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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous et à toutes. Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
    Bienvenue à la 38e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 31 octobre, le Comité poursuit son examen du projet de loi C‑9, Loi modifiant la Loi sur les juges.
    Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle, et certains témoins participent à distance.
    J'aurais quelques commentaires à transmettre à l'intention des témoins et des députés.
    Tout d'abord, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veiller à le mettre en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole.
    Des services d'interprétation sont offerts. Ceux qui sont sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole sont priés de lever la main. Si vous êtes sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer la liste des intervenants. Merci de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Je tiens à vous signaler, avant qu'on me pose la question, que tous les tests ont été complétés avec succès avec tous les témoins.
    J'aimerais accueillir nos témoins de cette première heure. À titre personnel, nous accueillons Craig Scott, de la Osgoode Hall Law School de York University. Par vidéoconférence, nous accueillons Richard Devlin, professeur de droit à l'Association canadienne pour l'éthique juridique. De la Société des plaideurs, nous accueillons Sheree Conlon, secrétaire, Comité exécutif du conseil d'administration. Elle participe par vidéoconférence.
    Nous allons maintenant passer aux déclarations liminaires. Nous commencerons avec M. Scott, qui est ici dans la salle.
    Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Je salue les membres du Comité.
    Compte tenu du peu de temps dont je dispose, j'irai directement à mes observations. Je me ferai un plaisir de développer ma pensée sur ces sujets ou sur tout autre sujet pendant la période des questions.

[Traduction]

    Permettez-moi de commencer en soulignant le thème central de ma déclaration: le projet de loi C‑9 ne va pas assez loin pour ce qui est de savoir comment la transparence s'inscrit dans la responsabilité de la magistrature face à des préoccupations raisonnables d'inconduite.
    La seule décision rendue publique dans le cadre du système actuel ou celui du nouveau projet de loi C‑9 est la décision à l'étape finale: le rapport de ce qui est maintenant la commission d'enquête et qui sera l'un des deux types de comités d'audience.
    À cet égard, ma préoccupation principale est que le projet de loi C‑9 n'ébranle pas la pratique du Conseil canadien de la magistrature, le CCM, qui consiste à cacher deux autres types de décisions et les motifs qui les accompagnent. En effet, le projet de loi C‑9 augmente le niveau de secret entourant ces deux types de décision.
    Un type de décision et un ensemble de motifs qui ne sont pas rendus publics en temps normal sont les « motifs de renvoi d'une plainte à un comité ». Dans le système actuel, c'est le vice-président ou le président du Comité de déontologie judiciaire du CCM qui les transmet au comité d'examen.
    En vertu du projet de loi C‑9, si cela doit continuer, ce serait l'examinateur qui s'en chargerait. Pour vous donner une idée, lors d'une récente procédure du CCM dans laquelle j'étais un plaignant, les motifs étaient bien expliqués dans un document de neuf pages à simple interligne.
    Le deuxième type de décision qui n'est pas publiée est le « rapport du comité d'examen ». Pour la procédure ci‑dessus à laquelle j'ai participé, ce rapport comptait 13 pages à double interligne.
    Si ces décisions ne sont pas publiées, comment puis‑je savoir ce qu'elles contiennent et quelle est leur longueur? Pardonnez-moi: je suis peut-être en train d'exagérer, mais c'est là où Kafka entre en jeu.
     Je m'explique. Lorsqu'un comité d'examen estime qu'une plainte n'est pas suffisamment fondée pour être envoyée à un comité d'audience plénier — en ce moment, à une commission d'enquête —, le directeur exécutif du CCM envoie une lettre aux plaignants. Cette lettre est censée présenter l'essentiel des motifs du comité d'examen. Cette lettre peut être bien ou mal rédigée. Elle n'est pas rédigée par les membres du comité d'examen.
    Pour les plaignants, il s'agit du point essentiel: la lettre est la décision. C'est tout ce qu'ils ont. S'ils estiment que les motifs fournis dans la lettre ne sont pas raisonnables, ils peuvent demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, mais seulement, bien sûr, après avoir trouvé un avocat qui accepte de les aider pour la somme que les plaignants sont en mesure d'offrir.
    Ainsi, ce n'est que par une initiative citoyenne sous la forme d'une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale que les motifs ci‑dessus peuvent devenir publics. Cette situation se produit parce que le CCM est tenu par les règles de la procédure de contrôle judiciaire de divulguer aux demandeurs tous les documents pertinents, qui font alors partie de ce que l'on appelle « le dossier certifié du tribunal » de la cour.
    Même dans ce cas, lorsque l'affaire arrive à l'étape des plaidoiries, les avocats du CCM disent aux demandeurs qui étaient les plaignants: « Vous savez, les motifs contenus dans la lettre que vous avez reçue et qui vous ont poussés à demander un contrôle? Oubliez-les. Il ne s'agit pas vraiment de la décision. La décision du comité d'examen est la décision. Maintenant que vous avez forcé sa divulgation, vous devez désormais convaincre un juge que c'est cette décision qui est déraisonnable. »
    C'est ainsi que les plaignants doivent se tourner vers les tribunaux pour contester une décision déraisonnable avant d'avoir accès à ce que les avocats du CCM leur disent être la décision réelle. Comme je l'ai dit, c'est un peu du Kafka.
    Rien dans le projet de loi C‑9 ne changerait cette situation. Par analogie avec le système judiciaire ordinaire, c'est comme si le Parlement et le CCM mettaient à l'abri des regards indiscrets du public la décision d'un juge des requêtes — ici, les motifs de l'examinateur sont l'analogie — et la décision d'un juge de première instance — ici, la décision du comité d'examen —, pour ne publier que la décision d'une cour d'appel — ici, la décision du comité d'audience réduit ou plénier.
    Les audiences publiques et les motifs publiés sont notre façon d'aborder les juges qui jugent les autres. Cela inclut bien sûr les cas où la personne mise en cause a partiellement ou totalement gain de cause. Dans le système normal, nous ne manquons pas de publier une décision parce que la défense l'a emporté, mais d'une manière ou d'une autre, lorsque les juges jugent les juges, ce n'est que lorsque nous arrivons à cette troisième étape du système d'appel — présentée dans le nouveau projet de loi C‑9 — que nous pouvons voir les motifs.
    Réfléchissez à ce que cette situation signifie dans le contexte de l'une des grandes améliorations apportées par le projet de loi C‑9, une très grande amélioration: l'inclusion d'un plus large éventail de recours qui sont disponibles à l'étape du comité d'examen avec le nouvel article 102 proposé à la Loi sur les juges.

  (1110)  

    Toutefois, et cela s'inscrit dans mon thème, puisque la décision du comité d'examen reste secrète, le public ne saura pas exactement pourquoi aucune inconduite n'a été constatée, si cela s'avère être le cas; pourquoi une inconduite a été constatée mais a été caractérisée d'une certaine manière; pourquoi elle était d'une certaine gravité mais n'était pas suffisante pour aller jusqu'à une audience d'appel complète; ou pourquoi un recours particulier a été choisi plutôt qu'un autre dans le nouvel article 102.
    J'arrive à ma conclusion.
    En ce qui concerne les motifs du comité d'examen, le projet de loi C‑9 ne fait qu'aggraver la situation. Vous avez peut-être entendu des témoignages qui expliquent cette inclusion. Il m'est difficile d'expliquer pourquoi cet élément s'y trouve. Le projet de loi C‑9 interdit les comités d'audience réduits et les comités d'audience pléniers de prendre en considération les décisions et les motifs des comités d'examen. Il interdit également au comité d'audience plénier d'examiner les motifs du comité d'audience réduit. Je ne vois pas comment cela peut se justifier.
    Notre système judiciaire et, de fait, toute notre approche à la primauté du droit, dépend de la communication et de la publication des motifs par les tribunaux, afin que la profession juridique, les universitaires et les législateurs puissent comprendre, appliquer, critiquer et réformer le droit. En outre, l'un des principaux moyens de veiller à ce que le raisonnement judiciaire soit un fondement qui puisse produire, en général, de meilleurs résultats au fur et à mesure que l'on gravit les échelons, est de faire en sorte que chaque tribunal bénéficie des interprétations factuelles et des analyses juridiques des échelons précédents, puisse s'y référer, en discuter et les intégrer dans ses propres décisions et raisonnements de façon globale.
    Sur ce, monsieur le président, je vais conclure, car je sais que mon temps de parole est presque écoulé. Certains arguments sont interreliés. J'ai des arguments sur la façon dont nous devrions comprendre le droit administratif du jugement des juges, et sur la raison pour laquelle il existe un secret indu entourant les juges, mais peut-être que je peux en parler pendant la période de questions.
    J'ai également une série de recommandations précises pour des amendements aux nouveaux articles 97, 103, 111 et 118, et je suggère d'ajouter deux autres nouveaux articles — 161 et 162. Ces recommandations figurent dans mon mémoire, qui n'est pas encore disponible et ne peut être distribué avant d'avoir été entièrement traduit. La traduction se fera d'ici quelques jours, je l'espère.
    Merci.
    Merci, monsieur Scott.
    J'aurais dû vous souhaiter de nouveau la bienvenue. Je me souviens de l'époque où vous étiez de ce côté‑ci de la table, alors encore une fois, bienvenue. Je suis heureux de vous revoir à titre de témoin.
    Nous passons maintenant à M. Devlin, professeur de droit à l'Association canadienne pour l'éthique juridique.
    Bonjour, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à témoigner dans le cadre de votre étude du projet de loi C‑9.
    Je m'appelle Richard Devlin et je suis professeur à la faculté de droit de l'Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je suis ici en tant que membre du conseil d'administration de l'Association canadienne pour l'éthique juridique. J'en ai été le président fondateur et j'ai été le président du conseil d'administration pendant plusieurs années. Plus particulièrement, je suis ici parce qu'au cours des deux dernières années, j'ai édité deux livres, avec des universitaires du monde entier, sur ce qui pourrait être approprié pour un processus de traitement des plaintes et un processus disciplinaire pour les juges. Ces deux livres s'intitulent Regulating Judges et Disciplining Judges.
    Trois observations cruciales ressortent de ces deux livres.
    La première est que la conception d'un régime disciplinaire et de traitement des plaintes pour les juges n'est pas seulement un projet technique. Il s'agit d'un acte d'habileté politique important qui consiste à répartir le pouvoir au sein de notre communauté. Il nous oblige à réfléchir à la relation délicate qui existe entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le grand public. Cette relation est souvent illustrée par cette question: « qui garde les gardiens? »
    Le deuxième thème essentiel qui ressort de ces livres est une autre question, à savoir comment nous devons garder les gardiens.
    Cela nous oblige à formuler des valeurs ou des principes clés qui devraient nous guider dans la conception et la mise en œuvre d'un système de plaintes et de discipline pour les juges. Traditionnellement, deux valeurs clés ont été relevées, la première étant l'indépendance et la seconde, la reddition de comptes. Cependant, nos recherches indiquent qu'il existe au moins sept autres valeurs fondamentales qui doivent être prises en compte. Outre l'indépendance et la reddition de comptes, ces valeurs sont l'impartialité, l'équité, la transparence, la représentativité, la proportionnalité, la justification raisonnée et l'efficacité. Il s'agit des valeurs fondamentales par rapport auxquelles nous devons évaluer le projet de loi C‑9.
    Le troisième élément clé découlant de notre recherche est que l'objectif principal d'un processus disciplinaire et de traitement des plaintes pour les juges est de promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice. Au Canada, au cours des deux dernières décennies, un certain nombre d'affaires très médiatisées ont amplement démontré que le régime actuel n'a pas réussi à renforcer la confiance du public dans l'administration de la justice. L'objectif du projet de loi C‑9 est de rétablir cette confiance.
    Lorsqu'on examine le projet de loi C‑9 en général, on y trouve un certain nombre d'innovations qui sont très positives et qui essayent très bien d'équilibrer ces valeurs ou principes particuliers. Aujourd'hui, je veux toutefois préciser cinq préoccupations fondamentales qui suggèrent que nous n'avons pas établi le bon équilibre entre ces principes. Il s'agit de problèmes très importants, et j'espère que je pourrai vous convaincre de les aborder dans votre étude de ce projet de loi.
    Notre première préoccupation est que l'on n'accorde pas assez d'attention aux droits des plaignants, ce qui compromet les principes d'équité et de transparence.
    Notre deuxième préoccupation est qu'il n'y a pas assez de représentants non juristes dans le processus, ce qui met en péril les valeurs d'impartialité, d'indépendance et de représentation.
    Notre troisième préoccupation concerne les comités d'audience restreints. Nous croyons que la composition de ces comités et les processus qu'ils impliquent peuvent en fait favoriser le juge mis en cause et donc miner les principes d'impartialité, d'indépendance et de représentativité.
    Notre quatrième préoccupation est que les recours en cas d'inconduite ne sont pas suffisamment exhaustifs. Plus particulièrement, ils n'incluent pas le pouvoir de suspendre un juge. Par conséquent, les principes de transparence et de proportionnalité sont menacés.
    Notre cinquième et dernière préoccupation concerne les rapports annuels. Ces rapports ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins d'une société démocratique moderne. Par conséquent, nous portons atteinte aux principes de transparence et de responsabilité.
    Au cours de la période de questions et réponses, je serai ravi de vous fournir des réponses et plus de détails sur l'un ou l'autre de ces points. Je veux toutefois conclure en soulignant que le dernier examen législatif du processus disciplinaire et de traitement des plaintes remonte à 1971, il y a de cela plus de 50 ans. Le rôle des juges canadiens a profondément changé depuis ce temps. La démocratie canadienne a beaucoup changé depuis ce temps. Les attentes du public ont énormément changé depuis ce temps. Il pourrait bien s'écouler encore 50 ans avant qu'il y ait un autre examen du processus.

  (1115)  

    L'étude du projet de loi C‑9 représente donc une occasion unique. L'Association canadienne pour l'éthique juridique est ravie de vous aider à élaborer un des systèmes disciplinaires et de traitement des plaintes des plus exhaustifs et convaincants dans le monde.
    Je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.
    Merci, monsieur Devlin.
    Enfin, nous passons à Mme Sheree Colon, secrétaire du Comité exécutif du conseil d'administration de la Société des plaideurs.
    La parole est à vous pour cinq minutes.

  (1120)  

    Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui devant le Comité et de formuler des commentaires au sujet du projet de loi C‑9, Loi modifiant la Loi sur les juges.
    Je m'appelle Sheree Conlon, et je suis associée au cabinet d'avocats Stewart McKelvey, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Je représente aujourd'hui La Société des plaideurs.
    La Société des plaideurs est une association nationale sans but lucratif d'avocats plaidants qui compte environ 5 500 membres un peu partout au Canada. Une partie de la mission de La Société des plaideurs consiste à promouvoir un système de justice équitable et accessible au Canada.
    Ma déclaration préliminaire aujourd'hui se concentrera sur le fait que La Société des plaideurs craint que le projet de loi C‑9 ne prévoie pas une surveillance adéquate par les tribunaux des décisions du CCM dans le cadre de son processus de la conduite des juges. Pour résoudre cette préoccupation, je vous présenterai donc une solution simple qui, selon nous, permettra d'atteindre les objectifs louables du gouvernement pour cette réforme.
    Le mémoire écrit de La Société des plaideurs qui a été envoyé au Comité et qui est daté du 18 juillet 2022 offre davantage de détails sur les points que je vais aborder dans ma déclaration aujourd'hui.
    Dans l'ensemble, La Société des plaideurs appuie le projet de modification de la Loi sur les juges en vue de réformer le processus d'examen et de traitement par le CCM des plaintes déposées contre les juges de nomination fédérale. Nous avons constaté que le processus actuel est susceptible d'entraîner des retards et des coûts élevés. En raison de ces inefficacités, le public n'est pas convaincu que les membres de la magistrature fédérale sont adéquatement tenus responsables de leur conduite, et nous convenons donc qu'elles doivent être corrigées.
    La Société des plaideurs convient également que l'une des principales sources de retards et de coûts dans le processus actuel est le fait que les parties peuvent s'adresser aux tribunaux fédéraux pour un contrôle judiciaire à plusieurs étapes du processus. Les parties peuvent alors se prévaloir de plusieurs niveaux d'appel.
    Nous affirmons toutefois que le projet de loi C‑9 corrige de façon excessive ce problème en remplaçant le processus de contrôle judiciaire du tribunal par des mécanismes d'examen qui sont presque entièrement internes au Conseil canadien de la magistrature. Ainsi, en vertu du projet de loi C‑9, les parties ne peuvent demander l'autorisation d'interjeter appel des décisions du comité d'appel que devant la Cour suprême du Canada.
    Cette situation est préoccupante, car il n'y a pas de droit d'appel. En effet, un appel n'est possible que si la Cour suprême donne son autorisation. Puisque la Cour suprême n'est pas un tribunal de correction d'erreurs, une autorisation n'est accordée que dans les cas d'importance publique. Historiquement, la Cour suprême n'a donné son autorisation que dans environ 8 % des cas chaque année. Cela signifie qu'il n'y a aucune garantie que la Cour suprême donnera son autorisation, même dans un cas où la décision du CJC est erronée. Nous pensons respectueusement que tous les décideurs peuvent parfois se tromper. C'est la raison d'être des cours d'appel.
    La Société des plaideurs craint que le projet de loi C‑9 ne crée un régime législatif dans lequel le Conseil canadien de la magistrature serait l'enquêteur, le décideur et la compétence ultime en matière d’appels dans les affaires d'allégations d'inconduite de la magistrature. La surveillance judiciaire externe des mesures et des décisions prises par le CCM serait ainsi pratiquement éliminée.
    Le processus proposé est inquiétant, car la surveillance judiciaire des mesures administratives est fondamentale pour garantir leur légalité et leur équité. Cela porte donc atteinte à l'inamovibilité, qui est une composante essentielle de l'indépendance judiciaire.
    La Société des plaideurs propose une solution simple à ses préoccupations. Nous proposons que les parties aient le droit de faire appel de la décision du comité d'appel du CCM devant la Cour d'appel fédérale plutôt que devant la Cour suprême du Canada. Nous proposons un libellé pour une telle disposition dans notre mémoire.
    Je dois insister sur le fait que nous croyons que la modification que nous proposons ne reproduira pas les retards et les coûts que nous observons dans le processus actuel et que le gouvernement tente à juste titre de corriger. La proposition de La Société des plaideurs garantit que la décision finale du CJC ne serait susceptible d'appel que directement devant la Cour d'appel fédérale. Cela éliminerait un niveau de contrôle judiciaire, à savoir la Cour fédérale, et cela éliminerait aussi le contrôle judiciaire des décisions interlocutoires — qui, traditionnellement, ont causé la plupart des retards et des coûts — tout en préservant un droit de contrôle judiciaire sur la décision finale du processus interne du CJC.
    La Société des plaideurs croit que la légère modification qu'elle propose d'apporter au projet de loi C‑9 permet d'établir un équilibre entre l'efficacité, la confiance du public envers la responsabilité de la magistrature et l'équité entre les parties, tout en maintenant l'indépendance judiciaire.
    Monsieur le président, je serai heureuse de répondre aux questions du Comité au sujet de ma déclaration préliminaire. Je vous remercie.

  (1125)  

    Je vous remercie. Nous allons maintenant passer aux questions et aux commentaires.
    Nous entendrons d'abord Larry Brock. Il s'agit de séries de questions de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les témoins. Je vous remercie sincèrement de participer à cette importante étude.
    Comme je dispose d'un temps limité, je vais essayer de répartir mes questions entre les trois témoins. J'aimerais aborder trois domaines particuliers.
    J'aimerais commencer par une proposition.
    Je suis en train d'examiner un résumé imprimé de la déclaration qu'a faite M. Devlin devant notre comité, et je suis tout à fait d'accord avec le troisième paragraphe de cette déclaration, selon lequel l'objectif principal d'un processus de plainte ou de discipline pour les juges est de favoriser la confiance du public à l'égard de l'administration de la justice.
    Monsieur Devlin, vous avez cité un certain nombre d'affaires qui se sont produites au cours des dernières décennies et qui ont fondamentalement ébranlé la confiance du public.
    C'est un sujet que j'ai abordé la semaine dernière, lorsque le ministre de la Justice, David Lametti a comparu devant notre comité. Je lui ai posé une question précise, c'est‑à‑dire que je lui ai demandé si, selon lui, l'objectif demaintenir la confiance du public dans le système judiciaire tient compte de l'intérêt du plaignant et si on a atteint un équilibre à cet égard. Il a déclaré avec insistance qu'il croyait effectivement que le projet de loi C‑9 offre un équilibre unique.
    J'aimerais entendre l'opinion des trois témoins.
    J'aimerais d'abord entendre votre réponse, monsieur Devlin. Que pensez-vous des commentaires du juge Lametti et comment amélioreriez-vous la confiance du public dans le projet de loi C‑9?
    Je vous remercie beaucoup.
    J'aimerais aborder directement le nouvel article 87 proposé de la Loi. C'est le seul nouvel article qui traite explicitement des droits des plaignants. Voici son libellé: « Le Conseil établit des politiques concernant la notification aux plaignants des décisions rendues... ». C'est tout ce qui est accordé au plaignant dans le processus. C'est très faible. Il s'agit simplement d'un avis concernant les décisions qui ont été prises. Cela signifie qu'une fois qu'une plainte est déposée, le plaignant est exclu du processus. Cela soulève des questions fondamentales au sujet de l'équité et de la transparence du processus et il faudrait apporter une justification à ce raisonnement.
    Nous pensons que quatre améliorations pourraient être apportées au projet de loi pour accorder plus de droits aux plaignants et ainsi encourager la confiance du public.
    Tout d'abord, le plaignant devrait avoir le droit d'être informé de l'évolution de sa plainte.
    Deuxièmement, il devrait être informé des raisons pour lesquelles sa plainte est rejetée.
    Troisièmement, s'il y a des audiences ou un appel, le plaignant devrait avoir le droit d'y participer.
    Quatrièmement, et enfin, le plaignant devrait avoir le droit de demander le réexamen d'une décision à tout moment de la procédure. C'est particulièrement important si la décision est rejetée par l'agent de contrôle, l'examinateur du CJC ou le comité d’audience restreint.
    Avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord avec le ministre lorsqu'il affirme que nous favorisons la confiance du public, car nous ne tenons pas compte de manière adéquate des droits des plaignants.
    Je vous remercie. J'aimerais maintenant m'adresser à M. Scott.
    Êtes-vous d'accord avec les commentaires du ministre de la Justice en ce qui concerne ce juste équilibre? Que vous soyez d'accord ou non, veuillez expliquer pourquoi.
    J'aimerais aussi vous donner l'occasion d'élaborer, en moins de trois minutes, sur les recommandations qui, selon vous, permettraient d'améliorer le projet de loi C‑9.
    Je vous remercie beaucoup.
    Au bout du compte, je ne pense pas que l'équilibre soit atteint. Je pense que les points qui ont été soulevés par les deux autres témoins illustrent bien cette constatation.
    J'aimerais ajouter qu'une autre caractéristique de la pratique actuelle du CJC contribue à ce déséquilibre. En effet, les plaignants ne sont autorisés qu'à envoyer leurs plaintes. On leur indique, dans une lettre, qu'ils peuvent continuer à envoyer des renseignements supplémentaires s'ils en ont, mais qu'ils ne seront pas pris en compte. Ils n'ont aucune idée de l'étape à laquelle est rendu le processus, etc.
    À la fin du processus auquel j'ai participé… Je pense que l'une des choses qui découlent des règles actuelles du CJC, c'est que les plaignants ne sont pas autorisés à présenter des observations, c'est‑à‑dire qu'ils ne sont pas autorisés à étayer les arguments par des faits en fonction de ce qu'ils considèrent comme étant les normes en vigueur. J'ai essayé, juste pour voir, et on m'a dit qu'il n'y avait aucune obligation de tenir compte des observations présentées. Le vice‑président chargé de l'affaire à ce moment‑là a lu les observations, mais il a précisé qu'il n'était pas tenu de le faire.
    Je les avais envoyées après que le comité d'examen ait pris sa décision à l'interne. Je n'étais pas au courant, car je n'avais aucune idée où en était le processus d'examen. Je suppose que le vice-président, qui a repris le dossier, s'est rendu compte qu'il y avait un certain déséquilibre, car il s'est passé autre chose. En effet, un tiers non plaignant a présenté un mémoire d'argumentation au Conseil, qui l'a envoyé au comité d'examen. Les plaignants ne sont pas autorisés à faire cela, mais un tiers qui n'avait rien à voir avec l'affaire a été autorisé à le faire. Je pense qu'il s'est probablement rendu compte qu'au minimum, il devait le lire pour pouvoir affirmer que cela ne changerait rien à ce qu'il allait faire.

  (1130)  

    Monsieur Scott, il me reste un peu moins de 30 secondes. Parmi les recommandations dont vous vouliez parler au Comité, pouvez-vous indiquer, en 20 secondes ou moins, celle qui est la plus importante?
    Voici ce que je dirais en 20 secondes. Il devrait exister une obligation de publication, tant pour les motifs de renvoi que pour le rapport du comité d'examen. Les normes devraient indiquer que le Conseil « doit rendre publiques les raisons écrites des motifs de renvoi par les examinateurs » et, dans une disposition distincte, rendre public le rapport du comité d'examen « dans la même mesure que le Conseil serait obligé de les divulguer pour qu'ils fassent partie du dossier certifié du tribunal en cas de procédure de contrôle judiciaire ».
    Le fait est que nous pouvons obtenir ces choses. Il suffit de s'adresser au tribunal. Pourquoi les retenir et obliger les citoyens à payer pour consulter des documents qu'ils peuvent obtenir par l'entremise d'un processus judiciaire? Les normes qui permettraient de retenir certains documents pour des raisons d'anonymat, de protection de la vie privée ou autre s'appliqueraient toujours, mais il faudrait renoncer de manière proactive à tout ce à quoi il faudrait renoncer en cas de contrôle judiciaire.
    Je vous remercie, monsieur Scott. Je remercie également tous les témoins. Mon temps est écoulé.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Brock.
    Madame Dhillon, vous avez six minutes…
    Oh, d'accord. La parole est à M. Naqvi.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vais reprendre la série de questions de M. Brock, et j'aimerais d'abord m'adresser à M. Devlin.
    Il s'agit de procédures uniques lorsqu'il est question d'examiner la conduite de notre magistrature. Tous les témoins reconnaissent ce fait. Elles visent manifestement à garantir et à maintenir, voire à améliorer, selon moi, la confiance à l'égard de notre système judiciaire indépendant, de sorte qu'il faut faire preuve de prudence et s'assurer d'atteindre un certain équilibre.
    Monsieur Devlin, vous pensez que le projet de loi C‑9 ne permet pas d'atteindre cet équilibre. Permettez-moi de vous donner l'occasion de nous expliquer comment cet équilibre peut être atteint de façon à ne pas miner la nature indépendante de notre système judiciaire et la nature indépendante de nos juges en particulier, à titre individuel.
    Vous avez parfaitement raison de dire que ce sont des procédures uniques et que l'indépendance judiciaire est essentielle. L'indépendance judiciaire fait toutefois partie d'un cadre plus vaste de promotion de la confiance du public dans l'administration de la justice, pas seulement dans l'indépendance de la magistrature.
    L'indépendance judiciaire est essentielle, mais comme je l'ai dit, il y a plusieurs autres valeurs clés, que j'ai tenté de cerner pour vous, au‑delà de l'indépendance. Une fois de plus, il y a la reddition de comptes, l'impartialité du processus ainsi que l'équité du processus. Le public ne peut pas faire confiance sans véritable transparence. Il ne peut pas faire véritablement confiance sans [difficultés techniques]
    Je suis désolé, monsieur Devlin. Nous ne pouvons pas vous entendre.
    Monsieur Naqvi, voulez-vous passer à un autre...
    Pouvez-vous arrêter le chronomètre une seconde?
    Le vice-président (L'hon. Rob Moore): Bien sûr.
    M. Yasir Naqvi: Je pense que la qualité sonore et le volume posent de sérieux problèmes. Je ne sais pas s'il y a un moyen de régler cela avant que je poursuive mes questions.
    Je sais que le greffier se penchait là‑dessus avant que nous commencions. Je suppose que c'était un peu instable.
    Voulez-vous essayer de régler le problème avec M. Devlin?
    Oui, c'est ce que je vais faire. C'est le mieux que nous pouvons faire pour l'instant, monsieur le président.
    Monsieur Naqvi, voulez-vous poursuivre vos questions?
    Monsieur Devlin, vous pourriez peut-être essayer de parler un peu pour voir si nous vous entendons.
    Nous ne pouvons pas l'entendre. Nous devons poursuivre.
    Monsieur Scott, je vais vous poser la même question à propos de l'équilibre. Vous aviez également l'impression que cet équilibre n'était pas atteint. Avez-vous très brièvement une ou deux suggestions pour parvenir à cet équilibre tout en garantissant non seulement le maintien, mais aussi l'amélioration de l'indépendance de notre magistrature et de nos juges?

  (1135)  

    Exactement.
    Je pense que mon principal argument, c'est que nous ne voyons rien dans les propositions jusqu'à maintenant qui compromet l'indépendance de la magistrature. C'est le premier point que je voulais soulever.
    Elles améliorent d'autres sortes de valeurs qui sont essentielles, y compris rappeler à la magistrature que la confiance ne provient pas de processus qui s'empilent à n'en plus finir et d'un degré indu de non-transparence. Cela contribue à un manque de confiance qui porte atteinte aux fondements mêmes de l'indépendance de la magistrature. Lorsqu'on favorise la culture du secret au point de la rendre malsaine, qu'on s'en prend au bien-fondé de décisions des tribunaux inférieurs en les renvoyant, ainsi que les motifs, à des comités d'examen, qu'on permet au juge d'avoir un deuxième comité d'examen de novo et de l'appeler un comité d'audience restreint... De toute évidence, ces choses sont en quelque sorte des mesures de sauvegarde pour les juges, mais à elles seules, sans une partie de ce que nous proposons, elles créent un déséquilibre grave.
    L'un des derniers points que j'aimerais soulever, c'est qu'il se produit deux choses ici. Le projet de loi et le CCM sous-estiment l'importance de ce qui s'appelle le principe de l'audience publique, qui s'applique aussi aux tribunaux, et surestiment l'importance du principe de l'indépendance de la magistrature. Ils disent également que le CCM n'est qu'une entité administrative qui ne diffère pas des autres organismes de réglementation professionnelle. Par conséquent, en ce qui concerne tout ce qui est fait pour que les décisions demeurent confidentielles jusqu'à ce que le tribunal se prononce, où est le problème? C'est ce que les tribunaux font dans d'autres contextes.
    Le CCM n'est pas seulement qu'un organisme de réglementation. Il est responsable du troisième pouvoir du gouvernement, le pouvoir le plus important en ce qui a trait à la façon dont les personnes sont touchées par les jugements de l'État.
    Merci. Mon temps est très limité.
    Monsieur Naqvi, nous allons arrêter le chronomètre une seconde.
    Je suppose, monsieur Devlin, que votre microphone était éteint. Voulez-vous vérifier encore une fois s'il fonctionne?
    Non, nous ne vous entendons toujours pas. On m'a dit que votre microphone était éteint.
    Allez‑y, monsieur Naqvi.
    Je veux parler d'une mesure proposée que je trouve unique et intéressante, à savoir la présence de non-spécialistes dans les comités d'examen. Je vais commencer par Mme Conlon, pour obtenir son point de vue là‑dessus. J'ai trouvé cela très intéressant, car nous nous fions à des non-spécialistes lorsque nous nommons des juges dans le cadre du processus du comité consultatif sur les nominations à la magistrature, ou CCNM, et il est maintenant intéressant de voir des non-spécialistes participer à l'examen de la conduite ou de l'inconduite des juges.
    Madame Conlon, qu'en pensez-vous? Voyez-vous des avantages à la participation de non-spécialistes dans ce processus d'examen?
    Oui, nous voyons un avantage à la participation de témoins ordinaires dans l'ensemble du processus. C'est une amélioration du point de vue de la confiance du public envers le processus. Comme nous l'avons indiqué, la Société des plaideurs appuie tous ces amendements, y compris la participation au processus de témoins ordinaires, à l'exception du processus externe de contrôle judiciaire.
    Excellent. Merci. Je pense que mon temps est écoulé.
    Merci, monsieur Naqvi.
    Nous avons maintenant M. Fortin pour six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie mesdames et messieurs les témoins de leur présence et de leur participation à l'étude de cet important projet de loi.
    J'aimerais aborder la question des sanctions possibles. Comme nous le savons tous, les manquements des membres de la législature, quand il y en a, et les décisions du Conseil canadien de la législature font les manchettes, ce qui a une influence importante sur la confiance du public envers l'administration du système judiciaire.
    En ce sens, un certain nombre d'avantages sont octroyés. Prenons l'exemple, le cas du juge Girouard, qui a retenu l'attention au cours des dernières années. Dans ce cas, bon nombre de procédures judiciaires ont été entamées dans le but de gagner du temps. Finalement, le juge Girouard a remis sa démission, mais il a eu droit à un certain nombre d'avantages économiques, dont son salaire, un fonds de pension et le remboursement des frais d'avocat.
    Monsieur Scott, selon vous, est-ce possible de modifier cela pour faire en sorte que des conséquences économiques seront données à un juge qui a été trouvé coupable? Par exemple, les frais d'avocat pourraient être acquittés par le juge, du moins en partie.

  (1140)  

    Monsieur Fortin, je crois que ce serait possible d'ajouter, à l'article 102, que le comité de révision peut imposer une sanction relative au salaire, comme la suspension de celui-ci.
     Il y a trois ou quatre ans, en Ontario, le juge Zabel a porté une casquette MAGA, après l'élection de M. Trump. Pour le punir, on a réduit son salaire pendant deux mois.
    Quel genre de chapeau?
    C'était une casquette où il était écrit « MAGA », c'est-à-dire « Make America Great Again ».
    D'accord.
    C'est possible d'agir ainsi en Ontario, mais je ne peux pas dire avec certitude que ce l'est ici. Peut-être les alinéas 102f) ou 102g) le permettent-ils, mais je n'en suis pas certain.
    En ce qui concerne les frais d'avocat, il faut que le gouvernement les paie jusqu'à un certain point, mais peut-être pas tous. Je ne sais pas exactement où tracer la ligne.

  (1145)  

    En effet, il faut savoir où est la ligne et il faudrait peut-être doser cela à l'aide de pourcentages.
    Si j'ai bien compris votre témoignage, c'est une bonne idée de réfléchir à des sanctions économiques.
    Oui, ce serait une bonne idée.
    S'il n'y en a pas présentement, j'imagine que c'est parce qu'il y a un peu de résistance de la part des juges.
    Selon vous, quelles seraient les conséquences de telles dispositions sur l'indépendance judiciaire?
    Ne pourrait-on pas argumenter que le fait d'avoir des sanctions de cette nature mine l'indépendance des juges ou la crédibilité du juge qui revient sur le banc après avoir reçu une sanction économique?
    Oui, il y a des conséquences. D'ailleurs, c'est peut-être la raison pour laquelle il y a eu résistance. Une partie du principe de l'indépendance des juges est liée à la stabilité de leurs fonctions.
    Réduire le salaire fait peut-être partie de ces possibilités. Ce serait peut-être plus facile de ne pas changer cette mesure. Toutefois, puisque cela a été fait par un territoire canadien, l'Ontario, cela démontre que ce n'est pas impossible.
    Vous me dites que cela a été fait en Ontario. Premièrement, depuis combien de temps est-ce en vigueur en Ontario?
    Deuxièmement, y a-t-il eu des contestations de cette disposition?
    Ça, je ne le sais pas. Je suis désolé.
    En 30 secondes, madame Conlon, pourriez-vous répondre à la même question?
    Y aurait-il eu lieu d'examiner la possibilité d'inclure des sanctions économiques dans le projet de loi C‑9?

[Traduction]

    Je ne sais pas si le microphone de M. Devlin fonctionne.

[Français]

     Quelle est votre opinion sur cette question, madame Conlon?
    Il reste quelques secondes.

[Traduction]

    Il ne vous reste environ que cinq secondes. Nous pourrions donc peut-être entendre une réponse très brève, madame Conlon.
    La Société des plaideurs ne recommande aucun changement pour inclure des sanctions financières dans la mesure législative.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, allez‑y, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et je propose encore une fois que nous tentions de déterminer ce qui ne va pas dans cette pièce, car nous avons régulièrement des problèmes. Toutes sortes de personnes que nous pouvons très bien entendre sur Zoom ne peuvent pas être entendues dans la pièce. Il y a donc un problème technique récurrent, pas avec l'équipement des gens, mais dans la pièce. Je propose que nous nous penchions là‑dessus.
    À propos du sujet à l'étude aujourd'hui, j'aimerais demander à M. Scott et à M. Devlin, si nous pouvons l'entendre à nouveau, ce qu'ils pensent de la proposition de Mme Conlon qui consiste à changer le processus d'appel de manière à ce que ce soit un appel à la Cour d'appel plutôt qu'à la Cour suprême du Canada. Le raisonnement me semble bon, à savoir qu'un appel efficace n'ajouterait pas grand-chose au processus, et qu'il est très peu probable que la Cour suprême entende une de ces causes.
    Allez‑y, monsieur Scott.
    Très brièvement, je pense que c'est une très bonne recommandation. Si j'ai bien compris, la Cour d'appel remplacerait la Cour suprême. Cela n'irait pas plus loin que la Cour d'appel fédérale. Il est possible que ce soit contesté parce qu'il n'y a pas de niveau supérieur, mais l'idée est que la Cour suprême l'autorise dans un petit nombre de cas. Je crois que son raisonnement vise en plein dans le mille.
    J'ajouterais une chose. Le contrôle judiciaire est exclu pour le juge, mais j'espère que je n'ai rien manqué dans la loi modifiée qui exclurait un contrôle judiciaire pour les plaignants, car à l'heure actuelle, la seule façon pour eux de vraiment comprendre la situation, comme je vous l'ai décrit, consiste à mettre la main sur les décisions lorsqu'une demande a été rejetée ou lorsqu'elle a été réglée et pas totalement rejetée.
    J'espère que nous parlons uniquement du juge ici — du juge en montant les échelons —, et pas des plaignants.
    Vous avez semé un peu le doute pour moi à ce sujet.
    Je peux peut-être revenir à Mme Conlon pour obtenir des précisions là‑dessus.
    Tout d'abord, si je comprends bien et que la loi était reformulée comme nous le proposons, c'est‑à‑dire en ayant un droit d'appel devant la Cour d'appel fédérale, on pourrait encore demander l'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, du moins selon l'amendement que nous proposons.
    À propos de la deuxième question concernant les personnes à qui cette disposition s'applique, d'après ce que je comprends du nouvel article proposé dans la loi, l'article 137, tous les droits d'appel, y compris pour le contrôle judiciaire, seraient interdits par la loi, et le dernier droit d'appel de la décision de la Cour d'appel consisterait à demander l'autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada.
    Je ne vois rien dans le projet de loi qui accorderait à qui que ce soit dans le processus un autre droit à un contrôle judiciaire, mais ce n'est pas une chose que nous avons expressément examinée. C'est ainsi que j'interprète la mesure législative proposée.
    Monsieur Garrison, nous allons peut-être vérifier auprès de M. Devlin.
    Voulez-vous voir si nous pouvons vous entendre, monsieur Devlin? Nous ne voulons pas nous priver de votre participation. Non, nous ne pouvons toujours pas vous entendre.
    Monsieur Garrison, je sais qu'on cherche à régler le problème, mais, pour une raison ou une autre, nous n'entendons pas M. Devlin. Je vais vérifier de temps à autre entre les questions, mais d'ici là, je vous prie de poser vos questions aux deux témoins que nous pouvons entendre.
    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais revenir à Mme Conlon. Avez-vous des observations à faire sur les deux propositions de M. Scott concernant la publication des motifs de renvoi et du rapport du comité d'examen?

  (1150)  

    Non, nous n'avons pas d'observations au‑delà de ce qui se trouve déjà dans nos mémoires. Comme je l'ai indiqué, la Société des plaideurs appuie l'ensemble du projet de loi C‑9, y compris les restrictions concernant les motifs.
    Nous pensons que l'aspect public et la participation de non-spécialistes au comité d'audience répondent à certaines des préoccupations liées à la confiance du public. Au‑delà de cela, nous ne recommandons aucun autre changement à la mesure législative proposée.
    [Difficultés techniques] M. Scott.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste.
    Vous avez environ deux minutes.
    Allez‑y, monsieur Scott.
    J'ai contre-vérifié la structure. C'est sans aucun doute... Nous parlons d'un juge et peut-être d'un responsable de la procédure pour passer aux autres étapes à l'extérieur du système.
    On n'enlève pas aux plaignants le droit à un contrôle judiciaire. Il existe déjà dans le cadre du système judiciaire dans son ensemble. Ce n'est certainement pas éliminé par le projet de loi C‑9. Si quelqu'un pense qu'il est supprimé, vous pouvez ajouter un article qui précise que ce n'est pas le cas. Autrement, la situation des plaignants n'aura jamais été aussi mauvaise.
    Le contrôle judiciaire n'est pas la même chose qu'un appel. On y a habituellement recours lorsqu'une affaire est rejetée. Les raisons ne semblent pas adéquates dans les lettres que les plaignants reçoivent, et ils veulent les contester. Cela se produit rarement à l'heure actuelle, mais c'est possible. Une fois de plus, j'espère que cela demeure inchangé dans cette mesure législative. Je regarde M. Anandasangaree.
    Par ailleurs, la question des non-spécialistes est extrêmement importante. Cela renvoie aussi à la possibilité de faire un deuxième examen. Le juge peut demander une audience complète restreinte dans les 30 jours si le comité d'examen n'est pas satisfait. Cela permet entre autres choses d'échanger une personne ordinaire contre un avocat. Le rôle de la personne ordinaire est indiqué, mais il peut être supprimé par le juge.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à une série de questions de cinq minutes, en commençant par M. Caputo.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tout le monde d'être ici. C'est un sujet très intéressant.
    Ma question s'adresse à tous nos témoins.
    Monsieur le président, j'ai parlé à M. Scott plus tôt, et nous avons abordé la question de la transparence. J'y ai pensé tout au long du processus, par exemple en me demandant ce que les barreaux font à l'échelle provinciale lorsqu'un avocat est sanctionné. Je sais que nous sommes au fédéral et que ce sont des questions provinciales, mais il y a certainement une analogie possible.
    Je crois qu'en Colombie-Britannique — et vraisemblablement dans la plupart des provinces —, lorsqu'une plainte est déposée et qu'elle est considérée comme infondée ou fallacieuse, elle est automatiquement rendue publique.
    J'aimerais que M. Scott et les autres témoins parlent du projet de loi C‑9 et de l'analogie, ou de l'absence d'analogie, dans cette mesure législative, pour ce qui est de la transparence.
    À propos de l'exemple d'une plainte rendue publique, ce n'est pas le Conseil canadien de la magistrature qui la rend publique. Cependant, les règles actuelles du CCM, la loi en vigueur et la nouvelle loi révisée n'interdisent pas aux plaignants de rendre une plainte publique. Le système ne prévoit toutefois pas la publication des plaintes. Je vais m'arrêter ici.
    L'autre aspect qui me préoccupe particulièrement, c'est ce qu'il advient ensuite de la plainte, ce qui n'est également pas rendu public. C'est ce qui me préoccupe.
    Je vois. Avant d'entendre les autres témoins à ce sujet, puis‑je vous poser une question complémentaire?
    Est‑ce une préoccupation pour vous en ce qui a trait à la transparence? Je sais que vous avez dit que la plainte peut être rendue publique. Tout le monde peut rendre quelque chose public, en théorie, n'est‑ce pas? Cependant, pour ce qui est de la voie officielle à emprunter et de déterminer si une décision sera publiée ou non, est‑ce que cela vous préoccupe du point de vue de la transparence?
    Oui, cela me préoccupe.
    Cela dit, il est moins question de la non-publication de la plainte que de la façon dont elle est traitée. Le fait que la seule façon de rendre publics les motifs du renvoi ou le rapport du comité d'examen est de présenter au tribunal une demande de contrôle judiciaire revient à procéder à l'envers. On dit que le public y a droit, mais il faut suivre ces étapes supplémentaires et débourser de l'argent pour y parvenir. Pourquoi ne pas le faire proactivement?
    Oui, et cela contribue à la transparence.
    Si je comprends bien votre point alors, c'est une partie d'un problème plus grand sur le plan de la transparence.

  (1155)  

    Oui.
    Oui.
    Je ne sais pas si Mme Conlon veut se prononcer à ce sujet, et avons-nous rétabli la connexion avec notre autre témoin, M. Devlin?
    Je peux tout simplement donner le point de vue du Barreau.
    Je peux parler du Barreau de la Nouvelle-Écosse, et le projet de loi C‑9 est très conforme puisque les plaintes déposées ne sont pas rendues publiques. Ce n'est que lorsque l'affaire est renvoyée pour faire l'objet d'une audience et que des accusations sont portées qu'elle devient publique. Toutes les démarches qui précèdent cette étape, du point de vue de l'avocat et du plaignant, demeurent privées. Je dirais que le projet de loi C‑9 est conforme à ce processus.
    C'est intéressant.
    En Colombie-Britannique, je crois, une fois que la plainte est réputée être fondée, elle est rendue publique, mais si je ne m'abuse, le projet de loi C‑9 ne la rendrait pas publique à ce moment‑là. Je me trompe peut-être.
    Je tiens à préciser que cela dépend évidemment de la province, mais en Nouvelle-Écosse, il doit être question d'une faute ou d'incompétence professionnelle et des accusations doivent être portées. C'est à ce moment‑là que la plainte est rendue publique.
    Il peut y avoir des manquements d'un point de vue éthique qui ne constituent pas une faute ou une incompétence professionnelle. Ces plaintes ne sont pas rendues publiques, y compris le règlement de la plainte.
    C'est la raison pour laquelle j'ai dit que je pense que le projet de loi C‑9 est conforme à cette approche, puisqu'une approche similaire est adoptée.
    Merci.
    Monsieur Devlin, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Oui, peut-être. Est‑ce qu'on peut m'entendre?
    Une députée: Oui.
    M. Richard Devlin: Merci de poser la question. Je m'excuse pour les problèmes techniques. Je ne sais pas si c'était de ma faute.
    Des députés: Oh, oh!
    M. Richard Devlin: Je suis d'accord avec Mme Conlon lorsqu'elle décrit ce qui se fait en Nouvelle-Écosse.
    Je ne sais pas si l'analogie avec la réglementation des juges est la bonne. Le rôle des barreaux consiste à promouvoir l'intérêt du public dans la pratique du droit. Le simple fait qu'ils ne rendent pas toujours leurs processus transparents n'est pas nécessairement une raison pour le CCM de rendre les siens transparents.
    Une fois de plus, si nous essayons de penser aux grandes valeurs que nous tentons de promouvoir, il y a aussi une importante insatisfaction publique et un manque de confiance du public dans la façon dont les barreaux établissent les règles. Je ne suis donc pas certain qu'on peut y voir beaucoup plus clair en regardant ce que les barreaux font à cet égard.
    Puis‑je prendre une seconde pour répondre à la question précédente? Elle portait sur le contrôle judiciaire.
    Il vous reste 30 secondes. Vous pouvez y aller.
    Merci.
    Je voulais simplement souligner que nous étions tous d'accord avec la Société des plaideurs pour dire que d'ajouter la possibilité d'en appeler devant la Cour d'appel fédérale serait une bonne chose.
     Je préciserais tout de même qu'il y a une nuance. Penchons-nous sur le paragraphe 146(2) du projet de loi, qui traite des honoraires versés:
Il est entendu que les honoraires et les dépenses encourus par l'avocat mandaté par le juge dans le cadre d'un contrôle judiciaire d'une décision rendue au titre de la présente section [...] ne sont pas remboursables.
    Ce passage semble reconnaître qu'un contrôle judiciaire pourrait être exercé. Je pense que le projet de loi essaie d'exclure cette possibilité, mais qu'il reconnaît aussi, implicitement, qu'un contrôle pourrait se tenir pendant le processus. Vu les décisions rendues dans les dernières années par la Cour d'appel fédérale, le projet de loi énonce peut-être que le Conseil canadien de la magistrature ne peut pas exclure le contrôle judiciaire.
    Voilà la nuance. Toutefois, nous soutenons en principe la position prise par la Société des plaideurs. Je vais m'arrêter ici.
    Finalement, nous avons madame Diab.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je suis ravie de vous voir, madame Conlon, et vous aussi, monsieur Devlin.
    Deux des trois témoins viennent de ma province...
    M. Craig Scott: Je signale que je suis né à Windsor, en Nouvelle-Écosse, au même hôpital que Scott Brison et Geoff Regan.
    Mme Lena Metlege Diab: Vous êtes née à Windsor? Ma foi, tous les témoins viennent de ma province. Je suis aux anges ce matin.
    Bienvenue.
     Monsieur Devlin, je suis heureuse de constater que votre audio fonctionne. Vous êtes une véritable célébrité. Plusieurs témoins et membres du Comité dans la salle ont dit que vous leur avez enseigné. Vous êtes arrivé à Dalhousie une année avant que je quitte cette université. C'est un plaisir de vous voir.
    Je voudrais revenir sur une question vraiment simple. Je vais peut-être commencer avec vous, madame Conlon.
     Quel problème le gouvernement essaie‑t‑il de régler en déposant le projet de loi C‑9?
     Si j'ai bien compris, vous appuyez l'essentiel des recommandations, sauf l'aspect concernant la Cour fédérale. Pourriez-vous revenir sur ce que nous essayons de régler? Y aurait‑il autre chose? Je suppose que vous serez limitée dans vos propos, car vous n'y avez jeté qu'un coup d'œil, mais voudriez-vous nous faire part d'autre chose qui nous aiderait dans notre étude?

  (1200)  

    Nous discernons deux objectifs fondamentaux. Le premier consiste à accroître la confiance du public envers le système judiciaire, et le second, à maintenir l'indépendance des juges, notamment le caractère inamovible de leur poste. Il peut y avoir des tensions entre le premier et le second objectif. Or, la Société des plaideurs estime que le projet de loi établit un juste équilibre entre les deux. Parmi les nombreuses autres choses que fait cette mesure, je mentionne la réduction des délais et des coûts, ainsi que des abus de procédure comme ceux survenus dans le passé. Il y a aussi la participation des non-juristes.
    Notre seule préoccupation — qui se rapporte au caractère inamovible du poste des juges et à la confiance du public envers le processus — concerne le processus externe de contrôle judiciaire. Pratiquement parlant, conformément au projet de loi, l'intégralité du processus est menée par le Conseil canadien de la magistrature, sans contrôle judiciaire externe.
    Je comprends l'argument selon lequel le comité d'appel au sein du Conseil canadien de la magistrature est composé de juges siégeant à une cour d'appel. Or, ces juges assument une fonction administrative au titre de la loi, à ne pas confondre avec la fonction judiciaire d'une cour d'appel. Nous proposons que cette fonction judiciaire soit assumée par la Cour d'appel fédérale.
    Comme je l'ai indiqué, les notions de confiance du public et d'inamovibilité sont tributaires de la mise en place d'un contrôle judiciaire externe adéquat. Nous craignons que le projet de loi ne permette pas l'exercice de ce contrôle, car dans la vaste majorité des cas, la Cour suprême du Canada refusera probablement la requête au motif qu'elle ne répond pas au critère de l'intérêt public établi par elle. Ce test n'est pas effectué ou est rarement effectué par voie d'appel.
    Voilà les commentaires que je voulais formuler.
    Merci, madame Conlon.
    Monsieur Scott, vous avez parlé de juger les juges. J'aime bien cette façon de synthétiser les choses. Encore une fois, nous parlons de juges nommés par le gouvernement fédéral.
    Je ne sais pas qui parmi vous se présente en cour dans le cadre de sa pratique. Ma question est la suivante: sur quoi portent les plaintes déposées contre les juges nommés par le fédéral? Sont-elles déposées par des plaignants qui n'aiment pas la décision rendue, ou plutôt pour des raisons sociétales ou autres motifs du même ordre?
    Je me souviens qu'à mes débuts — lorsque j'étais stagiaire en droit, à la fin des années I980 et au début des années 1990 —, la plupart des juges étaient des hommes. J'ai entendu bon nombre de femmes raconter des histoires d'horreur survenues au tribunal.
    Je me demandais si vous aviez des commentaires à ce sujet. Si c'est le cas, j'aimerais bien les entendre. Je ne sais pas à qui adresser ma question.
    Je pourrais dire quelque chose très brièvement, mais Mme Conlon a probablement vécu davantage d'expériences personnelles que moi.
    Il y a des plaintes tous azimuts. Le Conseil canadien de la magistrature reçoit un nombre incroyable de plaintes qui finissent par être écartées. Les plaignants n'aiment pas la décision du juge, qu'ils attribuent en partie à des choses comme ses manières ou son ton. Des mécanismes de filtrage des plaintes doivent être instaurés, car les conseils judiciaires sont souvent saisis de cas qui ne sont pas de leur ressort.
    Par ailleurs, les plaintes peuvent porter sur le comportement individuel des juges, par exemple l'inconduite sexuelle, où la victime est, certes, la plaignante, mais où entre en jeu également la notion d'intérêt public. Il arrive également qu'il y ait de l'interférence sous forme de lobbying, comme cela est arrivé récemment à un juge, je crois, mais cette caractérisation a été rejetée par le comité d'examen. Bon nombre de choses peuvent jeter un doute sur l'intégrité du processus judiciaire.
    Merci, madame Diab, et merci à tous les témoins. Nous avons eu des difficultés techniques, mais je pense que tout monde est d'accord pour dire que les témoignages étaient réfléchis et substantiels.
    Nous allons suspendre les travaux pour deux minutes. Nous avons un autre groupe de témoins à installer. Nous reprendrons aussitôt que possible.
    Merci à tous les témoins.

  (1200)  


  (1210)  

     Nous sommes prêts à reprendre la séance.
    Comme je l'ai mentionné, même si vous le savez probablement déjà, nous allons avoir un vote. Les cloches devraient commencer à sonner à 12 h 38. Nous pourrions nous réunir jusqu'à environ 12 h 45. Nous mettrons fin à la séance à temps pour que les personnes puissent aller voter.
    Nous avons M. Marc Giroux, commissaire au Bureau du commissaire à la magistrature fédérale, et Mme Jacqueline Corado, avocate principale au Conseil canadien de la magistrature.
    Nous allons commencer par vous, commissaire Giroux. Vous avez cinq minutes pour prononcer votre déclaration liminaire.

[Français]

[Traduction]

     Je suis heureux et honoré d'être parmi vous aujourd'hui. Je suis accompagné de Jacqueline Corado, avocate principale au secrétariat du Conseil canadien de la magistrature.
    Permettez-moi de préciser d'entrée de jeu que le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale et l'Association canadienne des juges des cours supérieures sont heureux de voir que ce projet de loi sur la réforme du processus disciplinaire de la magistrature est étudié par le Comité et qu'il suit son cours dans le processus législatif au Parlement. Nous espérons qu'il obtiendra la sanction royale.
    Vous savez probablement déjà que le Conseil et l'Association ont travaillé avec le ministère de la Justice à la concrétisation du projet de loi. À votre avis, le projet de loi C‑9 accroîtra‑t‑il l'efficacité du processus relatif à la conduite des juges et renforcera‑t‑il la confiance du public envers le régime, deux choses dont nous avons grandement besoin?

[Français]

    En ce qui a trait au Commissariat à la magistrature fédérale, il a été créé en vertu de la Loi sur les juges et est indépendant du ministère de la Justice. Son mandat est de sauvegarder l'indépendance de la magistrature.
    Nous administrons entre autres la Loi sur les juges au nom du ministre de la Justice, le processus de nomination à la Cour suprême du Canada ainsi que celui aux cours supérieures partout au pays. Nous publions des informations pertinentes à la magistrature, telles des statistiques relatives aux dépenses des juges et à la diversité sur le banc, et fournissons d'autres services également. Nous procurons des services à environ 1 200 juges de nomination fédérale.
    La Loi sur les juges prévoit également que le Commissariat procure des services généraux au Conseil canadien de la magistrature. De tels services comprennent l'obtention du financement nécessaire auprès du ministère des Finances et du Conseil du Trésor pour les activités du Conseil et ses besoins quant aux enquêtes qu'il doit mener en matière de conduite judiciaire, ainsi que pour les frais juridiques des juges ayant fait l'objet d'une plainte.

[Traduction]

    Conformément à la Loi sur les juges, le commissaire doit également fournir au Conseil le personnel nécessaire à la conduite de ses activités et au fonctionnement de son secrétariat. Le secrétariat comprend une petite équipe d'environ 10 employés habituellement dirigée par un directeur général. Comme ce poste est vacant en ce moment, c'est moi, en tant que commissaire, qui assume ces tâches.
    Le mandat de Mme Corado, avocate principale au secrétariat, porte sur le processus relatif à la conduite des juges. Elle et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
    Monsieur le président, avant que je ne cède la parole à Mme Corado, permettez-moi de formuler quelques observations sur le Conseil canadien de la magistrature.

[Français]

    Le Conseil est présidé par le juge en chef du Canada, et il est composé de tous les juges en chef associés et adjoints au pays, c'est-à-dire ceux des cours d'appel et des cours supérieures de première instance. À l'heure actuelle, il y a 44 postes de juges en chef ou de juges en chef associés et adjoints de nomination fédérale.
    En vertu de l'article 60 de la Loi sur les juges, le Conseil a pour mission générale d'améliorer le fonctionnement des cours supérieures ainsi que la qualité de leurs services judiciaires, et de favoriser l'uniformité dans l'administration de la justice devant ces tribunaux. Comme vous le savez, les fonctions principales du Conseil visent la conduite judiciaire et la formation judiciaire. Cela dit, le Conseil a plusieurs comités qui travaillent à divers sujets.

  (1215)  

[Traduction]

    Au cours des deux dernières années, le Conseil s'est activé sur plusieurs fronts, notamment pour assurer la continuité des services judiciaires durant la pandémie de COVID au moyen entre autres du Comité d'action sur l'administration des tribunaux en réponse à la COVID‑19, coprésidé par le juge en chef du Canada et le ministre de la Justice. Le Conseil a signé avec le gouvernement des protocoles d'entente portant respectivement sur la formation des juges et sur la gouvernance du conseil. Il a [difficultés techniques] des plaideurs non représentés et a intensifié ses communications et ses publications pour accroître la transparence de son travail.
    Un dernier exemple du travail accompli récemment par le Conseil est l'adoption et lapublication sur son site Web d'une série de principes de déontologie nouveaux et révisés à l'intention des juges. Ces principes révisés reposent sur les concepts d'intégrité, d'indépendance, d'égalité, de diligence et d'impartialité. Ils tiennent compte de l'évolution des considérations éthiques et de la nécessité de rester en phase avec les attentes de la société.
    Monsieur le président, je pense que ce serait le bon moment pour Mme Corado d'enchaîner, si vous le voulez bien.
     Merci, commissaire, et merci encore, honorables députés, de nous avoir invités à parler du projet de loi C‑9.
    Le Conseil canadien de la magistrature espère en effet que le projet de loi suive son cours. À quelques occasions, le juge en chef du Canada, comme vous le savez, a exprimé publiquement à titre de président du Conseil la nécessité de mettre en œuvre cette réforme pour accroître l'efficacité du processus relatif à la conduite des juges au profit de tous les Canadiens.
    Comme cela a été mentionné, le Conseil a également travaillé à la réforme proposée en collaboration avec le ministère de la Justice et l'Association canadienne des juges des cours supérieures. Nous espérons que le projet de loi C‑9 soit adopté.
    Comme vous le savez, l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit le caractère inamovible du poste des juges, qui constitue un élément clé de l'indépendance de la magistrature. Les juges des cours supérieures peuvent être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des communes.
    L'indépendance judiciaire veut dire que les juges doivent être libres de rendre leurs décisions sans subir de contraintes directes ou indirectes. Toutefois, ce principe ne soustrait pas la conduite des juges à une forme ou à une autre d'examen. Au contraire, l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit que les juges des cours supérieures « resteront en fonction durant bonne conduite ». Par conséquent, il est essentiel de mettre en place un système approprié d'examen de la conduite des juges pour maintenir la confiance du public envers le processus judiciaire.
    C'est dans cette optique que le Conseil canadien de la magistrature a été mis sur pied.
    Le Conseil est le seul organisme ayant pour mandat de déterminer si le principe de bonne conduite prévu à l'article 99 de la Constitution a été enfreint. Il est également chargé de déterminer quels cas d'inconduite sont assez graves pour entraîner une révocation.

[Français]

     Toutes les plaintes ne justifient certainement pas une recommandation de révocation. En effet, la grande majorité des plaintes reçues par le Conseil ne relèvent pas de sa compétence ou ne sont pas fondées, souvent parce qu'elles ne sont pas liées à la conduite judiciaire, mais plutôt à la décision rendue par le juge, ou parce qu'elles sont frivoles.
    Cela m'amène à vous parler du processus courant et de ce que le projet de loi C‑9 permettra d'améliorer.

[Traduction]

    Pour l'heure, un examen complet de la conduite des juges se compose de cinq étapes effectuées au sein du Conseil. Les tribunaux décrivent les deux premières comme des étapes de filtrage. À la troisième étape, un comité d'examen décide si un comité d'enquête doit être mis sur pied pour les plaintes considérées comme assez graves pour entraîner la révocation du juge.
    Le projet de loi C‑9 procurera au comité d'examen des outils qui lui permettront d'imposer d'autres types de réparations pour inconduite, telles que les excuses, publiques ou non, le counselling ou la formation continue, lorsque les plaintes ne se soldent pas par une révocation.
    La quatrième étape est la présentation de conclusions de fait par le comité d'enquête, qui peut aussi recommander la révocation du juge, auquel cas le processus passe à la cinquième étape, où au moins 17 membres du Conseil examinent le rapport d'enquête et la recommandation de révocation.
    Conformément au projet de loi C‑9, si un comité d'examen renvoie la plainte à un comité d'audience, qui lui, recommande la révocation, le juge concerné pourra en appeler de la décision auprès du Conseil. Le projet de loi C‑9 établit ce mécanisme d'appel pour que le conseil traite les demandes d'appel plus rapidement, à titre de gardien de la conduite des juges doté des attributions appropriées.
    Une des améliorations notables du projet de loi C‑9 est l'efficacité qu'il apporte à l'ensemble du processus. Depuis quelques années, nous constatons à quel point le processus actuel peut causer de longs délais en raison de la multiplication des contrôles judiciaires.
     En gros, nous pensons que le projet de loi C‑9 a pour but d'établir un juste équilibre pour les juges et les plaignants afin de maintenir la confiance du public envers le processus relatif à la conduite des juges. Nous estimons également que le projet de loi vise à assurer le juste équilibre entre les principes de reddition de comptes et d'indépendance de la magistrature.

[Français]

    Le Conseil espère que le projet de loi C‑9 sera adopté sans tarder. Nous sommes persuadés que ces changements auront un impact significatif et positif sur le processus de conduite judiciaire, et ce, pour le bien de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.

[Traduction]

    Merci de nous donner l'occasion d'exprimer les vues du Conseil, et merci de votre excellent travail.

  (1220)  

    Merci à vous deux pour vos témoignages.
    Nous passons maintenant à la période de questions, divisée en deux séries de six minutes chacune. Nous allons commencer avec M. Van Popta.
     Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être présents parmi nous aujourd'hui, dans le cadre de cette étude très importante sur les juges qui jugent les juges.
     Le Comité a entendu des témoignages lors d'études précédentes portant respectivement sur les victimes de crimes et sur l'invocation d'intoxication extrême comme défense. Des témoins nous disent qu'ils ont l'impression que le système de justice n'est pas vraiment juste envers eux.
    Selon le directeur général d'un centre pour femmes victimes de violence, qui est venu témoigner, le fait de rendre permanente la possibilité d'invoquer l'intoxication extrême comme défense enverrait haut et fort le message que les femmes ne sont pas en sécurité au Canada. Justifiée ou non, cette position fait état d'une compréhension ou d'une perception répandue dans la population à l'égard du système de justice.
    Passons maintenant à la fonctionnalité du projet de loi C‑9 et du système judiciaire canadien.
    Il y a le cas du juge de la Cour supérieure du Québec, Michel Girouard, qui conteste la recommandation du Conseil canadien de la magistrature concernant la révocation à son endroit. Le juge a multiplié les appels dans le cadre d'un processus qui traîne depuis des années. Encore une fois, ces situations montrent le système judiciaire sous un mauvais jour.
    Ma question s'adresse à vous, madame Corado.
    Comment le projet de loi C‑9 améliorerait‑il la perception générale à l'égard de l'administration de la justice au Canada?
    Concernant le cas du juge Girouard, la cause est entendue. Le juge a remis sa démission. Sa demande d'appel auprès de la Cour suprême a été rejetée. Il n'en demeure pas moins que ce cas s'est éternisé. Les multiples contrôles judiciaires ont causé des coûts et des délais. Le projet de loi C‑9 propose des correctifs afin que cessent ces contrôles judiciaires qui traînent en longueur.
    Dans le processus actuel — qui a été appliqué dans le cas Girouard —, chaque décision du Conseil est soumise à la Cour fédérale pour qu'elle exerce un contrôle judiciaire, ce qui entraîne de longs délais.
    Le projet de loi C‑9 prévoit un mécanisme d'appel. Il renferme une disposition qui interdit désormais les contrôles judiciaires dont je viens de parler. Le projet de loi assure de cette manière un équilibre de l'équité procédurale qui permet au juge de contester une décision du Conseil. Il permet également au conseil de simplifier... Je pense que le ministre Lametti a bien résumé le tout en disant que le processus progresse en ligne droite au lieu d'emprunter les déviations que sont les multiples contrôles judiciaires qui se soldent par des délais indus.
    Merci.
    Tout à l'heure, un autre témoin, Mme Conlon, de la Société des plaideurs, a salué, d'une part, les améliorations indéniables que comporte le projet de loi C‑9, mais souligne d'autre part que les mesures correctives visant à gagner en efficacité au moyen de mécanismes d'appel internes, voire de l'élimination de la possibilité d'appel, vont trop loin. La Société des plaideurs recommande donc une modification du projet de loi C‑9 par l'ajout de la capacité ou du droit d'en appeler devant la Cour d'appel fédérale, c'est‑à‑dire devant une cour d'appel et non pas devant un tribunal de première instance.
     Qu'en pensez-vous? Devrions-nous apporter cette amélioration?
    La question s'adresse à vous deux.
    Je peux peut-être commencer, si vous le permettez. Je suis heureux de fournir des renseignements supplémentaires.
    Le Conseil canadien de la magistrature se compose de juges en chef et de juges en chef associés ou adjoints. Lorsqu'il est saisi d'un cas, le comité d'audience plénier regroupe deux membres du Conseil. Il réunit aussi un membre de l'Association... ou un membre nommé, ou au moins recommandé par l'Association. Il comprend, enfin, un non-juriste ainsi qu'un avocat nommé par le ministre de la Justice.
    Étant donné la composition du comité, nous estimons que l'instance la mieux placée pour examiner une décision de ce type — soit la décision du Conseil canadien de la magistrature et du comité d'audience — serait la Cour suprême du Canada.

  (1225)  

    J'aimerais m'en tenir à ce sujet.
    On a posé la question à Mme Conlon, à laquelle elle a répondu que leur proposition n'exclut pas de permettre d'interjeter appel d'une décision de la Cour d'appel fédérale devant la Cour suprême du Canada. Or, pour ce faire, il faut présenter une demande d'application, et la Cour suprême refuse la plupart de ces demandes. Pour cette raison, elle juge qu'il serait légitime de permettre de faire appel d'une décision devant la Cour fédérale.
    Qu'en pensez-vous?
    Je ne pense pas avoir de commentaires à ajouter, sinon que je respecte l'opinion de la Société des plaideurs qui a formulé cette recommandation au Comité. Toutefois, nous maintenons encore que la Cour suprême du Canada constitue la cour appropriée pour examiner la décision d'un comité d'audience plénier et du Conseil.
    J'ajouterais aussi que la proposition créerait une autre étape, ce que le projet de loi C‑9 tente d'éliminer. Il vise effectivement à éradiquer les retards attribuables à la réouverture des litiges qui remettent de l'avant les commentaires ou les procédures du juge.
    Je le répète: je respecte la proposition, mais elle créerait une nouvelle étape, ce qui irait à l'encontre de l'esprit du projet de loi C‑9.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Madame Diab, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, et merci à vous deux de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez affirmé qu'il y a 44 postes; il est donc question de juges de nomination fédérale. J'aimerais revenir à la question que j'ai posée plus tôt. Quels types de plaintes sont déposées à l'heure actuelle? Je m'intéresse aux plaignants: j'aimerais connaître la nature de leurs plaintes et j'aimerais savoir dans quelle mesure les coûts représentent un obstacle pour eux. Un des éléments à examiner repose sur le fait qu'on tente de simplifier le processus et de réduire les délais pour gagner en efficacité tout en préservant l'impartialité et l'indépendance des juges, qui revêtent énormément d'importance.
    D'autre part, si on se fie aux dernières décennies, quels types de plaintes ont été déposées?
    Encore une fois, madame Diab, si vous me le permettez, je commencerai la réponse, puis je demanderai à Mme Corado de renchérir au besoin.
    Les plaintes se sont multipliées dans les dernières années, ce qui n'est pas étonnant puisque la population connaît maintenant mieux ses droits et a accès à toutes sortes d'informations. De plus, le nombre de juges a augmenté. L'an dernier, plus de 600 plaintes ont été déposées; le directeur général a exclu ou rejeté la majorité d'entre elles parce que, bien souvent, les plaintes portent sur des enjeux qui devraient faire l'objet d'appels et qui ne sont pas liés à la conduite du juge. De nombreux cas se retrouvent dans cette catégorie et une grande proportion de ces cas — ou plaintes, devrais‑je dire — relèvent du droit de la famille, un domaine où les passions se déchaînent. Il va de soi que les décisions sur l'accès aux enfants sont des plus délicates, et des parents peuvent se montrer très mécontents d'une décision qui ne leur plaît pas.
    Certaines plaintes sont tout simplement frivoles ou inadmissibles; certaines sont anonymes. Les plaintes qui se retrouvent devant un membre du Comité sur la conduite des juges, puis devant un comité pour finalement être examinées par ce qui constitue actuellement un comité d'enquête représentent évidemment des cas très préoccupants pour le Conseil. Le Conseil se targue de veiller à ce que la magistrature partout au Canada soit digne de respect — à ce que la confiance du public envers la magistrature soit maintenue —, alors il prend très au sérieux toute plainte qui pourrait miner cette confiance.
    Ces plaintes sont rarissimes, mais il ne fait aucun doute qu'elles font davantage les manchettes que les autres, ce qui se comprend tout à fait. Ce que j'essaie de dire, c'est que ces plaintes représentent des cas isolés. Comme je le disais, la plupart des plaintes que nous recevons sont habituellement écartées à une des étapes initiales, et ce sont les rares plaintes fondées qui font couler beaucoup d'encre.

  (1230)  

    Je vous remercie de vos commentaires. Je sais que vous vous trouviez tous deux dans la salle pendant la comparution du premier groupe de témoins. Je vous suis reconnaissante de vos commentaires sur la Société des plaideurs et sur sa recommandation.
    Dans le temps qu'il me reste, pouvez-vous brièvement me dire... Vous avez aussi entendu le témoignage de M. Scott et ses recommandations, ainsi que les recommandations de M. Devlin de l'Association canadienne pour l'éthique juridique. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de leurs recommandations?
    Aimeriez-vous entendre notre avis sur une recommandation en particulier?
    Nous n'avons même pas pu entendre certaines recommandations à cause du temps limité, des problèmes de son et d'autres facteurs. Je crois que vous en avez entendu quelques-unes. M. Devlin a affirmé qu'on doit à tout prix protéger bien d'autres valeurs qui, selon lui, ne figurent pas dans le projet de loi. De façon générale, il est satisfait du projet de loi, mais certains éléments qui en sont absents le préoccupent.
    Par rapport aux valeurs, les principes de déontologie ont très récemment fait l'objet d'un examen pour les adapter aux changements d'époques et au contexte législatif. Toutes ces valeurs se retrouvent dans nos principes de déontologie. Le projet de loi C‑9 porte davantage sur les recours et les outils qui s'imposent dans les affaires méritant l'attention du Conseil.
    Je reviens à mes commentaires initiaux sur l'inamovibilité qui est garantie par la Constitution. Étant donné la grande protection et la grande importance accordées à ce principe dans notre société pour la démocratie de notre pays, les raisons invoquées pour la révocation d'un juge doivent être très graves.
    Il faut maintenant simplifier le processus, et c'est l'intention du projet de loi C‑9. En ce qui a trait aux autres commentaires...
    Qu'en est‑il de l'observation voulant que trop peu d'attention soit accordée aux droits des plaignants?
    Merci.
    Je suis ravie que vous posiez la question parce que nos procédures prévoient actuellement d'informer le plaignant lorsqu'une décision est rendue au sujet de la plainte. Nous devons nous rappeler que le processus est des plus uniques. Je pense que le déroulement du processus porte à confusion.
    La plainte ne prend pas la forme d'une demande introductive déposée en cour par une des parties de l'instance. Il s'agit plutôt d'une instance disciplinaire. Une organisation a le mandat de se pencher sur ces instances: le Conseil. Le Conseil possède l'expertise et la compétence pour déterminer ce qui constitue une violation de l'article 99 de la Constitution.
    Un plaignant qui dépose une plainte n'est pas une des parties de l'instance. Le Conseil prend le relais. Le mandat du Conseil vise à trouver la vérité, ce pour quoi il mène des enquêtes. La jurisprudence regorge d'informations sur les droits des plaignants et sur le devoir d'équité procédurale à leur endroit.
    Pour vous donner quelques exemples, je mentionnerai l'affaire Slansky, de la Cour d'appel fédérale, qui protège la transparence et les droits du plaignant puisqu'il n'a pas qualité pour comparaître. En effet, le paragraphe 63(2) de la Loi sur les juges n'accorde pas qualité pour comparaître aux plaignants. Mentionnons aussi l'affaire Cosgrove, de la Cour d'appel fédérale, qui aborde la visibilité publique et la confidentialité des plaignants. La liste est longue. Malheureusement, personne n'a fait référence à la jurisprudence ce matin, mais de nombreuses causes se sont intéressées aux droits des plaignants.
    Les droits des plaignants sont garantis. L'équité procédurale est protégée, et leurs droits sont minimes puisque ces instances ne sont pas de nature antagoniste.
    Nous passons maintenant à M. Fortin pendant six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être avec nous aujourd'hui. C'est effectivement un important projet de loi, et l'opinion du Conseil canadien de la magistrature sur celui-ci est évidemment primordiale. Je suis donc bien heureux de vous voir ici.
    Comme cela a été abordé rapidement tantôt, il y a eu l'affaire du juge Girouard, qu'on ne peut pas éviter. On aimerait bien ne pas avoir à en parler, mais elle a retenu l'attention des médias et de tout l'appareil judiciaire au cours des dernières années.
    Loin de moi l'idée de contester le droit des juges à en appeler d'une décision ou à contester une décision du Conseil canadien de la magistrature, et c'est probablement la même chose pour tout le monde, mais ce processus doit être balisé, et je pense que c'est ce que le projet de loi C‑9 cherche à faire. Par contre, il y a une balise que je n'y retrouve pas concernant un sujet qui revient couramment dans l'opinion publique, soit les coûts.
    Encore une fois, je ne veux pas parler trop précisément du cas du juge dont il a été question, mais les abus de procédure font en sorte d'allonger les délais, ce qui coûte cher en salaires, entre autres, en plus d'entraîner des frais judiciaires importants. Il y a une question qui revient souvent: s'il était coupable et que la décision était bien fondée, pourquoi ne rembourserait-il pas les honoraires de ses avocats, à tout le moins, pour le processus judiciaire? Peut-être que c'est possible, peut-être que non. Pourrait-il être condamné à rembourser les honoraires, ou une partie de ceux-ci, en raison de procédures jugées inutiles ou frivoles par le tribunal? Je ne le sais pas.
    Avez-vous examiné cette possibilité, de votre côté?
    J'aimerais entendre M. Giroux et ensuite Mme Corado.

  (1235)  

     Vous avez soulevé une question particulière qui, à mon avis, démontre bien pourquoi le projet de loi C‑9 est devenu nécessaire. La multiplicité des demandes de contrôle judiciaire a fait en sorte que le traitement de ce dossier s'est étalé sur presque sept ans, ce qui a généré des frais judiciaires élevés. Il y a aussi eu des frais associés au fait que le Conseil devait répondre à ces demandes de contrôle judiciaire.
    Dans le projet de loi, je note quand même certaines balises faisant en sorte, par exemple, que la période pouvant être considérée pour le calcul de la pension prend fin lorsqu'une recommandation du Conseil canadien de la magistrature est faite au ministre de la Justice pour la révocation du juge. C'est un élément.
    Évidemment, il n'y a pas de contrôle judiciaire prévu en vertu du projet de loi C‑9. Il est néanmoins précisé, dans le cas où il y aurait une demande de contrôle judiciaire, que les frais juridiques du juge ne seraient pas payés. Au Commissariat à la magistrature fédérale, nous avons une enveloppe prévue pour payer les frais juridiques des juges. Cette enveloppe n'est utilisée qu'à cette fin. Nous devons demander chaque année au gouvernement de nous accorder, si nécessaire, ce financement.
    Le projet de loi C‑9 a tenu compte de cela pour que nous n'ayons pas à répéter chaque fois cet exercice. Nous sommes liés par les tarifs que le ministère de la Justice impose pour la rétention des services d'avocats. Je constate aussi que le projet de loi C‑9 fait mention du commissaire à la magistrature fédérale, des frais juridiques et du fait que nous devrons essentiellement considérer ce que le gouvernement prévoit pour les frais juridiques. Si nous devons déroger à cela, nous devrons indiquer pourquoi nous le faisons.
     Lorsqu'une cause impliquant des sanctions contre un juge est entendue par un autre juge, celui-ci ne pourrait-il pas recourir à une condamnation particulière relativement aux frais, un peu comme on le fait dans d'autres procédures, en droit civil, lorsque les procédures sont jugées frivoles ou dilatoires?
    Si je comprends bien votre question, il s'agit de faire en sorte que le juge faisant l'objet de sanctions n'ait pas accès aux frais juridiques dans un tel cas.
    Il pourrait même être condamné à rembourser certains frais à l'État.
    Je sais qu'il y a eu une discussion sur ce qui se fait, notamment dans les provinces. Je sais également que le ministère de la Justice a fait référence à la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Bourbonnais c. Canada, selon laquelle, essentiellement, un juge devrait avoir droit aux paiements de ses frais judiciaires lorsqu'il ou elle fait l'objet d'une plainte. Encore là, j'ajouterais que cela est assujetti au tarif que l'on se doit de respecter.
    Merci.
    M. Scott, qui était ici avant vous, nous a parlé d'une décision rendue assez récemment en Ontario, je crois, et en vertu de laquelle une sanction économique avait été imposée à un juge. Je crois, sans en être certain, qu'il s'agissait de deux mois de salaire ou de deux mois dans le calcul des rentes. La raison de cette sanction était qu'il avait sur son bureau une casquette portant l'inscription « Make America Great Again » lors d'une audition.
    Êtes-vous au courant de cette décision? Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas vraiment au courant de cette décision. J'en ai entendu parler, mais uniquement de façon anecdotique.
    Essentiellement, il y a trois composantes judiciaires principales: l'indépendance administrative, l'indépendance concernant la sécurité de l'emploi — je sais que le terme n'est pas exact, ici, car on parle aussi de nominations — et l'indépendance financière.
    Bien que je n'aie pas fait une analyse très étoffée, il me semble que retenir le salaire d'un juge irait à l'encontre de l'un des principes fondamentaux de l'indépendance judiciaire.

  (1240)  

    Merci, monsieur Giroux.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Vous aurez remarqué, chers collègues, que la sonnerie d'appel se fait entendre. Il nous reste cependant un peu de temps avant le vote. Si la proposition convient à tous, nous allons entendre M. Garrison pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'oppose toujours à la poursuite des travaux quand la sonnerie se fait entendre, alors je crois que nous devrions appliquer la règle habituelle même si, aujourd'hui, c'est moi qui suis désavantagé.
    Je préférerais que nous levions la séance.
     Eh bien, il nous faut le consentement unanime pour poursuivre la réunion, alors s'il fait défaut...
    Je m'oppose à ce qu'on me donne la parole.
     Je vous remercie d'avoir fait ce commentaire avant votre question, et pas après.
    Des voix: Ha, ha!
    Le vice-président (L'hon. Rob Moore): Je remercie les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Vos témoignages étaient fort utiles.
    Nous allons lever la séance pour aller voter. Merci.
    La séance est levée.
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