Monsieur le Président, le Canada est gravement préoccupé par la crise qui perdure dans l'État de Rakhine, au Myanmar, et par ses effets collatéraux sur son voisin le Bangladesh. La violence persistante contre les Rohingyas et les autres minorités limite considérablement l'accès humanitaire. Tous les jours, elle menace et restreint la livraison d'une aide vitale pour les victimes de ce nettoyage ethnique.
Au Myanmar, des nombres importants de personnes, tant des Rohingyas que des Rakhines, sont actuellement déplacées dans l'État de Rakhine du Nord. En outre, plus de 120 000 Rohingyas restent dans des camps, déplacés par la violence de 2012. Nombre de ces personnes dépendent grandement de l'aide humanitaire pour survivre, mais ne bénéficient plus de cette aide salutaire depuis de nombreuses semaines. L'urgence des besoins humanitaires croît de jour en jour.
Le Canada salue les efforts du Bangladesh, qui vient en aide aux personnes fuyant la violence et les persécutions au Myanmar. À l'heure actuelle, le Bangladesh relève des défis considérables pour offrir des services de base à un nombre important de personnes, dont beaucoup présentent des besoins humanitaires urgents.
En l'absence d'un soutien international additionnel, nous courons le risque qu'une autre catastrophe se développe au sein de cette même crise. En effet, nous faisons face à un risque accru d'éclosion de maladies infectieuses ou de maladies transmises par l'eau contaminée. De plus, il ne faut pas négliger la possibilité de voir les tensions et les violences s'intensifier dans les camps de demandeurs d'asile.
Pour sa part, le Canada poursuit sa tradition de fournir une aide humanitaire rapide qui répond aux besoins sur le terrain. Dans la foulée de la crise, le 7 septembre, le gouvernement a fait une première contribution de 1 million de dollars pour répondre aux besoins émergents et pour aider nos partenaires humanitaires à intensifier rapidement les opérations en cours.
Alors que le nombre de demandeurs d'asile continue d'augmenter, nous avons débloqué une contribution supplémentaire de 2,55 millions de dollars le 15 septembre, pour un total de 3,55 millions de dollars, en réponse à cette crise. Cette contribution comprend la livraison de nourriture, de suppléments alimentaires et d'abris temporaires. Elle prévoit également de l'eau potable et la mise en place d'infrastructures d'assainissement pour éviter la propagation de maladies.
De plus, notre aide vise spécifiquement à répondre aux besoins des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive, notamment pour aider celles qui ont été victimes de violence sexuelle et qui sont trop souvent laissées pour compte dans les situations de crise humanitaire.
Parallèlement à cette contribution, le premier ministre Trudeau a annoncé le versement de 4,3 millions de dollars, en juin dernier, pour appuyer la paix et la stabilité au Myanmar. Ces fonds aideront à protéger les droits de la personne, à soutenir les efforts de consolidation de la paix et à promouvoir la participation des femmes au processus national de paix.
En revanche, il est important de souligner que le Canada a répondu aux besoins des personnes touchées par la violence au Bangladesh et au Myanmar, y compris les Rohingyas, pendant plusieurs années, grâce à une aide humanitaire annuelle.
Plus tôt cette année, le Canada a accordé une aide humanitaire de 5,63 millions de dollars à ses partenaires au Myanmar et au Bangladesh pour répondre notamment aux besoins des Rohingyas. Dans l'ensemble, l'aide humanitaire totale du Canada accordée aux personnes touchées par la crise au Myanmar et au Bangladesh dépasse les 9 millions de dollars cette année. Nous sommes prêts à en faire plus à la lumière de l'évolution de la situation sur le terrain.
Un peu plus tôt, je parlais de la violence sexuelle et fondée sur le genre. J'aimerais en dire davantage en réitérant que nous sommes particulièrement préoccupés par l'incidence de la crise actuelle sur les femmes et les filles. Elles représentent environ 70 % des demandeurs d'asile. Beaucoup de ces femmes qui viennent d'arriver dans les camps sont enceintes ou ont accouché récemment. Alors que nous reconnaissons l'urgence des besoins humanitaires de base, je tiens à souligner à la Chambre l'importance de ne pas négliger les droits et les services en matière de santé sexuelle et reproductive.
Au cours de mes missions, j'ai vu à quel point, dans les situations de crise, les femmes et les filles ont désespérément besoin de ces services. La violence sexuelle et fondée sur le genre est bien réelle. Elle laisse des marques que nous ne pourrons jamais complètement effacer, mais que nous pouvons apaiser lorsque nous sommes prêts à répondre aux besoins spécifiques des femmes et des filles.
La semaine dernière, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, nous avons demandé à la communauté internationale d'accorder la priorité à la protection des droits des femmes et des filles et de veiller à ce que les services de santé sexuelle et reproductive fassent partie de notre réponse à cette crise.
Le Canada entend être un chef de file afin de développer une approche féministe en matière d'aide internationale.
Cela dit, l'aide humanitaire n'aborde pas les conditions sous-jacentes qui contribuent à des situations de crise comme celles où les minorités sont victimes de discrimination, où il a des tensions entre les communautés et où l'intervention des forces de sécurité est plus musclée qu'elle devrait l'être. Elle ne peut pas remplacer les décisions politiques responsables et l'action militaire. Les présumés rapports selon lesquels les forces de sécurité auraient imposé des châtiments collectifs aux communautés ethniques rohingyas dans le Rakhine du Nord, y compris le meurtre de civils sans excuse légitime et l'incendie de villages ayant mené à des déplacements de masse, sont inadmissibles.
De concert avec ses partenaires de la communauté internationale, le Canada appelle les dirigeants militaires et civils à honorer la responsabilité qui leur incombe de protéger tous les civils et de répondre à leurs besoins élémentaires conformément au droit humanitaire international et au droit international en matière de droits de la personne.
Nous demeurons très préoccupés par les menaces contre des travailleurs humanitaires au Myanmar. C'est pourquoi nous demandons fermement à toutes les parties de respecter la sécurité de ceux qui viennent en aide aux personnes vulnérables, peu importe leur religion ou leur origine ethnique. Au-delà des menaces qui pèsent contre les travailleurs humanitaires, la situation de l'accès humanitaire dans l'État de Rakhine est particulièrement difficile. Le Canada demande aux autorités militaires et civiles du Myanmar de faciliter le passage rapide, sécuritaire et sans entraves des secours humanitaires conformément au droit international.
L'accès humanitaire est aussi nécessaire pour évaluer les besoins sur le terrain. Pour être en mesure d'intervenir rapidement face à la crise, les organisations humanitaires, la communauté internationale et le gouvernement du Myanmar doivent avoir une compréhension complète et impartiale de la crise humanitaire en cours dans l'État de Rakhine.
La promotion et la protection des droits de la personne, ce qui comprend la liberté de religion ou de croyance, font partie intégrante du leadership du Canada dans le monde. Ce leadership, le Canada l'exerce en soutenant activement la mission d'enquête internationale indépendante dirigée par les Nations unies et mandatée par le Conseil des droits de l'homme en mars 2017.
Le nettoyage ethnique au Myanmar souligne le besoin continu de faire la lumière sur les événements dans l'État de Rakhine. Malheureusement, le gouvernement du Myanmar tarde à collaborer entièrement à la mission d'enquête en lui accordant un accès complet et sans entraves.
En marge de l'Assemblée générale des Nations unies, j'ai rencontré des ministres des principaux pays concernés par la situation au Myanmar. J'ai réitéré clairement la position du Canada concernant la crise actuelle en rappelant les répercussions majeures sur les femmes et les enfants. J'ai fait valoir que le gouvernement du Myanmar devait prendre des mesures urgentes afin de mettre fin à la violence et de faciliter l'accès humanitaire. J'ai également soulevé la nécessité de trouver des solutions durables qui garantiront les droits fondamentaux de tous dans l'État de Rakhine, y compris la mise en oeuvre de recommandations formulées par la Commission consultative sur l'État de Rakhine.
Nous gardons un contact régulier avec nos partenaires du secteur humanitaire et d'autres gouvernements et nous nous tenons prêts à intervenir davantage à la lumière des conditions sur le terrain.
En conclusion, je veux assurer à la Chambre que la situation dans l'État de Rakhine est prise très au sérieux. L'aide canadienne existe pour préserver et élever la dignité humaine, et c'est pourquoi nous continuerons de faire des pressions pour assurer un accès humanitaire sécuritaire et sans entraves.