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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 125 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 novembre 2018

[Énregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Mesdames et messieurs, bonjour. Nous allons commencer tout de suite, ce matin. L'ordre du jour est chargé et nous risquons aussi d'être interrompus.
    Donc, sans plus tarder, conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion que le Comité a adoptée le mardi 18 septembre 2018, nous reprenons notre étude sur le soutien aux familles après la perte d'un enfant.
    Aujourd'hui, le Comité entendra les témoins et il s'occupera de quelques travaux après cela.
    Je vais vous présenter tous nos témoins d'aujourd'hui. Pour les témoignages à titre personnel, nous accueillerons d'abord Susan Cadell, professeure à l'École en service social du Renison University College, Université de Waterloo. Bienvenue, madame.
    Nous accueillerons aussi Karima Joy, doctorante à la division des sciences sociales et de la santé comportementale de la Dalla Lana School of Public Health, à l’Université de Toronto. Bienvenue.
    Nous entendrons aussi Mary Ellen Macdonald, professeure agrégée au Programme de recherche en soins palliatifs pédiatriques à l'Université McGill. Bienvenue.
    Et, par vidéoconférence de Montréal, nous aurons Moire Stevenson, psychologue au Centre de réadaptation MAB-Mackay.
    Tout indique que vous m'entendez bien.
    Mme Alexandra Lihou, de Fraser Health, comparaît devant nous en personne, à Ottawa. Mme Lihou est conseillère clinicienne agréée du Programme de santé mentale en matière de reproduction au Royal Columbian Hospital.
    Je vous remercie toutes beaucoup d'être venues. Nous allons commencer par entendre vos déclarations préliminaires de sept minutes chacune.
    Madame Susan Cadell, vous êtes la première et vous avez la parole pour sept minutes.
    Je tiens d'abord à souligner à quel point je suis heureuse que le Comité effectue cette étude. Je me sens honorée d'avoir été invitée à vous présenter quelques aspects de mon travail.
    Permettez-moi de me présenter. J'ai suivi une formation de travailleuse sociale. J'ai conseillé des familles pendant plusieurs années, et cela comprend le counseling des endeuillés. Maintenant, j'enseigne à l'université depuis 20 ans et je dirige un programme de recherche sur le décès et sur la fin de vie ainsi que sur le deuil et la perte. Je suis l'une des seules spécialistes en travail social ayant fait de la recherche sur les soins palliatifs pédiatriques. Je suis associée à l'établissement de soins palliatifs Canuck Place Children's Hospice, de Vancouver. Je suis mariée, et mes trois enfants sont adultes.
    Je n'ai personnellement jamais perdu un enfant. Je me suis cependant lancée dans la recherche sur le deuil après avoir perdu de nombreux amis des suites du sida.
    Je tiens avant tout à souligner que notre compréhension du deuil change beaucoup.
    Les cours que j'ai suivis en travail social ne mentionnaient jamais le deuil et la perte, le décès et la fin de vie. J'ai acquis toutes mes connaissances et j'ai appris à comprendre ces choses en faisant de la recherche par moi-même et avec des collègues.
    Les spécialistes de ce domaine reconnaissent maintenant que le deuil ne prend jamais fin. Les gens parlent encore d'étapes, mais on a largement démenti cette théorie. Le deuil est lié à une relation, c'est le prix que nous payons pour aimer. Quand une personne aimée meurt, notre relation avec elle change, mais elle ne prend pas fin. Le deuil nous aide à effectuer cette transformation. Nous parlons maintenant de liens continuels et non plus de coupure et de détachement. Il n'existe pas d'échéancier. Le deuil refait souvent surface des mois, voire des années après un décès.
    La mort fait partie de la vie. L'approche des soins palliatifs repose sur le fait que la mort fait partie de la vie. Plusieurs d'entre nous n'aiment pas parler de la mort et de la fin de vie et, par conséquent, le deuil est souvent stigmatisé. Il est difficile de traverser un deuil, surtout lorsqu'on perd un proche. Le deuil est difficile quand un décès défie tous les pronostics. À peu près partout dans notre pays, les parents s'attendent à ce que leurs enfants leur survivent.
    Il est possible de soutenir les personnes dans le deuil à condition de prendre acte de leur deuil. C'est rarement le cas parce que les gens n'aiment pas parler de la mort et de la fin de vie. Le deuil devient très difficile à porter quand on est aux prises avec des gens et des systèmes qui ne comprennent pas la souffrance qu'il cause. Ainsi, pour soutenir un endeuillé, il ne faut pas chercher à améliorer leur ressenti. Le deuil devient encore plus difficile à vivre si l'entourage n'en prend pas acte. Pour soutenir un endeuillé, il faut reconnaître que rien ne pourra l'aider à se sentir mieux.
    On pense souvent qu'il ne faut plus parler de la personne décédée. C'est ce qu'on constate dans certaines cultures. Toutefois, la plupart des participants à divers projets de recherche auxquels j'ai collaboré affirment qu'ils ne se sentent pas soutenus quand les gens font fi de leur souffrance et ne parlent pas de la personne décédée. Le fait de parler d'un défunt, quels qu'aient été son âge et sa relation avec la personne en deuil, n'intensifie pas la souffrance de cette personne.
     Je voudrais maintenant soulever la question du pire des deuils.
    Dans la documentation sur le deuil, on retrouve de multiples allusions au fait que le pire des deuils est celui associé à la perte d'un enfant, et je dois avouer avoir moi-même écrit sur le sujet. Vous le trouverez dans certaines de mes publications.
    Au fil des ans, dans le cadre de mon exercice professionnel et de ma recherche, j'ai découvert que cette idée crée une hiérarchie du deuil qui nuit à tout le monde. C'est surtout le cas quand les gens n'aiment pas penser à la mort et au deuil, et cette hiérarchie marginalise alors encore plus les parents. Les gens ont souvent peur de parler à des parents endeuillés, parce qu'ils craignent de dire ce qu'il ne faut pas.
    Cela me fait penser à une participante à l'une de mes études de recherche. Elle m'a raconté que, dans une période où elle vivait le deuil récent de son enfant, elle avait vu une de ses connaissances traverser la rue pour l'éviter.
    Il faut que nous nous efforcions de ne pas perpétuer cette notion selon laquelle certains deuils sont pires que d'autres. Le deuil est une épreuve très personnelle et individuelle. En affirmant que certains d'entre eux sont pires que les autres, nous empêchons les gens et les systèmes de soutenir les endeuillés.
    Il est très important de raconter son expérience. J'ai une très bonne amie — d'ailleurs nous collaborons actuellement à un projet de recherche — qui a perdu son fils il y a 16 ans, alors qu'elle était enceinte de 22 semaines. Je l'avais maintes fois entendue décrire cette épreuve, mais en préparant mon exposé d'aujourd'hui, je me suis rendu compte que je ne l'avais jamais entendue parler de sa phase de retour au travail, alors je l'ai appelée pour lui demander de m'en parler.

  (0850)  

    Elle m'a dit deux choses que je n'ai jamais oubliées et que je vais vous répéter. La première est qu'elle a dû maintes fois naviguer dans le système de l'assurance-chômage. Elle a dû décrire son expérience d'innombrables fois à diverses personnes. Elle m'a dit que toutes ces personnes étaient restées très froides. Elle voudrait qu'on établisse un système qui, dans le cas du décès d'un enfant, orienterait tout de suite l'endeuillé en quête de services vers quelqu'un ou vers un organisme qui offre les services de professionnels qualifiés pour l'écouter, pour le soutenir et pour l'aider à naviguer dans le système.
    Les personnes qui participent à une étude de recherche acceptent de raconter leur histoire. Nos participants se sentent souvent confortés dans leurs sentiments en le faisant. Leur décision peut en effet s'avérer thérapeutique dans un contexte où les endeuillés se sentent appuyés. Le fait de les obliger à décrire maintes fois leur expérience est inutile, voire cruel. Le mot clé est « choix ». Il faut offrir des choix aux parents endeuillés. Ils devraient même pouvoir choisir les circonstances de leurs engagements nécessaires. Le système idéal est celui qui permettrait aux parents de choisir le jour et l'heure des rendez-vous à prendre pour s'acquitter de certaines choses. Ce système devrait être assez souple pour leur permettre de remettre un rendez-vous à plus tard s'ils se sentent incapables de faire ce qu'on attend d'eux à la date fixée.
    Cette amie m'a dit en second lieu que, si on lui a accordé un congé de maternité, le système n'a rien offert à son conjoint. La seule possibilité pour lui d'obtenir un congé de maladie aurait été de présenter une note de son médecin. Notre société néglige les endeuillés. Dans le cas du décès d'un enfant ou d'un nouveau-né ou d'une fausse-couche, le système oublie souvent les maris et les conjoints. Les papas eux aussi souffrent, et ils ont besoin de soutien.
    On oublie aussi bien souvent les frères et les soeurs. Un enfant décédé laisse derrière d'autres enfants — aînés ou benjamins —, qui souffriront toute leur vie des répercussions de ce deuil. Les grands-parents sont terriblement négligés. Le deuil cause des répercussions dans les familles et dans les collectivités dont les effets durent des années.
    Je conclurai en vous disant qu'à mon avis, la motion dont j'ai entendu parler et les changements qu'on se propose d'y apporter vont dans le bon sens. On y reconnaît le deuil. On y reconnaît aussi que le système peut soutenir les endeuillés en formant adéquatement ses employés. Mais pour moi, ce n'est que la première étape. J'ai débuté mon intervention en affirmant que la mort fait partie de la vie. Notre société doit apprendre à mieux reconnaître le deuil et à soutenir ceux qui en souffrent. Il faut éduquer le public et développer les compétences des employés qui travaillent dans ces systèmes gouvernementaux.
    Je vous félicite d'avoir accompli cette première étape, et je vous remercie de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant vous.

  (0855)  

    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant Karima Joy, doctorante à la division des sciences sociales et de la santé comportementale de la Dalla Lana School of Public Health, à l’Université de Toronto.
    Merci de m'avoir invitée aujourd'hui, et merci à Blake Richards d'avoir déposé la motion 110.
    Comme on vous l'a dit, je suis candidate au doctorat à l'Université de Toronto. Je détiens une maîtrise en travail social et je suis travailleuse sociale autorisée. J'ai reçu une bourse d'études supérieures du Canada Joseph-Armand Bombardier. J'ai également des enfants, mais aucun d'eux n'est décédé.
    Mon sujet de thèse — soulignons que je n'en suis qu'au début — porte sur ce que prévoient les lois fédérales et provinciales ainsi que les milieux de travail du Canada pour soutenir les endeuillés, particulièrement ceux qui occupent un emploi précaire.
    J'ai vécu la souffrance bouleversante que cause la perte d'une personne bien-aimée. Il m'est arrivé de m'occuper de la famille du conjoint que j'avais à l'époque, quand son père est soudainement mort d'un cancer du pancréas. Incapable d'obtenir un congé de mon poste contractuel, j'ai dû quitter mon travail pendant quatre mois pour m'occuper de la famille, ce qui m'a placée dans une situation professionnelle précaire. J'étais incapable de réfléchir mûrement aux conséquences qu'aurait ce geste sur ma situation financière et professionnelle.
    Accablée par le désespoir de ne trouver ni ressources ni soutien, j'ai appris à mieux me préparer au deuil. Je travaille maintenant depuis 10 ans dans ce domaine. Je collabore entre autres à un programme de soutien aux survivants dont un proche s'est suicidé et à l'oeuvre de l'organisme Bereaved Families Ontario-Toronto qui, depuis 40 ans, soutient les familles qui souffrent de pertes de toutes sortes. Constatant à quel point ces organismes sont sous-financés et surchargés, j'ai décidé de retourner à l'université pour étudier le deuil et les forces macroéconomiques qui ont une incidence sur ces situations.
    J'ai examiné en profondeur la documentation publiée à ce sujet et j’ai constaté que ma bourse d’études portait principalement sur les aspects psychologiques et thérapeutiques du deuil. Elle ne saisissait donc pas adéquatement le rôle des facteurs sociaux, économiques et politiques qui façonnent l’espace alloué pour aborder ces expériences. Toutefois, les choses changent, et l'on s’intéresse de plus en plus au contexte du deuil.
    La meilleure étude canadienne à ce sujet est celle de Mary Ellen Macdonald, Susan Cadell — qui est avec nous aujourd’hui — et de leurs collègues. Ces chercheuses comparent et analysent de façon critique les lois canadiennes et internationales sur le deuil. Elles demandent, entre autres choses, pourquoi l'on offre généreusement les autres congés, comme les congés parentaux, les congés de maternité et les congés de compassion, mais pas les congés de décès. Elles ont ainsi découvert que le deuil n’est pas considéré en milieu de travail comme un bien public. Il faut remettre cette attitude en question, car elle donne l'impression aux Canadiens que leur deuil ne mérite ni attention ni soutien, ce qui force les gens à souffrir en silence.
    On oblige souvent les endeuillés à retourner au travail pour redevenir productifs. Un retour prématuré au travail restreint le processus de deuil de certains employés et nuit à leur bien-être ainsi qu'à leur santé mentale et physique. Leur présence risque de nuire à la productivité de l'organisme pour lequel ils travaillent et, par conséquent, de coûter plus cher que leur absence. Autrement dit, le seul fait qu'ils reviennent à leur poste ne signifie pas qu'ils sont prêts à accomplir adéquatement toutes leurs tâches. Ils risquent même de prendre plus de congés de maladie, d'accomplir du travail de moindre qualité, de moins produire et de ne pas avoir un bon moral.
    On constate un manque de responsabilisation et de financement pour le deuil, car il ne relève pas du mandat d’un système de santé canadien, d’une association professionnelle ou d’un gouvernement. Par ailleurs, l’American Hospice Foundation soutient qu’offrir des programmes de congé de décès et des congés flexibles améliore le moral des employés et réduit les taux de congé de maladie ainsi que le roulement du personnel.
    Certains employés reçoivent des congés plus généreux de leur employeur et en fonction de leur entente contractuelle. Toutefois, les personnes qui occupent un emploi précaire — un régime de travail qui limite la sécurité d’emploi, la stabilité et la protection d'emploi — sont souvent plus vulnérables au deuil. Elles n’ont que peu ou pas accès aux avantages sociaux habituels et elles craignent que le fait de prendre congé ne menace leur emploi et leur sécurité financière. En Ontario, par exemple, l’emploi précaire est de plus en plus la norme pour les travailleurs de toutes les catégories démographiques, ce qui touche tout le monde. Confrontés à des frais funéraires, à des heures de travail non rémunérées ou à la perte de leur emploi, les endeuillés qui occupent un emploi précaire doivent souvent choisir entre le deuil et la pauvreté. Par conséquent, je tiens à souligner que si l'on choisit le système d’assurance-emploi pour accorder des prestations de décès, un groupe important de travailleurs vulnérables n'y seront pas admissibles, ce qui risque de marginaliser davantage ces endeuillés.
    J'ai ajouté en annexe à mes notes — je ne sais pas si vous y avez accès — le Rapport de contrôle et d'évaluation de l'assurance-emploi, 2016-2017, de la Commission de l'assurance-emploi du Canada. On y dénonce le nombre considérable de groupes qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi.
    En ce qui concerne mes recommandations, j'appuie un bon nombre des solutions qui ont été proposées au cours des dernières réunions, y compris la nécessité d'obliger Service Canada à former certains de ses employés pour qu'ils apprennent à traiter les endeuillés avec compassion.

  (0900)  

Service Canada devrait créer un service, une page de renvoi ou un guichet unique pour les endeuillés. Il faudrait éviter les versements excédentaires et le retrait de l'Allocation canadienne pour enfants. Il faudrait aussi lancer une campagne de sensibilisation au deuil pour que les Canadiens sachent que leur gouvernement respecte le deuil et l'apprécie pour ce qu'il est.
    Il faudrait aussi offrir des mesures incitatives pour que les employeurs et les organismes soutiennent les endeuillés et qu'ils examinent d’autres modèles et systèmes de soutien pour les parents endeuillés. Pour établir de bonnes politiques, ils pourraient consulter le nouveau congé parental du Royaume-Uni, l'allocation pour les parents des jeunes victimes de crimes que le Canada vient d'adopter ainsi que le congé en cas de décès d’un enfant que l'on accorde en Ontario.
    Le deuil est lié à notre nature humaine. Il découle de notre capacité d'aimer et de nous attacher les uns aux autres. Personne ne devrait être marginalisé ou puni pour cela. Il faut que nous valorisions notre capacité de nous lier les uns aux autres et notre interdépendance. Il faut que tous les ordres de gouvernement assument activement la responsabilité du deuil afin de surpasser l'ambivalence générale face à la mort et de respecter le deuil comme l’une de nos plus grandes expressions d’humanité. En assumant le soutien des familles et des travailleurs canadiens endeuillés, nous les aiderons à surmonter leur souffrance et à graduellement retourner au travail.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons ensuite Mary Ellen Macdonald, professeure agrégée, Programme de recherche en soins palliatifs pédiatriques, Université McGill.
    Je tiens tout d’abord à remercier le Comité d’avoir pris très au sérieux une question qui n’a tout simplement pas été soulevée publiquement.
    Je m’adresse à vous en tant qu’universitaire. Je suis anthropologue médicale et depuis 15 ans, je fais de la recherche sur les aspects socioculturels du décès, de la mort et du deuil. En ma qualité d'anthropologue, je peux contribuer à ces questions dans une optique sociale et culturelle et vous faire part de mes réflexions.
    Je vais commencer par soulever un petit point qu'il faudrait prendre en considération, soit le langage utilisé pour parler de la perte dans la motion et aussi le langage auquel nous avons recours pour parler de la mort.
    Il est courant d'utiliser des euphémismes pour aborder des sujets difficiles, étant donné que nous ne sommes pas à l'aise face à ces sujets. Cependant, on ne perd pas vraiment une personne décédée. Bien qu’elle ne soit plus physiquement à nos côtés, elle est toujours présente dans la vie de ses proches, sous une forme nouvelle et transformée, même après la mort.
    Dans des témoignages précédents, nous avons entendu parler de la relation que les parents endeuillés entretiennent avec leurs enfants décédés. Ils s’efforcent de garder leurs enfants présents en entreprenant des projets commémoratifs, en créant des bourses d’études et en déclamant le nom de l’enfant. Un témoin a mentionné que c’est ainsi qu’elle continuait d’élever son enfant décédé. Je crains que le langage utilisé pour parler de la perte ne déforme ces efforts parentaux.
    Mon deuxième point concerne la clarté qui me préoccupe également. Dans la version originale de cette motion que j’ai reçue, il semble que l'accent était mis sur la mortalité infantile. En écoutant les témoignages, j’ai l’impression que le point de mire est passé à la mort d’enfants de façon plus générale et je suis tout à fait d'accord avec cette portée élargie. Ce qui m’inquiète, cependant, c’est la façon dont les discours sur le deuil, tant dans le milieu universitaire que dans le domaine public, peuvent produire ce que Mme Cadell appelle une hiérarchie du deuil. D’après ce que je sais des ouvrages scientifiques, ces hiérarchies sont beaucoup plus politiques qu’appuyées par la science.
    Nous sommes contraints de nous préoccuper de certains types de décès, comme la mortalité infantile, d’une façon qui ne semble pas être justifiée pour d’autres types de deuil — la mort d’un conjoint âgé dans un centre de soins palliatifs ou la mort par suicide. Je crains que la motion ne contribue involontairement à reproduire une telle hiérarchie en mettant l’accent d’abord sur la mortalité infantile par rapport à d’autres enfants, y compris des enfants adultes, puis sur les parents par rapport à d’autres types de personnes endeuillées, comme les grands-parents.
    Bien sûr, les parents dont l’enfant est mort ont besoin de plus de soutien que ce que nous leur offrons actuellement; cependant, qu'en est-il de tous les parents en deuil et, en fait, de tous les gens en deuil aussi. Je crains que de telles distinctions ne nuisent aux autres personnes en deuil en les excluant et en les isolant encore davantage.
    Si la question est vraiment de s’occuper des problèmes liés au deuil d’un enfant en bas âge, je me demande donc pourquoi nous devrions considérer la mort d’un enfant différemment des autres types de deuil parental. Même si la mort d’un enfant est certes une expérience particulière qui crée des séquelles uniques, je ne connais pas d'ouvrages concluants qui laissent entendre que la perte d’un enfant mérite un traitement spécial supplémentaire par rapport à d’autres types de deuil. En revanche, je pense que la documentation illustre que l’âge est une variable très complexe lorsqu’il s’agit de comprendre le deuil d’un enfant et nous devons faire attention aux hypothèses que nous formulons. Les couples plus âgés dont un enfant adulte décède peuvent aussi être durement touchés.
    S'il s'agit de régler les problèmes de deuil de façon plus générale, je me demande donc pourquoi nous devrions considérer le deuil parental différemment des autres types de deuil. Le Comité a pour objectif général de trouver des moyens de faire en sorte que les parents en deuil ne se butent pas à des difficultés financières et émotionnelles indues; je plaiderais pour qu’aucune personne en deuil ne soit confrontée à de telles difficultés. Je crains que nous ne créions de nouveaux types de vulnérabilité en renforçant involontairement l’idée que certains types de deuil ne comptent pas autant.
    Mon troisième point concerne les valeurs sociales normatives. Comme Karima vient de le mentionner, nous avons examiné les mesures d’adaptation en cas de deuil dans les normes du travail, en nous concentrant d’abord sur le Canada, puis sur la scène internationale. Une homogénéité surprenante s’est dégagée de cet examen. Chaque document que nous avons analysé contredisait catégoriquement ce que la recherche empirique dit au sujet du deuil.
    Les études empiriques rassemblent une phénoménologie du deuil qui le décrit comme étant une expérience individuelle, isolée, douloureuse, un processus, quelque chose qui défie et modifie l’identité d'une personne et la perception qu'elle a d'elle-même. Il peut se manifester comme une maladie débilitante sans présentation ou orientation prévisible, avec des séquelles et des répercussions à long terme.
    Les normes du travail, par contre, offrent des réponses simples et dans l'optique de la gestion pour accommoder un travailleur qui doit se rendre à des funérailles ou les planifier, soit habituellement entre un et sept jours avec ou sans salaire, selon la province ou le territoire.

  (0905)  

     Le deuil est présenté comme un processus générique, d’une durée limitée, comportant des tâches instrumentales qui sont effectuées dans un délai précis — planification de funérailles et participation à ces funérailles. La valeur de la loyauté d’un employé est également prise en compte dans le cadre de certains programmes qui accordent à un employé un congé plus généreux en fonction de ses années de service — non pas en fonction du type de décès, comme si vous pouviez en fait gagner le droit de vivre un deuil.
    En examinant de plus près le libellé des rapports, nous avons constaté une similitude remarquable entre les valeurs qui sous-tendent les documents. La naissance, la vie familiale, la prestation de soins et les pratiques religieuses sont clairement célébrées au moyen de politiques comme celles sur le congé de maternité et le congé familial, les prestations de compassion et l’allocation de temps pour les préparatifs funéraires. L’efficacité au travail et l’importance économique étaient également des préoccupations majeures. Dans tous les documents examinés, nous avons constaté un manque de compassion envers les travailleurs qui vivent un décès, quel qu'il soit.
    Ces résultats ne nous ont malheureusement pas surpris. Ils ont simplement corroboré nos réflexions antérieures sur la façon dont la société perçoit et traite le deuil. Nous entendons dire que nous vivons dans une société qui nie la mort, mais c’est en fait sur notre tabou du deuil qu'il faudrait porter une attention sociale sérieuse.
    Mon dernier point concerne le deuil et les congés de maladie. Dans notre analyse, nous avons constaté que la seule façon d’obtenir un congé prolongé, consiste à s'en remettre aux politiques sur les congés de maladie, ce qui transforme le deuil en catégorie médicale. Nous avons entendu des commentaires semblables au cours de ces audiences et cette médicalisation du deuil soulève chez moi deux préoccupations.
    Tout d’abord, la plupart des médecins ont très peu de formation sur le soutien à offrir en situation de deuil et ils semblent se tourner très rapidement vers des solutions pharmaceutiques. De nombreux parents endeuillés avec lesquels je me suis entretenue ne sont pas à l’aise avec cette approche et cherchent un genre de soutien que les omnipraticiens ne peuvent pas leur offrir, car ils n'ont tout simplement pas la formation nécessaire.
    Deuxièmement, et c’est plus fondamental, traiter le deuil comme une maladie est peut-être exactement ce que nous ne devrions pas faire. Bien que pour certaines réactions au deuil, un soutien médical s'impose, la recherche en santé publique indique que la plupart des personnes endeuillées n’ont pas besoin de soins médicaux spécialisés. D'après ce que disent les ouvrages, en nous efforçant de normaliser le deuil et d'en faire une expérience humaine, nous parviendrons beaucoup mieux à soutenir les personnes endeuillées. L'ensemble de la population canadienne y trouvera son compte si nous visons à créer une société compatissante qui comprend et appuie le deuil.
    Merci.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Maintenant, par vidéoconférence de Montréal, nous accueillons Moire Stevenson, psychologue, Centre de réadaptation MAB-Mackay. Bienvenue.
     Merci.
    Tout d’abord, je tiens à dire que j’ai été ravie de voir que cette motion a été adoptée et que nous progressons pour offrir un meilleur soutien aux familles endeuillées.
    Ce dont je vais vous parler aujourd’hui sera fondé sur la recherche que j’ai effectuée dans le cadre d’un doctorat en recherche et intervention en psychologie clinique. Je vais aussi vous parler de mon point de vue de psychologue et aussi de soeur en deuil qui a été élevée par deux parents endeuillés.
    Dans le cadre de mes recherches doctorales, j’ai interviewé 21 parents. J’ai également interviewé sept professionnels de la santé qui offrent des services de soutien en cas de deuil à ces parents et aux parents en général. Dans mes notes d’allocution, j’ai indiqué au Comité où trouver l’article examiné par des pairs dans lequel j'ai consigné les résultats de cette recherche et ma thèse, qui situe la recherche dans un contexte plus large.
    Je vais passer aux principales questions que je veux aborder aujourd’hui.
    Je suis tout à fait d’accord avec les commentaires des autres témoins. La recherche que j’ai faite sur l’expérience des parents endeuillés au cours de la première année suivant la perte et des parents qui ont réfléchi à cette période un à cinq ans après la perte m'a permis de constater que le deuil ne suit pas un échéancier. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les parents vivent un deuil intense tout de suite après la perte et qu’ils se portent bien par la suite. Il faut aussi comprendre que même des années après la perte de leur enfant — la mort de leur enfant —, des anniversaires et d’autres moments difficiles de l’année peuvent amener les parents à vivre, encore une fois, des formes intenses de deuil.
    Je veux aussi dire que ma recherche n’avait pas comme point de mire l’emploi. J’ai beaucoup mis l’accent sur l'expérience et le point de vue des parents à l'égard des services qui leur sont offerts. Cependant, malgré cela, il y a quand même eu des commentaires au sujet des employeurs et de l’emploi. Les parents avaient des opinions partagées sur la façon dont leur employeur comprenait ce qui se passait chez eux. Certains employeurs étaient compréhensifs, d’autres moins.
    Les parents ont aussi parlé du retour au travail. Pour certains, c’était un avantage. Ils voulaient rester occupés. Ils voulaient retourner à la vie. Pour d’autres, c’était trop difficile et épuisant sur le plan émotionnel et ils ont aussi mentionné qu’ils ne se sentaient pas prêts.
    Les parents ont de nouveau fait état des émotions intenses liées au deuil à l’approche des anniversaires du décès et à différents autres moments de l’année. Le deuil à la suite du décès d’un enfant « colle » aux parents toute leur vie. L’intensité du deuil peut changer avec le temps, mais elle peut être ravivée pour diverses raisons.
    J’ai aussi examiné le soutien que reçoivent les familles endeuillées. Beaucoup de parents s’en tirent bien avec peu de soutien parce qu’ils se sentent bien soutenus par leurs réseaux sociaux, par leur famille, par diverses choses qui sont déjà en place pour eux. Lorsque j’ai parlé à des parents qui estimaient avoir besoin de soutien, ils avaient souvent l’impression que ce soutien se limitait au nombre de séances offertes, par exemple, avec un travailleur social. Ici, au Québec, ils ont droit à 20 séances.
    De plus, l'expertise insuffisante des professionnels du secteur public est considérée comme étant problématique et cette expertise est inutile.
    Soit dit en passant, j’aimerais attirer votre attention sur le site Web du Programme d’aide aux employés que j’ai consulté l’autre jour. Pour être honnête, j’ai été déçue de lire cette déclaration dans la section sur le deuil:
Le deuil est une expérience de détachement et de désinvestissement affectif qui amène la personne vers une nouvelle adaptation.
    C’est loin de l’expérience des parents que j’ai interviewés. Il n’y a pas de détachement. Il y a une nouvelle affectation. Il y a un changement — je parle maintenant du point de vue d’un psychologue — entre l’attachement à un enfant qui vit physiquement et l’attachement à un enfant qui n’est plus vivant, mais c’est tout de même un attachement. Il n’y a pas de détachement. On ne lâche pas prise. Ce concept remonte à des théories antérieures du deuil qui, selon des recherches comme la mienne, ne sont plus valables.

  (0915)  

     Pour résumer, je dirais que les employeurs devraient être prêts à accorder un congé aux parents après le décès de leur enfant, mais les parents ne devraient pas être obligés de se prévaloir de ce congé. Tout doit demeurer souple.
    Par exemple, un parent peut retourner au travail en pensant qu’il sera utile, puis se sentir dépassé ou vivre un épisode de dépression. Le parent devrait pouvoir prendre congé à ce moment-là. Les employeurs devraient traiter les parents avec dignité et respect et nous devrions tous comprendre le langage du deuil.
    Les parents devraient également avoir le droit de s'absenter à l'approche de l’anniversaire du décès ou de celui de leur enfant. À cet égard, les parents que j’ai interviewés m’ont dit très clairement les moments de l’année qui étaient particulièrement difficiles pour eux et ce sont donc des mesures qui pourraient être établies au préalable.
    À ce propos aussi, les services de soutien en cas de deuil devraient être souples, uniformes et offerts par des professionnels qui comprennent très bien comment soutenir les parents endeuillés.
    Encore une fois, je tiens à remercier le Comité d’avoir présenté cette motion. J’espère qu’elle prendra de l'expansion et que nous continuerons de mieux soutenir ces familles.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant Alexandra Lihou, conseillère clinicienne agréée, Programme de santé mentale en matière de reproduction, Royal Columbian Hospital, Fraser Health.
    Bonjour et merci de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis honorée de pouvoir défendre et représenter les femmes et les familles que la motion 110 cherche à mieux soutenir.
    Je suis conseillère clinicienne agréée au programme de santé mentale en reproduction Fraser Health du Royal Columbian Hospital. Je siège au comité des opérations de santé mentale en matière de reproduction Fraser et je suis la cofondatrice de la communauté de pratique en reproduction de Fraser Health.
    En tant que clinicienne du programme de santé mentale en matière de reproduction de Fraser Health, j’ai le privilège de travailler avec des femmes aux prises avec des problèmes de santé mentale nouveaux ou préexistants exacerbés par des problèmes de fertilité, le trouble dysphorique prémenstruel, la grossesse et la période postnatale, ainsi que l’interruption de la grossesse, la fausse couche, la mortinaissance et la mortalité infantile.
    Notre programme offre des services de consultation psychiatrique ainsi que de thérapie individuelle et de groupe. Nous écoutons ceux que nous soutenons à la suite du décès d’un enfant nous parler de traumatisme, de perte, de deuil, d'isolement social, de difficultés interpersonnelles et de difficultés financières.
    En travaillant avec la mère endeuillée, j’offre une thérapie du deuil en deux phases.
     Au cours de la première phase, la mère me raconte son histoire de conception, de grossesse et de perte et nous nous efforçons de la traiter. Je lui enseigne les cinq étapes du deuil et je normalise le processus de deuil. Nous nous efforçons de maintenir le lien entre la mère et le bébé décédé. Le but n’est pas de mettre la tragédie de côté et de passer à autre chose, mais d’intégrer la mort à sa vie. Nous discutons des rituels et des cérémonies que la famille a faits ou prévoit faire pour dire au revoir au bébé et nous mettons tout en oeuvre pour créer des souvenirs et trouver un sens. J’informe la mère au sujet des traumatismes et nous identifions les éléments déclencheurs qui la touchent et les façons de les gérer et d'y faire face. Nous élaborons un plan de communication et nous préparons et répétons un scénario auquel elle peut avoir recours quand on l'interroge sur son bébé. Nous traitons les émotions. Nous identifions et validons la colère, la culpabilité, le blâme et la honte. Nous utilisons la pleine conscience et renforçons l'autocompassion.
    Dans la deuxième phase, nous nous concentrons sur la réintégration. Nous élaborons des stratégies pour que la mère commence à faire face aux déclencheurs déjà identifiés. Nous avons recours à l'activation comportementale pour traiter la dépression et nous cernons de nouvelles mesures de soutien appropriées. Nous cultivons des façons pour la mère de porter son bébé avec elle et d’apprendre à être le parent du bébé qui est décédé, ce qui se fait souvent en défendant les intérêts d'autres familles en deuil et en les soutenant.
    Il n’est ni suffisant ni réaliste de croire qu’une femme ou sa famille peut, en quelques semaines et grâce à quelques brèves séances de thérapie, guérir et aller de l’avant après la tragédie et le traumatisme causés par la mort d'un bébé. Quand des patients se présentent pour se prévaloir de notre programme, je les entends souvent dire qu’ils n’avaient aucune idée de notre sous-spécialité avant d’être aiguillés vers nos services. Les patients sont aiguillés vers le programme par le médecin de famille, l'infirmière praticienne, l'obstétricien et la sage-femme, ou après une visite à l’urgence de l’hôpital. Si la sécurité de la mère soulève des craintes, la clinique d’intervention d’urgence psychiatrique fera le pont pour nous jusqu’à ce que nous puissions voir le patient et nous lui sommes reconnaissants de son soutien clinique.
    Notre liste d’attente peut être longue et nous sommes constamment en train de résoudre des problèmes et d’élaborer des programmes pour essayer de réduire l’attente. Malheureusement, il y a une pénurie de mesures de traitement du deuil appropriées, financées par l’État et adaptées au traumatisme pour les parents endeuillés par suite d'une fausse couche, d'une mortinaissance ou de la mortalité infantile, et c’est un problème. Nous nous efforçons d'atténuer cette préoccupation et nous avons créé et hébergé la communauté de pratique en santé mentale en matière de reproduction Fraser pour offrir du soutien et de l’éducation aux cliniciens communautaires en santé mentale.
    J’aimerais souligner aujourd’hui que, même après avoir vécu l’expérience la plus éprouvante de la perte de leur bébé, tous les patients que j’ai traités pour une fausse couche, une mortinaissance ou une mort infantile ont décidé d’essayer de concevoir de nouveau. Environ 85 % des femmes qui ont subi une perte seront de nouveau enceintes dans les 18 mois. D’après mon expérience, la plupart des familles essaient de concevoir de nouveau en trois ou quatre mois ou dès qu’elles ont l’autorisation médicale de le faire.
    Ce qui est préoccupant, c’est qu’après une perte, les femmes qui redeviennent enceintes ne sont souvent pas en mesure de compléter la cotisation minimale de 600 heures à l’assurance-emploi dans les 52 semaines précédant l’accouchement.

  (0920)  

    C'est souvent attribuable à des difficultés d'ordre psychologique ou physique; de plus, on leur conseille de ne pas travailler pour assurer la sécurité de leur grossesse. Ces femmes ont cotisé à l'assurance-emploi durant toute leur vie adulte, mais elles ne peuvent utiliser les prestations de maternité ou parentales parce que leur bébé chéri est décédé.
    Je recommande aujourd'hui la mise en place d'un site gouvernemental spécial d'information et de compassion pour soutenir les familles et les parents en deuil, de même que les organismes de soutien communautaires et les cliniciens. Ce site devrait comporter un répertoire national de services de soutien et de ressources disponibles dans chaque province et territoire; de la documentation pour informer et soutenir les familles en deuil ainsi que divers documents PDF que les gens pourraient imprimer et consulter; une liste d'organismes de soutien communautaires et de fournisseurs de soins de santé; un numéro de téléphone spécial donnant accès à une équipe de Service Canada ayant reçu une formation et pouvant fournir des renseignements exacts avec tact et empathie; un lien au site Web de Service Canada qui pourrait comporter une section proposant de l'information et des services aux parents endeuillés; et même un espace sécurisé où les parents pourraient signaler la perte en ligne, demander l'interruption des prestations parentales et le versement d'une prestation de deuil, ou encore suivre et gérer le statut de leur dossier à partir de leur domicile.
    Je recommande le versement d'une prestation de deuil flexible aux deux parents durant l'année suivant la perte de leur enfant, sur une période totale d'au moins 15 à 20 semaines par parent. En ce qui concerne le retour au travail, il serait utile d'établir un calendrier de retour flexible ou progressif.
    Au moment de la perte d'un enfant, il est important d'offrir rapidement, aux deux parents, des ressources cliniques et de soutien. Le prestataire de soins qui traite la famille, que ce soit un médecin, une sage-femme, une infirmière ou une travailleuse sociale, pourrait utiliser et partager le site gouvernemental d'aide aux personnes en deuil pour obtenir de l'information et des ressources et offrir ainsi un meilleur service à la famille. Ces intervenants pourraient également enclencher le processus d'inscription automatique à la prestation de deuil, avec le consentement des parents.
    Il est également nécessaire de prévoir des mesures de soutien de longue durée. Chaque deuil est unique et de nombreuses familles vivent des pertes récurrentes. Le soutien des pairs, les groupes de deuil et le counselling clinique sont des aides précieuses pour les parents et les familles en deuil. Grâce au soutien des pairs et aux services d'information des familles, nos ONG locales accomplissent un travail d'une valeur inestimable pour briser l'isolement et atténuer la stigmatisation. Ces organisations ont besoin d'un soutien financier prévisible afin de pouvoir maintenir la qualité de leur travail.
    Enfin, je recommande que les familles qui ont décidé de concevoir à nouveau puissent toucher des prestations de maternité et parentales pour une grossesse après une perte, en fonction de leur historique de cotisation à l'assurance-emploi, et non à condition d'avoir cotisé au régime au cours des 52 semaines précédant l'accouchement.
    Je vous remercie.

  (0925)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Richards, vous serez le premier à poser des questions. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie sincèrement les témoins d'être venues témoigner aujourd'hui et partager leur expertise avec nous.
    Je veux d'abord vous présenter mes excuses. Je dois faire une intervention qui réduira un peu le temps prévu pour les questions aujourd'hui, mais c'est important que je le fasse. J'aurais voulu attendre vers la fin de la séance, mais comme nous pensons qu'une motion sera déposée à la Chambre des communes ce matin, nous allons peut-être devoir nous absenter pour aller voter. Je m'excuse donc à l'avance pour cette interruption.
    Je dois présenter une motion ce matin, et je tiens à préciser qu'au moment où je le ferai, il se peut qu'un député libéral essaie de demander le huis clos; il se peut aussi que nous ayons, plus tard, un débat à huis clos; cela veut donc dire que la séance ne sera pas publique et que toute décision susceptible d'être prise au sujet de cette motion ne sera pas rendue publique.
    Je tiens tout de suite à vous dire très clairement que si une décision non conforme à ce que propose cette motion est prise, ce sera parce que le gouvernement libéral essaie de bloquer cette motion et qu'il veut le faire rapidement pour s'assurer que les recommandations qui seront formulées par ce comité ne puissent être mises en oeuvre avant une prochaine élection.
    C'est pourquoi je tiens à ce que ce soit très clair, au cas où il y aurait une tentative dans ce sens.
    Le 8 juin 2018, la Chambre des communes a appuyé à l'unanimité la motion 110, avec l'appui de tous les partis. Cette importante motion exhortait notre comité à entreprendre une étude sur les répercussions des programmes fédéraux sur les parents ayant vécu la perte d'un nourrisson et à présenter des recommandations sur les mesures que le gouvernement fédéral peut mettre en oeuvre pour améliorer le soutien offert aux parents endeuillés afin qu'ils ne soient pas touchés par d'autres difficultés.
    Le Comité a entendu des parents lui raconter les expériences déchirantes qu'ils ont vécues avec le personnel froid et insensible des programmes gouvernementaux. Par exemple, un fonctionnaire de Service Canada a dit à une mère en deuil, et je cite: « À partir du moment où votre enfant cesse d'exister, les prestations cessent aussi d'exister. »
    Cela ne fait que confirmer que nous avons, en tant que comité, la responsabilité d'agir sans tarder pour faire en sorte qu'aucun autre parent n'ait à vivre ça. Cette motion et cette étude ont reçu l'appui de parents endeuillés de tout le pays et ceux-ci s'attendent à ce que le Comité fasse son travail et ils sont impatients de prendre connaissance de ses recommandations.
    La motion 110 précise clairement que le Comité doit faire part de ses conclusions et de ses recommandations à la Chambre des communes dans les six mois après son adoption, soit le 8 décembre 2018. Les parents s'attendent à ce que notre rapport soit déposé avant l'ajournement de la Chambre pour le congé d'hiver.
    Je propose donc:
Que, relativement à l'étude sur le soutien des familles après la perte d'un enfant, le Comité:
a) prévoie consacrer 30 minutes, après sa réunion régulière du jeudi 22 novembre 2018, à la communication d'instructions sur la rédaction à l'analyste de la Bibliothèque du Parlement;
b) examine et adopte l'ébauche de rapport lors de ses réunions régulières du mardi 4 décembre 2018 et, si nécessaire, du jeudi 6 décembre 2018;
c) dépose son rapport final au plus tard le 12 décembre 2018, avant que la Chambre des communes ne s'ajourne pour le congé d'hiver ou, s'il s'avère impossible de présenter le rapport avant l'ajournement, que le rapport soit déposé auprès du greffier de la Chambre à la première occasion.
    C'est la motion que je propose. Je le fais simplement parce que je veux m'assurer que les parents endeuillés du pays qui s'attendent à ce que des mesures soient prises, qui veulent prendre connaissance des recommandations du Comité et qui veulent que celles-ci soient mises en oeuvre avant la prochaine élection fédérale, puissent voir la concrétisation de leurs souhaits. J'espère évidemment que nous aurons l'appui unanime des membres du Comité à cet égard. Je ne vois pas pourquoi nous ne l'aurions pas ni pourquoi ce ne serait pas possible d'y arriver. En fait, il n'y a qu'une seule raison pour laquelle nous n'obtiendrions pas cet appui. Ce serait tout simplement parce que les députés du gouvernement ne veulent pas agir pour régler les problèmes des parents en deuil.
    Merci, monsieur Richards.
    Wayne, je sais que vous souhaitez intervenir. Mais avant, je fais simplement remarquer que le dernier commentaire était inapproprié; par ailleurs, comme le vice-président et moi-même en avons convenu au cours d'un échange hors ligne, le fait de pouvoir ou non déposer notre rapport avant l'ajournement n'a pas grand-chose à voir avec notre désir de le faire ou non. John sait pertinemment que le problème réside plutôt dans notre capacité à rédiger le rapport dans les délais prévus et d'une manière qui rende justice à notre étude.
    Nous avons demandé à l'analyste de nous donner une idée du temps que cela pourrait prendre. Malheureusement, nous n'aurons pas assez de temps d'ici l'ajournement.
    Allez-y, Wayne.

  (0930)  

    Monsieur le président, est-il possible de faire une pause de quelques minutes, s'il vous plaît?
    Oui. Je vous informe tous que nous allons très bientôt manquer de temps ce matin, mais si nous avons besoin de faire une courte pause, nous pouvons le faire.
    Monsieur le président, auparavant, j'aimerais faire un bref commentaire pour donner suite à ce que vous venez de dire.
    Je ne crois pas qu'il était inapproprié de dire que nous n'avons pas le temps de donner suite à cette motion. Hier soir, j'ai parcouru les délibérations des réunions antérieures de ce comité. Par exemple, le Comité a rédigé un rapport sur le programme des travailleurs étrangers temporaires. Les derniers témoins ont été entendus le 1er juin 2016, je pense. Le rapport a été examiné le 13 juin, soit exactement 12 jours plus tard. La présente motion propose un échéancier similaire, il n'y a donc aucun doute que nous pourrions y arriver, si nous le voulions vraiment.
    Je peux vous donner d'autres exemples de délais qui ont été respectés par d'autres comités — et même par celui-ci —, mais il est clair que cela nous prouve que c'est certainement possible. Il suffit de le souhaiter et de vouloir le faire.
    Néanmoins, ce rapport n'a pas été déposé avant l'automne de cette année-là. Dans ce cas, j'aimerais...
    Monsieur le président, ce n'est pas le moment du dépôt qui pose problème. Vous prétendez que le rapport ne peut être rédigé...
    Excusez-moi.
    Nous devons jongler avec d'autres facteurs qui ne s'appliquaient pas à ce cas-là. Je vais demander à l'analyste de nous expliquer la logistique, cela pourrait nous donner une idée plus précise.
    Ce n'est pas une question de politique, mais une question de logistique.
    C'est une question de volonté, monsieur le président.
    Pas vraiment. Donnez-moi un moment, s'il vous plaît.
    Si vous le voulez vraiment, vous pouvez faire en sorte que cela se fasse.
    J'aimerais demander à l'analyste de vous répéter ce qu'elle m'a dit ce matin.
    Le problème, ce n'est pas tant les instructions que vous allez nous donner pour la rédaction du rapport. C'est plutôt de savoir si nous pouvons produire un rapport qui sera prêt à être étudié. Il doit être publié dans les deux langues officielles. De plus, il doit maintenant être offert dans un format accessible. Cela requiert entre deux semaines et demie et trois semaines de travail, avant même de commencer la rédaction.
    Ce qui nous complique grandement la tâche, c'est d'avoir à produire un rapport que le Comité pourra examiner dans les formats requis.
    Selon nos calculs, si vous nous donnez les instructions de rédaction... vous avez dit le 22?
    La date initiale était le 27. Je pense que M. Richards a parlé du 22.
    En gros, nous n'aurions que quelques jours pour rédiger le rapport.
    Non, vous auriez 12 jours pour le rédiger.
    Non, je parle de la production du rapport pouvant être déposé au Comité, malheureusement.
    On nous demande de faire une pause. Je dirais...
    Veuillez m'excuser.
    Compte tenu de ce que vient de dire l'analyste, je propose l'ajournement du débat.
    Je vous signale que c'est exactement ce à quoi nous nous attendions, et c'est très déplorable.
    Désolé, vous n'avez pas la parole.
    Nous devons nous prononcer. Le débat se poursuit. Nous devons toutefois l'interrompre pour nous prononcer sur une motion.
    Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement du débat veuillent bien l'indiquer.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Monsieur Richards, vous avez...
    Maintenant que le vote a eu lieu, je demanderais aux gens de prendre note de quel côté a voté pour et lequel a voté contre. Cela démontre clairement ce qui s'est passé ici.
    Monsieur Richards, il vous reste quatre minutes. Souhaitez-vous les utiliser?
    Certainement, monsieur le président.
    Je trouve tout à fait déplorable que, malgré les preuves démontrant qu'au contraire nous pourrions y arriver — cela ne fait aucun doute —, le gouvernement ait choisi d'ignorer ces preuves et de ne pas prendre ce dossier au sérieux pour que les parents aient l'assurance qu'il sera réglé avant la prochaine élection fédérale. J'espère sincèrement que les gens s'en souviendront et exerceront des pressions sur le gouvernement pour qu'il agisse beaucoup plus rapidement.
    Cela dit, je veux maintenant poser quelques questions. Je suis désolé pour cette interruption. C'était très important d'en discuter parce que nous devons nous assurer que ce dossier sera réglé. Si le rapport du Comité n'est pas examiné avant Noël, nous risquons malheureusement de ne pas avoir l'occasion de le régler avant la prochaine élection fédérale. Il serait extrêmement déplorable, à mon avis, que ce rapport échoue sur une tablette à ramasser la poussière. Voilà pourquoi il était important d'avoir cette discussion.
    Je réitère mes excuses, mais je tiens à poser quelques questions.
    Je vais commencer par une question à laquelle vous pouvez toutes répondre. J'invite celles qui souhaitent répondre à le faire.
    Tout au long de notre étude, en entendant les témoignages de divers parents et de représentants de parents endeuillés, deux questions revenaient sans cesse. Certaines d'entre vous en ont parlé ce matin également.
    Je parle de la nécessité de mettre en place quelques mesures, la première étant le versement d'une prestation de deuil universelle, automatique et spécifique au deuil, au lieu d'essayer d'adapter d'autres programmes à la situation de ces parents. Cela éviterait aux parents d'avoir à raconter leur histoire encore et encore. C'est la première suggestion. La deuxième mesure, qui a été évoquée assez souvent, c'est d'offrir aux parents en deuil des ressources spéciales, par exemple de leur réserver une ligne d'écoute spéciale à Service Canada ou une section spéciale dans son site Web, ou ce genre de choses.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux mesures, si vous trouvez qu'il s'agit d'une réponse adaptée et si vous pensez qu'il serait important de les mettre en oeuvre.
    Qui souhaite commencer?

  (0935)  

    Je pense que l'idée d'une prestation de deuil serait une bonne façon de reconnaître l'existence du deuil et le fait que la mort fait partie de la vie.
    Quant aux lacunes en matière de formation qui existent dans des professions comme la mienne — je suis travailleuse sociale —, je pense que si une prestation était versée et que si le deuil était reconnu, la formation suivrait. Je pense que s'il y avait une ligne d'écoute réservée ou un site Web ou autre chose, ce serait une façon de reconnaître que le deuil mérite une attention spéciale.
    Allez-y, Moire.
    J'aimerais parler de la deuxième mesure concernant les ressources spéciales, parce qu'elle correspond davantage à mon expertise de psychologue et aux résultats de ma recherche.
    Si vous voulez offrir des ressources spéciales, vous devez vous appuyer sur des données probantes. Il y aurait également lieu de consulter des parents endeuillés à ce sujet pour vous assurer que ces mesures seront adaptées à leur situation. J'insiste également sur l'importance d'offrir une formation aux professionnels qui travailleront auprès de personnes en deuil en général et, en particulier, auprès des parents et des frères et des soeurs d'un enfant décédé.
    Nous avons lancé un modeste projet à Montréal en collaboration avec l'organisme Le Phare, qui offre des soins palliatifs aux enfants. Les responsables du projet ont créé un programme de formation en ligne à l'intention des infirmières de CLSC offrant des soins palliatifs pédiatriques; ce programme comprend une section sur les parents en deuil et le soutien à leur apporter. Je mentionne ce projet pour vous démontrer que c'est possible de faire quelque chose du genre. Non seulement devrions-nous avoir des ressources spécialisées, mais nous devrions aussi pouvoir obtenir facilement une formation pour les professionnels qui travaillent auprès de parents endeuillés.
    Je vous remercie.
    Monsieur Long, allez-y, je vous en prie.
    M. Blake Richards: Je vous remercie, et je m'excuse.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venues témoigner ce matin. Je suis désolé que vous ayez assisté à cet échange. Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès en matière de non-partisanerie dans le cadre de cette étude. Je suis nouveau en politique et je vous présente mes excuses. Il arrive parfois que la politique ou que certaines manoeuvres politiques nous empêchent de faire ce qui doit être fait.
    Ma première question est pour vous, madame Stevenson. Avez-vous des suggestions à nous faire pour nous aider, en tant que gouvernement, à rédiger une définition du deuil qui prenne en compte l'expérience personnelle vécue par des Canadiens endeuillés, tout en évitant de médicaliser le deuil ou de créer, par inadvertance, différents types de deuil?
    Pour définir le deuil, il y a de nombreux points à prendre en compte. L'un des plus importants est le fait que le deuil est un processus qui dure souvent toute la vie. C'est un processus évolutif dans la quête d'un sens et la compréhension du monde et dans les liens que les parents endeuillés entretiennent avec les êtres chers qu'ils ont perdus.
    Si on me demandait de rédiger une définition du deuil la plus conforme à la recherche actuelle, j'y inclurais deux choses, trois en fait: le processus, la quête d'un sens et les liens persistants avec la personne décédée.

  (0940)  

    Merci.
    D'autres témoins souhaitent intervenir à ce sujet?
    Nous sommes toutes les trois des invitées ou des membres d’une ressource incroyable qu’aucune d’entre nous n’a mentionnée, c’est-à-dire l'International Work Group on Death, Dying and Bereavement, qui compte de nombreux membres canadiens.
    Notre dernière réunion a eu lieu en juin dernier. J’étais l’un des coanimateurs et cela a eu lieu à London, en Ontario, au King’s University College. Il s’agit d’un groupe international d’experts dans le domaine et ces experts, surtout ceux du Canada, seraient ravis de participer à l'élaboration d'une définition.
    Voulez-vous dire que le groupe est composé de différents pays? Est-ce international?
    Les membres viennent de différents pays. Il y a de nombreux membres canadiens qui représentent diverses disciplines. Il y a des psychologues, des travailleurs sociaux, des médecins, des infirmières et des conseillers en deuil. Il y a des directeurs de funérailles. Il y a des gens qui travaillent dans ce secteur, ainsi que des gens qui font de la recherche dans ce domaine. Nous couvrons tous les aspects de la mort, de la fin de vie et du deuil.
    Est-ce basé au Canada?
    Non. C’est une organisation internationale dont l’ancien président est basé au Canada. Notre dernière réunion a eu lieu au Canada, mais les lieux de réunions changent. La prochaine sera au Zimbabwe.
    Mary Ellen et moi sommes des connaissances et nous avons rencontré Karima à la dernière réunion, mais aucune d’entre nous n’en a parlé. Il m'a semblé que c'était une importante omission à ce stade, alors je tenais à le mentionner.
    Merci.
    Madame Macdonald, merci de votre témoignage. Comment pouvons-nous offrir un soutien universel, souple et individualisé aux personnes qui vivent un deuil, sans médicaliser le deuil ou sans créer par inadvertance une hiérarchie des types de deuil?
    C’est une excellente question et ce qui s’est passé avec les prestations de maternité constitue un exemple vraiment fabuleux, sur le plan historique.
    La maternité et la grossesse avaient lieu avec les sages-femmes, puis sont devenues quelque chose qui se déroulait à l’hôpital et qui revient aujourd'hui vers les sages-femmes.
    Cela a été hypermédicalisé à un moment donné, mais aujourd'hui, nous ne considérons pas les prestations de maternité comme une prestation médicalisée. C’est un droit pour les mères et les pères, alors je pense que c'est le meilleur exemple historique sur lequel s'appuyer pour considérer le deuil comme faisant simplement partie de la vie. Cela fait simplement partie de ce qui arrive aux gens et ils ont alors besoin de soutien.
    Merci.
    Madame Joy et madame Cadell, j’aimerais que nous parlions uniquement des prestations d’assurance-emploi, de la souplesse des prestations et de la façon dont, selon vous, le gouvernement pourrait peut-être les assouplir dans le cas de, par exemple, quelqu’un qui retourne au travail et qui a besoin de temps. J’ai déjà donné un exemple au précédent groupe de témoins. Lorsque mon père est décédé, cela m’a vraiment atteint six mois plus tard. C’est à ce moment-là que j’ai eu le plus de difficultés — pas sur le coup.
    Je veux simplement dire une chose. L’étude nous a appris que, même si certaines personnes ont besoin de retourner travailler, le milieu de travail donne parfois l'impression d'un endroit dénué de tout sentiment pour celui ou celle qui y revient.
    Si vous pouviez brandir une baguette magique, de quelle manière changeriez-vous le régime d’assurance-emploi et offririez-vous davantage de soutien?
    Madame Joy, vous pourriez peut-être commencer.
    Je vois les avantages de l’assurance-emploi, mais je le répète, mes réserves concernent les gens qui ne sont pas admissibles. Nous ne faisons que marginaliser davantage les gens qui auraient alors à choisir entre leur deuil et la pauvreté. Beaucoup de gens de ma génération sont des employés contractuels qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, alors je vous mets en garde sur ce point. Dans l'idéal, nous trouverions une façon d’offrir des prestations à ceux qui ne sont pas admissibles.
    Quelle était la deuxième partie de votre question?

  (0945)  

     Elle concernait le lieu de travail...
    Oui, il s’agissait du milieu de travail et de faciliter le retour au travail avec souplesse. Je pense qu’on en a déjà parlé, mais oui, je suis d’accord.
    Merci. Madame Cadell, pourriez-vous répondre rapidement?
     Puisque vous m’avez donné une baguette magique, je ferais beaucoup d’éducation du public, notamment dans les milieux de travail, afin que chacun soit mieux formé en matière de décès et de deuil, et qu’il y ait un élément de choix. Si j’aime mon milieu de travail et qu'il m'apporte un soutien, je peux y retourner. Je peux peut-être y revenir de façon graduelle, mais je peux aussi prendre du temps quand j’en ai besoin, quand la douleur m'atteint des mois ou des années plus tard. Des gens participent parfois aux groupes de soutien pour la première fois quatre ans après le décès pour y chercher de l’aide. Le rythme est tellement variable, alors j’intégrerais ce genre de souplesse dans mon système magique.
    Merci.
    Merci.
    Madame Sansoucy, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins.
    Votre contribution est essentielle à la réflexion que mène notre comité.
    En tout respect pour la motion de mon collègue M. Richards, j'aimerais aussi déposer une motion qui ne touche pas la motion M-110, mais qui, à mon avis, est connexe à l'ensemble de nos travaux.
    Ma motion est la suivante:
Que madame Shawn Bayes, directrice exécutive de la Société Elizabeth Fry du Grand Vancouver, soit invitée à comparaître devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées sur les règles d'admissibilité en vigueur et les variations régionales de prestation de services qui a pour conséquence que certains enfants les plus vulnérables et les plus pauvres du Canada sont encore plus défavorisés matériellement et marginalisés.
    J'espère sincèrement que le débat sur cette motion n'aboutira pas au même résultat que la motion précédente a connu.
    Ce pourrait être aussi simple que de partager mon temps de parole, dès maintenant, avec Mme Bayes, qui est ici, et qui s'est déplacée de Vancouver à Ottawa. Vous pourrez juger s'il est pertinent de lui consacrer 15 ou 30 minutes.
    Je sais que nous avons un horaire chargé mais je crois sincèrement, pour l'avoir entendue, que ce qu'elle a à nous dire est important pour les travaux de notre comité.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    La parole est maintenant à M. Ruimy.
    J’aimerais remercier notre collègue d’avoir présenté une motion. Cependant, des témoins sont présents et nous avons très peu de temps, alors je propose que nous ajournions le débat et que nous entendions nos témoins.
    Tous ceux qui sont en faveur de l’ajournement du débat?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Madame Sansoucy, il vous reste 5 minutes et 28 secondes si vous décidez d’utiliser ce temps.

[Français]

    Merci.
    C'est vraiment dommage que nous en finissions toujours par choisir de ne pas voter. Je crois qu'il faut avoir le courage de voter, et ne pas toujours faire le choix de ne pas voter.
     J'aimerais vous entendre davantage sur l'une de vos recommandations.
    J'ai cru comprendre que, selon vous, le programme d'assurance-emploi n'était pas réellement un filet de sécurité fiable pour les familles endeuillées.
    Nous savons qu'actuellement, seulement 40 % des cotisants, et 34 % des femmes, sont admissibles à l'assurance-emploi, ce qui leur procure 55 % de leurs revenus. Elles doivent avoir travaillé suffisamment d'heures pour se qualifier. La famille Cormier a suggéré 12 semaines. Plus tôt, Mme Lihou a parlé de 15 à 20 semaines.
    En ce qui concerne les congés payés pour les personnes endeuillées, devrait-on aller aussi loin que le système anglais, qui les accorde de manière inconditionnelle? On pourrait aussi, si j'ai bien compris votre recommandation, éviter que ce soit compris dans le programme d'assurance-emploi car cela fait en sorte que beaucoup de parents se retrouvent non admissibles à ces congés.

  (0950)  

[Traduction]

    C’est une question difficile. D’après ce que je comprends, vous parlez de l’assurance-emploi ou d’un système différent qui pourrait permettre à tout le monde d'être admissible. Je préférerais que tout le monde soit admissible, mais je comprends que le budget est déjà alloué pour l’assurance-emploi. Voilà le problème. Je ne sais pas comment répondre complètement à cette question.
    J’aimerais que plus de gens aient accès au soutien dont ils ont besoin.

[Français]

     D'accord.
    Voulez-vous ajouter quelque chose? Non?
    Je crois que vous avez quand même répondu à la question.
    Ce sera à nous de choisir lorsque nous ferons nos recommandations. Il faut voir à ce que les fonds nécessaires soient investis pour qu'il y ait un accès inconditionnel pour tous les parents endeuillés. J'espère que cela fera partie de nos recommandations.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame Stevenson.
     Vous avez décrit dans votre article les difficultés que subissent les parents pendant la première année d'un deuil. Vous avez parlé du site Web et vous avez aussi de formation spécifique pour les gens qui doivent interagir avec les personnes endeuillées.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet. Qu'est-ce qui pourrait être une formation spécifique à l'intention des agents de Service Canada? Comment pourrait-on réformer la plateforme Internet actuelle pour faciliter les démarches des parents endeuillés? Si j'ai bien compris vos propos, cela amènerait une amélioration majeure au quotidien par rapport au deuil qu'ils vivent.

[Traduction]

     Vous parlez de deux utilisateurs potentiels: les parents et les professionnels qui travaillent à leurs côtés.
    Nous vivons à une époque où la technologie est notre alliée. Dans le travail que nous avons fait avec Le Phare, tout était basé sur le Web. Les professionnels, par exemple, ont reçu un mot de passe, puis ils ont eu accès à divers modules de formation fondés sur la recherche existante. C'était véritablement fondé sur des données probantes. Encore une fois, les parents ont été consultés au sujet du programme lui-même. Pour ce qui est des parents, le format pourrait être semblable, mais évidemment, je ne vois pas l’utilité d’avoir un mot de passe. Cela devrait être accessible aussi facilement que possible.
    L’information préexistante sur le Web doit être mise à jour et conforme à ce que nous savons. J’ai lu ce commentaire issu du site Web du PAE, car lorsque je me mets à la place d’un parent endeuillé et que je lis une déclaration comme celle-là, je trouve cela bouleversant. Je pense que nous devons examiner ce qui existe et ensuite créer quelque chose à l’aide de la technologie disponible et facilement accessible à tous les Canadiens, qu’il s’agisse de familles ou de professionnels.
    Je tiens également à souligner que nous devrions proposer quelque chose aux frères et soeurs en deuil. Ils sont très mal lotis en matière de services de deuil. Il n’y a pas grand-chose pour eux et lorsque nous fournissons de l’aide aux frères et soeurs en deuil, elle est souvent incluse dans le programme plus vaste pour les enfants en deuil. Ils se trouvent en compagnie de gens qui vivent la perte de parents, de grands-parents, etc. Je pense que cela pourrait facilement se faire et je pense que nous devrions cibler les deux catégories d'utilisateurs, les familles et les professionnels.
    Merci beaucoup.
    C’est au tour du député Hogg.
     Merci, je tiens à remercier M. Richards d’avoir soulevé cette question. Il est évident qu'il s’agit d’une expérience à la fois émotionnelle et intellectuelle, à laquelle s'ajoutent tous les témoignages que nous avons entendus au fil du temps. J’ai été en contact étroit avec un certain nombre de parents de ma collectivité qui ont vécu des problèmes semblables et des expériences diverses. J'ai également vécu la subjectivité dont vous parlez.
    J’apprécie également le sentiment d’urgence de M. Richards, qui veut faire avancer ce dossier. Je pense que c’est ce que nous ressentons tous. Après avoir entendu de nouveau les témoignages, tant sur le plan du vécu que de la recherche, je partage votre sentiment d’urgence. Je ne veux pas que l’idée de supprimer cette disposition laisse à penser, ni pour ma part et, j’en suis sûr, ni pour mes collègues, que nous ne voulons pas que le projet de loi aille de l’avant aussi rapidement que possible pour mettre en place des pratiques, des procédures et des réponses empathiques et raisonnées aux personnes dans le besoin.
    Du point de vue de la procédure, je pense toujours à Steven Pinker et à Abraham Lincoln qui parlent de « la part d'ange en nous ». Comment pouvons-nous et voulons-nous refléter cela? Nous, Canadiens, voulons refléter les valeurs que vous avez soulignées ainsi que bon nombre des valeurs portées par de nombreux parents qui nous ont parlé de leurs expériences — et pas seulement les parents, mais les membres de la famille élargie. Comme je l’ai dit, cela m’a bouleversé et je suis sûr que cela a bouleversé bon nombre d’entre nous de bien des façons, en lien avec ce que nous connaissons dans nos collectivités et les expériences que nous avons individuellement de ce genre de décès.
    Beaucoup de suggestions précises ont été faites et je sens l’urgence et le désir d’en arriver à un système beaucoup plus réceptif et bienveillant dans notre pays. On a parlé d’autres pays, d’autres juridictions.
    Y a-t-il quelque chose ailleurs dans le monde qui pourrait nous inspirer? Vous avez toutes fait allusion à différents détails. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons adapter, des pratiques exemplaires? Chacune d’entre vous a cité des références différentes. Y a-t-il des choses qui deviennent...
    Disons que je cherche à connaître les valeurs et les principes qui en découlent et qui peuvent ensuite être interprétés dans les lois, les pratiques et les politiques. Je pense que nous devons commencer à investir dans certaines de ces valeurs et certains de ces principes et dans ce qui nous importe à nous, Canadiens et bienveillants.
    Ma question s’adresse à toutes celles d’entre vous qui voudraient bien y répondre.

  (0955)  

    Ce n’est pas propre aux parents, mais c’est propre au deuil et à cette idée de formation au deuil.
    L’Écosse fait d’énormes progrès en matière d’éducation publique et de connaissance du deuil. Des festivals y sont organisés. Je ne sais pas si c’est en Écosse ou en Grande-Bretagne que l’idée des cafés deuil a commencé. En Écosse, cela va plus loin et on organise des festivals d’une semaine. Ils ont des dîners intitulés « à des amis absents », qui sont différents d’un café deuil.
    Je ne sais pas si vous avez entendu parler des cafés deuil, mais ce sont des événements publics où les gens viennent parler de la mort et ce n’est pas nécessairement propre à leur propre expérience de deuil. « Aux amis absents » sont des dîners organisés de façon modeste, lors desquels les gens viennent avec leurs propres histoires personnelles et célèbrent leurs liens avec les personnes qui sont décédées.
    Un projet de loi a récemment été déposé là-bas pour aider financièrement les familles en ce qui concerne les frais funéraires, parce qu'ils sont exorbitants.
    J’attire votre attention sur l’Écosse et je serais heureuse de vous fournir certaines de ces ressources dans un mémoire.
    J’abonderais dans le sens de M. Cadell en mentionnant le mouvement appelé « communautés compatissantes ». La ville d'Ottawa a adhéré à ce mouvement. Il a vu le jour dans le milieu des soins palliatifs en santé publique. Il vise à sensibiliser les gens aux enjeux de la vie et aux traumatismes de la vie au niveau communautaire, à la base.
    Un certain nombre de villes dans le monde ont adhéré à ce mouvement des communautés compatissantes. Il y a une charte. En qualité de ville ou de collectivité, il est possible d'adhérer à la charte et d'essayer de créer plus de compassion populaire dans votre bibliothèque, votre cinéma ou votre librairie locale pour faire connaître cette idée de connaissance du deuil aux membres de la communauté.
    Ce serait un autre niveau. Ottawa a signé cette charte. Ce pourrait être un bon point de départ.
     Merci.
    Monsieur Morrissey, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai une brève question pour vous, madame Cadell. Vous avez parlé d’éducation du public. On entend souvent cela. Ma question est simple: où et quand? À votre avis, par où devrait commencer l’éducation du public? Est-ce dans les milieux universitaires? Est-ce dans les écoles? Qui est concerné — les jeunes, les personnes âgées? Qui?
    Veuillez répondre brièvement, car j’ai quelques autres questions.

  (1000)  

     Absolument.
    Ce qui me vient à l’esprit, ce sont les abribus et les autobus. Nous devons en parler à tout âge. Je pense que les autobus, le transport en commun et, bien sûr, les médias sociaux — ces deux-là se succèdent — sont des endroits où nous pouvons amorcer une conversation. Lorsque les gens parlent de décès et de la fin de vie, la société entière en bénéficie.
    D’accord.
    J’ai écouté le témoignage et pour faire suite aux commentaires de mon collègue, le député Hogg, je dirais que c'est assez homogène. C’est convaincant. Cela touche la plupart des gens. J’ai perdu plusieurs frères et soeurs de façon semblable. Tout le monde veut faire quelque chose. C’est une bonne chose que la motion ait été présentée et qu’une discussion ait lieu.
    En regardant les notes que j’ai rédigées, je vois trois thèmes qui sont ressortis jusqu’à maintenant, à savoir la détresse financière à un moment de grande vulnérabilité, les structures insensibles auxquelles les personnes touchées doivent faire face et le fait que chaque personne endeuillée est unique et différente. Puisque ces trois éléments sont en place, que proposeriez-vous au Comité de demander au gouvernement pour qu’il s’en occupe?
    Madame Lihou, j’ai été très impressionné par votre exposé. Vous apportez une structure et des faits réels au regard de la façon de réagir.
    Peut-être pourriez-vous répondre rapidement, parce que c’est à cela que nous devons en venir. Il y a une volonté, en tout cas de ce côté-ci du Comité, de formuler des recommandations pour régler ces problèmes.
    En tant que travailleuse sociale, j’aimerais voir une approche micro, méso et macro.
    À un niveau macroéconomique, j’aimerais que notre pays signe la charte pour des villes de compassion et donne aux villes les ressources nécessaires pour la mettre en oeuvre, parce que cela aide vraiment à lancer la conversation et au lieu des Minutes du patrimoine, nous pourrions avoir des « Minutes du deuil », qui viseraient à détruire les mythes. Il y a tellement de mythes entourant la mort et la fin de vie.
    Au niveau microéconomique, je voudrais que les professionnels et les particuliers disposent de ressources, non seulement les personnes endeuillées, mais aussi les personnes qui travaillent dans les services et qui possèdent des compétences.
    Au niveau méso — je serai très brève, car on vous appelle probablement —, je voudrais que les organisations offrent de la formation et du soutien. Si le gouvernement du Canada commence à offrir un excellent congé de décès à ses employés, peut-être que le reste du pays suivra.
    Je crains de devoir vous interrompre.
    Nous devons nous occuper des travaux du Comité. Je m’excuse de vous interrompre, mais je tiens à vous remercier d’avoir été ici et de nous avoir joint par vidéoconférence pour nous faire part de vos connaissances dans le cadre de cette étude.
    Nous allons suspendre la séance, nous réunir très rapidement à huis clos et revenir discuter d’une motion.
    Encore une fois, merci beaucoup à tout le monde.
    [La séance se poursuit à huis clos]
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