Passer au contenu
Début du contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 095 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mars 2018

[Enregistrement électronique]

  (1555)  

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 29 janvier 2018, le Comité reprend son examen du projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d'exécution du budget 2017.
    Aujourd'hui, le Comité entendra deux témoins par téléconférence. Nous accueillons Hilary Beaumont, reporter attachée au journal, à Vice News, qui se trouve à Los Angeles, en Californie. J'ai appris qu'elle est en vacances, et je suis donc très reconnaissant de sa participation. Nous accueillons également Beisan Zubi, qui est à Waterloo, en Ontario.
    Je crois que nous allons accorder sept minutes à chacun de vous pour faire une déclaration liminaire. Nous allons commencer par Hilary. Les sept prochaines minutes sont à votre entière disposition.
    Bonjour. Je remercie les députés de m'avoir invitée à témoigner au sujet de cette question urgente.
    Je m'appelle Hilary Beaumont et je suis reporter attachée au journal, à Vice News, un média en ligne. J'ai un diplôme en journalisme de l'Université de King's College et j'ai suivi récemment l'atelier sur le journalisme d'enquête du Banff Centre. L'un de mes domaines est celui des agressions et du harcèlement sexuels à l'ère numérique.
    J'ai publié récemment une enquête sur le harcèlement au travail sur la Colline du Parlement, en espérant faire la lumière sur la question et influencer le débat sur le projet de loi C-65. Au cours des trois derniers mois, j'ai interviewé plus de 40 femmes qui travaillent sur la Colline, d'actuelles et d'anciennes députées, des lobbyistes, des journalistes, des membres du personnel ainsi que des stagiaires.
    Il est rapidement devenu évident que les femmes sont plus vulnérables au harcèlement. Beaucoup d'entre elles m'ont fait part d'expériences négatives, allant des commentaires sexistes et des attouchements aux agressions sexuelles. Certaines ont dit avoir été renvoyées, ou avoir vu leur candidature à un poste rejetée, parce qu'elles ont essayé de dénoncer des abus. À l'heure actuelle, les employées disent qu'elles n'auraient pas la moindre idée de la façon de signaler un cas de harcèlement si elles en étaient victimes. Mon enquête a révélé que des politiques peu efficaces de lutte contre le harcèlement de pair avec une culture hyperpartisane à prédominance masculine font en sorte que les survivants sont laissés à eux-mêmes, plus particulièrement les femmes.
    Le projet de loi C-65 accomplira un certain nombre de choses importantes. Les employés de la Colline seront dorénavant protégés par le Code canadien du travail, ce qui leur donnera un autre moyen de signalement. Les cas connus de harcèlement devront faire l'objet d'une enquête, et il y aura désormais une tierce partie pour recevoir les plaintes. Le projet de loi ne remplacera toutefois pas les piètres politiques actuellement en vigueur sur la Colline, et il ne fera pas disparaître les raisons culturelles qui empêchent les femmes de dénoncer les abus, y compris la loyauté envers un parti, les petits milieux de travail et le déséquilibre des pouvoirs entre les employés et leurs supérieurs. Je pense néanmoins que le projet de loi C-65 constitue un important pas en avant.
    Je vais vous présenter brièvement mes recommandations dans le cadre de votre étude du projet de loi. Veuillez noter qu'elles visent précisément le milieu de travail parlementaire.
    Premièrement, les plaintes de harcèlement doivent être écartées le plus possible du monde politique. La politique de décembre 2014 de la Chambre des communes est la principale politique à laquelle les employés ont accès pour signaler les cas de harcèlement. Il faut l'améliorer maintenant que les employés de tous les partis, y compris le NPD, pourront s'en prévaloir.
    Les employés doivent d'abord signaler les cas de harcèlement au député qui les engage, ce qui pose grandement problème. J'ai parlé à une ancienne employée qui dit avoir été victime de harcèlement psychologique de la part d'un collègue du même échelon. Elle s'est adressée aux ressources humaines, mais on lui a dit qu'elle devait signaler la situation au député pour lequel elle travaillait. Elle était trop intimidée pour lui en faire part puisqu'elle était encore en période d'essai et qu'elle aurait facilement été identifiée dans son petit milieu de travail. Son prétendu harceleur qualifiait leur bureau de « club de garçons », et elle aurait dénoncé le comportement de son collègue à un député. Elle a été renvoyée peu de temps après avoir communiqué avec les ressources humaines. Elle croit que le député a été informé de ses échanges avec les ressources humaines, selon un collègue à qui elle se confiait, mais on ne lui a donné aucune raison pour son renvoi.
    Le projet de loi C-65 ne remplacera pas cette politique, mais il peut la renforcer. Il obligera chaque milieu de travail à avoir une tierce personne pour recevoir les plaintes. Selon les survivants à qui j'ai parlé, cette personne ne doit avoir aucune allégeance politique si l'on veut qu'ils se sentent en sécurité au moment de dénoncer un cas. La première personne ressource ne doit donc pas être le député.
    Deuxièmement, à ce sujet, grâce au projet de loi, les employés pourraient s'adresser directement au ministère du Travail sans devoir préalablement déposer une plainte conformément à la politique applicable dans leur milieu de travail. Comme je l'ai dit, cette mesure contribuera à écarter la politique de l'équation.
    Troisièmement, des employés qui travaillent actuellement sur la Colline ne connaissent pas leurs droits ni les politiques qui les protègent. Il faut rendre obligatoire pour l'ensemble des employés et des employeurs la formation sur les politiques de lutte contre le harcèlement qui découleront du projet de loi. Les participants à ces séances devraient avoir à parcourir en détail les politiques pour comprendre leur fonctionnement et pour connaître les conséquences réservées aux contrevenants.
    Quatrièmement, les politiques en vigueur sur la Colline ont toutes une définition différente du harcèlement. Le projet de loi devrait adopter une définition unique et exiger que cette définition figure dans toutes les politiques applicables au milieu de travail. Cette définition devrait être vaste et inclure toutes les formes de harcèlement, plutôt que de se limiter au harcèlement sexuel.
    Mon reportage a également révélé qu'en 2014, un groupe d'employés du NPD s'est réuni à huis clos pour écrire une lettre visant à empêcher un prétendu harceleur de retourner sur la Colline du Parlement. Si c'est possible, les politiques de lutte contre le harcèlement devraient aussi donner aux survivants la possibilité de dénoncer dans des groupes de pairs ce qu'ils ont vécu, afin qu'ils aient l'impression d'être entendus et qu'ils ne se sentent pas isolés.
    Les politiques de lutte contre le harcèlement sur la Colline devraient rendre obligatoire la publication du nombre de plaintes reçues et de la façon dont on y a donné suite. À l'heure actuelle, seul le mécanisme de décembre 2014 de la Chambre des communes prévoit une exigence de ce genre.

  (1600)  

    Enfin, les règlements qui accompagnent le projet de loi doivent avoir du mordant. Les personnes qui omettent de prévenir le harcèlement ou d'y mettre fin doivent subir des conséquences juridiques concrètes.
    Comme il est très difficile de dénoncer les mauvais traitements, le milieu de travail parlementaire est un exemple d'impasse. À défaut d'avoir des politiques qui tiennent compte des aspects culturelles, les femmes savent qu'il est imprudent de parler, et comme elles ne le font pas, la culture de harcèlement persiste.
    J'espère qu'une fois adoptée, cette mesure législative commencera à briser le cycle.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Beaumont.
    Nous allons maintenant entendre par téléconférence Beisan Zubi, qui est à Waterloo, en Ontario.
    Les sept prochaines minutes sont à votre disposition.
    Je m'appelle Beisan Zubi. Je suis une ancienne employée de la Colline du Parlement, où j'ai travaillé à deux reprises, de janvier 2011 à septembre 2012, en tant que politicologue dans l'équipe des médias du NPD, et en 2014 à titre d'adjointe aux communications et à la logistique au bureau du leader du NPD.
    Ma période sur la Colline a été tumultueuse. Quelques mois après mon embauche, nous nous sommes lancés dans une campagne électorale fédérale qui nous a menés au statut d'opposition officielle. Nous avons embauché des centaines de nouveaux employés en très peu de temps. Jack Layton est décédé cet été-là, ce qui nous a entraînés dans une course à la direction pour nommer un nouveau chef. J'ai ensuite quitté la Colline pour faire une maîtrise à Toronto.
    Quelques mois après avoir terminé mes études, j'étais de retour sur la Colline. Il y a eu une attaque terroriste ainsi qu'un scandale de harcèlement sexuel. Je me suis retrouvée à bout très rapidement et je suis partie. La deuxième fois, j'ai été là environ quatre mois.
    Je vous dis cela pour vous donner une idée de l'intensité du travail sur la Colline du Parlement à l'époque ainsi que pour, je crois, de manière générale, vous expliquer pourquoi tout le harcèlement sexuel que je voyais et les terribles comportements que je subissais semblaient presque être devenus normaux. J'avais l'impression que tout le monde agissait ainsi à défaut d'avoir le choix. Nous étions tous entraînés dans cette odyssée politique intense et anormale. Je ne dis pas cela pour justifier le comportement de qui que ce soit, à l'exception, peut-être, du mien, lorsque j'explique pourquoi il était si difficile pour moi de comprendre à quel point le milieu était décalé et pourquoi je l'ai accepté aussi longtemps.
    Il y a un an, j'ai écrit à propos de mon expérience sur la Colline du Parlement pour le compte de Vice, où Hilary travaille, dans un article intitulé « Here’s why I never reported sexual harassment while working in Parliament », c'est-à-dire « Voici pourquoi je n'ai jamais dénoncé le harcèlement sexuel lorsque je travaillais au Parlement ».
    Parmi les raisons que j'ai données dans cet article, j'ai dit que cela se produit lorsque de l'alcool est consommé; parce que personne n'en est témoin; parce que tout le monde est au courant; parce que la personne responsable travaille pour le parti de la victime; parce qu'elle travaille pour un parti rival; parce que cela se produit très rapidement; et parce que je ne travaillais plus là.
    Je sais que le projet de loi C-65 n'est pas une panacée, mais je suis portée à croire qu'il ne fait pas grand-chose pour protéger les gens dans beaucoup de ces situations. En fait, il incombe aux victimes de signaler le harcèlement. Elles doivent manoeuvrer au sein de l'infrastructure de leur propre parti et s'adresser aux whips. Les relations sexuelles entre gestionnaires et subordonnés ne sont pas interdites ou même divulguées. De plus, l'aspect culturel, qui est selon moi l'élément le plus pernicieux et malsain dans tout cela, n'est pas abordé.
    Je comprends qu'on ne peut pas légiférer sur la culture des bureaux, mais la normalisation et la glorification de l'alcool et de sa consommation ainsi que des comportements agressifs et des propos à caractère sexuel font, d'après mon expérience, partie intégrante de la culture de la Colline, et je ne sais pas si cela changera.
    Les secrets de Polichinelle que nous avons tous dissimulés me talonnent encore et me culpabilisent. Je me sens presque complice en acceptant les mauvais traitements que j'ai moi-même subis, notamment à cause de la façon dont cela aurait pu mener au mauvais traitement d'autres femmes qui m'ont suivie et qui sont toujours sur la Colline. La partisanerie politique, qui donne l'impression de mener une campagne interminable, fait en sorte que l'idée de porter plainte contre une personne d'un parti rival semble automatiquement partisane, alors qu'une plainte contre son propre parti semble être un acte de trahison. De plus, peu de mesures sont prises pour entendre et protéger les anciens employés, qui pourraient se sentir plus libres de parler sans craindre de perdre le poste qu'ils occupent actuellement.
    Je dois dire que je suis déçue d'être la seule ancienne employée de la Colline du Parlement à prendre la parole au sujet de ce projet de loi. Votre comité a communiqué avec moi jeudi dernier. J'ai pu modifier mon horaire pour être en mesure de témoigner à titre personnel, mais je tiens à tous nous rappeler que les plaintes de harcèlement sont reçues et traitées différemment. Les points de vue intersectionnels des jeunes hommes et jeunes femmes queers, des femmes noires, des femmes autochtones, des personnes handicapées et des employés racialisés qui ne bénéficient pas des mêmes privilèges systémiques que moi auraient apporté une contribution percutante et instructive à une discussion d'ordre générale sur le harcèlement.
    Je tiens à dire deux ou trois choses pour le compte rendu.
    Je crois que la première est la plus importante. Même si j'ai occupé un poste partisan, je me suis fait un réseau d'amis et de connaissances issus de tous les partis. Ce n'est pas un problème propre à un seul parti ou à un seul groupe. À l'âge de 25, 26 et 27 ans, j'ai été victime de harcèlement sexuel — d'insinuations, de demandes et de toutes sortes de comportements malaisants — attribuable à des hommes, en général presque exclusivement des hommes, de 10 à 40 ans mes aînés. C'étaient des conservateurs, des libéraux, des bloquistes et des néo-démocrates, des membres du personnel de ces partis, des bureaucrates, des lobbyistes et des journalistes.
    Vous devez me croire quand je dis que le problème était culturel. J'ai subi toutes sortes de harcèlement sexuel: des attouchements, des commentaires, des incitations. On a parlé devant moi de mon corps. Des hommes racontaient à des employés plus jeunes qu'ils avaient couché avec de jeunes employées. Certains propos et des potins dits sous l'influence de l'alcool étaient très abusifs et très destructifs pour un milieu de travail — une personne de 32 ans les ignore, mais je peux dire que je n'en ferais pas autant, avec le recul, après avoir travaillé dans un milieu autre que celui de la politique.

  (1605)  

    Je dois encore composer avec toute la colère ressentie dans ce contexte, mais je vais vous dire une dernière chose, car je ne veux pas terminer sur une note aussi négative.
    J'étais totalement épuisée lorsque j'ai quitté la politique. Comme je l'indiquais dans mon article publié dans Vice, j'ai jonglé avec l'idée d'effectuer un retour, peut-être dans un rôle différent, mais je n'avais pas l'impression que la Colline parlementaire était un lieu de travail sûr pour une jeune femme. J'aimerais toutefois conclure sur un rayon d'espoir en soulignant que j'ai eu la chance d'avoir d'excellents gestionnaires au NPD, y compris Kathleen Monk qui n'a pas manqué de me défendre, de me protéger et de me mettre en garde toutes les fois que cela était possible. C'était un environnement négatif et toxique, exception faite de brefs moments de réussite et de soutien. De brefs moments que je dois tous à des collègues féminines qui tenaient à s'assurer que toutes les femmes étaient appréciées à leur juste valeur et que les jeunes femmes n'étaient pas dévaluées ou simplement considérées comme des ornements.
    Pas plus tard qu'hier, j'ai accédé au conseil d'administration de ma section locale de l'organisme À voix égales, et j'espère bien pouvoir un jour apporter ma contribution avec tout autant d'empathie et de vigueur de telle sorte que les femmes soient plus nombreuses à la Chambre des communes. Je ne suis pas nécessairement toujours d'accord avec notre premier ministre, mais je conviens avec lui que l'on pourra changer la politique en faisant une plus grande place aux femmes.
    Je voudrais donc terminer avec cette recommandation en faveur d'une évolution de la culture.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    Merci à toutes les deux pour votre contribution à nos échanges.
    Nous allons entreprendre un premier tour de questions où chacun aura droit à six minutes.
    C'est M. Blaney qui va partir le bal.
    Merci à vous deux pour vos témoignages. Nous vous sommes reconnaissants pour vos commentaires très directs, voire percutants, qui vont éclairer le travail de notre comité dans l'étude de ce projet de loi. Je vous dirais très humblement, comme vous avez déjà pu l'entendre sur différentes tribunes politiques, que nous visons la tolérance zéro.
    Madame Zubi, j'ai fait campagne en 2011 au Québec, et je peux vous assurer que j'ai bel et bien ressenti les effets de cette vague orange. Vous avez indiqué dans vos observations être revenue sur la Colline pour une période de quatre mois et avoir constaté à quel point cette culture du harcèlement était bien ancrée.
    Pour que les choses soient bien claires, est-ce pour cette même raison que vous avez quitté la seconde fois, madame Zubi?
    Plusieurs facteurs expliquent mon départ la seconde fois. Il y a aussi le fait que mon emploi ne me convenait pas parfaitement.
    D'accord.
    Je m'occupais de logistique, ce qui n'est pas vraiment dans mes cordes, mais je pense que c'est surtout pour des motifs de santé que je n'ai pas pu continuer à travailler sur la Colline.
    Il y a eu la fusillade du 22 octobre, puis le scandale de harcèlement sexuel quelques années plus tard.
    Mes nerfs m'ont complètement lâchée alors que j'étais à mon bureau. J'ai dû quitter le travail. Je suis allée me faire masser, et la massothérapeute m'a dit que mon dos était comme un sac de pierres. J'étais vraiment physiquement mal en point. Je savais dès lors que ce n'était pas un environnement sain pour moi. J'adorais le milieu politique et l'idée d'aider les gens, mais je crois que j'ai vite compris que mon corps ne pouvait pas suivre. C'était trop dur pour moi aussi bien mentalement que physiquement.
     Vous faites référence à cette tragédie que nous avons tous vécue alors qu'un terroriste a fait irruption au Parlement pendant que nous étions réunis en caucus. Comme j'étais ministre de la Sécurité publique, je ne suis pas prêt de l'oublier.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Beaumont. Dans l'article que vous avez publié dans Vice, vous indiquez que l'absence d'une définition claire du harcèlement sexuel sur la Colline parlementaire complique la tâche aux femmes qui veulent signaler des agissements répréhensibles.
    Pouvez-vous nous en dire plus long sur l'importance de définir clairement cette notion ainsi que les objectifs visés par ce projet de loi sur le harcèlement sexuel, aussi bien sur la Colline qu'au sein des organisations sous réglementation fédérale?
    Certainement. J'ai cru comprendre que le Comité arrive difficilement à s'entendre quant à l'existence d'une définition adéquate du harcèlement. J'ai passé en revue les différentes politiques en vigueur sur la Colline parlementaire concernant le harcèlement — y compris celle de décembre 2014, celle du syndicat et celle qui s'applique aux relations entre députés — et j'ai pu constater que le harcèlement n'était jamais défini de la même manière. Ainsi, il n'y a pas consensus sur la Colline quant à ce qu'on entend exactement par harcèlement.
    Je recommanderais que l'on inclue dans le projet de loi une définition claire et très large qui engloberait tous les types de harcèlement. Au lieu de se limiter au harcèlement sexuel, on considérerait dans une perspective transversale les effets que peuvent avoir sur différentes personnes toutes les formes de harcèlement, du harcèlement psychologique jusqu'au harcèlement racial.
    On éviterait ainsi le piège des différences entre les définitions. À l'heure actuelle, si vous souhaitez porter plainte contre une personne n'étant pas assujettie à la même politique que vous en matière de harcèlement, il y a en quelque sorte une échappatoire qui permet à cette personne de participer au processus uniquement sur une base volontaire, sans compter le risque que les définitions de harcèlement soient divergentes. Le projet de loi pourrait permettre d'apporter les éclaircissements nécessaires. À la lumière de mon analyse des politiques en vigueur, c'est un grave problème.
    Nous sommes certes d'avis, madame Beaumont, qu'il nous faut une définition suffisamment large qui pourra être davantage précisée dans le règlement. Le projet de loi doit prévoir des mesures à cette fin, et je vous remercie pour vos commentaires très constructifs.
    Je reviens à vous, madame Zubi, pour une autre question. Vous avez parlé de certains comportements tout à fait inappropriés. Étiez-vous au courant à l'époque des recours à votre disposition et, que ce soit le cas ou non, estimez-vous primordial que chaque employé sur la Colline sache à quoi s'en tenir à ce sujet pour pouvoir faire appel aux ressources disponibles pour régler des situations de la sorte qui se produisent bel et bien dans les faits, même si nous souhaiterions le contraire?

  (1615)  

    Lorsque j'ai débuté en 2011, il n'y avait en fait aucun recours officiel.
    D'accord.
    J'ai pu profiter de certains services du fait que je travaillais pour le NPD. Nous avions un syndicat qui nous aidait pour les griefs. Il n'existait toutefois pas d'instance unique qui aurait pu se pencher sur de telles plaintes pour l'ensemble de la Chambre des communes. Je savais ce qu'il m'était possible de faire avec l'aide du NPD, mais je ne savais pas exactement... Je crois que vous devriez d'abord et avant tout vous assurer que les gens connaissent toutes les options qui s'offrent à eux. Il est également essentiel de veiller à ce que chacun puisse contribuer de façon positive à l'évolution culturelle nécessaire, plutôt que d'être simplement une victime qui se plaint de la manière dont elle a été traitée. Nous devons donc nourrir certaines attentes non seulement envers les victimes du harcèlement sexuel, mais aussi à l'endroit des personnes qui en sont témoins, mais qui demeurent muettes. Ce serait également extrêmement bénéfique.
    Merci.
    Il s'agit de savoir quoi faire lorsqu'on est préoccupé ou lorsqu'on voit quelque chose qui est préoccupant...
    Je pense que c'est tout aussi important, car l'intervention de témoins pourrait vraiment faire avancer les choses, surtout dans les cas où il y a déséquilibre des pouvoirs. Lorsque la personne se situant plus bas sur l'échelle politique se trouve à être la victime, elle peut bénéficier grandement de l'intervention de quelqu'un de plus haut placé qui prend sa défense.
    Merci.
    Nous passons à Mme Fortier.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup toutes les deux de vos témoignages d'aujourd'hui. Je veux également vous remercier, madame Zubi, de reprendre le flambeau et de vous impliquer dans « À voix égales ». Je trouve vraiment important que des femmes participent au processus politique.
    Entendez-vous l'interprétation?
    Je parle français, alors je comprends ce que vous dites.
    C'est parfait.
    J'aimerais que vous puissiez toutes les deux répondre...

[Traduction]

    Je ne sais pas s'il y a effectivement de l'interprétation, mais je ne l'entends pas.
    Juste un instant, s'il vous plaît.
    Nous allons poursuivre pendant que l'on essaie de régler ces difficultés techniques.

[Français]

    Ma première question s'adresse à vous deux, mesdames.
    Vous avez dit qu'il fallait changer la culture, et je pense que c'est vraiment important. Je crois que vous avez parlé de certains moyens de faire de la prévention. Pourriez-vous nous suggérer des façons de renforcer le projet de loi C-65 en ce qui a trait à la prévention? En effet, nous savons tous qu'il faut changer la culture existant sur la Colline.
    Madame Beaumont, je vous écoute.

[Traduction]

    Il est vraiment difficile d'implanter une nouvelle culture, et je pense qu'il est encore plus complexe de modifier une culture aussi enracinée et néfaste que celle qui prévalait sur la Colline. La diversité et l'inclusion font partie des éléments qui peuvent vraiment contribuer à changer une culture. Je sais que ce n'est pas exactement la chose la plus facile à faire pour vous, mais il s'agit bel et bien de faire intervenir des voix et des expériences diversifiées en s'assurant que ceux qui prennent des décisions et orientent l'évolution culturelle proviennent d'une variété de milieux et sont bien au fait de ces enjeux.
    Certains m'ont demandé s'il serait bon que l'on élimine l'alcool pour tous les événements qui se tiennent sur la Colline. Je ne pense pas que cela aiderait. L'alcool est omniprésent, même à l'extérieur de la Colline. On en voit dans tous les secteurs. Ce n'est pas vraiment ce qui cause problème. Il faut plutôt s'interroger sur le genre d'événements auxquels les gens sont conviés. Quelles sont les répercussions possibles? S'assure-t-on que les activités auxquelles des employés sont invités à participer se déroulent dans un contexte professionnel? Est-ce qu'on veille à ce que les échanges demeurent professionnels ou s'agit-il simplement d'une excuse pour réunir autour d'une même table des gens qui risquent de se permettre des comportements inappropriés?
    Il faut qu'il y ait des gens qui en prennent l'initiative en étant habilités à cette fin. On pourrait par exemple désigner des champions de la culture sur la Colline qui contribueraient à l'organisation de ces événements et de ces échanges de manière à assurer une plus grande diversité des voix. Il y a bien des choses qu'il est possible de faire...

  (1620)  

[Français]

     Madame Beaumont, je suis désolée, je vais devoir vous interrompre parce que nous disposons de peu de temps.
    D'accord, je comprends.
    Je veux m'assurer que Mme Zubi peut répondre également à cette question.

[Traduction]

    Désolée, c'est à moi que vous adressez la question?
    Désolée, madame Beaumont, je crois que je vous ai mélangé toutes les deux. Aimeriez-vous répondre à la même question?
    J'abonde un peu dans le même sens que Beisan. J'ajouterais que la meilleure mesure de prévention possible à mes yeux est la formation, pour autant qu'elle soit obligatoire pour tous les employés et les employeurs. Je crois que M. Parent a indiqué qu'il a été en mesure d'offrir trois heures de formation, mais je ne pense pas que cela soit suffisant. Il faut prévoir plus de temps pour la formation chaque année en passant en revue les politiques avec les employés et les employeurs de telle sorte que tous sachent exactement de quoi il en retourne. Il faut que chacun comprenne bien ce qu'on entend par harcèlement et soit conscient des conséquences auxquelles il s'expose s'il se rend coupable de harcèlement ou en est complice.

[Français]

    Je vous remercie. J'ai une autre question à poser, et j'aimerais que vous y répondiez rapidement parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Madame Beaumont, selon vous — vous en avez parlé dans votre présentation —, quelles instances parlementaires sont les mieux placées pour venir en aide aux députés et sénateurs afin de développer des politiques sur le harcèlement et la violence, comme le mentionne le projet de loi C-65?

[Traduction]

    Je dois vous avouer que je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question.
    Vous avez indiqué précédemment que l'on ne pouvait pas signaler directement une situation de harcèlement à un député. Quelle serait alors la tierce partie à laquelle les victimes pourraient s'adresser?
    Il faudrait que la tierce partie soit une instance indépendante à l'extérieur de la Colline. Je sais que des experts indépendants sont mis à contribution pour régler les plaintes officielles, mais je pense que l'on devrait les faire intervenir également pour les plaintes non officielles. Il faudrait faire appel à une tierce partie ne travaillant pas sur la Colline afin d'éviter que des considérations politiques entrent en jeu.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'aurais certes été plus susceptible de m'adresser à une tierce partie impartiale et indépendante, plutôt qu'à une instance interne.
    Merci.
    Madame Trudel, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de vos témoignages.
    Ma première question concerne l'enquête que vous avez déposée, madame Beaumont. Vous avez mentionné plusieurs éléments dans votre allocution, et j'aimerais vous entendre parler du processus de plainte.
    Par ailleurs, en répondant à une question tout à l'heure, vous avez dit que la plainte ne devrait pas être adressée directement au député concerné. J'aimerais que vous parliez davantage de ce sujet, ainsi que d'un autre aspect qui me semble important et qui a été mentionné à plusieurs reprises, à savoir la confidentialité à laquelle ont droit les survivants et les survivantes.

[Traduction]

    J'ai l'impression — et Beisan pourra également vous répondre à ce sujet — qu'un employé qui signalerait un incident directement à son député risquerait fort de se sentir intimidé, surtout s'il est en période de probation. Il y a aussi les cas où c'est le député lui-même qui fait du harcèlement. Il n'est alors pas vraiment recommandé que la situation lui soit signalée directement. Il y a également des motifs politiques pouvant inciter un employé à ne pas mettre le député au fait d'une situation semblable. Par exemple, si le harcèlement est le fait d'un membre de son propre parti ou d'un autre parti, l'employé pourrait se sentir trop intimidé pour le signaler en raison de sa loyauté envers son parti ou de sa trop grande partisanerie. Je répète qu'il devrait y avoir une instance totalement indépendante chargée de recevoir de tels signalements.

  (1625)  

[Français]

     Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame Zubi. Vous avez été une employée sur la Colline, et vous avez beaucoup parlé d'encadrement lors des réceptions.
    J'aimerais que vous nous en disiez plus à cet égard. Devrions-nous réglementer davantage les réceptions sur la Colline, ainsi que la venue de lobbyistes ou de diverses personnes de partout au Canada?

[Traduction]

    Ça peut sembler un peu bête, mais il serait bon de s'assurer de servir également de la nourriture, et pas seulement de l'alcool. C'est normalement considéré comme la chose à faire, mais il s'agit bien souvent de cinq à sept où l'alcool coule à flots. Il convient donc de mieux planifier ces activités.
    Il m'arrivait bien des fois d'entrer dans une pièce pour y trouver un grand nombre d'hommes plus âgés. Il faut juste que vous compreniez à quel point un tel environnement peut être intimidant et inhospitalier pour une femme. Celle-ci a l'impression de se retrouver sur la corde raide en étant exposée à des menaces de tous les côtés. Il faut donc veiller à inviter à ces événements un large éventail de personnes de manière à constituer un groupe plus diversifié de participants. Je pense vraiment que l'on doit réunir un échantillon plus représentatif de la diversité du personnel. Il serait également préférable de tenir ces événements dans un cadre plus ouvert, en évitant les salles sombres. Je pense que c'est ce que l'on parvient généralement à faire dans d'autres secteurs.
    Vous devriez vraiment discuter de la manière dont les jeunes femmes tout particulièrement sont traitées sur la Colline où certains les considèrent comme des objets pouvant être utilisés comme bon leur semble. À mes yeux, cela n'a rien à voir avec l'événement à proprement parler. Cela vient uniquement du fait que ces jeunes femmes se retrouvent dans des situations particulières où elles occupent bien souvent des postes subalternes et doivent composer avec des gens qui sont en place depuis longtemps déjà. Si l'on habilitait davantage ces jeunes femmes en leur faisant sentir qu'elles peuvent se présenter à ces activités sans crainte de ce qui risque de leur arriver, elles seraient plus nombreuses à le faire, ce qui contribuerait grandement à assurer une diversité accrue.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse encore à vous, madame Zubi, et fait suite à ce que vous venez de mentionner.
    Croyez-vous qu'il serait important, en plus de la formation obligatoire pour tout le personnel de la Colline, que des personnes responsables et sensibilisées à cette question soient présentes lors de réceptions, ne serait-ce que pour assurer une surveillance au cas où il se produirait un événement malheureux?
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez, cela pourrait faire partie de la solution.

[Traduction]

    Je ne crois pas que ce soit une mauvaise idée. J'ai parlé de la désignation de champions de la culture, des gens qui pourraient être présents à ces activités sociales pour veiller à ce que tout le monde soit en sécurité, voir à ce que personne ne boive trop, ou intervenir en s'immisçant posément dans la conversation afin de désamorcer une situation où une personne se sent mal à l'aise.
    Jusqu'à maintenant, la Colline a toujours compté sur des gardiens qui se sont en quelque sorte autoproclamés. Il n'y a toutefois aucune garantie qu'ils seront présents à toutes les activités. D'ici à ce que la culture ait vraiment changé et que tous puissent se sentir mieux et en sécurité, je pense qu'il n'y aurait rien de mal à avoir un de ces champions de la culture pour représenter les valeurs préconisées en milieu de travail lors de tous les événements sanctionnés par la Colline.
    Cela n'aurait vraiment pas d'influence sur les activités ayant lieu à l'extérieur de la Colline, mais ce serait un excellent point de départ pour une évolution de la culture qui verrait les gens devenir plus conscients du fait qu'il s'agit d'activités liées à leur travail. Les femmes ne s'y rendent pas pour trouver un petit copain; elles sont là pour faire leur travail.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Dabrusin.

  (1630)  

    Merci. J'aimerais revenir un peu en arrière, car je crois que vous avez parlé toutes les deux des anciens employés.
    Madame Zubi, vous avez traité tout particulièrement de certaines réflexions qui vous sont venues après coup au sujet de l'environnement de travail que vous avez quitté.
    Madame Beaumont, je crois que vous avez parlé d'entretiens avec d'anciens employés. Si je fais ressortir cet élément, c'est parce que le projet de loi semble viser les employés actuels sans toutefois s'appliquer aux gens qui ont quitté leur emploi. Pensez-vous qu'il serait bon que des changements soient apportés de telle sorte que les anciens employés puissent eux aussi bénéficier du projet de loi C-65?
    Je peux commencer.
    Je suis revenue à quelques reprises sur l'article que j'ai écrit pour Vice. Il faut également savoir que la plupart de ceux qui se sont rendus coupables de tels comportements ne travaillent plus sur la Colline du Parlement eux non plus. J'essayais de voir quelles conclusions on pouvait tirer à ce sujet. Tout indique que les cycles électoraux de quatre ans et la nature même du travail politique font en sorte que la main-d'oeuvre n'est souvent que de passage.
    Je ne sais pas trop. Selon moi, vous devriez surtout vous employer pour l'instant à assurer la sécurité des gens qui travaillent maintenant sur la Colline. J'aimerais pouvoir encourager les citoyens, et notamment les jeunes femmes, qui veulent vraiment faire de la politique à aller travailler sur la Colline sans avoir l'impression de les jeter dans la gueule du loup. C'est sur cet aspect que vous devriez selon moi concentrer vos efforts. Je crois que ceux qui ont quitté la politique ont encore du travail à faire pour composer avec les expériences passées. J'ai la chance d'avoir ma carrière et d'autres éléments positifs dans ma vie, et j'estime que nous devrions vraiment chercher d'abord et avant tout à protéger ceux et celles qui sont vulnérables actuellement.
    Vous ne pouvez pas voir les lumières qui clignotent actuellement, mais je tiens à vous le souligner, car cela pourrait être à l'origine d'un bruit de fond un peu dérangeant. Est-ce que je peux vous demander, monsieur le président...
    Oui, je dois avoir le consentement unanime pour pouvoir continuer. C’est la sonnerie des 30 minutes et il nous reste maintenant 29 minutes 30 secondes. Est-ce que j'ai le consentement unanime pour continuer?
    Des députés: Non.
    Le président: D'accord.
    Je suis désolé, mais nous devons maintenant partir. Je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir bien voulu comparaître devant nous aujourd'hui. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent. Nous devons parfois nous interrompre ainsi parce que nous devons tous nous rendre à la Chambre pour voter. Je tiens à vous exprimer notre reconnaissance pour votre contribution.
    Monsieur le président.
    Si la chose vous intéresse et s'il vous est possible de le faire, nous acceptons aussi les mémoires écrits. Vous avez jusqu'au 2 avril pour nous transmettre vos réflexions, questions ou préoccupations dont nous n'avons pas eu le temps de traiter aujourd'hui du fait que notre séance a dû être écourtée. Merci encore une fois à toutes les deux.
    Julie, vous aviez une question?
    Je voulais juste savoir si nos deux témoins souhaitaient répondre par écrit à ma question concernant les anciens employés. Plutôt que de nous transmettre un mémoire de portée générale, elles pourraient peut-être répondre à cette question.
    C'est une autre possibilité.
    Merci.
    Un grand merci à tous. Nous nous reverrons tous en Chambre dans un moment.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU