Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je voudrais d'abord dire que c'est vraiment un honneur pour moi de témoigner aujourd'hui.
Juste quelques mots au sujet de mes antécédents. Un grand nombre d'entre vous ont déjà décelé, j'en suis sûr, l'accent nord-américain. Certains parmi les plus perceptifs auront sans doute détecté l'accent du sud-ouest de l'Ontario. En effet, j'ai été élevé au Canada même si je n'y suis pas né. J'y ai fait mes études de droit. Mon premier emploi a été au ministère du procureur général de l'Ontario, Bureau des avocats de la Couronne - Droit pénal.
Je suis venu à Hong Kong en 2001 et je suis professeur à l'université depuis 14 ans. Même si j'enseigne le droit pénal et la loi sur la preuve, la plupart de mes recherches portent sur le système juridique et le système politique de Hong Kong. Je suis le coauteur d'un livre intitulé Electing Hong Kong's Chief Executive.
Au cours des prochaines minutes, je voudrais surtout parler de l'enjeu d'une réforme politique dans le contexte constitutionnel qui convient. Je crois très important de le comprendre, car il y a d'importantes différences par rapport aux autres régimes constitutionnels, celui du Canada ou d'autres. Il est très facile, je crois, de faire certaines hypothèses erronées au sujet de notre régime constitutionnel. Je vais donc essayer de mettre en lumière les premiers principes de notre régime constitutionnel.
Comme Mme Wright l'a déjà mentionné, l'histoire de la démocratie à Hong Kong a été très lente et tardive, mais je voudrais surtout parler ici du chef de l'exécutif. En effet, avant 1997, le chef de l'exécutif était, bien entendu, le gouverneur et les Hongkongais n'ont jamais eu leur mot à dire au sujet de la sélection du gouverneur. Il était choisi par la reine sur la recommandation de ses ministres. Par conséquent, depuis 1997 — la déclaration conjointe de 1984 et la Loi fondamentale de 1990 — il y a eu un changement majeur à cet égard étant donné que pour la première fois, l'idée de donner aux Hongkongais leur mot à dire pour le choix du chef de l'exécutif est devenue une réalité.
Maintenant, il est important d'examiner les termes de la déclaration conjointe. Elle ne parle pas de suffrage universel, mais du pouvoir du gouvernement central de nommer le chef de l'exécutif de Hong Kong en fonction des résultats d'élections ou de consultations tenues au niveau local. Ensuite, elle parle de l'assemblée législative, de sa constitution au moyen d'élections, et c'est tout. Elle ne dit rien d'autre au sujet de la forme que prendront les élections.
Nous en arrivons ensuite à la Loi fondamentale qui est notre instrument constitutionnel et qui est arrivée six ans après la déclaration conjointe. Elle comporte 160 articles; c'est un assez long document. Elle met en oeuvre la déclaration conjointe et fait aussi beaucoup d'autres choses en apportant des précisions. C'est là que nous trouvons les premières mentions du suffrage universel, et en l'occurrence, nous parlons de l'article 45 pour le chef de l'exécutif.
Ce dont il faut surtout se rappeler, c'est que même si Hong Kong choisit le chef de l'exécutif, c'est au gouvernement central qu'il revient de le nommer et que ce dernier n'a cessé de répéter qu'il s'agit d'un pouvoir réel et non pas d'une approbation automatique. C'est une caractéristique fondamentale de notre régime constitutionnel. Ce n'est pas comme au Canada où les citoyens des provinces votent et élisent un premier ministre sans que le gouvernement fédéral n'ait à confirmer leur choix. Ici, il y a un processus de confirmation.
Le gouvernement central doit nommer la personne qui a été choisie au moyen d'élections. C'est, je pense, une réalité très importante, car c'est ainsi que Beijing voit les choses: que se passera-t-il si vous choisissez quelqu'un que nous n'approuvons pas ou en qui nous n'avons pas confiance? Cela posera un problème et cette personne ne sera donc pas nommée. Il faut recommencer.
Cela ne peut pas durer indéfiniment. C'est une source d'instabilité et si vous examinez les termes de la loi fondamentale, elle promet la stabilité, n'est-ce pas? C'est très important pour le gouvernement chinois. En fait, c'est important pour tout le monde. Par conséquent, voici comment le gouvernement central envisage la situation: « Nous voulons quelqu'un que vous allez élire, mais que nous n'aurons pas à rejeter. Comment pouvons-nous en être sûrs? » Il centre donc son attention sur le processus de mise en candidature.
Avant d'en venir au débat actuel, voyons comment le chef de l'exécutif a été choisi jusqu'ici. La Loi fondamentale prévoit son élection par l'entremise d'un comité. C'était d'abord un comité de sélection composé de 400 personnes. C'est ce comité qui a mis en place le premier chef de l'exécutif. Il y a eu une mini-élection parmi ces 400 personnes. C'est le petit cercle électoral que l'on critique souvent à propos de notre système.
Ce comité s'est élargi, passant à 800 membres la fois suivante, en 2002, mais il n'y a pas eu d'élection parce que personne ne s'est présenté contre M. C.H. Tung. Cela a souligné, encore une fois, les problèmes que pose le système, mais c'était un comité composé de 800 personnes qui avaient l'appui d'environ 200 000 personnes. Par conséquent, il y a eu, pour la première fois, une certaine participation du public au choix de ce dirigeant.
La possibilité de faire des réformes et d'élargir le comité s'est ensuite présentée en 2005, mais il fallait pour cela modifier la Loi fondamentale. La formule d'amendement prévoit un processus en trois étapes. Vous devez faire approuver le choix du chef de l'exécutif par les deux tiers des législateurs et enfin, par le gouvernement central.
En 2005, quand les démocrates ont reçu une proposition visant à élargir un peu le comité, à le rendre un peu plus démocratique, ils l'ont rejetée parce qu'ils avaient le pouvoir de veto. C'était la première fois qu'on essayait de modifier la Loi fondamentale.
Ce qui est étonnant, c'est que les gens ont pensé que c'était la fin de la démocratie. En décembre 2007, le gouvernement de Beijing a décidé pratiquement seul, mais probablement sous la poussée du chef de l'exécutif alors en poste, Donald Tsang, il a rendu une décision disant qu'il pourrait accepter l'élection démocratique du chef de l'exécutif en 2017. Il a également dit qu'il devait le faire avant que l'assemblée législative ne devienne démocratique.
Cela nous amène à 2007, la première fois que nous avons eu une élection. Puis nous avons eu une deuxième élection en 2012. Avant 2012, une autre occasion de modifier la Loi fondamentale s'est présentée. Bien entendu, la situation était différente car, sachant que nous aurons peut-être le suffrage universel en 2017, les démocrates étaient un peu plus disposés à faire des concessions. Par conséquent, la commission électorale a été élargie à 1 200 membres.
Cela nous amène à aujourd'hui, car la décision du 31 août impose trois restrictions. Elle confirme l'objectif de Beijing qui est de veiller à ce que celui qui sera choisi ne sera pas un adversaire. Le gouvernement central pense que la solution est d'exercer un contrôle très serré sur le processus de mise en candidature. Cela nous amène aux problèmes fondamentaux que nous constatons du fait que la société s'attend à avoir un système beaucoup plus démocratique respectant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui a, bien entendu, été mis en oeuvre à Hong Kong par l'entremise de notre déclaration des droits sans vraiment bien comprendre la dynamique de ce que Beijing juge important en ce qui concerne la gouvernance.
Voilà où nous en sommes. Occupy Central a eu lieu et comme Alan l'a déjà expliqué très clairement, je pense, nous sommes dans une situation vraiment tragique. Les deux parties ne se parlent même pas, n'essaient même pas d'explorer des moyens de mettre en place un système plus démocratique dans le cadre de la décision du 31 août. Je suis un des universitaires qui ont essayé à de nombreuses reprises de proposer différentes façons d'établir un système mieux équilibré. Ce serait certainement une amélioration par rapport au système actuel et cela nous permettrait d'avancer. Malheureusement, les deux parties ne semblent pas se faire suffisamment confiance pour réaliser le moindre progrès. Cela me paraît vraiment regrettable.
Je vais m'arrêter là.