Passer au contenu
Début du contenu

CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 023 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 23e séance du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
    Cette réunion se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 12 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C‑11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    La réunion d'aujourd'hui aura lieu en mode hybride. J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Veuillez attendre que je vous donne la parole en vous désignant par votre nom avant de parler. Ceux qui participent par vidéoconférence peuvent cliquer sur l'icône du microphone au bas de l'écran, ou à quelque autre endroit qu'il se trouve, pour suivre en anglais ou en français. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    J'ai une remarque pour la greffière. Je ne peux pas voir tous les membres du Comité et les témoins. Je vois une grande pièce vide et seulement six personnes dans un coin de mon écran. Il me serait difficile de voir les gens lever la main si je ne peux pas voir tout le monde à l'écran. Je voulais simplement vous le signaler.
    Madame Fry, pourriez-vous suspendre la séance un instant, en attendant qu'un agent des TI vous appelle pour que vous puissiez voir tout le monde en mode galerie?
    Il me semble que je suis en mode galerie. C'est toujours ce que je fais. Je vais essayer encore.
    Merci beaucoup. Je vois tout le monde maintenant, y compris Kevin Waugh, qui semble très studieux au bas de mon écran.
    Bonjour à tous. Nous sommes prêts à commencer.
    Les témoins disposent de cinq minutes. Je vais vous chronométrer et vous donner un préavis d'une minute pour que nous puissions commencer et que vous sachiez à quel moment vous pouvez terminer. Si vous ne pouvez pas dire tout ce que vous désirez, vous pourrez le faire plus tard durant la période des questions. Je vous invite simplement à respecter l'horaire.
    C'est parti. Le premier témoin est Peter Menzies, à titre personnel.
    Monsieur Menzies, vous avez cinq minutes.
    J'aimerais remercier le Comité de me donner l'occasion de comparaître depuis le territoire visé par le Traité no 4.
    Je tiens à dire, pour mémoire, que je ne travaille pas sous contrat pour une entreprise ou une personne qui me demande de faire valoir le point de vue que je vais vous présenter aujourd'hui.
    J'ai été commissaire du CRTC pendant près de 10 ans, à temps partiel à mes débuts, puis commissaire régional pour l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest et, enfin, vice-président des télécommunications pendant quatre ans. J'ai siégé à des dizaines de comités publics et j'ai contribué à des milliers de décisions. J'ai rencontré des représentants du secteur de la création au Canada et entendu leurs points de vue, et je me suis familiarisé avec leurs structures, leurs besoins et le monde que le CRTC a créé pour eux.
    Le secteur canadien du cinéma et de la télévision vient de connaître une décennie de prospérité remarquable. Selon la Canadian Media Producers Association, ce secteur a enregistré des recettes de 5,8 milliards de dollars en 2012. Cette année‑là, beaucoup de groupes craignant les répercussions négatives de l'arrivée de Netflix ont pressé le CRTC de prendre des mesures. Leurs arguments ressemblaient à ceux des années précédentes, à savoir que le développement de la diffusion en continu sur Internet dévasterait le secteur créatif du Canada et que ce changement était de mauvais augure.
     Ce n'est pourtant pas ce qui s'est produit. Au cours de l'année précédant la COVID‑19, en 2019, toujours selon la CMPA, les recettes du secteur sont passées à 9,5 milliards de dollars. Cela représente une croissance de 80 %, et cela n'était pas attribuable à une mesure qui aurait été prise par le CRTC. Cela s'est produit parce que le CRTC a tenu compte des faits et que ces faits indiquaient que le secteur de la création cinématographique et télévisuelle connaissait une prospérité encore jamais vue. Plus de gens que jamais trouvaient du travail dans ce secteur.
    Il n'y avait guère de raisons de croire que le secteur se porterait mieux si le CRTC essayait d'emprisonner le XXIe siècle dans une structure du XXe siècle appelée la Loi sur la radiodiffusion. En fait, certains d'entre nous ont jugé important de dire clairement que, à moins de signes de déclin économique, nous n'avions pas l'intention d'intervenir. Les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion étaient atteints, et l'innovation était de mise en un temps de perturbations importantes et dynamiques. Toute allusion à la mise en place d'un long processus de réglementation avec des résultats incertains ne ferait que créer de l'incertitude, et l'incertitude étouffe l'investissement. Lorsque les investissements sont réduits à néant, l'innovation s'arrête, et c'est le secteur créatif du Canada qui souffre.
    Cela est probablement dû aux conséquences imprévues du projet de loi C‑11, qui a laissé beaucoup trop de définitions et de décisions aux bons soins d'un CRTC qui n'est pas conçu pour cela. Il est malheureux que le gouvernement n'en ait pas profité pour élaborer, comme le suggérait le Groupe d'examen de la législation en matière de radiodiffusion et de télécommunications, une toute nouvelle loi canadienne sur les communications.
    Si cela avait été fait et que le CRTC avait été remplacé par un nouvel organisme de réglementation axé sur Internet et sur les enjeux qui intéressent le plus les Canadiens — l'accès, l'abordabilité et la liberté de regarder ce qu'ils veulent, quand ils le veulent et comme ils le veulent —, le Canada aurait été beaucoup plus apte à prospérer de façon créative au XXIe siècle, mais il n'y a rien à faire à ce sujet à l'heure actuelle, et je suis donc ici aujourd'hui pour vous parler d'une suggestion faite récemment dans une lettre d'opinion du Globe and Mail rédigée conjointement par Konrad von Finckenstein, ancien président du CRTC, et moi-même.
    Il est possible d'atténuer beaucoup des risques liés à l'investissement et à l'innovation et d'éviter beaucoup d'incertitude si on précise clairement dans la Loi qu'elle ne s'applique qu'aux entreprises de diffusion en continu dont les revenus canadiens annuels s'élèvent à 150 millions de dollars ou plus. Le CRTC pourrait alors déterminer si elles réinvestissent effectivement au Canada et dans ses objectifs culturels et industriels. Autrement dit, si l'objectif du gouvernement est effectivement de faire payer les géants du Web, eh bien, faisons payer les géants du Web et disons clairement que tous les autres pourront continuer tranquillement à innover et à investir dans ce qui définit le secteur créatif du Canada depuis 10 ans.
    Merci beaucoup.

  (1115)  

    Merci.
     Oh, juste à temps, monsieur Menzies. Merci beaucoup.
    C'est au tour de Troy Reeb, vice-président exécutif du Réseau de radiodiffusion chez Corus Entertainment Inc.
    Monsieur Reeb, vous avez cinq minutes.
     Merci, madame Fry, et bonjour aux membres du Comité.
    Je m'appelle Troy Reeb, et je travaille pour Corus Entertainment. Au nom de nos plus de 3 000 employés partout au Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à discuter du projet de loi C‑11, que nous invitons instamment le Parlement à adopter sans tarder.
    Corus est fière d'être la principale entreprise indépendante de médias et de contenu au Canada. Nous avons des filiales, par exemple le célèbre studio d'animation Nelvana ou encore notre éditeur de livres pour enfants Kids Can Press, et aussi Corus Studios, qui est un chef de file dans la production de documentaires et d'émissions de style de vie.

[Français]

    Toon Boom, notre division située à Montréal, crée des logiciels pour les studios internationaux.

[Traduction]

     Au total, notre contenu canadien est exporté dans 160 pays, mais notre gagne-pain demeure la radiodiffusion au Canada. Nous exploitons 15 stations locales de Global Television, 39 stations de radio et 33 chaînes spécialisées, comme Treehouse, Séries Plus et Food Network Canada. Nous sommes fiers d'héberger Global News, l'une des plus grandes organisations journalistiques du Canada, qui soutient les collectivités partout au Canada. Je tiens à souligner que Corus est une entreprise non diversifiée. Nous n'avons pas d'actifs de câblodistribution ou de télécommunications pour nous subventionner.
    La politique canadienne de radiodiffusion est d'abord une politique culturelle. Elle s'appuie sur la réglementation et les licences pour promouvoir des objectifs culturels comme la représentation, l'expression créative, l'identité nationale et la connectivité. Les Canadiens s'intéressent beaucoup à ces questions et ont des points de vue très variés à leur sujet, mais j'espère que nous pouvons tous nous entendre sur une chose: la réussite de la politique canadienne de radiodiffusion dépend de la réussite des radiodiffuseurs canadiens. L'une ne peut tout simplement pas exister sans l'autre.
    Corus et d'autres radiodiffuseurs canadiens continuent d'assumer leurs responsabilités dans le système, mais nous ne pouvons plus, à nous seuls, soutenir le cadre de réglementation onéreux du passé sans que des obligations semblables soient imposées aux intervenants étrangers qui ne se contentent plus d'exploiter notre marché, mais menacent désormais de le dominer. Le statu quo n'est pas viable.
    Corus est extrêmement fier d'être un fournisseur de nouvelles locales. Nous sommes particulièrement bien placés pour fournir cette contribution culturelle vitale grâce à des stations locales que les diffuseurs étrangers ne peuvent et ne pourront jamais imiter. Mais les nouvelles locales sont une activité problématique. Nous avons toujours compensé les pertes liées aux nouvelles locales par des émissions de divertissement plus rentables, mais c'est de plus en plus difficile. Je précise que les nouvelles sont du contenu canadien et que les journalistes sont des créateurs canadiens qui vivent dans des collectivités canadiennes; ils ne se contentent pas d'aller sur place pendant la durée d'un cycle de production.
    Corus a reçu des prix internationaux d'innovation pour avoir élaboré de nouveaux modèles visant à soutenir le journalisme local à long terme, mais les meilleurs experts et les meilleures idées ne peuvent rien contre une réglementation largement obsolète. De nos jours, la réglementation de la radiodiffusion dicte ce que nous devons dépenser pour certains types d'émissions, le moment où nos émissions peuvent être diffusées, les types de chansons que nous devons diffuser sur nos stations de radio et le nombre de publicités que nous pouvons diffuser à l'heure. Nos dépenses obligatoires en matière de contenu canadien ont à peine changé, même si des décennies se sont écoulées depuis l'avènement d'Internet.
    La plupart des règles que nous appliquons ont été conçues pour des entreprises qui n'existent plus et pour un temps où les stations de radio et de télévision avaient un accès privilégié aux auditoires canadiens. Aujourd'hui, parmi les plus grands réseaux de télévision au Canada, il y a des entreprises numériques étrangères sans obligations au regard de la politique culturelle, et les plus grands vendeurs de publicité locale au Canada sont, là encore, des entreprises numériques étrangères sans obligations en matière de programmation locale.

  (1120)  

[Français]

    Je le répète: le statu quo est insoutenable.

[Traduction]

    Nous appuyons le projet de loi C‑11 parce qu'il réglera le plus important: l'intégration au cadre de réglementation les radiodiffuseurs numériques étrangers ayant des activités au Canada. Aucune autre réforme valable de la politique de radiodiffusion ne sera possible avant cela. Après plus d'une décennie de concurrence étrangère non réglementée et six années de consultations continues, il est grand temps d'actualiser cette loi vieille de 30 ans.
    Le projet de loi C‑11n'est évidemment pas parfait, et nous allons recommander quelques amendements dans notre mémoire. Par exemple, rien ne justifie que les entreprises médiatiques canadiennes doivent payer des millions de dollars en droits de licence de la partie II, alors que les concurrents étrangers n'y seront pas assujettis, et rien ne justifie que les entreprises médiatiques canadiennes assument des obligations plus strictes que nos concurrents étrangers. Tout ce que nous demandons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.
    Certains diront ici, aujourd'hui, que ce projet de loi est inutile. Ils prétendent que tout va bien dans le monde de la radiodiffusion canadienne et que les entreprises étrangères de médias numériques fonctionnent dans le cadre d'un marché différent parce qu'elles évoluent en ligne. Croyez-moi, j'aimerais que ce soit vrai, mais ce n'est pas du tout le cas. En réalité, Facebook et Google nous font concurrence pour la publicité; Netflix et Amazon nous font concurrence pour attirer des auditoires; et les mêmes studios américains qui nous accordaient des licences pour le contenu des télévisions canadiennes s'adressent maintenant directement aux Canadiens, et cela fait grimper en flèche les coûts de programmation.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Reeb.
    Merci, madame Fry.
    Ce projet de loi ne porte pas sur la liberté d'Internet ni sur les vidéos de chats. Il s'agit de moderniser la politique de radiodiffusion pour le XXIe siècle. Il s'agit de préserver un secteur canadien de la radiodiffusion qui peut soutenir la politique culturelle comme il l'a toujours fait.
    Le statu quo n'est pas viable. Agissons.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour du représentant de OUTtv.
    Monsieur Danks, vous avez cinq minutes.
     Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du Comité. Merci de me permettre de comparaître aujourd'hui.
    Je m'appelle Brad Danks. Je suis le PDG d'OUTtv Network, une chaîne de télévision linéaire réglementée au Canada et une plateforme de diffusion en continu en ligne au Canada et partout dans le monde. À titre d'information, j'ai travaillé dans le secteur du divertissement au Canada pendant plus de 25 ans, d'abord comme avocat spécialisé, puis comme cadre de direction. Dans ce dernier rôle, j'ai négocié de nombreuses ententes de diffusion en continu en ligne au Canada et partout dans le monde, y compris avec Amazon, Apple et Roku.
    Pour commencer, soyons clairs sur ce qui se passe dans le secteur de la télévision. En 10 ans, nous sommes progressivement passés de la diffusion par câble et par satellite par des intérêts canadiens à la diffusion par plateformes en ligne par des intérêts étrangers. Le mouvement s'est accéléré au cours des deux dernières années et demie, avec le lancement de plateformes comme Disney+ et d'agrégateurs de chaînes comme Amazon et Apple TV+.
    Il semble inévitable que, d'ici 10 ans, voire moins, les plateformes étrangères de diffusion en continu offrent 100 % des services médias canadiens. C'est à la fois une menace et une occasion pour le secteur canadien de la radiodiffusion. La menace est évidente. Pour la première fois de notre histoire, nos services médias seront distribués au Canada par des entreprises étrangères qui n'ont pas nécessairement nos intérêts nationaux à cœur. Ces distributeurs en ligne ouvrent aussi l'opportunité aux services médias canadiens de participer directement à la concurrence sur les marchés internationaux en ligne. Les marchés mondiaux du contenu sont énormes et peuvent soutenir une grande diversité d'offres médiatiques d'ampleur et de types différents. OUTtv et de nombreux services canadiens sont en train de relever ce défi.
    Cela dit, pour relever ces défis, les services canadiens ont absolument besoin d'avoir accès aux plateformes de diffusion en continu en ligne au Canada. C'est pourquoi nous avons besoin du projet de loi C‑11. Il faut que la Loi sur la radiodiffusion impose aux plateformes en ligne d'accorder l'accès aux services médias canadiens. Une fois l'accès accordé, les services canadiens doivent pouvoir rivaliser pour s'approprier une part d'auditoire sur ces plateformes de façon équitable et obtenir une juste rémunération.
    Le principe de base est que les services canadiens puissent en tout temps avoir accès à notre marché intérieur. Le CRTC doit être doté du pouvoir d'y veiller. L'expérience nous a appris qu'on ne peut pas attendre des plateformes de distribution — et cela comprend nos propres grandes plateformes de distribution canadiennes — qu'elles offrent et soutiennent une vaste gamme de services canadiens et une programmation diversifiée à moins qu'elles soient assujetties à une surveillance réglementaire et à des règles efficaces. Depuis 10 ans, nous avons appris à nos dépens que, dans le domaine de la radiodiffusion canadienne, les difficultés et les inégalités découlent de la préférence accordée par les distributeurs à leur propre contenu sur leurs plateformes. Le CRTC connaît la situation et il sait comment réglementer ces plateformes, mais encore faut‑il qu'il ait les outils et le pouvoir nécessaires.
    Nous avons proposé des amendements essentiels qui permettraient au projet de loi C‑11 de donner au CRTC le pouvoir dont il aura besoin dans les années à venir pour traiter avec les distributeurs en ligne. Premièrement, le CRTC doit avoir la capacité de fixer les conditions et modalités de distribution des services canadiens sur les plateformes de distribution en ligne. C'est un pouvoir essentiel que tout organisme de réglementation national doit conserver comme filet de sécurité pour s'assurer que les plateformes mondiales dominantes servent les marchés intérieurs. Deuxièmement, le CRTC doit pouvoir instaurer une réglementation souple et adaptée au développement des plateformes de distribution. Troisièmement, le CRTC doit pouvoir régler les différends et produire des ordonnances concernant la distribution en ligne de services médias. Faute de quoi, son pouvoir de réglementation sera illusoire. Le CRTC est en train d'élaborer des instruments de plus en plus efficaces pour régler les différends et il sera en mesure de les appliquer à la diffusion en ligne.
    Quant à la forme de ces amendements, OUTtv appuie le mémoire présenté par IBG au Comité.
    Il est important que ce projet de loi soit adopté maintenant. Les marchés mondiaux sont en période de transition, et des règles sont actuellement rédigées dans le monde entier. La concurrence ouvre en ce moment des possibilités, mais le marché mûrit rapidement. Nous craignons vraiment que beaucoup de nos entreprises ne puissent pas saisir leur chance en cette période de transition. Il est donc essentiel que le projet de loi C‑11 soit adopté le plus tôt possible.
    Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.

  (1125)  

    Merci, monsieur Danks. Il vous reste une minute que vous n'avez pas utilisée. Merci beaucoup.
    Le témoin suivant est Jérôme Payette, directeur général de l'Association des professionnels de l'édition musicale.
    Monsieur Payette, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente, de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    Je suis très content de représenter le secteur de la musique francophone, que l'on oublie parfois quand il s'agit de la Loi sur la radiodiffusion.
    L'Association des professionnels de l'édition musicale, ou APEM, représente les éditeurs musicaux québécois et francophones du Canada. Partenaires des auteurs-compositeurs, les éditeurs musicaux soutiennent la création d'œuvres musicales, les valorisent et les administrent. L'édition musicale est partout où il y a de la musique, des services de musique en ligne aux concerts, en passant par les productions audiovisuelles.
    Le secteur de la musique a besoin de la continuité du système canadien de radiodiffusion.
    On entend beaucoup parler des effets négatifs potentiels du projet de loi et de la possible interprétation tordue que pourrait en faire le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC. Le CRTC a présentement plus de pouvoir que ce que prévoit lui donner le projet de loi C‑11, et le travail qu'il a accompli au cours des 50 dernières années n'a pas été inquiétant pour les citoyens. Pour le secteur de la musique francophone, la réglementation que peut imposer le CRTC est capitale.
    Je vais donc commencer par vous parler des effets très réels de l'absence d'un cadre réglementaire s'appliquant aux entreprises en ligne. C'est simple, plus la transition en ligne s'effectue, plus le secteur canadien de la musique s'appauvrit et peine à rejoindre le public.
    Depuis 2016, les revenus versés par la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou SOCAN, aux éditeurs musicaux québécois ont baissé de 24 %. Les revenus en provenance des sources traditionnelles comme la radio et la télévision diminuent, et on ne réussit pas à toucher une part substantielle des revenus en provenance des entreprises en ligne, qui sont pourtant en croissance.
    Selon la SOCAN, les répartitions des redevances aux auteurs et aux compositeurs canadiens provenant des diffuseurs numériques sont 69 % moins élevées que les répartitions en provenance des diffuseurs traditionnels. Seulement 10 % des redevances venant des médias numériques sont réparties aux membres de la SOCAN, contre 34 % pour les médias traditionnels.
    La croissance du secteur de la musique en ligne profite surtout aux plateformes et à un nombre très limité d'artistes internationaux. Elle n'a pas profité aux artistes de musiques locales ou de musiques de niche ni aux artistes en situation minoritaire ou s'exprimant en d'autres langues que l'anglais.
    En ligne, la musique québécoise peine à rejoindre son public. Selon des chiffres obtenus par l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou ADISQ, au Québec, notre part de marché n'est que de 8 % pour les services de musique en ligne, alors qu'elle est de 50 % pour la vente de disques. Notre musique francophone a encore plus de difficulté, ne représentant que 6 % du total des écoutes. C'est dramatique.
    En musique, si on n'est pas écouté, on n'est pas payé. Si notre musique ne rejoint pas le public, cela crée un effet d'entraînement qui se répercute sur la vente de billets de concert, la reprise de chansons par des interprètes, l'incorporation de musique dans des productions audiovisuelles et sur toute la chaîne de valeur. Au-delà des aspects financiers, c'est de notre culture qu'il s'agit. C'est notre souveraineté culturelle qui est remise en question.
    Les entreprises en ligne n'ont pas intérêt, sur le plan financier, à mettre en valeur, à recommander et à soutenir la diversité des expressions culturelles. Pour elles, l'uniformisation culturelle est moins complexe et plus payante.
    Cette constatation n'est pas nouvelle. Depuis des décennies, on protège notre diversité des expressions culturelles avec des lois et des règlements, et il faut continuer de faire la même chose. La réglementation du CRTC fonctionne dans l'environnement traditionnel, il est plus que temps de l'adapter à l'environnement numérique.
    Le projet de loi C‑11 est un bon projet de loi, et il doit être adopté rapidement.
    Les géants du Web et les opposants à la Loi sur la radiodiffusion font d'énormes pressions dans le but de créer des failles dans le projet de loi. Il ne faut pas céder aux lobbyistes des plateformes, qui utilisent des propos trompeurs et qui cherchent à induire en erreur.
    Le texte du projet de loi C‑11 relatif aux activités de radiodiffusion des médias sociaux ne doit pas être modifié davantage. Comme vous le savez, le texte du projet de loi C‑10 a été adopté par la Chambre des communes, mais il ne contenait pas d'exception à l'article 4 en faveur des médias sociaux. Les critiques ont été entendues et le projet de loi C‑11 a marqué le retour de cette exception, mais d'une manière qui demeure acceptable pour nous.
    Si l'on change de nouveau le texte de l'article 4, on risque de créer une échappatoire au profit des médias sociaux qui se fera sentir sur toutes les entreprises de radiodiffusion. Il faut comprendre que TikTok concurrence YouTube, qui concurrence Spotify, qui concurrence les radios. Il faut que la loi s'applique de manière équitable à toutes les entreprises, sinon elle pourrait être obsolète dès son adoption.
    Certains disent que le texte manque de clarté, mais les opposants au projet de loi braquent l'attention sur un seul pixel de l'image, de manière à nous faire perdre la vue d'ensemble. Le texte de loi ne se limite pas seulement à l'article 4. La Loi sur la radiodiffusion présente des objectifs clairs et contient de nombreux garde-fous. Si on vient réviser trop d'éléments dans le texte de loi, on vient figer le système canadien de radiodiffusion et on lui enlève la flexibilité dont il a besoin pour s'adapter aux changements rapides de notre secteur. Il faut donner au CRTC les moyens de réglementer adéquatement les activités de diffusion des géants du Web.

  (1130)  

    Nous sommes quand même en faveur de légers amendements au projet de loi C‑11. Nous appuyons les propositions d'amendements de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, notamment pour que le recours aux talents canadiens soit équivalent pour les entreprises canadiennes et étrangères en vertu du seul alinéa 3(1)f), et pour que les ordonnances du CRTC soient assujetties à la possibilité d'un appel au gouverneur en conseil.
    Nous sommes également favorables à un processus d'audiences publiques pour la prise d'ordonnances afin que le CRTC soit tenu de démontrer l'atteinte des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Il faut augmenter le montant maximal des pénalités possibles lors de l'application de sanctions administratives pécuniaires en cas de violation de la loi. Il serait souhaitable aussi que le CRTC fasse preuve de transparence de manière générale.
    Il faut que le projet de loi C‑11 soit adopté rapidement. Cela traîne depuis très longtemps.
    Ce sera un plaisir de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    C'est au tour de Morghan Fortier, qui dirige la Skyship Entertainment Company, pour cinq minutes.
    Allez‑y, monsieur Fortier.
    Madame Fortier, je suis vraiment désolée.
    Non, je vous en prie. Cela arrive. Il est rare qu'une femme fasse partie d'un groupe de témoins comme celui‑ci.
    Bonjour. Je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Morghan Fortier. Je suis copropriétaire et cheffe de la direction de Skyship Entertainment, créateur de la chaîne YouTube la plus regardée au Canada, Super Simple Songs, avec plus de 1,3 milliard de visionnements à vie au Canada seulement.
    Depuis la fondation de notre entreprise en 2015, nous sommes devenus un studio qui emploie 35 artistes, écrivains, marionnettistes et musiciens. Au cours de cette période, nous avons attiré un auditoire mondial et, aujourd'hui, nous partageons notre contenu canadien avec plus de 30 millions de familles, de salles de classe et de garderies partout dans le monde, dont des centaines de milliers de Canadiens.
    Nous y sommes parvenus en raison de trois facteurs principaux: le désir de créer un contenu de qualité pour les enfants, les parents et les personnes qui s'occupent de ces enfants, la volonté de prendre des risques pour pouvoir posséder et contrôler notre propre PI, et la compétence, le dévouement et la créativité incroyables de nos vaillants artistes canadiens. Nous y sommes parvenus sans l'intervention des radiodiffuseurs ou du gouvernement.
    Nous ne sommes qu'un exemple de réussite parmi d'autres dans un secteur robuste et en croissance rapide composé d'entrepreneurs aux vues semblables, qui ont lancé de petites entreprises comme créateurs de contenu numérique ici même au Canada. Nous sommes également un exemple de ce qui peut arriver d'extraordinaire quand le gouvernement prend des mesures souples et permet à un nouveau secteur d'activité de s'épanouir.
    Le projet de loi C‑11 n'est pas mal intentionné, mais c'est un mauvais projet de loi. Il a été rédigé par des gens qui ne comprennent pas le secteur qu'ils essaient de réglementer, et c'est pourquoi ils lui ont donné cette amplitude. Ils confondent des plateformes comme YouTube, TikTok et Facebook et des radiodiffuseurs comme CBC, Netflix et Amazon Prime. Ils ne comprennent pas comment ces plateformes fonctionnent et ils ignorent l'importance fondamentale de la découvrabilité mondiale. Le pire dans tout cela, c'est que l'article 4.2 donne au CRTC le pouvoir discrétionnaire de réglementer l'utilisation d'Internet par les Canadiens ordinaires et par de petites entreprises comme la mienne, qui ne sont même pas associées à des radiodiffuseurs.
    Je comprends tout à fait la nécessité de moderniser la Loi sur la radiodiffusion pour y inclure les nouveaux groupes de radiodiffuseurs — les entreprises qui prennent des présentations, approuvent des émissions et des films et qui paient pour la production —, mais la réglementation du contenu produit par les utilisateurs sur des plateformes comme Facebook, TikTok et YouTube va beaucoup trop loin. Le diagramme de Venn appliqué aux entreprises du secteur du divertissement révèle que les besoins des radiodiffuseurs traditionnels et les projets des créateurs de contenu numérique ne sont pas reliés. Rien ne justifie que le contenu produit par les utilisateurs soit inclus dans ce projet de loi.
     Le ministre Rodriguez a répété que le contenu produit par les utilisateurs ne sera pas inclus dans le projet de loi C‑11, mais ce n'est pas vrai. La semaine dernière, M. Scott, président du CRTC, a confirmé que cela fait partie de la version actuelle du projet de loi. S'il est vrai qu'on ne veuille pas l'inclure dans le projet de loi, il suffit de le supprimer; il suffit d'y supprimer l'article 4.2. Si vous ne supprimez pas cet article, vous demandez aux Canadiens de croire que vous n'utiliserez pas à mauvais escient cette loi de grande portée et que les gouvernements à venir ne le feront pas non plus. Des milliers de petites entreprises et de créateurs de contenu numérique canadiens méritent bien plus de considération que cela.
    Merci de m'avoir consacré du temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1135)  

     Merci beaucoup, madame Fortier.
    Je vais donner la parole au dernier témoin de cette séance de deux heures, M. Michael Geist, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique.
    Monsieur Geist, vous avez cinq minutes.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où j'occupe la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis membre du Centre de recherche en droit, technologie et société. Je comparais à titre personnel et je ne représente que mes propres opinions.
    Comme vous le savez sûrement, j'ai beaucoup critiqué le projet de loi C-11. Je tiens d'abord à souligner que la critique du projet de loi n'est pas une critique de l'appui public à la culture ou à la réglementation des entreprises de technologie. L'appui public à la culture me semble essentiel, mais l'un des problèmes fondamentaux dans ce domaine est que la réglementation actuelle du contenu canadien ne permet pas d'atteindre les objectifs prévus.
    Comme l'a récemment rappelé Peter Grant, membre du groupe d'examen Yale et militant de longue date de la réglementation d'Internet, le contenu canadien certifié n'a pas besoin d'avoir l'air canadien ou de rendre compte d'une situation canadienne. Je ne crois pas que ce soit ainsi que les Canadiens perçoivent le contenu canadien, et il faudrait modifier nos règles pour mieux les harmoniser avec nos objectifs stratégiques. De plus, je suis d'accord avec l'ancienne juge en chef de la Cour suprême, Beverley McLachlin, qui a récemment souligné qu'il faut appliquer aux plateformes en ligne des principes de transparence et de reddition de comptes et une réglementation de la gouvernance des données et de la protection des renseignements personnels.
    Comme j'ai peu de temps, je vais me concentrer sur deux grandes questions ce matin, à savoir la réglementation du contenu produit par les utilisateurs telle qu'elle est envisagée dans le projet de loi C-11 et la perspective générale de la réglementation qui s'y exprime, ainsi que la nécessité d'une plus grande certitude.
    Je vais d'abord parler de la réglementation du contenu produit par les utilisateurs. Lorsque le ministre Rodriguez a présenté ce projet de loi, il a déclaré que le gouvernement avait pris connaissance des préoccupations portant sur la réglementation des médias sociaux et qu'il avait réglé le problème. Sauf votre respect, beaucoup de ces préoccupations restent intactes. L'exception proposée à l'article 4.1 à cet égard a été rétablie, mais on a ajouté le paragraphe 4.1(2) et l'article 4.2, qui, de concert, prévoient que le CRTC pourra effectivement réglementer le contenu produit par les utilisateurs.
    En fin de compte, ce contenu est traité comme un programme, et le CRTC aura le pouvoir d'imposer des règlements aux programmes téléchargés sur les médias sociaux. Le contenu non commercial produit par les utilisateurs peut bien être exclu, mais, s'il génère des revenus même indirects, il pourrait être réglementé. Vous n'avez pas besoin de me croire sur parole. La semaine dernière, lorsque le Comité lui a demandé si le projet de loi incluait la possibilité de réglementer le contenu produit par les utilisateurs, le président du CRTC, Ian Scott, a répondu : « Dans sa forme actuelle, le projet de loi contient une disposition qui nous permettrait d'agir ainsi, au besoin. »
     Vous vous demandez peut-être pourquoi tout cela est si important. Le projet de loi C-11 permet de réglementer la présentation d'émissions au public, et, comme il traite tout le contenu audiovisuel partout dans le monde comme un programme, la portée éventuelle de la réglementation est vaste. La réglementation identifie la découvrabilité, mais ne s'y limite pas. La découvrabilité a attiré à juste titre l'attention, puisque son application au contenu produit par les utilisateurs est à la fois impossible, puisque nous n'avons pas de mécanisme pour déterminer ce qui est admissible, et susceptible de nuire aux créateurs canadiens, qui pourraient voir leurs œuvres déclassées à l'échelle mondiale.
    La solution est évidente. Aucun autre pays au monde ne cherche à réglementer le contenu produit par les utilisateurs de cette façon, et cela devrait être retiré du projet de loi parce que cela n'a pas sa place dans la Loi sur la radiodiffusion. À défaut, il faudrait supprimer tous les pouvoirs de réglementation associés au contenu produit par les utilisateurs et conserver la possibilité de contributions par les plateformes de contenu produit par les utilisateurs.
    Deuxièmement, j'ai quelques commentaires sur la portée excessive du projet de loi et sur l'incertitude qu'il suscite. Dans sa forme actuelle, il couvre l'ensemble du contenu audiovisuel partout dans le monde. Comme l'indique une note de service du ministère du Patrimoine canadien à cet égard au sujet du projet de loi C-10, cela comprend les jeux vidéo, les sites de nouvelles, les services de diffusion en continu spécialisés et les vidéos d'entraînement. Je reconnais que ce n'est peut-être pas l'intention du gouvernement, et on s'attend à ce qu'une orientation stratégique impose certaines limites, tandis que le CRTC lui-même pourrait décider d'en établir d'autres. Cependant, je crois qu'il faut absolument fixer des seuils et des limites dans la loi proprement dite. Faute de quoi, les services pourraient, compte tenu de l'incertitude de la réglementation — qui, comme on vous l'a dit la semaine dernière, pourrait prendre des années à régler —, bloquer le Canada et, à la fois, réduire le choix et augmenter les coûts pour les consommateurs.
    Si l'objectif est de viser les grands services de diffusion en continu ou d'exempter les jeux vidéo ou les diffuseurs spécialisés, il faut que ce soit explicite dans la Loi. Tant qu'à faire, inspirons-nous de la perspective de l'Union européenne qui fait une distinction entre le contenu organisé et le contenu non organisé et servons-nous‑en pour fixer des exigences ou des exemptions réglementaires mieux ciblées.
    Il y a évidemment d'autres sujets de discussion, dont la myriade de préoccupations concernant le CRTC, le manque de transparence actuel, le nuage de préjugés et le risque que le gouvernement outrepasse les décisions du CRTC dans la réglementation de la programmation. Il y a aussi la réglementation désuète du contenu canadien dont j'ai parlé tout à l'heure et les données réelles sur l'investissement dans la production cinématographique et télévisuelle.
    Je vais m'arrêter ici. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1140)  

     Merci, monsieur Geist.
    Nous allons passer à la période de questions. Durant la première série de six minutes, les députés de tous les partis vous poseront des questions, mais n'oubliez pas que les six minutes comprennent la question et la réponse.
    Nous allons commencer par M. Kevin Waugh, du Parti conservateur. Vous avez six minutes, monsieur.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour à nos six témoins.
    Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut modifier la Loi sur la radiodiffusion. Cela va de soi. Elle a plus de 30 ans.
    Madame Fortier, le contenu produit par les utilisateurs a été un élément déclencheur, et ce, pour un certain nombre de raisons. L'une d'elles est que le ministre dit que ce n'est pas dans les cartes du gouvernement, mais qu'ensuite, comme vous l'avez rappelé, Ian Scott, président du CRTC, a déclaré la semaine dernière à notre comité que cela relève de sa compétence.
    Vous avez beaucoup de succès sur YouTube. Que se passerait‑il si le CRTC renonçait à ses vastes pouvoirs en matière de contenu produit par les utilisateurs?
    Il me semble difficile de répondre à cette question, d'autant plus qu'elle suppose de chercher un problème. Il s'agit, entre autres, de comprendre pourquoi le contenu produit par les utilisateurs est englobé dans ce projet de loi et de se faire une idée des répercussions éventuelles de la réglementation.
    Malheureusement, l'élaboration de ce projet de loi est trop dépendante de la Loi sur la radiodiffusion actuelle, qui est très axée sur les radiodiffuseurs plutôt que sur les sociétés de production, alors que, du côté numérique du divertissement, qui n'est pas lié à la radiodiffusion, les plateformes sont très différentes puisqu'elles ne paient pas pour les contenus et ne s'occupent pas de les approuver. C'est le genre de services que mon entreprise utiliserait pour autodistribuer son contenu et nous permettre de conserver notre PI.
    À moins de bien comprendre le mode de fonctionnement de ce secteur... Par exemple, c'est en grande partie un secteur d'exportation et de tourisme. La majeure partie des recettes... et reporter le tout. Le plus gros des possibilités, sur le plan de la découvrabilité mondiale, est vraiment externe. Par exemple, notre chaîne est la plus regardée au Canada, mais le Canada représente 3 % de nos recettes globales. Cela tient simplement à la démographie. Le Canada représente moins d'un demi pour cent de la population mondiale.
    Pour que ces plateformes puissent être rentables, la découvrabilité mondiale est indispensable à beaucoup de créateurs de contenu. On ne peut pas comprendre cette situation quand on s'en tient aux entreprises de radiodiffusion à créneau géographique, ce qu'est le secteur canadien depuis très longtemps.
    Je sais que la découvrabilité et les restrictions de la découvrabilité peuvent compliquer les choses, mais, en réalité, une bonne partie de la réglementation proposée dans le projet de loi actuel s'applique non pas aux plateformes, mais au contenu. Il s'agit soit de rendre obligatoire la découvrabilité du contenu, soit de restreindre la découvrabilité du contenu, soit de réglementer éventuellement la publicité en fonction du contenu. Le projet de loi ne porte pas sur les plateformes... L'application des mandats de radiodiffusion actuels aux plateformes est tout simplement impossible. Les deux fonctionnent parallèlement et non pas de façon semblable.
    Il manque surtout d'éducation en l'occurrence. Une partie de la frustration vient du fait que les créateurs de contenu numérique n'ont pas vraiment eu voix au chapitre, et les discussions actuelles ont été largement écartées. Beaucoup de gens pensent que nous travaillons pour ces plateformes, et rien n'est moins vrai. Il serait plus juste de dire que les plateformes travaillent pour nous. Nous ne sommes pas les employés de plateformes. Nous utilisons les services gratuits offerts par ces plateformes pour élaborer nos plans d'affaires et faire de l'autodistribution.
    C'est un peu décousu, mais c'est de cela qu'il est question.

  (1145)  

    Votre entreprise n'a que sept ans, mais c'est l'une des plus prospères au pays, comme vous l'avez dit. Êtes-vous propriétaire de votre propriété intellectuelle et du contenu que vous créez?
     Absolument. Nous sommes propriétaires à 100 % de notre PI, et le travail que nous avons fait sur YouTube et la communauté que nous avons bâtie sur YouTube nous ont permis de créer une application d'abonnement appelée Super Simple, qui est disponible sur iOS et sur Android partout dans le monde.
    Nous sommes une entreprise de musique et nous travaillons avec Warner Chappell pour distribuer notre catalogue de musique à l'échelle mondiale. Nous nous intéressons maintenant aux produits de consommation et nous venons de signer une entente avec Scholastic Books, qui sera notre éditeur de livres exclusif.
    Le fait que nous soyons propriétaires de notre PI fait toute la différence. Cela nous permet d'élaborer notre plan d'affaires global. N'oubliez pas qu'il s'agit d'un studio de 35 personnes. Ce n'est pas un énorme conglomérat. C'est plutôt familial. Cela nous permet de contrôler et d'utiliser notre contenu comme notre communauté en a besoin, et c'est ce qui compte le plus.
    C'est évidemment une lutte quotidienne. Il n'y a pas de charité dans ce domaine, et il faut donc travailler d'arrache-pied constamment, jour après jour, pour veiller à ce que notre contenu trouve un écho dans cette communauté et qu'il nous donne la possibilité d'élargir notre entreprise à l'échelle mondiale, non seulement à titre de créateur de contenu YouTube comme ç'aurait été le cas en 2015‑2016, mais d'entreprise de divertissement moderne, ce que nous sommes à toutes sortes d'égards.
    « Les plateformes travaillent pour nous »: voilà une excellente perspective.
    Madame Fortier, vous avez parlé de 35 employés, mais je doute qu'il y en ait aujourd'hui 35 chez Global/Corus Saskatoon ou à mon ancienne station de télévision, CTV Saskatoon. Ne vous sous-estimez pas. Avec 35 employés, c'est une très belle réussite.
    Merci beaucoup.
    C'est à vous qu'en revient le mérite.
    Je crois que mes six minutes sont écoulées.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Waugh.
    Nous allons passer aux libéraux. Madame Hepfner, vous avez six minutes.
    Madame Hepfner, je vous en prie.

  (1150)  

    Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais d'abord m'adresser à Troy Reeb, qui était un de mes collègues il y a bien des années à Global News.
    Monsieur Reeb, je sais que vous en avez vu de toutes les couleurs depuis des décennies dans le domaine du journalisme de première ligne, et vous en avez parlé un peu dans votre exposé préliminaire. Pourriez-vous nous parler un peu plus en détail du déclin du journalisme et des moyens de produire du journalisme local depuis 20 ans, pas seulement depuis la pandémie, mais aussi avec l'essor de la technologie.
     Merci.
    En réponse à la déclaration du député Waugh, je tiens à dire au passage que nous avons 36 employés à Global Saskatoon, qui travaillent à produire plus de 25 heures de nouvelles locales par semaine et qui contribuent, en fait, à une chaîne de nouvelles locales en continu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et que nous avons innové sur ce marché pour fournir des nouvelles non seulement sur la plateforme réglementée de la télévision, mais aussi dans l'espace numérique en continu.
    C'est le genre d'enjeux novateurs qu'il a fallu affronter ces derniers temps pendant que nous tentions de repositionner le secteur pour l'avenir. Nous devons utiliser de nouvelles plateformes qui nous permettent d'atteindre des auditoires partout, mais nous devons aussi respecter les règles obsolètes de la radiodiffusion. Notre capacité à produire ce genre d'émissions locales, que ce soit à Saskatoon, à Regina, à Montréal ou au Nouveau-Brunswick, est entravée par le fait que nous devons assumer de nombreux autres fardeaux sous la forme d'autres types d'émissions que nous sommes tenus de produire et, essentiellement, des impôts auxquels notre entreprise est assujettie. Pendant ce temps, les concurrents étrangers qui arrivent sur le marché ne sont assujettis à aucune des mêmes règles.
    Dans son exposé préliminaire, M. Menzies a parlé de la croissance importante du secteur de la production au Canada, et c'est vrai quand on s'en tient aux données économiques agrégées du CMPA. Si, par contre, il examinait ce qui est arrivé à la radiodiffusion, il constaterait tout le contraire. Les propres données agrégées du CRTC attestent que la grande majorité des stations de télévision locales en direct au Canada perdent maintenant de l'argent.
     M. Menzies était éditeur de journaux avant d'occuper le poste de commissaire du CRTC, et nous avons été témoins de l'effondrement du secteur de la presse écrite au Canada et de la fermeture de nombreux journaux locaux à cause de la perte des fonds de publicité locale qui servaient à soutenir ces entreprises. Ces dollars ont tous migré vers Google et Facebook. Nous voyons maintenant la même chose se produire dans le domaine de la radiodiffusion, où les auditoires et les dollars migrent vers des plateformes comme Netflix, Disney+ et Amazon.
    Il y a effectivement une augmentation de la production contractuelle, puisque des studios américains produisent du contenu américain au Canada, mais nous constatons une diminution du contenu canadien et surtout du contenu local, et c'est la pointe de l'iceberg de ces pertes. Nous avons déjà constaté une érosion du journalisme local à l'échelle des journaux, et les répercussions s'en font désormais sentir également sur les plateformes de diffusion.
    Merci, monsieur Reeb.
    Dans le même ordre d'idées, que répondez-vous à ce que nous avons entendu tout à l'heure, à savoir que les auteurs de ce projet de loi ne comprennent tout simplement pas le monde d'Internet?
    Je crois qu'on s'inquiète beaucoup de ses répercussions sur le contenu produit par les utilisateurs. Ces préoccupations me semblent valables. M. Geist en a exprimé. Mme Fortier en a exprimé également.
    Nous ne sommes pas en faveur de la réglementation du contenu produit par les utilisateurs. En fait, notre entreprise a investi dans un réseau de contenus produits par les utilisateurs appelé Kin Community, qui aide à mettre en contact les créateurs canadiens qui travaillent sur les plateformes de médias sociaux, YouTube, etc. avec des annonceurs pour qu'ils puissent monétiser leur travail auprès d'auditoires mondiaux.
    Nous sommes très favorables à ce genre d'innovation et à ce genre d'entreprise et nous ne voulons pas que le contenu produit par les utilisateurs soit davantage réglementé.
    La difficulté tient évidemment au fait que les frontières sont très floues entre ces réseaux et les réseaux professionnels. Trente ans se sont écoulés depuis la dernière mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion, et il est manifestement difficile dans ce pays de procéder à des changements législatifs. Je ne dis pas que nous devrions simplement donner des pouvoirs généraux au CRTC pour qu'il puisse réglementer comme bon lui semble, mais son processus d'octroi de licences prévoit déjà des seuils. Si on a un certain nombre d'abonnés ou un certain niveau de recettes, on est assujetti à un seuil de licence plus élevé dans l'espace traditionnel. Il serait bon de discuter de ce genre...

  (1155)  

    Permettez-moi de vous poser une brève question avant que nous manquions de temps. Avons-nous encore besoin du journalisme traditionnel? Est‑il désuet? Y a‑t‑il encore une demande? Devrions-nous lui apporter un soutien?
    Je pense que oui, absolument. À une époque où il y a de plus en plus de dissensions, nous avons tous vu les effets néfastes des commentaires et des fausses nouvelles dans les médias sociaux. Il est donc plus important que jamais de compter sur le journalisme traditionnel et professionnel pour rassembler les gens sur une place publique, pour écouter des opinions et des arguments qu'on ne partage peut-être pas et pour essayer de comprendre ce que les autres Canadiens pensent. C'est important pour notre démocratie et pour la cohésion sociale, et c'est quelque chose que seules les entreprises canadiennes peuvent offrir. Nous ne voulons pas que des entreprises établies dans la Silicon Valley ou à Hollywood dictent les nouvelles locales du Canada.
     Merci, monsieur Reeb.
    Votre temps de parole est écoulé, madame Hepfner.
    Monsieur Reeb, si je peux me permettre, vous avez une voix extrêmement phonogénique. Bien sûr, notre collègue Kevin Waugh aussi. Simple remarque en passant. Merci.
    Le prochain intervenant est Martin Champoux, du Bloc québécois.
    Monsieur Champoux, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Les autres membres du Comité ressentent maintenant le besoin de bien articuler et de sortir leur plus belle voix.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vais tout de suite m'adresser à M. Payette, de l'APEM.
    Monsieur Payette, je suis content de vous revoir. Tout à l'heure, vous avez entendu les propos des autres témoins, notamment ceux de Mme Fortier. J'ai eu l'impression que son discours vous interpellait.
    Comment réagissez-vous aux propos de Mme Fortier?
    Je vous remercie, monsieur Champoux. Vous avez une très belle voix, vous aussi.
    Si vous me le permettez, je vais commencer par clarifier ce que dit le projet de loi C‑11 à propos des activités de radiodiffusion des médias sociaux.
    L'article 4 porte sur le contenu mis en ligne par les utilisateurs, et non sur le contenu généré par les utilisateurs. Le processus de mise en ligne d'un contenu ne nous dit pas grand-chose sur la nature du contenu et sur la pertinence de le réglementer. Il peut arriver que les utilisateurs mettent en ligne de la musique professionnelle.
    J'aimerais aussi rappeler que ce sont les entreprises qui sont réglementées, et non les individus. Ces entreprises sont réglementées pour la diffusion de contenu à caractère commercial seulement. Le contenu non commercial est exempté du projet de loi C‑11.
    L'article 4 n'est pas le seul aspect du projet de loi sur lequel il faut s'attarder. Il faut regarder la Loi sur la radiodiffusion dans son ensemble. Plusieurs craintes ont été manifestées. La liberté d'expression est protégée à l'article 2 de la Loi sur la radiodiffusion. Aux articles 5 et 9, on dit que le CRTC doit tenir compte des répercussions sur l'industrie canadienne de la création et de la production et qu'il doit éviter d'imposer des obligations aux entreprises qui ne contribuent pas à la mise en œuvre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion.
    Si l'on modifie le texte de la Loi à l'article 4, on risque de créer une échappatoire. Si les activités de certaines entreprises échappent à la Loi, les répercussions se feront sentir sur l'ensemble des entreprises du secteur puisqu'elles sont en concurrence. Si l'on écrit les choses de manière trop précise dans la Loi, on enlèvera de la flexibilité au CRTC, qui a besoin de s'adapter aux changements rapides du secteur.
    La Loi sera en vigueur pendant des années, peut-être des décennies. Si on vient limiter le pouvoir du CRTC ou le figer, on va rendre la situation obsolète.
    Pour répondre à votre question sur les propos de Mme Fortier, je trouve que, parfois, on mélange la Loi et la réglementation. Aujourd'hui, on parle de la Loi. Si l'on vide le projet de loi C‑11 de sa substance et qu'on limite les pouvoirs du CRTC, cela aura pour conséquence de permettre aux entreprises d'éviter de comparaître devant le CRTC, de transmettre de l'information et de faire preuve de transparence. Il faut donner au CRTC les moyens de faire son travail. Nous avons beaucoup plus confiance dans nos institutions que dans les plateformes, qui fonctionnent dans un manque de transparence total.
    La Loi sur la radiodiffusion est une loi habilitante. Il faut donner au CRTC les pouvoirs dont il a besoin pour faire son étude. Ensuite viendra l'étape de la réglementation, qui doit se faire selon des vrais chiffres et avec des experts, pas seulement sur la base d'anecdotes. Cela se déroulera dans le cadre d'audiences devant le CRTC. Ainsi, tout le monde pourra faire valoir son point de vue.
    Je pourrais en dire davantage…

  (1200)  

    J'aimerais quand même donner à Mme Fortier l'occasion de donner son point de vue là-dessus. Ce ne serait pas très juste si je ne le faisais pas.
    Madame Fortier, quelles sont vos impressions sur ce que M. Payette vient de dire?

[Traduction]

     Le problème tient en partie au fait que nous ne considérons pas des chiffres réels et des situations concrètes. Je ne crois pas qu'il y ait eu un audit très clair et honnête du paysage numérique d'aujourd'hui. Il y a beaucoup de conjectures et de spéculations. Je serai certainement la première à admettre ouvertement que ce n'est pas un secteur de l'industrie où il est facile de travailler. La distribution numérique, l'autodistribution, ce n'est pas pour tout le monde.
    Je n'ai aucune objection contre la réglementation. Si on me présentait un projet de loi qui décrivait avec clarté et concision un objectif à atteindre, la façon de l'atteindre et son effet sur les créateurs de contenu numérique, dans cet exemple‑ci, je me ferais un plaisir de l'examiner.
    Le problème, c'est que le projet de loi C‑11 est très vaste et plein de contradictions, sans définitions ni termes clairs, surtout en ce qui concerne, par exemple, la distinction entre ce qui est commercial et ce qui ne l'est pas.
    À l'heure actuelle, le contenu créé par les utilisateurs est un seul bloc monolithique. Il engloberait les petites entreprises comme la mienne et ma mère, qui téléverse des vidéos de nos vacances en famille sur la plateforme. On ne dit pas clairement ce qui serait « commercial ». Souvent, il n'est pas dit que l'on comprend le grand nombre de petites entreprises dans ce secteur et le succès du contenu. On oublie ou comprend mal, peut-être, que ces plateformes n'existent que grâce au succès des créateurs de contenu qui y sont présents. Si les créateurs ne réussissaient pas ou ne trouvaient pas leur auditoire, ils quitteraient ces plateformes.
    Comme je l'ai déjà dit — je ne veux pas donner l'impression d'être un disque rayé —, les plateformes fonctionnent pour nous, pas l'inverse. Si les créateurs ne trouvent pas un public ou un auditoire à rejoindre et à bâtir, personne ne sort gagnant sur le plan mondial, ni même sur le plan régional.

[Français]

    Monsieur Payette, les amendements proposés en lien avec les plateformes YouTube et TikTok, par exemple, sont-ils des moyens d'échapper à la Loi, selon vous?
    Je le crois certainement.
    Sur le plan légal, cela va permettre aux entreprises d'éviter de comparaître en tout ou en partie devant le CRTC et de recueillir des renseignements...

[Traduction]

    Il vous reste trois secondes.
    Je suis désolée, monsieur Payette. Vous pourrez peut-être nous en dire davantage au prochain tour. Merci beaucoup.
    Nous allons passer au Nouveau Parti démocratique et à Peter Julian.
    Monsieur Julian, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Leur témoignage est extrêmement important. La pandémie de COVID‑19 étant toujours en cours, j'espère que tous les membres de leur famille sont sains et saufs.
    Monsieur Payette, vous avez parlé de la perte de revenus pour votre industrie. Si le projet de loi n'était pas adopté et si nous ne faisions absolument rien, quelles seraient les répercussions sur les gens de l'industrie en ce qui a trait aux pertes de revenus?
    Je vous remercie de la question.
    Notre secteur deviendrait à peu près inexistant aux yeux du public. Il serait comme une pièce dans un musée. Faute de fonds publics, il pourrait être incapable de générer des revenus.
    Le défi principal, c'est vraiment de rejoindre le public. Pour ce faire, il ne faut pas déréglementer le secteur traditionnel, et il faut faire contribuer les entreprises en ligne. En ligne, le défi est de se démarquer. On retrouve plusieurs dizaines de millions de chansons sur les services de musique en ligne.
    En ce moment, ce sont les plateformes qui choisissent qui sont les gagnants et les perdants en recommandant chaque jour de la musique aux Canadiens. Elles le font de plusieurs façons. Il y a des listes de lecture éditoriales, il y a des listes de lecture algorithmiques et il y a des listes de lecture « algotoriale », un mot-valise formé à partir des mots « algorithmique » et « éditoriale ».
    Les outils de recommandation ont une incidence majeure sur ce qui est écouté. Selon YouTube, le plus important service de musique en ligne au Canada, de 70 % à 90 % du temps d'écoute est lié à ses outils de recommandation. C'est énorme. Le problème, c'est que les outils de recommandation ne sont pas neutres et qu'ils comportent de nombreux biais.

  (1205)  

[Traduction]

    Je vais maintenant citer les auteurs de l'article « Music Streaming: Is It a Level Playing Field? », publié dans Competition Policy International: « Les pièces qui ne se casent pas nettement dans un genre établi ou ne sont pas en anglais seront probablement désavantagées face à la concurrence. »
    Je vais citer le Schwartz Reisman Institute for Technology and Society de l'Université de Toronto, dans l'article intitulé « Artificial Intelligence, Music Recommendation, and the Curation of Culture ».
[...] l'effet de l'extrême centralisation des plateformes mondiales est qu'il peut devenir plus difficile pour les musiciens locaux de faire entendre leur musique, même dans leur propre milieu. Les systèmes de recommandation risquent donc d'agir comme une force néocolonialiste dans le monde de la musique, puisqu'ils reposent sur des données qui surreprésentent les caractéristiques démographiques des utilisateurs dominants, et les goûts et préférences traduits dans ces données guident la consommation de musique d'autres cultures musicales.

[Français]

    Ce que l'on voit en ce moment, c'est l'uniformisation culturelle, le far west sans réglementation. Les plateformes choisissent les gagnants uniquement en fonction de leurs intérêts, sans aucune considération pour la culture locale, qu'elle soit francophone, anglophone ou autre.
    Pour répondre à votre question plus directement, si l'on ne fait rien en matière de réglementation, on va pratiquement disparaître des oreilles des gens. Notre secteur ne sera plus capable de générer des revenus, parce que l'uniformisation culturelle a un effet sur toute la chaîne.
    Les chiffres que j'ai présentés sont désastreux, et il est urgent que l'on donne au CRTC les moyens nécessaires pour faire son travail.
    Justement, vous étiez en train de parler d'algorithmes. Ceux-ci sont effectivement des moyens par lesquels les géants du Web vont choisir ce qui est offert et ce que les gens peuvent découvrir.
    En quoi est-ce un problème si ce sont ces grandes entreprises qui décident, par des algorithmes qui ne sont pas transparents, de ce qu'on peut voir et de ce que l'on peut écouter? Est-ce une critique valide? Souvent, ce sont les entreprises qui décident plutôt que les individus.
    Le problème, ce ne sont pas les algorithmes à proprement parler, car la technologie est bonne. C'est la façon dont on l'utilise en ce moment, alors qu'on laisse les entreprises fonctionner uniquement en fonction de considérations financières. Nous, nous ne nous intéressons pas aux détails des algorithmes.
    La réalité, c'est que le secteur de la musique francophone, qui représente 8 millions de personnes, n'est pas un marché assez payant pour que les entreprises s'en occupent. Il faut donc des lois et des règlements. Cela n'est pas nouveau, car il en a toujours été ainsi. Notre secteur a toujours été un petit marché, d'où l'importance d'avoir des lois qui donnent le pouvoir au CRTC de réglementer les entreprises.
    Dans les éléments à considérer, il faut ajouter l'aspect culturel, et je pense que c'est cela que le projet C‑11 va faire.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Reeb, je reviens à vous. Vous avez parlé de règles du jeu équitables et dit qu'il était important d'adopter le projet de loi C‑11 sans tarder. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont le projet de loi, à votre avis, établirait et mettrait en place des règles du jeu équitables?
    Je reviens à ce que M. Waugh a dit tout à l'heure au sujet des niveaux d'emploi à Saskatoon, à Global Saskatoon ou à CTV Saskatoon. Je suis le premier à reconnaître, puisque M. Waugh et moi avons travaillé de part et d'autre de la même rue de Saskatoon il y a de nombreuses années, que les niveaux d'emploi ont diminué dans presque toutes les stations de télévision locales canadiennes. Prenons l'exemple de Saskatoon. Il fut un temps où CTV et Global monopolisaient la majeure partie du marché de cette ville. Ces chaînes pouvaient réaliser des profits grâce à leurs émissions de divertissement aux heures de grande écoute, profits qui permettaient d'interfinancer les pertes qu'elles devaient absorber dans les émissions d'information locale. Pour être bien clair, chaque station de télévision sur les marchés de taille modeste ou moyenne au Canada perd de l'argent en produisant ces informations locales.
    Aujourd'hui, le plus grand réseau de télévision à Saskatoon aux heures de grande écoute est Netflix. Nous n'avons peut-être que 36 employés à Saskatoon, mais Netflix n'en a aucun, Apple n'en a aucun et Google n'en a aucun. C'est la question que nous devons nous poser, au lieu d'essayer de continuer à obliger les entreprises et les radiodiffuseurs canadiens à respecter une seule norme tout en n'assujettissant les concurrents étrangers à aucune des mêmes normes, à aucune des mêmes règles et à aucune des mêmes obligations.

  (1210)  

    Merci, monsieur Reeb.
    Votre temps de parole est écoulé, monsieur Julian.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour. Chacun aura cinq minutes.
    Je vais commencer par Mme Wagantall. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur témoignage de ce matin.
    J'ai une question à vous poser, monsieur Geist. Vous avez reproché au gouvernement fédéral de présenter une défense trompeuse du projet de loi C‑11. Auriez-vous l'obligeance de vous expliquer plus longuement?
     Je vous remercie de la question.
    Je dirais d'abord que le gouvernement a prétendu, comme je l'ai expliqué dans ma déclaration liminaire, que le contenu créé par les utilisateurs était exclu du projet de loi. Le président du CRTC a dit le contraire. Même maintenant, dans ce groupe de témoins, M. Reeb et d'autres ont dit que ce n'était pas leur intention, que ce n'était pas ce qu'ils souhaitaient voir dans la loi. Je dois admettre que j'ai du mal à comprendre pourquoi cet élément reste là, alors que ceux qui s'y opposent semblent si nombreux.
    Dans les discussions d'aujourd'hui, j'ai du mal à reconnaître le projet de loi à l'étude. La séance porterait peut-être sur le projet de loi C‑18 au sujet des médias locaux. La mesure que nous étudions ne traite pas vraiment des principaux enjeux des médias locaux. Il s'agit davantage de production de films et de musique.
    Pour un peu, on dirait qu'il est question de la Loi sur le droit d'auteur, car certains soutiennent qu'on ne donne pas suffisamment aux créateurs de musique, même si la SOCAN a vu les revenus rapportés par les services de diffusion en continu sur Internet atteindre un niveau record. En fait, elle a attribué toute la croissance de l'année dernière aux services de diffusion en continu sur Internet.
    Si nous nous en tenons expressément au projet de loi à l'étude, alors nous avons un double discours. D'une part, il semble se dégager un large consensus autour du fait qu'il est inacceptable de réglementer le contenu créé par les utilisateurs. Il faudrait régler le problème et avoir une discussion — une discussion qui a davantage sa place, il me semble — sur l'impact des services de diffusion en continu et la façon de s'assurer que la loi est suffisamment ciblée pour assurer une contribution appropriée dans le cadre du système. Une partie de tout cela se perd dans les détails, et si la loi n'est pas remise à jour avant des décennies, autant faire les choses correctement.
     Merci beaucoup, monsieur Geist.
    Monsieur Menzies, vos observations d'ancien commissaire du CRTC ont été très utiles.
     Vous avez dit que la Loi sur la radiodiffusion n'était pas le bon moyen de réglementer Internet. Pour vous, c'est une impossibilité. Pouvez-vous expliquer au Comité à quel point cette tentative est irréalisable et mal adaptée? Quelles sont, à votre avis, les conséquences négatives possibles?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, ce qu'il fallait, c'est une nouvelle loi canadienne sur les communications, comme l'a recommandé le groupe d'experts du ministère du Patrimoine qui a examiné la question.
    Nous avons un tout nouveau cadre pour l'infrastructure des communications en ce début de XXIe siècle. C'est un système très différent de celui qui a été utilisé au XXe siècle. À cette époque, on passait par les ondes et le système était fermé. Il n'y avait pas de contenu créé par l'utilisateur, pas de médias sociaux, aucune de ces innovations. Il est intrinsèquement inefficace d'essayer de prendre toutes ces nouveautés du XXIe siècle et de les intégrer dans une structure du siècle précédent, comme la Loi sur la radiodiffusion.
    Une institution comme le CRTC a aussi des modèles culturels bien ancrés et a une certaine façon de faire les choses. Ian Scott, que Dieu le bénisse, disait la semaine dernière qu'il n'y avait pas de problème à réglementer Internet parce que c'est de la radiodiffusion et que nous le faisons depuis 50 ans.
     Or, ce n'est pas de la radiodiffusion. On trouve sur Internet des choses qui ressemblent à de la radiodiffusion. Donner au CRTC le contrôle de l'ensemble d'Internet mondial comme si la radiodiffusion était tout ce qui compte, sans autre encadrement, n'a aucun sens. Internet est utilisé pour une foule de choses, en plus de la radiodiffusion.
    Au bout du compte, le CRTC devra délimiter le secteur dont il veut s'occuper, car il est impossible de prendre en charge cet univers infini qu'est Internet. C'est ce que je propose: délimiter un secteur. Intervenir efficacement. Autrement, on plongera dans des années d'incertitude l'industrie canadienne de la création, l'entreprise de M. Reeb et bien d'autres. Il faudra deux ans avant qu'on ne puisse déterminer exactement à qui ce projet de loi s'appliquera. Ensuite, il y aura une autre année d'appels au Cabinet et, si la question donne lieu à des litiges, il y aura des appels devant les tribunaux et ce genre de chose.
    Le CRTC a passé 17 mois à essayer de publier une décision sur le renouvellement de la licence de Radio-Canada. Dix-sept mois ont passé depuis l'audience sur le renouvellement de cette licence. C'est tout un rituel, à vrai dire. Voilà pourquoi il est regrettable qu'on ait ouvert au CRTC un champ d'action aussi vaste.

  (1215)  

    Merci beaucoup.
    Madame Fortier, pouvez-vous expliquer brièvement — je suis désolée — comment le projet de loi C‑11 nuira aux créateurs qui privilégient le numérique en jouant avec la découvrabilité?
    Madame Fortier, vous avez neuf secondes.
    Il faudra plus de neuf secondes. Je ne sais pas si je pourrai tirer au clair...
    Vous pourrez peut-être le faire à un autre moment.
    Je vais maintenant donner la parole à Chris Bittle, du Parti libéral, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Avant de commencer, je tiens à remercier rapidement tous les employés qui sont ici pour nous permettre de siéger. Je sais qu'Ottawa a été durement touché. Il y a eu des propos négatifs au sujet des fonctionnaires la semaine dernière au Comité, et il est vraiment incroyable que nous puissions être là et tenir une séance. Merci à vous tous d'être là: les interprètes, la greffière et tous les autres.
    D'abord, une brève remarque. Des témoins ont parlé de ce que le président du CRTC a dit au sujet de la réglementation du contenu créé par les utilisateurs. Je suppose que c'est de la politique — on préfère omettre certains passages —, mais voici la phrase suivante de sa déclaration:
Cependant, si vous me permettez de répondre rapidement à l'idée générale qui ressort de ces commentaires, je signalerais que c'est déjà le cas aujourd'hui. En effet, nous pourrions exercer n'importe lequel de ces rôles appréhendés dès maintenant en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
    Je vais poser ma première question à M. Payette. Dans votre exposé liminaire, vous avez dit que la musique avait de la difficulté à atteindre les auditoires canadiens. En quoi le projet de loi C‑11 aiderait‑il la musique canadienne?

[Français]

    Je vous remercie de la question.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, en ce moment, ce sont seulement les plateformes qui choisissent qui sont les gagnants en utilisant leurs outils de recommandation.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente...
    En fait, l'interprétation a commencé. Que tous veuillent bien me pardonner cette interruption.

[Français]

    Je disais que les outils de recommandation sont pilotés uniquement par les entreprises, en fonction des intérêts financiers de celles-ci. On ne tient aucunement compte des considérations culturelles.
    Les outils de recommandation ne sont pas seulement algorithmiques. Même lorsqu'ils le sont, les plateformes choisissent parfois des artistes prioritaires, qui sont mis en avant. Ces artistes ont une longueur d'avance pour ce qui est de se faire connaître du public.
    Nous voulons que notre musique puisse tout simplement atteindre le public. Cela va se décider à l'étape du CRTC. Pour cela, nous avons besoin d'une loi forte et sans faille, qui permet au CRTC de faire son travail.
    Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à M. Geist concernant les chiffres de la SOCAN, qui appartient en partie à nos membres.

[Traduction]

    Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    La SOCAN reçoit plus de revenus qu'auparavant, mais la répartition des redevances englobe beaucoup moins les Canadiens.
    Comme je l'ai dit dans mon allocution d'ouverture, quand nous comparons les revenus provenant des sources traditionnelles aux revenus provenant des entreprises en ligne, 34 % des revenus traditionnels vont aux Canadiens alors que seulement 10 % des revenus provenant des médias numériques leur reviennent. Les revenus sont 69 % moins élevés. C'est dramatique.
    Je ne sais pas si le commentaire de M. Geist était de dire qu'il est bien d'envoyer de l'argent à l'international. Pour notre part, nous nous intéressons au secteur de la musique canadienne et, en ce moment, il y a une crise au chapitre de la musique francophone. Nos revenus sont à la baisse. La hausse générale du secteur de la musique a profité à une poignée d'artistes internationaux, mais elle a très peu profité à la musique locale qui est produite dans une langue autre que l'anglais.
    C'est le point que je voulais soulever à ce sujet.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Payette.
    Je vais poser mes prochaines questions à M. Menzies. Nous sommes tous d'accord pour dire que le CRTC est tenu de se conformer à la loi et qu'il est chargé de l'interpréter. Cependant, après une mesure imposante comme le projet de loi C‑11 viennent des instructions en matière de politique assorties d'indications précises à l'intention du Conseil.
    Seriez-vous d'accord pour dire que, dans un cas comme celui‑ci, il serait conforme à la coutume de donner des instructions en matière de politique?

  (1220)  

    Oui. Il serait utile de voir ce qui est prévu cette fois‑ci. Lorsque le projet de loi C‑10 a été adopté, il y en a eu. Au moins, une ébauche de décret a été affichée. Nous n'en avons pas encore vu dans ce cas‑ci.
    Cela a toujours fait partie des pouvoirs du gouverneur en conseil prévus dans la Loi initiale sur la radiodiffusion. Ces instructions n'ont rien de nouveau. Est‑ce exact?
    Non, mais on n'en voit pas beaucoup.
    Elles n'ont rien de neuf.
    Non.
    Le gouvernement a clairement énoncé son objectif, soit que, dans le projet de loi et les instructions qui suivront, les créateurs de contenus originaux numériques et le contenu créé par les utilisateurs sont exclus. Le ministre a déclaré que les instructions en matière de politique seront sans équivoque et que le contenu créé par les utilisateurs sera exclu.
    En tant qu'ancien vice-président du CRTC, pouvez-vous confirmer que, une fois qu'il aura reçu ces instructions, le Conseil ne pourra pas reprendre ces éléments sous son égide?
     Il vous reste 30 secondes.
    Ce que je dirai, c'est qu'à moins qu'il n'y ait une autre loi qui...
    Non, non. Je suis désolé...
    Vous pourriez dire qu'en vertu du projet de loi C‑11, on ne pourra pas se servir de l'article 4.2 pour le faire, mais l'article 4.2 pourrait ouvrir la porte à une intervention contre les contenus toxiques en ligne.
    C'est un projet de loi différent. En ce qui concerne expressément le projet de loi à l'étude, vous serez d'accord avec moi, monsieur Menzies.
    Je ne suis pas certain de ce que vous avez dit.
    Que le CRTC, s'il reçoit des instructions en matière de politique claires, ne peut pas reprendre sous son égide le contenu créé par les utilisateurs, si ce contenu a été exclu.
     C'est difficile à dire...
    Merci.
    Votre temps de parole est écoulé. Merci beaucoup, messieurs Bittle et Menzies.
    Je vais donner la parole à Martin Champoux, du Bloc québécois, pour deux minutes et demie.
    Je vous en prie

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Menzies, vous avez dit tantôt que la production audiovisuelle au Canada représentait une industrie de 9,5 milliards de dollars qui se porte bien.
    Êtes-vous capable de décortiquer un peu les chiffres pour me dire, par exemple, quelle part représente la production indépendante au Canada et si elle se porte bien?

[Traduction]

    Vous devrez poser la question à quelqu'un d'autre. Je n'ai pas sous les yeux toutes les données nécessaires pour répondre. Sans doute...

[Français]

    C'est parfait, monsieur Menzies.
    La production indépendante, qui est celle que nous tentons de protéger au moyen d'une réglementation, est en décroissance. Cela préoccupe l'industrie depuis un bout de temps. Elle représente 31 % des 9,5 milliards de dollars dont vous parliez, comparativement aux services de production, effectivement fournis par des entreprises étrangères qui produisent au Canada et qui achètent des services, comme les effets visuels.
    Toutefois, la production indépendante à proprement parler est en décroissance. Il n'est donc pas vrai de dire que l'industrie audiovisuelle se porte bien au Canada. Si nous décortiquons les chiffres et que nous les examinons, il semble assez évident que c'est une industrie qui a besoin que nous la protégions un petit peu.
    Je voulais simplement apporter cette précision, parce que je trouvais que le chiffre global paraissait bien. Or c'est dans les détails que nous trouvons parfois de petites surprises qui déforment un peu la réalité.
    Monsieur Payette, je reviens à vous parce qu'il y a quelque chose de très préoccupant qui, à mon avis, crée un nœud dans toute la discussion que nous avons au sujet du projet de loi C‑11, je parle de la question du contenu généré par les utilisateurs. Mme Fortier a parlé tantôt de la crainte que nous avions à cet égard.
    Qu'avez-vous à dire aux créateurs qui gagnent leur vie en partageant du contenu en ligne, ou digital-first creators, pour les faire adhérer au projet de loi? Que leur diriez-vous pour les convaincre que ce projet de loi n'est pas néfaste, qu'il ne les menace pas et qu'il pourrait au contraire les servir?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Payette. Pourriez-vous utiliser le bon micro? Vous utilisez celui de l'ordinateur, et les interprètes ont du mal à vous suivre. Merci.
    Je vais accorder un peu plus de temps.

  (1225)  

[Français]

    Pour répondre à votre question, je ne suis pas vraiment certain de la définition que l'on donne à ce terme. Selon celle que l'on m'a donnée, il s'agit des créateurs qui dépendent des plateformes comme mode de distribution prioritaire.
    Or, d'après cette définition, le secteur de la musique est numérique d'abord. Il faut donc faire attention au sens que nous donnons aux mots et aux expressions. J'aimerais en profiter pour dire que Digital First Canada ne représente pas l'ensemble des créateurs de contenu en ligne, du moins, certainement pas le secteur de la musique.
    Ce qui nous inquiète, c'est le peu de considération accordée par les plateformes à la musique locale. Elles doivent en faire davantage pour nous. Nous nous opposons à tout changement à la Loi susceptible de limiter le pouvoir du CRTC de nous faire bénéficier de la réglementation découlant du projet de loi C‑11.
    Cela étant dit, si, à l'étape de la réglementation, certains producteurs de contenu audiovisuel ne provenant pas du secteur de la musique s'opposent à ce que les entreprises soient réglementées pour la diffusion de leur contenu, je suis certain que le CRTC va en tenir compte. En fait, quand nous disons au CRTC qu'il n'a pas intérêt à réglementer une activité, il a plutôt tendance à ne pas le faire. Ce que nous lui avons reproché au cours des 20 dernières années, c'est de ne pas avoir suffisamment réglementé certaines activités.
    Ainsi, je ne crois pas que les créateurs qui ne veulent pas bénéficier de la réglementation aient à craindre...

[Traduction]

     Merci, monsieur Payette. Nous n'avons plus de temps.
    Je suis désolée, monsieur Champoux, mais votre temps de parole est écoulé.
    Je vais donner la parole à Peter Julian, du Nouveau Parti démocratique pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je reviens à vous, monsieur Reeb.
    Merci beaucoup. On vous a interrompu lorsque nous discutions du fait que, pour le Canada, il est important que les règles soient les mêmes pour tous.
    Ma question comporte deux volets.
    Premièrement, comment le projet de loi C‑11 établit‑il des règles du jeu plus équitables? Deuxièmement, en ce qui concerne Corus Entertainment, il y a aussi d'autres règles du jeu qui doivent être uniformisées, celles qui s'appliquent à elle et aux producteurs indépendants.
    Le rapport Yale parlait de traitement équitable pour les producteurs indépendants. Je voudrais également connaître la réponse de Corus Entertainment à ce sujet.
    Merci, monsieur Julian.
    Les producteurs indépendants ont fort bien défendu leur cause, et je ne vais pas le faire à leur place. Ils disent avoir besoin que le système leur accorde un volume réglementé de production. Je suis sûr qu'ils préconisent la même chose pour tous les nouveaux radiodiffuseurs numériques qui seraient intégrés au système.
    Nous devons déjà satisfaire à un certain nombre d'exigences. Pour avoir accès à certains fonds, nous devons travailler à notre propre production avec des producteurs indépendants, et il y a une myriade d'autres exigences au sujet du genre d'émission que nous pouvons produire à l'interne ou avec des partenaires externes, comme des producteurs indépendants.
    Voilà de quoi il s'agit. Cette multitude de règlements auxquels doivent se plier les entreprises canadiennes dans le secteur de la radiodiffusion, nos concurrents étrangers n'ont tout simplement pas à s'en soucier. Il y a deux façons de régler ce problème: alourdir la réglementation imposée aux concurrents étrangers, ou alléger celle que les entreprises canadiennes sont tenues de respecter.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, le statu quo n'est pas tenable. Nous ne pouvons pas continuer à fonctionner dans un monde où les entreprises canadiennes sont assujetties à toutes les obligations qui leur sont faites et où les concurrents étrangers qui exercent leurs activités sur le même marché ne font face à aucune des mêmes restrictions et obligations.
    Il vous reste 17 secondes, monsieur Julian.
    Pour revenir aux producteurs indépendants, nous voulons être justes pour les entreprises canadiennes et en ce qui concerne le contenu canadien. Nous voulons aussi être justes envers les producteurs indépendants. Le rapport Yale est très clair à cet égard. Êtes-vous d'avis qu'il est normal que le CRTC offre ce soutien aux producteurs indépendants?
     Je crains, monsieur Julian, que cette question ne doive attendre le prochain tour. Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole aux conservateurs et à M. Uppal pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
    Je vais commencer par M. Menzies.
    Monsieur Menzies, vous qui avez été vice-président du CRTC, quelle est votre opinion professionnelle: le CRTC a‑t‑il les connaissances, les compétences et les outils nécessaires pour réglementer le contenu canadien diffusé en continu en ligne?

  (1230)  

    Le CRTC compte beaucoup de gens talentueux, mais je ne pense pas qu'il ait la structure nécessaire pour assurer cette réglementation. Il doit se renseigner sur des enjeux comme le contenu créé par les utilisateurs, et c'est pourquoi il serait bon de retirer cet élément du projet de loi.
    Si vous vouliez isoler un seul secteur et trouver un moyen — comme je l'ai proposé, trouver les 150 millions de dollars quelque part — d'extraire cet argent ou de veiller à ce qu'il soit réinvesti au Canada, le CRTC pourrait probablement y arriver. Cependant, les décisions qu'il peut toujours prendre aux termes du projet de loi C‑11, comme décider à quelles entreprises ces dispositions s'appliquent, par exemple, vont l'obliger à embaucher beaucoup de gens et à créer un nouveau domaine de compétence, parce que ce n'est pas de la radiodiffusion.
    Comme certains témoins l'ont dit aujourd'hui... Mme Fortier a souligné que même les architectes de la loi ne semblent pas comprendre les entreprises et les structures commerciales sur lesquelles ils essaient de légiférer. Il n'y a aucune raison de le faire à moins d'être engagé dans le domaine. Ce n'est pas une question dont le CRTC s'est occupé. Je pense qu'il devrait se doter de nouvelles compétences.
     De toute évidence, acquérir de nouvelles compétences entraîne des coûts supplémentaires, mais à votre avis, combien de temps faudrait‑il au CRTC pour être en mesure de surveiller adéquatement ce contenu?
    Ce travail s'étalerait probablement sur une période d'environ cinq ans, d'autant plus que bien d'autres mesures législatives vont alourdir la tâche du CRTC. Il va devoir s'occuper des journaux et probablement aussi des contenus toxiques en ligne. C'est sans doute la raison d'être de l'article 4.2. Il y a toutes sortes de choses qui s'en viennent.
    Il y aura un nouveau président en septembre et probablement un nouveau vice-président à la radiodiffusion. Lorsque la haute direction change, les nouveaux venus mettent un an à trouver leurs repères. Et ensuite, il y a des audiences.
    J'entrevois une période d'au moins cinq ans d'incertitude, à supposer que tout se passe bien. C'est ce qui m'inquiète. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt supérieur du secteur de la création du Canada de susciter cette incertitude. Faites avancer les choses.
    Merci.
    Madame Fortier, vous avez l'une des chaînes YouTube les plus populaires au Canada. C'est vraiment une situation de rêve pour les créateurs de contenu canadien. Si le projet de loi C‑11 est adopté et qu'il entre en vigueur dans sa forme actuelle, quelle incidence cela aura‑t‑il sur votre entreprise et d'autres entreprises semblables, ou sur les entreprises qui cherchent à imiter la vôtre?
    Même dans des échanges récents — juste pour rectifier certaines idées fausses —, nous devons comprendre que les plateformes fonctionnent déjà en recommandant du contenu que les auditoires recherchent. YouTube, par exemple, ne nous donne pas d'opinions. YouTube ne donne aucune opinion sur les créateurs de contenu. À mesure qu'une chaîne prend de l'expansion — et cela peut prendre des années, je l'admets —, elle gagne des abonnés et, naturellement, un auditoire plus vaste auquel présenter ses vidéos. Même là, même pour nous, toutes les chansons que nous publions ne sont pas un succès. Parfois, il faut trois ans pour qu'une chanson ait un certain retentissement.
    Nous ne sommes pas rivés devant les visages des auditoires. Les auditeurs vont littéralement chercher notre contenu ou regarder du contenu semblable au nôtre. Je comprends très bien les doléances de M. Payette, mais la beauté du contenu numérique, c'est qu'il s'adresse à des créneaux, puisqu'il a une portée mondiale, par opposition à la radiodiffusion, qui est géographiquement spécialisée, mais a besoin d'un auditoire plus vaste.
    Le contenu peut‑il être trop spécialisé pour trouver un auditoire? C'est possible, mais il y a tellement d'autres façons d'accroître le contenu, que ce soit par l'entremise de systèmes d'investissement ou d'infrastructure, comme le Black Voices Fund de YouTube aux États-Unis, ou en travaillant avec les créateurs de contenu musical de langue française. Il y a tellement d'autres façons de renforcer le contenu et de le promouvoir. Ces plateformes veulent vraiment que plus d'un créateur de contenu réussisse. Il est important que, désormais, nous le comprenions.
    Le projet de loi nous toucherait de plusieurs façons. Pourrait‑il avoir une incidence sur notre portée mondiale? Sur notre portée régionale? Je suis beaucoup plus préoccupée par les créateurs de contenu qui travaillent aujourd'hui. AmandaMuse en est un excellent exemple. Pendant la pandémie de COVID‑19, elle a été la seule personne à gagner un revenu pour son ménage, parce que son mari, qui est pilote, a perdu son emploi. Y a‑t‑il des millions de vues? Non, mais cela n'en demeure pas moins un élément important de cette culture.
    Nous pouvons faire beaucoup plus que manipuler artificiellement des algorithmes, ce qui touche directement les créateurs de contenu.

  (1235)  

    Merci, madame Fortier. Vous n'avez plus de temps.
    Nous avons maintenant cinq minutes pour les libéraux, avec Michael Coteau.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins de s'être joints à nous. Les échanges ont été très utiles. Merci beaucoup.
    Ma question s'adresse à M. Danks d'OUTtv.
    Vous avez dit qu'il y avait eu un changement dans le système de distribution au Canada. Par le passé, certains ont dit qu'il y a eu une perte de contrôle sur ce que l'auditeur peut voir, sur les droits, sur le contenu. Vous avez dit que le projet de loi C‑11 serait un outil important pour assurer une certaine équité dans le système en matière de distribution.
    Pouvez-vous nous parler de l'équité et de la façon dont l'adoption d'une loi comme celle‑ci contribuera à assurer une plus grande équité dans le système de distribution au Canada?
     Oui. Merci de nous ramener à la radiodiffusion. Sans vouloir manquer de respect à nos amis de YouTube et de TikTok et ainsi de suite, les plateformes que nous devons utiliser pour accroître les revenus tirés de notre contenu sont Amazon, Apple TV+ et Roku, par exemple, et ils n'admettent pas les contenus directement, comme le font YouTube et TikTok. C'est une différence énorme que tous doivent comprendre. Il faut avoir une bibliothèque de contenu. Il faut actualiser ce contenu.
    Le défi que nous aurons à relever à l'avenir sera de nous assurer de pouvoir accéder à ces plateformes, car elles sont contrôlées par des entités étrangères. OUTtv n'est pas sur ces plateformes seulement au Canada, mais partout dans le monde. On nous a refusé l'accès à certaines plateformes aux États-Unis et en Asie simplement en raison du contenu LGBTQ. Ces mêmes plateformes arriveront au Canada à un moment donné. Deux d'entre elles, que je ne nommerai pas, devraient être lancées au Canada en 2023. Les radiodiffuseurs canadiens sont donc très inquiets.
    Seraient en cause APTN et d'autres radiodiffuseurs, mais même les services que M. Reeb propose chez Corus pourraient faire face à la concurrence d'un service étranger, ou le service extérieur pourrait simplement dire: « Désolé, mais il n'y a plus de place. Nous avons assez de services américains et nous n'avons pas besoin de services canadiens. » Ce sont des préoccupations très réelles. C'est ce qui se passe dans l'industrie à l'heure actuelle, et si nous voulons poursuivre nos activités... Notre modèle d'affaires est différent. Nous avons besoin d'un contenu de qualité supérieure.
    Comme je l'ai dit, nous avons réussi. Nous avons lancé notre offre aux États-Unis sur diverses plateformes. Nous sommes en Australie. Nous sommes présents dans d'autres pays, mais ce que nous constatons dans le monde, c'est que la situation promet d'être difficile. Le point de départ pour les radiodiffuseurs canadiens doit être l'accès à ces plateformes en ligne dans notre pays. Voilà pourquoi c'est si important pour le secteur de la radiodiffusion. Cela nous distingue de ceux qui sont présents sur YouTube et TikTok, qui peuvent accéder au marché mondial.
     Nous essayons d'obtenir l'accès et de nous mondialiser. Nous voulons le même modèle d'affaires, mais c'est beaucoup plus difficile dans le cas des plateformes haut de gamme. Si nous ne réglementons pas cela de façon appropriée — si le CRTC ne peut pas dire à Apple et à Amazon que telle chaîne est un service canadien important et doit être sur leur plateforme —, je crains que nous n'ayons de réels problèmes à maintenir nos services au Canada. C'est pourquoi je m'intéresse surtout à ces éléments.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Payette, j'ai une brève question à vous poser.
     Du côté de la culture francophone, un projet de loi comme celui‑ci peut‑il faire quoi que ce soit pour que nous puissions continuer à bâtir une forte distribution de la culture francophone au Canada et pour nous assurer qu'elle demeure dans un espace concurrentiel?
    En fait, nous devons adopter le projet de loi, après quoi nous pourrons nous adresser au CRTC. C'est là que les détails se régleront.
     Nous avons besoin de souplesse. Il faut comprendre que le secteur de la musique francophone est de petite taille. Parfois — je vais revenir au contenu créé par les utilisateurs, qui est en fait du contenu téléversé par les utilisateurs, aux termes de la loi —, nous sommes trop modestes par rapport aux normes de YouTube, et nous pouvons être considérés comme des non-professionnels ou pas assez importants pour avoir un impact.
    Ce qu'il nous faut, en fait, c'est que toutes les activités soient examinées par le CRTC. Ensuite, une fois acquise une information concrète, des experts décideront comment nous pouvons promouvoir... Ce que nous voulons faire, c'est travailler avec les plateformes d'une manière qui convient à leur modèle d'affaires, afin que le contenu que les Canadiens veulent — car ils réclament du contenu francophone et du contenu canadien — leur parvienne. C'est vraiment le but de cette démarche.

  (1240)  

    Merci.
    Monsieur le président, ai‑je presque terminé?
    Il vous reste six secondes. Vous avez terminé, monsieur Coteau. Je suis désolée.
    Merci à tous.
    D'accord.
    À un moment donné, il faut s'arrêter. Nous pouvons avoir un troisième tour, mais pas un troisième tour complet. Je vais l'entamer en donnant la parole au Parti conservateur. Ted Falk a cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins.

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais invoquer le Règlement.

[Traduction]

     Je suis désolée, monsieur Champoux. À vous.

[Français]

    Madame la présidente, vous avez parlé de commencer un autre tour de questions, qui ne sera pas complété. Je veux m'assurer que tous les partis auront le droit de prendre la parole au cours de ce tour.

[Traduction]

    J'ai pensé que nous pourrions ramener le temps de parole de chacun à deux minutes et demie et faire intervenir cinq personnes. Ou nous pourrions accorder cinq minutes aux conservateurs, cinq minutes aux libéraux, deux minutes et demie au Bloc et deux minutes et demie au NPD, et nous arrêter là. Cela nous donnerait 15 minutes.

[Français]

    Cela me convient, pourvu que cela convienne aussi aux autres députés.
    Pouvez-vous vous en assurer?

[Traduction]

     Est‑ce que tout le monde...?
    Très bien. Comme il n'y a pas d'opposition, je vais continuer.
    Je suis désolée, monsieur Falk. Je vais vous donner un nouveau départ. Allez‑y.
    Merci encore, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins. J'ai bien aimé entendre vos points de vue sur le projet de loi.
    Madame Fortier, je reviens vers vous, si vous me le permettez. Il semble que vous n'ayez pas eu le temps de vous expliquer complètement. Pourriez-vous, en une minute environ, terminer ce que vous aviez à dire? Je vous en serais reconnaissant.
    Je ne me souviens même pas de quoi il s'agissait tellement nous avons abordé de sujets.
    Je comprends vraiment ce que M. Payette veut dire. En ce moment même, il faut prendre grand soin de faire la distinction entre les nouveaux radiodiffuseurs et les plateformes. Netflix, Amazon et Apple sont des diffuseurs. La différence, c'est qu'un contrôleur bloque...
    On fait une proposition. Ils donnent le feu vert et vont de l'avant. C'est le système de radiodiffusion. Ce sont les acteurs modernes.
    Les plateformes sont considérablement différentes en ce sens qu'elles sont gratuites, dans la plupart des cas. Prenons YouTube, par exemple. Ce sont des plateformes grâce auxquelles les créateurs de contenu comme nous et d'autres petites entreprises peuvent téléverser et distribuer eux-mêmes du contenu. C'est tout un défi que de faire ce travail. C'est difficile. Il faut assumer l'intégralité des risques, mais on peut retirer aussi bien l'intégralité des bénéfices. Ce qu'on sacrifie, c'est la possibilité de posséder pleinement la PI et de contrôler la distribution.
    Ce n'est pas un système parfait. Il y a des problèmes généralisés entre les radiodiffuseurs traditionnels, les nouveaux radiodiffuseurs et ces plateformes, mais nous devons vraiment faire très attention à la manipulation des algorithmes. Déterminer que certains contenus ont plus de valeur que d'autres et accorder la préférence à l'un plutôt qu'à l'autre, voilà l'enjeu qui est au cœur de l'article 4.2 et c'est là qu'il y a problème.
    D'accord. Merci. Et merci également de votre témoignage.
    Monsieur Geist, vous avez écrit sur le projet de loi C‑11, tout comme sur le projet de loi C‑10. Quels sont, selon vous, les objectifs du gouvernement? Comment aurait‑il dû concevoir le projet de loi pour les atteindre?
    Bien sûr. Merci de cette question.
    Les objectifs déclarés du gouvernement portent sur les grands services de diffusion en continu. On a beaucoup parlé de bien des questions qui, franchement, ont très peu à voir avec ces grands services de diffusion en continu. Il est assez clair que le projet de loi est abordé sous une foule d'angles. Souvent, il n'a pas grand-chose à voir avec certaines des préoccupations exprimées. À mon sens, nous nous sommes embourbés dans la question du contenu créé par les utilisateurs. Il y a même d'autres questions qui ont été soulevées et dont il est important de prendre acte.
    M. Bittle, par exemple, a rappelé ce que Ian Scott a affirmé: Nous avons déjà ces pouvoirs. Il a laissé entendre qu'on n'en tenait pas compte. Il est important de reconnaître, premièrement, que même si on peut soutenir que le CRTC a sans doute ces pouvoirs, ceux‑ci ne sont pas très nets sur le plan constitutionnel. Deuxièmement, s'il a déjà tous ces pouvoirs, pourquoi avez-vous besoin de cette loi? C'est une question qui relève du CRTC, pas une question de l'ordre de la législation.
    Nous avons besoin d'une loi. Les mises à jour sont utiles. Mais il est très clair qu'une fois qu'on a une loi qui traite expressément des entreprises et de la découvrabilité, la différence est marquée, et la réglementation prendra un autre visage.
    Je signale rapidement que M. Champoux a posé une question au sujet des revenus des producteurs indépendants. Au Québec, le BCTQ, c'est‑à‑dire le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec, nous a appris qu'il y a eu l'an dernier 2,5 milliards de dollars de dépenses directes au Québec en production cinématographique et télévisuelle, y compris des productions de Netflix et d'Amazon. C'est un montant record. En Ontario, Ontario Creates a signalé qu'elle avait à ce jour les niveaux de production les plus élevés, avec des dépenses de près de 3 milliards de dollars. L'idée voulant qu'il y ait une crise des dépenses est infirmée par ce que nous avons vu jusqu'à maintenant. En fait, la Canadian Media Producers Association, la CMPA, nous dit que la principale source de financement des productions de langue anglaise est l'argent étranger. Il y a un apport de fonds. Les dépenses sont considérables.
    Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas continuer à régler des problèmes. La réalité, c'est que nous avons entendu des témoignages convaincants: il y a un problème si on aborde le contenu créé par les utilisateurs, comme le fait le projet de loi. Nous devons aussi reconnaître que l'idée voulant qu'il n'y ait pas de contribution et que le secteur de la production cinématographique et télévisuelle soit en crise est démentie par les faits et les données dont nous avons pris connaissance jusqu'à maintenant.

  (1245)  

    Merci beaucoup.
    Vous n'avez plus de temps, monsieur Falk.
    Merci, madame la présidente.
    Nous passons maintenant aux libéraux. Tim Louis, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Merci aux témoins. Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître, et merci de vos témoignages.
    Je m'adresserai d'abord à M. Payette, de l'Association des professionnels de l'édition musicale.
    Vous avez dit que l'édition et l'écriture de chansons sont liées, et c'est un secteur qui est directement témoin des effets de l'évolution de la technologie et des médias et de son impact sur les artistes. Vous avez dit, monsieur Payette, que si les musiciens ne sont pas écoutés, ils ne sont pas payés, et je le crois fermement.
    Nous avons constaté que la croissance du secteur de la musique a profité à de nombreuses plateformes internationales et à certains de nos plus grands artistes canadiens, mais nous avons aussi vu qu'elle n'a pas appuyé à proportion un grand segment de la communauté des artistes canadiens, des artistes de nos propres collectivités.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des difficultés, soulignant que les pourcentages des redevances sur les chansons sont à la baisse. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces chiffres et sur le fait que, à moins d'appuyer les artistes canadiens à tous les niveaux, nous n'aurons pas nos récits à proposer, nous ne créerons pas l'environnement propice à l'épanouissement des talents, nous n'aurons pas ces voix qui se font entendre sur la scène mondiale, littéralement et virtuellement?

[Français]

     Je vous remercie de la question.
    Selon les chiffres de la SOCAN, les redevances qui sont versées à nos membres ont baissé de 24 % depuis 2016. Il s'agit d'une baisse énorme. On sait que les éditeurs musicaux jouent un rôle important en développant des talents et en accompagnant les auteurs-compositeurs dans l'écriture de chansons qui auront par la suite la chance de conquérir la scène locale et la scène internationale.
    Il faut comprendre que le fait d'avoir une industrie de la musique forte et de développer des talents nombreux et diversifiés nous donne la possibilité de conquérir des marchés plus grands. Actuellement, comme on l'a vu, seul un très petit nombre d'artistes internationaux s'emparent de tous les revenus. Il n'y a presque plus de classe moyenne, car tout le monde est soit très pauvre, soit extrêmement riche. Il n'y a pas du tout eu de croissance égalitaire pour tout le monde. Ce sont les plateformes qui en ont profité le plus, et elles font peu de choses pour nous.

[Traduction]

    Merci.
    Des témoignages viennent de nous apprendre que la loi ne devrait pas être mise à jour avant des années. Pensez-vous que nos artistes canadiens ont le temps d'attendre?

[Français]

    Non, je ne le crois pas.
    Cela fait une vingtaine d'années que le CRTC n'a pas agi. On nous consulte sur la modernisation de la Loi depuis 2016. À l'époque, c'était dans le cadre de la feuille de route intitulée « Un Canada créatif ». Ensuite, il y a eu, si je me souviens bien, un rapport du CRTC, qui a été suivi par le rapport émanant du groupe d'experts du comité Yale. Par la suite, il y a eu le projet de loi C‑10.
    Maintenant, nous en sommes à l'étude du projet de loi C‑11. Ensuite viendra l'étape à laquelle le CRTC va recueillir de l'information, ce qui est très normal. Il va vraiment prendre le temps de comprendre ce qui se passe et il tiendra compte des objectifs établis. Cela mènera à la création d'une réglementation.
    Il faudra donc attendre encore un certain temps pour que cela se rende jusqu'aux gens qui sont sur le terrain, les entrepreneurs que je représente et les artistes avec qui ils travaillent. Nous n'avons plus le temps d'attendre. Il faut adopter le projet de loi C‑11, et il faut maintenir la flexibilité du CRTC.
    Je ne sais pas combien de temps de parole il me reste, mais je peux en dire davantage sur les propos de Mme Fortier, si vous me le permettez.

  (1250)  

[Traduction]

    Oui, s'il vous plaît.

[Français]

    Il y a beaucoup de choses sur YouTube. Ce qui nous intéresse, c'est la portion touchant le secteur de la musique, car ce sont les travailleurs de ce secteur que nous représentons.
    Ces plateformes ont des équipes qui entretiennent des relations avec l'industrie de la musique. Elles choisissent des politiques éditoriales et elles recommandent des contenus en fonction de ces politiques. Parfois, ce sont des listes de lecture éditoriales établies par des membres de l'entreprise, d'autres fois, ce sont des listes de lecture algorithmiques. Certaines listes de lecture sont algorithmiques tout en comprenant des chansons choisies selon les politiques éditoriales de l'entreprise. Bref, ces entreprises choisissent les gagnants et les perdants en ce moment sans aucune considération autre que leur portefeuille.
    La Loi sur la radiodiffusion est une loi qui défend des objectifs culturels. Pour la musique francophone, pour tous les groupes non anglophones qui sont en situation de minorité et les groupes qui recherchent une équité, la nouvelle loi va vraiment permettre d'améliorer les choses. Il faut donner la flexibilité nécessaire au CRTC pour qu'il puisse faire son travail. Il doit pouvoir s'appuyer sur de vraies données, en laissant tomber ce qui est anecdotique et en appelant des experts. Il y a moyen de le faire d'une manière positive pour les Canadiens afin de leur donner accès à plus de choix et à plus de diversité.
    Le Canada se démarque depuis une cinquantaine d'années en ce qui touche la protection de la culture et la diversité des expressions culturelles ainsi que pour ce qui de combattre l'uniformisation culturelle. Il faut que cela continue. On ne peut pas laisser les plateformes faire leurs propres lois.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Payette.

[Traduction]

     Madame la présidente, je crois que mon temps de parole est écoulé.

[Français]

    Madame la présidente, votre micro est en mode sourdine.

[Traduction]

    Je vais continuer si je le peux.
    J'essaie de réactiver mon micro, monsieur Champoux.
    Pour le Bloc québécois, Martin Champoux. Vous avez deux minutes et demie, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je veux revenir à ce que M. Geist disait tout à l'heure. Il a mentionné que le secteur de la production audiovisuelle se portait très bien au Québec.
    Monsieur Geist, sans vouloir vous reprendre, je dirai que ce sont les mêmes ratios que dans le reste du Canada. Il y a encore une forte proportion de ces chiffres qui proviennent des services de production et qui ne sont pas de la création locale. Ce ne sont pas des productions qui racontent les histoires des Québécois et des Canadiens. Ce sont les mêmes ratios et les mêmes problèmes. La situation est donc désastreuse au Québec aussi.
    Supposons que nous nous entendons pour dire que le contenu généré par les utilisateurs, la culture, l'industrie de la production audiovisuelle et les radiodiffuseurs, et ainsi de suite, ont besoin d'une réglementation solide. Si nous finissons par nous entendre à ce sujet, quel serait le bon organisme de réglementation pour gérer tout cela? Vous ne semblez pas d'avis que le CRTC soit le bon organisme.
    Que proposez-vous pour mettre cela en application?

[Traduction]

    Je ne pense pas avoir dit que le CRTC ne devrait pas avoir un rôle de réglementation. Pour ce qui est de la radiodiffusion, j'ai essayé de dire que le contenu créé par les utilisateurs et le contenu qui émane d'Internet ne sont pas de la radiodiffusion. Ils ne devraient pas relever du CRTC, parce que cela cadre mal dans la structure réglementaire.
    Du côté de la radiodiffusion, pour répondre à votre question, le CRTC est l'organe approprié, mais il y a d'autres questions. Vous avez dit qu'il ne s'agissait pas de production locale. Sauf votre respect, il arrive souvent qu'il en aille autrement. Par exemple, Jusqu'au déclin, produit par Netflix, avait une maison de production canadienne, un scénariste, un réalisateur, des interprètes principaux, un directeur de la photographie, un concepteur de production, un compositeur et un monteur canadiens. Pourtant, cette production n'est pas considérée comme canadienne. Je peux en nommer d'autres: The Willoughbys, ARQ, In the Tall Grass. La réalité, c'est que nous voyons beaucoup de productions canadiennes provenant de tous les grands services de diffusion en continu.
    L'un des problèmes, que ce soit au Québec ou à l'extérieur du Québec, c'est que nous avons des définitions qui, franchement, ne fonctionnent pas si ce que nous essayons vraiment de faire, c'est de proposer des récits canadiens. Comme je l'ai dit au début, l'un des plus ardents défenseurs de la réglementation dans ce domaine, Peter Grant, a dit lui-même que les règles sur le contenu canadien n'exigent même pas qu'il s'agisse de récits canadiens. Si votre objectif dans ce projet de loi est qu'on en arrive là, alors il faut vous assurer que les règlements eux-mêmes reflètent mieux les récits canadiens.

  (1255)  

[Français]

    Monsieur Geist, permettez-moi de vous poser une dernière question. Je vais être bref.
    Vous ne reconnaissez donc pas que les activités de diffusion de musique en continu et que les activités de présentation de production audiovisuelle en continu ou sur les plateformes en ligne sont des activités de radiodiffusion.
    Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le contenu créé par les utilisateurs...
    Je suis désolé, monsieur Geist et monsieur Martin; nous avons terminé. Il ne reste plus de temps.
    Nous allons passer au NPD et à Peter Julian. Deux minutes et demie, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup à tous les témoins d'aujourd'hui.
    Le témoignage le plus troublant que nous ayons entendu a été le vôtre, monsieur Danks. On nous a parlé d'algorithmes secrets. Comme M. Payette l'a dit, ces énormes entreprises choisissent des gagnants et des perdants sans même que le public sache comment ces algorithmes ont été conçus. Votre témoignage au sujet du simple refus opposé par les services de diffusion en continu m'inquiète beaucoup. Si vous pouviez nous en dire un peu plus sur ces entreprises qui ont essentiellement refusé le service... Comment ont-elles justifié ce refus? Quel recours aviez-vous?
    La seule justification, c'est qu'elles ne sont pas intéressées par le contenu LGBT. Une entreprise américaine, une entreprise sud-coréenne et une entreprise chinoise, que vous connaissez toutes par leur nom et par leur fonction, ont simplement dit qu'elles ne mettraient pas ce contenu sur leur plateforme.
    C'est l'un des grands problèmes, au Canada. Il y en a un autre qui est connexe. Vous avez parlé des algorithmes. Bon nombre de plateformes de diffusion en continu utilisent un algorithme pour déterminer si vous aurez ou non des abonnés et peuvent très bien répondre: « Nous ne pouvons pas vous accepter, parce que vous n'aurez pas d'abonnés. » Dans un cas, nous avons littéralement dû pirater leur algorithme en mettant du contenu comme le nôtre sur leur service gratuit afin de montrer qu'il y avait un intérêt pour le contenu.
    Nous avons un vrai problème, lorsque les services de diffusion en continu se tournent vers un service canadien comme APTN ou d'autres, par exemple, qui sont vraiment importants au Canada, et disent: « Notre algorithme dit que personne ne va vous regarder. » Je répondrais: « Ce n'est peut-être pas vrai, parce qu'il y a beaucoup de Canadiens qui vont regarder. »
     Nous devons être très prudents, car les algorithmes sont très rétrospectifs. Ils tiennent compte de ce qui a déjà été fait, et non de ce qui peut être fait à l'avenir.
    Ce sont certainement de gros problèmes, mais je répète que nous sommes très préoccupés par le fait que bon nombre des grands agrégateurs qui arriveront... Je ne veux pas dénigrer Amazon, Apple et Roku. Ils ont été formidables pour les fournisseurs canadiens, mais d'autres n'auront pas la même attitude. Certains d'entre eux sont extrêmement puissants, très populaires et appartiennent à des gouvernements étrangers et ont des liens avec eux. Nous ne pourrons tout simplement pas accéder à ces services si le CRTC ne peut pas leur dire: « Vous devez être là et vous serez rémunérés équitablement. »
    Merci beaucoup, monsieur Julian.
    Il vous reste six secondes. Que je sache, cela ne suffit pas pour poser une question et recevoir une réponse.
    Merci. C'est un témoignage très important et nous le prendrons au sérieux.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins d'avoir comparu. Vous avez passé deux heures avec nous. C'est long. Je tiens à vous remercier de votre patience et de la diversité de vos opinions.
    Nous allons suspendre la séance afin de pouvoir accueillir le prochain groupe de témoins.
    Merci beaucoup.

  (1255)  


  (1300)  

    Nous reprenons nos travaux.
    J'ai quelques indications à donner aux témoins présents dans la salle.
    Ceux qui ont besoin des services d'interprétation peuvent choisir, au bas de leur écran, entre l'anglais et le français. Je rappelle que tous les propos doivent s'adresser à la présidence ou passer par son entremise.
    Je souhaite maintenant la bienvenue aux témoins. Nous allons commencer. Les témoins ont cinq minutes pour faire leur exposé, qu'il y ait un témoin ou plusieurs pour chaque entité. C'est donc chaque organisation qui a cinq minutes pour faire son exposé. Viendront ensuite les échanges de questions et réponses.
    Nous accueillons Mme Irene Berkowitz, chercheure principale en politiques à l'Audience Lab, Creative School, Université métropolitaine de Toronto. Nous accueillons également M. Alain Saulnier, auteur et professeur de communication à la retraite de l'Université de Montréal.
    Ce sera d'abord Mme Berkowitz. Cinq minutes.
    Merci.

  (1305)  

    Bonjour et merci de m'avoir invitée. Je comparais à titre personnel et non pas au nom de l'Université métropolitaine de Toronto.
    J'écris pour le grand public sur des questions liées au projet de loi C‑11 depuis 2014, année où j'ai témoigné à « Parlons télé ».
    À mon avis, le projet de loi C‑11 n'est pas la mesure législative visionnaire que nous méritons. Il aurait pu dire comment un petit pays de 37 millions d'habitants s'adressera à un public mondial de sept milliards. Je suis au nombre des rares chercheurs qui produisent des données originales sur le contenu nouveau et patrimonial, et je crains fort que le projet de loi ne freine l'innovation dans les médias canadiens.
    Aujourd'hui, je vais communiquer des données qui proviennent de Watchtime Canada, l'étude que j'ai menée sur YouTube, et de mon livre, Mediaucracy, qui porte sur les médias traditionnels. Soyons clairs, le projet de loi C‑11 n'appuie pas la diffusion des récits canadiens. Il appuie les anciennes façons de définir et de diffuser nos récits.
    Comme vous l'avez entendu ce matin, le projet de loi C‑11 nécessite des amendements clairs et décisifs. La politisation de ce processus nuit à tous les Canadiens, car nous bénéficions tous d'un secteur des médias fort, et notre assiette fiscale en profite aussi. Nos médias sont le visage que nous présentons au monde.
    En 2016, le premier ministre libéral, Justin Trudeau, a affirmé que le Canada serait reconnu pour son ingéniosité et non pour ses ressources. Ce mois‑ci, en mai, M. Trudeau a annoncé un investissement de 3,6 milliards de dollars dans le secteur de l'automobile qui fera du Canada un chef de file mondial dans le domaine des véhicules électriques, dans des innovations qui, selon lui, créeront des centaines d'emplois.
    Sans investissement public, YouTube, qui coûte plus de 6 milliards de dollars par année, sans apport du Canada, a fait émerger plus de 160 000 entrepreneurs canadiens et créé 30 000 emplois. Ne vous y trompez pas; comme vous l'avez entendu aujourd'hui, il est épuisant de travailler sur YouTube, TikTok ou Instagram. Nous avons constaté que 60 % des chaînes admissibles sur YouTube gagnaient moins de 10 000 $ et que 9 % gagnaient plus de 100 000 $, mais il faut assumer tous les risques. Rien n'est gratuit.
    Pourtant, devant la concurrence mondiale ouverte pour attirer les auditoires, les Canadiens tirent leur épingle du jeu. Ce sont les principaux exportateurs de YouTube, avec 90 % de leurs vues à l'extérieur du Canada, ils respectent la diversité même s'il n'y a pas de quotas et ils contribuent à la puissance douce de nos valeurs partout dans le monde.
    YouTube a permis à des Canadiens de toutes races, ethnies, capacités et genres de rejoindre des auditoires mondiaux. Les youtubers canadiens-français comprennent la chanteuse lauréate des prix Juno Charlotte Cardin, le chef de Carl is Cooking, l'esthéticienne Cynthia Dulude et le journaliste de Radio-Canada PL Cloutier.
    Le projet de loi C‑11 commence à faire fausse route en présumant que le CRTC a compétence sur l'ensemble d'Internet. C'est une erreur pour deux raisons. D'abord, l'ordre de grandeur. Voyez les chiffres. Sur YouTube seulement, 500 heures de contenu sont téléversées par minute, soit 12 000 par jour, 150 000 par semaine. Ajoutez ensuite TikTok et d'autres plateformes. YouTube sait ce qui est téléversé au Canada; il ne sait tout simplement pas si ceux qui téléversent du contenu sont canadiens ou si leur équipe est canadienne. Ils ne savent pas si les Canadiens font des téléversements à partir d'un autre endroit sur terre, par exemple, depuis un logement Airbnb à Buffalo ou un réseau privé virtuel. Il devient tout à coup absurde de faire entrer le nouveau contenu dans une structure ancienne.
    Deuxièmement, les nouveaux médias sont une réalité en soi, pas un bogue. C'est une innovation enrichissante. L'Internet libre a ouvert la voie aux voitures électriques, aux vaccins à ARNm et plus encore. Pourquoi gâcher les gains de ceux qui ont osé se lancer et qui n'ont jamais demandé un sou au Trésor public? Si on s'intéresse au contenu créé par les utilisateurs, pourquoi pas aux jeux vidéo et à la télé-réalité? Ce sont deux genres sains parce qu'ils sont axés sur le marché. Le projet de loi C‑11 fait les choses à l'envers. Au lieu de présenter les nouveaux médias comme un modèle pour susciter l'intérêt des auditoires, il les piège dans ce que les anciens médias ont eu de moins reluisant: leur indifférence à l'égard des auditoires.
     Des amendements visant à restreindre la portée du projet de loi et à en exclure clairement le contenu créé par les utilisateurs auraient de multiples avantages, notamment en atténuant les préoccupations au sujet de la liberté d'expression, de la découvrabilité — au moins pour le contenu créé par les utilisateurs — et de pouvoirs de réglementation du style des années 1950. Le résultat serait que le CRTC se concentrerait sur ce qu'il doit faire de toute urgence pour les médias traditionnels: assurer un financement auquel les producteurs auraient accès et qui serait indifférent au type de plateforme.
    En tant que chercheure attachée aux politiques fondées sur des données et axées sur des objectifs, je pose la question suivante: quel est l'objectif du projet de loi C‑11? Les libéraux ont le pouvoir d'adopter le projet de loi dans sa forme actuelle, mais s'ils le font, je soupçonne que les contestations retarderont longtemps le travail urgent et les retombées promises, comme vous l'avez entendu ce matin.
     Je terminerai en citant un ancien PDG des médias traditionnels qui m'a récemment envoyé un courriel au sujet du projet de loi C‑11. C'est court: « L'industrie se tire dans le pied. »
    Merci de votre temps. Je suis vraiment honorée d'être là et j'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Berkowitz.
    Je me tourne vers Alain Saulnier, auteur et professeur de communication à la retraite de l'Université de Montréal.

  (1310)  

[Français]

    J'ai enseigné le journalisme, particulièrement le journalisme d'enquête, à l'Université de Montréal pendant une dizaine d'années. C'est dans ce cadre que je me suis particulièrement intéressé à la relation qu'entretiennent les médias et la culture avec les géants numériques. Cette expertise m'a amené à publier en février dernier un livre intitulé « Les barbares numériques: résister à l'invasion des GAFAM ».
    Je vous signale que j'ai aussi été directeur général de l'information à la radio et à la télévision de Radio‑Canada. De 1992 à 1997, j'ai également été président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Plus récemment, soit de 2017 à 2019, j'ai coprésidé la Commission permanente Montréal numérique, de l'organisme Culture Montréal.
    J'ai dit m'intéresser beaucoup à la relation qu'entretiennent la culture et les médias avec les géants numériques, américains pour la plupart, que je qualifie de barbares.
    J'ai écrit ce qui suit dans mon livre:
L’Histoire du monde occidental retiendra qu’il s’agit de la plus importante conquête du XXIe siècle. De quoi s’agit-il? De la conquête de l’univers numérique et de nos territoires par les superpuissances américaines. En fait, il s’agit de la plus écrasante attaque à la souveraineté nationale qu’aient connue les États dans ce nouveau millénaire.
    C'est la raison pour laquelle je considère que les États et leurs institutions doivent prendre les mesures appropriées afin de protéger nos médias et notre culture. Dans mon mémoire, j'insiste plus particulièrement sur la protection de notre langue et de notre culture francophone. Le problème, c'est que nous n'avons pas compris, selon moi, que pour nous, les francophones, cette invasion des géants numériques sur notre territoire a eu comme conséquence de marginaliser nos médias, notre langue et notre culture. Rappelons-nous toujours que ces superpuissances sont majoritairement américaines. Il faut résister à cette invasion.
    Je considère que le projet de loi C‑11 est un moyen de le faire. Il y aura, je le souhaite, des mesures additionnelles. Le CRTC pourra aussi aborder les divers aspects de la mise en œuvre de cette loi. Quoi qu'il en soit, c'est là une façon de réglementer la cohabitation entre les géants numériques américains et nous. Mettre sur un pied d'égalité les entreprises numériques étrangères et les entreprises numériques canadiennes est essentiel.
    Donner au CRTC le pouvoir de réglementer toute l'activité numérique en matière de culture et de communications peut favoriser une saine cohabitation entre ces géants numériques, d'une part, et nos entreprises, nos créateurs et la population, d'autre part.
    Obliger ces superpuissances à réinjecter chez nous une proportion importante de leur chiffre d'affaires dans la création et la production réalisées par des gens d'ici est une façon de soutenir notre milieu de la culture et nos médias. C'est surtout la manière adéquate de contrer l'imposition des contenus américains qui dominent ces plateformes.
    Protéger notre souveraineté culturelle, voilà de quoi il s'agit. Ne rien faire, c'est revenir à un laissez-faire total. Or à ce jeu, nous ne gagnerons pas. Ne rien faire, c'est laisser ces géants numériques et leurs lois du marché dicter ce qui est bon ou mauvais pour nous. Comme nous avons pu le constater, ils ont échoué en matière d'autodiscipline, dans le rôle de grands organes de réglementation quant aux contenus. De fausses informations se sont accumulées, plus particulièrement au cours des deux dernières années. Pendant tout ce temps, ils ont néanmoins généré des profits records.
    Au Canada, nous avons toujours su réagir lorsque les entreprises américaines ont tenté d'inonder notre territoire de leurs contenus culturels. C'est la raison pour laquelle la Société Radio‑Canada a été créée, en 1936, et pour laquelle on a confié au CRTC le pouvoir de réglementer le domaine des communications. De la même manière, le gouvernement a créé la télévision en 1952 pour contrer la télévision américaine, les Américains considérant notre territoire comme leur marché.
    En 1997, le CRTC a malheureusement raté le coche en décidant de ne pas s'occuper d'Internet pour favoriser son essor. Or, l'essor est advenu, et c'est le moins que l'on puisse dire. De nos jours, les personnes de moins de 35 ans ne jurent que par les réseaux sociaux et les plateformes de ces géants numériques américains. Ils s'informent par le truchement des réseaux sociaux, ce qui affaiblit nos médias. Leur principale porte d'entrée vers la musique est désormais YouTube. Un peu plus tôt, M. Jérôme Payette a précisé qu'au Québec, la part de celles et ceux qui font partie des 10 000 interprètes les plus populaires était de 8 %. Comment vivre de la chanson alors qu'une écoute sur YouTube procure un demi-cent à son auteur ou à son autrice?
    Il y a une autre source d'inquiétude. En effet, pour la première fois de notre histoire, la télévision traditionnelle est déclassée par les plateformes d'écoute comme Netflix, Amazon et Disney+. Selon l'Observateur des technologies médias, 70 % des anglophones et 58 % des francophones au pays sont abonnés à Netflix. C'est désormais la manière de regarder les téléséries et le cinéma.
    C'est le même exercice auquel nous devons nous livrer aujourd'hui. Les géants numériques veulent établir leurs propres règles du jeu et ils défient les nôtres.
    Comme on l'a entendu, ils exercent un immense lobbying et ils se liguent contre la volonté des États d'établir une saine cohabitation entre eux et nous. C'est pourquoi il faut agir maintenant. Le projet de loi C‑11 constitue un premier pas dans ce sens.
    Comme je l'ai écrit dans mon ouvrage, il se fait tard, mais il n'est pas trop tard.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1315)  

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur Saulnier.
    Je passe maintenant au dernier groupe, la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Il y a deux témoins, Nathalie Guay, directrice générale, et Bill Skolnik, coprésident.
     Vous disposez de cinq minutes à vous deux. L'un de vous peut intervenir ou vous pouvez partager votre temps entre vous deux. À vous de choisir.
    Merci, madame Fry, et merci beaucoup au Comité de nous recevoir encore une fois. C'est un grand honneur, et nous sommes très heureux d'être là. Je m'appelle Bill Skolnik. Je suis coprésident de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles.
    Nous sommes une alliance de 47 associations représentant plus de 200 000 artistes-interprètes, créateurs, techniciens et professionnels, et 2 000 organismes dans les domaines de la musique, de la production cinématographique et télévisuelle, de l'édition de livres et de musique, des spectacles et des arts visuels. Depuis plus de 20 ans, nos membres travaillent ensemble à la protection et à la promotion des diverses expressions culturelles du Canada. Ma collègue Nathalie Guay et moi avons participé à plusieurs assemblées de l'UNESCO pour appuyer les objectifs de la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
    Comme vous le savez sans aucun doute, le Canada a été le premier pays à ratifier cette convention et il est en première ligne lorsqu'il s'agit d'en faire respecter les principes. Cette protection et cette promotion cruciales exigent l'exercice de la souveraineté culturelle, et c'est l'essence même du projet de loi C‑11. La Loi sur la radiodiffusion est une politique culturelle. Cette tradition et cet héritage doivent continuer de s'épanouir. De plus, l'examen de la Loi sur la radiodiffusion est un élément essentiel de la boîte à outils nécessaire pour redéfinir et rééquilibrer nos écosystèmes.
    Le Comité a eu l'occasion d'apprendre bien des choses sur les répercussions de la COVID‑19 sur notre secteur. La CDEC a applaudi le dépôt du projet de loi C‑11, le 2 février. Nous ne pouvons qu'espérer que cette tentative de révision de notre loi aboutira sous peu afin que les créateurs, les artistes, les producteurs et les organismes canadiens puissent en profiter le plus tôt possible. Ils attendent depuis très longtemps.
    Enfin, permettez-moi de rappeler que, selon un récent sondage Nanos, le projet de loi jouit d'un vaste appui dans l'opinion.
    Je cède maintenant la parole à Nathalie Guay, qui présentera les changements que nous vous demandons d'envisager. Ces propositions sont issues de discussions intenses et détaillées. Elles font l'objet d'un consensus large et unifié parmi nos membres, qui se caractérisent par une grande diversité.
    Merci.

[Français]

    Je m'appelle Nathalie Guay, et je suis directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, laquelle n'a que quelques demandes visant à bonifier le projet de loi C‑11.
    Premièrement, le système de radiodiffusion doit continuer de mettre en valeur les talents canadiens. La formulation proposée à l'alinéa 3(1)f) instaure deux régimes. Le premier fixe des attentes plus élevées pour les entreprises canadiennes, y compris les entreprises canadiennes en ligne, en ce qui concerne le recours aux ressources créatives canadiennes, les dépenses liées à des émissions canadiennes, les contributions aux fonds pour soutenir le développement de contenus et les efforts de mise en valeur d'émissions canadiennes. Le second régime ouvre la porte à une réduction des exigences imposées aux entreprises étrangères en ligne sur ces volets.
    Rappelons que l'évaluation de Patrimoine canadien selon laquelle le projet de loi pourrait se traduire par une injection supplémentaire de 830 millions de dollars par an dans nos écosystèmes est largement basée sur une estimation de dépenses liées à des émissions canadiennes et sur une contribution comparable aux obligations actuelles des entreprises canadiennes de radiodiffusion. Avec un système à deux vitesses, on risque de passer à côté de cet objectif, sans compter que l'on introduit un déséquilibre entre les obligations respectives des entreprises canadiennes et des entreprises étrangères.
    Deuxièmement, nous pensons que les ordonnances du CRTC doivent être assujetties à la possibilité d'un appel au gouverneur en conseil afin qu'elles soient annulées ou qu'elles soient renvoyées au CRTC pour réexamen et nouvelle audience. Il s'agit simplement d'adapter la disposition déjà existante dans la Loi sur la radiodiffusion au nouveau contexte réglementaire. En outre, cela pourrait renforcer la confiance des parties prenantes envers le CRTC.
    Troisièmement, nous souhaitons qu'il y ait un processus d'audiences publiques pour la prise des ordonnances. Nous pensons que cela favorisera une meilleure prise en compte des différents points de vue, particulièrement à l'égard des niveaux inégaux d'expérience et de ressources dont disposent les divers intervenants potentiels, mais aussi parce que des audiences offrent la possibilité de réagir aux arguments d'autres parties prenantes.
    Quatrièmement, nous suggérons une modification au paragraphe 8(2) afin de rendre disponibles les commentaires complets reçus sur un projet de décret plutôt qu'un sommaire de ceux-ci.
    Cinquièmement, nous voulons que le Comité réintroduise un certain nombre de termes qui avaient été adoptés dans l'ancien instrument législatif, soit le projet de loi C‑10. Je pourrai m'étendre là-dessus si certaines personnes me le demandent.
    Enfin, nous ne proposons pas de changements aux dispositions concernant les médias sociaux. Le gouvernement en a déjà resserré la portée en proposant des critères sur lesquels le CRTC devra s'appuyer en faisant son analyse. Nous pensons aussi qu'apporter davantage de précisions diminuerait la flexibilité du cadre et créerait des échappatoires rendant caduc le nouveau cadre.
    Je vous remercie beaucoup de votre attention.

  (1320)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin aux témoignages. Nous passons maintenant à la période de questions. Les interventions, questions et réponses comprises, seront d'une durée de six minutes.
    Je vais commencer par M. Kevin Waugh, du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux trois groupes qui comparaissent devant nous cet après-midi.
     Je m'adresserai d'abord à la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Je crois que vous avez comparu devant nous au sujet du projet de loi C‑10. Qu'est‑ce qui a changé, à votre avis, entre le projet de loi C‑10 et le projet de loi C‑11?
     Madame Guay, j'ai remarqué que vous avez parlé des 830 millions de dollars qui devaient être générés. À l'époque, c'était le ministre Guilbeault qui était responsable du dossier. Personne n'a corroboré ce chiffre de 830 millions de dollars. Personne ne savait d'où il sortait. Pour être franc, je me souviens que le ministre de l'époque a dit que ce serait une manne pour les producteurs canadiens. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez, car vous avez parlé de 830 millions de dollars.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup de la question. J'y répondrai avec plaisir.
    J'ai trouvé la méthodologie qui explique le calcul qui a été fait sur le site de Patrimoine canadien. Cela me fera plaisir de vous transmettre cette information. On y explique bien comment on a pu arriver à ces montants, à la fois pour le secteur de l'audiovisuel et le secteur musical.
    En ce qui concerne les grandes différences entre le projet de loi C‑10 et le projet de loi C‑11, dans notre cas, nous voulions en souligner quatre. Il y a des problèmes sur le plan terminologique. Tout d'abord, dans le projet de loi C‑10, on parle d'« émissions originales en français », alors que dans le projet de loi C‑11, malheureusement, on parle plutôt d'« émissions originales de langue française ». De plus, il est important pour nous que le terme « communautés de langue officielle en situation minoritaire » soit ramené dans le projet de loi C‑11.
    Ensuite, il est question des éléments qui permettent d'encourager la détention de la propriété intellectuelle par les producteurs indépendants. Je parle du nouvel article qui donne des balises pour la définition des émissions canadiennes.
    Enfin, au sujet de l'alinéa 3(1)a) du projet de loi C‑11, qui concerne le fait que le système canadien doit être la propriété des Canadiens et être sous leur contrôle, nous proposons une nouvelle formulation, parce que nous considérons que les changements apportés pourraient faciliter l'acquisition d'entreprises canadiennes par des entreprises étrangères.
    Évidemment, il y a aussi le nouveau bloc sur la question des médias sociaux. Nous étions satisfaits du texte final du projet de loi C‑10 à ce sujet. Maintenant, nous considérons que le carré de sable, comme on l'a appelé, est une solution acceptable. Nous avons très hâte de passer à la prochaine étape pour que le CRTC puisse faire le travail d'examen des données. Nous entendons plein de choses sur la façon dont cela pourrait se passer et sur les types de règlements qui pourraient toucher les médias sociaux. Cependant, il ne faut pas oublier que la première étape consiste à faire une analyse et que celle-ci pourra seulement se faire lorsqu'il y aura assez de transparence et un échange de données entre les principaux intéressés et le CRTC.

  (1325)  

[Traduction]

    Merci. Le CRTC et son président nous ont dit la même chose la semaine dernière. Il faudra au moins deux ans, peut-être plus.
    Je m'adresse maintenant à Mme Berkowitz.
    Vous comparaissez à titre personnel, et je vous en remercie. Vous avez parlé de 30 000 emplois. Ma connexion Internet est intermittente, et je vous demanderais donc de répéter comment l'industrie a prospéré, certainement au cours des deux ou trois dernières années sur YouTube et à quel point les Canadiens se tirent bien d'affaire. Nous avons pu le constater avec les prix décernés au Canada. Vous l'avez d'ailleurs souligné.
    Cette industrie connaît une rapide croissance. Les producteurs canadiens sont très fiers de leurs contenus et le diffusent partout dans le monde. Vous aviez des chiffres que j'aimerais que vous nous répétiez, si vous le voulez bien.
    Merci beaucoup de votre question.
    Je peux vous donner un aperçu des chiffres pour le CGU, puis faire quelques observations sur les médias traditionnels, qui, comme on l'a mentionné plus tôt ce matin, affichent de merveilleux résultats.
    Voici ce rapport Watchtime. J'aimerais vraiment que vous la lisiez tous, car il contient 50 tableaux de données. À tout prendre, parmi les exportateurs de contenus sur la plateforme, le Canada vient au premier rang. Nous avons fait une évaluation plutôt prudente, dont toute la méthodologie est décrite dans le rapport. Depuis la naissance de YouTube il y a seulement 15 ans, déjà on compte 30 000 emplois à temps plein pour les Canadiens et 160 000 entrepreneurs canadiens qui tâchent, sans financement public, de tirer leur épingle du jeu.
     Du côté des médias traditionnels, comme l'a dit ce matin M. Geist, vous avez pris connaissance du niveau record de l'emploi dans la télévision grâce à ces plateformes mondiales. Vous avez aussi entendu parler d'émissions comme Borgen, du Danemark, Fauda, d'Israël, et Squid Game, de la Corée du Sud. Je veux ajouter que les petits pays comme le nôtre font un malheur sur la scène mondiale aujourd'hui parce qu'ils ont fait le travail stratégique sur lequel nous devons vraiment amener le CRTC à porter son attention.
    La langue n'est pas un obstacle. La concurrence étant de plus en plus forte, il est impératif de mettre à jour et de rénover notre propre politique, car les diffuseurs en continu ont vraiment besoin d'un contenu qui percera sur la scène mondiale.
    Merci beaucoup, madame Berkowitz.
    Merci. C'est tout le temps que nous avions.
    La parole est maintenant au Parti libéral, avec M. Louis, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je salue nos témoins, et je les remercie de leur comparution.
    Par votre entremise, madame la présidente, je m'adresserai d'abord à M. Saulnier.
    Vous avez très bien expliqué comment, en tant que pays, nous avons réagi, au fil des décennies, dans les situations mettant en cause les médias et la culture et comment nous avons protégé notre culture. Aujourd'hui, nous sommes bel et bien dans l'univers numérique, et il semble qu'il est grand temps de faire quelque chose.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance et des limites de temps de ce que cherchons à faire actuellement, de ce que les Canadiens font déjà depuis des décennies, c'est‑à‑dire protéger notre souveraineté culturelle et nos voix?

[Français]

     Comme je l'expliquais un peu plus tôt, lorsque le Canada et le Québec ont eu à faire face à l'imposition de la culture américaine depuis leurs frontières, le gouvernement a décidé de se doter d'outils en ce sens. En 1936, il y a eu la création de Radio-Canada, et le CRTC a obtenu le pouvoir de réglementation en matière de communication. En 1952, on a créé le pendant anglais de Radio‑Canada, soit CBC/Radio-Canada, pour essayer de contrer tout cela.
    Il faut rester capable de pouvoir contrer cette invasion, cette imposition de contenus américains. Par exemple, dans le domaine du cinéma, les principaux studios américains de longue date considèrent que nous faisons partie de leur marché intérieur. C'est la raison pour laquelle ils imposent leurs superproductions dans tous nos cinémas, dans les grands centres et un peu partout au Canada.
    Comme je le disais un peu plus tôt, en 1997, le CRTC a raté le coche. Il a pensé qu'en laissant Internet se développer seul, sans réglementation, cela favoriserait son essor. Or, je pense que c'était une erreur. On aurait dû réagir rapidement. Depuis ce temps, il existe une certaine forme de loi de la jungle. Par ce fait, les cultures comme la nôtre — je parle non seulement de la culture francophone, mais aussi de celle des Premières Nations — sont de plus en plus marginalisées et c'est difficile pour les artistes d'être découverts. C'est la raison pour laquelle il faut se doter d'une réglementation, d'une loi, et qu'il faut doter le CRTC de pouvoirs de réglementation qui vont mettre les gens sur un même pied d'égalité.
    Sinon, on retourne à la loi du marché des actionnaires et des géants numériques, qui vont déterminer ce qui est bon et mauvais pour nous. Or, moi, je ne veux pas cela.

  (1330)  

[Traduction]

    Merci.
    Je crois que vous avez dit que la principale porte d'entrée pour la musique, c'est YouTube, mais que très peu d'artistes vivent de YouTube. Nous constatons également que le public dépend de plus en plus des plateformes de médias sociaux en ligne et des services de diffusion en continu.
    Qu'en est‑il des artistes et créateurs qui sont présents en ligne? Considérez-vous qu'ils dépendent de ces plateformes numériques, et de quelle façon ces espaces numériques rendent-ils nos créateurs vulnérables?

[Français]

    Un peu plus tôt ce matin, M. Payette nous a dit à quel point le domaine de la musique a été complètement modifié depuis l'arrivée de ces plateformes en ligne. Cela signifie que, maintenant, la porte d'entrée la plus importante pour avoir accès à la musique, c'est YouTube.
    Nous avons de très bons artistes, comme Hubert Lenoir ou Ariane Moffatt, qui sont un peu présents. Comment peut-on être présent? On peut être présent en faisant des spectacles, en enregistrant ce qu'on appelait des disques, à l'époque, ou en faisant en sorte que notre musique soit diffusée le plus possible à la radio. Or, maintenant, ce n'est plus la façon d'écouter de la musique.
    Par conséquent, il faut trouver une façon différente de pouvoir réglementer cette présence de la musique sur les plateformes comme YouTube, d'une part, et, d'autre part, il faut aussi nous assurer que les artistes francophones peuvent être découverts par le truchement de ces plateformes.
    Il appartiendra sans doute au CRTC de définir de quelle manière cela pourra se faire. Manifestement, si une loi comme celle à l'étude à l'heure actuelle ne reçoit pas de soutien, et si l'on n'est pas en mesure de se doter d'une réglementation à l'appui, les artistes francophones ne pourront pas être découverts. Ainsi, nos auteurs et nos autrices ne feront à peu près pas d'argent. Cela signifie, à moyen et à long terme, la disparition de notre musique.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. Merci.
     Je pourrais peut-être m'adresser à M. Skolnik. Le projet de loi C‑11 contient d'importantes dispositions pour appuyer la programmation destinée expressément aux communautés historiquement négligées. Pouvez-vous nous dire en quoi le projet de loi C‑11 sera important pour notre identité culturelle et notre société, et expliquer les raisons qui font que le créneau se referme et qu'il est crucial d'agir maintenant?
     Comme vous le savez, nous sommes en faveur de la diversité des expressions culturelles. C'est notre raison d'être. Le créneau se referme parce que, délibérément ou par inadvertance, les grandes plateformes sont devenues dominantes. Nous devons permettre, en particulier aux Autochtones et à d'autres communautés, de continuer à recevoir un financement par les divers moyens que procuraient les radiodiffuseurs traditionnels. C'est quelque chose que nous voulons voir se poursuivre et c'est ce que permettra le projet de loi C‑11 en mettant les plateformes à contribution.
    Merci beaucoup, monsieur Skolnik.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois et à M. Champoux, pour six minutes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    [Difficultés techniques]

  (1335)  

[Traduction]

    Monsieur Champoux, pouvez-vous dire quelques mots?
    Madame la greffière, je vais suspendre la séance pendant un moment pour vous permettre de voir quel est le problème?

  (1335)  


  (1335)  

    Nous sommes de retour.

[Français]

    Je suis de retour.
    J'espère que je ne vous ai pas trop manqué, madame la présidente.

[Traduction]

    Vous m'avez beaucoup manqué, monsieur Champoux.

[Français]

    Monsieur Saulnier, vous étiez à la direction générale de l'information de Radio-Canada à une époque où les plateformes numériques commençaient à prendre pas mal de place. Si je ne me trompe pas, vous avez été parmi ceux qui, à l'époque, considéraient que le Canada aurait dû réglementer plus rapidement cette nouvelle réalité.
    À mon avis, le Canada a attendu beaucoup trop longtemps avant de penser à réglementer cela.
    Que vous disait-on, à l'époque, lorsque vous disiez qu'il fallait faire quelque chose quant à ces géants qui arrivaient dans le milieu?
    Il faut se rappeler le contexte de l'époque. On a fait de M. Steve Jobs un grand personnage du monde de la créativité. Nous avons tous été obnubilés et subjugués par les qualités de création et la modernité que ces gens incarnaient. Je pense notamment à MM. Mark Zuckerberg et Jeff Bezos.
    D'une certaine manière, je pense que les gouvernements successifs — je parle autant des conservateurs que des libéraux — avaient jusqu'à récemment l'impression qu'il ne fallait pas contrer les géants du numérique. Souvenons-nous de la taxe Netflix. On disait qu'il ne fallait pas l'établir. Rappelez-vous aussi qu'il y a eu une levée de boucliers au Québec, car l'ensemble des médias et du milieu de la culture a décidé qu'il fallait au contraire faire quelque chose.
    Si l'on a trop tardé, c'est parce que l'on a été impressionnés et subjugués par le pouvoir de ces géants du numérique, qui incarnaient la modernité.
    Nous commençons à nous affairer à encadrer tout cela, ce qui est bien. Cependant, on a perdu une année complète relativement au projet de loi C‑10, qui est mort au Feuilleton par suite du déclenchement des élections. Personnellement, je pense que, plus on tarde, plus on maintient cette loi de la jungle à laquelle je faisais allusion.
    À Radio-Canada, les gens nous disaient qu'il fallait être sur Facebook. Que s'est-il passé? Nous sommes allés sur Facebook. Tous les médias se sont tirés une balle dans le pied, à cette époque, puisque cela signifiait que nous étions de plus en plus marginalisés. On ne peut pas passer par les réseaux sociaux pour entrer dans les médias. Il faut faire les choses autrement. Il faut avoir des médias très forts.
    Je ne veux pas faire de parallèle avec le far west, mais c'est un peu ce que nous voyons. En effet, le marché s'est développé sans qu'il y ait d'encadrement ou de réglementation.
    Je sais que vous travaillez davantage dans le domaine de l'information, mais vous avez quand même enseigné les communications à l'Université. Vous avez donc une vue globale de cette industrie.
    Avez-vous l'impression que si l’on avait pris les choses en main il y a 10 ou 15 ans, alors que l'on pouvait le faire doucement et progressivement, le marché serait très différent aujourd'hui, tant pour les plateformes que pour les créateurs de contenu journalistique ou culturel?
     Nous avons permis à ces géants, à ces plateformes de s'installer à demeure sur nos territoires. Le Canada et le Québec ne sont pas les seuls à le faire. L'ensemble des pays occidentaux ont dû affronter cette nouvelle situation. C'est la raison pour laquelle tout le monde a tardé à agir, bien que l'Europe ait développé une approche beaucoup plus énergique, si je peux m'exprimer ainsi. Ici, par contre, nous avons beaucoup trop tardé à adopter des règlements.
    Aujourd'hui, nous avons l'impression que nous devons nous battre contre des géants et que ce n'est pas possible de les renverser de quelque manière que ce soit. C'est pour cela que je dis qu'il faut rapidement adopter le projet de loi C‑11. Si nous ne le faisons pas maintenant, nous allons encore une fois reporter à plus tard le problème.
    Les petites cultures dans le monde — aussi bien la nôtre, les francophones, que les autres petites cultures ailleurs — vont être encore plus marginalisées qu'elles ne le sont aujourd'hui. Il ne faut plus tarder, et il ne faut pas non plus se laisser influencer par les géants numériques qui veulent nous imposer leur contenu à leur façon en déterminant ce qui est bon et ce qui est mauvais. Nous ne pouvons pas aller dans cette direction.

  (1340)  

    Je vous remercie, monsieur Saulnier.
    Madame Guay, vous avez entendu les propos des témoins du groupe précédent.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qui s'est raconté dans ces discussions. Je suis sûr que vous n'en avez pas manqué une minute.
    En effet, je n'en ai pas manqué une minute.

[Traduction]

    Madame Guay, vous avez 30 secondes.

[Français]

    Je dois dire que j'étais d'accord sur tous les arguments qu'a apportés mon collègue Jérôme Payette, qui est trésorier de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Il est dommage que certains que les gens qui soutiennent le projet de loi sont des gens qui ne comprennent pas ce qui se passe, qui sont dépassés ou qui ne sont plus vraiment dans le coup.
    Nous voyons les efforts que font les artistes, les créateurs et les entreprises sur le terrain pour enrichir les métadonnées et pour être visibles sur les plateformes. Ils multiplient les tâches, mais ils ont de moins en moins de ressources pour percer le marché. Je trouve qu'il est très dommage de constater ce que l'on dit du milieu artistique, mais je pourrai en parler davantage tout à l'heure.
    En fait, au lieu de créer une division, nous devrions tous nous unir pour faire fleurir le milieu artistique.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Champoux. Je pense que nous avons terminé.
    La parole est maintenant au Nouveau Parti démocratique.
    Monsieur Julian, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages, qui sont très intéressants. Nous espérons que les membres de leur famille sont sains et saufs, ainsi qu'eux-mêmes, dans le contexte de la pandémie qui est toujours présente.
    J'aimerais poser trois questions, et je m'adresserai à M. Saulnier, à Mme Guay et à M. Skolnik.
    Mes trois questions portent sur les propos tenus ce matin par les témoins du premier groupe.
    Premièrement, le représentant de la chaîne de télévision OUTtv a déclaré que les plateformes de services en ligne exerçaient une forme de discrimination en refusant certains contenus. J'aimerais obtenir plus de détails à ce sujet.
    Deuxièmement, j'aimerais avoir des précisions sur les répercussions que pourrait avoir le projet de loi C‑11 sur les artistes canadiens. Selon M. Payette, les grandes entreprises choisissent les gagnants et les perdants, et le projet de loi C‑11 pourrait assurer un équilibre sur ce terrain de jeu pour les artistes canadiens.
    Troisièmement, si le projet de loi C‑11 n'était pas adopté, si nous passions encore des années sans réglementer l'industrie, quelles seraient les répercussions sur notre industrie de la culture et sur les emplois au Canada?
    J'aimerais d'abord avoir les observations de M. Saulnier.
    Je vais surtout répondre à la dernière question.
    Selon moi, si nous ne faisons rien, nous allons marginaliser les cultures, comme celles des francophones, partout au pays.
    Les artistes, les vidéastes, les auteurs et les autrices ont travaillé trop fort pour que, tout à coup, nous nous en remettions à la loi du marché et que nous fassions ainsi en sorte que ce soit des entreprises, dont les stratégies et les politiques éditoriales émanent de leurs actionnaires, qui définissent ce qui est bon ou mauvais pour nous. Ce n'est pas à eux de le faire. Par conséquent, il va falloir véritablement accélérer les choses, parce que nous ne pouvons pas attendre encore 30 ans avant d'adopter une nouvelle loi sur la radiodiffusion. Il faut procéder rapidement.
    Je considère que nous sommes menacés à l'heure actuelle. Je pense aux petites minorités culturelles, c'est-à-dire la nôtre — soit celle des francophones —, celles des Premières Nations et celles des petites minorités autres qu'anglophones ailleurs dans le monde occidental. Il faut réagir et il faut agir vite.
    Selon moi, le projet de loi C‑11 est la première étape. Il y aura d'autres projets de loi, dont celui sur les médias. Je pourrais intervenir encore une fois lorsque le projet de loi C‑18 sera déposé. À mon avis, il est essentiel de faire avancer les choses dès maintenant.

  (1345)  

     Je vous remercie, monsieur Saulnier.
    Madame Guay, voulez-vous ajouter des commentaires?
    Je vous remercie, monsieur Julian.
    Je suis tout à fait d'accord sur ce que vient de dire notre collègue.
    J'aimerais présenter quelques données relativement à la dernière question.
    De 2016 à 2020, les contributions à des fonds, comme le Fonds des médias du Canada, sont passées de 431 millions de dollars à 397 millions de dollars. Nous savons qu'il y a eu une diminution des dépenses liées aux émissions canadiennes de 6,7 % pour les services traditionnels et de 9,3 % pour les services facultatifs et les services sur demande. Nous savons maintenant que le taux d'abonnement à des services en ligne a dépassé les taux d'abonnement à la télévision traditionnelle avec des services par câble ou par satellite.
    Nous sommes rendus loin pour ce qui est de la transition. Nous constatons qu'il y a un amenuisement des ressources nécessaires pour continuer à créer et à produire des contenus canadiens, lesquels sont importants. Ce n'est pas simplement une question d'emploi ou d'économie, c'est une façon de pouvoir se reconnaître à l'écran.
    Notre souveraineté culturelle est importante, car elle nous permet de développer des valeurs communes et une identité collective qui a du sens. Il ne s'agit pas de se couper de l'étranger, mais bien de continuer de faire en sorte qu'il existe sur la planète des identités et des cultures diversifiées plutôt qu'une seule culture homogène où tout le monde pense exactement de la même façon.
    Il est extrêmement important de mettre en œuvre des politiques ayant pour objectifs de favoriser la diversité et de donner une place aux récits qui mettent en valeur l'expérience des personnes LGBTQ+, par exemple. Cela est fondamental. Si le marché ne trouve pas de raison de le faire, les valeurs d'ouverture et la nécessité de faire preuve de tolérance constituent des raisons de le faire.
    Il est important d'avoir une politique culturelle afin de nous assurer que nos aspirations en tant que société peuvent se matérialiser dans ce qui nous est proposé et dans ce que nous enseignons à nos enfants.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Skolnik, je vous pose les trois mêmes questions.
    Ce que j'ai à dire reprend, pour une bonne part, ce que M. Saulnier et ma collègue viennent de dire. Je pense qu'il est essentiel de comprendre ici — je pense que M. Saulnier l'a déjà dit — que le problème n'est pas nouveau. D'autres pays dans le monde, notamment au sein de l'Union européenne, montrent la voie à suivre. Ils reconnaissent que, tout en appréciant le contenu que leur offrent les plateformes, il est très important de conserver leur propre identité. Il est très important que leurs propres histoires, ou du moins le point de vue de leurs propres citoyens, soient racontés. Ce n'est pas mutuellement exclusif. Tous les artistes aimeraient se produire sur les réseaux traditionnels, même s'ils sont aussi présents sur les plateformes.
    Merci.
    Nous allons maintenant entreprendre le deuxième tour de questions. Ce tour‑ci, les questions seront de de cinq minutes. Je vais commencer par M. Uppal, du Parti conservateur.
    Vous avez cinq minutes. Allez‑y, monsieur Uppal.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais commencer avec Mme Berkowitz. On a beaucoup parlé de diversité....

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais invoquer le Règlement.
    Il faudrait demander à mon collègue de replacer son microphone.

[Traduction]

    Monsieur Champoux, nous allons également devoir faire comme pour le dernier tour, c'est‑à‑dire l'écourter.
    Le temps de parole des conservateurs, ainsi que des libéraux, sera de cinq minutes, le vôtre et celui de M. Julian sera de deux minutes et demie, après quoi nous devrons nous arrêter, faute de temps.

[Français]

    Je vous remercie de la précision, madame la présidente.
    Cependant, j'intervenais seulement au sujet du microphone de mon collègue.

[Traduction]

    Merci.
    Je suis désolée, monsieur Uppal. Je vous invite à recommencer. Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Champoux, de m'avoir rappelé d'activer mon micro.
    Madame Berkowitz, j'aimerais commencer par vous. Nous avons beaucoup discuté de la diversité culturelle et de la nécessité de la protéger, mais nous avons aussi au Canada une population considérable qui parle une troisième langue ou qui a des racines ethnoculturelles différentes. Non seulement pour la génération de mes parents, mais même pour la mienne, la diversité culturelle signifie également l'accès à un contenu international.
    Les créateurs de contenu canadien collaborent avec les créateurs étrangers. Beaucoup d'artistes chantent dans une troisième langue et se font accompagner par des musiciens d'autres pays ou font réaliser une partie de leur production dans d'autres régions du monde. Même une bonne part du contenu des nouvelles locales, d'après ce que je comprends, les entrevues et tout le reste, se fait ici au Canada, mais il est produit à l'étranger. C'est dû en partie au décalage horaire. Les clips peuvent être faits ici pendant la nuit et être envoyés en Inde, où se fait la production, qui est ensuite diffusée ici. Une grande partie de ce travail se fait en ligne, et les Canadiens peuvent y ont accès en ligne.
    J'entends de la part de créateurs de contenu culturel qu'ils craignent que le projet de loi nuise à leur capacité d'atteindre leur auditoire canadien. Qu'en pensez-vous?

  (1350)  

    Merci beaucoup de cette question.
    C'est un vaste sujet. Je vais essayer d'y aller de quelques observations dans le temps qui m'est imparti et je serai heureuse de compléter ultérieurement ma réponse si c'est nécessaire.
    Tout d'abord, d'un point de vue théorique, la question revient à savoir si c'est la protection par les données ou la protection par la concurrence qui a un effet de renforcement. Nous avons constaté que, dans un contexte de concurrence ouverte, nos youtubeurs sont devenus, parmi ceux de 91 pays, les premiers exportateurs et se sont diversifiés sans qu'il y ait eu de quotas, en gros à des niveaux égaux, ou supérieurs dans certains cas, à ceux rapportés par Statistique Canada.
    Cela, c'est du côté des créateurs, mais nous avons aussi, dans le cours de notre recherche, demandé aux deux groupes ce qu'ils pensaient de YouTube. Je vous renvoie aux figures 2.21 et 3.15. Les Canadiens chérissent vraiment la diversité que leur offre YouTube et 90 % d'entre eux — ce chiffre nous a tellement surpris que nous avons procédé à une ventilation en fonction de l'âge, de la région géographique et de la langue — ne font pas de recherches pour trouver un contenu canadien. Ils recherchent le contenu qui les intéresse et ils apprécient hautement leur accès au contenu mondial.
    De plus, la plupart des créateurs canadiens, quand nous leur avons posé la question, estimaient, s'il y avait une sorte de découvrabilité artificielle imposée à leur chaîne, qui leur enlèverait la capacité de croissance naturelle dans d'autres pays et qui aurait donc une incidence directe sur leurs revenus — voilà une longue explication qui allait probablement devenir nécessaire à un moment donné, mais peu importe —, que cela aurait des conséquences très néfastes pour eux.
    Tant les consommateurs que les créateurs canadiens sur YouTube souhaitent que cette plateforme demeure ouverte. Est‑ce que cela répond à votre question?
    Oui, merci.
    Je vous remercie de cette réponse et...
    Monsieur Uppal, pouvez-vous brancher votre micro, s'il vous plaît? Je pense qu'il est débranché.
    Les techniciens me disent que vous utilisez le micro de votre ordinateur, non celui de votre casque d'écoute.
    Non. J'utilise le micro du casque d'écoute.
    Si vous me le permettez, monsieur Uppal, je vous demande d'aller au bas de votre écran, dans le coin inférieur gauche, où se trouve la fonction de désactivation, il devrait y avoir...
    Est‑ce mieux ainsi? Y a‑t‑il un changement?
    Je vois beaucoup de signes d'approbation.
    On me dit qu'il était activé. Merci beaucoup d'avoir fait le changement, monsieur Uppal.
    C'est parfait. Merci.
    Je voulais simplement savoir... Je passe à la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Puisque nous sommes préoccupés par l'expérience ethnique au Canada et par la crainte qu'ont des créateurs que le projet de loi nuise à leur capacité d'atteindre un auditoire, ne croyez-vous pas que l'expérience culturelle devrait aussi être protégée de la même façon?
    Madame Guay, voulez-vous répondre?
    Oui. Je pense que si YouTube, disons, ou d'autres services se présentent devant le CRTC et démontrent que ce genre de mesures aurait cette conséquence, j'ai confiance que le CRTC n'imposerait pas de telles conditions. Je pense que l'argument que nous avons entendu à maintes reprises n'est pas, du moins pour le moment, fondé sur des faits et qu'il y a bien d'autres façons de promouvoir et de mettre en valeur le contenu que de simplement peaufiner l'algorithme.
    On suppose aussi qu'il n'y a pas de contenu canadien qui correspondrait aux préférences des autres utilisateurs. Je trouve que... Allons au CRTC et présentons ces données et ces expériences. Le CRTC les examinerait en regard des objectifs de la politique de radiodiffusion, et nous pourrions déterminer ce que les différents services devront faire pour présenter ces contenus d'une manière qui n'aura pas d'effet néfaste évident sur d'autres créateurs canadiens.

  (1355)  

    Sommes-nous dans une situation...
    Je vous remercie, monsieur Uppal. Je pense qu'il ne vous reste que quelques secondes.
    C'est bon alors. Merci.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole aux libéraux, pour cinq minutes.
    Allez‑y, monsieur Bittle.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Berkowitz, dans une étude réalisée en 2020, vous avez indiqué que les créateurs canadiens ont beaucoup de succès sur YouTube. Dans cette étude, vous dites que 70 % des chaînes admissibles à la monétisation, soit celles comptant au moins 1 000 abonnés, ont déclaré avoir généré des revenus. Dans ce groupe de youtubeurs admissibles qui gagnent des revenus, 60 % génèrent 10 000 $ ou moins. » Est‑ce exact?
    Je pense que vous citez l'étude Watchtime Canada de 2019.
    Peut-être. C'est bien possible. C'est pourquoi je pose la question. C'est de 2019, pas de 2020.
    Oui.
    Quand vous dites 60 % de 70 %, est‑ce que cela signifie que 30 % des chaînes admissibles ne gagnent rien? Comment faut‑il faire diviser ce chiffre si ce n'est pas le cas?
    Nous avons fait une mise à jour pendant la pandémie. Vous citez peut-être un article du FMC que j'ai corédigé.
    Nous avons constaté qu'il y avait 160 000 entrepreneurs canadiens sur YouTube. Seulement le quart d'entre eux, soit 40 000, font partie du programme des partenaires et sont admissibles, comme vous l'avez mentionné, à la monétisation. C'est la monétisation de ces seules chaînes que nous avons mesurée; ce serait le pourcentage du pourcentage.
    Je ne sais pas si je clarifie...
    C'était 40 000 sur 160 000.
    Oui.
    Les trois quarts d'entre elles ne gagnent rien.
    Beaucoup éprouvent des difficultés, mais la situation est intéressante. Dans le portrait des revenus de YouTube — il y a aussi un graphique dans l'étude à ce sujet —, nous avons constaté que la plupart des youtubeurs canadiens ont un mélange de revenus provenant de transactions de marque, de produits multimédias, d'autres livres, etc. Fait fascinant, un certain nombre de chaînes qui ne sont même pas admissibles au programme des partenaires déclarent des revenus provenant de ces autres sources de revenus. Elles sont...
    Mes excuses. Si me vous permettez... Mon temps est limité.
    Oui, bien sûr.
    Si une très petite partie des Canadiens gagnent des revenus sur YouTube, la plupart d'entre eux gagnent moins de 10 000 $. Comment pouvons-nous dire qu'ils « ont beaucoup de succès », puisqu'ils gagnent moins que le revenu médian d'un artiste traditionnel?
    Il y a aussi 15 % qui gagnent... Permettez-moi de vous donner ces chiffres.
    Il y a 15 % d'entre eux qui gagnent plus de 50 000 $, mais c'est 15 % de 25 %. C'est ce que vous nous dites.
    Oui, mais je rappelle aussi que c'est une toute nouvelle plateforme. Cette activité économique n'a que 15 ans d'existence. Je persiste à dire que les Canadiens ont beaucoup de succès sur YouTube. Parmi les exportateurs de 91 pays, ils sont au premier rang et ils ont l'enthousiasme qu'il faut pour continuer de cultiver cette nouvelle source mondiale de revenus.
    N'oubliez pas que nous ne parlons ici que de YouTube, et non TikTok, Instagram ou les autres plateformes.
    TikTok ne paie pas ses artistes canadiens.
    Passons à autre chose. Une étude américaine, intitulée « Time to Face the Influencer Pay Gap », a révélé un écart important entre les créateurs noirs et de couleur et ceux de race blanche. Cet écart est de 29 %. Je rappelle qu'il s'agit des États‑Unis. Si on ne compare que les seuls influenceurs blancs et noirs, l'écart atteint 35 %.
    Dans le cadre de votre étude, avez-vous constaté une différence sensible entre, d'une part, les créateurs noirs, autochtones et de couleur et, d'autre part, les créateurs blancs. Comment est‑ce que cela fonctionne? Tout cela se passe sous le grand chapiteau de YouTube, qui a généré des revenus publicitaires d'environ 29 milliards de dollars l'an dernier.

  (1400)  

    Je dirai que YouTube n'a pas d'information sur les revenus hors plateforme et que nous ne pouvons donc pas le savoir, mais nous sommes quand même ravis de voir le degré de diversité sur YouTube. Ce que vous décrivez est très préoccupant et devra évidemment être étudié plus à fond. Entretemps, nous avons Notorious Cree, Evan Fong et Lilly Singh, qui est magnifique.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Je cède la parole à Martin Champoux, du Bloc québécois, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Madame Guay, il est beaucoup question de confiance envers le CRTC et sa gestion de la diffusion en ligne. Vous dites vous-même qu'il faut renforcer cette confiance.
    La semaine dernière, M. Ian Scott a parlé de l'importance de distinguer le fait de réglementer Internet d'avec le fait de réglementer les activités de radiodiffusion ou de diffusion sur Internet.
    D'après vous, le CRTC a-t-il ce qu'il faut pour faire cette distinction?
    Comment pouvons-nous convaincre le public de faire confiance au CRTC dans un cas comme celui-là?
    Je vous remercie de la question.
    Le CRTC réglemente les activités de radiodiffusion depuis des dizaines d'années, et je suis convaincue qu'il réussira à le faire à propos d'Internet. C'est une question de temps.
    Des suggestions ont été faites par plusieurs experts, dont M. Pierre Trudel, sur les façons d'aborder les choses. Il faut entrevoir l'avenir avec confiance à cet égard, et ce n'est certainement pas un défi insurmontable. Je pense que le CRTC peut le faire.
    La question de la confiance a été soulevée à de nombreuses reprises. Il y aura effectivement plusieurs défis à relever, et nous avons une suggestion à faire à cet égard. La loi actuelle prévoit un recours agissant comme un contrepoids important, ce qui pourrait être de nature à rassurer les gens qui ne font pas confiance au CRTC ou les personnes, comme nous, qui souhaitent garder cet outil qu'est le recours au gouverneur en conseil...
    Justement, l'an dernier, j'ai proposé un amendement pour que cela s'étende aux ordonnances, mais il a été rejeté.
    Comment pouvons-nous convaincre les libéraux et les conservateurs qui ont rejeté cet amendement l'an dernier d'être plus ouverts quant à cette proposition cette année?
    Il faudrait peut-être regarder le nombre de recours qui ont été admis dans le passé par rapport au nombre de demandes. Très peu de demandes ont été acceptées, mais il y en a eu. Dans certains cas, cela a complètement changé les choses. Je pense au cas célèbre de 2017, où le CRTC n'avait pas cru bon de définir des exigences pour la création et la présentation d'émissions originales en français et d'émissions de musique lors du renouvellement des licences pour les services de télévision des grands groupes de propriété de langue française. À cette occasion, plusieurs de nos membres ont présenté un recours, qui a été admis. Cela a vraiment changé les choses.
    Je pense que c'est le type de processus qui pourrait amener les gens qui ont des inquiétudes à accepter que l'on aille de l'avant. Si le CRTC s'éloigne de sa mission et prend une mauvaise décision qui nuit à des créateurs canadiens, comme semblent le craindre Mme Berkowitz et d'autres personnes qui utilisent YouTube et d'autres plateformes, ces gens pourront faire appel au CRTC. Si la plainte est fondée, on pourra revoir les choses. Je pense donc que cette mesure est de nature à rassurer les gens qui craignent...

  (1405)  

    Cela pourrait donc ramener la confiance envers l'organisme.

[Traduction]

    Merci, madame Guay. Merci, monsieur Champoux.
    La parole est à M. Julian, du Nouveau Parti démocratique, pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je reviens à M. Skolnik, qui n'a pas eu suffisamment de temps pour répondre à la première question concernant les préoccupations quant à la discrimination et le rejet de certains contenus par les plateformes de diffusion en continu.
    J'aimerais aussi ajouter une autre question, monsieur Skolnik, au sujet de l'emploi. Nous avons étudié l'alinéa 3(1)f) qui est proposé et qui, pour l'essentiel, imposerait moins d'obligations aux plateformes étrangères de diffusion en continu qu'aux entreprises canadiennes pour ce qui est de l'emploi au Canada. J'aimerais savoir si cela vous préoccupe également.
    Il semble bien que ce soit le cas. Je ne sais même pas si c'est intentionnel, mais nous sommes très préoccupés par cette possibilité.
    Je vais utiliser l'expression « le plus petit dénominateur commun ». Cela permet aux radiodiffuseurs, par exemple, et dans une certaine mesure à ceux qui produisent, de déterminer le plus petit dénominateur commun. Disons que je suis un producteur et que je suis en concurrence avec quelqu'un qui diffuse une émission sur des plateformes. Si je veux donner un contenu canadien, mais que nous n'avons pas à respecter les mêmes normes définissant ce qui est intrinsèquement canadien et ce qu'il faut faire pour satisfaire aux obligations en matière de contenu canadien ou de participation canadienne, je voudrai forcément être tenu aux mêmes exigences que mes concurrents.
    Nous sommes très préoccupés par le fait que la norme demeure élevée et par la nécessité de soumettre tous ceux qui veulent tirer profit — qui doivent en tirer profit — du contenu canadien et qui sont obligés d'atteindre un certain pourcentage, à la même réglementation afin de n'avoir pas à réduire les obligations de nos producteurs nationaux par souci d'égalité. Nous voulons l'équité et nous devons faire en sorte que tous soient traités de la même façon. C'est très préoccupant.
    L'emploi est un problème. Nous sommes très heureux que les étrangers viennent ici et produisent ici. Ils contribuent beaucoup à la formation de nos gens. Toutefois, cela n'enlève rien au fait qu'il faut être altruistes à cet égard. Nous devons affirmer notre volonté de raconter nos propres histoires et notre intention d'en tirer profit. Ce ne sont pas des choses qui s'excluent l'une l'autre. Nous voulons les deux, nous pouvons avoir les deux et nous avons l'habitude d'obtenir les deux. Regardez les règles d'attribution des prix Juno et songez à ce qu'elles ont permis.
    C'est tout ce que nous demandons: que les activités continuent, qu'elles se poursuivent de la même façon qu'avant et qu'elles demeurent canadiennes.
    Merci.
    Voilà qui met fin à cette série de questions. Je remercie les témoins de leur comparution et de leur souci de répondre avec patience aux questions. C'est un dossier complexe.
    Je remercie les membres du Comité. Nous ferons maintenant une pause-santé d'une demi-heure. Nous nous reverrons à 14 h 30.
    Merci.

  (1405)  


  (1430)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Il convient que je mentionne de nouveau deux ou trois points à garder présents à l'esprit.
    Avant de prendre la parole, je vous prie d'attendre que je vous désigne nommément. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro et ne pas oublier de le mettre en sourdine quand ils n'ont pas la parole. Pour avoir accès à l'interprétation, les participants qui utilisent Zoom peuvent choisir, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence.
     Nous sommes réunis de nouveau pour discuter du projet de loi C‑11.
    Mesdames et messieurs les témoins, je vous rappelle que vous avez chacun cinq minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.
    Je vais d'abord vous nommer, après quoi vous aurez cinq minutes pour votre exposé.
    Nous allons commencer avec l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, représentée par Mme Eve Paré, directrice exécutive, et par Mme Marie‑Julie Desrochers, directrice, Affaires institutionnelles et recherche.
    Sans savoir laquelle de vous deux prendra la parole, je vous invite à faire votre exposé, pour cinq minutes, s'il vous plaît.

  (1435)  

[Français]

    Au nom des membres de l'ADISQ, des entreprises québécoises indépendantes qui se consacrent au développement de la carrière des artistes du milieu musical, je vous remercie de nous permettre de nous exprimer aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑11. Je suis accompagnée de ma collègue Marie‑Julie Desrochers, directrice des Affaires institutionnelles et de la recherche à l'ADISQ.
    Au Canada, 95 % de la production musicale francophone sont le fait d'entreprises indépendantes. Cela est unique au monde, puisque partout ailleurs ce sont les grandes entreprises qui dominent le marché. La Loi sur la radiodiffusion est depuis des décennies un élément clé de ce petit miracle. C'est grâce à elle que notre musique a pu se développer, se structurer, se renouveler et toucher le public au fil des ans.
     À la radio commerciale, dans les marchés francophones du Canada, deux chansons sur trois sont en français. À la radio satellite, notre musique a su se tailler une précieuse place parmi des centaines de canaux anglophones, et ce, malgré les protestations initiales d'entreprises qui prétendaient être incapables de mettre en valeur les musiques d'ici. À la télévision, nos émissions musicales sont diffusées presque chaque semaine sur nos chaînes généralistes privées et publiques.
     Si toutes ces vitrines peuvent compter sur une offre musicale riche et diversifiée pour leur programmation, c'est grâce en bonne partie aux contributions des radiodiffuseurs, pour l'essentiel versées à l'organisme Musicaction et au Fonds RadioStar, qui se consacrent de façon exemplaire au financement de la production et de la commercialisation de la musique en français sous toutes ses formes, ce qui permet à des artistes de démarrer leur carrière, de prendre leur envol, puis de se déployer dans le temps au Canada et à l'international.
    Les effets de ce cercle vertueux sont impressionnants. Selon l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, bon an mal an, 50 % des achats de musique de la population québécoise sont des productions d'artistes locaux. C'est d'abord parce qu'ils y sont exposés que les gens aiment la musique d'ici et la choisissent.
     Je ne vous apprends rien en vous disant que la consommation musicale se transforme. Aux côtés des médias traditionnels, les médias en ligne s'imposent de plus en plus. Un sondage mené par la firme Léger pour l'ADISQ en mars 2022 témoigne de manière éloquente de cette cohabitation. On y apprend que 60 % de la population québécoise cite la radio comme outil de découverte musicale, ce qui en fait le média le plus populaire à cette fin.
    Du même coup, on découvre que 61 % des gens écoutent maintenant de la musique par le truchement de services en ligne. Or, contrairement aux médias traditionnels, ces derniers échappent à toute réglementation, si bien que les effets de la Loi s'étiolent depuis trop longtemps, tant en matière de financement que de mise en valeur. Le résultat concret est alarmant. À l'ADISQ, nous mesurons ce qu'écoute la population québécoise sur les services en ligne audio chaque semaine, grâce à des données fournies par Luminate. À peine 8 % des pistes écoutées sont en français.
    Il est donc urgent d'agir, et le projet de loi C‑11 pourrait enfin tout changer. Pour que ces changements s'accomplissent pleinement, nous proposons une analyse s'appuyant sur deux aspects.
    D'abord, le projet de loi doit mettre fin à l'injustifiable iniquité qui mine notre écosystème en traitant différemment les entreprises traditionnelles et les entreprises en ligne. Il faut faire attention, cependant, car l'équilibre visé ne doit pas mener à un nivellement par le bas. Le soutien des médias traditionnels continue d'être crucial, et celui des entreprises en ligne doit s'y ajouter. Pour ce faire, le projet de loi doit sécuriser le caractère canadien des entreprises traditionnelles, protéger les langues minoritaires, inscrire un objectif fort de recours aux ressources canadiennes et, finalement et par-dessus tout, être technologiquement neutre pour couvrir l'ensemble des services ayant des conséquences pour la souveraineté culturelle canadienne, aujourd'hui comme demain.
    Ensuite, il faut donner au CRTC les ressources humaines, les moyens financiers et les pouvoirs coercitifs nécessaires pour bien remplir la mission renouvelée et ambitieuse qui lui est confiée. Malgré ce que l'on en dit, le CRTC n'a pas trop de pouvoirs. Il doit simplement être outillé adéquatement pour venir contrebalancer celui, démesuré, qu'ont actuellement les entreprises étrangères, dont le seul intérêt est la recherche de profits.
     On entend parfois dire que le milieu culturel défend les intérêts d'une poignée de créateurs et de producteurs, mais ce serait mal comprendre l'attachement des citoyens et des citoyennes à leur culture. Selon le sondage tout juste cité, 70 % de la population québécoise écoutant de la musique en continu aime qu'on lui propose de la musique québécoise en français. Environ 73 % des gens pensent que le gouvernement doit adopter une législation pour obliger les services d'écoute comme Apple Music, Spotify et YouTube à contribuer au financement de ces services. C'est ce qu'on appelle un appui massif.
    Le travail auquel vous allez vous livrer dans les prochaines semaines bénéficiera aux citoyens et citoyennes autant qu'aux créateurs et créatrices. Soutenir la diversité des expressions culturelles, c'est encourager la liberté d'expression, augmenter le choix des consommateurs et travailler à renforcer notre démocratie. Pour que le projet de loi C‑11 tienne ses promesses, nous avons besoin d'un projet de loi fort, qui inclut tous les services actifs dans notre écosystème et qui offrira aux Canadiens et Canadiennes une réglementation agile pour les décennies à venir.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1440)  

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour du porte-parole d'OpenMedia. Monsieur Hatfield, vous avez cinq minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Matt Hatfield et je suis directeur des campagnes chez OpenMedia, un regroupement basiste comptant plus de 200 000 Canadiens qui travaillent ensemble pour un Internet ouvert, accessible et exempt de surveillance.
    Je m'adresse à vous depuis les territoires non cédés des nations Stó:lo, Tsleil-Waututh, Squamish et Musqueam.
     OpenMedia n'est pas peuplé d'universitaires ou d'avocats. Nous sommes un regroupement de citoyens. Je suis ici aujourd'hui pour vous demander de faire en sorte que la loi qui s'appliquera à la diffusion en continu respecte les choix et la liberté d'expression des citoyens ordinaires.
     L'Internet ne fonctionne pas comme la radio-télévision traditionnelle. Je dis cela en sachant très bien que nous sommes réunis pour discuter d'un projet de réforme de la Loi sur la radiodiffusion qui donnerait au CRTC, l'organisme de réglementation de l'ère de la radio-télévision, le pouvoir de traiter le contenu Internet comme s'il s'agissait de radio-télévision. Or, ce sont les idées survivantes de l'ère de la radio-télévision qui ont fait traîner les choses et qui sont à l'origine de la profonde confusion dans laquelle le Comité s'est embourbé en tentant d'éviter que le projet de loi C‑11 et son prédécesseur, le projet de loi C‑10, dépassent largement l'intention du gouvernement.
    La radio-télévision traditionnelle était un système descendant dans lequel les souhaits et les préférences des Canadiens ne pouvaient pas être exprimés directement. Notre seul choix était de regarder ce que les radiodiffuseurs choisissaient de nous offrir sur quelques dizaines de chaînes ou de ne rien regarder du tout. Personne ne nous donnait la possibilité de faire connaître nos idées et entendre notre voix, exception faite de quelques braves stations communautaires locales à rayonnement limité.
    L'Internet est tout à fait différent. Chaque jour, nous faisons des centaines de choix parmi des millions de chaînes et de contenus en ligne. Nous sommes nombreux à passer à l'étape suivante, qui est de propager dans ce système nos paroles, nos blagues et nos sentiments par l'entremise des mêmes plateformes de distribution. Nous ne sommes pas des observateurs passifs devant l'Internet. Nous participons activement à l'élaboration des contenus que nous choisissons. Nous suivons les créateurs qui ont notre préférence et nous utilisons des plateformes comme Patreon ou YouTube pour tirer des revenus de collègues internautes.
    Considérer le système de la radio-télévision et l'Internet moderne comme étant fondamentalement semblables ne serait qu'une blague si les conséquences d'une telle attitude ne risquaient pas d'être si lourdes.
     Nous entendons dire depuis plus d'un an que les projets de loi C‑10 et C‑11 n'ouvriraient jamais la voie à la réglementation du contenu des utilisateurs. L'équipe du ministre Guilbeault a prétendu que le fait d'exclure personnellement les utilisateurs en tant qu'entités juridiques signifiait que leur contenu était à l'abri de la réglementation du CRTC. C'était faux. L'équipe du ministre Rodriguez nous dit que le problème est réglé et que le contenu des utilisateurs est maintenant exclu, mais la semaine dernière, le président du CRTC, Ian Scott, a confirmé que ce n'est pas le cas et que ce contenu demeurerait assujetti au contrôle réglementaire du CRTC en vertu du projet de loi C‑11.
    Vous devez régler ce problème. Nous comprenons que le CRTC croit avoir toujours eu le pouvoir de réglementer le contenu audiovisuel en ligne des utilisateurs. C'est une position théorique qui importe peu aux Canadiens ordinaires. La réalité concrète, c'est que vous êtes en train d'étudier un projet de loi par lequel le CRTC, explicitement, pourra s'approprier et exercer des pouvoirs de réglementation très larges qu'il n'a jamais exercés auparavant sur l'Internet. La mesure de protection minimale que vous devez adopter consiste à faire en sorte que le contenu généré par l'utilisateur soit entièrement, visiblement et définitivement exclu de la réglementation du CRTC.
    Le cœur du problème, c'est le paragraphe 4.1(2) proposé, qui replace la plupart du contenu en ligne des utilisateurs sous la coupe du CRTC. Les trois critères énoncés ne protègent pas vraiment notre contenu. Plus ou moins tout ce qui se trouve en ligne génère des revenus, tout est affecté d'un identificateur unique, et voilà que toutes les grandes plateformes en ligne deviendront des entreprises de diffusion inscrites auprès du CRTC.
    Pour le moment, tout ce que le gouvernement nous promet c'est que le CRTC n'abusera pas de ce pouvoir étendu et étonnant, ainsi qu'un document d'orientation stratégique qu'encore il ne laisse même pas voir aux Canadiens. Ce n'est pas suffisant. Les orientations stratégiques peuvent être modifiées à volonté, ce qui signifie qu'à tout moment un futur gouvernement pourrait émettre de nouvelles directives au CRTC exigeant qu'il réglemente directement nos contenus.
    Nos droits en ligne doivent être garantis par la loi et non dépendre d'une promesse officieuse. Les Canadiens ont besoin que le paragraphe 4.1(2) proposé soit complètement supprimé, ou que des restrictions beaucoup plus précises soient imposées. Vous devez exclure clairement du champ d'application de ce projet de loi tous nos balados, TikTok, chaînes YouTube et communications dans les médias sociaux. Laisser cette dangereuse échappatoire si largement ouverte n'est pas responsable. Cela entrouvre la porte à une future censure massive de ce que les Canadiens pourront exprimer en ligne.
     Tout en respectant le contenu que nous produisons, notre gouvernement doit aussi respecter notre droit de choisir librement le contenu que nous consommons. Nous n'accepterions jamais que le gouvernement établisse des règles dictant quels livres doivent être placés dans la vitrine de nos librairies, mais ce que prévoit la disposition sur la découvrabilité du paragraphe 9.1(1) du projet de loi C‑11 en est exactement l'équivalent. Manipuler nos résultats de recherche et les flux qui nous sont proposés de manière à présenter un contenu que le gouvernement préfère, plutôt qu'un autre, est un exemple de paternalisme grossier qui n'a pas sa place dans une société démocratique. Toute exigence visant à promouvoir sur les plateformes le contenu canadien choisi par le gouvernement devra respecter nos choix et se limiter à proposer des résultats facultatifs ou optionnels et devra ne pas imposer de quotas.
     Les Canadiens veulent savoir si les décideurs que vous êtes vont défendre nos droits fondamentaux. Depuis l'an dernier, les membres de la communauté OpenMedia ont envoyé plus de 53 000 courriels individuels à nos députés et au ministère du Patrimoine canadien au sujet des projets de loi C‑10 et C‑11.
     Bien que notre communauté soit intéressée à ce que des histoires canadiennes continuent d'être racontées au XXIe siècle, elle ne peut accepter que cela ait pour contrepartie un chèque en blanc au CRTC lui permettant d'exercer le pouvoir de réglementer nos productions audiovisuelles, ni admettre que le gouvernement décide de ce que nous devrions regarder et écouter. Nous vous exhortons à corriger, pendant que vous le pouvez, les dispositions du projet de loi C‑11 qui, sur ces deux plans, sont excessives.

  (1445)  

    Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Kirwan Cox, directeur exécutif du Conseil québécois de la production de langue anglaise. Vous avez cinq minutes, monsieur Cox.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous rencontrer et d'exprimer notre appui au projet de loi C‑11, dont nous avons désespérément besoin et qui se fait attendre depuis longtemps. Nous espérons que le Parlement adoptera ce projet de loi dans les plus brefs délais.
    Je m'appelle Kirwan Cox et je suis accompagné de mon collègue Kenneth Hirsch, du Conseil québécois de la production de langue anglaise. Nous représentons les industries du cinéma, de la télévision et des médias de langue anglaise au Québec. Nous avons pour objectif d'accroître la production de films et d'émissions de télévision par la minorité de langue officielle au Québec qui, malheureusement, n'a jamais été à aussi faible. Le CQPLA s'efforce à la fois d'accroître la vitalité de la programmation en anglais au Québec et de soutenir le contenu canadien dans les deux langues officielles partout au pays.
    Aujourd'hui, nous insisterons sur les dispositions du texte qui concernent les minorités de langue officielle. Nous sommes très heureux de voir que les mesures relatives aux minorités de langue officielle retenues par le Comité dans le projet de loi C‑10, et adoptées par la Chambre des communes, ont de nouveau été proposées par le ministre dans le projet de loi C‑11.
     Depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, il y a plus de 50 ans, aucun texte législatif n'a revêtu autant d'importance pour la vitalité, voire la survie, des deux minorités de langue officielle que le projet de loi C‑11, tel qu'il est libellé actuellement.
    Nous espérons que vous adopterez ces mesures qui sont si importantes pour nous, pour nos collègues francophones et pour l'ensemble du secteur culturel canadien.
    Je m'appelle Kenneth Hirsch et je suis coprésident du Conseil québécois de la production de langue anglaise.
     Cela dit, nous sommes préoccupés par la terminologie employée dans le projet de loi C‑11. Nous voulons nous assurer que le libellé de la loi est clair et sans ambiguïté. Les expressions « official language minority communities » en anglais et « communautés de langue officielle en situation minoritaire » en français qui figuraient dans le projet de loi C‑10 ont été remplacées, dans le projet de loi C‑11, par « English and French linguistic minority communities » en anglais et par « minorités francophones et anglophones du Canada » en français.
    Ainsi, la version française du projet de loi C‑11 ne fait pas mention de « communautés », mot qui exprime un concept important pour les organismes qui travaillent pour ces communautés et qui les distingue de la majorité. Afin d'éviter ces problèmes, nous proposons que le projet de loi C‑11 reprenne l'expression employée à l'origine dans le projet de loi C‑10 et qui a notre préférence, à savoir « official language minority communities » en anglais et « communautés de langue officielle en situation minoritaire » en français.
    De plus, le projet de loi C‑11 devrait définir expressément ces minorités comme étant les communautés anglophones au Québec et les communautés francophones à l'extérieur du Québec.
    Nous vous remercions de votre temps et nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Hirsch.
    Nous passons maintenant au prochain groupe de témoins, Randy Kitt et Olivier Carrière, porte-parole d'Unifor.
    La parole est à vous pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole et de faire des observations aujourd'hui.
    Je tiens à reconnaître que je vous parle depuis le territoire non cédé des Haudenosaunee et des Mississaugas de la Première Nation de Credit.
    Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, avec plus de 310 000 membres répartis dans 20 secteurs économiques. Notre syndicat représente plus de 10 000 travailleurs des médias, dont 5 000 dans les industries de la radio-télévision et du cinéma.
    En 2009, Red Deer a perdu sa station de télévision, ce qui en fait la plus grande ville canadienne non voisine d'un centre métropolitain qui est sans station de télévision. Depuis ce moment, l'emploi dans la télévision traditionnelle privée a chuté de plus de 30 %.
    Le Comité a bien compris la situation dans son rapport de 2017, où il faisait ressortir l'importance des nouvelles locales et de leur rôle quant à l'obligation redditionnelle des pouvoirs publics, au renforcement de la démocratie et au développement des collectivités. La collectivité n'a jamais eu autant d'importance. Les médias sociaux ont eu pour effet de nous diviser, de dresser les voisins les uns contre les autres. Nous sommes plus polarisés que jamais, mais la présence d'un média canadien vigoureux peut contribuer au développement du sentiment d'appartenance à la collectivité.
     Je cite le rapport:
Les médias locaux [...] jouent un rôle civique essentiel en fournissant des renseignements fiables, opportuns et impartiaux sur les affaires communautaires. Ils assurent la reddition de comptes des institutions publiques et privées.
Les médias reflètent également la diversité de notre pays. [...] Ils créent des ponts entre les cultures et favorisent l'intégration des nouveaux arrivants.
    Le Comité a aussi dit:
Nous reconnaissons les défis auxquels ils font face et nous croyons que des mesures doivent être prises pour les aider à traverser cette période de bouleversement. Par conséquent, le Comité formule l'énoncé de principe suivant:
De par leur importance en tant que reflet de la diversité canadienne et pilier de notre démocratie, le gouvernement du Canada doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour soutenir l'existence de médias libres et indépendants et du journalisme local.
    Je vous cède la parole, monsieur Carrière.

  (1450)  

[Français]

    Bonjour, madame la présidente.
    Je m'appelle Olivier Carrière, et je suis directeur adjoint à Unifor Québec.
    Je vais continuer sur la lancée de mon collègue M. Randy Kitt.
    Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale a été créé en 2009. À l'époque, le problème était évident. Le CRTC l'avait bien compris, et tout le monde s'entendait pour dire que la solution passait par la mise sur pied d'un fonds pour soutenir l'information locale. En 2014, le CRTC a malheureusement changé son fusil d'épaule. Soudainement, nous n'avions plus besoin d'un fonds pour soutenir l'information étant donné que les revenus publicitaires étaient de retour.
    Or, le CRTC s'est trompé. Après huit ans de déclin, nous constatons aujourd'hui que le contenu proposé correspond de moins en moins aux réalités canadiennes et québécoises et que les médias américains dominent maintenant nos salons, ne prêtant aucune attention à la programmation et aux nouvelles locales.
    Voilà pourquoi nous ne pouvons pas laisser le CRTC prendre ces décisions seul. Nous voulons qu'un amendement soit apporté au projet de loi C‑11.
    Plus précisément, Unifor appuie le projet de loi, mais recommande de modifier le paragraphe 11.1(1) par adjonction d'un alinéa, soit l'alinéa d), qui vise à créer un fonds.
    L'alinéa est ainsi rédigé:

d) élaborer, financer, produire ou promouvoir des émissions de nouvelles et d'information locales, notamment au moyen de contributions versées par des entreprises de distribution à une entreprise de programmation connexe ou par des entreprises de distribution ou des entreprises en ligne à un fonds indépendant. En établissant des règlements pour la distribution de ces contributions, le Conseil tient compte de la présence locale et de la dotation en personnel de l'entreprise de programmation.
    Cela est fondamental. Il faut lier le financement des nouvelles locales à la quantité réelle de ressources locales nécessaires pour produire ces nouvelles. Selon nous, il s'agit de la manière la plus fiable pour s'assurer que les fonds de l'industrie seront dépensés exclusivement dans le but auquel ils sont destinés, c'est-à-dire pour que les Canadiens et les Canadiennes reçoivent des nouvelles locales pertinentes et opportunes sur lesquelles ils peuvent compter. Pour obtenir des nouvelles pertinentes, il faut que des gens nous les rendent disponibles.
    La Loi sur la radiodiffusion a été créée pour défendre les voix canadiennes dans un marché qui ne les soutiendrait pas autrement. C'est encore le cas aujourd'hui. Le projet de loi C‑11 n'est qu'une mise à jour, une modernisation, si l'on préfère. Le modèle des nouvelles locales a été bouleversé, et il mérite maintenant qu'on lui accorde un peu d'attention.
    Monsieur Kitt, je vous laisse continuer.

[Traduction]

    Monsieur Kitt, il vous reste 30 secondes.
    Merci.
    La Loi sur la radiodiffusion et le CRTC ont empêché les radiodiffuseurs étrangers de pénétrer notre marché pendant des décennies, ce qui a permis à notre industrie des médias de bien s'implanter et de soutenir fortement les nouvelles locales. Le Comité a encore une fois bien fait les choses dans son examen de la fusion Rogers-Shaw. Il a alors déclaré qu'il était essentiel que les Canadiens aient accès à des nouvelles locales qui reflètent leur identité et leur réalité. Presque tous les témoignages recueillis dans le cadre de cet examen faisaient valoir que les nouvelles locales étaient essentielles à une démocratie forte.
     Pour récapituler, les nouvelles locales, essentielles au bien public, sont en crise. Nous sommes convaincus qu'un fonds pour les nouvelles locales, administré par le CRTC, qui a déjà fait ses preuves dans ce domaine, peut fonctionner. Le projet de loi C‑11 est simplement une mise à jour nécessaire de la Loi sur la radiodiffusion qui permettra de garantir aux Canadiens l'accès à une programmation locale canadienne, chose qui ne sera pas possible si nous laissons nos médias tomber sous la domination des géants de l'Internet.
    Ne nous laissons pas distraire par l'accessoire. Adoptons le projet de loi C‑11 avec cette modeste modification que nous proposons pour assurer la viabilité future des nouvelles locales. Imaginez un instant ce que serait un monde sans nouvelles, le vide qu'il y aurait. Songez maintenant à ce que vous pourriez faire pour l'empêcher.
    Merci de votre attention.

  (1455)  

    Merci, monsieur Kitt.
    Nous passons maintenant à ce qu'on appelle la période de questions. Au premier tour, les interventions seront de six minutes, questions et réponses comprises. Je le précise pour que vous ne perdiez pas de temps.
    Je donne d'abord la parole à John Nater, du Parti conservateur.
    Monsieur Nater, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie également nos témoins de leur présence aujourd'hui. C'est formidable d'entendre cette diversité d'opinions et de commentaires au sujet du projet de loi C‑11 et d'avoir des suggestions pour la suite des choses.
    Je vais poser ma première question à M. Hatfield, d'OpenMedia, et je vais probablement poursuivre avec d'autres témoins, si j'en ai le temps. Je suis persuadé que la présidente me donnera deux ou trois minutes de plus à la fin pour que je puisse poser des questions supplémentaires.
    Monsieur Hatfield, votre organisation se trouve dans une position intéressante, puisque vous n'êtes ni un groupe du secteur, ni un groupe de parties prenantes. Vous êtes un groupe de citoyens. Je pense souvent que cette perspective — celle du consommateur, du grand public — n'est pas toujours entendue dans ce genre de discussions, en particulier lorsque nous abordons des points techniques comme la Loi sur la radiodiffusion.
    Je veux simplement vous donner l'occasion de nous exprimer votre point de vue. Que dit le grand public? Vous avez dit, je pense, que 53 000 Canadiens ont communiqué avec vous et, par votre entremise, avec des députés. Que disent-ils? Quel message entendez-vous de la part des personnes qui contribuent à vos campagnes?
    Merci beaucoup.
    Le principal message que m'envoient les gens, c'est qu'ils ne sont pas contre le fait d'augmenter le financement destiné à la création de contenu culturel canadien, mais ils ne veulent pas que ce soit au détriment de leurs choix personnels ni que leur propre contenu potentiel soit réglementé d'une manière ou d'une autre par le CRTC.
    Les idées ne manquent pas sur la façon de mettre en place un système équitable, mais je pense que ce qui rend le débat sur le projet de loi C‑11 si difficile, c'est en partie parce que nous ne savons pas grand-chose des intentions du gouvernement ou du CRTC à cet égard. Nous aurions grandement préféré qu'il y ait des directives plus claires concernant la refonte du système de contenu canadien prévue à ce projet de loi.
    Nous reconnaissons que cela peut se faire en partie au moyen de la loi, mais nous n'avons aucune idée de la façon dont les définitions de ce qui est un contenu canadien, qui datent des années 1980, seront mises à jour; nous ne savons pas non plus qui sera visé par la loi et qui ne le sera pas. Selon nous, ce système doit être équitable et accessible à tous les créateurs de contenu destiné à n'importe quelle plateforme sur Internet, autant aux créateurs en ligne qu'aux médias traditionnels.
    Nous avons des réserves à l'égard du projet de loi dans sa forme actuelle, car il semble y avoir une intervention maximaliste consistant à conférer tous les pouvoirs au CRTC, et très peu de précision sur la façon dont il les utilisera. C'est pourquoi j'ai vraiment insisté dans mes commentaires aujourd'hui sur ce qui me semble l'élément le plus important qui reste à régler afin de protéger l'expérience des utilisateurs ordinaires d'Internet, soit l'exclusion totale de leur contenu, sans toucher à leurs flux de données.
    Je vous remercie pour cette information. Je voulais changer de sujet, mais vos commentaires sur le contenu et ce qui en fait partie ou non m'emmènent dans une autre direction.
    Certains groupes du secteur m'ont fait part de leur préoccupation en privé, à savoir que personne n'a encore vu la directive que le ministre transmettra au CRTC. Personne ne sait clairement ce qui sera considéré comme canadien ou non canadien en vertu des règles sur le contenu canadien, quel contenu sera intégré au concept de la découvrabilité et comment le CRTC fera la promotion de la découvrabilité.
    Je vous pose donc les questions suivantes. Quelles précisions souhaiteriez-vous avoir? Quelles précisions les Canadiens souhaiteraient‑il avoir, selon vous, en ce qui concerne, premièrement, ce qui serait considéré comme du contenu canadien et qui ne le serait pas, et deuxièmement, comment cela serait intégré dans le système de découvrabilité sur ce que nous considérons comme des plateformes de diffusion en continu, par exemple Netflix, Disney+, Crave et Amazon, et sur les YouTube et les TikTok du monde, qui n'ont pas de contenu commercial, mais surtout du contenu généré par les utilisateurs? Comment envisagez-vous cela? Quelle clarté souhaiteriez-vous voir en ce qui concerne les directives du gouvernement?

  (1500)  

    Je ne vais pas essayer de définir l'avenir du contenu canadien sur‑le‑champ, parce que je crois que cela doit se faire dans le cadre d'un processus public, avec beaucoup d'échanges entre les gens concernés.
    Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on semble vouloir mettre ce système en œuvre à toute vapeur, sans prendre en considération le sérieux de cet exercice; nous craignons que, dès le premier jour de sa mise en œuvre du système, si jamais il l'est, son but ne soit pas de soutenir le contenu canadien ou la vaste gamme d'identités que nous avons maintenant au Canada, mais d'intégrer de force, par défaut, dans les flux de données des utilisateurs du contenu provenant des médias traditionnels, comme Bell et Radio‑Canada/CBC. Il s'agit parfois d'un excellent contenu, mais les gens veulent beaucoup plus que cela d'Internet. Bien entendu, ils voudront s'assurer que toutes les œuvres des grands créateurs canadiens qui les intéressent soient sur Internet. Actuellement, le système est totalement incapable de les soutenir.
    Nous aimerions que le système de points soit rétabli et qu'il soit accessible à toute personne qui crée du contenu culturel canadien. Nous aimerions également que le projet de loi n'impose pas aux Canadiens des obligations réglementaires en matière de diffusion d'une manière tout à fait incompatible avec les objectifs du projet de loi.
    Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais serait‑il correct de dire que le gouvernement devrait présenter sa directive politique sans tarder afin que les Canadiens aient au moins une certitude quant à la façon dont ce projet de loi sera mis en oeuvre?
    Tout à fait. Je ne sais pas s'il appartient au Comité de prendre cette décision, mais nous aimerions certainement que cette directive soit diffusée le plus tôt possible.
    Cela ne relève pas du Comité, mais certains d'entre nous ici ont des opinions bien arrêtées à cet égard.
    J'aimerais m'adresser très brièvement à M. Hirsch et M. Cox.
    Vous avez parlé de modifier la définition des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pouvez-vous nous dire, en 34 secondes ou moins, quelle incidence ce changement aurait concrètement sur le terrain, au sein des communautés de langue officielle au Québec et partout au Canada?
    L'objectif est surtout de soutenir nos collègues francophones hors Québec, parce que dans la version anglaise de la définition, on peut lire: « English and French linguistic minority communities », tandis que dans la version française, il est seulement dit « minorités francophones et anglophones du Canada ».

[Français]

« minorités francophones et anglophones du Canada ».

[Traduction]

    Ces collègues sont convaincus, et nous les appuyons, qu'il serait logique d'y insérer le mot « communauté » pour les distinguer de l'ensemble... parce que l'expression « minorité francophone » pourrait être interprétée comme étant le Québec.
    Je vous remercie, monsieur Hirsch. Vous pourrez approfondir le sujet à un autre moment.
    Passons maintenant aux libéraux. Monsieur Anthony Housefather, vous avez six minutes à votre disposition. Allez‑y, je vous prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais donner à M. Hirsch la chance d'approfondir le sujet dès maintenant.

[Français]

    Je remercie beaucoup tous les témoins. C'est un grand plaisir de les voir ici.

[Traduction]

    Monsieur Hirsch, je vais revenir à vous parce que la dernière fois, dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑10, nous avons travaillé très fort pour apporter de nombreux amendements au projet de loi afin de soutenir les communautés des deux langues officielles du Canada ainsi que la majorité francophone du Québec. Nous avons travaillé en collaboration avec toutes les organisations concernées pour nous assurer que nos libellés et nos définitions étaient corrects.

[Français]

    Je ne sais pas si mon collègue M. Champoux s'en souvient, mais nous avons travaillé ensemble pour trouver des définitions en français et en anglais qui avaient le même sens dans les deux langues. Je constate que nous avons un problème, car nous disons quelque chose en anglais et nous ne disons pas exactement la même chose en français. Le Comité a assurément le devoir d'essayer de trouver la bonne définition dans les deux langues.

[Traduction]

    Monsieur Hirsch, pouvez-vous seulement nous dire quelles organisations, à part le Conseil québécois de la production de langue anglaise, sont en faveur du rétablissement du libellé que nous avons utilisé dans le projet de loi C‑10: « communautés de langue officielle en situation minoritaire »?
    Ce sont l'Alliance des producteurs francophones du Canada, notre homologue de langue française, la Fédération culturelle canadienne-française, une organisation culturelle plus générale représentant les minorités francophones hors Québec, le Quebec Community Groups Network à l'intérieur du Québec, l'English Language Arts Network au Québec ainsi que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles que vous avez entendue aujourd'hui. Si vous regardez leur énoncé de position, vous constaterez qu'elles ont également soulevé cette question.
    Pour moi, c'est une indication que l'amendement ferait l'objet d'un vaste consensus de la part de toutes ces organisations, autant francophones qu'anglophones, à la grandeur du pays. J'en prends bonne note et je vous remercie.
    Comme je suis issu de la minorité anglophone du Québec, je veux également vous donner l'occasion d'expliquer au Comité comment le projet de loi C‑11 contribuera à l'épanouissement de la communauté artistique anglophone du Québec. De plus, les organisations francophones de l'extérieur du Québec ne sont pas présentes aujourd'hui...

  (1505)  

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Il n'y a plus d'interprétation.

[Traduction]

    Madame la greffière, pouvons-nous arrêter le chronomètre, je vous prie?

[Français]

    Le problème semble réglé.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Il y a un problème avec le microphone de M. Housefather qui est mal placé. Le son est très inégal.

[Français]

    Madame la présidente, l'interprète signale que c'est la qualité du son qui pose un problème. Est-il possible de vérifier cela auprès de mon collègue M. Housefather?
    D'accord.

[Traduction]

    Les techniciens peuvent-ils vérifier cela?
    Madame la présidente, voulez-vous que nous suspendions la séance?
    D'accord, nous allons faire une pause.

  (1505)  


  (1505)  

    Nous allons remettre le chronomètre en marche. Je vous remercie.
    Monsieur Housefather, poursuivez.

  (1510)  

    Merci, madame la présidente.
    Mes excuses à tous. C'est la première fois que le casque d'écoute ne fonctionne pas.
    Je demandais simplement à M. Hirsch et à M. Cox de nous parler des défis auxquels sont confrontées les communautés de langue officielle en situation minoritaire du pays et de nous dire si l'adoption du projet de loi C‑11 pourrait les atténuer.
    Bien sûr. Merci beaucoup, monsieur Housefather pour tout le travail que vous avez accompli sur ce projet de loi et sa version antérieure.
    Je vais commencer et je céderai ensuite le micro à M. Cox.
    La statistique la plus frappante, c'est qu'au tournant du siècle — donc vers l'an 2000 —, près de 20 % de la production anglophone du pays se faisait ici au Québec. Ce pourcentage a chuté à moins de 6 %. Auparavant, le Québec représentait plus du quart de la production anglophone et il ne représente plus maintenant à peine un vingtième de la production. Il faut inverser cette tendance. Il est impossible de maintenir la vitalité d'une communauté lorsqu'elle est pour ainsi dire en chute libre.
    La réponse à votre question est double. Le projet de loi C‑11 va grandement contribuer à sauver les entreprises de production de contenu canadien de tout le pays; de plus, les six ou sept sauvegardes que nous avons réussi à intégrer au projet de loi pour les minorités de langue officielle en situation minoritaire au Québec et celles hors Québec, garantiraient à nos communautés et à leurs cousines, c'est‑à‑dire les francophones hors Québec, qu'elles pourront raconter leurs propres histoires dans leur propre langue dans un avenir prévisible. Je pense que c'est là un pas nécessaire et essentiel qui assurera la vitalité de nos communautés.
    Monsieur Cox, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ajouterais seulement que le projet de loi C‑11, tout comme son prédécesseur, le projet de loi C‑10, apporte un soutien considérable à la production d'émissions dans la langue officielle de la minorité. Il oblige le CRTC à porter une attention particulière à ces communautés et à nous consulter sur le genre d'émissions que nous devrions produire. Il s'agit là d'un pas de géant qui nous aide grandement dans notre tentative d'inverser le déclin que nous constatons actuellement.
    C'est à peu près tout.
    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je vais revenir à Mmes Paré et Desrochers au cours du prochain tour de questions.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour du Bloc Québécois. Monsieur Champoux, vous avez six minutes, je vous en prie.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    C’est mon tour de remercier les témoins, qui ont eu la générosité de nous consacrer de leur temps. Nous leur en sommes très reconnaissants.
    Mesdames Desrochers et Paré, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    La place qu'occupent les créateurs sur les plateformes numériques est l'un des sujets qui reviennent de façon très régulière dans les discussions sur le projet de loi C‑11. C'était aussi le cas dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑10, l'an dernier. Il s'agit évidemment d'un dossier que vous suivez de très près.
    Des amendements ont été proposés en lien avec les plateformes comme YouTube et TikTok, notamment en ce qui concerne l'article 4.2. Il s'agit d'un élément qui retient beaucoup l'attention et qui suscite bien des discussions.
    Que pensez-vous de l'article en question et des amendements proposés?
    Cela vous préoccupe-t-il?
    J'aimerais avoir vos commentaires à cet égard.
    Je vous remercie beaucoup de la question, monsieur Champoux.
    À notre avis, on se trompe de tribune en voulant aller trop loin trop rapidement à propos de ce qui sera ou ne sera pas réglementé.
    Nous aurions préféré que le projet de loi soit le plus souple et le plus large possible afin de donner au CRTC tous les outils nécessaires pour recueillir des données et prendre des décisions éclairées quant à ce qui se passe réellement, quant à ce que font réellement les services de diffusion.
    Le projet de loi actuel sert à apaiser les craintes. Il impose des balises raisonnables, qui représentent un compromis acceptable. Nous espérons que ces balises vont vraiment servir à apaiser les craintes qui ont été soulevées.
    Selon nous, il est essentiel de ne pas aller plus loin sur le plan des resserrements qui figurent dans le projet de loi. Nous craignons que cela rende la loi obsolète et qu'une iniquité soit inscrite au cœur du projet de loi. Cela serait vraiment paradoxal, car l'objectif initial du projet de loi est d'enfin rétablir l'équité.
    On dit que l'on va rétablir l'équité entre les services traditionnels et les services en ligne. Cependant, si l'on exclut une partie des services en ligne, des entreprises vont tenter de se prévaloir de cette exception, et cela fera en sorte de réinscrire une nouvelle iniquité. Nous allons ainsi perdre le sens de tout le travail que nous faisons tous ensemble.

  (1515)  

    L'ADISQ a l'habitude de faire des représentations devant le CRTC, notamment dans le cadre des renouvellements de licences des médias traditionnels. Votre confiance dans le système vient-elle de votre expérience?
    Les craintes relatives à ces nouveaux joueurs sont-elles justement dues au fait qu'ils n'ont jamais vraiment eu à défendre leur point de vue devant le CRTC et qu'ils ne connaissent pas la logique qui peut ressortir de ces audiences?
    Pensez-vous que la méconnaissance du système peut expliquer cela?
    Je ne veux pas présumer de la méconnaissance de ces gens.
    De toute façon, il y a tout un amalgame de plusieurs éléments à considérer. Depuis plusieurs années, je rédige des mémoires destinés au CRTC afin de défendre l'industrie de la musique québécoise et, particulièrement, la musique francophone. Ce que cette expérience m'enseigne, c'est que le CRTC est très prudent dans sa façon de rendre des décisions, lesquelles reposent toujours sur des données et des faits. C'est ce qui éclaire sa façon de réglementer l'industrie.
    Je n'ai jamais vu le CRTC imposer des règles qui étaient complètement déphasées par rapport à la réalité et aux habitudes des consommateurs. On bâtit le système à partir des comportements des consommateurs.
    Aujourd'hui, seulement 8 % de notre musique est écoutée en continu, ce qui est famélique, marginal et catastrophique pour nous. Nous savons très bien que le CRTC ne dira pas du jour au lendemain que ce pourcentage doit augmenter à 65 %. Le CRTC va regarder ce qui se fait avant de prendre des décisions.
    Les plateformes ont le pouvoir de faire démarrer des carrières, tout comme la radio et la télévision. Elles sont capables d'accompagner des artistes, de leur donner un élan, de les aider à prendre un essor et de permettre au public de les découvrir. Nous l'avons toujours vu au Québec. Pour les plateformes, c'est la même chose. Elles connaissent bien leurs outils et elles savent ce qui fonctionne. Quand elles seront devant le CRTC, elles pourront expliquer quels sont les meilleurs outils et quelles sont les meilleures façons de faire. Nous pourrons travailler tous ensemble pour découvrir quelles sont les meilleures façons de réglementer les pratiques.
    À ce stade-ci, il est important de garder de la souplesse dans le projet de loi. Il faut que le projet de loi soit technologiquement neutre, parce que nous allons vivre avec la nouvelle loi pendant plusieurs années, voire des décennies. Nous ne sommes pas encore capables de prévoir ce qui arrivera dans l'avenir.
    TikTok a fait son apparition après que le projet de loi C‑10 est mort au Feuilleton et avant l'étude du projet de loi C‑11. L'espace qu'occupe TikTok, par exemple, s'est complètement transformé en quelques mois.
    Où en serons-nous dans 10 ans? On ne le sait pas encore. C'est la raison pour laquelle il faut que le projet de loi soit le plus technologiquement neutre possible.
    Madame Desrochers, nous avons parlé récemment de ce qui s'est passé en France en lien avec la réglementation des plateformes. Les arguments utilisés ressemblent à une campagne alarmiste. C'est peut-être moi qui mets des mots dans votre bouche, c'est peut-être une opinion, mais j'ai l'impression que c'est de cela qu'il s'agit: faire peur aux créateurs. On utilise, par exemple, des expressions comme « atteinte à la liberté d'expression ». Vous voyez ce que je veux dire.
    Avez-vous l'impression que les grandes plateformes prennent les créateurs de contenu au piège en leur faisant peur au sujet de la réglementation?
    Encore une fois, je ne voudrais pas parler en leur nom, mais il est certain que les plateformes utilisent régulièrement des arguments alarmistes, comme la censure, la liberté d'expression ou la réduction des choix du consommateur.
    Ces arguments ont été invoqués en Europe et au Royaume-Uni. Nous avons parlé avec des représentants de groupes et de coalitions qui défendent les intérêts des créateurs dans ces pays. Ils nous ont confirmé avoir joué exactement dans le même film que celui que nous vivons en ce moment et avoir entendu les mêmes arguments et les mêmes menaces. On leur disait, par exemple, que la nouvelle réglementation allait briser Internet et que les législateurs ne comprenaient pas ce qu'ils s'apprêtaient à réglementer.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Peter Julian du NPD pour six minutes.
    Allez‑y, monsieur Julian.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Mesdames Paré et Desrochers, vous venez de dire que les plateformes avaient le pouvoir de faire démarrer des carrières. Si les plateformes ont ce pouvoir et si elles ne sont soumises à aucun cadre réglementaire, leur faites-vous confiance pour prendre des décisions permettant de faire démarrer des carrières?
    En parallèle, si ce projet de loi n'était pas devant nous et que nous n'avions rien à étudier en ce moment, quel serait selon vous l'avenir de l'ADISQ et de l'industrie québécoise?
    Certains artistes auraient-ils de la difficulté à percer et à faire valoir leur talent?

  (1520)  

    Je vous remercie de la question.
    En l'absence d'un cadre réglementaire, je ne pense pas que les plateformes vont utiliser leur pouvoir pour faire démarrer les carrières d'artistes québécois ou canadiens qui s'expriment en français. Je ne pense pas me tromper en affirmant cela pour la simple raison que, depuis le début des discussions entourant le projet de loi, on a vécu des rapprochements exceptionnels et extraordinaires avec ces plateformes.
    Ces plateformes sont présentes dans notre marché depuis 2014, sinon avant. Or, jusqu'au mois d'octobre dernier, les plateformes refusaient de rendre publiques des données sur la consommation au Québec. Je ne pense pas que c'était nécessairement de la mauvaise foi. C'était tout simplement une mauvaise compréhension du fait qu'il existe deux marchés au Canada, dont l'un est un marché linguistique francophone. Si nous ne pouvons pas obtenir des détails sur notre marché, nous ne pouvons pas comprendre comment la musique se consomme. Les consommateurs au Québec ne se comportent pas du tout de la même façon qu'au Canada. C'est ce que les données auxquelles nous avons maintenant accès nous montrent.
    Un seul service de diffusion accepte de partager ces données en ce moment. Je pense sincèrement que ce projet de loi a permis à certaines plateformes de se rendre compte de l'existence de notre marché, soit le marché du Québec et le marché francophone canadien. C'est déjà un très grand pas. J'espère que ce n'est qu'un début et que nous allons continuer de travailler ensemble pour utiliser, au profit de nos artistes, ce pouvoir de faire démarrer des carrières. Il est évident qu'il nous faut un cadre réglementaire.
    Vous m'avez demandé si les artistes auraient des difficultés sans le projet de loi. Quand on allume la radio au Québec, deux chansons sur trois sont en français, et c'est ce qui a toujours permis aux gens de choisir notre musique par la suite. Au magasin, ils la choisissent. Quand ils vont acheter des billets de spectacle, ils la choisissent.
    Pour ce qui est du service de musique en continu, par contre, à peine 8 % de la musique est en français et à peine 5 % de la musique est québécoise en français. Les artistes dont les pistes sont les plus écoutées sont déjà ceux dont la musique est diffusée à la radio. C'est donc dire qu'en ce moment, ce qui stimule la découverte de nos artistes, ce sont encore les médias traditionnels, qui sont assujettis à certaines règles.
     Sans règles, dans un univers où le libre marché domine, nous allons assister à une uniformisation. Nous allons tous écouter la même chose, et ce ne sera pas notre musique.
    Je vous remercie, madame Desrochers.
    Monsieur Carrière, vous nous avez parlé de la question des nouvelles locales, et j'ai bien compris l'amendement que vous proposez. Nous allons bientôt étudier le projet de loi C‑18.
    Dois-je comprendre que ce que vous proposez s'ajoute à ce qui est compris dans le projet de loi C‑18?

[Traduction]

     Non, nous ne voulons pas mélanger les deux. Il s'agit de la radiodiffusion. Je sais que le projet de loi C‑18 ne fait pas de distinction entre les plateformes, ce qui est très bien, mais cela ne concerne pas Facebook et Google. Il s’agit de Netflix et d’Amazon. Le CRTC et les gouvernements qui se sont succédé ont permis aux radiodiffuseurs et diffuseurs en continu étrangers de venir au Canada. Cela a complètement changé le modèle d’affaires, et les recettes publicitaires sont en baisse.
    Nous avons besoin d’un fonds distinct dans ce projet de loi pour les radiodiffuseurs. J’imagine qu’un jour, les projets de loi C‑18, C‑11 et les crédits d’impôt pour le journalisme pourraient tous se combiner en un très bon fonds. À l’heure actuelle, ces éléments sont toujours séparés, et l’argent de Facebook et de Google ne remplace pas ce que le FAPL a fait pour les émissions de nouvelles, de 2009 à 2014, et que le CRTC a supprimé. Il faut remplacer cela.
    Les radiodiffuseurs, comme Netflix et Amazon — Amazon est une EDR — doivent contribuer aux nouvelles locales canadiennes. C’est en train de disparaître. Si nous n'agissons pas maintenant et que nous ne nous assurons pas, dans le projet de loi C‑11, que le CRTC créera un fonds, je crains que la situation ne s’aggrave.

  (1525)  

    Merci beaucoup.
    Il vous reste 44 secondes.
    Merci, madame la présidente.
    J’aimerais revenir à vous, monsieur Kit.
    Nous avons entendu plus tôt aujourd’hui des témoignages au sujet de la discrimination ou de l’exclusion d’OUTtv. Cette chaîne a simplement été exclue de certaines plateformes de diffusion en continu, et on s’inquiète du pouvoir qu’ont ces plateformes. Nous avons également entendu le témoignage de M. Payette selon lequel les géants du Web choisissent les gagnants et les perdants.
    Vous avez également soulevé la question des nouvelles locales. Vous inquiétez-vous de ce qui se passerait si ce projet de loi n’était pas adopté? Cela perpétuerait certaines des préoccupations qui ont été soulevées ce matin.
    Absolument. J’ai dit en 1999 que cela devait se faire. Lorsque j’étais président local en 2009, nous avons envoyé un mémoire au CRTC disant qu’il fallait absolument réglementer Internet. La radiodiffusion sur Internet, c’est de la radiodiffusion, et elle doit être réglementée.
    Nous avons plaidé en faveur d’un seuil de revenu qui, je crois, répondrait à toutes les préoccupations de M. Hatfield, par exemple. Disons que ce soit 10 millions de dollars. Si vous publiez des vidéos de chats sur YouTube ou TikTok et que vous gagnez 10 millions de dollars, nous devrions avoir quelques chats canadiens. C’est tout ce que je dis.
    Monsieur Kitt, sur cette note humoristique, j’aimerais passer à autre chose.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour de questions. Vous avez cinq minutes chacun. Encore une fois, vous avez cinq minutes pour les questions et les réponses.
    Nous allons commencer par Mme Thomas, du Parti conservateur.
    Madame Thomas, il faut avoir un casque d’écoute de la Chambre des communes. En avez-vous un sous la main?
    Je crains que nous ne puissions pas vous entendre, madame Thomas.
    Madame la présidente, si vous me permettez, nous pourrions peut-être passer à M. Uppal pour ce tour et revenir à Mme Thomas plus tard.
    Merci, monsieur Nater.
    Monsieur Uppal, vous avez cinq minutes.
    Très bien. Je suis heureux d’intervenir. Merci.
     Je vais donner la parole à M. Hatfield, d’OpenMedia. Lorsque le projet de loi C‑11 a été publié, voici le message que vous avez publié sur votre site Web:
Traiter Internet comme la télévision par câble était une mauvaise idée l’an dernier, et c’est une mauvaise idée maintenant... La Loi sur la diffusion continue en ligne donne encore au CRTC le pouvoir d’utiliser des idées tout à fait dépassées des années 1980 sur ce qu’est le contenu « canadien », de contrôler ce qui est diffusé sur nos plateformes en ligne et ce qui ne l’est pas.
    L’ancien vice-président du CRTC nous a également dit aujourd’hui qu’il lui faudrait jusqu’à cinq ans pour réunir l’expertise et les outils dont il a besoin pour réglementer ce qu’on lui demande de faire dans le projet de loi C‑11.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les règles conçues pour les anciens systèmes de télévision ne sont pas compatibles avec le paysage numérique d’aujourd’hui?
     Je pense que cela rejoint, d’une certaine façon, ce que nous disent les autres témoins ici présents. Nous entendons beaucoup parler des revenus et de la difficulté de faire partie de l’industrie. Je ne pense pas que nous réfléchissions suffisamment à ce que c’est que d’être un utilisateur canadien d’Internet et à ce que les gens attendent de leurs services. Les gens veulent-ils qu’un quota soit imposé sur le contenu qu'ils reçoivent afin que, lorsqu'ils cherchent des chats, ils doivent voir apparaître 30 % de chats canadiens? Je ne pense pas que ce soit ce qu'ils veulent.
    Je pense que les gens ont intérêt à s’assurer que la culture canadienne bénéficie d'un certain soutien, mais qu'ils ne veulent pas qu’elle leur soit imposée. Ils ne veulent pas qu'on l'intègre de force dans tous leurs résultats de recherche. Ils ne veulent pas qu'elle s'immisce dans tous leurs flux. La réalité, c’est que la majorité des utilisations que les gens font d’Internet aujourd’hui dépassent les frontières du pays. Elles ne sont pas centrées sur des préoccupations exclusivement canadiennes. Elles permettent d'établir des liens avec toute une communauté mondiale sur toutes sortes de sujets différents.
    Je ne sais pas si nous parlons de la même chose ou si nous sommes sur la même longueur d'onde, mais je pense que les Canadiens veulent en fin de compte quelque chose qui élargit leur choix, et non qui limite leur choix. Les dispositions très sévères du projet de loi C-10 et, dans une certaine mesure, du projet de loi C-11 sont toujours là et visent à limiter les choix des gens. Elles cherchent à manipuler les options qui s’offrent aux gens.
    Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous n’envisagerions jamais une situation où le gouvernement canadien irait dire aux librairies canadiennes: « Nous avons réfléchi à ce dont les Canadiens ont besoin, et voici le genre de titres que nous voulons que vous mettiez dans votre vitrine. » Cependant, en raison des exigences relatives à la découvrabilité que nous avons dans ce projet de loi, il semble que ce soit ce que nous faisons. C’est inapproprié. C’est aller trop loin. Si nous appuyons le contenu canadien, il faut que ce soit fait de façon respectueuse et adaptée à ce que les Canadiens veulent.

  (1530)  

    Merci.
    Une bonne partie des discussions entourant le projet de loi C‑11 ont porté sur la découvrabilité du contenu canadien dans la nouvelle ère des services de diffusion en continu. Même si nous n’avons pas encore entendu de définition claire sur la découvrabilité, à votre avis, le contenu canadien est‑il actuellement repérable pour les Canadiens?
    Je suppose que cela dépend de la nature de votre flux et de ce que vous cherchez.
    Les gens ont fait des expériences pour trouver des artistes canadiens sur les grands sites de diffusion en continu, et ils ont tendance à être très faciles à trouver. Je pense que ce que beaucoup de gens de l’industrie demandent, c’est qu’il soit plus facile de trouver des chaînes qui mettent en valeur le contenu canadien. Nous ne nous opposons pas à un flux qui met l’accent sur le contenu canadien si c’est facultatif, si c’est quelque chose auquel les utilisateurs canadiens peuvent choisir de participer. Si je cherche de la musique d’ailleurs dans le monde ou du contenu culturel d’ailleurs dans le monde, je ne veux pas que ce me soit imposé et que ce soit un élément obligatoire de l’algorithme de recherche sur les plateformes. C’est ce que nous demandons ici.
    J’ai posé la même question aux témoins précédents. Nous parlons beaucoup de la culture et de la diversité canadiennes et nous essayons d’utiliser le projet de loi C‑11 pour les protéger, mais j’ai entendu — je vais les appeler ainsi — des médias d’information et culturels de troisième langue ou ethniques, des créateurs de médias sociaux, qui disent craindre que le projet de loi C‑11 puisse les exclure parce qu’une grande partie de leur contenu s'associe à un contenu international. C’est local, mais c'est produit à l’échelle internationale.
    Pensez-vous que le CRTC peut réglementer cela de façon appropriée pour que les Canadiens continuent de voir les autres pays et d’établir des liens avec eux? Je sais que c’est important pour moi. Il est important que mes enfants puissent tisser des liens avec la culture punjabi et la religion sikhe. Nous utilisons beaucoup de contenu en ligne à cette fin.
    Oui, je pense que nous avons de très sérieuses préoccupations quant à la façon dont cela va se faire. Je pense que nous devons examiner non seulement ce qui arrivera aux créateurs canadiens en vertu de ce projet de loi, mais aussi ce qui arrivera à leurs auditoires non canadiens. Si la France adoptait un projet de loi semblable à celui‑ci, ce serait dévastateur pour les créateurs canadiens-français.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à Michael Coteau, du Parti libéral, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à tous nos témoins d’aujourd’hui.
    J’ai une question à poser à Mme Paré, mais je tiens d’abord à dire qu’en écoutant la conversation en tant que personne qui a grandi dans les années 1970, 1980 et 1990 et qui a bénéficié de beaucoup de contenu canadien à la radio, à la télévision par câble, et à la télévision publique, je pense que cela a fait de moi une meilleure personne...

[Français]

     Madame la présidente, je veux faire un autre rappel au Règlement. Je suis désolé d'interrompre mon collègue M. Coteau.

[Traduction]

    M. Champoux, vous n’entendez pas?

[Français]

    Encore une fois, la qualité du son n'est pas suffisante pour que les interprètes puissent faire leur travail. Je suis désolé.

[Traduction]

     Voulez-vous que je me débranche et que j’essaie de...? Je n’ai rien changé.
    Je vais faire une pause, monsieur Coteau. Nous pourrions peut-être demander à la greffière de s’informer auprès des techniciens.
    Nous allons suspendre la séance, s’il vous plaît. Merci.

  (1530)  


  (1535)  

    Merci.
    Anthony Housefather, pouvez-vous remplacer M. Coteau, pendant que nous réglons le problème?
    Bien sûr, madame la présidente. Les casques d’écoute semblent poser beaucoup de problèmes, aujourd'hui
    Oui, nous avons beaucoup de difficultés.
    Excusez-moi, mais avant de démarrer mon chronomètre pour que vous puissiez commencer, je tiens à dire qu’une des choses que tout le monde est censé faire, c’est utiliser l’ordinateur et le casque d’écoute fournis par la Chambre des communes. C’est sans doute préférable pour éviter des arrêts constants. Le problème, ce n’est pas seulement que nous perdons du temps et que je dois redémarrer le chronomètre, mais que nous perdons aussi du temps sur la grosse horloge. Nous devons terminer à 16 h 30. Nous devons nous rappeler que tous ces petits pépins ne sont pas insignifiants. Ils sont justes...
    À titre d’information, madame la présidente, tout ce que j’utilise ici est fourni par le gouvernement.
    Je sais, mais je pense que l’ordinateur de la Chambre des communes est très différent et fonctionne différemment avec le casque d’écoute de la Chambre des communes. C’est tout ce que je dis.
    Veuillez commencer, monsieur Housefather.
    Merci, madame la présidente.
    J’utilise aussi un ordinateur de la Chambre des communes et un casque d’écoute de la Chambre des communes, et c'était déjà le cas avant. Je crois que c'est ce que fait également M. Coteau. Quoi qu’il en soit, je vous remercie de vos commentaires.

[Français]

     J'aimerais d'abord m'adresser à Mme Paré et Mme Desrochers.
    Pourriez-vous nous dire comment la culture francophone serait mieux protégée par l'adoption du projet de loi C‑11?
    Comment la Loi sur la radiodiffusion protège-t-elle la culture francophone partout au Canada, y compris au Québec?
    Oui, tout à fait.
    La Loi sur la radiodiffusion, comme nous l'avons dit dans notre présentation, est responsable du petit miracle auquel on assiste au Québec. Au Québec, la moitié de la musique qui est achetée par les consommateurs est francophone. Nous avons de la musique québécoise et francophone à la radio, à la radio satellite, sur Stingray, à la télévision, etc. On peut donc dire que notre paysage sonore, ou ce qu'on peut appeler la trame sonore de nos vies, finalement, est dans notre langue. Elle a tous les accents de chez nous, dans toute leur diversité.
    Alors, étendre l'application de la Loi sur la radiodiffusion aux services en ligne, c'est tout simplement une question de continuité. Il n'est pas question de toucher à la demande, à ce que les gens consomment. On n'a jamais forcé les gens à acheter des disques dans les magasins. Ce n'est pas du tout cela. On ne veut pas empêcher les gens d'aller écouter ce qu'ils veulent écouter. S'ils veulent écouter des choses qui viennent d'autres pays, c'est parfait. Il faut seulement s'assurer que, parmi les contenus proposés, mis en valeur ou recommandés par les plateformes, il y a du contenu local. D'ailleurs, je pense qu'on peut voir cela comme une occasion extraordinaire. La personnalisation de contenu et les algorithmes ne permettraient-ils pas à plus de contenus locaux d'être découverts par les bonnes personnes? Je suis certaine que les plateformes seraient capables de nous faire des appariements extraordinaires et de permettre à des gens qui aiment le métal québécois, par exemple, de le découvrir.
     On a souvent reproché aux radios commerciales, par exemple, d'être un peu restrictives dans ce qu'elles proposent de l'offre québécoise. L'année dernière, 900 disques ont été lancés au Québec. Chaque semaine, de 15 à 30 vidéoclips d'artistes d'ici sont diffusés sur la plateforme PalmarèsADISQ. Je suis certaine qu'ils ont tous un public qui pourrait aimer les découvrir. Tout ce que nous demandons, c'est qu'un effort soit fait pour que les plateformes reconnaissent que ces contenus existent et qu'ils plaisent aux gens.
    Je répète que, dans le cadre d'un sondage Léger, une firme de sondage très reconnue, nous avons demandé aux gens qui consommaient de la musique en diffusion continue s'ils aimaient se faire proposer des contenus locaux, et 70 % d'entre eux ont répondu que oui. Ce n'est donc pas seulement une poignée de gens qui demande cela, c'est la population du Québec qui dit qu'elle aime qu'on lui fasse découvrir du contenu diversifié et qu'elle veut que l’on continue de le faire en ligne et non seulement à la radio.

  (1540)  

     J'ai bien compris. C'est aussi ce que j'entends de la part des Québécois et des Québécoises.
    J'aimerais poser une autre question.
    On a parlé de la politique qui sera élaborée par le gouvernement. J'ai entendu l'opinion de plusieurs personnes, et on me dit qu'il devrait y avoir un processus de consultation avant que cette politique soit mise en œuvre. Il faudrait non seulement une consultation de la part du gouvernement, mais aussi d'une consultation auprès du CRTC.
    Croyez-vous qu'il est important qu'un groupe comme le vôtre soit consulté avant que cette politique ne soit finalisée?
    C'est avec plaisir que nous participerons au débat public. Nous contribuerons de notre mieux à toute forme de débat public en présentant des données et en présentant nos arguments.
    J'aimerais vous poser une autre question.
    Vous avez proposé quelques modifications au projet de loi. Pourriez-vous nous parler de deux modifications qui sont prioritaires pour vous afin que nous nous penchions sur ces dernières?
    Nous soutenons toutes les propositions portées par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. À l'alinéa 3(1)f), on semble vouloir imposer des exigences qui pourraient être jugées moins importantes aux services en ligne, et cela nous préoccupe beaucoup. Ce serait ma priorité.
    Ensuite, je mentionnerais ce qui touche au CRTC. Je vais nommer un élément qui comporte deux volets, soit le retour des audiences publiques et de l'appel au gouverneur en conseil. Ce sont deux éléments qui donnent du pouvoir à la société civile, et qui, en ce sens, devraient nous rallier.
    Nous avons tous des opinions différentes, et cela inclut les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Je pense que le maintien des audiences publiques qui touchent aux ordonnances sur la mise en valeur et sur le financement ne pourrait que rassurer toutes les parties, car elles auraient un espace adéquat pour s'exprimer. Selon nous, l'appel au gouverneur en conseil est une méthode démocratique.

[Traduction]

     Madame Desrochers, pourriez-vous conclure, s’il vous plaît? Merci beaucoup.

[Français]

    Ce sont des mécanismes qui permettent à la population d'avoir voix au chapitre.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Desrochers.
    Je donne maintenant la parole à M. Champoux pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais m'entretenir avec M. Hatfield.
    Je comprends très bien que, quand on évolue dans un univers qui n'est pas réglementé, il est toujours paniquant de voir qu'on veut venir réglementer ce secteur. Je comprends donc vos appréhensions.
    Cela dit, en écoutant les arguments qui sont présentés, notamment concernant le processus qu'utilise le CRTC avant la réglementation, soit les audiences, ne pensez-vous pas que vous pourriez, au contraire, mieux vous faire entendre et comprendre en préparant une bonne représentation auprès du CRTC? Ultimement, ne pourriez-vous pas tirer avantage de cette réglementation?
     Je m'explique. On dit souvent que les algorithmes constituent un outil pour la découvrabilité, mais il n'est pas forcément nécessaire d'utiliser des algorithmes pour faire découvrir de nouveaux artistes. La recommandation, la suggestion, peut être faite de différentes façons. C'est peut-être là que vous pourriez présenter des arguments très intéressants au CRTC au moment de développer la réglementation.
    Ne pensez-vous pas que vous auriez tout avantage à tenter de trouver de quelle façon cette réglementation peut vous servir plutôt que vous nuire?

[Traduction]

    Nous allons certainement continuer de participer à toutes les étapes du processus tout au long de l’examen du CRTC, de la redéfinition du contenu canadien et de la mise en œuvre de cette loi.
    Cela dit, concevoir une bonne loi, ce n'est pas y inclure tout ce qu’on peut et s'occuper plus tard d'établir son orientation politique. Le champ d'application qui reste ouvert dans ce projet de loi est absolument stupéfiant. Nous préférerions de loin que des limites légales plus strictes soient appliquées avant que nous ne passions à l’étape suivante, car cela nous donnerait, à nous et à tout le monde au Canada, une certaine assurance qu'on ne s'écartera pas trop de la voie tracée.
    Certains de mes collègues ont commencé à parler de TikTok et du fait que cette plateforme est devenue assez récemment une force majeure. TikTok ne fait pas de la radiodiffusion. Il s’agit très clairement d’une plateforme d'expression personnelle pour ses utilisateurs. Le gouvernement n’a pas à réglementer ce genre de contenu en vertu de ce projet de loi.
    D’ailleurs, la majorité des créateurs de TikTok créent des emplois pour des gens à l’extérieur de leur pays. C’est vrai en anglais, en français et dans la plupart des langues du monde. La seule façon de forcer les Canadiens à consommer surtout du contenu canadien par l’entremise d’un système comme celui‑là serait de les isoler du reste du monde, ce qui n’est dans l’intérêt de personne. Ce n’est même pas dans l’intérêt des créateurs canadiens qui seraient éviscérés et privés de l’accès à la majeure partie du reste du monde par ce système.
    Bien sûr, nous allons poursuivre nos efforts, mais nous pensons que les choses comme des cibles de revenus et d'autres limites visant à exclure le contenu généré par les utilisateurs sont très importantes à ce stade‑ci.

  (1545)  

[Français]

     Des précautions, dans la Loi, faisant en sorte que celle-ci soit révisée tous les cinq ans, et le retour de la disposition touchant le recours au gouverneur en conseil, par exemple, pourraient être de nature à vous rassurer. Bien sûr, c'est la première itération d'une loi qui va réglementer la portion de la radiodiffusion qui se fait en ligne. Ce serait de nature à vous réconforter. Vous pourriez décider de donner une chance au système et d'évaluer la situation par la suite si vous faites fausse route, ne pensez-vous pas?

[Traduction]

     Merci, monsieur Champoux. Je pense que nous voudrons peut-être obtenir cette réponse la prochaine fois. Je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur Hatfield.

[Français]

    Merci, monsieur Hatfield.

[Traduction]

    Nous allons passer à Peter Julian.
    Vous disposez de deux minutes et demie, monsieur Julian.
    Merci beaucoup.
    J’aimerais revenir à M. Kitt, au sujet de la question des nouvelles locales. Bien sûr, nous avons constaté une perte d’emplois partout au pays. Comme vous l’avez mentionné au début de l'exposé d’Unifor, lorsqu'il y a moins d'émissions de nouvelles locales, cela a pour effet de briser les liens qui unissent les communautés.
    Vous avez présenté des arguments en faveur de votre amendement. J’aimerais également mentionner les préoccupations exprimées par certains témoins au sujet de l’alinéa 3(1)f) proposé, où les dispositions du projet de loi C‑11 en matière d’emploi visent moins les plateformes de diffusion en continu appartenant à des intérêts étrangers que les radiodiffuseurs canadiens.
    J’aimerais que vous commentiez ces deux questions, si vous le pouvez.
    Merci, monsieur Julian.
    L’emploi est évidemment un gros problème pour Unifor. Nos membres travaillent dans les médias, dans les nouvelles locales et aussi dans l’industrie cinématographique. Quand on parle des nouvelles locales, la seule façon de s’assurer que les nouvelles locales sont financées correctement, c’est de parler des gens sur le terrain, des journalistes, des rédacteurs et des gens de nos communautés qui écrivent ce que nous devons lire et qui filment ce que nous devons voir.
    L’emploi est extrêmement important. Lorsque nous parlons des services étrangers et des emplois, ce n'est pas la même chose que lorsque nous parlons des nouvelles canadiennes parce que nous ne voulons pas de services de nouvelles étrangers dans notre pays. Nous voulons des services de nouvelles canadiens dans ce pays, et il faut qu’ils soient financés correctement. Ce financement doit être versé à ceux qui travaillent sur le terrain et dans le journalisme, et il faut veiller à ce que nos collectivités soient unies et à ce que l’argent qui est versé à ces organisations serve bien pour l’information. C’est pourquoi nous avons dit, dans notre exposé, que l’argent devrait être réservé aux nouvelles locales.
    Le CRTC s’est engagé dans un processus visant à s’assurer — nous ne voyons que les chiffres globaux, bien sûr, et nous avons soulevé ce même problème au sujet du projet de loi C‑18 — que l’argent reçu par l’entremise de ces fonds va aux nouvelles locales. Nous savons qu'en ce qui concerne le FMC, le Fonds des médias du Canada, par exemple, quand on reçoit du financement pour un film, ce film est fait et le produit est là. C’est la même chose pour les nouvelles locales. Si les nouvelles locales reçoivent du financement, cet argent va sur le terrain.
    Merci, monsieur Kitt.
    Je donne maintenant la parole à John Nater, du Parti conservateur, pour cinq minutes.

  (1550)  

    Merci, madame la présidente.
    Encore une fois, merci pour les réponses que vous nous avez données jusqu’à maintenant.
    J’aimerais commencer par M. Hatfield et revenir sur quelque chose qu’il a mentionné en réponse à une question de M. Champoux, lorsqu’il a plus ou moins dit, que pour empêcher efficacement la participation internationale, il faudrait isoler des régions du pays derrière un pare-feu. Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus à ce sujet.
    Je pense aux créateurs canadiens, aux Canadiens autochtones, aux Autochtones, aux personnes handicapées et aux membres des communautés racialisées qui ont réussi à exporter en ligne du contenu canadien à l’échelle internationale. Je pense aussi à l'incidence que le projet de loi C‑11 pourrait avoir sur leur capacité à atteindre le marché mondial, surtout dans le cas de groupes très importants qui n'ont peut-être pas connu le succès au niveau national, mais qui l'ont trouvé sur le marché mondial grâce à des plateformes en ligne.
     Je crois juste de dire que bon nombre des lois traditionnelles sur la radiodiffusion ont été élaborées en fonction de la crainte que nous soyons submergés de contenu principalement américain si nous étions laissés à nous-mêmes. Dans l’Internet moderne, ce ne sont pas vraiment les États-Unis qui dominent pour nous. Nous participons à un système mondial dans lequel nous trouvons un contenu provenant de créateurs du monde entier et dans lequel bon nombre de nos créateurs — la plupart d’entre eux, je dirais — obtiennent la majeure partie de leur succès à l’extérieur du Canada.
    La raison pour laquelle c’est pertinent ici, c’est qu’il est très risqué pour un petit pays comme le Canada d’encourager ce genre de modèle de priorisation de notre propre contenu. Les avantages sont plutôt minces si nous faisons en sorte que cela fonctionne pour notre contenu local. Si un grand pays comme la France faisait la même chose, le risque serait énorme pour nous. De nombreuses personnes qui créent ce genre de contenu pourraient perdre la majeure partie de leurs revenus, ou au moins leur contenu pourrait être moins apprécié et leur rapporter moins d'argent.
    Nous pensons que c’est une approche risquée que nous ne devrions pas adopter ici.
     Cela nous ramène à ce qu’OpenMedia nous a dit plus tôt au sujet des défis que doivent relever ceux qui participent au contenu créé par les utilisateurs, qui ne sont pas des professionnels, mais qui ne sont pas des amateurs, et qui se trouvent dans un territoire intermédiaire. Ils gagnent de l’argent en ligne, mais ils ne sont pas admissibles aux dispositions sur le contenu canadien. Ils ne peuvent donc pas s'en prévaloir. Quoi qu’il en soit, ils risquent d’être lésés ou, du moins, de ne pas bénéficier des nouvelles règles.
    Pourriez-vous nous parler de ce segment de la communauté en ligne? Ce sont les personnes qui gagnent de l'argent en ligne, mais qui ne font pas partie des deux catégories, et qui sont donc doublement perdantes dans ce scénario.
    Comme nous l’avons dit ailleurs, nous pensons que, dans une situation idéale, les gens qui sont dans la catégorie intermédiaire dont vous parlez devraient pouvoir avoir accès au soutien financier du contenu canadien — peu importe ce qui existe actuellement ou en vertu du nouveau système —, mais ils ne devraient pas être assujettis à tous les paramètres de la réglementation de la radiodiffusion.
    Dans le contexte actuel, nous craignons que ce soit le contraire, compte tenu du manque de clarté quant à l’orientation du processus du contenu canadien et du fait que le contenu créé par les utilisateurs est toujours inclus. Apparemment, ces créateurs sont assujettis à la réglementation de la radiodiffusion et sont complètement exclus financièrement du soutien futur du contenu canadien, ce qui est tout à fait insensé quant à la façon de soutenir ces petits créateurs.
    Merci.
    Ma prochaine question s’adresse à vous deux, monsieur Hatfield et madame Paré.
    Je voudrais surtout savoir où nous en sommes actuellement et si vous croyez nécessaire d'entreprendre certaines recherches, vérifications ou consultations sur la situation actuelle du contenu canadien avant que quoi que ce soit ne soit mis en œuvre. Comment nous débrouillons-nous en ligne? Qui rejoignons-nous? Où allons-nous?
    J’aimerais savoir si vous pensez que nous devrions déterminer où nous en sommes et quelle est notre situation actuelle avant de mettre en œuvre ces nouvelles mesures.
    C’est une bonne idée, mais je pense que nous aurions dû commencer tout ce processus en définissant ce qu’est le contenu canadien. Qu’est‑ce que le contenu canadien? Nous pensons que le gouvernement a peur de cette question, parce qu'elle est complexe. Cela a peut-être beaucoup changé au cours des 40 dernières années.
    Sans savoir ce qu’est le contenu canadien, il est très difficile de le calculer et il est très probable que nous laisserions de côté des gens importants si nous revenions simplement à des définitions plus traditionnelles.

  (1555)  

    Il vous reste 17 secondes, monsieur Nater. Voulez-vous vous les utiliser? Je pense que ce n’est pas vraiment possible.
    Je vais prendre les 17 secondes pour dire que c’est l’un des défis auxquels nous sommes confrontés. Ce que nous pourrions considérer comme du contenu canadien d’un point de vue subjectif peut ne pas être considéré comme du contenu canadien dans un contexte objectif lorsque le CRTC coche les cases dans le cadre du BCPAC ou du système MAPL. Cela pourrait inquiéter de nombreux Canadiens. Je suis certain que nous pourrons revenir sur ce sujet lors des prochains tours de questions ou à d’autres occasions.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Nater.
    Je vais maintenant passer à Michael Coteau pour cinq minutes.
    Tout fonctionne bien monsieur Coteau?
    Merci, madame la présidente.
    Ça va. Et pour vous? Pouvez-vous m’entendre clairement maintenant?
    Nous posons la question à la greffière et aux interprètes.
    Oui. Ils ont besoin d'entendre quelques mots de plus.
     J’espère que tout le monde passe une excellente journée aujourd’hui. Merci beaucoup de vous joindre à nous pour cette étude très importante.
     Monsieur Coteau, nous allons faire de notre mieux avec la qualité du son dont nous disposons. Si vous pouviez parler lentement et clairement, nous vous en serions très reconnaissants.
    Merci beaucoup, et merci aussi aux interprètes pour leur travail important.
    Je voulais commencer par dire qu'en écoutant cette conversation au cours des cinq dernières heures, j’ai beaucoup pensé à ma jeunesse au Canada dans les années 1970, 1980 et 1990, quand j'allumais la radio pour écouter Platinum Blonde ou Glass Tiger. Même avant cela, j’écoutais du contenu canadien des années 1970 et je pouvais allumer la télévision pour voir beaucoup de contenu de ce genre.
     Je pense que nous sommes tous d’accord, quelle que soit notre position sur ce projet de loi, pour dire qu’il est bon pour les Canadiens de proposer un bon contenu canadien. Cela nous renseigne sur notre histoire et sur notre présent. Cela nous aide également à comprendre où nous allons en tant que nation.
    Je pense que nous devons trouver un juste équilibre. La vérité toute simple, c’est que les géants de l’Internet sont devenus les nouveaux fournisseurs de contenu. Amazon, Google et YouTube offrent du contenu. Si vous allez dans n’importe quel foyer au pays aujourd’hui et que vous parlez à un jeune enfant, la plupart de son contenu provient de services en ligne. Nous devons bâtir un système moderne qui reflète nos valeurs en tant que Canadiens, mais qui met aussi en place les réalités d’aujourd’hui. Le monde a changé.
    Je vous remercie tous de participer à cette conversation.
    J’ai une question pour Mme Paré.
    Plus précisément, pourquoi est‑il essentiel d’inclure les plateformes de médias sociaux dans le projet de loi C‑11? Pourquoi la souplesse réglementaire prévue dans le projet de loi est-elle si importante pour le secteur de la musique?

[Français]

     Je vais laisser ma collègue Marie‑Julie Desrochers répondre à votre question.
    Je vous remercie de votre question.
    YouTube est un acteur dominant dans le domaine de l'écoute musicale. Nous avons des données d'un sondage récent — elles ne sont pas encore toutes publiées, mais nous allons bientôt les publier — qui témoignent de l'importance de YouTube dans l'écoute que font les Québécois de la musique. C'est une tendance qu'on voit partout au monde.
    On a déposé un projet de loi dont la mission principale est de rétablir l'équilibre ou l'équité dans un système qui se caractérise par une iniquité depuis 20 ans. Or, si on inscrit au cœur du projet de loi une nouvelle iniquité en excluant les services qui jouent un rôle majeur dans l'industrie de la musique, on rate son objectif.
    Nous craignons qu'on adopte un projet de loi inéquitable qui ne mettrait pas sur un pied d'égalité toutes les plateformes qui jouent un rôle important dans la diffusion de musique. Ce serait un projet de loi vulnérable et contestable. Pourquoi demanderait-on à Spotify de soutenir adéquatement notre musique et ne le demanderait-on pas à YouTube? Il n'y a aucune raison logique à cela, alors qu'on sait que les gens font la même utilisation des deux plateformes.
    Il faut tout simplement s'assurer que, quand une même activité a lieu sur différentes plateformes, elle est réglementée de façon équitable. Je ne veux pas présumer de la mauvaise foi des entreprises, mais mon expérience m'enseigne que, même quand il y a des règles, les radiodiffuseurs cherchent toujours à maximiser leurs profits. S'ils pensent qu'en essayant de se soustraire aux règles, ils vont conserver une plus grande liberté d'action et un potentiel de profit plus grand, ils vont tout faire pour y échapper. Ainsi, chaque fois qu'on resserre les règles et qu'on établit des critères auxquels ils peuvent s'adapter en se transformant un peu, on court le risque qu'ils finissent par réussir à s'exclure de la portée de la loi tout simplement.
    La loi va nous permettre non seulement d'établir des règles, mais aussi d'aller chercher des données pour comprendre l'effet de chacun des services dans notre marché. En ce moment, on est obligé de faire des sondages. C'est bien, cela nous donne un beau portrait de la situation, mais on devrait avoir accès au nombre d'utilisateurs...

  (1600)  

[Traduction]

     Je suis désolé de vous interrompre, mais puis‑je demander, madame la présidente, combien de temps il me reste?
    Il vous reste 46 secondes.
    Je vais prendre les 30 dernières secondes — et je vous remercie beaucoup de votre réponse — pour dire qu’il y a eu quelques discussions au sujet des créateurs du numérique et de leur admissibilité, et je sais qu’ils sont admissibles au financement du FMC. C’est quelque chose que je tiens à dire aux fins du compte rendu parce qu’il y a eu des discussions à ce sujet.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je vous remercie de m’avoir accordé ce temps.
    Merci beaucoup, monsieur Coteau.
    Nous allons maintenant passer au troisième tour. Je pense que nous pouvons le faire compte tenu du temps qu’il nous reste.
    Je vais commencer tout de suite par le Parti conservateur. Je ne sais pas si Mme Thomas peut intervenir.
    Madame la présidente, je crois que ce sera moi. Je pense que je suis le seul à avoir un microphone fonctionnel en ce moment, alors vous êtes pris avec moi cette fois‑ci.
    Nous sommes pris avec vous. Vraiment, monsieur Nater?
    Je sais, je sais.
    Allez‑y, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais commencer par quelques points qui ont été mentionnés plus tôt.
    Tout d’abord, madame Desrochers et madame Paré, vous avez mentionné un sondage en cours. J’ai essayé d’écouter en français et de comprendre dans ma langue seconde, mais je n’y arrive pas toujours. Pourriez-vous préciser qui est visé par ce sondage et qui le mène auprès des utilisateurs de YouTube?
    Il s'agit d'un sondage auprès de personnes de 18 ans et plus qui vivent au Québec. Il a été mené par Léger pour le compte de l'ADISQ et il témoigne d'un solide appui à l'égard du projet de loi.
    Excellent. Je vous remercie de cette précision. Il serait utile pour le Comité — si vous le voulez bien — que vous nous communiquiez ces données une fois que nous aurons terminé.
    Nous fournissons des données dans nos mémoires, et nous vous communiquerons le sondage officiel lorsque nous l'aurons.
    C'est merveilleux. Je vous en remercie.
    Je veux revenir sur un autre point qui a été soulevé plus tôt par M. Hatfield, et j'aimerais vous entendre également à ce sujet.
    En ce qui concerne les dispositions d'adhésion volontaire à la découvrabilité, M. Hatfield a suggéré que, pour le bien de l'expérience utilisateur, il devrait y avoir un moyen d'activer et de désactiver cette fonction pour quelqu'un qui cherche du contenu québécois ou canadien. Il devrait y avoir une façon d'activer-désactiver, surtout compte tenu de l'intérêt manifesté par les utilisateurs qui cherchent du contenu de l'extérieur de nos frontières.
    Votre organisation serait-elle en faveur de donner aux consommateurs la possibilité d'activer et désactiver la fonction de la découvrabilité?

  (1605)  

[Français]

     Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi un créateur voudrait s'exclure lui-même des mesures de découvrabilité. Pour nous, cette question ne s'est donc pas posée.

[Traduction]

    Si vous me permettez d'apporter une précision, nous n'avons jamais...
    À titre de précision, je pensais davantage aux consommateurs ou aux utilisateurs des différentes plateformes en ligne et je me demandais s'il serait possible pour eux d'activer ou de désactiver le contenu qui est promu.
    Ce n'est pas une mesure que nous appuierions, mais nous ne nous attendons pas à ce que les gens cherchent du contenu québécois. Nous nous attendons simplement à ce qu'ils cherchent et trouvent le contenu qui leur plaît, et parfois, ce qui est proposé est fait au Canada ou au Québec. Si nous faisons bien les choses, c'est ainsi que cela fonctionne. Ce n'est pas simplement parce que vous voulez entendre quelque chose qui vient en particulier du Québec. Vous voulez simplement écouter quelque chose de bien qui ressemble aux autres artistes que vous aimez et il se trouve que c'est fait au Québec.
    Je ne veux pas mettre des mots dans la bouche de qui que ce soit, mais si je comprends bien, vous voulez que le contenu soit disponible, surtout le contenu québécois, tout en laissant au consommateur le choix de choisir s'il clique sur la chanson X ou la chanson Y, selon ce qui l'intéresse. Ai‑je bien compris?

[Français]

    Nous ne voulons absolument pas empêcher les gens d'écouter à la demande ce qu'ils veulent.

[Traduction]

    Merci.
    J'aimerais m'adresser très brièvement à M. Kitt, d'Unifor. L'un de vos collègues, Howard Law, a déclaré que la notion de découvrabilité était simplement une autre façon de nommer la promotion du contenu pour la communauté de la diffusion en continu.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet et sur ce que nous voyons avec toutes les différentes plateformes, qu'il s'agisse de Google, de Netflix ou de Disney+. Chacune a son propre algorithme, faute d'un meilleur mot, qui cible l'expérience de l'utilisateur. Lorsque vous dites que la découvrabilité n'est rien d'autre que la promotion du contenu, pensez-vous que cela aura un impact négatif? Je pense en particulier au contenu canadien et au moment où un type de contenu canadien serait promu par rapport à un autre type de contenu canadien.
     Je ne connais pas le contexte dans lequel M. Howard a fait ces commentaires, mais il y a eu beaucoup de discussions au sujet de la découvrabilité. Nous sommes d'avis — comme M. Michael Coteau l'a mentionné plus tôt — que le contenu canadien est important et qu'il doit être appuyé. La découvrabilité de ce contenu devrait être soutenue.
    L'idée qu'il existe un libre marché d'Internet... Rien n'est gratuit. Ces entreprises ciblent et conçoivent ces algorithmes pour un profit maximal, et non pour le plaisir que nous avons à les regarder. Il est important pour nous de veiller à ce que le contenu canadien des créateurs d'ici puisse être découvert.
    Puisque je suis loin d'être un expert en la matière, je m'en remets aux spécialistes de l'informatique. Je pense qu'il est important que le contenu des créateurs canadiens puisse être découvert.
    Je suis d'accord en ce sens que nous voulons voir du contenu canadien. Je veux profiter du contenu canadien, mais je serais un peu surpris qu'aucune de ces plateformes ne tienne compte de l'expérience de l'utilisateur parce qu'elles vont perdre très rapidement des abonnés, comme nous le voyons dans certains contextes d'expérience de l'utilisateur.
    Merci, John.
    Je donne la parole à Lisa Hepfner pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suppose que tout le monde m'entend bien.
    J'aimerais adresser mes questions à M. Kitt, d'Unifor.
    J'aimerais que vous étoffiez un peu votre dernier commentaire. Vous avez dit que le marché n'est pas vraiment libre. Ce sont les algorithmes et les entreprises qui décident du contenu. Ce n'est pas comme si tout était permis. Ce n'est pas le CRTC qui impose les règles, mais les entreprises créent les algorithmes.

  (1610)  

    C'est exact.
    Encore une fois, je ne suis pas un expert en la matière, mais j'imagine que nous aimons tous regarder du bon contenu. L'idée que les entreprises perdent des abonnés est peut-être attribuable au fait qu'il n'y a pas suffisamment de contenu de qualité ou que nous l'avons regardé trop rapidement. Je ne sais pas.
    Je ne suis pas un expert des algorithmes, mais je pense que la découvrabilité est importante.
    Revenons à votre domaine d'expertise. Vous êtes d'Unifor et vous représentez les journalistes, les caméramans et les gens en coulisse. Vous avez constaté comme nous qu'il y a eu une diminution du nombre de personnes employées dans le domaine du journalisme au cours des dernières années.
    Nous avons entendu plus tôt aujourd'hui qu'un très petit pourcentage de youtubeurs font de l'argent sur la plateforme. Parmi ceux qui font de l'argent, 60 % gagnent moins de 10 000 $ par année.
    Selon vous, que penseraient vos membres d'une telle possibilité d'emploi?
    Lorsqu'on parle d'un seuil de revenu pour réglementer le contenu, il est fixé à 10 millions de dollars, alors je ne pense pas que quiconque ait eu des préoccupations au sujet de ce type de réglementation pour les utilisateurs de TikTok...
    Je suis désolée. Je n'ai peut-être pas été claire, monsieur Kitt.
    Parmi les gens qui font de l'argent sur YouTube, qui représentent un petit pourcentage, 60 % d'entre eux gagnent moins de 10 000 $ par année. Un journaliste serait-il intéressé à travailler à un tel salaire? Est-ce une option de carrière viable pour un membre d'Unifor?
    Aucunement.
    Vous avez commencé votre segment en parlant de l'importance des nouvelles locales dans nos collectivités. Vous avez dit qu'elles n'ont jamais été aussi importantes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet.
    Merci.
    Lorsque nous parlons du fonds que nous voulons faire inscrire dans cette loi, il s'agit d'une source de revenus réservée. Entre 2009 et 2014, le Fonds pour l'amélioration de la production locale, le FAPL, était un fonds qui prenait les revenus des câblodistributeurs et les investissait dans les nouvelles locales.
    De 2015 à 2021, l'impact de Netflix, d'Amazon et des autres a été chiffré à environ 400 millions de dollars. C'est plus que l'ensemble des dépenses de tous les budgets de nouvelles locales au pays. On ne parle pas d'une somme négligeable qui a été enlevée à l'écosystème canadien de l'information à cause de Netflix, d'Amazon et des autres. Nous avons besoin qu'une partie de cet argent soit réinjectée dans le système, afin que nous puissions financer adéquatement les nouvelles locales partout au pays et rejoindre toutes nos collectivités. Ainsi, chaque collectivité pourra avoir des nouvelles locales à la télévision et nous saurons ce que nos politiciens et nos conseils municipaux font. Nous pouvons rebâtir nos collectivités.
     Merci beaucoup.

[Français]

     J'utiliserai la minute qu'il me reste pour demander...

[Traduction]

    Il vous reste 45 secondes.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Madame Paré, vous avez dit que nous avons un secteur culturel très fort au Québec et au Canada à l'heure actuelle grâce à notre Loi sur la radiodiffusion jusqu'à maintenant. Qu'envisagez-vous pour l'avenir? Ne devrions-nous pas renouveler la Loi sur la radiodiffusion si le projet de loi C-11 est adopté à la Chambre? Qu'envisagez-vous pour notre avenir?

[Français]

     Dans ce triste avenir, nous voyons une musique canadienne francophone...

[Traduction]

    Veuillez conclure très rapidement, madame Desrochers.

[Français]

    ... complètement marginalisée qui va peiner à rencontrer son public, alors que le public nous dit qu'il veut continuer de la découvrir.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Desrochers.
    Je donne maintenant la parole à Martin Champoux, du Bloc, pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais continuer dans le même esprit avec Mmes Paré et Desrochers.
    Depuis le début de cette rencontre, nous avons parlé des bienfaits qu'a apportés la mise en valeur de la musique par les radios québécoises, notamment, et à quel point cela a contribué à l'essor des artistes au Québec, à leur santé financière ainsi qu'à leur envol vers des carrières qu'ils n'envisageaient même pas au départ.
    Évidemment, nous migrons progressivement vers le monde numérique, et nous nous entendons là-dessus. Nous pouvons fonctionner avec un modèle hybride pendant plusieurs années encore — je le souhaite —, mais, un jour ou l'autre, une plus forte proportion du contenu culturel que nous consommons va se faire en ligne. Cela va aller en s'accroissant.
     Avez-vous la certitude que cette réglementation continuera à contribuer à l'essor des artistes, qui sont les nouveaux artistes du numérique, comme cela a été le cas pour les artistes du disque, par exemple?

  (1615)  

    Il n'y a jamais de solution magique pour régler tous les problèmes que nous pouvons avoir dans l'industrie de la musique. Cependant, nous avons la certitude que ce serait un élément clé pour donner des ailes à notre musique, c'est certain.
    D'après les résultats du sondage que nous avons fait, ceux qui donnent le plus faible soutien à une législation comme celle qu'on est en train de mettre en place au Canada, ce sont les jeunes — même s'ils demeurent quand même importants et comptent pour plus de 50 %. Ce sont les jeunes qui sont les plus nombreux à utiliser ces services, et nous en voyons déjà l'effet immédiat. Quand on se fait moins proposer sa musique, on comprend moins à quel point on peut l'aimer. On sait moins à quel point cette musique peut s'adresser à soi et on soutient moins la réglementation. Nous voyons déjà les effets brisés du cercle vicieux. C'est donc vraiment...
    À l'opposé, comme le modèle de la radio traditionnelle cède la place, le plus lentement possible, je l'espère, aux plateformes de diffusion en ligne, peut-on présumer que, faute d'une réglementation imposant des objectifs de découvrabilité, on risque de voir une érosion de l'intérêt pour le contenu québécois, francophone et canadien?
    J'imagine que la réponse coule de source.
    La réponse coule de source, et la réponse est oui. Nous l'avons vu pendant la pandémie: moins nous sommes exposés à notre musique, moins nous la consommons. Nous l'avons constaté particulièrement du côté de la musique en continu pendant la pandémie: parce qu'il n'y avait plus de spectacles, notre musique en continu a diminué de façon importante, alors que plus de gens écoutaient de la musique en continu. Comme notre musique était moins présente sur le territoire, moins on pensait à aller l'écouter.
    Tout cela, ce sont des cercles, non pas vicieux, mais vertueux, qui nourrissent le système. C'est pourquoi chaque mesure est importante.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Desrochers.
    Nous passons maintenant la parole à Peter Julian, pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui. Ils nous ont livré des témoignages convaincants qui nous seront utiles dans notre examen du projet de loi, surtout à l'étape de l'amendement du projet de loi C-11.
    Je n'ai pas encore posé de question à M. Hatfield, mais j'aimerais maintenant m'adresser à lui.
    Tout d'abord, êtes-vous préoccupé par le témoignage que nous avons entendu aujourd'hui de la part d'OUTtv au sujet de leur exclusion d'un certain nombre de plateformes de diffusion en continu et de la crainte qu'en l'absence de mesures pour contrer ce phénomène, d'autres plateformes de diffusion en continu qui viendraient au Canada pourraient faire la même chose? C'est ma première question.
    Deuxièmement, je remercie OpenMedia de sa campagne contre la discrimination dans les algorithmes. On sait qu'il y a d'autres problèmes plus graves encore et que le sénateur Ed Markey, entre autres aux États-Unis, a déposé un projet de loi sur la transparence des algorithmes parce que c'est évidemment une préoccupation dans certains secteurs. La campagne « Stop Hate for Profit » menée aux États-Unis vise également les algorithmes, comme vous le savez.
    Je voulais vous poser ces deux questions. La première concerne votre préoccupation au sujet de l'exclusion par les plateformes de diffusion en continu. La deuxième concerne la transparence des algorithmes.
     Ce sont deux questions intéressantes. Cependant, comme je ne connais pas les détails du cas d'OUTtv, je devrais examiner ce dossier de plus près.
    Les plateformes n'ont pas l'obligation de transmettre le contenu de qui que ce soit, et nous ne pensons pas qu'elles devraient y être contraintes. Cela dit, il est important qu'il soit facile pour les gens de participer à une variété de plateformes différentes, et différentes plateformes peuvent choisir d'offrir ou non des contenus différents. Nous nous inquiétons chaque fois que les gens semblent être enfermés dans un système donné, qu'il s'agisse d'un système descendant de contenu canadien ou quand les gens pensent que Netflix est le seul diffuseur en ville.
    Nous croyons certainement qu'il vaut la peine que le gouvernement examine les pratiques anticoncurrentielles et envisage de les appliquer à certaines de ces entreprises.
    Pour ce qui est de votre deuxième question sur la transparence algorithmique, nous appuyons fortement les mesures visant à rendre les algorithmes transparents pour les utilisateurs, les chercheurs et les journalistes. L'un des plus gros problèmes des nombreuses plateformes en ligne, c'est qu'elles sont très mal comprises. Nous avons appuyé une loi à cet égard aux États-Unis et nous appuierions assurément la même chose ici au Canada.

  (1620)  

    C'est tout pour vous, monsieur Julian. Merci beaucoup.
    Je donne de nouveau la parole à M. Nater, du Parti conservateur.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Nater.
    En fait, madame la présidente, je crois que ce serait au tour de M. Uppal.
    D'accord.
    Monsieur Uppal, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Nater.
    Je vais poursuivre avec M. Hatfield.
    La semaine dernière, devant ce comité, le commissaire du CRTC a essentiellement admis que le contenu généré par les utilisateurs, le CGU, est visé par le projet de loi C‑11. Il a ajouté qu'on devrait faire davantage confiance au CRTC en sa qualité d'organisme de réglementation. Qu'en pensez-vous, d'autant plus que le ministre a assuré aux Canadiens que le CGU n'est pas couvert par le projet de loi C‑11?
    Oui, je pense que le ministre devrait peut-être en discuter avec le CRTC et vérifier les faits. Comme vous le savez, nous avons tous eu une longue et frustrante conversation au sujet des projets de loi C‑10 et C‑11. J'aurais aimé qu'on précise plus tôt que le contenu destiné aux utilisateurs s'y trouvait. Je pense que nous aurions tous pu avoir une discussion de meilleure qualité si nous avions tous été sur la même longueur d'onde à ce sujet, comme nous le sommes maintenant.
    Pour ce qui est de dire que nous devrions simplement faire confiance au bilan du CRTC, il n'en est simplement pas question, en ce sens que notre récente expérience organisationnelle avec le CRTC ne nous permet pas de croire qu'il a toujours à cœur l'intérêt du public. Les gens qui suivent nos campagnes d'accès savent que nous avons beaucoup de préoccupations à exprimer au sujet des personnes que le CRTC écoute lorsqu'il s'agit d'offrir des services Internet abordables aux Canadiens et à savoir si c'est vraiment leur priorité absolue.
    En ce qui concerne la Loi, comment pouvons-nous justifier une loi simplement en faisant confiance à l'organisme de réglementation? C'est une très mauvaise façon de voir les choses. Nous pensons qu'il vous incombe, en tant que députés, de faire mieux et de fournir des restrictions et des orientations plus précises au CRTC dans ses démarches.
    Merci.
    De plus, pouvez-vous nous expliquer en quoi le projet de loi C‑11 nuira à la capacité des consommateurs canadiens de visionner du contenu qu'ils veulent visionner en ligne?
    Bien sûr. Ce sont les détails qui posent problème. Plus le CRTC cherche activement à forcer l'inclusion de contenu canadien officiellement désigné dans nos émissions, plus cela pourrait nuire aux consommateurs.
    La grande majorité de ce que beaucoup de gens cherchent en ligne ou de ce qui figure dans leur fil d'actualité ne renferme pas beaucoup de contenu canadien, et cela ne devrait pas nécessairement être le cas. Nous participons maintenant à la mise en place d'une culture où une grande partie de notre expérience sur Internet est transnationale. À moins de vraiment vouloir balkaniser les Canadiens et les priver de ces possibilités et de vraiment contester leurs choix, nous ne pouvons pas faire obstacle à cette tendance.
    Ce que vous pourriez voir, c'est que, si je cherche un genre particulier de musique ou un renseignement très pratique sur un moteur de recherche et que j'obtiens ensuite une foule de choses les plus proches que le moteur de recherche pourrait trouver de bonne foi en fonction des règlements du CRTC, le moteur essaierait de trouver un résultat approprié dans cette fenêtre assez étroite, à l'heure actuelle, de contenu canadien officiellement reconnu et il trouverait des résultats non pertinents ou non désirés à fournir aux Canadiens.
    Qu'en est‑il des petits créateurs de contenu numérique ou des artistes non traditionnels? En quoi cela les touche‑t‑il?
    Oui, comme je l'ai dit plus tôt, la préoccupation immédiate, c'est qu'ils sont réglementés sans en tirer des avantages financiers. On a dit que, oui, techniquement, ils peuvent demander une partie de ce financement, mais leurs modèles d'affaires n'ont pas été pris en compte lorsque la structure précédente de définition du contenu canadien a été conçue. Avec un peu de chance, ce sera le cas, à mesure que la mise à jour sera faite, mais nous ne savons encore rien de la façon dont cela sera fait.
    La principale préoccupation qui pourrait les toucher, c'est si d'autres pays font la même chose que nous. Bon nombre d'entre eux pourraient perdre la majorité de leur auditoire, en fait, en étant classés à la baisse par rapport aux autres pays, tout comme le Canada cherche à classer à la baisse le contenu des créateurs qui ne sont pas officiellement reconnus au Canada.
     Vous avez dit que les petits producteurs pouvaient présenter une demande de financement. Savez-vous à quoi ressemblerait le processus YouTube pour qu'un petit producteur puisse obtenir du financement, par rapport aux demandes du gouvernement? Je parle constamment à des organisations dans mon bureau qui ont beaucoup de mal à traiter les demandes du gouvernement. Ils disent que cela ne se compare pas du tout à une demande du secteur privé. C'est tellement plus difficile. Il y a tellement de paperasse à remplir.

  (1625)  

    Je vais laisser les créateurs numériques parler en premier à ce sujet, mais la réponse courte est oui, c'est tout à fait exact. Le système actuel... Je pense que de nombreux petits créateurs examineraient le système de points et se rendraient immédiatement compte qu'ils ne seraient jamais admissibles et ne se donneraient même pas la peine d'essayer de travailler à l'intérieur de ce système.
    Nous aimerions qu'il soit révisé en profondeur, mais nous n'avons aucune indication dans ce projet de loi de la mesure dans laquelle le gouvernement procédera à cette révision et si un financement sera en fait accessible à tous les créateurs de contenu numérique à l'avenir.
    Merci, monsieur Hatfield.
    Je donne maintenant la parole à M. Tim Louis, du Parti libéral, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous nos témoins. Cela a été très instructif et a répondu à toutes nos attentes. Je vous en sais gré.
    Je vais commencer par Mme Paré et Mme Desrochers.
    Des conversations ont lieu. Nous venons de parler du contenu canadien. Des discussions sont en cours en vue de redéfinir la définition de contenu canadien dans ce projet de loi. Pouvez-vous nous parler de certains des critères qui sont inclus dans ce projet de loi? Quelle serait la nouvelle définition à privilégier et comment pourrions-nous y arriver?

[Français]

     Je vais parler pour le milieu de la musique.
    Le contenu canadien est défini par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et, à notre avis, cela doit demeurer ainsi. S'il y a un processus public pour réviser le contenu canadien, nous serons heureux d'en faire partie.
    À l'ADISQ, par exemple, nous travaillons en partenariat avec l'Observatoire de la culture et des communications du Québec depuis des années pour identifier les contenus québécois selon des critères conjoints. C'est un travail qui est tout à fait possible à réaliser. Nous établissons des critères et nous identifions ce qui correspond à ceux-ci. Nous pouvons communiquer ces informations très facilement. Cette question ne doit vraiment pas nous arrêter à ce stade-ci.
    On pourra définir le contenu canadien si on veut réviser la définition dans le cadre d'un processus public au CRTC.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Afin de poursuivre dans la même veine, l'image que vous brossez est tout à fait prophétique. Le fait que le Québec ait fait un travail louable pour appuyer les artistes au fil des ans montre honnêtement que plus nous les aidons, meilleurs seront les résultats de cette aide. Lorsque nous appuyons nos artistes, ils prospèrent et nous en profitons tous.
    Je crois que dans votre déclaration d'ouverture, vous avez mentionné que 70 % des Québécois — et en fait, la plupart des gens au Canada — estiment que les diffuseurs étrangers devraient contribuer à notre système, tout comme nos diffuseurs traditionnels.
    Pouvez-vous nous expliquer la différence que ce soutien peut faire pour nos artistes canadiens, si les géants du Web contribuent à notre souveraineté culturelle au moment où ils contrôlent nos médias et nos choix?

[Français]

    Les besoins en financement sont immenses.
    Le modèle d'affaires en diffusion continue est pensé pour des marchés immenses.
    Au Québec, nous avons toujours pu permettre à des artistes d'avoir des carrières au Québec et de vivre de leur profession.
    Des artistes ont le désir et la capacité d'avoir des carrières internationales. C'est très bien, il faut les encourager, mais il y a toujours eu des artistes qui étaient capables de vivre de leur musique sur notre territoire. Nous sommes toujours fiers de dire que 84 % des revenus de l'industrie de la musique au Québec sont des revenus autonomes. C'est vraiment particulier dans le milieu culturel. Nous avons été capables de faire vivre des artistes dans notre marché local.
    Dans le cas de la diffusion continue, cela ne fonctionne tout simplement pas, en ce moment. Nous avons besoin que de nouveaux fonds soient injectés pour soutenir la production et la commercialisation de notre musique, parce que les revenus autonomes diminuent et les revenus des radiodiffuseurs traditionnels diminuent aussi tranquillement. Notre marché de la radio est très consolidé et les revenus des radios commerciales diminuent tranquillement. Ils ne sont pas en hausse. Tous les revenus du milieu de la musique, en ce moment, sont à la baisse, sans compter les deux années de pandémie.
    De nouveaux fonds pour soutenir les entreprises et les artistes indépendants qui s'expriment notamment en français au Québec vont permettre à notre écosystème de persévérer afin que la roue continue de tourner.

[Traduction]

     Merci.
    Je pourrais peut-être m'adresser à M. Cox et à M. Hirsch, puisque nous n'avons pas entendu les représentants du Conseil québécois de la production de langue anglaise depuis un certain temps.
    Pour le secteur culturel, quels seront les défis à relever pour faire en sorte que les voix minoritaires oubliées puissent être entendues, afin que nous puissions avoir une image réelle de notre culture et de notre identité ici au Canada et conserver notre sentiment d'appartenance?

  (1630)  

    Je serai heureux de vous en parler. En ce qui concerne certaines des préoccupations de M. Hatfield, je pense qu'il y a une ouverture et une volonté dans l'industrie de voir une évolution et une adaptation des définitions du contenu canadien. Si tous les intervenants travaillent ensemble, tout cela évoluera avec le temps.
    Les auditoires internationaux représentent une part énorme de ce que recherchent tous les producteurs de contenu. Aucun d'entre nous ne veut faire des émissions uniquement pour notre public national, mais nous voulons aussi faire des émissions maison pour notre public national. Nous avons besoin de plus d'argent dans le système pour être concurrentiels à l'échelle internationale. Nous savons que lorsque nous avons le financement nécessaire, nous pouvons être concurrentiels à l'échelle internationale et que nos productions peuvent être vues partout dans le monde.
    Seriez-vous d'accord pour que ce financement provienne des diffuseurs de contenu en ligne?
    Oui, absolument. Nous croyons absolument qu'ils devraient et doivent redonner au système dont ils retirent des milliards de dollars chaque année. Nous croyons fermement à l'intention du projet de loi C‑11.
    Merci. Je crois que mon temps est écoulé, madame la présidente.
    C'est exact. Merci beaucoup. Cela nous amène à la fin de la séance d'aujourd'hui.
    Je remercie les témoins de leur patience. Je sais que les problèmes techniques ont créé des temps morts pendant de longues périodes et nous savons tous que les temps morts ne sont pas permis. Merci d'être venus et merci pour toutes les réponses très complexes que vous nous avez données.
    Je veux dire une chose, pour faire écho à ce que M. Hirsch a dit. Lorsque nous, Canadiens, sommes autorisés à montrer notre contenu au reste du monde, nous cassons la baraque. Je me souviens qu'à une certaine époque, quatre des cinq plus grandes divas mondiales étaient canadiennes. Céline Dion et Avril Lavigne, cela vous dit quelque chose? Nous présentons des spectacles, et le monde entier aime nos films et nos histoires. Le contenu canadien est important parce que, en ce qui me concerne — et j'aimerais qu'on en parle lors d'une autre réunion —, le contenu canadien définit qui nous sommes. Il représente qui nous sommes sur le plan culturel, et nous sommes un pays très unique sur le plan culturel.
    Je remercie également mes collègues, tous les parlementaires qui ont siégé ici pendant cinq heures. La journée a été longue pour la plupart d'entre nous. Je pense que vous conviendrez avec moi que nous avons eu une discussion très intéressante et exaltante aujourd'hui.
    Merci encore. Je suis prête à recevoir une motion d'ajournement.

[Français]

     J'aimerais remercier les interprètes, les techniciens et les témoins.
    Merci à tous.

[Traduction]

    Merci beaucoup à tous.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU