propose que le projet de loi C-348, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (personnes handicapées), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis fière d'intervenir aujourd'hui au nom de mes concitoyens de Windsor—Tecumseh pour parler de mon premier projet de loi d'initiative parlementaire à l'étape de la deuxième lecture tenue dans cette vénérable enceinte.
J'ai eu l'idée de ce projet de loi après avoir eu des conversations et des consultations sérieuses et réfléchies avec des gens qui ont un sens civique, qui sont pragmatiques et qui sont animés par l'espoir. De nombreux résidants de ma circonscription ont attiré mon attention sur les difficultés que doivent surmonter les personnes handicapées qui souhaitent s'inscrire à des programmes fédéraux et provinciaux. Au pays, les personnes handicapées doivent s'inscrire à chacun des programmes séparément et, à chaque fois, elles doivent prouver qu'elles sont atteintes d'un handicap. Il est curieux, voire déconcertant, que les gouvernements imposent un processus aussi lourd à certains des citoyens les plus vulnérables du pays. Cette situation m'a amenée à réfléchir aux notions d'équité et d'efficience.
Il est tellement compliqué pour les personnes handicapées d'entrer en liaison avec les agences gouvernementales compétentes pour avoir accès aux programmes que, lorsqu'elles en ont les moyens, certaines d'entre elles font appel à des conseillers juridiques pour les aider à s'y retrouver dans les dédales des programmes. Pour mieux comprendre à quel point les personnes handicapées se sentent démunies face à cette situation, il est nécessaire de jeter un coup d'oeil sur les taux de pauvreté qui les affligent. C'est ce que je vais faire.
Selon Statistique Canada, plus de 5,3 millions de Canadiens, soit presque 16 % de la population du Canada, vivent avec une forme de handicap qui a des répercussions sur leur liberté, leur indépendance et leur qualité de vie. Selon l'organisme Timbres de Pâques du Canada, de ce nombre, plus de 200 000 sont des enfants et des jeunes. En 2006, le taux global de pauvreté chez les adultes canadiens se chiffrait à 10,5 %, ce qui représente 2,6 millions de personnes. Cependant, chez les personnes handicapées, le taux de pauvreté s'élevait à 14,4 %, ce qui revient à près de 600 000 personnes.
Il existe aussi un véritable écart salarial. Selon un rapport de 2012 de la Commission canadienne des droits de la personne, les hommes handicapés de 15 à 64 ans gagnent 9 557 $ de moins que les hommes non handicapés du même groupe d'âge.
Le tableau est encore plus sombre pour les femmes. Selon le Réseau d’action des femmes handicapées, aussi appelé le RAFH, 58 % des femmes handicapées vivent avec moins de 10 000 $ par année et 23 % d'entre elles vivent avec moins de 5 000 $ par année. Il n'existe pratiquement pas de lits d'enfant accessibles, de garderies accessibles et abordables et d'autres services pour les mères handicapées.
En tant que députés qui servent tous les Canadiens, nous avons du pain sur la planche si nous voulons nous attaquer aux questions très difficiles qui causent les graves difficultés que vivent ces personnes chaque jour. Je n'ai pas perdu de vue ce point dans le débat d'aujourd'hui sur ce projet de loi modeste.
L'invalidité coûte cher. Un fauteuil roulant électrique sur mesure peut coûter plus de 25 000 $. Encore une fois, l'information provient de l'organisme Timbres de Pâques du Canada. Le prix d'une plate-forme élévatrice verticale peut dépasser 5 000 $. Un déambulateur adapté peut coûter 2 500 $. Le coût des modifications et des rénovations nécessaires pour rendre une maison accessible joue dans les dizaines de milliers de dollars. Les coûts liés aux besoins d'un enfant gravement handicapé peuvent s'élever à plus de 40 000 $ par année alors que le revenu total de certaines familles dépasse à peine ce montant, ce qui me ramène à ce que je disais tantôt.
Il arrive que des personnes handicapées soient obligées de faire affaire avec un avocat pour arriver à s'y retrouver dans l'ensemble complexe de programmes prévus à leur intention par les différents ordres de gouvernement. C'est inacceptable. Ce projet de loi pourrait être le point de départ d'une nouvelle façon de faire. Lorsque le médecin remplit le formulaire d'évaluation dont un patient a besoin pour obtenir un peu d'aide, ne serait-il pas logique que le patient puisse employer ce même formulaire pour tous les programmes dont il peut se prévaloir plutôt que d'avoir à recommencer à zéro à chaque fois? Il faut fonctionner de façon plus intelligente.
Je suis convaincue que, en tant que Canadiens, nous ne voulons vraiment pas obliger cette population vulnérable à dépenser les maigres ressources dont elle dispose afin d'accéder aux programmes qui existent et qui visent à lui offrir l'aide qui lui revient de droit.
Je tiens maintenant à citer Debra Sandre, l'une de mes concitoyennes, qui m'a donné un aperçu très honnête de l'expérience qu'elle a vécue.
Elle a déclaré: « En février 2014, à l'âge de 30 ans, j'ai reçu un diagnostic de sclérose en plaques. Il est difficile, stressant, effrayant, et j'en passe, d'obtenir un tel diagnostic, particulièrement à cet âge. »
« Alors qu'on tente de composer avec les traitements, les visites médicales chez les spécialistes et toutes les autres choses en vue de s'adapter à la nouvelle réalité que représente le fait de vivre avec une invalidité permanente, il peut être très difficile de déterminer quelles sont les ressources qui nous sont offertes. Une fois qu'on découvre l'aide gouvernementale et les services auxquels on a droit, on doit ensuite présenter des demandes ou prouver son invalidité à répétition. En plus de devoir prouver constamment son handicap, il faut payer pour faire remplir de la paperasse à son médecin. Le processus peut et devrait être plus facile pour les personnes qui ont besoin de ces services, et il est évident qu'elles ne devraient pas avoir à vivre un stress supplémentaire en ayant à présenter des demandes pour les obtenir. »
Je suis très reconnaissante à Debra de me laisser lire publiquement son message. Je dois dire que je suis entièrement d'accord avec elle.
Les démarches qu'entreprend une personne pour bénéficier pour la première fois d'une prestation, qu'elles soient lourdes et compliquées ou, au contraire, faciles et efficaces, déterminent sa façon générale de voir le gouvernement. Pour cette personne, il s'agit du gouvernement, car ces services sont l'intermédiaire direct entre le fournisseur de services et la personne qui les évalue. Par conséquent, les représentants du gouvernement que nous sommes devons absolument réfléchir à la façon même dont ces services sont offerts. Il faut toujours tenir compte de la manière dont ces services sont offerts aux gens qui en ont besoin.
Heureusement, l'amélioration de la qualité des services gouvernementaux offerts relève de seulement deux ministres.
On peut d'ailleurs lire ce qui suit dans la lettre de mandat adressée au ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social:
Travailler avec la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement afin d’établir des normes de services transparentes pour faire en sorte que les Canadiens et les Canadiennes touchent rapidement les prestations auxquelles ils ont droit.
Quant à la lettre de mandat adressée à la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, elle dit ceci:
Travailler avec le président du Conseil du Trésor et le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, qui est responsable de Service Canada, à l’établissement de nouvelles normes de rendement et à la création d’un mécanisme permettant de mener des évaluations rigoureuses du rendement des principaux services gouvernementaux et de rendre compte des conclusions à la population.
Le projet de loi C-348 traite de ce que beaucoup appelleraient les fruits mûrs, c'est-à-dire les questions les plus simples à traiter, celles qui seront réglées en premier par un gouvernement qui souhaite améliorer l'efficacité de la prestation des services importants à ses citoyens. Le projet de loi pourrait possiblement changer la façon dont nous gérons la bureaucratie, soit en nous souciant de faire une différence dans la vie des gens.
Je sais très bien que les projets de loi d'initiative parlementaire sont rarement adoptés. Voilà pourquoi je suis déterminée à proposer une mesure législative modeste et réalisable.
Il vaut la peine de le répéter: actuellement, les gens doivent envoyer une demande distincte pour chaque programme et doivent endurer le calvaire de prouver, chaque fois, leur invalidité. Le projet de loi C-348 créerait un guichet unique, une approche simplifiée qui permettrait aux gens d'envoyer une demande unique pour l'ensemble de ces programmes fédéraux: la prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada, le crédit d'impôt pour personnes handicapées, le régime enregistré d'épargne-invalidité, la pension d'invalidité des anciens combattants, le cas échéant, et bien sûr, le Fonds d'intégration. Tous fonctionnent comme des programmes autonomes avec des processus de demande distincts.
Il est donc très compliqué pour les personnes handicapées de bénéficier des programmes d'aide fédéraux auxquels elles pourraient être admissibles. Nous voulons remédier à ce problème, dans la mesure du possible, tout en fonctionnant dans les limites imposées par la mesure législative d'initiative parlementaire.
Les députés remarqueront que ce projet de loi prévoit son propre mécanisme d'examen interne, conformément aux lettres de mandat que j'ai précédemment citées. Voici ce que le projet de loi prévoit au paragraphe 8.1(1) proposé:
Dans les dix-huit mois suivant la date d’entrée en vigueur du présent article et tous les deux ans par la suite, le ministre effectue un examen de l’efficacité du processus de demande prévu à l’alinéa 8(2)b) et établit un rapport comportant ses conclusions et recommandations.
Nous voulons tous que cette mesure législative donne des résultats bien réels. Dans le cas présent, nous voulons qu'elle simplifie vraiment le processus de demande pour les personnes handicapées. Nous devons analyser ses points forts et ses points faibles et saisir les occasions et les synergies qui ressortiraient au moment d'appliquer cette directive pratique, ce qui nous permettrait d'avoir l'avis des fonctionnaires, qui possèdent les compétences et les connaissances nécessaires pour la commenter.
Ceux qui suivent ce dossier savent que la mise en place d'un mécanisme de surveillance pour s'assurer que la mesure législative du gouvernement sur l'accessibilité est appliquée conformément à l'intention première reflète en grande partie ce que les Canadiens ont demandé au gouvernement au cours des consultations menées cette année.
J'envisage un jour où l'accès sera simplifié et où nous aurons une meilleure coordination avec les provinces pour que lorsqu'une personne est considérée comme admissible à un programme de prestations d'invalidité, cela lui ouvre l'accès aux autres programmes. Ainsi, il y aura des portes d'entrée au lieu des obstacles, et des passerelles au lieu des cloisons. Notre vraie tâche ici, à la Chambre, consiste à toujours aller de l'avant pour éliminer les obstacles qui diminuent la qualité de vie des Canadiens. Ce projet de loi sera la première étape d'une véritable occasion de donner le ton et d'adopter une nouvelle approche qui servira de tremplin aux discussions futures ainsi qu'aux mesures prises par tous les ordres de gouvernement.
L'examen interne permettra d'assurer que nous nous engageons sérieusement dans le but de maximiser nos ressources et d'apporter ce modeste enrichissement à l'expérience canadienne. Je suis convaincue que ceux qui nous écoutent songent à la portée potentielle de cette orientation bureaucratique et à ce qu'en seront les incidences potentielles. Je me réjouis certainement des initiatives entreprises par le gouvernement, que les personnes qui vivent avec un handicap, ainsi que leur famille, attendent avec impatience.
Comme je l'ai déjà dit, il s'agit des fruits murs, c'est-à-dire que ces mesures vont de soi, pour ainsi dire. Attaquons-nous immédiatement à ces problèmes pour ensuite mieux traiter des obstacles plus complexes auxquels font face les personnes handicapées au Canada. Je tends la main aux députés d'en face pour que nous travaillions ensemble, car c'est ce que nous sommes tenus de faire à la Chambre.