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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Traduction]

    Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 67e réunion du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 17 octobre 2022, le Comité entreprend son étude sur la financiarisation du logement.
    Madame Marie-Josée Houle sera la première témoin à prendre la parole.
    Madame Houle, la parole est à vous.

[Français]

     Monsieur le président, mesdames les vice-présidentes et honorables membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Marie‑Josée Houle et je suis honorée d'être ici aujourd'hui en tant que première défenseure fédérale du logement au Canada. Je suis fière de me présenter devant le Comité pour discuter du travail que nous faisons en matière de financiarisation du logement. Je suis accompagnée de membres de l'équipe de recherche, qui sont bien informés.
    Avant de continuer, je tiens à souligner que j'ai le privilège de m'adresser à vous depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe.

[Traduction]

    Alors que nous entamons nos discussions aujourd'hui, je tiens à souligner le caractère unique de la fonction de défenseure fédérale du logement, non seulement au Canada, mais dans le monde entier. C'est mon travail de surveiller le logement et l'itinérance au Canada. Mon poste est indépendant et non partisan. Nous sommes tous en terrain inconnu, et je me réjouis de l'occasion qui nous est donnée de travailler ensemble.
    Au bout du compte, je suis ici pour favoriser un changement à l'échelle du système afin que les dispositions législatives, les politiques et les programmes gouvernementaux respectent le droit à un logement adéquat. La nécessité de s'attaquer à la financiarisation du logement au Canada y contribue largement, bien entendu.

[Français]

    Aujourd'hui, j'aimerais parler de la façon dont la financiarisation du logement, aussi appelée l'investissement des entreprises dans le logement, est un grave problème sur le plan des droits de la personne. Ce problème doit être réglé alors qu'on cherche à corriger la crise du logement au Canada. Je vais expliquer pourquoi en exposant trois éléments clés.
    D'abord, la financiarisation du logement est un problème généralisé qui nuit au système de logement au Canada. Ensuite, la financiarisation du logement nuit à la population canadienne et constitue un grave problème sur le plan des droits de la personne. Enfin, freiner la financiarisation est un moyen clé par lequel les gouvernements peuvent aider à résoudre la crise du logement la plus importante au Canada.

  (1615)  

[Traduction]

    Pour ce qui est de mon premier point, à savoir que la financiarisation du logement est un problème généralisé qui a nui au système de logement du Canada, je dirais que pour comprendre exactement cela, nous devons comprendre la financiarisation du logement. Il s'agit essentiellement du processus de traiter le logement comme un produit financier et un actif à but lucratif.
    La financiarisation du logement fonctionne de diverses façons, mais le motif est toujours axé sur le profit. Les principaux acteurs sont des entités financières comme des fiducies de placement immobilier, aussi appelées FPI, ainsi que des fonds de pension, des gestionnaires d'actifs et des fonds de capital-investissement.
    Les entreprises transforment le logement en produits financiers de plusieurs façons. D'une part, elles augmentent les prix des logements locatifs afin d'obtenir le maximum de profits. Une autre solution consiste à regrouper les logements dans des fonds d'investissement dont les actions sont négociées sur les marchés mondiaux. Nous constatons également le rôle croissant des exploitants à but lucratif dans le secteur des soins de longue durée.
    Ce n'est pas nouveau que ces édifices soient de propriété privée. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils appartiennent de plus en plus à de grands investisseurs institutionnels et à des sociétés financières dont l'objectif est de maximiser le rendement pour les actionnaires. La maison d'une personne peut devenir une petite partie d'un énorme portefeuille de plusieurs milliards de dollars d'actifs qui sont mis à profit pour acquérir encore plus d'actifs. C'est ce que je veux dire quand je dis que ce problème est généralisé.
    La portée de la financiarisation du logement au Canada s'est considérablement élargie depuis le milieu des années 1990, lorsque les changements réglementaires ont permis la création de fiducies de placement immobilier et ont permis aux fonds de pension d'investir dans les marchés et les instruments financiers. Ces changements ont eu lieu au moment même où le programme fédéral de logement social du Canada a pris fin, ce qui a entraîné un déclin marqué de la construction de nouveaux logements sociaux, abordables et sans but lucratif. Ces facteurs font en sorte que les ménages à faible revenu et vulnérables ont de plus en plus de mal à trouver des logements locatifs abordables, accessibles et adéquats au Canada.

[Français]

     Nos recherches montrent qu'aujourd'hui, environ 20 % à 30 % des logements locatifs au Canada appartiennent à des investisseurs institutionnels. De plus, 15 des 20 plus grands propriétaires de foyers de soins de longue durée et de logements pour personnes âgées au Canada sont des entreprises financières. Je tiens à souligner que ces chiffres ne tiennent compte que de ce qui peut être retracé. En effet, à l'heure actuelle, il y a très peu de données désagrégées ou de rapports publics complets sur cette question. Ce manque de transparence est un problème.

[Traduction]

    Récemment, la pandémie de COVID‑19 a accéléré la financiarisation, car le logement a été considéré comme un investissement sûr en période d'instabilité économique. Le Canada ne pourra pas se sortir de cette crise du logement par la construction. Nous perdons des logements locatifs abordables plus rapidement que nous ne pouvons en construire. Selon le chercheur en logement Steve Pomeroy, entre 2011 et 2016, pour chaque unité de logement locatif abordable qui a été construite au Canada, 15 unités ont été perdues. La financiarisation est l'une des principales causes de cette perte. Si nous voulons résoudre la crise du logement, nous devons mettre fin aux pertes.
    Ainsi, lorsque nous examinons cette question d'un point de vue global, nous constatons que la financiarisation du logement est un problème généralisé qui a eu une incidence négative sur le système de logement du Canada, avec peu de surveillance. Ensuite, quand on regarde de plus près, au niveau individuel, on voit à quel point cela cause aussi un tort réel aux individus, aux familles et aux communautés. Il est question de la vie quotidienne des gens.
    Cela m'amène à mon deuxième point. La financiarisation cause un tort réel aux Canadiens et constitue un grave problème de droits de la personne. Vous m'avez entendu dire que le logement est un droit de la personne. Il est très important de comprendre ce que cela signifie. Le droit au logement n'est pas seulement un slogan. Ce n'est pas seulement une chose souhaitable, une chose vers laquelle nous devons tendre. C'est un droit humain fondamental inscrit dans le droit international, en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que le Canada a signé en 1976. Aujourd'hui, au Canada, ce droit est également inscrit dans nos lois nationales et réaffirmé dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, qui est entrée en vigueur en 2019.
    Cela signifie que chaque personne au Canada a le droit de vivre dans un logement sûr, sécuritaire et abordable qui répond à ses besoins, et d'être à l'abri de la discrimination ou du harcèlement. Le droit international en matière de droits de la personne précise sept critères qui définissent le logement adéquat, notamment l'abordabilité, l'habitabilité et le droit au maintien dans les lieux. Tout le monde au Canada a droit à un logement qui répond aux sept critères.
    Donc, quand on comprend cela et que l'on considère les effets néfastes de la financiarisation, il est clair que cette tendance va à l'encontre du droit des gens à un logement adéquat au Canada. Elle contribue à rendre le logement inabordable, elle détériore les conditions de logement et elle entraîne des expulsions et des déplacements.
    Nos recherches ont révélé que les entreprises financières ciblent souvent l'acquisition d'immeubles locatifs dont les loyers sont inférieurs aux moyennes locales. Elles tirent des revenus maximums en réduisant les services aux locataires, en augmentant les loyers et les frais ou en expulsant les locataires existants afin d'augmenter considérablement les loyers des nouveaux locataires. Miner l'abordabilité, le droit au maintien dans les lieux et l'habitabilité des immeubles n'est pas seulement le sous-produit de la financiarisation; c'est une stratégie délibérée que les entreprises utilisent pour accroître leurs profits.

  (1620)  

[Français]

    Une fois que les prix ont augmenté, ces logements abordables sont perdus à jamais. Pendant ce temps, les taux d'inoccupation malsains dans de nombreuses villes ne laissent pas aux gens le choix de payer davantage pour ces logements. Les gens qui sont expulsés de leur logement abordable sont forcés de chercher un logement loin de leur collectivité, en se disputant une offre d'options abordables qui diminue rapidement.

[Traduction]

    La recherche confirme que la financiarisation cause le plus de tort aux Autochtones et aux groupes défavorisés, comme les aînés vulnérables, les locataires à faible revenu, les personnes handicapées, les membres des communautés noires, les immigrants récents et les réfugiés, et les familles monoparentales. Il existe également un lien bien documenté entre la financiarisation et l'augmentation de la morbidité et de la mortalité dans les établissements de soins de longue durée. Cela a non seulement porté atteinte aux droits des résidents à un logement adéquat, mais aussi à leur droit fondamental à la dignité, à la sécurité de la personne et même à la vie.
    Le mot-clé dans tout cela est « préjudice ». C'est pourquoi le Canada doit traiter la financiarisation comme un grave problème de droits de la personne et comme un élément clé pour résoudre la crise du logement dans son ensemble.
    Cela m'amène à mon troisième et dernier point: la réduction de la financiarisation du logement est une mesure clé que les gouvernements doivent prendre. Et ce n'est pas seulement la chose intelligente à faire pour les gouvernements, c'est en fait leur obligation en application du droit international en matière de droits de la personne, et maintenant, en application du droit canadien au titre de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement.
    La réalisation du droit des gens à un logement adéquat signifie que le gouvernement doit agir pour garantir que toutes les ressources disponibles sont mobilisées en priorité vers les groupes les plus défavorisés, que tous les moyens appropriés, y compris les politiques et les lois, sont utilisés pour offrir des logements adéquats à ces groupes, et qu'une approche pangouvernementale coordonnée est mise en œuvre à tous les ordres de gouvernement.
    Donc, d'abord et avant tout, toute réponse du gouvernement à la financiarisation doit être harmonisée avec ces obligations. L'une de mes fonctions, en tant que défenseure fédérale du logement, est de veiller à ce que le droit à un logement adéquat soit respecté au Canada.

[Français]

     Nous savons que la financiarisation du logement est un dossier complexe, mais nous savons aussi qu'il existe une gamme de solutions efficaces, y compris celles identifiées par nos recherches.

[Traduction]

    Nous pouvons nous attaquer à la financiarisation du logement en apportant des changements délibérés et en rajustant la Stratégie nationale sur le logement. Le gouvernement fédéral, avec l'avis de votre comité, peut faire preuve de leadership dans ce dossier et montrer comment les autres ordres de gouvernement devront aussi agir.
    La financiarisation est systémique, omniprésente et nécessitera une approche coordonnée pour réduire le tort qu'elle cause. Pour ce faire, il faudra prendre des mesures immédiates, suivies de stratégies permanentes à plus long terme pour assurer un logement adéquat.
    En particulier, j'invite le Comité à examiner des options comme le suivi de la propriété du parc de logements financiarisés, une meilleure surveillance des droits des locataires avant, pendant et après l'acquisition de biens afin de prévenir les expulsions, les violations des droits de la personne et le harcèlement, l'accroissement de l'offre de logements non marchands, les réformes fiscales qui rendent la financiarisation moins rentable, en particulier pour les FPI, et la réglementation de la participation des fonds de pension qui investissent dans la financiarisation. J'exhorte également le Comité à convoquer des témoins de l'industrie pour qu'ils rendent compte de leurs pratiques qui nuisent à l'abordabilité du logement, au droit au maintien dans les lieux et à l'habitabilité, en lui fournissant des données sur leurs stratégies et leurs marges de profit.
    Tout au long du processus, nous espérons que les voix des Canadiens et de ceux dont le droit à un logement adéquat est violé continueront d'être entendues. En fin de compte, la solution à la crise de la financiarisation au Canada fait partie intégrante de la solution à la crise du logement au Canada. Lorsque nous réalisons le droit de la personne à un logement adéquat pour tous, tout le Canada en profite. Notre économie en profite, les communautés en profitent et les gens en profitent.

  (1625)  

[Français]

    Je suis ici pour travailler avec vous et tous les ordres de gouvernement sur la question de la financiarisation du logement, afin de réaliser le droit à un logement adéquat pour tous au Canada.
    Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Houle.
    Je pense que nous pourrons effectuer seulement un tour avec cette témoin.
    La parole est d'abord à Mme Gray.
    Madame Gray, vous disposez de six minutes.
    C'est très bien. Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie la témoin pour sa présence aujourd'hui.
    Durant votre allocution, vous avez fait référence à quelques reprises à la crise du logement. J'aimerais confirmer que vous croyez que nous faisons face à une crise du logement.
    Tout à fait
    D'accord, c'est très bien. Je vous remercie beaucoup.
    Il y a quelques mois, le ministre responsable du logement a comparu devant le Comité. Mon collègue conservateur, M. Aitchison, a demandé à plusieurs reprises au ministre Hussen s'il croyait que nous sommes confrontés à une crise du logement, et il a refusé d'admettre que c'est le cas.
    Êtes-vous préoccupée par le fait que le gouvernement ne reconnaît pas officiellement que nous vivons actuellement une crise du logement?
    Je suis préoccupée par le fait que, lorsque je parcours le pays, je vois des campements dans certaines régions pour la toute première fois et des gens qui sont sans logement. Nous vivons bel et bien une crise. Les gens n'ont pas les moyens de payer leur loyer. Encore une fois, les campements — un autre projet sur lequel je travaille — sont une manifestation concrète de l'ampleur de la défaillance de notre système de logement et de lutte contre l'itinérance au pays.
    Cependant, nous avons la Stratégie nationale sur le logement et nous avons la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement. Le gouvernement doit reconnaître le logement comme étant un droit de la personne. Il l'a fait sur le plan juridique, mais il doit agir, s'acquitter de ses responsabilités et veiller à ce que toutes les ressources, le plus tôt possible, soient consacrées en priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Ce sont les gens que nous voyons dans les campements, et ce sont les gens qui se trouvent dans une situation précaire sur le plan du logement.
    Je le répète, le ministre ne reconnaît pas que nous faisons face à une crise du logement. Je présume qu'en tant que défenseure fédérale du logement, vous êtes préoccupée par le fait que le ministre ne reconnaît pas que nous vivons une crise du logement.
    Notre travail consiste à rédiger des rapports, et notre dernier rapport a été envoyé au ministre. Ce rapport ainsi que la réponse écrite du ministre devraient être déposés au Parlement d'ici 30 jours, alors j'ose espérer que vous pourrez en prendre connaissance bientôt.
    J'espère que le ministre reconnaîtra que nous vivons une crise du logement à la lumière des renseignements qu'il obtiendra.
    Je veux simplement ajouter quelque chose. Vous avez parlé des campements. Dans ma circonscription, celle de Kelowna-Lake Country, nous en voyons de plus en plus. La question de la sécurité publique ainsi que la situation actuelle suscitent beaucoup de préoccupations partout au pays. Je vous suis reconnaissante d'en avoir parlé. Merci.
    Une autre question que je voulais vous poser… Les libéraux font la promotion de leur plus récent programme. Il s'agit du soi-disant compte d'épargne libre d'impôt pour l'achat d'une première propriété. C'est un outil pour faciliter l'accession à la propriété pour les acheteurs d'une première maison. Cependant, de nombreux Canadiens n'ont déjà pas les moyens d'acheter une maison et ont du mal à joindre les deux bouts et à payer le loyer et l'épicerie, alors ils ne peuvent certes pas économiser pour une mise de fonds sur une maison.
    Croyez-vous que ce compte d'épargne aidera vraiment les acheteurs d'une première maison?
    Nous sommes ici aujourd'hui pour parler de la financiarisation du logement, et il est important d'examiner le système de logement dans son ensemble. L'incapacité des gens d'accéder à la propriété a certes une incidence sur le marché locatif, mais aujourd'hui, nous sommes ici pour parler de la recherche commandée par mon bureau et des répercussions de la financiarisation du logement. La financiarisation du logement vise également les maisons, alors votre question est pertinente dans le cadre de notre discussion.
    Vous avez dit que nous ne pourrons pas nous sortir de cette crise du logement par la construction, et vous avez reconnu que nous vivons une crise du logement. Toutes choses étant égales par ailleurs, si la quantité d'un produit augmente sur le marché, son prix aura tendance à baisser. Êtes-vous d'avis que nous devons construire plus de maisons pour faire baisser les prix à un moment donné?
    Ce n'est pas ainsi que fonctionne le logement. Il est question de la crise du logement, et le droit au logement concerne ceux qui en ont le plus besoin. Les hypothèques pour tout nouveau logement construit, qu'il s'agisse d'un logement locatif ou d'une maison unifamiliale, coûteront plus cher que pour un logement déjà construit. Les nouvelles constructions, à moins qu'elles s'accompagnent de subventions, ne créeront pas l'abordabilité nécessaire.
    Le marché doit être réglementé. Au Canada, nous avons une économie de marché, et le gouvernement a pour rôle de mettre en place des mesures de protection pour protéger les gens contre les préjudices. Il en va de même pour le salaire minimum au pays. Le marché ne réglera pas ce problème par bienveillance, surtout lorsque nous avons des acteurs financiarisés qui sont redevables à leurs actionnaires et que les gens obtiennent des primes lorsqu'ils réalisent le maximum de profits.
    Merci. J'ai la possibilité de poser une dernière petite question. Je suis désolée de vous avoir interrompue.
    Les statistiques de la SCHL montrent que nous aurons besoin de 5,8 millions de nouvelles maisons d'ici 2030 pour rétablir l'abordabilité. Croyez-vous que le gouvernement fédéral s'acquitte de ses rôles et de ses responsabilités à l'égard de cet objectif?
    La Stratégie nationale sur le logement comporte des programmes d'investissement dans le logement, qui prévoient des dépenses de 8,2 milliards de dollars sur 10 ans. Cinq ans se sont écoulés, et les résultats ne permettent pas d'atteindre l'objectif, à savoir régler la crise du logement et réduire l'itinérance chronique de 50 %. Ces nouvelles constructions ne sont pas accessibles aux personnes qui en ont le plus besoin. Il s'agit des personnes dont on fait état dans la Stratégie nationale sur le logement. Cela n'aide pas le Canada à progresser vers la réalisation progressive du droit au logement.

  (1630)  

    Merci, madame Houle et madame Gray.

[Français]

    Madame Martinez Ferrada, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord corriger ma collègue: le ministre a mentionné à plusieurs reprises, notamment dans des communiqués de presse, qu'il y avait une crise du logement.
    Madame Houle, je m'inquiète plus des partis qui ne reconnaissent pas le droit au logement comme étant un droit de la personne. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Pourquoi est-il si important de le reconnaître comme tel?
     Le droit au logement est un élément central.
     Premièrement, la loi du marché ne fonctionne pas. On a laissé le marché et l'économie mener, mais l'économie, ce n'est pas des personnes. Je vais être très directe: sur le plan économique, les populations vulnérables dont l'accès au logement est précaire ou qui vivent de l'itinérance coûtent une fortune à la société. De plus, on en paie le prix sur le plan humain, puisqu'il y a une diminution de la dignité de ces personnes.
    Pour mettre sur pied un système de logement adéquat, il faut qu'il y ait non seulement des règlements, mais aussi des fonds et des programmes. Lors de leur création, il faut toujours garder en tête le droit au logement.
    Comme vous le savez, le gouvernement a légiféré sur la question du droit au logement. D'ailleurs, vous en êtes la preuve vivante, puisque vous êtes la première défenseure du logement.
    Selon vous, le fait d'interdire l'achat de propriétés à des étrangers et d'instaurer des politiques qui vont, d'une certaine façon, permettre de freiner la spéculation va-t-il permettre d'augmenter le nombre de logements et leur abordabilité?
    Je sais que, dans le budget de 2022, on a parlé d'investir dans la financiarisation, mais seulement pour les projets à l'étranger. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est aussi pour démontrer que la financiarisation n'est pas que le fait d'investisseurs à l'extérieur du Canada; cela se passe beaucoup ici et a une incidence absolument nuisible sur tout le système de logement, mais aussi sur la réalisation progressive du droit de la personne au logement.
    Étiez-vous contente de voir que, dans le budget, le gouvernement s'est engagé à amorcer une réforme fiscale?
    Oui.
    Cela devrait répondre en partie à vos inquiétudes et permettre de trouver une solution pour contrer l'effet de la financiarisation.
    Vous avez fait plusieurs suggestions. Comme vous le savez, notre grand pays comporte différents ordres de gouvernement et la question du logement relève surtout du champ de compétence des provinces. Vous avez dit à quelques reprises que le gouvernement fédéral devrait pleinement occuper les champs de compétence qui lui sont exclusifs.
    Êtes-vous d'accord avec moi sur le fait que le gouvernement fédéral ne pourra pas à lui seul régler la crise du logement?

  (1635)  

    Oui, absolument.
    Dans ce cas, comment fait-on pour s'assurer que les provinces et les autres ordres de gouvernement sont aussi à la table?
    Il faut assurément une volonté politique. Il faut aussi reconnaître que tous les ordres de gouvernement et les municipalités ont un rôle à jouer, surtout pour ce qui est de la question du zonage et des permis de construction.
    Pour avancer, il ne faut pas seulement une stratégie nationale ou un fonds, mais aussi un plan. Il faut aussi centrer ce plan sur le droit de la personne au logement.
    Comment peut-on faire cela, concrètement, si le gouvernement fédéral n'a pas la compétence pour légiférer en matière de marché locatif?
    Il est sûr que, jusqu'à maintenant, les mesures ne répondent pas à ces obligations.
    Personnellement, je travaille avec les provinces et les municipalités, mais je me penche sur un seul problème systémique à la fois, malheureusement. Cela dit, il existe des ententes bilatérales et trilatérales en ce qui concerne les fonds, comme le Fonds pour accélérer la construction de logements. Il faut absolument inclure des conditions très concrètes dans ces ententes avec les provinces et les municipalités.
    Certains députés à la Chambre des communes — je ne vais pas les nommer — pensent que le gouvernement devrait en faire moins en matière de logement, c'est-à-dire qu'il devrait moins s'intéresser à cette question et carrément se retirer de la Stratégie nationale sur le logement.
    Si j'ai bien compris vos commentaires, vous croyez que cette stratégie n'est pas parfaite. Or, on comprend que son intention est d'augmenter l'offre de logements abordables. Que pensez-vous de l'investissement prévu dans la Stratégie nationale sur le logement?
     En fait, la Loi sur la stratégie nationale sur le logement dit que le logement est un droit de la personne. Il faut donc aligner la Stratégie nationale sur le logement sur la Loi, qui a malheureusement été écrite deux ans plus tard.
    J'ajouterais que le pays est vaste et qu'il y existe plusieurs lignes invisibles, dans les provinces, les territoires, les communautés autochtones ou les municipalités. La réalisation du droit au logement change dès l'instant où on traverse une de ces lignes invisibles. Or, beaucoup de Canadiens migrent à l'intérieur du Canada. Il faut donc absolument que leurs droits soient respectés, peu importe où ils vivent. C'est là que le gouvernement fédéral a un rôle extrêmement important à jouer, bien qu'il ne s'agisse pas de sa seule responsabilité.
    Merci, madame Houle.

[Traduction]

    Chers collègues, la sonnerie se fait maintenant entendre. J'ai besoin de l'avis du Comité. Il nous reste deux tours de six minutes.
    Une voix: Nous pouvons terminer.
    Le président: D'accord. Nous avons le consentement unanime pour donner la parole à Mme Chabot et à Mme Kwan pour six minutes chacune.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Houle, je voudrais d'abord vous saluer. Vous êtes la première femme défenseure du droit au logement. Ce n'est quand même pas rien.
    Le rapport annuel que vous avez produit et ses rapports complémentaires, on les lit et on les relit. Je pense qu'on mise juste en plaçant au cœur du sujet les personnes et le droit au logement. Se loger est un droit garanti par des conventions internationales, mais aussi un besoin fondamental garanti par le droit à la sécurité. Je vous en remercie.
    Vous faites beaucoup de recommandations. Nous nous y sommes attardés parce que le fédéral peut jouer un rôle, j'en suis certaine, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Dans votre rapport annuel, vous recommandez au gouvernement que la Stratégie cible ses programmes de manière à empêcher la financiarisation des logements à but locatif et de s'assurer que ses programmes ne contribuent pas à la financiarisation du logement.
    Selon vous, en ce moment, est-ce que certains programmes de la Stratégie nationale sur le logement favorisent, directement ou indirectement, la financiarisation du logement?
    Absolument.
    Des programmes de prêts existent dans le cadre la Stratégie nationale sur le logement. Ils prêtent de l'argent à de bas taux d'intérêt et offrent des mesures incitatives à la construction de logements à des acteurs financiarisés. Par contre, il est important de souligner que les fonds pour la Stratégie sont des fonds publics, l'argent du peuple. Ces fonds représentent 8,2 milliards de dollars, et nous n'avions pas vu un tel investissement du fédéral depuis des décennies.
    Dans le cas des acteurs financiarisés qui utilisent ces sommes et en profitent, leurs investissements n'appartiennent pas à la communauté. Ce ne sont pas des biens communs ni des biens sociaux, mais cela devient plutôt des richesses individuelles ou des richesses de porteurs de fonds.

  (1640)  

    Quelles sont les recommandations pour corriger cette situation? Il y a plusieurs programmes dans la Stratégie nationale sur le logement. C'est quand même plus de 80 milliards de dollars qui ont été investis jusqu'à maintenant.
    Est-ce qu'il faut complètement sortir le soutien qu'on donne du marché, et centrer les efforts et l'argent sur des stratégies hors marché pour du logement à but non lucratif, comme des coopératives ou autres?
    Oui, absolument. Comme on l'a déjà indiqué, notre recommandation est que la Stratégie nationale sur le logement ne subventionne plus les propriétaires financiers et que la SCHL ne leur accorde plus de prêts préférentiels. Il faut aussi réglementer les sociétés de prêts pour qu'elles puissent suspendre les prêts aux entités qui contreviennent aux droits de la personne, y compris le droit à un logement adéquat. Il faut aussi éliminer les incitatifs financiers et imposer un impôt sur les gains, notamment aux fiducies de placement immobilier. Il faut construire, acquérir et subventionner des projets de logements sociaux non commerciaux, des coopératives d'habitation et des logements sans but lucratif.
    La Banque Scotia a publié dernièrement un rapport qui recommande au Canada, pour bien contrôler la financiarisation, d'atteindre un pourcentage de logements sans but lucratif comparable à celui de plusieurs pays européens. Ces logements comprennent notamment les logements sociaux ou les coopératives d'habitation et, à l'heure actuelle, ne représentent que 4 % de l'ensemble des logements au Canada. Il y a donc beaucoup de travail à faire à cet égard.
    Les investissements faits par la Stratégie nationale sur le logement devraient viser l'acquisition et la construction de nouveaux logements sociaux et de coopératives d'habitation.
    Si vous aviez un ou deux programmes de la Stratégie nationale sur le logement à cibler, en choisiriez-vous un plus qu'un autre?
    Pour traiter la question de la financiarisation, ce serait le programme que la Société canadienne d'hypothèques et de logement est en train de développer avec la Fédération de l'habitation coopérative du Canada, visant la construction de nouvelles coopératives d'habitation. On attend cela avec impatience. La Fédération est prête à agir en ce sens depuis le mois de juin dernier.
    Nous aimerions aussi avoir un fonds d'acquisition, que j'ai demandé au mois de novembre dernier, pour donner aux acteurs non commerciaux la possibilité d'acheter des immeubles présentement sur le marché, permettant ainsi d'assurer leur abordabilité à long terme, avant que les acteurs de financiarisation puissent les acheter. Un tel programme n'existe pas.

  (1645)  

    Merci, madame Chabot.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Kwan pour six minutes.
    Madame Kwan, allez-y.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je suis désolée. J'ai entendu un son très fort. Est‑ce que c'est correct maintenant?
    Oui, je vous entends très bien dans la salle.
    C'était peut-être seulement de mon côté. J'entendais un écho très fort de ma voix lorsque j'ai commencé à parler, mais je ne l'entends plus maintenant.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à Mme Houle, la défenseure fédérale du logement, pour le travail qu'elle et son bureau effectuent et pour son exposé aujourd'hui.
    Je m'intéresse particulièrement à la question de la financiarisation du logement et, bien sûr, aux répercussions qu'elle a déjà exposées. Mes questions vont porter sur les mesures qui peuvent être prises pour régler ce problème, surtout dans le contexte de la crise du logement à laquelle nous sommes confrontés.
    La population a demandé l'imposition d'un moratoire sur l'acquisition de logements par, par exemple, des fiducies de placement immobilier ou d'autres propriétaires commerciaux. En tant que défenseure du logement, pensez-vous que le gouvernement devrait aller de l'avant à cet égard? Est‑ce que cela permettrait de s'attaquer au problème de la financiarisation du logement?
     Je vous remercie beaucoup de la question.
    Je pense que le gouvernement a un rôle réellement important à jouer. Il y a certaines choses qu'il peut faire.
    Il peut d'abord établir un fonds d'acquisition pour que les acteurs non commerciaux, comme les coopératives d'habitation, les organismes sans but lucratif et les intervenants du milieu du logement social, puissent acheter des propriétés à vendre avant qu'elles ne soient financiarisées par d'autres acteurs ou mécanismes de financiarisation. Les acteurs non commerciaux et sans but lucratif garantiront l'abordabilité à perpétuité. C'est un rôle qu'ils jouent, contribuant à la richesse communautaire plutôt qu'individuelle.
    Mais auparavant, le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer en surveillant l'identité des propriétaires et en évaluant les répercussions de la financiarisation. Par exemple, nous avons besoin de données transparentes sur la propriété à but lucratif. J'ai été enchantée de voir que ce besoin était souligné dans les recommandations prébudgétaires du comité des finances. Il faut définanciariser le logement en appuyant et en élargissant le logement non commercial, comme je l'ai indiqué à quelques reprises. Nous devons également décourager la financiarisation en suspendant les subventions et le soutien, comme les taux d'intérêt et le traitement fiscal favorables aux sociétés financières, et en réglementant les fonds de retraite pour exiger que leurs investissements respectent les droits de la personne, y compris le droit au logement.
    C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui: pour parler de la manière dont nous pouvons atténuer le problème en centrant les décisions autour des droits de la personne et du droit au logement.
    Nous devons également renforcer les mesures de contrôle et la protection des locataires. Les recherches montrent en effet que la financiarisation a le vent dans les voiles là où la protection des locataires est la plus faible.
    Pour poursuivre sur le même sujet, de nombreux propriétaires d'immeubles — et particulièrement des sociétés — se cachent derrière des compagnies à numéro. Des locataires ont déploré le fait qu'ils ne peuvent pas découvrir qui est réellement leur propriétaire.
    Le gouvernement devrait‑il obliger les sociétés à dévoiler leurs propriétés effectives pour que les locataires sachent qui est leur propriétaire?
    C'est exactement ce qu'il faut faire. Je vous remercie de cette question.
    Il manque de transparence. Dans le cadre de ses recherches, Martine August a éprouvé de la difficulté à découvrir les propriétaires d'un grand nombre de logements construits à des fins locatives en raison du manque de transparence. Ceux qu'elle a pu trouver ne représentent, selon nous, que la pointe de l'iceberg. Nous avons également entendu parler de propriétaires privés financiarisés qui se vendent des immeubles entre eux pour en gonfler artificiellement la valeur, utilisant ensuite cette valeur pour acquérir d'autres actifs.
    Les locataires qui habitent dans ces immeubles ignorent qui est leur propriétaire. Comme le propriétaire change constamment, il n'y a personne à qui demander des comptes et auprès de qui se plaindre. Nous savons qu'un grand nombre de particuliers sont propriétaires d'un immeuble au Canada, mais la financiarisation est d'une ampleur telle qu'il est impossible de parler au propriétaire. Il n'y a personne à qui demander des comptes.
    Cela a une grande incidence sur la transaction, sur la qualité des logements, sur la détérioration du parc immobilier et, bien entendu, sur les évictions elles-mêmes.

  (1650)  

    Je vous remercie.
    Le gouvernement fédéral devrait‑il instaurer un registre national des immeubles locatifs à divulgation obligatoire pour que les gens aient accès à ces informations?
    Le registre des immeubles locatifs jouerait plusieurs rôles. Il est plus facile de vérifier qui est propriétaire des immeubles, de surveiller la financiarisation et ses mécanismes et de voir quel tort les acteurs financiers causent quand ils violent le droit au logement, avec pour résultat des évictions et des problèmes d'habitabilité et d'abordabilité des logements. Ce registre nous permettrait également d'exiger un peu plus de comptes de la part des propriétaires.
    Je pense que dans ses travaux de recherche, ACORN propose de délivrer des permis aux propriétaires et d'instaurer un registre pour que les logements soient inspectés et conformes sur le plan de l'habitabilité. Tout ce mécanisme jouerait un rôle important en assurant le respect du droit des gens à un logement adéquat et de qualité, car nombreux sont ceux qui vivent dans des logements insalubres à l'heure actuelle.
    Je vous remercie.
     Je suppose que vous proposez...
    Madame Kwan...
    ... que cette tâche revienne au gouvernement fédéral...
    Madame Kwan, votre temps est écoulé.
    Voilà qui conclut notre premier tour de six minutes.
    Madame Chabot lève la main.

[Français]

     Nous sommes appelés au vote alors que nous devons commencer le deuxième tour de questions. Je suis inquiète, car le deuxième tour sera écourté lui aussi. J'aurais trouvé important de terminer le tour de questions avec Mme Houle, et je trouve important de profiter de tout le temps requis avec les experts au deuxième tour.
    Si nous ne pouvons pas terminer nos travaux aujourd'hui, je souhaite par conséquent que nous puissions tenir une réunion supplémentaire pour le faire.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Chabot.
    Levez-vous la main, madame Gray?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous en sommes rendus au deuxième vote auquel nous devons nous rendre au milieu de notre réunion. Nous devons nous rendre immédiatement à la Chambre pour voter. Le temps que nous revenions, il sera près de 17 h 30, car le vote se tient environ à 17 h 10. Il nous faudra un certain temps pour voter et revenir ici. Nous serons de retour vers 17 h 29 et la réunion se termine à 17 h 30.
    Nous pouvons poursuivre jusqu'à 18 heures. Nous avons les ressources pour continuer jusque là. Les règles nous autorisent à le faire si deux membres de l'opposition sont présents et si nous avons le quorum. Mon intention serait de poursuivre la réunion jusqu'à 18 heures au retour des députés, madame Gray.
    Eh bien, si c'est votre intention, nous ne sommes pas nécessairement d'accord, parce que nous avons d'autres engagements. Ces deux votes ont tout perturbé. Nous ferions donc peut-être mieux de poursuivre la rencontre lors d'une autre réunion.
    Eh bien, ici encore, j'attends de voir ce que l'ensemble du Comité souhaite faire.
    Madame Kwan, vous levez la main.
    Oui. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je suis d'accord pour continuer jusqu'à 18 heures. Je ferais toutefois remarquer que le témoignage et les questions s'en trouvent écourtés pour les deux groupes de témoins. Vu la situation et l'importance de cette étude, j'appuierais la proposition de Mme Chabot de réinviter la défenseure du logement, Mme Houle, pour une autre heure afin de pouvoir discuter plus en profondeur de cette importante question avec elle.

  (1655)  

    Je vous remercie, madame Kwan.
    Nous pouvons en débattre. À l'heure actuelle, l'horaire d'aujourd'hui est fixé. Je suspendrais donc la séance jusqu'à ce que le vote soit terminé. Nous reprendrions ensuite la séance avec le deuxième groupe de témoins quand il sera prêt. Le Comité pourra ensuite déterminer ce qu'il fera ensuite, par majorité.
    Nous pouvons étudier la proposition de Mme Kwan et de Mme Chabot.
    Pour l'instant, nous suspendons la séance. Nous la reprendrons en recevant le deuxième groupe de témoins après le vote à la Chambre des communes. Nous suspendons la séance jusqu'à ce que le vote soit terminé à la Chambre des communes et que les députés aient eu le temps pour revenir dans la salle.

  (1655)  


  (1725)  

    Nous reprenons la séance pour la deuxième heure afin d'entendre des témoins. Nous devons arrêter à 18 heures exactement. Nous recevons six témoins, qui feront cinq allocutions d'ouverture.
    Sur ce, je veux souhaiter la bienvenue à Mme Martine August, professeure agrégée de l'école d'urbanisme de l'Université de Waterloo; Jackie Brown, chercheuse; et Manuel Gabarre, chercheur, qui témoignent par vidéoconférence à titre personnel. Nous accueillons également M. Nemoy Lewis, professeur adjoint à l'Université métropolitaine de Toronto, qui témoigne ici même à titre personnel. Nous recevons enfin Mme Tanya Burkart, cheffe, et Mme Bhumika Jhamb, coordonnatrice de la recherche et de la communication, d'ACORN Canada.
    Je vous avise qu'il ne nous reste que 30 minutes à la réunion. Je vous demanderai donc de respecter le temps de cinq minutes qui vous est accordé pour faire des allocutions d'ouverture. Le Comité doit décider s'il réinvitera les témoins pour leur poser des questions à la suite de la présente réunion. Pour l'instant, je pense que nous n'aurons que le temps d'entendre les allocutions d'ouverture.
    Nous entendrons d'abord Mme August pour cinq minutes.

  (1730)  

     Bonjour. Je remercie le Comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
    Je m'appelle Martine August et je suis professeure agrégée à l'Université de Waterloo. Je suis également responsable d'une série de rapports commandés par la défenseure au sujet de la financiarisation du logement. Je témoigne aujourd'hui aux côtés des auteurs de ces rapports.
    Nous avons déjà entendu aujourd'hui une introduction sur la tendance à la financiarisation, un terme qui fait référence au rôle croissant du capital financier et au fonctionnement de l'économie mondiale au cours des dernières décennies. Cette tendance est associée à une augmentation de l'inégalité sociale et mondiale.
    La financiarisation du logement renvoie au fait qu'on traite le logement comme un véhicule d'investissement. Il s'agit de l'acquisition d'hypothèques ou de logements comme tels par des sociétés financières et des sociétés d'investissement, comme des fiducies de placement immobilier. Avec ces acquisitions, les sociétés transforment les logements en un produit d'investissement qui offre aux investisseurs une nouvelle source de profits grâce au logement.
    Comme la défenseure l'a souligné, cette tendance est à la hausse au Canada. Depuis les années 1990, nous assistons à un regroupement massif de la propriété des appartements par des sociétés financières. Les 25 plus grosses sociétés financières — je parle ici de fiducies de placement immobilier, d'investisseurs de capitaux privés et de gestionnaires d'actifs — possèdent collectivement 350 000 immeubles d'habitation, soit environ 20 % des immeubles de plus de six logements. Ce n'est qu'une estimation, qui n'inclut que les 25 plus grosses sociétés financières et qui est limitée par le manque de transparence des données sur la propriété au pays, comme les témoins précédents l'ont fait remarquer.
    Pourquoi ce transfert de la propriété est‑il important?
    Les sociétés financières propriétaires traitent les immeubles différemment, car elles ont un objectif d'affaires très particulier, soit celui d'optimiser la valeur pour leurs actionnaires. Les gestionnaires de véhicules financiers sont structurellement encouragés à augmenter la valeur pour les investisseurs. S'ils n'accordent pas la priorité au niveau de rendement, la valeur des actions baissera, ils perdront des investisseurs et leur rétribution, qui est souvent liée au rendement, diminuera. Cela signifie que lorsque les sociétés financières gèrent des logements, elles font passer le profit avant les autres objectifs, comme l'abordabilité et l'amélioration de la qualité de vie des locataires. Les sociétés financières traitent plutôt les logements comme un actif financier.
    À la poursuite d'un rendement perpétuel, les sociétés financières recourent souvent à des stratégies agressives de gestion des logements, parfois au détriment de la sécurité et de l'abordabilité des lieux. Elles agissent donc à l'encontre du droit au logement au Canada.
    Dans le marché du logement multifamilial, ces sociétés utilisent notamment une approche appelée « repositionnement », laquelle consiste à repositionner des immeubles afin de faire plus d'argent pour les investisseurs. À cette fin, elles peuvent réduire leurs dépenses, ce qui peut avoir des effets négatifs sur les locataires si elles réduisent leurs coûts ou licencient des concierges. Elles peuvent également augmenter leurs revenus, des revenus qui sortent des poches de leurs locataires. Elles imposent des frais plus élevés pour les services, ajoutent de nouveaux frais et, surtout, augmentent les loyers.
    Les sociétés financières constatent qu'elles peuvent augmenter davantage les loyers si elles ont plus de logements vacants. Elles sont donc encouragées à préférer évincer et déplacer des locataires pour tenter d'obtenir un loyer supérieur une fois le logement libre.
    La financiarisation a des effets négatifs sur les locataires. Le déplacement dans le but de vider les logements est une tendance solidement démontrée qui cause beaucoup de torts. Les augmentations de loyer alourdissent le fardeau économique des locataires. En outre, les rénovations et les réparations que les sociétés effectuent pour augmenter les loyers peuvent rendre la vie très déplaisante.
    Toutes ces tactiques causent du stress, de l'anxiété et des problèmes de santé, et briment le droit au logement au Canada. En plus d'avoir des répercussions sur les locataires, cette tendance favorise l'embourgeoisement, intensifie les inégalités sociales et spatiales et réduit l'abordabilité dans nos villes.
    On me demande parfois comment je peux être certaine que les sociétés financières sont particulières quand on les compare aux autres propriétaires. À l'instar d'autres chercheurs américains, j'ai constaté que les taux d'éviction des sociétés financières de Toronto sont supérieurs à ceux des autres genres de propriétaires. Ce taux est deux fois et demie plus élevé que celui des propriétaires d'un seul immeuble, voire une fois et demie plus élevée que celui des chaînes d'établissements privés de taille équivalente.
    Nous pouvons voir qu'elles font plus d'évictions après avoir acheté un immeuble. En examinant les données sur 10 ans, moi et un de mes collègues avons découvert qu'après qu'un immeuble a été acheté par une société financière, le nombre d'évictions triple. Si le propriétaire précédent avait fait 10 demandes d'éviction par année, les sociétés financières en déposent 30 après l'achat. Ce constat s'appuie sur l'analyse de 700 transactions sur 10 ans.
    J'ai également constaté qu'à Toronto, les sociétés financières imposent des loyers plus élevés, sans égard au quartier et à la qualité de l'immeuble. Voilà qui montre que les sociétés financières canadiennes font effectivement augmenter le prix de l'habitation et intensifient la précarité du logement en faisant davantage d'évictions. Le gouvernement fédéral doit donc agir pour mieux réglementer l'industrie, protéger les locataires, assurer l'abordabilité des loyers et empêcher les acteurs de traiter les logements comme des actifs financiers.
    Je vous remercie.

  (1735)  

    Je vous remercie, madame August.
    Nous entendrons maintenant Jackie Brown pour cinq minutes.
    Bonjour et merci beaucoup de m'avoir invitée à m'adresser au Comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Jackie Brown et je suis chercheuse titulaire d'une maîtrise en urbanisme de l'Université York. J'ai passé les dernières années à étudier la financiarisation, en m'intéressant particulièrement aux résidences pour aînés et aux établissements de soins de longue durée.
    La pandémie de COVID‑19 a mis en évidence de profonds problèmes systémiques dans le secteur des soins de longue durée. Des changements importants s'imposent, et je considère qu'il est essentiel de mettre un frein à la financiarisation pour procéder à cette réforme. Le secteur des soins de longue durée se situe à la croisée des soins de santé et du logement, et vise à servir une des populations les plus vulnérables du Canada. Il est donc une cible de choix pour la financiarisation et pose un ensemble distinct de risques et de défis.
    J'utilise la financiarisation des soins de longue durée pour parler des établissements de soins de longue durée appartenant à des véhicules d'investissement comme les sociétés cotées en bourse, les sociétés privées d'investissement et les régimes de retraite, et qui sont utilisés comme des actifs afin d'optimiser les profits des investisseurs.
    L'augmentation de la financiarisation des soins de longue durée a été facilitée par une tendance plus générale vers la privatisation observée depuis plusieurs années. En 2020, approximativement 22 % des lits de soins de longue durée appartenaient à des sociétés financiarisées au Canada. En Ontario, ce pourcentage a atteint 32 %. Dans les maisons de retraite, la proportion de lits financiarisés est encore plus importante.
    Les intérêts des investisseurs sont incompatibles avec l'offre de soins de qualité et d'emplois décents dans les établissements de soins de longue durée. Les sociétés financiarisées dépendent fortement des subventions publiques pour les soins quotidiens et la construction de nouvelles résidences, tout en utilisant le plus possible ces fonds pour réaliser des profits afin de payer des dividendes à leurs actionnaires et à leurs investisseurs, le tout au détriment du bien-être des résidants et du personnel.
    Un rapport récent indique que de 2010 à 2021, les sociétés cotées en bourse que sont Chartwell, Extendicare et Sienna Senior Living ont collectivement versé 2,3 milliards de dollars à leurs actionnaires. Les dividendes totaux ont atteint des sommets record au cours des deux premières années de la pandémie, alors même que ces sociétés recevaient des millions de dollars en aide d'urgence de la part du gouvernement. Pendant ce temps, cela a eu les pires résultats sur les résidants de plusieurs d'entre elles.
    Des cinq fournisseurs de soins de longue durée de l'Ontario qui ont affiché les taux de mortalité les plus élevés pendant les neuf premiers mois de la pandémie, quatre étaient financiarisés. J'ai entendu les dirigeants de ces sociétés affirmer que les dividendes venaient des frais des services des résidants et de revenus tirés d'autres segments d'affaire. Cependant, outre le fait que l'aide gouvernementale supplémentaire a permis à ces sociétés d'éviter une baisse des dividendes, le fait qu'elles ont utilisé les frais de service pour offrir des dividendes à leurs actionnaires fait ressortir une distinction fondamentale entre les sociétés financiarisées et les autres fournisseurs de soins de longue durée.
    Les fournisseurs municipaux et sans but lucratif réinvestissent tous leurs profits dans leurs résidences, complétant souvent les subventions gouvernementales avec d'autres sources de fonds afin de rehausser la norme de soins. Les preuves démontrent que les aînés eux-mêmes préfèrent clairement les établissements sans but lucratif quand ils ont des places disponibles. Cependant, en raison des longues listes d'attentes, les sociétés financiarisées ne sont pas obligées d'être concurrentielles sur le plan de la qualité des soins.
    Il est important d'examiner les manières sont les politiques et les programmes gouvernementaux privilégient les sociétés financiarisées. Par exemple, les subventions versées en Ontario pour la construction d'établissements de soins de longue durée sont habituellement versées rétroactivement sur une période de 25 ans après la construction. Voilà qui constitue un obstacle plus important pour les petits fournisseurs sans but lucratif, puisque les sociétés financiarisées tendent à avoir plus facilement accès au capital et peuvent s'appuyer sur leurs actifs immobiliers existants pour obtenir du financement à des conditions favorables.
    Les sociétés financiarisées reposent sur l'expansion. Alors même que la pandémie faisait des ravages dans les établissements de soins de longue durée en 2020, les investisseurs et les analystes demandaient aux dirigeants comment ils pouvaient assurer la croissance annuelle cette année‑là. À mesure que ces sociétés croissent en acquérant et en construisant de nouvelles résidences, leur domination s'accroît dans le secteur.
    Je voudrais proposer plusieurs moyens pour résoudre ce problème pressant.
    Premièrement, les résidences de soins de longue durée pour aînés doivent obtenir un permis des provinces. Ces dernières ont le pouvoir de limiter le nombre de permis délivrés aux sociétés financiarisées. La Saskatchewan a déjà accompli des pas dans cette direction. Après les éclosions dévastatrices de COVID dans les établissements de soins de longue durée d'Extendicare, dont une dans laquelle 42 résidants sont décédés, la Saskatchewan a repris la gestion des cinq établissements que la société possédait dans la province.
    Deuxièmement, il faut accroître la capacité chez les fournisseurs publics et sans but lucratif afin de compenser la réduction du nombre de résidences financiarisées. Les provinces pourraient offrir du soutien à la planification et au développement et de l'aide financière pour que les acteurs sans but lucratif puissent concentrer leur énergie à prodiguer des soins de qualité dans les communautés.
    Troisièmement, il faudrait offrir un éventail de solutions de logement et de services à domicile adéquats afin de mieux aider les aînés à vieillir chez eux. C'est un domaine important à la croisée des soins aux aînés et de la financiarisation du logement en général, puisqu'il faut disposer de logements accessibles, abordables et sécuritaires pour offrir des solutions de rechange aux soins de longue durée.
    Même si de façon générale, la prestation de soins de longue durée relève des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle à cet égard en concluant des accords de financement et en offrant du soutien financier conditionnel aux soins sans but lucratif. Il devrait également prendre des mesures pour que Revera, actuellement la propriété de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et la plus importante chaîne d'établissements de soins de longue durée du pays, devienne une propriété de l'État.

  (1740)  

    Les conséquences de la financiarisation sont particulièrement désastreuses dans le contexte des établissements de soins de longue durée qui offrent leurs services à certains de nos aînés vulnérables. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour leur garantir la meilleure qualité de soins.
    Merci pour votre temps.
    Merci, madame Brown.
    Nous passons maintenant à Manuel Gabarre.
    Bonjour. Je suis honoré d'être ici avec vous tous en tant que chercheur en financiarisation du logement.
    La Déclaration universelle des droits de l'homme comprend le droit au logement et le droit à la santé dans le cadre du droit à un niveau de vie suffisant. Les États sont donc responsables d'assurer les deux droits. La majorité des pays signataires, y compris le Canada, ont mis sur pied des systèmes nationaux de santé publique et de vastes programmes de logement social après avoir signé la déclaration. Bien que les systèmes de santé publique fonctionnent encore et que l'administration garantit le droit à la santé, la plupart des États ont démantelé leurs programmes de logement social, et le droit au logement n'est plus appliqué. Pourquoi?
    D'après mon hypothèse, le logement est devenu un produit financier à l'échelle mondiale à la fin des années 1970. Dans mon document, j'explique comment ce phénomène a commencé à la fin du système de Bretton Woods. Depuis ce temps, les produits financiers, comme les titres hypothécaires, ont permis aux investisseurs financiers de créer un énorme marché du logement et des prêts hypothécaires. Ces organisations ont fait pression sur les gouvernements du monde entier pour démanteler les programmes de logement social dans le but de profiter d'un nouveau marché.
    La crise financière mondiale a remis en question le système de logement axé sur l'accès général à la propriété en contractant un prêt hypothécaire. La Banque des règlements internationaux — la banque pour les banques centrales — agit en tant qu'organisme de réglementation du système bancaire commercial à l'échelle mondiale. Cette institution, dont le siège se trouve à Bâle, en Suisse, a déterminé que la cause de la crise financière mondiale était l'attribution massive de prêts hypothécaires sans garantie, à savoir les prêts hypothécaires à risque.
    Par conséquent, la Banque des règlements internationaux a établi un nouveau cadre pour les prêts hypothécaires, le troisième accord de Bâle, appelé Bâle III. Les membres de la Banque des règlements internationaux doivent tous appliquer ses règlements, ce qu'ils ont fait en 2013. La plus importante norme de Bâle III est une restriction concernant les prêts hypothécaires accordés sans garantie systématique. Bâle III a donc indirectement forcé les banques à accorder des prêts hypothécaires seulement lorsque la mise de fonds correspond à 20 % du ratio prêt-valeur.
    Cependant, quatre pays ont esquivé cette restriction au moyen d'une aide publique: le Canada, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Les programmes de logement de ces quatre pays ont recours au même modèle. La Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, accorde une assurance prêt hypothécaire lorsque l'emprunteur ne peut pas respecter la norme de 20 % du ratio prêt-valeur. Si une maison vaut 500 000 $, l'emprunteur n'a besoin que de 25 000 $ — soit 5 % du ratio prêt-valeur — au lieu de 100 000 $ — 20 % du ratio prêt-valeur —, c'est‑à‑dire la somme prévue conformément à la norme de Bâle III applicable dans les autres pays.
    En se servant d'un discours fallacieux axé sur la protection de la famille, le gouvernement du Canada a entravé l'accès à un logement adéquat. Les prêts hypothécaires sont l'élément le plus important de l'endettement des ménages. Je vous propose de regarder l'évolution de l'endettement des ménages au Canada après Bâle III comparativement à d'autres pays.
    L'endettement des ménages représente 80 % du PIB aux États-Unis. En Espagne, il est de 63 %. En Irlande, nous parlons de 35 %. En 2013, l'endettement des ménages représentait 82 % du PIB aux États-Unis. Il atteignait 78 % en Espagne et 93 % en Irlande. L'endettement des ménages a donc diminué dans ces pays depuis l'entrée en vigueur de Bâle III en 2013. Nous parlons de 2 % aux États-Unis, de 15 % en Espagne et de 58 % en Irlande.
    Comme nous pouvons le voir, la tendance en matière d'endettement des ménages depuis 2013 va dans la direction opposée au Canada. L'endettement des ménages a considérablement augmenté depuis le niveau de 19 % en 2013, pour atteindre 112 % du PIB en 2020. De 2019 à 2020, l'endettement des ménages du Canada a augmenté dans une proportion de 9,38 % du PIB, soit la quatrième hausse en importance dans le monde. Pendant les années qui ont précédé la crise financière mondiale, l'endettement des ménages n'a jamais augmenté de plus de 6 % aux États-Unis en une seule année.
    Dans mon document, j'ai comparé le système canadien de logement à celui d'autres pays aux conditions socioéconomiques similaires: le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et l'Autriche. La conclusion est que certains pays, comme l'Autriche, qui a résisté à la financiarisation du logement en maintenant de vastes programmes de logement social, présentent les meilleurs indicateurs pour ce qui est de l'accès au logement, de l'abordabilité et de la prospérité pour tous.
    Merci.

  (1745)  

    Merci, monsieur Gabarre.
    Monsieur Lewis, vous avez maintenant cinq minutes à votre disposition.
    Je m'appelle Nemoy Lewis et je suis professeur adjoint à l'école de planification urbaine et régionale de l'Université métropolitaine de Toronto. Mes travaux portent surtout sur la financiarisation des logements locatifs au pays, y compris dans les villes de Toronto, d'Ottawa, de Vancouver et de Montréal. Je m'intéresse principalement à la façon dont ce type particulier de propriétaires a une incidence sur la vie et le choix de quartier des Canadiens noirs d'un bout à l'autre du pays.
    Pour commencer, qu'est‑ce qu'un propriétaire financiarisé? Un propriétaire financiarisé est une société privée — un gestionnaire d'actifs, une société cotée en bourse ou une société de placement immobilier — qui achète des immeubles locatifs à grande échelle et qui applique une logique financière, des paramètres et des priorités afin de générer des revenus pour des actionnaires et des investisseurs. Ces catégories comprennent des gestionnaires d'actifs, des sociétés de capitaux privés, des fonds de pension publics, des compagnies d'assurances et des sociétés de placement immobilier, tant privés que publics.
    Comme exemples de gestionnaires d'actifs, prenons Starlight Investments et Hazelview Investments. Pour ce qui est des sociétés de placement immobilier, il y a CAPREIT et InterRent REIT. Parmi les fonds de pension publics, citons BCIMC, qui est l'organe de gestion des investissements du régime de pension public de la Colombie-Britannique et qui investit beaucoup dans les logements multifamiliaux, et AIMCo, qui assure la gestion des investissements du régime de pension public de l'Alberta. De plus, la caisse de retraite du gouvernement fédéral investit dans des intermédiaires financiers comme Starlight Investments, qui achète des logements multifamiliaux et se sert de ces actifs pour générer des profits.
    Dans une étude du marché locatif de Toronto, nous avons examiné les transactions visant des logements multifamiliaux sur une période de 27 ans, pendant laquelle 223 000 logements ont été vendus. Nous avons pu déterminer que les propriétaires financiarisés ont acheté 65 % des logements vendus au cours des 27 dernières années à Toronto. Nous estimons que c'est fort probablement inférieur au nombre réel, car, comme certains de mes collègues y ont fait allusion plus tôt, beaucoup de ces sociétés utilisent des raisons sociales très ambiguës et des sociétés à numéro pour tenter de dissimuler leur véritable identité.
    Lorsque nous ventilons les principales pratiques commerciales de certains de ces propriétaires, nous constatons que 40 % de ces transactions au cours des 27 dernières années à Toronto sont effectuées par des entreprises de gestion des actifs. Les fiducies de placement immobilier ne représentent qu'environ 7 % des transactions. Je ne le dis pas pour défendre les sociétés de placement immobilier. Ces sociétés se servent des mêmes pratiques d'acquisition et de gestion qui, comme nous le savons, portent atteinte au devoir du Canada d'exercer le droit au logement de tous les Canadiens.
    Pour comprendre à quel endroit ces propriétaires achètent des biens, nous avons fait une analyse démographique. Nous avons constaté que 6,85 % de toutes ces transactions se faisaient dans des aires de diffusion où la population noire atteint entre 50 et 80 % à Toronto. Ces aires de diffusion ne représentent que 1,1 % des aires de diffusion de la ville. Elles sont les plus petites zones de recensement géographique normalisées à constituer un secteur de recensement. Les propriétaires financiarisés possèdent 72,86 % des logements vendus dans ces zones géographiques.
    Nous avons également constaté que le revenu semble influencer les tendances d'acquisition des propriétaires dans le marché des logements multifamiliaux, surtout au bas de l'échelle des revenus des ménages, où le revenu médian est inférieur à 76 500 $. Les propriétaires financiarisés possèdent 66,37 % des logements dans ces aires de diffusion à Toronto.
    Nous nous sommes penchés là‑dessus du point de vue des problèmes de déplacement et des propriétaires financiarisés. Nous avons examiné les évictions à Toronto au cours des quatre dernières années, entre 2018 et 2021. Il y en a eu environ 63 000 dans la ville. Les propriétaires financiarisés étaient à l'origine de 42 % de ces évictions. Dans le cas des évictions pour cause de non-paiement du loyer, les propriétaires financiarisés ont présenté un peu moins de 80 % des demandes.
    Nous avons examiné une propriété achetée par Starlight Investments. Comme ma collègue l'a mentionné, lorsque ces entreprises achètent les propriétés, le nombre d'évictions augmente considérablement. À la fin de 2018, dans la communauté de North Albion au nord d'Etobicoke, Starlight a acheté une propriété. En 2019, l'entreprise avait déjà présenté un peu moins de 500 demandes d'éviction pour cet immeuble. Le motif avancé pour 95 % de ces évictions était le non-paiement du loyer.

  (1750)  

    Lorsque nous avons fait une analyse démographique, nous avons constaté que 10 % des évictions entre 2018 et 2021 avaient eu lieu dans des aires de diffusion où les Noirs représentent entre 50 et 80 % de la population. Les propriétaires financiarisés sont à l'origine de 73 % des évictions dans ces aires de diffusion. Nous savons que 84 % des évictions ont eu lieu dans des tours d'habitation d'au moins 10 étages.
    Lorsque nous avons fixé le seuil à 70 %, nous avons constaté que 5 % des évictions à Toronto avaient lieu dans des aires de diffusion où les Noirs représentent entre 70 et 80 % de la population. Dans ces communautés, 85 % des évictions sont attribuables aux propriétaires financiarisés. Près de 100 % des évictions...
    Monsieur Lewis.
    ... ont lieu dans des tours d'habitation.
    À quel endroit observe‑t‑on ces évictions? C'est surtout dans le secteur nord-ouest de la ville, dans des communautés comme celle de North Albion, celle du corridor Jane-Finch et celle de Chalkfarm, qui se trouve au nord-ouest de l'intersection de la rue Jane et de l'avenue Wilson. Il y en a aussi à l'est du centre-ville, y compris dans le corridor de St. James Town et autour de l'intersection des rues Sherbourne et Dundas, mais également à Parkdale.
    Quand nous regardons le revenu...
    Monsieur Lewis, vous devrez conclure bientôt.
    C'est mon dernier passage.
    Quand nous regardons le revenu, nous voyons que ce sont surtout des Canadiens noirs qui habitent dans ces communautés, mais aussi que les gens ont un faible revenu.
    C'est la fin de mon exposé.
    Merci, monsieur Lewis.
    ACORN Canada a maintenant la parole.
    Bonjour tout le monde. Je m’appelle Tanya Burkart et je suis dirigeante à ACORN Canada.
    ACORN est un syndicat national et communautaire de personnes à revenus faibles et modérés qui lutte pour la justice sociale et économique. De nombreux membres d’ACORN vivent dans des logements locatifs appartenant à des propriétaires financiarisés et à de grandes entreprises.
    En 2021, ACORN a sondé 606 locataires, tous types de propriétaires confondus, et a pu identifier les propriétaires pour 36 % des répondants. Ils sont nombreux à se cacher derrière des entreprises de gestion immobilière ou des sociétés à numéro. Il arrive souvent que les locataires ne sachent pas qui est le propriétaire. Un grand nombre de locataires, une proportion de 37 %, dont le logement appartenait à un propriétaire financiarisé ont vu le propriétaire changé au cours des cinq dernières années.
    Parmi les personnes interrogées, 79 % ont déclaré que leur logement avait besoin de réparations ou de réparations et d'un entretien urgents. De plus, 16 % des personnes interrogées vivant dans des logements appartenant à des propriétaires financiarisés ont déclaré que les travaux n’étaient pas effectués à temps et 31 % ont déclaré que les travaux n’étaient pas de bonne qualité. Quelque 43 % des locataires de logements financiarisés ont déclaré avoir des cafards ou d’autres insectes dans leur immeuble, et 27 % des locataires installés depuis plus de cinq ans déclarent ne jamais bénéficier de travaux de qualité.
    En Ontario, 19 % des locataires dont le logement appartenait à un propriétaire financiarisé ont mentionné avoir obtenu des augmentations de loyer supérieures au taux légal. Les propriétaires utilisent couramment des augmentations supérieures au taux légal pour soutirer davantage d’argent aux locataires en effectuant des réparations superficielles.
    Je vais maintenant parler d'expériences vécues par des membres d'ACORN et par moi-même auprès de propriétaires financiarisés.
    Une membre d'ACORN à London, dont le propriétaire est Starlight Investments, a déclaré qu'elle a déménagé dans trois logements différents dans son immeuble depuis août 2013, toujours à cause de problèmes de réparation. Dans le dernier logement, il y a eu des problèmes d'électricité, d'importants problèmes de plomberie, des dommages aux murs, des cafards et des punaises de lit. L'immeuble a connu trois propriétaires différents: Timbercreek, Northview et Starlight. Le propriétaire s'occupe actuellement des aires communes; il arrache la moquette et repeint les murs. Elle s'attend donc à une augmentation de loyer supérieure au taux légal. Il n'y a pas eu de travaux à l'intérieur des logements.
    Une membre d'ACORN de Calgary qui vit dans un logement appartenant à Mainstreet Equity a dit qu'elle a emménagé il y a 13 ans et que c'était très différent à l'époque. Au cours de la première année, elle a assisté à une rotation massive des gestionnaires, presque trois fois. Le lavabo de la salle de bain est tombé parce qu'il n'y avait pas de support, et elle ne pouvait pas utiliser la salle de bain. Elle ne pouvait pas se laver ni tirer la chasse d'eau. Depuis un an, elle demande un nouveau lavabo.
    Ma propre expérience n'est pas différente. J'ai emménagé en mai 2018. En septembre 2018, Starlight Investments a acheté à Wynn Family la maison de ville dans laquelle je vis. Le loyer était abordable à 1 599 $, mais le toit fuyait, il n'y avait pas d'accessibilité et il y avait des problèmes en matière de prévention des incendies, des problèmes de plomberie et d'électricité ainsi que de la moisissure, des cafards et j'en passe. Starlight a déplacé les locataires de trois immeubles pour faire des réparations et remédier à des violations du code de prévention des incendies. Les travaux ont été achevés entre 12 et 15 mois, mais les locataires sont retournés dans des logements qui n'avaient pas été correctement rénovés.
    Boardwalk a acheté la propriété en avril 2022. L'accessibilité n'est toujours pas assurée, les plafonds des couloirs fuient et il y a de la moisissure dans la salle de bain, autour des fenêtres et dans les coins. Boardwalk ignore des ordres de travaux et dépense le moins possible pour terminer les réparations. La sécurité n'est pas une priorité. Je ne bois pas l'eau parce qu'elle sent mauvais et a mauvais goût. Les appareils électroménagers sont inefficaces et désuets. Le loyer d'un appartement similaire de trois chambres à coucher est actuellement entre 2 459 et 2 559 $.
    Les témoignages des membres d'ACORN attirent l'attention sur les problèmes suivants. Les locataires vivent avec des punaises de lit, des cafards, de la moisissure et d'autres nuisances. Il est pratiquement impossible de faire corriger les problèmes. Il y a une forte rotation du personnel. Les locataires se sentent impuissants face aux riches propriétaires d'entreprises qui peuvent s'offrir des avocats lors des audiences officielles. Comme le dit un locataire: « C'est un combat injuste. »
    Les loyers augmentent régulièrement chaque année, surtout en Ontario. Les locataires disent recevoir tous les ans une augmentation de loyer supérieure au taux légal. Ils se disent stressés et anxieux, il y a des conséquences pour eux et pour leurs enfants, ils craignent d'être déplacés et ils sont incapables de trouver un logement adéquat.
    ACORN souhaite que le gouvernement fédéral envisage de toute urgence des changements de politique.
    Premièrement, la SCHL devrait créer un fonds d’acquisition pour permettre aux organismes sans but lucratif, aux coopératives et aux fiducies foncières d’acheter des immeubles locatifs à risque lorsqu’ils sont mis sur le marché.
    Deuxièmement, il faut empêcher immédiatement les propriétaires financiarisés et les grandes entreprises d’acheter des logements abordables ou limiter le nombre de logements qu’ils peuvent acquérir.
    Troisièmement, le gouvernement fédéral doit donner suite à son engagement de taxer les sociétés de placement immobilier.
    Quatrièmement, il faut construire de véritables logements abordables et les destiner aux personnes ayant des besoins impérieux en matière de logement.
    Cinquièmement, il faut imposer un contrôle intégral des loyers dans toutes [difficultés techniques].

  (1755)  

    [Difficultés techniques] propriétaires accordent toujours plus d'importance à l'argent qu'aux gens, et de toute évidence, ils s'en fichent. J'aimerais savoir quand le gouvernement fédéral va se préoccuper de la situation.
    Merci d'avoir invité ACORN à l'audience du Comité.
    Merci, madame Burkart.
    Je tiens à informer les témoins — car nous devons nous arrêter à 18 heures — que je vais consulter notre sous-comité pour décider de la voie à suivre. Mme Gray, Mme Martinez Ferrada, Mme Chabot et Mme Zarrillo siègent au sous-comité. Nous allons fixer une nouvelle date. Nous la communiquerons aux témoins qui ont comparu aujourd'hui. Nous avons eu des votes à la Chambre, ce qui a empiété sur le temps prévu.
    Madame Chabot, je dois lever la séance bientôt.

  (1800)  

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je n'ai qu'une courte demande à faire. J'aimerais remercier les témoins et leur demander s'ils peuvent transmettre au Comité leurs notes d'allocution.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons faire circuler l'information donnée par les témoins aujourd'hui.
    Je remercie encore une fois les témoins de leur comparution. Je vais prendre une décision en consultation avec notre sous-comité, et nous allons communiquer avec vous pour vous faire part de la nouvelle date si les membres du sous-comité s'entendent.
    Merci. La séance est levée.
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