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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 novembre 2022

[Énregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.

[Français]

     Bienvenue à la 47e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.

[Traduction]

    La réunion d’aujourd’hui se déroule sous forme hybride, conformément à l’ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Par conséquent, les membres peuvent participer en personne ou à distance avec l’application Zoom.
    En cas de difficulté technique, avertissez‑moi immédiatement. Notez qu’il se peut que la réunion doive être interrompue pendant quelques minutes, afin que nous puissions nous assurer que tous les députés ont la capacité de participer pleinement aux délibérations.

[Français]

    Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 16 mai 2022, le Comité reprend son étude du système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.

[Traduction]

    Conformément à la motion de régie interne du Comité relative aux tests de connexion des témoins, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. À titre personnel, nous accueillons M. Michael Wernick, titulaire de la chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public de l'Université d'Ottawa. Du Glacier Media Group, nous recevons M. Kirk LaPointe, vice-président, Éditorial, éditeur et rédacteur en chef, Business in Vancouver.

[Français]

    Je souhaite la bienvenue à M. Simard, du Bloc québécois, ainsi qu'à M. Julian, du NPD.

[Traduction]

    Monsieur Wernick, vous avez cinq minutes. La parole est à vous. Vous serez suivi par M. LaPointe.

[Français]

    Je remercie le Comité de m'avoir invité à témoigner.
    Je désire saluer M. LaPointe. Je suis très honoré de participer à cette réunion en compagnie d'un journaliste aussi distingué.

[Traduction]

    Je ne vais pas vous faire ma biographie. Je suis sûr que la greffière pourra vous la fournir, et vous pouvez tous me trouver sur LinkedIn ou Wikipédia. J'ai quitté le gouvernement il y a plus de trois ans, mais mon intérêt pour la gestion dans le secteur public se poursuit dans mon rôle à l'Université d'Ottawa.
    Je précise d'emblée que je n'ai mentionné ma comparution et mon témoignage d'aujourd'hui à personne au sein du gouvernement. Je n'ai pas lu les autres mémoires présentés au Comité ni la transcription des autres comparutions. Je ne sais donc pas quels autres conseils vous avez reçus ou devrez examiner.
    J'ai été haut dirigeant au sein du gouvernement fédéral pendant 28 ans, et j'ai occupé le poste de sous-ministre pendant 17 ans. Pendant environ la moitié de cette période, j'ai travaillé pour des gouvernements libéraux et pendant l'autre moitié, pour des gouvernements conservateurs. Je peux offrir au Comité une certaine expérience et un certain point de vue sur la façon dont l'accès à l'information influe sur le travail de la fonction publique fédérale et sur son fonctionnement en pratique. Je peux également formuler quelques suggestions sur la façon dont il pourrait être amélioré.
    Mon opinion sur l'AIPRP est déjà consignée. Elle est exposée en détail dans une vidéo d'une heure diffusée sur YouTube par Liberté de la presse Canada. En septembre 2021, j'ai eu le plaisir de participer à un débat sur l'accès à l'information parrainé par cette organisation. Les députés l'ont peut-être loupé, car ils étaient en campagne pour les élections qui ont eu lieu deux semaines plus tard.
    Par souci de brièveté, j'ai envoyé une déclaration écrite à la greffière jeudi dernier, qui, je l'espère, vous a été distribuée. Je ne vais pas la lire en entier aujourd'hui. Voici le résumé des principaux points dont j'aimerais vous faire part aujourd'hui.
    Premièrement, le régime fondé sur les demandes de l'AIPRP créé dans les années 1980 n'est pas suffisant. Pour les années 2020 et 2030, la loi devrait être élargie et devenir une loi sur la transparence. Le commissaire devrait désormais être un commissaire à la transparence et se voir confier un vaste mandat consistant à examiner les pratiques liées à la transparence dans l'ensemble du secteur public fédéral, y compris dans la fonction publique, toutes les sociétés d'État, le Parlement même et les tribunaux, et à formuler des recommandations à cet égard.
    Deuxièmement, rien n'empêche un gouvernement, aujourd'hui ou à l'avenir, de restreindre ou d'annuler les pratiques liées à la transparence établies au cours des 10 ou 15 dernières années, ou de prévoir des exceptions à ces pratiques. Pour rendre les choses plus douloureuses, la loi devrait être élargie dès maintenant, avant les prochaines élections, afin d'y inclure une solide obligation légale de divulgation routinière, régulière et proactive d'une longue liste de catégories d'information, qui sont énoncées dans mon mémoire, de sorte qu'il ne puisse y avoir de retour en arrière après octobre 2025.
    Troisièmement, l'ensemble du régime d'accès devrait s'appliquer à tous les membres du personnel financé par les contribuables et aux cabinets des ministres, y compris à celui du premier ministre, afin de placer l'ensemble du personnel politique et des fonctionnaires sur un pied d'égalité.
    Quatrièmement, un modèle d'accès à l'information fondé sur les demandes et, de fait, la protection de la vie privée, ne peuvent pas bien fonctionner si les gouvernements ne prennent pas enfin au sérieux le stockage, la gestion et l'extraction des documents, et n'investissent pas dans ces activités. Aucun gouvernement ne le fait, et l'état de la gestion des documents au sein du gouvernement fédéral est désastreux. Pour commencer le long et difficile travail nécessaire pour remédier à ce désordre, la loi devra être élargie de manière à inclure la production de rapports et les mécanismes de rétroaction qui obligent le gouvernement au pouvoir à prêter attention à la population canadienne et à ce comité, et à leur faire part des progrès réalisés.
    Cinquièmement, l'obligation de documenter fait partie des idées qui semblent bonnes si on les formule sans trop réfléchir, mais qui ne fonctionneraient pas dans la pratique. Ce concept pourrait avoir des conséquences néfastes et imprévues.
    En tant qu'ancien secrétaire du Cabinet et greffier du Conseil privé qui a été responsable, pendant trois ans, du processus et des documents du Cabinet, j'ai hâte de parler des questions relatives aux documents confidentiels du Cabinet et aux délibérations du Cabinet et de ses comités. J'ai exposé mon point de vue sur le gouvernement de cabinet de façon assez détaillée dans mon livre, Governing Canada, publié en 2021. Ces questions ont été soulevées lors du débat organisé par Liberté de la presse en septembre dernier.
    La version courte de mon message est la suivante: il ne serait pas dans l'intérêt public de faire en sorte qu'il soit plus difficile pour le Cabinet de délibérer et de prendre des décisions.
    Cette mise en garde faite, je me ferai maintenant un plaisir de répondre aux questions du Comité.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

  (1535)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Wernick.
    Monsieur LaPointe, vous avez cinq minutes pour formuler vos observations liminaires. Allez‑y.
    Je suis heureux que Michael Wernick soit parmi nous aujourd'hui.
    Merci beaucoup de me donner aujourd'hui l'occasion de discuter avec vous de la réforme de l'accès à l'information. Je m'appelle Kirk LaPointe. Je suis éditeur et rédacteur en chef de Business in Vancouver, le journal d'affaires de la Colombie-Britannique, et vice-président de la rédaction de Glacier Media, le principal organe de presse de l'Ouest canadien. J'enseigne également l'éthique et le leadership à titre de professeur auxiliaire dans le cadre du programme de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique. Mon rôle consiste en partie à enseigner le droit de la liberté de l'information, ce qui fait évidemment aussi partie de mes fonctions de rédacteur.
    Ma familiarité avec l'AIPRP remonte aux rôles que j'ai joués dans les années 1980 et 1990 à Ottawa, en tant que directeur du bureau de la Presse canadienne et animateur sur CBC News Network, alors appelé CBC Newsworld. J'ai préconisé une forte utilisation de l'AIPRP dans le cadre des opérations de presse que j'ai dirigées au sein de la Presse Canadienne, puis de Southam News, du Hamilton Spectator, de CTV News et du Vancouver Sun, et maintenant de Glacier Media. J'ai personnellement déposé plus de 3 000 demandes, et les salles de presse que j'ai dirigées en ont déposé plus de 15 000.
    Je considère l'AIPRP non pas comme une occasion de jeter le scandale sur le gouvernement au pouvoir, mais comme un instrument important permettant au public que nous servons de comprendre notre histoire, le processus décisionnel des personnes qui nous servent, ainsi que les complexités, les enjeux et les dilemmes inhérents à l'administration publique. Le travail que j'ai effectué a permis de faire la lumière sur toutes sortes de sujets, allant des discussions du Cabinet sur la Loi sur les mesures de guerre aux évaluations de l'optimisation des ressources dans toute une série de programmes ministériels, en passant par les dépenses liées à l'exploitation de nos résidences officielles, et bien plus encore.
    J'avais pour objectif de servir ce que je considérais subjectivement comme l'intérêt public, et mon instrument était une loi que j'estimais pouvoir éclairer le fonctionnement du gouvernement. Jusqu'au projet de loi C‑58, cette conviction a connu plusieurs revers. Les réformes récentes de la loi ont permis de retrouver une partie de l'esprit original de la loi tel que l'avait envisagé Ged Baldwin, le député conservateur que j'ai connu lors de mes débuts dans la capitale nationale, mais nous avons encore un très long chemin à parcourir pour concrétiser sa vision.
    Trop souvent dans son histoire, les utilisateurs de cette loi ont eu l'impression qu'on leur faisait une faveur lorsqu'ils exerçaient leur droit de savoir. Les retards et les refus ont fini par éroder leur crédulité. Trop de fonctionnaires ont estimé que leur rôle consistait à protéger la bureaucratie et les maîtres politiques. La technologie permet désormais d'effacer et de recréer l'empreinte de l'histoire. Les investissements considérables effectués par les gouvernements successifs dans le vaste appareil de leurs propres communications, sous la forme d'une presse vaniteuse et suffisante, ont largement compensé tout investissement dans l'AIPRP.
    Au cours de la dernière décennie, mon point de vue a été étayé par ma participation aux élections municipales ici, à Vancouver. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que j'ai acquis une meilleure compréhension de la perspective des politiciens et de l'environnement public et médiatique qui, à l'ère des médias sociaux, engendre à juste titre une attitude défensive et prudente, un manque de franchise et une absence de reconnaissance des erreurs de jugement ou des décisions qui ont mal tourné. Je pense pouvoir parler en connaissance de cause de votre situation, des conditions que vous endurez et de l'influence qu'elles peuvent avoir sur ce que vous souhaitez partager avec le public. Je peux comprendre la peur qui règne dans tout environnement de divulgation importante, car cette divulgation exige d'admettre des erreurs. Bien sûr, tout le monde fait des erreurs. C'est pourquoi il y a des gommes sur les crayons. Même le pape a renoncé à revendiquer l'infaillibilité.
    J'espère que vous comprendrez également pourquoi j'appelle à l'établissement d'une vision plus large. La culture défensive de la communication est en effet l'une des principales causes de la suspicion et du cynisme qui règnent au sein de nos systèmes politiques, et qui peuvent engendrer les contenus les plus vulgaires sur les médias sociaux, ainsi que des taux de participation électorale et de participation aux partis politiques affreusement bas. Lorsqu'on ne leur donne pas accès à la pathologie critique des politiques publiques, au processus décisionnel, les médias doivent travailler avec des renseignements très limités, ce qui affaiblit notre métier et notre image. Quelques réformes pourraient résoudre ces deux problèmes.
    Mes recommandations modérées de réformes visant à améliorer la loi découlent de plusieurs des obstacles de base auxquels j'ai été confronté.
    Tout d'abord, nous devons investir dans les ressources, afin de limiter les délais de réponse aux demandes. Si le gouvernement veut réellement faire preuve d'ouverture, il doit communiquer au public la somme qu'il investit dans sa propre publicité et ses communications promotionnelles, puis établir un lien entre ces dépenses et celles consacrées à l'amélioration de l'accès à l'information.
    La proactivité est un ingrédient important, mais le projet de loi C‑58 ne permet de réaliser que des progrès mineurs. Toute réforme devrait exiger la divulgation proactive de toute une gamme de renseignements au sein du gouvernement, y compris les vérifications ministérielles effectuées à l'interne 30 jours après leur achèvement, quand la peinture est encore fraîche, afin de déterminer pratiquement en temps réel si les programmes offrent réellement un bon rapport qualité-prix.
    Le deuxième domaine proactif comprendrait la publication simultanée des documents — études, correspondance, recherches, plaidoyers — qui ont préparé les ministères et leurs ministres à l'annonce de politiques ou à l'introduction de lois, à l'exception, bien sûr, des documents confidentiels du Conseil privé. Tous les contrats de service passés par le gouvernement devraient être assujettis à cette loi.

  (1540)  

    Il est temps d'établir la période d'interdiction d'accès aux dossiers du Conseil privé de la Reine à 15 ans au maximum, au lieu de 20 ans, comme c'est le cas dans ma propre province, la Colombie-Britannique, ou même à 10 ans. Le plus long règne politique que j'ai connu — celui de Lester Pearson et Pierre Trudeau — a à peine duré 15 ans. La divulgation des procès-verbaux et des dossiers depuis la date la plus ancienne toucherait rarement un gouvernement en exercice, mais la pertinence de l'information diminue avec le temps.
    Ma dernière recommandation, dans le cadre de cet examen, serait que le Comité dénonce les abus de la lettre et de l'esprit de la loi dans l'ensemble de la fonction publique: l'utilisation de courriels personnels ou d'applications cryptées pour les communications du gouvernement, le recours à des séances d'information de vive voix au lieu de rapports écrits, et la protection par droit d'auteur des travaux réalisés par les fournisseurs pour éviter la divulgation, entre autres. La réforme de cette loi ne peut pas s'étendre à ces aspects, mais la recommandation d'une révision de la loi sur la fonction publique pourrait limiter ces problèmes chroniques.
    Merci beaucoup pour votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
    Merci, monsieur LaPointe.
    Je suis heureux que M. Wernick ait pu vous accorder une minute supplémentaire pour vous permettre de formuler cette dernière recommandation. Cela a bien fonctionné pour le Comité.
    Voici ce que je propose.
    Nous avons deux témoins qualifiés. Je ne m'attends pas à ce que nous soyons interrompus aujourd'hui. Je propose un premier tour de six minutes chacun, un deuxième tour de cinq minutes chacun, puis, éventuellement, un troisième tour de deux fois cinq minutes et deux fois deux minutes et demie. Si tout le monde est d'accord, nous allons continuer. Il ne sera peut-être pas nécessaire de procéder à ce dernier tour, mais voilà ce que je propose aujourd'hui.
    Sur ce, nous allons d'abord donner la parole à M. Kurek, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de s'être déplacés pour comparaître devant ce comité. Je vous remercie de nous faire part de votre expertise et de votre expérience.
    Comme toujours, je vous encourage — et je sais que M. Wernick et M. Lapointe ont mentionné qu'ils avaient envoyé un mémoire — à ne pas hésiter à soumettre des précisions à ce comité, afin que nous puissions rédiger le rapport le plus complet possible à la conclusion de cette étude. Je vous en remercie d'avance.
    Je voudrais vous poser une question à tous les deux. Je l'ai posée à tous les témoins au début de chaque tour. Elle est simple. Un régime efficace d'accès à l'information est‑il essentiel à une démocratie moderne?
    Je commence par vous, monsieur Wernick.
    Votre microphone est en sourdine.

  (1545)  

    Oui, évidemment. Je ne pense pas avoir besoin du reste du temps. Je pense...
    Désolé.
    Monsieur LaPointe...
    J'entends un retour de son. J'entends un retour de son du parquet. Dois‑je recommencer?
    Vous avez parfaitement répondu à la question.
    Monsieur LaPointe, je passe maintenant à vous.
    Incontestablement. Je pense que le public a la possibilité, dans le cadre de son exercice démocratique, de se prévaloir du droit de savoir, en particulier dans un contexte où les gouvernements adoptent des méthodes de plus en plus sophistiquées pour contrôler les messages. Il pourra ainsi surtout révéler des renseignements que les gouvernements ne souhaitent pas divulguer à un moment donné.
    Par souci de brièveté, je vous demanderai de répondre par oui ou par non à ma prochaine question, ou peut-être de limiter votre réponse à quelques secondes.
    Cette question s'adresse d'abord à M. Wernick, puis à M. LaPointe. Le système canadien est‑il adéquat, oui ou non?
    Non.
     J'espère que nous aurons l'occasion de parler un peu plus longuement de ces questions...
    Oui, ne vous inquiétez pas.
    Bien sûr que non. Il date des années 1980, et j'ai dit dans ma déclaration liminaire que nous devions adopter une loi sur la transparence pour les années 2020 et 2030.
    Monsieur LaPointe, c'est à vous.
    Non.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wernick, je suis curieux d'entendre ce que vous avez à dire, car les documents confidentiels du Cabinet sont assurément un sujet intéressant et complexe. Dans votre déclaration liminaire, vous avez souligné cette dynamique, cet équilibre qu'il faut trouver en veillant au respect du processus, mais aussi en s'assurant que les Canadiens obtiennent des réponses de leurs principaux représentants élus. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui constituerait un équilibre adéquat pour assurer la responsabilisation et l'accès aux documents confidentiels du Cabinet?
    Les citoyens, les contribuables et les électeurs ont accès à des renseignements sur tous les produits du gouvernement. Ils voient les résultats des décisions, les annonces, les contrats d'approvisionnement, les subventions et les contributions accordées, les vérifications, les évaluations, les recherches et ainsi de suite. Les Canadiens ont accès à tous les produits du gouvernement et à de nombreux renseignements sur ce qu'il fait.
    Les Canadiens disposent d'ailleurs de plus de renseignements qu'à n'importe quelle autre époque de notre histoire. La discussion porte sur les processus de délibération qui précèdent la prise de décision. Ce que je veux dire, c'est que si nous ne garantissons pas un certain degré de confidentialité autour de ces processus de délibération qui précèdent la prise de décision, la capacité du Cabinet à prendre des décisions sera compromise.
    Monsieur LaPointe, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    Je suis d'accord avec M. Wernick pour dire qu'il est évidemment tout à fait approprié de préserver la confidentialité des documents du Cabinet dans le cadre des délibérations qui précèdent la prise de décision du Cabinet. Je plaide toutefois en faveur d'une divulgation plus précoce des renseignements après la prise de décision.
    Je suis d'accord avec M. LaPointe sur la règle des 10 ans. Un délai de 10 ou 12 ans serait aujourd'hui parfaitement adéquat.
    Voici ma dernière question, monsieur Wernick. J'ai constaté que les décisions sont souvent prises en marge des notes d'information et de la correspondance officielles. Il a déjà été question des messages textes, des appels téléphoniques et des applications de messagerie qui peuvent contourner les mécanismes de responsabilisation comme l'accès à l'information. J'ai demandé des enregistrements audio qui m'ont d'ailleurs été promis, mais je ne les ai jamais reçus.
    Dans le cadre de votre expérience unique au sein du gouvernement, avez-vous déjà constaté que ces autres forums de communication nuisaient à la capacité du système de garantir l'accès du public à l'information?

  (1550)  

    Je pense que le principal problème, monsieur Kurek, est que tout un réseau de membres du personnel politique travaille pour les ministres au sein du Cabinet du premier ministre. Ils sont des partenaires égaux, et dans certains cas, les partenaires les plus importants, du processus décisionnel. La loi ne couvre que la fonction publique et ces renseignements sont disponibles après coup.
    Le côté politique est pratiquement placé sous un voile d'invisibilité, d'où ma recommandation d'élargir la loi au personnel financé par les contribuables qui travaille pour les ministres.
    Merci, monsieur Kurek.

[Français]

     J'aimerais informer les membres du Comité que nous avons reçu les documents de M. Wernick, mais qu'ils n'ont pas encore été traduits en français. C'est un problème pour la réunion d'aujourd'hui, mais nous aurons les documents traduits demain.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Hepfner, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Par votre intermédiaire, j'aimerais adresser mes questions à Kirk LaPointe, qui était mon supérieur et, je crois, le rédacteur en chef du Hamilton Spectator lorsque j'y ai travaillé, de 1999 à 2001.
    Je peux attester du fait que vous êtes depuis longtemps un partisan du système de l'AIPRP ou de la Loi sur l'accès à l'information. J'ai dit à plusieurs reprises à ce comité qu'à l'époque, nous avions un mandat. Nous devions déposer un certain nombre de demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information par semaine ou par mois, et je pense que c'était votre décision.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons pour lesquelles le volume des demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information est si important pour un journaliste qui souhaite accéder à l'information de cette manière?
    Merci beaucoup. Je suis également heureux de voir que l'un de nous deux a progressé dans sa carrière.
    Je pense que cette importance est due au fait qu'une grande partie de l'information est aujourd'hui mise en scène pour nous. Le journalisme s'inspire dans une large mesure de ce qui nous est présenté. Nous devons également réagir à un certain nombre de situations, qu'il s'agisse d'une tragédie ou d'un événement quelconque. Nous devons alors simplement être présents pour en faire la chronique.
    Je ne pense pas qu'il y ait suffisamment de place dans la sphère publique pour les documents obtenus de la propre initiative du journaliste. Je pense que l'accès à l'information — la liberté d'information, comme on l'appelle dans ma province — est une occasion pour les journalistes d'imaginer ce que le public veut savoir et d'aller chercher ces renseignements sans nécessairement se contenter de ce que les gouvernements nous fournissent.
    Ce processus permet également de faire la lumière sur le fossé qui existe parfois entre ce qui est dit au public et ce qui se passe réellement.
    Enfin, je pense qu'il sert aussi en quelque sorte d'instrument permettant au public de participer au travail journalistique et d'exiger certaines choses de notre part, c'est-à-dire d'aller chercher les renseignements qu'il souhaite obtenir. Sans ce mécanisme, je ne pense pas que nous puissions même nous faire une idée approximative des activités du gouvernement.
    En l'absence d'un système d'AIPRP très efficace, nous nous retrouvons avec un système qui est largement déployé, orchestré et chorégraphié par les gouvernements en place. Je ne pense pas qu'il s'agisse là du service dont le public a besoin.
     Merci.
    Le système a beaucoup changé depuis cette époque. Depuis le projet de loi C‑58, nous avons éliminé tous les frais, à l'exception des frais de demande de cinq dollars, et il existe un système de divulgation proactive pour les cabinets des ministres, les ports et les autres institutions du gouvernement.
    À l'époque où je travaillais pour le Hamilton Spectator, nous recevions un résumé de ce que coûterait la réponse à nos demandes. Ces frais s'élevaient parfois à des centaines de milliers de dollars, et nous abandonnions.
    Pensez-vous qu'avec les changements apportés par ce gouvernement, ce dernier soit devenu plus ouvert et transparent à certains égards? Pouvez-vous nous parler des changements apportés depuis cette époque?
    Je disais autrefois que le système était lourd, compliqué et coûteux. Maintenant, il est seulement lourd.
    Savez-vous pourquoi?
    Je pense que le nombre de demandes en vertu de la Loi sur la liberté de l'information a énormément augmenté. Vous pouvez maintenant faire votre demande en ligne. Vous n'avez plus besoin de remplir les petites pages que nous remplissions auparavant et de les envoyer par la poste. La procédure est beaucoup plus rapide et beaucoup plus simple.
    Pensez-vous que le système serait plus efficace si le gouvernement pouvait répondre à ces demandes dans un délai de 30 jours, par exemple, mais sans fournir de renseignements complets, ou serait‑il selon vous préférable que le gouvernement dispose de plus de temps pour répondre à ces demandes et qu'il réponde de manière plus complète?

  (1555)  

    Je suis en faveur de... Je pense que la commissaire à l'information a essentiellement déclaré qu'il devrait y avoir un plafond en ce qui concerne la durée du délai. Je serais favorable, comme la plupart des journalistes je pense, à une divulgation partielle et à un genre de classeur roulant qui serait ouvert graduellement. Il serait important qu'une certaine quantité d'information soit divulguée pendant la période de 30 jours.
    En fin de compte, je pense que ce que nous devons arrêter, ce sont ces retards incessants qui, dans de nombreux cas, semblent retarder pendant des mois et parfois de nombreuses années l'importante recherche de l'accès à l'information. Votre comité doit être très ferme à ce sujet, afin de garantir que nous mettons réellement en oeuvre une nouvelle culture au sein de la fonction publique qui vise à répondre rapidement aux demandes.
    La commissaire à l'information a indiqué aux membres de notre comité qu'elle a la possibilité d'approuver la décision des institutions qui refusent des demandes de mauvaise foi, et elle estime qu'elle devrait exercer de ce pouvoir plus souvent.
    Pensez-vous que cela pourrait contribuer à améliorer la situation?
    La « mauvaise foi » est un terme subjectif, tout comme les termes tels que « vexatoire ». Nous ne voudrions certainement pas approuver en principe ce pouvoir sans comprendre clairement les critères utilisés pour déterminer le caractère de la demande.
    J'ai vu certains des critères que la commissaire à l'information utilise à cet égard, mais j'hésiterais à approuver cette idée avant d'avoir vu une liste assez complète des critères qui seraient utilisés pour vérifier que les demandes que nous recevons sont vraiment vexatoires.
    Merci. Il ne me reste que quelques secondes.
    Ne craignez-vous pas que si nous supprimons le nombre d'exclusions qui existent actuellement dans le système d'accès à l'information, cela rende le gouvernement plus fermé et que les gens trouvent d'autres moyens de communiquer pour ne pas être assujettis à la législation?
    C'est certainement une préoccupation, tout comme l'a été la mise en oeuvre de la technologie qui permet au personnel politique et de la fonction publique d'éviter de présenter des demandes normales. Je pense toutefois que l'on peut remédier à ce problème dans une certaine mesure en élargissant la divulgation proactive de certains documents.

[Français]

     Je vous remercie, madame Hepfner.
    Monsieur Simard, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur LaPointe, dans votre présentation, vous avez indiqué que l'action du gouvernement pouvait parfois inciter les gens à douter, voire à être cyniques en matière de participation politique puisqu'ils n'ont pas nécessairement les informations pertinentes pour réfléchir et se faire une idée.
    Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais il y a aujourd'hui dans Le Devoir un article d'Émilie Bergeron. La journaliste y relate que, suite à une demande d'accès à l'information, elle a lu dans un document du Conseil du Trésor que la question de l'accès à l'information n'est pas une priorité. Un document du Conseil du Trésor énonce donc clairement que, pour les fonctionnaires, l'accès à l'information n'est pas une priorité.
    Selon votre expérience et celle de M. Wernick, est-ce que cet état de fait est généralisé au gouvernement fédéral? Est-ce que cette idée que l'accès à l'information n'est pas une priorité est répandue dans l'ensemble des ministères?

[Traduction]

     Je vais céder la parole à M. Wernick dans une seconde, mais d'après mon expérience de la loi actuelle, qui remonte à plus de 30 ans, je dirais qu'il existe encore une culture très forte de protection de la bureaucratie et, dans certains cas, de protection des maîtres politiques. Je comprends qu'il s'agit là d'une généralisation très importante, et probablement très injuste pour un grand nombre de personnes au sein du système qui, je crois, sont d'excellents défenseurs de la divulgation et qui se battent essentiellement pour que le public puisse jouir du droit de savoir. Mais d'après mon expérience, du moins spontanée, et compte tenu des milliers de demandes auxquelles j'ai participé, cette culture qui prévaut encore.

  (1600)  

[Français]

    Monsieur Wernick, voulez-vous renchérir?
    J'aimerais renforcer certains des messages de mon document.

[Traduction]

    Les documents ne sont pas seulement requis en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il existe une infrastructure de gestion, de stockage et de récupération des documents qui permet de répondre aux demandes présentées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, notamment les enquêtes préalables, les procédures judiciaires, les enquêtes publiques, les questions parlementaires écrites, les questions et les demandes des comités de la Chambre et du Sénat, et les examens de plus d'une douzaine d'agents et de mandataires du Parlement. De nombreuses personnes participent à la gestion, au stockage et à la récupération des documents et des dossiers au sein du gouvernement du Canada. C'est toute une entreprise.
    Je dirais que si vous souhaitez imposer des délais et des pénalités, vous prendrez des mesures qui seront inutiles, à moins que les gouvernements futurs n'investissent beaucoup plus d'argent dans la gestion des dossiers et des documents et n'y accordent plus d'attention.

[Français]

    D'accord, je vous ai bien compris.
    Outre le besoin d'avoir davantage de ressources, une question me vient constamment à l'esprit.
    Je pense à ce qui est arrivé au courant de l'été. Je ne sais pas si vous avez suivi l'affaire du glyphosate, dans le cadre de laquelle le groupe Vigilance OGM, en réponse à une demande d'accès à l'information faite il y a plus d'un an, a reçu 200 pages vierges, complètement caviardées.
     Cela me porte à me demander qui, en vertu de la loi actuelle, est responsable. Il existe un principe prépondérant en politique, celui de la responsabilité: les gens sont responsables des gestes qu'ils posent.
    Du point de vue de l'information, comment peut-on garder le contrôle sur les décideurs? Est-ce que les décisions ne sont prises que par des fonctionnaires? Est-ce que les ministres ne devraient pas, en dernière instance, être tenus responsables de l'information qui est diffusée ou du refus de la diffuser?
    Non. Par contre, un sous-ministre ou une personne occupant un poste de même niveau a l'obligation de mettre en place un processus. En effet, la responsabilité incombe d'abord à la fonction publique et au gestionnaire en chef de l'institution.
     On ne veut pas qu'un ministre ou un membre de son cabinet s'ingère d'un point de vue politique dans les décisions rendues en réponse aux demandes faites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Selon moi, il faut garder une distance entre les politiciens, leur cabinet et la fonction publique.
    Pourrait-on instaurer un mécanisme pour punir les gestes de certains fonctionnaires qui auraient tendance à retenir de l'information ou à vouloir se sortir de situations embêtantes?
     Aujourd'hui, l'information passe très rapidement. Vu le temps qu'on prend pour traiter les demandes d'accès à l'information, n'importe quelle question d'ordre politique a le temps de s'évanouir dans l'espace médiatique avant qu'on ait l'ensemble du portrait.
    Comment pourrait-on exiger une certaine forme de responsabilité de la part des fonctionnaires qui ne répondent pas aux demandes d'accès à l'information?
    En première instance, il y a la rétroaction du commissaire au moyen de ses fiches de rendement des institutions et de ses rapports d'enquête. Il y a aussi des comités comme le vôtre.

[Traduction]

    Je dirai qu'il y a deux ou trois choses que nous avions l'habitude de faire et que nous ne faisons plus. Nous avions l'habitude de nous renseigner, en vertu de la loi, sur le processus de réponse aux demandes et sur le temps que ces demandes resteraient dans le bureau d'un sous-ministre, ou même d'un ministre, avant de nous parvenir. Cela permettait de les forcer à rendre un peu des comptes, de leur faire honte, si cela était nécessaire. Je pense qu'en général, dans le journalisme, nous nous retirons souvent en silence lorsque nous n'obtenons pas ce que nous voulons. C'est notre faute. Je pense que nous devrions informer davantage le public de ce que nous ne recevons pas lorsque nous présentons une demande.
    L'un des aspects qui pourraient être couverts par les dispositions de divulgation proactive que je recommande serait que les ministères et les organismes soient forcés d'afficher chaque demande présentée, chaque demande pour laquelle des renseignements sont divulgués et le temps écoulé entre la présentation et la divulgation. Cela créerait une boucle de rétroaction.

  (1605)  

[Français]

     Merci, messieurs Wernick, LaPointe et Simard.

[Traduction]

    Peter Julian, vous avez la parole pendant six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, messieurs Wernick et LaPointe: vous nous avez livré des témoignages très utiles dans le cadre du travail que ce comité est en train d'effectuer.

[Traduction]

    Je vais commencer par vous interroger, monsieur LaPointe.
    Il y a quelques années, vous avez accordé une entrevue à la revue Courrier dans laquelle vous parliez de la loi allemande sur la transparence, qui crée, comme vous le savez, cette obligation légale de divulguer des informations et fait peser sur ceux qui ne veulent pas qu'un document soit publié la charge d'argumenter contre sa publication, au lieu de faire peser sur ceux qui veulent qu'un document soit publié la charge d'argumenter au sujet des raisons pour lesquelles il devrait être publié.
    Comment cette approche aurait-elle une incidence sur l'accès à l'information à l'échelle nationale? Est‑ce le genre d'approche qui, selon vous, devrait être mise en œuvre à l'échelle fédérale?
    Eh bien, ce serait la prise de judo finale.
    J'aime l'approche qu'ils adoptent. Cette approche pose encore des problèmes en Allemagne, parce qu'un très grand nombre d'entreprises ont levé la main et déclaré qu'une grande partie de la confiance commerciale pourrait s'échapper du système. Cependant, cela ferait clairement peser la charge là où je pense qu'elle était censée peser initialement, c'est-à-dire que les gouvernements et les tiers devraient faire valoir les raisons pour lesquelles les renseignements ne peuvent pas être divulgués. Sinon, la divulgation serait automatique.
    La confiance commerciale découle du fait qu'il incombe aux entreprises de protéger ces renseignements. C'est bien sûr une raison que les entreprises peuvent invoquer, pour garder ces informations confidentielles.
    Oui, elles ont tout à fait le droit de le faire.
    Y a‑t‑il d'autres pays ou d'autres administrations dont vous pensez que le Canada devrait s'inspirer en matière de lois sur l'accès à l'information — d'autres pratiques exemplaires adoptées à l'échelle mondiale?
    J'ai utilisé la loi américaine des centaines de fois, et je pense qu'aux États-Unis, la culture de la divulgation est simplement différente en ce qui concerne le gouvernement. Je crois qu'il y a une sorte d'inhérence... qu'il s'agisse de libertarisme ou d'une certaine suspicion à l'égard du pouvoir du gouvernement. En conséquence, la loi américaine sur l'accès à l'information, qui est antérieure à la nôtre — je pense qu'elle remonte à 1971 — fournit des renseignements beaucoup plus complets au public.
    En tant que journalistes, nous demandons souvent les mêmes renseignements des deux côtés de la frontière lorsqu'il s'agit d'un problème transfrontalier, et les Américains remportent toujours la partie en ce qui concerne l'information fournie. Donc, au moins... J'aime de nombreux aspects du droit américain et de la culture américaine.
    Merci. Ces réponses sont très utiles.
    Selon vous, quel aspect du régime actuel d'accès à l'information crée le plus grand nombre d'obstacles pour les journalistes de notre pays?
    Oh, je ne sais pas. Je pense que 15 aspects se disputent la première place à ce sujet.
    Je ne sais pas s'il y en a nécessairement un qui constitue un obstacle. Avant, c'était le coût. Maintenant, je pense que ce serait les délais, parce que la loi semble servir d'outil un peu plus efficace pour l'histoire que pour le journalisme. Je pense que, dans certains cas, même la divulgation de toutes les demandes par les différents ministères constitue un peu un obstacle, car elle permet à d'autres chercheurs et à d'autres journalistes de voir ce qui a été demandé. Par conséquent, dans le cas d'un grand nombre de travaux d'enquête, les entreprises de presse tenteront de trouver d'autres moyens d'obtenir cette information, cet accès à l'information, afin de ne pas, essentiellement, alerter la concurrence à propos de ce qui se passe.
    C'est un petit prix à payer si la plus grande récompense consiste à obtenir un service plus rapide à cet égard, mais je dirais que les délais sont maintenant le plus grand problème pour nous.
    D'accord.
    Vous avez vécu et travaillé partout au Canada. Constatez-vous des variations régionales, par exemple, en étant en Colombie-Britannique? L'accès à l'information se déroule-t-il différemment selon les régions, ou a‑t‑il la même incidence dans l'ensemble du pays?
    Eh bien, en ce qui concerne les documents confidentiels du Cabinet, ils sont confidentiels pendant 15 ans en Colombie-Britannique, et non pendant 20 ans, comme c'est le cas pour le gouvernement fédéral. Cela nous permet de consulter plus tôt des documents sur lesquels le Cabinet aurait délibéré ou pris une décision; nous pouvons remonter jusqu'à il y a 15 ans.
    L'un des principaux problèmes, c’est qu'en dehors de la région de Toronto-Montréal-Ottawa, la loi n'est pas tellement utilisée. Mes homologues en Colombie-Britannique utilisent à peine la loi fédérale. Nous utilisons les lois provinciales et municipales pour avoir accès à l'information ici. Je pense que cela devrait nous indiquer quelque chose, à savoir que l'on croit généralement que la loi ne fonctionne pas et qu'il ne vaut donc pas la peine d'essayer d'avoir accès à de l'information.
     Il fut un temps où je pouvais entrer dans le bureau de quelqu'un et lui parler des demandes que je leur avais présentées, et traiter avec cette personne localement pour gérer un dossier. Bien sûr, c'est impossible maintenant, car je me trouve à trois fuseaux horaires de distance d'eux. Je pense que les autres chercheurs ici haussent les épaules et ne prennent pas la peine d'avoir recours à la loi.

  (1610)  

    Cette information est très utile.
    Je pose ma dernière question, car je sais que le président du Comité va me faire taire sous peu.
    Devrait‑on fournir plus d'informations aux Canadiens sur le fonctionnement du processus, sur la façon de traiter les réponses, afin que les Canadiens en général puissent aussi avoir une meilleure compréhension du régime d'accès à l'information et de la façon de s'y retrouver?
    J'enseigne le processus, et je peux vous dire qu'en trois heures, il est très difficile, même avec des étudiants de cycles supérieurs, de les guider à travers le processus. Je ne peux qu'imaginer ce qu'un citoyen ordinaire peut traverser afin de tenter de s'y retrouver dans toutes ces étapes.
    Je pense que des tutoriels, des vidéos ou des modes d'emploi seraient utiles au citoyen moyen qui cherche à s'y retrouver. Honnêtement, je pense qu'il devrait y avoir presque l'équivalent d'un service de dépannage, afin d'aider les gens à formuler leurs demandes de manière à ce qu'elles soient bien reçues.
    Je connais des cas où des groupes de fonctionnaires se sont réunis autour d'une table afin d'examiner une demande et de déterminer les mots qui étaient essentiellement des pièges pour leur permettre de ne pas divulguer des documents. Je pense, encore une fois, que c'est un service qui aiderait le public à se prévaloir de ce droit. Il y a toutes sortes d'autres services de dépannage du gouvernement pour vous aider à remplir votre déclaration de revenus et à accomplir un certain nombre de tâches. Il devrait également y avoir un service de dépannage pour l'accès à l'information.
    Merci, monsieur LaPointe. Votre intervention a duré un peu plus longtemps que d'habitude.

[Français]

     Nous allons maintenant procéder au deuxième tour. Chacun des députés aura cinq minutes pour poser ses questions.
    Monsieur Gourde, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui. Pour nous, c'est vraiment très important.
    Dans le cadre des activités du gouvernement, il se prend sans doute des décisions pratiquement tous les jours. Quand des Canadiens ou des journalistes veulent obtenir des informations supplémentaires sur certaines décisions ou certains agissements, ils recourent à la Loi sur l'accès à l'information. Malheureusement, les réponses obtenues sont trop souvent caviardées ou ne disent pas grand-chose.
    Selon vous, abuse-t-on du caviardage pour cacher des informations qu'il n'est peut-être pas si grave de connaître, au fond?
    De notre côté, nous pouvons faire notre travail. S'il y a des abus quelque part, nous pouvons inviter les gens à comparaître pour qu'ils s'expliquent. Il arrive d'ailleurs souvent que nous donnions raison aux gens qui viennent expliquer pourquoi ils ont pris certaines décisions. Cependant, le fait de cacher tant d'informations nous amène à plus ou moins comprendre pourquoi il y a tout ce désenchantement face à la fonction publique.
    Chacun à votre tour, pourriez-vous dire s'il y a abus à cacher tant d'informations?
    Monsieur Wernick, commençons par vous.

[Traduction]

    Je pense que les personnes de bonne foi dans les ministères essaient de se conformer aux demandes, puis de trier les différentes exemptions et les raisons pour lesquelles il y aurait un besoin de confidentialité ou de non-communication de l'information. Il pourrait s'agir d'un avis juridique, de preuves présentées dans le cadre d'une plainte pour harcèlement, de preuves fournies par des survivants des pensionnats au cours d'une audience d'arbitrage, de déclarations de revenus et d'affaires... Il existe toutes sortes de raisons de ne pas communiquer l'information.
    Je suis d'accord avec M. LaPointe pour dire que le fardeau de la loi pourrait être inversé de manière à divulguer l'information à moins que sa non-communication soit justifiée, mais cela voudrait dire qu'il faudrait préciser les définitions de la sécurité nationale, des documents confidentiels du Cabinet, entre autres choses, mais je crois que le régime pourrait être inversé.
    Je tiens à souligner que les journalistes ne sont pas les seuls utilisateurs de la loi, bien qu'ils soient, bien sûr, d'importants utilisateurs. En fin de compte, elle a été conçue pour les citoyens, les électeurs et les contribuables, mais elle est grandement utilisée par les courtiers et les revendeurs. Elle est utilisée par des avocats qui poursuivent le gouvernement, par des lobbyistes et des groupes d'intérêts spéciaux qui tentent de bloquer une initiative gouvernementale, une mesure législative ou une réglementation déséquilibrée. La loi est aussi fréquemment utilisée par des entreprises qui tentent d'obtenir des informations sur leurs concurrents, et par des gouvernements étrangers.
    Nous ne pouvons pas être complètement naïfs quant aux objectifs des demandes d'accès à l'information et à la nécessité de procéder à un examen minutieux à une étape ou à l'autre du processus, mais je suis d'accord pour dire que le fardeau de divulgation pourrait être inversé.

  (1615)  

    Je suis d'accord avec M. Wernick en ce qui concerne, bien sûr, l'utilisation de la loi. Je dirais cependant que l'une des raisons pour lesquelles les journalistes ne représentent qu'environ 10 % du nombre d'utilisateurs de la loi, c'est qu'ils se sentent frustrés par cette dernière et qu'ils n'essaient tout simplement pas d'avoir accès à l'information.

[Français]

     Dans votre déclaration, vous avez présenté des recommandations. Parmi celles-ci, si vous aviez à en choisir deux ou trois, lesquelles seraient les plus importantes à reprendre dans le rapport du Comité?
    Selon moi, il faut deux éléments importants pour un régime de transparence. Le premier est un cadre législatif établissant toutes les obligations et pratiques de divulgation proactive.

[Traduction]

    Rien n'empêche le prochain gouvernement de revenir en arrière, de restreindre toutes ces pratiques de divulgation proactive ou de prévoir des exemptions à leur égard. Vous devriez inscrire ces pratiques dans la loi et faire en sorte que leur abrogation et le retour en arrière soient douloureux.
    Je pense qu'il serait utile d'ajouter la divulgation proactive à la loi. Je suis d'accord avec M. LaPointe pour dire qu'il serait utile de confier au commissaire une fonction de service de dépannage, afin d'aider les Canadiens à présenter des demandes. De plus, je pense qu'il est très important que la portée de la loi soit étendue au personnel politique financé par les contribuables.

[Français]

    Monsieur LaPointe, nous vous écoutons.

[Traduction]

    Je me contenterai de répéter deux ou trois des recommandations qui me semblent les plus importantes.
    L'une d'entre elles est liée à l'impression de retard et à l'investissement nécessaire pour faire en sorte qu'il y ait une infrastructure permettant de rendre l'application de la loi plus efficace.
    Je pense que la deuxième partie concernerait la divulgation proactive d'un plus large éventail de documents et de dossiers, afin de s'assurer que les journalistes et les autres chercheurs n'aient pas à recourir à la loi pour obtenir des renseignements qui devraient être disponibles de manière plutôt routinière.

[Français]

    Merci, monsieur Gourde.

[Traduction]

    La prochaine intervenante est Mme Saks.
     Merci, monsieur le président.
    Je vais suivre l'exemple de mon collègue précédent.
    Messieurs Wernick et LaPointe, vous avez tous deux mentionné que les journalistes ne sont pas les seuls à présenter des demandes d'accès à l'information, mais qu'il peut aussi s'agir d'historiens, de chercheurs et de personnes qui étudient des affaires juridiques. Les Canadiens se posent beaucoup de questions non seulement au sujet des enjeux actuels, mais aussi au sujet des enjeux historiques, lorsqu'ils présentent des demandes d'accès à l'information.
    En août de cette année, l'organisation B'nai Brith a fait une déclaration selon laquelle elle avait présenté des demandes d'accès à l'information concernant des criminels de guerre nazis qui étaient peut-être entrés au Canada et dont les noms avaient été examinés dans le cadre du rapport Deschênes commandé en 1985. Elle a présenté une demande d'accès à l'information pour tous ces noms et les renseignements généraux de ce rapport. Leur demande a été refusée et jugée déraisonnable parce qu'il aurait fallu environ 1 285 jours, soit plus de trois ans et demi, pour répondre à la documentation de leur demande. Nous avons donc ici une situation liée à des dossiers historiques qui se trouvent dans des archives.
    Je pose la question à M. Wernick ou M. LaPointe, quelle que soit la personne qui souhaite commencer à y répondre. Avez-vous des suggestions à nous faire en ce qui concerne la façon de gérer les questions et les demandes de ce type, qui présentent un intérêt historique pour les communautés ou qui peuvent avoir des conséquences juridiques?
     Aucun gouvernement pour lequel j'ai travaillé n'a vraiment pris au sérieux la gestion de l'entreposage ou la récupération des documents. J'ai travaillé comme sous-ministre au ministère des Affaires autochtones, et nous étions souvent appelés, dans le cadre de litiges et d'autres procédures, à consulter des documents du siècle dernier et du siècle précédent.
     Je ne sais pas comment on imagine que la tenue de documents gouvernementaux fonctionne, mais elle est répartie dans plus de 300 organisations, des milliers de lieux de travail, et il y a différents formats techniques. Une partie est sur papier, et une autre partie se trouve dans les logiciels des années 1970 et 1980. Il n'y a jamais eu d'investissement important dans la numérisation des documents historiques et le rattrapage. Ce sont les documents les plus difficiles à gérer et à récupérer, et ils ne se prêtent pas à la numérisation pour la recherche par mots-clés. Revenir à tout document qui a plus de 20 ans constitue un processus manuel très coûteux qui exige beaucoup de travail.

  (1620)  

     J'espère que lorsque l'apprentissage automatique gagnera en importance concernant l'intelligence artificielle... Je sais qu'ici, sur la côte Ouest, nos universités font des recherches sur la façon dont certains documents pourront être numérisés et lus à l'aide de cette technologie, mais il faudra encore attendre un certain temps. Tout ce que l'on peut faire pour l'instant, c'est bâtir un meilleur système qui permettra d'améliorer la tenue de documents et l'accès aux documents. Il faudra ensuite faire du rattrapage quant aux documents répartis dans 300 organisations différentes, comme le dit M. Wernick.
    Je remercie les deux témoins.
    Un mois à peine avant que B'nai Brith ne publie son communiqué, la commissaire à l'information, dans son rapport spécial sur les archives, a mentionné qu'il y avait un groupe de travail interministériel chargé de donner des conseils sur la déclassification proactive des documents historiques dans le cadre de sa réflexion.
     Encore une fois, c'est presque comme si tout passait par la seule voie de l'accès à l'information. Serait‑il judicieux de mettre en place un processus de classification des documents prioritaires ou des types de documents demandés afin d'en améliorer la gestion, surtout lorsqu'il s'agit de communications interministérielles ou de documents historiques? Avez-vous des idées à ce sujet?
    Je pense qu'on pourrait intégrer une partie de ces éléments dans un chapitre sur la divulgation proactive de la loi si une partie de la loi couvre la divulgation proactive et que la divulgation est obligatoire à moins que l'on puisse fournir une raison de ne pas le faire. Sous réserve des limites du système, cela accélérerait considérablement le processus.
    Monsieur LaPointe, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Puisque j'ai eu recours aux [difficultés techniques] archives nationales à de nombreuses reprises, je peux dire qu'il existe probablement une sorte de lien entre l'AIPRP et la loi sur les archives pour favoriser, peut-être, une plus grande déclassification des documents à mesure qu'ils entrent dans les archives.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Il vous reste 30 secondes.
    D'accord. Je vais céder le reste de mon temps.
    Merci.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Simard, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wernick, dans vos remarques liminaires, vous avez parlé de transformer le rôle du commissaire à l'information pour en faire un commissaire à la transparence. Tout à l'heure, vous avez indiqué qu'il fallait changer la base législative pour que les divulgations soient plus proactives. Vous avez également dit que le mandat de ce commissaire à la transparence devrait être plus vaste.
     Je comprends que c'est ce qui pourrait se retrouver dans une nouvelle base législative, mais qu'entendez-vous par un mandat plus vaste?
    Je pense qu'on peut suivre l'exemple de l'autre commissaire, le commissaire à la vie privée du Canada.

[Traduction]

Les commissaires à la protection de la vie privée n'ont pas hésité à mener des études, à produire des rapports et à faire des commentaires sur les pratiques en matière de protection de la vie privée des entités gouvernementales et, bien sûr, des entreprises du secteur privé. Je pense qu'il est tout à fait possible de donner un mandat spécifique au commissaire à la transparence pour qu'il mène des études et fasse des recommandations sur l'amélioration continue des pratiques de transparence.
    À mon avis, ce mandat devrait couvrir l'ensemble du secteur public fédéral, non seulement les ministères et les organismes, mais aussi toutes les sociétés d'État, le Parlement lui-même et les tribunaux, qui font tous partie de notre système de gouvernance.

[Français]

    Merci.
    Monsieur LaPointe, vous avez dit tout à l'heure quelque chose qui m'a fait sourciller: selon vous, les journalistes représentent seulement 10 % des usagers de la loi fédérale. Précédemment, dans une réponse que vous avez donnée à mon collègue M. Julian, vous avez dit que les lois provinciales et les dispositions municipales étaient peut-être mieux faites et plus utilisées que la loi fédérale.
     Avez-vous des chiffres qui nous permettraient de faire une comparaison? Y a-t-il beaucoup plus de journalistes qui utilisent les lois provinciales et les mesures municipales plutôt que la loi fédérale pour avoir accès à de l'information?

  (1625)  

[Traduction]

     Oui. Il y a des données à cet effet. En Colombie-Britannique, je pense que les journalistes se servent des dispositions ici dans 35 à 40 % des cas. Je peux tout à fait comprendre ce qui explique ce fait, et je pense que cela a à voir en partie avec la distance et la relation entre la municipalité et le gouvernement provincial et tout média d'information. Il y a des organisations nationales qui se concentrent à Ottawa, à Montréal et à Toronto en particulier et qui s'intéressent davantage aux affaires nationales. Je peux donc comprendre qu'elles soient celles qui utilisent la loi là‑bas, et dans diverses provinces du pays, des organisations locales et régionales utilisent les mesures à l'échelle locale.

[Français]

     D'accord.
    Je vous pose cette question parce que vous avez parlé d'un bureau d'aide.
    Je me demande si la loi fédérale est plus complexe dans son application que le même type de mesures qu'on peut retrouver au provincial et au municipal. Si tel est le cas, cela suppose qu'il faudrait, comme vous le soulevez, une certaine forme d'accompagnement pour les gens qui veulent faire appel à la Loi sur l'accès à l'information.
    La loi fédérale est-elle plus complexe?

[Traduction]

    Eh bien, ne vous méprenez pas, mais je serais très heureux qu'il y ait un bureau d'aide à l'échelle provinciale et même municipale. Cela a beaucoup à voir avec la vaste gamme de documents que l'on retrouve à l'échelle fédérale et le fait que, dans bien des cas, il n'y a pas de lien aussi concret avec une communauté comparativement aux documents provinciaux ou municipaux. Je pense qu'en soi, cela dissuade les journalistes de s'intéresser aux questions nationales lorsqu'ils se trouvent dans l'une des régions du pays. Je pense que l'on met évidemment bien davantage l'accent sur les questions fédérales dans la capitale et à Montréal et Toronto, les grands centres d'affaires du pays.

[Français]

    Merci, monsieur Simard.
    Monsieur Julian, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Wernick, je suis désolé que nous n'ayons pas pu consulter les documents que vous nous avez soumis. Nous allons les recevoir demain, comme l'a dit le président du Comité.
    Si les informations que je vais vous demander se trouvent déjà dans vos documents, veuillez me le faire savoir.

[Traduction]

    Je voulais vous poser une question à ce sujet. Puisque vous avez indiqué être d'accord avec M. LaPointe concernant la création d'un bureau d'aide et l'idée d'inverser le fardeau, dans quelle mesure pensez-vous qu'inverser le fardeau de divulgation contribuerait à améliorer le processus lié à l'AIPRP?
     J'aimerais également vous poser la question que j'ai posée à M. LaPointe. De quels modèles dans le monde le Canada devrait‑il s'inspirer? Vous avez mentionné que l'état de la gestion des documents est, et je reprends le mot que vous avez utilisé — je l'ai encerclé en jaune —, « désastreux ». J'ai bien aimé vos observations à ce sujet. Est‑ce que cela fait partie du problème, c'est‑à‑dire que par rapport à d'autres pays, nous ne faisons pas un bon travail de gestion des documents?
     Je n'ai pas de comparaisons internationales à portée de main. À vrai dire, je pense que probablement aucun gouvernement ne fait un excellent travail sur le plan de la gestion des documents. Les politiciens n'ont tout simplement pas envie d'investir dans ce domaine. C'est considéré comme des frais généraux, comme de la bureaucratie. On accorde beaucoup plus de priorité à autre chose dans les périodes de croissance et les examens des dépenses.
     Chaque fois qu'un examen des dépenses a lieu — et j'ai vu de nombreux budgets de fonctionnement être réduits —, la priorité est donnée aux services aux citoyens. Les services internes, tels que les finances, l'audit et la gestion des documents, font l'objet de coupes, car ils ne sont pas considérés comme des investissements dans l'amélioration des services, mais plutôt comme des frais généraux. Je pense que c'est une grosse erreur et j'espère qu'elle sera évitée au prochain examen des dépenses, qui arrive inévitablement, tout comme l'hiver.
     Je tiens toutefois à souligner qu'il y a des secteurs du gouvernement fédéral dans lesquels les provinces ne jouent pas un grand rôle qui nécessite un examen attentif sur le plan de la sécurité nationale. La plupart des provinces ne prennent pas souvent part à des négociations internationales. Elles ne participent pas aux conférences internationales. Elles ne prennent pas position au sein d'organismes internationaux. Le gouvernement fédéral doit vraiment en tenir compte. Il y a des secteurs fédéraux qui sont immensément intéressants pour les gouvernements étrangers et leurs agents et je pense donc qu'un certain contrôle, pour qu'il soit moins facile pour les Chinois, les Russes ou les Iraniens de s'ingérer dans les affaires du Canada, devra être pris en considération dans la rédaction de ces dispositions. Je pense toutefois qu'il y a beaucoup de place pour la divulgation courante proactive.
     Il y a longtemps, on espérait — et je me souviens des discussions qui ont eu lieu — que la divulgation proactive des possibilités d'approvisionnement — contrats, subventions, contributions, déplacements, accueil, études de recherche, vérifications et évaluations — finirait par faire diminuer le nombre de demandes d'accès. Cela ne s'est jamais produit, parce que les gens interviennent en amont, dans les processus délibératifs du gouvernement, et ils veulent savoir des choses avant que les décisions ne soient prises.
     Je vous demande de vous rappeler que toutes les demandes ne s'équivalent pas. Certaines sont très ciblées, on sait de quelle information il s'agit et il est relativement facile de décider si elle doit être diffusée ou non ou protégée. Or, il y a aussi des demandes qui proviennent notamment des courtiers et des revendeurs qui font un peu penser aux chaluts qui parcourent le fond marin en ramassant tout ce qui y vit. Quand j'étais sous-ministre, je recevais habituellement une demande tous les mois dans laquelle on voulait obtenir chaque note que j'avais envoyée au ministre ce mois‑là. On voit souvent ce genre de demandes d'accès à chaque communication qui a eu lieu entre une personne A et une personne B au cours des cinq années précédentes, y compris tous les messages texte et tous les courriels. Il faut alors remonter dans le temps, et le traitement de ces demandes requiert beaucoup de travail. Puis, il y a ces demandes sur tout ce qui peut être trouvé, et les revendeurs et les courtiers approchent alors les gens et leur disent « voici une information qui serait intéressante pour vous ».

  (1630)  

    Pour en revenir à l'inversion du fardeau, si vous êtes en faveur de la divulgation proactive et obligatoire, quels sont les documents, en plus de ceux que vous venez de mentionner, dont la divulgation devrait être obligatoire ou proactive? En d'autres termes, pouvez-vous ajouter des éléments à la liste que vous venez de nous donner?
    On peut soit les intégrer dans la loi, soit créer une liste à ajouter par voie réglementaire. C'est à vous de décider comment procéder, mais je dirai que le gouvernement pourrait éliminer demain n'importe laquelle des pratiques concernant l'affichage des recherches sur les déplacements, l'accueil, les achats, les contrats, les subventions et les contributions et l'opinion publique.
    J'aimerais qu'il y ait une exigence concernant l'affichage des rapports de vérification finaux, des rapports d'évaluation finaux, de toute étude de recherche commandée par les contribuables, de toute recherche scientifique payée par les contribuables. Vous vous souviendrez qu'un accord a été conclu avec les scientifiques du gouvernement sur le musellement de scientifiques il y a quelques années. Cet accord pourrait être abrogé ou révoqué. Cette transparence concernant la recherche scientifique pourrait en partie être traduite en libellé législatif. J'aimerais que tous les résultats des essais environnementaux, des essais de produits, des tests liés à la santé et des inspections de sécurité soient affichés. Ce sont là quelques exemples, et je suis sûr que le Comité pourrait en trouver d'autres.
    Merci, monsieur Wernick.
    Merci, monsieur Julian.
    C'est maintenant au tour de M. Kurek, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    C'est très informatif et je vous en remercie.
    Ma question s'adresse aux deux témoins, mais je vais commencer par M. Wernick.
    En ce qui concerne le caviardage des documents, j'ai reçu des réponses à des demandes d'accès à l'information dans lesquelles 40 pages ont été caviardées, et il y a des références à la loi. Ensuite, il y a 48 pages, qui dans certains cas peuvent inclure un document entier qui n'est pas accessible.
     Ma question est assez générale. Comment pouvons-nous nous assurer que le caviardage est fait correctement et non pour éviter de devoir rendre des comptes lorsqu'il s'agit du droit du public à l'information?
    J'aimerais que vous commenciez, monsieur Wernick, puis je me tournerai vers M. LaPointe.
    Qu'il s'agisse d'un modèle fondé sur les demandes dans lequel quelque chose est divulgué, ou d'un modèle où quelque chose est divulgué à moins qu'il y ait une raison de ne pas le faire, le caviardage est le processus qui consiste à séparer ce qui peut être divulgué de ce qui ne peut pas l'être. Cela nécessite l'exercice du jugement et l'interprétation de la loi et des pratiques.
    La première chose devrait être la clarté et les définitions, avec des termes très précis et clairs, ce qui pourrait être mis à jour à partir de la version des années 1980 pour suivre la pratique actuelle. Ensuite, je pense qu'il faut donner au commissaire ou à la commissaire un rôle sur le plan de la contestation et de la surveillance, et la capacité de signaler ce qu'il ou elle considère comme des suppressions inappropriées.
     En fin de compte, on peut s'adresser à la Cour fédérale, et les tribunaux auront le dernier mot sur de nombreuses questions. Je crois que la Cour fédérale devrait avoir le dernier mot sur toute question lorsqu'il s'agit de déterminer s'il s'agit de renseignements confidentiels du Cabinet.
    Comme vous le verrez dans le mémoire, je pense que la définition de document confidentiel du Cabinet est beaucoup trop vaste à l'heure actuelle.

  (1635)  

    Merci.
     J'aimerais vous entendre à ce sujet, monsieur LaPointe, mais je vais d'abord poursuivre avec M. Wernick au sujet des besoins à combler sur le plan des ressources en ce qui concerne la commissaire à l'information.
    Un certain nombre de témoins ont dit que c'est bien beau d'avoir le pouvoir de rendre des ordonnances, mais si l'on n'a pas assez de ressources pour s'assurer qu'il s'agit d'un processus valable, ou si les membres du bureau de la commissaire à l'accès à l'information n'ont pas les ressources qu'il faut pour assurer un véritable suivi, c'est un problème.
    Avez-vous de brèves observations à faire à ce sujet?
    Je passerai ensuite à M. LaPointe.
    En fin de compte, c'est au Parlement de décider du montant à y affecter. Il y a tout un éventail de responsables et d'agents et des boucles de rétroaction lorsqu'il s'agit de la commissaire à l'information, du commissaire à la protection de la vie privée, de la vérificatrice générale, du directeur parlementaire du budget, du commissaire aux langues officielles, du commissaire aux conflits d'intérêts, de la commissaire au lobbying, du commissaire à l'intégrité, etc.
     Il y a environ 3 000 personnes, et quelque 40 millions de dollars sont investis dans les chiens de garde, ce qui n'inclut pas les personnes qui travaillent au sein des ministères et des organismes et qui doivent chercher l'information dans les systèmes informatiques, les classeurs ou les vieilles archives et les documents papier.
     Le secteur privé utilise un terme, soit « coût des ventes » ou « coût de production ». Il y a un coût lié à la transparence au sein du système fédéral, mais vous avez le pouvoir sur les deniers publics et vous avez la capacité d'affecter les crédits pour ces organismes.
    Merci.
    Monsieur LaPointe, vous disposez d'environ une minute si vous voulez ajouter quelque chose.
    Mon record du monde pour un document caviardé était de 2 700 pages. J'ai reçu de belles feuilles de papier neuves à mettre dans mon télécopieur à l'époque.
    Je dirais qu'il est probablement préférable d'habiliter la commissaire à l'information à exercer une plus grande surveillance et, si nécessaire, d'avoir un petit organisme, conseil ou assistant qui aiderait le bureau de la commissaire à l'information à trancher au sujet des passages caviardés afin de mieux servir l'intérêt public.
    Merci, monsieur Kurek.
    Nous passons maintenant à M. Bains pour cinq minutes.
    La parole est à vous, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités de leur présence.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Wernick.
    Je crois que vous avez brièvement mentionné quelque chose au sujet de la Cour fédérale. Un témoin précédent, M. Drapeau, a proposé des changements au processus suivi par la Commissaire à l'information pour accélérer le processus d'accès à l'information. Plus précisément, il a proposé que les plaintes puissent être portées devant la Cour fédérale après un an.
    Que pensez-vous de son analyse?
    Je ne connais pas suffisamment le sujet pour recommander quoi que ce soit. Je pense qu'une sorte de période raisonnable pour la divulgation, surtout dans le cas d'une chose assujettie à une divulgation proactive, devrait être accordée, mais je ne suis pas en mesure de proposer ce que devrait être cette limite de temps.
    La Cour fédérale n'est pas un endroit où l'on peut simplement s'adresser pour obtenir une décision le lendemain. C'est un endroit très occupé qui traite tous les aspects du droit fédéral. Oui, il existe des audiences accélérées, mais faites attention à ce que vous souhaitez. En effet, vous risquez d'engorger la Cour fédérale si l'accès à celle‑ci est trop facile pour les petites questions qui pourraient être résolues par un mécanisme de règlement des différends ou un organisme intermédiaire, comme l'a suggéré M. LaPointe. Je trouve que je suis très souvent d'accord avec lui cet après-midi.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Le projet de loi C‑58 a permis la divulgation proactive de nombreux renseignements — des dizaines de milliers de renseignements, en fait — qu'on pouvait auparavant seulement obtenir par l'entremise d'une demande d'accès à l'information. Croyez-vous que cela a contribué à rendre le gouvernement plus ouvert et transparent pour les Canadiens?
    J'ai quitté le gouvernement il y a trois ans, et je pense donc que vous êtes mieux placé pour en juger en fonction des commentaires reçus.
    Je pense effectivement que c'est un modèle qu'il faudrait appliquer à une liste beaucoup plus longue de catégories d'information, et si l'information parvient aux électeurs, aux contribuables et aux citoyens directement et sans intermédiaire, c'est une bonne chose pour la transparence et la reddition de comptes du gouvernement fédéral.

  (1640)  

    Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à M. LaPointe.
    Depuis 2004, vous êtes professeur associé et cadre en résidence dans un programme de l'École supérieure de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique. Qu'enseignez-vous à vos étudiants sur l'accès à l'information au Canada et sur le rôle des journalistes, le cas échéant?
    Je leur enseigne à s'armer de patience et à accepter davantage le rejet comme faisant partie du métier. J'essaie aussi de leur enseigner qu'il s'agit toujours d'une activité importante. Je crois que c'est l'une des façons les plus sophistiquées de faire des recherches, car on se fonde réellement sur des comptes rendus officiels, et non sur l'interprétation de quelqu'un ou sur des commentaires anecdotiques. On ne se contente pas de discuter avec quelqu'un pour obtenir une opinion sur les événements. On se penche réellement sur les faits.
    Je leur enseigne à faire les efforts nécessaires, mais je dois dire qu'année après année, au cours de ces trois heures, nous leur confions des demandes d'accès à l'information, et même si je fais cet exercice depuis environ 12 ans, je n'ai encore jamais vu l'un d'entre eux revenir en moins de 90 jours et revenir avec des résultats qui pourraient être utilisés pour écrire un article.
    C'est très frustrant. Je pense qu'un grand nombre de mes étudiants abandonnent après une seule tentative dans le cadre du processus d'accès à l'information. C'est très regrettable.
    En outre, à l'ère de la mésinformation, de la désinformation et de l'importance, dans un sens, d'être le premier à diffuser l'information, les retards causés par le processus d'accès à l'information ont-ils pu contribuer à empêcher les journalistes de diffuser l'information la plus exacte possible?
    Je pense que oui, car je pense que dans l'intervalle, nous dépendons de l'interprétation des fournisseurs d'information, en attendant de pouvoir consulter le compte rendu officiel.
    Je dirais que là où nous faisons des erreurs dans notre métier, c'est que nous couvrons trop de choses et en dévoilons trop peu. L'accès à l'information est un moyen de divulguer des choses. Je ne veux pas dire cela d'une manière méchante ou sévère. Je pense que ce processus permet réellement de révéler des informations importantes, et je ne pense pas qu'on le fasse assez souvent dans le domaine du journalisme. Je pense que c'est en partie attribuable à la complexité de la Loi, ce qui la rend très difficile à utiliser. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est un outil qui sert mieux l'histoire que le journalisme.
    Je pense que M. Wernick a parlé d'autres pays. Vous avez également mentionné l'Allemagne, mais y a‑t‑il d'autres régions ou d'autres pays dont nous pouvons tirer des leçons et où l'on fait peut-être mieux les choses, d'une certaine façon?
    Eh bien, je pense que le Canada occupe, dans le dernier sondage que j'ai vu quelque part, le 57e ou le 58e rang dans le monde, et c'est donc…
    Non. C'est inexact.
    N'est‑ce pas exact? Quel est le chiffre exact dans ce cas? Je n'ai pas vu le dernier classement mondial.
    Je suis désolé, mais je pense en fait que c'est une bonne réponse à la question, c'est‑à‑dire que vous devriez consulter certains classements internationaux. Je pourrais envoyer la liste au Comité.
    Dans un classement des pays les plus transparents établi par le magazine U.S. News & World Report, le Canada occupait le deuxième rang sur 85 pays. Dans le classement établi par Open Data Watch, le Canada occupait le 15e rang. Dans l'Indice sur l’État de droit du World Justice Project, le Canada occupe le 13e rang sur 140 pays pour ce qui est de la transparence gouvernementale. Mais ce n'est pas le moment de nous reposer sur nos lauriers. Nous devrions viser les premiers rangs.
    J'ai examiné tous ces classements au cours de la fin de semaine, et les pays qui devancent le Canada en matière de transparence sont essentiellement les pays nordiques, à savoir la Nouvelle-Zélande et la Suisse. Si vous consultez certains de ces classements internationaux, vous trouverez des exemples à suivre. La plupart d'entre eux sont de petits États unitaires sans provinces importantes, mais c'est peut-être une anomalie.
    D'accord. Je vous remercie, monsieur Wernick.
    Monsieur LaPointe, vous pouvez formuler un dernier commentaire, si vous le souhaitez.
    Oui. Je me fondais sur le Global Right to Information Rating, c'est‑à‑dire le classement mondial du droit à l'information, et dans le dernier classement auquel j'ai accès, et qui date de 2019, le Canada occupait le 57e  rang.

  (1645)  

    Je vous remercie, monsieur.
     C'est ce qui termine la deuxième série de questions. Nous entamons maintenant la troisième série de questions. Comme je l'ai déjà mentionné, les deux côtés auront chacun cinq minutes, puis deux minutes et demie, si cela vous convient.

[Français]

     Je pense que ce sera le dernier tour de questions. On nous a donné beaucoup d'information.

[Traduction]

    Puisque mon collègue, M. Kurek, n'a pas de questions, je prendrai la liberté de poser une question.
    Monsieur Wernick, vous avez dit tout à l'heure que le système de gestion des documents est réparti dans 300 organismes. Vous avez parlé de la numérisation et de l'organisation de ces documents. Je peux certainement en parler dans le cadre de mon rôle de porte-parole en matière d'anciens combattants et je peux parler de la difficulté de transférer des documents du service actif au ministère des Anciens Combattants. Souvent, on nous dit que ces documents n'ont pas été numérisés et qu'il faut aller à Bibliothèque et Archives Canada pour récupérer l'information sur papier pour déterminer si une blessure, par exemple, est liée au service.
    Vous avez également mentionné que c'était très coûteux et laborieux. Dans quelle mesure cela serait‑il coûteux et laborieux, et dans quelle mesure est‑ce nécessaire? J'aimerais avoir votre avis sur la question.
    Eh bien, je pense qu'il y a différents aspects du gouvernement. Il y a 300 ministères et organismes. Vous pouvez tous les voir sur le site InfoBase du GC, que vous avez tous ajouté à vos signets, je l'espère. Il s'agit d'une liste de toutes les entités fédérales, de leurs budgets, de leur personnel, de leurs activités et ainsi de suite, et c'est un outil de transparence important, soit dit en passant.
    Dans certains domaines, comme les affaires autochtones et les anciens combattants, il est évidemment pertinent de remonter 30 ou 40 ans en arrière pour traiter des demandes de règlement, des litiges ou d'autres questions. Dans d'autres domaines, ce n'est toutefois pas le cas. Par exemple, si un brevet a été accordé, il a été accordé, etc.
    Je pense que cela variera. Certains endroits génèrent d'énormes quantités de dossiers, comme l'Agence du revenu du Canada ou l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Vous souvenez-vous de ces cartes en papier bleu et blanc qu'on remplit avec une déclaration en douane lorsqu'on prend l'avion pour rentrer au Canada? Que pensez-vous qu'il soit advenu de ces cartes? Elles ont dû être envoyées quelque part pour être lues, triées et ainsi de suite. C'est donc un domaine très vaste.
    Je pense certainement que le dirigeant principal de l'information du Conseil du Trésor devrait avoir des responsabilités beaucoup mieux définies en matière de gestion des documents et qu'il devrait produire un rapport annuel, que votre comité pourrait examiner. Je tiens à insister sur ce point. On peut imposer toutes les sanctions, tous les délais et toutes les obligations possibles, mais c'est inutile si l'on n'investit pas dans des systèmes de conservation, de récupération et de classification de documents et de dossiers, qui se présentent de plus en plus sous forme de courriels et de messages textes. Je n'ai pas encore travaillé pour un gouvernement qui investit sérieusement dans la gestion des documents.
    D'accord.
    Vous avez mentionné que la dotation en ressources humaines nécessaires pour la numérisation dans tous ces organismes entraînait un coût, mais vous n'avez pas précisé ce coût. Avez-vous une idée de ce que cela coûterait?
    Je vous suggère de poser cette question à l'archiviste du Canada. En effet, les ministères conservent des documents dans des classeurs et des salles d'entreposage.
    Je me souviens d'avoir examiné cela pendant l'exécution du plan de réduction du déficit du gouvernement Harper. De 15 à 20 % des biens immobiliers du gouvernement étaient utilisés pour entreposer des classeurs et des dossiers. On espérait que la numérisation de ces documents permettrait de libérer des biens immobiliers, mais il y a un coût lié à la main-d'œuvre nécessaire pour aller chercher et trier les documents, appliquer les exemptions et envoyer les documents en haut de la chaîne. Et plus haut dans la chaîne, il faut composer avec le temps limité des cadres supérieurs qui doivent approuver et signer la version finale, etc.
    Le coût pour accomplir cette fonction est certainement élevé. Il est réparti parmi… Ce n'est pas un bureau de l’AIPRP. Un bureau de l’AIPRP coordonnera la demande et cherchera les personnes concernées, leur demandera de récupérer des documents et leur rappellera leurs obligations, mais cela aboutira — je ne sais pas — au bureau de Regina du ministère ou à une fonction d'exécution du ministère des Anciens Combattants, etc. La situation est incroyablement inégale en raison des budgets, des différentes histoires et des différentes capacités de gestion et de récupération des documents.
    D'après ce que je comprends, un nombre plus en plus grand de choses sont créées, et on finit par dépasser la capacité de traitement de Bibliothèque et Archives Canada et du personnel qui travaille dans ce domaine.
    Si vous souhaitez obtenir une estimation des coûts, je vous conseillerais de vous adresser à l'archiviste nationale.
    Je vous remercie, monsieur Wernick.
    Et dire que je pensais que chaque fois que je remplissais des formulaires de douane, ils n'allaient nulle part, mais apparemment, ils sont envoyés quelque part. Je vous remercie encore une fois.

  (1650)  

    Je ne sais pas si on les a utilisés, mais ils ont été collectés et envoyés quelque part, avec de nombreux autres documents.
    La valeur de ce qu'il faut déclarer s'élevait à 200 $ chaque fois que je suis revenu au pays.
    Madame Khalid, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Wernick.
    Vous avez fait des observations très intéressantes aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissante d'avoir fait la distinction entre l'accent mis sur la transparence et l'accès à l'information qui découle d'une demande.
    Vous avez également mentionné que les membres du personnel politique devraient être ouverts à l'accès à l'information, mais vous avez également dit que la confidentialité du Cabinet est nécessaire. Puis‑je vous demander de nous en dire davantage sur ce point?
    Quel type de communication un membre du personnel politique pourrait‑il fournir, là où un fonctionnaire qui parlerait surtout de politiques ou de processus décisionnels ne suffirait pas, de sorte que nous devrions aller plus loin et faire en sorte qu'un membre du personnel politique soit également visé par une demande d'accès à l'information?
    J'aimerais beaucoup connaître votre opinion à ce sujet.
    Certainement. Le Cabinet et ses comités représentent une zone assez facile à cerner. Il y a le Cabinet et il y a les comités, ce qui comprend le Conseil du Trésor, et on peut prendre connaissance des ordres du jour, des documents et des délibérations liés à ces processus du Cabinet.
    Les membres du personnel politique des cabinets ministériels participent à l'ensemble du processus en amont de tri des options et des conseils. Ils se rencontrent entre eux. Ils rencontrent des fonctionnaires. Il y a de nombreuses interactions dans le processus qui consiste à déterminer comment ils régleront une question ou comment ils répondront à un rapport.
    Des fonctionnaires participent aux discussions et à la fonction de consultation, et des membres du personnel politique le font aussi, mais le régime ne fait ressortir que la partie qui concerne les échanges entre fonctionnaires.
    Je vous remercie.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. LaPointe. J'aimerais comprendre cet enjeu un peu mieux avec les explications d'une personne qui a une vaste expérience des médias.
    Compte tenu de l'évolution du rôle des médias et de la nature du journalisme de nos jours, avec les blogues et l'énorme quantité d'information accessible, est‑ce que l'accès à l'information entrave ou favorise l'exercice du véritable journalisme? Où se situent la subjectivité ou les plaintes vexatoires ou frivoles dans cette vaste catégorie?
    Vous avez mentionné la subjectivité et l'interprétation des documents. Je suis certaine que vous avez parfois reçu des milliers de documents sur une question et que vous auriez pu donner à une histoire l'orientation que vous souhaitiez en vous fondant sur ce qui se trouvait ou non dans les documents que vous aviez reçus.
    J'aimerais beaucoup que vous nous en disiez un peu plus à cet égard. Je vous prie de m'excuser pour cette question tendancieuse, mais je vous serais reconnaissante de tout ce que vous pourriez me dire à ce sujet.
    Oui, nous pourrions passer les quatre ou cinq prochaines heures ici.
    Tout d'abord, l'objectivité réelle n'existe pas, n'est‑ce pas? C'est une sorte de mythe au sujet du journalisme. Cependant, il existe des méthodes objectives. Nous enseignons des méthodes objectives pour mener des recherches. L'une d'entre elles concerne les sources primaires, qui proviennent de documents et d'entretiens avec des personnes précises, et d'autres sont des sources secondaires qui demandent une interprétation.
    En ce qui concerne la contribution de l'AIPRP au journalisme, comme je l'ai dit plus tôt, nous couvrons trop de choses et nous en divulguons trop peu. Je pense que nous nous nuisons aux yeux du public en diffusant autant de voix sur un même enjeu. Nous ne diversifions pas notre couverture. Nous ne considérons pas qu'il est nécessaire de communiquer aux gens, chaque jour, des choses qu'ils ne savaient pas, des choses qui ne leur ont pas été présentées ou racontées. Je pense que l'AIPRP peut jouer un rôle extrêmement utile à cet égard.
    Toutefois, compte tenu des ressources dont disposent la plupart des salles de presse aujourd'hui, qui sont beaucoup plus petites qu'il y a 10 ou 20 ans, il est beaucoup plus coûteux de surmonter ces obstacles. Étant donné que les gouvernements ont incroyablement bien réussi, selon moi, à se doter d'un personnel composé de personnes spécialisées dans les communications qui sont en mesure de présenter l'image qu'ils souhaitent projeter et de minimiser les informations dont ils souhaitent réduire l'importance, ou même d'exclure les informations qu'ils ne veulent pas divulguer, nous sommes en train de perdre la bataille.
    Je pense que le journalisme est en train de perdre la bataille contre les gouvernements ou toute institution qui souhaite fournir des informations. L'AIPRP est l'un de nos atouts potentiels dans cette bataille pour la divulgation. J'aimerais seulement qu'il existe un système de divulgation plus libre, un système qui soit plus facilement accessible et que nous soyons en mesure de fournir davantage au public, car le public est de plus en plus cynique et méfiant à l'égard des médias en raison des mauvaises informations qui sont diffusées, souvent sur le fondement de rumeurs et d'informations obtenues d'une tierce partie.
    Ces types de documents et de dossiers sont en réalité beaucoup plus empiriques et beaucoup plus persuasifs dans leur élaboration, c'est‑à‑dire qu'ils aident à comprendre comment les décisions sont prises et comment les politiques sont élaborées. J'aimerais simplement que nous ayons davantage accès à ces informations, que cela soit plus facile et que l'on investisse davantage pour que cela se fasse en temps utile.

  (1655)  

    Merci.

[Français]

     Merci, monsieur LaPointe et madame Khalid.
    Monsieur Simard, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur LaPointe, vous avez dit quelque chose qui m'a fait sourciller tout à l'heure: au cours des 12 dernières années, dans le cadre de vos activités d'enseignement, vous avez donné l'exercice à vos étudiants de faire des demandes, mais aucune de ces demandes n'a reçu de réponse dans les 90 jours.
    Vous ai-je bien compris?

[Traduction]

    Oui. Avec les étudiants à qui j'enseigne, nous avons un exercice où nous exposons environ trois ou quatre de ces demandes dans les trois heures où je leur enseigne.

[Français]

     Je trouve que le taux de réussite du gouvernement à ce chapitre sur 12 ans est famélique. C'est étonnant.
    Avez-vous constaté si certains ministères sont plus difficiles que d'autres à convaincre de fournir de l'information? Je ne voudrais pas vous mettre des mots dans la bouche, mais je prends l'exemple de la lutte contre les changements climatiques: avez-vous remarqué s'il est difficile d'obtenir de l'information du ministère des Ressources naturelles sur la question pétrolière, par exemple? Je pourrais poser des questions similaires en lien avec l'immigration.
    Selon votre expérience, y a-t-il des ministères un peu plus opaques que d'autres?

[Traduction]

    Eh bien, d'après mon expérience, les gens qui oeuvrent dans les directions d'AIPRP y travaillent pour l'une ou l'autre des deux raisons suivantes. Ce sont d'excellents défenseurs du public et de la divulgation, ou alors c'est un peu un poste de pesée qui leur permet de passer à autre chose.
    Le roulement dans ces directions est souvent très élevé et, par conséquent, la continuité dans ces organisations peut faire défaut. Je n'ai pas d'exemples précis. Ayant traité avec diverses agences sur une période de 30 ans, je ne peux pas attester qu'il y en a une qui se porte extrêmement bien et une autre qui se porte très mal. Je dirais que l'un des défis auxquels nous sommes confrontés est que nous devons souvent traiter, six mois plus tard, avec un tout autre groupe de personnes par rapport à celui avec lequel nous traitions lorsque nous faisions des recherches dans mon organisation.
    Je ne sais pas si la pratique a changé, mais je me souviens très bien que le commissaire avait l'habitude d'émettre des fiches de rendement où il donnait aux gens la note de A, B ou F.
    C'est exact.
    Cela a certainement suscité des commentaires. On ne voulait pas recevoir un F. On voulait obtenir à tout le moins la note de passage de C.
    Je pense que c'est un rôle que le commissaire peut assumer — donner aux agences ce type d'évaluation et de rétroaction. Cela mettrait de la pression sur les agences pour qu'elles aient un meilleur rendement.

[Français]

     J'aurais une dernière petite question, monsieur LaPointe. Je ne veux pas vous amener sur un terrain polarisant, mais vous avez parlé de la méthode objective que vous essayez de développer avec vos étudiants. Je conviens avec vous qu'on ne peut pas être totalement objectif.
    De plus en plus, je vois poindre cette confrontation entre le journalisme et le militantisme. Je ne sais pas si vous avez suivi cela, surtout à Radio-Canada. J'aimerais obtenir vos commentaires sur le genre de maillage qui est en train de se créer entre le journalisme et le militantisme.

[Traduction]

    Encore une fois, c'est une longue réponse, mais je vais la raccourcir du mieux que je peux.
    Le milieu universitaire, plus précisément, parle désormais du journalisme militant comme d'élément d'information. Tant que vous signalez les conflits et faites savoir au public votre point de vue sur une question particulière, vous pouvez, en fait, avoir un rôle plus actif dans la société que le journaliste traditionnel. Ce n'est pas le genre de métier que je préfère, mais je reconnais qu'il existe.

  (1700)  

[Français]

    Merci, monsieur Simard.
    Monsieur Julian, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais revenir à vous deux. Vous êtes des témoins très convaincants.
    La Freedom of Information Act du Royaume-Uni précise que les délibérations du cabinet et de ses comités font l'objet d'exemptions assorties de conditions. L'intérêt public doit être pris en compte dans tous les cas.
    Le Canada devrait‑il suivre un modèle semblable, qui permettrait de divulguer des renseignements s'il existe un intérêt public à ce que les délibérations du Cabinet ou des comités soient rendues publiques? Que pensez-vous de cette solution?
    Je pense que cela soulève la question de savoir qui décide de ce qui est dans l'intérêt du public.
    Je suis d'accord.
    Je pense que le seul fardeau que je mettrais... La loi a, dans le passé, du moins au niveau provincial, obligé la divulgation de questions qui constituent une menace pour la sécurité publique. Dans certains cas environnementaux et autres, cela devient la position par défaut. Je suis toutefois d'accord avec M. Wernick. C'est l'un des grands dilemmes de tous les temps: qui décide?
    Au final, dans notre système gouvernemental, nous devons nous en remettre aux tribunaux. Si les affaires sont arbitrées, la Cour fédérale peut décider si la rétention d'une censure était déraisonnable. La Cour fédérale peut soupeser les différents intérêts, y compris la sécurité nationale, etc.
    Ce qui est dans l'intérêt public est très subjectif. Il existe d'autres mécanismes de rétroaction sur le gouvernement, comme l'enquête judiciaire qui se déroule sous nos yeux cette semaine, ou les personnes qui intentent des poursuites judiciaires contre le gouvernement. Tous ces mandataires du Parlement — le vérificateur général, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire au lobbying, le commissaire à l'accessibilité, le commissaire à l'intégrité — ont accès à diverses formes d'information gouvernementale et fournissent une précieuse rétroaction sur la façon dont le gouvernement sert les Canadiens.
    J'ai une question complémentaire pour vous deux. Elle porte sur la gestion des dossiers.
    Si on met de côté la question du financement, quelles sont les autres recommandations que vous pourriez avoir en ce qui concerne la gestion des documents et la surveillance institutionnelle de l'ensemble du régime d'accès à l'information, afin que nous puissions améliorer l'accès à l'information pour les Canadiens?
    Mon argumentaire repose sur le fait de ne pas mettre de côté la question du financement ni celle de la formation et de la gestion de l'information à l'ère numérique. Comment appliquer l'intelligence artificielle et les logiciels d'apprentissage à la recherche de documents, entre autres? Cela nécessite un investissement considérable, non seulement dans la technologie de l'information, mais aussi dans les ressources humaines et la formation. Je pense que cela nécessite une boucle de rétroaction, afin que le dossier ne se retrouve pas automatiquement au bas de la liste de priorités du gouvernement ou du Parlement.
    Ce qui me préoccupe, c'est que trop de chevaux ont quitté trop d'écuries lorsqu'il s'agit de la façon dont les renseignements peuvent désormais être transmis.
    Je répète que je ne pense pas qu'un des rôles du Comité soit de se pencher sur le comportement général des fonctionnaires et des adjoints politiques, mais je pense qu'il faut mettre en place des mesures pour s'assurer que la communication de renseignements et la tenue de dossiers des éléments marquants de notre histoire ne se trouvent pas dans les téléphones intelligents des adjoints politiques et des fonctionnaires.
    Je pense que c'est possible. Vous avez vu l'exemple du Royaume-Uni de Suella Braverman et de l'utilisation de logiciels non autorisés, etc.
    Vous pourriez enchâsser dans la loi le pouvoir du dirigeant principal de l'information d'approuver le choix des logiciels et des appareils utilisés pour les affaires gouvernementales. Vous pourriez prévoir des sanctions pour la communication d'affaires gouvernementales sur des logiciels et des appareils non approuvés. C'est quelque chose que les Américains font. Vous vous souvenez peut-être de l'affaire Hillary Clinton. Cela pourrait être importé dans la loi de sorte que, si vous communiquez de manière non officielle sur des applications comme Signal, WhatsApp, etc., vous sauriez que vous enfreignez la loi.

  (1705)  

    Merci, monsieur Wernick.
    Merci, monsieur Julian.
    Avant que nous terminions aujourd'hui, la greffière m'a informé que le document que M. Wernick a envoyé a été traduit, et je crois qu'il a été transmis au Comité.
    Je tiens à vous en remercier, monsieur Wernick.
    Comme personne d'autre ne semble vouloir intervenir ou poser des questions, je tiens à remercier nos deux témoins d'aujourd'hui, M. Wernick et M. LaPointe, d'avoir fourni de précieux renseignements.
    Je tiens à remercier les membres du Comité de leurs questions.
    Nous allons conclure l'étude de cette question mercredi de cette semaine. Nous ne faisons que confirmer la présence de nos témoins, mais je tiens à remercier tous les membres du Comité et surtout nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Bonjour, messieurs, d'avoir comparu devant le Comité de l'accès à l'informaton, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
    Merci de l'invitation et de la flexibilité de comparaître en ligne.
    C'est un véritable privilège.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La séance est levée.
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