Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Scarborough—Agincourt d’avoir partagé son temps de parole avec moi. C’est représentatif des fonctions que nous avons partagées au cours de l’année écoulée tandis que je l'assistais dans ses fonctions de leader parlementaire adjoint.
Malgré le fait que mon rêve de voir remplacer les horloges ici par des montres numériques ne se soit pas concrétisé, il y a un certain nombre de questions plus graves se rapportant au Règlement qui doivent être réglées. Bien que l’opposition accuse souvent les députés libéraux de vouloir changer le Règlement pour avantager le gouvernement, j’affirme que c’est tout à fait le contraire.
Beaucoup d’entre nous, de ce côté-ci de la Chambre, étaient ici quand le Parti libéral faisait partie de l’opposition. Quelques-uns ont survécu à l'époque où le Parti libéral a été relégué au rôle de tiers parti. Pour ma part, j'ai commencé mon parcours comme employé au bureau de circonscription de Frank Valeriote, l’ancien député de Guelph, au début de la 40e législature. J’ai fini par travailler ici pour le député d’Ottawa-Sud; c'est à cette époque qu'il a fallu tenir des élections parce que le gouvernement avait été reconnu coupable d’outrage au Parlement, au début de 2011. Par la suite, pendant une courte période, j’ai travaillé à la fois pour ces deux députés et pour les députés actuels d'Halifax-Ouest, que je suis très fier d’appeler monsieur le Président aujourd’hui, et de Coast of Bays—Central—Notre Dame, tous en même temps.
En travaillant avec quatre excellents députés, aux personnalités et centres d’intérêt différents, j’ai acquis une vaste expérience et élargi mes horizons, ce qui est essentiel quand on apprend les rouages de ce travail. Cela m’a aussi permis de voir de près les abus de pouvoir, au quotidien, du gouvernement précédent. C’est de cette perspective, celle du troisième parti, que cette motion a été rédigée. Pour que ce soit bien clair, j’aimerais parcourir la motion no 18 point par point.
La plupart d’entre nous se rappellent que, en 2008, les libéraux, le NPD et le Bloc se sont réunis afin de faire tomber le gouvernement Harper fraîchement réélu. Quoi qu’on pense des détails de cette entente, une majorité de députés comptaient ne pas accorder leur confiance à un gouvernement minoritaire au pouvoir. Pour éviter cela, M. Harper s’est rendu chez la gouverneure générale de l’époque, Michaëlle Jean, pour lui demander de proroger le Parlement, ce qu’elle lui a accordé après quelques heures de réflexion.
Il y a souvent prorogation du Parlement entre des dissolutions. Sur les sept dernières législatures, seule une n’a pas connu au moins une prorogation, et il s’agit de la 38e législature. Paul Martin dirigeait un gouvernement minoritaire. Proroger est en soi tout à fait légitime. Dans le cas de 2008, cependant, on y a recouru pour éviter un vote de défiance. Nous savons tous ce qui est arrivé ensuite; le premier ministre a remporté une victoire tactique.
Le premier point de la motion no 18 n’empêcherait pas un premier ministre de proroger, mais l’exécutif devrait expliquer pourquoi il juge la mesure nécessaire et le comité de la procédure et des affaires de la Chambre devrait revoir la question. Cela n’éviterait pas des abus, mais la barre serait placée plus haut pour qui veut recourir à la prorogation.
Je trouve un peu étonnant, personnellement, que personne n’ait essayé de déposer un projet de loi massif d’initiative parlementaire qui repense le rôle du gouvernement de bout en bout. Nous aurions deux heures de débat très intéressant et si cela n’arrive pas à l’heure actuelle, c’est seulement par convention, pas parce que le Règlement l’empêche.
Pendant la dernière législature, le gouvernement a présenté des projets de loi omnibus très éparpillés. La norme, en l’espèce, n’est pas le nombre de lois qu’un projet de loi modifie, mais si ces changements divers et variés servent tous l’objectif général du projet de loi. Ainsi, le projet de loi C-49, adopté hier à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre, a été qualifié par beaucoup dans l’opposition de projet de loi omnibus parce qu’il vise à modifier 13 lois en vigueur. Or, c’est fallacieux, car tous les changements relèvent légitimement et clairement du concept du nom de la loi, la Loi sur la modernisation des transports, et certains des changements apportés à ces 13 lois existantes sont à la fois pertinents et minuscules.
Par exemple, l’article 91 du projet de loi C-49 modifie la Loi d’exécution du budget de 2009. Cette modification est ainsi libellée, dans son intégralité: « Les parties 14 et 15 de la Loi d’exécution du budget de 2009 sont abrogées. » Une vérification rapide révélera que la partie 14 modifie la Loi sur les transports au Canada et la partie 15, la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, deux lois que le ministre des Transports est tout à fait habilité, de par son mandat, à moderniser. Les deux séries de modifications qui découlent de la Loi d’exécution du budget de 2009, qui s’appelait projet de loi C-10 à la deuxième session de la 40e législature, s’accompagnaient d’une disposition d’entrée en vigueur ainsi libellée, en partie: « entrent en vigueur à la date fixée par décret pris sur la recommandation du ministre. » Le plus remarquable à propos de cette loi vieille de huit ans, c’est qu’aucun décret n’a jamais été pris pour que ces modifications entrent en vigueur.
Se débarrasser d’aspects des lois relatives au transport qui sont dépassés et qui n’ont jamais servi fait assurément partie de la modernisation des transports.
En 2012, le gouvernement conservateur a présenté un vaste projet de loi d’exécution du budget qui mettait en œuvre la majeure partie de ce qu’il appelait le Plan d’action économique du Canada, mais il s’attaquait aussi à des dispositions environnementales qui n’avaient rien à voir avec le budget. Entre autres choses, il annulait la protection juridique de millions de lacs et de cours d’eau de ce pays. L'adoption de ces mesures a été ralentie, mais pas arrêtée, par plus d'un millier d'amendements au projet de loi déposés au comité des finances, ce qui a entraîné une manœuvre d’obstruction par un vote article par article, 24 heures sur 24. J’ai assisté en tant que collaborateur à la dernière partie de ce vote marathon.
Le deuxième point de la motion no 18 vise à régler ces problèmes. Tout projet de loi présenté à la Chambre qui ne porte pas sur un thème unique ou un objet général pourrait être scindé par le Président de la Chambre. Les budgets feraient exception, mais le libellé de cet article, qui serait le paragraphe 69.1(2) du Règlement, viserait uniquement à préciser que les objectifs exposés dans le budget définiraient à eux seuls l’objet. Si on cherchait à modifier le droit de l’environnement dans une loi d’exécution du budget, sans qu’il en soit question dans le budget lui-même, par exemple, il serait possible d’invoquer le Règlement, et le Président de la Chambre pourrait accepter de retirer cet article de la loi d’exécution du budget. Ce changement est important, et nous nous étions engagés à l’apporter.
Le troisième changement est un peu plus obscur.
J’ai fait partie brièvement des collaborateurs du comité des comptes publics, pendant la 41e législature, et j'ai siégé au comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires au début de la 42e législature pendant peu de temps aussi. Je ne prétends pas comprendre les menus détails du processus budgétaire et je m’en remets à ceux qui les connaissent. C’est très important en l’occurrence. Je me réjouis de tout ce qui peut aider à clarifier le processus budgétaire.
Le quatrième changement au Règlement proposé dans cette motion est particulièrement intéressant. Il s’agit des points 4 à 6 de la motion no 18.
Je pense que la plupart de ceux qui étaient là à la dernière législature ont vécu la même chose. Les comités étaient dirigés par les secrétaires parlementaires. Ils prenaient place près du président, proposaient des motions, votaient et contrôlaient par ailleurs les comités. Cela va totalement à l’encontre du but recherché en ce qui concerne les comités parlementaires. Le secrétaire parlementaire est, par définition, le représentant du ministre. À ce titre, les secrétaires parlementaires jouent un rôle essentiel en assurant la liaison entre le comité et le ministère qu’il surveille.
Pouvoir répondre rapidement aux questions du comité sur les intentions et les plans ou soumettre à l’étude des préoccupations ou des questions sur lesquelles les ministres souhaitent avoir des commentaires dans l’exercice de leurs fonctions est tout à fait approprié. Cependant, lorsque des secrétaires parlementaires dirigent les comités, ces organes de surveillance cessent de surveiller pratiquement quoi que ce soit et deviennent tout simplement des prolongements de l’exécutif. Si c’est ce que nous devons avoir, les comités ne servent pas à grand-chose. Le bon équilibre consiste à inclure les secrétaires parlementaires dans les comités en qualité d’agents de liaison avec leur ministère, au lieu de planificateurs et d’exécuteurs du travail des comités.
C’est très important. Au cours du débat au sujet de la Loi sur la réforme, lors de la dernière législature, le député de Wellington—Halton Hills, pour qui j’ai beaucoup de respect depuis bien des années, m’a dit qu’en qualité de député d’arrière-ban, il ne faisait pas partie du gouvernement. « Comme vous, m’a-t-il dit, mon rôle est de demander des comptes au gouvernement, la différence étant que j’ai confiance dans le gouvernement. »
Cet important exemple de philosophie politique m’est resté en tête depuis ce jour. Notre rôle, en qualité de députés d’arrière-ban, est en effet de demander des comptes au gouvernement, que nous soyons du côté des banquettes ministérielles ou du côté de l’opposition. Les comités sont un des outils les plus importants, et quand le gouvernement propose de rétablir l’indépendance des comités, il ne s’agit pas de paroles en l’air ou d'un vague slogan; c’est légitime. J’ai vu le changement dans la façon dont fonctionnent les comités, entre la dernière législature et celle-ci, et c’est très impressionnant. Maintenir les secrétaires parlementaires dans un rôle de participation, mais non de contrôle, au sein des comités est un élément essentiel de cette évolution.
La dernière modification, à l’article 7 de la motion, est particulièrement intéressante. Le seul moment où l’opposition a un immense pouvoir, même dans le cas d’un gouvernement majoritaire, c’est quand elle fait de l’obstruction systématique dans un comité. Un député de l’opposition déterminé à empêcher un vote ou la rédaction d’un rapport au comité peut le faire de façon absolue, pourvu qu’il soit prêt à prolonger le débat et à demeurer raisonnablement pertinent. Notre collègue d'Hamilton-Centre est un expert en la matière, plaisantant souvent sur le fait qu’après avoir eu la parole pendant une demi-heure, il n’a pas encore terminé de s’éclaircir la voix.
Quand notre débat concernant la réforme du Règlement de la Chambre des communes a dérapé au comité de la procédure il y a quelques semaines, on nous a accusés d’avoir tenté d’éliminer l’obstruction systématique. Rien n’est plus faux.
Au cours de ce débat, nous avons tenté d’avoir une discussion sur la façon dont nous pourrions modifier le Règlement. La leader du gouvernement a écrit une lettre dans laquelle elle nous a fait part de ses idées au sujet des modifications dont elle espérait nous voir discuter, en plus des nombreuses idées qui nous avaient déjà été présentées à la suite du débat de l’automne dernier au sujet de l’article 51 du Règlement. Cependant, si l’on se réfère aux éléments précédents de ce discours, la conclusion ne dépendait que de nous, en comité. Une des idées envisagées était que les membres d’un comité bénéficieraient d’un nombre illimité de périodes d'intervention de 10 minutes, plutôt que d’un seul temps de parole sans limite.
Si je comprends bien, en pratique, n’importe quel député peut parler aussi longtemps qu’il le désire au comité, mais, dès qu'un autre député signale qu’il souhaite prendre la parole, il a 10 minutes pour la lui céder; le second député doit ensuite la lui rendre si le premier le désire. Ainsi, tous les membres d'un comité auraient l’occasion d'intervenir dans un débat, mais cela n’empêcherait personne de paralyser le comité ni de faire de l’obstruction systématique, en l'espèce ou en principe. Ainsi, il deviendrait assurément plus facile de négocier la fin de telles manoeuvres tout en donnant aux autres la possibilité de placer un mot.
Cependant, le changement proposé ici ne concerne pas cela. Il vise à mettre fin à une des façons les plus absurdes d’exploiter la procédure des comité que l'on ait pu voir lors des législatures précédentes: un membre du comité appartenant à la majorité prend la parole, parfois même en invoquant le Règlement, et dit au président quelque chose comme: « Je propose que nous mettions la question aux voix. » Le président répond, à juste titre, que la motion n’est pas recevable et il la rejette. Le député conteste alors la décision du président, la majorité vote contre la décision du président, la question est mise aux voix, puis la motion demandant le débat, l’étude, la rédaction du rapport, peu importe ce qui était en cause, se conclut de façon brusque, cavalière et on ne peut plus acrimonieuse. C'est le seul moyen efficace, quoique peut-être pas tout à fait légitime, de mettre fin aux manoeuvres d'obstruction systématique.
Dans la motion no 18, nous défendons le droit d'employer des manoeuvres d’obstruction systématique.
Comme je l’ai dit, la motion no 18 vise à défendre les droits de l’opposition, à la lumière de notre expérience à l'époque ou nous formions le tiers parti. Pas une ligne de cette motion n’est à l’avantage d’un gouvernement majoritaire. Tout le monde, cependant, bénéficie d’un fonctionnement amélioré ici. J’appuie l'adoption de la motion.