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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 027 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 avril 2021

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Je vous souhaite tous la bienvenue à la 27e séance du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes.
    De formule hybride, cette séance a lieu conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Le compte rendu sera publié sur le site Web de la Chambre des communes.
    Les questions dont nous discutons aujourd'hui sont extrêmement délicates, et je sais que tous les membres du Comité feront preuve d'un grand respect...

[Français]

     Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Il n'y a pas d'interprétation.

[Traduction]

    Est-ce mieux, madame Larouche? Pouvez-vous entendre l'interprétation?

[Français]

    Je n'entends pas l'interprétation.
    D'accord.

[Traduction]

    Nous allons suspendre la séance un instant pendant que nous réglons le problème de l'interprétation.

  (1100)  


  (1105)  

     Reprenons.
    Je tiens à rappeler à tous les membres du Comité qu'en raison de la nature délicate de ce dont nous parlons, et du fait que certaines situations font encore l'objet d'une enquête de la police militaire, il faudra faire preuve d'une grande sensibilité et de respect dans toutes nos questions. Je sais que nous le pouvons.
    Je voudrais maintenant accueillir les témoins d'aujourd'hui.
    Nous recevons la lieutenante Heather Macdonald, du Génie des systèmes de combat naval. Nous accueillons également Dawn McIlmoyle, qui est infirmière autorisée; Emily Tulloch, qui est technicienne en aéronautique; ainsi que MJ Batek, qui représente le Survivor Perspectives Consulting Group.
    Chaque témoin aura cinq minutes pour son exposé. Je vais lever une petite carte lorsque le temps tirera à sa fin.
    Nous allons commencer par la lieutenante Macdonald, qui a la parole pour cinq minutes.
    Tout d'abord, je tiens à dire que cette question est trop importante pour que nous manquions notre coup.
    Depuis de nombreuses années, nous nous efforçons d'en faire plus avec moins, en essayant de réaliser des gains d'efficience là où nous le pouvons. Je pense que nous en sommes essentiellement arrivés à un point où nous ne pouvons plus faire beaucoup plus avec beaucoup moins.
    Nous commençons à épuiser notre personnel. Les militaires étaient déjà stressés, puis la pandémie nous a frappés, ce qui n'a rien arrangé. Si rien de bon ne découle de cette étude, qui soulève les passions et suscite l'intérêt, je crains que les gens en uniforme perdent espoir que tout autre enjeu puisse être résolu. La situation pourrait inciter plus de militaires à partir que notre organisation ne peut le supporter.
    En deuxième lieu, la Marine est unique. Notre situation est particulière, qu'il s'agisse de notre environnement, de notre fonctionnement ou de la formation à suivre pour accéder aux grades subalternes. Cela signifie que toute solution trouvée pour nous aider à améliorer les choses devra pouvoir être adaptée à la Marine, sans quoi elle ne fonctionnera pas au sein des Forces navales.
    Dans la société canadienne, il est généralement très difficile pour une femme d'obtenir justice en cas d'agression sexuelle. Il est encore plus laborieux d'y arriver dans l'armée, aux termes de la Loi sur la défense nationale, qui permet plus facilement de plaider coupable à une infraction moins grave ayant peu de conséquences pour l'auteur de l'agression.
    C'est encore plus complexe dans la Marine, si l'incident se produit sur un navire en mer ou dans un port étranger. Il n'y a pas d'agent de police à bord du navire. Si une enquête est nécessaire, nous nous en remettons à nos capitaines d'armes et à nos chefs, qui s'occupent des enquêtes disciplinaires de l'unité. Voilà qui réduit considérablement les chances que des preuves admissibles soient recueillies et conservées pour aider la victime à obtenir justice devant un tribunal. La plupart du temps, les victimes subiront un revers plus important que les auteurs lorsqu'elles portent plainte, et c'est pourquoi la plupart hésitent à dénoncer.
    Il faut remédier à la situation. Nous devons faire en sorte que ce milieu de travail soit plus accueillant et sécuritaire pour les femmes. Le mouvement #MoiAussi a vraiment mis au jour les problèmes d'égalité entre les sexes au sein de notre société. L'armée amplifie quelque peu ces enjeux étant donné que les femmes y sont aussi minoritaires. Notre minorité attire l'attention, de sorte que nous finissons plus souvent par être scrutées à la loupe qu'un homme matelot ou soldat.
    En outre, les femmes de tous les grades doivent suivre une ligne de conduite très rigoureuse. Celles qui font preuve de trop d'empathie ou de sollicitude sont qualifiées de « maternantes », ce qui n'est pas un trait positif ou recherché. À l'inverse, celles qui sont trop fermes ou décisives se voient attribuer un autre terme péjoratif.
    Il y a un phénomène que nous devons également comprendre, que certains appellent le club des vieux copains. La plupart du temps, les gens nient même son existence. Notre organisation est fondée sur la confiance la plus élémentaire envers son compagnon d'armes ou son collègue matelot. Lorsque nous nous trouvons dans des situations dangereuses, nous comptons sur les gens avec qui nous travaillons pour protéger nos arrières et nous garder en vie. Cette particularité crée des relations fortes et soudées, ce qui est souhaitable pour notre organisation.
     Le problème survient lorsque ces relations sont maintenues en dehors du champ de bataille et que le principe est appliqué librement. Elles peuvent bouleverser davantage le rapport de force, de sorte qu'il est encore moins probable que les victimes obtiennent justice. Nous voulons que ces relations existent. Nous voulons les encourager, mais il faut aussi reconnaître à quel moment elles doivent être balisées. Nous devons mettre en place des mécanismes régulateurs pour éviter qu'elles ne finissent par empoisonner l'organisation. C'est toutefois impossible si nous ne reconnaissons même pas l'existence du phénomène.
    Par ailleurs, tout système de signalement que nous mettons en place doit donner aux victimes le sentiment d'être libres d'agir, et susciter la confiance à l'égard du système et des procédures. Pour ce faire, le mécanisme doit être indépendant de la chaîne de commandement habituelle.
    Nous devons vraiment admettre que tout n'est pas noir ou blanc, et qu'il y a toutes sortes de nuances. J'ai travaillé avec de nombreuses personnes exceptionnelles au cours de ma carrière, et je pense qu'il est très important de comprendre qu'en général, les gens honnêtes ne le voient pas nécessairement lorsqu'ils causent du tort ou contribuent à ce que du tort soit causé à autrui. Nous devons accepter que les bonnes personnes subissent les conséquences de leurs actes. Dans certains cas, la peine ne devrait pas toujours mettre fin à leur carrière.
    Je ne suis pas certaine de savoir quoi faire à partir d'ici. Je n'ai pas les réponses, mais si je puise dans les compétences en gestion de projet que j'ai acquises au cours de ma carrière d'ingénieure, je dirais que nous devons faire une analyse poussée des options et présenter des solutions concrètes accompagnées des avantages et des inconvénients, afin de choisir celle qui permettra le mieux d'atteindre les objectifs de notre organisation et de servir les membres des Forces armées canadiennes.

  (1110)  

    Je vous remercie.
    Je suis moi aussi ingénieure, et je vous remercie.
    Nous allons maintenant écouter Mme McIlmoyle, qui a cinq minutes.
     Lorsque j'ai quitté l'armée, je me suis sentie trahie, abandonnée et bafouée, et j'avais encore l'impression d'être à blâmer. Je n'arrivais pas à comprendre comment j'avais pu être accusée d'avoir été violée. Les autorités militaires ont retourné mes déclarations contre moi et m'ont obligée à me tenir aux côtés de mon agresseur.
    Je ne saisissais pas comment j'avais pu être harcelée sur le navire, puis libérée directement de l'unité psychiatrique. J'ai donc continué à poser des questions.
    J'ai réussi à faire changer le motif de ma libération. Par la suite, je me disais sans cesse que je ne devais pas être la seule. Lorsque j'ai trouvé une personne qui avait vécu la même chose que moi, nous avons alors décidé de dénoncer. Nous avons fait une déclaration publique dans le magazine Maclean's, après quoi d'autres personnes se sont manifestées. Nous avons alors cru que les choses allaient peut-être changer.
    J'étais optimiste. Le bureau de l'ombudsman a été créé, et les gens en ont parlé. Or, tout a ensuite été relégué aux oubliettes.
    J'ai lancé un numéro sans frais, puis j'ai invité les victimes à m'appeler pour qu'elles sachent qu'elles ne sont pas seules. J'ai failli perdre la raison à ce moment puisque j'avais deux jeunes enfants à la maison et un mari qui ne m'aidait pas. Lorsque je l'ai quitté, je me suis inscrite en sciences infirmières pour apprendre à aider véritablement les gens. Or, je ne voulais même pas dire aux gens qui j'étais par honte d'avoir dénoncé la situation publiquement. J'avais honte d'avoir publié une photo de mon visage dans l'article et d'avoir été violée dans l'armée.
    Il y a des gens qui ont utilisé ce prétexte pour m'humilier et me dénigrer en affirmant que ce n'était même pas arrivé. Partout, des personnes m'ont dit que rien de tel ne s'était produit. Puisque je me connais, j'ai plutôt priorisé mon cheminement vers la guérison. J'ai entrepris mes études en infirmerie, alors que je travaillais à plein temps et que j'avais deux jeunes garçons. Je trouvais que j'avais échoué lamentablement parce que je n'ai obtenu que 65 %. Au contraire, c'est une réussite puisque j'ai obtenu mon diplôme tout en travaillant à plein temps et en m'occupant de mes deux garçons. Je ne dormais pratiquement jamais.
    J'ai choisi un domaine où... Je prenais tout beaucoup trop à cœur. Je voulais aider les gens, mais je m'épuisais constamment parce que je ne savais pas que j'étais censée prendre soin de moi. J'étais totalement dévouée au service. J'ai toujours voulu aider les gens. C'est d'ailleurs pourquoi je me suis enrôlée dans l'armée.
    J'ai dû sérieusement me porter un regard objectif, car lorsque j'ai quitté l'armée, je n'avais plus ni respect ni estime pour moi-même, ce que j'ai inculqué à mes garçons. J'ai ensuite eu une petite-fille, et j'ai compris que je devais changer afin d'améliorer les choses pour elle et pour mes garçons. Tout ce que je pouvais modifier, c'était moi.
    J'ai consacré les derniers temps à... J'ai trouvé des personnes qui pensent comme moi. J'ai commencé ma guérison, puis j'ai pu voir que tout n'était pas un échec. J'ai modifié ma façon de penser.
     Par ailleurs, j'ai suivi un nombre excessif de thérapies parce que tous les spécialistes savaient que je souffrais d'un trouble de stress post-traumatique et voulaient sans cesse me soigner par une thérapie. Rien ne m'aidait, car je n'étais pas disposée à entendre ce qu'ils avaient à dire. Ils m'ont même envoyée voir un pédopsychologue. Ils ne savaient pas quoi faire pour moi.
    Je suis allée voir Maryam Monsef en 2016, lorsqu'elle a été nommée ministre de la Condition féminine. J'ai étalé devant elle tous les articles du Maclean's en lui disant que nous devions faire quelque chose pour améliorer la situation. Elle m'a simplement invitée à prendre un autre rendez-vous. Une de ses assistantes m'a dit de me joindre à une organisation et de rédiger une proposition. Je me suis dit... bon sang.
     Je suis retournée sur les bancs d'école pour suivre des études autochtones, car je veux toujours apprendre et comprendre les différentes perspectives. Je peux maintenant regarder en arrière et constater les changements qui sont survenus. Des gens me remercient pour ce que j'ai fait. J'en suis totalement renversée, car pendant 20 années, j'ai cru que j'étais détestée et que j'avais posé un geste horrible en dénonçant publiquement la situation. Je commence maintenant à voir que je suis une référence temporelle que les responsables ne peuvent pas nier. Quoi qu'il arrive, ils ne peuvent pas dire qu'ils ne savaient pas ce qui se passait.
    J'ai accepté le fait que... J'ai également vu des changements survenir. Je me suis adressée à des militaires de haut rang alors que j'étais très en colère. Au lieu de se fâcher à leur tour, ils ont vu ma frustration. Ils ont reconnu l'existence de ma blessure et de mon traumatisme, et ils m'ont dit: « Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait et pour votre préoccupation à l'égard de l'armée », puis « Gardez la tête haute », et des choses semblables. Ces mots m'ont aidée à continuer.

  (1115)  

    Malgré tout ce qui a été négatif, je m'accroche au bien des gens que j'ai rencontrés en cours de route. Je suis toujours la personne optimiste qui pense que les choses vont changer — même si je constate que le problème est minimisé, qu'il est politisé et que ces enjeux sont abordés sur une tribune qui ne leur convient vraiment pas.
    La gauche est trop à gauche, et la droite est trop à droite. Le véritable enjeu est oublié. Chaque fois que la situation fait les manchettes, je me rappelle que j'ai porté plainte en 1998 et que personne ne m'a écoutée. C'est le cas aussi de bien d'autres victimes.
    Beaucoup de gens veulent du changement. Ils voudraient tellement que les choses bougent. Les victimes voient des lueurs d'espoir, puis elles sont déçues, souffrent et se sentent dévalorisées, car rien n'est fait. Ce sont des paroles creuses, des promesses non tenues. Ce sont des copies d'une même lettre qui a été envoyée à d'autres victimes. Ce ne sont que des voeux pieux.
    Je vous remercie.

  (1120)  

    Je suis désolée, mais votre temps est écoulé. Nous allons aborder le reste pendant la période des questions. Je vous remercie encore une fois.
    Nous allons maintenant écouter Mme Tulloch, qui a cinq minutes.
    Bonjour, madame la présidente. Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de vous parler de mes expériences personnelles en matière d'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes.
    Je suis entrée dans les Forces armées canadiennes en juillet 2018. Depuis, j'ai l'impression d'avoir subi toute une vie d'agressions et d'inconduites sexuelles. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que j'ai été violée un mois seulement — un mois — après le début de mon instruction de base à Saint-Jean. J'ai également été agressée sexuellement pendant mon instruction à Borden. J'ai été tripotée et embrassée contre mon gré lors de fêtes d'équipage et d'activités au mess. Ces comportements dégradants sont plus courants que vous ne le pensez.
    Pour couronner le tout, j'ai enduré des commentaires misogynes et sexistes tout au long de ma carrière. Je me suis fait dire que j'avais seulement été acceptée parce que je suis une fille. Il y a même un instructeur de Borden qui m'a dit ceci en me regardant droit dans les yeux: si ton papa faisait tout pour toi dans ta petite vie douillette, dis-le nous, et nous pourrons te donner un coup de main.
    Je crois en l'importance de l'armée. J'espère poursuivre ma carrière et servir mon pays au meilleur de mes capacités. Cependant, mon expérience du système de justice militaire a été plutôt négative. Je me pose beaucoup de questions sur la façon dont la police militaire devrait mener ses enquêtes. J'ai eu trois entretiens avec la police militaire depuis que j'ai signalé une inconduite. Deux d'entre eux ont été franchement atroces et ressemblaient davantage à des interrogatoires. Pendant ces entretiens, j'ai eu l'impression que les enquêteurs ne me traitaient pas comme un être humain. Je n'étais qu'un autre dossier à leurs yeux. Ils n'avaient pas la moindre empathie ou compassion. C'était tellement frustrant que je suis partie avant la fin du deuxième entretien. J'avais l'impression de ne pas être entendue et d'être traitée comme une criminelle. Aucune personne ne devrait subir un tel traitement alors qu'elle est si vulnérable et qu'elle a besoin d'aide.
    La police militaire doit améliorer sa formation sur la façon d'interroger les victimes d'agression sexuelle. Il faudrait concevoir un cours visant expressément à leur apprendre que les victimes ont besoin de compréhension et d'empathie. S'il existe déjà un cours, il faut s'en débarrasser et recommencer de zéro.
     Je crois également que l'entretien doit être mené par un officier du même sexe que la victime. Dans mon cas, c'est seulement à la moitié de l'entretien qu'on m'a proposé de parler à une femme officière, lorsque j'ai commencé à pleurer. Là encore, la police militaire a dit que l'entretien allait devoir être reporté à la semaine suivante puisqu'aucune officière n'était disponible.
    Au cours de l'instruction de base, les responsables tentent d'inculquer aux recrues les valeurs fondamentales des militaires, qui sont le devoir, la loyauté, l'intégrité et le courage. Elles sont enseignées à l'aide de présentations PowerPoint et de cahiers d'exercices. Or, ces valeurs passent entre les mailles du filet. C'est ce qui perpétue depuis si longtemps cette culture toxique. De toute évidence, les autorités militaires n'ont pas été en mesure d'appliquer les normes d'éthiques élevées en matière d'intégrité. Si les responsables ne sont pas capables de respecter les valeurs fondamentales et de donner l'exemple, comment peut-on s'attendre à ce que la majorité des soldats le fassent?
    Pendant l'instruction de base, on nous montre un dessin animé qui simplifie à outrance le concept du consentement. À mon avis, cette vidéo est ridicule. Elle est amusante, mais le sujet de l'inconduite sexuelle n'a rien de drôle. Il devrait rendre les recrues suffisamment mal à l'aise pour qu'elles se rendent compte que c'est un problème réel devant être réglé.
    Pour ce qui est de l'opération Honour, je crois qu'elle a atteint son but. Il est temps d'y mettre fin et de lancer une autre stratégie. L'opération Honour a bel et bien permis d'engager la conversation et d'améliorer les ressources et la formation offertes aux membres des FAC, mais les dirigeants ont délibérément ignoré le fait qu'elle est tournée en dérision depuis des années. Pour beaucoup d'entre nous, cette opération vieillit aussi mal que du lait caillé. Elle laisse un goût amer dans la bouche. Les militaires actifs subalternes se moquent constamment de l'opération et dénigrent son message. Cruelle ironie du sort, il semble que l'homme qui a créé toute l'opération fait maintenant l'objet d'une enquête pour le motif même qu'il avait juré enrayer, ce qui ne fait rien pour arranger les choses.
     Je sais que l'organisation peut évoluer et que nous pouvons mettre fin au climat toxique qui règne dans l'armée, mais il faut d'abord changer les mentalités. La seule façon d'y parvenir consiste à avoir ces discussions, à écouter les histoires des victimes et à mettre fin à la stigmatisation des personnes qui portent plainte pour essayer de réparer cette injustice qui règne depuis bien trop longtemps.
    Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de raconter ma vérité. Comme tout le monde le sait, le processus est loin d'être facile pour moi. Je vous remercie de m'avoir donné cette chance aujourd'hui.

  (1125)  

     Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de Mme Batek, qui dispose de cinq minutes.
    Je témoigne en tant qu'ancienne combattante survivante de traumatismes sexuels dans le contexte militaire, survivante de violence conjugale dans le contexte militaire et représentante du Survivor Perspectives Consulting Group, appelé également SPCG.
    Le SPCG a été formé récemment par un petit groupe de personnes qui ont survécu à des traumatismes sexuels dans le contexte militaire. Pendant des décennies, nous avons regardé ce qui se passait en silence, mais nous unissons maintenant nos efforts pour agir, pour faire en sorte que les voix des survivants soient entendues et pour trouver des solutions permettant de lutter contre cette crise.
    Tout comme le gouvernement du Canada utilise l'analyse comparative entre les sexes plus, un outil qui va au-delà des sexes et du genre pour englober d'autres facteurs identitaires, comme la race, l'origine ethnique ou l'âge, les Forces armées canadiennes devraient tenir compte de la perspective des survivants de traumatismes sexuels dans le contexte militaire à chaque étape de l'élaboration de stratégies et de politiques.
    Notre groupe est prêt à travailler à fournir cette perspective dans un cadre coordonné par des professionnels. Nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses, car nous ne sommes pas des spécialistes en culture organisationnelle ou en justice militaire, mais nous sommes malheureusement spécialistes du traumatisme sexuel dans le contexte militaire en raison de ce que nous avons vécu.
    Nous pouvons contribuer à définir le problème, dont on mesure encore mal l'ampleur. Nous pouvons signaler des lacunes et des problèmes précis. Par exemple, nous savons que le mécanisme de signalement interne laisse à désirer et que la mise en place d'un mécanisme de surveillance indépendant s'impose.
    Nous pouvons aider à trouver et à élaborer des solutions — des solutions immédiates et des solutions à moyen ou à long terme —, car nous avons des idées. Nous avons des idées qui peuvent devenir des plans, des politiques et des programmes.
    Par exemple, nous avons élaboré un atelier d'une journée qui peut être utilisé à court terme pour aider à amorcer le changement de culture dont l'organisation a désespérément besoin. Cette formation se base sur l'expérience d'une personne qui a survécu à un traumatisme et sur des pratiques exemplaires civiles élaborées précisément pour les Forces armées canadiennes.
    L'atelier remettra en question les normes sociales et les préjugés inconscients des participants. Il ébranlera les fondements de ces normes et de ces préjugés et ouvrira l'esprit des participants, contrairement à tout ce que l'armée a fait auparavant. Nous pouvons fournir des observations et des suggestions sur les stratégies, les plans et les politiques à chaque étape du processus, qu'il s'agisse de l'élaboration, de la mise en œuvre ou du suivi.
    Comme dans toute ACS+ de divers facteurs identitaires, nous voulons présenter la perspective des survivants de traumatismes sexuels dans le contexte militaire et de possibles solutions aux Forces armées canadiennes en tant que voix professionnelle, ainsi qu'à d'autres intervenants comme Anciens Combattants Canada.
    Nous en sommes actuellement à l'étape de construction de notre organisation, mais nous voulons représenter divers facteurs identitaires, ce qui inclut les hommes, les Autochtones, les anciens combattants, les personnes LGBTQ+ et les civils, car le problème ne touche pas seulement les femmes. Oui, j'ai bien dit « civils », car il est important de souligner qu'une culture de sexualisation dans le contexte militaire n'a pas des répercussions que sur les militaires. Elle en a au-delà du périmètre du lieu de travail, soit sur la vie des familles, des conjoints et des enfants des militaires, ainsi que sur la collectivité dans son ensemble.
    Dans de nombreux cas, une culture de sexualisation dans le contexte militaire peut mener à des actes de violence conjugale, de violence envers les enfants et d'agression sexuelle de civils. Non seulement cette culture offre-t-elle un endroit où les agresseurs peuvent se cacher et exister en étant protégés par un uniforme, mais elle apprend, malheureusement, aux victimes à tolérer l'intolérable, ce qui fait en sorte que des vies sont marquées par des problèmes de santé mentale, le risque de vivre dans l'itinérance et de futures relations de violence.
    La survie de cette culture toxique a un coût social qui s'étend à la population canadienne, ce qui en fait un problème canadien, et les coûts financiers et sociaux réels touchent tous les contribuables.
    Je conclurai en disant que lorsque le lieutenant-général Eyre a témoigné devant ce comité, le 23 mars dernier, il a expliqué que son approche pour changer la culture de sexualisation dans le contexte militaire se fondait sur deux éléments, dont le deuxième est l'écoute et l'apprentissage. C'est exactement dans quoi s'inscrit notre groupe.
    Notre équipe peut fournir les perspectives nécessaires pour que chaque stratégie, chaque plan, chaque politique et chaque programme élaborés pour s'attaquer à cette crise soient examinés du point de vue des survivants.
     Nous voulons participer à ces consultations sérieuses afin d'aider à faire des Forces armées canadiennes un meilleur endroit, un endroit plus sûr pour les personnes qui nous succéderont.
    Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion. Je suis disposée à répondre à vos questions.

  (1130)  

     Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à notre première série de questions. C'est Mme Alleslev qui commence. Elle dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins.
    J'aimerais prendre un moment pour vous assurer que nous sommes nombreux, à ce comité et au comité de la défense, à savoir que nous incarnons le dernier moyen de défense. Nous sommes les représentants élus, et dans une démocratie, il nous incombe de veiller à ce que nos institutions et les gens qui servent avec honneur au sein de ces institutions soient protégés et que ces institutions reflètent nos valeurs. Nous ferons de notre mieux [Difficultés techniques] et nous avons échoué. Comme vous l'avez si bien dit, cela fait 25 ans que nous savons que ce problème existe. À l'époque où j'étais une recrue, au collège militaire, nous étions au courant. Le fait que nous n'avons pas fait ce qu'il fallait pour le régler est inadmissible.
    Néanmoins, je vous remercie de continuer, de vous manifester et de veiller à ce que nous sachions ce qu'il nous faut savoir. Comme vous le dites, lieutenante Macdonald, cette question est beaucoup trop importante pour que nous manquions notre coup, et si nous ne faisons pas les choses correctement cette fois-ci, il y aura des répercussions partout, sur les forces canadiennes et sur notre capacité de protéger les valeurs de notre nation et de les incarner nous-mêmes. Il vous a fallu beaucoup de courage, et je vous remercie sincèrement.
    Tout d'abord, madame Tulloch, quel courage vous avez de vous manifester. Bravo à vous! Ne renoncez pas. Vous méritez cette carrière. Ne lâchez pas.
    Pouvez-vous m'expliquer un peu pourquoi c'est tourné en dérision? Pourquoi ne prend-on pas le harcèlement sexuel au sérieux? Pourquoi, à votre avis, les gens pensent-ils qu'il n'y a rien de mal à faire ce qu'ils font?
    Pour être honnête, je crois que les gens le pensent parce que cela dure depuis tellement longtemps et parce que personne n'est intervenu pour qu'ils cessent de le faire. Comme l'a dit la lieutenante Macdonald, il y a un club des vieux copains, un groupe de sportifs ayant une personnalité de type A dans lequel s'est développé un esprit de clan. Ils restent unis et veulent se défendre les uns les autres. Ce qu'ils croient être correct peut ne pas l'être pour la minorité des Forces armées canadiennes.
    Voilà pourquoi nous devons nous exprimer aujourd'hui, et voilà pourquoi nous devons faire mieux maintenant et changer complètement la façon dont les gens pensent, car c'est là la première étape. C'est ainsi que nous changerons la donne et que nous ferons en sorte que les gens se sentent plus à l'aise de dénoncer, de se manifester ou simplement d'être eux-mêmes dans leur propre carrière.
    Bravo.
    Lieutenante Macdonald, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la possibilité de plaider coupable à une infraction moins grave et nous expliquer comment cela se produit, et comment des témoignages, des éléments de preuve et des renseignements essentiels peuvent être perdus sur les navires, ce qui nuit à toute enquête?
    Si une personne est poursuivie en vertu du Code criminel du Canada, il lui est possible, dans notre système judiciaire, de plaider coupable à une infraction moins grave. C'est encore plus facile de le faire dans un système de justice militaire, car ce n'est pas uniquement en vertu du Code criminel qu'on peut plaider coupable. On peut plaider coupable à une infraction à la Loi sur la défense nationale moins grave, ce qui ne restera pas dans le dossier de la personne en dehors du contexte militaire. Il est possible de plaider coupable à une infraction moins grave, à une infraction à la Loi sur la défense nationale, ce qui n'apparaîtra dans aucun casier judiciaire parce qu'elle ne figure pas dans le Code criminel du Canada.
    Il y a plus de possibilités... Une personne peut détenir tous les éléments de preuve et s'adresser au tribunal, et ensuite on dira « oh, non, nous allons plaider coupable pour quelque chose qui est totalement lié à l'armée et... ». C'est une simple réprimande.

  (1135)  

     Dans quelle mesure cela contribue-t-il au manque de sévérité et de sérieux que vous et nous tous percevons et dans lequel cela s'inscrirait?
    Les victimes subissent beaucoup plus de conséquences que les auteurs des gestes. Bien souvent, les auteurs peuvent poursuivre leur carrière sans entrave, tandis que les victimes ne le peuvent tout simplement pas. C'est la raison pour laquelle de nombreuses victimes ne se manifestent pas.
    Sur un navire, des enquêtes disciplinaires d'unité ont lieu. Ces enquêtes sont confiées aux militaires du rang supérieur, et ce sont donc nos chefs qui les mènent. Mais nos chefs ne sont pas nécessairement des agents de police professionnels. Ils n'ont pas fait carrière dans ce domaine, alors compter sur eux pour recueillir et conserver des éléments de preuve qui seraient admissibles devant un tribunal constitue, je pense, un fardeau injuste, et cela dépend de qui il s'agit et...
    Savez-vous si, sur un navire, il y a une trousse de prélèvement en cas de viol?
    Je n'en suis pas certaine. Si c'est le cas, ce sont probablement les techniciens médicaux qui les ont, à l'infirmerie, mais je n'en suis pas certaine. Je ne le sais pas.
    Merci.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Sidhu, qui dispose de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Hier, nous avons vu que le budget fédéral qui a été présenté comprenait un investissement de plus de 236 millions de dollars visant à éliminer l'inconduite et la violence fondée sur le genre dans les forces armées et à appuyer les survivants. Cela inclut un soutien par des pairs, des services de conseillers juridiques indépendants, de l'aide aux organismes communautaires, un soutien au système de justice militaire et un mécanisme de surveillance. Ce sera très utile, madame la présidente.
    Je veux tout d'abord remercier tous les témoins d'aujourd'hui de se manifester et de raconter leur expérience au Comité dans le cadre de ses travaux qui visent à mettre fin à la violence sexuelle dans les forces armées.
    Madame Batek, mes questions s'adressent à vous. Dans le cadre de votre travail au sein du Survivor Perspectives Consulting Group, qu'avez-vous déterminé comme étant un besoin récurrent pour les survivants lorsqu'il s'agit du soutien?
    Nous sommes, en fait, cinq personnes à avoir cofondé le groupe, ce qui comprend des membres à la retraite, comme moi, et des membres actifs. Nous sentions que nous avions besoin de faire quelque chose en tant que personnes survivantes. Nous avons des blessures. Nous souffrons de stress post-traumatique. Il est donc difficile de faire du bénévolat au quotidien, mais nous avons constaté que c'était un moyen de donner en retour et de coordonner les choses officiellement quant au point de vue des survivants.
    De nombreux groupes de soutien par les pairs existent, ce que notre groupe n'est pas. Ce n'est pas notre intention. Cependant, nous voulons évidemment collaborer avec le plus grand nombre de personnes possible de sorte que, si le besoin de créer un groupe de réflexion sur un facteur identitaire précis se fait sentir, nous puissions participer à cet effort. Nous pouvons trouver ces personnes, et nous pouvons avoir ces discussions. Les personnes qui se sont adressées à nous...
    Honnêtement, c'est incroyable. Je suis entrée en contact avec des camarades de classe du Collège militaire royal à qui je n'avais pas parlé depuis 20 ans et qui se rendent compte que ce que nous avons vécu n'était pas correct. Nous ne pouvions pas parler à l'époque, car cela aurait mis fin à nos carrières, et on nous montait les uns contre les autres. C'est incroyable que nous soyons maintenant dans une situation où nous pouvons en parler et changer des choses, et c'est tout ce que nous voulons faire.
    Encore une fois, nous avons des survivants qui sont des bénévoles présentement, mais nous voulons le faire dans un cadre coordonné par des professionnels. Cela permet de réunir toutes ces voix qui sont en colère et d'aller ensuite à l'essentiel, soit à la question de savoir quel est le problème, quels sont les liens et où sont les données. Nous n'avons pas ces données. Nous ne connaissons pas toute l'étendue du problème. Je pense que ce sont des éléments très importants si nous voulons être en mesure de combattre le problème. Nous devons savoir jusqu'où cela va.
    Qu'espérez-vous voir sur le plan de la formation spécialisée destinée aux officiers ou des changements de politiques au sein des FAC?
     Nous espérons que le programme de formation que nous avons élaboré, qui s'appuie sur, comme je l'ai dit, des pratiques exemplaires civiles, soit complètement différent de l'opération Honour. L'opération a connu des hauts, mais malheureusement, comme on l'a dit, il y a eu tellement de problèmes qu'elle est devenue une farce.
    Cette formation est différente en ce sens qu'elle reprend ce qui a déjà été indiqué comme étant des pratiques exemplaires dans le monde civil pour l'appliquer dans le contexte militaire. Par exemple, dans l'atelier, nous parlons de situations réelles. Il ne s'agit pas de demander à quelqu'un, à qui l'on a remis le matériel le matin, de donner la formation et qui commence l'atelier en disant « finissons-en pour passer à autre chose », ce qui fait en sorte qu'immédiatement, tous les participants pensent que ce n'est pas sérieux et qu'ils n'ont qu'à participer pour la forme et en finir.
    Non devons avoir des animateurs dûment formés pour ces cours, et nous voulons que des survivants les accompagnent pour donner ce point de vue. Si on a devant soi une personne qui a subi un viol, on est moins porté à faire des blagues et à la rabaisser, parce qu'elle est en face de soi.
    Des personnes qui ont participé à la formation offerte dans le cadre de l'opération Honour nous ont dit qu'on ridiculisait complètement cette culture. Elles trouvaient très difficile d'y participer, car ce sont des survivantes et qu'elles ne pouvaient pas s'exprimer. Elles se sentaient abandonnées par tous les gens qui les entouraient qui ridiculisaient l'opération Honour et tout le reste. C'est insoutenable pour un survivant d'être dans cette situation.
    Notre formation est complètement différente en ce sens qu'elle vise à changer les préjugés inconscients et les normes sociales, et nous travaillons à un programme pilote. Nous ne pouvons malheureusement pas en dire plus, mais les choses vont bon train.

  (1140)  

    Au cours dela réunion précédente, madame Batek, des témoins ont dit que ce serait plus facile de se manifester s'il était possible de faire une plainte en ligne.
    Êtes-vous d'avis qu'offrir des outils en ligne ferait en sorte qu'il serait plus facile pour les témoins de se manifester?
    Je crois certainement que les outils en ligne peuvent être utiles pour garder l'anonymat. Il est extrêmement difficile pour les victimes de parler en personne de leur situation à un étranger. Cependant, encore une fois, il faut que ce soit à l'extérieur du cadre des Forces armées canadiennes et de la chaîne de commandement, car si la personne sait que l'information qu'elle fournit sera communiquée à son commandant, qui contribue peut-être au problème dans certains cas, alors elle ne se sentira pas en sécurité.
    Le seul moyen de faire en sorte que les survivants se sentent en sécurité, c'est de s'assurer qu'ils peuvent signaler quelque chose au sein d'un système qui ne fait pas partie de la chaîne de commandement et de la structure des Forces armées canadiennes. Il doit s'agir d'un système indépendant pour que le processus soit parfaitement sécuritaire.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames Macdonald, Mcllmoyle, Tulloch et Batek, vos témoignages nous éclairent sur cette triste réalité que vivent les survivantes.
    Mes premières questions porteront d'ailleurs sur ce sujet, qui est important pour moi.
    Plusieurs d'entre vous ont abordé la question de l'état de stress post-traumatique. Nous savons maintenant que les Forces armées canadiennes ont évolué et qu'elles accompagnent les soldats souffrant de stress post-traumatique.
    En tant que survivantes, considérez-vous que cet état de stress post-traumatique est traité de la même façon chez les victimes d'agression ou d'inconduite sexuelles?
    Certaines d'entre vous ont abordé cette question. J'invite celles qui voudraient me répondre à le faire.

[Traduction]

    Je vais commencer à répondre à votre question. Je dirais que les choses ne sont pas considérées de la même façon parce que la personne ne reçoit pas ce diagnostic, alors elle n'obtient pas les mêmes services d'aide que quelqu'un qui reçoit un diagnostic de stress post-traumatique.
    De plus, il y a une réticence à cet égard, car même si des progrès ont été faits et qu'on vous dit que vous pouvez encore avoir une promotion même si on vous attribue une catégorie médicale permanente, le système médical a été conçu à l'origine pour les problèmes physiques. Si vous avez une jambe cassée, on vous attribue une catégorie médicale temporaire, et pour que ce soit retiré, il faut qu'un médecin dise que vous êtes totalement guéri. Si vous avez un problème de santé mentale, il est très difficile d'être retiré un jour de la catégorie médicale temporaire, car il est impossible pour un médecin de dire que vous êtes totalement guéri. Très souvent, cela mène à une catégorie médicale permanente.
    Il y a donc encore beaucoup de réticence à cet égard, si une personne fait l'objet d'une catégorie médicale permanente, en particulier dans le cas d'un problème de santé mentale, de stress post-traumatique. On ne veut pas vous placer dans des postes pouvant comporter beaucoup de stress ou qui pourraient... Cela nuira parfois à votre carrière. Premièrement, on ne traite pas cela de la même façon que le stress post-traumatique, ce qui vous ferme les portes de beaucoup de services d'aide offerts, et deuxièmement, il y a beaucoup d'inquiétudes à l'idée même de se voir attribuer une catégorie médicale permanente liée à la santé mentale, parce que notre système répond beaucoup mieux aux problèmes physiques qu'aux problèmes de santé mentale.
    Il faut avoir deux systèmes distincts, afin que les problèmes de santé mentale soient traités par des professionnels en santé mentale et différemment des problèmes physiques. Les victimes d'agressions sexuelles devraient en outre avoir accès aux mêmes services d'aide que les personnes qui souffrent de stress post-traumatique.

  (1145)  

    Puis-je sortir un instant du contexte militaire pour vous parler du monde des anciens combattants?
    J'ai découvert que dans beaucoup de programmes destinés aux personnes souffrant de stress post-traumatique, on ne vous acceptera pas si vous avez subi un traumatisme sexuel en milieu militaire. Il n'y a pas de fonds pour cela, alors même si vous recevez le même diagnostic, vous n'êtes pas admissible aux programmes.
    Je rencontre beaucoup d'anciens combattants et j'ai découvert également que le stress post-traumatique est le même pour tous. C'est ce qui nous est arrivé qui est différent. Il faut, et on demande, qu'il y ait des programmes spécialisés ouverts aux victimes d'agression. J'ai tenté d'être admise au programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel, et d'autres du genre, et on ne voulait pas m'accepter parce que je ne répondais pas à leur objectif. J'avais subi un traumatisme sexuel en milieu militaire, et non pas un stress opérationnel, et je n'avais pas été déployée. Je constate que souvent les responsables des programmes ne veulent rien savoir de moi parce que je n'ai pas été déployée.
     On réclame donc que des programmes spécialisés soient mis en place, après le départ de l'armée, pour offrir du soutien à l'extérieur du contexte de stress post-traumatique.

[Français]

     Comme vous l'avez dit, il y a une différence dans l'état de stress post-traumatique à la suite de missions à l'étranger. Les conséquences sont beaucoup plus graves.
    Madame Batek, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de la différence quant à ce qui est vécu à l'étranger. Vous avez dit que cette culture de masculinité toxique avait des conséquences allant jusqu'à la maltraitance d'enfants, le viol de civils et la violence conjugale.
    J'imagine que les agressions que nous constatons au sein des Forces armées canadiennes peuvent se reproduire dans le cas de viols de civils dans des missions à l'étranger.

[Traduction]

    Allez-y.
    Je suis une survivante de violence conjugale dans l'armée. J'ai subi de la violence pendant 15 ans qui a abouti à des accusations au civil contre mon agresseur, qui est demeuré en poste au sein de l'armée et qui a été autorisé à poursuivre sa carrière même en ayant des antécédents criminels de violence conjugale. Je ne suis pas la seule. Quand je suis finalement entrée en contact avec d'autres personnes, je me suis rendu compte, en particulier chez les conjoints d'anciens combattants, des hommes ou des femmes qui ont été en service et qui se sont retrouvés ensuite dans une relation ou un mariage avec un militaire, qu'il y avait beaucoup de violence, émotionnelle, physique, etc. À mon avis, il s'agit d'un problème dont on a minimisé l'importance au fil des ans. On n'en parle pas. On parle des situations qui se passent en milieu de travail, etc., mais le fait est que ces situations se transportent à la maison.
    Lorsque des gens ont cette mentalité et qu'ils se retrouvent au sein de la communauté, et disons qu'ils se rendent dans un bar... Prenons l'exemple d'un groupe d'hommes qui sortent d'un déploiement très difficile, ils vont traiter les gens, les civils qu'ils rencontrent dans ce bar, de la même façon qu'ils traitaient les femmes en milieu de travail, si ce n'est pas pire.

  (1150)  

    Je suis désolée de vous interrompre. Le temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Mathyssen pendant six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à mentionner moi aussi à quel point je suis reconnaissante aux témoins d'avoir dénoncé ces situations. Ce n'est certainement pas facile, mais j'espère que les conclusions de notre étude vous aideront et aideront d'autres personnes.
    Un élément qui revient constamment, séance après séance, c'est qu'il semble y avoir quelque chose qui cloche. Les gens qui ont servi ou qui sont en service ont un point de vue très différent sur ce qui se passe sur le terrain que ceux qui ont des postes de commandement. On semble dire que la situation est en train de changer, qu'il y a un mouvement en ce sens, mais je veux vous poser quelques questions qui portent précisément sur le traitement réservé aux personnes qui dénoncent ces situations.
    Nous avons appris du grand prévôt — et également du Centre d'intervention en matière d'inconduite sexuelle — que les dénonciations sont tenues confidentielles au plus haut niveau.
    Pourriez-vous nous dire si, dans les faits, la situation est différente? Que peut-on faire pour changer le système et assurer la confidentialité? Beaucoup de gens nous ont parlé de l'indépendance du système, mais comme la situation existe, quelles seraient vos suggestions?
    Dans mon cas, lorsque j'ai rapporté ce qui m'était arrivé, dans le rapport de police qui a été rédigé, on mentionnait simplement que la victime était une aviatrice et mon unité. En ce sens, c'était confidentiel, parce que c'était ce même rapport que le chef d'état-major de la défense et le commandant des forces aériennes ont lu. Ils ne savaient pas qui j'étais, mais je savais qui le lisait dans mon environnement, alors ce n'était pas difficile pour eux de le savoir. Comme je fais un métier où il y a une prédominance d'hommes, ce n'était pas difficile de savoir qui était l'aviatrice dans mon unité.
    C'est le seul élément qui, du point de vue de la confidentialité, serait à améliorer, mais je n'ai pas vraiment d'idée sur la façon de le faire.
    Vous rapportez la situation à votre commandant immédiat, et c'est le problème. Il faudrait sans doute supprimer cette étape et que ce ne soit pas rapporté à votre commandant immédiat. Est-ce là ce que vous dites?
    Non, parce que je crois qu'il est important que le commandant sache ce qui se passe dans son escadron et sa base. S'il n'est pas au courant, il ne peut pas régler les problèmes et les signaler à ses supérieurs.
    Ce que je dis, c'est qu'on ne devrait sans doute pas mentionner l'escadron de la victime, parce que je crois qu'il est quand même important d'avoir des statistiques. Il est important de savoir ce qui se passe dans chaque base, mais la seule personne qui doit vraiment être au courant au sein de l'escadron est le commandant de cet escadron, si cela a du sens.
     Oui.
    Quelqu'un d'autre aimerait-il ajouter quelque chose au sujet de la confidentialité?
    Je dirais que les femmes étant en minorité, cela devient très facile de savoir qui est la victime quand on parle d'une unité ou d'un métier en particulier. Si la situation se produit sur un bateau, dès qu'on veut avoir de la confidentialité et qu'on commence à tenir des séances derrière des portes closes pour ne parler qu'aux personnes concernées, tout le monde à bord est au courant. Ils savent qu'il se passe quelque chose. Quand nous sommes en mer, nous sommes comme dans une boîte à sardines. Il n'y a pas vraiment d'espace. Il n'y a qu'à quelques endroits où on peut avoir un peu de confidentialité, fermer les portes.
    Dès que les supérieurs commencent à se réunir derrière des portes closes, tout l'équipage sait qu'il se passe quelque chose. Les marins se mettent à bavarder, et il devient très difficile d'assurer la confidentialité et de ne pas faire en sorte que les gens devinent ce qui se passe. Le moindre indice les amènera à le deviner, parce qu'il y a trop de proximité pour que cela puisse en être autrement.

  (1155)  

    Lieutenante Macdonald, vous avez aussi parlé des médecins militaires. Nous avons appris précédemment d'une survivante que les questions de santé mentale, en particulier, sont totalement négligées. Pouvez-vous nous parler de la formation des médecins? Vous avez parlé des techniciens médicaux. Sont-ils suffisamment bien formés? Est-ce une question qui devrait être examinée également? Les dirigeants, etc., ont besoin de beaucoup de formation, mais qu'en est-il du personnel médical?
    Nous avons un officier marinier qui est l'adjoint au médecin, et nous avons ensuite un technicien médical qui l'assiste. Le grade le plus élevé dans le domaine médical est habituellement celui d'officier marinier. Je pense qu'on songe à leur donner le grade d'officier, mais... Pour ce qui est de la santé mentale, quand nous sommes déployés, nous avons notre aumônier, et je pense que les gens vont d'abord se tourner vers lui avant de voir le médecin, si on veut. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de... On parle principalement à nos amis.
    Le nombre de personnes à bord d'un bateau est limité, et ceux qui s'y trouvent doivent accomplir de multiples tâches. Quand on doit accomplir de multiples tâches, on ne devient pas des experts dans un domaine particulier. Il faut être plutôt généraliste. Les couchettes sont limitées, et je présume qu'il faut faire des choix de façon à être le plus efficace possible en fonction du travail à accomplir.
    Nous passons maintenant à Mme Wong pendant cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais aussi remercier tous nos témoins de nous avoir raconté vos expériences si bouleversantes et qui ont des répercussions à long terme non seulement pour vous, mais aussi pour vos familles et le reste de la société. Je vous remercie de l'avoir fait, en particulier celles qui ont décidé de raconter leur expérience pour la première fois.
    Ma question s'adresse à la lieutenante Macdonald.
     Lieutenante, vous avez dit que nous devions procéder à une analyse des options, et bien que je comprenne que vous ne vous sentiez pas à l'aise de faire des recommandations officielles, pourriez-vous nous parler de quelques options qui, à votre avis, devraient être envisagées?
    En ce qui me concerne personnellement, non pas à titre de membre des Forces armées canadiennes ou... Dans d'autres pays, il y a des inspecteurs généraux qui sont totalement indépendants du ministre de la Défense. Le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle pourrait en relever. L'ombudsman pourrait en relever également. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes pourrait aussi en relever, de façon à ce qu'il dispose d'une force de police entraînée qui peut mener des enquêtes et d'une force de police entraînée qui est indépendante de la police militaire et de l'armée. Ce sont des options que l'on pourrait envisager pour que ce soit totalement séparé.
    Au sujet du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, on vous interroge comme si vous étiez des criminels. Je sais que du côté civil... Je ne devrais pas avoir à m'en remettre à la personne à qui je parle et qui me pose des questions pour me donner du soutien émotionnel. Quand vous répondez à des questions au sujet de ce qui s'est passé, cela réveille des émotions. Pourquoi ne pourrais-je pas avoir un chien d'assistance ou quelque chose d'autre pour me fournir le soutien émotionnel dont j'ai besoin sans devoir m'en remettre à la personne qui me pose les questions? En quoi cela nuit-il à la justice? Je ne pense pas que ce soit le cas.
    Il faudrait réfléchir à ce genre d'options dans le cadre de nos processus, et nous devrions aussi nous assurer qu'ils sont tous indépendants. Ce ne sont là que quelque-unes des options qui pourraient être envisagées, à mon avis, mais je n'en suis pas certaine.

  (1200)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Puis-je poser la même question à l'aviatrice Tulloch? Pouvez-vous nous éclairer un peu à ce sujet? Quelles sont les options que vous recommanderiez?
    Je suis désolée, pourriez-vous répéter la première partie de la question, s'il vous plaît?
    On a mentionné qu'il faut procéder à une analyse des options. Je comprends que vous ne soyez pas nécessairement à l'aise de formuler des recommandations officielles, mais comme vous êtes toujours en service, pouvez-vous, à tout le moins, nous faire part des options qui, selon vous, devraient être examinées?
    Je vous remercie d'être venue nous faire part de votre expérience pour la première fois. J'étais vraiment très en colère d'apprendre que cela s'est produit dès votre premier mois en service et que vous avez déjà eu cette expérience terrible.
    C'était un très mauvais accueil au sein de l'armée.
    Je pense que les options sont vraiment la formation et le recrutement.
    Au sujet du Service national des enquêtes, c'est l'un des entretiens qui s'est mal passé pour moi. C'était une personne qui... J'ai eu l'impression de ne pas être entendue. Je pense qu'il faut prendre du recul et former à nouveau les gens qui sont censés prendre note de ce qui s'est passé, s'en occuper et faire enquête.
    Ils doivent être formés à nouveau sur la façon d'être à l'écoute des gens. Je sais qu'ils doivent être impartiaux, mais lorsqu'une victime leur raconte qu'elle a été violée ou agressée sexuellement, même s'ils doivent être impartiaux, ils doivent la traiter comme une personne et non comme un numéro.
    Pour ce qui est de la santé mentale, l'armée doit faire appel à des ressources externes très souvent. Je vois, par exemple, une thérapeute civile. Je pense que l'armée doit, honnêtement, prendre du recul pour tenter de recruter des officiers ou d'autres personnes qui sont des thérapeutes et des psychologues et qui sont professionnellement formées et diplômées pour traiter les diverses facettes d'une agression sexuelle et d'une inconduite sexuelle.
    La dernière série de questions revient à Mme Dhillon.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais commencer par remercier énormément nos témoins de leur présence et de nous avoir fait part de ces récits pénibles et choquants. Il est terrible d'entendre dire que cela peut se produire au sein des Forces armées canadiennes. Vous avez tout à fait raison de dire que cela nous touche tous en tant que Canadiens — tous autant que nous sommes. Tous les membres du Comité vous remercient du fond du coeur. Il faut beaucoup de courage et de sagesse pour venir nous parler de vos expériences, en dépit de la façon dont vous avez été traitées et ignorées. Malgré les épreuves, vous êtes ici aujourd'hui. Vous êtes des femmes fortes. Vous êtes une source d'inspiration pour nous tous.
    Vous avez traversé ces épreuves et vous continuez de vous battre. Vous avez un esprit invincible. Je vous remercie sincèrement des services rendus à notre pays.
    Je m'excuse. Je suis très émue. Nous le sommes toutes. Je vois tous les visages de mes collègues à l'écran. Je vous remercie beaucoup. N'abandonnez jamais, s'il vous plaît. Nous sommes ici pour vous. Nous sommes ici pour vous comme politiciennes, comme ma collègue l'a mentionné, mais aussi comme membre de la communauté.
    Madame Tulloch, j'aimerais commencer par vous, s'il vous plaît.
    Pourriez-vous nous parler un peu de ce qu'il est important pour les gens de savoir, en particulier les femmes et les gens marginalisés qui entrent dans l'armée ou qui en font partie? Quel message aimeriez-vous leur transmettre?
    Quand je participais à l'entraînement de base, une de mes caporales-chefs m'a dit quelque chose que je n'ai jamais oublié. Elle m'a dit qu'en endossant l'uniforme, on sent qu'on a quelque chose à prouver.
    J'aimerais simplement dire à toutes ces femmes qui servent comme moi et aux personnes qui pensent à joindre l'armée ou qui l'ont fait, que vous n'avez rien à prouver à personne. Vous portez l'uniforme parce que vous avez choisi de le porter. La seule personne que vous devez rendre heureuse dans cet uniforme, c'est vous. Vous n'avez rien à prouver à personne.

  (1205)  

    Comment cette expérience a-t-elle influé sur votre vie familiale, personnelle et professionnelle — ces aspects de votre vie? Souffrez-vous toujours de stress post-traumatique?
    Pouvez-vous nous en parler, je vous prie? Si vous ne vous sentez pas à l'aise de répondre à une question, n'hésitez pas à vous abstenir.
    Merci.
    Dans ce sens, les choses ont été difficiles. Il est clair que depuis que j'ai parlé... J'ai vécu des émotions fortes que je ne voulais pas vivre.
    En toute honnêteté, aussi difficile que cette épreuve ait été, je suis heureuse de l'avoir traversée. Je ne m'en suis, évidemment, pas encore sortie. Je vois toujours un thérapeute. J'ai vu un psychiatre il y a quelques semaines. C'est quelque chose que j'ai appris à ne pas gérer, mais juste... J'ai appris à mettre mes émotions et mes forces au service d'autre chose, c'est-à-dire à faire ce que je fais maintenant. Il m'est très bénéfique de raconter mon histoire et d'être entendue.
    Tout le monde dans ma vie — ma famille et mes proches — a été d'un grand soutien. C'est tellement bon de savoir que lorsque j'appelle mon père en pleurant à 2 heures du matin, il ne me jugera pas. Il me laissera me plaindre un peu, puis me donnera ses conseils paternels. C'est ce qui est bien.
    C'est extraordinaire de pouvoir compter sur le soutien de sa famille. Mon père et moi sommes nous aussi très proches. Nous sommes comme des amis. Nous pouvons nous parler de tout. Je suis si heureuse que vous puissiez bénéficier de ce soutien. Je prie le ciel que tout le monde puisse bénéficier de ce genre de soutien.
    Si ce n'est pas le cas, y a-t-il quelque chose que les victimes ou les plaignants peuvent faire pour mieux naviguer dans ce processus, le processus de signalement, et ne pas se sentir intimidés par celui-ci? Pourriez-vous nous faire part de certaines pratiques exemplaires, de certaines de vos recommandations?
    Il existe une ligne d'intervention en cas d'inconduite sexuelle. Vous pouvez trouver le numéro en ligne quelque part. Elle propose des tonnes de ressources qui peuvent vous aider. J'aurais aimé connaître l'existence de cette ligne. Je ne l'ai découverte que quelques semaines après avoir fait mon signalement. Elle est dotée de sa propre police militaire qui peut aider. Elle donne l'option de faire appel à une tierce personne, ce qui évite d'être en contact direct avec la police.
    Dans l'ensemble, il s'agit d'une ligne d'assistance téléphonique ouverte 24 heures sur 24 pour laquelle travaillent des infirmières formées et agréées qui peuvent vous aider. J'ai appelé une fois, et l'infirmière m'a laissé pleurer et geindre pendant une heure. C'était tellement bien.
    Si vous n'avez pas ce soutien familial, tournez-vous vers d'autres personnes. Lisez les petites affiches sur le mur que personne ne regarde vraiment.
    C'est un excellent conseil.
    Merci encore à tous les témoins. Vous avez fait un travail remarquable aujourd'hui.
    Nous allons suspendre brièvement la séance afin de procéder aux vérifications du son pour le deuxième groupe de témoins.

  (1205)  


  (1205)  

    Nous allons entamer la deuxième partie de notre séance.
    Bienvenue à la réunion no 27.
    Chacun de nos témoins disposera de cinq minutes pour prononcer ses remarques liminaires.
    Nous accueillons le lieutenant-colonel, à la retraite, Bernie Boland; et le colonel, à la retraite, Michel Drapeau, qui est aussi professeur à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Boland. Vous avez cinq minutes.

  (1210)  

    Je suis Bernie Boland, lieutenant-colonel à la retraite, qui a servi honorablement dans les Forces armées canadiennes pendant plus de 30 ans. Ces 12 dernières années, j'ai été ingénieur dans la fonction publique. J'ai pris ma retraite en décembre 2020.
    Lors de l'audience du Comité le 23 mars 2021, le ministre Sajjan a déclaré: « Je prends toute allégation, peu importe le rang ou le poste, très au sérieux », « Nous sommes résolus à faire la lumière sur toutes les allégations, sans égard au rang ou au poste occupé par les personnes visées », et « L'inconduite sexuelle, le harcèlement et toute forme de comportement inapproprié sont inacceptables. Appelons ces choses par leur nom: il s'agit d'abus de pouvoir. »
    Mon témoignage présentera un exemple concret de la différence entre ce que le ministère de la Défense nationale pratique et ce qu'il prétend faire en matière d'inconduite.
    Mon cas est documenté de manière exhaustive. La greffière du Comité possède plus de 30 documents qui relatent la manière systémique et aberrante dont les cadres supérieurs chargés d'éradiquer l'inconduite ne le font pas.
    Pour que justice soit faite, j'ai suivi le processus prescrit. Les fonctionnaires de la Défense chargés de veiller à ce que la justice prévale m'ont privé de mon droit de plaider et m'ont refusé la possibilité de confronter le contrevenant dans le cadre d'un système juridique accusatoire qui soit équilibré et équitable pour tous.
    En 2016, j'ai signalé des actes répréhensibles et des comportements répréhensibles lorsqu'une employée que j'avais le privilège de superviser m'a demandé de signaler le harcèlement et les violations des droits de la personne dont elle avait été victime de la part d'un cadre supérieur en ingénierie. J'ai fait le signalement. Cet homme a été promu. Nous avons subi des représailles.
    Son dossier est maintenant devant le Tribunal canadien des droits de la personne, qui devra déterminer si elle a bien fait l'objet de discrimination et de traitement différentiel fondé sur l'âge, le sexe, l'origine ethnique et la religion — elle est musulmane.
    Une fois que j'ai signalé l'inconduite, je suis devenu une menace pour l'organisation. En guise de représailles, et pour exonérer les personnes responsables et coupables de l'inconduite et des violations des droits de la personne que j'ai signalées, le ministère de la Défense nationale, dans une lettre ministérielle officielle à la Commission canadienne des droits de la personne, a secrètement fait de moi le bouc émissaire de l'inconduite. J'ai été mis au courant des actions subreptices du ministère de la Défense nationale par la femme victime de harcèlement.
    Le fait que le ministère de la Défense fasse secrètement de moi un bouc émissaire était répréhensible, et j'ai protesté avec véhémence. Le 13 janvier 2021, j'ai officiellement déposé une plainte auprès de M. Sajjan contre la sous-ministre, Jody Thomas, pour avoir toléré, en tant que comportement ministériel approprié, que le ministère de la Défense fasse secrètement de moi un bouc émissaire.
    Le chef de cabinet du ministre Sajjan a accusé réception de ma plainte et m'a assuré qu'elle serait traitée conformément à la loi applicable. Jody Thomas est une personne nommée par la gouverneure en conseil. Aucun membre du Conseil privé n'a pris contact avec moi.
    Pour m'assurer que ma plainte contre Jody Thomas ne tombe pas dans l'oubli, ou plus exactement qu'elle n'est pas ignorée par les institutions, j'ai envoyé au premier ministre Trudeau, le 7 février 2021, une lettre recommandée contenant ma plainte contre la sous-ministre, avec copie conforme à Katie Telford et au greffier du Conseil privé, Ian Shugart. La lettre a pour objet: « Les dirigeants de la Défense corrompent le processus de règlement des plaintes de harcèlement pour protéger le harceleur ».
    Personne au Cabinet du premier ministre ou au Conseil privé n'a communiqué avec moi. Cependant, le sérieux et l'engagement du ministre Sajjan à traiter toutes les allégations, quel que soit le rang ou le poste occupé par les personnes visées, contre la sous-ministre, qui a été nommée par la gouverneure en conseil, ont été sommairement et arbitrairement rejetés sans enquête par M. Kin Choi, subalterne de la sous-ministre.
    Bien qu'on m'ait assuré que la loi applicable serait respectée, la disculpation expéditive de M. Choi à l'égard de sa patronne, Jody Thomas, a enfreint la loi. M. Choi a plus précisément enfreint le règlement sur le harcèlement et la prévention de la violence au travail du projet de loi C-65. M. Choi est responsable de la coordination et de la mise en œuvre du projet de loi C-65 au sein du ministère de la Défense nationale. Il est également l'autorité fonctionnelle du ministère pour la prévention et le règlement des cas de harcèlement. La conduite de M. Choi est entachée de conflits d'intérêts et de partialité.
    Après que M. Troy Crosby, sous-ministre adjoint, Matériels, eut jugé qu'il soit approprié que le ministère de la Défense nationale fasse secrètement de moi un bouc émissaire auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, j'ai déposé une plainte officielle auprès du ministre Sajjan, car la sous-ministre n'a pas donné suite en temps opportun à ma plainte contre son subalterne, M. Crosby.
    M. Choi, collègue de M. Crosby, a rejeté sommairement et arbitrairement ces allégations, sans mener d'enquête. M. Choi a également rejeté de façon sommaire et arbitraire mon grief contre M. Crosby pour non-respect de l'équité procédurale par ce dernier. Le directeur général qui a présenté la lettre à la Commission canadienne des droits de la personne en me désignant secrètement comme bouc émissaire relève directement de M. Choi.

  (1215)  

    En dépit de ce qui précède, l'aspect le plus sinistre de ce comportement ministériel, qui ne doit pas être négligé, est que le ministère de la Défense nationale sanctionne ouvertement un programme clandestin consistant à désigner secrètement des boucs émissaires à la Commission canadienne des droits de la personne afin de disculper les personnes responsables et coupables de harcèlement et de violations des droits de la personne. Cette situation est épouvantable. Il faut y mettre fin immédiatement. La Commission canadienne des droits de la personne et le tribunal des droits de la personne doivent en être informés.
    Il existe un problème culturel au sein du ministère de la Défense, mais il y a une réticence institutionnelle à faire la distinction entre la cause approximative et la cause ultime de ce problème. De mon point de vue, la cause ultime est la rupture et l'échec des dirigeants à agir de manière éthique, moralement appropriée, déterminée et délibérée pour arrêter et éliminer l'inconduite. Au lieu de cela, ils la commettent et la tolèrent trop souvent.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Drapeau, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Les Forces armées canadiennes traversent une crise. Malheureusement, il s'agit d'une crise de longue date qui remonte à plus de 20 ans. Dans quatre articles publiés en 1998, le magazine Maclean's a alerté le public canadien d'une crise profonde d'inconduite sexuelle endémique dans l'armée canadienne. Depuis ce temps, malheureusement, peu de choses ont changé. En réponse aux récits d'inconduite sexuelle de 1998, le Parlement, dans sa sagesse, a transféré aux militaires les pouvoirs d'enquête et de poursuite en matière d'agression sexuelle. Le Parlement a laissé aux militaires le soin de résoudre leur problème à l'interne. Ce fut une énorme erreur.
    Au vu des récentes révélations, qui visent notamment le chef d'état-major de la défense en poste et son prédécesseur, ainsi que le commandant du commandement du personnel militaire, qui font l'objet d'une enquête pour inconduite sexuelle, il va sans dire qu'au lieu de s'améliorer, les choses ont empiré, et ce, considérablement. Les signes de la crise actuelle existent depuis des décennies, et ils n'auraient pas dû passer inaperçus.
    En 2010, le colonel Russell Williams a avoué l'agression sexuelle d'au moins quatre femmes, le meurtre de deux femmes — une civile et une caporale-chef sous son autorité — et l'introduction par effraction dans les maisons et les chambres à coucher de plus de 80 de ses voisins. En 2014, les magazines Maclean's et L'actualité ont publié les résultats de leur enquête sur les violences sexuelles au sein de nos forces armées, avec Stéphanie Raymond, victime de l'inconduite sexuelle de l'un de ses supérieurs masculins, en page couverture. En 2015, la juge à la retraite Marie Deschamps a publié un exposé dévastateur concernant la culture sexualisée de l'armée. Son rapport contenait un certain nombre de recommandations, dont un certain nombre seront ignorées et restent ignorées par le ministère de la Défense nationale.
    Ce n'est pas tout. Selon une enquête réalisée par Statistique Canada en 2018, environ 900 membres des forces régulières ont été victimes d'agressions sexuelles l'année précédente. Je vous laisse y réfléchir.
    L'année suivante, l'enquête de 2019 de Statistique Canada a montré que 68 % des étudiants du Collège militaire royal ont été témoins ou victimes de comportements sexualisés non désirés en 2018. De même, elle a révélé que plus d'une étudiante sur sept a subi des agressions sexuelles en 2018, dont beaucoup n'ont pas été signalées.
    En réponse à cette crise de longue date, l'équipe de la haute direction actuelle de la Défense nationale, menée par l'actuel ministre, l'actuelle sous-ministre et le général Vance, ancien chef d'état-major de la Défense, ont uni leurs efforts pour mettre en place un programme sous le titre exagéré d'opération Honour comme moyen d'assurer la discipline, le respect fondamental et la sécurité des femmes dans l'armée. À vrai dire, l'opération Honour s'est avérée être fondée sur des conjectures et être surtout un exercice d'hyperbole. Elle ne fonctionne pas. Depuis l'annonce de cette opération, la crise s'est aggravée dans nos forces armées.
    Compte tenu de mon intérêt de longue date pour cette question, j'ai souvent comparu devant des comités parlementaires au cours des dernières décennies. J'ai co-écrit plusieurs textes juridiques et formulé des commentaires à ce sujet dans lesquels j'ai proposé des réformes du système de justice militaire.
    À la suite de ma comparution devant le Comité permanent de la défense nationale le 22 février dernier, en réponse aux commentaires du ministre de la Défense nationale devant le même comité, et en l'absence de toute proactivité manifeste de la part des chefs de nos cinq partis politiques pour faire face à cette crise, je me suis senti obligé de co-écrire un livre intitulé Le système de justice militaire du Canada est en voie de s’effondrer: Est-ce que le gouvernement va agir? Ce livre proposait des réformes législatives précises pour faire face à cette crise. Il est produit en format bilingue et peut être téléchargé gratuitement à l'adresse www.mdlo.ca.
    À la base, ce livre recommande deux choses.
    Primo, compte tenu des preuves claires et convaincantes qui montrent que le ministère de la Défense nationale est incapable de faire face efficacement à la crise persistante de l'inconduite sexuelle et à la perte de confiance de plus en plus grande du public envers le haut commandement militaire, qui a été décimé par des allégations d'inconduite sexuelle, et en l'absence d'un leadership et d'une action substantiels de la part du gouvernement, le Parlement devrait modifier la Loi sur la défense nationale afin de rendre la compétence en matière d'agressions sexuelles aux tribunaux civils. La modification de l'article 70 de la Loi sur la défense nationale est le moyen le plus simple et le plus rapide d'y parvenir.

  (1220)  

    Secundo, le Parlement devrait nommer au poste d'inspecteur général des forces armées une personnalité civile qui lui fera rapport.
    Mesdames, je me réjouis à la perspective de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer notre première série de questions avec Mme Alleslev pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Colonel Boland, si je puis permettre... C'est une affaire compliquée. Merci de nous l'avoir expliquée, mais je veux être sûre d'avoir bien compris.
    Une femme qui travaillait pour vous a porté à votre attention une plainte concernant la personne pour laquelle vous travailliez, et vous avez déposé cette plainte en son nom. En retour, vous avez été harcelé, et elle a continué de l'être. Puis elle a porté l'affaire devant la Commission canadienne des droits de la personne. Est-ce que j'ai bien compris?
    Sur le fond, oui, c'est exact.
    Ensuite, lorsqu'elle a porté l'affaire devant la Commission des droits de la personne, le ministère de la Défense nationale a dû répondre, et sa réponse n'a pas consisté à mettre en lumière la conduite de la personne qu'elle accusait, contre qui elle faisait des allégations, mais plutôt à vous blâmer pour le harcèlement, alors que ce n'était absolument pas le cas.
    Encore une fois, sur le fond, c'est tout à fait correct.
    À votre insu, le ministère de la Défense nationale a envoyé une réponse officielle pondérée sur son papier à en-tête, comme si elle avait le soutien des Forces armées canadiennes, à une organisation extérieure, vous accusant ou déclarant que vous aviez eu un comportement inapproprié.
    Oui, j'ai fourni cette lettre aux membres. J'espère qu'ils auront l'occasion de l'examiner.
    Oui, on nous l'a fournie, et le Comité l'a dans les deux langues officielles si quelqu'un veut la lire. Donc, évidemment...
    Oui, ils m'ont blâmé. C'est ce qu'ils ont fait. Ils m'ont blâmé.
    Vous avez senti que votre réputation avait été mise à mal, et vous avez dit: « Ce n'est tout simplement pas vrai. Vous ne pouvez pas dire ces faussetés sur moi. » Puis vous avez remonté la chaîne de commandement pour qu'ils corrigent cette déclaration et continuent à traiter la plainte pour harcèlement que vous aviez déposée. Est-ce correct?
    Oui, j'ai déposé une plainte pour harcèlement en raison des représailles exercées lorsque j'ai signalé pour la première fois le harcèlement et les violations des droits de la personne dont elle faisait l'objet. Ensuite, lorsqu'ils ont fait de moi un bouc émissaire, comme je l'ai dit, c'était répréhensible et je n'allais pas le tolérer, alors, oui, il est clair que j'ai déposé une plainte. Plus ils l'évitaient... Je n'allais pas reculer, et j'ai fait pression jusqu'en haut de la chaîne, comme je l'ai dit dans mon témoignage.
    Vous respectez tous l'ensemble des processus et des procédures énoncés dans tous les règlements des Forces armées canadiennes.
    Oui, c'est exactement ce que j'ai utilisé. J'ai utilisé les mécanismes qui étaient à ma disposition. Cependant, j'ai également demandé à mon député d'écrire une lettre au ministre Sajjan, il y a trois ans, afin d'aborder la question lorsque, fondamentalement, le ministère de la Défense s'est contenté de dire que le dossier était clos et qu'ils n'allaient plus s'en occuper.
    Ensuite, j'ai eu l'occasion, en raison de ce rejet de la part de la sous-ministre et de son personnel des ressources humaines, de m'en occuper davantage en interne.
    Vous avez fait remonter le dossier à la sous-ministre. Puis vous en avez informé le greffier du Conseil privé et le ministre de la Défense nationale. Est-ce correct?

  (1225)  

    Oui, j'ai porté le cas de M. Crosby à l'attention de la sous-ministre. M. Choi l'a balayé du revers de la main et rejeté, comme je l'ai dit. Ensuite, j'en ai parlé au ministre. En fait, j'ai envoyé plusieurs lettres au ministre sur divers aspects de mon cas particulier et également sur celui de la femme. Comme elles sont restées sans réponse, j'ai envoyé une lettre, comme je l'ai dit — une lettre recommandée — au premier ministre et une copie conforme au Conseil privé.
    En réponse, avez-vous reçu une lettre portant la signature du ministre de la Défense nationale?
    Non, lorsque j'ai fait part de mes préoccupations relatives au fait d'avoir été désigné comme bouc émissaire, la seule réaction que j'ai obtenue a été, comme je l'ai déclaré, un refus pur et simple de l'admettre de la part de M. Choi.
     Il était le subalterne de la sous-ministre. Par conséquent, il a essentiellement répondu au nom de sa patronne, afin de l'absoudre de tout acte répréhensible, n'est-ce pas?
    C'est tout à fait exact.
    Est-ce ainsi que les choses se passent habituellement, selon le manuel sur les processus et les procédures?
    Non, mais en écoutant certains reportages des médias, j'ai constaté que cela semble être la norme. J'ai entendu parler de ce que la Marine a fait pour régler son problème de « chambre rouge ». Ils demandent à un militaire de grade inférieur d'absoudre le patron de son mauvais comportement.
    C'est très commode pour eux et très peu pratique pour ceux d'entre nous qui recherchent la justice ou qui soutiennent les personnes qui méritent que justice soit faite, c'est-à-dire les femmes dans ces affaires.
    Cela va-t-il totalement à l'encontre des politiques, des procédures et des règlements des Forces armées canadiennes?
    Oui, d'après ce que j'ai compris, M. Choi, compte tenu de la politique dont il est responsable... Elle indique que la conduite de ce qu'on appelle une évaluation de la situation ne peut être déléguée.
    Merci beaucoup.
    Votre temps de parole est écoulé.
    Je crois comprendre que Mme Maya Eichler, professeure agrégée en études politiques et en études des femmes et titulaire d'une chaire de recherche du Canada en innovation sociale et en engagement communautaire, s'est jointe à nous.
    Je pense qu'elle a peut-être des difficultés sonores.
    Madame la greffière, pouvez-vous obtenir des précisions?
    Nous devrons certes attendre encore quelques instants, mais nous pouvons poursuivre nos séries de questions.
    Je crois comprendre que les libéraux ont un certain nombre de questions à poser à la professeure Eichler. Je vais donc donner la parole à Mme Larouche pendant six minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je tiens également à remercier nos deux témoins.
    Vous avez su nous montrer un autre point de vue sur le problème des cas d'agressions sexuelles dans les Forces armées canadiennes. Je vous remercie beaucoup, messieurs Boland et Drapeau.
    Je vais d'abord poser mes questions à M. Drapeau.
    Vous avez dit que M. Sajjan avait été informé de la situation et qu'il devrait même démissionner. Vos propos étaient assez clairs.
    Pourriez-vous préciser davantage votre opinion sur le rôle de M. Sajjan?
    Il est le grand chef de l'institution en question, et il est en poste depuis cinq ans. Les médias ont répondu avec beaucoup de générosité en rapportant des cas d'inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes. Tout près de lui, certains de ses subalternes immédiats font eux-mêmes l'objet d'allégations. J'ai entendu le ministre témoigner que, parce que l'ombudsman n'avait pas dévoilé l'identité de la personne qui avait porté plainte, il ne pouvait rien faire dans ces circonstances.
    Ce qu'il a dit va à l'encontre de toutes mes connaissances et de mon interprétation du rôle de leader, soit-il militaire, politique ou autre. Il arrive certainement que des personnes d'un certain âge ou de certaines professions reçoivent à l'occasion des plaintes qui sont formulées sur une base anonyme. Les policiers, les tribunaux et les avocats les reçoivent, tout comme, assurément, des fonctionnaires, ici et là dans la fonction publique. Une plainte faite de façon anonyme ne veut pas dire qu'elle est sans fondement. Elle ne veut pas dire que nous devons détourner le regard et l'ignorer. Il y a une certaine justice naturelle qui doit s'établir, car la personne qui fait l'objet de cette plainte doit en être informée et pourrait peut-être même y répondre. Il y a quelque chose que nous devons faire plutôt que de nous croiser les bras et de rester sans rien faire.
    Cela m'a laissé sur mon appétit lorsque j'ai entendu le ministre dire qu'il ne pouvait rien faire devant une telle plainte. Jusqu'à maintenant, je n'ai toujours pas entendu le ministre, et ce, malgré le rosaire de plaintes que nous avons reçues et qui ont été faites contre plusieurs hauts gradés des Forces armées canadiennes, plaintes qui nuisent au moral, à la réputation — tant au Canada qu'à l'étranger — et à l'efficacité des Forces armées canadiennes.
    Je n'ai pas entendu le ministre dire ce qu'il allait faire pour corriger le tir et mettre des mesures en place, afin de donner confiance aux victimes. Je n'ai absolument rien entendu jusqu'à maintenant. Nous attendons de voir ce qui se produira, ce qui sera décidé, soit par lui, soit par son gouvernement.
    Je n'ai jamais dit que je demandais son licenciement ou sa démission. J'ai demandé qu'il prenne acte de ces plaintes, car cela est son rôle premier. En vertu de la loi, il responsable de la direction et du contrôle des Forces armées canadiennes.

  (1230)  

     Vous avez dit que cela datait du transfert entre le Parlement et les militaires. Par la suite, vous avez beaucoup parlé du fait qu'il y avait dans plusieurs pays développés des organismes d'enquête externes, autrement dit qui ne font pas partie de l'armée.
    Pourriez-vous nous dire en quoi un tel système est différent du nôtre?
    Vous avez parlé notamment de l'Allemagne. Quelles conséquences sont liées au fait d'avoir un système comme le nôtre?
    Dans notre cas, c'est une société à l'intérieur d'une société. Il faut dire les choses comme elles sont. L'organisation militaire a son propre système de police, de santé, de justice, et ainsi de suite. Elle est complètement à l'abri des regards et de toute obligation de rendre des comptes. Seuls deux petits comités, sans pouvoir, jouent un peu le rôle de chien de garde. Il s'agit du Comité externe d’examen des griefs militaires et de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
     Sinon, le ministère de la Défense nationale est fondamentalement intouchable. En définitive, il n'a pas à rendre de comptes à qui que ce soit au sein du Parlement. Comme je l'ai dit déjà, toute la situation entourant les inconduites sexuelles se perpétue depuis 30 ans. En 1998, le Parlement a décidé de transférer la juridiction des tribunaux civils aux autorités militaires, et les choses sont allées de mal en pis depuis ce temps.
    Plusieurs pays, dont les États-Unis, l'Allemagne, la Hollande, l'Australie et plusieurs autres, ont institué une fonction nommée « inspecteur général ». Il s'agit d'une personne civile qui fait rapport au Parlement et qui a des pouvoirs d'enquête, un droit de regard et le pouvoir de demander des comptes à l'autorité militaire. Cette personne dispose du personnel nécessaire pour mener des enquêtes, porter des jugements et faire des recommandations. Son rôle principal est d'agir comme un agent du Parlement, donner des séances d'information, offrir des conseils aux parlementaires qui siègent à ces comités et rendre des comptes.
    À l'heure actuelle, c'est une autre façon d'assurer aux victimes que leurs plaintes seront reçues, qu'elles donneront lieu à une enquête et qu'elles ne feront l'objet d'aucune ingérence. La lieutenante-colonelle à la retraite Boland a donné un exemple. C'est une façon de faire les choses. Il s'agit d'accroître la responsabilisation et l'obligation de rendre des comptes et, dans ces circonstances, de donner confiance aux victimes. Celles-ci, en majorité, ne rapportent pas le crime, ne font pas confiance au système de justice militaire et craignent les représailles.
    C'est une chose que nous pouvons et que nous devrions faire. Elle a été recommandée par le juge Létourneau en 1997, lorsqu'il a rédigé son rapport dans le cadre de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous accueillons maintenant Mme Maya Eichler.
    Nous sommes très heureux que vous soyez là. Si vous pouviez lever votre microphone afin qu'il se situe entre votre bouche et votre nez, je vous accorderais vos cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Veuillez prendre la parole.

  (1235)  

     Merci, madame la présidente, merci, chers membres du Comité. Je vous présente mes excuses pour les problèmes de connexion que j'ai eus aujourd'hui.
    Je m'appelle Maya Eichler. Je suis professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche du Canada à l'Université Mount Saint Vincent, à Halifax.
    Au cours de la dernière décennie, mes recherches ont porté sur l'intégration des femmes et la violence sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous faire part de mes deux principales recommandations sur la manière dont votre comité peut mieux contribuer à la lutte contre l'inconduite sexuelle dans les forces armées.
    Je vous recommande premièrement de concentrer vos efforts sur le développement d'une culture militaire inclusive. Ma deuxième recommandation consiste à concentrer vos efforts sur la mise en place d'un mécanisme de contrôle externe en vue d'instaurer et de maintenir cette nouvelle culture militaire inclusive.
    Je recommande de mettre l'accent sur la modification de la culture militaire, car c'est la seule façon de s'attaquer aux causes profondes de l'inconduite sexuelle dans le milieu de travail militaire. Le simple fait que nous soyons encore ici aujourd'hui à parler des mêmes problèmes qui ont été présentés à de nombreux comités parlementaires depuis de nombreuses années nous montre à quel point ce milieu continue de résister à la création d'une institution et d'une culture militaires plus inclusives. La situation actuelle n'est pas une nouvelle crise, et elle ne concerne pas uniquement l'inconduite sexuelle. Cette crise est le résultat de la conception institutionnelle historique de l'armée en tant que lieu de travail masculinisé par excellence.
    Jusqu'à il y a 30 ans, tous les rôles et postes liés au combat étaient réservés aux hommes. L'infrastructure et les politiques mêmes de l'armée étaient conçues pour les hommes. Les salles de bains, les logements, les équipements, la conception des uniformes, la taille des véhicules, les cockpits des avions et les normes en matière de soins médicaux étaient fondés sur la taille, le poids, la force, la silhouette et la physiologie de l'homme moyen. Il en va de même pour les politiques relatives au personnel militaire qui ont également été conçues pour appuyer la vie, les besoins et les styles de leadership des hommes.
    Par conséquent, l'institution militaire et sa culture privilégient les militaires masculins, en particulier les militaires blancs et hétérosexuels, ce qui crée des obstacles et des inégalités systémiques pour les femmes et pour d'autres personnes qui ne correspondent pas à « l'idéal » ou à « la norme » présumés, comme les membres de la communauté LGBTQ+, les militaires racialisés ou autochtones, ou les militaires handicapés. Il incombe à ces gens de consacrer le temps et l'énergie supplémentaires nécessaires pour trouver une façon de s'adapter à un système qui n'a pas été élaboré en pensant à eux.
    Les tentatives antérieures de lutte contre l'inconduite sexuelle dans l'armée ont mis l'accent sur des solutions superficielles et simples, telles que la levée des obstacles juridiques, l'augmentation du nombre de recrues féminines ou l'ordre donné aux militaires de cesser de commettre des inconduites sexuelles. Jusqu'à maintenant, on n'a jamais tenté d'élaborer et d'appliquer une stratégie globale de changement de la culture militaire. Cela exigerait une refonte du milieu de travail militaire en vue de permettre une compréhension plus inclusive de ce que signifie le fait d'être un membre des Forces armées canadiennes.
    Cela m'amène à mon deuxième point. Les 30 dernières années ont prouvé que l'on ne peut pas s'attendre à ce que l'armée parvienne par elle-même à procéder à la modification de sa culture et à la refonte institutionnelle nécessaires. C'est la raison pour laquelle je recommande vivement la mise en place d'un mécanisme de contrôle externe permanent et indépendant, non seulement pour assurer la refonte de la culture institutionnelle de l'armée, mais aussi pour veiller à ce que cette refonte soit maintenue à long terme.
    Dans un récent article qui a paru le 12 mars dans la revue Policy Options et que j'ai coécrit avec Mme Karen Breeck, une ancienne combattante, j'ai énoncé trois principes clés à respecter pour déterminer ce à quoi devrait ressembler cette surveillance. Nous avons suggéré que le nouvel organisme ait un large mandat. Idéalement, il devrait ressembler au bureau de l'inspecteur général civil. Ce nouvel organisme doit relever directement du Parlement et doit être guidé par les commentaires relatifs aux expériences vécues par les personnes les plus touchées par la culture problématique de l'armée. Une surveillance efficace ne garantit pas que la culture militaire changera, mais je pense que c'est la condition préalable à ce changement la plus importante qui soit.
    J'aimerais nous voir aller au-delà des solutions rapides et des enquêtes, au-delà d'une concentration étroite sur les inconduites sexuelles individuelles. Un véritable changement systémique de la culture militaire exigera des efforts à long terme en vue de remodeler l'institution militaire. Il nécessitera un engagement public et politique et, surtout, il nécessitera un organisme de surveillance ayant pour mandat de faire rapport au Parlement. Je ne vois pas d'autre moyen d'assurer la responsabilisation à l'égard d'un milieu de travail militaire sécuritaire et inclusif pour tous, et je ne vois pas d'autre moyen de nous assurer que nous ne nous retrouverons pas ici dans cinq ans en train d'avoir les mêmes conversations.
    Pour le bien de tous les Canadiens, qu'ils portent l'uniforme ou non, je vous exhorte à saisir cette occasion d'apporter à l'armée un changement véritable et systémique.

  (1240)  

    Merci.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner de nouveau la parole à Mme Zahid pendant six minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie également tous les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    J'adresse ma première question à Mme Eichler. Je vous remercie de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    Vous avez beaucoup écrit sur la masculinité militarisée et les normes culturelles au sein des armées. Nous parlons fréquemment de la nécessité que la culture change dans les Forces armées canadiennes. Si c'est facile à dire, c'est beaucoup plus difficile à faire, surtout dans une organisation hiérarchique où les dirigeants ont été imprégnés de cette culture pendant toute leur carrière.
    Y a-t-il des exemples internationaux dont nous pouvons nous inspirer et qui montrent que l'on a réussi à changer la culture militaire? Voulez-vous nous éclairer à ce sujet?
    Il s'agit d'un problème qu'affrontent de nombreuses armées dans le monde entier. Nous pouvons tirer des leçons des autres pays, mais je pense qu'il s'agit d'une véritable occasion pour le Canada de prendre l'initiative et d'élaborer de nouvelles façons d'aller de l'avant. Nous avons entendu parler, par exemple, de meilleurs mécanismes de surveillance dans d'autres pays, comme les États-Unis, comme mon collègue vient de le mentionner, mais je ne dirais pas nécessairement qu'il y a une voie claire à suivre. Je pense que nous devons trouver nos propres solutions.
    À l'échelle nationale, nous disposons d'une grande partie de l'expertise en la matière requise pour aller de l'avant. Les experts en la matière de l'ensemble du Canada s'entendent pour dire qu'une surveillance externe indépendante est nécessaire, et nous sommes tous d'accord pour dire qu'un changement de culture est requis.
    La contribution que j'apporte aujourd'hui, c'est qu'un changement de culture ne consiste pas seulement à changer les idées et les attitudes. Il faut aussi modifier certaines structures très fondamentales qui sont liées à la façon dont l'armée a été construite. Les idées que nous nous faisons de ce qui constitue le « soldat idéal » sont en fait fondées sur une longue histoire de politiques et de systèmes qui ont été mis en place d'une certaine manière. Je pense que nous devons changer la base matérielle de l'armée, c'est-à-dire sa conception même et les idées qui s'y rattachent.
    Merci, madame Eichler. Ma prochaine question vous est également destinée.
    L'une des difficultés auxquelles les femmes font face, quelle que soit leur profession, c'est de trouver un équilibre entre leur famille et leur carrière. La garde des enfants est un fardeau qui pèse sur les femmes de manière disproportionnée, et leur carrière en pâtit souvent. Ces difficultés sont encore plus grandes quand les femmes font une carrière militaire, qui s'accompagne d'horaires longs et variés, de déménagements fréquents et de déploiements soudains.
    Pouvez-vous discuter des répercussions que ces stress ont sur une femme qui travaille déjà dur pour essayer de réussir au sein d'une culture très masculine et hiérarchique? Dans quelle mesure est-il important d'appuyer la famille pour changer la culture et aider les femmes à réussir dans les Forces armées canadiennes?
    La conciliation de la famille et du travail militaire représente un énorme défi, d'après ce que m'ont dit les nombreuses anciennes combattantes que j'ai interrogées dans le cadre de mes recherches. Je pense que le fait que l'armée prenne si peu de mesures pour faciliter la vie de famille est certainement un facteur qui dissuade les femmes de s'enrôler, et c'est certainement une raison pour laquelle de nombreuses femmes quittent l'armée. Cela a été établi par des recherches externes ainsi que par les recherches menées par le MDN et les FAC. La difficulté de concilier la famille et le travail militaire est la raison pour laquelle les femmes quittent l'armée. Cela crée donc aussi un problème de rétention.
    Nous savons qu'il est très difficile de trouver des services de garde d'enfants disponibles, surtout lorsque vous êtes réaffecté, car vous êtes souvent forcé de réinscrire votre nom sur une liste d'attente. Un autre défi consiste à trouver des services de garde d'enfants offerts 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Le travail militaire se déroule 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, et vous avez donc besoin de services de garde d'enfants propres à l'armée pour être en mesure de faire votre travail.
    La dernière chose que je dirais, c'est que les politiques visant le personnel sont un exemple de politiques qui ont été conçues en pensant aux hommes. La norme est le militaire hétérosexuel de sexe masculin ayant une épouse civile, qui peut en quelque sorte prendre le relais. Bien sûr, si nous voulons que les femmes s'enrôlent, nous devons trouver des moyens de leur permettre d'être des parents, tout en étant de « bons soldats ». Quelle que soit la façon dont nous redéfinissons les politiques familiales, tous les hommes des Forces armées canadiennes en bénéficieront également. La garde des enfants est un fardeau qui incombe principalement aux femmes, mais le fait de trouver de bonnes solutions à ce problème profitera à tous les membres des Forces armées canadiennes.
    Le dernier point que j'aimerais faire valoir, c'est que bon nombre de femmes dans les Forces armées canadiennes sont célibataires, mais un grand nombre d'entre elles font partie d'un couple de militaires, composé d'un homme militaire et d'une femme militaire. Cela crée un fardeau supplémentaire lorsque l'on s'attend à ce que deux membres de la famille soient disponibles pour l'armée 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. C'est un fardeau supplémentaire que je tiens à souligner. Le fait d'être une femme et une épouse militaire est un double fardeau sur lequel j'aimerais attirer votre attention.

  (1245)  

    Fort bien.
    Madame McPherson, soyez la bienvenue à la séance du Comité de la condition féminine. Vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, madame la présidente. C'est agréable d'être de retour parmi vous. Bien sûr, il serait préférable que nous étudions un sujet différent qui ne soit pas si difficile à entendre.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir participé à l'appel d'aujourd'hui, de s'être joints à nous et de nous avoir fait part de leur histoire et de leur point de vue. Notre conversation est très importante. Je suis heureuse d'avoir la chance d'entendre certains de ces témoignages.
    Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par interroger le lieutenant-colonel à la retraite Bernie Boland et par lui poser une série de questions.
    Monsieur Boland, au cours de votre témoignage, vous avez indiqué que vous aviez adopté plusieurs approches pour tenter d'obtenir justice. Vous avez notamment soumis à la Cour fédérale du Canada une demande de contrôle judiciaire du rejet du grief par le MDN. Vous avez donné un avis au greffier du Tribunal canadien des droits de la personne pour être partie à l'audience du tribunal. Vous avez déposé auprès de la ministre du Travail une plainte concernant la violation par le MDN de vos droits en vertu du projet de loi C-65.
    On nous dit qu'il y a des processus et des politiques en place. Cependant, les personnes chargées de faire respecter ces processus ne les suivent pas. Quelles mesures de surveillance recommanderiez-vous pour que ces processus soient effectivement suivis?
    Je vous remercie beaucoup de la question particulière que vous m'avez posée. En ce qui me concerne, j'ai certainement été persistant. Selon mon point de vue, il ne fait aucun doute que l'une des approches de base du gouvernement est d'ignorer les requêtes qu'il reçoit.
    Vous avez déterminé que j'ai déposé une plainte en vertu du projet de loi C-65. J'attends fondamentalement que la ministre du Travail accuse réception de ma correspondance. Comme elle ne l'a pas fait, je poursuis cette démarche.
    Comme l'ont dit mes collègues, il faut que quiconque ayant le besoin ou l'obligation de déposer une plainte ait l'occasion de la défendre de façon indépendante et autonome et de l'aborder d'une manière juridiquement accusatoire et appropriée, de sorte qu'il puisse faire face à la personne qui a perpétré l'inconduite — le harcèlement, les violations des droits de la personne, le racisme et en particulier l'inconduite sexuelle — et de régler ces problèmes ainsi que de traiter avec ces personnes, au sein d'un système de responsabilisation.
    Ces trois possibilités me sont refusées. Je suis capable de plaider ma cause, mais on m'a refusé le droit de le faire. Je suis prêt à affronter l'intimé, mais on me refuse ce droit. Il n'y a aucune responsabilité à cet égard. Il faut que ce processus soit distinct et indépendant.
    Merci.
     Tout au long de l'étude, nous avons constaté de grands écarts entre les politiques, les pratiques et la culture de ces lieux de travail. Nous devons dépasser les politiques et changer la culture de protection des personnes au pouvoir.
    D'après l'expérience que vous avez acquise au cours des cinq dernières années, quelles sont les lacunes et comment pouvons-nous les combler?
    Le processus en lui-même est adéquat si on l'applique à un événement unique, mais il n'y a pas d'approche globale que je qualifierais de systématique, ce qui fait que chaque cas est traité de façon distincte.
    Il n'y a aucun programme qui encadre le tout. Il n'y a aucune vérification de la conformité. Il n'y a pas d'assurance de la qualité. Personne ne vérifie si l'on a bel et bien recours aux moyens et aux mécanismes indiqués pour mener à bien le processus. On ne cherche pas à obtenir la rétroaction des personnes concernées. À titre de plaignant, suis-je convaincu que le processus a permis de produire les résultats escomptés dans ma quête de justice?
    Il est bien certain que l'on ne peut pas laisser à ceux qui sont chargés de mettre un système en place le soin de déterminer si leur propre conduite a été conforme aux attentes. Dans un tel contexte, toute personne qui porte plainte se retrouve à mettre en cause ceux-là mêmes qui sont censés accomplir ce travail.
    Il n'y a aucune indépendance et très peu de gens sont capables de faire la part des choses entre une plainte qui concerne le processus et une plainte qui les vise directement. Ils en font tous un peu trop une affaire personnelle et ne font pas vraiment ce qu'ils sont censés faire, c'est-à-dire ce pour quoi on les paye suivant le mandat du poste qu'ils occupent.

  (1250)  

    Vous avez indiqué avoir saisi de votre plainte le cabinet du ministre de la Défense en allant même jusqu'à vous adresser au Cabinet du premier ministre. J'ai l'impression qu'aucune tête dirigeante n'a vraiment fait son travail dans ce dossier, y compris parmi nos plus hautes instances politiques.
    Avez-vous eu droit — et je sais que vous y avez fait allusion précédemment — à quelque suivi que ce soit de la part du cabinet du ministre ou de celui du premier ministre? Est-ce que votre cas est un autre exemple d'une situation où le ministre de la Défense et son personnel font fi des plaintes dont ils sont saisis?
    Le seul à m'avoir répondu est M. Choi, le sous-ministre adjoint. Il faut se rappeler que tout cela s'est déroulé sur une période de cinq ans.
    En me répondant il y a environ trois ans, il a pour ainsi dire rejeté mes allégations ou cessé d'en prendre acte par la suite. C'est pour cette raison que j'ai communiqué avec le ministre. Dans mes échanges avec lui par l'entremise de son chef de cabinet, je ne lui demandais pas de faire enquête sur les événements. Je voulais qu'il voie à ce qu'une enquête soit menée.
    La manière dont on a procédé en demandant à quelqu'un qui travaillait pour le sous-ministre d'absoudre ses pairs et ses subalternes tout en s'absolvant lui-même ainsi que tous les autres, ne correspondait assurément pas à une approche juste et équitable des choses dans une perspective judiciaire.
    Nous poursuivons maintenant ce second tour de questions en donnant la parole à Mme Alleslev pour une période de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Je voudrais continuer dans la même veine.
    Nous avons entendu précédemment les témoignages du greffier et de la sous-greffière du Conseil privé. On nous a notamment alors parlé de l'importance de l'équité procédurale et de la nécessité de suivre le processus établi.
    À la lumière de votre expérience, pouvez-vous nous dire si le processus a été suivi et si l'équité procédurale a été garantie? Est-ce que quelqu'un du Bureau du Conseil privé ou de celui du gouverneur en conseil a communiqué avec vous au sujet du sous-ministre? D'après vous, est-ce que l'on a enquêté d'une manière ou d'une autre à la suite de votre plainte concernant le sous-ministre?
    À ce que je sache, absolument rien n'a été fait. Personne n'a jamais communiqué avec moi. Mon point de vue n'a jamais été sollicité. On m'a carrément dépossédé du droit à l'équité procédurale et à l'application régulière de la loi ainsi que de la possibilité de défendre ma cause en convoquant les témoins de mon choix.
    Les gestes sont plus éloquents que les paroles.
    Le ministre et les hauts fonctionnaires, y compris ceux du Cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé, n'ont cessé de nous répéter le même mantra. Ils nous ont dit que, sans égard au rang et au poste, les cas d'abus de pouvoir et d'inconduite sont traités avec le plus grand des sérieux et dans le respect des principes de l'équité procédurale. Ils ont indiqué qu'ils ne reculeraient devant rien pour aller au fond des choses.
    Est-ce bien ce que vous avez pu vous-même constater?
    Pas du tout. Je participais à une réunion du comité de la défense comme témoin lorsque certains propos en ce sens ont été formulés. Je regrette seulement de ne pas avoir pu poser une question au témoin qui s'exprimait ainsi.
    Ce n'est absolument pas la façon dont les choses se sont déroulées dans mon cas particulier.

  (1255)  

    Pouvez-vous nous parler des séquelles que vous avez subies personnellement? Nous avons tendance à croire que ce sont la plupart du temps uniquement les femmes ou les personnes qui déposent la plainte initiale qui sont touchées, mais tout indique que les effets se font ressentir de façon plus globale encore.
    Pourriez-vous nous donner une meilleure idée des conséquences qui vous ont ainsi été infligées?
    C'est un processus long et extrêmement difficile dans le cadre duquel on peut se sentir bien seul, mais je ne suis rendu qu'à mi-chemin dans ma démarche. Il faut surtout s'inquiéter des répercussions pour la femme, dans le cas qui nous intéresse, qui a été directement victime des gestes allégués et du sentiment d'impuissance qu'elle doit ressentir malgré tous ses efforts.
    Le poids, l'influence, le pouvoir, l'intellect et les connaissances de l'institution ont été entièrement mobilisés à son encontre, plutôt que dans le but de la soutenir et d'appuyer sa cause, comme cela devrait être le cas. Le principe d'une justice égale pour tous n'est pas du tout appliqué en l'espèce. On s'emploie plutôt à protéger l'individu en cause, particulièrement s'il est d'un rang supérieur ou occupe un poste plus élevé dans l'organisation.
    Je ne sais pas quelles autres caractéristiques peuvent entrer en jeu, mais, chose certaine, elles ne sont pas fondées sur la parité.
    Vous avez parlé d'une rupture au sein des hautes instances qui sont incapables de mettre fin à l'inconduite. On semble plutôt la protéger et la cautionner, et tout indique que l'on dispose des moyens nécessaires pour vous avoir à l'usure.
    Non seulement ces gens-là n'agissent pas suivant ce que prescrivent leur rôle et leurs responsabilités, mais ils voient aussi à faire pencher la balance du système en leur faveur pour venir à bout de quiconque ose demander justice. Est-ce que cela décrit bien la situation?
    Oui, tout à fait. Leur stratégie est évidente. On mise sur votre fatigue et votre frustration en vous poussant à bout, parfois jusqu'à la faillite. Ils peuvent agir en toute impunité sans devoir rendre des comptes à qui que ce soit.
    Ceux qui n'ont pas nécessairement la force et les ressources dont vous disposez pour mener une telle campagne risquent de se retrouver en moins bonne posture encore, malgré que l'on ne puisse pas dire que votre posture soit enviable.
    Certainement. C'est peut-être ma façon de faire les choses. Je prends des notes, je consigne tout et je fais des envois.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Vandenbeld pour les cinq prochaines minutes.
    Je suis très heureuse que la communication soit rétablie avec Mme Eichler. Je sais qu'il y a eu certains pépins techniques.
    J'aimerais vraiment vous poser quelques questions, madame Eichler, concernant vos travaux de recherche, car je sais que vous êtes l'une des rares chercheures à vous intéresser directement aux anciens combattants, aux survivantes et à ceux et celles qui ont un vécu militaire.
    Pouvez-vous nous expliquer à quel point il est important de faire intervenir l'expérience vécue par les militaires lorsqu'on souhaite apporter des changements aux processus et aux institutions et que l'on cherche des moyens d'améliorer les systèmes en place?
    Oui, certainement.
    J'ai un partenariat de recherche avec le regroupement It's Just 700 dans le but précis de cerner certains des obstacles qui empêchent les anciens combattants d'avoir accès aux prestations et aux services auxquels ils ont droit. Nous avons réalisé ensemble une étude portant sur 10 années de jugements du Tribunal d'appel et révision des anciens combattants concernant des cas d'agressions sexuelles dans le contexte militaire. Nous avons pu constater des changements très positifs dans le travail de ce tribunal au cours des deux dernières années. Ces améliorations sont en fait attribuables aux revendications des survivantes d'un traumatisme sexuel dans le contexte militaire et, tout particulièrement, au travail du regroupement It's Just 700 et de Marie-Claude Gagnon. C'est aussi dans une large mesure une réaction au recours collectif qui a été intenté et à l'entente de règlement définitif qui est intervenue.
    À mes yeux, cela démontre bien toute l'importance des pressions externes qui se sont exercées et des voix des survivantes qui ont pu s'exprimer. Nous voulons vraiment nous assurer que notre quête de solutions s'articulera également autour des voix de ces survivants, hommes et femmes, mais aussi de celles des militaires et des vétérans qui ont été victimes de discrimination et qui ont été longtemps considérés comme des membres à part au sein des institutions militaires. Je pense qu'il est vraiment primordial que nous allions de l'avant dans le sens de ces initiatives.
    J'ose espérer que nous pourrons le faire en nous appuyant sur un solide mécanisme de surveillance indépendant. Je suis consciente qu'il faudra un certain temps pour élaborer un tel concept et en préciser tous les détails, mais j'ose espérer que les discussions initiales quant aux options à envisager et aux mesures à prendre pour donner suite aux recommandations des experts en la matière incluront d'emblée des consultations auprès des survivantes ainsi que des groupes défendant les intérêts des anciennes combattantes et des vétérans LGBTQ, comme Rainbow Veterans of Canada, mais aussi des vétérans autochtones et racisés.

  (1300)  

    Merci beaucoup.
    Vous avez parlé d'un mécanisme de surveillance indépendant. Pouvez-vous nous dire quelle forme cela pourrait prendre?
    Vous avez aussi indiqué que c'est un processus qui peut exiger un certain temps, mais la situation n'en demeure pas moins urgente. Quelles mesures pourraient être prises dans l'intérim pour s'attaquer aux problèmes les plus pressants, et quelle forme pourrait prendre un mécanisme semblable à plus long terme?
    Oui. Il y a bien des idées différentes qui ont circulé depuis quelques mois, d'un organisme de surveillance jusqu'à la nomination d'un civil comme inspecteur général. À la lumière de mes recherches, je préconiserais en fait la création d'un bureau de l'inspecteur général. Il s'agirait d'un civil auquel on attribuerait le mandat le plus large possible. Ainsi, je voudrais que quelques-unes des fonctions actuellement confiées à l'ombudsman des Forces armées canadiennes et au Centre d'intervention en matière d'inconduite sexuelle soient intégrées à la nouvelle structure. Il importe à mes yeux que le nouveau bureau ne se limite pas à réaliser des enquêtes. Il devrait aussi mener certaines actions pour guider l'orientation que devrait prendre le changement de culture au sein des forces militaires et faire en sorte que les responsables des initiatives en ce sens aient des comptes à rendre.
    J'estime primordial que le nouveau bureau ne se concentre pas uniquement sur les cas d'inconduite sexuelle dans le contexte militaire, mais s'intéresse aussi d'une manière plus générale aux enjeux liés au changement de culture. Ce bureau devrait donc se pencher sur les différents problèmes de sexisme, d'homophobie, de violence fondée sur le sexe, de misogynie et de capacitisme dont l'effet combiné a donné naissance à cette culture militaire qui est problématique. Il faut s'attaquer à ces différents problèmes de façon coordonnée, en évitant le travail en vase clos. Je crois qu'un bureau semblable pourrait permettre de le faire. C'est du moins ce que j'espère.
    Vous vouliez aussi savoir ce qu'il était possible de réaliser à plus court terme. Je pense qu'il faut dans un premier temps former un groupe d'experts, auquel se joindraient des survivants et survivantes et des représentants de différents organismes défendant les intérêts des vétérans, pour commencer à élaborer une proposition quant aux contours de la démarche à privilégier. Je pense que nous pourrions mettre le processus en branle très rapidement à petite échelle pour en faire ensuite avec le temps, il faut l'espérer, un mécanisme de surveillance externe vraiment efficace.
    Excellent.
    Monsieur Drapeau...
    C'est tout le temps que vous aviez.
    J'aurais maintenant une proposition à vous faire étant donné que nous avons débuté la séance avec un peu de retard. Si tout le monde est d'accord, j'aimerais permettre aux représentantes du Bloc et du NPD de poser une dernière question chacune.

[Français]

     Madame Larouche, vous pouvez poser une question.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je poserai des questions à Mme Eichler, qui a tenu des propos très intéressants sur le changement de culture qui doit s'opérer au sein des Forces armées canadiennes.
    Madame Eichler, j'aimerais que vous nous parliez davantage de cette question. Vous en avez déjà dit beaucoup sur l'importance de créer un tribunal indépendant ainsi que des organes indépendants. Tout à l'heure, une survivante nous a dit qu'elle ne savait pas s'il y avait à bord du navire des trousses de prélèvement en cas de viol.
    Que pouvez-vous nous dire sur la culture des agressions sexuelles et sur les lacunes du processus de dénonciation d'inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes?
    Comment ces lacunes pourraient-elles être corrigées? Vous avez parlé d'organes indépendants, mais y a-t-il d'autres idées que vous n'auriez pas encore eu l'occasion de présenter?

[Traduction]

    Je suis désolée, mais j'ai raté une partie de l'interprétation. Quel était l'autre aspect? Auriez-vous l'obligeance de le répéter pour moi?

  (1305)  

[Français]

    Comme je le disais, j'ai été frappée lorsque j'ai entendu qu'une survivante ne savait pas s'il y avait à bord du navire des trousses de prélèvement en cas de viol.
    Vous avez beaucoup parlé d'organes indépendants et vous avez proposé des solutions. J'aimerais savoir si vous avez relevé d'autres lacunes dans le processus de dénonciation d'inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes.
    Avez-vous d'autres idées pour corriger ces lacunes?

[Traduction]

    J'ai maintenant bien saisi la question. Merci pour vos précisions.
    Je pense qu'il est important d'abord et avant tout de considérer ce qui se passe au sein du système de médecine militaire, car c'est un secteur où nous avons peut-être des enseignements à tirer de ce qui se fait ailleurs dans le monde. À titre d'exemple, tous ceux qui consultent un médecin militaire aux États-Unis se font régulièrement poser une question de dépistage au sujet d'un éventuel traumatisme sexuel dans le contexte militaire. C'est une question qui est posée lors de tous les examens médicaux.
    Nous passons maintenant à une toute dernière question.
    Madame McPherson.
    Merci, madame la présidente.
    Il ressort clairement des témoignages entendus dans le cadre de la présente étude que l'opération Honour a permis uniquement de s'attaquer aux symptômes du problème. On n'a pas réglé les causes profondes de l'inconduite sexuelle, pas plus que le fait que nos Forces armées canadiennes ont grandement besoin d'un changement de culture tous azimuts.
    Monsieur Drapeau, vous nous avez même indiqué que la crise entourant l'inconduite sexuelle au sein des forces militaires s'est aggravée pendant l'opération Honour. Dans le cadre de votre travail, avez-vous pu observer des exemples pouvant nous aider à mieux comprendre la forme que cela pourrait prendre, les mesures qui pourraient être prises et la façon dont nous pourrions procéder à un tel changement de culture à grande échelle?
    Parmi les problèmes qui s'ajoutent à celui de l'inconduite sexuelle et dont nous n'avons pas discuté encore, il y a celui de notre système de justice militaire qui, parallèlement à tout le reste, se dégrade considérablement. La cour martiale est un mécanisme qui ne fonctionne tout simplement plus. Trois des quatre juges militaires ont déclaré ne pas pouvoir accomplir leur travail en toute indépendance, un critère essentiel pour quiconque remplit une fonction judiciaire, ce qui fait donc... J'ai pu moi-même l'observer. J'ai représenté un certain nombre de victimes d'agression sexuelle. Je peux vous parler d'un cas qui pourrait vous permettre de mieux comprendre.
    La victime a été agressée sexuellement par l'un de ses collègues au collège militaire. Suivant la tradition des Forces canadiennes, la cour martiale se réunit dans l'unité de service de l'inculpé. Si vous êtes une victime — une cadette du collège militaire en l'espèce — et que vous portez plainte contre un autre cadet, la cour martiale tient des audiences publiques au collège militaire même. Qui d'après vous va assister à ces audiences? Ce seront les quelque 60 à 80 cadets sur place. Elle devra s'asseoir dans le fauteuil du témoin pendant quatre ou cinq jours pour révéler toutes sortes de détails intimes. Comment était-elle habillée, où a-t-il mis sa main, comment a-t-elle réagi, etc., tout cela sous le regard inquisiteur de ses quelque 60 collègues — des cadets de première, deuxième et troisième année — avec lesquels elle devra vivre et servir pendant le reste de sa carrière. Si elle va effectivement de l'avant, ce sera la seule fois qu'elle se prêtera à cet exercice pendant tout son passage dans les forces.
    J'ai représenté une autre militaire qui a été agressée au sein d'une unité dans l'Ouest du Canada. La cour martiale a tenu ses audiences sur les lieux, soit à la cantine de l'établissement. Tous ses anciens subalternes — les sous-officiers et tous les autres — étaient présents. C'était une professionnelle de la santé. Elle a témoigné pendant trois jours. Elle ne savait plus où regarder.
    C'est un régime de justice militaire qui permet de prononcer une condamnation en s'appuyant sur un mécanisme beaucoup moins rigoureux que celui des tribunaux civils. Le système ne fonctionne tout simplement pas.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles nous devons sortir les agressions du système militaire. Les militaires sont entraînés pour faire la guerre. Ce sont des gestionnaires de la violence. C'est leur métier. Ils ne sont pas formés pour régler les cas d'agression sexuelle, enquêter à ce sujet et mener des poursuites.
    Pour assurer la sécurité, la dignité et l'intégrité de nos femmes militaires — et j'en ai moi-même épousé une —, nous voulons veiller à leur offrir une tribune pour signaler les crimes dont elles sont victimes de telle sorte qu'une enquête en bonne et due forme puisse être menée par un corps de police indépendant qui est formé à cette fin et possède l'expérience de la conduite d'affaires semblables devant un tribunal qui en est saisi régulièrement. Ce n'est pas comme ça que les choses se passent actuellement. Tant et aussi longtemps que des changements ne seront pas apportés, les victimes ne pourront pas faire confiance au système de justice militaire. Les crimes ne seront pas signalés et le problème perdurera.

  (1310)  

    Je crois que c'est une excellente façon de conclure cette séance.
    Je veux remercier nos témoins de leur participation à notre réunion d'aujourd'hui et de leur contribution à la poursuite de notre étude.
    Je rappelle aux membres du Comité que notre séance de jeudi se tiendra de 18 h 30 à 20 h 30. Assurez-vous donc de ne pas l'oublier.
    Ne serait-ce pas plutôt 17 h 30, madame la présidente?
    Je veux seulement que les choses soient claires.
    Je viens juste de voir l'avis de convocation, et il semble bien que ce soit de 18 h 30 à 20 h 30.
    Le Comité souhaite-t-il que nous levions la séance?
    Nous nous reverrons donc jeudi soir.
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