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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 119 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 avril 2024

[Enregistrement électronique]

  (1700)  

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 119e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
    Au cours de la première heure, conformément à la motion adoptée le lundi 18 mars 2024, le Comité commencera son étude portant sur le développement et le déploiement de la technologie ELYSIS aux installations de Rio Tinto et d'Alcoa.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins que nous recevons aujourd'hui et les remercier d'être ici. Je m'excuse du retard et je m'excuse d'avance de l'interruption que nous aurons en raison d'un vote qui doit avoir lieu à la Chambre un peu plus tard.
    Nous accueillons deux représentants de Rio Tinto: Jérôme Pécresse, qui est chef de la direction Aluminium, et Nigel Steward, qui est scientifique en chef et qui se joint à nous par vidéoconférence.
    Comme vous le savez, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration d'ouverture.
    Monsieur Pécresse, la parole est à vous.
    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je vous remercie de nous avoir donné la chance de venir ici aujourd'hui pour discuter de l'engagement de Rio Tinto envers le Canada, et plus précisément en ce qui concerne le développement d'ELYSIS. ELYSIS est une technologie révolutionnaire qui se développe fièrement dans la région du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, au Québec.
    Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle Jérôme Pécresse. Il y a six mois, en octobre, j'ai été nommé chef de la direction Aluminium chez Rio Tinto à Montréal. Avant de me joindre à Rio Tinto, j'ai travaillé pendant 20 ans, d'abord dans le secteur minier et ensuite dans le secteur des énergies renouvelables.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, bien que je sois heureux d'être ici pour répondre à vos questions, je voudrais juste mentionner rapidement que la formulation de la motion qui nous réunit n'est pas totalement correcte. Je crois que Rio Tinto n'a jamais publiquement annoncé que le budget total pour ELYSIS était de 240 millions de dollars. Nous n'avons jamais dit non plus qu'il y avait eu des dépassements de coûts par rapport au budget initial. Précisément, depuis 2018, Rio Tinto et les partenaires de la coentreprise ont annoncé publiquement une première phase de financement de 228 millions de dollars, dont 160 millions de dollars provenaient, à parts égales, des contributions des gouvernements du Québec et du Canada. Je vais y revenir.
    Rio Tinto est un chef de file mondial qui produit des minéraux et des métaux dont le monde a besoin. Nos produits comprennent le minerai de fer, le cuivre, l'aluminium ainsi que des minéraux critiques.
    Nous avons bien sûr des objectifs de croissance des affaires et de création de valeur pour nos actionnaires et toutes les parties prenantes, et nous sommes engagés publiquement envers la carboneutralité d'ici 2050. Nos clients, nos investisseurs et l'ensemble de nos employés travaillent vers l'accomplissement de cet objectif de carboneutralité. Une grande partie de la technologie nécessaire pour atteindre cette cible n'existait pas hier, et c'est le cas d'ELYSIS.
    Entreprise mondiale, Rio Tinto est également la plus grande entreprise minière et métallurgique en activité au Canada. Parmi toutes nos activités dans le monde, celles du Canada arrivent au deuxième rang en importance. Nous sommes fiers d'investir ici à long terme, de faire croître nos affaires et de collaborer avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Nos activités d'ici génèrent des emplois bien rémunérés pour plus de 13 800 employés au Canada, dont près de 8 000 au Québec. De ce nombre, environ 4 400 sont au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
    Le Canada est particulièrement bien placé pour poursuivre la production de l'aluminium primaire à faible teneur en carbone. L'accès à l'énergie hydroélectrique autoproduite est pour nous un avantage concurrentiel clé, et la transition énergétique nécessitera de plus en plus d'aluminium.
    Ici même, au Canada, nous avons eu plusieurs de nos meilleures avancées technologiques. J'en mentionnerai juste deux, à commencer par la technologie AP60.
    En juin dernier, nous avons annoncé le premier investissement majeur en près de 10 ans dans le secteur de l'aluminium dans l'hémisphère occidental. Il s'agit d'un investissement de 1,4 milliard de dollars pour développer davantage notre technologie AP60 au Saguenay, dont un investissement de plus de 1,2 milliard de dollars par Rio Tinto.
    À faible émission de carbone, la technologie AP60 est actuellement parmi les technologies les plus efficaces au monde pour la production d'aluminium à l'échelle industrielle. Combinée à l'utilisation de l'hydroélectricité, elle génère un septième des gaz à effet de serre par tonne d'aluminium comparativement à la norme de l'industrie.
    Nous finissons actuellement le travail de préparation du site. En 2026, nous aurons pleinement mis en service l'aluminerie AP60 pour augmenter la capacité de production d'environ 160 000 tonnes métriques d'aluminium primaire par année.
    La technologie AP60 est essentielle pendant que nous travaillons sur le développement d'ELYSIS. ELYSIS est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. C'est une technologie de pointe, et il n'est pas exagéré de dire qu'elle peut révolutionner le monde de l'aluminium. De la recherche-développement de cette magnitude exige un investissement majeur ainsi qu'un travail d'équipe de la part de toutes les parties intéressées. Le financement des gouvernements représentait initialement 70 % des fonds d'ELYSIS. Depuis, ce ratio a été inversé, et c'est maintenant la contribution des partenaires de la coentreprise qui représente 70 % du montant total.
    En 2021, les partenaires ont affirmé qu'ELYSIS visait à rendre possible l'installation de la technologie à partir de 2024. Nous sommes maintenant en 2024 et, comme je l'ai mentionné à un public d'affaires à Montréal lundi, j'espère être en mesure d'annoncer publiquement nos plans au cours des prochaines semaines.
    Nous progressons bien sur ELYSIS. Cependant, comme pour toute nouveauté, il faut du temps pour bien faire les choses. Le développement d'une technologie aussi visionnaire comporte aussi des risques. Je suis sûr qu'on va y revenir. Nous sommes prêts à y faire face, parce que nous croyons en cette technologie et en ses avantages. Cependant, la gestion des risques pour un projet de cette envergure exige l'adoption de la bonne approche, étape par étape.
    En conclusion, c'est dans l'intérêt de Rio Tinto de mettre au point ELYSIS et d'assurer la production à grande échelle. Ce sera bénéfique à tous nos travailleurs et à toutes nos travailleuses au Canada.

  (1705)  

    J'applaudis la clairvoyance du Canada, qui nous soutient depuis le début et investit dans un développement révolutionnaire qui pourrait bien figurer sur la liste des grandes inventions du siècle. Nous avons l'intention de mettre en œuvre cette technologie ici, au Canada. Depuis 2018 seulement, Rio Tinto a investi 5,5 milliards de dollars, dont seulement 7 % proviennent du financement gouvernemental. Nous n'investirions pas ces sommes si nous n'étions pas sérieux, si l'aluminium n'était pas un élément central de la stratégie de Rio Tinto et si nous n'étions pas convaincus des possibilités qu'offre cette technologie.
    Je serai ravi de répondre à vos questions. Je vous rappelle que je suis accompagné de mon collègue M. Nigel Steward, qui est scientifique en chef chez Rio Tinto et qui participe à la réunion de façon virtuelle.
    Je vous remercie.
    Je suis impatient de poursuivre cette discussion avec vous.
    Merci beaucoup, monsieur Pécresse.
    Nous allons maintenant commencer la discussion.
    Monsieur Martel, la parole est à vous pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence. Nous sommes bien contents de les accueillir.
    Comme vous le savez, le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean est un centre mondial de l'aluminium. C'est chez nous et j'en suis fier. À Alma, on a fait la démonstration de la faisabilité d'ELYSIS.
    Monsieur Pécresse, je sais que vous investissez de façon importante dans notre région. Comme vous le savez, nos équipementiers veulent travailler, aussi. En ce qui concerne les investissements dans ELYSIS, quel pourcentage des dépenses est lié à du contenu canadien?
    Merci, monsieur Martel. Je suis heureux que vous souligniez cet aspect.
    Il est important de reconnaître que 60 % de notre production mondiale d'aluminium se fait au Canada. C'est en partie à Kitimat, en Colombie‑Britannique, mais notre production canadienne se fait essentiellement au Saguenay. Le Saguenay représente le cœur de la production d'aluminium de Rio Tinto dans le monde, et il le restera.
    Pour répondre précisément à votre question, je dirai qu'ELYSIS est une coentreprise qui emploie aujourd'hui 100 chercheurs, qui travaillent tous au Québec, dans une proportion d'environ trois quarts au Saguenay et d'un quart à Montréal. Il y a un financement de l'activité de recherche dans nos laboratoires, ceux du Québec et ceux de nos partenaires ailleurs dans le monde. Ces activités représentent des dépenses pour l'équipement, pour les tests et pour toutes les autres choses qui se font au Saguenay. Ces dépenses se font dans une très grande majorité au Saguenay, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous nos investissements dans la région. C'est l'entreprise STAS qui a fourni l'équipement nécessaire aux prototypes d'ELYSIS, et nous avons l'intention que ça continue à être le cas.
    Je répète que 100 % des employés d'ELYSIS sont au Saguenay et que la très vaste majorité des dépenses d'ELYSIS en matière d'équipement de laboratoire, de prototypes et de tests sont également faites dans la région.
    Quels avantages le Canada va-t-il tirer de la commercialisation d'ELYSIS?
    Je crois qu'il y aura des avantages à court terme ainsi qu'à long terme.
    À court terme, c'est-à-dire dans les années à venir, nous allons continuer à créer de l'emploi. En effet, tous les trimestres, nous embauchons des chercheurs du Canada et du Québec pour travailler dans nos centres de recherche au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et à Montréal.
    Par ailleurs, la technologie d'ELYSIS consiste à décarboner l'électrolyse de l'aluminium en utilisant des anodes qui ne sont pas en carbone et qui n'émettent pas de CO2. Cela nous permet d'attirer vers ce métier des chercheurs et des gens à haut potentiel qui ne s'intéressaient pas tellement à l'industrie de l'aluminium d'hier. Nous allons continuer à mettre ces efforts et à investir dans une unité pilote.
    Pour moi, ELYSIS, c'est construire le Saguenay de demain. Si le site de production au Saguenay existe aujourd'hui, c'est parce qu'il y a 100 ans, mes lointains prédécesseurs visionnaires ont construit des centrales hydroélectriques. C'est ce qui a assuré un avantage compétitif durable à la production de l'aluminium au Québec pendant des décennies. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que, si nous voulons continuer dans ce métier, il faut que la production d'aluminium émette de moins en moins de carbone. Pour le reste de la production au Saguenay, les émissions de carbone proviennent du processus d'électrolyse. Si nous arrivons à produire de l'aluminium à échelle comparable à l'aide d'autres processus brevetés, nous allons recréer cet avantage compétitif durable et prendre une avance sur toute l'industrie. De plus, comme je l'ai dit, nous allons inventer le Saguenay de demain.
    ELYSIS se développe au Saguenay et ELYSIS se fera au Saguenay. Cela permettra de créer un autre niveau d'avantages compétitifs pour l'industrie de l'aluminium au Québec. Nos clients, ou plutôt les clients de nos clients, par exemple ceux qui construisent des automobiles ou des avions ou qui produisent des emballages, veulent de l'aluminium à très faible empreinte carbone. Pendant 20 ans, nous leur avons dit que nous produisions de l'aluminium en utilisant l'hydroélectricité et cela leur convenait, mais maintenant cela ne leur suffit plus. Maintenant, ils veulent un processus d'électrolyse qui ne dégage pas de carbone. C'est ce que nous essayons de créer, tous ensemble, au moyen d'ELYSIS.

  (1710)  

    Monsieur Pécresse, en juin dernier, Rio Tinto a annoncé le premier investissement majeur dans le projet, soit un investissement visant l'installation de 96 cuves de la technologie AP60. À ce moment, Rio Tinto était la seule dans ce domaine.
    Maintenant, on sait que Century Aluminium, aux États‑Unis, a annoncé un projet de production verte d'aluminium. D'après vous, cette annonce pourrait-elle être une menace pour ELYSIS?
    Je pense qu'on peut interpréter cette annonce de deux façons.
    Premièrement, il s'agit de montrer que les gouvernements soutiennent leur industrie de l'aluminium. Le gouvernement canadien le fait depuis longtemps, de même que le gouvernement québécois. Le gouvernement américain se met aussi à le faire au moyen du très puissant outil qu'est l'Inflation Reduction Act. Le fait que cette importante industrie créatrice d'emplois soit soutenue par le gouvernement n'est donc pas une anomalie canadienne; le gouvernement américain le fait aussi.
    La deuxième chose à souligner fait écho à ce que je disais précédemment. Quand Century Aluminium dit qu'elle fera de l'aluminium vert, c'est une façon d'énoncer les choses assez simplement. En fait, c'est qu'au lieu d'utiliser de l'électricité produite à partir de charbon, comme c'est le cas aujourd'hui, Century Aluminium utilisera maintenant de l'énergie renouvelable, et elle obtiendra du soutien pour ce faire. Or, au Saguenay, on utilise déjà depuis 100 ans une énergie renouvelable, en l'occurrence l'hydroélectricité.
    Comme je le disais précédemment, au moyen d'ELYSIS, nous allons essayer de recréer un avantage et d'aller plus loin. D'après ce que j'en sais, Century Aluminium n'utilisera pas un processus d'électrolyse comme celui d'ELYSIS. Elle utilisera des électrodes en carbone. Autrement dit, elle utilisera une méthode de production comme celle que nous utilisons aujourd'hui au Saguenay. Elle essaie de nous rattraper. Nous devons donc continuer à avancer, et c'est ce qu'ELYSIS nous permettra de faire.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 45 secondes.
    Monsieur Pécresse, nous savons que notre région est un grand centre de production d'aluminium. Aurons-nous chez nous, au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, la première aluminerie munie de la technologie ELYSIS?
    En tout cas, nous faisons tout pour y arriver. Il n’y a pas de projet de développement d'ELYSIS ailleurs qu'au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean actuellement. Ce n'est pas non plus dans nos plans d'avoir un tel projet ailleurs. C’est notre ambition. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus.
    D'ailleurs, j’aurais peut-être dû dire en introduction que, pour certaines questions qui me seront posées sur ELYSIS, je serai un peu contraint par deux choses. Premièrement, ELYSIS est une coentreprise où nous ne sommes qu'un partenaire parmi d'autres. Deuxièmement, il s'agit d’une technologie novatrice protégée par des droits de propriété intellectuelle et très sensible commercialement. Alors, vous m’excuserez de ne pas toujours entrer dans les détails, mais c'est parce que nous avons envers nos partenaires de la coentreprise le devoir de protéger certains éléments sensibles.
    Je répète que nous développons ELYSIS au Saguenay. Il n'y a pas de projet pour le faire ailleurs. Ce que vous avez dit correspond à notre objectif.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Turnbull, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie M. Pécresse de s'être joint à nous aujourd'hui.
    Monsieur Pécresse, j'aimerais commencer par vous demander comment les activités canadiennes de transformation de l'aluminium de Rio Tinto se comparent à celles de ses concurrents internationaux en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Pourriez-vous nous expliquer comment vos opérations canadiennes se comparent à ce niveau?
    Dans l'industrie, à l'échelle mondiale, les émissions moyennes d'une fonderie sont de 12 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium produite. Si on regarde ce qui se fait aujourd'hui au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, on est probablement à 2,3 tonnes, ce qui est beaucoup moins.
     La raison en est que la plupart des fonderies dans le monde utilisent l'électricité du réseau, qui est d'origine fossile, comme source d'électricité, alors qu'au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, nous utilisons l'hydroélectricité de notre propre centrale hydroélectrique. Pour vous donner une idée, ELYSIS vise à ramener les 2,3 tonnes le plus près possible de zéro.
    Merci.
    Quel impact, le cas échéant, vos plans auront-ils sur l'innovation future dans l'écologisation de l'industrie des minéraux et des métaux? Quels sont ces plans? Avez-vous l'intention de continuer de faire les choses à l'interne, comme c'est le cas actuellement, puis de contribuer par la suite à écologiser toute l'industrie? Cela fait‑il partie de votre plan?
    Notre plan — et, plus globalement, le plan de Rio Tinto en tant que groupe — est de réduire les émissions de CO2 de 50 % d'ici 2030 et de s'approcher de zéro d'ici 2050, ce qui est beaucoup plus ambitieux que la moyenne dans l'industrie minière.
    Les émissions liées à la production d'aluminium de Rio Tinto représentent 70 % du total des émissions de l'entreprise. Nous voulons réduire les émissions de CO2, tout d'abord, pour atteindre les cibles de notre groupe en matière de CO2, en deuxième lieu, pour créer un avantage concurrentiel à long terme et, enfin, je dirais, pour créer une industrie de l'aluminium beaucoup plus saine.
     J'ai déjà travaillé dans le domaine de l'énergie renouvelable, comme je vous l'ai dit, et il est clair maintenant que lorsqu'on examine la transition énergétique, au moment de faire passer le monde à l'énergie renouvelable, il y a des goulots d'étranglement qui doivent être éliminés, mais il se passe des choses. Ce à quoi il faut s'attaquer, c'est la façon de faire de chaque secteur: l'acier, l'aluminium et le transport. L'écologisation de la production d'aluminium fait aussi partie de cette équation.

  (1715)  

    Je suis tout à fait d'accord. Je suppose que ce que je voulais comprendre de façon un peu plus approfondie... Pouvez-vous nous parler du processus actuel d'électrolyse de l'aluminium ou nous expliquer comment ELYSIS va le changer?
    Aujourd'hui, l'aluminium est produit de la même façon qu'il l'a été depuis 100 ans. Il n'existe qu'une façon. Essentiellement, vous mettez de l'alumine dans un bain, puis vous mettez une anode — une électrode — dans ce bain d'alumine. La réaction chimique ainsi produite crée de l'aluminium. Le procédé utilisé dans le monde s'appelle Hall‑Héroult, et il repose essentiellement sur des anodes de carbone. C'est ce procédé que tout le monde utilise, partout dans le monde, depuis 100 ans. Cette réaction chimique crée de l'aluminium, mais les anodes se dissolvent progressivement et doivent être remplacées tous les 20 jours. Les anodes de carbone qui se dissolvent libèrent du CO2 dans l'atmosphère, essentiellement.
    Monsieur Steward, vous pourrez peut-être me corriger si je me trompe.
    C'est le procédé utilisé. Quand je dis que nous émettons 2,3 tonnes de CO2 par tonne d'aluminium, cela représente l'essentiel des émissions. ELYSIS consiste — et je vais m'arrêter ici — à utiliser des anodes qui ne sont pas en carbone, mais à créer une réaction chimique qui produit toujours de l'aluminium avec la même alumine. Cette façon de faire et l'utilisation de l'hydroélectricité limitent les émissions de CO2 à celles de moindre ampleur des raffineries d'alumine et de l'extraction de la bauxite, qui sont de moindre ampleur.
    Monsieur Steward, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non. Je pense que c'était une bonne description.
    La chose clé que nous essayons de faire depuis l'invention du procédé Hall‑Héroult, qui utilise l'anode de carbone, c'est vraiment de remplacer cette anode de carbone par quelque chose qui est vraiment inerte et qui n'est pas consommé dans le processus. C'est ce que nous avons réussi à faire. C'est ce changement d'électrodes et la façon dont nous fonctionnons et concevons la cellule qui se différencient du procédé classique Hall‑Héroult.
    Pour faire suite rapidement à ma dernière question, comment l'écologisation de vos activités crée‑t‑elle plus d'emplois? Comment les changements que vous apportez entraîneront-ils la création d'un plus grand nombre d'emplois?
    L'écologisation de nos opérations nous apporte un avantage concurrentiel. Il s'agit d'une question de concurrence. Certains fabricants de voitures veulent passer à des voitures à faibles émissions de carbone. Le secteur de l'emballage veut passer à des canettes à faible teneur en carbone, etc. Si nous réussissons à nous démarquer à cet égard, je suis convaincu que nous gagnerons des parts de marché, ce qui nous permettra de produire plus d'aluminium.
     Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Turnbull.
    Monsieur Simard, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pécresse, vous êtes sûrement au courant du fait qu'en 2007, l'acquisition d'Alcan par Rio Tinto était assortie de conditions. D'ailleurs, ces conditions sont connues de tout le monde. L'une d'elles était d'investir 3 milliards de dollars au Québec et en Colombie‑Britannique, dont environ 2,1 milliards de dollars dans une aluminerie chez nous, au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, qui équivaudrait à 240 cuves pour une production de 450 000 tonnes. Il fallait aussi maintenir le même niveau d'activité du siège social à Montréal, poursuivre le même niveau d'activité de développement régional et maintenir les activités de recherche-développement.
    Selon ce que je peux voir, à ce jour, 34 cuves ont été installées et un projet est en cours pour en augmenter le nombre à 96. On est donc très loin des 240 cuves. De plus, on a un retard d'une dizaine d'années. En ce qui concerne les fonctions stratégiques du siège social, plusieurs personnes vont juger qu'elles ont été externalisées. Quant à la recherche-développement, elle a été considérablement réduite. On dit qu'il y avait aux alentours de 200 scientifiques associés à Rio Tinto, alors qu'aujourd'hui on en compte à peine 100.
    J'ai une question assez simple pour vous: jugez-vous que Rio Tinto a respecté les engagements de 2007?

  (1720)  

    Oui. Je n'étais pas là à l'époque, mais, comme vous le savez, monsieur Simard, il y a eu une renégociation de ces engagements en 2018. Ça peut arriver lorsqu'il y a des événements de type cygne noir. Par exemple, il y a eu la crise financière et la pandémie de la COVID‑19. Il a fallu réajuster les engagements à un moment donné. Quoi qu'il en soit, les engagements ont été tenus. Rio Tinto investit dans l'outil industriel. Nous avons investi 1,4 milliard de dollars dans la technologie AP60. C'est un montant massif, auquel s'ajoutent d'autres investissements qui ont été faits ou qui sont en gestation. On peut donc dire que nous avons tenu et que nous tiendrons nos engagements.
    En ce qui concerne le siège social, l'activité mondiale dans le secteur de l'aluminium est dirigée à partir de Montréal. Je suis à Montréal et, à l'exception du patron de la zone pacifique, qui est en Australie comme il se doit, et du patron de la stratégie, qui n'est à Montréal que la moitié du temps, mes équipes sont à Montréal avec moi.
    D'accord, merci.
    Monsieur le président, je remarque que nous ne pourrons pas poser toutes nos questions aujourd'hui. Alors, si vous le permettez, nous pourrions soumettre des questions par écrit. Ce serait plus simple.
    Oui, c'est toujours possible.
    C'est excellent, merci. Nous pourrons donc poursuivre la discussion au moyen de questions par écrit.
    Vous savez qu'il existe un comité de maximisation au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean pour s'assurer que les retombées régionales sont les plus intéressantes possible. Rio Tinto bénéficie quand même d’avantages énergétiques non négligeables. J'ai une question assez simple pour vous. J'aimerais savoir quel rôle joue Rio Tinto au sein de ce comité de maximisation.
    Selon ce qu'on m'a dit, des contrats ont été accordés à des équipementiers régionaux pour les 34 premières cuves qui ont été construites. Cela comprend les structures, les superstructures et les cuves. Cependant, pour les 96 cuves présentement en construction, il semble qu'aucun contrat n'ait été attribué à des équipementiers régionaux.
    J'aimerais comprendre pourquoi on n'était plus capable d'accorder des contrats à des équipementiers régionaux pour ces 96 cuves, alors qu'il avait été possible de le faire pour les 34 premières cuves.
    Vous parlez d'une partie précise de l'équipement. Je veux être clair, monsieur Simard. En ce qui concerne la technologie AP60, j'ai examiné la question encore récemment et je peux vous affirmer que nous travaillons dans une très grande majorité avec des fournisseurs du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et des fournisseurs québécois. Quand nous aurons fini d'installer les cuves AP60, la part du montant de 1,4 milliard de dollars attribuée à des dépenses effectuées au Québec sera largement supérieure à 50 %.
    Quand nous faisons de tels investissements, nous avons aussi des contraintes économiques et budgétaires. De plus, le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean n'est pas capable de fournir l'entièreté de l'équipement dont nous avons besoin.
    En ce qui concerne la situation dont vous avez parlé et qui ne représente qu'une petite partie du projet, nous avons effectivement eu des soucis économiques pour ce qui est de tenir les budgets. Il ne faut pas oublier que nous avons un devoir de création de valeur vis-à-vis des actionnaires. Cela a pu nous conduire, pour tel ou tel équipement, à regarder au-delà du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
    Je vous répète que, à la fin du projet, le pourcentage de l'équipement dont l'approvisionnement se sera effectué au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean sera très largement au-dessus des 50 %.
    Depuis que je suis arrivé, soit depuis six mois, bon nombre de fournisseurs québécois viennent me voir pour me connaître, d'une part, mais aussi pour me dire, d'autre part, qu'ils sont satisfaits de travailler avec nous au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. Ils me disent qu'ils veulent travailler plus avec nous et conserver les excellentes relations que nous avons. Je dirais que cela fait partie des surprises positives que j'ai eues. Vous pouvez le demander à STAS, à EPIQ Machinerie, au Groupe Alfred Boivin, à Charl‑Pol ou à toutes les autres sociétés avec lesquelles nous travaillons. Je crois que nous sommes parfaitement intégrés dans le tissu économique local.
    Vous ne voyez donc pas d'objection à participer au comité de maximisation et à collaborer dans le cadre d'un dialogue régional.
    Pour tout vous dire, ce comité de maximisation ne m'est pas totalement familier. Vous m'excuserez, ça fait six mois que je suis en poste.
    Oui, je ne veux pas vous embêter.
    Il y a beaucoup d'organismes au Saguenay et je ne les connais pas tous encore. En tout cas, je vous réaffirme notre volonté de nous intégrer dans l'écosystème économique du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et de travailler avec les entreprises locales. D'ailleurs, nous le faisons déjà. Je crois que c'est vraiment la réalité, aujourd'hui.
    Merci.
    En 2018, les gouvernements provincial et fédéral font un premier investissement dans ELYSIS, à raison de 60 millions de dollars chacun. Une somme de 20 millions de dollars sera ajoutée en 2021. Initialement, on annonce que la technologie sera commercialisée en 2023 ou 2024.
    En 2022, en réponse à des actionnaires, M. Vella dit que la modernisation des installations au moyen de la technologie ELYSIS sera impossible avant 2030.
    Dans le rapport annuel de 2023, on dit également que la technologie ne sera pas prête à être utilisée avant 2030.
    Avez-vous actuellement un échéancier qui est clair pour le déploiement de la technologie ELYSIS?
    Je ne sais pas ce que vous appelez un échéancier, monsieur Simard.
    Je le répète, avec ELYSIS, pour la première fois dans le monde depuis 100 ans, on réinvente la façon dont on produit de l'aluminium. Ce n'est pas un procédé facile. Si ce l'était, quelqu'un aurait déjà trouvé comment le faire.
    Quant à savoir où en sera rendu le projet d'ELYSIS en 2030 ou 2031, je n'en ai aucune idée. Si je vous répondais autrement, je vous mentirais. C'est une technologie que nous allons industrialiser étape par étape. Nous nous lancerons dans la construction d'usines de taille industrielle quand nous serons convaincus que ça peut marcher à cette échelle. Au-delà de vous dire que je crois en cette technologie, la bonne nouvelle est que nous avons réussi à produire à une échelle notable de l'aluminium sans émissions de carbone grâce à la technologie ELYSIS. C'est donc un projet qui est sorti du laboratoire.
    Maintenant, entre la sortie du laboratoire et l'industrialisation, il faut que nous arrivions à répéter le procédé à l'échelle des cuves réelles. Vous ne l'avez pas dit, mais, comme vous le savez, nous avons déjà annoncé que, après avoir produit de l'aluminium avec ELYSIS dans des cuves de 150 ampères, nous allions passer à des cuves de 450 ampères. Pour ce qui est de l'échéancier, au sujet duquel vous me posiez la question, nous avons dit que nous le ferions en 2024 au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, et nous y travaillons. Nous travaillons aussi sur d'autres étapes d'ELYSIS et, comme je l'ai dit, j'espère pouvoir les annoncer bientôt.

  (1725)  

    Merci.
    Pour éviter tout malentendu auprès du Comité, je veux souligner qu'il existe bel et bien de l'aluminium produit à l'aide de la technologie ELYSIS. Je ne sais pas si vous en avez, mais sinon je serai heureux de vous en donner. J'ai ici un lingot d'aluminium produit sans émissions de carbone à l'aide d'ELYSIS.
    Ça va me faire plaisir de le ramasser tout à l'heure.
    Nous savons que la technologie ELYSIS demande 15 % plus d'énergie que la technologie actuelle, mais qu'elle va demander beaucoup moins d'opérateurs.
    En fait, c'est ce que nous supposons, mais nous ne le savons pas encore. Nous n'en sommes pas à un stade où nous pouvons le savoir.
    Nous savons cependant que les anodes inertes devront être remplacées beaucoup moins fréquemment, comparativement au procédé actuel.
    Tout à fait.
    Donc, nous savons que, inévitablement, moins d'employés seront nécessaires dans le cadre de ce nouveau procédé.
    Quand vous dites « inévitablement », vous êtes catégorique. Ne soyons pas aussi catégoriques. Disons que nous pouvons le supposer.
    D'accord. On peut le supposer, donc.
    Pour équilibrer le rapport de force, est-ce que Rio Tinto a déjà prévu avoir ou est ouverte à l'idée d'avoir une discussion à ce sujet avec des représentants de la région, étant donné toute l'énergie investie là-dedans?
    Nous n'avons pas encore assez de certitudes pour avoir une discussion sur ces sujets.
    Le déploiement d'ELYSIS ne consiste pas uniquement à installer de nouvelles cuves d'électrolyse. Il faut aussi construire une chaîne d'approvisionnement pour produire des cuves différentes ainsi que des anodes et des cathodes avec des matériaux différents et à l'aide de procédés différents.
    Donc, s'il y a une discussion à avoir aujourd'hui avec des représentants de la région, je pense qu'elle doit plutôt porter sur la façon dont ils peuvent nous accompagner dans le projet et, au fur et à mesure, nous aider à construire une chaîne d'approvisionnement pour ELYSIS qui nous permettra d'approvisionner nos usines. Je pense que c'est ça, la bonne discussion qu'il faut avoir dans les années à venir.
    Merci.
    Merci.
    L'échange était tellement intéressant que j'en ai perdu le fil du temps. Vous avez dépassé de deux à trois minutes votre temps de parole.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence ici.
    La première partie de la motion qui vous a amené ici dit:
Considérant que le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie a accordé en mai 2018 et en juin 2021 un financement totalisant 80 M$ à Rio Tinto et Alcoa pour le développement et le déploiement de la technologie ELYSIS au sein d'alumineries existantes de l'industrie pour une production d'aluminium carboneutre;
    Est‑ce exact?
    Oui.
     D'accord. Sur ces 80 millions de dollars, quelle somme est destinée au déploiement, compte tenu que celui‑ci n'aura pas lieu avant le milieu des années 2030? Vous avez 80 millions de dollars pour le développement et le déploiement, et la dernière date dont il est question est juin 2021, mais vous dites maintenant que ce ne sera pas avant le milieu des années 2030.
    Le déploiement et le développement sont en cours. Votre question dépend de ce que vous appelez... Je ne veux pas que vous pensiez que je joue sur les mots, mais le déploiement est en train de se faire, du laboratoire à des cuves de 150 ampères puis, progressivement, de 450 ampères. C'est une approche progressive qui s'échelonne sur de nombreuses années. Le financement gouvernemental dont vous parlez était pour la première phase, mais d'autres suivront.
    D'accord. Le déploiement n'est pas nécessairement un déploiement sur le marché, mais un déploiement dans le système des laboratoires de Rio Tinto. C'est bien cela?
    Il s'agit d'une expansion de plus en plus grande de nos opérations au Saguenay, des unités d'essai.
    D'accord. C'est bien. Cela explique un peu la situation, parce qu'en ce qui concerne le « déploiement », je pense que les gens ont l'impression qu'il s'agit d'un déploiement externe.
    À quoi ont servi les 80 millions de dollars? Donnez-nous une meilleure idée de ce qui s'est passé avec ces 80 millions de dollars.
    Ils ont servi à embaucher 100 scientifiques, qui font aussi partie d'ELYSIS et qui sont tous au Québec, à acheter l'équipement nécessaire pour faire le test à 150 ampères, ce qui nous a permis cette production, à préparer et à acheter l'équipement pour faire le test à 450 ampères, ce qui est trois fois plus élevé et qui correspond en quelque sorte à une échelle industrielle. Il faut acheter les cuves, acquérir toute la logistique et les nombreux types d'équipement qui nous permettent de faire cela, de même qu'acheter de l'équipement de laboratoire pour effectuer des tests. C'est à tout cela que cette somme a servi.

  (1730)  

    Cela dit, cet effectif de scientifiques s'est‑il maintenu au même niveau? Est‑ce que cela est resté constant?
     Nous embauchons des gens chaque trimestre pour l'augmenter.
    L'effectif a augmenté dans les faits. C'est bien ce que vous dites?
    Oui.
    La motion dit également que l'entreprise « prévoyait des dépassements de coûts au budget initial de 240 millions de dollars ». Est‑ce exact?
    J'ai dit dans mon introduction que ce n'était pas exact.
    D'accord. Qu'est‑ce qui serait exact?
    Je ne pense pas que nous ayons des dépassements de coûts.
    Il s'agira d'un processus dans le cadre duquel il arrivera parfois que nous testions quelque chose sans que cela fonctionne, puis nous finirons par comprendre pourquoi et nous ferons de nouveaux tests. Vous pouvez appeler cela des dépassements de coûts, mais c'est simplement le propre de l'innovation. Voyez-vous ce que je veux dire?
    Je comprends un peu ce que vous dites. Je suis un peu confus, mais je crois comprendre. C'est comme un produit vendu à perte pour vous jusqu'à ce que vous arriviez au produit final. Est‑ce essentiellement cela?
    Oui. Vous faites des essais et ça ne fonctionne pas, puis vous comprenez pourquoi et vous faites de nouveaux essais.
    D'accord.
    Rio Tinto a‑t‑elle reçu un soutien municipal? Je sais que le gouvernement fédéral et celui du Québec ont donné leur appui tout au long du processus. Je suis simplement curieux. Je suis un ancien conseiller municipal, alors je me demande si Rio Tinto a également demandé l'aide des municipalités.
    Pour ELYSIS, je ne suis pas au courant.
    D'accord. Ce serait intéressant de le savoir. Je me pose simplement la question.
     Je sais, par exemple, que pour le projet Stellantis à Windsor, la ville de Windsor a dû...
    Je suis certain que nous avons l'appui de la population locale pour ce que nous faisons au Saguenay. Je suis toujours impressionné par la façon dont nous travaillons avec la collectivité. Je ne suis pas au courant de quoi que ce soit concernant ELYSIS en particulier.
    D'accord. Si vous apprenez quelque chose, j'aimerais bien être mis au courant. Je pense que ce serait utile. Cela fait partie de la reddition de comptes. Nous avons tendance à oublier que les villes ou les municipalités donnent parfois des terrains ou d'autres choses, comme du matériel et ainsi de suite.
    Compte tenu du processus en cours et de la concurrence qui existe, pouvez-vous nous donner une idée plus claire des secteurs où vous pourrez vous tailler une place sur le marché à l'avenir? Vous avez parlé de l'automobile. Vous avez parlé de l'aérospatiale. À quelles autres applications le nouveau précédé pourrait‑il être utile?
    ELYSIS est une technologie brevetée développée par une coentreprise, en partenariat avec un autre très gros producteur d'aluminium dans le monde. En ce qui a trait à la propriété intellectuelle, nous n'avons pas l'intention, à court terme, d'octroyer des licences à quiconque.
    Nous savons qu'il y a peut-être des projets concurrents qui visent la même chose en Russie ou en Chine. À notre connaissance, personne n'a obtenu de résultats, c'est‑à‑dire de produire de l'aluminium de la plus haute pureté possible, encore une fois, sans émissions de carbone provenant de l'électrolyse. À notre connaissance, personne n'a réussi à y arriver.
    Les secteurs où cela est le plus recherché sont des secteurs comme l'automobile, l'industrie de la câblodistribution — les gens qui produisent les câbles électriques, pour les réseaux en particulier — et l'aérospatiale, entre autres.
     Merci.
    Je n'ai plus de questions, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Monsieur Paul‑Hus, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Pécresse. Merci d’être parmi nous.
    Premièrement, je dois vous dire que, pour notre part, nous trouvons un peu bizarres les questions du Bloc québécois et la position qu'il adopte. Je suis accompagné de mon collègue de Chicoutimi—Le Fjord, Richard Martel, qui est un fier Saguenéen et qui est aussi très fier d’avoir Rio Tinto dans sa région. Les questions posées aujourd'hui devraient avoir pour objectif de comprendre le cheminement du projet ELYSIS, qui est extraordinaire. Ce serait une première mondiale que d'arriver un jour à produire de l'aluminium carboneutre. Nous sommes très fiers de ce projet. Nous savons que ça peut être compliqué du côté de la recherche-développement, comme vous l’avez expliqué tantôt.
    Cela dit, je reviens vers le sujet principal de la motion. J'aimerais comprendre un peu mieux votre modèle d'affaires et la contribution du gouvernement fédéral.
    Par exemple, vous avez dit que certains chiffres contenus dans la motion proposée par le Bloc québécois n'étaient pas précis. Alors, pouvez-vous m'expliquer plus précisément votre modèle d'affaires et la contribution du gouvernement fédéral?
    Selon le modèle d'affaires, nous avons obtenu des subventions du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois d'une valeur à peu près égale. Comme je l'ai dit, ces subventions représentaient initialement à peu près 70 % des investissements. Par la suite, les partenaires de la coentreprise ont financé eux-mêmes les étapes ultérieures de développement. Maintenant, si on considère tout ce qui a été investi dans ELYSIS depuis le début, on peut dire que 70 % des fonds viennent des partenaires de la coentreprise et que 30 % viennent des subventions accordées par le gouvernement québécois et le gouvernement fédéral.

  (1735)  

    L'objectif était de commencer la production en 2024, mais on comprend que, du côté de la recherche-développement, ça prend plus de temps. Comme vous le disiez, vous êtes capables de produire de petites quantités d'aluminium à l'aide de la technologie ELYSIS, mais, en produire à l'échelle industrielle, c'est une autre paire de manches.
    Votre objectif ultime est d'y arriver, mais c'est difficile à évaluer. Est-ce bien ça?
    Oui, et nous nous concentrons sur les étapes suivantes. Comme vous l'avez dit, nous pouvons produire de petites quantités. Sans entrer dans des détails de nature très sensible, je dirais que, ce que nous allons maintenant essayer de faire, c'est produire des quantités qui ne seront pas encore à l'échelle industrielle, mais qui seront plus substantielles, et ce, d'une façon qui puisse être répétée. C'est ce qui est devant nous.
    Ce que j'aimerais vraiment que le Comité comprenne, c'est qu'on ne peut pas précipiter l'industrialisation de technologies de ce genre. Dans ma vie, j'ai déjà travaillé sur des projets d'éoliennes en mer où on est passé de turbines de 3 mégawatts à des turbines de 15 mégawatts en quatre ans. Je vous le dis, la meilleure façon de faire planter une telle technologie, c'est d'aller trop vite et de griller des étapes. À un moment donné, on se rend compte qu'on industrialise la technologie sans avoir tout compris, et on se retrouve avec des investissements de 500 millions de dollars qui n'ont servi à rien et qu'il faut déchirer. C'est ce que nous essayons d'éviter.
    Alors, nous n'allons pas passer de petites quantités à 100 000 tonnes du jour au lendemain. Nous allons essayer de produire des quantités plus notables, et ce, d'une façon qui puisse être répétée et totalement maîtrisée. Voilà l'objectif de 2024. Il s'agit de lancer des projets qui nous permettront de faire ça. Quand nous aurons réussi, en 2025, nous nous poserons et nous nous tournerons vers l'étape suivante. C'est l'approche que nous adoptons.
    J'imagine que l'entreprise a évalué les retombées pour le Canada et le Québec qui seraient engendrées par la technologie ELYSIS après sa commercialisation. Avez-vous évalué ces retombées, qu'il s'agisse d'emplois, d'investissements ou d'autres avantages pour le pays?
    Nous avons aujourd'hui 4 300 ou 4 400 employés au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean qui travaillent sur la meilleure technologie, soit l'AP60, et sur les autres. Nous cherchons à recréer, au profit de ces gens, un avantage compétitif dont nos successeurs diront, dans 50 ans, que c'est ce qui a finalement permis de préserver ces emplois. Cela me ramène à ce que disait M. Simard. Est-ce que ce seront exactement les mêmes emplois et le même nombre d'emplois? Je ne le sais pas. Je demeure cependant convaincu que, si nous ne sommes pas les premiers à prendre le train de la décarbonation de l'aluminium, ces emplois seront en danger un jour. Les Américains vont nous dire qu'il est sympa, notre aluminium, mais qu'ils veulent un produit à très faible empreinte carbone, sinon ils l'achèteront ailleurs.
    Alors, nous essayons déjà de préserver le rôle prépondérant du bassin québécois dans la production d'aluminium pour l'Amérique du Nord. C'est ça, ELYSIS. Je ne saurais pas vous dire aujourd'hui si ce seront les mêmes emplois et s'il y en aura plus ou moins. Quoi qu'il en soit, ce rôle prépondérant crée des emplois chez nous ainsi que chez tous nos fournisseurs et nos sous-traitants, et il permet au Québec de rayonner dans l'industrie nord-américaine. Voilà ce que nous voulons faire.
    De toute façon, comme pour tout changement technologique, les emplois vont s'adapter de sorte qu'on travaille de façon plus électronique et moins mécanique.
    Ce ne seront pas forcément les mêmes emplois. Effectivement, M. Simard avait raison de le mentionner, on changera les anodes moins souvent. Il y aura donc des choses qui devront être repositionnées sur le plan des compétences également. En revanche, nous essayerons de faire appel à des fournisseurs du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean pour nous fournir le nouvel équipement et les nouveaux matériaux dont nous aurons besoin.
    Je dois dire que j'ai visité vos installations au mois de janvier et que j'ai assisté à la présentation dans laquelle on comparait les émissions de Rio Tinto avec celles de la Chine. À cet égard, le Canada est déjà le meilleur au monde. Grâce à la nouvelle technologie qui sera développée, nous serons le modèle à suivre.
    M. Martel a d'ailleurs posé une question à ce sujet. Les Américains vont essayer de nous rattraper, alors il faut que nous gardions un cran d'avance.
    Il faut être compétitif et continuer à avancer, oui.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi de prendre quelques secondes pour souligner une chose au sujet de notre intégration dans la communauté du Lac‑Saint‑Jean. Vous dites que nous sommes une source de fierté au sein de cette communauté, mais celle-ci est aussi une source de fierté pour nous. Ça fait six mois que je suis en poste et, quand je vais au Saguenay, je suis frappé de voir le niveau de symbiose. Je ne dis pas que tout est parfait, mais le niveau de symbiose entre la communauté du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean au sens large et nous, c'est quelque chose que j'ai rarement vu au cours de mon expérience dans le domaine industriel.
    Merci.
    Monsieur Gaheer, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Pécresse, de comparaître devant le Comité.
    Monsieur Pécresse, quelqu'un a déjà posé la première question que je prévoyais, mais je veux vous donner l'occasion de préciser davantage. On a investi 60 millions de dollars en 2018 et 20 millions de dollars en 2021. À quoi l'argent a‑t‑il servi exactement? Vous avez parlé de 100 scientifiques qui ont été embauchés et qui font encore partie de l'effectif. À quoi d'autre l'argent a‑t‑il servi?

  (1740)  

    Il a servi à construire de l'équipement, comme la première cuve d'électrolyse, où va le minerai d'aluminium, à fabriquer les anodes et les cathodes qui permettent de produire de l'aluminium à partir de ce minerai d'aluminium, à acquérir l'équipement logistique connexe qui permet de mettre les anodes dans la cuve et de les retirer, à commencer la construction de la deuxième installation, qui se trouve à un endroit différent et où nous ferons la même chose à une échelle trois fois plus grande, à embaucher 100 personnes en recherche et développement et à financer les travaux de recherche et développement dans les laboratoires centraux de Rio Tinto et de son partenaire, ainsi qu'à produire l'équipement de laboratoire qui nous permet de faire un certain nombre des tests qui sont nécessaires pour valider ce que nous faisons.
    Cela comprend aussi le matériel pilote pour la première et la deuxième phases, l'équipement de laboratoire, le personnel de recherche et développement au Québec et le travail de recherche et développement dans les laboratoires centraux.
     Il s'agit d'une technologie nouvelle, alors le cheminement que vous faites est manifestement sans précédent.
    La technologie a‑t‑elle été démontrée à grande échelle?
    Je ne pense pas que nous ayons mentionné le nombre de tonnes, mais nous avons produit quelque chose. Nous et nos partenaires en avons vendu quelques tonnes à de vrais utilisateurs industriels pour usage industriel, afin qu'ils puissent qualifier le produit dans leurs processus. Nous n'avons pas produit autant d'aluminium que nous le faisons aujourd'hui avec la technologie traditionnelle. Nous avons produit des quantités significatives qui ne sont pas sans importance.
    La technologie elle-même peut-elle être utilisée à grande échelle?
    La technologie fonctionne. Elle fonctionne en laboratoire. Elle fonctionne avec de l'équipement représentant le tiers de la taille de l'équipement réel. Nous devons maintenant faire en sorte qu'elle fonctionne de façon reproductible avec de l'équipement de taille véritable. Nous avons réussi dans certains cas, mais nous avons parfois échoué. Puis nous avons fait de nouveaux essais. La question est la suivante: pouvons-nous aller à plus grande échelle et répéter le processus? Une fois cette étape franchie, et c'est ce sur quoi nous travaillons, il faut construire une usine. La production devient alors massive. Puis, la chaîne d'approvisionnement doit suivre, parce qu'il faut un fournisseur qui peut produire non pas 10 ou 20 anodes, mais des centaines. Il faut que la chaîne d'approvisionnement mondiale emboîte le pas.
    Je mets peut-être la charrue devant les bœufs, mais pouvez-vous moderniser de vieilles usines avec cette technologie, ou devez-vous d'abord démontrer qu'elle peut fonctionner à grande échelle pour pouvoir déterminer si de vieilles usines peuvent être modernisées?
    Nous ne le savons pas encore. C'est loin, très loin, d'être certain.
    D'après ce que j'ai lu au sujet de cette technologie, elle entraînera un changement de paradigme dans l'ensemble de l'industrie. S'il s'agit d'un changement aussi important, je suppose que d'autres essaient de reproduire cette technologie ou ont une version quelconque de cette technologie à l'échelle mondiale. Avez-vous l'impression que c'est le cas?
    Nous savons qu'il y a des tentatives en ce sens en Russie et en Chine, surtout en Russie. Nous ne sommes pas au courant de programmes semblables ailleurs. C'est une coentreprise entre nous et d'autres grands producteurs nord-américains. Nous avons uni nos forces parce que nous avons des champs de recherche complémentaires sur le sujet.
    M. Iqwinder Gaheer: Monsieur le président, me reste‑t‑il du temps?
    Il vous reste encore une minute, monsieur Gaheer.
    C'est parfait. Merci.
    En ce qui concerne la technologie proprement dite — je crois comprendre qu'il y a des contraintes de propriété industrielle ici —, pourriez-vous expliquer en termes simples comment elle fonctionne? Quelle est l'étape du processus de fabrication de l'aluminium qui est visée principalement?
     La première étape de la production d'aluminium est l'extraction de la bauxite. En général, les mines de bauxite se situent près de l'équateur. Cette bauxite est acheminée dans une raffinerie d'aluminium et est soumise à un processus de traitement, de nettoyage, de lavage et de chauffage. Elle sert à produire de l'alumine, et c'est ce que nous faisons au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et à Vaudreuil. Une fois l'alumine obtenue, on la met dans une cuve pour un processus d'électrolyse qui permet la production d'aluminium en utilisant une anode de carbone.
    Il y a des émissions de CO2 partout dans la chaîne. Cependant, la plus grande partie des émissions, et de loin, provient du processus d'électrolyse, avec deux sources. La première est l'utilisation à grande échelle d'électricité, qui est nécessaire à ce processus. C'est pour cette raison que la source d'électricité est importante, et nous avons de l'électricité propre au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. La deuxième est la dissolution du carbone lui-même, qui libère du CO2 dans l'atmosphère. C'est là qu'ELYSIS entre en jeu.
    Excellent. Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Gaheer.
    Avant de passer la parole à M. Brunelle‑Duceppe, j'aimerais dire une chose. Comme vous pouvez le constater, chers collègues, nous entendons maintenant la sonnerie d'appel au vote à la Chambre. La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Si le Comité est d'accord, je pense que nous pourrions poursuivre la réunion pendant environ 15 minutes et que nous aurions le temps nécessaire pour voter.
    Des députés: D'accord.

  (1745)  

     Je vous remercie.
    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Les conservateurs votent en faveur d'une motion et ensuite ils se plaignent que la motion a été adoptée. Je vous souhaite la bienvenue dans notre monde, monsieur Pécresse.
    Monsieur Pécresse, je vous remercie tout d'abord de votre présence.
    En avril 2007, on nous avait promis Alma II. Des conventions collectives ont même été négociées en fonction des investissements dans Alma II, mais ça ne s'est jamais concrétisé.
    Dernièrement, il y a même eu une pelletée de terre pour le centre de coulée de billettes à Alma, mais le projet est ensuite tombé à l'eau et est retourné sur la planche à dessin.
    Non, non...
    Attendez, je vais vous laisser l'occasion de répondre, mais je vais d'abord poser ma question.
    Pouvez-vous rassurer aujourd'hui les gens du Lac‑Saint‑Jean en leur disant que le centre de coulée de billettes se fera assurément à Alma, et ce, rapidement?
    Je tiens à donner la bonne information au Comité.
    Le centre de billettes est un des premiers projets sur lesquels je me suis penché quand je suis entré en poste. Ce projet consiste effectivement à faire des produits dans l'aval de la chaîne de valeur, ce qui est important. Quand je suis arrivé en poste, on avait déjà commencé à travailler sur ce projet, mais, selon l'état de l'art, il allait coûter à peu près deux fois plus que ce qui avait été projeté. En pareil cas, je pense que le devoir normal d'un gestionnaire responsable à l'égard de ses actionnaires est de mettre le projet sur pause et d'essayer de voir si celui-ci peut être redimensionné tout en maintenant le nombre d'emplois.
    C'était à l'automne 2023, est-ce bien ça?
    Oui, c'était en octobre et je suis arrivé en poste en septembre.
    Donc, à l'automne 2023, vous mettez le projet de côté pour le redessiner.
    Non, non. Je suis arrivé le 23 octobre. J'ai mis le projet sur pause en novembre. Nous sommes en train de déterminer s'il faut le redimensionner et, le cas échéant, comment le faire de façon intelligente. D'une part, nous cherchons à préserver l'objectif de création d'emplois. Je tiens à préciser au Comité qu'il est question ici de quelques dizaines d'emplois. D'autre part, nous regardons de quelle façon nous pouvons le faire tout en créant de la valeur pour les actionnaires. C'est ce que nous sommes en train de faire.
    Le projet n'a pas été abandonné, il a été mis sur pause. Il est en train d'être retravaillé. J'ai bon espoir que nous arriverons à le faire dans des conditions qui auront du sens pour tout le monde. D'une part, nous devons penser aux actionnaires de Rio Tinto, puisque, si nous continuons à investir au Lac‑Saint‑Jean, nous avons aussi le devoir de respecter nos budgets et de faire des projets qui ont du sens. D'autre part, il faut penser aussi à nos employés au Lac‑Saint‑Jean, parce que je sais à quel point ce projet est important pour eux.
    En novembre 2023, vous disiez que le projet avait été mis sur pause parce qu'il coûtait trop cher de couler du béton en hiver, et que le chantier allait recommencer au printemps. Aujourd'hui, vous nous dites que vous avez décidé, à l'automne, de redessiner le projet.
    Est-ce possible de faire preuve de transparence pour les gens de la région?
    C'est parce qu'on coulait beaucoup plus de béton que ce qui était prévu dans le plan initial. Vous allez peut-être me dire que c'est surprenant, mais ça m'a surpris aussi.
    Le projet n'est pas arrêté. Il est en train d'être retravaillé. L'intention de tout le monde, c'est de trouver une façon de le faire dans des conditions qui respectent l'hygiène financière normale.
    À l'automne, on ne nous a pas donné la même raison. Vous nous dites aujourd'hui que vous l'avez mis sur pause pour le redessiner, alors qu'à l'automne, on nous a dit que le chantier allait recommencer comme prévu. On ne voulait pas couler de béton pendant l'hiver parce que ça coûtait trop cher.
    On vous a peut-être dit ça, mais ce n'est pas moi.
    C'était votre compagnie. Je peux vous montrer le communiqué de presse.
    Écoutez, je...
    Il y a un manque de transparence, nécessairement.
    Non, il n'y a pas de manque de transparence. Objectivement, je trouve que la transparence à l'égard des partenaires syndicaux du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean est remarquable.
    Encore une fois, il ne s'agit pas de faire des projets qui nous font perdre de la crédibilité. Il s'agit de faire des projets de façon intelligente pour tout le monde.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    À Windsor, nous avions une usine appelée Nemak, qui appartenait à une entreprise mexicaine. Elle a reçu des millions de dollars de Navdeep Bains et de la province de l'Ontario également. Puis, l'entreprise a dû réduire les salaires des employés pour soutenir l'investissement dans la modernisation de la fabrication automobile, avec de nouveaux modèles. La Corvette en faisait partie, et il y avait quelques autres aspects touchant certaines composantes. Cela s'est fait grâce à la recherche et au développement. Par la suite, l'entreprise, Nemak, a décidé de transférer la recherche, le développement et la production au Mexique. Les travailleurs ont été congédiés. Ils ont dû s'adresser aux tribunaux et, très récemment, ils ont obtenu un règlement.
    La raison pour laquelle je vous raconte cela, c'est pour vous demander s'il y a des clauses dans les subventions que vous avez reçues des gouvernements fédéral et provincial qui vous interdisent de transférer cette technologie et cette innovation à un autre pays pour la fabrication.
    Cela a suscité beaucoup d'inquiétudes à Windsor, surtout du fait que la relocalisation de ces emplois a été subventionnée. Je me demande simplement s'il y a des dispositions semblables, parce que le cabinet du ministre m'a promis tout récemment que ce type d'entente était un modèle pour changer les choses, mais il se peut que votre entente ne comprenne pas de telles dispositions, parce qu'il se pourrait qu'elle soit antérieure au changement. C'est ce qu'on m'a dit.

  (1750)  

    Je devrai vous revenir là‑dessus. Il est clair que notre intention est de faire cela au Saguenay. À Rio Tinto, nous avons aussi des fonderies ailleurs dans le monde, alors je ne pense pas que nous soyons empêchés de développer et d'utiliser la technologie ailleurs dans le monde dans nos fonderies. De toute évidence...
    Vous avez peut-être aussi de bonnes intentions. Vous pourrez me revenir là‑dessus, parce que cela m'intéresse. Nous devrions pouvoir examiner les ententes qui ont été conclues avec le gouvernement. Je veux simplement m'assurer que ce genre de situation ne se reproduise plus.
     [Inaudible] notre capacité de nous approvisionner au Québec, d'utiliser des fournisseurs locaux.
    C'est exact.
    Je ne pense pas que l'entente nous empêche d'utiliser notre propriété intellectuelle pour Rio Tinto ailleurs qu'au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. Cette technologie, si elle est couronnée de succès, se développera à l'échelle mondiale. La réalité, c'est que le Saguenay représente 60 % de notre production d'aluminium aujourd'hui. C'est l'endroit le plus concurrentiel, alors c'est par là que nous voulons commencer.
    D'accord.
    Ce que je veux savoir, cependant, c'est si ces dispositions figurent dans les affectations du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Je pense que c'est raisonnable.
    Merci.
    De plus, nous sommes au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean parce que nous avons accès à de l'énergie hydroélectrique concurrentielle en raison de l'ensemble de nos activités, lesquelles seraient très difficiles à délocaliser.
    Oui, je sais. Je ne compare certainement pas des pommes avec des pommes, mais je pense que vous comprenez la raison. Cela renforce la confiance du public lorsque...
    Je comprends. Nous vous reviendrons là‑dessus.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de cela.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Monsieur Martel, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poser quelques questions, puis je laisserai le reste de mon temps de parole à M. Généreux.
    Monsieur Pécresse, dans un contexte où la production d'aluminium primaire se fait principalement en Amérique du Nord — celui produit par Rio Tinto est très recherché, comme vous le savez —, l'aluminium produit au moyen de la technologie ELYSIS sera-t-il accessible aux petites ou moyennes entreprises, ou PME, du Canada?
    Je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas.
    Le consortium a-t-il un plan afin d'assurer l'accessibilité du métal produit au moyen de la technologie ELYSIS pour les PME canadiennes?
    Nous n'avons pas de plan précis là-dessus, mais nous vendons notre aluminium au Canada, tout comme ce sera le cas pour celui produit au moyen de la technologie ELYSIS au Canada.
    Encore une fois, votre question me met un peu dans l'embarras, parce qu'elle en appelle deux autres. En effet, à quel coût allons-nous produire de l'aluminium au moyen de la technologie ELYSIS, et à quel prix allons-nous le vendre? Ce sont des éléments encore très incertains pour nous.
    Je vais vous poser une dernière question, puis je céderai la parole à mon collègue.
    Les anodes vont-elles être fabriquées chez nous?
    Nous n'avons pas fait d'annonce à ce sujet non plus. Il y aurait une grande logique à ce que les anodes soient produites au Québec, comme c'est actuellement le cas pour les anodes de carbone.
    Sur le plan de la logistique et de la sécurité en matière d'approvisionnement, ce serait plus facile, et cela permettrait notamment de dissiper certains soucis qui ont été exprimés précédemment. Encore une fois, aucune décision n'a été prise, mais ce serait tout à fait logique.
    Merci, monsieur Pécresse.
    Je cède mon temps de parole à mon collègue.
    Monsieur Pécresse, quand M. Simard vous a posé des questions, j'avais l'impression qu'il voulait vous faire dire que le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean aurait non seulement le beurre et l'argent du beurre, mais aussi la vache, la ferme et tout le reste. C'est probablement justifié, puisque au Québec, en tant que députés, nous voulons faire grandir nos régions et faire en sorte qu'elles profitent le plus possible des retombées.
    Mon collègue a parlé de la production d'électricité. Si j'ai bien compris, vous êtes propriétaire des actifs qui vous permettent de produire votre propre électricité pour la production de l'aluminium vert.
    La production d'aluminium au moyen de la technologie ELYSIS vous demandera-t-elle plus d'électricité? Mon collègue semblait faire un lien entre la quantité d'électricité nécessaire et le nombre d'emplois.
    Y a-t-il véritablement un lien à faire entre ces deux éléments?
    En ce qui concerne le premier élément, vous avez raison, monsieur Généreux, car 90 % de l'électricité que nous utilisons actuellement au Saguenay pour la production d'aluminium provient de notre propre centrale hydroélectrique.
    Projetons-nous dans dix ans, en tenant compte des incertitudes que cela comporte. Quand nous considérons nos ambitions en ce qui a trait à la croissance de la production d'aluminium et à ses limites, y compris celui produit au moyen de la technologie ELYSIS, et quand nous considérons notre volonté de décarboner d'autres éléments de la chaîne de valeur, notamment la raffinerie d'alumine située à Vaudreuil, il faut convenir que nous allons devoir électrifier des choses qui ne le sont pas aujourd'hui. Il est très probable que nous aurons besoin de plus d'électricité au Saguenay―Lac-Saint-Jean que ce que nos centrales hydroélectriques d'aujourd'hui peuvent produire.
    Nous allons donc commencer par moderniser les centrales hydroélectriques. Cela me donne l'occasion de mentionner que notre programme d'investissement à venir va inclure des montants très importants pour la remise à niveau des centrales hydroélectriques du Saguenay―Lac‑Saint-Jean. C'est un autre signe de notre engagement dans la région.
    De plus, il faudra que nous examinions — et c'est un sujet que nous avons commencé à aborder au Québec — la façon dont nous pourrions répondre à ces besoins, notamment en faisant peut-être appel à de nouvelles sources d'énergie renouvelable.

  (1755)  

    Merci beaucoup, monsieur Généreux. Je suis désolé, mais...
    Excusez-moi, monsieur le président, mais vous avez été généreux plus tôt quant au temps de parole.
    Monsieur Pécresse, avez-vous déjà évalué les retombées qu'entraîne votre présence au Saguenay―Lac‑Saint‑Jean, c'est-à-dire en matière d'investissements dans la communauté?
    Rio Tinto a investi 5,5 milliards de dollars au Canada depuis 2018. Au Québec, nous investissons environ 650 millions de dollars par an.
    Au Canada, en 2023, Rio Tinto a dépensé 2,2 milliards de dollars pour la production d'aluminium au Québec, et ces investissements sont en légère croissance. Ces montants sont donc tout à fait significatifs.
    Je vous félicite et vous remercie, monsieur Pécresse.
    J'en profite aussi pour vous souhaiter la bienvenue au Québec.
    Merci.
    Monsieur Généreux, vous ne voulez pas que je commence à compter toutes les fois où j'ai été très généreux avec vous pour ce qui est du temps de parole. Je pense que vous seriez en dette avec moi.
    Monsieur Van Bynen, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Vous avez parlé de gagner des parts de marché grâce à l'aluminium carboneutre. Quelle est votre part de marché à l'heure actuelle? Qui sont vos plus grands concurrents, et quelle est la portée de cette concurrence?
    Je ne pense pas que nous souhaitons divulguer notre part du marché. Aujourd'hui, si vous regardez le marché nord-américain, qui est le plus logique pour notre production d'aluminium canadien, nous sommes probablement, notamment grâce à mon équipe, le plus grand producteur, en concurrence avec les importations provenant principalement du Moyen‑Orient et avec Alcoa, qui est notre partenaire pour ELYSIS, et avec une poignée d'autres producteurs américains.
    Pour la gouverne du Comité, je signale que, dans le monde occidental, 24 alumineries ont fermé leurs portes au cours des 20 dernières années. Nous investissons au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
    Nous avons entendu parler des première et deuxième phases. Combien d'autres phases faudra‑t‑il avant que vous ayez l'impression que vous puissiez aller à grande échelle? Combien faudra‑t‑il investir au fur et à mesure?
    Nous avons probablement au moins deux autres phases successives de mise à l'essai des technologies avant de penser à un déploiement industriel.
    Selon votre expérience actuelle, quel niveau d'investissement serait nécessaire? Vous pouvez simplement donner des chiffres très généraux.
    En dollars, l'ordre de grandeur sera de plusieurs centaines de millions. Il ne s'agit pas de dizaines de millions ni de milliards de dollars.
    Merci.
    Lorsque l'annonce a été faite en 2018, il y avait des indications que cela créerait 100 emplois directs et jusqu'à 1 000 emplois d'ici 2030, ce nombre étant susceptible d'atteindre environ 10 500 emplois concrets au Canada dans le secteur de l'aluminium. À votre avis, ces estimations sont-elles toujours exactes?
    Je crois qu'il s'agissait de 1 000 emplois. Je ne suis pas certain de ce que signifie « jusqu'à » mais je dirais qu'il s'agit de chiffres approximatifs. Étant donné qu'il y a encore tellement d'inconnues au sujet du déploiement de cette technologie, je suis assez mal à l'aise à l'idée de donner des chiffres exacts.
    Nous avons parlé de la technologie AP60, qui fait partie de votre démarche vers ELYSIS. Avez-vous l'intention de former la main-d'œuvre actuelle avec la nouvelle technologie?
     Laissez-moi vous expliquer.
    Pour votre information complète, la technologie AP60 prendra progressivement la relève de la chaîne de production appelée « Arvida », qui est en exploitation depuis près de 100 ans et qui sera progressivement fermée. Nous sommes en train d'assurer la formation de la plupart des gens de la chaîne Arvida à l'AP60.
    Il est de notre devoir envers la collectivité de veiller à ce que nos employés puissent passer de la plus ancienne technologie à la plus récente.
    D'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que nous devrions voter bientôt.

[Français]

    Merci, monsieur Van Bynen.
    Monsieur Pécresse, pour faire suite aux demandes de M. Simard et de M. Masse, les membres du Comité aimeraient vous poser quelques questions par écrit. Vous pourriez y répondre d'ici le début de mai, parce que nous recevrons le ministre à ce sujet le 8 mai. Nous vous en serions reconnaissants, compte tenu du fait que c'est un sujet très important pour nous et, certainement, pour les gens du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et les Québécois en général.
    Merci de vous être prêtés à l'exercice.

  (1800)  

    Le sujet est extrêmement important pour nous également. Fondamentalement, nos intérêts sont alignés sur les vôtres pour assurer le succès du projet.
    Merci beaucoup, monsieur Pécresse.
    La séance est suspendue.

  (1800)  


  (1820)  

     Chers collègues, nous reprenons la séance. Cette partie de la réunion devrait se poursuivre jusqu'à 20 heures.
    À nouveau, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d'innovation; à M. Samir Chhabra, directeur général, Direction générale de la politique d'encadrement du marché; et à Mme Runa Angus, directrice principale, Secteur des stratégies et politiques d'innovation.
    Merci de vous joindre à nous en ce mercredi soir.

[Traduction]

     Si je ne m'abuse, M. Turnbull avait un sous-amendement à l'amendement NDP‑2.
    Monsieur Turnbull, je vous cède la parole. Je vous en prie.
    (Article 2)
    Merci.
    À la fin de notre dernière réunion, nous avons fait une très courte pause pour discuter d'un compromis ou d'une façon d'aller de l'avant relativement à la façon de définir le terme « anonymiser ». Nous avons fait une proposition. Je crois qu'il y avait consentement unanime, sous réserve que M. Masse examine le libellé. Le libellé a été communiqué aux membres du Comité dès que je l'ai reçu. J'espère que nous pourrons adopter rapidement cela à l'unanimité et aller de l'avant.
    On ajoute « qu'il n'existe aucun risque raisonnablement prévisible dans les circonstances qu'une personne », puis on poursuit avec le texte du projet de loi.
    J'espère que nous pourrons régler cette question assez rapidement, passer au vote et poursuivre l'étude du projet de loi, sous réserve de l'appui de mes collègues.
    Merci.

  (1825)  

[Français]

    J'aimerais apporter une précision afin d'éviter toute confusion.

[Traduction]

Le sous-amendement proposé par M. Turnbull est le 13024106, que vous avez tous reçu cet après-midi par l'entremise de la greffière.
    Monsieur Masse. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à M. Turnbull de s'être occupé de cela. Nous essayons de travailler ensemble, évidemment. J'ai la confirmation que le commissaire à la protection de la vie privée est à l'aise avec cela. C'est très important pour moi, alors j'accepte cela comme un amendement favorable.
    C'est ma position.
    Merci, monsieur Masse.
    J'apprécie vos commentaires. Nous devrons quand même voter à un moment donné, même s'il ne s'agit pas d'un amendement favorable, mais nous comprenons ce que vous voulez dire.
    Merci.
    Monsieur Perkins. Je vous en prie.
    Je pense que l'expression « amendement favorable » existe par ailleurs dans le Robert's Rules of Order ou quelque chose du genre. Cependant, nous sommes tous favorables.
    Si je comprends bien, si nous adoptons cet amendement, il sera intégré à l'amendement NDP‑2, et l'amendement G‑2 n'est plus nécessaire. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Monsieur Schaan, pour faire preuve de diligence raisonnable — puisque nous n'avons pas parlé de l'amendement G‑2 —, pourriez-vous m'expliquer ce que vous pensez de ce sous-amendement ou de l'amendement G‑2, et ce que nous faisons en modifiant la définition du terme « anonymiser » par l'ajout de cet amendement?

[Français]

    Comme nous en avons discuté à la réunion de lundi, l'amendement G‑2 comprend deux aspects.

[Traduction]

    Nous avons eu une longue discussion sur le premier de ces éléments, soit le concept des « meilleures pratiques généralement reconnues ». J'ai cru comprendre que des membres du Comité ne considéraient pas que cette approche avait une grande valeur.
    Le deuxième aspect était la notion des conséquences « raisonnablement prévisibles », que l'on retrouve dans beaucoup d'autres parties de la loi — comme nous en avons discuté à la dernière réunion — et qui fait en sorte que la mise en œuvre permette de déterminer si l'utilisateur des renseignements personnels a une compréhension raisonnable de leur potentiel de repersonnalisation. Je pense que c'est le deuxième élément qui serait inséré de nouveau dans l'amendement NDP‑2.
    Ce sont les deux éléments de G‑2.

[Français]

    Comme il n'y a pas d'autres commentaires, je vais mettre aux voix le sous-amendement à l'amendement NDP‑2, soit celui dont je viens de citer le numéro de référence.
    (Le sous-amendement est adopté. [Voir le procès-verbal])
     L'amendement NDP‑2 est-il adopté?
    (L'amendement modifié est adopté. [Voir le procès-verbal])
     Cela nous amène à l'amendement CPC‑2.

[Traduction]

    L'amendement CPC‑2 est presque identique à NDP‑3. S'il est adopté, l'amendement NDP‑3 ne pourra pas être proposé pour cause d'incompatibilité.
    Au sujet de l'amendement CPC‑2, je vais donner la parole à M. Généreux pour qu'il le propose, puis je donnerai ensuite la parole à M. Turnbull.

  (1830)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins d'être avec nous.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, je dois vous faire part de mon ignorance concernant le processus de rédaction et de mise en forme des projets de loi. Pour cette raison, j'aimerais vous poser les deux questions suivantes.
    Sont-ils d'abord rédigés dans une langue ou dans l'autre, ou dans les deux langues en même temps? Par exemple, sont-ils rédigés en anglais et traduits en français par la suite?
    Par ailleurs, qui fait ce travail?
    Je remercie le député de sa question.
    La rédaction des projets de loi est un travail collaboratif mettant à contribution les membres de l'équipe du ministère concerné et les juristes du ministère de la Justice. Le processus dépend un peu de la langue des experts dans la salle, mais on les rédige quand même dans les deux langues en même temps.
    On a recours à des jurilinguistes, qui ont été formés pour rédiger des projets de loi dans les deux langues officielles. Ensuite, il y a aussi un processus de révision, où un jurilinguiste anglophone et un jurilinguiste francophone s'assurent que la teneur des deux textes est identique et conforme aux normes de rédaction législative.
    Je veux m'assurer de bien comprendre votre réponse.
    Le projet de loi est donc rédigé par des employés du ministère en question, en l'occurrence Innovation, Sciences et Développement économique Canada, et des employés du ministère de la Justice. Tous ces gens travaillent en collaboration pour rédiger le projet de loi dans les deux langues officielles. Toutefois, pour ce qui est de la langue dans laquelle il est rédigé en premier, si j'ai bien compris, cela dépend de la langue majoritairement utilisée dans la salle. S'il y a plus d'anglophones, il sera rédigé en anglais, puis traduit immédiatement en français.
    Ai-je bien compris?
    Oui, c'est exactement cela. On établit un texte dans chaque langue, puis il y a un processus de révision pour s'assurer que la teneur des deux textes est identique.
    Je parlerai maintenant de l'amendement que nous proposons.
    Je ne sais pas si les linguistes ont considéré ou pas la définition du verbe « de-identify », en anglais, et du verbe « dépersonnaliser », en français. Si nous étions les seuls à proposer un amendement à ce sujet, je me dirais que c'est peut-être parce que nous sommes trop pointilleux ou exigeants, mais un autre parti demande la même chose. Il faut donc essayer d'avoir une définition équivalente dans les deux langues pour cette notion.
    Voici comment les définitions en question sont actuellement rédigées.

[Traduction]

dépersonnaliser (consiste à) modifier des renseignements personnels afin de réduire le risque, sans pour autant l'éliminer, qu'un individu puisse être identifié directement.

[Français]

    Dans la version française, le verbe « dépersonnaliser » signifie ce qui suit:
Modifier des renseignements personnels afin de réduire le risque, sans pour autant l'éliminer, qu'un individu puisse être identifié directement.
    Selon notre interprétation, lorsque l'on fait allusion, dans la version anglaise, à « someone who cannot be identified », ce n'est pas la même chose que de dire « réduire le risque ».
    Je ne sais pas comment vous comprenez cela ni comment les linguistes le comprennent.
    Cela m'amène à poser aussi une autre question. Vous venez témoigner de façon régulière devant le Comité pour participer à l'étude article par article de ce projet de loi. On mentionne souvent les gens du ministère de la Justice, puisque vous avez travaillé en collaboration avec eux. Toutefois, aucun linguiste n'a été invité à venir témoigner devant le Comité pour nous faire part de son expertise en ce qui concerne la rédaction de ces définitions.
    Le projet de loi compte plusieurs pages. Peut-il y avoir des risques que, ailleurs dans le projet de loi, ces mots puissent être interprétés de manière différente en anglais et en français? La question se pose, selon moi.
    Je pose la question de façon vraiment innocente: est-ce normal que les gens qui ont travaillé sur le projet de loi soient issus uniquement du ministère de l'Industrie et qu'il n'y en ait pas eu du ministère de la Justice?

  (1835)  

    Les fonctionnaires tiennent plusieurs discussions avec des experts lorsqu'il s'agit de rédiger un projet de loi. C'est un peu la même chose qui se passe dans le cas des amendements proposés dans le cadre des travaux du Comité. Ils sont rédigés par des spécialistes des Services de la procédure de la Chambre des communes. Ainsi, les membres du Comité reçoivent un texte rédigé par un expert de la Chambre des communes quant aux aspects d'ordre législatif, ce qui les aide à défendre leurs idées.
    Cela se passe un peu de la même manière au ministère. Son service de jurilinguistique a la responsabilité de mener à bien une étape importante de la révision d'un projet de loi, et les discussions sont nombreuses. Beaucoup d'efforts sont déployés pour faire en sorte que les deux textes disent exactement la même chose dans les deux langues officielles.
    De temps à autre, il y a des erreurs. Pour les corriger...

[Traduction]

    ... on recourt au Programme de correction des lois, qui permet d'apporter certaines de ces rectifications. Il arrive de temps à autre que se glisse une erreur de sens.

[Français]

    Selon nous et d'autres personnes, dont le commissaire à la protection de la vie privée, il y a une différence entre les versions française et anglaise de la définition du verbe « dépersonnaliser ».
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a, de toute évidence, une correction à apporter dans ce cas-ci?
    Considérez-vous, aujourd'hui, qu'il y a véritablement une correction à apporter au texte du projet de loi pour s'assurer que les deux définitions représentent la même idée?
    Les jurilinguistes n'ont pas donné d'avis particulier à propos de cette définition. À mon avis, les propos du Parti conservateur sont logiques. La définition du verbe « dépersonnaliser » est bonne, et elle reflète l'anglais.
    D'accord.
    À la page 15 du mémoire du commissaire sur le projet de loi C‑27, on peut lire ceci:

Il semble y avoir une divergence entre les versions française et anglaise de la définition du verbe « dépersonnaliser » à l’article 2 de la LPVPC. Dans la version anglaise, il est clairement indiqué que dépersonnaliser signifie modifier de façon à ce que personne ne puisse identifier directement un individu à partir de renseignements dépersonnalisés, mais qu’il existe néanmoins un risque de repersonnalisation. Dans la version française, le libellé semble mettre l’accent sur la réduction du risque de repersonnalisation au lieu d’indiquer clairement que l’individu ne devrait pas pouvoir être directement identifié malgré qu’un tel risque ne puisse être complètement éliminé. Pour éviter des divergences d’interprétation, la version française de cette définition devrait être modifiée pour refléter le sens plus rigoureux de la version anglaise.
    Partagez-vous l'opinion du commissaire?
    Me demandez-vous si je suis d'accord avec lui?
    Oui, partagez-vous cette opinion du commissaire selon laquelle les deux définitions ne sont pas les mêmes?
    C'est un bon point de vue et, pour cette raison, je pense que c'est un bon amendement.

  (1840)  

    D'accord.
    Notre motion vise à modifier la version française de la définition de « dépersonnaliser » afin d'assurer une meilleure concordance entre les deux versions du projet de loi.
    Il s'agit d'enlever, après les mots « Modifier des renseignements personnels afin », le passage « de réduire le risque, sans pour autant l'éliminer, qu'un individu ne puisse être identifié directement » et de le remplacer par « qu'un individu ne puisse être identifié directement, sans pour autant en éliminer le risque. »
    Selon nous, cela correspondrait davantage à la version anglaise.
    Qu'en pensez-vous?
    Nous sommes d'accord sur la définition proposée. C'est une amélioration de la définition qui se trouve actuellement dans le projet de loi.
    Monsieur le président, malheureusement, je n'ai pas pris connaissance de l'amendement NDP‑3, mais si j'ai bien compris, il propose essentiellement la même chose que l'amendement CPC‑2.
    Évidemment, nous recommandons au Comité d'adopter notre amendement.
    Merci, monsieur Généreux.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Comme il s'agit d'un problème lié à la traduction en français et que mes compétences en français ne sont pas à jour, je fais confiance à mes collègues. Si les membres du Comité estiment que cet amendement est nécessaire, je pense que nous sommes prêts à l'appuyer. Je ne pense pas que ce soit un gros problème pour nous. Nous avons estimé que la définition qui a été incluse reflétait une bonne traduction, mais je comprends aussi que d'autres membres du Comité pourraient avoir une opinion différente. Je pense qu'il faut respecter votre point de vue à ce sujet.
    Nous sommes prêts à appuyer l'amendement. Merci.
    En tant que francophone, il m'apparaît évident qu'il y a une différence entre les versions française et anglaise. La question est de savoir laquelle doit être modifiée pour refléter l'autre? Est‑ce la version française qui doit être adaptée à l'anglaise, ou l'inverse? Il y a une différence. Je dirais que la modification proposée correspond mieux à la version anglaise.
    Monsieur Perkins, je vous cède la parole.
    C'est exactement ce que j'allais dire au départ.
    Monsieur Schaan, je croyais que nous avions posé la question. Je ne sais pas dans quelle langue la version finale du projet de loi a été rédigée. Si elle a été rédigée en anglais, on peut supposer que l'intention du gouvernement correspondait à ce que nous essayons de faire ici dans la version anglaise, c'est‑à‑dire de nous assurer qu'il n'y a pas de risque. Ou est‑ce la version française, qui dit qu'il est acceptable de tolérer un certain risque? Quelle était l'intention de départ? L'intention vise à éliminer le risque. Est‑ce bien exact?
    En anglais, on dit qu'il y a un risque de repersonnalisation, et c'est ce qui établit la distinction entre l'information qui est dépersonnalisée et celle qui est anonymisée. L'intention du texte anglais est de dire « modify personal information so that an individual cannot be directly identified from it, though a risk of the individual being identified remains », afin d'établir la distinction avec des renseignements anonymisés, en vertu desquels cette repersonnalisation n'est pas raisonnablement prévisible.
     Je perfectionne mon français. Je n'ai pas lu la version française du projet de loi afin de faire une comparaison. Nous comptons sur le gouvernement pour le faire.
     Je m'inquiète du fait que le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé cette seule version. Je ne pense pas qu'il en ait soulevé d'autres. Cela signifie peut-être qu'il n'y en a pas d'autres. Après avoir vu notre amendement ou la question soulevée par le commissaire à la protection de la vie privée, le gouvernement a‑t‑il procédé à une comparaison article par article pour veiller à ce que l'anglais et le français reflètent la même intention, quelle qu'elle soit?
    Oui. C'est une tâche qui incombe aux jurilinguistes. Nous avons travaillé avec les jurilinguistes pour faire en sorte que l'interprétation de la loi soit la même dans les deux langues officielles.
    C'est donc arrivé après cette étape. J'aimerais donc savoir pourquoi le gouvernement n'a pas proposé un amendement semblable. Puisque le commissaire à la protection de la vie privée s'en est rendu compte, le gouvernement aurait dû s'en apercevoir lui aussi.
    Je pense que l'on a considéré que la conséquence juridique était comprise, mais nous en sommes venus à considérer qu'il s'agit d'un amendement important visant à refléter la même interprétation dans les deux langues officielles.

  (1845)  

    Je comprends, mais cela ne me donne pas une grande confiance dans la réponse à la question précédente, à savoir qu'on a fait le nécessaire pour confirmer que c'est bien ce qui s'était produit. Je me serais attendu à ce que le gouvernement propose un amendement en ce sens, si cela avait été fait.
    J'accepte que vous appuyiez l'amendement. J'espère bien qu'un tel problème ne se reproduira pas dans les autres articles du projet de loi de 140 pages. Vous me dites qu'il ne se reproduira pas.
    À ma connaissance, il ne se reproduira pas.
    D'accord. Merci.

[Français]

     Monsieur Masse, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    La seule chose que j'aimerais savoir... Notre amendement, NDP‑3, est identique à celui du commissaire à la protection de la vie privée. Comme je suis anglophone, je vais laisser mes amis francophones décider. Pour moi, la question est de savoir laquelle des deux versions est la meilleure. Le Parti conservateur ne m'a jamais induit en erreur.
    Des députés: Oh, oh!
    M. Brian Masse: Tant que d'autres nous disent que leur amendement est bon, cela me convient. Je veux seulement m'assurer, encore une fois, que nous prenons la meilleure des deux. Je vais appuyer l'amendement CPC‑2 si c'est ce que me conseillent de faire mes amis francophones.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Schaan, vouliez-vous ajouter un commentaire?
    Je viens de Winnipeg, mais je ne suis pas un Franco-Manitobain. À mon avis, les amendements NDP‑3 et CPC‑2 ont le même sens.
    Il y a seulement un mot de différent dans les amendements NDP‑3 et CPC‑2. Ils veulent dire la même chose.
    Monsieur Garon, vous avez la parole.
    J'allais dire la même chose. Il n'y a qu'un seul mot qui change.
    Dans l'amendement CPC‑2, on dit « afin qu'un », mais, dans l'amendement NDP‑3, on utilise « de sorte qu'un ». Cela montre toute la richesse de la langue française, mais on dit la même chose.
    Sur ces sages paroles, ai-je le consentement unanime du Comité pour adopter l'amendement CPC‑2?

[Traduction]

     Je demande un vote par appel nominal.

[Français]

    On me demande de tenir un vote par appel nominal.

[Traduction]

    (L'amendement est adopté à l'unanimité. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Merci.
    Si le gouvernement laisse des imperfections dans ses projets de loi, c'est pour vérifier si les députés de l'opposition sont attentifs. Vous avez réussi le test. Félicitations.
    C'était un piège.
     C'était un test.
    L'amendement NDP‑3 n'est donc pas recevable, ce qui nous amène à l'amendement CPC‑3, proposé par M. Perkins.
    Je vous cède la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Je ne pense pas que celui‑ci soit un test.
    Partout dans le projet de loi, on trouve l'expression « autorité légitime ». Nous en sommes aux premières étapes de l'étude du projet de loi, et nous avons constaté que ce qui nous préoccupait, c'est que nulle part dans la section des définitions du projet de loi on ne définit ce qu'on entend par « autorité légitime ». Si cette expression n'est pas définie, je crains qu'elle crée une certaine ambiguïté.
    Par exemple, à l'article 44 proposé du projet de loi C‑27, on permet à une organisation de communiquer « les renseignements personnels d'un individu » à l'institution gouvernementale qui les a demandés « aux fins du contrôle d'application du droit fédéral, provincial… ». Le libellé de l'article 44 proposé est tiré de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, si j'ai bien compris, et il pose problème, étant donné qu'il décrit peu de mesures de protection de la vie privée ayant été offertes à des particuliers dans le passé dans le cadre de décisions de la Cour suprême, comme l'arrêt R. c. Spencer de 2014. Je suis certain que tous les membres du Comité savent de quoi je parle — je sais que certains témoins le savent —, mais je vais simplement en faire un résumé.
    L'arrêt R. c. Spencer de 2014, selon Wikipédia, est une décision historique de la Cour suprême du Canada sur la protection des renseignements personnels. La Cour a conclu à l'unanimité que les utilisateurs d'Internet avaient droit à une attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui a trait aux renseignements sur les abonnés détenus par les fournisseurs de services Internet. Par conséquent, les tentatives par les services policiers d'accéder à ces données pourraient être assujetties à l'article 8 de la Charte des droits et libertés. La question en litige était de savoir si les forces policières pouvaient demander, sans autorisation judiciaire préalable, des renseignements au sujet des abonnés associés à une adresse IP à un fournisseur de services Internet, qui pouvait alors les fournir sur une base volontaire. La Cour suprême a statué que la demande de renseignements sur les abonnés Internet contrevenait à la protection inscrite dans la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
    À mon avis — à notre avis en fait —, les organismes d'application de la loi, à quelques exceptions près, devraient généralement être tenus de produire une ordonnance du tribunal lorsqu'ils demandent des renseignements personnels, comme un compte bancaire, des messages personnels, des renseignements sur la santé et autres renseignements de ce genre.
    L'ambiguïté concernant le sens d'« autorité légitime » qui existait dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques en ce qui concerne la communication de renseignements personnels aux organismes d'application de la loi est toujours présente dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, et les entreprises continueront vraisemblablement de communiquer des renseignements personnels sans consentement aux services policiers et à d'autres organismes d'application de la loi même si elles n'ont pas d'ordonnance de la cour.
     Compte tenu de ce problème, le commissaire à la protection de la vie privée a recommandé que la définition d'« autorité légitime », aux fins de dispositions comme l'article 44 proposé dans le projet de loi, soit modifiée afin de préciser que les personnes devraient toujours avoir une attente raisonnable en matière de vie privée.
    Dans son mémoire sur le projet de loi C‑11 présenté en mai 2021, le commissaire à la protection de la vie privée a écrit:
En plus d'être transparent, il faut également être clair quant à l'incidence de l'arrêt R. c. Spencer sur les situations où l'État peut accéder sans mandat à des renseignements personnels. Lorsque le projet de loi S‑4 était à l'étude devant le Parlement, le CPVP a recommandé ce qui suit:
… un cadre juridique, basé sur l'arrêt Spencer, est nécessaire à des fins de clarté et d'orientation afin d'aider les organisations à respecter la LPRPDE et pour s'assurer que les autorités gouvernementales respectent l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Un tel cadre fournirait à la population canadienne plus de transparence au sujet de la communication de renseignements personnels par le secteur privé aux organisations gouvernementales.
    Le commissaire à la protection de la vie privée a ajouté:
L'ambiguïté qui existait dans la LPRPDE concernant la signification d'« autorité légitime » est toujours présente dans la LPVPC, comme le démontre le fait que les entreprises continuent de communiquer des renseignements personnels sans consentement aux services policiers et à d'autres organismes d'application de la loi même si elles n'ont pas d'ordonnance de la cour.
Par conséquent, nous réitérons [...] et l'actualisons pour le projet de loi C‑11...
    À l'époque, on y précisait ce qui suit:
... une disposition devrait être ajoutée afin de définir ce qu'est une autorité légitime aux fins de l'article 44 et de préciser que les communications discrétionnaires à des organismes d'application de la loi à la suite d'une demande ne devraient être autorisées que lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles au titre d'une mesure législative raisonnable autre que l'article 44 de la LPVPC ou uniquement dans certaines circonstances prescrites où les renseignements personnels ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée.

  (1850)  

Recommandation 19: Ajouter une définition précisant la signification d'« autorité légitime » aux fins de l'article 44.
    Cela n'a pas été fait. Dans le mémoire qu'il a présenté pour ce projet de loi, le 26 avril 2023, le commissaire à la protection de la vie privée a de nouveau proposé la recommandation 19, « Ajouter une définition précisant la signification d'« autorité légitime » aux fins de l'article 44 » dans ce projet de loi.
    Cet amendement fait suite aux recommandations que le commissaire à la protection de la vie privée a formulées à maintes reprises pour « préciser que les communications discrétionnaires à des organismes d'application de la loi [...] ne devraient être autorisées que lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles au titre d'une mesure législative raisonnable autre que l'article 44 de la LPVPC ou uniquement dans certaines circonstances prescrites où les renseignements personnels ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée. »
    Voilà pour l'introduction. Je n'ai pas lu l'amendement, qui est assez court, mais je sais que les témoins l'ont lu.
    Êtes-vous d'accord avec le commissaire à la protection de la vie privée pour dire que cette définition doit être ajoutée au projet de loi, que nous devons préciser dans la section des définitions la signification de l'expression « autorité légitime », fréquemment utilisée dans ce projet de loi?

  (1855)  

[Français]

     Je remercie le député de la question.

[Traduction]

    Je pense que nous devrions reconnaître que l'arrêt R. c. Spencer est un précepte fondamental qui doit être compris en ce qui concerne l'interprétation et la mise en œuvre continues de la LPVPC, tout comme il a façonné la mise en œuvre de la LPRPDE, et en tenir compte. À cet égard, je pense que ce concept utile, en ce qui a trait à la relation entre la LPVPC et l'application de la loi, est un aspect qu'il faudrait peut-être s'assurer de bien comprendre.
    À notre avis, il devrait être conforme au critère juridique énoncé dans l'arrêt Spencer.
    Bref, vous dites que nous n'avons pas besoin de définir cette expression dans la section des définitions du projet de loi. Tout ce dont nous avons besoin, c'est de ce qui existe et de la jurisprudence.
    Non, je pense que la jurisprudence est utile. À mon avis, s'il faut ajouter une définition juridique d'« autorité légitime », elle doit être conforme au critère juridique énoncé dans l'arrêt Spencer.
    Vous êtes donc d'accord pour dire que l'ajout de cette définition rendrait les choses plus claires, conformément à l'arrêt R. c. Spencer, et ferait en sorte qu'il n'y ait pas de confusion au sujet du sens de l'expression « autorité légitime » dans la LPVPC, ce que le commissaire à la protection de la vie privée réclame depuis une décennie.
    Je demanderais à Mme Angus de veiller à ce que le critère juridique établi dans l'arrêt Spencer soit bien défini.

[Français]

[Traduction]

    À ce sujet, je dirais que le commissaire à la protection de la vie privée a demandé que le critère de l'arrêt Spencer soit intégré à la loi.
    Lorsque je regarde le paragraphe que vous avez cité à ce sujet, je vois trois critères, soit celui des « circonstances exceptionnelles », celui d'une « mesure législative raisonnable » et celui des « circonstances prescrites », qui sont les trois critères de l'arrêt Spencer. Ce que je tiens à préciser, c'est qu'il s'agit de trois critères distincts, de sorte qu'il faut choisir l'un ou l'autre. Il peut s'agir de circonstances exceptionnelles, d'une mesure législative raisonnable ou de circonstances prescrites. En fait, il n'est pas question, au paragraphe 71 de l'arrêt R. c. Spencer, de « circonstances prescrites », mais plutôt du « pouvoir conféré par la common law » aux policiers.
    Ce sont les trois critères énoncés dans l'affaire R. c. Spencer. Dans la mesure où cette expression doit être définie, c'est cette définition qui est actuellement utilisée par les organismes d'application de la loi et les organisations lorsqu'ils communiquent des renseignements en vertu de la LPRPDE.
    Pouvez-vous répéter ces trois critères pour que je puisse bien comprendre? J'aimerais confirmer qu'ils sont couverts par l'amendement.
     Il s'agit des circonstances exceptionnelles, d'une mesure législative raisonnable autre que l'article 44 et du pouvoir conféré par la common law aux policiers. Ce sont les trois circonstances énoncées dans l'arrêt Spencer. Encore une fois, ces critères ne sont pas cumulatifs. Ils sont distincts; c'est l'un ou l'autre. Nous sommes soit en présence de circonstances exceptionnelles, d'une mesure législative raisonnable, ou d'un pouvoir conféré par la common law autorisant la communication de renseignements personnels qui ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée.
    Ce sont les mots exacts inscrits au paragraphe 71 de l'arrêt R. c. Spencer, dont a parlé le commissaire à la protection de la vie privée.
    Là où je veux en venir, c'est qu'il y a clairement une lacune dans la loi, et vous essayez d'y remédier en utilisant l'expression « autorité légitime » tout au long de cette version de la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels qui est proposée dans la LPVPC. Nous avons constaté qu'en raison de la faiblesse du libellé de la LPRPDE, qui est repris ici, des entreprises et des organisations fournissent souvent des renseignements aux organismes d'application de la loi ou aux organismes qui vont à la pêche aux renseignements, au mépris de la vie privée de la personne visée.
    Lorsque des organismes gouvernementaux ou des autorités juridiques demandent à des entreprises ou à des organisations d'avoir accès à des renseignements, il est clair que ces dernières, parfois sans consulter tous leurs avocats internes et externes, donnent accès à des données et à des renseignements personnels qui portent atteinte à la vie privée d'une personne.
    La Cour suprême a récemment rendu une décision sur la question des adresses IP. Puisque cette décision est survenue dans les derniers mois, il est donc clair que le libellé actuel de la LPRPDE, qui est reproduit dans le projet de loi, ne permet pas de protéger la vie privée d'une personne contre l'intervention excessive d'un organisme d'application de la loi ou d'un gouvernement qui cherche à obtenir des renseignements, même si ces derniers estiment leur démarche légitime dans certaines circonstances. Dans le cadre de l'application de la loi, on peut justifier la plupart des intrusions dans la vie privée. Il est certain que le fait que cette lacune accélère le processus et les exempte de l'obligation d'obtenir un mandat ou un pouvoir judiciaire pour le faire facilite beaucoup la vie de ces autorités, mais cela ne facilite en rien la protection de la vie privée d'une personne.
    Si cette définition n'est pas ajoutée dans le projet de loi, certaines personnes, à leur connaissance ou à leur insu, verront encore leurs données être communiquées à ces organismes, devront ensuite se battre après coup devant la Cour suprême et faire l'impossible afin de faire reconnaître qu'une telle intrusion n'aurait jamais dû se produire.
    Je ne suis pas avocat, comme je le dis souvent ici, mais cela me semble injuste, alors que nous avons l'occasion en ce moment, en concevant une nouvelle loi sur la protection des renseignements personnels, d'écouter le commissaire à la protection de la vie privée, qui étudie cette question depuis un certain temps, depuis au moins une décennie en fait, et demander au Parlement d'inclure une définition simple, qui peut être tirée directement du mémoire du commissaire à la protection de la vie privée.
    De nouveau, comme M. Masse l'a dit la dernière fois, je fais confiance au commissaire à la protection de la vie privée en la matière et je ne suis toujours pas convaincu que l'inclusion de cette disposition diminuera la portée du projet de loi ou portera atteinte à la vie privée d'une personne. Je crois plutôt qu'elle aura l'effet contraire et qu'elle renforcera sa protection.
    Nous devons nous demander si l'ajout de cette définition améliore la protection de la vie privée ou si elle y porte atteinte.

  (1900)  

    Je crois que cet ajout vient davantage préciser les circonstances dans lesquelles des organismes d'application de la loi peuvent utiliser des renseignements personnels. Je crois toutefois qu'il est important, comme Mme Angus l'a fait observer, que les critères énoncés dans l'arrêt Spencer ne sont pas cumulatifs. Les organismes d'application de la loi n'ont pas à satisfaire aux trois critères, mais bien seulement à l'un des trois. Je pense qu'il faut en tenir compte en ce qui concerne le libellé actuel de l'amendement, parce qu'il se lit comme si les critères étaient cumulatifs.
    Dans le récent arrêt de la Cour suprême, l'un ou l'autre des critères a‑t‑il été satisfait?
    Dans le cas des adresses IP, aucun des trois n'a pu être satisfait, si j'ai bien compris, et c'est pourquoi on a considéré qu'il s'agissait de renseignements personnels, parce qu'il n'a pas été jugé prévisible que... Une personne a une attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui concerne son adresse IP.
     Cela me convient pour l'instant.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci.
    Nous progressons très bien jusqu'à présent.
    J'aimerais assurer un équilibre... Cet amendement pourrait ajouter un nouveau critère d'« autorité légitime » auquel le marché du secteur privé n'est peut-être pas normalement assujetti.
    Monsieur Schaan, êtes-vous d'accord? Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions?

  (1905)  

    Je vais laisser Mme Angus répondre à cela.
    Le secteur privé connaît bien les critères de l'arrêt Spencer. On s'y réfère pour communiquer des renseignements aux organismes d'application de la loi. L'amendement CPC‑3 ne correspond pas tout à fait à ces critères. Lorsque j'examine le mémoire du commissaire à la protection de la vie privée au sujet du projet de loi C‑11, je constate qu'il reflète plus fidèlement l'arrêt Spencer en ce sens qu'il comporte trois critères et que ces critères ne sont pas cumulatifs. D'après ma lecture du mémoire, il y a clairement entre chacun des critères un « ou » qui ne figure pas dans l'amendement CPC‑3. Par conséquent, il établirait des critères beaucoup plus restreints pour les organisations.
    Si je vous comprends bien, il y a trois critères qui sont combinés et donc trois conditions. Comme ces trois critères devraient être satisfaits, ils sont cumulatifs — c'est le mot que M. Schaan a utilisé, je crois — plutôt que des critères distincts, dont un seul devrait être satisfait pour que puisse être présentée une demande.
     J'essaie de comprendre comment une entreprise du secteur privé répond aux critères élevés que l'amendement CPC‑3 semble imposer, et si cela est réaliste dans le marché actuel, étant donné que ce n'est peut-être pas la façon dont ils fonctionnent actuellement et que ce n'est peut-être même pas tout à fait conforme à la décision de la Cour suprême dont il est question. Pouvez-vous nous fournir plus de précisions?
    Bien sûr. Nous croyons comprendre que les organisations du secteur privé sont déjà très prudentes en matière de communication de renseignements. En général, elles veulent obtenir une autorisation judiciaire avant de communiquer des renseignements, à moins que, de toute évidence, les forces de l'ordre puissent satisfaire au critère énoncé dans l'arrêt Spencer et démontrer qu'elles sont en présence de circonstances « exceptionnelles », d'une « mesure législative raisonnable » ou d'un « pouvoir conféré par la common law » qui les autorisent à recueillir ces renseignements.
    Elles sont très parcimonieuses à l'égard des renseignements qu'elles communiquent. La plupart du temps, elles ne divulguent rien. L'autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'article 44 proposé de la LPVPC et son équivalent dans la LPRPDE sont d'application souple, c'est‑à‑dire que la communication des renseignements n'est pas obligatoire. On précise qu'une entreprise « peut communiquer » des renseignements personnels. En général, les entreprises, dans l'ensemble, ne communiquent pas de renseignements à moins d'être convaincues qu'un critère énoncé dans l'arrêt Spencer est satisfait.
    Ce critère est beaucoup plus étroit que celui qui est énoncé dans l'arrêt Spencer et signifierait probablement que le secteur privé ne communiquerait aucun renseignement, ce qui pourrait évidemment perturber les activités d'application de la loi à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la sécurité nationale, de l'exploitation des enfants et de bien d'autres cas où les forces de l'ordre ont besoin de ces renseignements.
    Si je vous comprends bien... Il serait peut-être utile d'utiliser un cas ou un exemple pour illustrer où, potentiellement, cette barre... Essentiellement, nous disons qu'une organisation devrait déterminer les circonstances exceptionnelles, ce qui peut être un peu difficile, et qu'elle devrait le faire sans nécessairement que les institutions gouvernementales communiquent tous les faits et tous les renseignements. Nous disons également qu'il pourrait peut-être difficilement y avoir une attente raisonnable en matière de vie privée. Si l'on additionne ces deux exigences, ainsi qu'un critère qui exclut les pouvoirs conférés par la common law...
    J'essaie de comprendre comment... Une solution serait peut-être de définir ce qu'est une autorité légitime et de faire en sorte qu'elle corresponde davantage aux critères de l'arrêt Spencer dont nous avons maintes fois parlé jusqu'ici auquel. À quoi cela pourrait‑il ressembler?
     Nous devons préciser clairement que les critères énoncés dans l'arrêt Spencer prévoient des circonstances exceptionnelles ou une mesure législative raisonnable, ou des renseignements qui ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée. Si nous pouvions veiller à ce que les organismes d'application de la loi satisfassent à ces trois exigences pour accéder à l'information, notre amendement serait conforme à la jurisprudence actuelle, à savoir les critères que le commissaire à la protection de la vie privée juge utiles.

  (1910)  

    J'ai suivi des cours de logique avancée à l'université. Nous avons ici une disjonction exclusive, par opposition à une disjonction inclusive. Il ne s'agit pas d'un ensemble de critères à satisfaire. C'est l'un ou l'autre. Ce sont des critères distincts.
    C'est ce que je propose. Je vais proposer un sous-amendement qui s'harmonise plus clairement avec ce que dit le Commissariat, mais aussi avec l'arrêt de la Cour suprême dont ont parlé les conservateurs. C'est une légère variation de ce que vous avez proposé, mais elle est importante. Il y a un ensemble de critères, mais il suffit de satisfaire à l'un ou l'autre. Il n'est pas nécessaire de satisfaire aux trois que vous venez de décrire.
     Je vais faire circuler mon sous-amendement et le lire aux fins du compte rendu, si vous le souhaitez.
    Oui, lisez‑le s'il vous plaît.
    Le sous-amendement se lirait comme suit: « autorité légitime s'entend de l'autorité exercée par une institution fédérale, ou une partie de celle‑ci, lorsque l'un ou plusieurs des critères suivants sont satisfaits: a) elle répond à des circonstances exceptionnelles; b) elle est conforme à une mesure législative raisonnable (à l'exception de l'article 44) ou c) elle est conforme à un pouvoir conféré par la common law en vertu duquel les renseignements personnels n'entraîneraient pas une attente raisonnable en matière de vie privée. »
    Je l'ai fait suivre à la greffière et à d'autres membres du Comité.
     Je ne pense pas en avoir une copie papier, mais nous pouvons en obtenir une.
    Je viens d'en discuter avec les greffiers législatifs. Sur le plan de la procédure, ce serait un peu plus élégant si cet amendement était rejeté et si un autre était proposé, au lieu d'un sous-amendement, parce que pour l'instant, nous réécrivons essentiellement l'amendement CPC‑3 en entier.
    Je pense que c'est une bonne chose, monsieur Turnbull, que vous l'ayez fait consigner au compte rendu et que nous le fassions circuler afin que les députés sachent quelle solution de rechange vous proposez. Cela répondrait, dans une certaine mesure, à certaines des préoccupations soulevées par l'amendement CPC‑3. Toutefois, du point de vue de la procédure, je ne pense pas que nous puissions modifier l'amendement comme vous le proposez, monsieur Turnbull. Je préférerais que vous proposiez un amendement distinct.
    Vous avez la parole, monsieur Perkins.
    J'ai une question de procédure.
    Pouvons-nous poser des questions à nos fonctionnaires sur ces deux amendements, puisque nous n'en débattons pas en ce moment?
    Étant donné qu'ils sont reliés et qu'ils traitent de la même question, oui, vous pouvez poser des questions sur ce qui les distingue.
    Je crois que la greffière a fait circuler le sous-amendement proposé par M. Turnbull. Vous l'avez maintenant dans votre boîte de réception. Nous pouvons poursuivre le débat sur l'amendement CPC‑3 en sachant que M. Turnbull a proposé un autre amendement.

[Français]

     Selon ma liste, le prochain intervenant est M. Garon.

[Traduction]

    Monsieur Turnbull, avez-vous terminé?
    J'ai plaidé en faveur d'une modification de la définition de « autorité légitime » qui contient les critères énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Spencer afin qu'ils orientent cette définition. Elle comprend la majorité des éléments que les conservateurs présentent, mais elle comporte une différence subtile. Selon nous, elle est plus conforme à la proposition du Commissariat à la protection de la vie privée et à l'arrêt de la Cour suprême. Par conséquent, elle apporte de manière constructive une amélioration et un compromis. Je vous prie d'en tenir compte et d'en débattre au besoin.
    Merci.
    Merci, monsieur Turnbull.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Garon. Les prochains intervenants seront MM. Masse, Williams et Vis.

  (1915)  

     Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je veux dire que nous avons exactement les mêmes interrogations.
    Premièrement, c'est important d'avoir une définition qui fait autorité et qui est légitime. Nous n'en avons pas, et il nous en faut une.
    Deuxièmement, nous nous sommes interrogés par rapport à la Loi sur les mesures d'urgence et aux enquêtes policières, notamment. À ce sujet, je pense qu'on a répondu à nos questions.
    J'ai toutefois une autre question. Vous avez parlé du critère juridique énoncé dans l'arrêt Spencer. Je dois lire la nouvelle définition plus soigneusement, mais, à priori, elle me semble plus appropriée. En effet, elle reprend exactement le critère utilisé dans l'arrêt Spencer. Cela existe donc déjà dans la jurisprudence.
    Quelle est alors la différence entre introduire ce critère tel quel dans la loi et ne pas y inclure de définition?
    À mon avis, la jurisprudence est maintenant ce qui guide les organisations dans leur utilisation des renseignements personnels. Cependant, l'ajout d'une telle définition dans la loi confirmerait davantage, en quelque sorte, le critère de l'arrêt Spencer.
    Je reviens à la définition proposée par nos collègues conservateurs.
    Quelle serait la conséquence, sur le plan juridique, d'avoir dans la loi une définition qui s'inscrirait dans une certaine logique et qui serait plus restrictive que le critère juridique?
    En cas de litige, cela réduirait-il la portée de l'amendement?
    Comme l'a dit Mme Angus, l'ajout d'une nouvelle définition qui rassemble les trois éléments du critère énoncé dans l'arrêt Spencer dans une même phrase, sans qu'il soit dit que ce sont trois éléments distincts dont un seul doit être satisfait, crée un nouveau critère plus restrictif pour les organisations.
    Ce nouveau critère pourrait faire en sorte que les organismes d'application de la loi n'obtiendraient pas certains renseignements personnels demandés aux organisations, alors que ces renseignements auraient été obtenus de façon légale en vertu de la jurisprudence actuelle.
    Merci.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Angus, je ne suis pas avocat — en fait, je détiens un baccalauréat en service social. Je regarde ces deux amendements et ce que le commissaire à la protection des renseignements personnels a proposé. Croyez-vous que l'amendement proposé par M. Turnbull est plus conforme à la proposition du commissaire? Je voudrais en être sûr.
    Je pense que l'intention de la motion des conservateurs était de tenir compte de certains de ces critères, alors je crois qu'elle nous oriente aussi dans la bonne direction.
     Je ne peux certainement pas parler au nom du commissaire à la protection de la vie privée, mais j'ai lu son mémoire sur le projet de loi C‑11, que quelqu'un a cité tout à l'heure. Les critères y sont cités avec un « ou », donc ils ne sont pas cumulatifs. Je crois que le premier paragraphe d'explication dit bien: « il faut également être clair quant à l'incidence de l'arrêt R. c. Spencer ».
    J'y vois là deux difficultés. Premièrement, le commissaire demande que l'arrêt R. c. Spencer soit codifié. Deuxièmement, les trois critères qui figurent à la liste du commissaire sont séparés par « ou ». À mon avis, cela indique qu'ils ne sont pas cumulatifs. Je pense donc que l'intention était de codifier l'arrêt Spencer, et c'est ce que propose la motion.
    Pour nous qui ne sommes pas experts en la matière, comme « ou » n'est pas cumulatif, n'importe lequel de ces critères peut déclencher ce processus, ou même deux d'entre eux ou même tous les trois. C'est aussi simple que cela. Cette proposition offre une certaine souplesse, en effet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Masse.
    C'est au tour de M. Williams.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir au Règlement général sur la protection des données, le RGPD. Si j'ai bien compris, il ne définit pas l'autorité légitime, mais il énonce les principes régissant le traitement légal des renseignements personnels.
    Madame Angus, si nous comparons l'ajout de « autorité légitime » à la raison pour laquelle le RGPD la mentionne ou non... Avons-nous examiné le RGPD dans ce cas‑ci pour voir ce que les auteurs ont écrit au lieu de cette définition?

  (1920)  

    Le RGPD fonctionne un peu différemment. Le traitement des données repose sur six critères, dont le consentement. L'intérêt légitime en est un, et l'autorité légitime en constitue un autre. Je suppose que la définition d'autorité légitime diffère dans chaque pays. En effet, le RGPD s'applique à tous les États membres européens, qui appliquent leurs propres jurisprudences et qui définissent cette expression en fonction de leurs propres lois. Je ne peux pas vraiment me prononcer là‑dessus.
    Cette définition est très particulière dans le contexte canadien d'application de la loi et de droit pénal. À mon avis, nous avons avantage à nous référer aux critères de la Cour suprême du Canada.
    Voici ma dernière question.
    Outre l'arrêt de la Cour suprême, dont l'intention était très précise, est‑ce que ces critères s'appliqueraient à d'autres situations, comme l'accès aux données sur les soins de santé ou le contrôle des employés, par exemple quand les employeurs les surveillent de certaines manières, comme avec des webcams? Est‑ce que ces critères s'appliqueraient à d'autres situations que celle de l'arrêt Spencer, ou seulement à ce qui a été examiné dans ce cas particulier?
    L'arrêt Spencer souligne qu'il s'agit des critères à appliquer lorsqu'une entité privée divulgue des renseignements à des organismes d'application de la loi. Par conséquent, à l'heure actuelle, tous les organismes soupèsent les critères de l'arrêt Spencer avant de divulguer les renseignements que leur demande un organisme d'application de la loi. N'oublions pas que cette politique est permissive. Elle ne contraint pas les organismes à divulguer, comme le ferait un mandat, par exemple. L'organisme prend la décision en fonction des trois critères énoncés dans l'arrêt Spencer. Cette politique s'applique à tous les renseignements. Je le répète, les critères sont des « circonstances contraignantes », la « loi qui n'a rien d'abusif » et une « disposition favorisant la protection des renseignements personnels ».
    Par conséquent, dans le cas de données très sensibles sur la santé ou sur des renseignements génétiques, je pense qu'il serait difficile de contester cette politique. À moins qu'il ne s'agisse de circonstances contraignantes — une explosion imminente — ou qu'une loi qui n'a rien d'abusif ne l'autorise expressément, il serait vraiment difficile de satisfaire au troisième critère, car il n'y aurait pas de disposition favorisant la protection des renseignements personnels. La barre est assez haute pour ce genre de renseignements.
    J'ai une dernière observation à soulever. J'ai fait quelques recherches, et selon les principes du RGPD, le traitement des renseignements personnels doit être légal et équitable. On y souligne l'importance de respecter les droits et libertés individuels. Je sais que nous avons discuté de cela, mais le RGPD semble réunir tous ces aspects à cet égard.
    Merci beaucoup.
    Avant de passer à M. Vis, j'ai une brève question à vous poser, madame Angus.
    Vous avez mentionné que dans le projet de loi C‑11, la proposition du commissaire à la protection de la vie privée sur l'autorité légitime se rapproche plus des critères de l'arrêt Spencer. En est‑il de même pour ce que M. Turnbull propose actuellement au Comité?
    La seule différence se trouve dans le troisième critère. Le commissaire à la protection de la vie privée parle de « circonstances prescrites où les renseignements personnels ne font pas l'objet d'une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée ».
    Je n'ai pas la motion sous les yeux, mais je crois qu'on y lit « le pouvoir conféré par la common law », tout comme dans le libellé du paragraphe 71 de l'arrêt Spencer. Dans ce cas‑là, je pense que l'ajout du mot « prescrites » dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs créerait plus de confusion, parce que le verbe « prescrire » sous-entend habituellement une réglementation.
    Par conséquent, en supposant que le commissaire à la protection de la vie privée veuille que l'arrêt Spencer soit codifié, nous n'y trouvons pas cette notion. Dans l'arrêt Spencer, on parle du « pouvoir conféré par la common law »; il s'agit évidemment de pouvoirs prescrits par la cour et non par un règlement.

[Français]

     Merci beaucoup.
    J'ajouterai un petit commentaire.
    Même si les décisions des tribunaux contribuent à éclairer les travaux des parlementaires, elles ne les dictent pas. Nous pourrions décider d'aller plus loin. Toutefois, au Comité, nous n'avons pas entendu beaucoup de représentants d'organismes d'application de la loi nous parler de ce que le fait d'aller plus loin que l'arrêt Spencer aurait comme conséquences sur leur travail.
    En tout cas, je n'ai pas souvenir de cela, et les conséquences seraient très sérieuses. Il faut donc y réfléchir. Je pense que le gouvernement en a tenu compte dans sa proposition.
    Monsieur Vis, vous avez la parole.

  (1925)  

[Traduction]

    Madame Angus, pouvez-vous définir « pouvoir conféré par la common law »?
     Je vais me référer à l'arrêt Spencer, parce que les juges de la Cour suprême sont plus intelligents que moi.
    L'arrêt Spencer souligne que ce pouvoir est « le pouvoir conféré par la common law aux policiers de poser des questions portant sur des éléments qui ne font pas l'objet d'une attente raisonnable en matière de vie privée ».
     Bon, alors il s'agit des pouvoirs discrétionnaires de nos forces policières.
    Plus ou moins.
    D'accord.
    Qu'en est‑il des « circonstances contraignantes »?
    Je ne vois pas de définition de « circonstances contraignantes ».
    Je comprends ce que cela signifie. C'est agir face à une situation urgente.
    Oui.
    Très bien.
    Le troisième critère, « une loi qui n'a rien d'abusif », désigne d'autres lois, n'est‑ce pas?
     La Cour suprême a défini « une loi qui n'a rien d'abusif » comme une loi qui établit un équilibre entre l'objectif de l'État — quel que soit l'objet de cette loi — et la protection des renseignements personnels.
    Très bien.
    Je comprends le fondement du sous-amendement. Je suppose que ce n'est pas un sous-amendement, mais un nouvel amendement. Je suppose que c'est ainsi que nous allons le considérer.
    Nous l'appelons « la proposition éventuelle de M. Turnbull ».
    Des députés: Oh, oh!
    Très bien.
    Selon la définition de l'amendement CPC‑3, « autorité légitime » vise l'article 33 proposé.
    Que lit‑on à l'article 33 proposé?
    Il s'intitule « Communication: proche parent ou représentant autorisé ».
     On y lit:
L'organisation peut communiquer les renseignements personnels d'un individu, à son insu ou sans son consentement, à l'institution gouvernementale — ou la subdivision d'une telle institution — qui les a demandés en mentionnant la source de l'autorité légitime étayant son droit de les obtenir et le fait que la communication est faite afin d'entrer en contact avec un proche parent d'un individu blessé, malade ou décédé, ou avec son représentant autorisé.
    Pouvez-vous nous expliquer cela, madame Angus?
    Pourriez-vous préciser la question...
    Quelle est l'importance de l'article 33 proposé? CPC‑3 contient « autre que l'article 33 », et l'amendement proposé par le gouvernement exclut l'article 33 proposé.
    Il s'agit simplement de la communication avec le plus proche parent lorsqu'une personne est blessée, malade ou décédée. L'organisme doit quand même démontrer qu'il a le pouvoir légal de le faire.
    Cet article est important parce qu'il n'accorde pas l'autorité légitime. Il indique simplement qu'il faut détenir l'autorité légitime de le faire.
    Supposons que — Dieu nous en garde — mon épouse meurt. Son nom figure sur toutes nos factures, comme celles de Fortis, de Telus, etc. Est‑ce que cela permettrait à des représentants de Telus de communiquer avec moi ou de me rencontrer pour discuter des renseignements qui se trouvent dans le compte de ma femme?
    Dans votre exemple, les représentants de Telus auraient le droit de communiquer avec les forces de l'ordre pour qu'elles communiquent avec vous.
    Dans notre définition, nous disons « autre que l'article 33 », ce qui dispense les organismes de l'autorité légitime. L'amendement proposé par le gouvernement ne les en dispenserait plus.
    Je crois que nous cherchions à satisfaire à la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée. Le commissaire a demandé une définition pour l'article 44 proposé. C'est la raison d'être de l'article 44 proposé.

  (1930)  

    Le commissaire ne visait que l'article 44 proposé. Je comprends.
    Pour bien expliquer ces choses, revenons à l'article 43 proposé.
    On y lit:
Application du droit — demande de l'institution gouvernementale
L'organisation peut communiquer les renseignements personnels d'un individu, à son insu ou sans son consentement, à l'institution gouvernementale — ou à la subdivision d'une telle institution — qui les a demandés en mentionnant la source de l'autorité légitime étayant son droit de les obtenir et le fait que la communication est demandée pour l'application du droit fédéral ou provincial.
     Pouvez-vous me donner un exemple concret de la façon dont cela s'appliquerait et des raisons pour lesquelles l'amendement n'incluait pas cela? Est‑ce pour la même raison que vous venez de mentionner pour l'article 33 proposé?
    C'est la même raison, mais c'est pour l'administration de la loi. De toute évidence, si quelque chose se produit, les organismes doivent exécuter un travail administratif, comme la production d'un certificat de décès et d'autres documents. Voilà ce que vise l'article 43 proposé.
    Je souligne une fois de plus que le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas demandé de définition d'« autorité légitime » pour ces articles, mais cette même définition s'appliquerait aux articles 33, 43 et 44 proposés. Je pense que le problème de la protection des renseignements personnels concernait surtout l'article 44 proposé, parce qu'il porte sur l'application de la loi, par opposition à la communication avec le plus proche parent ou au travail administratif.
    Je comprends. À ce sujet, le paragraphe 47(1) proposé mentionne la « sécurité nationale » et la « défense ». Devrions-nous vraiment exclure ce paragraphe?
    La définition ne l'exclurait pas. La définition s'appliquerait à toutes les dispositions de la loi où il est question de« autorité légitime ».
    Notre amendement comprend le paragraphe 47(1) proposé. Ce n'est pas le cas du nouvel amendement. J'essaie de souligner la différence entre les deux. C'est ce que je voulais dire.
    L'article 44 proposé dans l'amendement du gouvernement souligne que pour l'application de la loi dans ces situations particulières, on ne peut pas suivre la définition d'autorité légitime qui se trouve dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. En suggérant qu'une loi qui n'a rien d'abusif donne aux organismes d'application de la loi l'autorité légitime d'agir, nous ne pouvons pas proposer l'article 44, qui confère précisément cette autorité aux organismes d'application de la loi. Il faudrait alors exclure l'article 44 proposé du critère des « lois qui n'ont rien d'abusif » de l'arrêt Spencer, parce qu'il est autoréférent.
    Je pense que l'amendement du Parti conservateur laisse entendre que l'on ne peut se fier à ces lois que dans des circonstances autres que celles visées à l'article 44 proposé. Je pense aussi que la notion de loi qui n'a rien d'abusif se trouve dans le titre « Contrôle d'application — demande de l'institution gouvernementale » de l'article 44 proposé.
    Je pense que l'article 44 proposé devrait aussi s'appliquer aux termes « sécurité nationale » et « défense ». Ces termes se trouvent au paragraphe 47(1) proposé, « la sécurité nationale, la défense du Canada ou la conduite des affaires internationales ». C'est ce qui me préoccupe dans le nouvel amendement, monsieur Turnbull. Mais c'est juste mon avis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Vis.
    Monsieur Perkins.
    Ce ne sera pas long. Ma question fait suite à celle de M. Vis.
     Dans notre amendement, nous sous-entendons que dans plusieurs autres circonstances que celles visées à l'article 44 proposé, cette définition n'est pas nécessaire. Cela semble presque logique dans le cas de la communication à un proche parent ou de l'exemption pour la défense nationale. Oui, il est vrai que les articles 33 et 43 et le paragraphe 47(1) proposés ont été ajoutés pour répondre à la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée sur l'article 44 proposé, mais je n'ai pas vraiment entendu de bonnes raisons expliquant l'absence de ces articles dans l'amendement de M. Turnbull.
    Sous-entendons-nous que l'autorité légitime des services de police s'applique aussi dans les circonstances prévues aux articles 33 et 34 et dans le paragraphe 47(1) proposés?

  (1935)  

    À mon avis, ces articles ne confèrent pas cette autorité légitime. Vous pouvez préciser cela, je n'y vois pas de problème juridique. Je pense qu'il faut préciser que les articles 44, 43 et 33 et le paragraphe 47(1) proposés ne confèrent pas vraiment l'autorité légitime. Ce ne sont pas des dispositions de lois qui n'ont rien d'abusif, aux fins de la définition.
    Je ne suis pas certain de comprendre.
     L'article 44 proposé accorde... L'amendement suivant propose que nous disions qu'une autorité légitime autre que l'article 44 proposé s'applique. Essentiellement, nous disons que quelques autres articles pro forma, dont celui sur la sécurité nationale, pourraient être considérés. Évidemment, nous pouvons en débattre. C'est ce que nous proposons.
    Cela va un peu plus loin que l'article 44, mais êtes-vous en train de me dire que le gouvernement n'est pas préoccupé par la question de l'autorité légitime aux articles 33, 43 ou 47(1) sur la sécurité nationale, et qu'il faut passer par ce processus dans ce cas?
     Pour plus de certitude, je pense que les commissaires à la protection de la vie privée, tant l'ancien que l'actuel, se sont concentrés sur l'article 44, parce qu'il y a une possibilité... D'après notre évaluation de l'approche qui a été adoptée, il n'y aurait pas de risque supplémentaire si les articles 33, 43 et 44 et le paragraphe 47(1) proposé étaient mentionnés.
    Si le Comité choisit de le faire pour plus de certitude, nous ne pensons pas que cela posera un problème important, si c'est la question que vous posez.
    C'est ma question.
    Merci.
    M. Masse.
    J'essaie de bien comprendre cette discussion sur la sécurité nationale et la défense.
    Cela les mettrait‑il sur un pied d'égalité avec la police? J'ai des inquiétudes à ce sujet, mais est‑ce le résultat?
     L'arrêt Spencer établit trois critères et si l'un d'eux est rempli cela peut constituer une source d'autorité légitime pour la divulgation de l'information. Premièrement, est‑ce urgent? Est‑ce une situation d'urgence? Cette information est-elle si indispensable qu'il faut y avoir accès à ce moment précis? Deuxièmement, est‑ce en vertu d'une loi raisonnable? Y a‑t‑il d'autres sources d'autorité sur lesquelles vous pouvez vous appuyer pour obtenir ces renseignements? Par conséquent, vous pouvez vous appuyer sur cette loi pour y accéder. Troisièmement, est‑ce en vertu de la common law lorsque les tribunaux ont déclaré qu'il n'y avait pas d'attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard de ces renseignements, de sorte qu'ils peuvent être communiqués parce qu'ils n'étaient pas vraiment considérés comme privés à l'origine?
    Dans le sous-amendement du gouvernement ou dans les considérations futures de notre future ébauche d'amendements auxquels nous pourrions vouloir réfléchir, nous essayons de faire valoir qu'une « loi raisonnable », que les lois raisonnables sur lesquelles vous pouvez vous appuyer ne peuvent pas inclure la LPVPC elle-même. Vous ne pouvez pas revenir à l'article 44 proposé et dire que la LPVPC dit qu'une organisation peut divulguer les renseignements personnels d'une personne, de sorte que cette source d'autorité légitime vous permet de le faire. Je pense que la question des conservateurs est de savoir si nous devons aussi dire que vous ne pouvez pas vous appuyer sur d'autres articles de la LPVPC, que vous ne pouvez pas les pointer du doigt pour dire que c'est une loi raisonnable.
    Je cède maintenant la parole à M. Chhabra.
    J'aimerais apporter une précision. Si j'ai bien compris votre question, monsieur Masse, vous vouliez savoir si le fait d'inclure ces autres articles dans le renvoi changerait la définition d'« autorité légitime ». La réponse est que non.
    Je ne crois pas que le Comité soit en train de se demander si la définition d'« autorité légitime » s'appliquerait, car elle s'appliquerait. La question est de savoir si vous établissez un renvoi en boucle à la source d'autorité légitime qui se trouve dans la loi elle-même. L'idée est de séparer cela.
    D'après ce que nous avons compris de l'avis antérieur du CPVP à ce sujet, l'article 44 proposé risquait de devenir un renvoi en boucle, alors qu'en fait l'idée ici est d'avoir une loi raisonnable distincte qui constitue le fondement raisonnable ou l'autorité légitime de la demande, comme la Loi sur le SCRS, le Code criminel ou d'autres lois.

  (1940)  

    Et cela déclencherait alors l'accès à cette information, parce que cela relève de la série de lois déjà établies. D'accord. Merci. C'était une bonne explication.
    Monsieur Turnbull.
    Monsieur le président, j'ai une brève observation à faire.
    Il semble que ce que j'ai proposé... En fait, je ne l'ai pas proposé, parce que je n'ai pas pu le faire. Le sous-amendement que j'avais l'intention de proposer sera maintenant considéré comme un autre amendement, après que nous aurons disposé de l'amendement CPC‑3. Essentiellement, il y avait des parenthèses à l'alinéa b), mentionnant « conformément à une loi raisonnable (autre que l'article 44) », et cela pourrait être remplacé par « autre que les articles 33, 43 ou 44 ou le paragraphe 47(1) ». Essentiellement, cela éliminerait ces renvois en boucle dans le projet de loi et, pour plus de certitude, comme certains le disent, cela rendrait les choses un peu plus claires et tiendrait compte des suggestions de mes collègues conservateurs. Ce serait peut-être une façon de régler le problème.
    Cela aurait‑il une incidence sur l'intention générale de ce que j'avais proposé au départ lorsque j'avais prévu de le proposer comme sous-amendement? Non. D'accord, très bien.
     Pourquoi ne pas le faire? Je suis d'accord pour le faire si nous pouvons nous passer de l'amendement CPC-3, et c'est exactement ce que je vais proposer.
     Je demande le consentement unanime pour retirer l'amendement CPC‑3.
    Des députés: D'accord.
    (L'amendement est retiré)
    Monsieur Turnbull.
    Monsieur le président, je voudrais prendre la parole, si vous me le permettez, pour présenter exactement ce que je viens de dire. Je vais le relire. Le texte que j'ai fait circuler est en train d'être modifié, mais je ne l'ai pas encore proposé, alors techniquement, je suis en mesure de le faire dans le respect des règles de procédure de la Chambre.
    Je vais le lire aux fins du compte rendu:
autorité légitime Autorité exercée par une institution fédérale ou une partie d'une institution fédérale lorsque l'un ou plusieurs des critères suivants sont remplis: a) il existe une situation d'urgence, b) elle est exercée en vertu d'une loi raisonnable (autre que les articles 33, 43 ou 44, le paragraphe 47(1) ou c), ou elle est exercée en vertu de la common law lorsque les renseignements personnels ne susciteraient pas une attente raisonnable en matière de vie privée.
    Je m'excuse auprès de mon collègue, M. Garon, de ce que ces petits changements, même si c'est seulement l'ajout de numéros, n'ont pas été traduits dans la version originale que j'avais envoyée.
    Merci, monsieur le président.
    Chers collègues, vous avez l'amendement à l'article 2 qui porte le numéro 13026345 tel que modifié, donc pas le texte exact. Nous savons que M. Turnbull a ajouté quelques articles au projet de loi.

[Français]

    Monsieur Garon, vous avez la parole.
    J'aimerais avoir la version française avant de débattre de l'amendement, monsieur le président.
    Normalement, la greffière devrait vous avoir envoyé le texte de l'amendement dans les deux langues officielles.
    Pour ma part, je l'ai bien reçu.

[Traduction]

    Pouvons-nous suspendre la séance jusqu'à ce que nous ayons la version française? Ce serait plus équitable.

[Français]

    La version française est rédigée de la même façon que tous les autres amendements.

[Traduction]

    Nous examinions la version de M. Turnbull, et nous ne savions pas qu'il y en avait une du greffier.
    Techniquement, c'est au nom de M. Gaheer.

[Français]

    L'avez-vous reçu, monsieur Garon?
    Je pensais ne pas l'avoir reçu, pardonnez-moi.
    Monsieur Généreux, vous avez la parole.
    Je veux juste m'assurer d'une chose auprès de M. Turnbull, puisqu'il vient de lire l'amendement en anglais. Je veux m'assurer que l'alinéa b) ne mentionne pas seulement l'article 44.
    Monsieur Turnbull, est-ce possible de relire l'alinéa b)? Il me semble que ce que vous avez dit diffère du texte que j'ai en main.

  (1945)  

[Traduction]

    L'alinéa b) se lirait comme suit: « [...] en vertu d'une loi raisonnable [autre que les articles 33, 43 ou 44 ou le paragraphe 47(1)] ». Il s'agit simplement de modifier ce qui est entre parenthèses.

[Français]

    Est-ce que nous devrions avoir reçu deux versions, monsieur le président?
    Non, mais, quand un député présente un amendement, il peut le modifier pendant qu'il le présente. C'est ce que fait M. Turnbull pour refléter le texte de votre amendement, qui a été retiré par M. Perkins.
    Est-ce que tout le monde a entendu l'amendement qui est proposé? Il n'est pas numéroté, parce qu'il a été proposé au cours du débat. Je connais cependant le numéro de référence.
    Avons-nous besoin de passer au vote ou y a-t-il consentement unanime pour adopter l'amendement?

[Traduction]

    Passons au vote.

[Français]

    On demande un vote par appel nominal sur l'amendement proposé par M. Turnbull, dont le numéro de référence est 13026345.
    (L'amendement est adopté par 11 voix contre 0.)
    Les choses avancent bien, ce soir. C'est merveilleux.
    Nous passons maintenant à l'amendement CPC‑4.
    Monsieur Vis, vous avez la parole.

[Traduction]

     Avant de commencer, monsieur le président, de combien de temps disposons-nous? Je ne sais pas à quelle heure nous avons commencé ce soir.
    Nous avons commencé après le vote. Nous avons entamé la réunion à 17 heures et nous avons commencé la deuxième partie vers 18 h 20.
    Je me tourne vers vous, chers collègues, pour savoir si nous siégerons jusqu'à 20 heures. Je proposerais jusqu'à 20 h 15 environ, si les membres du Comité sont d'accord.
    Je pense que c'est raisonnable.
    D'accord, ce sera donc 20 h 15. Parfait.
    M. Masse.
    Je vais devoir changer certaines choses. Je pensais que vous aviez dit 20 heures au départ, mais oui, je resterai jusqu'à 20 h 15.
    À cause de l'interruption du vote, si nous pouvons consacrer près de deux heures au projet de loi C‑27... Cela se déroule si bien.
    C'est bien. Je vais prendre le temps de faire une ou deux choses.
    D'accord. Ce sera 20 h 15 et pas plus tard.

[Français]

    Monsieur Vis, vous pouvez présenter l'amendement CPC‑4.

[Traduction]

    Il s'agit de l'amendement CPC‑4, numéro de référence 12753822. L'amendement initial proposé disait « mineur Individu de moins de 14 ans,dans le contexte du projet de loi C‑27. J'aimerais proposer un amendement de bonne foi, si c'est permis, pour remplacer cela par « mineur » Individu de moins de 18 ans ». Personnellement, cela fait un certain temps que j'en parle.
    Avant de poursuivre, est‑ce clair pour tout le monde? Dans mon amendement, je fais passer l'âge d'un mineur de 14 à 18 ans.
    Pourriez-vous lire l'amendement, monsieur Vis?
    Il se lirait comme suit: « mineur Individu de moins de 18 ans. »
    D'accord.
     Dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑27 ne donne aucune définition du terme « mineur », même s'il est mentionné à plusieurs reprises dans le texte du projet de loi. À mon avis, c'est problématique. En l'absence d'une définition, la définition d'un mineur aura le sens qui lui est attribué par les lois provinciales ou territoriales sur l'âge de la majorité. Par exemple, c'est 18 ans au Québec et 19 ans dans ma province, la Colombie-Britannique.
    Comme certains témoins l'ont dit, les définitions différentes d'une administration à l'autre vont rendre la conformité de plus en plus difficile et peuvent placer les organisations dans l'obligation d'élaborer et de mettre en œuvre des pratiques différentes d'un endroit à l'autre pour protéger la vie privée, ce qui fait augmenter à la fois les coûts techniques engagés et le risque de ne pas respecter une myriade d'obligations d'une administration à l'autre.
    Cet amendement vise à régler ces questions en définissant un mineur comme un individu de moins de 18 ans. L'âge de 18 ans a été choisi conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, au code britannique pour les enfants, et au code californien de conception adaptée à l'âge. Le choix de cette définition permettra également au Canada de s'aligner sur l'introduction du code pour enfants et des applications adaptées à l'âge dont il est question dans l'amendement CPC-17.
    J'en ai parlé avec Elizabeth Denham, ma nouvelle britanno-colombienne favorite, qui a conçu le code pour enfants du Royaume-Uni. Ce qu'elle reprochait principalement à notre projet de code pour enfants, c'était de ne pas fixer l'âge à 18 ans, surtout compte tenu de l'obligation du Canada en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, comme je l'ai mentionné.
    Je dirais aussi que nous avons entendu le témoignage de David Fraser. Il est chez McInnes Cooper. Il a comparu à notre réunion 91 du 24 octobre. Il a déclaré:
Ce qui me préoccupe un peu, c'est que le projet de loi actuel serait difficile à mettre en oeuvre pour les entreprises qui exercent leurs activités dans tout le Canada. La question de savoir si une personne est mineure ou non dépend actuellement de la loi provinciale, qui varie d'une province à l'autre. Cela varie d'une province à l'autre, et il serait difficile de mettre en oeuvre des programmes cohérents dans l'ensemble du pays. Je préconise d'inscrire dans la loi qu'un mineur est âgé de 18 ans ou moins.
    Je souligne encore une fois que la nouvelle loi californienne sur la protection de la vie privée et la sécurité en ligne pour les enfants prévoit l'âge de 18 ans, et qu'elle s'inspire du code de conception adapté à l'âge du Royaume-Uni, qui est entré en vigueur le 2 septembre 2020. J'aimerais également souligner que, si nous pensons aux relations commerciales du Canada avec les États-Unis, il y a beaucoup de précédents dans les administrations américaines également.
    J'en parle en partie à cause du témoignage de Scott Lamb. Je ne me souviens pas de la réunion exacte, mais j'ai eu une conversation de suivi avec M. Lamb au sujet de l'interprétation de la loi actuelle sur la protection des renseignements personnels au Canada et de son travail pour le compte de clients qui font des affaires au Canada et aux États-Unis. Il a dit que, du point de vue des entreprises concernées, elles s'en remettaient souvent aux définitions incluses ou aux pratiques des États et des territoires américains, et qu'elles appliquaient les mêmes normes au Canada. Bien sûr, cela va de pair avec le code de conception californien. Il faisait probablement affaire avec des entreprises en Californie.
    La loi de la Floride entrera en vigueur le 1er juillet 2024. Elle s'applique non seulement aux entreprises de médias sociaux, mais aussi aux plateformes en ligne qui comprennent les jeux en ligne et les plateformes de jeux en ligne. Elle définit un mineur comme une personne de moins de 18 ans — pas seulement les enfants de moins de 13 ans — sur toutes les plateformes en ligne qui sont surtout utilisées par des mineurs.

  (1950)  

     L'Arkansas a adopté la Social Media Safety Act, qui fixe également l'âge à 18 ans et comporte des dispositions sur le consentement à cet âge. L'Utah a récemment adopté une loi qui interdit aux jeunes de moins de 18 ans d'utiliser les médias sociaux entre certaines heures. C'est un peu excessif, mais là aussi, l'âge est de 18 ans et il y a des dispositions de vérification de l'âge. En Louisiane, c'est aussi 18 ans. Le Texas interdit aux jeunes de moins de 18 ans de se rendre sur de nombreux sites de médias sociaux sans le consentement de leurs parents. Je ne fais que recenser quelques-uns des excellents exemples des États-Unis.
    Au cours de la séance 98 du Comité de l'industrie, Michael Beauvais a soutenu qu'il fallait définir le terme « mineur »:
Premièrement, il serait nécessaire de préciser plusieurs définitions importantes [dans le projet de loi]. Il s'agit notamment de la définition de « mineur » et de celle de la capacité de déterminer quand un mineur est « capable » d'exercer des droits et des recours en vertu de la loi.
    Michelle Gordon a dit, au cours de la même séance, qu'il faut définir le terme « mineur »:
Premièrement, ce projet de loi devrait définir les termes « mineur » et « sensible ». Sans ces définitions, les entreprises, qui tiennent déjà le haut du pavé dans le projet de loi, décideront elles-mêmes de ce qui est sensible et approprié pour les mineurs. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, devrait suivre l'exemple d'autres grandes lois sur la protection des renseignements personnels.
    Ensuite — et c'est ce qui explique mes propos de tout à l'heure —, le témoin a parlé de la California Consumer Privacy Act, de la COPPA des États-Unis, du RGPD de l'Union européenne et, en fait, de la loi 25 du Québec.
    David Fraser a dit pendant la séance 91 qu'il faut définir le terme « mineur »:
Ce qui me préoccupe un peu, c'est que le projet de loi actuel serait difficile à mettre en œuvre pour les entreprises qui exercent leurs activités dans tout le Canada. La question de savoir si une personne est mineure ou non dépend actuellement de la loi provinciale, qui varie d'une province à l'autre, et il serait difficile de mettre en œuvre des programmes cohérents dans l'ensemble du pays.
    À la séance 92, Michael Geist, qui, nous le savons tous, est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, a déclaré:
Je ferai remarquer que l'une des réelles préoccupations porte sur les définitions des mineurs qui sont différentes d'une province à l'autre, et d'autres choses de ce genre. Par conséquent, je pense qu'une chose à inclure dans la loi — et je sais que d'autres témoins l'ont soulignée — est la nécessité d'avoir une définition commune qui nous assurera qu'il existe une protection uniforme.
    Le Bureau de la publicité interactive du Canada a présenté le 13 novembre un mémoire où on lit:
La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, ne définit pas explicitement le terme « mineur ». Son interprétation relève donc des lois provinciales et territoriales sur l'âge de la majorité. À cause de ce manque de clarté dans la loi fédérale, il risque de devenir de plus en plus difficile de se conformer à ses dispositions, et des organisations pourraient devoir concevoir et appliquer différentes pratiques en matière de protection des renseignements personnels, ce qui fera augmenter les coûts d'application et le risque de déroger à une myriade d'obligations dans les diverses administrations.
Nous recommandons de modifier le projet de loi pour y prévoir un seuil d'âge unique dans l'ensemble du Canada. Le projet de loi devrait définir précisément le terme « mineur » et peut-être s'harmoniser avec la Loi 25 du Québec...
    Je signale à mes collègues du Québec qu'il a fait cette proposition.
... puisqu'elle est déjà en vigueur. Elle définit comme mineur quiconque a moins de 14 ans. Ce sera une approche moins compliquée qui assurera la sécurité des mineurs et permettra aux entreprises de réussir au lieu d'échouer.
    Je vais revenir sur ce point dans une minute, car c'est vraiment important.
    La Chambre de commerce du Canada a également dit:
Comme il n'est pas défini dans la LPVPC, le terme « mineur » prendra le sens qui lui est attribué dans les lois provinciales ou territoriales sur l'« âge de la majorité », qui prévoient qu'en l'absence de définition ou d'indication de quelque intention contraire, un « mineur » est une personne physique âgée de moins de 18 ans en Alberta, au Manitoba, en Ontario, à l'Île-du-Prince-Édouard au Québec et en Saskatchewan, et une personne physique de moins de 19 ans en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse, au Nunavut et au Yukon. À cause de la variabilité des définitions du terme, les entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs administrations devront, pour chacune, élaborer et appliquer des politiques, des pratiques et des méthodes différentes: (1) gestion du consentement; (2) expérience utilisateur/client; (3) conservation et signalement des violations; (4) mesures de sécurité. Elles seront peut-être aussi obligées d'établir un profil d'âge dans les administrations où le « mineur » est une personne de 18 ans. Ce sera un fardeau indu pour ces entreprises et il pourrait y avoir de la confusion chez les clients. Il est recommandé d'harmoniser la définition avec celle de la Loi 25 du Québec.

  (1955)  

     Je lis ce témoignage expressément à votre intention, monsieur Garon, car j'ai dû me demander en mon for intérieur si l'âge devait être de 14 ou de 18 ans. Si j'ai parlé de l'amendement CPC‑17, c'est que, bien que je note qu'un mineur est défini comme une personne de moins de 14 ans, comme je l'ai déjà lu deux fois ce soir, le parent et l'oncle que je suis ne croit pas que, chez les enfants de 15, 16 et 17 ans, la capacité de prendre des décisions soit toujours assez développée pour qu'ils puissent prendre des décisions rationnelles qui ont des conséquences pour leur bien-être.
    Ce qui me rappelle une politique du district scolaire où mes enfants sont scolarisés. Comme parent, je constate que les enfants du district scolaire ont accès à toutes les plateformes de médias sociaux imaginables. Ils peuvent faire des achats sur des comptes Amazon à l'insu de leurs parents. Ils peuvent regarder ce qu'ils veulent sur Internet, mais s'il s'agit d'aller patiner avec des camarades de classe, alors il faut avoir la permission des parents.

  (2000)  

    Je vais m'arrêter là. J'ai hâte d'entendre le débat. Les témoignages montrent très clairement que nous devons discuter de la définition de ce qu'est un mineur, surtout pour les fins des entreprises. Je dirais la même chose pour d'autres modifications qui seront apportées au texte, dont j'espère qu'il protégera les enfants contre les méfaits en ligne.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Vis.
    Vous avez fait valoir de façon très éloquente qu'il faudrait fixer l'âge à 18 ans, à mon humble et impartial avis de président.
    Monsieur Perkins, à vous.
    J'aurais pu continuer, moi aussi.
    Devrions-nous demander le consentement unanime pour poursuivre jusqu'à minuit?
    Je vous épargnerai le reste de mon intervention, car je veux aller au hockey.
     Il y a des raisons impérieuses, évidemment, pour fixer un âge.
    Dès la première séance d'information du ministère sur le projet de loi, ce fut l'une de mes premières questions. À l'étape de la deuxième lecture, le ministre a consacré une grande partie de son discours à expliquer que l'objectif du projet de loi était de protéger les enfants et d'améliorer la protection de leur vie privée. À mon avis, c'est et c'était l'intention véritable du ministre, mais l'absence de définition m'a inquiété. À ce moment‑là, le ministère a répondu que si nous laissions le texte en l'état, les diverses définitions des lois provinciales s'appliqueraient. Pour l'incorrigible spécialiste du marketing que je suis, c'est inquiétant, car cela veut dire que je devrais consulter plus d'une dizaine de régimes pour connaître le seuil qui détermine le moment où mes données de nature tout à fait sensible sur une personne, comme c'est le cas actuellement en vertu de cette proposition, deviennent des éléments utilisables à diverses fins, c'est-à-dire à partir de 13, 14, 16 ou 18 ans.
    M. Vis a proposé l'âge de 18 ans. Pour ma part, je suis d'avis que ce devrait probablement être 18 ans, mais je suis prêt à en discuter. Que pense le ministère de la possibilité que nous choisissions un âge qui s'appliquera à l'ensemble du pays? À partir de 18 ans, on peut voter et commencer à faire certaines choses et c'est l'âge où on obtient son diplôme d'études secondaires. On peut faire diverses choses, mais on ne peut ni boire ni fumer de la marijuana. On peut conduire à 16 ans, oui, mais on ne peut plus conduire tout seul à 16 ans comme avant. Au Québec, c'est possible. C'est que, au Québec, il n'y a que des lignes directrices sur la conduite, pas des lois.
    La question est de savoir si 18 ans est le bon âge. Je crois que oui. Qu'en pense le gouvernement? Premièrement, faut‑il fixer un âge? Est‑on d'accord pour le faire maintenant? Deuxièmement, l'âge de 18 ans convient‑il?

[Français]

     Merci de la question.

[Traduction]

     Le Manitobain que je suis a eu la malchance, après avoir atteint 18 ans, de déménager aussitôt en Ontario pour aller à l'université, où on se faisait une idée différente de la capacité de consommer de l'alcool. C'est pour moi un point très sensible.
    Soyons sérieux. Aux fins d'une loi qui renforce la protection des données de nature sensible des mineurs — il faut faire preuve de prudence et appliquer des normes beaucoup plus exigeantes pour la protection et la prise en compte de cette information —, il est utile de définir clairement les obligations à cet égard. Il y a eu au départ des préoccupations et diverses idées au sujet des compétences fédérales et provinciales en cause. On estime qu'on peut établir les paramètres dans une loi fédérale. Il sera très utile pour l'interprétation et l'application de la loi d'avoir une définition du terme « mineur ».
    Au cours de l'étude du projet de loi, nous nous demanderons si, avec ce seuil de capacité, certaines personnes pourraient être visées par une définition qui fixe le seuil à moins de 18 ans, mais être tout de même autorisées à exercer personnellement leurs droits en vertu de la loi. Comme nous l'avons défini plus tôt dans des amendements antérieurs à la rubrique des définitions, cela devient important, car certains jeunes de 16 et 17 ans, pas tous, ont les capacités voulues, mais il reste que 18 ans est un seuil commun à toute une série de normes sociales.
     Voilà notre réponse.

  (2005)  

     Merci.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Garon, vous avez la parole.
     M. Vis a été fort convaincant, mais je suis persuadé qu'il l'aurait été encore plus en français. Je sais qu'il en est capable.
    Ce sera pour la prochaine fois.
    D'accord.
    Évidemment, on nous sort toutes sortes d'exemples sur la capacité de prendre des décisions. On nous parle des lois de l'Utah et du Texas, un État qui, incidemment, a aboli l'avortement, ce qui nie les droits des femmes. On cite des textes de loi sur l'âge du consentement dans certains États américains, où les jeunes gens peuvent, à 18 ans, aller se faire tirer dessus en Afghanistan, mais pas acheter une bière à leur retour.
    À bien des égards, c'est une question de jugement de valeur. Je ne dis pas cela pour plaisanter. Nous cherchons présentement à établir qui doit être considéré comme un mineur dans le contexte de la divulgation de renseignements personnels. Par ailleurs, à titre informatif, je rappellerai au NPD et à mon ami M. Masse qu'ils ont déposé un projet de loi à la Chambre pour que les gens puissent voter dès l'âge de 16 ans.
    Voici la question que nous devons nous poser: en dessous de quel âge l'autorité parentale doit-elle être pleine et entière dans un contexte de divulgation de renseignements personnels sur Internet, sur les réseaux sociaux, et ainsi de suite?
    Il faut également tenir compte du fait que, plus loin dans le projet de loi, il y a des articles où on peut redéfinir l'âge minimal, et je sais que vous voulez proposer des amendements à cet égard. Je sais que vous avez eu une réflexion sur l'âge de la majorité qui doit être défini dans le projet de loi, qui devrait être 18 ans, selon vous, et que cela va se refléter dans les amendements subséquents.
    Au Québec, le compromis a été de fixer l'âge minimal à 14 ans. Évidemment, c'est la loi québécoise, et vous comprendrez que nous portons les consensus de l'Assemblée nationale. Toutefois, nous croyons tout de même que c'était raisonnable, car on ne parle pas ici d'acheter de l'alcool ou de conduire une automobile. On parle de la divulgation de renseignements dans le contexte de réseaux sociaux et de l'utilisation de produits commerciaux. Ceux-ci présentent tout de même un risque, j'en conviens, mais ils sont presque nécessaires à la socialisation, aujourd'hui.
    Cela me semble toujours tout à fait raisonnable de fixer l'âge à 14 ans et, sans vouloir dénigrer ce qui est présenté ici, je suis plutôt convaincu que 18 ans, c'est trop élevé. Voilà où j'en suis dans ma réflexion.
    J'ajouterais un exemple à votre liste, monsieur Garon. Au Québec, une personne de 18 ans peut acheter une bouteille d'absinthe de 40 onces, mais elle ne peut pas acheter un joint à la Société québécoise du cannabis. Il s'agit d'une autre incongruité.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose.
    La réflexion repose sur la question visant à savoir à quel moment une personne est capable de porter un jugement libre et éclairé sur la divulgation de renseignements personnels.
    Je pense que la plupart des gens de 40, 50 ou 55 ans ont le même problème que les jeunes de 15 ans.

  (2010)  

    Je vous remercie, monsieur Garon.
    Je donne maintenant la parole à M. Turnbull. Ce sera ensuite le tour de M. Masse.

[Traduction]

     Merci.
    J'allais proposer un sous-amendement semblable à la définition de « mineur ». Je n'avais pas vraiment tout un traité à lire comme M. Vis...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Ryan Turnbull: ... mais je voudrais expliquer pourquoi il serait bon d'établir l'âge de la minorité et de le définir dans le contexte du projet de loi. Je dirai simplement que, pour notre part, nous appuyons sans réserve l'amendement qu'il a proposé.
    Quant aux points soulevés par M. Garon, nous avons l'intention de travailler à un critère de capacité et de l'insérer dans le projet de loi. Cette légère modification permettrait jusqu'à un certain point aux moins de 18 ans d'exercer leurs droits sur leurs renseignements personnels s'ils en ont la capacité.
    Monsieur Garon, vous et moi avons discuté de la question avant de passer à l'étude article par article. Ce fut bref, je sais, mais je pense que cela pourrait mieux vous convenir si la définition du terme « mineur » fixait l'âge à 18 ans. Cela ne correspond pas parfaitement à votre point de vue, sans doute, mais il est sûr que nous mettons tous un peu d'eau dans notre vin. Je respecte votre point de vue, mais nous allons appuyer une définition qui fixe l'âge à 18 ans.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Turnbull.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

    Oui, c'est une question difficile. Nous croyons qu'il faut autoriser le vote à 16 ans. Quand j'ai vu qu'on proposait 14 ans, je me suis dit que cela se rapproche davantage de ce qui me convient.
    Pouvons-nous avoir un exemple concret de ce qui changerait, entre un jeune de 16 ans et un jeune de 18 ans, sur le plan du contrôle de sa propre vie?
    J'ai deux choses à signaler qui me semblent importantes. La première, c'est qu'en vertu de cette définition du terme « mineur », les renseignements des mineurs en vertu de la loi, comme nous venons de l'établir, seront définis comme « de nature sensible », ce qui suppose une obligation de diligence et un niveau de protection relevé.
    J'attire cependant l'attention des députés sur la page 6 du projet de loi, à la rubrique « Représentants autorisés ». Voici le passage pertinent, l'alinéa 4a) proposé:
4. Les droits et recours prévus sous le régime de la présente loi peuvent être exercés:
a) au nom du mineur qui n’a ni la capacité ni la volonté de les exercer personnellement, par le parent ou le tuteur;
    Le critère de la capacité à exercer soi-même ces droits a été établi par d'autres tribunaux. Cela n'exclut pas la possibilité que des personnes de moins de 18 ans puissent exercer une certaine surveillance sur leurs propres renseignements personnels, mais donne à penser que, pour les personnes de moins de 18  ans, les renseignements devraient être considérés comme de nature sensible, les droits pouvant être exercés par un parent, un tuteur ou un mineur apte.
    Voici un exemple. Prenons les jeunes de 14 à 18 ans. Un élève de neuvième année a publié des choses embarrassantes qu'il regrette. Il n'aurait pas le droit de les faire supprimer si l'âge est fixé à 14 ans, étant donné la nature de ce dont il s'agit. Les adolescents plus âgés peu capables de comprendre la nature de l'information privée et les conséquences de leurs actes à ce point de vue n'auraient pas les mêmes protections que les adolescents plus jeunes parce que l'information n'est pas vue comme de nature sensible et qu'il ne leur est pas nécessairement accordé les mêmes droits en vertu de la loi.
    C'est vraiment là où nous voulons en venir en faisant passer l'âge de 14 à 18 ans. Cela n'exclut pas une plus grande autonomie pour les moins de 18 ans mais suppose que leurs renseignements sont de nature sensible et qu'il faut faire preuve de diligence.
     Merci. C'est très utile.
     Je suis vraiment reconnaissant que M. Vis ait soulevé cette question.
    Qu'en est‑il des jeunes de 17 ans qui vivent seuls? Disons qu'ils étaient dans un foyer violent et qu'ils sont maintenant laissés à eux-mêmes. Dans quelle mesure serait‑il plus difficile pour eux de se prévaloir de ce processus décisionnel, s'il y a toujours, à strictement parler, une autre personne qui est leur parent ou tuteur? Ils ne vivent peut-être même pas au même endroit, pour diverses raisons, bonnes ou mauvaises.

  (2015)  

    Je voudrais revenir à la question des « représentants autorisés », à la question des droits et recours prévus par la loi et exercés « au nom du mineur qui n'a ni la capacité ni la volonté de les exercer personnellement, par le parent ou le tuteur... » Dans votre exemple, si des jeunes de 17 ans ont obtenu leur autonomie et sont capables de l'assumer, ils peuvent personnellement exercer les droits et recours et le droit fondamental à la vie privée sous l'empire de la loi, sans recourir à un tuteur.
    Je comprends. Pour être clair, ces personnes n'auraient pas à franchir une étape supplémentaire. Ils n'auraient pas à s'adresser aux tribunaux. Ils n'auraient pas à prouver qu'ils sont indépendants. Comment cela pourrait‑il se passer? Un parent ou un tuteur pourrait‑il, lorsque l'âge fixé est dépassé, contester légalement cette décision?
    Le seul moment où cela peut se produire, c'est lorsque l'entité commerciale qui détient les renseignements reçoit une demande ou peut-être même des instructions au sujet du traitement des renseignements personnels et est mise en présence d'instructions contradictoires.
    Imaginons que quelqu'un a... La loi est claire: les mineurs capables d'exercer personnellement leurs droits ont la capacité de donner ces instructions à ceux qui sont en possession de leurs renseignements personnels. Cela ariverait uniquement si l'institution destinataire, l'entité commerciale, n'était pas convaincue de la capacité de ces personnes et cherchait à obtenir des éclaircissements.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Schaan.

[Traduction]

    J'aurai quelques autres questions à poser lorsque nous reprendrons nos travaux. Je vous remercie de vos réponses. Elles sont très utiles, mais il reste quelques éléments à étudier.
    Vous avez répondu à ma question, monsieur Masse. Je pensais que nous pourrions mettre la question aux voix avant de lever la séance, mais si vous avez d'autres questions, nous en reparlerons lundi, à notre retour de la semaine de relâche.

[Français]

    Je remercie les témoins de leur participation à notre étude.
    La séance est levée.
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