Monsieur le Président, je ne saurais vous dire à quel point ce jour est un jour triste. Jamais je n'aurais cru devoir me lever à la Chambre pour dénoncer une attaque sauvage, meurtrière, commise par le Hamas le 7 octobre dernier contre des civils innocents israéliens. Jamais je n'aurais cru devoir me lever à la Chambre pour dénoncer des bombardements inhumains contre des populations sans défense. Pourtant, c'est ce que nous devons faire aujourd'hui.
D'emblée, j'indique que le Bloc québécois votera en faveur de cette motion, pour une raison bien simple: la plupart des éléments contenus dans cette motion proposée par le NPD ont déjà fait l'objet de prises de position antérieures du Bloc québécois. Nous devons donc être conséquents et voter en faveur de la motion.
Puisque c'est à l'origine de toute cette histoire, j'aimerais revenir sur l'attaque sauvage, barbare, qu'a commise le Hamas en Israël contre des civils innocents le 7 octobre dernier. Le chef du Bloc québécois a déclaré ceci au terme de cette attaque: « Il faut […] dénoncer sans équivoque la provocation violente et terroriste du Hamas qui, outre les otages et victimes d'Israël, expose les civils palestiniens de toutes les régions à de terribles représailles. » Cette prédiction du chef du Bloc québécois s'est avérée tragiquement exacte. Jusqu'à présent, on parle de plus de 30 000 victimes dans la bande de Gaza, dont plus de 50 % seraient des femmes et des enfants. On parle de plus de 70 000 blessés, avec des services sanitaires et hospitaliers complètement exsangues et désorganisés.
On parle d'un déplacement de population considérable: 1,5 million de Gazaouis, sur une population de 2,2 millions de personnes, ont été déplacés. Ces gens sont présentement entassés. La densité de population à Gaza en faisait déjà l'un des endroits les plus densément peuplés au monde. Maintenant, les gens sont littéralement entassés dans la région de Rafah, où Israël menace d'intervenir au sol. Ce serait un véritable massacre, si ce qui a cours présentement ne peut déjà être qualifié de massacre.
Certains me diront que les chiffres proviennent du ministère de la Santé du Hamas et qu'ils doivent donc être pris avec des pincettes. Or on assiste de plus en plus à des corroborations de la part de l'ONU quant au nombre de morts qui surviennent et au niveau de destruction sur le territoire de Gaza. Maintenant, la famine menace la population de Gaza. La situation humanitaire est épouvantable, si bien qu'on craint l'éclosion de maladies, d'épidémies sur le territoire de Gaza. L'OMS estime que la situation sanitaire à Gaza est inhumaine avec seulement sept centres de soins médicaux sur 23 qui sont présentement toujours partiellement opérationnels. C'est totalement inadmissible. Aujourd'hui, on nous annonçait le bombardement par Israël du plus grand établissement hospitalier de Gaza.
Les allégations de crimes de guerre contre Israël, dirigé par le gouvernement d'extrême droite de Benjamin Nétanyahou, se multiplient. L'Afrique du Sud a d'ailleurs demandé à la Cour internationale de justice de se pencher sur la situation, arguant qu'un génocide est en cours à Gaza. Bien que la Cour n'ait pas encore tranché, elle a toutefois exigé de la part d'Israël une série de mesures pour éviter un génocide, comme punir les membres du gouvernement qui prônent le génocide ou les crimes de guerre. Or, Israël a plutôt dénoncé l'intervention de la Cour internationale de justice, ce qui indique qu'il n'a absolument pas l'intention de se conformer.
Le gouvernement israélien tente également d'entraver l'aide humanitaire en menant une offensive diplomatique contre l'UNRWA, l'agence des Nations unies responsable de la majorité de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Il est probable, puisque l'UNRWA embauche des employés à l'échelle locale, qu'il y ait quelques-uns de ses employés qui éprouvent une certaine sympathie à l'égard du Hamas. Il est fort probable que ce soit le cas, mais est-ce que cela peut justifier, comme l'a fait le chef de l’opposition, de qualifier l'UNRWA d'organisation terroriste?
Si c'était le cas, il faudrait s'interroger sur les implications du fait que des Proud Boys se soient retrouvés à l'intérieur des Forces armées canadiennes. Doit-on conséquemment considérer les Forces armées canadiennes comme une organisation terroriste? À l'évidence, une telle affirmation est parfaitement ridicule. Pour les mêmes raisons, je crois pouvoir dire que l'affirmation du chef de l'opposition selon laquelle l'UNRWA serait une organisation terroriste est parfaitement ridicule.
Je disais, il y a quelques instants, en réaction à l'intervention de notre collègue conservatrice, qu'Israël a refusé tout plan qui mènerait à la création d'un État palestinien et a présenté un plan où l'armée israélienne occuperait la bande de Gaza et où la gestion administrative de la bande de Gaza serait confiée à des fonctionnaires choisis par Israël. On assiste par la même occasion à une accélération de la colonisation de la Cisjordanie avec, par exemple, l'autorisation de 3 500 logements additionnels, tandis que des colons appuyés logistiquement par le gouvernement israélien multiplient les attaques contre les Palestiniens. Des négociations ont présentement lieu pour la libération des otages restants en échange d'une trêve de six semaines, mais Israël refuse catégoriquement l'établissement d'un cessez-le-feu à long terme, tandis que, de son côté, le Hamas refuse de libérer les otages tant qu'il restera des troupes israéliennes à Gaza. On fait donc face à une impasse.
Puisque, manifestement, les partis sur les terrains ne peuvent s'entendre, il doit y avoir une intervention de la communauté internationale. C'est ce à quoi appelle la motion qui est présentée aujourd'hui par le Nouveau parti démocratique. Reprenons d'ailleurs les éléments de cette motion. On demande d'abord « un cessez-le-feu immédiat et la libération de tous les otages ». Le 15 mars, Radio-Canada rapportait que Benyamin Nétanyahou a approuvé l'offensive à Rafah. Une offensive contre Rafah mènerait à une catastrophe humanitaire encore plus importante que celle qui a déjà cours, ce dont Israël est tout à fait conscient. Le ministre Benny Gantz a d'ailleurs déclaré ceci: « À ceux qui disent que le prix est trop élevé, je dis clairement: le Hamas a le choix. Ils peuvent se rendre, libérer les otages et les civils de Gaza et pourront ainsi célébrer la fête du ramadan. » En d'autres termes, il dit que le Hamas doit se rendre, sinon c'est le massacre.
Autrement dit, Israël rejette catégoriquement toute perspective de cessez-le-feu avant d'avoir détruit le Hamas et pris le contrôle de l'entièreté de la bande de Gaza. Même la perspective d'un cessez-le-feu en échange des otages est refusée par Israël. Comme si ce n'était pas suffisant, le Hamas de son côté a également refusé la libération des otages tant qu'il restera, comme je le disais, des troupes israéliennes à Gaza.
Le Bloc québécois avait déjà demandé un cessez-le-feu le 6 novembre 2023, qui serait assorti de la présence d'une force internationale pour assurer que les parties au conflit seraient prêtes à bouger. La question de la libération des otages fait consensus à la Chambre des communes. Nous sommes tous et toutes d'accord sur le fait que les otages doivent être libérés. Il faut cependant être réaliste: un cessez-le-feu est présentement très improbable. Il faut donc que la communauté internationale intervienne.
Un autre élément de la motion, c'est qu'on demande « de suspendre tout commerce de biens et de technologies militaires avec Israël et de redoubler d'efforts pour mettre fin au commerce illégal d'armes, notamment d'armes destinées au Hamas ».
Le Bloc québécois a appuyé la suspension de la vente d'armes vers Israël puisque l'attaque israélienne est disproportionnée et vise le maximum de destruction dans la bande de Gaza. Le gouvernement fédéral a toutefois confirmé avoir suspendu toutes les exportations militaires depuis le 8 janvier dernier. Cette demande du NPD est donc déjà partiellement réalisée depuis plus de 2 mois, selon Affaires mondiales Canada.
Le Canada seul n'a aucun poids. Ses exportations militaires sont peu importantes, ce qui limite fortement l'impact d'une telle mesure. Il faut toutefois noter qu'il y a une augmentation des exportations militaires, surtout en ce qui concerne les technologies, depuis le 7 octobre.
Pendant les deux premiers mois du conflit, le Canada a exporté pour 28,5 millions de dollars d'armes vers Israël. C'est plus que l'année record de la vente d'armes du Canada à Israël, qui était de l'ordre de 26 millions de dollars en 2021. C'était 26 millions de dollars en un an, alors qu'en l'espace de deux mois, on a vendu pour 28,5 millions de dollars de matériel militaire à Israël. On nous affirme que, pour le moment, on ne vend que des armes non létales à Israël, comme des lunettes de vision nocturne ou des drones civils. Cependant, si ces armes non létales visent à identifier des cibles à abattre, quel est le caractère non létal de ces armes?
Conformément à sa Loi sur les licences d'exportation et d'importation, le Canada ne peut pas délivrer des licences d'exportation militaire lorsqu'il y a un risque sérieux que ces armes soient utilisées pour commettre une violation grave du droit international.
Le Bloc québécois demande depuis des années à ce que l'accord de libre-échange avec Israël précise qu'il ne s'applique pas aux produits provenant des colonies juives illégales de Cisjordanie et, possiblement, de la bande de Gaza, advenant une annexion et une colonisation. Cette mesure serait plus forte pour signifier à Israël notre désapprobation pour sa conduite de la guerre. D'autres pays pourraient être tentés d'imiter le Canada en cessant de financer les colonies par le biais d'ententes commerciales.
Un autre élément de la motion d'aujourd'hui est « de rétablir immédiatement le financement de l'Office de secours et de travaux de Nations Unies (UNRWA) et d'assurer la pérennité de ce financement, et de soutenir l'enquête indépendante ». L'UNRWA affirme avoir atteint son point de rupture à Gaza après le gel de son financement par les principaux contributeurs. Israël n'a d'ailleurs jamais fourni la moindre preuve selon laquelle des membres de l'UNRWA auraient contribué au massacre du 7 octobre dernier.
Le Canada et plusieurs pays, incluant les États‑Unis, ont suspendu le financement de l'UNRWA, qui prévoyait devoir cesser ses activités d'ici la fin du mois de février, mais le Canada et la Suède, entre autres, ont annoncé le rétablissement du financement le 8 mars. L'Australie a fait de même le 15 mars. Dans les faits, le Canada avait déjà payé pour le premier trimestre de 2024. Autrement dit, le Canada n'a jamais réellement cessé de financer l'UNRWA. Si cela se trouve, le seul effet de l'annonce du Canada a été de ne pas répondre aux demandes de financement urgent de l'UNRWA.
Un autre élément de la motion est « d'appuyer la poursuite en justice de tous les auteurs des crimes et des violations du droit international commis dans la région, et de soutenir les travaux de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale ». La Cour internationale de justice enquête présentement pour savoir s'il y a un génocide à Gaza.
S'il est trop tôt pour affirmer que tel est bien le cas, plusieurs membres influents du gouvernement Nétanyahou appuient littéralement un plan génocidaire. L'Afrique du Sud a d'ailleurs repris plusieurs des citations de ministres du gouvernement Nétanyahou, déposées en preuve, sur l'intention génocidaire du gouvernement israélien. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à l'article II, détaille les éléments qui pourraient constituer un génocide. On parle notamment de « destruction physique », ce qui comprend l'expulsion d'un groupe d'un territoire donné.
Or, c'est exactement ce à quoi on assiste présentement. Le ministre des Finances d'Israël parlait d'expulser volontairement la presque totalité de la population de la bande de Gaza, et je cite: s'il y a 100 000 ou 200 000 Arabes à Gaza, et non 2 millions d'Arabes, toute la discussion du jour d'après sera totalement différente. En d'autres termes, le gouvernement israélien souhaiterait une population gazaouie extrêmement réduite pour pouvoir mieux gérer la situation. Deux millions, c'est trop pour Israël. On incite donc les Palestiniens à partir.
Il ne faut pas se surprendre que les pays limitrophes soient très réticents à accueillir les Gazaouis, d’une part parce qu’ils souhaitent éviter que d’éventuels terroristes se retrouvent sur leur territoire, mais ils savent pertinemment, parce qu’on le voit depuis 1948, que lorsque les Palestiniens quittent leur maison, ils ne peuvent jamais y revenir. Les pays limitrophes sont donc très conscients de cela. Il y a 12 ministres du gouvernement Nétanyahou qui ont aussi participé à un rassemblement en faveur de la colonisation de la bande de Gaza. Il faut noter que ces expulsions volontaires s’effectuent en rendant la vie des Gazaouis totalement impossible et en rendant leurs conditions de vie absolument misérables, tant par des destructions physiques que par l’entrave à l’aide humanitaire. Rendre les conditions de vie impropres à la vie constitue un génocide selon la Convention sur le génocide, qui fait de la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » l’un des critères pour déterminer s’il y a génocide.
Plusieurs images ont prouvé qu’il y a eu des bombardements d’artillerie à l’aveugle sur la bande de Gaza contre des zones bâties, ce qui constitue un crime de guerre. Les organisations qui aident les Gazaouis, comme Médecins sans frontières, ont aussi été visées par Israël. C’est trop tôt pour affirmer qu’il y a bien un génocide de la part du gouvernement israélien. Il demeure que plusieurs ministres ont clairement affirmé que c’était leur intention. Il faut donc au minimum que le Canada appuie les travaux de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale pour tenter d’élucider la question.
La motion du NPD laisse aussi entendre que le Hamas, qui a commis un massacre le 7 octobre, en plus des viols, enlèvements et prises d’otages, doit aussi être jugé pour ses crimes. Si l’attaque du 7 octobre est maintenant loin dans la mémoire populaire, il ne faut pas oublier les atrocités commises par le Hamas. Le Bloc québécois appuie entièrement l’idée qu’il faut tenir pour responsables tous les dirigeants du Hamas.
Un autre élément de la motion est « d’exiger un accès humanitaire sans entrave à Gaza ». Le ministre du Développement international canadien juge que l’aide humanitaire à Gaza « n’arrive plus qu’au compte-gouttes », qu’il manque des points de passage frontaliers et qu'un cessez-le-feu devrait permettre la livraison et la distribution de l’aide.
Le programme alimentaire mondial a suspendu mardi sa distribution d’aide dans le nord de Gaza. Comme les convois doivent essentiellement passer par Rafah, ils doivent traverser tout le territoire de Gaza, qui est complètement détruit et où des combats font rage, pour acheminer l’aide humanitaire. Israël a d’ailleurs créé des zones sécuritaires dans le sud du pays, mais empêche de facto toute aide humanitaire d’arriver dans le nord du pays.
Dès le début du conflit, Israël a demandé à tous de partir vers le sud, tandis que de nombreuses résidences ont été détruites au bulldozer pour créer une zone tampon. Maintenant, on s’apprête à attaquer cette zone dans laquelle est massée la population gazaouie.
Un autre élément de la motion est de « veiller à ce que les Canadiens coincés à Gaza puissent rentrer en sécurité au Canada et de lever le plafond arbitraire de 1 000 demandes de visa de résident temporaire ». On comprend ici le souci humanitaire qui sous-tend cette demande, mais il faut nuancer parce que, comme je l’évoquais il y a quelques instants, tous craignent exactement la même chose, c’est-à-dire que les Palestiniens qui partent ne puissent revenir. Il faut donc prioriser le rapatriement de ressortissants canadiens et la réunification des familles.
La motion demande aussi « d'interdire aux colons extrémistes d’entrer au Canada, d’imposer des sanctions aux responsables israéliens qui incitent au génocide et de maintenir les sanctions contre les dirigeants du Hamas. » Je pense que tout cela se passe d'explications.
Dans le dernier élément, la motion demande « de plaider pour la fin de l’occupation des territoires palestiniens, qui dure depuis des décennies, et d’œuvrer en faveur d’une solution à deux États [et] de reconnaître officiellement l’État de Palestine et de maintenir la reconnaissance par le Canada du droit d’Israël à exister et à vivre en paix avec ses voisins. »
Le Bloc québécois a toujours été favorable à une solution à deux États. Le gouvernement Nétanyahou refuse catégoriquement cette perspective, estimant — on l’a vu, cela a été repris par nos collègues conservateurs — qu’il s’agirait d’une récompense pour le Hamas, alors que plusieurs de ses ministres rêvent d’expulser les Palestiniens.
Le Royaume‑Uni, l’Espagne et la Belgique envisagent la reconnaissance de l’État de Palestine. Le gouvernement israélien, pour sa part, cherche plutôt à subdiviser la bande de Gaza en secteurs d’occupation, tandis que certains de ses ministres souhaitent ouvertement coloniser Gaza à la suite du départ volontaire des Palestiniens. Or, en maintenant le blocus de Gaza et la fin de l’aide humanitaire par l'entremise de l’UNRWA, il semble probable que le gouvernement cherchera à rendre les régions comme le nord de Gaza invivables pour les Palestiniens afin de les forcer à partir.
Outre ces pays qui envisagent de reconnaître l'État palestinien, 78 autres, dès 1988, ont reconnu la Palestine. En 2023, 139 pays reconnaissaient la Palestine, dont neuf États membres du G20.
Il faut alors également aller de l'avant avec cette motion pour permettre un déblocage de la situation sur le terrain.