Madame la Présidente, je partagerai mon temps avec le député d'York-Centre.
Permettez-moi d'abord de dire de façon claire et ferme que le gouvernement condamne sans équivoque les violations des droits de la personne commises contre les Rohingyas, de même que la violence et la persécution qui ont contraint presque 480 000 Rohingyas à fuir leur demeure. En quelques semaines seulement, presque la moitié de la population a quitté son foyer de crainte d'être persécutée ou à la suite d'actes de violence. C'est injustifiable. Il s'agit d'un nettoyage ethnique.
Il n'y a aucun doute: la situation des Rohingyas est une priorité pour les Canadiens, pour le premier ministre, pour le gouvernement, pour moi personnellement et pour nos agents à Rangoun.
Comme plusieurs députés le savent, cette tragédie n'est que le plus récent chapitre dans la longue et complexe histoire de violence dans l'État de Rakhine.
Depuis des décennies les Rohingyas ont été victimes de discrimination systématique et généralisée et de violations de leurs droits humains au Myanmar. Les Rohingyas sont une minorité ethnique et linguistique de religion musulmane qui n'est pas reconnue officiellement comme un groupe ethnique national du Myanmar par le gouvernement. Par conséquence, le Myanmar ne leur accorde pas la citoyenneté. Ils y sont considérés, dans une large mesure, comme des émigrants économiques du Bangladesh et désignés communément comme des Bengalis illégaux. C'est pourquoi des programmes d'aide canadiens tentent de faire reconnaître ces gens et de faire en sorte que leur statut dans ce pays soit respecté et valorisé.
Dans l'état de Rakhine, les tensions couvent depuis longtemps entre la majorité bouddhiste rakhine et les Rohingyas. Hélas, ces tensions ont souvent débouché sur des actes de violence. En 2012, par exemple, des troubles interethniques ont entraîné le déplacement forcé de 120 000 Rohingyas qui vivent depuis ce temps dans des campements de fortune où leurs mouvements sont restreints et où ils dépendent entièrement de l'aide humanitaire.
En octobre 2016, la situation des Rohingyas s'est détériorée davantage après que des agents de police eurent été tués au cours d'attaques attribuées à l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan dans des postes frontaliers du nord de l'État de Rakhine.
Les opérations de sécurité qui ont suivi ont été dramatiquement disproportionnées, et les Rohingyas ont fait l'objet de nombreuses violations des droits humains, y compris des incendies criminels, des viols et de la torture. Des dizaines de milliers de personnes ont fui au Bangladesh voisin ou ont été déplacées à l'intérieur du pays, un élément déclencheur de la crise humanitaire vécue aujourd'hui.
Le Canada a saisi toutes les occasions de défendre le peuple rohingya, notamment lors de discussions avec la conseillère d'État, Aung San Suu Kyi, et le commandant en chef, le général principal Min Aung Hlaing.
Le premier ministre et moi-même avons personnellement communiqué ce message lors de nos rencontres avec Aung San Suu Kyi en juin 2017, lors de sa visite officielle au Canada.
Le 16 septembre, j'ai participé à un rassemblement organisé à Toronto par le groupe Burma Task Force, et j'y ai pris la parole pour faire écho aux commentaires du haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, selon qui la situation dans l'État de Rakhine « semble être un exemple classique de nettoyage ethnique », ce que j'ai dénoncé.
Le 18 septembre, ma collègue, la ministre du Développement international et de la Francophonie, a participé à une table ronde sur l'État de Rakhine organisée par le secrétaire d'État aux Affaires étrangères de la Grande-Bretagne lors de l'Assemblée générale des Nations unies.
Au cours des dernières semaines et lors de l'Assemblée générale des Nations unies, la semaine dernière, j'ai discuté de la situation des Rohingyas avec mes homologues de la Suède, de la Norvège, des Pays-Bas, de l'Allemagne, des États-Unis, du Koweït, du Bangladesh, de l'Indonésie, de la Turquie et de l'Union européenne. J'en ai également parlé avec Kofi Annan, dont le rapport a été le sujet d'une discussion plus tôt à la Chambre, et le premier ministre a abordé très clairement de cette question avec Aung San Suu Kyi, le 13 septembre.
Lorsque j'ai fait part de nos inquiétudes à Federica Mogherini, la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères de l'UE, quant à la situation critique des Rohingyas, je lui ai fait mention des conversations que j'ai eues avec des Rohingyas canadiens lors de cette manifestation. Elle m'a répondu que les Canadiens étaient tellement extraordinaires, que notre pays avait accueilli des réfugiés de tous les pays du monde. J'ai trouvé son commentaire particulièrement touchant, parce que je crois que les Canadiens se sentent l'obligation de venir en aide aux minorités persécutées partout sur la planète. C'est probablement parce que, hormis les Autochtones, tous les Canadiens ont leurs origines à l'étranger.
Je suis tellement fière que nous tenions ce débat ce soir. Je suis fière que, des deux côtés de la Chambre, les députés prennent la parole pour défendre les Rohingyas qui sont persécutés. Cela en dit long sur notre pays et je veux que les Canadiens sachent que nous nous impliquons dans cette cause.
Je veux également dire que le gouvernement est bien conscient qu'il s'agit d'une minorité musulmane qui est persécutée. Nous avons appuyé une motion qui dénonçait l'islamophobie au Canada et nous savons fort bien que, au Canada et partout dans le monde, de nombreux musulmans sont la cible de persécutions. Le Canada dénoncera toujours de telles situations.
Nos objectifs aujourd'hui sont très clairs. Le premier est de mettre fin au nettoyage ethnique des Rohingyas. Le deuxième est de travailler très fort pour permettre l'offre d'une aide humanitaire canadienne aux Rohingyas persécutés, pour que des Canadiens puissent voir de leurs yeux ce qui se passe et pour appuyer ce peuple qui souffre énormément. Le troisième est de travailler de concert avec nos alliés internationaux pour faire tout en notre pouvoir afin de permettre aux Rohingyas de retourner chez eux dans l'État de Rakhine et d'y vivre en étant libres de toute persécution et en jouissant pleinement des droits de la personne.
Il est important que nous exigions tous des comptes d'Aung San Suu Kyi. C'est ce que le premier ministre et moi faisons dans nos échanges avec elle et dans nos déclarations publiques.
Il est particulièrement important que chacun de nous exige également des comptes des dirigeants militaires du Myanmar et que nous fassions pression auprès d'eux. Il est très important que les militaires du Myanmar comprennent que le monde est au courant de leur rôle dans ce nettoyage ethnique et ne l'approuve pas. C'est une chose que le gouvernement fait également.
Je tiens à assurer aux Canadiens et à tous les députés que le Myanmar fait présentement l'objet d'un embargo canadien sur les armes. Cet embargo est très fermement et très clairement en place.
Enfin, je tiens à répéter à quel point moi-même, mes collègues, le premier ministre et le gouvernement sommes heureux d'avoir l'occasion de débattre de la question et d'en discuter; nous sommes aussi ravis de l'importante manifestation d'appui à l'endroit de la minorité musulmane rohingya que nous démontrons d'une seule voix en affirmant ensemble que nous les soutenons.