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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1er février 2023

[Enregistrement électronique]

  (1635)  

[Traduction]

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue à la 48e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

[Traduction]

    Nous reconnaissons le fait que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

[Français]

    Notre réunion se déroule aujourd'hui sous forme hybride.

[Traduction]

    J'ai quelques consignes à donner à ceux qui se joignent à nous de façon virtuelle. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont disponibles en français, en anglais et en inuktitut pendant la première heure, et en cri des plaines pendant la deuxième heure.
    En vous servant de l'icône du globe situé au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre « Parquet », « Français » et « Anglais ». Veuillez choisir votre langue maintenant, et si l'interprétation vient à manquer, faites‑le-nous savoir et nous essaierons de la rétablir.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Si vous êtes en vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer ce dernier. Pour les personnes qui sont sur place, votre microphone sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification.

[Français]

    Veuillez s'il vous plaît adresser vos interventions à la présidence.

[Traduction]

    Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous de mettre votre microphone en sourdine. La greffière du Comité et moi ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole consolidé pour tous les membres, bien que nous ayons déjà préétabli cela pour la séance d'aujourd'hui.
    Avant de commencer, j'aimerais régler une question d'arrière-boutique. Conformément à la motion adoptée le 21 novembre 2022, notre prochaine étude devrait porter sur l'amélioration des taux d'obtention de diplôme et de réussite des étudiants autochtones. C'est ce que nous appelons aussi l'étude sur l'éducation. Vous êtes priés de remettre vos listes de témoins — organisées par priorité et par parti — à la greffière d'ici le 8 février.
    Sur ce, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 21 novembre, le Comité reprend son étude sur les langues autochtones. C'est notre troisième réunion à ce sujet.
    Aujourd'hui, pour notre premier groupe d'experts, j'aimerais accueillir R.J. Simpson, qui est leader parlementaire du gouvernement, ministre de l'Éducation, de la Culture et de l'Emploi, et ministre de la Justice du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. M. Simpson comparaîtra virtuellement.

[Français]

    Nous accueillons également, par vidéoconférence, Mme Megan Lukaniec, linguiste, du Conseil de la Nation huronne‑wendat.

[Traduction]

    Notre autre témoin pour cette première heure est Mme Ida Bear, de l'Université du Manitoba, qui nous parvient elle aussi par vidéoconférence.
    Les témoins disposent de cinq minutes chacun pour livrer leur déclaration liminaire. Une fois les exposés terminés, il y aura une première série de questions. Je demanderais aux témoins de limiter leur exposé à cinq minutes afin de laisser le plus de temps possible aux questions.
    Cela ayant été dit, si vous êtes prêt à prendre la parole, monsieur le ministre, vous avez cinq minutes.
    Nous ne vous entendons pas, monsieur le ministre.
    Dans ce cas, nous allons passer à notre deuxième témoin. Nous essaierons de régler ce problème entretemps.

[Français]

    Madame Lukaniec, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Kwe aweti'.
    Je m'appelle Megan Lukaniec. Je suis membre de la nation huronne-wendat située à Wendake, au Québec. Je suis linguiste pour notre nation.
    Je suis honorée d'être ici pour discuter de la Loi sur les langues autochtones et des répercussions de cette loi sur notre communauté et notre langue.
    Notre langue, appelée le wendat, est tombée en dormance il y a plus d'un siècle, mais depuis 2007, nous la faisons renaître grâce à l'analyse minutieuse de documents d'archives.
    Jusqu'ici, l'adoption de la Loi sur les langues autochtones n'a eu aucun effet positif pour notre nation. Aucun modèle de financement n'a changé. Il continue d'être axé sur des projets particuliers, ce qui a toujours été le cas. De plus, nous n'avons pas été contactés par le Bureau du commissaire aux langues autochtones et n'avons pas communiqué avec lui.
    La seule chose que nous avons constatée avec l'adoption de cette loi, c'est une augmentation du travail de service. Nous avons été appelés à participer à de nombreuses séances de consultation, tant avant qu'après l'adoption de la loi. Malgré les nombreuses observations importantes et judicieuses que j'ai pu entendre lors de ces séances qui se déroulent depuis 2018, je n'ai vu aucun de ces changements mis en œuvre jusqu'à présent.
    Je présente humblement trois recommandations au Comité.
    La première recommandation est d'apporter des modifications à cette loi pour remédier au fait qu'elle n'a pas de dents et qu'elle est plus ou moins symbolique. Je vais vous donner un exemple. L'alinéa 5d) de la Loi stipule que l'objectif de cette dernière est « de mettre en place des mesures visant à faciliter l’octroi d’un financement adéquat, stable et à long terme », ce qui n'est pas la même chose que de s'engager à fournir un financement adéquat, stable et à long terme.
    À l'heure actuelle, cela signifie que ledit financement dépend de la bonne volonté du gouvernement fédéral au pouvoir. C'est également très peu engageant en matière de droits linguistiques. Nous avons besoin de quelque chose qui dirait que nous avons le droit d'éduquer nos enfants dans notre langue, ce qui est particulièrement important ici, au Québec, avec l'adoption de la loi 96. Ces droits sont mentionnés, mais ils ne sont pas explicitement énoncés dans la Loi.
    Pour lire un exposé bien éclairé à ce sujet, je vous invite à prendre connaissance du mémoire juridique de Karihwakè:ron Tim Thompson, du Yellowhead Institute.
    Ma deuxième recommandation est de changer le modèle de financement. Il faut se débarrasser du financement de projets à court terme et des mesures problématiques qui y sont associées.
    Avant de recevoir notre financement de Patrimoine canadien, nous pouvions obtenir une subvention de cinq ans du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Il s'agissait d'un partenariat entre notre nation et l'Université Laval. Nous avons connu une croissance exponentielle pendant cette période puisque, pour la première fois, nous pouvions planifier nos activités sur cinq ans plutôt que sur une seule année, deux ans dans les meilleurs cas. Nous pouvions également modifier les activités associées à un projet donné pour mieux répondre à nos besoins réels. En effet, il n'est pas rare que ces besoins changent par rapport à ceux que nous cernons au moment de soumettre la demande de subvention.
    Depuis que nous dépendons du financement de Patrimoine canadien, c'est‑à‑dire depuis 2012 environ, notre travail linguistique a vraiment fait du surplace. Nous sommes coincés dans un cycle de subventions en dents de scie et, à certains égards, je crois qu'au cours de la dernière décennie, ce financement nous a fait reculer plutôt qu'avancer.
    Les délais de traitement des demandes sont inexcusablement longs. Une fois, nous avons attendu 11 mois entre le moment où nous avons soumis la demande et celui où la subvention a reçu le feu vert, et bien sûr, les dates limites ne changent pas nécessairement pour autant. Il faut demander des prolongations. Il y a également très peu de marge pour modifier les activités du projet ou les échéanciers, et on ne reconnaît pas les répercussions que ces retards peuvent avoir sur notre travail et notre planification en matière linguistique.
    En fait, de façon plus générale, nous ne voulons pas procéder à coups de projets. Le travail que nous faisons dans notre communauté pour revitaliser notre langue n'est pas un projet. Ce travail ne devrait pas avoir besoin d'être emballé dans quelque chose de nouveau et de brillant à chaque cycle de subvention, avec des produits livrables qui doivent être envoyés à Patrimoine canadien après coup.
    Au lieu de cela, nous espérons vraiment que le gouvernement fédéral accorde des budgets de fonctionnement en bonne et due forme pour une période d'au moins cinq ans afin de nous permettre de faire renaître nos langues et de les revitaliser. Nous ne voulons pas de projets assortis de produits livrables, de projets qui sont comptabilisés selon des paramètres conçus par quelqu'un d'autre.
    Ma troisième recommandation est d'augmenter le financement pour qu'il corresponde au moins à ce qui est fourni aux langues officielles. Mme Onowa McIvor parle précisément de cela dans son article de 2013. Elle affirme qu'il faut de plus grandes ressources pour reconstruire quelque chose que pour le détruire. Avec des montants qui ne dépassent pas les 300 000 $ par an, le financement que nous recevons à l'heure actuelle est plus un gage de soutien qu'un soutien réel.
    Nous savons que nos langues ne sont pas financées au même niveau que le français et l'anglais. C'est ce que l'on nous dit au cours de ces séances de consultation, lorsqu'on nous demande de fournir les critères qui seront utilisés pour choisir parmi les meilleures demandes de subvention. S'il vous plaît, ne nous mettez pas en concurrence les uns avec les autres pour obtenir le financement essentiel dont nous avons besoin pour soutenir nos langues.

  (1640)  

    Nous avons besoin de ce financement pour réparer les dommages que le gouvernement fédéral et ses autres agents de connivence ont causés à notre langue. Nous aimerions avoir au moins la même chose, sinon plus, que ce qui est donné à l'anglais et au français, car cela coûte plus cher de reconstruire.
    En conclusion, cela fait presque quatre ans que la Loi a été adoptée. Nous avons attendu patiemment. Nous n'avons toujours pas de financement adéquat, stable, récurrent et à long terme pour notre langue. Les montants et le modèle de financement actuels sont tous deux inacceptables et ils ne peuvent d'aucune façon nous permettre de mettre en œuvre les véritables changements dont notre communauté a besoin en matière de revitalisation linguistique.
    Nous sommes sur le point de nous retrouver sans financement puisque la subvention de deux ans que nous avons de Patrimoine canadien se termine le 31 mars. Il n'y a pas d'autres appels de financement dont nous pourrions nous prévaloir, et ce, malgré le fait qu'on nous ait dit que ces nouveaux modèles de financement entreraient en vigueur au printemps de l'année dernière, en 2022.
    Je vous implore d'agir rapidement parce que nous faisons tout ce que nous pouvons de notre côté pour soutenir et alimenter notre langue. Malgré cela, nous avons vraiment besoin que le gouvernement fédéral s'engage à nous aider à reconstruire ce pan de notre culture après les dommages qu'il lui a causés. Nous avons besoin de ce soutien financier, et nous en avons besoin maintenant.
     C'est tout.
    Merci, madame Lukaniec.
    Nous allons maintenant passer au ministre Simpson.
    Monsieur le ministre, vous avez cinq minutes.
    Merci de m'avoir invité.
    Les Territoires du Nord-Ouest sont la seule région politique du Canada qui reconnaît 11 langues officielles. Parmi celles‑là, neuf sont autochtones: Dëne Sųłıné Yatıé, nēhiyawēwin, Dinjii Zhu' Ginjik, Inuinnaqtun, Inuktitut, Inuvialuktun, Dene Kǝdǝ́, Dene Zhatié et Tłı̨chǫ Yatıı̀. Nos 33 collectivités abritent aussi de nombreux dialectes distincts.
    La Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest définit les rôles et les responsabilités des conseils linguistiques nommés par le ministre qui représentent les 11 communautés linguistiques officielles, le commissaire aux langues et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, et elle fournit une protection juridique pour soutenir la préservation de la culture telle qu'elle s'exprime par la langue. La Loi stipule que chacun a le droit de recevoir des services gouvernementaux dans la langue qu'il parle.
    Chacune de nos langues autochtones exprime les façons de connaître, d'être, de faire et de croire propres à sa communauté et à l'histoire de cette dernière. C'est pour cette raison qu'il est si important de veiller à ce que nos enfants et nos jeunes conservent un lien solide avec leur langue et leur identité. En tant que gouvernement et en tant que citoyens individuels, il est de notre devoir de protéger, de renforcer et de promouvoir nos langues afin d'assurer que le territoire où nous habitons en est un où les langues autochtones sont soutenues, respectées et bien vivantes.
    Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest fournit environ 15 millions de dollars par an aux pouvoirs publics autochtones des Territoires du Nord-Ouest — ceux des collectivités et les organismes responsables de l'éducation. Si l'on ajoute à cela les 5,9 millions de dollars attachés à l'Accord de coopération Canada-Territoires du Nord-Ouest sur les langues autochtones de 2021‑2024, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest distribue chaque année environ 21 millions de dollars pour la promotion, la préservation et la revitalisation de ses langues autochtones.
    Le financement fourni par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sert à soutenir les programmes de revitalisation des langues pour les personnes et les collectivités, et est également distribué directement aux gouvernements, aux collectivités et aux organismes responsables de l'éducation pour leur permettre de développer et d'offrir leurs propres programmes de revitalisation des langues.
    Notre travail est guidé par la contribution de nos partenaires linguistiques et, au fil des ans, nous avons appris que cette coordination est essentielle à la réalisation de notre vision commune. Nous avons établi des relations fondées sur la confiance et la transparence afin de trouver des solutions qui fonctionnent dans le contexte particulier des Territoires du Nord-Ouest.
    La Loi sur les langues autochtones du gouvernement fédéral met la table pour une variété d'initiatives en matière de revitalisation et de protection des langues autochtones et, d'un point de vue législatif, elle s'harmonise bien avec la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aimerait toutefois qu'il y ait une meilleure coordination du financement des initiatives de revitalisation linguistique et de prestation de services afin d'améliorer l'efficacité de ces efforts et de mieux soutenir les objectifs stratégiques de notre territoire.
    Bien qu'un soutien supplémentaire à la revitalisation linguistique soit le bienvenu, l'approche disparate actuelle du financement des programmes a contribué à des problèmes de chevauchement et à des problèmes de capacité persistants qui limitent le travail de revitalisation. Pour être clair, je ne préconise pas la redirection des fonds des gouvernements autochtones vers le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, mais bien une meilleure coordination. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aimerait travailler plus étroitement avec le Canada et les partenaires des gouvernements autochtones afin de soutenir les objectifs stratégiques, de réaliser des gains d'efficience et d'aider à remédier au manque de capacité dans nos communautés linguistiques.
    Bien que nous constations une harmonisation générale avec notre propre loi, plusieurs aspects de la Loi sur les langues autochtones ne sont pas clairement définis à l'heure actuelle. On pense entre autres à l'utilisation de termes tels que « soutien », « accès à des services », « demande suffisante » et « capacité ». Le fait que ces termes ne soient pas correctement définis rend l'incidence de ces exigences difficile à jauger.
    Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest comprend que nos langues autochtones ont besoin de soutien, en particulier celles qui sont parlées dans les collectivités autochtones en milieu rural. Outre l'aspect pécuniaire, les questions de capacité doivent être abordées stratégiquement pour que les fonds de revitalisation soient dépensés efficacement. Par exemple, à l'heure actuelle, seuls deux des sept postes de coordonnateurs régionaux des langues autochtones sont pourvus dans les gouvernements autochtones des Territoires du Nord-Ouest, ce qui pose des défis importants pour la mise en œuvre des programmes de revitalisation sur notre territoire. Une plus grande coordination entre le Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les gouvernements autochtones pourrait aider à cerner et à cibler ces problèmes de façon plus systématique et plus stratégique.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invité à formuler ces quelques observations au sujet de cette importante initiative, et je me réjouis à l'idée de continuer à travailler à la coordination du financement des initiatives de revitalisation linguistique et de prestation de services avec le gouvernement du Canada.
    Merci.

  (1645)  

    Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons maintenant entendre Mme Ida Bear, de l'Université du Manitoba.
    Madame Bear, vous avez cinq minutes.
    [Français]
    Mon nom « occidental » est Ida Bear. Je suis à l'Université de Winnipeg, pas à l'Université du Manitoba.
    Je veux simplement faire un énoncé descriptif. En 1967, je me suis mise à travailler dans les sphères linguistique et culturelle. Je me souviens m'être assise un samedi après-midi avec quelques autres personnes qui se préoccupaient des langues dans nos communautés, et du fait que nous étions séparés, le nord et le sud. Le sud du Manitoba a un meilleur accès aux ressources; le nord n'en a pas.
    À l'époque, en 1966‑1967, nos écoles étaient encore des écoles fédérales. Ce n'est qu'en 1973‑1974 que nous avons commencé à prendre le contrôle de nos écoles.
    J'ai vu l'histoire en marche. Je suis dans mes dernières années. J'ai vu comment les choses ont évolué au cours de la longue période que j'ai passée en tant qu'institutrice dans le système scolaire public. J'ai également enseigné pendant de nombreuses années au niveau postsecondaire. Une chose pour laquelle je veux féliciter le gouvernement fédéral, c'est la loi sur les langues. Elle a mis du temps à arriver.
    Lorsque nous étions assis là, les huit d'entre nous, nous disions: « Nos langues devraient être protégées, comme le français. » C'était plutôt un vœu pieux à l'époque, car personne ne nous écoutait lorsque nous siégions au ministère de l'Éducation du gouvernement provincial. Nous enseignions l'anglais comme deuxième langue, puis nous avions des programmes bilingues. Tous les enfants qui venaient à l'école parlaient la langue. Nous savions que la langue était en sécurité et en santé dans les communautés si les petits venaient à l'école à l'âge de quatre ans.
    Avançons rapidement jusqu'en 2023. Vous pouvez vous rendre dans n'importe quelle école du Manitoba, et vous ne verrez pas un seul élève parler sa langue, qu'il s'agisse du dakota, du déné, de l'inuktitut, du michif, du cri — ma langue — ou de l'ojibwé. Nous avons sept groupes linguistiques au Manitoba et il y a une division entre le nord et le sud.
    En tant que membre de la communauté, et aussi en tant que grand-mère et arrière-grand-mère, j'ai été vraiment très surprise lorsque j'ai reçu une invitation à comparaître devant le comité permanent. J'ai me suis dit: « Je ne sais rien de ce qui est arrivé avec la loi. Tout ce que je sais, c'est qu'en 2018 et 2019, on a discuté de la loi sur les langues et de ce qu'elle allait faire. »
    Certes, comme elle n'est en vigueur que depuis 2019, elle n'est pas aussi efficace qu'elle pourrait l'être. Le travail de désintégration de la langue et de la culture est en cours depuis 500 ans. Alors quand cette loi sur les langues est arrivée, je me suis assise et j'ai dit: « Hmm. Cela va prendre un certain temps avant de voir des progrès. » Je le sais parce qu'il a fallu beaucoup de temps pour que nous nous penchions sur la langue et la culture, pour que nous nous mettions à travailler avec nos communautés pour affirmer que la langue est importante, tout comme la culture.
    Je suis la dernière personne de ma génération à connaître la langue et la culture telles qu'elles étaient avant la modernisation. Il se passe différentes choses dans les communautés autochtones, et tout cela est moderne. Je pense que les gens du passé seraient très surpris de voir le genre de choses qui se font à propos des langues et de la culture, et avec de bonnes intentions.
    En disant cela, je voulais faire remarquer que beaucoup d'entre nous font ce travail depuis longtemps. Je me suis dit: « Enfin, nous avons une loi sur les langues. » C'est tout de même dommage que je n'aie rien appris à ce propos après l'adoption de la loi ni sur la façon dont le financement était assuré.

  (1650)  

    Hier et aujourd'hui, j'ai réussi à avoir certains renseignements. Dieu merci, grâce à Internet, on peut accéder à l'information aussi rapidement que pour les langues. J'ai fait des recherches sur les Nisga'a. Lorsque j'étais étudiante, j'adorais Frank Calder parce qu'il parlait nisga'a et que les anciens reconnaissaient qu'ils pouvaient aller devant les tribunaux et se servir de leur histoire orale. Comme je suis conteuse de métier, j'ai dit « bravo ».
    Des années plus tard, les Nisga'a ont obtenu beaucoup d'argent pour faire de la documentation, et ils s'y sont attelés avec Thomas Berger et d'autres lorsqu'ils négociaient leurs revendications territoriales. Nous n'avions pas cela ici au Manitoba. Il n'y a que les petits groupes que nous étions qui se sont réunis pour affirmer que la langue était vraiment très importante. Nous avons lancé le programme bilingue en 1973 et l'avons appliqué pendant cinq, six ou sept ans. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial avaient alors un programme conjoint. C'était avec le Titre IV qui était en vigueur aux États-Unis dans les années 1960. Un groupe de personnes s'est rendu à Rough Rock et Window Rock pour examiner le programme bilingue qu'il y avait là.
    Le plus effrayant, c'est que nous essayions d'enseigner l'anglais. Aucun des enfants dans nos écoles ne parlait anglais. Aujourd'hui, plus un seul ne parle sa langue maternelle.
    Nous avons bel et bien des fonds. Il ne me reste que quelques secondes, mais j'ai une liste ici. Je pense qu'il doit y avoir une meilleure coordination dans l'examen des propositions de financement. Il faut que ce soit plus rigoureux. En outre, la communauté — et je ne parle pas du chef et du conseil ou du bureau du maire ou de quoi que ce soit d'autre, mais bien des gens de la communauté — doit être sensibilisée à ce qu'est l'aménagement linguistique et au rôle de la langue, puis s'organiser et se structurer afin d'être mieux à même d'avoir des programmes de revitalisation de la langue. Le dernier point — et mon temps de parole tire à sa fin — concerne Internet. Dans nos collectivités nordiques, les services Internet nous donnent bien des maux de tête. J'enseigne la langue et la culture dans une école secondaire virtuelle et nos collectivités ne peuvent pas assister à ces cours parce qu'elles n'ont pas les services Internet nécessaires pour se brancher à nous.
    Je vous remercie.

  (1655)  

    Merci, madame Bear, et je vous demande pardon de m'être trompé d'université. C'est l'Université de Winnipeg.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions, et nous allons commencer par M. Melillo, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui pour participer à cette importante discussion et à la présente étude. Je vous remercie tous de votre témoignage.
    Ce qui m'a frappé jusqu'ici, c'est que chacun des exposés a vraiment mis l'accent sur le besoin de coordonner les programmes du gouvernement fédéral.
    Madame Lukaniec, vous avez déploré le fait que la Loi sur les langues autochtones n'avait pas eu de retombées positives. Vous avez parlé de la nécessité d'avoir des droits linguistiques et d'adopter certains amendements afin de renforcer cet aspect des choses.
     Pour un certain nombre de raisons, je trouve cela à la fois très intéressant et très préoccupant. Une de ces raisons et non la moindre, c'est que nous avons récemment vu beaucoup de rapports du directeur parlementaire du budget et du vérificateur général au sujet de Services aux Autochtones et sur le fait qu'une quantité importante de ressources et de fonds ont été alloués au cours des dernières années sans nécessairement donner lieu à une augmentation proportionnelle des résultats. Je pense qu'il s'agit là d'une lacune importante que nous constatons dans l'ensemble du pays. Chacun d'entre vous a souligné cela, et avec raison.
    Cela étant dit et en gardant à l'esprit les résultats que nous devons viser, je vais revenir à vous, madame Lukaniec, puisque c'est vous qui en avez parlé en premier. Vous avez mentionné la nécessité d'adopter certains amendements à la Loi sur les langues autochtones afin de renforcer cette dernière. Pourriez-vous nous donner une idée plus précise de certains des amendements que vous aimeriez voir adoptés?
    Oui. Tiawenhk. Merci.
    Je pense qu'il y en a deux qui sont assez préoccupants.
    Il y a d'abord la façon dont la loi évite de parler directement de ce qui est au cœur de son objet. Lorsque l'objet de la loi est défini, il est question de « mettre en place un cadre facilitant l’exercice ». On ne fait nulle part mention de façon explicite que le gouvernement fédéral « s'engage à octroyer un financement adéquat, stable et à long terme en ce qui touche [...] des langues autochtones ». Cela figure dans le préambule, mais pas dans l'objet de la loi.
    L'autre partie problématique de la loi concerne les droits linguistiques. On explique qu'il y a des éléments particuliers pour lesquels les droits des langues autochtones devraient être examinés, puis que la Loi sur les langues autochtones soutiendrait les droits linguistiques autochtones, mais elle ne décrit pas explicitement ces droits. C'est assez problématique, surtout ici, au Québec, avec le projet de loi 96 et le fait que nous assistons maintenant à un empiétement de la langue française sur les langues autochtones.
    Les langues autochtones ne sont pas une menace pour le français. C'est l'anglais, et non les langues autochtones, qui menace le français. Ici, au Québec, nous sommes dans une situation différente. Par conséquent, ces amendements seraient particulièrement utiles pour ceux d'entre nous qui vivent ici, au Québec, avec cet empiétement.

  (1700)  

    Je comprends cela. Merci.
    Pour gagner du temps, je vais essayer de passer au reste des témoins.
    Monsieur le ministre, vous avez vous aussi mentionné la nécessité d'améliorer la coordination du financement. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je suis curieux de savoir comment le gouvernement fédéral a travaillé avec votre gouvernement ainsi qu'avec les gouvernements autochtones de votre territoire. Vous pourriez peut-être parler des bons coups et des autres choses qui n'ont pas si bien fonctionné?
    Merci beaucoup.
    Je ne parlerai pas trop de l'aspect opérationnel de la collaboration parce que je n'ai pas vraiment l'occasion de voir cet aspect. Je sais toutefois qu'il m'arrive de regarder les nouvelles et de m'apercevoir que le gouvernement fédéral a donné des millions de dollars aux gouvernements autochtones pour la revitalisation de leurs langues. C'est très bien et je n'y vois aucun problème, mais lorsque je constate que cela m'apparaît comme quelque chose de surprenant, il est clair qu'il y a un manque de coordination. Nous avons développé de bonnes relations avec les gouvernements autochtones des Territoires du Nord-Ouest. Nous travaillons tous ensemble à la revitalisation des langues. Je pense qu'il serait très utile d'intégrer le gouvernement du Canada dans cette démarche.
    Je tiens à préciser que je ne veux pas marcher sur les plates-bandes des gouvernements autochtones. S'ils préfèrent une relation de nation à nation, je n'y vois aucune objection. Nous avons bien travaillé ensemble. Je sais que nous pouvons faire plus.
    Nous avons mis en place un certain nombre de programmes. Certains ont suscité beaucoup d'intérêt et de passion pour les langues dans les communautés. Nous avons un programme de mentorat et d'apprentissage qui jumelle les apprenants d'une langue avec ceux qui en ont une. En parlant avec les personnes qui participent à ce programme, je me suis aperçu que nous sommes à un tournant, à savoir que la génération actuelle prend vraiment au sérieux cette question de la langue. Les plus jeunes font l'effort d'apprendre leur langue, et ils la transmettent à leurs enfants. Je connais quelqu'un qui vient de commencer à apprendre la langue. Ce sont des trentenaires. Leur enfant de deux ans parle la langue plus couramment qu'eux. Nous avons presque sauté une génération. Nous faisons des progrès, mais nous devons essayer de travailler ensemble un peu plus étroitement, c'est tout.
    Je vous ferai parvenir une réponse écrite au sujet de l'aspect opérationnel évoqué dans votre question.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Il ne me reste pas vraiment beaucoup de temps, monsieur le ministre, mais j'aimerais tout de même vous poser une petite question sur cet aspect de la coordination.
    Croyez-vous que le gouvernement manque de réceptivité ou de compréhension à l'égard de certaines réalités particulières des communautés du territoire? Diriez-vous plutôt qu'il y a un manque de coordination à ce chapitre?
    Je respecte le fait que le gouvernement du Canada souhaite travailler directement avec les gouvernements autochtones. Comme je l'ai dit, je ne m'y opposerai pas. La tenue d'une conversation sur la façon dont nous pouvons travailler plus étroitement serait un pas dans la bonne direction. Une fois ce dialogue amorcé, nous travaillerons mieux ensemble et nous finirons par arriver là où nous devons aller.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Melillo.
    Nous passons maintenant à M. McLeod, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les intervenants qui sont ici aujourd'hui.
    Je pense que je suis le seul député à avoir fréquenté un pensionnat autochtone. La langue qu'on y parlait était la sangle. Tous ceux qui parlaient autre chose que l'anglais passaient par la sangle.
    Mes parents parlaient trois langues. Ils parlaient le français métis, l'anglais et la langue dénée, leur langue autochtone. Quand j'ai quitté l'école, je n'en parlais que deux, même si je ne parlais pas anglais avant de commencer l'école à six ans.
    Mes enfants ne peuvent en parler qu'une. Maintenant, si je voulais retourner en arrière et apprendre les langues, je pourrais aller dans un bon établissement et apprendre l'anglais ou je pourrais aller dans un bon établissement et apprendre le français, mais je n'aurais aucun endroit où aller pour apprendre la langue autochtone dénée. C'est la même chose pour mes enfants. J'ai donc écouté avec intérêt Mme Lukaniec lorsqu'elle a parlé de la parité en matière de financement. Je crois que ce sera vraiment difficile pour nous de sauver certaines de ces langues.
    Madame Lukaniec, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu'il faudrait pour sauver certaines de ces langues autochtones en mettant cela en perspective par rapport à ce qui est investi pour le français et l'anglais?

  (1705)  

    Tiawenhk pour cette question.
    Je pense qu'il y a beaucoup plus d'éléments qui entrent en jeu. Je pense que la métaphore de la reconstruction est utile ici. En effet, nous ne pourrons pas nous contenter d'aller sur Internet pour trouver des professeurs, ou du matériel didactique en français ou en l'anglais que nous pourrons rapporter dans la salle de classe. Nous n'aurons pas non plus les dispositifs de soutien nécessaires ni ces environnements où les étudiants pourront s'imprégner de la langue.
    Ces choses n'existent pas. Ces dispositifs de soutien n'existent pas. Ces ressources n'existent pas. Nous devons les bâtir, et pour ma collectivité, sans locuteurs — nous essayons de constituer une nouvelle génération de locuteurs — cela prend énormément de temps.
    Nous avons besoin de fonds pour la recherche. Nous avons besoin de fonds pour mettre au point des programmes d'études. Nous avons besoin de fonds pour la formation des enseignants. Nous avons besoin de fonds pour l'accréditation. Nous avons besoin de fonds pour créer une autorité linguistique et pour payer les personnes qui seront embauchées pour participer à des programmes d'immersion pour adultes à temps plein, comme ceux qui existent à Ohsweken, dans la Réserve des Six Nations, ou à Kahnawake. C'est vers cela que nous aimerions tendre, mais étant donné notre financement actuel, nous ne pouvons même pas nous en approcher.
    Nous savons que nous ne recevons même pas un financement adéquat pour un minimum de choses que nous devons faire, pour les choses essentielles que nous devons faire afin de ranimer notre langue. En ce qui concerne les budgets dont disposent l'anglais et le français par rapport aux langues autochtones, je trouve vraiment odieux de voir une telle disparité dans la répartition du financement fédéral, surtout lorsque l'on considère le nombre de langues autochtones qu'il y a ici au Canada par rapport aux deux seules langues coloniales qui ont causé ces dommages.
    Je vais probablement vous poser une dizaine de questions de plus, mais j'en ai quelques-unes à poser à R. J. Simpson, qui vient du même coin que moi.
    J'aimerais d'abord souligner que c'est aujourd'hui le premier jour du Mois des langues autochtones aux Territoires du Nord-Ouest, donc mahsi cho à M. Simpson d'être des nôtres.
    J'étais fort heureux l'an dernier. Le gouvernement du Canada a annoncé 17,7 millions de dollars en soutien à l'Accord Canada–Territoires du Nord-Ouest sur les langues autochtones. Comme l'a dit le ministre, nous avons neuf langues autochtones officielles, mais il y en a d'autres. Le michif, dont nous avons entendu parler l'autre jour, n'est pas reconnu par les Territoires du Nord-Ouest, et il y a plusieurs autres exemples.
    Un certain nombre de ces langues sont toujours parlées dans les communautés, mais si vous discutez avec les aînés, ils affirment qu'une bonne partie de la langue est aujourd'hui édulcorée. Les plus jeunes en parlent une version différente. La langue n'est donc plus aussi vigoureuse.
    J'aimerais demander au ministre d'expliquer, dans la mesure du possible, de quelle façon le gouvernement des TNO collabore avec ces communautés, comme les communautés gwich'in, parce que l'on s'attend à ce que le gwich'in disparaisse d'ici 10 ans si les choses ne changent pas. J'aimerais lui demander de quelle façon il collabore avec ces communautés dont la langue est concrètement menacée.
    Merci, monsieur McLeod.
    Je vous dirai que ma situation est semblable à celle de M. McLeod: mon grand-père parlait quatre ou cinq langues. Maintenant, elles se résument à une seule: j'ai moi aussi perdu toutes mes langues traditionnelles.
    Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest verse aux différents gouvernements autochtones du territoire le financement nécessaire à des postes de coordinateur des langues et de l'éducation autochtones. Les titulaires travaillent tous ensemble pour veiller à ce que nous ayons la capacité à l'échelle du territoire de réaliser certaines choses. Beaucoup de communautés comprennent des communautés linguistiques très petites et elles n'ont pas la capacité de faire ce travail, donc c'est là une façon dont nous les appuyons. Les Gwich'in constituent également un exemple d'un gouvernement qui fait beaucoup par lui-même. Nous sommes heureux de les appuyer de la même façon chaque fois que c'est possible.
    Nous soutenons des organismes de diverses façons. Il y a le soutien à la radiodiffusion dans les stations de radio. Si une communauté souhaite que sa langue autochtone soit utilisée en ondes, nous offrons du soutien à cet effet. Il y a du soutien au perfectionnement professionnel. Nous faisons toutes sortes de choses. Je peux fournir au Comité une liste de toutes les formes de soutien offert par le gouvernement et son financement, compte tenu du temps qu'il reste.
    Merci.
    Merci, monsieur McLeod. Votre temps est écoulé.
    Merci.

[Français]

     Madame Gill, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier l'ensemble des témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Il y a effectivement plusieurs éléments communs entre les différents témoignages, dont la question de l'appauvrissement linguistique. D'ailleurs, le ministre Simpson vient d'en parler.
    Personnellement, mes ancêtres parlaient l'abénaquis, le mohawk, le français et l'anglais. Aujourd'hui, à la maison, nous ne parlons pas d'autres langues que le français et l'anglais. Je suis donc bien placée pour comprendre ce phénomène.
    J'ai bien aimé la formulation utilisée par Mme Lukaniec, qui a parlé d'une langue en dormance, et non d'une langue morte. Une langue en dormance ne demande qu'à être ravivée. J'ai trouvé cela très intéressant. On a parfois l'impression que, pour parler une langue, il suffit d'acheter un manuel ou de l'apprendre en classe, mais c'est beaucoup plus complexe que cela.
    J'aimerais entendre Mme Lukaniec parler du financement. Elle a parlé du Conseil de recherches en sciences humaines, entre autres, et du fait que c'était plus facile, avant, de planifier sur cinq ans.
    Une loi a été adoptée en 2019, mais tout le monde s'entend pour dire qu'elle n'avait pas assez de mordant et qu'elle était imprécise. En fait, la loi donne des conseils et des orientations, mais elle ne rend rien obligatoire. Mme Bear y a aussi fait référence lorsqu'elle a parlé des langues qui se perdent.
    Que faudrait-il faire exactement? La loi a été votée il y a presque quatre ans, et, comme vous, j'ose imaginer que nous sommes en mesure de faire quelque chose.
    Madame Lukaniec, que pourrions-nous faire, dans l'immédiat, pour aider à raviver ces langues en dormance? Comme vous êtes une linguiste, vous êtes la mieux placée pour nous expliquer à quel point ce peut être complexe.

  (1710)  

     [La témoin s’exprime en wendat.]
    Tiawenhk inenh.
    [Français]
    Ce que je peux dire, c'est que c'est vraiment compliqué de raviver une langue en dormance et que cela demande un important financement.
    Il y a un autre problème. Sous l'actuel modèle de financement du ministère du Patrimoine canadien et du Conseil de recherches en sciences humaines, on ne peut pas mesurer les retombées produites par mois ou par année. Les retombées pour ma communauté, et pour plusieurs autres, se mesurent en décennies.
    C'est donc vraiment difficile de faire des projets quand le financement ne s'étale que sur neuf mois. Il faut préparer le projet du début à la fin. Il faudrait se dire heureux et rajuster l'échéancier. Bien sûr, nous n'arrivons jamais à obtenir la réponse à notre demande à temps pour commencer les activités à la date prévue à notre échéancier.
    De plus, la planification est vraiment compliquée; nous ne pouvons jamais planifier à long terme. Pourtant, c'est ce qu'il nous faut en ce moment: du financement et du soutien. Cela nous permettrait de planifier à long terme. Sinon, la langue wendat parlée, même dans la communauté de Wendake, va décliner, sans qu'on puisse documenter les connaissances des locuteurs toujours vivants. Il y a une grande pression sur nous aussi. Il nous faut avoir un financement à long terme.
    Il y a trop à faire en peu de temps et l'échéancier n'est pas réaliste.
     Merci, madame Lukaniec.
    Vous avez parlé de l'urgence d'agir, sans quoi il y aurait une diminution du nombre de locuteurs de certaines langues. Je me souviens que nous avions accueilli les jeunes représentants de l'Association des Premières Nations Québec‑Labrador, qui nous ont parlé de cette urgence. Je pense que c'est ce qui nous a donné l'idée de faire cette étude. Si on ne donne pas de coup de barre tout de suite, certaines langues vont disparaître. Comme vous l'avez dit, certaines nations n'ont plus de locuteurs de leur langue ancestrale. Je veux insister là-dessus, mais je ne sais pas si vous êtes d'accord.
    Quelles seront les conséquences à moyen ou long terme, si on ne change pas ce modèle de financement?
    Je vous remercie encore une fois, madame Lukaniec.
    Si on ne change pas le modèle de financement, c'est sûr que d'autres communautés vont se retrouver dans la même situation que nous, ce que je ne leur souhaite pas. En 2017, nous avons commencé une analyse approfondie des manuscrits et de la documentation d'archives. Cela a pris plusieurs années. Personnellement, j'ai suivi une formation linguistique pour pouvoir parler ma langue ancestrale. Cela a pris six ans à l'étape du doctorat et demandé trois ans à celle de la maîtrise. Il s'agit donc de neuf années de scolarité, pour pouvoir faire le travail que je fais maintenant afin de reconstruire une langue à partir d'archives. Il faut donc beaucoup de recherche.
    Je dirais donc qu'il y a urgence, parce que d'autres communautés risquent de se retrouver dans la même situation que nous, et elles n'auront peut-être pas autant de documentation que nous. Il faut changer le modèle de financement et débloquer les fonds pour nous permettre de faire notre travail. Cela prend un financement étalé sur un minimum de cinq ans, plutôt que sur un an ou deux.

  (1715)  

    Merci, madame Gill.

[Traduction]

    Madame Idlout, vous avez la parole pendant six minutes.
    [La députée s'exprime en inuktitut, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie toutes les personnes qui ont fait une déclaration liminaire. Vos propos sont très importants et fort pertinents, puisque vous avez tous insisté sur la coordination.
    D'abord, à l'intention de Mme Bear, quand il est question des Autochtones, de leurs langues et de la Loi concernant les langues autochtones, je m'attarde au contenu. C'est une bonne loi, mais il n'y est nulle part question de la nécessité de guérir des injustices du passé et de l'annihilation de notre langue. Elle stipule que nous devons œuvrer ensemble, mais nos langues devaient disparaître à jamais selon une politique gouvernementale. Beaucoup de gens souffrent, sont en colère et doivent guérir de cette injustice.
    Pouvez-vous renforcer la loi en ajoutant des ressources financières qui serviraient également à la guérison si nous devons nous réapproprier nos langues, auxquelles nous avons été forcés de renoncer?
    Ma question s'adresse à Mme Bear. Merci.
    Lundi, justement, j'ai donné un exposé où il était question de la langue et de l'estime de soi. J'ai posé la question suivante: qui suis‑je? Eh bien, vous pouvez observer mon enveloppe corporelle et répondre: « Vous êtes une femme autochtone. Vous êtes une femme âgée. Vous pourriez être grand-mère. » Toutefois, personne ne peut dire en me regardant que j'ai travaillé des années et des années dans des établissements postsecondaires et dans la communauté, ce qui me semble très important.
    Je suis moi aussi issue des pensionnats. Après y avoir passé mon enfance, ma jeunesse, j'en suis sortie différente. Comment en venir à la guérison? Vous y arrivez par la langue et la culture. J'avais cinq ans quand je suis entrée au pensionnat. J'avais déjà une langue. J'avais reçu des valeurs et des enseignements de mes grands-parents. Tout a changé à mon admission. Il y avait beaucoup de châtiments corporels et d'abus, d'abus sexuels et physiques. Vous sortiez de là sans identité, sans estime de soi.
    Par l'intermédiaire d'un programme axé sur la langue et la culture, nous faisons la promotion d'un enseignement axé sur le territoire et du recours à des médecins traditionnels, dont je fais partie, pour traiter l'âme et l'esprit, mais nous n'obtenons pas de fonds pour cela. Nous offrons de tels programmes depuis très très longtemps sans l'aide du gouvernement fédéral; ce sont plutôt nos initiatives locales qui en assurent le financement. Voici comment je vois les choses: l'argent ne guérit rien, en fait, mais il peut assurément nous aider à faire le travail nécessaire à la guérison. Par exemple, beaucoup de gens disent qu'il faut être de son temps et que le passé est mort et enterré. C'est faux. Le passé ne fait que pendre au‑dessus de votre tête, avec toute sa négativité, toute sa douleur et tout ce qui s'est produit pendant la colonisation, ce qui a fait de nous des automates occidentaux au détriment de notre identité, de qui nous sommes.
    Je suis une Crie pur jus. Mon grand-père avait toutefois des racines françaises. Ma mère a des origines écossaises. Toutefois, nous nous identifions tous comme des Cris de par notre culture et notre langue. Vous savez, jusqu'à l'âge de cinq ans, vous avez déjà cette langue. Vous ne la perdez pas. C'est comme faire du vélo. Ça ne s'oublie pas. Il y a toutefois des processus psychologiques qui viennent bloquer l'accès à ce savoir.
    C'était mon cas. En 1974, quand j'ai commencé à œuvrer dans le secteur de la langue et de la culture, je ne pouvais même pas parler ma langue. Je me devais de l'exprimer, mais il y avait tant d'obstacles. Il y avait des obstacles psychologiques. J'étais paniquée, je dirais, de parler ma langue, parce que l'on nous infligeait tellement de châtiments corporels quand nous le faisions. Du point de vue des pratiques culturelles, quand ma mère venait nous voir, un superviseur était présent. Nous avions droit à 10 minutes avec notre mère. Elle essayait de nous apporter de la nourriture traditionnelle, mais ils la jetaient, comme si elle n'était même pas digne des chiens. Ils nous traitaient d'une façon démoralisante.
    Je suis d'accord avec vous que, dans la Loi sur les langues, il faut que le travail effectué par nos médecins, nos guérisseurs, nos psychologues et nos psychiatres autochtones, par des personnes comme moi et d'autres qui tiennent des cérémonies, soit rémunéré, plutôt que de simplement nous remettre du tabac dans un tissu de couleur. Ce geste ne met pas de nourriture sur votre table, ne paye pas le loyer.
    Bon nombre des personnes qui faisaient ce travail nous ont quittés depuis longtemps. La dernière est décédée il y a un mois. Nous n'avons vraiment pas ce groupe de guérisseurs traditionnels qui font du travail associé à la langue et à la culture. Depuis 1967, nous avons un groupe central de personnes qui travaille à la revitalisation de nos langues et de notre culture. Beaucoup d'entre nous ont pu guérir dans le cadre de notre travail associé aux langues, aux récits et aux activités culturelles et cérémoniales.

  (1720)  

    Là où nous avons puisé notre guérison, nous avons trouvé la voix nécessaire pour dire: « D'accord, nous allons mettre l'idéologie occidentale de côté. Nous allons maintenant consacrer du temps à nous regarder en face, à établir qui nous sommes comme peuple. » Les Autochtones présentent une grande diversité, mais ils partagent des principes universels.
    Nous avons une âme, qui est dans notre langue. Nous avons un esprit, qui est dans notre langue. Quand nous parlons notre langue et le faisons ouvertement, Otipéyihcikéw, le Créateur, nous entend et notre guérison s'amorce. Nous avons besoin de gens en santé, qui ont guéri, pour joindre les gens qui doivent guérir.
    Je réfléchissais à cela au moment de prendre brièvement connaissance de la Loi sur les langues autochtones. Voyez-vous, je me suis dit que, par la langue et la culture, nous pouvons guérir. Nous obtenons une éducation axée sur le territoire. Nous assistons à des cérémonies. Nous allons dans des huttes à sudation. Nous allons dans des tentes tremblantes. Nous allons à des cérémonies du calumet.
    Nos psychologues, nos rêveurs, sont des médecins d'un autre genre. Ce sont des guérisseurs du cerveau. Nous ne sommes pas reconnus. Certains parmi nous détiennent trois, quatre, cinq voire sept doctorats sur des aspects cérémoniaux. On nous regarde encore très souvent de haut en précisant: « Eh bien, vous n'avez pas de doctorat d'une université reconnue. Vous n'avez pas consacré neuf, 10 ou 11 ans à étudier quelque chose. » Notre peuple a travaillé et vécu toute sa vie dans ce que nous appelons miyo-pimâtisiwin, c'est‑à‑dire « la bonne vie ». Comment accède‑t‑on à la bonne vie? On y accède en vivant sa culture, en parlant sa langue, en mangeant sa nourriture traditionnelle et en utilisant son nom cérémoniel.
    Je m'appelle Ká‑kisíyásit, ce qui est assez drôle, puisque je voulais un beau nom, comme « Femme Bison doré » ou « Rossignol bleu », voire un autre de ces nombreux jolis noms. Quand j'ai appris que mon nom était Ká‑kisíyásit, ce qui signifie « celle qui vole vite », j'ai dit à mon nommeur-guérisseur que je ne voulais pas de ce nom. Il m'a répondu que ce n'était pas lui qui m'avait donné ce nom, mais bien Otipéyihcikéw, le Créateur. Celle qui vole vite, c'est là, dans l'âme, dans l'esprit.
    Vous pouvez franchir d'énormes pas vers la guérison et vivre votre spiritualité en enseignant la langue, en arrivant à prier dans une langue quand on vous le demande ou en conseillant quelqu'un qui est juste assis là à dire qu'il n'a plus envie de vivre, qu'il ne parle pas sa langue, qu'il ne connaît pas de cérémonie, et qu'il se demande ce qu'il va devenir.
    Vous avez traversé toute cette période. Quand vos gens ont mené des consultations, je n'y ai pas pris part et cet aspect a donc été omis.
    Je suis d'accord avec Mme Megan — je ne sais pas comment prononcer votre nom de famille et je m'enfarge dans mon cri —, bref nous devrions envisager la révision du libellé ou l'ajout d'amendements pour inclure cela.
    Vous savez quoi? Je crois que c'est positif. En 1967, nous avons déclaré qu'il fallait sauver nos langues. Il y a combien d'années de cela? Environ 40 ans. Nous sommes maintenant en 2023. Nous avons perdu beaucoup de ces langues. Le fait que certains d'entre nous fassent ici et là leur possible n'a pas suffi. Mon collègue et moi avons visité toutes les communautés manitobaines. Nous avons créé des groupes de travail sur les langues en 1983 et en 1984. Après notre départ, l'initiative s'est éteinte parce que nous n'avions pas formé de formateurs et qu'aucun travail soutenu n'a été fait en collaboration avec la communauté, les parents, les grands-parents et ceux qui n'ont pas d'éducation.

  (1725)  

    Merci beaucoup.

[Français]

     Merci, madame Idlout.

[Traduction]

    Merci de partager cela avec nous, madame Bear.
    Merci beaucoup à Mme Megan Lukaniec et au ministre Simpson d'être venus témoigner et d'avoir répondu à nos questions dans le cadre de notre étude sur les langues autochtones. Je sais que c'est un sujet qui ne date pas d'hier. Il y a une certaine impatience par rapport à celui‑ci, donc merci d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Sur ce, nous allons prendre une petite pause et nous préparer à accueillir le deuxième groupe de témoins. Merci.

  (1725)  


  (1730)  

    Bienvenue à notre deuxième groupe de témoins.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux personnes qui sont présentes aujourd'hui.
    En personne, nous accueillons Mme Claudette Commanda, de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières nations, ainsi que M. Kevin Lewis, de l'Université de la Saskatchewan, qui s'adressera peut-être à nous en cri des plaines, ce qui reste à confirmer.
    Je crois comprendre que votre mère pourrait aussi faire de la traduction. Soyez les bienvenus.
    Nous recevons également Mme Lorna Williams, de l'Université de Victoria, par vidéoconférence.
    Bienvenue à nos trois invités dans le cadre de notre étude sur les langues autochtones.
    Voici comment nous allons procéder: chaque témoin doit faire une déclaration liminaire de cinq minutes, après quoi nous leur poserons des questions.
    Madame Williams, sachez que si vous ne comprenez pas certaines des langues parlées, il y a une petite icône de globe terrestre au bas de votre écran qui vous permet de choisir une autre langue. Il peut y avoir des interventions en anglais. Il peut y en avoir d'autres en cri des plaines. Il est utile de faire le réglage au préalable.
    Sur ce, je prie Mme Commanda de procéder à sa déclaration liminaire de cinq minutes.
    Merci.

  (1735)  

    Bonsoir. Je m'appelle Claudette Commanda et je suis membre de la Première Nation des Anishinabeg de Kitigan Zibi.
    Heureuse de vous accueillir. C'est un privilège pour moi de faire cette déclaration sur les terres ancestrales de mon peuple.
    Je détiens différents titres et assume divers responsabilités et rôles, dont celui de présidente-directrice générale de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières nations. Je suis une survivante des externats autochtones. Je représente les demandeurs dans le cadre du règlement du recours collectif lié aux externats indiens. Je suis par ailleurs conseillère spéciale en matière de réconciliation auprès de la doyenne de la Faculté de droit, aînée en résidence, professeure et chancelière de l'Université d'Ottawa. Je suis mère de quatre enfants et kokum, c'est‑à‑dire grand-mère, de 10 petits-enfants. C'est d'ailleurs le rôle et la responsabilité que je chéris le plus.
    Malgré ces différents titres et chapeaux, je suis ici aujourd'hui à titre de présidente-directrice générale de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières nations. J'œuvre au sein de cette organisation nationale autochtone à vocation communautaire depuis l'an 2000.
    La Confédération a vu le jour en 1972. Il s'agit d'une organisation nationale autochtone à vocation communautaire et sans but lucratif issue du contrôle décisionnel accordé aux Premières Nations en matière d'éducation. Notre organisation est communautaire et fondée sur des efforts locaux en plus d'être détentrice de droits ancestraux et conférés par traité. Elle est tout à fait distincte de l'Assemblée des Premières Nations et de toute autre entité politique.
    Notre organisation regroupe 46 centres culturels, situés dans toutes les régions du pays et représentant la diversité linguistique et culturelle des Premières Nations. Nos aînés encadrent notre travail et appuient notre rôle communautaire de défenseurs et spécialistes des langues à l'échelle nationale. Elle offre de l'aide technique et des programmes d'aide aux communautés qui conçoivent et offrent des programmes d'éducation fondés sur la langue et la culture.
    À titre de détenteurs des droits sur nos langues, la Confédération et ses centres membres comprennent la nécessité d'une mesure législative sur les langues, puisqu'elle assure du soutien financier aux communautés pour le développement immédiat et à long terme de solutions viables pour la revitalisation et la protection des langues, de même que notre droit d'enseigner à nos enfants dans nos langues ancestrales.
    Depuis 47 ans, la Confédération porte le mandat national de promouvoir, protéger, revitaliser et soutenir les langues, les cultures et les traditions des Premières Nations, qui continuent de lui témoigner cette confiance. Malgré l'expertise de notre organisation en matière de développement des langues et de prestation de programmes dans nos communautés, la Confédération n'a pas été contactée par les corédacteurs du texte législatif sur les langues appelé projet de loi C‑91.
    Cela dit, notre organisation appuie la Loi concernant les langues autochtones. Nous sommes heureux de voir notre vision, nos efforts et nos actions en matière de protection des langues prendre corps. Pendant des décennies, la Confédération a milité avec grande détermination pour l'adoption d'une mesure législative en matière de langues. Les champions de nos langues, tels que Ron Ignace, Verna Kirkness et Amos Key, pour ne nommer que ceux-là, ont toujours appuyé la Confédération et sa mission visant l'adoption d'un texte législatif protégeant les langues.
    Pourquoi cette loi est-elle importante? Que signifie‑t‑elle pour la Confédération?
    Pour nous, la Loi concernant les langues autochtones vient valider nos langues. Elle confirme l'importance de nos langues et de leur richesse dans notre identité culturelle et notre guérison. Dans la construction de l'estime de soi des enfants et des jeunes des Premières Nations, la validation de nos langues à des fins de transmission intergénérationnelle des connaissances est absolument vitale, car nos langues sont notre reflet: elles sont notre identité, notre culture et notre vie, ce qui nous unit à la terre, à l'esprit, au Créateur et à tous nos enseignements.
    La Loi concernant les langues autochtones est aussi, à nos yeux, la reconnaissance par le gouvernement du Canada des injustices historiques qui ont contribué à la perte de nos langues, ainsi qu'un instrument obligeant le gouvernement à rendre des comptes par rapport à son obligation de soutenir le rétablissement, la revitalisation et le maintien des langues des Premières Nations de même qu'un engagement soutenu quant au financement nécessaire immédiatement et à long terme pour la planification, le développement des ressources et l'apprentissage des langues.

  (1740)  

    La protection des premières langues du territoire est primordiale. Après tout, les langues des Premières Nations, les langues autochtones, sont les langues d'origine du Canada. Les Canadiens doivent accepter cette vérité. Sensibiliser davantage la population à l'importance et à la valeur des langues des Premières Nations donne l'occasion aux Canadiens de reconnaître les peuples des Premières Nations, de les respecter et de les célébrer, tout comme leurs récits et leurs droits, en plus de favoriser la réconciliation entre peuples, entre nations.
    Nous espérons et attendons patiemment que la loi fournisse un financement permanent, un financement essentiel à nos communautés si elles veulent favoriser la vigueur de leur langue tant aujourd'hui qu'à l'avenir. La loi doit être la référence pour éliminer le financement à la pièce fondé sur des propositions. Les critères du programme de financement des langues et de la culture en vigueur, de même que l'administration de ce financement, ne peuvent plus demeurer la source de la revitalisation linguistique et culturelle ni soutenir ces efforts, voire servir de mode d'admissibilité au soutien linguistique dans nos communautés. Des changements s'imposent.
    Nous savons qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour que la loi soit pleinement mise en œuvre. Il faut en effet veiller à ce que les communautés des Premières Nations et leurs organismes bien établis, qui ont une immense expertise et une expérience concrète en matière de protection et de revitalisation des langues, soient inclus à toutes les étapes de la mise en œuvre et de l'exploitation, y compris l'élaboration des politiques et des modèles de financement. Ce sont les communautés et organisations locales qui sont dépositaires de ces langues, qui les parlent et les défendent. Nous sommes les travailleurs en première ligne. Nous sommes le présent et le passé, mais nous sommes tout aussi assurément l'avenir.
    Nous sommes reconnaissants des relations de travail que nous avons avec le personnel de Patrimoine canadien, qui reconnaît l'expertise variée de la Confédération. Il attache de l'importance aux experts linguistiques des communautés qui aident de gouvernement dans son travail sur les langues autochtones.
    La loi, y compris dans son esprit et son intention, doit être reconnue complètement et avec diligence dans sa mise en œuvre pour la protection et la revitalisation des langues des Premières Nations. Ce sont nos enfants qui vont en profiter, aujourd'hui et pour les sept générations à venir. Il reste encore beaucoup de travail à faire. L'expertise fort variée de la Confédération dans le développement des langues, la mise en œuvre, la recherche, les programmes et le soutien technique doit faire partie intégrante de tous les aspects de la mise en œuvre de la Loi concernant les langues autochtones.
    Travaillons ensemble pour concrétiser le tout pour nos enfants et nos jeunes aujourd'hui et pour les sept générations à venir.
     Chi miigwetch. Merci.
    Merci, madame Commanda.
    Passons maintenant à M. Lewis pour sa déclaration liminaire.
     [Le témoin s'exprime en cri des plaines, et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Je tiens à remercier le Créateur de nous permettre de nous réunir sur la Colline du Parlement.
    Merci pour votre invitation.
    Je remercie le Créateur de nous avoir donné cette langue et notre grand amour pour celle‑ci. Beaucoup de gens ont perdu l'usage de leur langue. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas d'où ils viennent, surtout en ce qui a trait au récit de la création, même chez les Dénés, les Nakawe et les Nakotas. Ce sont des récits sur la création dont beaucoup de gens dans nos communautés ne connaissent pas l'origine. Ce sont nos aînés qui veulent que nous enseignions nos chansons et nos récits sur la création, qui nous exhortent à le faire. Nous avons des récits sur la création qui parlent de l'ère glaciaire. Nous avons également un récit de la création sur nos origines, sur la nature spirituelle des montagnes, même sur le feu, le vent et le déluge. Tous ces récits, ils nous viennent du territoire, de l'île de la Tortue.
    Ce sont ceux que les aînés veulent que nous enseignions dans nos écoles pour assurer la survie de nos langues, même ces récits inspirés des changements climatiques. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve en matière de changements climatiques. Nous avons demandé aux aînés de quelle façon nous pouvons assurer la survie de notre langue dans l'optique des changements climatiques. Nous profitons de l'occasion pour sortir prendre l'air avec nos enfants et jeter les bases de la langue. Ce que nous voyons quand nous regardons le soleil et qu'il pleut... Nous n'avons jamais vu de pluie en janvier, et nous courons maintenant auprès des aînés. Ils nous disent de ne pas avoir peur, de revenir à nos cérémonies, de nous réapproprier notre langue, de revenir à nos récits sur la création. Ce sont ces récits qui vont nous aider un jour. Donc, revenons à nos récits sur la création.
    Le Traité no 6 et nos traités constituent l'autre chose sur laquelle nous devons nous pencher et nous concentrer. Nous sommes issus du territoire visé par le Traité no 6. Je tiens à remercier notre parente qui nous permet de lui rendre visite. Elle fait partie de notre famille élargie qui nous lance une invitation...
    Quant au travail que nous faisons, nous avons oublié notre langue. Nous avons oublié nos promesses. Nous remontons le temps pour accéder à tous les enseignements. Nous savons que, dans le passé, certains de nos membres visionnaires, en communion avec les esprits, sont venus à nous pour nous annoncer l'arrivée prochaine de nos frères, leur venue sur nos terres. Ils allaient débarquer dans notre île de la Tortue. Ils allaient tous venir ici. Ils savaient qu'ils allaient travailler avec eux. Ils nous l'ont dit. Ils nous ont prodigué des conseils. Ils nous ont demandé de travailler ensemble. Nous devons travailler ensemble, mais sans jamais oublier d'où nous venons, sans jamais oublier nos langues ni renoncer à nos cérémonies.
    Voici ce que je voulais vous dire: travaillons étroitement ensemble. Dans le passé, nos aînés utilisaient le calumet. Le calumet était toujours au premier plan. Du point de vue des langues autochtones, de leur protection, le calumet est l'objet le plus symbolique qui soit, et c'est vers celui‑ci que nous nous tournons à nouveau. Nous demandons conseil aux aînés, qui sont les gardiens de notre savoir.

  (1745)  

    Il y en a beaucoup que nous n'avons pas vu. Ils sont aujourd'hui dans le monde des esprits. Ceux qui s'assoyaient avec nous à l'époque aimaient notre langue. Ils nous disaient de l'enseigner à nos enfants, d'enseigner à nos aînés à se servir du calumet afin de les garder dans le monde spirituel.
    J'aimerais parler un peu de moi. J'ai travaillé à l'Université Blue Quills, à l'Université de la Saskatchewan, à l'Université de l'Alberta, à l'Université de Victoria et au WHEAT Institute. Ce sont les différents établissements avec lesquels j'ai travaillé. Ce sont les établissements, les universités, qui nous tendent la main. Ils se tournent vers nous.
    Dans notre communauté, il y a beaucoup d'aînés. Nous avons consulté les aînés et continuons de le faire. C'est au sein des aînés que l'on trouve nombre de nos chefs spirituels et de nos gardiens du savoir. Nous faisons appel à leurs connaissances. Nous dépendons d'eux.
    Nous nous sommes assis aujourd'hui avec Marc Miller. Nous lui avons présenté notre langue et l'importance de la préserver, puis lui avons dit qu'il fallait vraiment que nous travaillions ensemble. Pour arriver à sauver notre langue, nous devons travailler ensemble.
    Il y a aussi autre chose. J'aimerais remercier Patrimoine canadien pour tous ses efforts et le travail qu'il investit dans l'élaboration de la loi sur les langues. J'aimerais le remercier. Cela nous a aidés dans le passé et continuera de nous aider à l'avenir.
    C'est tout ce que je souhaite dire pour l'instant, mais j'aimerais parler plus tard de tout ce que nous faisons dans ma communauté en matière de langues.

  (1750)  

    Merci beaucoup, monsieur Lewis. J'ai attendu un peu, parce que vos propos sont interprétés dans une langue, puis dans l'autre, donc tout cela prend un peu de temps. Merci beaucoup pour votre témoignage.
    Passons maintenant à Mme Lorna Williams. Si vous êtes prête, vous pouvez prendre le micro et faire votre déclaration liminaire.
    Allez‑y, je vous en prie.
    [La témoin s'exprime en líl̓wat, et l'interprétation de ses propos en anglais est traduite comme suit:]
    [Français]
    Lorna Williams est mon nom usuel. Mon peuple m'appelle Wánosts'a7. Je suis originaire du territoire du Líl'watul, situé à un endroit appelé Mount Currie, en Colombie-Britannique. J'ai enseigné à l'Université de Victoria avant de prendre ma retraite.
    Je suis actuellement présidente de la First Peoples' Cultural Foundation et présidente sortante du First Peoples' Cultural Council. Ces organismes œuvrent à la revitalisation, au rétablissement et au maintien des langues autochtones en Colombie-Britannique.
    Mon travail associé aux langues a commencé quand j'ai perdu la mienne au pensionnat. J'ai fréquenté la Mission St‑Joseph, à Williams Lake, et j'ai dû réapprendre ma langue. Dans mon cas, j'ai eu de la chance, car ma langue était très employée dans ma famille, et je vivais dans la partie ancienne de notre village, où les personnes âgées n'avaient jamais fréquenté l'école dans une autre langue. J'ai pu me rétablir et renouer avec ma langue. J'ai appris votre langue quand j'étais à l'hôpital.
    Enfant, j'ai constaté les difficultés et la beauté de la langue et des communications. J'estime que c'est là que mon éducation a commencé.
    En 1971, 1972 et 1973, Mount Currie, mon village, a été la première communauté de la province à prendre les rênes de son éducation. Il y a eu un changement de gouvernement. L'une des choses que ma communauté a dites, c'est qu'elle pouvait voir que notre langue commençait à changer. De plus en plus de gens parlaient votre langue au lieu de la nôtre, qui est fort différente, et la communauté a dit: « Il faut mettre un terme à cela. »
    L'un des défis que nous a lancés la communauté était de trouver une façon d'assurer la vigueur de notre langue. C'était au début des années 1970.
    Je partage cela avec vous afin que vous ayez une idée de mon parcours. J'ai œuvré dans le milieu de l'éducation de la maternelle à la 12e année, tant dans des écoles régies par une bande que dans des écoles du réseau public. J'ai été consultante pour le district scolaire de Vancouver pendant 15 ans. J'y ai vu des enfants de partout au Canada. Il s'agissait d'enfants qui n'avaient plus de lien avec leur territoire natal. Quelques-uns faisaient exception, mais beaucoup étaient entièrement coupés de celui‑ci. J'y ai vu les difficultés qu'il nous faut surmonter pour concrétiser notre droit à parler nos langues. J'ai ensuite travaillé pour le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique, puis à l'Université de Victoria, où j'ai fini ma carrière.
    En 2019, j'étais présente aux Nations unies quand on a annoncé l'Année internationale des langues autochtones. Il y avait tant d'espoir et de positivisme partout dans le monde à propos des langues autochtones. En 2019, j'étais tellement heureuse de voir le Canada reconnaître enfin que nos langues existent et mettre en œuvre un processus nous permettant de travailler ensemble pour agir, enfin, de façon légitime en faveur de nos langues.

  (1755)  

    Pour le Canada, le défi est énorme, puisqu'il y a deux langues officielles, deux langues associées au colonialisme, dont l'effet perdure sur notre peuple, non seulement au Canada, mais à nombre d'endroits dans le monde. Si le gouvernement veut que cette loi serve à quelque chose, l'un de ses défis est d'établir s'il a le courage, l'audace et la ferveur nécessaires pour jeter un regard franc sur lui-même et constater la façon dont toutes les politiques, pratiques et habitudes qui font aujourd'hui partie intégrante de nos vies et qui visent à protéger l'anglais et le français empêchent les langues autochtones de s'épanouir. Il faut être courageux pour se pencher sur la véritable nature de ces pratiques, de ces politiques, car il faut y remédier pour changer les choses et délaisser ce qui est devenu si habituel dans ce pays.
    Nous devons également être en mesure de nous pencher sur les impositions dues à la Loi sur les Indiens et être assez courageux pour y remédier. Qu'a‑t‑elle fait, cette loi? Elle nous a divisés, créé un statut et un non-statut. Elle a déraciné, chassé et relocalisé des gens, des Autochtones. Cette loi doit être en mesure de répondre aux besoins de tous les Autochtones. C'est votre objectif. Il est donc important pour nous de savoir ce qu'elle est, mais aussi quelles difficultés nous attendent. Par exemple, il y a aujourd'hui des enfants qui ont un demi-statut. Il y a des enfants qui ont un quart de statut. Ont-ils droit à leur langue? Répondra‑t‑on à leurs besoins au titre de cette loi? C'est ce que vous devez être en mesure d'établir.
    Nous devons être en mesure de nous pencher sur les infrastructures qui sont supposées servir à la revitalisation, à la renaissance, au maintien et à la vigueur des langues. Je veux parler ici d'éducation, car l'éducation comme institution est un instrument qui a servi à la destruction, à l'annihilation, de nos langues et de nos peuples. Nous devons aussi savoir que l'éducation est une institution puissante et qu'elle peut servir à soutenir le travail que nous devons faire, mais seulement si nous sommes assez courageux pour en revoir la structure, pour la remettre en cause et pour apprendre des Autochtones qui ont consacré leur vie à tenter de renforcer ce travail.
    Par exemple, il nous faut des enseignants de langues autochtones dans les écoles. Ils sont recherchés. Les écoles font appel à des gens qui parlent couramment la langue, aux aînés dans nos communautés. Ils n'ont jamais été reconnus à titre d'enseignants, mais ils font le travail. Ils ont trouvé de quelle façon le faire sans formation postsecondaire.

  (1800)  

    Au Canada, il n'existe aucun programme de formation qui permette aux enseignants de langues autochtones de bénéficier de l'éducation et de l'apprentissage dont ils ont besoin pour accomplir cette tâche difficile, d'obtenir un titre de compétence et d'être reconnus et rémunérés à titre d'enseignants.
    À l'heure actuelle, monsieur Garneau, il y a dans tout le pays de nombreux enseignants de langues autochtones, et ils sont payés une misère parce qu'ils ne sont pas reconnus à ce titre. C'est pourquoi je dis que nous devons examiner une grande partie de l'infrastructure en place et apporter les changements qui s'imposent.
    Nous avons actuellement quelques opportunités que je souhaite souligner. L'une d'elles est que la province de l'Ontario a mis en place, il y a quelques années, la possibilité pour les établissements autochtones de délivrer des diplômes. Il s'agit d'un grand pas en avant. C'est un grand pas en avant qui pourrait grandement contribuer à faire fonctionner cette Loi sur les langues autochtones. En Colombie-Britannique, nous travaillons depuis de nombreuses années avec toutes les langues des Premières Nations, soit 34 langues et leurs dialectes. Ce travail est compliqué et exige un soutien important de la part des communautés, des partenariats et des collaborations, mais il repose également sur le type de recherche qui doit être effectué et qui, pour l'instant, n'existe pas. Nous avons quelques exemples.
    Il est donc important de se pencher sur le gouvernement, sur la façon dont on arrête le travail, mais aussi de regarder ce que les gens ont fait à travers le pays pour maintenir nos langues en vie. Quand on pense à toutes les choses qui se sont produites et qui visaient à nous faire taire, nos langues perdurent. Elles perdurent grâce à la passion et à l'engagement qu'a décrit l'intervenant précédent, qui a parlé de l'engagement de nos aînés, des gardiens de notre savoir, à protéger les langues du territoire. Nous devons pouvoir en tirer parti, en tirer des leçons, aller de l'avant et travailler ensemble.
    Merci.

  (1805)  

    Merci beaucoup, monsieur Williams. Nous avons accordé un peu plus de temps que d'habitude aux remarques liminaires, car vous aviez des choses très importantes à dire.
    Nous allons maintenant procéder à un tour de questions.
    Nous allons commencer avec M. Vidal, qui dispose de six minutes.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire part de leurs connaissances, de leur expérience et de leur sagesse alors que nous débattons de cet important sujet.
    Je vais pour l'instant adresser mes questions à M. Lewis, simplement parce qu'il accomplit une partie de son excellent travail à environ 45 minutes de chez moi.
    Je veux parler du travail que vous faites là‑bas, mais avant cela, je veux remercier votre mère d'être ici et de faire office d'interprète pour nous aujourd'hui. C'est vraiment formidable qu'elle soit ici et qu'elle nous rende ce service.
    Des voix: Bravo!
    M. Gary Vidal: Monsieur Lewis, je suis au fait de certains des travaux que vous avez accomplis, plus particulièrement dans le cadre des camps culturels kâniyâsihk que vous dirigez à Island Lake. Vous avez également créé un certificat en langues autochtones par l'entremise de l'Université de la Saskatchewan.
    Je vous donne mon temps pour que vous puissiez parler de ces deux choses. Toutefois, j'aimerais beaucoup que vous incluiez dans votre explication de l'excellent travail que vous accomplissez là‑bas certaines des pratiques exemplaires et certaines des leçons que nous pouvons tous tirer de vos connaissances et de votre réussite dans le cadre de ces deux processus, et que nous pourrons ensuite inclure dans notre étude de la loi sur les langues.
    [Le témoin s'exprime en cri des plaines et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    En 2015, quand nous avons constitué notre organisme à but non lucratif et quand nous avons créé les camps culturels kâniyâsihk, nous ne disposions pas de ces gardiens du savoir, des aides pour nos cérémonies. Nous avons ici des jeunes qui chassent, piègent et pêchent — qui nourrissent les aînés, la communauté, les écoles et les chargées des cérémonies. Voilà l'origine des camps culturels kâniyâsihk.
    Au début, j'ai demandé à ma grand-mère, et voici ce qu'elle m'a dit: « N'excluez pas les jeunes filles qui veulent apprendre. Les jeunes le réclament. Ils veulent que les jeunes viennent et s'enseignent à eux-mêmes et ils veulent que les aînés viennent et leur transmettent les enseignements de la terre. » Puis ma kokum a dit: « À cet endroit de ce lac, en hiver, ils posaient les filets. » Oui, tout se passe dans les camps culturels kâniyâsihk. C'est là que les aînés apprenaient aux enfants à cueillir des baies.
    Nous avons voulu créer notre propre programme d'études dans la tradition autochtone, en faisant appel aux aînés et en intégrant les récits sur la création. Nous devons apprendre. Nous devons enseigner à ces jeunes à chasser et à piéger.
    En 2019, il y avait un peu d'argent. Cela va se faire maintenant. Nous l'appelons le centre d'excellence. C'est notre école. Nous y apprenons aux jeunes à enseigner la langue. Nous faisons appel à nos aînés. Ils sont au premier rang de l'enseignement. Puis, des jeunes filles qui nous rejoignent. Nous avons les femmes aînées qui viennent et qui se chargent du calumet. Nous avons aussi les repas des jeunes. Ils viennent et on leur enseigne la cérémonie du calumet. Ce sont les enseignements du tipi.
    Nous incluons également les sueries, la danse du cheval, la danse du hibou et la danse du soleil. Nous avons des sueries. Il y a tellement de choses à enseigner, et tellement de choses à faire. Les aînés nous donnent des consignes. Ils disent d'emmener les jeunes sur les terres. C'est là que se fait l'enseignement. C'est de là que vient notre parenté et nos relations avec la terre et le soleil. Nous l'appelons « Grand-père Soleil ». Il y a aussi les aigles et le tonnerre. Les oiseaux-tonnerre nous donnent la pluie et la neige. Ils font tout le travail pour nous, ces grands-pères. Nous nous adressons au vent comme à notre grand-père. C'est ainsi que nous exprimons notre parenté. Nous sommes tous interreliés, que ce soit sur terre, dans les eaux ou dans les airs, et nous, en tant qu'humains, sommes tous liés. Nous sommes tous interdépendants. C'est ce que nous enseignent les aînés. Nous sommes aussi liés aux êtres à quatre pattes. Dans l'eau, nous sommes liés aux êtres aquatiques.
    Voilà qui constitue notre programme d'enseignement. C'est comme notre langue. Nous nous rendons visite, nous nous aimons et nous nous connaissons. C'est parce que nous nous fondons sur nos relations, nos liens, et parce que nous respectons notre parenté. Nous respectons tous ceux avec qui nous sommes liés. C'est ainsi que nous envisageons les choses et c'est ainsi que nous respectons la langue. C'est pourquoi nous travaillons très dur pour nos langues. C'est la raison pour laquelle nous sommes si riches en langues. Nos langues sont riches dans toute l'île de la Tortue. Nous sommes très riches.

  (1810)  

     Nous entretenons des relations avec notre peuple dans les quatre directions. Les récits de la création que nous entendons proviennent de ces quatre directions, et c'est ce que nous offrons au Créateur. Nous le remercions pour ces relations provenant des quatre directions, les quatre couleurs de l'être humain et les quatre couleurs de l'imprimé.
     Il est très honorable d'emmener un jeune sur les terres. Les enseignements axés sur le territoire sont la voie à suivre pour la transmission de la langue. C'est l'enseignement des aînés. Les aînés nous ont dit que notre système scolaire devait emmener les jeunes sur les terres, surtout en hiver et en été.
    Surtout en été, quand nous emmenons les jeunes sur les terres, c'est ici que nous récoltons nos plantes. C'est là que nous récoltons nos plantes et nos baies cérémonielles. C'est là que les aînés se réunissent avec les jeunes et les enfants en été, lorsque nous avons nos écoles d'été auxquelles participent nos aînés et nos jeunes. Nous aimons voir les aînés se rendre sur les terres avec les jeunes et les enfants, où ils s'aident et s'éduquent mutuellement sur les terres, les baies, les arbres et la faune.
    Nous avons connu des taux de suicide élevés. C'est parce qu'ils ont perdu leur identité, mais maintenant nous devons sortir et nous aider les uns les autres. Nous devons faire venir nos jeunes et leur faire découvrir les terres. C'est une bonne vie. Miyo-pimâtisiwin. C'est ce que nous disons en cri. C'est le but des camps culturels kâniyâsihk. Nous concentrons nos efforts sur le maintien de cette école. En ce qui concerne les coûts de fonctionnement, nous ne recevons aucun financement pendant que nous travaillons sur notre programme et essayons d'éduquer nos jeunes.

  (1815)  

    [Français]
    Nous sommes allés à Maui. Nous sommes allés voir les Hawaïens. Là‑bas, ils ont l'industrie du tourisme. Ils emploient leurs Autochtones, qui sont passés par ces types de systèmes. Nous avons fait des recherches. Nous sommes allés là‑bas et nous leur avons rendu visite. Dans l'industrie du tourisme, nous savons comment préserver le caractère sacré des choses, et nous connaissons les trucs tape‑à‑l'œil que nous pouvons vendre au monde entier. Destination Canada nous a contactés et nous a dit: « Pourquoi ne pas parler en notre nom et amener le monde au Canada? »
    Quand j'étais en Chine, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ils voulaient en savoir plus sur les Autochtones d'ici. Que se passe‑t‑il là‑bas? Comment vont‑ils? Ils veulent des expériences authentiques du Canada. Ils aiment nos récits et ils veulent les entendre.
     En cette période de réconciliation, je pense que le temps est venu de nous épanouir. Nous devons leur montrer nos techniques de navigation. Nous devons leur montrer les mathématiques, l'architecture et l'ingénierie qui entrent dans la fabrication d'un canoë en écorce de bouleau. Nous devons leur montrer notre nourriture. Ils veulent la goûter.
    Dans ma déclaration liminaire, j'ai dit que je remerciais le ministère du Patrimoine canadien d'avoir dit, « Nous allons nous en occuper », mais il faut que les choses bougent parce que les aînés partent. Il y a vraiment une grande urgence ici, et quand nous nous occuperons de cette urgence, quand le financement circulera un peu plus rapidement, ce sera bénéfique pour notre peuple. Ce sera bénéfique pour notre circonscription, notre province et, au final, le Canada.
    [Le témoin s'exprime en cri des Plaines.]
    Merci beaucoup, monsieur Lewis. Il est très fascinant de vous entendre décrire cette formation, l'éducation que vous offrez.
    Monsieur Weiler, vous avez six minutes.
    Je suis très reconnaissant à nos témoins d'être ici aujourd'hui en personne et de se joindre à nous virtuellement pour nous faire profiter de leur sagesse. C'est un grand privilège d'entendre tant de langues autochtones aujourd'hui.
    La première question que j'aimerais poser s'adresse à Mme Williams. Vous avez joué un rôle déterminant dans la création d'une des premières écoles, sinon la première, gérées par une bande au pays. Puis, l'année dernière, la nation Lil'wat a signé un accord avec le gouvernement fédéral pour avoir le contrôle total sur la façon dont l'éducation est offerte pour la nation, y compris la gestion du programme d'études, des certifications des enseignants et des conditions d'obtention des diplômes.
    J'espérais que vous pourriez expliquer à notre comité l'importance de ce cheminement pour pouvoir soutenir et revitaliser la langue de la nation Lil'wat et ce que les autres nations — comme la nation Squamish, dans ma circonscription, qui est très intéressée par cette question — peuvent apprendre de ce processus et ce que nous, au Comité, pouvons apprendre alors que nous nous penchons sur l'avenir de la Loi sur les langues autochtones.

  (1820)  

    C'est une étape importante du cheminement. Comme je l'ai dit, dans ma communauté, nous y travaillons depuis le début des années 1970. Il est essentiel que nous soyons en mesure de régénérer la langue dans tous les aspects de la vie de notre communauté. L'école est l'un d'entre eux. Parce qu'elle est si importante, l'école est la clé. Par exemple, une chose qui se passe dans cette école est que les enfants passent du temps sur la terre. C'est très important. Dans notre cas, l'apprentissage des langues doit être un rétablissement de nos relations, un rétablissement de nos liens avec la terre et tout ce qui se trouve sur la terre. Il doit affirmer qu'il s'agit d'une relation bienveillante et aimable. C'est vraiment important.
    Le message à faire circuler est donc qu'il ne s'agit pas seulement d'apprendre une langue, mais aussi d'apprendre la vision du monde et les modes culturels des gens. C'est une relation avec la terre. C'est une relation avec les ancêtres. C'est une relation avec les gens qui arrivent. C'est une relation avec tous les secteurs de la communauté. Cette vision de l'éducation est très différente de celle du monde occidental. Le monde occidental sépare les enfants de leur famille et de toute une série de générations. Il sépare les enfants de la terre. Il est très important que les écoles soient en mesure de diplômer les gens en fonction de leur vision culturelle du monde.
    Ma communauté a toujours dit, depuis le début, qu'il est également important pour nous de savoir que nous devons exister dans plusieurs mondes. Nous devons être capables de franchir les frontières de ces différents mondes, sans perdre notre identité. La connaissance de votre langue, des subtilités et de la beauté de votre monde vous aidera à le faire et à vivre une expérience positive, une expérience qui vous permettra de vivre dans plusieurs mondes et de vous y engager, et non dans le monde destructeur que nous avons connu.
    C'est ce que les communautés comme la mienne doivent reconstruire et rétablir. Ce peut être une expérience effrayante. Tout le monde dit que l'éducation doit ressembler à l'enseignement anglais. Tout le monde dit que la force d'une personne réside dans sa capacité de parler les langues anglaise et française. L'un des défis auxquels nous sommes confrontés est de pouvoir voir la force et la beauté de nos propres langues, et que le monde extérieur puisse en estimer la valeur. Il est essentiel d'entendre les langues à cette table. Le Canada doit aller un peu plus loin pour que les Canadiens puissent saisir l'importance des langues autochtones.
    Merci.

  (1825)  

    Merci.
    Merci, monsieur Weiler.

[Français]

     Madame Gill, vous disposez de six minutes.
     Monsieur le président, je n'ai pas d'autre question. Merci.
    D'accord.
    Madame Idlout, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    [La députée s'exprime en inuktitut.]
    [Traduction]
    Je tiens à remercier tous les témoins. Normalement, je peux m'exprimer en inuktitut pendant ces séances. Je suis ravie que mon interprète ait été remplacé par un interprète cri afin que nous puissions vous entendre parler dans votre langue. J'ai beaucoup aimé entendre ce que vous aviez à dire.
    Je vous remercie également, Claudette Commanda, de nous accueillir sur votre territoire.
    Merci à vous aussi, madame Williams, de votre témoignage.
    Je vais poser une question seulement. Pourrais‑je demander à chacun de vous d'y répondre?
    Ce qui fait défaut dans la Loi sur les langues autochtones, c'est qu'on ne fait nulle part mention de l'importance de la guérison. Il en est question un peu dans le préambule, et plus loin dans la loi, elle reconnaît ce que le Canada a fait. Elle reconnaît que la réconciliation est importante, mais elle ne mentionne nulle part l'importance de la guérison et la façon dont le réapprentissage des langues autochtones peut être une forme de guérison qui nous aide à avoir une meilleure estime de soi et à améliorer notre sentiment d'identité en tant que peuples autochtones.
    Je me demandais si vous aviez des réflexions à faire sur l'importance d'incorporer un amendement à la Loi sur les langues autochtones sur l'importance de la guérison.
    Qujannamiik.
    Si je peux répondre, je vous remercie de cette question. Je comprends parfaitement pourquoi vous l'avez posée, et je dirais que oui, la guérison est l'un des éléments les plus fondamentaux. Chaque jour, nous guérissons. C'est un apprentissage quotidien tout au long de la vie.
    Quand on regarde le passé, ce passé colonial et toutes ces expériences vécues que notre peuple a endurées, la guérison est absolument nécessaire. Elle est tellement nécessaire, et ce sont nos langues et notre culture qui apportent cette guérison. Nous ne pouvons pas dissocier nos langues de notre culture, et notre culture de notre identité. Nous ne pouvons pas les séparer. Tout cela fait partie intégrante de ce que nous sommes en tant que peuple anishinabe et en tant que premiers occupants du territoire.
    Dans chaque expérience que nous vivons, nos façons de savoir et nos façons d'être sont si importantes. Nous savons que notre peuple a besoin de guérir, surtout nos enfants. Il est certain que la loi doit prévoir et soutenir la guérison — absolument. Sans langue, il n'y aura pas de guérison. Sans guérison, il n'y aura pas d'estime de soi. Il n'y aura pas de... Même pour cette vision du monde, les compréhensions et les connaissances traditionnelles, ou même pour ces pratiques ou simplement le lien avec la terre, c'est tellement important. Je pense à cette expression que nous avons dans la langue algonquine anishinabe, quand nous disons, je suis la terre et la terre est moi. C'est là où je trouve ma source de guérison et ma force.
    Je suis tout à fait d'accord pour dire que la guérison doit faire partie intégrante du processus. C'est essentiel. C'est lié. C'est indissociable. Avec les langues viennent tous les aspects de notre vie. Deux intervenants en ont parlé avec éloquence: Mme Willams et M. Lewis. Il est question de qui nous sommes, de notre création et de notre connexion. Sans guérison, comment pouvons-nous rétablir les liens? Nous devons réparer, revitaliser et nous réapproprier chaque aspect de notre être. La guérison est si importante.
    Chi miigwetch de cette question.

  (1830)  

    Monsieur Lewis, aimeriez-vous faire quelques observations? Nous céderons ensuite la parole à Mme Williams.
    [Le témoin s'exprime en cri des Plaines et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    J'aimerais vous féliciter d'avoir posé ces questions. Je vous remercie très sincèrement.
    Si on regarde la santé mentale, c'est l'esprit. Comment pouvons-nous guérir notre esprit? Il y a deux éléments que nous examinons. Quand nous regardons les Maoris, ils appellent la neurodiversité tânisi êtikwê. Il n'y a pas de terme dans nos langues. Nous n'avons pas de terme pour cela, mais cette expression dit que nous devons demander — nous devons faire appel à nos aînés — comment nous pouvons nous guérir nous-mêmes. Si une personne n'est pas mentalement ou physiquement... quand vous regardez les quatre piliers, c'est là que nous nous adressons aux aînés pour guérir.
    Quand nous sommes allés à Auckland il y a quatre ans, nous sommes allés écouter leurs langues. Nous sommes allés faire nos recherches. Nous avions les chercheurs, les professeurs, les directeurs et tous ceux qui étaient impliqués dans toutes ces universités à Auckland, et chacun d'entre nous, chacun d'entre eux, se penchait sur l'aspect de la santé mentale. Comment guérir votre peuple mentalement et physiquement? Comment pressentir les aînés? Comment procédez-vous? Même les Hawaïens nous regardaient. Ils posaient les mêmes questions.
    C'est nous, mais c'est nous avec les aînés des Premières Nations et la manière dont nous sommes assis ici ensemble et dont nous examinons la loi, la Loi sur les langues autochtones. C'est de cette manière, si nous commençons à nous réunir et à prendre ce type d'engagements, que nous rehausserons notre langue et nous nous épanouirons.
    Merci, monsieur Lewis.
    La parole est à vous, madame Williams.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de cette question, madame Idlout. C'est une question très importante.
    Lorsque nous concevons et offrons des programmes linguistiques aux enfants dans les écoles et les communautés — et surtout dans les communautés —, quand ces programmes sont offerts en faisant preuve de respect et d'intégrité complète à l'égard du monde autochtone et quand les gens apprennent, la guérison a lieu. Nous n'avons pas besoin de les dissocier. C'est ce qui se passe.
    Je vous suis très reconnaissante de votre question, car nous avons beaucoup de personnes, notamment des adultes, qui réapprennent leur langue ou qui apprennent leur langue, et c'est un processus pénible. Dans ces cas‑là, nous devons être en mesure d'offrir un programme qui reconnaît cela. C'est une guérison qui doit avoir lieu, non seulement avec une personne, mais aussi avec une famille et une communauté.
    J'ai conçu des programmes, par exemple, pour des personnes que nous appelons des « locuteurs silencieux ». Il s'agit généralement d'adultes qui parlent la langue et qui l'ont apprise dans leur enfance, mais qui, en raison de leurs expériences scolaires et autres, ont cessé de l'utiliser. Nous devons créer des programmes et des stratégies qui fonctionnent avec ces personnes, car c'est un processus très pénible de régénérer cette langue, et nous devons être en mesure de nous concentrer sur cet objectif. Nous ne le faisons pas. Nous n'avons pas l'habitude d'offrir des programmes pour cette population, et c'est une population importante dans nos communautés que nous ne prenons pas en compte.
    Souvent, dans notre monde autochtone, nous ne séparons pas les institutions, par exemple, d'apprentissage et de santé, mais dans le monde occidental, c'est ce que nous faisons. Encore une fois, il s'agit d'examiner toute l'infrastructure en place et de voir les types de changements qui doivent être apportés pour soutenir le travail que nous devons faire pour nous réapproprier, récupérer, revitaliser et maintenir nos langues.
    Merci.

  (1835)  

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier chaleureusement nos invités de ce soir de leurs témoignages et de leurs réponses à nos questions. Ils ont illustré de façon très émouvante leur sagesse concernant le sujet dont nous discutons. Nous leur sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions. Je sais que leurs témoignages nous seront très utiles dans le cadre de notre étude sur les langues autochtones, un sujet extrêmement important qui mérite beaucoup d'attention. Merci mille fois.
    La séance est levée.
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