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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 9 décembre 2013

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Nous allons avoir une autre séance bien remplie. Aujourd'hui, nous accueillons quatre groupes et organismes différents. Nous allons faire la même chose qu'au cours des dernières séances, puisque ça semble avoir bien fonctionné. Nous entendrons d'abord les particuliers et les groupes qui comparaissent par vidéoconférence, puis nous entendrons les témoins qui sont sur place.
    Commençons par nous débarrasser de quelques questions d'ordre administratif. Nous en sommes à notre avant-dernière séance de 2013. Pour souligner Noël et toute autre chose que vous célébrez à ce temps-ci de l'année, nous avons un peu de vin de la circonscription de Huron—Bruce. Après la séance, ceux qui veulent un avant-goût du temps des fêtes pourront se rendre à l'arrière. Il vous sera offert jusqu'au moment d'aller voter. Ceux qui resteront ici pourront le finir s'ils le veulent.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par le Dr Buckley, de l'Université McMaster.
    Allez-y, monsieur.
    Oui. Vous pouvez y aller, monsieur.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
    Je suis Norm Buckley. Je suis professeur et président du département d'anesthésie de l'école de médecine Michael G. DeGroote, à l'Université McMaster. Je suis aussi directeur du Centre national de recherche sur la douleur de l'Université McMaster, un centre doté dont la mission et la vision soutiennent les meilleures pratiques en gestion de la douleur par la création et la diffusion de directives sur les soins.
    Nous détenons les droits d'auteur de l'ouvrage intitulé Lignes directrices canadiennes sur l'utilisation sécuritaire et efficace des opioïdes pour la douleur chronique non cancéreuse et avons convenu d'en faire la diffusion et la mise à jour. C'est ce que nous appelons affectueusement les « lignes directrices canadiennes sur les opioïdes ».
    Je suis également le président du groupe d'intérêt spécial sur l'éducation de la Société canadienne pour le traitement de la douleur. Avec le Dr David Mock, professeur de la faculté de médecine dentaire à l'Université de Toronto, je suis à la tête du groupe de travail du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies qui se penche sur l'éducation, dans le cadre de la stratégie « S'abstenir de faire du mal », sur le mauvais usage de médicaments d'ordonnance. Pendant l'élaboration de la stratégie, j'ai présidé le comité consultatif d'experts sur l'éducation.
    Cependant, je ne comparais pas aujourd'hui en tant que représentant de l'une de ces organisations. Je suis venu à votre demande. Les dirigeants de ces groupes savent que je comparais, mais ils n'assument d'aucune façon la responsabilité de mes opinions ou de mes propos. Mon doyen ressent une légère anxiété à l'idée de ma comparution, mais c'est un très brave homme.
    Mon exposé porte sur deux volets: les questions financières et mes convictions.
    Sur le plan financier, je suis un médecin qui tire l'essentiel de ses revenus de la rémunération des services cliniques. J'obtiens une allocation administrative en tant que président du département d'anesthésie et des revenus de mes activités universitaires, lesquelles bénéficient du soutien du régime optionnel de financement de la Hamilton Academic Health Sciences Organization. Je donne des avis médicaux à des fins juridiques, j'offre mes services de conseiller par l'intermédiaire d'un cabinet de consultation, et je donne aussi des conseils à deux comités provinciaux sur la santé.
    J'exécute des travaux de recherche financés par diverses sources, dont des compagnies pharmaceutiques. Cependant, le financement qui me vient d'organismes composés de pairs, comme les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fondation des maladies du coeur de l'Ontario, dépasse nettement le financement qui me vient de l'industrie. Le financement de la recherche se fait selon le principe du recouvrement des coûts, et je ne tire pas de revenus de l'exécution de travaux de recherche, outre ceux qui me viennent du régime optionnel de financement. Plus précisément, je ne tire pas de revenus de recherche de l'industrie.
    J'ai reçu des honoraires en tant que conférencier pour diverses organisations, notamment des organisations de l'industrie et des groupes professionnels, dont des groupes médicaux et juridiques.
    Étant donné que la recherche d'une solution à l'abus de médicaments d'ordonnance est compliquée par des facteurs comme les convictions, la perspective clinique et bien d'autres, il serait probablement bon que vous connaissiez mes convictions et ma perspective clinique. Je suis un clinicien en gestion de la douleur. Mes patients sont des personnes qui souffrent de douleur aiguë ou de douleur chronique. Il s'agit là d'un problème qui demeure mal compris et d'un sujet bien mal enseigné et traité dans le cadre de nos programmes de formation des professionnels de la santé. Certains de ces patients souffrent en plus de problèmes de santé mentale, entre autres de troubles de l'humeur et de toxicomanie.
    Sachant la proportion des Canadiens qui vivent en ce moment avec la douleur et de ceux qui en ressentiront un jour, ainsi que l'effet que cela produit sur le système de soins de santé, la structure sociale et le régime économique, je suis convaincu qu'il faut que le système de soins de santé canadien change radicalement de manière à pouvoir garantir l'accès rapide au traitement approprié, ce qui comprend l'évaluation et le traitement rapide, ainsi que l'intervention active, la réadaptation physique et le traitement psychologique que la situation commande.
    Le problème du mauvais usage des médicaments d'ordonnance semble être fait de plusieurs choses différentes qui dépendent peut-être de la perspective. Pour moi, vendre ou détourner contre de l'argent des médicaments d'ordonnance qui se trouvent alors à servir comme drogues récréatives ou à répondre aux besoins de toxicomanes, c'est du vol ou de la fraude, et c'est ainsi qu'il faut traiter cela.
    L'épidémiologie du crime n'est pas de mon ressort, et je ne parlerai donc pas de l'importance de cela, si ce n'est de dire que c'est auprès des forces de l'ordre qu'il faut obtenir de l'information sur ce plan. On pourrait certainement améliorer la communication entre les fournisseurs de soins de santé et les forces de l'ordre, et mieux faire comprendre les objectifs de part et d'autre, tout en reconnaissant que les professionnels des soins de santé ne sont pas la police, et que les policiers ne dispensent pas de soins de santé. Il faut de la coopération.
    Le patient qui consomme des médicaments d'ordonnance pour satisfaire sa dépendance, c'est une personne qui souffre d'une dépendance, et c'est un problème d'ordre médical. Encore là, je ne suis pas un expert du domaine, et je vais me limiter à cela, mais les problèmes médicaux doivent être identifiés comme tels et traités comme il se doit. Selon Santé Canada, les dépendances sont présentes chez environ 10 % de la population. Étant donné que la douleur est présente chez 12 à 20 % de la population, selon l'étude sur laquelle vous vous appuyez, on pourrait s'attendre à un certain chevauchement entre ces deux groupes. Cela donne lieu à une situation clinique compliquée si un médicament sur ordonnance dont le patient abuse convient cependant à traiter sa douleur.
    Le patient qui achète un médicament sur la rue ou qui emprunte un médicament d'un membre de sa famille ou d'un ami parce qu'il souffre d'une douleur non traitée ou insuffisamment traitée semble représenter un échec, du point de vue des soins de santé appropriés à prodiguer, et c'est ainsi qu'il faut traiter cela.

  (1540)  

    La prescription de médicaments par des médecins relève de l'exercice professionnel. Si des médicaments sont prescrits à des fins inappropriées, selon des doses inappropriées ou de manière imprudente, ce qui pourrait tacitement permettre le détournement ou l'abus, cela devrait faire l'objet d'interventions sous forme d'éducation ou de mesures administratives, à condition que les outils pertinents de collecte de données existent et que des mesures d'intervention directe soient prises.
    Quand un médecin néglige de faire une ordonnance alors qu'il convient de le faire ou d'offrir un traitement parce qu'il ne possède pas les connaissances nécessaires, ce sont des activités d'éducation ciblée qu'il faut. Quand des patients meurent parce qu'ils ont conjugué leur médicament d'ordonnance à d'autres substances intoxicantes, intentionnellement ou par accident, c'est tragique. Quand c'est parce que la personne n'a pu obtenir le traitement pertinent d'un trouble de l'humeur, d'une dépendance ou d'une douleur, c'est l'échec du système de soins de santé et c'est ainsi qu'il faut aborder la situation.
    Il existe plusieurs modèles d'interventions communautaires réussies, en réponse à des cultures locales d'abus ou de détournement de médicaments d'ordonnance. On en a parlé dans d'autres circonstances, mais il y a entre autres le projet Lazarus, aux États-Unis, et l'action communautaire à Inverness, en Nouvelle-Écosse.
    Le projet Lazarus est une intervention communautaire à grande échelle qui englobe l'éducation dans les bureaux de médecins, l'éducation communautaire au sujet de la douleur et de la toxicomanie, la distribution d'antagonistes opiacés permettant le traitement d'urgence des surdoses, dès que possible, l'intervention des forces de l'ordre dans les questions de détournement de médicaments et l'accès à des programmes de traitement de la douleur et des toxicomanies. Le programme s'est traduit par une baisse marquée des décès non intentionnels causés par des surdoses, ainsi que par une diminution du détournement et de l'abus de médicaments d'ordonnance, sans qu'on réduise toutefois la prescription de médicaments opioïdes contre la douleur aux patients qui en ont besoin. Je souligne en passant que les comportements de détournement semblent s'être déplacés vers les communautés voisines, mais cela n'enlève rien à la démonstration d'efficacité du programme.
    À Inverness, un petit groupe de médecins a entrepris de mettre en oeuvre une pratique de gestion de la douleur axée sur les lignes directrices canadiennes sur les opioïdes et d'impliquer la communauté entière, y compris les pharmaciens, les forces de l'ordre et les autres professionnels de la santé. On a constaté un changement radical des pratiques de prescription, le maintien de la capacité de traiter les patients souffrant de douleur et la baisse nette des interactions d'ordre médical liées au détournement de médicaments ainsi que de l'activité criminelle.
    Ce que j'ai constaté en assistant pendant des années à des réunions portant sur l'abus de médicaments d'ordonnance et en prenant connaissance d'interventions réalisées, c'est que la rupture du tissu social de la communauté — ou la rupture des structures sociales dans lesquelles évoluent les toxicomanes — fait partie des caractéristiques communes aux communautés qui connaissent des problèmes d'abus de médicaments. Rétablir le bon fonctionnement des communautés semble compter parmi les éléments essentiels à la résolution du problème.
    Ce matin, j'ai envoyé trois éditoriaux rédigés par la Dre Mary Lynch, présidente sortante de la Société canadienne pour le traitement de la douleur et codirectrice de sa Stratégie nationale de lutte contre la douleur. Je cherche à démontrer qu'améliorer l'éducation sur la douleur et bien faire comprendre la bonne façon de répondre aux patients qui éprouvent des douleurs peuvent dans une grande mesure résoudre les problèmes d'abus de médicaments d'ordonnance, grâce à des soins qui peuvent restreindre la prescription inappropriée de médicaments risquant d'être détournés ou mal utilisés. Si la douleur est traitée convenablement, le patient qui cherche à obtenir des analgésiques parce que sa douleur n'est pas traitée n'aura plus besoin de le faire. La dépendance est un problème médical différent qui doit aussi faire l'objet d'un diagnostic et d'un traitement appropriés.
    La douleur aiguë vient généralement en réaction à une blessure ou à un processus métabolique ou inflammatoire. Les sources peuvent varier — un trauma, une chirurgie, l'arthrite, un trouble métabolique comme le diabète, une infection comme le zona, l'effet direct du cancer, ou l'effet d'une chirurgie, de la radiothérapie ou de la chimiothérapie servant à traiter le cancer, la blessure d'un nerf périphérique causée par un trauma, une blessure au système nerveux central qui est liée à un traumatisme de la moelle épinière, un accident vasculaire cérébral ou autre.
    On en sait beaucoup sur le traitement de la douleur aiguë, et il existe des traitements efficaces qui peuvent grandement réduire la douleur et soutenir la guérison. Certaines douleurs disparaissent avec le traitement du trouble sous-jacent, mais pas toutes les blessures. Malgré les connaissances sur la physiologie et le traitement de la douleur, il arrive encore que des patients qui reçoivent des soins actifs ressentent des douleurs modérées ou aiguës. Ces douleurs peuvent retarder la guérison ou contribuer à des facteurs de morbidité additionnels comme les accidents cardiaques, les troubles du sommeil et des délais dans la reprise des activités et le congé de l'hôpital. Cela peut se produire jusqu'à 75 % du temps, dans les quelques jours suivant une chirurgie. Chez 30 % des patients, cela peut même durer trois mois, parfois plus longtemps, après la chirurgie.

  (1545)  

    Il est possible de faire bien mieux, grâce à l'éducation et à la mise en oeuvre de systèmes de traitement. Étant donné que la douleur aiguë mal traitée fait partie des prédicateurs du développement de la douleur chronique, l'amélioration du traitement est un objectif nécessaire.
    La personne qui souffre de douleur chronique se trouve dans un état analogue de bien des façons à celui de la personne qui souffre de problèmes de santé mentale, car cet état est souvent subjectif et qu'un observateur ne pourrait le déceler à première vue. Cette douleur est encore moins bien comprise et moins bien traitée que la douleur aiguë. On dit simplement de la douleur qu'elle est chronique si elle est présente depuis plus de trois mois, ou si elle demeure quand la blessure ou la maladie qui l'a causée est guérie.
    La douleur chronique interagit avec la constitution psychologique et la situation sociale du patient, de manière à produire sur son comportement un effet qui dépasse la sphère de la blessure physique ou biologique. Cette relation est bien décrite dans un modèle conceptuel appelé le modèle biopsychosocial de la douleur.
    Excusez-moi, docteur Buckley.
    Nous avons dépassé 10 minutes. Combien de temps vous faut-il pour conclure?
    Je vous fais mes excuses. Je pense que le plus simple serait de terminer en disant que le traitement de la douleur chronique s'accompagne de facteurs variés.
    Bien des facteurs sont liés à la capacité de donner des soins, comme il est actuellement possible de le faire dans certaines situations et dans certains secteurs, mais pas partout et dans tous les cas. Fournir le traitement de la douleur qui est approprié contribuera dans une grande mesure à résoudre bon nombre des problèmes liés à l'abus de médicaments d'ordonnance.
    Je pense que c'est l'énoncé le plus simple et le plus concis que je puisse faire.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Plus tard, je suis convaincu que bon nombre de mes collègues vous poseront des questions qui vous amèneront à nous faire part de ce que vous n'avez pas pu nous dire dans votre exposé.
    Vous voulez dire que j'aurai l'occasion de me servir du reste de mon brillant discours?
    Des voix: Oh, oh!
    Eh bien, vous pourriez le passer à Mme Cooper, qui pourrait le finir pour vous, mais...
    Madame Cooper, vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président, distingués membres du comité.
    C'est la troisième fois que je comparais devant le comité pour parler de questions liées à la douleur en tant que représentante de la Coalition canadienne contre la douleur. La CCD est un partenariat de gens qui vivent avec la douleur, d'organisations s'intéressant à la douleur, d'organisations s'intéressant à la santé, de professionnels de la santé qui traitent des personnes ressentant de la douleur et de scientifiques à la recherche de meilleures façons de gérer la douleur.
    Notre but premier est d'agir en faveur de l'amélioration constante de la compréhension, du traitement, de la gestion et de la prévention de tous les types de douleur au Canada, et ce, au moyen de nos initiatives nationales de sensibilisation. Nous informons les personnes qui vivent avec la douleur et nous plaidons pour une meilleure gestion de la douleur.
    La Coalition canadienne contre la douleur félicite le Comité permanent de la santé d'avoir entrepris l'étude du problème très grave que représente l'abus de médicaments d'ordonnance au Canada. La CCD est convaincue que le comité, dans ses recommandations, établira l'équilibre entre la bonne gestion de la douleur chez les Canadiens et la réduction des risques et des effets dévastateurs de l'abus de médicaments et de leur mauvaise utilisation délibérée. Le rôle de la CCD, dans cette discussion, est de donner le point de vue de la personne qui vit avec la douleur et de vous préciser qui est touché par la douleur, quel est le poids de la douleur et ce qu'il faut aux Canadiens pour profiter d'une gestion efficace de la douleur, ce qui englobe souvent le recours à des médicaments d'ordonnance.
    La CCD est résolue à travailler à la détermination et à la mise en oeuvre de solutions à ces problèmes. Des travaux de recherche réalisés au Canada révèlent que la douleur qui n'est pas convenablement gérée atteint des proportions épidémiques au Canada. C'est un adulte sur cinq — près de 7 millions d'adultes canadiens, dont nos anciens combattants. Un enfant canadien sur cinq souffre au moins hebdomadairement de douleurs chroniques, comme des maux de tête ou d'estomac. Entre 5 et 8 % de nos enfants et adolescents souffrent de douleurs chroniques suffisamment graves pour perturber leur travail scolaire, leur développement social et leur activité physique. Tous les proches de la personne qui vit avec la douleur sont touchés, ce qui est le plus souvent dévastateur pour les familles. Il se trouve parmi ces gens des personnes qui sont devenues dépendantes ou qui contracteront cette maladie.
    Le poids de la douleur est stupéfiant. Le coût estimatif de la douleur au Canada se situe entre 56 et 60 millions de dollars par année en perte de productivité et en coûts de soins de santé. Les coûts pour une personne comme moi se situent à environ 17 000 $ par année en perte de revenus et en frais pour des traitements qui ne sont pas couverts.
    Les préjugés dont font l'objet les personnes que l'on qualifie de faux malades, de drogués et de revendeurs de drogue ne servent qu'à les dénigrer et les affaiblir. Cela a un effet défavorable croissant: les gens ont peur de prendre des médicaments qui pourraient atténuer leur douleur et améliorer leur fonctionnement dans le cadre d'un plan bien pensé de gestion de la douleur. Parce que les gens ne comprennent pas la douleur et la différence entre la toxicomanie et la dépendance physique, ils craignent de devenir toxicomanes. Cela produit un effet négatif sur le respect des prescriptions, ainsi que sur l'acceptation de prescriptions qui pourraient atténuer la douleur.
    La douleur chronique peut affecter des personnes honnêtes ordinaires, des personnes que vous connaissez, que vous aimez — des personnes qui me ressemblent. Cette maladie produit un effet négatif sur la vie familiale, professionnelle, sociale, scolaire, personnelle et spirituelle d'une personne. Elle réduit gravement votre qualité de vie et votre bien-être. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une douleur mal gérée a un effet dévastateur et démoralisant. Au pire, elle est déprimante, handicapante et déshumanisante. Elle peut être mortelle, car la recherche nous apprend que les personnes qui vivent avec la douleur risquent deux fois plus de recourir au suicide, par rapport aux personnes qui ne souffrent pas de douleur chronique.

  (1550)  

    Le poids de la douleur est immense, tout comme le besoin d'une gestion de la douleur efficace, multidisciplinaire et axée sur les meilleures pratiques, ce que ne donnent pas en ce moment les systèmes de santé canadiens. Nous avons les connaissances et la technologie, mais nous ne pouvons en faire profiter le patient, à cause des structures actuelles. Par exemple, les visites du médecin sont couvertes, mais l'accès à d'autres modes d'atténuation de la douleur, comme la physiothérapie, l'ergothérapie et la psychologie, n'est couvert que par les régimes d'assurance-maladie complémentaires ou dépend de la capacité de payer du patient. De nombreux Canadiens souffrant de douleur chronique n'ont ni l'un ni l'autre. On mise par conséquent dans une grande mesure sur les médicaments d'ordonnance pour traiter la douleur chronique, alors que les recherches ont révélé que le soulagement de la douleur peut se limiter à 30 %.
    Les personnes dont la douleur n'est pas traitée retournent voir leur médecin, comme le Dr Buckley, lequel peut décider de prescrire un autre médicament ou un produit plus puissant. Encore là, le soulagement que cela procure n'est pas suffisant.
    Bien des Canadiens croient que les analgésiques sont leur seule solution. Une enquête réalisée par la CCD en 2012 a révélé que 45 % des gens qui souffrent de douleur chronique modérée ou grave croient que rien ne pourrait atténuer leur douleur. Désespérée, une personne peut consommer le médicament à plus fortes doses que ce qui est prescrit, ou le conjuguer à des médicaments en vente libre. Elle peut ainsi tomber dans un dangereux cercle vicieux. Elle peut s'engager involontairement sur cette pente savonneuse, en l'absence de sensibilisation et d'accès à d'autres options de gestion de la douleur. Malheureusement, des personnes s'enlèvent la vie avec le médicament qui devait les soulager. Une personne à qui cela arrive est une personne de trop. Hélas, j'en ai connu beaucoup.
    L'expérience nous montre que la gestion de la douleur est efficace quand une combinaison personnalisée de méthodes se conjugue à des stratégies d'adaptation acquises, quand la personne comprend sa douleur chronique, quand son attitude change et quand son style de vie est adapté. Elle connaît alors une amélioration de sa qualité de vie, de sa productivité et de son fonctionnement, quand tous les morceaux du plan de gestion de la douleur travaillent dans le même sens.
    Surtout, grâce à cet examen, compte tenu du succès de chaque personne, les doses de médicaments utilisées sont plus efficaces et peuvent même être réduites. Il est aussi possible de réduire la période pendant laquelle la personne doit prendre le médicament et, même, interrompre la prise du médicament au fur et à mesure que les autres stratégies de gestion de la douleur s'intègrent avec succès dans la vie de tous les jours.
    Les Canadiens qui vivent avec la douleur ont besoin d'un traitement de la douleur aiguë et de la douleur chronique qui soit opportun et axé sur les meilleures pratiques, dans nos systèmes de soins de santé. Nous avons besoin de professionnels de la santé qui obtiennent une formation uniformisée sur la gestion efficace de la douleur et qui ont l'appui nécessaire pour prescrire les médicaments pertinents aux personnes qui souffrent ou non d'une dépendance, ainsi que pour faire le suivi du traitement. Il faut qu'ils s'appuient sur des lignes directrices axées sur les meilleures pratiques.
    Les gens qui vivent avec la douleur ont besoin d'une très vaste variété de médicaments contre la douleur, car un médicament qui convient à l'un ne convient pas nécessairement à l'autre. De plus, il a été démontré que combiner des médicaments à divers mécanismes atténue nettement la douleur.
    Les personnes qui ressentent de la douleur ont besoin de meilleures occasions de se renseigner sur la douleur pour prendre des décisions éclairées, assumer un rôle actif dans la gestion de leur douleur et se sentir équipées pour créer un plan de gestion de la douleur et pour le mettre en oeuvre au quotidien. Cette éducation engloberait les bienfaits, les risques et les réalités de la prise de médicaments d'ordonnance contre la douleur, y compris la sécurité des autres personnes. Nous pouvons intervenir sur ce plan. Le groupe de travail sur l'éducation du public associé au Centre national DeGroote de recherche sur la douleur et à la Coalition canadienne contre la douleur ont créé ce matériel, justement, pour les personnes qui vivent avec la douleur.

  (1555)  

    Les médicaments jouent un rôle essentiel dans la gestion de la douleur au Canada. Il faut pouvoir donner aux personnes qui en ont besoin l'accès aux médicaments dans le cadre d'un plan de gestion de la douleur bien équilibré tout en veillant à protéger le patient et les autres. Ce n'est pas simple, mais c'est nécessaire pour le bien-être de tous les Canadiens.
    La Stratégie nationale de lutte contre la douleur au Canada, que la CCD a aidé à créer et à lancer, et les lignes directrices axées sur les meilleures pratiques...
    Je suis désolé de vous interrompre, madame Cooper. Êtes-vous sur le point de terminer votre exposé?
    Oui.
    D'accord. Vous pouvez y aller rapidement.
    J'aimerais terminer en disant que nous devons recourir à des programmes de sensibilisation et à des lignes directrices axés sur les meilleures pratiques, et consulter les experts de la douleur et de la dépendance. Nous avons besoin d'une initiative menée par le gouvernement fédéral qui garantirait l'utilisation de ces ressources précieuses et donnerait le ton d'un traitement responsable et respectueux de la douleur chronique tout en protégeant les Canadiens.
    Je tiens à vous dire que la Coalition canadienne contre la douleur est résolue à travailler avec vous pour trouver des solutions.
    Merci.

  (1600)  

    Merci beaucoup.
    Le prochain témoin est Mme DeGroote, de la Wellbeing Pain Management and Dependency Clinic.
    Madame DeGroote, vous avez 10 minutes.
    Merci monsieur Lobb et félicitations pour votre nomination à la présidence.
    Je souhaite aussi la bienvenue aux membres du comité.
    Merci infiniment de m’avoir invitée cet après-midi, de me donner l'occasion de participer à cette expérience et de vous faire part de mon savoir et de la passion que j'ai de répondre aux besoins des patients en matière de consommation des médicaments d’ordonnance et de la gestion de la douleur.
    Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai été mise au défi de travailler bénévolement dans une clinique de méthadone. Je n’avais jamais songé à travailler dans un tel domaine, mais cette expérience a changé ma vie. Je savais que le modèle de traitement à la méthadone pour les toxicomanes nécessitait des changements et, détenant une maîtrise en modèle de prise de décision, j'ai pu élaborer un nouveau modèle, il y a un peu plus de cinq ans. C'est un modèle multidisciplinaire de données probantes sur les pratiques exemplaires.
    Le rapport Avoid abusing, Achieving a Balance, publié en septembre 2010 par l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, a justifié, à mes yeux, que notre modèle était utile et qu'il pourrait être appliqué non seulement dans ma petite collectivité, mais à d’autres collectivités avoisinantes.
    En 2007, un rapport sur la méthadone préparé par un groupe d’étude a révélé que quatre zones en Ontario étaient mal desservies, dont Halton où j’habitais. Je ne pouvais pas croire que les résidants d’Halton, qui semblait être une municipalité huppée, ne puissent pas obtenir les soins médicaux dont ils avaient besoin et qu’ils méritaient.
    J’ai donc fondé Wellbeing et élaboré une vision du genre que l’on voit dans le film Le champ de rêve: construire quelque chose, puis les gens viendront, et ils sont venus. Cela n'a pas commencé discrètement, car j’ai été presque lynchée publiquement en 2008 et en 2009 quand les gens me disaient de ne pas amener des toxicomanes dans leur quartier car ils ne voulaient d’eux dans leur collectivité. Ainsi que Mme Cooper l’a dit, ils étaient loin de s’imaginer qu’il s’agissait de leurs mères, leurs pères, leurs enfants, leurs tantes et leurs oncles. Nous parlons de gens normaux qui vivent quotidiennement dans la douleur et qui pourraient être aux prises avec une dépendance et, donc, avoir aussi des problèmes de santé mentale.
    J’ai préparé un montage de diapositives que vous pouvez voir derrière vous si vous le souhaitez. Il y a aussi une série de notes. Merci beaucoup à Marc-Olivier qui m’a aidé à traduire en français toute la documentation. Merci infiniment.
    Veuillez ne pas hésiter à me poser des questions après l’exposé ou plus tard, si vous en avez. Je me ferai un plaisir d’y répondre.
    Il y a actuellement deux cliniques Wellbeing, une à Hamilton et l'autre à Burlington. Nous espérons en ouvrir une troisième très prochainement en janvier, car les gens qui souffrent sont dans une liste d'attente de plus d’un an. En fait, dans la région d’Hamilton, nos délais d’attente de moins d'un an sont plus courts que ceux des autres hôpitaux subventionnés où les gens peuvent attendre plusieurs années avant d’obtenir des soins.
    Les médecins des cliniques Wellbeing reçoivent les toxicomanes dans un délai allant de 24 à 48 heures. Parfois les gens se présentent sans rendez-vous. Notre clinique n’est pas une clinique de consultation sans rendez-vous, mais si une personne se présente et qu'un médecin est libre, elle recevra l’aide et l’attention dont elle a besoin parce que le volet toxicomanie du modèle nous a appris que les personnes au stade de la pré-contemplation savent quand elles ont vraiment besoin d’aide et veulent cette aide le jour même. Nous ne pouvons pas la renvoyer. Nous ne pouvons pas lui demander de revenir trois semaines, car au bout de trois semaines il sera peut-être trop tard.
    Les médecins de notre clinique sont rémunérés par le RAMO. La clinique est financée par de l’argent que me versent les médecins — un pourcentage que je reçois — ainsi que dans le cadre de mon entrepreneuriat philanthropique, car malheureusement, le système en vigueur en Ontario ne finance pas entièrement les modèles de données probantes sur les pratiques exemplaires.
    J’ai oeuvré pour que le modèle soit financé de cette façon. Je suis heureuse d’annoncer que nous avons aidé l’an dernier plus de 1 100 familles et je crois que nous donnons au gouvernement de l’Ontario la possibilité d’économiser des dizaines ou des centaines de millions de dollars. J’ai demandé que l'on me verse un pourcentage de ces économies afin que notre modèle puisse être mis en oeuvre dans de nombreuses autres collectivités, car nous savons qu’il améliore considérablement la vie des gens.
    L’analogie que je voudrais faire entre la toxicomanie et la santé mentale, c'est que les gens n'ont pas à divulguer les raisons pour lesquelles ils consultent un médecin. On devrait pouvoir consulter son médecin en toute confidentialité, être traité avec compassion et être pris en charge correctement.

  (1605)  

    Par conséquent, je me suis dit que, si je devais ouvrir une clinique de traitement des troubles de l’érection et que j’accrochais à l’extérieur un grand panneau sur lequel il serait écrit « Troubles de l’érection », je ne saurais combien de temps il me faudra attendre avant que des gens ne se présentent à la clinique, mais j’imagine qu’il me faudra attendre très longtemps. Les troubles de l’érection sont l’un des symptômes liés à la toxicomanie. En effet, les toxicomanes se rendent compte de leur incapacité à avoir des relations sexuelles.
    Personne ne devrait savoir pourquoi quelqu’un d’autre consulte un médecin. Les gens qui se présentent à la clinique Wellbeing peuvent s’être blessés à l’épaule et vouloir un traitement contre la douleur, mais ils peuvent aussi venir pour consulter le psychiatre ou le médecin en toxicomanie. Des gens viennent le jeudi, jour où les médecins des trois spécialités reçoivent les patients. Il y a aussi la gestionnaire de cas, une IA locale, qui nous vient du programme ADAPT. Un patient peut littéralement passer des heures dans la clinique pour voir tous les professionnels de la santé nécessaires. Notre objectif, c'est de redonner aux gens une capacité fonctionnelle et, en premier lieu, de mettre fin à leur douleur; de diminuer la posologie de leurs médicaments ou de cesser la médication et de s’assurer d’obtenir de bons résultats sur le plan mental.
    Imaginez qu’il y a cinq ans, vous avez été blessé dans un accident automobile, que vous en souffrez encore, que vous ne pouvez plus travailler, que votre femme vous en veut parce que vous ne gagnez plus d’argent et que vous accusez un retard de paiements de votre hypothèque et de votre voiture. Les gens peuvent être dépassés par une telle situation et ils auront besoin d’aide pour régler tous ces problèmes. Nous devons les aider à les résoudre.
    M. Buckley a fait des confidences. Je vais en faire une maintenant et une autre dans quelques minutes. Sachez que je ne perçois aucun salaire pour mon travail. Je le fais tout à fait bénévolement. Mes employés sont formidables. Premièrement, parce qu’il y a cinq ans qu’ils n’ont pas eu d’augmentation de salaire; ma directrice financière, qui connaît notre situation financière, me dit que je ne peux pas leur en donner et, deuxièmement, parce qu'ils ont véritablement à coeur d’aider les autres et veulent que le modèle fonctionne bien. Pour ces raisons, j'accorde beaucoup de mérite à ceux et celles qui travaillent dans notre modèle de clinique. Nous sommes un peu comme Médecins sans frontières, la différence étant que nous travaillons à l’échelon local. Voilà ce qui se passe dans notre collectivité.
    J'aimerais tant être le réparateur de Maytag. Je voudrais que personne n’ait de problème d’accoutumance et ne souffre de douleur ou de troubles mentaux. Nous aurons atteint nos objectifs le jour où personne ne se présentera dans nos cliniques.
    Je voudrais dire un mot sur le travail du CCLT et de la Société canadienne dans le domaine du traitement de la douleur par rapport à la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour le traitement de la douleur et la lutte contre la toxicomanie. Les deux organismes ont des stratégies nationales, et je sais que vous avez entendu d’autres témoignages. J’ai lu le compte rendu de vos délibérations. Aussi, je ne m'attarderai pas là-dessus. Je tiens seulement à souligner que vous devez continuer à faire du bon travail, en veillant à ce qu'il y ait des stratégies nationales pour le traitement de la douleur et la lutte contre la toxicomanie. Vous avez appuyé des stratégies nationales de lutte contre le cancer et aussi pour la santé mentale. La douleur et la toxicomanie sont inextricablement liées au cancer et à la santé mentale. On ne peut pas les dissocier. Je vous prie donc de considérer sérieusement le maintien du financement du CCLT et de la Société canadienne pour le traitement de la douleur; ce financement leur permettra d'élaborer une stratégie nationale. Nous pouvons être les chefs de file mondiaux dans ce domaine, et il nous appartient à tous de faire notre possible pour les membres de nos collectivités.
    En 2011, l’Association internationale pour l’étude de la douleur a déclaré à juste titre que l’accès au traitement de la douleur est un droit fondamental de la personne. Il n’y a pas de solution universelle. Il pourrait y avoir 100 façons différentes de traiter la douleur ou l’accoutumance aux drogues de 100 personnes. On dénote beaucoup d’abus de plusieurs substances toxiques. Donc, il peut y avoir une intoxication aux opioïdes — et c'est la raison pour laquelle une personne peut se présenter à Wellbeing, étant donné que nous nous intéressons uniquement à ce type d’intoxication —, mais nous détectons aussi, dans les dépistages de drogue dans l’urine, la présence de cocaïne, d’alcool et de THC, entre autres. Les gens sont prêts à tout pour recourir à l’automédication, souvent parce qu’ils souffrent d'une douleur mentale ou physique — car, le plus souvent, ils présentent tous un peu les mêmes manifestations  — et nous devons les aider à soulager leur douleur.
    L’accès rapide des patients aux soins est primordial. Imaginez que vous vous blessez et que vous devriez être rétabli au bout d’un mois. Or, vous ne l’êtes pas et votre état continue de s'aggraver. Par exemple, vous avez eu un accident automobile et six mois ou un an après, vous ressentez encore des douleurs. Vous ne pouvez plus travailler. Vous ne pouvez plus rien faire.

  (1610)  

    Sommes-nous surpris de voir les patients développer une accoutumance aux analgésiques prescrits par leurs médecins et ces derniers continuer à en augmenter le dosage au fur et à mesure que l’effet diminue? La douleur s’est aggravée. Je ne dis pas que c’est la faute des médecins. Nous devons travailler ensemble pour s’assurer que les gens aient rapidement accès aux soins. Mme Cooper a dit la même chose.
    Les décisions du gouvernement relatives au financement en matière de santé devraient être fondées sur la science et le raisonnement et non pas sur des tactiques alarmistes et des protestations de la part de la collectivité. Chez certaines personnes ayant des douleurs chroniques, les opioïdes peuvent être des analgésiques efficaces pendant un certains temps, mais il y a beaucoup d’autres solutions de rechange qui doivent aussi être utilisées. Nous faisons aussi dans les cliniques Wellbeing des injections visant les zones gâchettes. Les médecins perçoivent 8,85 $ par injection, le maximum étant quatre injections.
    Par exemple, un anesthésiste qui fait des traitements de la douleur peut recevoir un patient pendant 20 minutes et lui faire quatre injections, soit quatre fois 8,85 $. Les médecins devraient être bien rémunérés pour leur travail. S’il existe une solution simple et élégante, comme l'injection visant les zones gâchettes, à un problème, nous devrions l’utiliser. Il faut accorder la priorité aux traitements les plus faciles.
    Notre premier directeur médical avait fait une étude sur la reconstruction du genou à l’Université Queen's et 55 % des personnes ayant suivi un traitement de la douleur n’ont pas eu besoin de reconstruction du genou. Les gens voulaient seulement ne plus souffrir. Ils ne voulaient pas un nouveau genou. Ils voulaient simplement ne plus ressentir de douleur. Il y a des solutions, mais le système en place n’appuie peut-être pas ce genre d'initiatives. Il faut faire beaucoup d’injections à 8,85 $.
    Je vous prie de m’excuser madame DeGroote, mais le temps nous est compté encore une fois. Vous serait-il possible de conclure en 30 secondes ou moins?
    Effectivement. Il existe des solutions aux problèmes liés au mauvais usage et à l’utilisation frauduleuse des médicaments. M. Buckley a évoqué le Projet Lazare. Nous n'avons pas nécessairement à réduire le nombre d’ordonnances d’opioïdes pour diminuer le nombre de décès attribuables aux opioïdes.
    Il faut mener des recherches fondées sur des données probantes pour trouver d'autres traitements de la douleur efficaces et peu coûteux. Nous devons accepter qu’il s’agit d’un problème collectif; ce n’est pas seulement un problème médical. Nous devons sensibiliser les gens. Nous avons besoin de stratégies de retour des médicaments non utilisés dans des programmes de récupération. C’est extrêmement important. Cette question a été soulevée lors de la précédente réunion du comité. Il nous faut de meilleures données nationales pour élaborer des approches ciblant le mauvais usage des médicaments; et les patients doivent avoir rapidement accès aux soins dans leurs collectivités.
    Voici des exemples de situations qui justifient ce que nous faisons. À Oakville, un jeune homme est mort d’une surdose d’opioïdes. Deux mois plus tard, un de ses amis est mort pour les mêmes raisons. Ils n’avaient rien pris pendant un certain temps, mais leur niveau de tolérance avait changé. Ils en ont repris qu’une seule fois, et voilà qu’ils ne sont plus parmi nous.
    Nous devons secourir ces jeunes. C'est avec eux que nous pouvons réellement changer le cours des choses à l'instar du port obligatoire de la ceinture de sécurité instauré il y a 30 ans. Avant cela, personne ne portait de ceinture de sécurité. Nous devons nous assurer que les gens mettent leurs médicaments sous clé. Chacun d’entre vous doit acheter aujourd'hui une armoire à pharmacie qui peut être fermée à clé. C'est essentiel. Les pharmaciens mettent les médicaments sous clé, puis nous les apportons à la maison. Le sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l’Ontario, que le CAMH présentera mercredi, indique que 20 % des jeunes font un mauvais usage des médicaments légalement prescrits à leurs tantes, oncles, grand-mères ou pères. Nous devons nous assurer que ces enfants ne développent pas une dépendance. Nous devons mettre les médicaments sous clé.
    J’espère que vous les rangez sous clé chez vous. Nous améliorerons les choses. Cela prendra du temps, mais nous pouvons y arriver.
    Merci.
    La docteure Bromley du Narcotics Advisory Board, est la dernière personne à faire un exposé cet après-midi. Vous avez 10 minutes.

  (1615)  

[Français]

    Mesdames et messieurs, honorables députés, c'est un honneur et un privilège d'être invitée à vous parler aujourd'hui. Je vous remercie de cette occasion. Je remercie également M. Marc-Olivier Girard de s'être occupé des détails relatifs à ma comparution d'aujourd'hui.

[Traduction]

    Je suis une Canadienne née dans les années 1960. De mon vivant, j'ai vu notre société accomplir d'énormes progrès dans beaucoup de domaines en s'attaquant et en refusant de céder à la stigmatisation, à la discrimination et à la haine. Je crois qu'il s'agit d'un trait caractéristique de notre pays, et cela me rend très fière d'être Canadienne.
    Bien entendu, là où je veux en venir avec tout cela, c'est qu'il y a encore un domaine dans lequel nous devons nous améliorer. Un groupe de personnes ont encore besoin de notre compréhension et de notre compassion. Dans la société, les hôpitaux, les cliniques et le système de justice pénale, il est encore acceptable de dénigrer et de parfois fustiger une personne aux prises avec une dépendance aux opioïdes d'ordonnance. C'est un problème qui englobe un large éventail de comportements pouvant aller jusqu'à l'injection de drogues. Je suis venue témoigner aujourd'hui pour changer votre perception d'une personne qui a un problème de consommation d'opioïdes d'ordonnance.
    Je m'appelle Lisa Bromley et je suis médecin de famille ici à Ottawa. Je m'adresse à vous en tant qu'ancienne membre du Narcotics Advisory Board du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario.
    Je travaille à moins d'un kilomètre d'ici, au Centre de santé communautaire Côte-de-Sable, qui se trouve au coin des rues Rideau et Nelson. Je suis spécialisée dans le traitement de la dépendance aux opioïdes, pour lequel je prescris de la méthadone ou de la buprénorphine et de la naloxone. Je fais partie des fournisseurs de soins de santé qui travaillent aux premières lignes pour enrayer l'épidémie de consommation abusive de médicaments d'ordonnance, et je peux vous dire que mes patients me tiennent à coeur.
    Certains autres invités ici présents travaillent eux aussi dans le domaine de la douleur, et il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour offrir des traitements adéquats et complets, notamment, mais sans s'y restreindre, en prescrivant des opioïdes.
    Un grand nombre de mes patients qui ont une dépendance aux opioïdes avaient et continuent d'avoir des problèmes de douleur. La différence est qu'ils ont développé une complication relativement peu commune, mais reconnue et dévastatrice, c'est-à-dire une dépendance aux opioïdes d'ordonnance.
    On a déjà mentionné que la coexistence de la douleur et d'une dépendance chez le même patient constitue un domaine de la médecine qui pose de très grands défis. Tout ce que je vais vous dire aujourd'hui sera dans une optique liée à la dépendance. Pour une raison ou une autre, il nous arrive parfois de penser qu'un bon traitement de la dépendance et un bon traitement de la douleur entrent en conflit. Je vous invite aujourd'hui à considérer les deux comme étant synergiques.
    Au fond, la dépendance est une maladie du système motivationnel du cerveau. Nous en avons tous un, car autrement, aucun de nous ne serait ici aujourd'hui, n'est-ce pas? En gros, il comprend deux fonctions cérébrales: le système dopaminergique qui nous récompense avec une sensation de bien-être — c'est grâce à lui que nous aimons nos réconforts de la vie quotidienne — et le système principal de planification, qui nous sert à planifier et à prévoir l'avenir. Le système motivationnel des toxicomanes est dysfonctionnel. La substance fait croire à leur cerveau qu'elle est plus importante que les autres aspects de leur vie. C'est la raison pour laquelle ils sont nombreux à perdre leur maison, leur famille et leur travail.
    En médecine, nous soignons tous les jours des patients dont les fonctions corporelles ont été perturbées ou altérées par la maladie. C'est notre travail. On n'a pas toujours su qu'un toxicomane souffre effectivement d'une maladie cérébrale et qu'une fonction importante de son cerveau a été perturbée ou altérée par la maladie.
    On m'a demandé de parler des besoins des patients, de l'ampleur du problème et de la population la plus à risque, et de vous donner des idées de stratégies prometteuses pour s'attaquer au problème à l'échelle communautaire. Voici donc ma liste de demandes.
    Tout ce que vous pouvez faire pour réduire la stigmatisation de la toxicomanie au sein de la société sera utile. Je vais toutefois vous demander d'être prudents, car cela ne signifie pas qu'il faut favoriser les comportements en question. Il ne faut pas confondre la compassion pour un toxicomane avec le fait de lui donner exactement ce qu'il veut. Il faut être prudent quand on fait preuve de compassion, car il ne faut pas faciliter ou permettre la progression de la maladie, mais plutôt encourager le patient.
    Dans le système de justice pénale, le plus grand préjugé associé à la dépendance est l'incarcération des toxicomanes. Je tiens à être très claire: il est absolument essentiel que tous les toxicomanes, peu importe de qui il s'agit et où ils se trouvent, soient tenus responsables de leurs actes. À vrai dire, c'est un élément fondamental de tout bon traitement de la toxicomanie. Cela dit, la prison est l'environnement le moins thérapeutique auquel je peux penser pour soigner une dépendance. Je demande donc que le système de justice pénale mise davantage sur les traitements pour donner une meilleure chance à ceux dont le comportement criminel est attribuable à une maladie du cerveau. Ils cesseront de faire du mal à d'autres personnes quand ils iront mieux.
    J'aimerais parler des formules destinées à décourager l'abus d'opioïdes d'ordonnance. L'industrie pharmaceutique en a créé différentes sortes, et il s'agit selon moi d'une occasion à saisir. Cela revient à ajouter une ceinture de sécurité dans une voiture. Ce n'est pas le seul moyen de prévenir les accidents mortels, mais c'est malgré tout un pas dans la bonne direction. Je pense que cela peut améliorer la situation. Dans le milieu du traitement de la toxicomanie, je crois que nous étions tous déçus quand on a décidé d'autoriser les produits génériques à action prolongée renfermant de l'oxycodone. À mon avis, Santé Canada a fait une interprétation restrictive des éléments de preuve. Pour pouvoir prendre de bonnes décisions, il faut avoir une vision d'ensemble.
    Cela m'amène à la façon d'y arriver. Quelles sont les données à notre disposition? Au Canada, nous n'avons pas de données exhaustives et fiables sur la toxicomanie au sein de la population. Les nôtres sont fragmentaires. Les États-Unis ont un système excellent et complet que nous devrions selon moi reprendre tel quel, sans la moindre gêne. Il s'agit du système RADARS, le Researched Abuse, Diversion and Addiction-Related Surveillance System, qui est géré au Colorado. Il est exhaustif et permet de recueillir des données dans un grand nombre de régions différentes. Je vais vous lire un passage du site Web.

Le système RADARS mesure les taux d'abus, de mauvaise utilisation et de détournement partout aux États-Unis pour comprendre les tendances et soutenir l'élaboration d'interventions efficaces.
    La mise en oeuvre d'un tel système ne coûterait pas cher, car, aux États-Unis, la majorité du financement, sinon la totalité, vient de l'industrie, qui doit remplir une obligation fédérale qui consiste à vérifier l'innocuité de ses produits. Nous avons donc la possibilité de tenir l'industrie responsable des effets de ses produits sur la population.
    Dans le cas des Premières Nations, ce ne sont pas tous les traitements efficaces de la dépendance aux opioïdes qui sont financés. Plus précisément, la méthadone et la buprénorphine-naloxone sont offertes aux patients qui vivent dans une réserve, mais le traitement qui combine la buprénorphine et la naloxone n'est pas offert aux membres des Premières Nations qui vivent l'extérieur d'une réserve. C'est un obstacle que je constate tous les jours. La solution est simple: il faut financer tous les traitements disponibles de la dépendance aux opioïdes pour tous les Autochtones, peu importe où ils vivent.
    Nous avons parlé de la naloxone et des trousses d'intervention en cas de surdose. Je vais sauter le sujet pour éviter de dépasser les 10 minutes qui me sont allouées, mais j'aimerais juste mentionner que c'est un moyen très abordable, sécuritaire et efficace de sauver des vies.
    Je m'attends à ce que mon prochain sujet de discussion fasse l'objet de disputes, car je vais parler d'une mesure qui touchera un nombre relativement restreint de personnes, mais qui pourrait donner des résultats très positifs pour elles. Je parle des sites d'injection supervisés. Il nous en faut davantage au Canada.
    J'ai pris soin de bien m'habiller pour la réunion. J'ai mis une jupe et du rouge à lèvres, mais, dans le fond, je suis un médecin qui prescrit de la méthadone au centre-ville. Vous avez devant vous un soldat qui se trouve au front de l'épidémie. J'affronte le problème tous les jours.
    Je vais faire certaines analogies pour ceux qui disent que les toxicomanes devraient recevoir des traitements, pas des injections. Il faut comprendre qu'en médecine, nous savons que les traitements ne fonctionnent pas toujours, particulièrement quand les patients ont une maladie grave ou à un stade avancé. Les maladies sont encore plus futées que nous. Aux pays, des personnes meurent toutes les heures du diabète, du cancer et d'une maladie du coeur. Nous ne prétendons pas que nos traitements fonctionnent dans tous les cas, et nous acceptons que les meilleurs échouent parfois malgré tous nos efforts. Est-ce que cela signifie que nous envoyons en prison les patients atteints du cancer dont le traitement s'est révélé inefficace? Ce serait horrible et ridicule. Pourtant, c'est exactement ce que nous faisons à ceux qui affichent un comportement criminel attribuable à une maladie du cerveau.

  (1620)  

    Je vous invite à aborder la question de la façon suivante. L'ouverture d'un site d'injection supervisé ne signifie pas qu'il sera possible pour quelqu'un de s'injecter une dose. Il s'agit plutôt de lui permettre de le faire de manière supervisée. Et vous savez quoi? Dans un rayon de 500 mètres de cette salle, dans le marché By d'Ottawa, des gens s'injectent probablement de la drogue en ce moment même. Nous pouvons protéger la santé parfois déjà précaire de ceux qui souffrent de la forme la plus grave de cette maladie et, avec un peu de chance, les encourager à suivre un traitement dont ils pourraient bénéficier.
    Je vais terminer avec un point qui constitue un clin d'oeil aux bonnes pratiques cliniques. C'est une affirmation très générale, mais il faut en parler.
    Il y a un écart énorme entre ce que nous savons sur la toxicomanie et la façon dont elle est généralement traitée en médecine — je ne parle pas des personnes ici présentes, cela va de soi. Tout ce que vous pouvez faire pour appuyer les bonnes pratiques cliniques serait utile. C'est regrettable, mais, dans le cadre de mon travail, je ne vois que les échecs — c'est peut-être un processus d'autosélection, car les gens que je vois sont ceux qui, par définition, ont une dépendance aux opioïdes. Cela dit, je suis d'avis qu'il y a des cas où la médecine donne encore de mauvais résultats et fait subir aux patients toute la stigmatisation présente dans la société et une ignorance profonde.
    Pour ce qui est des bonnes pratiques cliniques, je vous demanderais de considérer cette question...

  (1625)  

    Docteure Bromley, pensez-vous terminer bientôt? 
    Oui, monsieur.
    Je n'ai pas réussi à tout dire en 10 minutes. Merci de votre patience.
    Vous étiez à deux doigts de gagner le prix de celui qui se rapproche le plus des 10 minutes, mais vos derniers commentaires vous ont disqualifiée. Désolé.
    Nous allons commencer notre première série de questions. Il y a en aura quatre, et sept minutes seront allouées.
    Monsieur Morin, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais, moi aussi, tenter de ne pas dépasser les sept minutes qui me sont allouées.
    Ma première question s'adresse à Mme DeGroote.
    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. J'ai surtout beaucoup aimé la partie où vous parliez de votre travail au sein des deux cliniques, soit à Burlington et à Hamilton. Vous avez constaté que la population était réticente devant ce genre de cliniques.
    Quand j'ai entendu cela, j'ai pensé à une campagne des conservateurs qui s'intitule Garder l'héroïne loin de chez nous. C'est sur leur site Internet. C'est évidemment relié aux sites d'injection supervisée. On essaie de provoquer la peur chez les gens et de les amener à ne pas vouloir de cela près de chez eux ou près du lieu où vit leur famille. Bref, il est clair qu'on essaie de faire peur aux gens, alors que ces cliniques, ultimement, sont supervisées, peu importe leur mode de fonctionnement.
     Trouvez-vous qu'il est raisonnable de la part du gouvernement canadien d'inciter les gens à la peur et d'essayer de les convaincre que ces cliniques n'ont pas leur place dans leur environnement et qu'elles sont dangereuses pour leur famille?
     Quelle est votre opinion à ce sujet, madame DeGroote?

[Traduction]

    Monsieur le président, je suis désolée, car je sais que c'est le temps des Fêtes, mais je ne pense pas que ces questions soient pertinentes dans le cadre de notre étude.
    Je vous remercie de cette intervention, madame Adams.

[Français]

    Est-ce que je peux répondre?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Au sujet de ces cliniques qui viennent en aide aux gens souffrant de problèmes de dépendance, sujet dont il est question depuis le début de l'étude, Mme DeGroote nous a dit avoir vécu une situation similaire, à savoir que les gens avaient peur de la façon dont on traitait les personnes ayant un problème de dépendance. Je sais que votre gouvernement a mené une campagne là-dessus, et je voudrais savoir si, à son avis, ce genre d'attitude est appropriée. Je crois pertinemment que c'est lié autant au témoignage de madame qu'au sujet discuté.
    En outre, Mme Bromley nous a parlé des sites d'injection supervisée lors de son témoignage. Par conséquent, je crois vraiment que mon intervention ne déborde pas le sujet à l'étude.

[Traduction]

    Allez-y, madame Adams. En passant, il vous reste encore du temps, à moins que ce ne soit voulu.
    Monsieur le président, je crois que notre collègue de l'opposition essaie de faire allusion au projet de loi C-2 et d'en discuter. Ce n'est pas du tout la tribune appropriée. Nous sommes ici pour étudier l'abus de médicaments d'ordonnance, et même si les témoins abordent d'autres points lorsqu'ils nous parlent de leur expérience, il incombe aux députés de rester concentrés et de maintenir le cap quand ils posent des questions.
    Je vous remercie de ces commentaires. Je vais ajouter qu'à ma connaissance, cette étude s'est déroulée jusqu'à maintenant de manière très professionnelle et non partisane. Les questions, même si on s'en sert pour contourner le sujet, sont adressées dans le plus grand respect.
    Je pense que l'intervention est justifiée. Tous les membres du comité devraient en tenir compte.
    Monsieur Morin, il vous reste cinq minutes et demie. Je ne vais pas vous dire comment poser vos questions; vous êtes libre de le faire comme vous voulez. Cela dit, essayons de ne pas nous éloigner du sujet.

  (1630)  

[Français]

    Je vais donc laisser Mme DeGroote répondre. Il faut aussi qu'elle soit à l'aise d'insérer sa réponse dans le contexte du sujet à l'étude d'aujourd'hui. Je pense que sa réponse va expliquer pourquoi j'ai posé ce genre de question.

[Traduction]

    Selon moi, il faut absolument faire une différence entre les diverses cliniques et les divers sites en place. J’ai défini ce que je voulais dans ma clinique en utilisant un modèle ascendant. Nous aidons les gens de notre collectivité en fonction de leurs besoins.
    Je ne veux pas faire des allégations ou dénigrer le travail des autres qui offrent des services à d’autres personnes. Je vous avoue que mes premiers pas dans le domaine ont été très bouleversants; c’était à donner des frissons dans le dos, et je ne pouvais pas en croire mes yeux que cela se faisait au Canada. J’ai visité des cliniques dans des pays du tiers monde dans lesquels je me sentais plus en sécurité. Voilà ce qui m’a poussée à dire que nous avions besoin d’un nouveau modèle. Grâce à ce modèle et à la sensibilisation de notre collectivité, je crois que nous pouvons changer la donne et faire en sorte que les gens n’aient plus peur d’accepter les autres dans leur collectivité.
    Au début, des gens faisaient la une du journal local et nous demandaient de ne pas attirer les héroïnomanes à notre clinique, parce qu’ils disaient que les jeunes se feraient blesser en route pour l’école et que ce serait une catastrophe. Ces mêmes gens ont maintenant fait amende honorable et nous accueillent dans leur collectivité, parce que nous avons une politique de tolérance zéro, que nous sommes sérieux et rigoureux et que nous recevons nos clients sur rendez-vous seulement, à l’instar d’une clinique traditionnelle. D’ailleurs, les gens qui faisaient la une des journaux viennent maintenant nous voir pour recevoir des traitements. Ils sont extrêmement heureux de notre présence dans leur collectivité.
    D’après moi, il faut sensibiliser les collectivités. Nous devons en faire autant avec les médecins et les pharmaciens.
    Parmi les aspects qui sont peut-être différents d’ailleurs, nous nous assurons de faxer systématiquement chaque ordonnance à une pharmacie. Donc, personne ne quitte la clinique avec une ordonnance en main. Au bas de chaque ordonnance se trouve une consigne de notre médecin que doit suivre le pharmacien: « Tout opioïde doit être délivré dans un coffret barré. »
    Madame DeGroote, merci beaucoup. Je suis vraiment désolé, mais je dois vous interrompre; j’ai d’autres questions.
    Docteure Bromley, le sujet de la présente étude fera un jour partie de la stratégie canadienne antidrogue, et c’est l’objectif. Nous savons que le gouvernement conservateur a modifié en 2007 la stratégie nationale antidrogue pour en retirer le quatrième pilier, soit la réduction des dommages.
    Selon vous, le retrait du quatrième pilier était-il une bonne idée? Les trois autres piliers sont la prévention, le traitement et l’application de la loi. D’après vous, devrions-nous réintégrer le quatrième pilier dans le cadre des soins offerts aux gens qui ont des problèmes de toxicomanie ou de consommation abusive de médicaments d’ordonnance et d’autres substances?
    Je vous dirais que rien n’est blanc ou noir en médecine; ce n’est jamais l’un ou l’autre. Nous nous efforçons de faire ce que nous pouvons avec ce que nous avons dans notre domaine. Je crois que nous réduisons toujours les dommages par divers moyens selon l’étape à laquelle le patient est rendu.

  (1635)  

    Si je vous comprends bien, ce pilier devrait être réintégré à la stratégie nationale antidrogue, n’est-ce pas?
    Certainement.

[Français]

    J'ai une dernière question. Elle s'adresse à Mme Cooper.
    Madame Cooper, vous avez beaucoup parlé des gens qui vivaient avec la honte de souffrir beaucoup, alors que personne ne croyait qu'ils ressentaient beaucoup de douleur. On les accuse de simuler certains symptômes, de prétendre avoir mal et d'abuser des médicaments.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Que pourrait faire le gouvernement du Canada pour aider ces gens qui vivent avec une douleur atroce et qui disposent de si peu d'outils pour les aider véritablement?

[Traduction]

    Soyez brève, madame Cooper, s’il vous plaît.
    Merci.
    Nous pouvons faire beaucoup de choses. Le plus important est d’offrir un soulagement adéquat de la douleur, parce que les gens apprennent comment adapter leur vie, lorsqu’ils ont accès à des traitements multidisciplinaires de la douleur, qu’ils comprennent leur douleur et qu’ils connaissent bien les stratégies pour la soulager. Ces personnes apprennent comment reprendre leur vie en main. Par la suite, on n’accorde plus vraiment d’importance aux gens qui disent que vous êtes un drogué ou un revendeur ou un faux malade, parce que vous savez que vous avez repris votre vie en main et que vous la vivez de la manière la plus productive possible. Les limites que vous pensiez avoir lorsque vous n’aviez pas accès à un soulagement adéquat de la douleur et à l’aide dont vous aviez besoin ont complètement disparu.
    Merci. C’était bien.
    Madame Adams, vous avez sept minutes, s’il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    Notre gouvernement investi massivement dans le soulagement de la douleur. En effet, par l’entremise des IRSC, nous avons investi environ 55 millions de dollars dans la recherche sur le soulagement de la douleur.
    J’ai récemment rencontré l’un des éminents neurochirurgiens au Canada. Il se trouve à Montréal et fait beaucoup de recherches au sein des IRSC. Ces travaux portent principalement sur l’arthrite, mais ils sont vraiment axés sur les patients. Ces derniers ont répondu à un questionnaire dans lequel ils ont hiérarchisé leurs priorités. C’est le soulagement de la douleur qui est arrivé en première place, ce qui a beaucoup surpris les médecins et les cliniciens. Par conséquent, ces derniers ont complètement revu leur approche en vue d’aborder la priorité des patients.
    Pourriez-vous aborder brièvement l’importance de la recherche sur la douleur en vue de nous assurer de répondre aux besoins des patients? Monsieur le président, par votre entremise, j’aimerais demander à Mme Cooper de répondre en premier, puis j’inviterais les autres témoins à compléter sa réponse, s’ils le souhaitent.
    Je m’en remets au Dr Buckley pour vous répondre.
    La recherche est essentielle au soulagement efficace de la douleur. Chaque étude nous en apprend davantage sur la manière dont différentes méthodes interagiront en vue d’obtenir des résultats optimaux.
    Comme je l’ai dit au début, je m’en remets à l’expertise du Dr Buckley à cet égard.
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, j’aimerais demander au Dr Buckley s’il a quelque chose à ajouter.
    Il y a deux ou trois éléments. Il est vrai que des travaux concertés sur un problème précis ont considérablement amélioré notre capacité de traiter des problèmes de santé. Prenons l’exemple de la stratégie de lutte contre le VIH. Le cas de Montréal est unique. En particulier, la renommée de l’Université McGill en tant que chef de file sur la scène internationale en ce qui concerne la douleur — de surcroît, ce commentaire provient d’un professeur de l’Université McMaster, ce qui lui donne probablement encore plus de poids...
    Je comprends tout à fait. J’ai vécu 16 ans à Hamilton; j’accepte volontiers votre partialité.
    Voilà!
    Je reconnais qu’un investissement de 55 millions n’est pas de la petite bière, mais j’aimerais faire remarquer que la douleur n’a pas son propre pilier. Je comprends que j’ai l’air d’en diminuer l’importance, mais votre investissement n’est pas une bagatelle. Par contre, il n’y a pas de pilier en ce qui concerne, par exemple, le soulagement de la douleur. Comme Mme Cooper l’a souligné, l’éditorial de Mary Lynch, que nous aimerions vous faire parvenir, établit très clairement les coûts liés à la douleur non traitée ou mal traitée, et cela éclipse le VIH, le cancer et même les maladies cardiovasculaires en ce qui a trait aux répercussions. Le problème est que ce n’est pas une simple question de nature biochimique. Comme je l’ai avancé, c’est complexe. Cela comprend des réponses psychologiques et des situations sociales, qui ont chacune des répercussions. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la recherche. Nous avons beaucoup de connaissances à ce sujet, mais le problème est notamment qu’il faut maintenant essayer d’améliorer la qualité des traitements.
    Les IRSC sont en fait un organisme formidable; ils méritent toutes nos félicitations.

  (1640)  

    Merci.
    Madame DeGroote, parmi les personnes qui viennent à votre clinique, combien ont des problèmes de consommation abusive de médicaments d’ordonnance et combien ont des problèmes de consommation de drogues illicites?
    Beaucoup de gens consomment de manière abusive plusieurs substances.
    Par exemple, une personne peut prendre des médicaments que son médecin de famille lui a prescrits, mais elle a aussi pris de la cocaïne samedi soir. Si vous vous intéressez seulement au nombre de personnes qui ont des problèmes de consommation abusive de médicaments d’ordonnance, c’est assez élevé. Je pourrais vous revenir avec le nombre exact. Je dirais qu’environ le tiers des gens ont de la douleur et ne veulent pas admettre qu’ils ont des problèmes de dépendance. Nous savons que si leur médecin de famille leur demandait d’arrêter du jour au lendemain de prendre des médicaments, ils seraient en sevrage, et c’est l’un des éléments qui entrent dans la définition de la dépendance.
    Étant donné qu’ils ne veulent pas admettre qu’ils ont des problèmes de dépendance — ils disent que c’est seulement leur médecin qui leur donne une ordonnance; comment pourraient-ils donc avoir des problèmes de dépendance? —, nous essayons de réduire la douleur. Nous utilisons diverses méthodes dans nos traitements, et nous avons un graphique qui présente tout ce que nous faisons. Ensuite, les médecins peuvent en fait doser la consommation des patients et la fixer à un degré plus acceptable. Dans certains cas, des personnes n’ont plus besoin de médicaments. Je dirais que probablement le tiers des patients qui viennent nous consulter ont des problèmes liés uniquement à la consommation ou à la surconsommation de médicaments d’ordonnance prescrits par leur médecin de famille et n’achètent pas de drogues illicites ou d’autres narcotiques.
    Selon vous, combien de gens achètent en fait des médicaments d’ordonnance?
    Une grande proportion des gens le feront. Ceux qui ont de la douleur au quotidien feront tout pour la faire disparaître. Nous ne devrions pas les en blâmer. C’est leur manière de survivre. C’est leur mécanisme de survie qui leur permet parfois de se lever le matin pour préparer les goûters de leurs enfants et les conduire à la partie de soccer.
    Merci.
    Les parents nous ont notamment souligné le besoin d’avoir plus de renseignements sur la manière d’éviter que les médicaments d’ordonnance se retrouvent dans les mains de leurs enfants. Les services que vous offrez à votre clinique vous ont permis d’acquérir une expérience très pratique sur la question.
    Quelles sont vos principales recommandations?
    Nous recommandons particulièrement de ranger sous clé les médicaments dans un coffret. Même si votre adolescent de 14 ans arrive à faire sauter la serrure, vous aurez au moins un tremplin pour aborder la question avec lui, parce que vous saurez qu’il a pris quelque chose.
    Bien souvent, lorsque vous prenez un médicament, comptez-vous vraiment le nombre de pilules? Si vous avez des douleurs au dos et que vous ne prenez pas de pilules chaque jour et que vous les laissez dans votre sac de golf pour en prendre lorsque vous allez jouer, savez-vous vraiment s’il vous en reste 42 ou seulement 38? Vos jeunes les ont-ils pris lorsqu’ils sont allés samedi soir à une soirée de pilules? Savez-vous ce que c’est? Des jeunes vont dans la majorité des cas dans la pharmacie de leurs parents et prennent des médicaments d’ordonnance prescrits de manière tout à fait légale. Pour entrer à la soirée, il faut se présenter avec une poignée de pilules et déposer le tout dans un grand bol. Les jeunes prennent une poignée de pilules à un moment précis et les avalent. Ils n’ont absolument aucune idée de ce qu’ils prennent, parce que c’est la vie au moment présent.
    D’accord.

  (1645)  

    C’est la réalité. Vous devez donc redoubler de vigilance pour vous assurer d’au moins le savoir si vos enfants volent vos médicaments et d’aborder la question avec eux.
    Merci de nous avoir fait part de vos connaissances.
    C’est bien. Je peux vous assurer que nous ne tiendrons pas une telle soirée après la séance.
    Monsieur Dion, vous avez sept minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    L’un des plus éminents spécialistes sur la question est la Dre Hedy Fry, et je suis censé la remplacer, mais je ne suis en aucun cas spécialiste en la matière. Elle m’a chargé de vous poser certaines questions, mais je vais d’abord vous en poser une question de mon cru.
    Quelle est votre principale recommandation pour le gouvernement fédéral? Nous ne sommes pas le gouvernement provincial; nous ne pouvons pas intervenir de la même façon dans ces dossiers, mais je suis certain que vous avez une idée du rôle précis du gouvernement fédéral. J’ai été ministre des Affaires intergouvernementales assez longtemps pour savoir que les gens se fient parfois entièrement au gouvernement fédéral, alors que ce dernier n’a pas vraiment son mot à dire. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas trouver une manière utile d’intervenir.
    J’aimerais que vous me disiez le mandat principal que vous donneriez au gouvernement fédéral.
    Je vous demanderais de déterminer qui est responsable de la sécurité en ce qui concerne les opioïdes. Nous avons la sécurité routière qui est une grande question complexe, mais je ne vois pas... Beaucoup de gens s’occupent d’une partie de la sécurité relative aux opioïdes, mais le gouvernement fédéral doit en déterminer les responsables et leur demander des comptes.
    Par contre, selon la Constitution, nous n’en sommes pas responsables. Donc, quel rôle précis le gouvernement fédéral pourrait-il jouer que les provinces ne font pas déjà?
    Veuillez excuser ma naïveté et mon ignorance, mais Santé Canada n’a-t-il pas un rôle à jouer dans la sécurité relative aux opioïdes étant donné que cela touche la santé publique?
    Oui. Nous avons un rôle à jouer dans la sécurité publique. Voilà pourquoi je vous demande de nous préciser exactement ce que vous aimeriez que nous fassions différemment.
    Monsieur Dion, nous pourrions laisser Mme Bromley y penser.
    Monsieur Buckley, madame Cooper, aimeriez-vous intervenir?
    La question des compétences est un gros problème, mais l’important est d’avoir facilement accès aux renseignements des provinces; ainsi, les intervenants des services de santé de première ligne sont en mesure de comprendre ce qui se passe avec leurs patients et sont au courant des médicaments qu’ils ont pris et des traitements qu’ils ont reçus. Certaines provinces ont actuellement des initiatives en ce sens, mais il manque une stratégie nationale en vue de soutenir une telle stratégie de communication. Même si la mise en oeuvre est bel et bien du ressort des provinces, les paiements de transferts pourraient servir à établir un pont entre les stratégies de communication qui nécessitent que les provinces et les systèmes provinciaux de soins de santé se parlent. En fait, prenons l’exemple de la stratégie du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Les responsables travaillent d’arrache-pied pour essayer de mobiliser les intervenants. Je crois qu’il serait très efficace de soutenir une telle stratégie, parce que nous avons souvent de la difficulté à avoir suffisamment de renseignements.
    Monsieur Buckley, Mme Fry avait pensé à cette option, parce qu’elle m’a chargé de vous demander les provinces ou les collectivités qui ont des pratiques exemplaires et le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer pour les diffuser.
    Actuellement, à ma connaissance, Calgary a une clinique multidisciplinaire de traitement de la douleur qui possède probablement une capacité inégalée au pays — je ne sais pas s'il s'agit d'une stratégie provinciale ou propre à la ville de Calgary — à repérer et à traiter les patients aux prises avec des problèmes complexes de douleur chronique.
    La Nouvelle-Écosse a mis en oeuvre une excellente stratégie qui comprend un appui à la formation sur le soulagement de la douleur à l'intention de ses principaux fournisseurs. La stratégie est également axée sur les questions liées à la prescription d'opioïdes, l'un des problèmes déterminants dans cette province, manifestement.
    La belle province est peut-être l'une des premières à avoir élaboré une stratégie provinciale. Elle regroupe, je crois, cinq centres universitaires clés à titre de ressources tertiaires chargées de la formation en soins primaires et secondaires et en prestation de soins dans cinq régions du Québec.
    En Colombie-Britannique, la mise en oeuvre de la stratégie est en cours. Elle a été annoncée il y a deux ans, je crois. On continue d'aller de l'avant, mais je pense que sur le plan de la vie privée, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et le Québec sont en tête, suivis de près par la Colombie-Britannique. L'Ontario a commencé à élaborer une stratégie qu'elle devra ensuite mettre en oeuvre.

  (1650)  

    Quelqu'un d'autre veut-il aborder cette question? Non? Très bien.
    J'ai une autre question à poser de la part de Mme Fry. Nous avons entendu dire que dans les collectivités éloignées et rurales, le taux d'abus de médicaments d'ordonnance est plus élevé en raison de l'accès limité à des services complets de soulagement de la douleur, comme la physiothérapie et les services spécialisés de soulagement de la douleur.
    Est-ce exact? Le gouvernement fédéral peut-il jouer un rôle afin que la qualité des services soit davantage comparable partout au pays?
    La question s'adresse à quiconque est sensibilisé à ce problème.
    J'ai été très étonnée d'apprendre que Halton était l'une des quatre zones mal desservies. Cela m'a beaucoup surprise. Il ne faut pas nécessairement vivre en région rurale ou en région éloignée pour manquer de soins. On peut vivre dans une région centrale, où tout est à sa portée, et ne pas avoir accès à certains services.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai agi. J'avais du mal à croire que ce n'était pas accessible dans notre collectivité.
    Merci beaucoup.
    Merci. Vous terminez juste à temps. Bravo.
    C'est au tour de M. Lizon, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui, tant ceux qui sont à l'écran que ceux qui sont ici cet après-midi.
    Je vais d'abord me permettre de faire un commentaire. Nous menons cette étude sur l'abus de médicaments d'ordonnance et, en fait, bon nombre des témoins que nous entendons mettent l'accent sur les opioïdes et les analgésiques. Jusqu'ici, nous avons laissé les autres de côté, mais il serait bon que nous sachions quelle est l'incidence du mauvais usage ou de la consommation excessive d'autres médicaments.
    Puisque nos quatre témoins d'aujourd'hui s'occupent de questions liées à la douleur, ma première question est la suivante. Et elle ne s'adresse pas à une personne en particulier. D'un côté, un médecin voit des gens qui ont besoin d'un traitement contre la douleur, qu'elle soit chronique ou récurrente. Certaines personnes souffrent parfois de migraines et elles sont incapables de fonctionner. Le médecin est confronté à un problème: il doit leur donner quelque chose pour soulager la douleur. Comment le médecin ou le praticien peut-il trouver le juste équilibre afin d'éviter la surprescription ou les prescriptions inutiles et d'utiliser le traitement approprié? J'imagine que parfois, le moyen le plus facile est simplement de prescrire le médicament contre la douleur, et c'est probablement le moyen le plus facile pour le patient aussi, car la douleur disparaît habituellement très rapidement.
    Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Où trouvez-vous le juste équilibre?
    N'importe qui peut répondre.
    Peut-être que je peux commencer.
    Nous avons les excellentes Lignes directrices canadiennes sur l'usage sécuritaire et efficace des opioïdes pour soulager la douleur chronique non cancéreuse. C'est une source faisant sans contredit autorité dans l'atteinte de cet équilibre.
    Je pense qu'il est bon d'examiner les antécédents cliniques et de surveiller les traitements après les avoir prescrits.
    En ce qui concerne votre première question au sujet d'autres médicaments d'ordonnance qui ne sont pas des opioïdes, c'est là que nous avons besoin de données épidémiologiques efficaces.

  (1655)  

    D'accord.
    Quelqu'un d'autre aimerait-il parler du juste équilibre dans le traitement de la douleur ou de la façon d'éviter de prescrire des opioïdes ou d'autres analgésiques?
    Je crois que l'une des solutions consiste à améliorer la communication entre le fournisseur de soins de santé et la personne qui souffre de douleurs.
    Il y a de nombreux outils permettant d'améliorer la communication et le dialogue. Par exemple, une personne peut remplir un questionnaire concis sur la douleur et l'apporter à son médecin pour lui expliquer où se situe la douleur. Cela permet au médecin de tracer rapidement un portrait de la situation et de ce qui pose problème. La douleur nuit-elle au sommeil, à l'appétit, à la fonctionnalité ou à la mobilité?
    Ce type de communication permet à la longue d'établir un climat de confiance et, à un moment donné, les deux parties peuvent déterminer ensemble quel type de médicament est requis, selon la recommandation du médecin et le plan d'action prévu.
    Vous avez parlé des migraines. Quand je suis allée consulter mon médecin à cause d'une forte migraine, j'avais perdu un peu de poids. Elle m'a dit ne pas pouvoir faire la même prescription que la dernière fois, car selon elle, ce serait beaucoup trop dans mon système. Elle m'a demandé si j'acceptais qu'elle diminue la dose. Je lui ai répondu: « Absolument, c'est vous l'experte. » La communication a bien fonctionné; la douleur a suffisamment diminué pour que je puisse rentrer chez moi.
    Au sujet de la surveillance de l'abus de médicaments d'ordonnance, quels outils peuvent être utilisés pour recueillir des renseignements pertinents? Quelles sont les difficultés liées à la collecte et à la communication de ces renseignements sur l'abus de médicaments d'ordonnance?
    Permettez-moi de souligner qu'il y a plusieurs niveaux de renseignements. Au niveau du grand public, il y a évidemment des données épidémiologiques obtenues à partir des sondages dont on a parlé plus tôt; certains concernent les comportements liés à la santé, d'autres les rapports d'usage de médicaments.
    Aux États-Unis, le programme RADARS, dont la Dre Bromley a parlé, recueille une grande quantité de données démographiques, qui peuvent fournir des indications sur les médicaments consommés de façon abusive. Nous ne possédons pas de système comparable au Canada — certainement pas de ce niveau de complexité.
    Pour ce qui est de la capacité du médecin de surveiller et de traiter efficacement ses patients, un programme de contrôle des prescriptions qui inclut non seulement certains médicaments, mais tous les médicaments que peut recevoir un patient, peu importe leur source, permet aux médecins d'être tout à fait au courant des médicaments consommés de façon abusive et de divers autres médicaments qui peuvent avoir d'autres effets.
    Certains médicaments, par exemple, augmentent l'activité enzymatique du foie, ce qui signifie que d'autres médicaments seront moins efficaces parce qu'ils sont plus rapidement métabolisés, et que l'on devra ajuster les doses. Il y a d'autres médicaments qui interfèrent les uns avec les autres, de sorte que l'efficacité d'un analgésique peut varier.
    Le fait de ne pas être au courant de tous les médicaments que reçoit un patient constitue souvent un obstacle. Dans ma pratique, par exemple, je demande aux patients quels médicaments ils prennent. Ils m'indiquent seulement ceux que je leur prescris. Je dois chercher activement à savoir quels autres médicaments ils prennent.
    La Colombie-Britannique a un programme qui permet au médecin de consulter en ligne le dossier complet des médicaments durant la consultation du patient. Les données sont entrées lors de l'exécution des ordonnances en pharmacie; peu importe qui paie. Je crois que l'Alberta a un système similaire.
    Beaucoup de provinces ont des systèmes qui signalent les médicaments payés par un programme provincial de prestations. En Ontario, par exemple, le Formulaire des médicaments de l'Ontario permet aux pharmaciens de surveiller cette liste de médicaments. Il est difficile pour un médecin d'obtenir ces renseignements.
    D'autres provinces ont recours à des systèmes de surveillance des ordonnances, mais c'est l'un des secteurs où un programme national jumelant ces... mais d'abord, permettre la diffusion de pratiques exemplaires... Certaines provinces ont déjà résolu ce problème. Vous n'aurez peut-être pas besoin d'une solution unique si vous n'en avez pas déjà une. Il faut aussi les faire communiquer.

  (1700)  

    Ce sont là d’excellentes observations, monsieur Buckley…
    Vous savez que j’ai tendance à beaucoup parler.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci.
    Merci, monsieur Lizon.
     Madame DeGroote, veuillez m’excuser. Nous avons dépassé le temps alloué à M. Lizon. L’un de ses collègues pourra peut-être vous adresser des questions lors d’une autre intervention.
     Dans notre deuxième série de questions, c’est maintenant au tour de M. Marston, pour cinq minutes.
     Allez-y, monsieur.
    Je dois trouver une façon de prendre la parole au premier tour, car je n’ai jamais assez de temps pour poser toutes mes questions.
     Madame DeGroote, je tiens à vous remercier pour une chose que vous avez faite aujourd’hui. J’ai vu le langage corporel de nos amis d’en face quand vous avez parlé de la « soirée de pilules », et je pense que vous avez transmis un message très important à certaines personnes, car la vie sur le terrain est très différente de notre réalité ou de celle de nos familles, de nos amis, etc.
     Il y a un certain temps déjà que nous tentons d’attirer l’attention sur cette question. Je l’ai déjà soulevée ici. L’un de nos témoins a parlé du fait que 80 % des nouveaux détenus ont déjà des problèmes de toxicomanie. Je pense que c’est beaucoup plus grave que ce qu’on aurait pu imaginer.
     Vous avez aussi indiqué qu’il y a une légère divergence d’opinions entre les deux groupes ici au sujet des sites d’injection, mais il est clair que pour bien des gens ayant une dépendance à l’héroïne, tout a commencé par l’abus de médicaments d’ordonnance ou le vol de pilules dans la pharmacie de leurs parents, et cela a été suivi d’une escalade. J’aimerais vous entendre au sujet des sites d’injection sécuritaires comme point de départ vers la réinsertion de ces personnes dans la société.
     Docteure Bromley, si vous avez quelque chose à ajouter, n’hésitez pas à le faire.
    Comme l’a déjà mentionné la Dre Bromley, je suis non partisane dans tout cela. Je pense d’abord au patient et à nos collectivités et je demande ce que nous pouvons faire pour changer les choses. Nous savons que nous ne pouvons pas empêcher les gens de faire ce qu’ils font dans le milieu de la toxicomanie, mais nous pouvons contribuer à la sécurité des collectivités.
     À Burlington, nous avons un site d’injection sécuritaire ainsi qu’un programme d’échange de seringues qui aide de nombreuses personnes dans notre collectivité, j’en suis sûre. Je préfère qu’on assure une surveillance, qu’on s’en occupe et qu’on ait l’occasion d’établir un contact avec ces gens et peut-être de les sensibiliser, car on ne sait jamais ce que peut donner un mot gentil.
     Quand je travaillais à la clinique de traitement à la méthadone, ma vie a changé le jour où un homme de six pieds et sept pouces et 350 livres, qui était couvert de tatouages et ressemblait à un motard, a éclaté en sanglots lorsque le médecin lui a dit qu’elle savait qu’il pouvait changer sa vie et qu’elle croyait qu’il pouvait cesser de consommer ces drogues. Il s’est mis à pleurer en disant que de toute sa vie, personne n’avait jamais cru en lui. Durant le reste du temps où j’ai été bénévole là-bas, cet homme est venu toutes les semaines. Ses tests d’urine étaient négatifs, ce qui veut dire qu’il ne consommait pas de drogues, car pour la première fois, quelqu’un lui avait dit croire en lui.
     On ne sait jamais ce que peut donner un contact, un sourire. J’ai été enseignante, et on ne sait jamais. Je revois maintenant certains de mes élèves, qui me rappellent des choses qui se sont passées dans la classe. Je n’avais jamais pensé que ces choses avaient eu une incidence dans leur vie, mais elles en ont eu une. C’est ce que nous devons faire. Nous devons tendre la main aux gens de nos collectivités. Quand nous nous occuperons des personnes les plus vulnérables, que nous leur tendrons la main et que nous les aiderons, nous aurons alors de meilleures collectivités.

  (1705)  

    Merci.
     Docteure Bromley, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Oui.
    Je travaille dans le domaine du traitement de la dépendance aux opiacés depuis 12 ans et, au début, j’étais contre les sites d’injection supervisée, mais ces 12 années sur le terrain m’ont amenée à changer d’idée. À mon avis, lorsqu’une personne commence un traitement sans tarder, cela donne de meilleurs résultats.
     Je vais répéter ce que j’ai dit dans ma déclaration préliminaire, soit qu'en médecine, les traitements ne fonctionnent pas toujours immédiatement. Les sites d’injection supervisée seraient réservés aux gens souffrant des formes grave et avancée de la maladie. Évidemment, si le traitement échoue, il ne devrait pas être le traitement préférentiel.
    Madame Cooper, ce qui me frappe, en écoutant votre exposé, c’est la complexité de l’information et des connaissances nécessaires à un patient pour traiter sa douleur.
     Il y a 40 ans, un poteau télégraphique sur lequel je travaillais s’est brisé et m’a projeté à travers une clôture; j’ai souffert de douleurs durant une trentaine d’années. Nous avons découvert que la physiothérapie pouvait les soulager. Chaque jour où j’allais me faire traiter, j'avais envie d’embrasser la jeune femme, car elle trouvait une façon de soulager mon cou. Il me semble que nous avons beaucoup à faire pour informer les patients, car dans mon cas, je n’avais aucune notion à ce chapitre. Mon travail m’obligeait à me déplacer, et mon médecin ne pouvait y consacrer du temps.
     Comment le gouvernement fédéral pourrait-il aider dans cette démarche d’information? Selon vous, a-t-il un rôle à jouer?
    Oui.
    D’abord et avant tout, je crois fermement que si le gouvernement fédéral reconnaît officiellement que la douleur chronique est une maladie et qu’il en fait une priorité en matière de santé au Canada, les Canadiens l’entendront et prendront la situation au sérieux. Je crois que s'il y avait du financement pour mettre sur pied un programme d’autogestion de la douleur chronique et l’offrir partout au Canada, un programme communautaire de six semaines dirigé par deux animateurs, soit un fournisseur de soins de santé et un pair, c’est-à-dire une personne souffrant de douleur… Ces personnes sont formées pour offrir ce programme. Ce qui les motive, c’est le fait que les Canadiens peuvent changer leur vie simplement en participant au programme. Rien dans la prise en charge de la douleur n’est la solution, mais elle leur permet de jouer un rôle dans le soulagement de la douleur et de trouver des solutions, de résoudre des problèmes et de reprendre un certain contrôle.
     Si cela pouvait être mis en œuvre à l’échelle du pays, ce serait parfait.
    Très bien. Merci, madame Cooper.
     Je voudrais rappeler à tous mes collègues qu’aux fins de notre étude, il est important qu’ils fassent porter leurs questions sur l’abus de médicaments d’ordonnance, car s’ils s’éloignent de ce sujet, il est très peu probable que l’analyste inclue les réponses, puisqu’elles dépasseront la portée de notre étude. C’est simplement un rappel à l’intention de tous les députés, afin qu’ils essaient de se limiter au sujet dont nous traitons. Mais encore une fois, c’est à vous de décider du sujet de vos questions.
     Monsieur Wilks, vous disposez de cinq minutes.
    Je crois que c’est M. Young.
    D’accord.
     Monsieur Young, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Avant de poser une question, monsieur le président, j’aimerais souligner quelque chose. Par sa question, M. Marston tentait apparemment d’insinuer que les députés de ce côté-ci font preuve de naïveté au sujet des adolescents et des drogues. Vous avez entendu Mme DeGroote dire que Halton connaît certains des pires problèmes à cet égard. La marijuana est la drogue de prédilection des jeunes. De la 7e à la 12e année, 34 % d’entre eux en consomment. Cette drogue cause la dépression; elle est liée à de nombreux cancers, notamment celui du cerveau, et elle peut causer des psychoses et le diabète. Elle est aussi liée à des accidents de la route et du travail, et même à des décès. Pour toutes ces raisons, notre parti veut que la marijuana reste une drogue illégale.
     Et c’est votre parti, monsieur Marston, et le Parti libéral qui veulent légaliser la marijuana. Je me demande donc qui faisait preuve de naïveté au sujet des risques liés aux drogues.
     Docteur Buckley, vous vous rappelez sans doute que nous nous sommes rencontrés à Oakville, dans un séminaire pour les jeunes atteints de troubles du tissu conjonctif.

  (1710)  

    Oui.
    Et j’admire beaucoup votre travail. Je voulais vous poser une question précise au sujet de l’utilisation des médicaments d’ordonnance en dentisterie. En 2007, Purdue Pharma a payé une amende de 600 millions de dollars, aux États-Unis, dans un règlement à l’amiable pour avoir commercialisé illégalement l’OxyContin. On estime que l’OxyContin est à l’origine de l’un des pires problèmes d’abus de médicaments, pour ne pas dire le pire, au Canada et aux États-Unis. Lorsqu’on a commencé à vendre ce médicament, en 1996, on a dit aux médecins qu’il ne créait pas de dépendance, ou du moins pas autant que d’autres analgésiques, et c’est ainsi qu’on l’a commercialisé. En fait, c’était tout à fait le contraire, et la compagnie a donc payé une amende de 600 millions de dollars pour régler cette affaire, et tout le monde s’en est tiré. Personne n’a fait de prison.
     Je suis préoccupé au sujet de certains adolescents d’Oakville qui sont allés faire extraire leurs dents de sagesse et à qui des dentistes ont donné de l’oxycodone ou de l’OxyContin. Ces jeunes ont développé une dépendance à ces analgésiques. Leurs parents doivent maintenant les conduire à la clinique de traitement à la méthadone de Peggi DeGroote, à Burlington, afin qu’ils reçoivent de l’aide. On dirait que tout le monde reste les bras croisés. Y a-t-il un moyen de faire savoir aux dentistes qu’il s’agit d’une surutilisation de médicaments? Après l’extraction de dents de sagesse, le Tylenol est amplement suffisant, et il est stupide et irresponsable de donner à des jeunes des analgésiques aussi puissants lorsqu’ils se font enlever les dents de sagesse.
    Il se trouve que je connais la réponse à cette question, et c’est rassurant. Le collège des dentistes du Canada et de l’Ontario, le Royal College of Dentists, se penche précisément sur cette question. J’ai mentionné David Mock, ancien doyen de la faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto, qui codirige la stratégie de formation du CCLT. Il travaille avec ses collègues, en prenant exemple sur l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, à diffuser en particulier aux dentistes des lignes directrices sur ce qui constitue une prescription appropriée à la suite d’une chirurgie dentaire mineure.
     Ce problème est donc reconnu. En fait, même si le volume total de prescriptions n’est pas élevé, les dentistes en rédigent beaucoup. Entre 30 et 40 % des prescriptions d’opioïdes rédigées en Ontario le sont à la suite d’interventions de chirurgie dentaire.
     On s’occupe donc de ce problème.
    Je vous remercie.
     Madame DeGroote, la dépendance mène à l’abus et l’abus mène à la dépendance. Vous avez parlé des « soirées de pilules ». Que pouvons-nous faire pour mettre un terme à ce genre de chose?
    La première chose que nous devons faire, c'est veiller à ce que nos enfants n'aient pas accès aux pilules dont ils ont besoin pour participer à ces soirées. Nous devons commencer à leur dire à un jeune âge que si leur nom ne figure pas sur l'ordonnance, ils ne doivent pas prendre le médicament. Je peux vous dire que j'aime beaucoup le golf; après un coup, si j'ai fait un faux mouvement et que je ressens de la douleur, trois des quatre autres membres de l'équipe m'offriront quelque chose à prendre, car dans mon groupe d'âge, nous ne pensons pas qu'il est mauvais de partager ses médicaments d'ordonnance, ou que nous ne devrions pas le faire. C'est aussi un mauvais usage; nous le faisons et nous n'enseignons pas à nos enfants que cela ne se fait pas. C'est un problème.
    Nous avons discuté tout à l'heure de votre opinion concernant l'utilisation du fentanyl, qui est 10 fois plus puissant que l'héroïne. Comment pourrait-on mieux contrôler son utilisation?
    Je pense que le fentanyl est un véritable problème. Avant même qu'on annonce que ce serait un problème, nous le savions, car à ma clinique Wellbeing, nous avons fait des tests pour le fentanyl aussitôt qu'il a été offert dans la rue. Nous avons constaté que des gens qui n'avaient pas d'ordonnance de fentanyl obtenaient un résultat positif, et que certaines personnes ayant une ordonnance obtenaient un résultat négatif. Cela nous indique donc qu'un médecin rédige l'ordonnance, mais que la personne détourne probablement le médicament qu'elle reçoit, car elle n'en a aucune trace dans son système.
    Je pense que ce que nous pourrions facilement faire, comme pour la méthadone ou les timbres de fentanyl, c'est de faire en sorte que le patient doive rapporter les sept timbres ou les sept bouteilles de méthadone vides à la pharmacie avant de pouvoir obtenir le renouvellement. S'il détourne le médicament, il ne pourra les rapporter, et cela devrait être un signal clair.

  (1715)  

    Oui, monsieur Marston.
    Je serai bref et précis.
    Monsieur Young, je comprends votre...
    Ce n'est pas un rappel au Règlement, monsieur le président.
    Vous ne savez pas ce que je vais dire. Vous devenez très bon si vous pouvez le deviner avant même que je ne le dise.
    Essayons de relever le niveau du débat.
    Non, je ne vous vise pas, monsieur Marston. Je dis simplement allez-y. Désolé.
    C'est ce que j'essaie de faire. Quelque chose n'a pas été énoncé correctement ici, et je veux simplement rectifier les faits.
    C'est un débat, monsieur le président.
    Laissez-moi terminer ma phrase et vous pourrez ensuite en juger.
    Vous avez dit que cela n'avait pas été énoncé correctement. Vous parlez...
    Vous avez parlé de notre position concernant la marijuana.
    Monsieur Young.
    Permettez-moi de répondre. C'est très simple. Nous ne sommes pas en faveur de la légalisation, mais de la décriminalisation de la marijuana. Il y a 40 ans que la commission Le Dain l'a étudiée. C'est aussi simple que cela.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    D'accord. Très bien.
    Ce n'était pas un rappel au Règlement.
    Vous avez raison, monsieur Young. Ce n'était pas un rappel au Règlement, mais une question de débat.
    Madame Mathyssen, êtes-vous prête?
    Je pense que M. Morin avait une autre question.
    Monsieur Morin, commencez vos cinq minutes.
    Merci beaucoup. J'ai des questions pressantes.
    J'ai été très étonné de voir certaines statistiques. Certains d'entre vous les avez probablement vues, mais dans les documents que nous ont fournis nos analystes, on dit que — et je vais le dire en français —

[Français]

[...] une étude des traitements contre la douleur postopératoire prodigués à des patients qui avaient subi un pontage aortocoronarien a révélé que moins de 30 % de la dose prescrite d’analgésique leur avait été administrée, et qu’environ 50 % des patients ont fait état d’une douleur modérée à intense de un à cinq jours après la chirurgie.

[Traduction]

    Je suis très étonné de cette nouvelle information. Ces dernières semaines, nous avons beaucoup parlé de ce sujet, du fait que les gens ressentent de la douleur et qu'ils ont besoin de médicaments pour la soulager, et voilà que dans un milieu hospitalier, des personnes en soins actifs parce qu'elles ont été à l'urgence ou qu'elles ont subi une chirurgie mineure ne reçoivent pas la quantité appropriée de médicaments antidouleurs.

[Français]

    Y a-t-il des témoins ici qui sont au courant de ce problème? Si oui, comment se fait-il que, dans un milieu hospitalier, on essaie de faire des économies de médicaments au détriment des patients?

[Traduction]

    Quelqu'un est-il au courant de ce fait?
    Madame DeGroote?
    D'abord, sachez que je ne suis pas médecin. Cependant, je sais que tous les médicaments n'ont pas le même effet sur tout le monde. Ce qui fonctionne bien pour moi peut ne pas fonctionner pour vous, et parfois, il faut procéder par essais et erreurs pour découvrir ce qui convient le mieux à un patient.
    Docteur Buckley, docteure Bromley, êtes-vous au courant du fait que certaines personnes ne reçoivent pas la bonne quantité de médicaments après leur visite à l'urgence d'un hôpital?
    Oui. Je pense en avoir parlé dans ma déclaration préliminaire. C'est un fait bien connu, et cela dépend d'un certain nombre de choses.
    C'est lié à la croyance concernant les risques relatifs aux analgésiques, même si dans le milieu que vous avez décrit, ce risque est minimisé en raison de la surveillance étroite que l'on effectue après une chirurgie cardiaque.
    Cela s'explique en partie par le fait que la douleur n'est pas systématiquement évaluée. Un chercheur peut demander à un patient s'il éprouve de la douleur, mais l'infirmière et le médecin qui s'occupent du patient n'ont peut-être pas fait la même chose. Donc, si l'infirmière n'a pas évalué le patient, si elle ne sait pas que le patient a des douleurs, elle ne peut pas lui donner l'analgésique nécessaire.
    Je crois que dans l'étude dont vous parlez, on indique également que même lorsque les patients disaient éprouver de la douleur, ils ne recevaient pas la dose maximale ou du moins une dose à un intervalle régulier, et cela s'explique en partie par un simple manque de sensibilisation à l'importance de traiter la douleur. On dit souvent que la douleur n'a jamais tué personne, ce qui est tout à fait faux.
    Si je comprends bien, selon vous, cette étude laisse à désirer.
    Non, cette étude est géniale. Ce sont les soins qui laissent à désirer.

  (1720)  

    Merci.

[Français]

    Le Conseil consultatif national sur l'abus de médicaments sur ordonnance a établi que c'étaient les aînés qui risquaient le plus d'abuser des médicaments sur ordonnance. Or comme la population est de plus en plus vieillissante, ce problème d'abus va prendre de l'ampleur.
     Ma question s'adresse à toute personne qui aurait une piste de solution à proposer. Selon vous, quel genre de méthodes de prévention pourrait-on employer auprès de ceux qui seront plus tard des aînés, afin qu'ils ne tombent pas dans le même panneau que la présente génération d'aînés, qui abuse des médicaments sur ordonnance?

[Traduction]

    Ce sera Mme DeGroote, puis M. Wilks.
    Cela nous ramène aussi à la question de M. Lizon au sujet des soins appropriés. Un médecin de famille a droit à un total d'environ trois heures de formation sur la prise en charge de la douleur à l'école de médecine. Nos vétérinaires ont droit à une quinzaine d'heures. Même si on vous a dit, la semaine dernière, que les dentistes reçoivent les mêmes cours de pharmacologie et que cela devrait être suffisant, si nous tenons compte du fait qu'ils reçoivent trois heures de formation, la norme n'est pas satisfaisante.
    Je dirais que si un médecin de famille n'a pas confiance dans ce qu'il fait — sans que ce soit sa faute, car nous pouvons dire qu'il ne reçoit pas une formation suffisante au départ —, c'est peut-être parce qu'il ne sait pas comment faire les choses. Actuellement, ce que je crains le plus pour les gens qui éprouvent de la douleur, c'est que les médecins décident de ne pas rédiger d'ordonnances d'opioïdes, et que les gens ne puissent pas soulager leur douleur. À l'Université de Toronto, il y a le programme ECHO, créé à l'Université du Nouveau-Mexique, qui permet de former les médecins de famille de première ligne dans le traitement de la douleur et de la toxicomanie. Je sais qu'on le mettra en oeuvre en Ontario, car nous serons l'un des centres qui l'offriront. Je pense que ce genre d'initiative nous aidera à donner confiance aux médecins qui rencontrent les patients.
    Honnêtement, dans bien des cas et sans que ce soit leur faute, les médecins ne savent pas quoi faire.
    Merci, madame DeGroote.
    Monsieur Wilks, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tous ici ont utilisé les mots « sensibilisation », « pratiques exemplaires », « collecte de données », « science » et « raisonnement ». Je vais évoquer un terme largement répandu: « marijuana à des fins médicales ». Je ne crois pas qu'on y soit sensibilisés. Je ne crois pas qu'il y ait de pratiques exemplaires ou de collecte de données à son sujet. La science s'est très peu penchée sur la question. Très peu de raisons expliquent pourquoi nous y avons recours, d'autant plus qu'il existe des modèles synthétiques, comme le Marinol, le Nabiximol et le Dronabinol, qui aident les personnes atteintes de maladies importantes.
    Comme les médecins peuvent prescrire la marijuana à des fins médicales sans passer par une pharmacie, je serais curieux de savoir ce que vous pensez de deux sujets, étant donné les problèmes d'accoutumance dont vous avez été témoins. D'abord, croyez-vous que la marijuana puisse créer une dépendance? Ensuite, quelles mesures doivent être prises pour veiller à ce que la marijuana à des fins médicales soit prescrite de façon sécuritaire par les médecins?
    Quelqu'un veut-il répondre en premier? Vous aurez environ une minute chacun.
    Docteur Buckley, vous me semblez subjugué. Allez-y.
    Non, je vais passer mon tour.
    Docteure Bromley.
    Bien entendu, la marijuana peut entraîner une dépendance. Tout le monde s'entend là-dessus. Nous devons adopter des lignes directrices pour la pratique clinique en vue d'une utilisation sécuritaire par les médecins. Les meilleures que je connaisse ont été rédigées par le Dr Mel Kahan, de Toronto, qui prévoit publier un article dans le Médecin de famille canadien pour orienter les médecins sur la meilleure façon de prescrire la marijuana de façon sécuritaire, puisque ce sera maintenant fait selon le jugement clinique. En règle générale, les médecins sont mal préparés à une telle situation.
    Madame DeGroote, vous avez la parole.
    Je crois qu'il est difficile pour les médecins de famille de choisir parmi toutes les modalités de traitement offertes avec le peu de temps dont ils disposent. Je sais que la marijuana s'est révélée une drogue miracle pour certains patients, surtout ceux qui souffrent de la sclérose en plaques: ils n'ont plus besoin de fauteuil roulant et peuvent fonctionner normalement, ce qui est merveilleux.
    C'est une question difficile. Je ne suis pas médecin. Ils doivent prendre une décision clinique et nous leur donnons le plein pouvoir de le faire, parce que c'est leur métier.

  (1725)  

    Docteur Buckley, je vous mets sur la sellette.
    Je suis d'accord avec la Dre Bromley. De nombreuses substances peuvent entraîner une dépendance, et la marijuana en fait probablement partie. La dépendance est une interaction entre une substance et une personne. Certaines personnes sont dépendantes de plusieurs substances; c'est un enjeu très complexe.
    En ce qui a trait à l'utilisation clinique, je suis également d'avis que nous en connaissons très peu au sujet de la marijuana. Nous ne la prescrivons pas. Nous donnons la permission aux patients de la consommer, en leur signant une carte qui leur évite la prison. Ils ne se feront donc pas arrêter, à moins qu'ils n'enfreignent les règles relatives à la quantité et aux associations. Je préfère avoir d'abord recours aux préparations commerciales.
    Nous sommes également confrontés à un autre défi: fumer est mauvais pour la santé; peu importe le produit — l'origan, la marijuana ou le tabac —, c'est mauvais pour vous. Nous en connaissons très peu au sujet des variétés de marijuana. Un patient m'a déjà montré un livre sur les diverses souches génétiques de la marijuana. Il en connaît plus sur cette plante et sa génétique que moi à propos des humains. C'est donc une situation médicale très difficile.
    Merci.
    Mes trois années d'infiltration dans le milieu du trafic des stupéfiants m'en ont appris beaucoup au sujet du THC, ou delta-9 tétrahydrocannabinol. Il n'y a que deux plantes — l'indica et la sativa —, mais il y a des centaines de variétés qui peuvent entraîner une réaction différente pour chaque personne. Cela représente tout un défi. À mon avis, la route est sinueuse et incertaine.
    Bien dit, monsieur Wilks.
    Madame Mathyssen, avez-vous...
    Oui, j'aimerais poser une brève question.
    Je tiens à remercier tous les intervenants. J'ai beaucoup aimé vous écouter.
    Vous semblez dire qu'il faut accorder une attention particulière à la réalité des personnes. La compassion doit absolument faire partie des recommandations que nous ferons. Nous devons tenir compte de la situation des personnes et de ce qu'elles vivent. Je dis cela parce que l'établissement de cliniques de traitement à la méthadone dans ma circonscription a suscité de nombreuses préoccupations. Bien sûr, les adeptes de la loi et l'ordre étaient tout à fait contre cette initiative jusqu'à ce qu'ils réalisent qu'il fallait avoir de la compassion pour les clients de ces cliniques: parmi eux se trouvent plusieurs anciens combattants blessés dans le cadre de missions de maintien de la paix, à qui l'on a prescrit des médicaments et qui ont du mal à arrêter de les prendre. Il faut donc faire plus de recherche.
    On a mentionné le projet Lazarus et le travail réalisé à Inverness. Je me demande dans quelle mesure les professionnels des soins de santé canadiens ont entrepris des efforts similaires. Est-ce qu'ils ont étudié ces projets? Qu'en est-il des projets qui nous aideraient à faire preuve de compassion à l'égard de la situation des êtres humains?
    Quelqu'un veut-il s'attaquer à cette question?
    Je regarde l'horloge; je vais me fier au président pour encadrer mon intervention.
    Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies a lancé une stratégie nationale en ce sens. Il a rassemblé des responsables de l'application de la loi et de l'industrie pharmaceutique, des intervenants dans le domaine du traitement des toxicomanies et du contrôle de la douleur, des professionnels de la santé publique, du personnel infirmer, des intervenants en santé des Premières Nations, des travailleurs sociaux, des coroners et divers autres intervenants. Le projet d'Inverness et le projet Lazarus sont des stratégies communautaires intégrées, où tous les intervenants se réunissent pour atteindre un objectif commun: offrir avec compassion des soins aux personnes qui en ont besoin. Elles rassemblent tous les renseignements nécessaires dans un plan de traitement. Le CCLT y travaille à l'échelle nationale. D'autres groupes y travaillent à l'échelle locale. En somme, il faudrait que ces modèles soient utilisés à l'échelle locale. À Hamilton, nous avons créé un groupe qui vise cet objectif, mais il faudrait le faire dans l'ensemble du pays.

  (1730)  

    Merci, docteur Buckley.
    Merci beaucoup.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Si vous avez d'autres questions, je suis certain que Mme DeGroote et Mme Bromley pourront prendre quelques minutes pour y répondre.
    Je crois que c'est tout pour aujourd'hui. Nous nous reverrons mercredi.
    Nous avons un nouveau marteau. La séance est levée.
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