on dit autre chose soudainement. Les observations du Dr Eyolfson corroborent ce que vous dites également. La situation à l'heure actuelle est que... Lorsque nous parlons d'éduquer le public, cela complique-t-il la relation entre le médecin et le patient? Rendons-nous à l'évidence. La majorité des gens à l'heure actuelle consultent un médecin et ont fait des recherches sur Internet et savent de quoi ils souffrent. Corrigez-moi si j'ai tort, mais cela semble embrouiller même les médecins, toute la question des antibiotiques. Ai-je raison?
    Je pense que vous avez raison. C'est un problème complexe, qui commence à un très jeune âge, car tous les médecins ont été des enfants à une certaine époque. Nous avons tous un attachement aux antibiotiques. Nous les adorons. On nous dit quand nous sommes enfants que si nous ne les terminons pas, nous serons malades et que peu importe à quel point ils goûtent mauvais, nous ferions mieux de les prendre. Nous avons cet attachement émotionnel et nous adorons tous les antibiotiques. Tout ce dont nous avons parlé va à l'encontre de notre attachement émotionnel aux antibiotiques. Ensuite, on essaie d'ajouter l'éducation que la majorité d'entre nous ont eue durant notre formation, ce qui, heureusement, commence à changer, mais le changement vient tout juste de commencer, ce qui complique beaucoup les choses.
    Le problème avec la résistance aux antimicrobiens, c'est qu'elle s'est intensifiée considérablement avec le temps. Comme je l'ai dit, durant ma formation, nous n'avions qu'un type de problème de résistance aux médicaments à connaître. Il y en a maintenant toutes sortes. Ils sont compliqués. Ils ne sont pas vraiment logiques. Ils ont des acronymes qui ne veulent rien dire au médecin prescripteur. Il est très difficile de communiquer ces problèmes, et il n'y a pas de ligne directrice fiable ou de renseignement centralisé facile à comprendre.
    Vous êtes donc en train de nous dire essentiellement que le public doit être éduqué, mais avant, les médecins doivent être adéquatement formés. Est-ce exact?
    Je crois que oui.
    Je pense qu'il y a des aptitudes en communication qui sont vraiment fondamentales également, car souvent, les médecins essaient de plaire aux patients, mais ils ne posent pas les questions suivantes: « Que craignez-vous le plus? Qu'est-ce qui vous inquiète le plus? Que pensez-vous que cet antibiotique fera pour vous? » « Eh bien, si j'obtiens ce médicament, mon enfant ne pleurera pas cette nuit, et je pourrai retourner au travail demain. »
    Si vous comprenez la situation et posez ces questions, alors vous pouvez rassurer votre patient et l'éduquer en lui disant, « Je comprends pourquoi vous êtes inquiet, mais si j'étais vous, je ne voudrais pas prendre le risque que mon enfant ait une réaction à l'antibiotique, car son mal d'oreille finira par s'atténuer quoi qu'il en soit ».
    Il y a les connaissances, d'une part, et il y a la façon dont nous travaillons avec les patients pour leur expliquer ce qu'il en est, d'autre part.
    Monsieur Morris, vous dites que vous avez besoin de 100 millions de dollars essentiellement pour recueillir les renseignements. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'ai siégé au comité des finances pendant des années. J'ai constaté, à tout le moins lorsque nous formions le gouvernement, que nous aimions ces projets de petite taille et autres mesures de ce genre. Le plus grand problème que nous avions, ou le plus grand problème avec lequel la profession médicale était aux prises, c'est que les médecins étaient mal représentés. Ils n'ont pas le temps d'aller discuter avec les politiciens et d'accomplir le travail nécessaire pour obtenir ce soutien.
    Je pense que c'est une merveilleuse suggestion. C'est tout simplement logique, car dans cette courte conversation seulement, il est évident que c'est un problème très compliqué qui porte à confusion, et il faut recueillir des renseignements et éduquer les gens à tous les niveaux. Si c'est possible de le faire avec 100 millions de dollars, alors ce sera l'argent le mieux dépensé.
    Je vous suggérerais de mettre sur pied un groupe de lobbying et de commencer à exercer des pressions sur le gouvernement, car, comme je l'ai dit, lorsque nous étions au pouvoir, nous adorerions ces petits projets de 50 ou de 100 millions de dollars et ce genre d'initiatives. Je sais que Sinai avait un certain nombre de projets de ce genre.
    C'est ce que vous faites?
    Je suis en train de mettre sur pied un groupe. Nous n'avons pas le droit de demander autant que 100 millions de dollars, et c'est le problème, mais nous n'avons aucune autre option. Nous avons un groupe qui a une vaste portée. PCI Canada, le CCNMI et l'initiative Choisir avec soin y participent. La somme la plus importante que nous demanderions est 30 millions de dollars environ, et nous sommes en compétition avec d'autres pour obtenir cet argent.
    Le Comité doit nous dire, « Défendez votre projet du mieux que vous le pouvez et dites-nous comment vous allez procéder », puis nous vous fournirons une réponse. Comme la Dre Levinson a dit, ce doit être à tout le moins encadré par des groupes, des organismes et des personnes qui sont au courant mais qui ont accès à des fonds. Cet argent n'est pas disponible, et nous ne sommes pas des politiciens.

  (1705)  

    Pouvez-vous faire cela? Le Comité peut-il vous demander de mettre sur pied...
    Absolument.
    Je suis certain que c'est un point sur lequel nous pouvons tous nous entendre.
    Vous faites un suivi auprès de moi. Quelqu'un m'envoie un document, monsieur Gagnon, puis nous vous le ferons parvenir.
    Merci beaucoup.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais trouver refuge dans les systèmes d'information. Bon nombre des observations que j'entends est que nous avons besoin de ce mécanisme de coordination global. Nous avons besoin de normes relatives aux données, et nous devons traiter les normes. Je vais aborder ce que Mme Gladu a mentionné également, à savoir l'expérience internationale.
    Ce n'est pas un problème qui est propre au Canada. C'est un problème qui existe partout dans le monde, dans tous les pays dans une certaine mesure. Y a-t-il un pays ou un groupe supranational ou infranational qui excelle en la matière, qui a un organisme qui a des processus et des définitions en place que nous pourrions utiliser ici en tant que pratiques exemplaires et bons points de départ pour nous?
    Je pense que nous avons déjà une certaine surveillance au Canada. J'ai parlé brièvement du Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales. Il a rédigé des définitions de cas standardisées qui sont utilisées dans un petit groupe d'établissements de soins tertiaires au pays. Il y a une possibilité d'utiliser ces définitions de cas bien formulées et fondées sur des données probantes partout au pays de manière à ce que l'ensemble des provinces et des territoires au Canada utilisent les mêmes définitions. Nous pouvons assurer une surveillance et relever les tendances de façon très fiable sur la situation dans les diverses régions du pays.
    Je peux faire une observation complémentaire à cela. Le problème dans la majorité des instances, c'est qu'il y a un clivage entre la recherche et la santé publique. Dans la plupart des instances, que ce soit dans l'Union européenne ou aux États-Unis, il n'y a aucune coordination entre la recherche et la santé publique. Il faut de la recherche et il faut des services de santé publique, et nous devons les intégrer.
    Il y a de nombreuses instances qui assurent une excellente surveillance dans le domaine de l'épidémiologie, et certaines mènent d'excellentes recherches. Le Canada pourrait être un chef de file en combinant la recherche, la prévention et le contrôle des infections, la gérance des antimicrobiens et la surveillance.
    Les pays scandinaves sont de loin les chefs de file mondiaux, mais il y a des foyers d'excellence en matière de gérance. En Australie, il y a un National Centre for Antimicrobial Stewardship. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et le CDC des États-Unis excellent en matière de surveillance. Les Néerlandais font un travail formidable en matière de gérance. La recherche demeure le domaine des Américains, mais elle est en train d'augmenter au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe.
    Nous pourrions donc nous adresser à ces diverses organisations et créer un nouveau système en fonction de leurs pratiques exemplaires respectives, et ce serait une norme de calibre mondial.
    Pour revenir à ce que vous avez dit, madame Rose, avec le système existant au Canada que vous avez mentionné, si nous décidions de nous en inspirer — je suis intéressé par la perspective internationale —, y aurait-il une interopérabilité entre les systèmes européens pour échanger des données? En fait, y a-t-il un besoin, une utilité, à échanger des données avec les Européens et d'autres systèmes?
    À mon avis, oui. Je laisserais le soin à mes collègues cliniciens de se pencher sur la question.
    Je pense qu'il y a une possibilité d'examiner les tendances en matière de résistance aux antimicrobiens partout au pays et dans le monde pour voir ce qui se passe dans d'autres régions et pour prédire dans une certaine mesure ce qui pourrait se présenter à nos frontières.
    Cependant, ce n'est pas exactement mon domaine d'expertise.
    L'OCDE déclare que l'initiative à laquelle participe activement le Canada pourrait également être une source d'information. Comme je l'ai dit, elle effectue des comparaisons partout au pays. Elle a des renseignements uniformes qu'elle collige tous les ans dans son rapport Coup d'oeil sur la santé — et le Canada en fait partie — qui se penche sur les taux d'utilisation des antibiotiques, entre autres choses, et qui fait une comparaison. Comme je l'ai dit, les Néerlandais utilisent deux fois moins d'antibiotiques par habitant que le Canada.

  (1710)  

    L'Organisation mondiale de la Santé peut-elle fournir des définitions globales ou du soutien? C'est une organisation mondiale.
    Elle fournit des définitions.
    Sont-elles utiles?
    Eh bien, c'est une question complètement différente. Je pense que les défis de la résistance aux antimicrobiens et les obstacles que les pays doivent surmonter sont différents.
    L'OMS, comme le Dr Tedros l'a mentionné hier, vise tous les pays. Il y a de nombreux pays dans le monde où l'accès aux antibiotiques est un plus gros problème que choisir celui qu'ils vont obtenir.
    Nous sommes confrontés à des défis différents de ceux auxquels sont confrontés de nombreux autres pays, alors le fait de s'en remettre à une définition acceptée mondialement pour la surveillance et d'autres fins n'est peut-être pas la meilleure approche.
    D'accord.
    Votre temps est écouté. Merci beaucoup.
    Madame Sansoucy.

[Français]

     Je vous remercie.
    Tout à l'heure, monsieur Morris, vous avez mentionné que cela coûtait actuellement plusieurs centaines de millions de dollars au système pour résister aux antimicrobiens.
     Avons-nous vraiment des données sur les économies potentielles qu'une intervention adéquate et l'élaboration de nouvelles façons de faire nous permettraient de réaliser dans le système de santé comparativement à ce que cela nous coûte actuellement?

[Traduction]

    Le défi est complexe.
    J'ignore combien vous dépensez pour votre assurance, mais la bataille que nous menons tous avec la résistance aux antimicrobiens est principalement attribuable à l'assurance, car nous savons qu'il y a eu une augmentation constante de la résistance au fil du temps. Ce que nous cherchons à faire est d'endiguer cette vague et d'investir dans l'évitement des coûts, car les dépenses pour gérer la résistance aux antibiotiques seront beaucoup plus élevées à long terme qu'elles ne le sont à l'heure actuelle, surtout si nous ne faisons rien.
    Si nous faisons des estimations et que nous n'avons pas de données fiables... Admettons que nous utilisons 1 milliard de dollars en antibiotiques par année. D'après nos meilleures estimations, 50 % des antibiotiques sont inutiles. Ce sont les estimations les plus fiables, entre 30 et 50 %. Même si nous réduisons cette proportion de 30 %, nous parlons de 300 millions de dollars en économies. Honnêtement, 100 millions représentent un investissement assez faible. Ce ne sont là que des coûts pour les antibiotiques. Cela n'a rien à voir avec tous les autres investissements ou les risques.
    L'un des hôpitaux où je travaille traite des patients atteints du cancer. Souvent, nous n'avons qu'un seul antibiotique pour les traiter. Nous avons des patients qui ont eu des greffes et nous leur donnons de nouveaux antibiotiques ou des antibiotiques que nous ne connaissons pas, car nous n'avons aucune autre option. Si nous nous rendons à cette étape, et c'est souvent le cas, nous n'avons aucune autre option.
    Vous connaissez peut-être le cas cette année où des médecins de l'hôpital général de Toronto ont dû retirer les poumons d'une patiente, car il n'y avait aucune solution antibiotique pour elle. Ils ont dû lui en enlever les poumons, attendre, la maintenir en vie artificiellement jusqu'à ce que des poumons soient disponibles et lui donner une deuxième chance.
    Nous sommes déjà confrontés à cette situation. Les Canadiens ne peuvent pas se permettre d'attendre pour investir. Ce comité et le gouvernement doivent intervenir maintenant et doivent investir.

[Français]

     Vous avez parlé plus tôt de l'importance du financement en recherche, et vous avez dit que cela coûtait 2 milliards de dollars pour élaborer un nouveau médicament, mais que ce n'était peut-être pas la solution.
    Y a-t-il un potentiel de développement? Vous êtes en meilleure position que moi pour en parler. Ya-t-il des idées qui pourraient être développées, des innovations à apporter, autres que ce que nous utilisons actuellement?

[Traduction]

    Vous êtes du Québec?

  (1715)  

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Au Québec, l'industrie du diagnostic est énorme. Je rêve que l'on prescrive un antibiotique à un patient seulement lorsque le médecin ou le professionnel de la santé prescripteur sait qu'il y a une infection et sait exactement ce qu'il prescrit.
    L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est que les médecins ne savent pas si les patients ont une infection bactérienne et, le cas échéant, ils ne savent pas quel organisme ils doivent traiter. Le diagnostic et le bon choix des tests de diagnostic contribueraient certainement à cet effort. Ce genre d'innovation est absolument nécessaire.
    Par ailleurs, nous n'avons pas toutes les technologies nécessaires à portée de main, mais c'est prévisible, alors nous devrions à tout le moins avoir les données. Nous devrions pouvoir dire, à partir de la gestion des problèmes de santé du patient, les germes qui circulent dans son organisme et leur résistance aux médicaments. Si nous n'avons pas de test au chevet du patient, nous devrions pouvoir établir le meilleur antibiotique à prescrire pour traiter l'infection du patient.
    Ces deux éléments d'information sont prévisibles dans les 5 à 10 prochaines années, mais il faut des investissements. Ce seraient des investissements pour concevoir de nouveaux médicaments, mais il faut aussi investir dans l'infrastructure pour la science des données et la recherche et l'innovation dans l'industrie du diagnostic, par exemple.
    D'accord. Le temps est écoulé.
    Je ne saurais vous remercier suffisamment de votre témoignage. Je dis souvent que nous avons les meilleurs témoins de tous les comités sur la Colline, et vous avez certainement corroboré cette déclaration aujourd'hui.
    Le greffier a vos coordonnées, docteur Morris, alors nous communiquerons avec vous à propos de la proposition de M. Van Kesteren. Lorsque vous faites une proposition, plus vous avez de voix et d'organisations, mieux c'est. Les voix comptent.
    Je tiens à vous dire que vous avez déjà amélioré la situation, car lorsque je vais chez le médecin, je veux un antibiotique — peu importe ce dont je souffre. Je ne le ferai plus à l'avenir, alors vous avez déjà accompli des progrès. Je parie que 99 % des citoyens canadiens ne sont pas au courant de ce problème. La sensibilisation du public est une grande partie du problème. Nous pouvons certainement apporter notre contribution. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration.
    Nous prévoyons tenir encore plusieurs réunions sur ce sujet, mais vous avez grandement contribué à l'étude. Je vous remercie infiniment au nom de l'ensemble du Comité.
    M. Webber veut intervenir.
    Je serai très bref.
    Docteur Morris, à qui devons-nous envoyer le chèque de 100 millions de dollars?
    Des voix: Oh, oh!
    À CANresist.
    D'accord.
    Je ne dépenserais pas cet argent tout de suite.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Quoi qu'il en soit, merci beaucoup au nom du Comité. C'est un excellent témoignage.
    Puis-je poser une brève question complémentaire?
    Oui.
    Ces 100 millions de dollars seront-ils versés sur une période d'un an, de cinq ans...?
    Disons sur une période de cinq ans.
    Merci.
    D'accord.
    La séance est levée.
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