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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 016 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 31 mars, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C‑5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les députés assistent à la réunion en personne dans la salle et à distance, à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    J'aimerais dire, pour que nous sachions à quoi nous en tenir au sujet du temps, que puisque nous avons eu des votes et que nous avons commencé en retard, je ferai passer la durée de la première série de questions de six minutes à cinq minutes, la deuxième série, à quatre minutes, et la troisième, à deux minutes — pour peu que nous nous rendions là. J'essaierai de faire en sorte que nous y parvenions, ce qui nous donnera environ 45 minutes par groupe d'experts.
    J'informe nos invités que je brandirai une carte lorsqu'il ne leur restera que 30 secondes, puis une autre carte pour leur indiquer que leur temps est écoulé. Aujourd'hui, en raison des contraintes de temps, je vais devoir être particulièrement à cheval sur le chronométrage.
    Nous allons commencer par les déclarations liminaires. Pour cette première heure, nous avons trois témoins, ou 45 minutes. Ces témoins sont: Marlon Merraro, directeur exécutif de Peacebuilders Canada, Darren Montour, chef de police du Service de police des Six Nations, et Penny McVicar, directrice exécutive de Victim Services of Brant.
    Monsieur Marlon Merraro, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et distingués invités qui sont également présents aujourd'hui, bonjour.
    J'aimerais commencer en disant que l'intégrité du système de justice dépend des conditions sociales équitables dans lesquelles nous vivons tous. Je suis ici aujourd'hui pour exprimer le soutien de Peacebuilders Canada, pour prodiguer quelques conseils sur le projet de loi C‑5 et pour attirer l'attention sur les progrès substantiels que ce projet de loi permettra de réaliser pour améliorer la réponse du Canada à d'importants problèmes de santé sociale qui ont une incidence sur les groupes marginalisés.
    Pendant plus de 17 ans, Peacebuilders s'est appuyé sur les pratiques de justice réparatrice pour soutenir la réintégration en société, en collaboration avec les intervenants du système judiciaire. Un modèle de justice réparatrice s'attaque aux différents aspects de la marginalisation systémique vécue par les personnes et les groupes, nommément l'exposition à la violence, la maladie mentale, la santé mentale, la discrimination systémique, la pauvreté et l'inégalité en matière d'accès. Nos programmes répondent directement au problème du nombre disproportionné de personnes noires et racisées qui se retrouvent dans les mailles du système judiciaire.
    Bien que nous comprenions que les causes de cette incarcération exagérée sont complexes et qu'elles comportent de multiples facettes, nous savons qu'il est important de travailler sur les processus de condamnation et d'inculpation pour désamorcer le cycle d'oppression, ainsi que sur la mise en relation des personnes visées avec les soutiens et les services nécessaires. En effet, Peacebuilders croit que le système canadien de justice a besoin de structures de détermination de la peine et de mise en accusation qui répondent adéquatement aux besoins des personnes noires qui ont affaire avec la justice. Nous voyons le projet de loi C‑5 comme un moyen de mettre en place des conditions plus équitables et plus justes pour les Noirs et les Canadiens marginalisés, tout en continuant à protéger la sécurité publique grâce à des modifications législatives sur la détermination de la peine qui permettront de multiplier les alternatives à l'incarcération.
    Ce projet de loi ne règle en rien le problème historique des Noirs et des Autochtones surreprésentés dans le système judiciaire, mais c'est un pas dans la bonne direction. Lorsque nous examinons le large éventail de peines minimales obligatoires qui ont été ajoutées aux lois canadiennes au cours des dernières années, il n'est pas surprenant de voir que de nombreux politiciens se sentent à l'aise avec l'idée d'éliminer certains types de peines minimales obligatoires et pas d'autres. La discrimination, l'atteinte à la sécurité publique et les violations des droits constitutionnels sont des problèmes associés à toutes les peines minimales obligatoires, et pas seulement aux 13 des 72 infractions assorties de peines minimales obligatoires qui sont visées par le projet de loi C‑5 et aux 7 autres infractions partiellement visées par ce dernier.
    Comme d'innombrables rapports l'ont déjà demandé instamment, et à l'instar des leaders noirs et autochtones de tout le pays, nous pensons que les modifications proposées permettront d'aller au‑delà d'une approche fragmentaire et de traiter toutes les peines minimales obligatoires. Nous croyons que vous prendrez les bonnes décisions en répondant aux besoins historiques des diverses communautés, et en particulier des communautés noires et autochtones, qui sont surreprésentées dans le système judiciaire.
    Peacebuilders croit que le projet de loi C‑5 répondra à certains de ces besoins de façon plus complète, tout en soutenant la sécurité publique et en améliorant la confiance à l'égard du système de justice. Nous espérons voir une utilisation accrue de mesures de responsabilisation mieux adaptées pour traiter les raisons sous-jacentes de la criminalité et améliorer la prévention de la récidive. Il est évident que le public bénéficiera grandement du projet de loi C‑5 en tant qu'outil permettant d'améliorer la sécurité publique, de soutenir l'administration de la justice et d'économiser des fonds pour d'autres ressources essentielles.
    C'est grâce à son expérience collective de première ligne, à ses recherches et à ses partenariats communautaires que Peacebuilders peut, en toute confiance, approuver et encourager la poursuite du travail sur les modifications apportées au projet de loi C‑5 — comme ce qui se fait dans les forums du Comité —, ce travail nécessaire pour amorcer la transformation du système canadien de justice. Par conséquent, nous demandons au gouvernement du Canada d'apporter et d'adopter des modifications au projet de loi C‑5 qui tiendront compte de la nécessité pour le système judiciaire de mieux interagir avec les Noirs et les Autochtones, surreprésentés dans notre système judiciaire. Il s'agit d'offrir d'autres possibilités, comme des programmes de déjudiciarisation et des solutions de rechange à la détermination de la peine. Il s'agit aussi de veiller à ce que nous ayons des communautés plus sûres pour ceux qui ont besoin de soutiens culturellement pertinents pour réintégrer leur communauté. Il faut en outre donner à ces personnes les possibilités et l'assistance qu'il leur faut pour améliorer leur situation et celle des membres de leur famille.
    Il est dans l'intérêt des communautés que le projet de loi C‑5 fournisse aux juges et autres responsables de la justice les moyens de soutenir à la fois la sécurité de la communauté et ceux qui ont besoin de soutien pour remédier à la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans le système judiciaire du pays.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Merraro.
    Nous accueillons maintenant Darren Montour, du Service de police des Six Nations, pour cinq minutes.
    Monsieur Montour, allez‑y.
    Bonjour à tous.
    Je fais partie d'un service de police autochtone. Ici, sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand, nous avons constaté une augmentation radicale des crimes violents au cours des dernières années. Cette augmentation est en très grande partie attribuable à la prolifération des drogues illicites au sein de la communauté. Ce sont des étrangers qui fournissent les drogues. En conséquence, les membres de la communauté deviennent dépendants, ce qui entraîne une augmentation des crimes violents. En outre, de nombreux membres de notre communauté sont morts au cours des dernières années à cause de surdoses de fentanyl.
    Au cours de mes 30 années en tant qu'agent de police des Six Nations, je n'ai jamais vu autant de violence. De nombreux membres de la communauté ont perdu la vie en raison de la crise des opioïdes qui secoue tout le pays. Les homicides sont de plus en plus fréquents. La cause profonde de tout cela est la toxicomanie. C'est cette dépendance et le besoin de l'assouvir qui poussent les gens à commettre d'autres crimes, comme des introductions par effraction, des cambriolages, des vols de voitures, etc.
    D'après mon expérience, les peines imposées par les tribunaux n'ont eu aucun effet dissuasif sur ces activités criminelles. Nous avons inculpé les mêmes personnes pour les mêmes délits de trafic de drogue à plusieurs reprises, et elles continuent toujours à trafiquer au sein de la communauté. Il est rare qu'une peine d'emprisonnement soit prononcée pour le trafic de drogues et autres substances. Pendant que sont portées des accusations pour trafic de drogue, les trafiquants se procurent divers types d'armes, notamment des armes à feu interdites et à usage restreint. Aucun trafiquant ne possède le permis nécessaire pour avoir ces armes à feu. Il nous faut des mesures de dissuasion pour cibler les personnes qui commettent des actes de violence avec des armes à feu. Sans égard pour les considérations raciales ou ethniques, il faut mettre en place un mécanisme de dissuasion pour faire comprendre aux délinquants que la violence dans notre communauté et envers les autres doit cesser avant qu'il n'y ait une autre perte de vie.
    Ici, à Six Nations, notre mode de vie haudenosaunee est mis à mal. La récente étude sur la santé mentale qu'ont réalisée les services de police autochtones de l'Ontario contient une comparaison sur la gravité des crimes chez les Autochtones et chez les non-Autochtones. En 2020, l'indice de gravité des crimes pour les Six Nations de Grand River était de 217,62 contre 112,95 pour Brantford, 93,53 pour Hamilton et 90,41 pour Toronto. Le taux actuel de meurtres par habitant en Ontario est de 1,59 par 100 000 habitants. Le taux de meurtres par habitant ici, sur le territoire des Six Nations, est de 7,79.
    Les peines avec sursis proposées pour les infractions violentes ne dissuaderont pas les délinquants de commettre d'autres crimes. Nous ne sommes pas en mesure de surveiller continuellement les délinquants condamnés pour nous assurer qu'ils respectent les restrictions des peines avec sursis imposées par les tribunaux. Les services de police de tout le pays, et en particulier ceux des communautés autochtones, manquent cruellement de personnel. On nous demande continuellement de faire plus avec moins, et nous ne sommes pas en mesure d'assumer cette charge de travail. Nous devons présentement composer avec des agents qui sont en congé pour des raisons de santé mentale et de bien-être mental, et nous savons que cette situation va s'aggraver avec le temps.
    La jurisprudence Gladue en matière de détermination de la peine a également une grande influence sur le fait qu'un délinquant soit condamné ou non à une peine d'emprisonnement. Je peux comprendre les statistiques concernant la surreprésentation des délinquants autochtones dans nos prisons, mais parallèlement aux droits des délinquants, les victimes et les familles des victimes méritent également des droits. L'arrêt Gladue est justifié pour la condamnation de certaines personnes, mais ces récidivistes savent faire la différence entre le bien et le mal, et les principes de condamnation de cet arrêt sont exploités au profit de ces délinquants.
    J'ai grandi et travaillé ici, dans la réserve des Six Nations, et je sais de par mon expérience que les communautés autochtones du monde entier sont confrontées aux mêmes problèmes que nous. Les traumatismes intergénérationnels causés par le régime des pensionnats indiens sont toujours présents dans nos communautés. Les programmes sociaux sont insuffisants et il y a un manque d'infrastructures — des choses que les non-Autochtones tiennent pour acquises, comme l'eau potable et le logement —, et la liste est longue. Pour améliorer la vie des Autochtones à l'échelle du pays, il ne suffit pas d'améliorer l'application de la loi.
    Le manque de confiance des Autochtones à l'égard du système judiciaire et des autres lois fédérales, comme la Loi sur les Indiens, est atavique. La colonisation a imposé cette valeur et d'autres valeurs culturelles, comme la religion et les moeurs politiques, à des peuples autochtones qui n'y étaient pas favorables. Certaines nations autochtones ont perdu leur mode de vie. Notre peuple a souffert des effets de la colonisation pendant bien trop longtemps. Nous méritons de nous sentir en sécurité et, ce qui est plus important encore, nos enfants méritent de grandir dans une communauté exempte de violence. Lorsque vous prendrez votre décision sur le projet de loi C‑5, je vous implore de tenir compte du bien-être non seulement des peuples des Six Nations, mais aussi de toutes les communautés autochtones de l'île de la Tortue.
    J'aimerais remercier le Comité pour le temps qu'il nous a accordé aujourd'hui. J'ai hâte de connaître votre décision définitive sur cette importante question.
    Je vous remercie.

  (1615)  

    Merci, monsieur Montour.
    Notre prochain témoin est Mme Penny McVicar, de l'organisme Victim Services of Brant.
    Je suis la directrice exécutive de Victim Services of Brant depuis plus de 20 ans. Nous sommes situés à Brantford, en Ontario, et une partie de la zone que nous couvrons est constituée du territoire des Six Nations de la rivière Grand.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler des préoccupations que les victimes peuvent avoir au sujet des modifications qui pourraient être apportées à cette loi.
    Au cours de la dernière année, nous avons répondu à huit homicides dans notre communauté. Beaucoup de ces homicides ont été commis avec une arme à feu, et un nombre important d'entre eux étaient liés à la drogue.
    Nous avons constaté qu'au cours des cinq dernières années, le nombre de cas de violence familiale a presque doublé et que le nombre d'agressions sexuelles pour lesquelles nos services ont été sollicités a augmenté d'environ 20 %. Je pense qu'il est important de savoir que plus de 40 % des appels que reçoit notre organisme concernent des cas de violence fondée sur le sexe.
    Nous avons vu les morts subites, en particulier pendant la COVID, augmenter de près de 58 %, et la majorité d'entre elles étaient liées à des surdoses. Elles ont été causées par l'arrivée dans notre communauté d'une grande quantité de fentanyl de mauvaise qualité. Les surdoses ont touché des personnes qui, pour la plupart, étaient des consommateurs occasionnels qui ne savaient pas que les drogues qu'ils se procuraient pouvaient contenir du fentanyl.
    Je pense qu'il est vraiment important que je note également que, parmi les incidents que nous avons traités l'année dernière, nous avons eu 427 manquements à des conditions de probation. Je pense qu'il est important de le noter parce que beaucoup de ces manquements avaient une incidence sur des victimes de violence familiale ou de harcèlement criminel, lesquelles continuent d'être menacées et de craindre pour leur sécurité parce que les délinquants ne sont pas en détention et qu'ils peuvent avoir accès à elles. Je pense qu'en tant que représentante des victimes, je voudrais m'assurer que, lorsque vous examinerez ces mesures législatives, vous mettrez en place de nombreuses protections pour les victimes, en particulier pour celles qui ont subi de la violence fondée sur le sexe et qui pourraient en pâtir si certaines de ces peines obligatoires étaient réduites.
    Nous sommes confrontés à ce problème tous les jours. La planification de la sécurité est quelque chose que nous faisons constamment avec les victimes. Nous avons un certain nombre de victimes à haut risque dans notre communauté. Or, pour un cas donné, même si le délinquant a été accusé et détenu un certain temps, la remise en liberté de ce dernier fait en sorte que la victime se sent toujours en danger, tant pour elle-même que pour les siens.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné le temps de m'exprimer aujourd'hui. Je suis prête à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.
    Je vous remercie.

  (1620)  

    Je vous remercie.
    Merci à tous les témoins.
    Nous allons commencer par M. Brock, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Montour.
    Monsieur Montour, je suis ravi de vous revoir. Je vous remercie de votre participation.
    Dans votre résumé, vous avez abordé un point important. Vous avez parlé des différences entre les récidivistes et les délinquants primaires.
    Ce projet de loi particulier, le projet de loi C‑5, ne fait aucune distinction entre eux. Il offre les mêmes avantages aux contrevenants primaires qu'aux récidivistes en éliminant les peines minimales obligatoires pour les infractions importantes liées aux armes à feu et aux drogues, et en ouvrant la possibilité de peines avec sursis.
    J'aimerais savoir quelles seraient selon vous les répercussions qu'aurait sur les services de police de votre territoire et sur la sécurité de la communauté l'adoption du projet de loi C‑5 dans sa version actuelle, c'est‑à‑dire sans amendement.
    Je suis heureux de vous voir aussi, monsieur Brock.
    Nous allons le ressentir ici, puisque 99 % des victimes et des délinquants viennent du territoire des Six Nations de la rivière Grand. C'est une petite communauté, où beaucoup de familles sont entremêlées. D'expérience, quand une ordonnance de sursis est rendue, il y a bien souvent des violations, comme l'a dit Mme McVicar.
    Il y a violation des conditions de probation, manquement à tout engagement, voire violation des conditions de la formule 11 du ministère de la Justice. Ainsi, nous devrons constamment gérer ces personnes. D'expérience, les personnes récidivent très souvent ici, et si une ordonnance de sursis est rendue, cela n'a guère d'effet dissuasif sur eux, car même s'ils ont des membres de leur famille, s'ils violent leurs conditions, les membres de leur famille n'appelleront pas la police pour le signaler. Les victimes se sentent donc laissées à elles-mêmes.
    Je sais que Mme McVicar s'est exprimée là‑dessus. Je le vois très souvent, car c'est à la police que tout le monde se plaint en premier. On nous le reproche amèrement. Nous expliquons que ce n'est pas notre décision, que nous avons fait notre travail. Les tribunaux font le leur dans ce processus et des peines sont prescrites, mais c'est loin d'être satisfaisant pour les victimes. C'est ainsi que je vois les choses: nous sommes là pour aider la communauté.

  (1625)  

    Je dois vous interrompre. Mon temps est limité. Je veux glisser une autre question avant de passer à Mme McVicar.
    Nous sommes tous d'accord sur la surreprésentation dans le système carcéral. C'est un problème bien réel.
    Chef Darren Montour: Oui.
    M. Larry Brock: J'en ai toujours été conscient à l'époque où j'étais procureur de la Couronne.
    Pouvez-vous préciser au Comité la façon dont vous voyez les délinquants autochtones et le respect qu'ils témoignent ou non à l'appareil judiciaire canadien?
    D'expérience, la majorité n'a aucun respect pour le système de justice. Le fait est que, si une personne est victime d'un acte criminel, elle voit que le délinquant s'en tire sans conséquence. Ici encore, j'entends par là que les victimes et les délinquants sont issus de cette communauté. J'ai été témoin de ce que je vais qualifier de « revanche » par la famille d'une victime contre un délinquant. Nous n'avons pas besoin de cela, car ces gestes ne font qu'accroître la violence.
    Je vous l'accorde, l'application de l'arrêt Gladue fonctionne dans certaines circonstances pour certains délinquants. Je l'ai vu au tribunal des peuples autochtones, à Brantford. Elle fonctionne, mais dans le cas de récidivistes qui savent faire la différence entre le bien et le mal, elle est sans effet, comme nous pouvons le constater.
    Merci, chef Montour.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme McVicar.
    Madame, Victim Services of Brant offre du soutien accessible, confidentiel et axé sur le client aux victimes d'actes criminels. À titre de directrice exécutive, pouvez-vous donner au Comité votre avis sur le projet de loi C‑5 et son incidence sur les victimes et les survivants d'actes criminels, surtout dans le contexte de la violence familiale, en tenant compte du fait que l'infraction d'agression sexuelle peut donner lieu à une ordonnance de sursis si le projet de loi C‑5 est adopté?
    Vous avez 30 secondes.
    Je vous dirais que je vois déjà trop de victimes ne pas porter plainte à la police parce qu'elles trouvent que c'est un peu comme une porte tournante. Elles portent plainte à la police, le suspect est appréhendé, puis il est remis en liberté avant même que la victime ait eu le temps de mettre en œuvre un bon plan de sécurité.
    C'est une grave préoccupation dans notre communauté. Nous comptons un grand nombre de cas de violence familiale. Je crois que nous nous classons assez haut dans la Déclaration uniforme de la criminalité en matière de violence familiale.
    Je rédige presque quotidiennement des lettres de demande de logement prioritaire pour les victimes qui essaient de se reloger et espèrent trouver un endroit sûr où elles peuvent vivre sans craindre que leur agresseur ne les trouve. Les refuges débordent parce que nous n'avons pas assez de places pour les femmes qui essaient de fuir des délinquants violents.
    Merci beaucoup, madame McVicar.
    Passons maintenant à Mme Dhillon pendant cinq minutes.
    Merci à tous les témoins pour leur présence.
    Ma question s'adresse à M. Montour.
    Vous avez parlé de l'augmentation de la consommation de drogues et de la violence. En vous fondant sur ce que vous avez observé dans le cadre de votre travail, pourriez-vous expliquer pourquoi c'est le cas, selon vous?
    Avec l'afflux croissant de drogues dures comme le fentanyl et la cocaïne, la dépendance a tellement augmenté que les toxicomanes de la communauté se fichent de savoir où ils vont trouver leur prochaine dose. Les actes criminels qui alimentent ce besoin sont en hausse, de même que la violence, car des gens de l'extérieur viennent dans la communauté pour fournir les trafiquants, qui sont des membres de la communauté. Parfois, la violence éclate entre eux, puis il y a la violence contre la conjointe, comme Mme McVicar y a fait allusion en parlant de violence familiale. Plus récemment, nous avons connu beaucoup d'homicides par arme à feu. La drogue est à l'origine de tout.
    Merci, monsieur Montour.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Merraro.
    Vous avez parlé de garder les jeunes hors de prison. De quelle façon votre programme aide‑t‑il les jeunes récidivistes, voire les jeunes qui entrent dans le système de justice?
    Merci.
    Notre programme vise à collaborer avec les jeunes sur deux plans. D'abord, remédier au mal qu'ils ont fait et réparer les relations qu'ils ont endommagées par leurs actions. Ensuite, trouver des façons dont ils peuvent remédier à certaines des causes fondamentales des comportements qui ont entraîné leur entrée dans le système de justice.
    Nous travaillons avec des jeunes pour les inciter à terminer leurs études, à trouver un emploi à temps plein et du mentorat, puis à se pencher sur leur propre psychologie et leur vision d'eux-mêmes, de leur identité et de leur place dans le monde.
    Il y a deux points clés à notre modèle de justice réparatrice. Le premier consiste à remédier au mal que la personne a fait, puis le deuxième, lui, est moins courant. Il s'intéresse à l'incidence que le système, qu'il s'agisse du système d'éducation, de justice ou de protection de l'enfance, a eue sur la personne. Le programme aide les jeunes et leur famille à gérer les dommages causés par le système dans lequel ils évoluent et qu'ils ne peuvent pour ainsi dire pas changer.
    Nous ne proposons pas de câliner les délinquants. L'idée n'est pas de nier toute responsabilité pour les gestes posés. Notre programme ne prône absolument pas l'exclusion de certaines personnes du système de justice pénale.
    Ce que nous affirmons, c'est qu'il faut fournir aux jeunes et aux jeunes adultes, surtout ceux qui entrent dans la vie adulte, entre 19 et 25 ans, et qui sont surreprésentés en plus d'avoir des troubles de santé mentale, d'avoir des problèmes de consommation de drogues ou d'avoir fait l'objet de violence dans la foulée d'un traumatisme dans leur vie... Nous devons aller au cœur de ce qui cause ces problèmes et les soutenir dans leur transition vers la prise de décisions plus avisées pour eux et leurs proches. Ainsi, on rend les collectivités plus sécuritaires. Nous le constatons dans bien des cas.
    Nous estimons que de tenter de remédier aux causes fondamentales est l'une des choses que le système de justice pénale peut appuyer. Il peut appuyer le financement de programmes à l'intention des femmes et de l'aide aux familles. Il peut appuyer l'accomplissement scolaire des étudiants et de leur famille. Il peut appuyer le retour au sein de la famille, car beaucoup de familles sont séparées, entre autres après être passées par le système d'immigration. Je suis moi-même passé par ce processus.
    Voilà le genre de choses qui, selon nous, favorisent la création de collectivités plus sécuritaires à l'aide d'un modèle de justice réparatrice.

  (1630)  

    Merci pour cette réponse.
    À votre avis, est‑ce que la répression de la criminalité préconisée par beaucoup de gens désavantage surtout les Noirs canadiens, les Autochtones et les autres communautés marginalisées?
    Tout dernièrement, on a publié un rapport indiquant que, pour la première fois, 50 % des détenues étaient autochtones.
    Pourriez-vous nous parler de ces deux points, je vous prie?
    Merci.
    Bien sûr.
    Il y a suffisamment de données scientifiques et autres indiquant les personnes qui remplissent nos prisons, sont exploitées au sein de notre système de protection de l'enfance et ne se réalisent pas sur le plan scolaire. Nous savons qu'il s'agit de personnes et de communautés noires et autochtones racisées. Ce n'est pas un hasard. Ces données ne sortent pas de nulle part.
    Nos systèmes perpétuent assidûment le racisme systémique. Le gouvernement fédéral, notre gouvernement provincial et la Ville de Toronto admettent tous l'existence du racisme systémique. Si, comme nation, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a du racisme systémique, nous savons donc quelles sont les personnes et les communautés touchées par celui‑ci.
    Ce que nous...
    Merci, monsieur Merraro. Avec un peu de chance, vous aurez l'occasion de répondre dans le cadre des questions suivantes.
    La prochaine intervention de cinq minutes revient à M. Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais continuer avec vous, monsieur Merraro.
    La dernière partie de vos propos m'intéresse. Or, il y a quelque chose que je saisis mal. Vous nous dites que les prisons sont remplies de personnes noires ou autochtones et que c'est dû au racisme systémique, mais comment cela s'exprime-t-il? Est-ce que les policiers vont fabriquer des preuves qui n'existent pas contre les gens racisés qu'ils arrêtent? Est-ce que les juges sont plus sévères envers ces gens? Selon vous, qu'est-ce qui explique, en termes clairs, qu'il y ait autant de personnes racisées dans nos prisons?

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais je n'ai pas entendu l'interprétation. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir compris la question.
    Je vais redonner le temps écoulé. Pouvez-vous sélectionner l'interprétation au bas de votre écran? Je vais redémarrer le chronomètre.

[Français]

    Monsieur Merraro, j'aimerais revenir sur la réponse que vous avez donnée à la dernière question qu'on vous a posée. Corrigez-moi si je me trompe, mais vous dites que les prisons sont remplies de personnes noires ou autochtones et que ce serait dû au racisme systémique.
    Pourquoi est-ce le cas, à votre avis? Qu'est-ce qui explique qu'il y ait davantage de personnes noires ou autochtones dans nos prisons? Est-ce parce que les policiers sont plus sévères avec eux? Est-ce parce que les juges sont trop sévères et les envoient en prison?

  (1635)  

[Traduction]

    J'expliquerais ce phénomène par quelques raisons. Certaines communautés torontoises font l'objet d'une surveillance policière excessive. Il y a des quartiers qui sont visés en priorité, ce qui signifie que les jeunes y côtoient la police d'une façon qui suscite des échanges négatifs plutôt que positifs.
    Ensuite, je dirais que le traumatisme dû aux interactions avec certaines institutions entraîne de la méfiance par rapport au système. Parfois, nous faisons de mauvais choix.
    La criminalisation des pauvres est l'une des principales raisons pour lesquelles nos prisons sont remplies de Noirs et d'Autochtones, de personnes racisées. Nous criminalisons leurs gestes. Nous criminalisons leur façon de vivre parce qu'ils n'ont pas les moyens de prendre soin d'eux-mêmes. Ainsi, ces personnes prennent parfois des décisions qui ne sont pas dans leur intérêt supérieur ni dans celui de leur famille ou de leur communauté.
    Nous devons accepter que le Canada s'est bâti sur le racisme. Dans le processus de vérité et de réconciliation que nous avons vécu, nous avons tous convenu que les choses doivent changer pour les Autochtones, et des rapports nous indiquent qu'il y a des préjugés dans l'accès des jeunes, en particulier, aux programmes de déjudiciarisation ou aux programmes de soutien au sein du système de justice pénale. Ils ne sont pas traités de la même façon.
    Je crois que les trois ordres de gouvernement disposent de suffisamment de données pour confirmer que c'est un problème. Ce n'est pas un problème uniquement individuel...

[Français]

    Merci, monsieur Merraro. Je comprends votre message. Il y a effectivement des statistiques qui prouvent ce que vous avancez: il y a beaucoup de personnes noires ou autochtones dans nos prisons. Je ne remets pas cela en question. Ce qui m'interpelle, par contre, c'est la raison pour laquelle les choses sont ainsi.
    Vous dites d'abord que certaines communautés font l'objet d'une trop grande surveillance policière. Vous affirmez ensuite que les gens ne font plus confiance au système. Enfin, vous dites que vous n'avez pas suffisamment de ressources et que les gens sont désespérés.
    Tout cela m'amène à me demander si cette situation n'est pas tant un problème lié aux peines minimales qu'un problème d'insertion sociale. Peut-être faudrait-il aider ces gens en difficulté en leur fournissant des ressources particulières, peut-être même en leur offrant des séances qui leur permettraient de se familiariser avec le système policier? Je ne suis pas sociologue et je ne veux pas inventer de nouvelles façons de faire, mais je me demande s'il serait possible de prendre des mesures plus productives que l'abolition pure et simple des peines minimales.
    Même si on abolit les peines minimales, ces gens vont toujours se retrouver en prison s'ils commettent des crimes. Que ce soit pour un an, quatre ans ou six mois, ils ne l'éviteront pas. Ce n'est sûrement pas ce que vous voulez ni ce que nous voulons en tant que société.
    Pour vraiment s'attaquer au problème, n'y a-t-il pas de solutions autres que l'abolition des peines minimales?

[Traduction]

    Je suis d'accord avec certaines de vos remarques quant aux options. Offrir au juge d'autres options associées aux programmes de déjudiciarisation est une façon de gérer ces problèmes. Je ne crois pas qu'il faille abolir les peines minimales, mais j'estime que nous devons étudier celles qui sont nécessaires et celles pour lesquelles il faut fournir des solutions de rechange à l'incarcération.
    Où veillons-nous à financier et à soutenir des programmes qui aident les jeunes et les adolescents à éviter les activités criminelles?
    Pensons à des jeunes qui ne se sentent pas en sécurité et qui disent à la police que leur sécurité est en jeu, eh bien ils se protègent eux-mêmes. C'est la réalité des jeunes dans les communautés. S'ils n'ont pas confiance en la protection de la police, ils vont accorder cette confiance à quelqu'un d'autre. C'est un exemple simple.
    Merci, monsieur Merraro.
    Passons à M. Garrison pendant cinq minutes.

  (1640)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre avec vous, monsieur Merraro. Vous avez dit quelque chose au début qui m'a frappé, parce que c'est contraire à ce que l'on entend souvent au Comité, tant des membres que des témoins. On présume souvent que ce projet de loi va en fait nuire à la sécurité publique. Selon moi, cela s'appuie parfois sur l'idée, sans fondement concret, que des délinquants violents et récidivistes obtiendraient des peines réduites si les peines minimales obligatoires étaient abolies.
    Vous avez dit croire que le projet de loi favorise la sécurité publique. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons qui vous portent à le croire?
    J'estime que le projet de loi favorise dans une certaine mesure la sécurité publique. Il y a, selon moi, des circonstances où les personnes qui ne reçoivent pas le genre de soutien dont elles ont besoin doivent être soutenues au sein d'un établissement différent, ce qui est compréhensible et accepté de tous. J'ai travaillé avec des jeunes qui avaient des troubles de santé mentale... Il n'y a aucun soutien communautaire pour ces jeunes. Non seulement ils se font du mal, mais ils en font également à d'autres au sein de la collectivité. Ce n'est pas par choix, mais en raison d'un trouble de santé mentale et de l'absence du soutien dont ils ont besoin pour y remédier dans la collectivité.
    Si on veille à imposer des peines minimales à des personnes qui n'ont peut-être pas d'autres options, je peux comprendre de quelle façon le projet de loi favorise la sécurité. Mais nous ne devons pas perdre de vue que les peines minimales ne garantissent pas la sécurité publique. Les personnes qui en soutiennent d'autres dans leur transition du système de justice à une vie productive favorisent la sécurité dans les collectivités. En aucun cas, je ne militerais pour la simple remise en liberté de ces personnes sans condition ou sans soutien. Nous savons ce qui arrive quand elles ne sont pas aidées. Des personnes et des familles en souffrent. Les collectivités deviennent dangereuses.
    Cela dit, faire porter tout le poids de la société à une seule personne, ce n'est pas ainsi que nous faisons les choses au Canada. Comme Canadiens, nous savons qu'il s'agit d'un amalgame complexe de soutien, obtenu ou non. Les systèmes jouent aussi un rôle dans la vie des personnes en les aidant à prendre ou non certaines décisions. Les juges de paix doivent donc en tenir compte dans leur travail. Ils devraient avoir l'occasion de le faire.
    Nous savons que, avec les peines minimales obligatoires, beaucoup de gens sont incarcérés pendant des périodes assez courtes dans les établissements provinciaux. Selon votre expérience, obtiennent-ils du counselling, des traitements ou le genre de choses dont ils ont besoin quand ils sont dans des établissements provinciaux pendant une courte période? Seraient-ils plutôt mieux servis par la déjudiciarisation et les ordonnances de sursis?
    C'est une excellente question à laquelle il est difficile de répondre. Nous savons que lorsque des personnes sont placées en détention, les programmes et les services offerts en détention... Mieux encore, lorsque des organisations comme la nôtre ou d'autres organismes tentent d'avoir accès à des établissements afin d'aider les personnes à réintégrer la société, elles ont également du mal à le faire, et elles sont sous-financées. Le système cherche davantage à pénaliser les comportements qu'à s'attaquer à leurs causes profondes.
    Lorsque des personnes sortent des établissements, la plupart des programmes de mentorat ou d'aide à l'éducation ou à la planification des objectifs de vie liés à l'emploi, entre autres choses, reçoivent un financement qu'elles doivent renouveler chaque année. Il n'y a pas de source constante de revenus mise en place pour des organisations comme la nôtre ou d'autres organismes. L'organisme Direct Your Life travaille avec des personnes qui sortent de prison. Nous devons mettre davantage l'accent sur ces services de soutien, car ils créent la sécurité dans les collectivités.
    Si nos jeunes et ces adolescents disposent d'un endroit où aller pour améliorer leur santé mentale et gérer les traumatismes qu'ils ont subis, et si nous contribuons à soutenir d'autres activités positives comme l'éducation et l'emploi, nos collectivités seront plus sécuritaires. Il ne suffit pas d'incarcérer les gens. Nous devons les incarcérer lorsque cela s'avère nécessaire, mais nous devons leur fournir un soutien et des ressources lorsqu'ils sortent de prison. La majorité d'entre eux sortiront de prison. Le monde dans lequel ils sortiront sera différent. Ils ne trouveront peut-être pas les ressources qui les aideraient à prendre des décisions différentes. Il faut s'attaquer à ce problème si nous voulons que nos collectivités soient plus sécuritaires.
    Merci beaucoup.
    Vous avez également parlé de la façon dont le projet de loi ne remédie pas aux injustices historiques. À mon avis, l'une des lacunes du projet de loi est la radiation des casiers judiciaires. Pouvez-vous parler de l'effet des casiers judiciaires sur la capacité de ses personnes à se réadapter et à travailler avec les gens?
    La radiation des casiers judiciaires est essentielle pour les jeunes gens, qu'il s'agisse de jeunes ou de jeunes adultes qui réintègrent la collectivité. La plupart des emplois auxquels vous postulerez, voire tous les emplois de nos jours, exigeront une vérification du casier judiciaire. De l'autre côté, nous ne savons pas comment ces décisions seront prises pour les personnes ayant un casier judiciaire. Un casier judiciaire est donc un obstacle majeur à l'emploi.
    Le coût de la radiation a été réduit, et c'est une bonne nouvelle, mais la procédure de radiation est également compliquée et longue. Si vous êtes innocent...

  (1645)  

    Merci, monsieur Merraro. Je m'excuse de vous avoir interrompu. Je n'avais pas envie de le faire, mais j'y ai été forcé en raison de notre manque de temps.
    Nous allons maintenant passer à des séries d'interventions de trois minutes. Les interventions sont abrégées encore un peu plus.
    Le premier intervenant sera M. Moore, qui prendra la parole pendant trois minutes.
    Je vais adresser ma question au chef Montour. Vous avez fait valoir tellement d'excellents arguments. Je vous remercie d'avoir employé le mot « victime » dans votre témoignage, car souvent nous n'entendons pas parler des victimes, et j'ai bien peur qu'elles soient le groupe que nous oublions pendant notre étude du projet de loi C‑5..
    Vous avez mentionné le problème des drogues et des surdoses. On croit à tort que le projet de loi porte sur la simple possession de drogues alors qu'en fait, il élimine la peine d'emprisonnement obligatoire pour les trafiquants de drogues. La peine obligatoire prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui vise les trafiquants de drogue accusés, par exemple, de trafic, de possession en vue du trafic, d'importation ou d'exportation en vue du trafic, de possession à des fins d'exportation et de production d'une substance figurant à l'annexe 1 ou 2 — c'est‑à‑dire l'héroïne, la cocaïne, le fentanyl, la méthamphétamine en cristaux... La peine d'emprisonnement obligatoire serait éliminée pour toutes ces infractions.
    Chef, pourriez-vous nous parler de l'incidence que cela aurait sur les collectivités, sur les délinquants et même sur le moral de la police, qui s'efforce de rendre nos rues plus sécuritaires?
    Ce résultat serait très frustrant, car nous aurions continuellement affaire aux mêmes personnes. C'est ce que j'ai constaté au cours des dernières années. C'est le même groupe de personnes et même des membres de la famille qui trafiquent des drogues, et il s'agit de drogues dures comme le fentanyl, la cocaïne et l'héroïne. Des gens meurent dans ma collectivité.
    Nous nous tournons vers le système judiciaire, et il doit avoir une sorte d'effet dissuasif, comme je l'ai déjà indiqué. Je parle toujours des victimes parce que c'est la raison pour laquelle je suis devenu agent de police; c'était pour aider les membres de ma collectivité. Même les personnes qui visitent la collectivité, mais qui ne vivent pas à cet endroit, ont le droit d'être protégées et de se sentir en sécurité dans la collectivité, et la violence accompagne l'infestation de drogues.
    Vous pouvez voir dans les yeux des agents de police ce que ce travail à répétition signifie. Ils se disent: « Nous devons à nouveau nous rendre à cet endroit et faire face à cette violence ». Espérons que quelque chose ressortira du projet de loi, afin que l'effet dissuasif reste en place pour la simple possession de drogues.
    Oui, il y a un comité de la stratégie antidrogue au sein de la collectivité, afin d'aider les personnes qui souffrent de dépendance. C'est primordial pour nous, car l'application de la loi n'est qu'une partie de la solution visant à aider notre collectivité.
    En ce qui concerne la question des armes à feu, vous avez mentionné que le projet de loi élimine les peines d'emprisonnement obligatoires pour le vol qualifié avec usage d'une arme à feu, l'extorsion avec une arme à feu et la possession en vue de faire le trafic d'armes. Vous avez mentionné qu'il y a eu une hausse de ces types d'infractions au cours des dernières années.
    Selon vous, quel sera le type de messages envoyés par l'élimination des peines d'emprisonnement obligatoires pour les crimes graves commis avec une arme à feu?
    Qu'est‑ce qui dissuadera les délinquants? J'ai observé une hausse des vols qualifiés avec usage d'une arme à feu en raison de la toxicomanie. Les homicides commis avec des armes à feu sont courants de nos jours au sein de notre collectivité, ainsi que dans d'autres collectivités du territoire des Six Nations de la rivière Grand et de ses environs.
    Là encore, je reviens aux victimes. Comment les familles des victimes se sentiront-elles si leur voisin est reconnu coupable d'une infraction grave liée à des armes à feu et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis? Nous devrons ensuite gérer les retombées du pardon du point de vue de la famille de la victime. Cela s'est déjà produit dans notre communauté.
    Merci.
    Merci, monsieur Moore.
    La prochaine intervenante sera Mme Diab, qui aura la parole pendant trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'avoir accepté de comparaître devant nous pendant que nous continuons de débattre du projet de loi C‑5.
    Aujourd'hui, au Parlement, nous marquons la journée « La science rencontre le Parlement », et j'ai à mes côtés des invités qui suivent nos délibérations cet après-midi. Une grande partie de ce que nous avons entendu au sujet de la loi permet d'établir les faits, les éléments de preuve, les données scientifiques et les rapports.
    Pendant les moins de trois minutes qui m'ont été accordées, j'ai une question à poser à M. Merraro.
    Selon les faits et ce que nous avons observé dans bon nombre de provinces et de territoires, les rapports Gladue et les évaluations de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle aident les juges à comprendre le rôle que le racisme systémique joue lorsque l'on amène une personne devant les tribunaux. Cependant, les peines d'emprisonnement minimales obligatoires imposent une approche universelle de la détermination de la peine qui les empêche d'utiliser ces informations pour imposer une peine adaptée.
    Selon vous et selon vos 25 années d'expérience de travail avec les jeunes, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le pouvoir discrétionnaire des juges importe pour garantir que les personnes reçoivent des peines appropriées qui tiennent compte de toutes leurs circonstances?

  (1650)  

     La prise en compte de la situation personnelle de l'accusé est très importante pour lutter contre les causes profondes des infractions et aider les juges à prendre des décisions beaucoup plus éclairées.
    L'une des statistiques que je voudrais mentionner, c'est que 86 % des femmes incarcérées dans les prisons fédérales ont vécu dans le passé de la violence physique ou sexuelle. Dans le cadre de notre travail avec les enfants et les jeunes, nous comprenons que les jeunes qui composent avec les organismes de protection de la jeunesse composent également avec le système judiciaire. Ils font face à des traumatismes et au fait d'être séparé de leur famille, puis se retrouvent dans un système judiciaire qui n'a aucune idée des injustices liées à l'histoire de cette jeune personne en ce qui concerne sa dépendance, les traumatismes qu'elle a subis et la raison pour laquelle elle se tient devant un juge ce jour‑là.
    Il est d'une importance cruciale que les responsables de la justice disposent de ces renseignements et puissent prendre en compte la personne dans son ensemble lorsqu'ils rendent leurs décisions. Cela donne à ces jeunes gens l'occasion de réparer certains des préjudices historiques qu'ils ont causés. Nous préconisons toujours que ce genre d'information soit intégré dans le processus de justice afin que les juges soient en mesure de prendre des décisions appropriées et éclairées.
    Merci.
    Comme il ne me reste que 15 secondes, je vais les accorder au prochain témoin.
    Merci, madame Diab.
    Cela met fin à l'audience de notre premier groupe de témoins.
    Je vais suspendre la séance pendant 30 secondes afin que nous puissions procéder rapidement à un test de son.

[Français]

    Monsieur le président, n'avons-nous pas droit, M. Garrison et moi, à une intervention de deux minutes?

[Traduction]

    Nous disposons de 35 minutes seulement.
    Je tiens à vous donner une bonne occasion de poser des questions pendant la prochaine série de questions.

  (1650)  


  (1650)  

    Nous allons maintenant reprendre nos travaux.
    Je prie les témoins qui sont en ligne de bien vouloir mettre leur casque d'écoute. Les témoins présents dans la salle peuvent aussi mettre un casque d'écoute, sélectionner la langue de leur choix. Ensuite, vous devriez pouvoir entendre les interprètes.
    Veuillez prendre ces mesures dès le début, car nous devons être efficaces et ponctuels.
    Chers témoins, vous disposez de cinq minutes pour faire vos déclarations préliminaires. J'utilise ces cartes éclair comme aide visuelle. Quand il ne vous restera plus que 30 secondes, j'afficherai cette carte. Quand votre temps de parole sera complètement écoulé, j'afficherai cette carte, et vous serez prié de conclure votre déclaration en conséquence.
    Pour commencer, nous accueillons Sarah Dover, une avocate qui comparaît à titre personnel. Nous recevons aussi des représentants de la Criminal Lawyers' Association, notamment Leo Russomanno, avocat principal de la défense, et Adam Weisberg, avocat et secrétaire. De plus, nous accueillons aujourd'hui, un représentant de la Federation of Asian Canadian Lawyers, à savoir Justin Yeun, un avocat criminaliste qui comparaît en personne.
    Je vais commencer par donner la parole à Sarah Dover pendant cinq minutes.
    Bonjour. Merci infiniment de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité.
    J'ai un peu le sentiment de me rouler constamment dans la boue sur la ligne de front du système de justice pénale, puis de participer aujourd'hui à un grand dîner chic, où je ne sais pas trop quelle fourchette utiliser.
    Chaque jour, devant les tribunaux pénaux, défilent de nombreuses personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et de toxicomanie, de pauvreté et de racialisation. Ainsi, dans les grands jours de ma carrière d'avocate, je peux utiliser des mots savants pour parler des droits garantis par la Charte, discuter du droit de la preuve ou des peines minimales obligatoires. Mon expérience la plus courante, cependant, consiste constater à répétition l'échec institutionnel et ses effets sur la vie des personnes vulnérables: un client sans-abri en pleine psychose libéré de prison, avec un chandail orange et un billet de bus à la main; une cliente trouvée nue et inconsciente dans un parc, après avoir été refusée par un refuge pour femmes en raison de ses antécédents comportementaux; un client tellement dégoûté par ses propres actes et la perspective d'une peine minimale obligatoire que nous passons notre temps ensemble à désamorcer ses idées suicidaires; une cliente enceinte tout juste sortie de prison, sans endroit où aller, qui me demande de la conduire chez son street daddy.
    Ces jours horribles sont ponctués de jours vraiment épouvantables, qui me définissent comme avocate et comme personne. Ce sont les jours où l'on regarde un client dans un cercueil, où l'on envoie à sa mère les oeuvres d'art d'une personne décédée d'une overdose en prison, où l'on s'assoit avec un client en prison qui doit prendre une décision de fin de vie pour son enfant malade, ou encore où l'on fait l'éloge funèbre d'un client avec sa famille, en rappelant sa joie et son rire, mais seulement après son assassinat. On n'enseigne pas ce genre de choses à l'école de droit: comment se faire transpercer le cœur tout en demeurant capable de trouver des mots qui sonnent juste en bonne société. Alors de voir une personne lors de sa condamnation uniquement du point de vue des gestes qu'elle a posés, je crois que c'est vraiment une forme de violence. L'histoire ne se résume jamais à l'infraction.
    La question n'est pas seulement de savoir si l'histoire des gens changera quelque chose face à l'imminence d'une peine minimale obligatoire, parce que les êtres humains vivent toujours des vies multidimensionnelles; la question est de savoir si le processus de condamnation lui-même changera quelque chose. Voyez-vous, c'est la façon dont les histoires sont racontées, se déroulent et sont interreliées ensemble qui change quelque chose pour chacun dans le processus de condamnation et le système juridique. Ne le voyez-vous pas? Les systèmes judiciaires sont là pour que des histoires soient racontées au grand jour, afin que les sociétés puissent créer des institutions judiciaires publiques et l'État de droit, oui, mais surtout pour donner un sens à ce qui s'est passé.
    La justice transitionnelle est un domaine du droit international qui mise sur des outils comme les commissions de vérité, comme la CVR, l'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la CRPA — ces commissions et les rapports qui en découlent nous ont présenté des vérités, des histoires, à l'échelle nationale, pour nous sortir du racisme systémique. Je me souviens de choses horribles qui sont arrivées à des enfants qui sont morts ou qui ont survécu et d'histoires de vie, d'expériences vécues aujourd'hui que des clients autochtones ont partagées avec moi, même si je ne les représente pas ici. Je me souviens d'histoires d'épingles plantées dans des langues, d'intimidation à l'école et dans le sport, de pauvreté extrême, de manque d'eau potable, de droits inhérents et issus de traités ignorés, d'arrestations de défenseurs des terres, d'itinérance, de manque de logement, d'interventions racistes de la part de policiers, d'argent destiné à des programmes sociaux utilisé pour financer des litiges, de tout cela. De dire que rien de tout cela ne devrait avoir d'importance au moment de déterminer la peine ou à tout autre moment est bien évocateur de l'histoire de notre système de justice et de ce qu'on appelle le « racisme systémique ».
    Ce projet de loi se veut une tentative d'améliorer le système de justice pénale, c'est un pas dans la bonne direction, mais cela reste un pas très modeste. Un projet de loi véritablement solide serait expressément conforme à la DNUDPA et au principe d'autodétermination des Autochtones. Il mettrait pleinement en œuvre les recommandations sur les peines minimales obligatoires formulées par la CVR et à l'issue de l'enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées.
    En conclusion, c'est l'honneur de ma vie de côtoyer, modestement, les personnes et les communautés avec qui je travaille et de découvrir leurs histoires. J'en suis reconnaissante, elles donnent un sens à ma vie et y insufflent beaucoup d'humilité. J'espère que vous saurez améliorer ce projet de loi afin de changer l'histoire de notre système judiciaire, la façon dont il traite les personnes vulnérables et marginalisées et la façon dont il façonne notre relation avec les personnes et les nations autochtones.
    Merci.

  (1655)  

    Merci, madame Dover.
    Je crois que le suivant sera M. Russomanno, qui représente la Criminal Lawyers' Association.
    Bonjour à tous. Je suis heureux de comparaître à nouveau devant le Comité au nom de la CLA. J'ai une certaine expérience puisque j'ai eu l'occasion de comparaître devant ce comité à l'époque où un gouvernement précédent a introduit beaucoup de peines minimales obligatoires, ainsi que des restrictions au régime des peines avec sursis.
    J'exerce le droit criminel à Ottawa, dans l'Est de l'Ontario et au Québec depuis 14 ans. À titre d'avocat plaidant, j'ai pu voir l'effet des peines minimales obligatoires sur le plan pratique et humain, les conséquences des limites aux peines avec sursis et, de façon générale, les effets désastreux de la guerre contre les drogues, qui est l'un des plus grands échecs politiques de notre époque.
     J'ai trois grandes remarques à faire au nom de la CLA au sujet du projet de loi C‑5. Je sais que ce projet de loi présenté par le ministre Lametti vise trois grands objets de réforme: il y a premièrement les peines minimales obligatoires; deuxièmement, les peines avec sursis, et troisièmement, les poursuites pour possession simple. La CLA est généralement favorable aux deux premières mesures, parce qu'en fait, elles rétablissent le pouvoir discrétionnaire des juges quant à la détermination de la peine au cas par cas.
    Nous faisons fondamentalement confiance au système judiciaire pour faire les choses correctement. Nous faisons confiance au processus. Nous faisons confiance aux juges pour entendre la preuve dans ce système contradictoire, où la Couronne présente ses meilleurs arguments et éléments de preuve et où la défense fait de même. Le juge tranche. Il expose ses motifs. Ce juge est tenu responsable ou imputable de ses motifs au moyen de la procédure d'appel. Les peines minimales obligatoires, ainsi que les peines avec sursis, limitent cette possibilité et imposent une approche uniforme qui crée souvent des injustices en plus d'avoir de profondes répercussions.
    Ainsi, nous sommes largement favorables aux deux premiers éléments de réforme, parce que ces nouvelles dispositions rétablissent le pouvoir discrétionnaire des juges et engendreraient l'abrogation d'autres peines minimales obligatoires. Il est important de rappeler que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de peine minimale obligatoire, qu'une personne ne peut automatiquement pas être condamnée à l'emprisonnement. La décision de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Nur, par laquelle la peine minimale obligatoire pour possession d'une arme à feu a été abolie dans certains cas, l'illustre bien. Cette décision n'a pas créé de crise telle que tout à coup, les personnes reconnues coupables de ce genre d'infractions n'étaient plus condamnées à l'emprisonnement.
    Le deuxième argument que je veux faire valoir, comme je passe beaucoup de temps dans les tribunaux de première instance, c'est que les peines minimales obligatoires et les limites imposées aux peines avec sursis ralentissent le processus judiciaire, je peux vous le dire. Elles ralentissent le processus parce que les gens sont moins susceptibles d'accepter la responsabilité de ce qu'ils ont fait et plus susceptibles d'opter pour un procès qui consommera les précieuses ressources du tribunal et de l'appareil judiciaire — et du temps, un temps actuellement très précieux dans notre système de justice pénale. Nous souffrons de la grande lenteur de notre système de justice pénale. Tout le monde en souffre, y compris les victimes d'actes criminels. Quand il n'est pas possible d'obtenir une peine avec sursis, la personne préférera souvent plaider non coupable et subir un procès, parce qu'elle perdra son emploi si elle est condamnée à l'emprisonnement.
    Il est important de souligner que la Couronne et la défense n'ont pas à s'entendre sur la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement. S'il est possible d'obtenir une peine d'emprisonnement avec sursis, l'accusé peut tenter de l'obtenir en demandant à son avocat d'expliquer pourquoi une peine d'emprisonnement avec sursis devrait lui être imposée dans ce cas particulier. Le tribunal doit notamment évaluer si une personne mérite ou non une peine de moins de deux ans — si la peine doit obligatoirement être de deux ans ou plus, ce n'est tout simplement pas possible — et si la personne présenterait un risque pour la sécurité publique si elle était libérée sous conditions.
    Serait-elle capable de respecter ces conditions? Serait‑il possible de faire respecter ces conditions? S'il n'est pas possible de démontrer que c'est bien le cas, la personne ne sera pas condamnée à une peine avec sursis, mais au moins, grâce au système contradictoire, l'accusé peut essayer de persuader le juge de lui accorder une peine avec sursis. Cela permet de résoudre un plus grand nombre d'affaires.
    Enfin, concernant la possession simple, je constate simplement que le projet de loi confère beaucoup de latitude aux policiers. Je suis d'avis que cela ne sera pas à l'avantage des groupes racialisés et autochtones, parce qu'ils souffrent déjà d'interventions policières excessives. Cela ne réglera pas les problèmes qu'on observe dans la guerre contre les drogues ni le problème de surincarcération des membres de ces groupes.

  (1700)  

    J'ai hâte de m'entretenir avec les députés personnellement.
    Je vous remercie.
    Nous entendrons maintenant M. Yuen, qui représente la Federation of Asian Canadian Lawyers.
    Merci. Bon après-midi à tous. Je remercie le comité permanent de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis membre du comité d'action politique de la Federation of Asian Canadian Lawyers, de même qu'avocat criminaliste.
    Dans l'ensemble, la FACL est favorable au projet de loi C‑5 et à l'élimination des peines minimales obligatoires.
    L'abrogation des peines minimales obligatoires ne rendra pas nos communautés plus dangereuses. Cela ne signifie pas que les tribunaux feront preuve de laxisme envers la violence et les délinquants dangereux. L'abrogation des peines minimales obligatoires permettra aux membres de l'appareil judiciaire de rendre des décisions raisonnables et équitables de manière efficace. Qu'il existe ou non des peines minimales obligatoires, les précédents en matière de détermination de la peine guident les tribunaux vers les peines que les délinquants précédents ont reçues dans des circonstances comparables.
    Une accusation criminelle saisit un fragment de la vie d'un individu. Pendant le procès, on scrute à la loupe et dissèque ce moment. Le crime est souvent l'aboutissement de circonstances sociales inéluctables et du désespoir. Lorsque vient le temps de déterminer la peine, il faut reconnaître que les délinquants sont bien plus que l'accusation criminelle qui pèse contre eux. La détermination de la peine doit se fonder non seulement sur les torts causés à la collectivité, mais aussi sur les circonstances propres à la personne, sur les raisons qui l'ont poussée à se tourner vers la criminalité, sur les mesures qu'elle a prises depuis son arrestation, sur son aptitude à se réhabiliter et à devenir un membre productif et prosocial de la société.
    J'aimerais profiter du temps qui m'est imparti pour vous parler surtout de la façon dont l'abrogation des peines minimales obligatoires pourrait simplifier le traitement des affaires soumises aux tribunaux et permettre aux juges de veiller à ce que la peine imposée soit proportionnelle au préjudice causé.
    J'ai été saisi d'une affaire dans laquelle mon client de 18 ans était accusé de vol qualifié avec usage d'une arme à feu à autorisation restreinte. Il a été arrêté avec l'arme moins de cinq minutes après avoir commis le vol. Mon client était jeune. Il n'avait pas de casier judiciaire. Pendant sa période de libération sous caution, il avait pris des mesures vigoureuses pour se trouver un emploi et s'intégrer à sa communauté locale. Il n'a jamais contrevenu à ses conditions de libération.
    Comme son accusation était assortie d'une peine minimale obligatoire de cinq ans, il n'y avait aucun avantage réel à enregistrer un plaidoyer de culpabilité précoce. L'affaire a finalement été portée devant la cour supérieure, et un procès de quatre semaines devant juge et jury a été organisé. Il était devenu évident que mon client avait de grandes chances de se réhabiliter et qu'une peine inférieure à cinq ans serait appropriée. Finalement, mon client a plaidé coupable à une accusation moins grave, liée à une arme à feu, afin d'éviter la peine minimale obligatoire de cinq ans.
    Cette décision a exigé beaucoup de créativité de ma part, de la part de la Couronne et du juge pour trouver un moyen de contourner la peine minimale obligatoire, et cela a nécessité des ressources supplémentaires pour contester les accusations, ce qui a pris beaucoup de précieuses ressources publiques. Sans peine minimale obligatoire, certaines affaires peuvent se régler promptement. Cela évite au tribunal de tenir des procès et des audiences préliminaires interminables. En fin de compte, cela pourrait alléger les pressions auxquelles les tribunaux sont confrontés, surtout compte tenu de l'arriéré actuel attribuable à la COVID‑19.
    J'en viens à mon deuxième point, qui concerne l'immigration. Une grande criminalité peut mener à la déportation obligatoire. Toute peine de plus de six mois est considérée comme faisant foi d'une grande criminalité. Il arrive souvent qu'un accusé passe en réalité plus de temps en détention que ce qui ne lui sera jamais imposé, le temps que le tribunal rassemble toute l'information voulue. Par exemple, si toutes les parties conviennent qu'une peine de neuf mois est appropriée et que la personne a déjà passé quatre mois en détention, il sera souvent demandé explicitement aux juges de ne pas soustraire de la peine plus de temps que la durée réelle de la détention présentencielle et de simplement condamner la personne à cinq mois supplémentaires, ce qui permet de maintenir la peine officielle à moins de six mois. Les peines minimales obligatoires empêchent toute discussion de ce type.
    On demande aux juges de tenir compte des conséquences en matière d'immigration lorsqu'ils déterminent la peine appropriée. Les Asiatiques ont souvent toutes sortes de statuts au Canada, ils peuvent y être visiteurs, détenteurs de visas de travail ou d'étudiants ou résidents permanents. Le fait d'être accusé d'une infraction criminelle peut avoir de graves conséquences sur le statut d'immigration. Les peines minimales obligatoires accentuent la résistance tant dans les tribunaux pénaux que dans le système d'immigration. Les clients doivent se battre sur les deux fronts.
    Un membre bien informé de la communauté souhaiterait que les juges puissent avoir des discussions justes et ouvertes, afin de tenir compte des conséquences accrues de la peine sur la personne, en raison de son statut d'immigration au Canada, et parce que la déportation peut ensuite changer la vie de toutes les personnes à sa charge.

  (1705)  

    Le projet de loi C‑5 n'a pas pour but que nous soyons laxistes en matière de criminalité. Ceux qui méritent une longue peine d'emprisonnement seront toujours condamnés à de lourdes peines de prison.
    En plus de viser à remédier à la surincarcération des personnes de couleur et des délinquants autochtones, le projet de loi C‑5 vise à donner aux juges le pouvoir discrétionnaire de veiller à ce que justice soit rendue de manière proportionnelle.
    Je vous remercie tous et toutes de votre temps.

  (1710)  

    Merci, monsieur Yuen.
    Nous commencerons le premier tour avec M. Morrison, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais essayer de m'adresser à tout le monde, mais vu le temps limité qui m'est imparti, je vais commencer par Mme Dover quand j'en viendrai à une question.
    Je veux simplement revenir sur une chose, d'abord. L'un de nos derniers témoins était le chef des Six Nations. Il nous a parlé de l'escalade des infractions. Nous parlons d'éliminer les peines d'emprisonnement obligatoires pour des choses comme le trafic d'armes, la décharge d'une arme à feu avec une intention particulière, le vol et l'extorsion, en plus d'éliminer les peines d'emprisonnement obligatoires pour les trafiquants de drogue, le trafic et la production de fentanyl, de méthamphétamine en cristaux et de cocaïne. Ce chef déclarait que ces infractions étaient monnaie courante de nos jours dans le secteur où il travaille à assurer le maintien de l'ordre et que l'élimination des peines d'emprisonnement obligatoires aurait un effet négatif.
    En outre, nous parlons de condamnations avec sursis pour des personnes trouvées coupables d'agressions sexuelles, de traite de personnes, d'enlèvement d'une personne de moins de 14 ans et d'agression armée causant des lésions corporelles. Ces personnes sont autorisées à retourner vivre dans la communauté, où il y a des victimes qui leur font subir des représailles.
    Parfois, il semble à certaines des personnes avec qui nous parlons que les droits des victimes sont un peu bafoués quand on essaie d'aider les délinquants ou de faire quelque chose de plus pour eux. Je pense que nous devons vraiment nous demander comment nous en sommes arrivés là.
    Madame Dover, vous nous avez vraiment donné un bon exemple avec l'histoire des oeuvres d'art réalisées en prison. J'ai fait carrière dans les forces de l'ordre, alors je comprends cela. Quand nous nous demandons comment nous pouvons réellement oublier cela et revenir en arrière... Je pense que la justice réparatrice, c'est très bien après-coup, mais comment faire, disons, pour mettre en place un programme de réduction ou de prévention du crime, pour empêcher réellement le crime de se produire?
    Il y a quelque temps, un témoin nous a parlé d'un programme qui existe depuis une quinzaine d'années. Ils ont commencé avec des enfants de quatre, cinq, six ans, puis ont continué ainsi tout au long du programme pour leur offrir des choix et leur montrer ce qui est bien et ce qui est mal. Ce programme connaît un énorme succès. Le problème des programmes de prévention du crime, c'est que ce sont des programmes de longue haleine, qui coûtent très cher. Je sais que vous interagissez avec le Tribunal des peuples autochtones de l'Ontario, dont les services pourraient également être élargis.
    Je me demande si vous pouvez nous faire part de votre expertise et nous aider à aller plus loin dans la recherche d'une solution à long terme.
    Un grand merci pour cette question.
    J'aurais une ou deux choses à vous dire à ce sujet. Si vous faites venir une plombière chez vous et que vous lui demandez son avis sur les rénovations à effectuer, elle va assurément vous parler des conduites d'eau. Je peux donc comprendre qu'un chef de police puisse songer à s'attaquer aux problèmes sous-jacents en tablant sur des solutions pouvant être mises en oeuvre dans le cadre du droit pénal. Je respecte tout à fait M. Montour, un chef de file au sein de sa communauté, mais je voudrais vous dire quelque chose. Il y a eu un triple meurtre dans sa communauté, et deux des victimes étaient d'anciens clients à moi. C'était la même chose pour deux des trois principaux inculpés. Lorsque je vous racontais tout à l'heure que j'ai dû faire l'éloge de quelqu'un en me remémorant son rire, je parlais justement de l'une de ces victimes.
    Nous avons cette idée bien arrêtée qu'il y a les victimes d'un côté et les contrevenants de l'autre. Les gens ne sont pas ainsi divisés en deux camps, surtout pas au sein des communautés racisées. Ils forment un seul et même groupe. À la faveur de tribunes comme la Commission royale sur les peuples autochtones, la Commission de vérité et de réconciliation et l'enquête sur les femmes disparues et assassinées, les Autochtones nous ont indiqué la voie à suivre pour nous affranchir de notre histoire de colonisation et de racisme en réformant le système de justice pénale. Il nous suffit de les écouter et de faire le nécessaire.
    Ils nous ont notamment répété à maintes reprises qu'il faut renoncer à l'imposition de peines minimales obligatoires parce qu'elles ne permettent pas de régler le problème sous-jacent. Ce n'est pas avec ces peines que nous parviendrons à atténuer la méfiance des Autochtones à l'endroit de notre système de justice pénale.
    Si l'on veut vraiment donner aux victimes les moyens de s'en sortir, il faut ajouter du mordant à nos mesures législatives protégeant leurs droits, de telle sorte que la Couronne cesse de vouloir guider entièrement leur parcours pour plutôt leur conférer de véritables droits de participation ainsi que la possibilité d'avoir leur mot à dire de façon significative.

  (1715)  

    D'accord.
    Merci.
    Nous passons à la prochaine intervenante.
    Madame Brière, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Dover.
    Dans l'arrêt Gladue, la Cour suprême du Canada a reconnu le grave problème de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes et demande aux juges de tenir compte de facteurs systémiques ou historiques distinctifs lors de la détermination de la peine.
    Si l'on abolissait certaines peines minimales obligatoires qui imposent une approche uniforme pour tous et qu'on élargissait le recours aux peines avec sursis, croyez-vous que les juges auraient alors un pouvoir discrétionnaire qui pourrait respecter les recommandations de l'arrêt Gladue?

[Traduction]

    Nous devrions effectivement respecter l'arrêt Gladue. Il y a cependant un « mais », car cet arrêt est généralement mal interprété.
    La décision Gladue a été la deuxième en son genre à établir un lien entre le travail de la Commission royale sur les peuples autochtones, l'histoire de la colonisation et la détérioration des relations entre le Canada et les Autochtones pour s'interroger sur la façon d'actualiser de manière constructive notre régime de droit pénal afin de tenir compte de la réalité du racisme systémique. L'arrêt Gladue est depuis interprété dans une optique plus étroite et considéré à tort comme un appel en faveur de la réadaptation et des restrictions. Cette décision avait en fait pour but d'instaurer un espace créatif permettant dans différents contextes aux juges de tenter d'imaginer diverses solutions pour faire en sorte que le système soit moins teinté par le racisme.
    Tant et aussi longtemps que nous ne parviendrons pas à condamner ouvertement et explicitement le racisme systémique, nous reviendrons sans cesse aux mêmes façons de faire les choses et aux stéréotypes qui entravent notre processus de réflexion. Nous ne réussirons pas à réduire le nombre de personnes ayant des démêlés avec le système de justice pénale et à imposer des sentences qui, conformément à l'arrêt Gladue, sont significatives pour les Autochtones.
    Merci pour cette réponse.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à Me Russomanno.
    La Cour suprême a expliqué qu'une condamnation avec sursis est généralement plus efficace que l'incarcération pour atteindre les objectifs de réhabilitation et de réparation pour la victime et pour la communauté ainsi que pour faire la promotion du sens de la responsabilité chez le délinquant.
    Est-ce exact, d'après votre expérience?

[Traduction]

    Merci pour la question.
    Une condamnation avec sursis a une incidence très concrète dans la pratique en ce sens qu'elle offre la possibilité à l'inculpé de bénéficier d'un plus grand nombre de mesures de réinsertion qui vont améliorer ses chances de ne pas reprendre ses activités criminelles à l'issue de sa peine.
    Le trafic de stupéfiants est l'exemple qui vient d'abord à l'esprit. Lorsque ce trafic n'est pas motivé par une dépendance, il l'est par le désir de réaliser un profit. Si un individu sort de prison sans aucune perspective d'emploi, il lui est beaucoup plus facile de retomber dans ce mode de vie, alors qu'une condamnation avec sursis lui aurait permis de continuer à travailler. Cela permet également d'avoir accès à de meilleurs soins de santé et de meilleurs services de counselling en santé mentale ou autres ainsi qu'à toutes sortes de programmes de réadaptation dont on ne peut tout simplement pas bénéficier lorsqu'on est incarcéré.
    À cet égard, une ordonnance de sursis est infiniment préférable aux fins d'une réinsertion sociale réussie.
    Merci.
    Ma prochaine question est pour M. Yuen.

[Français]

    Vous avez mentionné que les juges pourraient améliorer l'administration du système de justice en abolissant certaines peines minimales obligatoires, comme le prévoit le projet de loi C‑5.
    Croyez-vous que les juges pourront imposer des peines mieux adaptées, en fonction du contexte socioculturel?

  (1720)  

[Traduction]

    C'est assurément ce que je crois. Il n'est pas rare que les juges prennent en considération tout le bagage d'un contrevenant. En les affranchissant des peines minimales obligatoires, on permet aux juges de tenir compte de toutes les circonstances importantes concernant l'inculpé, à savoir ses antécédents, ses perspectives de réadaptation, sa situation familiale et les personnes à sa charge.
    Je pense certes que c'est chose possible.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons à M. Fortin pour une période de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Dover, je comprends de votre témoignage qu'il y a un problème de ressources dans la communauté. Vous dites que des femmes enceintes sortent de prison et ne savent pas où aller dormir, le soir même. Vous parlez de cas où des gens sont déclarés coupables sans qu'on ait entendu toute leur histoire pour essayer de comprendre d'où vient le comportement qu'ils ont eu et qu'on veut corriger. Vous énumérez un certain nombre de situations comme celles-là qui donnent à penser qu'il y a vraiment un problème de ressources. Je ne sais pas si c'est le cas, mais c'est ce que je comprends.
    Vous avez aussi mentionné que les victimes et les accusés vivaient parfois dans la même communauté. Vous avez parlé d'une cause dans laquelle deux des accusés et deux des victimes comptaient parmi vos anciens clients. Dans de tels cas, les gens doivent apprendre à vivre ensemble. Ce que j'en comprends, c'est qu'il faut corriger le comportement.
    À ce compte, madame Dover, les victimes n'ont-elles pas besoin de sentir que le système judiciaire pense à les protéger? Je comprends qu'il y a des circonstances exceptionnelles dans lesquelles on dira qu'une peine minimale ne devrait pas s'appliquer, on s'entend là-dessus. Toutefois, de façon générale, ne serait-il pas mieux de maintenir les peines minimales pour la paix sociale, plutôt que de les abolir et de laisser les victimes de ces crimes se retrouver du jour au lendemain avec les mêmes individus qui, en principe, selon le Code criminel actuel, devraient être en prison?
    N'y a-t-il pas là matière à réflexion pour mieux protéger les victimes?
    Merci, monsieur Fortin.

[Traduction]

    Je pourrais vous parler pendant des heures de mes réflexions au sujet des victimes.
    Et si nous avions un système de justice pénale dans le cadre duquel la victime se ferait dire: « C'est une chose qui n'aurait jamais dû vous arriver. »?
    Et si nous avions un mécanisme de responsabilisation pour les cas de récidive par un contrevenant auquel le système carcéral n'a apporté aucune aide? Il se retrouve encore sans abri, aux prises avec sa dépendance, et n'a jamais obtenu le soutien qu'il souhaitait désespérément qu'on lui apporte. Et s'il y avait un mécanisme de reddition de comptes pour les cas semblables? Et si les victimes avaient véritablement voix au chapitre au sein du système? Et si les victimes avaient un rôle à jouer et pouvaient s'exprimer sans que leurs interventions soient tempérées par les procureurs de la Couronne ou les services aux victimes?
    Il est faux de croire qu'une victime souhaite que l'on suive un modèle bien précis, comme pour les ingrédients sur une bouteille de sauce barbecue, en lui indiquant que, pour une infraction semblable, c'est une peine de six mois qui est imposée et que c'est la valeur qu'on lui confère en tant que victime. Les victimes veulent plutôt faire partie intégrante du processus de telle sorte que le tribunal puisse véritablement prendre en compte leur récit en connexion avec leur comparution. C'est d'ailleurs l'un des principes à respecter pour la détermination de la peine.
    Il ne devrait jamais y avoir de condamnation avec sursis lorsque la sécurité publique est en jeu. En permettant aux victimes de s'exprimer — véritablement, et pas seulement en théorie sous le couvert d'un simple chiffre qu'on leur donne pour l'infraction perpétrée à leurs dépens —, nous obtenons un système de justice plus significatif, non seulement pour les victimes elles-mêmes, mais pour tout le monde.
    Je crois qu'aucun chiffre n'a vraiment de sens pour quelque victime que ce soit.

[Français]

    Autrement dit, l'abolition de toutes les peines minimales, comme le propose le projet de loi C‑5, pourrait envoyer un mauvais message aux victimes. Il faut faire attention à cela.
    Les témoins que nous avons entendus ici nous ont donné des exemples de cas où, dans un monde idéal, la personne mais aurait plutôt dû avoir une condamnation avec sursis. Donc, on pourrait déroger à la règle dans des circonstances exceptionnelles.
    Sinon, de façon générale, l'abolition des peines minimales obligatoires enverrait un mauvais message en ce moment. C'est ce que je comprends.
    Êtes-vous d'accord là-dessus?

  (1725)  

[Traduction]

    Vous pouvez penser par exemple aux peines imposées pour voies de fait graves. Il s'agit de cas où un individu en passe un autre à tabac. On n'atteint pas le niveau de la tentative de meurtre, mais c'est tout de même un crime d'une grande violence. On parle ici de mutilations et blessures. Il est déjà établi au sein de notre système de justice qu'une peine d'incarcération doit être imposée pour des infractions aussi graves.
    En pareil cas, nous n'avons pas besoin de peines minimales obligatoires pour rendre justice aux victimes.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. Je vous suis vraiment reconnaissant.
    Monsieur Yuen, vous avez mentionné un enjeu qui n'avait pas été soulevé depuis le début de nos audiences, et c'est celui de l'expulsion du pays à la suite de l'imposition d'une peine minimale obligatoire. Je ne sais pas ce que vous répondriez à ceux qui soutiennent que ces gens‑là ont commis un crime et qu'ils doivent donc être expulsés.
    Qu'advient‑il alors des familles? Que se passe-t-il lorsqu'il y a expulsion?
    Tout dépend des circonstances. À titre d'exemple, avant l'instauration des peines minimales obligatoires...
    Prenons l'exemple de la production de marijuana qui est assortie d'une peine minimale obligatoire de six mois d'emprisonnement. Très souvent, les gens qui arrivent au pays avec très peu de ressources vont sauter sur la première possibilité de logement qui s'offre à eux. Au sein de la communauté asiatique, nous avons des aînés qui ont trouvé à se loger dans des maisons surpeuplées où le nombre de chambres était insuffisant. Certains devenaient ainsi les locataires d'un individu qui poursuivait ses activités de production sans qu'eux-mêmes n'aient rien à y voir. Ils n'y participaient pas, voire n'étaient même pas au courant, mais ce sont eux que l'on a accusés parce qu'ils étaient sur place. La peine minimale est de six mois et entraîne l'expulsion.
    Il faut prendre en considération dans ces circonstances les personnes à la charge de ces individus. Pensons à une jeune mère célibataire que l'on menace d'expulsion. Elle doit quitter le pays. Qu'adviendra‑t‑il de son jeune enfant qui est au Canada? Il peut être né ici ou pas. Est‑ce que l'enfant est confié aux services sociaux ou encore à des proches? Est‑ce que la mère repart avec son enfant?
    Ce sont des facteurs qui vont au‑delà de la sphère strictement pénale pour toucher l'existence même du contrevenant, des personnes à sa charge et de ses proches.
    Merci.
    Je sais qu'il y a eu dans ma circonscription un cas où le seul soutien de ses parents âgés a été expulsé au titre d'une infraction qui ne semblerait pas mériter une peine aussi sévère aux yeux de la plupart des gens.
    Je veux maintenant m'adresser à M. Russomanno pour parler du pouvoir discrétionnaire. C'est selon moi un aspect que nous avons négligé depuis le début de cette étude. Vous êtes d'avis que la possibilité pour le juge d'imposer une peine à sa discrétion ne sera pas nécessairement avantageuse pour les personnes racisées et les Autochtones. Pouvez-vous m'en dire plus long sur votre analyse de ce pouvoir discrétionnaire?
    Oui. Merci pour la question.
    Dans la pratique, lorsqu'une personne a affaire au système de justice pénale pour, par exemple, un cas de possession simple, l'agent de police peut notamment procéder, et procède le plus souvent, à une vérification des dossiers pour voir si cette personne a déjà eu de fréquents démêlés avec la justice. Il est assez facile de comprendre que les membres des groupes racisés et des communautés autochtones, qui font l'objet d'une surveillance policière excessive et sont surexposés au sein du système de justice pénale, sont encore plus touchés de façon disproportionnée par une telle latitude intrinsèque dans le pouvoir discrétionnaire des policiers. Comme nous avons pu le constater maintes et maintes fois, lorsqu'on confère un pouvoir discrétionnaire élargi aux forces de l'ordre, ce sont les groupes racisés qui en ressentent sans commune mesure les effets néfastes.
    Un agent de police qui surprend une personne fumant du cannabis dans son quartier de la classe moyenne supérieure va faire montre d'indulgence. Un autre individu pris sur le fait dans un quartier plus démuni faisant l'objet d'une surveillance policière excessive et qui a déjà eu des contacts avec la police même s'il n'a pas été reconnu coupable, ne va pas profiter du bénéfice du doute. Selon moi, c'est la façon dont les choses vont se passer.
    Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-5 n'exige pas la tenue de registres sur l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Je ne sais pas dans quelle mesure vous jugez préoccupant le fait qu'il sera impossible, en l'absence de tels registres, de savoir qui bénéficie de cette latitude.
    À bien des égards, le fait que l'on ne tienne pas de registre va nous empêcher de surveiller l'utilisation que l'on fait de ce pouvoir discrétionnaire.
    La solution simple consisterait — et j'ai été plutôt encouragé, je dirais, d'entendre le ministre Lametti indiquer que cette avenue est envisagée — à déjudiciariser toutes les infractions de possession simple. S'il est question d'une consommation de drogue à des fins personnelles, cela relève du secteur de la santé. Si d'autres infractions criminelles sont commises parallèlement à cela, des poursuites peuvent être intentées à l'égard de ces autres infractions. Mais quant à savoir s'il convient de continuer à intenter des recours judiciaires pour des cas de possession simple, les piètres résultats de la guerre antidrogue livrée depuis plusieurs décennies témoignent on ne peut mieux de l'échec retentissant d'une telle stratégie.

  (1730)  

    La Chambre des communes va devoir se prononcer sur le projet de loi C-216 qui vise à déjudiciariser la possession simple. C'est un processus totalement distinct de celui‑ci, mais qui va tout de même de l'avant.
    Je vois que je n'ai plus de temps. Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Si tout le monde est d'accord, nous pourrions conclure avec deux courtes périodes de trois minutes pour un total de six. Sinon, nous devrons lever la séance, car il est 17 h 30.
    Une voix: [Inaudible].
    Le président: Ce serait difficile, car il nous faudrait 10 minutes.
    Est‑ce la volonté du Comité...?
    Une voix: Nous pouvons conclure.
    Le président: D'accord. Nous allons nous permettre deux périodes de trois minutes avant de lever la séance.
    Monsieur Moore, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de nous avoir fait bénéficier de leur point de vue sur ce projet de loi.
    J'ai une question pour M. Russomanno.
    Tout le monde sait que vous avez soulevé certaines préoccupations concernant ce projet de loi. Vous avez parlé du rôle que vous avez joué par le passé lorsque le gouvernement précédent a voulu apporter des changements touchant les ordonnances de sursis ainsi que les peines minimales obligatoires. Bien que l'on nous fasse valoir à répétition que ce projet de loi vise à nous débarrasser des peines minimales obligatoires héritées de l'ère Harper, je peux vous assurer, ce qui est tout à fait ironique, que les peines minimales que l'on souhaite éliminer avec cette mesure législative remontent tout au moins aux années 1990, et même aux années 1970 dans certains cas. Le gouvernement a en fait choisi de laisser en place bon nombre des peines minimales obligatoires, et notamment certaines d'application progressive pour la violence armée, qui avaient été instaurées par un gouvernement conservateur précédent.
    Estimez-vous que les peines minimales obligatoires ont leur place dans le Code criminel? Nous savons par exemple qu'il y a une peine minimale obligatoire pour meurtre au premier degré. Nous savons qu'il existe ainsi des peines minimales pour des crimes graves commis avec des armes à feu qui ne sont pas visées par ce projet de loi.
    Sur cette base, croyez-vous que les peines minimales obligatoires ont une utilité quelconque?
    Merci pour la question.
    Je crois qu'à votre point de vue... J’ai entendu lors d'une discussion précédente avec Mme Shanmuganathan, l'un des membres du Comité indiquer que les peines minimales obligatoires permettent notamment au Parlement de dénoncer certains crimes ou d'exprimer sa répugnance à l'égard de ceux‑ci. Je suppose que, d'un point de vue théorique, elles ont certainement cet effet et cette utilité.
    Est‑ce que je crois personnellement que les peines minimales obligatoires sont nécessaires? Non, je ne pense pas qu'elles le soient. Je ne crois pas que l'on verra un juge imposer une condamnation avec sursis pour un meurtre au premier degré. Je pense que les juges prennent en considération les victimes des différents crimes. J'estime qu'ils sont très conscients des impacts de ces crimes sur la communauté. Si vous assistez au prononcé d'une sentence dans un tribunal, vous verrez que c'est ainsi que les choses se passent.
    Je ne pense pas que ce soit utile, car j'estime que les juges doivent avoir des comptes à rendre à l'égard de leurs décisions. Ils doivent en fournir les justifications. Ils doivent prendre en considération certains facteurs. Le meurtre au premier degré est le crime le plus grave au Canada, et je ne crois donc pas qu'une peine minimale soit requise en l'espèce.
    Bien que je comprenne que vous puissiez considérer, dans votre rôle de parlementaires, que ces peines peuvent avoir en quelque sorte un effet dissuasif sur les membres de la communauté, j'ai l'impression qu'elles causent plus de tort que de bien.
    Merci.
    Merci, monsieur Moore.
    Nous passons à M. Zuberi pour les trois dernières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Ma première question est pour M. Russomanno.
    C'est concernant le troisième élément que vous avez noté dans vos observations préliminaires. Vous avez indiqué que la question de la possession simple laisse perplexes les membres de votre association.
    Que nous recommandez-vous de faire si nous voulons préserver l'esprit actuel du projet de loi tout en atténuant les risques que vous avez relevés quant au pouvoir discrétionnaire accru de la police et à la perpétuation involontaire de la surreprésentation des communautés autochtones et noires? Est‑ce que vous pourriez, par exemple, nous suggérer un nouveau libellé ou l'ajout de certaines lignes directrices?

  (1735)  

    Merci.
    C'est une question fort complexe. Nous sommes fondamentalement opposés à la structure que l'on propose en quelque sorte de mettre en place, et ce, en raison des injustices qu'elle contribuerait à perpétuer, mais vous me demandez en fait quels genres de changements j'apporterais à l'intérieur de cette structure.
    Je dirais, par exemple, que les agents de police ne devraient d'aucune manière fonder leurs décisions sur le nombre d'interactions qu'une personne a pu avoir avec les services policiers par le passé. Ils devraient tenir compte du fait qu'une personne est racisée, autochtone ou par ailleurs vulnérable au sein de notre société ou qu'elle a été exposée plus que de raison à notre système de justice pénale.
    Comme ce pouvoir discrétionnaire ne peut pas vraiment faire l'objet d'une révision, j'estime que son application est futile.
    À votre avis, est‑ce que l'approche de répression contribue vraiment à réduire la criminalité, ou est‑ce qu'elle ne fait qu'augmenter l'injustice à l'endroit des communautés autochtones et des autres groupes racialisés?
    Je pense que tout le monde sait sans doute déjà que le modèle de répression n'a contribué aucunement, au Canada comme dans n'importe quel pays du monde, à faire baisser les taux de criminalité ou à faire en sorte que les gens soient davantage en sécurité. J'ai bien écouté le chef de police Montour parler des problèmes qui affligent sa communauté. Je ne saurais vous parler des problèmes en question, mais j'ai surtout noté qu'il a déploré une hausse du trafic de drogues dures et des crimes violents.
    Je me suis dit à moi-même que tout cela s'est déroulé sous le couvert de l'accroissement des peines minimales obligatoires pour les crimes violents dans le cadre de l'imposition successive de différents modèles répressifs, tout en me demandant où cette stratégie nous avait menés. Nous nous retrouvons avec des prisons surpeuplées et des sommes dépensées pour incarcérer les gens, et non pour assurer véritablement la sécurité des Canadiens. Comme on le dit si bien, c'est aux fruits que l'on juge l'arbre.
    Merci, monsieur Zuberi.
    Merci à tous nos témoins pour leur très précieuse contribution.
    Je vais maintenant lever la séance. Notre comité se réunira de nouveau vendredi.
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