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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 118 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue au Comité de la défense nationale.
    Je veux souhaiter la bienvenue à Marie-Claude Gagnon qui est ici pour nous parler du projet de loi C-77. Je vous cède la parole sans plus tarder pour vos observations préliminaires.

[Français]

    C'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui. Je voudrais remercier le Comité de me donner l'occasion de présenter mes réflexions et mes observations sur un sujet aussi complexe et délicat.
     Je m'appelle Marie-Claude Gagnon. Je suis une ancienne réserviste franco-ontarienne de la Marine canadienne et une survivante de traumatismes sexuels subis dans le cadre du service militaire. Je suis la fondatrice du groupe It's Just 700, un groupe qui permet aux hommes et aux femmes souffrant d'un traumatisme sexuel d'origine militaire de renouer avec leurs pairs, de recevoir du soutien et de s'informer sur les services à leur disposition, que ces services soient fournis ou non par les Forces armées canadiennes, ou FAC, Anciens Combattants Canada ou par d'autres organismes concernés.
    Je vous présenterai aujourd'hui mes préoccupations concernant le projet de loi C-77, qui vise notamment à établir une charte des droits des victimes militaires qui reflète les protections qui existent déjà pour la population civile.
    Je pense que ce projet de loi est une étape louable pour les FAC, dans la mesure où il contribue à créer un environnement de travail, d'apprentissage et de vie plus sûr, exempt de violence sexuelle pour tous ses membres. Cependant, j'estime que la manière dont les FAC fonctionnent et ce qui les distingue de la société civile sont deux facteurs qui peuvent empêcher les victimes militaires de bénéficier des mêmes droits et de la même protection que ceux accordés à leurs homologues civils.
    Par exemple, le système de justice militaire ne fonctionne pas de la même manière que le système de justice civile. Les méthodes d'enquête, le moyen d'accéder à l'information, les services disponibles en matière d'aide aux victimes tels que les services provinciaux d'aide aux victimes de crimes, les mécanismes de contrôle et de responsabilisation externes en place, et même l'expertise et la formation des personnes évoluant dans le système de justice diffèrent.
    En outre, les exigences opérationnelles, l'obligation de signalement, les changements fréquents de personnel, les mutations et les affectations fréquentes, l'éthique des FAC, les politiques désuètes toujours en vigueur, le déséquilibre causé du fait de pouvoir créer, par les grades, la proximité relativement aux conditions de travail et de vie, le déséquilibre entre les sexes et la nécessité d'une discipline stricte ont une incidence sur les victimes militaires qui les distingue des victimes de la société civile.
    Aujourd'hui, je soulignerai certaines de ces différences qui, à mon avis, ont une incidence unique sur les droits et la protection des victimes militaires. Je suggérerai des moyens de faire en sorte que ces différences soient reflétées dans cette loi proposée. Ce n'est pas une liste exhaustive de tous les éléments qui, selon moi, devraient être améliorés, mais plutôt une liste des éléments les plus susceptibles d'être reçus et modifiés, et qui profiteront à la plupart des victimes militaires.
    Je présente ces recommandations en tenant pour acquis que le système de justice militaire conservera son droit de juger les crimes d'agression sexuelle. Je serai prête à formuler des recommandations supplémentaires, si la Cour suprême du Canada en décide autrement dans un avenir proche.
    Ma participation aujourd'hui ne doit pas être considérée comme une déclaration qui soutient le maintien ou le transfert de la gestion des crimes de violence sexuelle par le système de justice militaire.

[Traduction]

    À ce sujet, j'aimerais citer un commentaire du colonel David Antonyshyn, juge-avocat général adjoint pour la justice militaire au ministère de la Défense nationale et au sein des Forces armées canadiennes lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense le 28 mai 2018:
Les victimes et survivants d'agressions sexuelles et d'autres crimes sexuels ont le choix de l'endroit où ils veulent déposer leurs plaintes. Il n'y a aucune obligation de s'adresser aux forces policières civiles ou militaires. Le choix appartient à la victime. L'enquête sera souvent déterminée par l'entité qui a été saisie de la question. Certains cas d'agressions sexuelles font l'objet d'une enquête par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes et sont transmis aux autorités civiles où ils font l'objet de procès civils.
    J'aimerais en faire ma première et principale recommandation. Il faut que les victimes militaires soient au courant de ce droit de choisir que leur confère le projet de loi C-77 ainsi que du droit d'obtenir de l'aide quant à la façon de procéder pour demander le transfert d'une cause aux autorités civiles.
    Ma deuxième recommandation vise l'ajout d'un ensemble de principes fondamentaux semblables à ceux énoncés dans le préambule de la Charte canadienne des droits des victimes. J'aimerais tout particulièrement que l'on reprenne les principes suivants:
[L]es victimes d'actes criminels et leurs familles méritent d'être traitées avec courtoisie, compassion et respect, notamment celui de leur dignité;

[I]l importe que les droits des victimes d'actes criminels soient pris en considération dans l'ensemble du système de justice pénale.
    On ne retrouve rien de tel dans le projet de loi dans sa forme actuelle.
    Mes troisième, quatrième et cinquième recommandations portent sur l'agent de liaison désigné pour la victime. Pour établir le bien-fondé de ces recommandations, j'aimerais souligner l'une des conclusions du Rapport 5 du Bureau du vérificateur général concernant les comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes. Dans ce rapport rendu public mardi, on indique que les mesures nécessaires pour s'assurer d'offrir à la victime tout le soutien voulu n'ont été prises que dans 31 des 46 dossiers de la police militaire soumis à l'audit du Bureau du vérificateur général. Ainsi, on ne communiquait pas toujours avec la victime pour consigner sa déclaration. On ne lui transmettait pas nécessairement la documentation requise et il arrivait même qu'on ne lui offre pas de soutien ou qu'on ne la dirige pas vers d'autres ressources au début de l'enquête.

  (1105)  

    Je crois que ces lacunes expliquent en partie la décision de mettre un agent de liaison à la disposition des victimes souhaitant obtenir plus d'information pour s'y retrouver dans le processus judiciaire. Selon le paragraphe 71.16(1) du projet de loi, ce service de liaison est toutefois fourni « sur demande de la victime », une requête à laquelle le commandant doit donner suite « dans la mesure du possible ». Et on ajoute au paragraphe suivant:
À moins que des raisons opérationnelles ne l'en empêchent, un commandant nomme un autre officier ou militaire du rang pour remplacer l'agent de liaison de la victime en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier.
    Comme le fait valoir un membre de mon groupe, la majorité des victimes ne sauront pas qu'elles peuvent demander l'aide d'un agent de liaison. Il faudrait donc supprimer la précision « sur demande de la victime » dans ce paragraphe. C'est ma troisième recommandation.
    Cela m'amène à ma quatrième recommandation suivant laquelle il ne faut pas renoncer au droit à l'assistance d'un agent de liaison en cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, notamment pour des raisons opérationnelles.
     Comme l'indiquait la juge à la retraite Deschamps dans son rapport « Examen externe sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes » rendu public en 2015:
... les circonstances uniques qui entourent l'entraînement, les déploiements opérationnels et la formation professionnelle peuvent créer des conditions particulières de vulnérabilité. Plus précisément, lorsqu'une ou un militaire se retrouve dans un nouveau lieu d'affectation, plusieurs facteurs peuvent augmenter sa vulnérabilité et en faire une cible pour un comportement sexuel inapproprié. Comptent parmi ces facteurs, la perte de soutien familial, communautaire et social, et un manque de connaissance de la chaîne de commandement temporaire ou de confiance dans celle-ci.
    Ces considérations deviennent encore plus pertinentes dans le contexte des efforts de déploiement actuels des Forces armées canadiennes dans le cadre du Plan d'action national du Canada pour la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est la raison pour laquelle je suis convaincue que des motifs opérationnels ne devraient pas être invoqués pour justifier le fait qu'un agent de liaison n'est pas désigné pour aider la victime.
    Ma cinquième recommandation porte sur le rôle conféré à l'agent de liaison et les exigences de formation qui s'appliquent.
    Si l'on permet au commandant ou à la victime de désigner un autre officier, on se retrouvera avec des agents de liaison qui ne possèdent ni la formation ni les compétences nécessaires pour s'acquitter d'une telle tâche.
    Lindsay Rodman est chargée d'affaires internationales pour le Canada au sein du Council on Foreign Relations et membre de l'Institut canadien des affaires mondiales. Dans un article où elle se demande si le projet de loi canadien visant à protéger les victimes militaires va suffisamment loin, elle indique que le recours à des agents de liaison n'a pas fonctionné aux États-Unis où il a fallu fournir aux victimes leur propre avocat.
    Elle recommande même que l'on en fasse autant au sein du système de justice militaire au Canada:
Pour fournir des avocats aux victimes aux États-Unis, il a fallu déployer des ressources considérables, ce qui a exigé un engagement de la part des plus hautes instances. C'est un pari qui n'a pas manqué de soulever la controverse, mais il a rapporté des dividendes. Le projet de loi C-77 est un premier pas dans la bonne direction, mais si l'on se contente de traiter les victimes militaires sur le même pied que les victimes civiles, elles ne comprendront peut-être pas assez clairement qu'elles seront protégées et entendues si elles dénoncent leur agresseur. Si les Forces armées canadiennes comptent vraiment s'attaquer à ce problème, elles devront en faire davantage.
    Que l'on décide ou non de fournir des avocats aux victimes — la solution idéale à mon avis —, je ne crois pas que le recours à un agent de liaison suivant les paramètres de ce projet de loi permettra, compte tenu de l'aide limitée qu'il sera en mesure d'apporter, de corriger les lacunes mises au jour dans le rapport rendu public mardi par le Bureau du vérificateur général quant aux services offerts aux victimes.
    L'agent de liaison devrait tout au moins avoir la formation suffisante pour offrir les services nécessaires à la victime en tenant compte de sa situation et des traumatismes qu'elle vit. Le rôle de l'agent de liaison devrait être élargi de telle sorte qu'il puisse guider la victime tout au long du processus judiciaire; l'informer des documents dont elle peut demander la communication en vertu du projet de loi, et l'aider à obtenir ces documents pour lui faciliter la tâche; et lui indiquer comment elle peut avoir accès à d'autres services d'aide et renseignements juridiques.
    Toute personne appelée à jouer ce rôle à titre de suppléant devrait posséder un bagage convenu de connaissances, d'expérience et de formation, et ne pas être en conflit d'intérêts. Les motifs justifiant le choix du substitut et les raisons pour lesquelles l'agent de liaison a dû être remplacé devraient être clairement consignés au dossier.
    Ma cinquième recommandation serait donc que l'on précise ce rôle additionnel que je viens de décrire pour l'agent de liaison au paragraphe 71.17(3) proposé en s'assurant que les exigences en matière de formation sont clairement énoncées dans le projet de loi ou dans un règlement qui en découlera.

  (1110)  

[Français]

    Ma sixième recommandation vise à ajouter une section sur les endroits où les victimes peuvent trouver de l'information sur leurs droits.
     Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels fournit aux victimes de l'information sur leurs droits, ainsi que les ressources et les services mis à leur disposition. Je ne trouve pas d'équivalent pour les victimes militaires. Je recommande que le projet de loi mentionne clairement l'endroit où une victime peut trouver ce genre de renseignements ou que cette information sera précisée dans un règlement.

[Traduction]

    Ma huitième recommandation vise à préciser les exigences relatives à une formation axée sur la victime pour tous les intervenants dans le système de justice militaire.
    Je comprends que la décision d'étendre la portée des audiences sommaires vise à accélérer les choses, mais les officiers militaires, qu'ils soient de l'artillerie, de l'aviation ou de la marine, chargés de présider ces audiences doivent pouvoir s'appuyer sur une orientation et une formation suffisantes.
    Selon le « Rapport 5—Les comportements sexuels inappropriés—Forces armées canadiennes » du Bureau du vérificateur général, la formation offerte à la chaîne de commandement n'était pas suffisante pour aider les militaires à mieux comprendre comment intervenir auprès des victimes et leur venir en aide. On note dans le même rapport que l'information consignée dans 21 des 53 dossiers étudiés a révélé que les victimes avaient ressenti de la peur, de la détresse, un inconfort et un manque de soutien, et qu'elles avaient subi des représailles ou avaient été blâmées, notamment par leur commandant, des officiers supérieurs, des instructeurs et des collègues.
    Je recommande donc que l'on ajoute à ce projet de loi une obligation de former tous les intervenants du système de justice militaire relativement aux droits des victimes et aux mesures à prendre en tenant compte des traumatismes vécus. On réduira ainsi les risques d'aggraver ces traumatismes, d'en créer de nouveaux ou de laisser une victime à elle-même alors que ses conditions de travail ou de vie mettent sa santé ou sa sécurité en péril.
    En confiant les audiences sommaires à du personnel moins bien formé et moins expérimenté dans le cadre d'un système beaucoup plus décentralisé couvrant une vaste périphérie, on s'expose à de nouveaux obstacles. Ma neuvième recommandation vise à préciser la définition de certains termes afin de diminuer les risques qu'ils soient utilisés à mauvais escient ou mal interprétés.
    Il y a d'abord la déclaration de la victime. Il faudrait préciser dans la définition de ce terme que cette déclaration doit être à l'abri de toute forme d'influence, de caviardage ou de modification par le commandant, les Forces armées canadiennes ou qui que ce soit d'autre.
    Il faudrait en outre fournir une définition claire et précise de ce qu'on entend par « mesures raisonnables et nécessaires ».
    Il convient également d'ajouter une définition indiquant quelles actions peuvent être considérées comme des mesures d'« intimidation et représailles » en incluant une précision sur les cas d'inférence défavorable comme le retrait d'un corps de métier, d'un lieu de travail, d'une division, d'un peloton, d'une compagnie, d'un navire ou d'une unité, à moins que ce ne soit à la demande de la victime.
    Je veux aussi suggérer un petit changement afin de mieux assurer la sécurité des victimes. Si la cour martiale décide de suspendre l'application d'une sanction, elle ne doit pas indiquer uniquement qu'elle a pris en compte la sécurité de toutes les victimes concernées, mais aussi préciser comment elle s'y est prise pour ce faire.

[Français]

    Avant de conclure, je voudrais aborder deux points supplémentaires à considérer.
    Premièrement, il faudrait ajouter quelques mots sur le soutien offert aux victimes militaires lorsque leur cas est transféré au système de justice civile. Le transfert de cas aux autorités civiles doit être soigneusement planifié afin de garantir la protection des droits de chacun.
    Le manque d'information sur l'accès aux documents militaires et aux dossiers médicaux, la chronologie d'accès aux renseignements militaires et aux dossiers médicaux, les différences de traitement d'une province à l'autre quant aux trousses distribuées en cas de viol, l'application des engagements de ne pas troubler la paix publique ainsi que les coûts du transport des témoins et des victimes clés d'une province à une autre ne sont que quelques exemples d'obstacles que les victimes militaires doivent surmonter. Les victimes militaires devraient pouvoir compter sur un agent de liaison qui les aiderait à naviguer entre les deux systèmes, au moins jusqu'à ce qu'elles soient prises en charge par un service provincial d'aide aux victimes.
    Deuxièmement, il faudrait veiller à ce qu'il y ait une parité entre les hommes et les femmes dans les groupes d'experts militaires. Les accusés ont généralement le droit de choisir entre une cour martiale permanente et une cour martiale générale devant un juge militaire et un groupe d'experts composé de cinq militaires. Selon les FAC, les comités de la cour martiale sont choisis au hasard par l'administrateur de la cour martiale. Ils remplissent une fonction semblable à celle des jurys dans un procès civil et doivent parvenir à une décision unanime en cas de condamnation.
    Comme les hommes sont plus nombreux que les femmes dans les FAC, il est presque inévitable qu'une forte majorité d'hommes soient choisis au hasard pour faire partie d'un groupe. Le processus pourrait rester aléatoire, mais être peaufiné pour assurer une représentation plus équilibrée.

  (1115)  

[Traduction]

    En conclusion, comme l'expliquait Lindsay Rodman, il faut offrir aux victimes l'aide nécessaire pour compenser les normes défaillantes du système de justice militaire de telle sorte qu'elles aient accès aux mêmes droits et aux mêmes protections que les victimes civiles.
    J'estime que mes recommandations pourraient contribuer à alléger une partie du fardeau supplémentaire qui pèse sur les victimes militaires.
    Merci.
    Un grand merci pour votre important témoignage de ce matin ainsi que pour les services que vous avez rendus au Canada.
    Est-ce votre première comparution devant un comité?
    J'ai déjà comparu devant un autre comité.
    Ce n'est donc pas une première pour vous. Je n'ai aucun problème à interrompre mes collègues, mais je vais fonctionner différemment avec vous. Si vous me voyez lever ce bout de papier, cela signifiera simplement qu'il est temps de conclure. J'aimerais mieux ne pas avoir à vous interrompre, mais je dois gérer le temps utilisé de part et d'autre. Alors, si je lève ce papier, c'est qu'il vous reste 30 secondes pour terminer votre réponse.
    Les sept premières minutes vont à M. Robillard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie notre témoin de son excellent témoignage.
    Madame Gagnon, je tiens d'abord à vous féliciter pour la création de l'organisme It's Just 700.
    En tant qu'ancien officier des cadets de l'Aviation royale canadienne, je me demande si votre organisme offre des services aux cadets. Sinon, votre organisation planifie-t-elle de le faire éventuellement?
    Il est un peu plus difficile d'offrir des services aux cadets, étant donné qu'il s'agit de mineurs. En ce moment, je m'occupe davantage des gens des Forces armées canadiennes, mais si un cadet devenu adulte avait vécu une situation problématique alors qu'il était enfant, il est certain que je m'en occuperais.
    Merci.
    Nous parlons souvent des bienfaits de la création du poste de conseiller juridique des victimes dans le système américain de justice militaire. Ce conseiller aide les victimes d'agression sexuelle dans les forces armées à sentir qu'elles peuvent se confier en toute confiance et sécurité.
    Le projet de loi C-77 devrait-il offrir plus qu'un agent de liaison aux victimes d'une infraction d'ordre militaire et leur donner accès à un conseiller juridique?
    Idéalement, oui. Selon moi, ce serait essentiel dans tous les cas où les militaires se heurtent à des obstacles.
    Pouvez-vous recommander des mesures précises pour améliorer le projet de loi C-77? Y a-t-il des choses que vous n'avez pas eu le temps de mentionner dans votre témoignage de ce matin?
    Mise à part la possibilité de créer un poste de conseiller juridique, les suggestions que j'ai données sont celles les plus susceptibles de fonctionner. Il est certain qu'il y a plein d'autres choses importantes qui pourraient être améliorées. Le soutien en est une, mais il y a aussi la transmission d'information lors du transfert des cas, surtout vers le système civil. Le processus est très complexe et les gens ont besoin de soutien pour comprendre le système et naviguer dans celui-ci.
    Merci.

[Traduction]

    Est-ce que je peux partager mon temps?
    Oui.
    Vous avez cité le préambule de la Charte canadienne des droits des victimes en indiquant que vous souhaiteriez voir quelque chose de semblable dans le projet de loi C-77. Vous parliez très rapidement, car vous vouliez nous transmettre le plus d'information possible. Je comprends cela et je vous en remercie. Pourriez-vous toutefois nous expliquer un peu mieux ce que vous proposez au sujet du préambule? Le projet de loi C-77 est déjà un reflet de la Charte à certains égards.
    Je veux donc vous donner l'occasion de nous en dire plus long au sujet de ce qui devrait selon vous se retrouver dans ce préambule.
    Le préambule de la Charte canadienne des droits des victimes met l'accent sur le respect et la dignité des victimes, une volonté que l'on ne retrouve pas dans le projet de loi C-77 d'après ce que j'ai pu constater.
    Voudriez-vous que l'on utilise exactement le même préambule?
    Oui, dans la mesure du possible. Il y a certains éléments qui ne conviendraient sans doute pas, mais j'aimerais que l'on s'inspire le plus possible du préambule de la Charte.
    Quand vous avez parlé du paragraphe proposé 71.16(1), vous alliez un peu vite, et je vous écoutais en français. Il est écrit « sur demande de la victime ». Vous affirmez qu'il est peu probable que les victimes ne sachent pas qu'elles peuvent le demander. La procédure actuelle ne prévoit-elle pas qu'on les informe de leurs recours?

  (1120)  

    Non, elles ne peuvent pas savoir à quoi elles ont accès, surtout si elles n'ont pas d'avocat pour les représenter, ni d'information juridique. Si on ne le leur dit pas, elles ne sauront pas qu'elles ont le droit d'avoir accès à un agent de liaison de la victime. Ce sera laissé à la discrétion de qui? Du CIIS? De la chaîne de commandement?
    Le fait est que les victimes sont souvent très jeunes. Elles viennent tout juste d'entrer dans l'armée et ne connaissent pas grand-chose. La plupart des personnes que j'ai vues souffrir de violence sexuelle n'ont pas les connaissances nécessaires pour cela, même si elles se sont enrôlées il y a six mois ou plus. Il n'est pas facile de se débrouiller pour trouver l'information, et la plupart des victimes n'ont pas accès au RED, qui est l'intranet. Et même si elles y ont accès, elles ne sauront même pas où chercher.
    Si on enlevait les mots « sur demande de la victime » est-ce que cela réglerait le problème? Cela signifierait-il qu'elles obtiendraient automatiquement...?
    En toute honnêteté, cela ne réglerait pas le problème. Comme vous pouvez le lire dans le rapport du BVG qui a été publié mardi, il y a des processus qui ont été adoptés, mais qui ne sont pas suivis. De toute évidence, seules la surveillance et la reddition de comptes pourront garantir l'accès à ces services. Il y a beaucoup de recommandations dans ce projet de loi, mais il manque de mordant pour responsabiliser les gens.
    C'est d'ailleurs un autre volet qui mériterait qu'on s'y attarde: les mesures de responsabilisation. Selon un autre rapport du BVG, il y a un manque de responsabilisation. Bref, il existe un système, mais est-ce qu'on l'utilise à bon escient? C'est une autre histoire.
    Parlez-moi un peu de la façon dont vous entrevoyez la formation de l'agent de liaison.
    L'agent de liaison doit être une personne qualifiée. Si ce n'est pas elle qui fournit de l'aide juridique, elle doit au moins pouvoir fournir à la personne la liste de tout ce qu'elle peut obtenir sur demande. Elle doit connaître tous les services accessibles sur demande aux termes du projet de loi. Elle doit être au courant. Elle doit être informée des droits des victimes.
    Par exemple, quand on signe les documents médicaux pour entrer dans la police militaire au début, on se trouve à donner accès à tous ses dossiers à la police. Y aurait-il moyen de limiter cela ou au moins de limiter ce qui peut être affiché à l'écran quand tous les membres de l'unité sont là, peut-être même pendant le procès? Y a-t-il des choses que la personne devrait savoir avant de donner son consentement en signant les documents? C'est le genre d'information que l'agent de liaison de la victime pourrait lui donner.
    Merci.
    Je demanderais à toutes les personnes présentes dans la pièce de bien vouloir mettre leur téléphone ou leur tablette en mode silencieux, s'il vous plaît.
    Madame Gallant.
    Monsieur le président, j'aimerais signaler à notre témoin, par votre entremise, que le rapport du vérificateur général a révélé une conséquence inattendue de l'obligation de signaler les comportements sexuels inappropriés. Il y a eu une augmentation du nombre de plaintes déposées par une tierce partie pour dénoncer des comportements sexuels inappropriés, des plaintes parfois même déposées contre la volonté de la victime. Faut-il mieux protéger les droits des victimes à l'égard du signalement des comportements sexuels inappropriés?
    Oui. Le rapport judiciaire est une chose complexe. Il crée beaucoup d'aversion, parce que d'une part, on veut que tout le monde soit en sécurité et que chacun puisse agir, mais d'autre part, le fait de soumettre les gens à un système auquel ils ne sont pas ouverts, quand ils ne sont pas prêts, sans aide, ne fera qu'aggraver les choses et pousser les gens à demander inutilement une libération pour des raisons médicales. Ils quitteront l'armée parce qu'ils ne sont pas prêts, mentalement, à se soumettre à tout cela.
    Il y a aussi les représailles qui ne sont pas tellement prises en compte. Il y a un petit quelque chose ici sur les représailles, mais en quoi consistent les représailles et comment sont-elles gérées? Il faut le savoir si l'on veut assurer la protection des personnes qui subissent des représailles. Comme le disaient la juge Deschamps et le vérificateur général (dans son rapport), il y a des personnes qui ont dénoncé des incidents qui ont subi des représailles, donc c'est l'une des mesures susceptibles de protéger les victimes et de les inciter à dénoncer les incidents.
    Avant de forcer les gens à faire des signalements, il faudrait au moins veiller à ce qu'il y ait un système en place pour assurer leur protection et leur sécurité et à ce qu'il fonctionne vraiment.
    Le vérificateur général a constaté, dans son rapport, que les séances d'information pour les membres des Forces armées canadiennes offertes dans le cadre de l'opération HONOUR a peut-être permis d'améliorer la sensibilisation chez les militaires, mais qu'ils comprennent toujours mal comment réagir et appuyer les victimes. Par conséquent, le vérificateur général a conclu que ces séances ont créé de la confusion, de la frustration, de la peur et une moins grande camaraderie.
    Qu'est-ce qu'il faudrait inclure à la formation ou au processus, d'après vous, pour mieux sensibiliser les militaires à la question et réduire le plus possible les sentiments négatifs qu'ont fait naître ces séances?
    Ce que je trouve problématique de cette formation, c'est qu'elle met tout dans le même panier, mais ce n'est que mon opinion.
    Comment vous sentiriez-vous si l'on vous disait que toutes les blessures s'équivalent, de la simple coupure sur une feuille de papier à la perte de ses jambes au combat? C'est ce qu'on fait actuellement quand on parle des comportements sexuels dommageables et inappropriés. On ne fait pas de nuances.
    Nous convenons tous qu'une personne qui perd ses jambes n'aura pas besoin des mêmes soins que la personne qui s'est coupée avec une feuille de papier au travail, même s'il s'agit dans les deux cas de blessures subies en milieu de travail. C'est un peu ce qu'on fait actuellement à l'égard des comportements sexuels dommageables et inappropriés. Ce sont deux situations totalement différentes, qui nécessitent des soins parce qu'il y a des torts causés à la personne. C'est un peu comme le traitement des infractions mineures, je dirais, quand on veut éviter que la personne ne répète ou n'empire son comportement puis que cela pousse des gens à partir.
    Ce sont deux choses différentes qui doivent être traitées différemment. Il faut mettre davantage l'accent sur l'aide et les soins à apporter à la victime, comme il faut veiller au respect de la procédure. Le but n'est pas de fournir de nouvelles formations aux mêmes personnes encore et encore aux échelons inférieurs. Ce n'est pas ainsi qu'on réglera le problème.

  (1125)  

    Nous avons constaté, dans le rapport du vérificateur général, que les Forces armées canadiennes n'ont pas effectué un suivi adéquat de l'efficacité de l'opération HONOUR et que les données sur ses résultats sont de bien piètre qualité. Cela vient-il ternir l'objectif de l'opération HONOUR aux yeux des membres des Forces armées canadiennes?
    Voulez-vous dire que les forces n'ont pas atteint leurs objectifs?
    Oui.
    L'objectif était d'éliminer les comportements sexuels dommageables et inappropriés, donc en toute honnêteté, c'était un objectif vraiment difficile à atteindre. Je ne crois pas, en toute lucidité, que quiconque avait vraiment l'impression que ces comportements pouvaient être éliminés complètement.
    Malgré ce que disent souvent les hauts gradés, nous savons que quand une victime d'une inconduite sexuelle dénonce un incident, il y a de fortes chances qu'elle soit rétrogradée, mutée ou libérée. Comment les victimes peuvent-elles avoir confiance que si elles dénoncent leur agresseur, elles ne mettront pas en péril leur poste ni leur carrière?
    Je suppose que nous avons besoin pour cela d'un projet de loi solide, qui ait du mordant.
    Le fait est que si on laisse tout cela à la chaîne de commandement... C'est un milieu très décentralisé. Les gens ne sont pas nécessairement animés de mauvaises intentions, ils ne sont tout simplement pas formés pour cela. Ils ne savent pas comment gérer ce genre de chose.
    On leur confère beaucoup de fonctions. L'une d'elles consiste à gérer ce genre de situation. Pour bien le faire, ils doivent recevoir une formation adéquate. En quoi consiste une protection adéquate? Qu'est-ce que la sécurité? Qu'est-ce qui est considéré non sécuritaire? Y a-t-il quelqu'un dans le milieu de travail qui est confronté à la même personne, qui vit dans une caserne à côté de cette personne? Où se situe le seuil? La chaîne de commandement a besoin de plus de lignes directrices si elle doit prendre ce genre de décision.
    Avez-vous déjà entendu parler de problèmes vécus par des victimes de comportement sexuel inapproprié dans leurs relations avec les aumôniers concernant les agressions sexuelles qu'elles ont subies?
    Je sais que le CIIS a notamment pour consigne de renvoyer les victimes aux aumôniers. Il faut dire que les aumôniers ont le devoir de signaler les incidents, mais qu'ils conservent aussi leurs droits traditionnels.
    Essentiellement, si une personne leur confesse un crime, ils peuvent choisir de garder le secret, mais si une personne victime de violence sexuelle leur parle hors du secret de la confession, ils peuvent le signaler. Je pense que ce pourrait être mieux défini, surtout si l'on considère que c'est l'un des services vers lesquels on peut diriger les victimes.
    Avez-vous déjà rencontré des victimes à qui l'aumônier aurait dit: « si vous voulez poursuivre votre carrière dans les forces, vous feriez mieux de garder cela pour vous »?
    J'ai entendu toutes sortes d'histoires sur les aumôniers. Encore une fois, je pense que la formation contribuerait à ce que les aumôniers réagissent de façon adaptée au traumatisme et à ce qu'ils sachent mieux quoi faire quand ils reçoivent ce genre de témoignage.
    Êtes-vous d'avis que le processus de gestion de l'agression sexuelle devrait être retiré de la chaîne de commandement?
    Le processus?
    Oui.
    Il doit y avoir une certaine forme de surveillance, mais il y a une partie de processus qui doit demeurer dans la chaîne de commandement.
    Vous avez mentionné les représailles. D'après ce que vous avez entendu, quels sont les genres de représailles que subissent les victimes quand elles dénoncent une agression?
    On ne leur offre pas d'accommodement, elles ont l'impression de ne pas avoir eu d'accommodement, les membres de leur unité parlent dans leur dos, évidemment, il y a des conversations à leur sujet et l'information se répand. Ce sont des choses du genre.

  (1130)  

    Selon votre expérience...
    Je vais devoir vous arrêter ici, madame Gallant.
    Je céderai la parole à M. Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. J'estime votre témoignage très important.
    Je pense que ce qui me chagrine... Je ne sais pas trop quel mot utiliser, mais j'aurais aimé vous entendre plus tôt dans la séquence des témoignages, parce que vous soulevez des questions importantes sur la façon dont ce système fonctionnera, concrètement, et j'aurais bien aimé avoir la chance de poser quelques questions aux personnes qui ont comparu ici avant vous. Je regrette — c'est probablement le mot que je cherchais — que vous n'ayez pas comparu plus tôt. Je pense que c'est un témoignage très important.
    J'aimerais revenir à l'une des premières questions que vous avez abordées, soit le transfert des poursuites à un tribunal civil. Je suis certain que vous connaissez l'affaire Beaudry et la décision de la cour d'appel militaire selon laquelle les affaires d'infractions graves, si elles ne sont pas directement liées au service militaire, ne devraient pas être entendues dans le système de justice militaire. Manifestement, la question sera renvoyée à la Cour suprême. Quand vous dites qu'il faudrait indiquer plus clairement dans ce projet de loi qu'il y a un choix, on dirait bien que ce choix risque de disparaître.
    C'est possible, mais pour l'instant, personne ne le sait vraiment. Où trouve-t-on l'information? Si la victime a vraiment le choix, je crois que ce devrait être indiqué dans le projet de loi, il faudrait préciser que cela fait partie des choix à faire.
    À titre de député, je peux vous dire que nous avons vu des nombreux cas de personnes faisant partie de familles de militaires ou en relation avec des militaires, qui ont trouvé inapproprié et injuste que ce soit la justice militaire qui enquête sur leur affaire.
    Il y a aussi des poursuites en cours dans lesquelles les gens défendent leur droit à un procès civil... Je pense que nous aurions besoin de précisions.
    Ce que je vous dis, c'est que je sais parfaitement que dans les faits, les gens ne sont pas conscients que c'est une possibilité, qu'ils pourraient faire transférer leur dossier.
    C'est une situation assez fréquente, alors, je dirais.
    Oui. Je pense que j'ai moi-même été un peu surprise quand j'en ai entendu parler au Sénat, parce que je témoignais ce jour-là. Je n'en avais jamais entendu parler avant.
    Même vous ne le saviez pas, alors.
    Il faut donc voir ce qu'on peut faire ici.
    Je ne sais pas trop comment nous pouvons procéder.
    Il y a beaucoup de choses que vous avez mentionnées qui me semblent plus directement liées à un manque de ressources et de formation dans le système. Si nous ajoutons des dispositions au projet de loi pour imposer une formation plus approfondie, mettons, mais que l'armée n'accorde pas de ressources suffisantes à cette formation, je suppose que la situation restera la même.
    Oui, mais l'affaire, c'est qu'on a besoin de surveillance et de responsabilisation dans une institution aussi décentralisée et aussi vaste, surtout si l'on veut déléguer plus de responsabilités à des personnes moins formées, sans fournir de définitions ni de procédures claires, parce que cela peut prêter le flanc à beaucoup d'interprétations différentes.
    Si l'on choisissait de décentraliser davantage ces audiences, le fardeau serait moindre, et l'armée pourrait se concentrer sur les cas les plus graves... Ce serait logique. Cependant, il faut améliorer les procédures et la formation. On ne peut pas simplement l'inscrire dans le projet de loi, un point c'est tout. Il faut surveiller la situation et rendre les gens responsables.
    Je pose probablement la question à la mauvaise personne, puisque vous avez sans doute la même question que moi. Je suppose que je cherche surtout à comprendre comment nous pouvons faire en sorte que cette formation soit bel et bien offerte.
    Je me répète. Je pense qu'il faut améliorer la surveillance, notamment par un rapport périodique du Bureau du vérificateur général, il faut que ce genre de mécanisme s'applique, pour veiller à ce que la formation soit bel et bien offerte, à ce qu'elle soit de qualité et à ce que les gens la comprennent bien. C'est ce qui compte, je suppose.
    Quand vous dites qu'il faut améliorer la surveillance, dites-vous que...?
    Je parle de surveillance externe.
    D'accord. Vous avez lu dans mes pensées. Il doit s'agir d'une surveillance externe. Ce ne peut pas être un mécanisme interne.
    Je ne pense pas qu'il puisse s'agir d'un mécanisme interne, non.
    À l'heure actuelle, d'où provient la surveillance? Pourrait-elle relever de l'ombudsman militaire ou...?
    Eh bien, l'ombudsman militaire n'a jamais vraiment joué ce rôle, à ma connaissance. Je n'ai jamais vu de rapport de sa part à ce sujet.
    À ma connaissance, il y a eu 32 cas de harcèlement sexuel sur une période de cinq ans. C'était avant la commission Deschamps. Concernant le fait qu'il y a eu 960 signalements d'agressions sexuelles, je me demande si c'est vraiment le bon canal à privilégier. J'ai essayé très fort, avec mon groupe, de lui demander de préparer un rapport à ce sujet, en vain.
    Vous avez essayé de demander à l'ombudsman militaire de rédiger un rapport à ce sujet?

  (1135)  

    Oui, nous nous sommes parlé au téléphone, mais il n'y a jamais eu de rapport à ce sujet. Je ne sais pas exactement quel est l'obstacle. Je ne sais pas si son but est que les droits des victimes soient respectés. Je ne sais pas trop si l'ombudsman des FC est intervenu, mais ce serait probablement le signe qu'il y a quelqu'un qui s'assure que les droits des victimes sont protégés.
    Il ne vous a pas expliqué clairement pourquoi il n'a pas investigué...
    Non. En fait, il nous a dit qu'il devait voir se dégager une tendance pour cela et qu'il n'observait pas de tendance pour l'instant.
    Il n'avait pas l'impression d'être limité par les lois ou de manquer de pouvoirs. Il a dit qu'il s'agissait plus...
    Il a aussi mentionné qu'il n'avait pas pour rôle de défendre les victimes. Il est seulement là pour veiller à ce que les processus en place soient respectés, donc il ne va pas plus loin.
    Encore une fois, j'aurais bien voulu que nous vous entendions plus tôt.
    Madame Dzerowicz.
    Merci infiniment.
    J'aurais moi aussi souhaité que vous comparaissiez devant nous plus tôt, parce que votre témoignage soulève beaucoup de questions et que vous avez vraiment bien exposé la situation.
    L'une des premières questions que j'ai posées à nos fonctionnaires, à ceux qui ont mis ce processus en place, c'est s'ils avaient vérifié auprès de victimes connues quelles étaient leurs impressions, et ils ne l'avaient pas fait. Je le mentionne de nouveau parce que j'espère qu'à l'avenir, cela deviendra la norme. Pour moi, c'est la chose évidente à faire. Quand on propose un système pour régler un problème très grave dans l'armée, il faut consulter les victimes et leur expliquer ce que nous proposons.
    Vous avez mentionné la nécessité d'assurer la parité au sein des comités militaires, une chose que je trouve très importante. Je mentionnerai deux éléments, et j'aimerais beaucoup entendre vos observations à ce sujet.
    Premièrement, vous avez mentionné que le bassin de candidates est beaucoup plus petit que le bassin de candidats. Deuxièmement, la culture peut être la même chez une femme que chez un homme, donc les femmes ne sont pas nécessairement les meilleures porte-voix pour elles-mêmes. J'aimerais vous entendre là-dessus. Comment pouvons-nous rendre la chose possible? Je pense que c'est une excellente proposition.
    Je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas parce que des femmes siègent au comité que la décision sera nécessairement différente. Toutefois, la victime pourrait se sentir plus à l'aise s'il y avait de la diversité au sein du comité.
    Je pense juste que c'est un des... Pour montrer comment un système s'applique aux civils, lorsque vous dites qu'on reproduit exactement le même système dans l'armée, la différence que... C'est pour cette raison qu'il y a une différence, et on devrait en tenir compte pour les victimes.
    En ce qui concerne la façon de procéder, je ne sais pas exactement comment la sélection aléatoire se fait, mais s'il y a un bassin de personnes, la représentation pourrait être égale, et pour la cinquième personne, la décision serait prise par... Je ne sais pas exactement comment on ferait, mais je pense que la question mérite d'être examinée, pour voir comment on pourrait améliorer la représentation, accroître la diversité, etc.
    Vous avez aussi mentionné que le recours à des agents de liaison ne fonctionne pas nécessairement et que les victimes ont parfois besoin de leur propre avocat. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Pourquoi en est-il ainsi, d'après vous?
    Le système est très complexe, comme tous les autres, et les victimes ne connaissent pas vraiment leurs droits. Aussi, une grande partie des processus et des procédures ont été conçus sans qu'on tienne compte des victimes. Ils sont dépassés.
    Face à tout cela, les victimes ne savent pas à quoi elles ont droit. La charte des droits n'a pas encore été établie, n'est-ce pas? Elles ont peu de ressources à leur disposition et elles doivent surmonter d'importants obstacles pour accéder à la justice, surtout si le dossier touche différentes provinces, s'il est lié à une situation de déploiement opérationnel, et aussi compte tenu de la structure du pouvoir des forces armées.
    Il y a de nombreux facteurs à prendre en considération. Le soutien ne proviendra pas nécessairement de la chaîne de commandement. Par conséquent, je trouve utile que quelqu'un soit présent au moins pour expliquer aux victimes à quoi elles peuvent s'attendre, et ce, non seulement par rapport au processus même, mais aussi en ce qui concerne leurs droits et leurs protections. Ces personnes les leur expliqueront clairement.
    Disons que vous avez besoin de vos documents médicaux. Que devez-vous faire pour les obtenir? Y a-t-il des délais à respecter? La personne peut-elle vous donner une demande d'AAI et attendre six mois, ou avez-vous le droit d'obtenir les documents rapidement afin que votre affaire soit instruite en temps opportun? Est-ce à vous qu'il incombe de les demander?
    Ont-ils le droit d'examiner tous vos comptes du RED et vos anciennes relations? Ils ont accès à tous ces renseignements parce que vous travaillez là depuis que vous avez peut-être 17 ans. Ils pourraient facilement accéder à votre dossier médical — je ne dis pas qu'ils le font — puisque vous étiez tellement jeune. À combien de reprises avez-vous contracté une MTS ou quoi que ce soit d'autre? Peuvent-ils obtenir ces renseignements sans votre permission?
    Voilà le genre de choses que les victimes devraient savoir, d'après moi, lorsqu'elles signent. Elles doivent savoir ce qu'elles signent pour être en mesure de prendre une décision.
    Je trouve cela juste.
    Je ne sais pas si cela fait partie du processus ou si vous avez des recommandations à ce sujet, mais une fois le processus terminé, y a-t-il des mécanismes en place pour favoriser la réintégration de la victime? Devrions-nous prendre des mesures à cet égard?

  (1140)  

    Y a-t-il des mécanismes en place pour favoriser la réintégration des victimes?
    Oui, pour qu'elles réintègrent les forces. Pour une personne qui a vécu un traumatisme, ce n'est pas automatiquement... Peut-être qu'elle adore son travail et qu'elle veut le reprendre, mais qu'elle ne sait pas exactement comment le réintégrer.
    Le taux de libération des victimes de violence sexuelle est très élevé, surtout pour des raisons médicales liées à la santé mentale. Évidemment, certaines personnes démissionnent.
    Peu de recherches ou de travaux ont été faits sur la façon de réadapter les victimes de violence sexuelle. Ce qui me préoccupe, c'est que dans le rapport du CIIS publié il y a quelques mois, la direction a défini ses trois priorités. L'une d'elles concerne la réadaptation des contrevenants, mais il n'y a rien à propos des victimes. On voit quelle est la priorité. Que fait-on? À l'heure actuelle, les dossiers sont renvoyés à un système civil. Que dit-on aux victimes? Comment peut-on assurer l'efficacité et le bon fonctionnement des programmes? L'objectif est-il de les réintégrer aux forces?
    Il faut aussi se demander que fait la chaîne de commandement pour éviter les traumatismes secondaires. Habituellement, c'est la raison pour laquelle les gens ne reviennent pas. Des tonnes de personnes ayant subi de la violence sexuelle ne disent rien. Elles restent dans l'armée, elles ne disent pas un mot et elles continuent à bien faire leur travail. Pourtant, nombre de personnes qui signalent les agressions quittent les forces armées. C'est évident qu'il se passe quelque chose après la dénonciation, quelque chose qui fait subir un autre traumatisme aux victimes et qui les empêche de rester.
    Les forces armées doivent se pencher sur les moyens d'atténuer les traumatismes secondaires, les traumatismes supplémentaires vécus après la dénonciation. Elles ont le pouvoir de le faire. C'est peut-être impossible pour elles d'éliminer complètement les comportements sexuels néfastes ou inappropriés, mais elles peuvent certainement prendre des mesures lorsque de telles affaires arrivent, afin d'atténuer les facteurs qui poussent les personnes à partir.
    Nous essayons, entre autres, de... De nombreux changements sont apportés en même temps. J'ai lu — je pense que l'information a été publiée la semaine dernière — que les Forces armées canadiennes s'attendaient à ce que 1 000 cas d'agression sexuelle soient signalés. Je pense que nous sommes rendus à 3 000, ce qui montre qu'il y en a beaucoup plus que nous le pensions.
    À mon avis, il faut régler les affaires du passé tout en changeant la culture, ce qui prend du temps. Il faut du temps pour changer la culture, pour instaurer de nouvelles règles et de nouveaux processus, puis pour sensibiliser les gens. D'après moi, le projet de loi C-77 contribue à cela. Nous essayons de faire tout cela en même temps, et chaque élément est très important.
    Vous avez fait plusieurs excellentes recommandations. Vous les avez présentées très rapidement.
    Oui. Je voulais en présenter le plus possible.
    Je pense que vous essayiez de le faire, mais pourriez-vous en proposer une en particulier, dire: « Julie, le Comité doit absolument se pencher là-dessus. » Si vous pouviez en souligner une, ce serait formidable.
    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé. M. Spengemann continuera peut-être dans le même ordre d'idées, ou il a peut-être ses propres questions. Je vais lui céder la parole. Nous commençons la série de questions de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Madame Gagnon, je vous remercie de votre témoignage et d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous remercie également des services rendus à notre nation et, encore une fois, de votre plaidoyer. J'aimerais d'abord vous inviter à nous parler un peu de votre organisation.

[Traduction]

    Vous n'avez pas encore eu l'occasion de parler en détail de ce qui vous a poussée à fonder It's Just 700, de son fonctionnement et de ses objectifs.

[Français]

    D'accord.
    Je vais poursuivre en anglais.

[Traduction]

    Mon groupe a été formé en 2015, après la publication du rapport de la commission Deschamps. La raison pour laquelle je l'ai nommé « It's Just 700 » (« C'est juste 700 »), c'est parce que quand le rapport de la commission Deschamps a été publié, les victimes se sont fait attaquer dans les médias sociaux. Beaucoup ont dit que juste 700 personnes avaient signalé des cas de violence sexuelle et que ce n'était pas grave. J'ai donc donné ce nom au groupe. J'étais plutôt en colère ce jour-là.
    Le premier objectif était de créer un groupe en ligne, un endroit sûr où nous pouvions discuter entre nous sans jugement. Nous avons également constaté qu'il y avait des problèmes transsystémiques d'accès aux services chez Anciens Combattants, mais aussi au sein des FAC. Au lieu de nous contenter de nous appeler et de pleurer, nous avons tenté d'apporter des changements. Puis, quand les choses ont bougé, nous avons vu que nous pouvions aller plus loin.
    Votre groupe a-t-il des liens avec des forces armées à l'extérieur du Canada, en particulier avec celles qui contribuent aux opérations de soutien de la paix de l'ONU ou qui jouent des rôles de premier plan dans ces opérations?

  (1145)  

    Quelles réactions avez-vous reçues de leur part?
    J'ai discuté avec mes homologues néo-zélandais, australiens et américains, ainsi qu'avec des premiers intervenants canadiens de différentes forces, comme la GRC. Ils veulent voir comment nous pouvons... Au Canada, c'est comment travailler ensemble, et à l'étranger, surtout dans le contexte du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, c'est comment faire en sorte que... Par exemple, les trousses de prélèvement en cas de viol ne sont pas normalisées. À l'heure actuelle, si le prélèvement est fait à l'étranger, il n'est pas nécessairement recevable devant un tribunal du pays d'origine de la victime. Comment peut-on faire en sorte de normaliser le processus et les mécanismes?
    Nous poursuivons le travail pour régler certaines affaires pressantes que ma collègue vient de mentionner — 3 000 dossiers —, mais nous n'avons toujours pas résolu les problèmes. Le projet de loi C-77 représente une étape importante de ce travail. Selon vous, le Canada pourrait-il jouer un rôle d'enseignant et de formateur au sein de l'ONU dans le domaine de la violence, des agressions et des traumatismes sexuels en milieu militaire?
    Je pense que nous pourrions prendre l'initiative, mais d'après moi, c'est le ministre de la Défense nationale qui devrait s'en occuper, plutôt que les FAC, au moyen de protocoles d'entente, par exemple. C'est mon opinion personnelle, mais lorsque nous participons à un conflit, il faudrait veiller à ce que les soins soient en place et à ce qu'ils soient offerts, et aussi à ce que les gens soient formés pour assurer la sécurité. Ces mesures devraient probablement être mises en place au moyen de protocoles d'entente lorsque nous participons à des conflits à l'étranger.
    Ma prochaine question est plus spécifique et elle concerne plus directement le projet de loi C-77. Durant une séance précédente, j'ai eu l'occasion de demander au général Lamarre si le projet de loi C-77 risquait de créer différentes cultures de discipline militaire aux quatre coins du pays. Il s'agit d'infractions beaucoup moins graves, mais la culture ou la vision de la discipline militaire pourrait varier d'une unité des forces armées à l'autre. Il n'avait pas de préoccupations à ce sujet.
    J'aimerais maintenant vous demander si, relativement à des infractions beaucoup plus graves — l'exploitation et la violence sexuelles en milieu militaire —, la structure proposée dans le projet de loi C-77 risque de faire en sorte que les différentes unités des Forces canadiennes prennent la question plus ou moins au sérieux, ce qui aura pour résultat que les victimes seront traitées différemment dans le système juridique proposé dans le projet de loi C-77. Dans l'affirmative, quels leviers devrions-nous examiner de plus près pour éviter un tel résultat?
    Évidemment, si le traitement des crimes graves est centralisé, il y aura une certaine cohérence. Ce sont les affaires mineures pouvant mener à des affaires plus graves qui sont source de préoccupations. Il est vrai que la décentralisation aide à traiter les crimes graves en temps opportun, mais les crimes mineurs devraient aussi être examinés par des personnes compétentes et capables d'assurer une certaine cohérence. C'est pour cette raison qu'il faut établir un processus de définition clair. Il faut également mettre en place des mécanismes de reddition de comptes et de contrôle. Le CIIS pourrait peut-être s'en charger, mais je n'en suis pas certaine.
    Merci beaucoup.
    On pourrait dire que mon temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Martel.

[Français]

    Bonjour, madame Gagnon.
    Félicitations pour le travail que vous faites.
    Merci.
    Les cas d'agression sexuelle sont nombreux dans l'armée, et j'avoue que j'ai du mal à comprendre cette situation.
    À quoi peut-on attribuer cela? Est-ce parce qu'on a gardé le silence trop longtemps sur le sujet? Comment se fait-il que, tout à coup, les cas semblent s'accumuler jusqu'à atteindre un nombre important? Le nombre d'agressions sexuelles est-il au prorata du nombre d'agressions recensé dans la société en général?
    J'aimerais comprendre ce qui pousse des membres des forces armées à commettre autant d'agressions? Est-ce parce qu'ils se retrouvent dans un milieu différent?
    Il est vrai que de très jeunes gens se retrouvent dans un environnement où ils sont loin de leur famille et du soutien de celle-ci. Ils vivent très près les uns des autres dans des casernes, où les femmes et les hommes cohabitent. C'est la réalité que j'ai connue. Cela vous donne une idée du type d'environnement auquel j'étais exposée. Il est certain que les risques augmentent dans de telles circonstances.

  (1150)  

    Est-ce possible qu'ils sentent que c'est permis parce qu'ils sont en dehors de leur milieu habituel?
    C'est ce que j'essaie de comprendre.
    Honnêtement, je ne sais pas à quel point la situation a pu changer.
    Mon entrée dans les Forces armées canadiennes remonte à plusieurs années. D'après ce que j'ai vécu à cette époque, une certaine façon de voir était transmise, notamment dans le cours destiné aux recrues. Peu importe l'opinion que nous pouvons avoir sur le sujet, cela affecte un peu le comportement. Les recrues apprenaient à parler le moins possible s'il arrivait quelque chose. Elles se disaient que, finalement, cela semblait permis.
    J'aimerais connaître votre opinion sur une question qui somme toute est assez large.
    D'après vous, quelle est la meilleure façon de convaincre les victimes d'acte criminel que leur bien-être est central, essentiel, et qu'il leur appartient de le faire valoir? Comment faire pour les sensibiliser à cela?
    Il faudrait mettre en place des ressources susceptibles de les soutenir.
    Lorsque tout cela arrive, je dirais spontanément qu'il faudrait avoir en place un bureau d'affaires publiques capable de gérer les cas et offrir un centre d'appels pour orienter les gens. Si l'on estime que le cas est grave, qu'il y a un problème, il faudrait pouvoir offrir de l'aide médicale ou du soutien psychologique.
    Si on croit que les victimes doivent être au centre des préoccupations, la première chose qu'on devrait faire serait de veiller à leur bien-être et trouver les moyens d'agir en conséquence. À l'heure actuelle, je ne sais pas à quel point cet exercice a été fait.
     Il faudrait aussi qu'un certain lien de confiance s'établisse.
    Je lis dans un article que « [...¨les Forces armées ont donné des séances de sensibilisation et de formation, mais elles ne se sont pas attaquées aux causes profondes des comportements sexuels inappropriés. »
    Que pensez-vous de cela?
    On dit aux militaires qu'il ne faut pas se comporter de la sorte, que ce n'est pas bien. On leur dit aussi ce qui n'est pas bien.
    En ce qui concerne l'intervention de tiers, cela fait partie de la formation. Je travaille dans une université à présent et je sais qu'on enseigne aussi cela.
    Il y a une différence entre le devoir de signaler et le devoir d'intervenir. On intervient lorsque, par exemple, quelqu'un fait une blague inappropriée en notre présence et qu'on lui dit d'arrêter parce que cela est déplacé. La formation vise à donner des trucs aux gens, à les outiller de manière à ce qu'ils puissent intervenir sans se sentir isolés.
    Il est certain que si toutes ces choses, aussi bien des clins d'oeil inappropriés que des blagues déplacées, sont signalées et que cela se répercute aux échelons supérieurs, cela finira par engorger le système. Il faudrait être mieux équipé pour gérer les cas graves. Il faut offrir des processus afin que la gestion de ces cas puisse se faire à l'interne. Encore là, il faut assurer une certaine formation aux intervenants pour qu'ils puissent bien répondre aux besoins.
    Il est très important de bien le faire parce que dans le cas contraire, s'il se produit un incident mineur, qu'il est mal géré et qu'il progresse au point de devenir un cas majeur, la personne va savoir qu'elle n'a pas de soutien et qu'elle n'est pas écoutée. Il faut donc accorder une grande importance aux cas mineurs et à la formation des gens appelés à les gérer afin que ces derniers répondent aux besoins adéquatement.
    La formation peut toujours être améliorée, n'est-ce pas?
    Certainement. Il peut aussi arriver que la formation ne soit pas nécessairement donnée par des professionnels. De plus, ce n'est pas très convainquant si la personne qui donne la formation a elle-même commis de tels actes.

[Traduction]

    Monsieur Fisher.
    Merci beaucoup.
    Sans les modifications que le projet de loi C-77 apporte au système de justice militaire, à quel point est-ce difficile aujourd'hui pour les victimes d'obtenir de l'information générale? Quelle est l'importance du droit à l'information pour les victimes?
    C'est très important, et en ce moment, je ne pense pas que l'information soit facilement accessible; les gens sont donc laissés dans l'ignorance. C'est souvent ce que j'entends. Ils franchissent toutes les étapes du processus, et c'est seulement après coup qu'un de leurs pairs, une personne ayant vécu la même chose, leur dit ce qu'ils auraient dû faire et ne pas faire. Ils ont besoin d'information. C'est pour cette raison qu'il est tellement important que quelqu'un soit là pour les guider tout au long du processus. D'après moi, l'information fournie actuellement par l'intermédiaire des agents de liaison de la victime n'est pas suffisante.
    C'est bon à savoir.
    Nous savons qu'il faut changer la culture au sein des forces armées, surtout en ce qui concerne le harcèlement et l'agression sexuels. D'après vous, quels éléments du projet de loi C-77 contribueraient à modifier cette culture et à renforcer les droits des victimes?
    Encore une fois, si c'est bien fait, un des éléments sera d'offrir à la victime un soutien centré sur le traumatisme. En adoptant une telle approche, les forces armées montreraient qu'elles peuvent s'occuper des leurs. S'occuper des gens et les forces armées ne vont pas toujours bien ensemble — s'occuper des gens alors que nous sommes formés pour faire ce que nous faisons. Prendre soin des victimes donnera... Lorsqu'une affaire est signalée à la chaîne de commandement, les militaires apprennent que leur rôle est de veiller à ce que la personne reçoive un bon accueil, à ce qu'elle soit écoutée et respectée, et à ce que la réponse soit axée sur le traumatisme.
    Un premier maître qui n'a jamais appris à s'occuper de tels dossiers pourrait modifier l'orientation de son rôle. Je pense que les gens sont perdus lorsque ces affaires leur sont signalées. Ils ne savent pas quoi faire. On pourrait les aider en leur fournissant les outils adéquats.
    Est-ce que cela convaincrait tout le monde? Non, et c'est pour cette raison que ce qui compte, c'est de mettre en place une procédure de contrôle. Les changements suivront.
    Je donne toujours l'exemple de la ceinture de sécurité. Pendant des années, les gens ne s'attachaient pas à bord des voitures. Ils savaient qu'ils mourraient s'ils n'attachaient pas leur ceinture, et pourtant, personne ne le faisait. Quand il est devenu obligatoire d'attacher sa ceinture, sous peine d'une amende de 80 $, tout le monde a commencé à le faire. Aujourd'hui, qui n'attache pas sa ceinture? La règle a transformé notre comportement; elle a provoqué le changement. On peut modifier la culture en appliquant les procédures.
    Le taux de roulement du personnel est élevé dans les forces armées. Les détracteurs finiront par partir et ils seront remplacés par des personnes ayant la nouvelle mentalité.

  (1155)  

    D'après votre expérience, est-ce qu'il y a un groupe démographique plus susceptible de subir du harcèlement sexuel ou des agressions sexuelles?
    Oui. Ce sont surtout les jeunes femmes, et les recherches ont démontré que les Autochtones qui sont dans les forces sont aussi plus susceptibles d'en subir, ce que j'ai trouvé intéressant. L'enquête ne tenait pas compte des Rangers. Il serait bon d'avoir cela.
    Quelles dispositions du projet de loi C-77 viseraient à régler cela?
    Pour ces groupes particuliers? Ces personnes sont très jeunes, et cela signifie qu'elles n'ont pas beaucoup d'information. Elles sont dépassées. Elles ont besoin de conseils. La plupart des personnes qui subissent de la violence sexuelle sont très jeunes, ou viennent de faire leur entrée dans les forces. Elles sont encore très impressionnées par leur chaîne de commandement et vont tout gober. La chaîne de commandement peut aussi profiter de cela et dire aux personnes qu'elles ne peuvent pas signaler les cas, et elles écoutent. Elles sont plutôt dans cet état d'esprit quand elles viennent de terminer leur période d'entraînement, par exemple.
    Je vous remercie beaucoup de votre travail et de tous vos efforts.
    C'est au tour du député Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore de votre service, de votre leadership et de la force dont vous faites preuve alors que vous traitez de ce problème très difficile.
    J'ai écouté votre témoignage, et les audiences sommaires sont censées contrer les accusations criminelles dont un agresseur fait l'objet. D'après vous, l'inconduite sexuelle devrait-elle être soumise à un procès sommaire, ou plutôt à un procès devant une cour martiale?
    L'inconduite sexuelle est un crime vraiment mineur. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'en saisir une cour criminelle, c'est sûr, mais vous voulez dire une cour militaire. C'est d'ordre disciplinaire.
    Ma seule préoccupation à ce sujet, c'est que l'audience sera menée par des personnes qui n'ont pas la formation, l'expertise, l'expérience et les connaissances nécessaires. Si nous laissons les choses telles qu'elles sont maintenant, ce qui me préoccupe, c'est qu'il y en ait un très grand nombre. Il y aurait donc de très nombreuses petites actions qui alourdiraient le fardeau déjà lourd à cause des affaires plus importantes. Je crois qu'il n'est pas mauvais de recourir aux audiences sommaires. Cependant, vous ne pouvez pas tout simplement confier cela aux gens, avec la formation qu'ils ont en ce moment.
    La formation de trois jours à laquelle je suis allée portait sur les éléments de base du processus législatif. Ce n'est pas le genre de formation que vous avez pour le soutien aux victimes à l'échelon provincial. Ils ont des travailleurs sociaux. Ils ont des gens qui ont de l'expérience de cela. Si vous avez la personne qui a fait la formation de trois jours une fois, cette personne ne sera absolument pas capable. La formation ne dit rien sur les victimes et les soins tenant compte des traumatismes subis. Les gens n'auront pas ce qu'il faut pour réagir à ces choses. Si cela se produit, il faut investir des ressources et veiller à ce que cela soit fait convenablement, et garantir la reddition de comptes et la surveillance.
    Le vérificateur général a dit que les enquêtes prennent trop de temps. Encore là, c'est toute la question de l'affaire Beaudry pour laquelle la Cour d'appel de la cour martiale a rendu une ordonnance voulant qu'un tribunal militaire ne puisse juger de cette affaire. Cela s'en va à la Cour suprême, car encore là, c'est une question de temps; il faut trop de temps à cause d'une formation insuffisante.
    Je crois qu'il nous faut définir clairement l'inconduite sexuelle et l'agression sexuelle, et garantir la formation nécessaire pour les agents de liaison avec les victimes qui se spécialisent dans le soutien aux victimes d'inconduite sexuelle ou d'agression sexuelle, aussi bien que pour la police militaire.

  (1200)  

    Il faut aussi un suivi, à cause des réinstallations. Les gens déménagent souvent. Si c'est confié à la chaîne de commandement, puis que A, B et C sont postés ailleurs, l'affaire demeure en suspens. La nouvelle personne qui arrive doit reprendre du début pour obtenir les faits et ainsi de suite.
    Il faut de bonnes directives, des échéanciers et des procédures à respecter.
    Qui assumerait la responsabilité de cela?
    Est-ce qu'il faudrait que ce soit le JAG, ou encore...
    Si c'est le JAG qui veut que ce soit délégué, je pense qu'il doit veiller à ce que ce soit bien fait.
    D'accord.
    Dans le rapport du vérificateur général, il y a toute la question des lacunes dans les services.
    En particulier quand nous nous mettons à parler de la transférabilité du crime et de la victime, d'une base à l'autre, comment pouvons-nous combler ces lacunes dans les services?
    Eh bien, si l'agent de liaison avec les victimes est suffisamment bien formé, qu'il peut être affecté à un secteur particulier et que cela devient son expertise, et si quiconque a des questions peut communiquer avec cette personne, cela pourrait aider. S'il y a un agent de liaison avec les victimes, au sein de votre unité, et qu'il a une expertise, quiconque ayant des questions peut le joindre pour un cas. L'expertise doit se trouver quelque part, et alors vous pourrez...
    Encore là, c'est une question de directives. J'insiste beaucoup sur les directives et l'information en ligne — sur de solides procédures. S'ils ont des directives sur la façon de lacer les chaussures, ils peuvent certainement avoir des directives sur les façons de traiter ces situations. Nous savons qu'ils en ont sur la façon de se brosser les dents et tout. Tout est là, alors...
    Dans le contexte de l'opération Honour, il y a récemment eu un rapport disant que le nombre de poursuites et d'enquêtes menées a diminué radicalement. Cela s'est fait plutôt discrètement au cours des quelques derniers mois. D'après vous, pourquoi en est-il ainsi?
    Parlez-vous de l'avis de 30 jours?
    Oui. C'est lié au rapport du vérificateur général, selon lequel il y a eu une réduction du nombre de poursuites dont personne n'a vraiment parlé. On est censé avoir de la transparence et de la reddition de comptes, mais il a fallu le vérificateur général pour découvrir cela.
    Il faut que la responsabilité fasse l'objet d'évaluations uniformes et fréquentes consignées dans des rapports, pour que cela ne soit pas oublié... en disant que tous les cinq ans, nous allons faire quelque chose de différent, puis cinq ans après, il se fait encore quelque chose de différent.
    Il faut une surveillance plus fréquente.
    Monsieur le président, j'aimerais proposer une motion, à la lumière des témoignages entendus et du rapport du vérificateur général. Je propose:
Que le Comité invite le vérificateur général à comparaître avant l’étude article par article du projet de loi C-77 afin de discuter de son rapport de l’automne 2018.
    Voulez-vous en discuter?
    Je propose que le débat soit ajourné maintenant.
    C'est une motion dilatoire.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Je vais céder la parole au député Spengemann.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Gagnon, je vais vous poser une question qui déborde légèrement du projet de loi, mais je vais céder le reste de mon temps à ma collègue, la députée Dzerowicz.
    Je reviens à ce qu'a dit notre collègue, M. Martel, à propos du bien-être des victimes. Le projet de loi traite du droit à l'information, du droit à la protection, du droit à la participation et du droit au dédommagement.
    D'après votre expérience en tant qu'ancienne membre des Forces armées canadiennes, quels mécanismes d'aide existaient avant le projet de loi C-77? Quels mécanismes de soutien y aurait-il à l'avenir pour qu'une victime puisse manifester le désir d'avoir du counselling et des services en santé mentale?
    Comme élément qui encouragerait une personne à exprimer ses besoins, je pense que c'est un très important...
     En ce moment, ce qu'on fait, c'est qu'on met en évidence tous les mécanismes de soutien qui existent dans les forces, mais ces mécanismes ne sont pas tous précisément pour cela. Ils disent qu'ils ont des fournisseurs de soins de santé et des aumôniers, mais ces gens n'ont pas eu la formation nécessaire pour cela. C'est le soutien qui est offert. C'est fait. Il est là. Cependant, les connaissances nécessaires pour ces besoins particuliers ne sont pas là.
    Ce qu'il faut, c'est créer quelque chose de distinct ou intégrer quelque chose dans ce qui est déjà offert. Par exemple, les personnes qui s'occupent des cas de blessures liées au stress opérationnel n'ont pas la formation nécessaire pour les traumatismes sexuels. Il n'y a pas de soutien par les pairs. Ce sont les genres de choses qu'il faut vraiment pour que les gens puissent avoir le type de soutien et de soins qu'il leur faut.
    En ce moment, les personnes sont redirigées vers des organismes externes. Dans le nouveau budget de 2018, ils ont dit qu'ils verseraient 5 millions de dollars sur quatre ans aux centres d'aide aux victimes de viol à proximité des bases. Je ne sais pas trop ce qui s'est produit, car je n'ai vu aucun centre d'aide aux victimes recevoir quelque chose. Même s'ils ont reçu de l'argent, comment peut-on être sûr que cet argent est consacré à ce besoin particulier? Quelle était la portée, et comment s'assurent-ils que c'est bien ce qui s'est produit?
    Si vous ne faites qu'externaliser cela, votre système n'est pas uniforme, et les soins dispensés ne sont pas les mêmes pour toutes les victimes, étant donné que ce sont des organisations locales qui s'en occupent, partout au pays.

  (1205)  

    C'est très utile. Je vous remercie beaucoup.
    Je vais céder la parole à Mme Dzerowicz.
    Merci infiniment.
    Merci encore.
    Nous en sommes presque à la fin de votre témoignage.
    Le leadership est important. Il influe énormément sur l'évolution de la culture et même sur la façon dont des choses comme le projet de loi C-77 sont mises en oeuvre et appliquées. Qu'est-ce qu'il faut de plus en matière de leadership pour garantir le succès du projet de loi C-77 et de ce que nous essayons de fournir aux victimes?
    Que faut-il d'autre, au niveau des dirigeants?
    Pour que cela ait plus de mordant, je dirais qu'ils doivent exiger que toute personne de la chaîne de commandement qui tient des audiences sommaires rédige un rapport sur ce qui s'est passé. Il faut aussi que la victime et l'accusé décrivent la façon dont ils estiment avoir été traités.
     Cela devrait être inclus dans un dossier envoyé au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle de l'EISF, si c'est ce qu'ils souhaitent. L'information peut être compilée, et ils peuvent revoir les cas, les résultats, et la façon dont les gens estiment avoir été traités. De là, parce qu'ils auraient cela chaque année, ils pourraient mener une évaluation, voir les tendances et établir un plan qui serait publié et qui déterminerait les façons de combler les lacunes constatées.
    C'est comme de l'amélioration continue. Qu'est-ce que nous constatons? Quelles sont les lacunes, et que pouvons-nous faire pour améliorer les choses? Je crois que c'est excellent.
    Vous avez mentionné — et c'est encore probablement parce que je n'ai pas été assez attentive — que le paragraphe 71.16(1) devrait être éliminé. Pourriez-vous simplement me dire...
    Désolée, lequel?
    Je crois que vous avez dit 71.16.
    Sur quoi portait-il?
    Je ne sais plus. C'est après que vous ayez parlé des victimes, et du principe voulant qu'on traite les victimes avec dignité.
    Je crois que c'est à propos de la demande. Ce n'est pas l'article au complet, mais la partie où l'on dit que c'est sur demande de la victime. On devrait retirer cela. L'agent de liaison de la victime devrait être nommé automatiquement; cela ne devrait pas se faire à la demande de la victime, car la victime ne saura pas qu'elle devrait en faire la demande.
    Merci. C'est une recommandation très utile.
    J'aimerais vous parler d'une autre chose, et c'est que moi aussi, je n'ai travaillé que dans des milieux dominés par des hommes. Il est très difficile de changer la culture, car pendant de nombreuses années, les gens ont fonctionné dans un contexte particulier qui leur était parfaitement normal et qui était confirmé par le leadership.
    Pour moi, un élément de ce processus global est de veiller à ce que personne ne soit victimisé. Je ne veux pas non plus que des personnes se sentent mal d'être normales et d'avoir pris l'habitude d'agir d'une certaine façon, alors qu'elles doivent maintenant changer leur comportement.
    Pouvez-vous nous dire ce qu'on pourrait faire de plus concernant le changement de culture dans les forces?
    Je ne mettrais pas plus l'accent sur le changement de culture que sur la modification des procédures et ce qui vient des dirigeants, pour le moment. La culture suivra. Si vous imposez pour commencer des processus aux gens, ils vont peut-être trébucher et ne pas être d'accord, mais ils vont les respecter. La personne qui viendra après ne demandera pas pourquoi il en est ainsi, et les choses vont changer.
    Merci.
    Sur ce, je crois que...
    Avant que vous fassiez cela, je souligne que l'avis prévoit que la réunion se termine à midi. Nous avons eu un témoin très important aujourd'hui, et nous avons dépassé midi. Je pense que tout le monde était implicitement d'accord; cependant, l'avis dit midi, alors je dois demander le consentement unanime du Comité pour poursuivre la réunion.
    Je reçois de l'autre côté des signaux qui me disent qu'ils n'y consentiront pas. Malheureusement, vous ne pourrez pas présenter votre motion.
    Je vous remercie beaucoup d'être venue nous présenter un témoignage très réfléchi. Il était important que nous vous entendions. Merci d'avoir demandé de venir témoigner. Je vous en sais gré et je vous remercie des services que vous avez rendus au Canada.
    Avant que nous partions, je vous rappelle que nous avons une réunion informelle avec une délégation du Mali, le 28 novembre, de 15 h 30 à 16 h 30, et que nous rencontrons une délégation du Burkina Faso le 5 décembre, de 15 h 30 à 16 h 30. Vous devriez tous être au courant de cela.
    Je dois maintenant lever la séance.
    Merci beaucoup.
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