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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 080 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1155)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à cette 80e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je signale aux membres du Comité que nous siégeons maintenant en public.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la création d'un poste de commissaire indépendant chargé des débats des chefs.
    Nous sommes heureux d'accueillir à cette fin M. Paul Adams, professeur agrégé à l'école de journalisme et de communications de l'Université Carleton; M. Graham Fox, président et chef de la direction de l'Institut de recherche en politiques publiques; et Mme Jane Hilderman, directrice générale de Samara.
    Merci à tous les trois d'être des nôtres malgré le court préavis. Nous savons que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour vous préparer, mais nous sommes convaincus que votre vaste expertise vous permettra de contribuer de façon significative à ce projet que nous venons tout juste d'entreprendre. Comme vous êtes nos tout premiers témoins, il y a beaucoup d'enthousiasme dans l'air.
    Qui veut commencer? Peut-être pourrions-nous y aller suivant l'ordre alphabétique.
    Monsieur Adams.
    Pour la plupart des Canadiens, les débats des chefs font partie du processus électoral au même titre que les pancartes et les bulletins de vote. Très peu s'imaginent sans doute à quel point l'avenir de cette importante tradition politique est incertain.
    Depuis 1968, les Canadiens regardent les débats opposant les chefs de parti à toutes les élections fédérales. Grâce à ces débats, les électeurs bénéficient désormais de ce que l'on pourrait appeler une troisième fenêtre sur la campagne électorale. La première fenêtre est la publicité que les partis diffusent principalement à la télévision, quoique de plus en plus via les médias sociaux. Ces messages sont généralement brefs, partisans et souvent négatifs. Je suis persuadé que vous conviendrez avec moi, tout au moins pour ce qui est de la publicité de vos opposants, que certains messages sont également un peu trompeurs. La deuxième fenêtre est celle des médias. Ceux-ci sont bien sûr en pleine évolution, mais les médias grand public continuent de dominer. Leur capacité à faire le lien entre les électeurs et le discours politique est essentielle, tout autant que leurs commentaires et analyses.
    En ma qualité d'ancien journaliste politique pour CBC et le Globe and Mail ici même sur la Colline, ainsi que de professeur de journalisme à Carleton depuis 2005, je peux vous dire que c'est la valeur médiatique des événements qui guide la couverture électorale, comme la couverture journalistique en général d'ailleurs. Je ne parle pas ici de valeur au sens moral. Ce sont des éléments bien concrets qui nous aident à déterminer si une nouvelle peut faire la manchette. Le conflit et la nouveauté sont deux de ces éléments fondamentaux. Si un conflit éclate ou si une primeur est dévoilée, alors la nouvelle peut faire les manchettes. Dans le cas contraire, il est difficile de retenir l'attention des médias et encore plus de susciter l'intérêt de la population. Je crois que vous conviendrez toutefois avec moi que le conflit et la nouveauté ne sont pas nécessairement des valeurs dont les électeurs ont besoin pendant une campagne.
    Pendant la plus grande partie de ma carrière, j'ai bénéficié de cette troisième fenêtre sur les débats des chefs à partir de la salle des médias, juste à l'extérieur de celle où les échanges avaient lieu. Je rédigeais donc mes articles en essayant de faire ressortir les conflits et les primeurs. Bien que je m'efforçais toujours de pousser l'analyse un peu plus loin, en espérant y être parvenu à certaines occasions, il n'en reste pas moins que la couverture médiatique demeure ce qu'elle est. Lorsque j'ai quitté le milieu journalistique et commencé à regarder les débats sur mon divan, avec mon épouse à mes côtés, j'ai noté quelque chose d'intéressant. Bien souvent, juste au moment où je m'apprêtais à m'énerver parce que j'avais déjà entendu toutes ces histoires auparavant, mon épouse commençait à montrer de l'intérêt. Elle avait enfin accès aux chefs de parti sans qu'il y ait d'intermédiaire. On lui fournissait de l'information qui l'aidait à mieux comprendre. Elle les entendait décrire leurs prises de position en long et en large, ce qui était bien différent des capsules diffusées pendant les bulletins de nouvelles. Généralement, c'était la première fois au cours de la campagne qu'elle avait accès à tout cela.
    Il y a une autre chose que j'ai notée. Les réparties cinglantes, ces fameux coups décisifs qui retenaient mon attention, avaient souvent l'effet opposé sur mon épouse. Elle ne s'intéressait pas à ces batailles que les journalistes rapportent et qui animent les partisans. Elle s'intéressait plutôt à l'information transmise et aux impressions qui pouvaient se dégager quant à la personnalité des candidats. Ces éléments l'aidaient à faire son choix.
    Pour des millions de Canadiens, ces débats représentent le moment clé de la campagne, c'est-à-dire le seul où ils vont s'asseoir pendant deux ou trois heures pour y concentrer toute leur attention. Ils partagent ensuite leurs impressions avec leurs collègues, amis et parents au café le lendemain, via les médias sociaux ou au souper du dimanche. Comme je le disais, les Canadiens n'ont pas idée à quel point le statut de cette importante tradition des débats des chefs est actuellement précaire.
    Les débats ont presque toujours été organisés par un consortium de grands radiodiffuseurs canadiens qui négociaient directement avec les partis politiques. Évidemment, ce qui est tout à fait compréhensible, chacune des parties prenantes à ces négociations s'efforçait de défendre au mieux ses propres intérêts pour ce qui est du nombre de débats, de la formule utilisée, des sujets abordés et des chefs qui allaient y participer. Tout le monde peut très bien le comprendre. On comprend toutefois peut-être moins bien que les radiodiffuseurs abordaient ces négociations avec la volonté de défendre toutes sortes d'intérêts qui leur sont propres. Ils ne voulaient pas que les débats aient préséance sur les matchs de hockey ou les lucratives comédies et séries policières américaines. Chacun voulait mettre de l'avant ses vedettes maison. Ils souhaitaient en outre que ces débats diffusés sur leur réseau offrent un bon spectacle télévisuel, si bien qu'ils n'hésitaient pas à favoriser une approche propice aux conflits et aux primeurs. Ils prétendaient défendre l'intérêt public, mais ce n'était jamais totalement vrai.
    Au cours de la dernière campagne, Stephen Harper a essayé, pour des raisons sans doute bien compréhensibles, de s'extirper de l'emprise du consortium. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec une série de débats suivant différentes formules non coordonnées et un calendrier plus ou moins arbitraire.
    Il n'est pas mauvais de laisser la diversité des points de vue s'exprimer ainsi, mais nous savons que cela a desservi les électeurs. Le débat le plus regardé a été organisé par Maclean's avant même le déclenchement des élections. Son auditoire correspondait à moins de 40 % de celui du débat en anglais organisé par le consortium en 2011.
    Les électeurs n'ont pas pu bénéficier d'un débat diffusé sur les grands réseaux dans les dernières semaines de la campagne, soit au moment même où bon nombre d'entre eux font leur choix définitif. Il est grand temps d'institutionnaliser ces débats si importants pour un si grand nombre d'électeurs, de la même manière que nous avons établi les règles applicables aux dépenses électorales, au financement des partis, à la publicité et à bien d'autres aspects de nos campagnes électorales. Les débats devraient être organisés par une entité totalement indépendante des partis politiques et des réseaux. Autrement dit, ils devraient être organisés d'abord et avant tout dans l'intérêt public. Cette tâche pourrait être confiée à Élections Canada ou à une commission indépendante.
    Les débats devraient viser à obtenir de l'information des candidats tout en permettant des interactions significatives entre eux, sans toutefois perdre de vue qu'il n'existe pas de formule parfaite qui soit totalement à l'abri des critiques.
    Les réseaux qui bénéficient du privilège — du très lucratif privilège — d'accès à nos ondes devraient être tenus de diffuser les débats suivant les directives de la commission s'ils veulent conserver leur licence. Les chefs de parti invités aux débats devraient s'y présenter. Dans le cas contraire, je suggérerais une pénalité sévère, mais pas totalement invalidante. On pourrait par exemple imposer une période de plusieurs jours pendant lesquels le parti du chef fautif ne pourrait pas diffuser de publicité.
    Les citoyens en sont venus à compter sur leur troisième fenêtre sur la campagne électorale, et nous devons faire le nécessaire pour qu'ils puissent en bénéficier.
    Merci beaucoup.

  (1200)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Fox.

[Français]

    Bonjour à tous.
    Tout d'abord, je me permets de saluer la décision du Comité d'examiner les enjeux liés à la gouvernance et à la gestion des débats des chefs en campagne électorale. De plus, je vous remercie sincèrement de m'avoir donné l'occasion de contribuer à votre réflexion.
    Je m'appelle Graham Fox. Je suis le président de l'Institut de recherche en politiques publiques, un organisme de recherche non partisan et indépendant situé à Montréal, mais dont la perspective de recherche est pancanadienne.

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que les débats des chefs figurent désormais parmi les éléments importants dans la tenue d'une élection fédérale et dans le processus décisionnel des électeurs. On ne parle pas tant ici du fameux coup décisif ou point tournant de la campagne, mais du fait beaucoup moins médiatisé que les citoyens ont ainsi l'occasion d'entendre les chefs de parti s'exprimer, de mieux comprendre leurs politiques et de juger de leur personnalité.

[Français]

    Ce matin, je ne m'attarderai pas à l'historique des débats des chefs depuis 1968. Je soupçonne que vous le connaissez très bien. Je vais plutôt mettre l'accent sur l'expérience de 2015, et sur ce que je vois comme étant les conséquences de celle-ci.
    Plusieurs des points de vue que je vais soulever sont tirés d'un rapport que l'Institut de recherche en politiques publiques, ou l'IRPP, a publié en mars 2016, en collaboration avec l'École de journalisme et de communication et le programme de gestion politique Riddell de l'Université Carleton. Ce rapport résume les discussions tenues lors d'un colloque que nous avions organisé ensemble, quelques semaines après la campagne de 2015, sur l'avenir des débats des chefs. Ce colloque réunissait des représentants de partis politiques, des représentants du consortium médiatique, d'autres journalistes et des chercheurs universitaires.
    Je note, en passant, que le rapport est disponible sur le site Web de l'Institut. Vous y trouverez également une série d'articles sur les mêmes enjeux publiée par Options politiques, la revue numérique de l'IRPP. Je vous invite à consulter ces articles dans l'espoir qu'ils vous seront utiles. Je vois que M. Scott Reid a une copie du rapport sur son bureau.

[Traduction]

    Étant donné que votre étude sur les débats des chefs s'amorce à peine, je vais surtout traiter aujourd'hui des enjeux qui devraient encadrer la discussion quant à la façon de créer le poste proposé de commissaire indépendant, et guider notre réflexion sur sa mission et son mandat.
    J'aimerais d'abord revenir à ce colloque tenu en décembre 2015. Nous avons pu y apprendre bien des choses, c'est le moins que l'on puisse dire. Je dirais d'abord que j'ai été surpris de la ténacité avec laquelle les organisateurs de ces débats défendaient leurs points de vue. Le colloque devait prendre en quelque sorte la forme d'une séance de remue-méninges pour imaginer de nouvelles façons d'organiser les débats, mais un peu comme c'est le cas pour les débats eux-mêmes, la discussion a rapidement pris l'allure d'une négociation où chacun reste sur ses positions quant au contrôle sur les débats à venir.
    Malgré ces tensions, un consensus a pu être dégagé. Bien que l'expérience de 2015 n'avait pas été totalement satisfaisante et que d'autres changements étaient nécessaires, tous convenaient que l'on serait encore plus malavisés de retourner aux pratiques d'antan. Certains préconisaient bel et bien un retour au modèle du consortium des télédiffuseurs, et étaient certes bien campés sur leurs positions, mais ils étaient manifestement minoritaires.
    Alors, quelle est la suite des choses?

[Français]

     Il me semble qu'avant de s'attarder à la mécanique de la réforme et à la forme que prendra la fonction de commissaire indépendant, il serait utile de réfléchir à trois questions. Qui devrait décider de la forme des débats et quelle autorité devrait-on lui donner? Quelle devrait être la nature de l'exercice et quelles formes devraient prendre les débats? Comment faciliter l'accès à ces débats au plus grand nombre d'électeurs possible?

  (1205)  

[Traduction]

    Qui doit décider, de quoi décide-t-on exactement et comment pouvons-nous nous assurer que tous aient accès sans restriction à ces débats?
    Jusqu'à tout récemment, il était relativement facile de s'entendre quant à savoir qui devait participer aux débats et qui devait les rendre accessibles aux citoyens. Les chefs des trois partis nationaux apparaissaient comme un choix logique, car ils étaient les seuls à avoir des chances de devenir premier ministre. La télévision semblait également être la solution qui s'imposait pour rendre les débats accessibles au plus grand nombre. Il semblait donc raisonnable de réunir ces deux groupes dans une même pièce pour régler les différents détails. Il était logique que ce soit eux qui décident.
    Cela devient toutefois beaucoup moins évident aujourd'hui avec l'augmentation du nombre de partis et l'évolution technologique qui influe sur le paysage médiatique et les différents auditoires. Du point de vue des médias, on veut se servir des débats pour demander des comptes aux chefs de partis. Les partis politiques cherchent pour leur part à en tirer un avantage tactique et à établir une communication directe avec les électeurs. Il s'agit là de points de vue tout à fait raisonnables, mais on néglige tout de même de tenir compte des intérêts des citoyens.
    Il m'apparaît évident que les débats devraient appartenir aux électeurs, plutôt qu'aux diffuseurs et aux chefs politiques. Jusqu'à présent, les électeurs sont toutefois les seuls à ne pas être invités à la table lorsque ces décisions sont prises. Quelle que soit la formule retenue, nous devons nous assurer de replacer les intérêts des citoyens au coeur du processus décisionnel quant au nombre de débats des chefs et à la forme qu'ils prendront.
    Le commissaire pourrait être mandaté pour défendre les intérêts des citoyens, mais cela changerait nécessairement la donne quant à savoir de qui relèverait ce commissaire et de quelle façon il devrait rendre des comptes. Les partis politiques et les radiodiffuseurs doivent avoir leur mot à dire, mais ils devraient selon moi agir dans un rôle secondaire. En outre, si l'on veut que le processus soit encore plus transparent, le commissaire indépendant pourrait peut-être trouver le moyen de faire en sorte que ces discussions ne se tiennent plus derrière des portes closes et que la forme des débats soit déterminée sur une tribune publique.
    De quoi décide-t-on? Le colloque a permis de s'entendre sur certains points d'ordre général quant au nombre de débats et à la formule utilisée. Il est préférable de donner aux électeurs le plus d'occasions possible de voir leurs chefs débattre entre eux. Il faut que tous les citoyens puissent voir au moins une fois les chefs des grands partis débattre des principaux enjeux dans chacune des langues officielles, et ce, sur la plateforme de leur choix. Il faut réinstaurer cette pratique qui a été abandonnée en 2015.
    Il y a un autre élément tout aussi important à considérer. La diversité des formats et des approches utilisés par les différentes organisations médiatiques en 2015 peut stimuler l'intérêt de certains électeurs et permettre de rejoindre de nouveaux auditoires, une piste qu'il convient d'explorer plus à fond. Nous devrions aussi envisager d'autres types de débats, n'opposant pas nécessairement les chefs de parti, qui porteraient sur des enjeux, des régions ou des groupes démographiques particuliers.
    En terminant, les questions d'ordre plus pratique visant à déterminer qui organise les débats, qui en paie la note et qui les anime ne sont pas à négliger et doivent être considérées parallèlement aux enjeux fondamentaux relevant du mandat d'une commission ou d'un commissaire indépendant. Il faut donc les intégrer aux discussions et ne jamais les perdre de vue.

[Français]

    En ce qui a trait l'accessibilité des débats, plusieurs participants au colloque ont noté combien ce fut un enjeu important pour plusieurs électeurs, en 2015. M. Adams y a fait référence dans sa présentation. Sans grand rendez-vous ou sans grand-messe, le nombre d'électeurs qui ont regardé l'un ou l'autre des cinq débats a chuté par rapport à ceux des élections précédentes, et il faut remédier à cette situation.
    Les participants au colloque n'ont pas eu l'occasion d'en discuter en détail, mais certains ont évoqué la possibilité de nommer un diffuseur hôte, à la manière des Jeux olympiques, pour en assurer une large diffusion. D'autres proposaient d'explorer la possibilité de faire de la diffusion des débats une condition pour obtenir sa licence de diffusion. D'autres encore ont fait valoir le rôle que pourraient jouer les médias sociaux, qui pourraient être appelés à en faire une contribution plus structurée.
    Il faudrait absolument réfléchir aux incitatifs qui peuvent être créés pour encourager la participation de tous les diffuseurs potentiels et au pouvoir qu'on pourrait donner au commissaire pour imposer formellement un certain comportement.

[Traduction]

    J'aimerais faire deux observations en guise de conclusion. Premièrement, le mode actuel d'organisation des débats ne satisfait aucun des participants. Même ceux qui préconisent le modèle du consortium en trouvent à redire au sujet du processus, ce qui confirme selon moi la pertinence de la décision prise par votre comité et le gouvernement en faveur d'une étude qui vise non pas à déterminer si une réforme s'impose, mais à savoir comment on va s'y prendre.
    Deuxièmement, nous devons établir dès le départ si les débats sont un exercice de journalisme ou un exercice de démocratie. Ce choix fondamental façonnera toutes les décisions qui s'ensuivront. Même au détriment de l'aspect divertissement, des éventuelles fluctuations dans les cotes des partis et du strict intérêt journalistique, je recommande vivement que l'on considère les débats comme des instruments de démocratie. C'est l'optique dans laquelle vos délibérations devraient se tenir.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

  (1210)  

    Merci, monsieur Fox.
    C'est maintenant le tour de Mme Hilderman.

[Traduction]

    Merci beaucoup de me permettre de prendre la parole devant le Comité.
    Je m'appelle Jane Hilderman et je suis directrice générale de Samara, un organisme de bienfaisance indépendant et non partisan qui s'emploie à renforcer la démocratie canadienne aux moyens de recherches novatrices et de programmes originaux visant l'engagement actif de nos citoyens et de nos dirigeants.
    Je veux aussi remercier le Comité d'avoir entrepris cette étude. D'une manière générale, Samara est favorable à l'amélioration de la gouvernance et à la clarification des règles relatives à la tenue des débats pendant les campagnes électorales. Je suis tout à fait d'accord avec les arguments avancés par les autres témoins présents aujourd'hui. Les débats sont importants. Cela dit, les chercheurs ne s'entendent pas vraiment quant à l'influence exacte de ces débats sur le déroulement d'une élection, mais la plupart conviennent que les débats des chefs sont des événements marquants d'une campagne qui offrent aux électeurs l'occasion unique de comparer et d'évaluer directement les idées et la performance des chefs de partis.
    Les débats fournissent de l'information aux électeurs. Autrement dit, ils répondent à un besoin démocratique essentiel. En conséquence, la gestion des débats devrait s'apparenter davantage à celle des autres éléments du processus électoral. À l'heure actuelle, comme vous avez pu l'entendre, les débats se déroulent en grande partie de façon non contrôlée, leurs modalités sont décidées au coup par coup sans aucune transparence, et ils ne servent pas toujours l'intérêt public.
    Samara serait en faveur de l'adoption de mesures visant à faire en sorte que les débats électoraux soient régis de façon plus cohérente, transparente et impartiale. Pour atteindre l'objectif visé, il faut également que les débats puissent permettre d'intéresser et de mobiliser un auditoire en pleine évolution aux moyens des nouvelles technologies permettant la mise en commun de l'information. L'adoption d'un système trop bureaucratisé ou hiérarchisé pour l'organisation des débats pourrait également entraîner des coûts, lesquels ne se limiteraient pas aux seuls frais financiers.
    En bref, nous estimons que le Comité doit chercher le juste équilibre entre la nécessité de réglementer les choses et la volonté d'offrir la fluidité et le dynamisme nécessaires pour que les débats demeurent pertinents et susceptibles d'intéresser un vaste auditoire.
    Nous jugeons utile de réfléchir à ce que devrait permettre la création d'un commissariat ou d'un poste de commissaire chargé de réglementer les débats fédéraux. Voici les deux objectifs les plus importants à nos yeux du point de vue démocratique. Premièrement, il faut établir des critères clairs pour guider le choix des participants. Deuxièmement, il convient de mettre en place un mécanisme décisionnel impartial de manière à veiller à ce que l'intérêt public soit pris en compte. Si on ne le fait pas, ce sont, comme plusieurs l'ont fait valoir, les intérêts concurrentiels des partis politiques et des radiodiffuseurs qui priment dans les négociations. Ce sont les mêmes principes fondamentaux qui guident notre réglementation des autres aspects du processus électoral, comme le temps d'antenne des partis, leurs dépenses et la délimitation des circonscriptions.
    Nous avons grand-hâte d'entendre ce que les représentants des partis et des radiodiffuseurs auront à dire lors de vos prochaines séances. Étant donné le manque de transparence qui a caractérisé le processus jusqu'à maintenant, nous croyons qu'il y a bien des choses qui devraient être mieux connues, tant par Samara que par les citoyens, pour en arriver à une meilleure compréhension des enjeux en cause.
    Nos premières analyses nous permettent de dégager un éventail de solutions possibles que le Comité pourrait envisager dans la recherche du juste équilibre entre l'aspect réglementation et la volonté de conserver une flexibilité suffisante.
    À l'une des extrémités du spectre des possibilités, il y a le maintien de la situation actuelle marquée par un contrôle public minime, voire inexistant. Il est très difficile de savoir quelle forme pourraient prendre les débats lors de la prochaine campagne électorale, surtout dans le contexte de l'effondrement du modèle du consortium en 2015.
    Comme solution de compromis, on pourrait envisager la désignation d'un coordonnateur qui contribuerait à l'établissement d'un ensemble de normes applicables aux débats électoraux. Les radiodiffuseurs et les partis politiques continueraient alors de négocier entre eux les modalités des débats comme ils l'ont toujours fait, mais devraient respecter ce faisant les nouvelles normes établies par le coordonnateur, lesquelles pourraient dicter par exemple qui peut y prendre part et la mesure dans laquelle les débats doivent être rendus accessibles via les différents modes de diffusion. Ce coordonnateur des débats pourrait aussi jouer un rôle de protecteur du citoyen en rendant publiquement des décisions, sans doute non contraignantes, quant à savoir si les débats respectent bel et bien les normes prescrites. Une telle approche pourrait être mise en oeuvre relativement facilement. Il s'agit simplement d'ajouter une couche de transparence à ce qui existe déjà. Tel qu'indiqué, le coordonnateur aurait en outre une influence très limitée, laissant plutôt aux acteurs traditionnels le soin de prendre les décisions.
    Une solution davantage mitoyenne pourrait consister à prévoir dans la Loi électorale du Canada un rôle pour un arbitre en matière de débats. Il existe déjà un arbitre en matière de radiodiffusion qui pourrait servir de modèle dans ce contexte. Selon l'article 332 de la Loi électorale du Canada, l'arbitre en matière de radiodiffusion est nommé par le directeur général des élections, mais est choisi « à l'unanimité par les représentants des partis enregistrés » à la Chambre des communes. Il faut noter que ce choix est fait longtemps avant une élection. En vertu de la loi, il doit se faire dans les 90 jours suivant le jour du scrutin de l'élection générale précédente.

  (1215)  

     La fonction de l'arbitre responsable de la radiodiffusion est de prendre des décisions relatives à l'attribution du temps d'antenne entre les partis, ce qui est garanti en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Il convient également de souligner que les décisions sont rendues bien avant le déclenchement des élections.
    Pendant la campagne électorale, l'arbitre est saisi des conflits entre les radiodiffuseurs et les partis, et il rend promptement des décisions définitives et exécutoires. Il est concevable qu'un arbitre chargé des débats puisse contribuer aux décisions définitives concernant la structure, la forme et le contenu des débats lorsque les partis et les radiodiffuseurs ne parviennent pas à s'entendre ou lorsque des parties externes ont déposé des plaintes.
    Enfin, l'intervention de dernier recours serait la création d'une commission indépendante et distincte ayant pour vaste mandat de déterminer le contenu et la distribution des débats. Dans le cadre de ce modèle, la responsabilité passerait des partis et des radiodiffuseurs à un organisme public. Par conséquent, il pourrait être nécessaire d'envisager des pouvoirs législatifs accrus, y compris le pouvoir d'exiger la participation ou de décourager l'absence à un débat, pour ce qui est des chefs et auprès des radiodiffuseurs, afin de veiller à ce que les débats soient regardés par un vaste auditoire.
    Nous avons pensé que cette approche à moyenne portée serait la plus appropriée à ce stade-ci, car nous entrons un peu dans un nouveau domaine de réglementation. Nous ne voulons pas créer une structure qui pourrait nuire à la capacité des organisateurs des débats à demeurer souples et à évoluer rapidement dans le secteur de l'information et des communications.
    Le modèle de l'arbitre est d'abord intéressant compte tenu l'impartialité attribuable au processus de nomination. L'arbitre recevrait un mandat des partis enregistrés, mais assumerait le pouvoir décisionnel après sa nomination.
    Deuxièmement, il y a la transparence dans la prise de décisions. L'arbitre responsable de la radiodiffusion se sert actuellement d'une formule pour attribuer le temps d'antenne. De façon similaire, un arbitre chargé des débats pourrait établir une formule pour déterminer les critères de participation, peut-être en tenant compte des observations d'un comité. La formule, ainsi que le raisonnement qui la sous-tend, devrait être rendue publique avant la campagne électorale, et les décisions prises au fil du temps grâce à ce pouvoir décisionnel créeraient des précédents. Cette façon de procéder permettrait également d'être plus transparent par rapport au processus à huis clos auquel participent de nombreux acteurs.
    Troisièmement, l'avantage de ce modèle est de maintenir la souplesse du processus. Il ne serait pas nécessaire de créer tout un service parallèle à celui du directeur général des élections. De plus, ce modèle n'éliminerait pas l'apport pertinent des partis ou des radiodiffuseurs qui, je crois, savent ce qu'il faut pour présenter un débat à un vaste auditoire.
    Je tiens à souligner que notre réflexion à cet égard ne fait que commencer, mais j'espère que ces observations aideront à structurer une discussion.
    Je vais profiter de l'attention que vous m'accordez pour souligner un dernier point qui se rapporte à une chose dite plus tôt dans mon exposé, à savoir que les électeurs doivent être renseignés pour savoir comment voter.
    Dans une campagne moderne, la publicité numérique minimise l'influence des médias plus traditionnels, comme la télévision et la radio, et, à vrai dire, les débats des chefs. Pendant une campagne, de la publicité numérique est diffusée tous les jours par les partis politiques, des tiers et même des citoyens, et elle peut cibler grandement le destinataire. L'utilisation de cet outil, la transparence dont on fait preuve et les normes suivies font pourtant l'objet d'une surveillance minimale.
    Dans la revue Options politiques, les chercheurs Fenwick McKelvey et Elizabeth Dubois font remarquer que l'intelligence artificielle change les campagnes, et nous ne sommes pas prêts.
    Du point de vue de la conception réglementaire, c'est un domaine très complexe qui devra être sérieusement étudié pour concevoir un régime efficace qui suit l'évolution des technologies. Comme nous sommes à moins de 700 jours des prochaines élections, qui seront plus numérisées que jamais, cet aspect semble plutôt urgent.
    Je le signale pour mettre en contexte la conversation sur les débats des chefs. Ils sont importants, mais ils ne constituent peut-être pas l'aspect politique le plus important quand on parle des renseignements auxquels les électeurs ont accès de nos jours.
    Nous sommes impatients que le Comité examine toutes les options possibles. Merci beaucoup de cette occasion de contribuer à votre étude.
    Merci.
    C'est un formidable préambule à notre étude. Nous avons beaucoup de matière à réflexion.
    Avant de passer aux questions, j'ai oublié de dire au Comité que nous tiendrons une rencontre officieuse le mercredi 29 novembre, à 16 heures, en compagnie de la délégation du Ghana.
    Nos interventions seront de sept minutes, ce qui comprend les questions et les réponses.
    Nous allons commencer par M. Simms.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Les exposés se sont révélés beaucoup plus instructifs que je le pensais. Ne vous méprenez pas; je ne sous-estimais pas vos capacités.
    Monsieur Adams, vous avez d'abord dit que, de nos jours, les communications et les publicités sont courtes, arbitraires et négatives. Je vais donc moi aussi commencer ainsi. Je ne suis pas négatif, mais les deux autres qualificatifs s'appliquent à moi.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Scott Simms: J'ai vraiment aimé ce que vous avez dit, à savoir que vous êtes guidé, en tant que journaliste, par les conflits et la nouveauté, mais que c'est votre femme qui était guidée par l'accès à l'information non filtrée. C'est probablement l'essentiel de la question que nous voulons aborder. Je suis content que vous ayez raconté cette anecdote, mais vous avez mentionné des choses que certaines personnes pourraient qualifier de trop normatives.
    Pour institutionnaliser les débats, la condition de licence pour les radiodiffuseurs... Lorsqu'un parti politique ne participe pas, il n'aura pas droit de diffuser des publicités pendant trois ou quatre jours, ou vous pourriez juste dire qu'à partir de 8 heures, heure de l'Est, il y aura une place inoccupée sur le podium; on participe ou on ne participe pas.
    Je suppose que ma question s'adresse aux trois témoins. Aux États-Unis, c'est un organisme sans but lucratif. Nous parlons ici d'une commission, et à la dernière séance, des gens ont fait allusion au fait que certains titulaires sont nommés par le gouvernement. J'essaie juste, de prime abord, de comprendre dans quelle mesure une commission devrait être impliquée. Autrement dit, dans quelle mesure devrait-elle être indépendante du gouvernement, pour commencer?

  (1220)  

    Permettez-moi de parler du rôle des réseaux et de la notion de condition de licence. Nous avons appris des deux dernières élections qu'il y a une énorme différence d'auditoire selon que les grands réseaux participent ou non. Je ne peux pas répéter tout ce que j'ai entendu à l'interne quand je travaillais en radiodiffusion, mais je sais que la participation des réseaux repose en grande partie sur des considérations qui n'ont rien à voir avec l'intérêt du public ou des électeurs.
    Il m'apparaît évident que lorsque tous les grands réseaux participent, le nombre d'électeurs touchés est considérable et l'auditoire est plus vaste. Un temps d'antenne obligatoire pendant quelques heures, une fois tous les quatre ans, n'est pas particulièrement coûteux. Il y aura évidemment des pertes. À la réunion organisée par l'Institut de recherches en politiques publiques, les réseaux ont exprimé certaines de ces préoccupations, mais elles ne m'inquiètent pas beaucoup.
    À propos de la présence des chefs, nous avons vu dans d'autres pays que lorsque des chefs font faux bond, ce qui en ressort, c'est que les gens s'attendent à ce qu'ils se présentent au travail. Les électeurs ont le droit d'être renseignés. Comme je l'ai dit, je n'essaie pas d'insinuer qu'il y a quelque chose de mal dans la publicité ou le journalisme, mais l'accès offert aux électeurs est limité. Les débats des chefs procurent une autre sorte d'accès qui est utile pour les électeurs.
    On obtient essentiellement de petites séquences des chefs qui s'interrompent sans cesse, qui ne cèdent pas la parole pour des raisons évidentes.
    Monsieur Fox, je suis heureux de vous revoir. J'aime votre citation au sujet de l'exercice de la démocratie. De nos jours, pour exercer la démocratie, il faut toutefois beaucoup plus de tribunes qu'avant. Monsieur Adams a parlé des réseaux, mais sur Internet, aucune avenue n'est négligée.
    Ma question est similaire: comment voyez-vous cette commission? À votre avis, à quel point doit-elle contribuer à des décisions qui portent, par exemple, sur les participants, le contenu et type de tribunes utilisées?
    Il est difficile d'imaginer un commissaire qui ne contribue pas à ce genre de décisions. Il semble que la terminologie ait évolué — c'est peut-être juste dans ma tête —, car je crois qu'on parlait avant d'une commission indépendante chargée des débats. J'ai remarqué que le terme « commissaire » s'est faufilé dans les documents plus récents. À mon avis, cette nuance est probablement recommandable et utile pour éviter de mettre sur pied une énorme bureaucratie comme celle à laquelle Jane a fait allusion. Cela pourrait procurer davantage de souplesse.
    Si je peux me permettre, très rapidement, souscrivez-vous à ce que Mme Hilderman a dit à propos... pas d'un arbitre, mais d'un animateur, en ce sens?
    Je crois que oui. Il faut que ce soit...

[Français]

plaque tournante,

[Traduction]

si on peut dire, pour fournir les nombreuses tribunes.
    Je pense qu'il est différent de contraindre les médias, même les médias traditionnels — les diffuseurs et les autres —, à transmettre le signal aux citoyens. J'ai l'impression qu'il pourrait être plus difficile de réglementer une participation obligatoire des chefs, et que vous pourriez continuer de laisser ceux qui font faux bond à en payer le prix politique. Je pense qu'il faudrait, au moins au début, faire preuve d'une certaine souplesse, car nous ne savons pas encore en quoi cela consistera.

  (1225)  

    Tout à fait.
    Madame Hilderman, avez-vous des observations à ce sujet? Je n'ai pas beaucoup de temps, mais allez-y.
    Je pense qu'il semble effectivement y avoir un équilibre. Si vous voulez une réelle indépendance, on peut souvent l'obtenir à mesure qu'on s'éloigne des intérêts partisans et des intérêts des radiodiffuseurs, ce qui signifie alors qu'un plus grand pouvoir est nécessaire d'une certaine façon. Vous avez besoin d'un bâton à brandir ou d'incitatifs puissants pour structurer cela plutôt que de laisser une certaine latitude permettant aux intervenants de négocier pendant une période électorale.
    Ce que nous voulons dire, c'est qu'un seuil, des lignes directrices ou des aspirations seraient probablement utiles pour parvenir à ce que nous pensons vouloir et pour rendre ce genre de souplesse possible dans un contexte de campagne électorale.
    Voulez-vous dire des lignes directrices fournies dans une loi? J'essaie de déterminer dans quelle mesure la législation doit être normative pour établir un modèle comme celui que vous décrivez. Je crois que vous êtes peut-être tous les trois sur la même longueur d'onde.
    C'est une bonne question. Je pense que le libellé doit expliquer ce que la commission devrait accomplir. Je ne sais pas si nous serions aussi bien servis par une mesure qui prescrit précisément les critères, la façon dont les choses devraient être ou les décisions qui devraient être prises. Il n'y aurait autrement aucun pouvoir décisionnel ni aucune souplesse.
    M. Fox ou M. Adams veulent-ils se prononcer?
    Je suis d'accord. Peu importe en quoi consiste la nouvelle entité, je crois qu'il faudrait donner la souplesse nécessaire pour s'adapter au nouvel environnement. Nous ne savons pas dans quelle mesure les médias sociaux interviendront dans l'organisation des futurs débats. Je ne sais pas s'il faudrait appliquer les mêmes règles à tous les types de débats, surtout si nous cherchons à favoriser la diversité. Je pense qu'il faut donner un pouvoir de décision et une certaine souplesse.
    À propos de savoir si le commissaire doit être nommé par le gouvernement, vous aurez besoin de quelqu'un qui a la confiance de tous les partis politiques. Par conséquent, je crois qu'il est judicieux de prendre le temps de déterminer si le processus doit être parlementaire, tout en s'assurant dès le départ que la personne ou les personnes choisies jouissent d'un certain appui et de la confiance des différents intervenants.
    Allez-y, monsieur Adams.
    Je veux juste dire très rapidement qu'à chaque campagne électorale de notre époque, les réseaux des radiodiffuseurs deviendront de moins en moins importants. Il ne faut toutefois pas s'y méprendre: ils sont encore le principal moyen grâce auquel les Canadiens regarderont les débats. Cela va peut-être changer, mais ce n'est pas encore le cas.
    Merci.
    Monsieur Reid, vous avez la parole.
    Merci à tous nos témoins. J'ai trouvé tous vos exposés très intéressants.
    Je veux commencer par une affirmation qui est presque assurément juste selon moi. Professeur Adams, vous avez proposé d'infliger une sanction aux dirigeants qui ne participent pas. Vous avez parlé plus précisément de la possibilité de diffuser des publicités. Je pense, par définition, que vous conviendrez qu'une loi serait nécessaire. Il n'existe pas de moyen non législatif de passer de la situation actuelle à ce que vous proposez, n'est-ce pas?
    En effet.
    J'en déduis que vous privilégiez une loi. Je pose la question parce que la ministre a laissé entendre qu'il pourrait y avoir un moyen législatif ou non législatif d'atteindre l'objectif énoncé dans sa lettre de mandat. Vous êtes donc favorable à une loi.
    Je vais poser la même question aux trois témoins. Sans trop entrer dans les détails, car j'ai d'autres questions, pouvez-vous juste dire si vous privilégiez ou non une loi?
    Oui.
    Je n'ai pas encore d'opinion à ce sujet.
    Le modèle de l'arbitre responsable de la radiodiffusion repose sur une loi. Si vous vous engagez dans cette voie, je pense alors que c'est l'approche à adopter. À propos des observations de la ministre, je serais curieuse d'en entendre davantage. En lisant les bleus, je ne me suis pas fait une idée exacte de la façon dont cela fonctionnerait au moyen de subventions et de contributions. Cela pourrait peut-être fonctionner. Je ne pouvais pas vraiment imaginer ce genre de résultat.
    Oui. Je ne vois pas comment certaines questions seraient réglées. Il faudrait nécessairement modifier des dispositions législatives, tout ce qui concerne le financement des partis, par exemple, ou la façon dont interviennent les radiodiffuseurs pendant les périodes électorales, car tout changement à cet égard nécessiterait une modification de la Loi électorale du Canada. Je ne vois juste pas comment éviter cela. Je ne dis pas que vous devriez vous engager dans cette voie, mais si vous tentez d'être normatif, je pense que vous devriez le faire au moyen de modifications à la Loi électorale du Canada. Je l'affirme pour voir si vous pensez que j'ai raison ou non.
    C'est un problème qui n'existait pas dans ce genre de discussions. C'est un jeu à somme nulle, comme l'a dit M. Fox. C'est ainsi dans une certaine mesure pour les différents radiodiffuseurs qui ont avantage à tenter de vous faire regarder leur chaîne plutôt que la couverture médiatique en ligne. Cela me porte vraiment à croire, et c'est lié à ma prochaine question, que tout ce qui pourrait en découler, s'il y avait un processus législatif, devrait prendre la forme d'un produit instantanément disponible... Je ne suis pas certain qu'une licence Creative Commons soit la bonne approche en matière de droits d'auteur, mais il devrait effectivement n'y avoir aucun contrôle à cet égard.
    Je me demande si vous souscrivez à cette affirmation. La question s'adresse à vous trois. Je vous prie d'être brefs, car je dois passer à ma troisième question.
    Allez-y, monsieur Fox.

  (1230)  

    Je suis d'accord. Je pense que certaines de ces décisions ne devraient pas faire partie des négociations entre les partis et les radiodiffuseurs, car c'est là qu'il existe un jeu à somme nulle. Je pense que l'application uniforme sur les différentes tribunes de règles générales ou de principes généraux venant d'ailleurs constitue une manière plus neutre de procéder.
    Je suis d'accord.
    Oui. Je ne pense pas que ce qui est demandé aux radiodiffuseurs soit trop coûteux, étant donné qu'on parle d'un débat de trois heures, aux quatre ans, pour que tous aient la même licence de diffusion.
    J'arrive maintenant à la partie qui m'a le plus posé problème. On peut débattre du temps qu'il faut réserver aux déclarations préliminaires et de toutes les questions d'organisation, mais l'enjeu central lié aux participants et à la nature de leur participation est un jeu à somme nulle. Actuellement, comme c'est le cas depuis plusieurs années, on semble se concentrer sur la participation du Parti vert.
    Lorsqu'on examine la question d'un point de vue historique, il est évident que la participation ou la non-participation d'un parti aux débats a eu une incidence considérable sur le succès potentiel des partis. En 1993, par exemple, cela a joué un rôle déterminant dans la percée du Parti réformiste et du Bloc québécois. Sans cette tribune, le résultat des élections aurait pu être extrêmement différent.
    L'enjeu n'est pas neutre; la question est donc la suivante: nous pouvons soit inclure cela dans une mesure législative, soit laisser cela à la discrétion d'une commission ou d'un commissaire, ce qui signifie que lors des prochaines élections, le sort de nos partis politiques, la composition du Parlement qui sera élu et les politiques qui émaneront de ce Parlement dépendront en quelque sorte de la discrétion d'une personne ou d'une commission. Je n'ai pas de solution idéale à proposer pour résoudre ce problème. J'espère que vous en avez une.
    C'était ma dernière question. J'aimerais donc, pour le temps qui reste, entendre vos commentaires à ce sujet.
    Je prendrais garde d'adopter au préalable des règles trop rigides relativement à une commission ou à un commissionnaire. Le système de partis du Canada est beaucoup plus souple que celui des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, par exemple. Si vous regardez la liste des partis qui se sont bien tirés d'affaire au pays au cours des 25 ou 30 dernières années, vous constaterez rapidement qu'il y en a plus de six. L'exemple de 1993 est très frappant. Deux partis qui n'existaient pas auparavant ou à tout le moins qui n'étaient pas des partis officiellement reconnus ont réussi à devenir les principaux partis d'opposition.
    Par rapport à l'inclusion de Mme Elizabeth May, je pense que les réseaux ont pris cette décision pour des questions de programmation, en pensant que ce serait un excitant spectacle télévisuel. Je ne dis pas que c'était une erreur sur le plan de la démocratie; je dis simplement que ces décisions ne devraient pas être fondées sur de tels critères.
    J'ai deux brefs commentaires en réponse à votre question.
    Premièrement, je pense que le moment où ces décisions sont prises pose problème. Souvent, elles sont prises à la veille du déclenchement d'une élection ou dans les premiers jours d'une campagne électorale, alors qu'on tente toujours de déterminer les participants aux divers débats. La participation active des partis politiques aux négociations avec les diffuseurs leur permet d'user davantage de considérations tactiques. Par exemple, est-il plus dans mon intérêt d'être placé à vos côtés, aujourd'hui, que cela l'aurait été si la décision avait été prise quelques mois auparavant, avant de connaître notre classement respectif dans les sondages, etc.
    Je pense aussi que c'est une erreur de prendre des décisions en fonction de circonstances précises, en toute connaissance des partis et des chefs de parti participants. On serait porté à croire qu'il serait possible de s'entendre sur un ensemble de principes ou de lignes directrices afin d'éclairer le processus décisionnel. Pourrait-on envisager une représentation établie en fonction de la répartition des sièges à la Chambre au moment de la dissolution, en fonction des régions où les partis présentent des candidats ou encore selon le nombre de candidats? Pourrait-on établir un seuil lié à l'appui du public six mois avant les élections, sans égard aux circonstances?
    Je pense qu'il serait préférable de lier la participation à la satisfaction de la majorité de ces conditions, plutôt que de chercher à déterminer, à la veille des élections, si une personne donnée pourra participer à un débat précis, ce qui pose manifestement problème.

  (1235)  

    Je ferais écho, en grande partie, aux commentaires de M. Fox.
    Encore une fois, le modèle de l'arbitre responsable de la radiodiffusion est intéressant, car la loi établit des critères, mais comprend aussi un pouvoir discrétionnaire. L'arbitre a ainsi pu, au fil du temps, modifier la formule quant à la répartition du temps d'antenne. Disons encore une fois que nous pensons que ces facteurs sont les plus importants, mais que cela s'accompagne d'un pouvoir discrétionnaire, étant donné les circonstances. Retenez que cela peut se faire avant le déclenchement des élections, ce qui élimine en partie les tractations politiques.
    Merci.
    Monsieur Christopherson.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les témoins d'être ici.
    Je n'ai pu assister à la dernière réunion, car j'avais un autre engagement. Je tiens donc simplement à exprimer mon enthousiasme à cet égard. C'est loin d'être une mauvaise idée. Je suis extrêmement enthousiaste.
    La dernière fois, c'était un véritable zoo; c'était ridicule. La démocratie et les Canadiens n'ont pas été bien servis. Nous sommes tous coupables. Je ne cherche pas à dénigrer qui que ce soit. Tous les partis politiques ont eu un rôle à jouer dans ce cirque.
    Pour me préparer à cette réunion, j'ai lu les bleus de la dernière réunion. J'ai remarqué que la dernière fois, M. Reid a soulevé des questions similaires concernant les lois et la légalité. Si cela demeure toujours flou après notre rencontre avec le directeur général des élections — qui a une grande expertise —, monsieur le président, il serait avisé que nous passions au moins une heure avec notre légiste et conseiller parlementaire afin d'avoir une compréhension précise de ce que nous pouvons faire ou non et des écueils juridiques à éviter si nous choisissons d'aller dans une direction par rapport au Parlement. Je vous invite simplement à y réfléchir, monsieur.
    Je dois dire qu'au début, je pensais que la création d'une commission indépendante était une excellente idée. Je ne m'y étais pas attardé outre mesure. Depuis, je m'interroge toutefois sur la pertinence d'établir une nouvelle entité indépendante qui interviendrait seulement à intervalles de deux à quatre ans, selon que nous avons un gouvernement minoritaire ou majoritaire, plutôt que de confier ce rôle au Bureau du directeur général des élections. L'avantage que cela relève du directeur général des élections est, évidemment, que la partisanerie est déjà absente, étant donné qu'il est un agent du Parlement. Le directeur général des élections travaille pour le Parlement et non pour le gouvernement, ce qui est fondamental.
    Les mesures nécessaires existent peut-être déjà dans le cadre actuel. Elles peuvent être accrues au préalable, puis réduites. Je suis ouvert à toute solution. Je me demande si vous avez des observations supplémentaires à ce sujet, si vous pouviez nous parler de votre préférence ou nous dire si vous pensez que nous serions mieux servis par une commission indépendante ou si la modification d'une structure existante nous permettrait de faire des économies considérables et d'être beaucoup plus efficaces.
    Je vous demanderais à tous les trois de me dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît.
    Dans la foulée de l'activité organisée par l'IRPP il y a deux ou trois ans, j'ai d'abord pensé que cela devrait relever d'Élections Canada, étant donné les structures distantes et pour toutes les raisons que vous avez évoquées. Si j'ai parlé d'un commissaire dans mon exposé, c'est parce que je considère que ce n'est pas l'aspect le plus essentiel. À mon avis, l'essentiel est de miser sur une personne impartiale, politiquement neutre, qui défend les intérêts des électeurs. Cela dit, j'ai d'abord pensé à Élections Canada.
    Je pense que la forme devrait correspondre à la fonction. Il s'agit d'abord de décider du mandat de la commission ou du commissionnaire, puis les décisions en matière de gouvernance suivront.
    Je pense que nous exigeons déjà beaucoup du directeur général des élections. Je me contenterai donc de dire qu'il faut veiller à nommer à ce poste une personne compétente qui pourra contribuer à la gestion du processus. Je pense qu'une certaine distanciation est dans l'intérêt de notre système électoral, ce qui n'est pas vraiment le cas de la planification des débats politiques. Le Comité devrait réfléchir soigneusement à cette question. Élections Canada pourrait certes avoir un rôle, mais sans être directement lié à la planification des débats.

  (1240)  

    Voilà d'excellents conseils. Merci beaucoup.
    Avant de poser une question plus générale, madame Hilderman, j'aimerais revenir à un aspect que vous avez soulevé — un aspect qu'il m'est deux fois plus difficile à comprendre, étant donné mon âge —, soit l'intelligence artificielle et son incidence possible. Pouvez-vous vous attarder davantage sur cet aspect afin que je puisse avoir une idée plus générale de votre façon de voir les choses? Je pense que vous avez raison, mais je n'arrivais pas à l'expliquer.
    Je ne dirais pas que j'ai une connaissance approfondie de l'intelligence artificielle, mais je sais que c'est un enjeu sur lequel les législateurs devront se pencher. Le camionnage est l'exemple qui vient le plus facilement à l'esprit, mais je pense que cela changera la donne dans tous les secteurs, notamment la politique, et nous n'avons pas examiné cet aspect aussi attentivement que nous l'aurions dû.
    C'est déjà commencé. On utilise déjà l'intelligence artificielle ou l'apprentissage machine pour analyser les données existantes pour sélectionner des gens sur les réseaux sociaux ou d'autres plateformes afin de cibler et de tester des messages. On ne parle pas ici d'un ou deux messages, mais de centaines voire de milliers de messages, pour parfaire les techniques de ciblage. Nous n'avons pas toujours une idée précise de la teneur des informations transmises, comme nous ne savons pas si les gens sont conscients des raisons pour lesquelles ils ont été ciblés. Lorsqu'on pense à la sphère publique ou aux débats publics, il est très facile d'amplifier considérablement certains points de vue. L'intelligence artificielle est utilisée pour créer des robots, entre autres choses, afin de repérer et d'amplifier certains points de vue ou encore d'empêcher la diffusion d'autres opinions.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que cela entraîne une distorsion dans l'espace public. Nous disons donc que les débats visent à permettre aux électeurs d'entendre les différents points de vue. Cet enjeu comporte toutefois de nombreux autres aspects qu'il serait malavisé d'ignorer dans notre réflexion sur les questions liées à l'information.
    Exactement. Quant à l'entrée en scène de l'intelligence artificielle dans le domaine politique, je connais beaucoup de Canadiens qui accepteraient d'emblée toute forme d'intelligence dans notre sphère politique.
    Notre prochaine étape sera de déterminer les pouvoirs, le mandat et la marge de manoeuvre souhaitée. Les enjeux clés seront les dates des débats, le nombre de débats, l'inclusion, l'exclusion ou le choix des participants, les endroits où seront tenus les débats, la formule utilisée et les diffuseurs retenus. C'est beaucoup, à mon avis.
    Dans une certaine mesure, vous avez tous parlé de la nécessité de ne pas être trop normatif et de maintenir une certaine souplesse. Selon vous, quel devrait être le mandat? Êtes-vous d'avis que nous devrions indiquer qu'ils sont responsables de déterminer le nombre de débats, ou considérez-vous qu'il faudrait indiquer qu'il y a un minimum, un maximum ou un éventail à respecter? J'aimerais avoir vos observations sur le caractère normatif ou non, sur la souplesse.
    Je pense que des débats devraient être diffusés sur les principaux réseaux dans les dernières semaines d'une campagne électorale. Il faudrait à tout le moins tenir un débat dans chacune des deux langues au cours des deux dernières semaines de la campagne.
    Dans le cas présent, il y a peut-être moyen d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Comme Paul l'a indiqué, vous pourriez exiger la diffusion d'un nombre minimal de débats sur toutes les plates-formes, ce qui permettrait d'être plus normatif, tout en ne nuisant pas à la tenue d'autres débats dont le format pourrait être différent ou qui cibleraient des publics plus précis. Des débats pour des publics sont possibles, comme nous l'avons vu lors de l'élection de 2015. Nous ne voulons pas nuire aux débats obligatoires pour certains auditoires, mais nous voulons aussi favoriser la diversité.
    Je suis du même avis. Je pense que les Canadiens jugeront qu'il est tout à fait raisonnable d'obliger la tenue d'au moins un débat. À mon avis, cette exigence minimale ne représente pas un fardeau excessif pour les partis ou les diffuseurs.
    Excellent. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Graham.
    J'ajouterais au dernier commentaire qu'il faut garantir la tenue d'au moins un débat dans chaque langue.
    Je n'ai aucune idée de la position que j'adopterais à cet égard. Je suis très heureux que vous soyez tous venus nous présenter vos observations, parce que je n'avais pas pensé à la moitié des points que vous avez soulevés.
    Une de mes préoccupations, dont M. Nater a parlé à la ministre, je crois, c'est qu'en officialisant la structure des débats, on se trouve à minimiser l'importance des candidats locaux et des campagnes électorales à l'échelle locale. Je pense que dans les faits, notre pays a déjà un régime présidentiel, alors que ce n'en est pas un. Selon vous, cela n'a-t-il pas pour effet d'aggraver la situation? Cela n'a-t-il pas une incidence?
    Cette question, comme toutes celles qui suivront, s'adresse à vous tous.

  (1245)  

    Je comprends très bien ce point de vue. Évidemment, Samara Canada ne fait aucune entrevue de fin d'emploi auprès de députés sortants, car nous croyons que tous les députés sont importants. Je pense que nous sommes conscients que les débats des chefs diffusés à l'échelle nationale existent déjà et qu'ils ont un rôle important à jouer. Je pense qu'il convient de rappeler aux électeurs qu'à l'échelle locale, une élection ne se limite pas à la campagne électorale, mais qu'elle est aussi liée à votre mandat au Parlement, et de rappeler aux Canadiens qu'ils sont tous représentés par un député et que la participation au débat public est un aspect important.
    Je pense que beaucoup de Canadiens ont démontré que ces événements jouent un rôle primordial dans la prise de décisions. Ce que je préconise, c'est le maintien de cette tradition par l'intermédiaire d'un cadre plus officiel, car je crains que cela ne repose actuellement sur des bases quelque peu bancales. J'ose espérer que cela ne nuira aucunement aux discussions politiques à d'autres échelons et je ne vois pas pourquoi il en serait nécessairement ainsi.
    Je suis d'accord là-dessus. Je pense que nous parlons simplement d'améliorer la prévisibilité et la structure de quelque chose qui aura lieu de toute façon. Je crois qu'il y a moyen de veiller à ce que cela ne nuise pas aux activités à l'échelle locale.
    J'aimerais poursuivre sur la lancée de MM. Reid et Christopherson au sujet de la participation.
    M. Christopherson a mentionné la participation du directeur général des élections. J'aimerais présenter une observation à laquelle je voudrais que nous réfléchissions tous; j'ouvre peut-être la boîte de Pandore, mais c'est ce que nous faisons au Comité.
    Si le DGE participe, selon moi, le point de référence devient: il y a 15 partis enregistrés; ils ont tous droit à la même chose en tout temps, et toute la notion des critères est expulsée, car le DGE doit être un arbitre neutre. Dès que le DGE déclare que seuls les partis ayant des députés peuvent participer, il n'est plus un arbitre neutre sur le plan de la gestion des élections. J'aimerais savoir si vous appuyez ou si vous rejetez cette préoccupation, ou ce que vous en pensez.
    Oui, le directeur général des élections reconnaît qu'Élections Canada doit être au service de tous les partis enregistrés, mais je pense que nous reconnaissons aussi que dans la pratique, tous les partis ne sont pas égaux. Je reprends l'exemple de la radiodiffusion: tous les partis n'ont pas droit au même temps d'antenne. Nous nous sommes entendus, tant dans la loi que... C'est régi, dans une certaine mesure, par la Loi électorale du Canada, et il revient au directeur général des élections de déclarer si un équilibre a été atteint. La question est d'établir cet équilibre. Si vous officialisez la structure des débats, vous serez probablement soumis à un contrôle judiciaire; il y aura des contestations judiciaires. Bien sûr, nous contrôlerons le caractère raisonnable. Le Canada tente depuis longtemps d'être accommodant, dans des limites raisonnables. Selon moi, nous arriverons à trouver un équilibre dans ce cas-ci, mais nous ne réussirons peut-être pas du premier coup.
    Je viens du Québec, donc pour moi, les accommodements raisonnables représentent une tout autre question.
    Des voix: Ah, ah!
    J'appuie ce que Jane a dit et j'ajouterais qu'en établissant une longue liste de critères que les partis doivent remplir, vous éviterez de prendre des décisions fondées sur un parti donné, à un moment donné. Plus la population appuie la liste de critères auxquels un parti doit répondre pour participer au débat des chefs, moins les personnalités et les circonstances particulières comptent.
    À mon avis, nous devons éviter beaucoup des critères précis, comme la détention de sièges. En 1987, au Nouveau-Brunswick, M. Frank McKenna a remporté tous les sièges; il aurait donc eu un débat intéressant aux élections suivantes.
    C'est pour cette raison, selon moi, que nous devons accepter que les partis répondent à la majorité des critères, ou à deux tiers des critères. Pour les partis dont le soutien est concentré dans certaines régions, si nous exigeons, par exemple, que les partis aient des représentants dans l'ensemble du pays, cela ne fonctionnera pas non plus. Trouver une façon de déclarer qu'ils répondent à suffisamment de critères n'est peut-être pas aussi précis que nous le souhaiterions, mais d'après moi, c'est la seule solution.
    D'accord.
    Dans un autre ordre d'idées, que faudrait-il réglementer, en plus des débats? Que devrions-nous faire concernant l'utilisation d'extraits ou l'accessibilité à la version intégrale après les débats? Comment les gens peuvent-ils accéder aux débats par la suite? Comment le contenu peut-il être employé? Une chose qui arrive souvent, c'est que quelqu'un fait une affirmation durant un débat, et cette affirmation est retirée de son contexte et utilisée dans une publicité. Comment pouvons-nous réglementer aussi ces choses-là?

  (1250)  

    À mon avis, comme M. Reid l'a déjà dit, les débats devraient être libérés des droits de propriété intellectuelle; les partis et les organisations de presse devraient pouvoir les utiliser, en respectant les règles et les moeurs de notre système. Je n'irais pas plus loin que ça, mais selon moi, ils devraient être généralement accessibles. Les réseaux ne devraient pas en limiter l'accès.
    Merci.
    Je donne la minute qu'il me reste à Mme Tassi.
    Merci d'être ici aujourd'hui.
    J'ai trois questions. Voici ce que je propose: je vais poser mes trois questions, et chacun de vous pourra répondre à la question de son choix. Ne sentez pas que vous ne pouvez pas répondre à la même question que quelqu'un d'autre. Si vous voulez répondre à la même question, allez-y. C'est ma façon d'obtenir le meilleur de ce que chacun de vous a à offrir.
    Premièrement, chacun de vous a déclaré qu'il fallait mettre les citoyens au premier plan. Comment le commissaire peut-il y arriver?
    Deuxièmement, selon vous, quels seront les rôles des réseaux et des partis?
    Troisièmement, la question du coût a été soulevée. Pouvez-vous parler de la justification du coût lié à l'élaboration de ce plan?
    D'après moi, le coût des débats peut être porté principalement par les grands réseaux. Je pense que ce sont eux qui ont payé dans le passé, et je ne vois pas pourquoi cela changerait.
    Je parle du coût associé à la création d'un poste de commissaire et à son salaire.
    Désolé. Bien sûr.
    [Inaudible]... débats pour la population, l'importance de la question, s'agit-il d'un coût que le gouvernement devrait...
    Je vais répondre très brièvement aux trois questions.
    D'abord, concernant ce que les gens veulent, commençons par la recherche. À ma connaissance, aucune recherche empirique n'a été effectuée pour cerner les attentes des gens par rapport aux débats. Je pense que les réponses nous surprendraient, et elles devraient orienter le travail de la commission. J'appuierais donc fortement de telles recherches.
    Ensuite, selon moi, les réseaux et les partis devraient jouer un rôle sur le plan de la participation, mais pas des décisions.
    Enfin, compte tenu de la grande importance des débats, je dirais que les coûts publics représentent un petit prix à payer.
    J'ai une observation similaire concernant la recherche. Nous avons très peu de données au Canada, comme vous vous en rendez sûrement compte.
    Selon moi, les partis et les radiodiffuseurs ont encore un rôle important à jouer; leur participation est essentielle, et pour qu'ils veuillent que les débats se tiennent, ils doivent se sentir concernés. Ils ne devraient peut-être pas prendre les décisions finales, mais à mon avis, dans l'ensemble des cas, ils ont réussi à négocier des ententes. La présence d'un intermédiaire extérieur pour aider à faire respecter les ententes ou pour arbitrer les différends pourrait contribuer à la prise de décisions éclairées.
    D'après moi, le coût est un facteur dont il faut tenir compte. Évidemment, nous devons investir dans notre démocratie. Je me dis souvent que nous en avons beaucoup pour le peu d'argent que nous versons dans la démocratie canadienne, mais il faut reconnaître, encore une fois, que nous ne devrions pas avoir à créer un énorme appareil pour accomplir une fonction assez limitée durant une campagne électorale.
    Merci.
    Notre dernier intervenant est M. Nater.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, merci à nos invités. J'ai trouvé toutes les discussions intéressantes.
    J'ai aimé entendre les observations de Mme Hilderman au sujet des entrevues avec les députés sortants. Lorsque j'étais étudiant de cycle supérieur, j'utilisais beaucoup les transcriptions; j'apprécie donc le travail de Samara.
    J'ai aussi aimé ce que vous avez dit durant votre exposé concernant les nouvelles technologies et le monde numérique. La place privilégiée que M. Adams accorde aux grands radiodiffuseurs et son observation selon laquelle les réseaux principaux doivent absolument tenir un débat important m'ont rendu perplexe.
    Les Canadiens se tournent de moins en moins vers les grands radiodiffuseurs. Durant la dernière campagne, le réseau anglais de Radio-Canada présentait Coronation Street à la place des débats. Les organes de presse ne sont plus la source principale d'information des Canadiens. Des groupes comme Abacus Data, par exemple, ont montré que de plus en plus de Canadiens se tournent vers Facebook et des sources en ligne. Je pense qu'aujourd'hui, 51 % des Canadiens ont recours à des sources numériques.
    Les bulletins d'information télévisés sont la source d'information de quelque 12 à 20 % des Y, la génération à laquelle j'appartiens et qui constituera le plus grand groupe d'électeurs aux prochaines élections. Facebook est leur source d'information principale. Au lieu de déclarer qu'il faut absolument que les réseaux organisent un débat, on pourrait dire qu'il faut absolument diffuser un débat sur Facebook afin d'attirer la génération qui formera le plus grand groupe d'électeurs.
    Ce n'est pas que les réseaux ne sont pas importants; ils le sont certainement, y compris la CPAC. Monsieur Fox, le rapport de l'IRPP souligne le rôle de la CPAC. D'après moi, c'est un facteur dont il faut vraiment tenir compte.
    Mon intervention est plutôt une observation, mais je serais heureux de connaître votre point de vue sur l'utilisation de Facebook, de Twitter et de YouTube pour la diffusion de futurs débats. L'utilisation de telles plateformes permettrait d'atteindre une partie de la population qui croît et qui, franchement, ne s'intéresse pas autant à la politique qu'elle le devrait, malgré sa participation accrue aux dernières élections.
    Je ne sais pas si quelqu'un a une observation à faire à ce sujet.

  (1255)  

    Je vais répéter, d'abord, quelque chose que j'ai déjà dit: c'est évident que les réseaux et la télévision perdront de l'importance avec le temps. Or, cela ne devrait pas nous pousser à croire qu'ils ne sont pas, encore aujourd'hui, la source principale d'information durant les élections; ce sont vers eux que la majorité des gens se tournent.
    Je suis un consommateur de débats assez motivé, mais plus d'une fois durant les dernières élections, je savais qu'il y avait un débat, mais il m'a fallu plus de 5 à 10 minutes pour trouver la chaîne câblée sur laquelle il était diffusé. Tous ne sont pas aussi motivés que moi. À mon avis, lorsque les réseaux principaux les diffusent, ils sont accessibles et les gens savent où les trouver.
    Je n'essaie pas de minimiser l'importance croissante des plateformes numériques, mais pour l'instant, je pense que la transition se fera petit à petit, spontanément.
    Même concernant les chaînes câblées, je fais partie d'une génération qui n'est pas abonnée au câble. Je n'ai pas la télévision par satellite à la maison. Je visionne du contenu exclusivement sur d'autres appareils; je n'utilise donc pas une télécommande pour trouver des émissions à la télévision puisque je n'utilise pas la télévision. Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur la question, car mon temps de parole est limité.
    J'ai une question très simple pour M. Fox. Vous avez mentionné qu'à la fin du rapport de l'IRPP, on souligne que l'Institut serait prêt à organiser un autre colloque. Est-ce quelque chose que vous planifiez faire et qui pourrait arriver?
    Nous ne sommes pas encore en train de planifier activement une activité, mais nous sommes parfaitement ouverts à l'idée de le faire. Je pense que nous attendons que le dossier évolue un peu. Le travail du Comité contribuera grandement à cette évolution, alors restez à l'écoute.
    Je pense que vous avez raison lorsque vous dites qu'il faut être flexible et ouvert.
    Cela étant dit, pour ce qui concerne le rapport que nous devrons préparer, selon vous, sur quoi nos recommandations devraient-elles porter? À quel point devraient-elles être normatives? Devrions-nous simplement recommander la création d'un commissariat et laisser tout le reste à la discrétion du commissaire, ou devrions-nous établir des règles sur la participation, les critères et le débat même?
    La question s'adresse à quiconque souhaite y répondre.
    À ce stade précoce — je modifierai peut-être ma réponse après avoir entendu d'autres témoins dans ce dossier —, je dirais que vous devriez inclure des lignes directrices sur lesquelles le commissaire pourrait se fonder pour comprendre la tâche qui lui est confiée et pour accomplir cette tâche. Toutefois, vous ne devriez pas définir exactement... Je crois qu'il doit y avoir une certaine discrétion, une certaine souplesse.
    Pour répondre à votre première question concernant les plateformes, peut-être qu'un jour, Facebook ou Netflix voudront diffuser les débats. Pourquoi pas? Selon moi, l'ouverture est nécessaire parce qu'on établit la loi, mais on ne la révise pas toujours. Il faut donc songer au cadre qui pourrait être en place dans 10, 15 ou 20 ans.
    Nous remercions chacun et chacune de vous de votre présence. Nous allons mettre fin à la séance officielle, mais je suis sûr que vous serez tous prêts à rester quelques minutes de plus parce que je pense que certains membres du Comité souhaiteraient vous parler. Vous nous avez présenté de très bonnes informations.
    Oui, allez-y.
    Monsieur le président, j'aimerais dire quelque chose avant que vous concluiez la séance.
    Nous parlons de démocratie et de participation. J'ai déjà soulevé la question, mais je ne pense pas que nous ayons pris de décision. Vous vous rappelez sans doute qu'en 2013, nous avons fait un examen du BRI. Encore une fois, parce qu'il représente les intérêts des députés de la Chambre appartenant aux trois partis politiques reconnus, tous les députés de la Chambre ne sont pas représentés. Nous avons encore des députés indépendants. La question de la participation du Parti vert — appelons les choses par leur nom — aux débats ou à d'autres activités, comme M. Reid l'a souligné, a souvent soulevé la controverse dans le passé.
    Dans l'exemple de 2013, la formulation que nous avons employée était qu'un député n'appartenant pas à un parti reconnu soit autorisé à participer aux séances à titre de membre temporaire et sans droit de vote du Comité.
    Plutôt que de déposer une motion et de risquer de créer de la division, j'aimerais demander à mes collègues s'ils seraient prêts à adopter cette proposition et à permettre aux députés indépendants d'avoir voix au Comité. Ils seraient membres du Comité et ils auraient tous les droits, sauf celui de voter. Je me demande simplement ce que les gens pensent de cette proposition, monsieur le président, du point de vue de l'équité.

  (1300)  

    C'était une décision de la Chambre, n'est-ce pas, monsieur le greffier?
    Oui, c'était un ordre de renvoi de la Chambre.
    De la Chambre. D'accord, mais pourrions-nous tout de même l'adopter si nous le désirions?
    Oui, le Comité est libre de...
    En fait, la question de l'état de membre n'appartient pas au Comité, mais le Comité pourrait permettre la participation.
    Je m'en remets à vous, monsieur le président. Je veux simplement donner une voix aux absents, car cela les touchera autant que nous. C'est tout.
    Monsieur Bittle.
    Je sais que M. Christopherson n'était pas à la dernière réunion, mais Mme May y était et elle a pu poser des questions. Nous pourrions continuer à agir en groupe respectueux et compréhensif et leur permettre de prendre part aux échanges s'ils le souhaitent.
    Pardonnez-moi, mais ce qui me chicote, c'est l'idée qu'il faut jouer les bons samaritains auprès du pauvre petit député qui ne bénéficie pas des mêmes droits que nous. Pourtant, il est question d'emblée de démocratie et d'équité. Cela a des répercussions sur les autres. Ne pourrions-nous pas leur accorder du temps de parole en bonne et due forme, plutôt que de les laisser quêter des miettes?
    Je vais proposer une motion. Monsieur le président, je propose que le député n'appartenant pas à un parti reconnu soit autorisé à participer aux séances et qu'il dispose de tous les droits que cela suppose, à l'exception du droit de vote. Vous pouvez le formuler autrement, pourvu qu'il soit clair que ces députés aient le droit d'intervenir au même titre que les autres, sans toutefois avoir droit de vote, bien sûr.
    Je suis ouvert à vos suggestions.
    Madame Sahota.
    Il y aurait un député du Bloc et Elizabeth?
    Ils en choisiraient un ensemble. Ça s'est déjà vu. Ils ont travaillé ensemble pour représenter...
    Les deux partis choisiraient un représentant?
    Oui. Il se peut que chacun ait son idée, mais...
    Monsieur Bittle.
    Est-ce conforme au Règlement? Pouvons-nous faire cela?
    Le Règlement permet aux députés de partis non reconnus et aux députés indépendants d'assister à toutes les séances publiques du Comité. La décision revient au Comité. Vous pourriez adopter une motion prévoyant un nombre X de minutes par réunion ou modifiant l'ordre des interventions lors de l'interrogation des témoins. C'est au Comité de choisir.
    Monsieur Richards.
    Cela soulève bien des questions, et plusieurs resteront sans réponse, du moins pour le moment.
    Il faudra déterminer comment le représentant sera choisi. Qu'adviendra-t-il de l'ordre des interventions? Qui sera privé de temps de parole? Cela suscite toutes sortes de questions. Nous devrions peut-être reporter la discussion. Je ne sais pas s'il faudra soumettre la question au comité directeur ou si ce sera un point à mettre à l'ordre du jour d'une prochaine réunion, mais dans l'immédiat, nous ne sommes pas en mesure de tout régler.
    M. Reid, puis M. Simms.
    Je suis d'accord. Le mieux, à mon humble avis, serait de débattre d'une motion qui propose un ordre d'intervention précis, car c'est en fait ce dont il est question. C'est le genre de motion qui devrait être mise à l'étude par le Comité.
    Je n'ai pas de motion à vous soumettre, mais si M. Christopherson en a une, il pourrait nous la présenter à notre prochaine réunion.
    Monsieur Simms.
    En fait, je préfère laisser David répondre à la question.
    Oui, si vous le voulez, je peux volontiers essayer de formuler une motion. Nous pourrions tâcher d'arriver à un consensus. Le pire qu'il peut arriver, c'est que nous en discutions avant de soumettre la question au vote. Je serai heureux de formuler une motion au nom du Comité, monsieur le président.
    D'accord, faisons cela.
    Merci.
    La séance est levée.
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