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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 106 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mai 2018

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Il manque encore un membre, mais nous ne voulons pas faire attendre nos témoins davantage.
    Nous sommes ici pour discuter de la Déclaration des Nations unies et du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Cathy?
    Oui, avant de commencer, j'aimerais présenter la motion suivante:
Que le Comité suspende son étude du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l'harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, jusqu'à ce qu'un consensus se dégage sur la façon dont le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause sera mis en oeuvre.
    La motion peut faire l'objet d'un débat. Quelqu'un veut-il prendre la parole?
    Arnold.
    Oui, j'appuie la motion, bien sûr.
    Avons-nous reçu des nouvelles du comité de la justice ou du ministère de la Justice au sujet de...?
    Je pense que nous avons reçu de l'information de Justice.
    Je dirais que nous avons entendu au moins six ou sept versions différentes de ce que signifie un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Je pense donc que nous devrions suspendre la séance et transférer cela au comité de la justice. Ce sont des choses comme celles-là qui...
    Je rappelle aux membres que nous avons des témoins, alors je vais... J'espère que nous pourrons...
    Gary.
    Madame la présidente, nous n'arriverons jamais à un consensus sur cette question, mais nous avons une idée générale du sens de cette notion dans le projet de loi C-262.
    Nous avions un plan pour notre étude et nous sommes maintenant rendus plus ou moins à la fin de ce plan. Je dirais donc qu’il est presque malhonnête de soulever la question à ce stade-ci. Je pense que nous sommes tout à fait à l'aise de continuer, et je ne pense pas du tout qu’il soit nécessaire de suspendre la séance.
    Monsieur Saganash.
    Merci, madame la présidente. Je serai bref, c'est promis.
    Je ne pense pas que nous pourrons parvenir à un consensus avec les conservateurs sur cette question. C’est assez évident. J’ai soumis de la documentation sur la question du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, mais je pense qu’il faut aussi prendre note de l’étude qui a été réalisée par le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones des Nations unies qui explique les quatre composantes de cette notion. Il existe un consensus international non seulement sur cette notion, mais également sur l’instrument international sur les droits de la personne qui s’appelle la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
    Je ne pense même pas qu'il y ait matière à débat.
    Doit-on mettre aux voix la motion visant à suspendre l'étude?
    (La motion est rejetée.)
    La présidente: Nous passons à nos témoins. Comme je le disais, nous entendons le point de vue du public sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et sur le projet de loi d'initiative parlementaire C-262.
    Ceux d'entre nous qui sont à Ottawa se trouvent sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
    Nous avons avec nous par vidéoconférence John Borrows, qui nous appelle de Victoria. Bienvenue. Nous pouvons vous voir à l'écran.
    Lorsque nous arriverons à la période de questions, je vous demande de préciser à qui s'adresse votre question.
    Sans plus tarder, je demanderais aux représentants du Tribunal des revendications particulières du Canada, qui sont ici avec nous, de nous faire leur exposé en premier, selon ce qui était prévu.
    Vous avez 10 minutes. Je vais vous faire de petits signes discrets au début au sujet du temps, puis ces signes se feront plus insistants au fur et à mesure que nous approchons de la fin. Je vous souhaite la bienvenue au Comité.

  (1535)  

    Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité de me donner l'occasion de témoigner au sujet du projet de loi C-262.
    Je suis juge à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et depuis 2009, président du Tribunal des revendications particulières du Canada. Le tribunal est indépendant et a pour mandat de statuer sur certaines catégories de revendications historiques de ce qu'on décrit dans la loi comme étant des « Premières Nations ». Ces revendications trouvent leur origine principalement dans la période qui va des débuts de la colonisation jusqu’à aussi récemment qu'il y a 15 ans.
    Le Tribunal n’a pas compétence pour traiter des revendications qui découlent des droits des peuples autochtones; en d'autres mots, celles qui concernent l’article 35.
    Mes commentaires ne sont pas des opinions sur des questions de droit, ou une préférence liée à une question politique controversée. Il s’agit de commentaires personnels qui reposent sur mon expérience en tant qu’avocat ayant représenté des groupes autochtones depuis la fin des années 1970 jusqu’à ma nomination à la cour en 2001, et en tant qu’observateur de longue date des relations entre les peuples autochtones et le gouvernement. Il y a ici une leçon tirée de mon expérience dans la création des processus du tribunal et l'adjudication des revendications qui lui sont soumises.
    Je dois aussi mentionner que je suis aussi renseigné, si on veut, par ma conjointe Dee, une Tsimshian de la côte Nord de la Colombie-Britannique, à qui je dois obéir.
    Des députés: Oh, oh!
    Le juge Harry Slade: Le but de mon exposé est de vous décrire dans un langage neutre, et en m'appuyant uniquement sur les conclusions probantes de la Cour suprême du Canada, le contexte légal dans lequel s’inscrit le projet de loi.
     J’aimerais mettre en évidence les questions que soulève l'effet recherché du projet de loi sur les droits des Autochtones énoncés dans la déclaration, et faire une ou deux observations concernant les directives de la Cour suprême sur la négociation des traités actuels, et tout lien que cela peut avoir avec l’article 27 de la Déclaration. Cet article demande aux États de mettre en place et d'appliquer « un processus équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent [...] afin de reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources ».
    En passant, j'ai un mémoire. Je ne pense pas qu'il ait été distribué, mais vous pourrez le lire à votre convenance.
    Voici ce que dit l'article 26:
1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont utilisés ou acquis.
2. Les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent [...] traditionnellement...
    Bien sûr, il y a également l'article 32, qui prévoit que les États consultent les peuples autochtones «  en vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires ou autres ressources ».
    Les conversations publiques vont bon train sur le sens à donner à tout cela. On entend des gens dans les médias dire que le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est absolu. D’autres avancent que cela n'écartera pas la common law, qui prévoit que le consentement s’applique lorsque le titre ancestral a été établi, à moins que le gouvernement ne soit en mesure de justifier une atteinte à ce titre.
    Qu'en dit la Cour suprême? Dans l'affaire Tsilhqot'in, on mentionne que lorsque le titre ancestral a été établi par jugement déclaratoire ou entente — et j'insiste sur ces deux éléments —, le gouvernement doit demander le consentement. En l’absence de consentement, il ne peut y avoir de mise en valeur des terres si le gouvernent ne s'est pas acquitté de son obligation de consultation et ne peut justifier une atteinte à ce titre.

  (1540)  

    Dans les cas où le titre ancestral n’a pas été établi, le gouvernement a une obligation de consultation et d’accommodement. On voit cela souvent dans les demandes d’examen judiciaire. La nation autochtone doit établir qu'il y a, à première vue, matière à titre, et le degré de consultation et d’accommodement dépendra de la solidité apparente de cette revendication. Tout au long du processus, selon l'affaire Tsilhqot'in, il incombe donc à la nation revendicatrice d'établir l'existence du titre.
    Le 14 février 2018, soit une semaine après la deuxième lecture du projet de loi et son renvoi en comité, on pouvait voir sur le site Web du gouvernement les principes régissant la relation entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones. Je ne vais pas passer en revue les 10 principes, mais vous les trouverez dans mon mémoire.
    À mon avis, les principes — le texte explicatif qui accompagne les principes et le discours de la ministre, l'l’honorable Jody Wilson-Raybould, auquel j'ai fait référence dans mon mémoire — montrent à l’évidence que le gouvernement veut recenser les nations autochtones dans le but de faire progresser la relation de nation à nation avec le Canada; recenser les territoires des nations autochtones; et reconnaître les territoires et les nations autochtones en, à tout le moins, exigeant des organismes de réglementation fédéraux qui sont responsables de l’approbation des projets qu'ils obtiennent le consentement lorsque les projets à l'examen risquent d’empiéter sur leurs droits, y compris pour les terres dont le titre n’a pas été établi par jugement déclaratoire ou par traité. On s’éloigne ainsi des décisions rendues par la Cour suprême du Canada.
    Comme l’article 26 de la déclaration mentionne que les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources — soit ce qu'ils possédaient traditionnellement —, il faut, à mon avis, que certaines mesures soient prises pour donner effet aux dispositions du projet de loi. Il faudrait notamment que le gouvernement en vienne à désigner les peuples autochtones comme des entités politiques distinctes pouvant être considérées comme des nations autochtones, de même qu'à désigner les terres traditionnellement utilisées.
     Cela m’amène à vous soumettre des questions que les parlementaires pourraient souhaiter examiner dans leurs délibérations, et si je peux convaincre madame la présidente de m’accorder quelques minutes de plus, je vais vous en faire part rapidement.
    C'est très serré, alors vous devrez faire très vite. Vous avez une minute.
    Premièrement, le projet de loi oblige-t-il le gouvernement à présenter des mesures législatives dans le but d’établir pleinement en droit les titres des nations autochtones sur les terres qu’elles ont occupées traditionnellement?
     Deuxièmement, est-il important pour la mise en œuvre de ce que promet le projet de loi qu'un groupe autochtone reconnu soit en mesure d'établir l'existence du titre, comme il est mentionné dans l'affaireTsilhqot'in?
    Troisièmement, la mise en oeuvre de la déclaration crée-t-elle, comme il est envisagé dans le projet de loi, une troisième façon, en plus ou en remplacement de l’exigence dans la common law d'un jugement déclaratoire ou d'un traité, qui permet d'exercer le droit de propriété et de possession actuels des terres en vertu du titre ancestral?
    Si c'est le cas, est-ce qu’une mesure unilatérale qui donnerait lieu à une reconnaissance de la propriété des terres recensées par le gouvernement comme étant la propriété de fait et de droit des nations autochtones désignées, modifierait l’équilibre nécessaire pour concilier le fait, comment mentionné dans Tsilhqot'in, que les peuples autochtones et non autochtones sont ici pour rester?
     Je terminerai en mentionnant que la déclaration, et le projet de loi à ce qu'il semble, et les décisions des tribunaux ont tous traité de la façon de parvenir à la conciliation, et la cour a précisé qu’il s’agissait du processus des traités.
     La question que je me pose est donc de savoir si le Canada a un processus transparent et viable permettant à tous les participants de négocier des traités qui tiennent compte du fait que nous sommes tous ici pour rester. Ce n’est pas le cas.

  (1545)  

    Je pense que d'autres ont aussi fait le commentaire que nous sommes tous ici pour rester. Nous allons continuer d'entendre les autres témoins.
    Nous passons maintenant à Mary Ellen Turpel-Lafond.
    Bienvenue. Vous avez 10 minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Pour situer un peu mes observations en contexte, j'aimerais vous mentionner le poste que j'occupe actuellement. Je suis professeure de droit à la Allard Hall Law School à l'Université de la Colombie-Britannique, et je suis la directrice du Indian Residential School Centre for History and Dialogue. J'ai aussi travaillé 20 ans comme juge en Saskatchewan et 10 ans comme avocate en droit des enfants en Colombie-Britannique, et j’ai aussi auparavant été professeure de droit.
    Je tiens aussi à reconnaître que nous sommes en territoire algonquin.
    C’est un grand honneur pour moi d’être ici.
    Par respect pour le Comité, j’ai suivi ses délibérations et lu les transcriptions. J’ai eu la chance également d’y assister et d'écouter les témoignages, alors je ne vais pas parler de sujets qui ont déjà été discutés. Vous avez entendu beaucoup de témoignages et de preuves, et je ne vais pas discuter de questions juridiques obscures, mais je suis à la disposition des membres du Comité pour répondre à leurs questions au cours de la séance, ou par la suite, si je peux vous être utile.
    Le point de vue que je vous présente est celui d'une Autochtone, mais aussi d’une constitutionnaliste, d’une juge et d’une personne qui s'emploie à remédier au legs des pensionnats indiens et à soutenir un processus de réconciliation efficace. Je vous présente aussi un point de vue très pragmatique, puisque je me suis occupée de 17 000 dossiers, dans les services d'aide à l'enfance uniquement, et que j’ai beaucoup travaillé auprès des familles et des enfants autochtones pour faire face aux problèmes structurels.
     Cela étant dit, je veux faire une observation générale et quelles petites observations qui ne nécessiteront probablement pas tout le temps qui m’est accordé.
     Mon observation générale est que la transformation fondamentale apportée par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones il y a 10 ans, date de 10 ans, mais qu'elle a été très importante et est devenue bien établie. Elle est généralement acceptée. Elle est utilisée dans une large mesure par les peuples autochtones et non autochtones, et elle est extrêmement utile. Je vois cette Déclaration, fondamentalement, comme la reconnaissance des droits des Autochtones comme des droits de la personne. Je crois que le projet de loi C-262 nous aidera à nous rapprocher d'une réconciliation véritable. C’est très positif. Je ne vois pas cela comme un élément déstabilisateur ou menaçant, sachant ce que je sais du droit constitutionnel, de l’histoire et de la façon dont les tribunaux règlent les questions. Notre Constitution repose sur la paix, l’ordre et le bon gouvernement. La Déclaration contient des dispositions précises à ce sujet. Les droits de la personne ont tous des limites. L'adoption de la Déclaration n’est pas une mesure radicale, déstabilisatrice. C'est en fait un outil incroyablement utile.
    J’aimerais simplement mentionner, et beaucoup d'entre vous le savez, ce que j’ai pu constater dans mon travail sur le terrain auprès des familles et des enfants, et que des décisions importantes du Tribunal canadien des droits de la personne concernant les enfants autochtones ont confirmé, à savoir qu'il existe des disparités très importantes dans le financement. On s'emploie activement à remédier à ce problème. Le Tribunal canadien des droits de la personne, lorsqu’il a émis sa quatrième ordonnance exécutoire cette année, s'est inspiré du contenu de la Déclaration qu'il considère très utile pour traiter des questions qui concernent les enfants et les familles.
    Je le mentionne parce que je sais que tout le monde ne voit pas de près les problèmes intergénérationnels des survivants des pensionnats indiens et que tout le monde n'est pas à même de constater que les problèmes n'ont pas pris fin à la fermeture des pensionnats. Le fait que les hautes instances législatives fédérales appuient et adoptent la Déclaration aura des retombées positives sur le nombre disproportionnellement élevé d'enfants autochtones pris en charge par les services sociaux, sur le besoin pour les familles autochtones d’être entendues et comprises, et sur le besoin d’une réconciliation dans nos provinces et nos territoires.
     Dans les paragraphes 75 et 76 de sa plus récente ordonnance exécutoire, que je ne vous lirai pas, la Commission canadienne des droits de la personne adopte la Déclaration comme valeur interprétative pour comprendre la situation des familles et des enfants autochtones. En particulier, on mentionne que les enfants ont le droit de ne pas subir de discrimination — les articles 2, 7 et 22 de la Déclaration, et surtout l’article 8, et le fait qu’il faut comprendre que l’assimilation forcée ne fonctionne pas. En effet, les doctrines de supériorité qui faisaient partie des pensionnats – et, honnêtement, des services d'aide à l'enfance dans lesquels les familles autochtones sont considérées comme inférieures et leurs enfants facilement retirés de la famille — ont fait en sorte d'accroître la difficulté pour le Canada de contrer ce phénomène et de mettre en place un environnement respectueux pour ces familles. Je parle ici en tant qu'avocate qui s’est occupée de 17 000 dossiers d’enfants placés dans des foyers d’accueil.
     La Déclaration nous fournit une lentille d’interprétation qui nous aide à avoir une conversation et à comprendre ce qui se passe, comme le retrait forcé des enfants et les problèmes systémiques qui en découlent. Ce n'est pas un outil déstabilisateur et inutile. C'est un outil très utile qui sera utilisé dans un contexte juridique méthodique, responsable et dont le caractère raisonnable et les limites sont clairement établis.

  (1550)  

    Je serai très heureux de répondre à vos questions. J'ai passé en revue les délibérations qui se sont tenues jusqu'ici et d'après les questions qui ont été posées, les gens semblent avoir de la difficulté à accepter que la DNUDPA doive être une loi. Je suis d'avis qu'il n'y a pas de différence entre l'acceptation de la DNUDPA et le contexte mis en place par le projet de loi à cet effet. C'est un processus tout à fait lisse qui ne s'accompagne d'aucune menace épouvantable.
    J'ai aussi suivi vos discussions sur la notion de consentement libre, préalable et éclairé. Dans le même contexte, sachez que j'ai entendu l'ancien procureur Geoff Plant — une personne qui ne manque pas d'expérience — dire l'autre jour que c'était le propre de la société civile de s'engager et miser sur la collaboration.
    Malheureusement, nous ne sommes pas partis du bon pied. Toutefois, du point de vue de la Saskatchewan et en prenant les droits fonciers issus de traités comme exemple, je remarque que lorsque les personnes s'engagent pour de vrai et travaillent ensemble, ce n'est plus une simple question de consentement, et des réussites énormes se cristallisent. Je l'ai constaté, et l'issue de l'engagement ne dépend pas de la couleur du gouvernement qui est en face, que ce soit les conservateurs, les libéraux, les néo-démocrates ou n'importe qui d'autre.
    Je vous prie instamment d'aborder ce projet de loi avec une approche généreuse et appropriée, car c'est un outil qui sera infiniment utile, même dans le contexte des systèmes provinciaux et territoriaux. Ce n'est rien de menaçant. Je ne crois pas qu'il est nécessaire de recourir à l'approche de l'Université d'Oxford, qui consiste à définir chaque problème et chaque enjeu.
    Il y a plus de 600 Premières Nations au Canada. Elles ont la capacité de s'engager sur la voie de l'autodétermination et de s'épanouir. Ce sera un processus lent et méthodique que favorisera le respect positif des droits de la personne. Du reste, c'est une démarche qui fait partie de la réponse à l'héritage des pensionnats indiens.
    Je serai heureux de répondre à vos questions. Je veux profiter du reste de mon temps de parole pour prouver quelque chose, et je ne veux pas répéter quoi que ce soit que vous avez déjà entendu.
    J'ai beaucoup d'estime et de respect pour le travail que fait ce comité, mais je veux vous dire qu'il y a beaucoup de gens sur le terrain — des enfants et des familles — qui dépendent de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de ses concepts fondamentaux pour se donner une raison d'être, de l'inspiration et l'assurance que leurs droits en tant que personnes sont pris au sérieux au Canada.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter la déclaration de John Borrows, qui nous parvient sur télésouffleur depuis Victoria.
    Monsieur Borrows, vous avez la parole.

[Français]

  (1555)  

[Traduction]

    Je suis reconnaissant de la chance qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui. Pour me présenter, permettez que j'utilise la langue de ce territoire.
     [Le témoin parle en anishinaabemowin.]
    Je viens de dire que je suis de la réserve de Cape Croker, qui est située sur les bords de la baie Georgienne, en Ontario. J'appartiens au clan Otter, et je m'appelle Kegedonce.
    Je suis le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit autochtone à l'École de droit de l'Université de Victoria, et j'enseigne depuis 25 ans. Nous avons récemment reçu le feu vert du gouvernement de la Colombie-Britannique en ce qui concerne le financement d'un programme d'études à double volet en droit autochtone et en common law. Nous allons donc enseigner ces deux systèmes en parallèle, comme le fait l'Université McGill avec son programme mixte alliant common law et droit civil.
    Mon exposé d'aujourd'hui sur le projet de loi met l'accent sur deux points. Ce projet de loi est fondé sur des principes et axé sur un processus. Je suis d'avis que les principes valent la peine d'être répétés et que le processus mérite qu'on s'y attarde.
    D'abord, pour les principes, disons que cette démarche concerne la démocratie et la participation, et qu'elle cherche à amener les gens à travailler ensemble à l'intérieur de ce cadre axé sur les droits de la personne. Pour l'essentiel, les principes sont constitutionnels. Ils se fondent sur la Constitution et sont cohérents avec elle, y compris en ce qui concerne le rôle des peuples autochtones au sein de leurs propres communautés et dans leur participation aux échanges avec les gouvernements relativement à la définition des occasions favorables et des problèmes auxquels ils doivent faire face.
    Ces principes ont été bien décrits par la Commission de vérité et de réconciliation, et le préambule du projet de loi y fait référence. Ils cherchent à remédier aux injustices historiques et aux injustices qui ont cours actuellement à l'échelle du pays. Comme vous le savez, en Colombie-Britannique, 64 % des enfants pris en charge par les services sociaux sont Autochtones. Vingt-huit pour cent de la population carcérale au Canada est Autochtone. Ce sont des exemples des injustices contemporaines qui font partie de notre système.
    Je tiens toutefois à souligner qu'une partie des principes de ce projet de loi sont des limites imposées au gouvernement autochtone et au gouvernement canadien. Par exemple, on n'a qu'à penser à la récente controverse dans la réserve de Kahnawà:ke, au Québec, concernant les lois sur les mariages « hors réserve » et la perte d'appartenance à la communauté subséquente.
    Si elles devaient être articulées aux termes de ce projet de loi, ces lois auraient à tenir compte de l'article 9 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — la DNUDPA —, qui stipule que les Autochtones, peuples et individus, ont le droit d’appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée, avant d'ajouter qu'aucune discrimination, quelle qu’elle soit, ne saurait résulter de l’exercice de ce droit.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que la DNUDPA ne s'appliquera pas qu'aux gouvernements canadiens, mais aussi aux Autochtones eux-mêmes. Ainsi, toutes les fois où les Autochtones chercheront à suivre les dispositions de ce document, ils seront eux-mêmes visés et contraints d'observer les mêmes considérations en matière de droits de la personne que celles mises de l'avant par les Nations unies, considérations qui seront enchâssées dans les lois canadiennes et qui, d'ailleurs, font partie de leurs propres traditions juridiques. Il convient ici de reconnaître que le droit autochtone tient compte de nombreux points de vue différents, et qu'il existe des façons de régler ces conflits qui sont respectueuses des droits de la personne.
    Je tiens à signaler que cela est répété sans arrêt dans le document. Alors oui, si le projet de loi débouche sur une loi, nous allons nous attendre à ce que les peuples autochtones soient protégés des incursions de l'État en ce qui concerne la vie, la liberté, la sécurité, la main-d'oeuvre, le logement, la santé, l'éducation, les médias, la religion, les pratiques spirituelles, les terres, l'appartenance à la communauté, etc. Cela dit, je tiens aussi à souligner que les peuples autochtones devront eux aussi tenir compte de ce document et appliquer les mêmes considérations en matière de droits de la personne dans leurs propres traditions juridiques en ce qui concerne la vie, la liberté, la sécurité, la main-d'oeuvre, le logement, la santé, l'éducation, les médias, la religion, la spiritualité, les terres, etc. Ce projet de loi est une contribution de taille à la primauté du droit au Canada. Le droit anishinabe, le droit pied-noir, le droit salish, le droit micmac et le droit honeshonee ont tous des traditions relatives aux droits de la personne, et la mise en oeuvre de ce projet de loi contribuera à l'épanouissement de ces traditions.
    Permettez-moi maintenant de vous faire part de cet autre aspect. Il est ici question de l'article 46 de la Déclaration, qui stipule en essence qu'aucune disposition dudit document ne peut être interprétée comme encourageant la destruction de l’intégrité territoriale ou de la souveraineté politique de l'État souverain qu'est le Canada.
    L'exercice de ces droits s'accompagne de limites bien réelles à l'endroit des peuples autochtones, comme en fait foi l'article 46.2 de la Déclaration:
Dans l’exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration, les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous sont respectés. L’exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration est soumis uniquement aux restrictions prévues par la loi et conformes aux obligations internationales relatives aux droits de l’homme. Toute restriction de cette nature sera non discriminatoire et strictement nécessaire à seule fin d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et de satisfaire aux justes exigences qui s’imposent dans une société démocratique.
    Ce qu'il faut dire à ce sujet, c'est que, dans notre pays, les droits sont absolus, et que ce document ne change rien à cela. Néanmoins, l'article établit du même coup que les possibilités de l'État sont limitées elles aussi. En adoptant le paragraphe 35(1), on imposait une limite à la souveraineté de l'État. Tout comme la Charte est une limite à cette souveraineté lorsqu'il est question des personnes, les droits ancestraux et issus de traités sont une limite à cette souveraineté lorsqu'il est question des peuples autochtones.
    Ce que je cherche à faire comprendre, c'est que ce n'est pas au Comité ou à la Chambre de déterminer à eux seuls en quoi consistent les droits et les obligations aux termes de notre charte, de nos droits ancestraux ou de cette déclaration. Le cadre établit que nous sommes tous limités et que nous devrons créer — c'est là le principe —, à force de consultations et de coopération, un plan d'action national qui prendra la forme d'une conversation soutenue axée sur les processus, conversation qui portera sur la façon de procéder ensemble à l'harmonisation de ces occasions favorables. Subséquemment, nous allons nous rapporter fréquemment au Parlement afin de jauger les progrès réalisés sur ce front.
    Le cadre pour le paragraphe 35(1) est le fait que les droits ancestraux sont sui generis, ce qui signifie qu'ils sont uniques en leur genre. La Cour suprême du Canada affirme qu'une conception moralement et politiquement défendable des droits ancestraux intégrera les deux points de vue juridiques, c'est-à-dire l'autochtone et celui de la common law. Ce projet de loi est très aligné sur cette tradition et cet héritage constitutionnels. Il reprend les limites — qui sont des limites aux droits de la personne — à l'intérieur desquelles les peuples autochtones devront opérer pour être conformes à la Constitution, pour être conforme à ce projet de loi, tout en cédant, de loin en loin, aux droits d'autres Canadiens lorsque la justification de cela pourra se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
    De la même façon, l'État est limité lui aussi. Le critère de justification consigné dans le paragraphe 35(1) informe l'État qu'il ne peut pas tout simplement faire à sa guise. Cela renvoie à la Glorieuse Révolution et à la Grande Charte: on s'attend à ce que nos gouvernements soient limités dans leurs mouvements et qu'ils y aient des freins et des contrepoids pour veiller à cela. Ce document concerne ces freins et contrepoids. Je crois que les dispositions axées sur les processus qui, par principe, se trouvent dans ce projet de loi seront les vecteurs qu'il nous faudra pour composer avec ces débats démocratiques dans le contexte des droits de la personne, et de le faire d'une façon qui nous permettra, à terme, d'assurer de manière prudente et raisonnable l'atteinte de l'harmonisation et de l'équilibre appropriés.
    Lorsque je pense à l'harmonisation, je pense à l'acte de jouer du piano. Lorsque vous posez les doigts sur le clavier d'un piano, vous sollicitez souvent différentes touches. C'est ce que nous allons faire lorsque nous tenterons de définir les droits du Parlement, des autres Canadiens et des Autochtones. Or, en appuyant ces différentes touches, il est possible d'obtenir un son résonant. Je crois que ce projet de loi fait partie de cette résonnance qui baigne notre histoire et nos traditions constitutionnelles, et que cette résonnance tire son origine et son orientation dans ce que la Commission de vérité et de réconciliation nous a demandé de faire.
     [Le témoin parle en anishinaabemowin.]
    Merci.

  (1600)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par le député Amos.
    Merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
    Nous sommes gâtés de vous avoir ici. Monsieur Borrows, je tiens à vous informer que j'admire grandement votre travail depuis de nombreuses années, et que je vais profiter de cette occasion pour vous poser des questions au sujet de ce projet de loi. J'aimerais élargir quelque peu le sujet de la présente période de questions en faisant l'aller-retour entre le projet de loi C-262 et le projet de loi  C-69, car il y a présentement un vif débat quant à l'intégration de la DNUDPA dans ce contexte, et que je siège au Comité permanent qui étudie ce projet de loi.
    Ma première question s'adresse à Mme Turpel-Lafond et à M. Borrows. Le projet de loi C-69 a fait l'objet de certaines critiques parce qu'il n'intégrait pas suffisamment la DNUDPA et ses principes. Je compte proposer des amendements dans les prochains jours afin de remédier à cela.
    Je ne crois pas que vous ayez une connaissance approfondie du projet de loi C-69, mais j'espère que vous savez un peu de quoi il retourne. Si vous considérez qu'il s'agit de l'examen du régime d'évaluation d'impact, comment le projet de loi C-262, s'il était adopté, pourrait-il se traduire de manière appropriée dans un projet de loi tel que le C-69?
    La question s'adresse à vous deux.

  (1605)  

    Le projet de loi C-262 est un élément central de grande importance; il vise à repartir les relations du bon pied et à nourrir la réconciliation. Les lois individuelles comme la loi sur l'évaluation d'impact devraient aussi faire référence à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne s'agit pas d'un texte législatif qui se suffit à lui-même; les autres lois doivent y référer.
    Je travaille aussi avec les chefs du Canada à l'examen des lois sur l'aide à l'enfance. La ministre Philpott, qui a pris la parole lors de notre récente assemblée spéciale des chefs, a affirmé que nous allions devoir reconnaître la DNUDPA dans une loi future sur l'aide à l'enfance.
    La reconnaissance de la DNUDPA est une partie très importante de cette empreinte parce qu'elle nous permet de comprendre quels sont les enjeux plus profonds. D'autant plus que, comme le professeur Borrows l'a dit, la Déclaration n'est pas là pour mettre les choses sens dessus dessous. Elle vient s'ajouter à une tradition qui consiste à apprécier comment nous nous sommes rendus là où nous sommes. En tant que constitutionnaliste, je dirais que le débat que vous avez entendu à ce comité sur la notion de consentement libre, préalable et éclairé a été, en quelque sorte, mal interprété. Le consentement libre, préalable et éclairé n'est pas un droit absolu; il faut le voir en contexte. Dans le contexte d'une évaluation environnementale ou d'une évaluation d'impact, cela renvoie à l'engagement, au travail en collaboration ainsi qu'au caractère juste et raisonnable, qui sont tous des éléments que la DNUDPA vient appuyer.
    À mon humble avis, le projet de loi C-262 est extrêmement important pour le Canada, mais je considère comme étant tout aussi importante une référence à la DNUDPA dans d'autres textes législatifs, et particulièrement dans ceux qui ont une incidence directe sur les peuples autochtones et ceux auxquels l'État et les députés de la Chambre ont convenu d'apporter des clarifications. Au même titre que l'on reconnaîtra la Charte des droits — et qu'on l'a reconnue de diverses façons par l'intermédiaire de politiques et de lois —, la DNUDPA est un élément très important pour favoriser l'entente.
    Je suis d'accord, et j'ajouterais que lorsqu'une loi est adoptée par la Chambre, elle s'accompagne de dispositions de mise en application. Je crois que nous passons à juste titre un temps considérable à réfléchir aux implications associées à la mise en application, mais il ne faut pas oublier que la loi a aussi une fonction éducative. Dans la mesure où la DNUDPA est mentionnée non seulement dans le projet de loi C-262, mais aussi dans une loi qui parle d'évaluation environnementale, cela permettra de contribuer à cette tâche consistant à informer le public — c'est-à-dire ceux qui ont affaire avec le régime d'évaluation et qui doivent s'y conformer — que la DNUDPA existe bel et bien et qu'elle fait elle aussi partie de ce processus.
    D'accord.
    Je vais aussi donner la chance à M. Slade de nous dire ce qu'il pense de cela.
    Eh bien, je suis d'accord avec tout ce que la professeure Turpel-Lafond et le professeur Borrows ont dit sur la nécessité d'insérer la DNUDPA dans toutes les lois qui concernent les intérêts autochtones, y compris dans les mesures législatives qui ont une incidence sur les conditions sociales. Il s'agit manifestement d'une prise de position positive, bien que certains puissent dire que cela n'est pas nécessaire en alléguant que le droit canadien a été conçu de manière à ce que personne ne fasse l'objet de discrimination fondée sur la race. Que ce soit le cas ou non, il est de toute évidence nécessaire d'évoquer la situation en quelque sorte unique des peuples autochtones, et j'en veux pour preuve les statistiques que vous mentionniez tout à l'heure.
    Toutefois, en ce qui concerne le territoire, j'ai l'impression que les choses se résument à des attentes. Il faudrait que quelqu'un ait dormi à poings fermés depuis belle lurette pour ignorer que des attentes se sont manifestées concernant la propriété des terres ancestrales et la notion de consentement libre, préalable et éclairé, ce qui, à mon humble avis, nécessitera des clarifications et une attention soignée. Je n'essaie pas de dépeindre la chose sous un jour négatif, mais il convient de rappeler que les attentes doivent être prises en considération dès que nous les voyons émerger.

  (1610)  

     Au tour maintenant de Cathy McLeod.
    Merci à tous les témoins, surtout à ceux de ma province, la Colombie-Britannique.
     Je ne veux pas avoir l'air de m'acharner sur la notion de consentement libre, préalable et éclairé, mais je me dois de revenir sur ce que nous disions. Quiconque a suivi les discussions au sein de l'Assemblée des Premières Nations ces derniers jours sait que de nombreux points de vue différents semblent avoir été exprimés sur ce que la notion de consentement libre, préalable et éclairé et le projet de loi C-262 permettraient d'accomplir.
    Certains des témoins d'aujourd'hui ont une idée très claire de cette notion, mais même mes collègues du NPD en ont donné une définition beaucoup plus vaste la semaine dernière à la télévision, puis aujourd'hui à la Chambre. C'est, en partie, pour cette raison que je crois sincèrement qu'il est important que la définition favorise, comme vous l'avez dit, une compréhension commune, faute de quoi nous créerons beaucoup de problèmes à l'avenir.
    Monsieur le juge Slade, auriez-vous l'obligeance de nous dire ce que vous en pensez? Nous avons eu trois définitions de la part d'un témoin. Nous avons entendu toutes sortes de réponses ces derniers jours, alors je pense que la définition nous donne du fil à retordre.
    Je crois que la Déclaration met l'accent sur la sollicitation d'un consentement, et non pas l'exigence d'un consentement. Qui pourrait prétendre que ce n'est pas une bonne idée?
    Je crois que personne ne dirait que ce n'est pas une bonne idée.
    Comme je ne serai jamais appelé à statuer sur la question, je crois pouvoir affirmer sans me tromper qu'il est assez clair pour moi, à en juger par la DNUDPA et le mouvement en faveur de sa mise en oeuvre, par voie législative ou simplement au moyen de politiques, que cette mesure n'aura aucun effet perturbateur sur la common law canadienne.
    Un expert en matière de droit a qualifié le projet de loi de quasi constitutionnel. Les gens seraient-ils d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas d'une mesure législative typique, en raison de sa nature quasi constitutionnelle?
    J'aimerais que vous me répondiez rapidement par oui ou non, et ma question s'adresse à vous trois.
    Je crois qu'en l'occurrence, le projet de loi met en application notre Constitution; donc, à cet égard, il y a un lien. Bien entendu, le projet de loi pourrait être modifié lors d'une législature subséquente et, par conséquent, il n'est pas constitutionnel de ce point de vue-là. En effet, un autre parti pourrait envisager d'autres moyens de mettre en oeuvre la DNUDPA.
    Pour revenir à la question précédente, je pense que vous avez raison, en ce sens qu'il y aura des divergences d'opinions sur ce que signifie la notion de consentement libre, préalable et éclairé. C'est pourquoi le processus et les principes qui guident le projet de loi sont importants.
    De la même façon, nous avons du mal à expliquer en quoi consistent l'égalité, la vie, la liberté, la sécurité, l'association ou la liberté de la presse; si nous devions attendre de définir la notion d'égalité, par exemple, avant d'essayer de la mettre en oeuvre par voie législative, nous n'y arriverions jamais, selon moi, car les opinions à ce sujet sont si variées. Il en va de même pour des notions comme la vie, la liberté ou la sécurité.
    Ainsi, nous devons nous engager à entreprendre une démarche qui permet de trouver des terrains d'entente, malgré les divergences d'opinions, et par la suite, dans le cadre du processus politique, nous pouvons nous efforcer d'en arriver à un compromis pour favoriser l'harmonisation...
    Merci.
    Désolée, j'ai d'autres questions à poser, et je ne dispose que de sept minutes.
    Je crois que nous pourrions mettre au point une définition fidèle à cet esprit, mais s'il s'agit vraiment d'une mesure législative quasi constitutionnelle, qui sera soumise au processus d'étude des initiatives parlementaires, sans que nous ayons la possibilité de faire preuve de diligence raisonnable en convoquant la ministre ici pour en parler... Un projet de loi d'initiative ministérielle est très différent d'un projet de loi d'initiative parlementaire; on parle ici d'une mesure législative très importante. Tout le monde semble en convenir.
    Monsieur le juge Slade, avez-vous des observations à ce sujet?

  (1615)  

    Franchement, je ne vois aucune différence. Cela dépend de la personne qui l'appuie, et je crois comprendre qu'à l'étape de la deuxième lecture, le gouvernement a donné son appui. Je dirais qu'il est un peu inhabituel d'adopter une loi demandant l'adoption d'une autre loi. En toute franchise, à moins que ce ne soit constitutionnel, je ne vois pas comment le tout pourrait être appliqué, mais cela transmet le message que l'auteur et le parrain du projet de loi et, sans doute, le gouvernement veulent le faire adopter. Qu'y a-t-il de mal à cela?
    L'article 19, qui porte davantage sur les lois d'application générale, vise à acquérir... Pour remplir ce genre de norme concernant les Inuits, les Métis, les groupes non encore définis dans l'affaire Daniels c. Canada et les Premières Nations d'un bout à l'autre du pays qui n'ont pas reconstitué...?
    Un autre point qui me préoccupe, c'est que nous avons créé quelque chose de tellement compliqué que le gouvernement ne pourrait même pas se permettre d'adopter une mesure comme le projet de loi C-45, parce que tout le monde aurait le droit de donner son consentement sur ces questions.
    Je suppose qu'il faut bien commencer quelque part.
    Je me ferai un plaisir de commenter certaines des hypothèses.
    Tout d'abord, l'article 19 de la DNUDPA vise à promouvoir une relation axée sur la collaboration. Toutefois, ce que je tiens à souligner — là encore, c'est en tenant compte de certains des témoignages et, manifestement, vous avez entendu de nombreux points de vue —, c'est que, sur le plan constitutionnel, la loi, c'est la loi. Les gens peuvent dire que cela signifie telle ou telle chose, mais ils se trompent.
    Par exemple, le consentement libre, préalable et éclairé n'est pas un concept absolu. Il a parfois été présenté comme tel par diverses personnes, mais c'est en fait inexact. Il s'agit d'un concept limité. C'est dans le contexte du caractère raisonnable, assorti d'un cadre.
    C'est la même chose pour la DNUDPA. Quelle sorte de loi est-ce? Eh bien, c'est une loi fédérale. J'ignore où commence et où se termine le tout. Chose certaine, il serait très important que toutes les parties ayant appuyé la Déclaration trouvent un moyen de la renforcer et de mettre fin aux désaccords.
    En tout cas, les questions techniques que vous avez posées ne me paraissent pas très difficiles à surmonter. La loi, c'est la loi.
    La parole est à Romeo Saganash.
    Merci, madame la présidente, et bienvenue à nos invités qui sont à Ottawa.

[Français]

    Bienvenue, professeur Borrows. Je sais que vous suivez des cours de français présentement, et j'espère que les choses vont bien de ce côté.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par les deux professeurs. Certains témoins experts qui ont comparu devant le Comité ont parlé des droits prévus dans la Déclaration comme étant des droits de la personne, et c'est ainsi qu'on les a définis au cours des 35 dernières années sur la scène internationale.
    Paul Joffe, un de nos experts juridiques, a parlé des droits garantis par la Charte, que nous trouvons dans la partie 1 de notre Constitution, et des droits prévus à l'article 35, que nous trouvons dans la partie II de notre Constitution. La Cour suprême les a qualifiés de dispositions apparentées.
    Nous savons que, dans notre système judiciaire, en vertu de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, la ministre de la Justice doit s'assurer que le projet de loi est conforme à la Charte des droits et libertés. Nous n'avons pas nécessairement cette obligation dans le cas des droits autochtones ou des droits issus de traités au sein de notre système.
    Pour ma part, j'estime que la ministre aurait cette obligation même sans le projet de loi C-262, mais croyez-vous que le projet de loi C-262 permettrait d'atteindre cet objectif? Chaque fois qu'une mesure législative sera envisagée à l'avenir, le gouvernement aura-t-il à s'assurer que ses lois sont conformes à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
    Je vais peut-être commencer par Mary Ellen.

  (1620)  

    Je suis d'avis qu'il s'agit là d'un objectif très important et impératif qui a déjà été accepté par le gouvernement fédéral, d'après ce que j'ai compris de la déclaration faite par le premier ministre, le 14 février à la Chambre des communes.
    De façon plus générale, conformément au principe de droit international adopté par le Canada, il s'agit ici de droits de la personne, et cela se rapporte à l'article 35. Cette disposition n'a pas toujours été appliquée comme il se doit. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de bonnes décisions individuelles, mais la présence de problèmes très importants sur le plan structurel a nui aux efforts visant à appliquer l'article 35 de façon respectueuse et positive, à travers le prisme des droits de la personne.
    Le projet de loi C-262 nous permet d'adopter une telle approche, comme cela aurait dû se faire dès le début, mais la profondeur de notre dialogue avait été limitée par de nombreux facteurs historiques. Parallèlement, nous améliorons la teneur de notre dialogue en reconnaissant que nous avons fait preuve d'un respect de longue date à l'égard des droits des peuples autochtones, mais bon nombre de nos lois, politiques et pratiques reposent sur l'hypothèse coloniale que les peuples autochtones n'occupaient pas les terres, qu'ils ne gouvernaient pas et qu'ils n'avaient pas de structures familiales. C'est dans un tel contexte colonial oppressif — lequel est fondé, nous le savons, sur de fausses prémisses — que les droits de la personne nous aident à repenser la question. Cette approche ne réglera pas tous les problèmes, mais elle nous aidera à revoir les choses.
    Les droits de la personne évoluent comme les branches d'un arbre vivant, et cette analogie s'applique ici aussi. J'insiste sur le fait que cela s'inscrit dans une tradition qui consiste à utiliser une approche raisonnable — je ne dis pas « progressive » —, réfléchie et limitée, mais cela devrait également faire partie de la notion courante de droits de la personne. Tous les droits de la personne ont des limites, mais ils nous offrent un moyen très précieux de comprendre la façon dont nous nous définissons les uns par rapport aux autres et la façon dont le gouvernement interagit avec les citoyens.
     Monsieur Borrows.
    Je suis d'accord et je dirais que l'orientation est également souhaitable. On suppose parfois que les peuples autochtones s'opposent catégoriquement, dans un esprit d'affrontement ou de conflit, à la façon dont nous voulons évoluer comme citoyens de ce pays. La notion de compatibilité renvoie à l'idée très importante et très puissante que nous pouvons nous efforcer de vivre ensemble de manière complémentaire et harmonieuse, au lieu de vivre dans deux univers incompatibles et déphasés l'un par rapport à l'autre. Le fait que le gouvernement entreprendrait ce genre d'examen en est un aspect important, mais cela envoie le message plus général que nous n'avons pas besoin de toujours voir le monde de façon diamétralement opposée.
    Je voudrais parler du paragraphe 2(2) du projet de loi C-262, ainsi que de l'article 3. Le paragraphe 2(2) dit que le projet de loi de C-262 ne peut être interprété comme ayant pour effet de retarder l'application en droit canadien de la DNUDPA, et l'article 3 précise que la DNUDPA constitue un instrument garantissant les droits internationaux de la personne et qu'elle trouve application au Canada. J'aimerais savoir si nos invités sont d'accord sur ces deux dispositions.
    Nous devrions peut-être commencer par le juge Slade.
    Il nous reste une minute et demie.
    Les autres pourront peut-être en dire plus long à ce sujet, mais somme toute, je suis d'accord.
    Mary Ellen.
    Oui, je crois que c'est très utile parce que nous nous sommes retrouvés devant l'imbroglio qui accompagne parfois le déni fondamental des droits. Je pense donc que c'est extrêmement valable parce que c'est affirmatif. Est-ce superflu? Non. C'est affirmatif, ce qui est important.
    Je n'ai rien d'autre à ajouter.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mike Bossio.
    Madame la présidente, je vais céder mon temps de parole à Dan Vandal.
    Merci à tous de vos excellents exposés.
    Je suppose que la question que j'aimerais poser à vous tous est la suivante. Disons que le projet de loi C-262 sera approuvé, mais avant d'en arriver là, avez-vous des suggestions quant à la façon dont nous pouvons améliorer ce projet de loi d'initiative parlementaire? Avez-vous des propositions d'amendements si nous poursuivons dans cette voie?
    Commençons par Mary Ellen.

  (1625)  

     Oui, il y aurait lieu de clarifier un point, selon moi. Dans une certaine mesure, c'est en raison de quelques-uns des malentendus entourant la notion de consentement libre, préalable et éclairé, ainsi que des opinions extrêmes qui s'y rattachent. Je crois que nous devons faire preuve de modération et respecter notre histoire constitutionnelle. En particulier, dans le préambule, nous pourrions ajouter un nouveau paragraphe qui dirait quelque chose comme: attendu que la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones constitue un cadre fondé sur des principes pour la justice, la réconciliation, la guérison et la paix.
    Je crois qu'on devrait mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit de rassembler les gens, et non de les séparer. Ayant moi-même beaucoup travaillé avec les peuples autochtones tout au long de ma carrière, j'ai constamment fait face à des événements, des cas, des négociations, ou peu importe, axés sur l'affrontement. Mais, au bout du compte, les initiatives les plus durables et les plus réussies sont celles qui reposent sur l'engagement envers la réconciliation, la guérison et la paix. Il existe quelques précédents historiques comme — j'en ai déjà parlé — les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, où les gens travaillent ensemble et, peu importe si l'on parle de consentement ou de rétablissement de la paix, cela a donné des résultats remarquablement positifs.
    Je vous dirais donc respectueusement qu'il y a lieu d'apporter une amélioration en précisant que le projet de loi a pour objet de créer des relations plus harmonieuses et plus pacifiques... Ce n'est pas une initiative radicale qui vise à mettre les choses sens dessus dessous. Cette mesure législative porte en réalité sur les droits de la personne, la paix et l'harmonie. Je crois qu'une telle précision pourrait aider à régler certaines des interprétations peut-être extrêmes que vous avez entendues et qui, selon moi, ne sont pas fondées. Il s'agit de préciser tout simplement que nous misons sur la réconciliation, la guérison et la paix. Je crois qu'il serait très utile d'insister là-dessus.
    Merci.
    Harry Slade.
    Je crois que j'ai déjà expliqué en quoi il serait très souhaitable d'apporter des précisions. Selon le libellé actuel, la notion de consentement libre, préalable et éclairé, en particulier, laisse place à l'interprétation, si bien qu'elle signifiera telle chose pour certains et telle autre chose pour d'autres.
    La dernière chose dont on a besoin, c'est un conflit au sujet des interprétations données à l'objet de la DNUDPA et de l'article qui prévoit le consentement libre, préalable et éclairé. J'encourage donc, à l'instar de Mme Turpel, l'adoption d'un amendement au préambule dans cet esprit-là.
    Merci.
    Monsieur Borrows.
    Je serais heureux de voir un tel amendement. Je signale que nous avons le libellé concernant l'harmonisation et la compatibilité. Dans le Traité du Niagara, qui remonte à la naissance du Canada dans le centre du pays, il était question de paix, d'amitié et de respect. Je crois qu'il existe une longue tradition constitutionnelle qui consiste à cultiver le vivre-ensemble dans cette optique. En tout cas, la proposition de Mary Ellen serait conforme à l'espoir général qui nous anime lorsque nous établissons des relations scellées par des traités.
    Merci.
     Voilà. C'est donc sur ces mots que nous conclurons l'ensemble des témoignages, et je crois que nos invités s'entendent pour dire que cette mesure législative fera progresser le Canada de façon positive. Toutefois, il y a clairement une part d'incertitude. C'est ce que nous disent de grands exploitants industriels, surtout dans le secteur minier, notamment en ce qui a trait aux questions liées à la notion de consentement libre, préalable et éclairé, mais, dans l'ensemble, les discussions mettent en évidence la loi et l'ordre au Canada, le principe du bon gouvernement et la nature positive de cette mesure.
    Je tiens à vous remercier de votre présence. Là, je vois que nous devons nous occuper d'une petite question liée aux travaux du Comité. Je cède la parole à Kevin Waugh.
    Merci, madame la présidente.
    En ce qui concerne le projet de loi C-262, Loi relative à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, je propose une motion voulant que:
a) la présidente du Comité écrive le plus rapidement possible aux présidents des comités permanents suivants pour les inviter à examiner la teneur dudit projet de loi:
(i) le Comité permanent des ressources naturelles;
(ii) le Comité permanent de la justice et des droits de la personne;
(iii) le Comité permanent de l'environnement et du développement durable;
b) chacun des comités permanents nommés au paragraphe a) soit invité à faire part de ses recommandations, y compris toute proposition d'amendement, dans les deux langues officielles, dans une lettre adressée à la présidente du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, au plus tard le 31 mai 2018;
c) les amendements proposés conformément au paragraphe b) soient réputés être proposés au cours de l'étude article par article du projet de loi C-262, et sous réserve d'amendements proposés par les membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, sans égard aux recommandations reçues conformément au paragraphe b);
d) les amendements au projet de loi C-262, autres que ceux réputés être proposés conformément au paragraphe b), soient présentés au greffier du Comité avant le 31 mai 2018 et qu'ils soient distribués aux membres dans les deux langues officielles;
e) le Comité fasse une étude article par article du projet de loi C-262 le mardi 5 juin 2018.
    J'ai le libellé dans les deux langues officielles.

  (1630)  

     Merci.
    Y a-t-il des observations?
    Un député: Non.
    Merci, Dan...
    Il n'y en a pas.
    (La motion est rejetée.)
    La présidente: La séance est levée.
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