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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 040 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 3 mai 2024

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

     Bienvenue à la 40e réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine.
    Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine.
    Comme indiqué dans le communiqué du Président envoyé à tous les députés le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour prévenir les incidents liés à la rétroaction acoustique.
    Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui permet de réduire considérablement la probabilité d'une rétroaction acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires, alors que les anciennes étaient grises. Veuillez n'utiliser que les oreillettes noires homologuées. Par défaut, toutes les oreillettes sont débranchées au début de la séance.
     Lorsque vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la déposer face cachée au milieu de l'autocollant prévu à cet effet sur la table. Par ailleurs, veuillez consulter la brochure sur la table pour prendre connaissance des instructions à suivre afin d'éviter les incidents liés à la rétroaction acoustique.
    L'aménagement de la salle a été modifié dans le but d'augmenter la distance entre les microphones et de réduire le risque de rétroaction des oreillettes ambiantes. Ces mesures ont été mises en place pour que nous puissions mener nos activités sans interruption, et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, et notamment des interprètes. Nous vous remercions de votre coopération à cet égard.
    Avant d'entamer la réunion, je tiens à préciser que nous ne serons présents qu'une heure. Nous avions prévu consacrer la deuxième heure de la séance aux travaux du Comité, mais compte tenu du grand nombre de membres substituts présents au cours de cette session, nous avons finalement décidé de reporter ces travaux à lundi. Lors de la séance du lundi, nous aurons donc amplement le temps de communiquer nos instructions relatives à la rédaction du rapport d'étude, puis de traiter de la suite des travaux du Comité.
     En ce qui concerne les membres substituts présents, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Blaney, qui remplace Mme McPherson; M. Ellis remplace M. Kurek; M. Tolmie remplace M. Chong; M. Cooper remplace Mme Lantsman; M. Longfield remplace M. Erskine-Smith; et M. Naqvi, bien entendu, remplace M. Oliphant.
    Notre réunion se déroulera selon un format hybride, comme c'est le cas depuis un bon moment déjà. Les membres du Comité seront donc présents en personne ou par l'application Zoom.
     Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone. N'oubliez pas d'activer votre micro lorsque vous parlez et de le couper lorsque vous avez terminé.
     Pour ceux qui participent par Zoom, vous avez des options d'interprétation au bas de votre écran, soit le parquet, l'anglais et le français. Les membres présents dans la salle peuvent se servir de l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
     Je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence. Les membres dans la salle qui souhaitent prendre la parole doivent lever la main. Les membres sur Zoom doivent utiliser la fonction « lever la main ». La greffière et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Conformément à la motion adoptée le 26 mars 2024, le Comité va entendre des témoignages concernant les questions révélées dans les documents du laboratoire de Winnipeg.
    J'aimerais maintenant souhaiter la plus cordiale bienvenue à notre témoin d'aujourd'hui, M. Richard Fadden.
    Monsieur Fadden, vous disposez d'au plus cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Allez-y, je vous en prie.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Dans l'espoir qu'elles puissent vous être utiles, j'aimerais faire quelques remarques contextuelles concernant les services de sécurité des ministères en général. Je fais ces remarques en m'appuyant sur mon expertise en matière de sécurité nationale, et sur l'expérience générale que j'ai accumulée en travaillant dans huit ministères au cours de ma carrière au sein de la fonction publique.
    En dehors des principaux ministères et agences de sécurité nationale, et en l'absence d'une crise majeure, la sécurité des ministères ne représente pas une priorité. Les enjeux de sécurité n'attirent pas l'attention des administrateurs généraux, et encore moins celle des ministres.
    Au sein de ces ministères qui ne relèvent pas de la sécurité nationale, ce sont les enjeux liés aux politiques, aux opérations et aux sciences qui retiennent l'attention. L'accent n'est donc pas mis sur les enjeux de sécurité, ni d'ailleurs sur toute autre question liée aux problèmes de l'entreprise, comme les finances. Tant que les employés sont rémunérés, tout le monde est heureux. Les responsables ne consacrent pas beaucoup de temps à se préoccuper des questions de finances, d'approvisionnements, et ainsi de suite.
    Ayant travaillé au sein de deux ministères fédéraux à vocation scientifique, je pense que cela est particulièrement vrai pour la science et la recherche. En réalité, la plupart des chercheurs ne sont pas particulièrement intéressés par les enjeux de sécurité. Je précise tout de suite que je n'attribue aucune mauvaise intention au ministère ni aux scientifiques; il s'agit plutôt d'un manque d'intérêt, de formations insuffisantes, et d'un manque de ressources. Le problème, c'est que ces lacunes peuvent donner lieu à des violations de la sécurité, certaines mineures, d'autres sérieuses.
    En même temps, je pense qu'il est juste de dire que la plupart des unités de sécurité ministérielles ne sont pas équipées pour traiter des questions de sécurité nationale importantes. Si, par exemple, vous travaillez dans une organisation comme le ministère du Patrimoine canadien, vous n'avez pas à vous soucier des enjeux liés à la sécurité nationale, même s'il y a une menace. Les mouvements de personnel sont assez importants. Vous êtes, dans une certaine mesure, comme un agent de police polyvalent au sein d'une ville de taille moyenne. Vous n'avez pas reçu de formation en matière de sécurité nationale, et je pense que cela devient problématique dans le contexte actuel.
    Par ailleurs, je pense que l'environnement général de la sécurité nationale a un impact sur le sérieux avec lequel la sécurité ministérielle peut remplir ses fonctions, et se doter des ressources nécessaires pour le faire. Au Canada, au cours des dernières décennies, je pense qu'il est juste de dire que l'environnement de sécurité nationale n'a pas été constant, en particulier en ce qui concerne la Chine. Si vous êtes un agent de la sécurité ministérielle et que vous vous demandez avec quel sérieux vous devez appliquer les règles, vous trouverez du réconfort dans le fait qu'au plus haut sommet de l'État, personne ne scrute attentivement votre travail, ni ne vous rappelle à l'ordre.
    Malgré tout ce que je viens de dire, je ne désapprouve pas les décisions prises au laboratoire de Winnipeg concernant les deux chercheurs dont il est question. Je voulais plutôt essayer de brosser un tableau qui, à mon avis, s'applique encore aujourd'hui dans la plupart des ministères. Il s'agit d'un problème important en matière de culture et de ressources, et je pense qu'il est révélateur d'une série de problèmes systémiques. J'espère que le Comité pourra aborder les enjeux concernant non seulement les laboratoires, mais aussi les ministères et les agences en général.
    Je vous remercie, monsieur le président.

  (1310)  

    Merci beaucoup, monsieur Fadden.
    Nous allons maintenant passer aux séries de questions. La parole est d'abord à M. Cooper, qui dispose de six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Monsieur Fadden, je vous remercie d'être venus témoigner.
    L'une des choses qui m'ont frappé dans cette violation de la sécurité nationale est le temps qui s'est écoulé entre le moment où des signaux d'alarme ont été émis pour la première fois en août 2018, et le moment où les deux rechercheurs soupçonnés ont été éjectés du laboratoire, le 5 juillet 2019. Cela fait presque un an.
    Pendant cette période, les deux scientifiques soupçonnés ont bénéficié d'un accès illimité au laboratoire, même après la publication d'un rapport d'enquête en mars. Bien qu'incomplet, ce rapport avait pourtant confirmé le fait que ces deux chercheurs avaient, entre autres, transféré du matériel sans autorisation vers la RPC, et qu'il y avait eu de multiples atteintes aux politiques de sécurité et de propriété intellectuelle.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de la question du contexte temporel, et de la façon dont l'Agence de la santé publique du Canada a réagi.
     Merci, monsieur le président.
    Ma principale inquiétude porte sur le délai beaucoup trop long qui a permis à ces deux chercheurs de bénéficier d'un accès complet à des renseignements confidentiels. Je ne pense pas nécessairement que lorsque les signaux d'alarme ont été émis, ils auraient dû être menottés et sortis du bâtiment manu militari, mais la sécurité ministérielle et l'administrateur général auraient pu prendre toute une série de mesures pour restreindre leur accès, contrôler leurs allées et venues, et ainsi de suite.
    Il est devenu de plus en plus clair, et certainement d'après les documents que j'ai lus, que la situation allait en s'aggravant. Les responsables de la sécurité ministérielle auraient donc pu décider de restreindre au fil du temps certaines conditions auxquelles les deux chercheurs devaient se soumettre.
    Ce que je retiens, c'est que ces deux individus suspects ont bénéficié jusqu'à la fin d'un accès général sans entrave. Au minimum, s'ils devaient rester en poste, leurs accès physiques et électroniques auraient dû être limités. Il n'est pas nécessaire de couper complètement l'accès à un individu pour limiter la menace qu'il représente.
     J'ai toujours soutenu qu'après la publication de ce rapport d'enquête, des mesures auraient dû être prises immédiatement pour restreindre les accès des deux chercheurs, a minima. Cela ne veut pas dire qu'il fallait les expulser du laboratoire, mais je dois dire que lorsque le Dr Gilmour était ici et que je lui ai demandé quels étaient les nouvelles preuves et les nouveaux renseignements dont disposait l'ASPC entre la publication de ce rapport et le 5 juillet 2019, il a répondu qu'il n'y avait rien de plus. Très simplement, seriez-vous donc d'accord pour dire qu'à ce moment-là, leur accès aurait dû être restreint?
     Oui, monsieur, je pense que cela aurait dû être le cas.
     Un autre point que je trouve troublant est le fait qu'un certain nombre de chercheurs ont eu accès au laboratoire par l'intermédiaire de la RPC. Deux personnes étaient associées ou employées par des institutions de la RPC dont le SCRS a déterminé qu'elles travaillaient contre les intérêts du Canada, ainsi qu'un scientifique de l'APL dont le mentor est le plus éminent spécialiste de Pékin en matière de bioterrorisme et de biodéfense. Pourriez-vous nous expliquer comment il est possible que des scientifiques ayant ce type de liens avec le régime de Pékin puissent avoir obtenu des autorisations à ce qui est censé être le laboratoire au niveau de sécurité le plus élevé au Canada?

  (1315)  

    Je pense qu'ils avaient une politique de contrôle d'accès très approximative, mais cela rejoint certains des points que j'ai essayé d'aborder dans mes remarques préliminaires. Le responsable de la sécurité du ministère et le directeur général n'étaient pas les seuls concernés. L'ensemble du système, à l'époque, ne prenait pas la Chine au sérieux comme nous le faisons aujourd'hui. Je pense donc qu'il y a beaucoup de responsables à blâmer, depuis le responsable de la sécurité du ministère jusqu'au directeur du laboratoire, en passant par le sous-ministre adjoint, l'administrateur général, et probablement le SCRS et les agences centrales. D'une manière générale, je pense que les deux chercheurs suspectés n'auraient pas dû avoir ce type d'accès. Si ces accès leur ont été accordés, il aurait dû s'agir d'un accès contrôlé. Les chercheurs auraient dû être escortés, ils auraient dû porter un badge, et ils n'auraient pas dû être autorisés à accéder au système de communication électronique.
    Je vous remercie. Nous avons entendu le ministre et d'autres témoins rapportés que 2018 et 2019, c'était une autre époque. Selon moi, c'est vrai dans une certaine mesure, mais ce n'est pas comme si en 2017, 2018 et 2019, le Canada n'avait pas déjà de nombreuses préoccupations concernant les activités de la RPC. À cette époque, la Chine était déjà considérée comme un régime hostile à nos intérêts. N'êtes-vous pas d'accord? J'ai donc du mal à accepter l'idée que la situation était si différente en 2017 ou en 2018.
     Je comprends votre point de vue, mais je pense également que, outre les faits que vous venez d'exposer, il y a cette vaste question de la culture, et je ne pense pas que la culture dans ce laboratoire particulier et dans une grande partie de la fonction publique ait suivi l'évolution des faits tels que nous les comprenons en Chine. Je reconnais qu'il n'y a pas eu de changement radical. Il n'existe pas de baguette magique pour changer les choses, et je pense que si vous travaillez au fin fond d'un ministère ou d'une agence, il faut un certain temps pour s'adapter à certains changements.
    J'aimerais savoir, par exemple, si l'administratrice générale ou son délégué a transmis une note à l'agent de sécurité du ministère, indiquant simplement que le SCRS et toutes les autres agences les avaient prévenus que les temps ont changé. Je n'essaie pas d'excuser ce qui s'est passé, je dis simplement qu'il y a beaucoup de reproches à faire, tant aux responsables politiques qu'aux hauts fonctionnaires.
     Merci beaucoup, monsieur Cooper. Je cède maintenant la parole à M. Naqvi pour six minutes.
     Bonjour, monsieur Fadden. Merci beaucoup d'être ici et d'avoir pris le temps de venir un vendredi après-midi. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires contextuels sur la question de la culture au sein des ministères. Vous travaillez dans le domaine de la sécurité nationale depuis très longtemps et avez été à la fois conseiller du premier ministre et directeur du SCRS. Je me demande si vous pouvez développer les commentaires que vous avez faits sur le type de mesures prises par le SCRS ou le Bureau du Conseil privé, au cours de vos mandats, pour changer cette culture et faire en sorte que les chefs de département et d'autres personnes se préoccupent davantage des questions de sécurité.
     C'est une bonne question, monsieur le président. Pour être honnête, je pense que la situation était très inégale. Je tiens à préciser que je ne vise pas un gouvernement en particulier. Je parle de toute la période pendant laquelle j'ai travaillé. C'était à la fois un gouvernement conservateur et un gouvernement libéral.
    Après les attentats du 11 septembre, par exemple, la sécurité du système a été considérablement renforcée, ce qui a eu un impact sur tout le monde. Toutefois, comme les Canadiens ne se sentent généralement pas menacés, nous sommes lentement mais sûrement revenus au statu quo ante.
     Le BCP, le Conseil du Trésor et le SCRS envoyaient régulièrement des rappels aux agents de sécurité des ministères. Je pense qu'il y avait la tradition d'une réunion et d'une conférence annuelles. Néanmoins, si la fonction publique n'a pas l'impression dans l'ensemble qu'il y a un problème important, il sera très difficile de changer les choses, en particulier au sein des ministères qui ne s'occupent pas de la sécurité nationale.
    Je ne sais pas ce que vous et vos collègues avez conclu sur le statut du laboratoire. Je pense que certains diraient qu'il s'agit d'un établissement de sécurité nationale et qu'il doit être traité comme tel, un point c'est tout. D'autres diront qu'il s'agit d'un laboratoire médical et que tout le monde devrait se ressaisir: « Oui, nous ne voulons pas que tout le monde ait accès à nos renseignements confidentiels, mais nous ne sommes quand même pas une agence de sécurité nationale ». Je pense que l'évolution de l'environnement international a fait qu'il est devenu un environnement de sécurité nationale.
    J'ai déjà dirigé l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avions une part importante de travail à cet endroit. C'était il y a quelques années, mais à l'époque, elle n'était pas considérée comme une institution de sécurité nationale. Pour diverses raisons, le niveau de sécurité était assez élevé, mais c'était à cause du risque que représentait tout le matériel produit.
    Pour revenir à votre question, la situation a été très inégale au fil des ans, les agences centrales s'efforçant de rappeler aux différents ministères de respecter les règles, de les faire appliquer, et de faire avancer les choses.

  (1320)  

    Ce que vous dites est très intéressant. D'autres témoins nous ont dit la même chose, à savoir que le lien entre la science et la sécurité a évolué. La situation est beaucoup plus grave aujourd'hui qu'elle ne l'était peut-être même en 2018‑2019, lorsque cet incident particulier s'est produit.
    Vous hochez la tête. Pouvez-vous nous dire de vive voix si vous êtes d'accord là‑dessus?
    Je suis d'accord.
    Étant avocat, je cherche toujours à consigner ces détails dans le hansard.
    À la lumière de ce constat, estimez-vous que les mesures qui ont été prises à l'époque — et je sais que vous avez fait part de certaines réserves — étaient dans l'ensemble appropriées, et faut‑il mettre en place de bien meilleurs protocoles aujourd'hui, compte tenu de ce que nous savons jusqu'à maintenant?
    Je vais vous donner une réponse en deux volets, si vous me le permettez.
    Je pense que bon nombre des protocoles actuels ne sont pas déraisonnables, mais la qualité d'un protocole ou d'une politique dépend de sa mise en pratique. Ce n'est valable que dans la mesure où c'est appliqué.
    Bon nombre des règles qui étaient en place au laboratoire — et j'avoue que je ne les ai pas toutes lues — n'étaient pas déraisonnables. Les contrôles d'accès, les modalités d'expédition et l'interdiction d'utiliser des appareils informatiques personnels sont tout à fait raisonnables, mais ces règles ne semblent pas avoir été respectées. Je pars du principe qu'il faut prendre des mesures pour s'assurer que les règles en vigueur sont respectées.
    Compte tenu de ce que vous et M. Cooper avez dit au sujet de l'évolution du contexte international, je pense que ces règles devraient toutes être examinées et probablement resserrées.
    En particulier, étant donné l'utilisation actuelle des communications électroniques, il est possible de transmettre des téraoctets d'information en un clin d'œil. On peut transférer, je crois, même physiquement, avec un peu d'effort, des échantillons produits dans des laboratoires.
    Je dirais donc qu'il faut commencer par appliquer les règles que nous avons en place. Examinez‑les attentivement et tenez compte du contexte que vous avez tous deux évoqué.
    Ceci sera ma dernière question.
    Vous avez dit que le contexte international vous a permis d'acquérir de l'expérience.
    Avez-vous remarqué des préoccupations semblables dans des pays comparables au nôtre — peut-être dans ceux du Groupe des cinq — en ce qui concerne la culture et l'évolution du lien entre la science et la sécurité dont nous discutons?
    Oui. Le seul exemple que je connais un peu est celui des États-Unis. Ils ont toujours pris la sécurité plus au sérieux que nous, et peut-être non sans raison.
    Oui, ils ont resserré pratiquement tout ce qui a trait à la sécurité nationale, y compris la science.
    Qu'en est‑il des autres pays, comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France?
    Je ne suis pas au courant. Le seul autre exemple que je proposerais est celui de l'Australie. Je pense qu'il y a eu un resserrement là‑bas aussi.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Naqvi.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron. Vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fadden, je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. Sauf erreur, c'est déjà la deuxième fois que vous comparaissez devant le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine.
    Je retiens deux choses de vos témoignages et de vos réponses jusqu'à présent. D'abord, vous avez parlé du changement de culture, qui ne s'est peut-être pas effectué aussi rapidement qu'on l'aurait souhaité. Ensuite, il s'agit de la ligne du temps, c'est-à-dire du moment où la menace est devenue perceptible et où on aurait dû changer les mécanismes de sécurité et procéder à un changement de culture au sein de l'organisation. À cet égard, il y a un certain nombre d'éléments sur la ligne du temps qui sont intéressants.
    Dans un article du Journal de Montréal paru en janvier dernier, on apprenait que le SCRS, ou Service canadien du renseignement de sécurité, avait publié un rapport en 2010 dans lequel il expliquait ceci: « La croissance du pouvoir économique de la Chine, sa confiance croissante et une nouvelle agressivité dans le recrutement des agents suggèrent qu'elle a les ressources et la volonté d'intensifier de plus en plus ses activités de renseignement. » Alors, dès 2010, le SCRS tirait la sonnette d'alarme.
    Lorsqu'il a comparu devant ce comité, le ministre nous a dit que, jusqu'en 2018, on pensait qu'il était important de collaborer sur le plan scientifique, mais que le monde avait beaucoup changé depuis. Selon vous, monsieur Fadden, le monde a-t-il changé en 2018, ou aurait-on dû percevoir ce changement avant 2018?

  (1325)  

     Je vous remercie de votre question.
    Je dirais que c'est arrivé avant 2018. Cela dit, il faut admettre que les relations avec la Chine sont complexes. En 2010, le gouvernement essayait très raisonnablement d'établir des liens stratégiques, commerciaux et financiers. Dans ce contexte, il était un peu difficile de dire en même temps qu'il fallait augmenter de façon très concrète l'importance accordée à la sécurité. Je dis simplement qu'il y avait un équilibre à trouver, mais c'est arrivé avant 2018.
    Le fait que le SCRS parle du danger que représente la Chine depuis deux décennies est intéressant, mais je ne suis pas certain que ce que le SCRS disait au gouvernement en général était communiqué au laboratoire de Winnipeg. Un des problèmes concernant les renseignements de sécurité, c'est qu'on a tendance à les classifier de telle sorte que leur communication devient difficile et complexe. Je ne sais donc pas dans quelle mesure les ministères n'ayant pas une vocation liée à la sécurité nationale avaient accès aux renseignements du SCRS, mais je dirais sans réserve que ce changement a eu lieu avant 2018.
    Ce que vous nous dites est très intéressant, parce que vous nous avez dit, en réponse à une question, que le laboratoire de virologie de Winnipeg était à l'époque plutôt considéré comme un établissement à vocation sanitaire, mais qu'il devait maintenant être considéré comme une installation de sécurité nationale. Cela nous ramène toujours au moment où le changement aurait dû s'effectuer.
     Je reviens au rapport de 2010 du SCRS, dans lequel on disait que la République populaire de Chine avait recours autant à des agents de ses services de renseignement qu'à des non-professionnels, notamment issus du milieu universitaire et du monde des affaires.
    Vous venez de nous parler d'un élément extrêmement intéressant, à savoir la question de la communication des renseignements du SCRS. On sait que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité doit être modifiée, on l'a vu dans le cadre de l'étude sur les activités d'ingérence de la République populaire de Chine. Est-ce quelque chose qui vous préoccupait déjà, à l'époque où vous étiez directeur du SCRS?
    Oui, absolument. Nous étions très limités. Comme je le maintenais à l'époque et comme je le maintiens toujours, il est possible de se servir d'un rapport du SCRS, en en enlevant les éléments qui pourraient compromettre des sources confidentielles, pour donner aux gens une impression générale des inquiétudes qu'il peut avoir.
     Quand j'étais au SCRS et ailleurs, j'ai constaté qu'il était difficile de traiter de ce genre de chose avec les universitaires et les scientifiques. Ces derniers veulent le plus de détails possible et n'aiment pas se faire dire par le gouvernement comment traiter les choses. Avant qu'ils entrent en fonction, il faut donc trouver une façon de leur faire comprendre qu'ils s'apprêtent à occuper un poste sensible sur le plan de la sécurité nationale et qu'ils doivent prendre ça au sérieux.
    Le fait que le SCRS aurait peut-être de la difficulté à transmettre ces informations au laboratoire de Winnipeg ne change rien au fait que le ministère de la Santé et l'Agence de la santé publique du Canada auraient dû recevoir ces rapports et ces informations et que c'était un peu leur devoir de traduire ces informations dans un langage permettant aux gens du laboratoire de Winnipeg de comprendre l'importance de la situation, qui exigeait peut-être de changer les règles de sécurité et la façon dont elles étaient appliquées.
     Ce que vous nous dites est très intéressant, monsieur…

[Traduction]

    Monsieur Bergeron, je suis désolé. Votre temps est écoulé, mais vous aurez d'autres occasions d'intervenir.

[Français]

     Nous allons y revenir, monsieur Fadden.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de Mme Blaney, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie M. Fadden d'être des nôtres.
    Pendant que vous parliez, je me disais qu'un de vos projets de retraite est sûrement de passer beaucoup de temps en comité avec nous. Je vous remercie des services que vous avez rendus et de ceux que vous continuez de rendre auprès des comités de la Chambre des communes.
    Ce que j'ai trouvé intéressant dans le court témoignage que vous avez présenté aujourd'hui, c'est lorsque vous avez parlé du manque de cohérence en matière de sécurité nationale — vous me corrigerez si je me trompe — et lorsque vous avez dit que, manifestement, dans certaines de ces situations, les gens ne sont pas aussi inquiets qu'ils pourraient l'être. Le problème, bien entendu, c'est l'absence de formation ou de sensibilisation. Il faut vraiment y remédier de façon générale. J'ai trouvé très révélateurs certains des exemples que vous avez donnés en réponse à la question d'un autre député au sujet des gens qui utilisent des renseignements personnels d'une façon qui pourrait être problématique.
    À cet égard, je me demande à quelle fréquence, pendant votre mandat, le SCRS a communiqué avec les ministères et les organismes pour renforcer leur résilience face à ce type de menaces. Le gouvernement fédéral a‑t‑il un processus établi, ou est‑ce que cela se fait de façon ponctuelle? Vous avez parlé d'incohérence, et j'aimerais simplement en savoir plus.

  (1330)  

    Nous pourrions en parler pendant plusieurs heures, car c'est une question complexe.
    Si l'information ou le renseignement provenant du SCRS touche un ministère particulier ou un ensemble de ministères, je pense qu'il y aurait des efforts de sensibilisation, et quelque chose serait fait à cet égard. En ce qui a trait à ce que vous cherchez à savoir, je crois que la question la plus importante concerne l'information plus générale destinée à présenter un changement dans l'environnement. Le SCRS applique une pratique de la distribution. Il y a un protocole pour la distribution de ses documents à usage général à tous les ministères et organismes.
    Je ne sais pas si c'est encore vrai aujourd'hui, mais puisque nous parlons de la Chine, une partie du problème que j'ai constaté, c'était de savoir si on avait une trousse d'information sur l'ingérence chinoise pour l'envoyer aux ministères qui ne sont pas chargés de la sécurité nationale. Le sous-ministre la transmettrait probablement à l'agent de sécurité du ministère et, selon la décision de cette personne, le tout serait distribué plus ou moins largement. Encore une fois, je n'essaie pas de pointer du doigt qui que ce soit. Ce n'est pas mon objectif, mais si les conditions les amènent à penser qu'il ne s'agit pas vraiment d'une menace, l'agent de la sécurité du ministère à Winnipeg qui reçoit cette information examinerait en quelque sorte le contexte en général, remarquerait que personne ne lui a dit de faire quoi que ce soit, puis se demanderait: « Est‑ce que je devrais distribuer cette information à tous les gestionnaires, à tous les cadres ou à tous les scientifiques? Que dois‑je faire à ce sujet? » Je pense que, durant une partie de la période évoquée tout à l'heure, la conclusion aurait été de ne pas distribuer l'information ou, du moins, pas aussi largement.
    Il n'y a rien de magique ni ici ni chez nos alliés, soyons clairs. C'est un problème général. Lorsque vous avez un organisme de renseignement qui part du principe qu'il possède des renseignements de nature délicate, il est impossible d'appuyer sur un bouton et de les distribuer à tout le monde. Il faut produire des résumés. Il faut parler à des gens.
    Plus important encore, comme je l'ai fait valoir, je crois, devant ce comité et d'autres, les Canadiens en général ne se sentent pas menacés. C'est vrai pour de grands pans de la bureaucratie — pas la totalité, mais une grande partie. S'ils ne se sentent pas menacés, ils ne sont souvent pas incités à mettre en pratique les types de rapports dont vous avez parlé. C'est ce qui se passe en période de paix générale, mais pas en situation de crise et d'urgence.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, après le 11 septembre, l'information a certes circulé, mais, vous savez, le laboratoire de Winnipeg — si vous regardez son histoire — n'a pas connu beaucoup de problèmes ou de crises majeures. Par conséquent, on suppose — c'est la nature humaine — qu'on n'a peut-être pas à en faire autant que le ministère de la Défense nationale ou le Centre de la sécurité des télécommunications.
    Je suis désolé; c'est une longue réponse, mais il s'agit d'une question complexe.
    C'est une question complexe, en effet. Je pense que chaque fois que l'on ajoute le facteur humain à l'équation, cela devient toujours une question complexe. J'en conviens. Je vous remercie de votre réponse.
    Vous avez parlé de sensibiliser tout le monde afin que les gens soient plus conscients du contexte à partir duquel prendre des décisions ou même se livrer à des réflexions. Je comprends ce que vous dites, à savoir que s'il n'y a pas cet élément de peur, les gens perdent naturellement cet aspect de vue.
    Je me demande si, de votre point de vue, les ministères et organismes fédéraux sont en mesure de signaler les problèmes au SCRS en temps opportun. Y a‑t‑il des obstacles à ce processus? Cette composante de sensibilisation fait-elle partie du processus?
    Compte tenu du travail que vous avez accompli, avez-vous des conseils à nous donner sur la façon dont nous pouvons maintenir cette sensibilisation sans perpétuer une peur qui n'est pas utile?
    Je sais — en tout cas, lorsque j'étais là — que les ministères ou organismes avaient un agent de liaison avec le SCRS, et s'ils avaient des préoccupations, on les encourageait à les soulever. Je pense que certains l'ont fait. Parfois, il s'agissait d'une préoccupation bien réelle; d'autres fois, ce n'était pas le cas. Une partie du problème que j'ai constaté — et je vous donne simplement un exemple personnel —, c'est que beaucoup de ministères et d'organismes n'aimaient pas déranger le SCRS parce qu'ils ne pensaient pas que c'était assez important, même si c'était parfois le cas. C'est donc une question générale de sensibilisation.
    Je tiens à souligner encore une fois que je ne suis nullement guidé par une logique partisane. Je ne parle pas du gouvernement de M. Trudeau ou de celui de M. Harper. Je parle seulement des gouvernements. Tant que le premier ministre et les ministres de premier plan ne signalent pas clairement que tel ou tel pays ou enjeu constitue un problème, permettant ainsi aux sous-ministres de diffuser l'information au sein de leurs ministères, il est très difficile d'amener des gens de rang intermédiaire et subalterne à accepter tout à coup l'existence d'un problème. Je ne dis pas cela parce que je pense que les gens sont stupides ou mal intentionnés, mais n'importe quelle organisation de très grande taille met un certain temps à s'adapter à ces changements. Comme je le disais il y a un instant en réponse à une question, pendant longtemps, le gouvernement de M. Harper et celui de M. Trudeau ont tous deux essayé d'établir de meilleures relations avec la Chine, alors que le SCRS s'inquiétait de ce que celle‑ci faisait en catimini. Je pense que les deux gouvernements, celui de M. Harper et celui de M. Trudeau, ont changé d'avis au fil du temps, ce qui, selon moi, est une très bonne chose, comme en témoignent les sondages réalisés au pays.
    Cependant, si nous voulons que tous les fonctionnaires au gouvernement, ou du moins ceux qui travaillent dans les ministères liés à la sécurité nationale, prennent cette question plus au sérieux, il faut un effort pangouvernemental, et pas seulement la participation... J'avais l'habitude de dire à la blague: « Je viens vous parler, monsieur le sous-ministre. Je ne suis pas un obsédé de la sécurité. Je vous dis qu'il y a un problème, et je vais vous expliquer pourquoi. » Si ce ne sont que les « obsédés de la sécurité » qui disent qu'il y a un problème, quelque chose ne tourne pas rond. Il faut que les sous-ministres, les ministres et d'autres s'entendent. Je ne crois pas que cela doive se faire de cette façon, parce que je pense qu'il y a un risque réel... Nous n'avons rien contre la civilisation chinoise, la Chine ou le peuple chinois, alors il faut trouver un équilibre. Je ne pense pas que ce soit facile, mais j'estime qu'il faut quand même poursuivre le changement culturel dont nous avons parlé il y a un instant.

  (1335)  

    Merci, monsieur Fadden.
    Nous passons maintenant à M. Ellis, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Fadden, de votre présence. Je m'excuse de ne pas être là en personne.
    J'ai une question qui va dans le même sens. Lorsque M. Gilmour a témoigné devant le Comité, il a parlé de la coopération avec le G7+1, qui, à son avis, comprend le Mexique. Est‑ce le type de coopération que nous devons envisager à l'avenir dans un environnement axé sur la science, ou est‑ce plus complexe que cela?
    Il n'y a rien de mal avec le G7, mais je pense que si nous voulons mettre en commun les préoccupations liées au développement de la science et de l'innovation, d'une part, et à la sécurité, d'autre part, je commencerais par l'OTAN, qui est un groupe de personnes assez largement défini. Nous oublions parfois que l'OTAN n'est pas seulement une alliance militaire. L'OTAN fait toutes sortes de choses, et elle possède notamment une expertise en sciences et en technologie. Il n'y a rien de mal avec le G7+1, mais nous avons aussi un problème quant à la façon dont nous protégeons notre propre crédibilité relativement à bon nombre de ces enjeux. Je dirais que le meilleur endroit où commencer serait l'OTAN, qui couvre la majeure partie de l'Europe, ainsi que des membres associés comme le Japon et l'Australie.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous avons beaucoup entendu parler du Programme des mille talents ou d'autres programmes de talents pilotés par des acteurs étatiques. Ce que nous avons entendu, c'est qu'il semble acceptable que des scientifiques s'inscrivent à de tels programmes à condition qu'ils en informent leurs supérieurs et que, bien sûr, leurs supérieurs leur en donnent l'autorisation. Ma question est la suivante: cela vous semble‑t‑il approprié? Nous espérons que ces scientifiques seront honnêtes et qu'ils diront d'eux-mêmes qu'ils participent à tel ou tel programme de talents. À mon avis, les acteurs malveillants ne divulgueraient jamais cette information. Alors, comment résoudre cette quadrature du cercle, pour ainsi dire?
    J'aurais tendance à dire qu'à l'heure actuelle, les risques sont si grands que la participation à ces programmes n'est pas une bonne chose. Je fais parfois un parallèle entre ce que la sécurité essaie de faire et ce que les médecins essaient de faire. Il y a la médecine curative et la médecine préventive. La médecine curative est employée quand il y a un très gros problème et qu'il faut y aller avec un gros maillet, mais beaucoup de choses sont préventives. Je pense qu'étant donné le niveau de menace auquel nous sommes confrontés aujourd'hui de la part de la Chine et d'un certain nombre d'autres pays et qu'en dépit du coût pour la science — et il y en a un —, les scientifiques ne devraient pas être autorisés à participer à ces programmes de talents, avec ou sans l'aval de leurs supérieurs. Si les relations entre nous et d'autres pays ou adversaires s'amélioraient, je pense que nous pourrions réexaminer le programme. Sauf qu'entretemps, nous ne pouvons pas, d'une part, dire que la Chine est un adversaire stratégique et, d'autre part, dire aux scientifiques: « Eh bien, tant que vous signalez à votre patron que vous parlez avec eux, vous pouvez communiquer pratiquement n'importe quoi. » Le problème, c'est qu'en science, on ne peut pas communiquer partiellement — on m'a dit que cela ne fonctionnait pas. Par souci de clarté, sachez que je ne suis pas un scientifique.

  (1340)  

    Merci, monsieur.
    Monsieur Fadden, nous savons que dans ce cas, malgré une enquête qui, au 31 mars 2019, durait depuis environ 10 mois à l'insistance, peut-être — c'est un mot fort —, du Dr Gilmour du SCRS, un envoi demandé par l'un de ces scientifiques impliquant l'henipavirus et le virus Ebola a quand même trouvé son chemin jusqu'à l'Institut de virologie de Wuhan. Il est bien sûr plus facile de prendre des décisions avec le recul, mais était‑ce une décision appropriée, et pensez-vous que cela aurait dû être arrêté?
    Je ne connais pas toutes les règles qui s'appliquaient, mais dans la mesure où j'ai parcouru une grande partie des documents que votre comité a examinés, je pense qu'il y en avait une qui interdisait cela et que cela n'aurait pas dû se produire. À mon avis, ce n'est pas seulement une question de recul. Si l'envoi a été examiné à l'époque — à qui il était destiné, comment s'est fait la transmission, l'autorisation obtenue pour procéder —, je pense qu'ils ont enfreint une règle. Donc non, si j'ai bien compris la règle, je ne pense pas que cela aurait dû se produire.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Je ne veux pas que cela devienne une chasse aux sorcières, mais le ministre de la Santé nous a dit que personne d'autre ne devrait être tenu responsable. Je ne vous demande pas de citer des noms, mais selon moi, il y a une plus grande part de responsabilité qui devrait être assumée ici. Je soutiens que nous devrions pousser l'enquête un peu plus loin. Cela vous semble‑t‑il être la chose à faire?
    Oui, et je ne pense pas non plus qu'il soit important de « nommer des noms » à un moment donné.
    Comme j'ai essayé de le dire au début, j'estime que c'est le système dans son ensemble, du sommet à la base, qui n'a pas pris cela aussi sérieusement qu'il l'aurait fallu. Je pense que l'on peut dire que certaines personnes au sein de ce système auraient pu être un peu plus diligentes dans l'application des règles, mais je crois qu'il s'agit de l'un de ces cas dans lesquels une grande partie de la responsabilité peut être partagée. Je sais que de nombreux parlementaires sont déconcertés lorsqu'on n'arrive pas à identifier quelqu'un de la fonction publique à blâmer pour quelque chose qui a été de travers, mais dans ce cas, je pense vraiment que c'est l'agent de sécurité du ministère et tous ceux qui étaient au‑dessus de lui qui sont en cause. Tous travaillaient dans un environnement où, s'ils avaient pensé différemment, le résultat aurait été différent.
    Du reste, de nombreuses protections étaient prévues par notre système — le système de relations professionnelles, la charte et autres — et tous ces éléments ont ralenti le processus auquel votre collègue M. Cooper a fait référence. Je ne dis pas que c'est une bonne chose, mais ces protections existent, et dans la mesure où nous voudrions les appliquer tout le temps, elles ont effectivement une incidence.
    Merci beaucoup, docteur Ellis.
     Nous allons maintenant donner la parole à M. Fragiskatos, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Fadden, de votre présence.
     Lors de votre déclaration liminaire, pendant que vous répondiez à cette dernière question et, en fait, tout au long de votre témoignage, pour être honnête, j'ai pensé à cette célèbre citation du non moins célèbre consultant en gestion, Peter Drucker, selon laquelle « la culture mange de la stratégie au petit déjeuner », ce qui se vérifie tous les jours et à tout coup.
    Une fois que ce comité aura terminé son étude, il rédigera un rapport. Nous formulerons des recommandations sur la base des témoignages. Tout d'abord, avez-vous une ou deux grandes recommandations à faire concernant la question particulière du laboratoire de Winnipeg? À cet égard, avez-vous des conseils sur la façon dont les recommandations du Comité — qui seront examinées principalement par l'appareil bureaucratique — pourraient être mises en place afin d'inciter, d'appuyer et de permettre le changement de culture qui est si manifestement nécessaire?
    Je ne vais probablement pas m'attirer les faveurs de certains de mes anciens collègues en répondant à cela. Cependant, pour une question comme celle‑ci qui concerne l'ensemble du gouvernement et dont la responsabilité de la mise en oeuvre est répartie dans tout le gouvernement, la seule façon d'obtenir un changement, à mon avis et d'après mon expérience, c'est de reconnaître que cela prendra un certain temps et de faire en sorte que le système — le greffier et le premier ministre — dise « ces deux sous-ministres sont chargés de veiller à ce que tout cela soit mis en œuvre dans l'ensemble du système ». Il s'agit en quelque sorte de créer une équipe de tigres de très haut niveau qui devra assumer la responsabilité de la façon dont les choses se passent. Si vous le souhaitez, vous pouvez faire en sorte que cela apparaisse dans leur évaluation annuelle.
    En l'absence d'une telle mesure qui donne les moyens à quelqu'un de très haut placé de continuer à faire avancer les choses au fil du temps, il sera très difficile d'imprimer un changement. Une autre grande difficulté, c'est que nous pourrions avoir une autre crise d'envergure de quelque nature que ce soit dans six mois environ, ce qui viendra reléguer tout cela au second plan.
    Par conséquent, mon conseil serait de formuler une déclaration explicite au nom du plus haut échelon de l'appareil gouvernemental, puis de demander au gouvernement de dire au greffier et au Secrétariat du Conseil du Trésor: « Nous voulons que cela soit mis en œuvre, nous voulons un rapport tous les six mois ou tous les ans, et nous voulons connaître les noms de deux sous-ministres ou dirigeants d'organisme qui seront personnellement chargés, par l'intermédiaire d'un comité ou autre, de veiller à ce que cela se fasse. »
    Toutefois, malgré toutes ces mesures, comme votre question le laisse entendre, un changement de culture est très difficile à réaliser. Je pense qu'il y a probablement deux, trois ou quatre ministères qui ne font pas partie du domaine central de la sécurité nationale et qui requièrent une attention particulière. Je pense qu'il serait utile que votre comité cerne ces ministères et s'efforce, une fois encore, de resserrer les choses avec une précision quasi chirurgicale.

  (1345)  

    Monsieur le président, je pose la question parce qu'il n'y a pas que le Canada qui est concerné. C'est un problème qui se pose dans toutes les démocraties. Des recommandations sont formulées. On s'engage à les mettre en œuvre et à en assurer le suivi. Cependant, la culture semble si souvent faire obstacle à l'émergence d'un changement durable.
     Je vais m'en tenir à cette question de la culture pendant la minute et demie qu'il me reste.
     Vous avez dit que la culture doit rattraper les faits, nommément en ce qui concerne l'évolution des relations Canada-Chine, la nature du régime chinois sous la direction actuelle et ce que ces faits signifient pour notre sécurité nationale.
    Comment la culture peut-elle rattraper les faits dans des endroits comme le laboratoire de Winnipeg, que certains pourraient considérer comme une installation médicale plus qu'autre chose? Je pense qu'à l'instar d'autres membres du Comité, vous avez présenté un argument convaincant selon lequel ce laboratoire devrait être considéré comme un site névralgique pour la sécurité nationale, d'abord et avant tout.
    Je pense que le fait de l'énoncer clairement... L'adoption d'un règlement stipulant qu'il s'agit d'un immeuble névralgique pour la sécurité nationale serait un bon point de départ.
    Je pense que pour que cela se produise, nous devrons accepter qu'il y ait beaucoup de mécontents. Les scientifiques, en particulier, n'aiment pas vraiment s'occuper de ce genre de questions. Cela signifie que non seulement les hauts fonctionnaires, mais aussi les ministres devront accepter d'être critiqués pour avoir moins mis l'accent sur la science, la technologie, etc.
     L'autre point sur lequel je voudrais insister — et je crois savoir que le ministre de la Sécurité publique se penche sur la question —, c'est que nous devons trouver un moyen d'élargir l'accès aux renseignements classifiés. Ce que je veux dire, c'est que l'on peut croire certaines choses sur parole. Je pense que nous le faisons tous. Toutefois, si vous affirmez que les Chinois s'intéressent beaucoup aux établissements scientifiques, il existe des moyens d'articuler et de présenter ces exemples — non seulement au Canada, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Australie et aux États-Unis — afin de montrer clairement que ce ne sont pas seulement des gens qui s'inquiètent de cette question dans l'abstrait. Je crois que, dans le cadre de cet effort visant à changer la culture, nous devons trouver un moyen, sinon de déclassifier, du moins d'abaisser la classification d'un grand nombre de ces rapports de renseignements.
    Nous ne sommes pas dans la Roumanie de Ceausescu. Nous devons convaincre les gens. Nous ne les convaincrons pas sans étoffer l'offre de renseignements auxquels ils ont accès.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos.
    Nous allons maintenant passer à M. Bergeron pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     Monsieur Fadden, je vous remercie à nouveau de votre témoignage.
     Vous avez soulevé quelque chose d'intéressant tout à l'heure. Comme membre du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, je sais pertinemment qu'il est possible de faire en sorte que des renseignements classifiés soient reformulés afin d'être accessibles au public. Nous le faisons régulièrement dans nos rapports, avec le concours de la communauté du renseignement.
     Cependant, ça implique également un changement de culture. On l'a vu dans la réaction du gouvernement, qui s'est refermé comme une huître lorsque le temps est venu de partager les documents concernant le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg. Cette culture de transparence, qui permet d'alerter le public sans nécessairement partager le détail du renseignement, est donc encore à mettre en place, je le crains.
     En 2021, lorsque vous avez comparu devant ce comité, vous évaluiez le niveau de menace de la Chine à environ 8 sur 10. À l'époque où vous étiez directeur du SCRS, à combien évaluiez-vous le risque que représentait la Chine?

  (1350)  

    Je l'évaluais probablement à quelque chose comme 5 ou 6, peut-être 6 sur 10.
    À l'époque, on essayait toujours de trouver une façon de dialoguer avec la Chine. Je pense que le grand changement qui a eu lieu en Chine au cours des deux ou trois dernières années a été l'arrivée au pouvoir de M. Xi. Ce président a vraiment adopté une attitude très proactive et négative vis-à-vis de l'Occident, et c'est là où je pense que la situation a vraiment changé.
     Selon vous, est-ce que ce changement avait commencé avant, ou est-ce vraiment l'arrivée de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois qui l'a déclenché?
    Ce changement avait commencé avant, mais je pense que c'est M. Xi qui l'a cristallisé.
    C'est lui qui a vraiment, de façon concrète, rassemblé tous les éléments pour en faire une politique nationale. Mais ça existait certainement avant son arrivée au pouvoir.
     Toujours en 2021, vous attiriez notre attention sur le besoin de se préoccuper des fonctions que les gens occupent. Vous nous disiez que quelqu'un qui s'occupe de questions consulaires dans une ambassade ne présente pas de problème, mais que c'est lorsque cette personne s'occupe de toutes sortes d'autres choses que ça peut devenir un problème. Conséquemment, seriez-vous favorable à la création d'un registre des agents étrangers, comme l'Australie l'a fait?
     Absolument. Par contre, il y a des éléments qu'on doit étudier un peu. Ce n'est certainement pas une solution miracle, mais c'est un autre outil que le gouvernement et le Service canadien du renseignement de sécurité, entre autres, pourraient utiliser pour essayer de contrôler l'ingérence étrangère de la Chine et d'autres pays.
    Il existe déjà des moyens de traiter avec les diplomates et les gens des services consulaires, mais il n'y a aucune façon d'identifier les gens qui agissent comme agents de la Chine et d'autres pays. À mon avis, pour aller au-delà de votre question, on devrait même songer à faire de l'ingérence étrangère une activité criminelle. Un des problèmes actuels de la Gendarmerie royale du Canada, c'est que, pour pouvoir agir, elle doit trouver un autre crime qui serait rattaché à l'ingérence.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Bergeron.
    Nous passons maintenant à Mme Blaney pour deux minutes et demie.
    Merci encore, monsieur le président.
    Ma prochaine question est la suivante. De façon générale, dans l'ensemble du gouvernement fédéral — une autre question y a fait allusion —, y a‑t‑il d'autres institutions clés qui risquent d'être la cible d'actes d'ingérence de la part de la Chine et dont nous devrions être conscients?
    Je pense qu'il est juste de dire que l'approche de la Chine en matière d'acquisition de renseignements et d'ingérence couvre tout. Elle s'intéresse aux domaines gouvernementaux et stratégiques, aux infrastructures névralgiques, à la technologie et à l'information. Cela couvre pratiquement tout, à l'exception de mon pauvre exemple de Patrimoine Canada, qui, je crois, ne suscite pas un grand intérêt. Il s'agit de tout ce qui est légèrement technologique et de tout ce qui concerne la recherche et le développement impliquant des personnes susceptibles d'avoir ou d'acquérir de l'influence auprès des ministres et du Parlement.
    Je n'ai pas vraiment de liste en tête, mais beaucoup de ceux‑là sont des organismes. Par exemple, je pense que le ministère de l'Innovation, de la Science et du Développement économique est probablement sous-estimé en tant que source d'intérêt pour les Chinois. Cela s'explique par la grande influence qu'il exerce sur l'octroi de subventions et de contributions et sur la promotion de certains secteurs de notre économie. Il s'agit de tout ce qui a trait à la science, à la technologie et au développement, ainsi qu'aux personnes susceptibles d'avoir de l'influence.
    Je dirais que cela couvre une très grande partie de ce qui les intéresse. Le degré d'intérêt peut varier, mais je pense que l'intérêt est là.
    Je vous remercie. Je pense que cela nous ramène à la question de la sensibilisation et de la recherche de moyens pour faire les liens qui s'imposent afin de cerner ces questions et de garder ces communications ouvertes.
    En dehors du gouvernement fédéral... C'est un exemple parfait. Pensez-vous que le gouvernement fédéral travaille suffisamment pour renforcer la résilience des principaux établissements universitaires? Alors que la recherche se développe dans de nombreux établissements à travers le pays, comment nous préparons-nous à assurer une certaine sécurité?
    La réponse courte est non, je ne pense pas que nous en fassions assez. J'élargirais ma réponse pour inclure non seulement les universités, mais aussi les provinces. Je ne vois pas comment nous pouvons avoir une sécurité nationale efficace si nous laissons de côté les provinces, le secteur privé et la société civile, car nos adversaires s'intéressent aussi à tous ces éléments.
    Le gouvernement actuel, je crois, envisage d'élargir la capacité qu'a la fonction publique d'échanger des renseignements avec les universités, les provinces, etc. On ne peut pas s'attendre à ce que tout ce beau monde collabore et comprenne le problème si nous ne sommes pas prêts à leur faire part de certains renseignements.
     Je ne suggère pas que tous les cadres du gouvernement du Manitoba devraient avoir une cote de sécurité de niveau très secret, mais si nous ne sommes pas prêts à étoffer un peu les renseignements que nous communiquons pour le moment... Je siège à quelques conseils d'administration. L'une des plaintes qu'ils formulent à l'égard du gouvernement fédéral concerne la cybernétique. Ils disent que le gouvernement leur parle des cybermenaces, mais d'une façon très générale, ce qui ne les aide pas beaucoup.
     Si nous voulons que les universités, la société civile et l'économie jouent un rôle dans la promotion de notre sécurité nationale, nous devons trouver un moyen — et je dis bien « nous » en tant que pays — de fournir plus de renseignements concrets et réels aux parties concernées.

  (1355)  

    Merci, madame Blaney.
    Monsieur Fadden, avez-vous une heure limite? Croyez-vous que nous pouvons vous demander de rester jusqu'à 14 h 5 ou 14 h 10?
    Oui, je peux rester un peu plus longtemps, monsieur le président.
    Formidable.
    Cela nous permettra de faire un autre tour complet. Nous ferons cinq minutes, cinq minutes, deux minutes et demie et deux minutes et demie. Est‑ce que cela vous va?
    Des députés: Oui.
    Le président: Parfait.
    Monsieur Kmiec, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    L'un des grands avantages d'être le dernier à prendre la parole, c'est de pouvoir écouter les questions des autres. Maintenant, après avoir entendu l'ensemble des témoignages, je regrette de ne pas avoir été là en personne pour vous poser ces questions et en faire le suivi avec vous à huis clos.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la culture qui règne à l'Agence de la santé publique du Canada. D'autres membres ont soulevé à plusieurs reprises le fait qu'il existe une sorte de culture de complaisance dans certains organismes non liés à la sécurité en ce qui concerne l'ingérence étrangère et les campagnes étrangères menées par d'autres gouvernements pour obtenir des données et de l'information.
    Le sentiment que j'éprouve après avoir entendu tous les témoignages livrés jusqu'ici, en particulier ceux des fonctionnaires et du ministre de la Santé lorsqu'il s'est présenté devant le Comité, va dans deux directions. D'abord, il y a la parade de Leslie Nielsen: « La maison est en feu, mais il n'y a rien à voir, tout va bien ». C'est un mème qui existe en ligne. L'autre aspect, lorsque j'ai écouté certains fonctionnaires, les agents de sécurité du ministère et les hauts fonctionnaires, comme vous l'avez souligné, correspond essentiellement à ce mot de Sir Humphrey Appleby: « De nombreuses leçons ont été tirées et nous ne serons pas aussi lamentables la prochaine fois. »
    Comment une culture peut-elle changer si personne n'est tenu pour responsable? Je ne parle pas nécessairement de licenciements, mais de rétrogradations et de personnes qui devraient être montrées du doigt très ouvertement et tenues pour responsables du non-respect des règles ou du laxisme sur le lieu de travail. Comment la culture peut-elle changer si personne n'est tenu pour responsable? C'est la question que je vous pose.
    Je crois que c'est une excellente question, monsieur le président. Je pense que le changement de culture nécessitera beaucoup plus que cela, mais je comprends votre point de vue.
    L'un des problèmes qui se posent au pays quand on veut tenir quelqu'un responsable, c'est qu'on ne peut pas en parler publiquement. La Loi sur la protection des renseignements personnels est extrêmement stricte, et pour de bonnes raisons. Si on est capable d'identifier, au cours d'une période donnée, des titulaires de poste qui auraient pu mieux s'acquitter de leurs responsabilités, c'est une façon d'intervenir. Cependant, accuser quelqu'un d'avoir fait quelque chose de mal dans un laboratoire sans qu'il soit possible de mener une véritable enquête, d'interjeter appel et de faire autre chose, c'est très, très difficile.
    Je crois vraiment que dans le cas présent, il y a tant de gens qui ont joué un rôle dans ce dossier et qui n'ont pas fait ce qu'ils auraient pu faire qu'il sera difficile d'identifier les coupables.
    Néanmoins, je pense que c'est quelque chose que la fonction publique, éventuellement avec les ministres, devrait examiner pour déterminer s'il devrait être possible ou non de se faire comprendre publiquement sans détruire la réputation de quelqu'un. Vous savez, c'est un problème depuis que je suis fonctionnaire. De nombreux politiciens m'ont indiqué qu'ils n'en revenaient pas qu'aucun fonctionnaire n'a jamais été tenu responsable. J'ai parlé à des gens du secteur privé. Vous savez ce qu'ils font quand quelqu'un fait vraiment quelque chose de mal? Ils leur remettent un très gros chèque et ils s'en vont. Personne n'en parle jamais. J'exagère, mais il y a du vrai là‑dedans.
    Comme on ne peut pas le faire dans la fonction publique, on déplace ou réprimande les gens, ou s'ils sont cadres, on réduit leur paie ou prend d'autres mesures. Cependant, si on n'est pas prêts à en parler, du moins dans une certaine mesure — et je limiterai cette mesure publiquement —, cela ne fonctionnera pas, parce qu'il faut faire un exemple. Si les gens ne savent pas qu'il y aura des conséquences négatives, vous avez raison de dire qu'il sera très difficile de changer la culture. Je préférerais toutefois, dans la mesure du possible, utiliser la carotte pour changer la culture, car comme je l'ai dit, nous avons affaire à des gens fort intelligents et très instruits, et si nous ne les mobilisons pas, la tâche s'annonce difficile.

  (1400)  

    Lorsqu'il a été question des genres de recommandations que nous pourrions formuler, on a évoqué la formation d'un comité composé de fonctionnaires de toutes les sphères du gouvernement, et proposé de choisir deux sous-ministres pour en assurer la surveillance.
    Ma question à cet égard est donc la suivante: comment pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Quels seraient les mécanismes de reddition de comptes pour veiller à ce que si pareil problème se représente — c'est le gouvernement, après tout, alors je m'attends à ce que les futurs parlementaires aient le même débat exaspérant autour de cette table à un moment donné —, nous puissions tenir les fonctionnaires responsables? Si nous découvrons que cela s'est produit ailleurs au gouvernement, que feraient ces sous-ministres? Comment ce comité fonctionnerait‑il? Quel serait le mécanisme de reddition de comptes?
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Dans un premier temps, je dirais que je pense que ces deux sous-ministres devraient assurer la mise en œuvre des recommandations du Comité que le gouvernement a acceptées. Autrement dit, je crois comprendre que vous présenterez un rapport au Parlement, et le gouvernement devra ensuite décider s'il l'accepte ou non et quels éléments il accepte.
    Je dirais alors que, peu importe ce que le gouvernement décidera, il indiquera clairement à la fonction publique, au greffier et au Conseil du Trésor qu'il veut que ces mesures soient prises dans un délai donné.
    D'après mon expérience, si vous dites simplement à tous les sous-ministres d'agir, cela ne fonctionne pas toujours de façon égale. Il faut donc nommer un champion de la mise en œuvre. Ce peut être un sous-secrétaire du Bureau du Conseil privé — j'ignore de qui il s'agirait —, à qui on indiquerait très clairement qu'il doit établir un échéancier pour la mise en œuvre de toutes les recommandations. Il devra faire rapport à un comité du Cabinet et peut-être à un comité du Parlement. En procédant ainsi, il devient plus facile de savoir ce qui se passe.
    Vous pouvez insister pour que le Conseil du Trésor exige la tenue d'audits. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait un problème avant de le faire. Une de vos collègues a posé une question pour savoir quels ministères et organismes devraient nous préoccuper sur le plan de la sécurité. Pourquoi le Conseil du Trésor n'effectue‑t‑il pas trois audits par année simplement pour voir ce que font les bureaux de la sécurité au sein des ministères? Ce n'est pas punitif, mais préventif.
    Si ces bureaux détectent des problèmes, il est possible de demander au sous-ministre d'intervenir. Je ne m'étonnerais pas que la vérificatrice générale fasse également quelque chose de semblable à un moment donné.
    Merci beaucoup.
    Nous accordons maintenant la parole à Mme Lalonde pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Fadden. Je vous remercie de votre présence et des services que vous rendez au Canada.
    Vous avez notamment parlé de la culture, de l'évolution et aussi de l'accès économique au fil des ans par le gouvernement afin de faire avancer les possibilités et la relation avec la Chine. En vous fondant sur votre ancien rôle, j'aimerais que vous nous parliez un peu du rôle que joue le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, dans la protection de la recherche et du renseignement au Canada.
    Fondamentalement, le SCRS est un organisme qui recueille de l'information. C'est quelque chose que nous avons tendance à oublier. Nous pensons parfois que comme James Bond, les agents interviennent et redressent les torts. Or, fondamentalement, il s'agit d'un organisme de collecte d'information.
    Il recueille l'information, l'analyse et la distribue. À mon avis, je ne pense pas que nous ayons fait de l'assez bon travail pour vulgariser l'information et la présenter dans une langue que les gens comprennent, et je dirais que c'était pareil quand j'étais là.
    Le rôle principal du SCRS consiste à informer le gouvernement des problèmes qui surgissent. Il n'a ni pouvoir exécutif ni pouvoir de contrainte. Tout ce qu'il peut faire, au besoin, c'est taper un peu du poing sur la table et demander aux gens de prendre son point de vue au sérieux.
    Si vous voulez vous concentrer sur le SCRS et son rôle de protection, il importe de comprendre que son rôle consiste à informer et parfois à inciter, mais il ne va pas beaucoup plus loin que cela. C'est donc aux ministères et aux organismes qu'il incombe vraiment de trouver les éléments de renseignement qui nécessitent une intervention, selon eux.
    Merci beaucoup.
    Nous n'avons pas beaucoup parlé de la question, alors j'aimerais que vous nous parliez brièvement de la façon dont le gouvernement peut protéger les établissements de recherche du Canada contre les menaces d'acteurs hostiles étrangers qui recourent à l'intelligence artificielle et aux cyberattaques. J'aimerais en savoir plus et même recevoir une recommandation qui pourrait contenir certaines de vos réflexions à cet égard.

  (1405)  

    Je reviendrai un peu sur ce que j'ai dit plus tôt. Si vous voulez protéger la recherche et le développement dans le secteur privé, l'adoption de lois ou de règlements ne changera pas grand-chose. Il faut convaincre les gens qu'il existe un risque réel.
    La seule façon d'y arriver, c'est d'échanger des renseignements avec eux et, dans une certaine mesure, de les mobiliser.
    Je sais que le Centre de la sécurité des télécommunications déploie des efforts considérables pour tenter d'expliquer aux entreprises et à d'autres acteurs les dangers des cyberattaques, mais en comparaison de ce qui se fait aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, nous sommes encore très réticents quant aux renseignements que nous communiquons au secteur privé.
    Bien sûr, changez les règles s'il le faut. Exigez le signalement des cyberattaques et la prise de mesures de base, mais aucune grande entreprise ne modifiera substantiellement ses modes d'investissement, par exemple, si elle n'est pas convaincue que sa R‑D ou sa propriété intellectuelle risque réellement d'être volée.
    Nous devons trouver un moyen de les faire participer davantage que nous ne le faisons actuellement.
    Je me répète, et je m'en excuse, mais dans notre pays, nous ne communiquons tout simplement pas assez d'information au secteur privé.
    L'un de mes maîtres politiques m'a déjà dit, alors que nous parlions de la communication d'information, qu'il fallait assurer la sécurité nationale et pas juste en parler.
     Un député: Je suis juste dans ma chambre. Nous avons environ...
     M. Richard Fadden: Certains segments de la communauté pensent encore ainsi.
    Je ne sais pas trop ce que c'était. Était‑ce une cyberattaque?
     Des députés: Ha, ha!
    Je pense que c'est le microphone d'un député qui est activé. Cela arrive parfois, et je m'en excuse.
    Je suis secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale. Comme vous le savez, tout est classifié et exige un haut niveau de sécurité, surtout quand on parle de l'industrie. Quelqu'un a fait remarquer qu'ici, au Canada, dans une grande partie de l'industrie — peut-être dans le domaine de la défense, mais aussi de façon plus générale, d'après ce que je comprends de vos propos —, les gens n'ont pas l'autorisation de sécurité nécessaire. Nous nous empêchons nous-mêmes de parler à ces personnes pour trouver une solution.
    Recommanderiez-vous que certaines industries obtiennent une autorisation de sécurité plus élevée, ou est‑ce le contraire? Devrions-nous modifier légèrement notre système pour permettre l'échange d'information?
    En dernière analyse, monsieur le président, le gouvernement devrait modifier ses règles pour permettre aux acteurs du secteur privé d'obtenir une autorisation de sécurité, puis imposer certaines conditions à ceux qui reçoivent des autorisations de sécurité spécialisées.
    Je tiens à souligner que, de mon point de vue en tout cas, cela ne signifie pas que chaque gestionnaire dans chaque industrie de la défense obtiendrait une autorisation de sécurité. Cela signifie que même les personnes clés qui s'occupent de problèmes immédiats avec le ministère de la Défense ne recevraient probablement pas l'autorisation de sécurité de niveau très secret. On en fait énormément avec une autorisation de sécurité de niveau secret. Il faudrait modifier les règles pour permettre aux gens d'obtenir l'autorisation de sécurité, puis leur imposer des conditions quant à la façon dont ils traitent les renseignements une fois l'autorisation obtenue.
    Je vous remercie, madame Lalonde.
    Merci.
    Monsieur Bergeron, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Fadden, en 2021, vous nous avez également dit ceci:

[…] les autorités chinoises sont absolument déterminées à atteindre leurs objectifs, quoi qu'on en pense. Ce qui m'inquiète en particulier, c'est qu'elles sont prêtes à utiliser presque n'importe quelle méthode pour y arriver, chose que l'on ne peut pas faire ici, au Canada, ni en Occident en général.
    Vous avez ensuite ajouté ce qui suit:

[…] l'un des défis auxquels nous faisons face au Canada, c'est celui de comprendre ce que nous allons faire si nous acceptons l'idée que des pays comme la Chine présentent un risque.
    Avez-vous le sentiment, trois ans plus tard, que nous avons compris que des pays comme la Chine présentent un risque? Le cas échéant, croyez-vous que nous avons commencé à mettre en place les outils qui nous permettront de nous prémunir contre ce risque?
     Je pense que des progrès ont été faits et que c'est en partie en raison des difficultés que le Canada a connues avec la Chine à cause de la détention de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Les sondages qui couvrent la période suivant celle des deux Michael indiquent que l'attitude des Canadiens envers la Chine est beaucoup plus négative qu'elle ne l'était. Nous avons commencé à ne plus la voir comme un pays qui n'est d'aucune façon un adversaire, ce qui représente un progrès. Cependant, en sommes-nous au point où la majorité des Canadiens acceptent le fait que la Chine est vraiment un adversaire?
    La Chine n'est pas une ennemie, mais les États‑Unis, le Royaume‑Uni et la France, qui sont nos proches alliés, la considèrent comme une adversaire stratégique, au même titre que la Russie. Il y a eu une amélioration, mais il reste que nous sommes probablement le seul pays d'Occident à ne pas avoir de cadre en matière de politique étrangère. Un tel cadre nous permettrait d'indiquer clairement que le gouvernement du Canada considère la Chine comme un risque.
    Il est vrai que la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique comporte quelques paragraphes qui dénotent de la part de notre gouvernement un changement d'attitude à l'égard de la Chine. Toutefois, le Canada n'a pas clairement affirmé qu'il considérait la Chine comme un adversaire sérieux, comme le font ses proches alliés. Quitte à me répéter, je dirai que nous avons fait du progrès, mais qu'il n'est pas suffisant.

  (1410)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.

[Français]

     Il est vraiment dommage que ce soit terminé.
    Merci infiniment, monsieur Fadden.

[Traduction]

    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Madame Blaney, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Une fois de plus, monsieur Fadden, cette séance est très utile, et je vous remercie du temps que vous nous accordez.
    S'il est une chose qui me préoccupe, c'est le fait que les Canadiens commencent à remettre en question un grand nombre de nos processus. Nous savons que lorsque la méfiance grandit, cela peut être très nuisible à nos communautés et à notre pays. Nous savons que dans ce contexte, il a fallu des années pour régler le problème. À mon avis, ce n'est pas le délai optimal.
    Vous avez parlé plus tôt de collaborer avec les provinces, les territoires, les universités et les établissements privés pour fournir plus d'information.
    De quels mécanismes avons-nous besoin, et comment pouvons-nous les utiliser pour faire le travail, mais aussi trouver un moyen d'en informer les Canadiens pour renforcer leur confiance et leur foi en nous?
    Pour revenir à ce que je disais sur le fait que cela ne veut pas dire qu'il faut accorder une autorisation de sécurité à tout le monde au pays, j'adopterais une approche sectorielle. Par exemple, les secteurs bancaire et financier ont des associations. Il suffit d'élaborer avec elles un protocole d'entente pour que certains de leurs membres obtiennent des autorisations de sécurité, et qu'elles trouveront une façon de diffuser l'information de façon non classifiée à leurs membres.
    J'emploierai une autre analogie médicale: la lutte contre le cancer est vaine; c'est contre un type précis de cancer qu'il faut lutter. De même, il est inutile de décréter qu'on accordera une autorisation de sécurité à tous les Canadiens. Il faut trouver un moyen de réduire le nombre de gens et d'entités visés. Je me trompe peut-être, mais je crois que le gouvernement du Canada a dressé une liste de 13 industries d'infrastructures essentielles. Choisissez trois ou quatre d'entre elles, comme le secteur nucléaire, le monde financier ou l'industrie pétrolière et gazière — j'ai oublié quelles étaient ces industries — et faites-leur comprendre que nous serons un peu plus ouverts que nous le sommes maintenant. Voyez ensuite ce qu'on peut faire à partir de là. Par la suite, élargissez le champ d'action au‑delà du secteur privé, tendant peut-être la main à l'association canadienne des universités.
    Je ne suis toutefois pas certain que le simple fait d'accorder des autorisations de sécurité à une université et à un groupe de professeurs en particulier puisse fonctionner à court terme. Ce que j'essaie de dire, c'est que je ne pense pas qu'il y ait de solution miracle.
    Je vous remercie.
    Merci. Voilà qui nous amène à la fin de notre séance.
    Nous vous sommes reconnaissants du temps supplémentaire que vous nous avez accordé, monsieur Fadden. Je pense qu'il y a au moins un autre comité, peut-être plus, qui nous doit un dîner pour le travail que vous avez accompli ici, car vous avez vraiment abordé de très bons sujets.
    Je tiens à rappeler à nos remplaçants que lundi, nous examinerons les instructions de rédaction pour cette étude. Vous voudrez peut-être revenir, au moins pour cette partie de la réunion, afin de pouvoir fournir vos observations aux analystes.
    Sur ce, je tiens à remercier tous les participants du temps qu'ils ont consacré à la séance d'aujourd'hui. Il y a eu d'excellentes questions et d'excellents témoignages.
    Merci au personnel, à la greffière, à nos analystes et à tout le monde.
    La séance est levée.
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