La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 22. Les pétitions d'intérêt public - La présentation des pétitions

 

Comme seuls les députés sont autorisés à s’adresser à la Chambre directement, ce sont eux qui doivent présenter les pétitions. Par conséquent, les groupes et individus doivent obtenir leur aide pour faire certifier et présenter leurs pétitions. Les députés ne sont toutefois pas tenus de présenter les pétitions et ne peuvent être contraints de le faire[63]; néanmoins, il est évident que de nombreux députés considèrent qu’il est de leur devoir de présenter à la Chambre les pétitions soumises par des citoyens[64]. Le député, dont le rôle est de présenter la pétition au nom de ses signataires, n’est pas obligé d’être d’accord avec le contenu de la pétition qu’il présente, et il n’y a pas lieu de présumer que c’est le cas[65].

Une fois certifiées par le greffier des pétitions, les pétitions peuvent être présentées à la Chambre; elles sont alors retournées aux députés qui les ont soumises. Une pétition certifiée correcte ne doit être modifiée d’aucune façon et le certificat qui l’accompagne ne doit pas être retiré. Aucune règle ou pratique n’établit de délai pour la présentation d’une pétition après certification, et il n’est pas obligatoire qu’elle soit présentée par le député qui l’a fait certifier[66]. Le Président a signalé que de nombreux motifs peuvent empêcher un député de présenter rapidement une pétition certifiée, mais il a également jugé qu’il fallait que les pétitions soient présentées peu de temps après leur certification de manière à ce que les pétitionnaires puissent avoir l’assurance d’obtenir une réponse le plus rapidement possible lorsqu’ils présentent des pétitions à la Chambre[67].

Les pétitions sont présentées par les députés, y compris les ministres[68]. Le Président ne présente habituellement pas de pétition; il demande plutôt à un autre député de le faire pour lui. Cette pratique nous vient de la Chambre des communes britannique qui l’avait adoptée à la fin du XVIIIe siècle, à une époque où les pétitions faisaient couramment l’objet de débats. La présentation de pétitions aurait amené le Président à participer aux délibérations de la Chambre, ce qui aurait remis en cause la neutralité essentielle de la présidence[69]. Le député qui présente une pétition doit être convaincu de sa pertinence et de sa régularité, la Chambre ayant depuis longtemps une règle voulant que le député se porte garant que la pétition ne contient rien d’inconvenant[70]. De plus, tout député présentant une pétition doit la signer, soit à l’endos, soit au verso de la première page[71].

Les pétitions certifiées correctes peuvent être présentées de deux façons : oralement, durant les Affaires courantes[72], ou déposées auprès du Greffier de la Chambre au cours d’une séance[73]. Dans la pratique, la majorité des pétitions sont présentées durant les Affaires courantes[74].

*   Présentation durant les Affaires courantes

Les pétitions certifiées sont présentées quotidiennement durant les Affaires courantes, sous la rubrique « Présentation de pétitions ». Une période maximale de 15 minutes est réservée à cette fin[75]. Pour obtenir la parole, les députés doivent être à leur place[76]. Les députés qui souhaitent présenter plus d’une pétition le même jour doivent les présenter toutes ensemble lorsqu’ils obtiennent la parole puisque la présidence n’accorde qu’une fois la parole à un même député au cours de la « Présentation de pétitions[77] ». Il est arrivé que la présidence intervienne pour limiter à cinq le nombre de pétitions présentées à la fois par un même député[78]. Ainsi, plus de députés peuvent prendre la parole durant la période de 15 minutes.

Aucun débat n’est autorisé lors de la présentation des pétitions[79]. Tout commentaire sur la valeur d’une pétition — même l’indication par un député de son accord ou désaccord — a toujours été considéré comme une forme de débat et est donc irrecevable[80]. Les députés sont autorisés à faire une brève déclaration au cours de laquelle ils peuvent mentionner que la pétition a été certifiée, d’où elle vient, quel est son objet et la requête qu’elle contient, de même que le nombre de signatures qu’elle porte[81]. De toute façon, les pétitions ne sont pas lues au long et les députés qui les présentent devraient éviter de tenter d’amorcer un débat ou une discussion[82]. Compte tenu de la période de temps limitée et du nombre de députés qui souhaitent présenter des pétitions, habituellement, la présidence intervient rapidement lorsqu’un député semble vouloir faire un discours, se lancer dans un débat ou lire le texte complet d’une pétition.

*   Dépôt de la pétition auprès du Greffier de la Chambre

Depuis 1910, les députés peuvent présenter une pétition n’importe quand pendant une séance en la déposant auprès du Greffier de la Chambre[83]. Le député peut s’approcher du Bureau pour y déposer la pétition certifiée et signée, soit à l’endos, soit au verso de la première page, ou encore la remettre à un page en lui demandant de la transmettre au Bureau où elle sera reçue par le Greffier, ou par un greffier au Bureau au nom du Greffier de la Chambre.

*   Après la présentation

Lorsque les pétitions sont présentées durant les Affaires courantes, les propos des députés sont enregistrés, transcrits et publiés dans les Débats du jour. Une inscription est également faite dans les Journaux, le compte rendu officiel des travaux de la Chambre. On y précise que les pétitions énumérées ont été certifiées correctes et ont été présentées conformément au Règlement. Les pétitions déposées auprès du Greffier ne sont pas mentionnées dans les Débats, mais elles sont énumérées dans les Journaux. Une fois présentées à la Chambre (selon l’une ou l’autre méthode), les pétitions certifiées correctes sont transmises au Bureau du Conseil privé qui est responsable de leur réception et du suivi administratif. Les pétitions sont éventuellement versées dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada.

Il est arrivé que des pétitions soient présentées et qu’on s’aperçoive plus tard qu’elles n’avaient pas été certifiées; dans ces cas, bien que les Débats contiennent la transcription des déclarations des députés, ces pétitions ne figurent pas dans les Journaux[84]. Elles sont examinées par le greffier des pétitions; si elles sont recevables, elles sont certifiées et ensuite déposées auprès du Greffier au nom du député; ce n’est qu’à ce moment que leur présentation est notée dans les Journaux. Si les pétitions ne peuvent être certifiées, elles sont retournées aux députés. Il est arrivé à une occasion qu’un député tente de présenter une pétition non certifiée, mais il a été rappelé à l’ordre et réprimandé par la présidence[85].

*   Copie des pétitions

Toute personne qui souhaite lire ou consulter une pétition après sa présentation doit s’adresser à son député. Le Bureau du Conseil privé produira une photocopie d’une pétition, y compris des signatures, pour le député qui en a fait la présentation à la Chambre, tandis qu’il produira une photocopie d’une pétition, sans les signatures, pour tout autre député.



[63] Bourinot, 4e éd., p. 232.

[64] Voir, par exemple, la discussion générale sur les pétitions tenue le 13 février 1990 (Débats, p. 8233‑8242). En présentant des pétitions, les députés mentionnent parfois leur « devoir » à cet égard (Débats, 1er décembre 1981, p. 13548‑13549; 20 octobre 1989, p. 4953; 14 mars 1994, p. 2226).

[65] Débats, 25 novembre 1986, p. 1501, 1505; 25 février 1994, p. 1863‑1864.

[66] Voir Débats, 21 octobre 1997, p. 878; 12 juin 2003, p. 7222-7223 (pétitions présentées au nom d’un député qui avait démissionné).

[67] Débats, 28 mai 1987, p. 6500‑6501; 22 septembre 1987, p. 9172; 8 mars 1988, p. 13490.

[68] Voir, par exemple, Débats, 12 décembre 1991, p. 6176; Journaux, 24 mars 2005, p. 570; 18 octobre 2005, p. 1170; 5 juin 2007, p. 1477; 10 avril 2008, p. 693.

[69] Bourinot, 4e éd., p. 231. Voir aussi Débats, 23 avril 1879, p. 1473; 23 mars 1987, p. 4433‑4434. D’autres présidents de séance ont présenté des pétitions. Voir, par exemple, Journaux, 26 octobre 1994, p. 829 (Bob Kilger, vice‑président adjoint des comités pléniers); 19 juin 1995, p. 1784 (Shirley Maheu, vice‑présidente des comités pléniers); 9 février 2005, p. 408 (Chuck Strahl, Vice-président et président des comités pléniers).

[70] Art. 36(3) du Règlement. Cette disposition fait partie des règles écrites depuis la Confédération.

[71] Art. 36(4) du Règlement.

[72] Art. 36(6) du Règlement.

[73] Art. 36(5) du Règlement.

[74] Les statistiques recueillies par le greffier des pétitions indiquent que 1 684 des 1 804 pétitions présentées durant la première session de la 39législature (2006-2007) ont été présentées oralement, durant les Affaires courantes.

[75] Art. 36(6) du Règlement. Il est rare que les 15 minutes soient entièrement utilisées. Voir, par exemple, Débats, 13 mars 1995, p. 10393‑10396; 12 décembre 2002, p. 2599.

[76] Art. 36(6) du Règlement.

[77] Débats, 28 octobre 1983, p. 28457; 11 juin 1985, p. 5649; 7 novembre 1986, p. 1190. De façon exceptionnelle, le Président a reconnu Alexa McDonough (Halifax) à deux reprises durant les Affaires courantes du 21 juin 2005 (Débats, p. 7509-7510) et Meili Faille (Vaudreuil–Soulanges) à deux reprises durant les Affaires courantes du 6 juin 2007 (Débats, p. 10215‑10216).

[78] Débats, 5 novembre 1999, p. 1192.

[79] Art. 36(7) du Règlement.

[80] Débats, 27 avril 1994, p. 3576; 22 juin 1995, p. 14413; 4 novembre 1996, p. 6068‑6069; 22 mars 2000, p. 5008; 25 octobre 2002, p. 921; 16 juin 2006, p. 2503. Des députés avaient pris l’habitude d’informer la Chambre de leurs opinions personnelles lorsqu’ils présentaient des pétitions. Voir, par exemple, Débats, 9 juin 1947, p. 3903-3904; 29 mars 1985, p. 3510; 26 avril 1994, p. 3483; 4 février 2004, p. 113. Dans ce dernier cas, le Vice-président a statué qu’il ne tolérerait pas que les députés fassent des remarques au sujet des pétitions qu’ils présentent ou au sujet des pétitions présentées par leurs collègues.

[81] Débats, 26 avril 1989, p. 975.

[82] Voir, par exemple, Débats, 6 avril 1982, p. 16198; 14 mars 1990, p. 9284; 16 septembre 1991, p. 2173; 8 décembre 1992, p. 14806‑14807; 7 mai 1993, p. 19111‑19112; 28 septembre 1998, p. 8474; 13 mai 2004, p. 3117.

[83] Art. 36(5) du Règlement.

[84] Le 22 mai 1992, deux députés ont présenté des pétitions qui n’ont pas été notées dans les Journaux de ce jour‑là (Journaux, p. 1546, Débats, p. 11088‑11089).

[85] Débats, 15 mai 1992, p. 10794.

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