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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er février 1994

AFFAIRES COURANTES

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LA LOI SUR L'EMBALLAGE ET L'ÉTIQUETAGE DES PRODUITS DECONSOMMATION

    Projet de loi C-204. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 677

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-205. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 677

LOI SUR LA PROTECTION DES TÉMOINS

    Projet de loi C-206. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 677

LA LOI SUR LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    Projet de loi C-207. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 678

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du premier rapport 678
    Adoption de la motion 678

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LES LANGUES OFFICIELLES

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 678
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 690
    M. Tremblay (Rosemont) 692
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 695
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 706
    M. Hill (Macleod) 709
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 710

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE YMCA FAMILIAL DE PETERBOROUGH

LES BARRAGES

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LES BUREAUX DE POSTE RURAUX

LE PORT DE HALIFAX

LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

LE LOGEMENT SOCIAL

    Mme Gagnon (Québec) 713

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 713

LES TRAVERSIERS

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 714

LA FISCALITÉ

L'ÉQUIPE DE HOCKEY OLYMPIQUE DU CANADA

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

LE PRIX DES CIGARETTES

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE

QUESTIONS ORALES

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 715
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 716
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 716

L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 716
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 716

LE BUDGET

    M. Martin (LaSalle-Émard) 716
    M. Martin (LaSalle-Émard) 717
    M. Martin (LaSalle-Émard) 717

L'ÉCONOMIE DE MONTRÉAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 718
    M. Martin (LaSalle-Émard) 718

LE BUDGET

    M. Mills (Red Deer) 718
    M. Martin (LaSalle-Émard) 718
    M. Mills (Red Deer) 718
    M. Martin (LaSalle-Émard) 718

LA SANTÉ

L'AGRICULTURE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 719
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 719

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

LES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

    M. Harper (Simcoe-Centre) 720
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 720
    M. Harper (Simcoe-Centre) 720
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 720

L'AÉROPORT DE QUÉBEC

LE PROJET DE LA RIVIÈRE KEMANO

LA CONTREBANDE DU TABAC

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LES AFFAIRES INDIENNES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 723

LES TRAVAUX PUBLICS

LES PRODUITS DU TABAC

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

    Reprise de l'étude de la motion 723
    M. Speaker (Lethbridge) 731
    M. Harper (Calgary-Ouest) 733

MOTION PORTANT PROLONGATION DE SÉANCE

    Adoption de la motion 738

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

    Reprise de l'étude de la motion 738
    M. O'Brien (London-Middlesex) 738

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE EN RÉPONSE

    Reprise de l'étude 750
    Adoption de la motion par 167 voix contre 104 750
    Proposition et adoption de la motion 751

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

    Reprise de l'étude de la motion 752
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 759
    Le président suppléant (M. Kilger) 771
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 777
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 778
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 783

677


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 1er février 1994


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française concernant la Xe session de l'assemblée régionale de la région de l'Amérique, tenue à Lafayette, en Louisiane, du 15 au 19 septembre 1993.

* * *

(1005)

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre au sujet de la liste des membres des comités permanents, conformément aux articles 104 et 114 du Règlement.

[Traduction]

Je tiens à signaler à la Chambre qu'il s'agit du rapport des membres permanents des comités et non des membres associés, comme l'exige le Règlement.

Si la Chambre y consent, j'ai l'intention de proposer l'adoption du rapport plus tard aujourd'hui.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Oui.

* * *

LA LOI SUR L'EMBALLAGE ET L'ÉTIQUETAGE DES PRODUITS DE CONSOMMATION

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest) demande à présenter le projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation (valeur nutritive des aliments).

-Monsieur le Président, cette loi vise à modifier la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation pour que figure sur les aliments vendus aux consommateurs canadiens leur valeur nutritive, notamment leur teneur en vitamines, en glucides et en graisse et le nombre de calories par portion. Cet étiquetage est très courant aux États-Unis, tandis qu'il est facultatif au Canada, mais ce projet de loi le rendrait obligatoire.

(Les motions sont adoptées et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LE CODE CRIMINEL

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest) demande à présenter le projet de loi C-205, Loi modifiant le Code criminel (être humain).

-Monsieur le Président, ce projet de loi vise à définir dans le Code criminel l'expression «être humain». Cette définition permettra d'axer le débat sur la question délicate de l'avortement et sur la question non encore résolue qui est de savoir si la société tient à protéger l'enfant à naître.

(Les motions sont adoptées et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LOI SUR LA PROTECTION DES TÉMOINS

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest) demande à présenter le projet de loi C-206, Loi prévoyant la réinstallation et la protection des témoins.

-Monsieur le Président, des milliers et des milliers de gens ont signé des pétitions demandant que la Chambre établisse un programme fédéral de protection des témoins relevant du ministre responsable. Ce genre de programme n'existe pas actuellement.

Il y a des régimes spéciaux de protection des témoins au Canada qui sont administrés par diverses forces policières, dont la GRC. Le projet de loi propose de rendre ces dispositions officielles et d'en faire assurer l'application par le gouvernement fédéral.

Je demande instamment au solliciteur général et au ministre de la Justice de donner suite immédiatement au programme de réinstallation des témoins.

(Les motions sont adoptées et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

678

(1010)

LA LOI SUR LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier) demande à présenter le projet de loi C-207, Loi modifiant la Loi sur le vérificateur général (rapports).

-Monsieur le Président, ce projet de loi vise à permettre au vérificateur général de déposer périodiquement des rapports sur ses travaux pour que les parlementaires et la population canadienne soient au courant des programmes gouvernementaux dont il examine l'efficience et l'efficacité.

Actuellement, le gouvernement reçoit un rapport par année parce que la loi interdit au vérificateur général d'en déposer plus. Ce volumineux rapport fait la manchette pendant une journée et demie, puis tombe dans l'oubli.

Pour assurer une saine gestion, il serait bon de permettre au vérificateur général de déposer les rapports qu'il juge utile de publier.

(Les motions sont adoptées et le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, si la Chambre y consent, et je crois qu'elle est sur le point de le faire, je propose que le premier rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre plus tôt aujourd'hui, soit adopté.

J'aimerais ajouter, monsieur le Président, que vous pourriez aussi obtenir que l'on n'ait pas à lire le rapport.

Le Président: La Chambre consent-elle à ce que l'on n'ait pas à lire le rapport?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

* * *

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Rex Crawford (Kent): Je présente, aux termes de l'article 36 du Règlement, une pétition au nom de mes électeurs. Elle porte les signatures de 16 516 personnes qui réclament des changements spectaculaires à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Un résidant de 18 ans, Roy Asselstine fils, a été victime de la violence d'un groupe de jeunes contrevenants. Lorsque ces derniers ont comparu devant le tribunal, ils n'ont manifesté aucun respect pour le juge ni remords pour ce qu'ils avaient fait à cette jeune victime innocente.

Cette pétition demande au Parlement de réviser la Loi sur les jeunes contrevenants en abaissant l'âge limite de manière à ce que les poursuites judiciaires correspondent à la gravité du crime. Je suis fier d'ajouter mon nom à cette pétition.

Les pétitionnaires ont agi sous la contrainte et devraient en être félicités étant donné les nombreuses bandes de jeunes qui existent à Chatham et les menaces dont ils ont fait l'objet. Ils ont agi presque seuls et ont réuni plus de 16 000 noms pour la pétition. J'espère que des députés appelleront notre bureau pour que je puisse leur envoyer la pétition s'ils veulent bien la faire circuler dans leurs circonscriptions.

La modification de la Loi sur les jeunes contrevenants s'impose. Dans sa forme actuelle, elle constitue une plaisanterie.

(1015)

LES LANGUES OFFICIELLES

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley): Monsieur le Président, on m'a demandé de présenter cette pétition au nom de signataires de tout l'Ouest, depuis la Colombie-Britannique jusqu'au Manitoba, qui demandent que le gouvernement tienne un référendum sur la question de l'acceptation ou du rejet des deux langues officielles.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le Président: La Chambre est-elle d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


678

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)) propose:

Que la Chambre prenne note des idées et des suggestions exprimées à la Chambre, ainsi que dans les conférences prébudgétaires régionales et ailleurs, au sujet du prochain Budget, notamment en ce qui concerne la relance économique, la création d'emplois et la réduction du déficit.
-Monsieur le Président, le débat d'aujourd'hui a pour but de fournir aux députés de cette Chambre la possibilité d'exprimer leur opinion sur le Budget.

[Traduction]

C'est aujourd'hui un jour historique. Ce débat est le premier en son genre. Dans le passé, les députés ne participaient pas au processus de préparation du budget. Les budgets étaient déposés ici, et c'est ici qu'ils étaient débattus et mis aux voix, mais les


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députés n'avaient pas vraiment l'occasion d'influer sur le contenu de ces budgets. On s'efforçait de toutes parts, à la Chambre des communes, de marquer des points pour son parti, plutôt que pour le pays.

Nous croyons que le processus était très imparfait. Je sais que plusieurs seront surpris de l'apprendre, mais la sagesse n'est pas le seul apanage des ministres des Finances. La question qui se pose est claire. Comment pouvons-nous espérer que les Canadiens comprennent ou acceptent des choix difficiles s'ils ne participent pas au processus d'examen des choix?

Comment pouvons-nous, en tant que parlementaires dans cette Chambre, espérer que les Canadiens nous feront confiance, si nous ne nous faisons pas confiance? Le peuple canadien mérite de participer au processus de préparation du budget et le Parlement du Canada doit commencer à jouer un plus grand rôle.

[Français]

Je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de faire participer le Comité des finances de la Chambre à la préparation du Budget de cette année. Cela changera avec le Budget de l'an prochain. Nous donnerons aux comités de la Chambre un rôle central et une influence bien réelle.

Le débat d'aujourd'hui, le premier de son genre dans l'histoire du Canada, en est la preuve. Ce débat suit un processus qui a été lancé en novembre dernier, à l'Université de Montréal. Depuis cette date, nous avons tenu une réunion publique avec trente-huit des plus éminents économistes du pays, et d'ailleurs, les critiques du Bloc et du Parti réformiste étaient présents.

Nous avons publié plusieurs documents nouveaux afin de partager avec les citoyens et citoyennes des données sur notre situation économique. À Halifax, à Montréal, à Toronto et à Calgary, quatre instituts de recherche indépendants ont organisé des conférences au cours desquelles des représentants de tous les secteurs de la société se sont penchés sur les questions auxquelles nous, les députés de cette Chambre, devons faire face dans notre Budget, cette année et l'an prochain. Nous élargirons ce processus public lorsque viendra le temps de préparer le Budget de 1995.

[Traduction]

Le processus de consultation entrepris par le pays nous mène à plusieurs conclusions. Premièrement, l'on ne peut qu'être encouragé en voyant à quel point les Canadiens étaient prêts à laisser de côté leurs intérêts personnels et à discuter ensemble des questions afin de trouver de véritables solutions pratiques aux défis auxquels nous faisons face.

(1020)

Deuxièmement, il est clair que les Canadiens donnent la priorité aux emplois et à la croissance économique, qu'ils veulent la réduction du déficit, mais pas comme une fin en soi. Ils pensent que des déficits trop élevés entraîneront un taux de chômage aussi élevé.

Troisièmement, on sent profondément que le statu quo est inacceptable et que la voie que nous suivons actuellement ne nous mènera nulle part.

Quatrièmement, les Canadiens veulent un budget qui constituera une stratégie et comprendra diverses mesures dont il sera possible de juger l'efficacité.

Cinquièmement, on sent clairement qu'il ne s'agit pas, en tant que pays, de choisir entre l'emploi et le déficit, mais plutôt qu'il faut de toute urgence s'attaquer aux deux éléments. Les Canadiens croient que la question du déficit ne pourra être réglée tant que nous n'aurons pas une croissance forte et durable. Mais ils comprennent aussi que le déficit lui-même, qui ne cesse d'augmenter, empêche la croissance. Il serait insensé de s'attaquer au déficit sans chercher à encourager la croissance. Parallèlement, il serait futile de vouloir stimuler la croissance et créer des emplois sans tenir compte de la dette et du déficit.

[Français]

L'enjeu dépasse de beaucoup les points de détail du Budget. Notre but n'est pas simplement de réduire la taille du gouvernement, notre but est de repenser fondamentalement son rôle. Je crois qu'une occasion en or se présente devant nous aujourd'hui, l'occasion de commencer à faire les choses différemment, non pas parce que nous sommes obligés de le faire pour des raisons financières, mais parce que nous devons le faire pour des raisons de bon sens.

[Traduction]

En tant que gouvernement, nous avons déjà amorcé divers processus conçus pour modifier de façon considérable et en profondeur l'appareil gouvernemental, notre mode de fonctionnement, ainsi que nos politiques et nos programmes dans des domaines très variés. Les mesures prises par le whip pour réduire les coûts dans la présente enceinte ne sont qu'un début et ne constituent qu'un exemple de l'austérité avec laquelle nous voulons gérer l'argent des contribuables.

Hier, dans cette Chambre, le ministre du Développement des ressources humaines a présenté au peuple canadien les premiers éléments d'une réforme approfondie des domaines relevant de sa compétence. Si aujourd'hui est un jour historique, la journée d'hier l'est tout autant. Je tiens à féliciter mon collègue parce qu'il témoigne vraiment d'un libéralisme moderne.

Dans les semaines et les mois à venir, nous verrons d'autres initiatives. C'est pourquoi nous avons indiqué clairement dès le début que le budget de 1994 devait être vu comme un premier pas, la première de deux étapes devant aboutir au budget de 1995.

Malheureusement, comme je l'ai dit dans mon discours de novembre, les prévisions placent toujours le déficit entre 44 et 46 milliards de dollars pour 1993-1994. Certains estiment que le déficit de l'année suivante, c'est-à-dire l'année 1994-1995 pour laquelle nous établissons actuellement le budget, pourrait tomber de lui-même sous le seuil des 40 milliards de dollars, sans que nous ayons à prendre de mesures directes sur le plan financier. Malheureusement, il n'en est rien.

Il est vrai qu'une partie de l'augmentation du déficit de cette année est attribuable à des influences ponctuelles.


680

[Français]

Cependant, il existe également un nombre de facteurs qui indiquent clairement que, si nous ne prenons aucune mesure directe sur le plan financier, la réduction du déficit sera, de toute évidence, limitée, en 1994-1995.

Premièrement, la croissance de l'économie en 1994 proviendra probablement en bonne partie d'un redressement des bénéfices des sociétés. Il y a cependant très peu de chances pour que cela entraîne une augmentation équivalente des recette fédérales.

(1025)

La faiblesse des résultats enregistrés par les sociétés au cours des dernières années leur a permis d'accumuler d'importantes pertes dont elles pourront se servir pour réduire les impôts à payer cette année.

Deuxièmement, l'érosion de certaines assiettes fiscales se poursuit, en particulier par exemple dans le domaine du tabac.

[Traduction]

Troisièmement, pour cette année, la croissance de l'impôt sur le revenu des particuliers sera probablement faible en raison du taux beaucoup trop élevé du chômage et de la lenteur de la croissance du revenu.

Quatrièmement, l'effet de la «déflation» sur les recettes du gouvernement est important.

Cinquièmement, nombre des économies prévus dans le budget d'avril 1993 n'ont pas été réalisées parce qu'elles n'ont pas fait l'objet de mesures législatives.

Enfin, il faut faire face à de nombreuses tensions de coûts, comme l'appui aux pêcheurs de la côte est, qui n'avait jamais été prévu dans le dernier budget des conservateurs. Ceci est très important, étant donné que la pêche n'est qu'un seul exemple de ce genre de dépenses. Non seulement les prévisions de recettes dans ce budget d'avril étaient fausses, mais encore, les prévisions de dépenses sur lesquelles n'importe quel gouvernement doit avoir le contrôle, étaient également irréalistes.

Pour les députés de ce côté de la Chambre-et je sais que les députés de l'autre côté partagent ce sentiment, parce que j'ai entendu le chef du Parti réformiste et le chef du Bloc québécois en parler-il est crucial, pour regagner la confiance des Canadiens, que nous n'ayons pas peur de présenter les faits tels qu'ils sont aux Canadiens et d'être jugés par eux. L'époque de la comptabilité factice ou des illusions est révolue. Je sais que tous les députés de ce côté de la Chambre partagent ce point de vue.

Je veux bien me faire comprendre. Si aucune mesure n'est prise, le déficit de 1994-1995 sera bien supérieur à 40 milliards de dollars. Pour contrôler le déficit de manière à ce qu'il tombe à un niveau équivalant à 3 p. 100 du PIB d'ici 1996-1997, il est nécessaire de prendre des mesures immédiates. Il ne s'agit pas de faire des prévisions de croissance trop optimistes ni de faire de la comptabilité par un tour de passe-passe, comme cela a trop souvent été le cas dans le passé.

[Français]

Nous suivrons, en matière de prévision, les conseils des principaux économistes canadiens. Nos hypothèses seront prudentes. Nous ne prendrons pas nos désirs pour des réalités.

[Traduction]

Nos priorités sont claires et nettes: créer des emplois, augmenter la croissance économique et aider ceux qui sont véritablement dans le besoin. Les problèmes de la dette et du déficit présentent de graves difficultés et dressent de gros obstacles à de telles priorités. Ils maintiennent les taux d'intérêt à un niveau trop élevé, font passer une bonne partie de notre revenu à l'étranger et nous forcent à conserver des taux d'imposition élevés.

La question qui se pose est la suivante: Comment abaisser le déficit? Permettez-moi d'expliquer en quoi consiste ce défi. Certains rejettent la responsabilité du déficit sur la fonction publique. Ils ont tort. Nous pourrions renvoyer tous les fonctionnaires. Nous pourrions libérer tous les soldats. Nous pourrions placarder tous les édifices du gouvernement. Nous pourrions tout fermer. Le déficit serait toujours là.

D'autres rejettent la responsabilité du déficit sur les pauvres. Ils ont tort. Nous pourrions abandonner tous les grands programmes que nous avons pour aider les personnes âgées, pour aider ceux qui n'ont pas d'emploi, pour aider ceux qui sont dans le besoin. Le déficit serait toujours là.

J'espère que personne ici ne prétendra aujourd'hui qu'il faudrait abaisser le déficit aux dépens de ceux qui sont le plus dans le besoin. Si c'était le cas, je ferai simplement remarquer, comme mon collègue le ministre du Développement des ressources humaines l'a souligné hier, non seulement qu'il serait immoral de faire des coupures radicales, mais encore que, économiquement parlant, une telle démarche ne donnerait pas les résultats escomptés.

(1030)

Ce dont notre pays a besoin est ce dont il est privé depuis trop longtemps: une solide stratégie de croissance à long terme pour réduire le déficit, pour redonner du travail aux Canadiens et pour restructurer notre potentiel industriel, afin de pouvoir faire face à la concurrence que nous livre l'étranger. Nous devons établir une stratégie créatrice, humaine et constructive. C'est bien ce que le gouvernement veut mettre en place.

Le budget de cette année comportera certes des réductions, mais il amorcera également d'importants processus visant la réforme des programmes fondamentaux du gouvernement fédéral. Cela prendra du temps et nécessitera des consultations, mais une réforme aura bel et bien lieu.

[Français]

Je suis certain que tous les membres de cette Chambre sont d'accord avec nos objectifs: la croissance, l'emploi, la compassion et la réduction du déficit. Nous avons besoin aujourd'hui d'un débat approfondi pour nous aider à choisir la manière de nous rapprocher ensemble de ces objectifs.


681

[Traduction]

Dans le débat d'aujourd'hui, il serait facile pour chacun d'entre nous, quelle que soit son allégeance, de se laisser aller à vouloir imposer ses vues personnelles, obtenir le plus d'argent possible pour soi-même et faire porter le poids des restrictions par les autres.

Nous débattons du budget national, pas de notre budget personnel. Il s'agit de définir les concessions à faire et l'équilibre à donner à notre pays. Si l'on veut dépenser plus, alors il faut déterminer où l'on va trouver l'argent nécessaire. Si l'on propose des restrictions, il faut déterminer quel effet elles auraient sur l'emploi et sur les Canadiens les plus nécessiteux.

Il faut que ceux qui s'opposent à toute modification du régime fiscal nous disent s'ils pensent que les nombreuses exemptions actuelles sont justes. Nous avons demandé aux Canadiens de toutes les régions de penser à la possibilité de faire des compromis. C'est maintenant à la Chambre d'en faire elle aussi.

Le budget doit satisfaire les besoins de tous les Canadiens. C'est exactement ce genre de budget que le gouvernement a l'intention de livrer au pays et le débat que nous aurons ici contribuera grandement à concrétiser ce projet.

Le vice-président: Le Règlement veut qu'aucune question ne soit posée ni aucune observation formulée après l'allocution du ministre des Finances.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, nous voici donc dans le dernier bout droit avant le dépôt du budget fédéral pour l'année fiscale 1994-1995 qui, comme on le sait, commence le 1er avril prochain.

Peu de budgets auront été attendus autant que celui-là. Le nouveau gouvernement a eu la chance de se démarquer nettement de celui que les électeurs ont sévèrement jugé lors des récentes élections. Il a aussi la responsabilité de s'attaquer avec détermination, mais dans le respect de l'équité, aux problèmes aigus que connaît le Canada et qui se manifestent par une situation économique médiocre et une crise des finances publiques.

Ainsi, la création nette d'emplois demeure largement insuffisante. Elle ne suffit même pas à absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail, alors que 40 p. 100 des emplois perdus au cours de la récession n'ont pas été récupérés. L'économie canadienne fonctionne encore bien en deçà de son potentiel.

Quant aux critères attestant la crise des finances publiques, ils sont maintenant trop bien connus pour que l'on s'y attarde longuement. Il suffit de rappeler que l'endettement fédéral a atteint un point critique. Il y a longtemps que le fédéral emprunte pour payer l'épicerie et pour payer ensuite les intérêts sur ces mêmes emprunts.

De 1985 à 1993, alors que le ratio de la dette sur le PIB du Canada a progressé de 82 p. 100, celui de la moyenne des pays de l'OCDE n'a augmenté que de 21 p. 100. La dette fédérale nette augmente tellement vite qu'elle dépasse maintenant les 70 p. 100 du PIB, de 46,4 p. 100 qu'elle était en 1985.

(1035)

Par surcroît, le tiers des recettes fédérales est consacré annuellement au paiement des intérêts. La situation serait moins grave si le gouvernement s'endettait pour investir dans les dépenses de capital. Or, selon le Budget des dépenses 1993-1994, les dépenses de capital du gouvernement ne représentent que 4,16 p. 100 des dépenses brutes totales des programmes.

De plus, de ce montant, 53 p. 100 est attribué au seul ministère de la Défense. Un tel fardeau pèse lourdement sur la vigueur de la reprise économique, notamment en exerçant une pression indue sur les taux d'intérêt à moyen et à long termes. Il faut donc atténuer rapidement l'importance de ce fardeau, tout en veillant à ne pas casser la fragile reprise.

Selon le premier ministre, la dette fédérale ne serait pas si dramatique, comparée à celle des pays européens. Il devrait peut-être regarder une autre fois et comparer ce qui est comparable. La dette publique totale du Canada est la plus élevée des pays du G-7, après celle de l'Italie. Et la dette fédérale est prépondérante dans le total canadien.

Le gouvernement ne peut donc se permettre de privilégier l'un de ces deux problèmes, qu'il suffise de l'endettement ou de la médiocrité de la reprise, au détriment de l'autre. Il faut attaquer les deux simultanément, à défaut de quoi tout succès ne pourrait être qu'éphémère.

Or, depuis le 25 octobre dernier, les spéculations vont bon train à propos des intentions gouvernementales au chapitre des finances publiques, qu'il s'agisse des réductions de dépenses ou des ponctions supplémentaires dans les poches des citoyens, le but reste complet et l'incertitude règne.

Bien que le discours du Trône n'ait rien dévoilé à ce propos, il semble même cependant que la lutte au déficit par le biais de la taxation soit au sommet de l'affiche des priorités gouvernementales. La création d'emplois semble avoir été reléguée au second rang, de même que la suppression des dépenses inutiles, alors qu'elle a inspiré au chef libéral des discours passionnés et répétitifs durant la campagne électorale.

Oui, il y a le programme des infrastructures, bien insuffisant par ailleurs. Mais allons-y voir de plus près. La part du fédéral s'élève dans ce programme à 2 milliards sur deux ans.

Or, la seule hausse des taux de cotisation sur l'assurance-chômage entrait en vigueur au début de l'année 1994, proposant à elle seule une ponction annuelle de 800 millions de dollars. N'importe qui peut enlever de la poche de Jean pour mettre dans la poche de Pierre. Ce n'est pas nécessaire d'avoir un gouvernement qui se dit expérimenté pour le faire.

Tous les analystes s'entendent pour récuser tout alourdissement des taxes sur la masse salariale. Or, c'est ce qu'a décidé le gouvernement avec l'assurance-chômage. On peut se demander s'il souhaite vraiment cette relance où tout le monde attend. Tout indique en fait qu'au-delà de son programme de restauration des


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équipements municipaux, ce gouvernement a décidé de s'en tenir à la béate contemplation de son petit livre rouge. Le gouvernement voue un culte reconnaissant à ce dépliant électoral, auquel il pense devoir son élection. Jamais propagande n'aura été plus efficace, puisque même le gouvernement, son auteur, en a été victime.

Recyclé en discours du Trône, le petit livre alimente encore les discours du premier ministre et fait les délices du ministre des Finances. Hier encore, j'ai vu un ministre du gouvernement brandir religieusement le petit livre en cette Chambre même. Le pire reste à venir, puisque, dans quelques semaines nous risquons fort de le voir réapparaître somptueusement paré en discours du Budget. Autrement dit, le programme du gouvernement en matière de création d'emploi est le même que celui du Parti libéral en campagne, c'est-à-dire des phrases sans lendemain, autour d'une formule incantatoire: jobs, jobs, jobs. Et pour le reste, on compte sur une hypothétique reprise qui devra venir d'elle-même. Irresponsable pari sur les lendemains qui chantent et dangereux oubli des causes structurelles du déficit!

[Traduction]

Il n'est pas nécessaire de rappeler aux députés qu'une relance économique entraînerait une baisse du nombre de chômeurs et d'assistés sociaux, ainsi qu'une hausse des recettes fiscales. Elle contribuerait donc de deux façons à réduire le fardeau lié au déficit public.

Ainsi, si le nombre d'emplois actuel était le même qu'avant la dernière récession, le déficit prévu pour 1993-1994 serait de beaucoup inférieur au chiffre annoncé par le ministre des Finances, chiffre artificiellement gonflé pour des raisons évidentes. Cet objectif est assez timide.

Compte tenu de l'accroissement normal du nombre d'emplois que nous avons connu au cours des trois dernières années, nous aurions pu éviter la détérioration soudaine de la situation budgétaire dans laquelle le gouvernement fédéral se trouve face aux provinces.

(1040)

[Français]

Au début de la récession, le déficit fédéral atteignait 29 milliards de dollars; le ministre des Finances l'établit maintenant à 45 milliards de dollars. Ce résultat s'explique surtout par une baisse non anticipée des recettes.

En fait, durant les sept premiers mois de la présente année fiscale, les revenus étaient en baisse de 5,7 p. 100 par rapport à la même période l'année précédente. Cette baisse est inquiétante, car elle s'est produite malgré une faible croissance de l'économie.

Le déficit représente maintenant 6,2 p. 100 du PIB, une proportion double de celle qu'enregistre la dette américaine, à 3 p. 100, selon l'OCDE. D'après une étude du FMI en 1993, même si l'économie fonctionnait à son plein rendement, il y aurait un déficit des gouvernements canadiens de l'ordre de 3,5 p. 100 du PIB; prévisions de 2 p. 100 en 1998. Il y a donc également un problème structurel très grave.

Trois ans après la fin technique de la récession, le déficit s'élève, selon nous, plus précisément à quelque 41 milliards, si l'on s'abstient de recourir à des artifices comptables-ceux qui sont chers au ministre-et si l'on intègre l'impact de la baisse du taux d'intérêt sur le service de la dette. Le ministre des Finances n'a fait ni l'un ni l'autre, malgré son engagement à une plus grande transparence dans le dévoilement des paramètres budgétaires. Il est évidemment plus intéressant pour lui d'annoncer une réduction du déficit de 45 à 37 milliards disons, plutôt qu'une baisse beaucoup plus timide de 41 à 37 milliards. C'est le jeu des chiffres.

Je lui demande aujourd'hui s'il maintient, pour le déficit de la présente année fiscale, l'estimation qu'il a présentée à la fin de novembre.

Le service de la dette constitue le poste budgétaire le plus lourd: 39,5 milliards de dollars en 1992-1993. Compte tenu de l'écart très important qui persiste entre les taux d'intérêt à court et à long termes-près de 3,5 points de pourcentage-y a-t-il une stratégie en cours? On peut se le demander. Y a-t-il, au ministère des Finances, une stratégie en cours pour utiliser avec profit la baisse des taux à court terme, en continuant de raccourcir l'échéance moyenne des titres gouvernementaux? Comme il n'y a présentement aucune tension inflationniste au Canada et aux États-Unis, où les dernières données montrent un nouveau recul de l'inflation, la question se pose.

L'année dernière, au Canada, l'inflation intérieure-qui exclut donc les produits importés-n'a même pas atteint 1 p. 100. Dans ces conditions, est-il raisonnable de continuer, par exemple, à payer 7,1 p. 100 sur des emprunts d'une durée de 30 ans? Lorsqu'on a une dette de 507 milliards de dollars, une différence entre un coût de 5 p. 100 et un coût de 6 p. 100 représente plus de 5 milliards de dollars. Combien y a-t-il, au Canada, de propriétaires qui, présentement, optent pour une hypothèque de 10 ans à 8,5 p. 100? Très peu.

L'équité fiscale commande de fermer certains abris fiscaux, mais le ministre des Finances cherche maintenant à donner à ce concept une extension plus large, pour que l'on puisse y inclure la notion d'élargissement de l'assiette fiscale. Or, éliminer telle ou telle déduction utilisée par une proportion importante de contribuables c'est, du même coup, accroître le fardeau fiscal de ces contribuables, appartenant surtout à la classe moyenne. Autrement dit, c'est augmenter les impôts. Le ministre des Finances parle de transparence, mais ne veut pas appeler un chat un chat. Il voudrait qu'on ne s'aperçoive pas de la manoeuvre et nous en passer une petite vite, comme on dit.


683

Il faut mettre ce ministre en garde contre deux tentations: celle des mesures rétroactives et celle du traitement inégal des contribuables en fonction de leur occupation professionnelle.

Le principe même d'une mesure rétroactive constitue une atteinte profonde à la société de droit, et nous vivons dans une telle société. Les citoyens sont à juste titre révoltés par l'arbitraire du pouvoir lorsque celui-ci modifie à son avantage les règles du jeu au milieu de la partie. Cela s'est produit en particulier lors du dernier budget du gouvernement du Québec où l'on décrétait une surtaxe à portée rétroactive.

En ce qui touche les REER, dont il est beaucoup question ces temps-ci, les travailleurs et les travailleuses qui n'ont pas l'avantage de bénéficier d'un fonds de pension doivent être traités sur le même pied que ceux et celles qui en bénéficient.

Il est tout de même assez curieux que l'on songe à des prélèvements supplémentaires touchant beaucoup de gens, alors même que l'on dénonce l'étendue croissante de l'économie souterraine qui cause de plus en plus de pertes fiscales pour l'État. Et à l'instant où les gouvernements canadien et québécois semblent avoir enfin compris le gros bon sens dans le domaine des taxes sur le tabac, il faut souhaiter à ce sujet, comme je le disais il y a deux semaines dans cette Chambre, une décision rapide et énergique. Les gouvernements, ne nous le cachons pas, ont laissé pourrir la situation.

(1045)

Une telle décision n'empêche pas le moindrement les gouvernements de continuer et même d'intensifier leurs efforts contre le tabagisme. À moyen terme, la consommation de cigarettes ne dépend pas que de leur prix. La preuve est là, sous nos yeux: les taxes américaines sur le tabac sont beaucoup moins élevées que les nôtres; pourtant, les Américains fument moins que les Canadiens. De plus, en achetant des cigarettes de contrebande, les fumeurs ont cessé de contribuer au financement des dépenses pour payer les coûts de soins de santé par le truchement des taxes sur le tabac.

[Traduction]

Il existe une façon très simple d'en arriver à une meilleure équité fiscale. Il suffit de mettre en oeuvre les recommandations qui figurent dans le dernier rapport du vérificateur général. Nous devons nous attaquer au niveau de dépenses avec détermination.

En tout premier lieu, nous devons régler le problème le plus courant et qui cause la plus grande injustice, à savoir le problème des dépenses fiscales.

En 1987, comme nous le rappelle l'économiste Léo-Paul Lauzon, 90 000 sociétés ont réalisé des bénéfices sans payer un sou d'impôt. Selon le vérificateur général, les entreprises canadiennes ont investi 90 milliards de dollars à l'étranger, dont 16,1 milliards dans des paradis fiscaux. En pareil cas, les revenus ne sont imposés à l'étranger qu'aux taux conciliants en vigueur dans ces pays. Les montants mentionnés ne concernent que les investissements déclarés. Bon nombre de ces sociétés ne sont pas tenues de produire des déclarations de renseignements. De cette façon, des centaines de millions de dollars ne sont pas imposés chaque année.

Il est évidemment tout à fait essentiel que toutes les entreprises paient un impôt minimum.

[Français]

Mais dans le domaine de l'iniquité fiscale, la palme revient, je le répète, aux fiducies familiales. L'analyste Claude Picher de La Presse en parle dans un récent article où il décrit la formule, une formule qui, et je cite: «permet aux contribuables de constituer une fiducie et d'y inclure des valeurs dont le rendement échappe à l'impôt tant qu'il reste à l'intérieur de la fiducie, ce qui, selon les dispositions actuelles, peut pratiquement se prolonger indéfiniment.» Le système a été mis en place, comme nous le savons, par les libéraux, et prolongé ensuite par les conservateurs. On se repasse la balle et on se fait le relais de gouvernement à gouvernement. Je continue la citation: «La fiducie doit être mise sur pied selon une procédure complexe et coûteuse qui en rend l'accès beaucoup moins intéressant, sauf si vous disposez d'une fortune.» Fiducie donc, bien sûr, qui s'adresse aux familles riches. Dans la citation, j'ai intercalé quelques commentaires personnels. Je crois que les gens sauront faire la distinction entre les commentaires froids de l'analyste Picher et ceux que j'ai ajoutés.

Dans un article paru dans La Presse du 29 janvier dernier, le même économiste évalue, et je cite: «que, de façon crédible, les dispositions fiscales relatives aux fiducies familiales représentent un manque à gagner de 350 millions de dollars par année». Et ces chiffres sont conservateurs, puisqu'il appartient au gouvernement de dévoiler les véritables dimensions de cette injustice flagrante et de supprimer une fois pour toutes cet abri indu. Le ministre le sait, lui qui a accès au dossier sait exactement l'ampleur du scandale. Donc, il est en face d'une pression considérable, parce que sa connaissance du dossier accroît chez lui certainement le désir de réparer une injustice et de remettre dans les coffres de l'État des centaines de millions de dollars par année qui viendraient soulager les taxes qu'il s'apprête à imposer à la classe moyenne.

Il faut aussi compter sur de substantielles réductions des dépenses fédérales, de dépenses traditionnelles. Mais attention, pas en fonçant dans le tas et en décrétant arbitrairement un coup de bistouri de 5 p. 100 dans toute la gamme des dépenses, coupures horizontales. Pour des raisons qui tiennent à son rôle d'initiateur de la crise budgétaire, le fédéral doit d'abord donner l'exemple, c'est-à-dire balayer devant sa propre porte. Or, depuis l'élection du gouvernement, le fédéral s'apprête à s'en prendre aux cibles faciles que constituent les programmes sociaux, les gens sans lobby, les gens qui n'ont pas de syndicat, qui ne sont pas représentés, qui n'ont pas de parti, qui n'ont pas de voix. Il est facile de s'en prendre à eux, c'est ce que le gouvernement fait depuis hier. Et on verra cela d'ici un an ce que cela va donner. Il est facile aussi de s'en prendre aux transferts aux provinces parce que, vues du fédéral, les provinces sont les petits poussins autour de la poule. Mais rien ne s'annonce quant à son propre gaspillage et à sa propre lourdeur bureaucratique.


684

(1050)

On n'a pas entendu un discours là-dessus. On n'a pas entendu un ministre faire un mea-culpa et dire qu'il allait couper l'appareil bureaucratique. Il n'y a rien là-dessus. On s'apprête encore à faire preuve de complaisance coupable, ce qui a fait du gouvernement fédéral l'une des causes du déficit que nous avons.

Les preuves s'accumulent. Hier, c'était le ministre du Développement des ressources humaines qui proposait son plan paradisiaque pour améliorer la qualité et l'étendue des services de santé et des services sociaux en coupant dans les dépenses qui y sont affectées. Cercle vicieux. On verra bien comment il va en sortir.

Quant aux transferts aux provinces, hormis les paiements de péréquation, la décision fédérale sera connue dans trois semaines, c'est-à-dire lors du Budget. Mais à propos des dépenses de fonctionnement du fédéral, rien. Pas de texte annoncé, seulement de vagues paroles pour consommation médiatique. Et le tout qui baigne dans la confusion quant aux échéanciers fédéraux.

Ainsi, le ministre des Finances a répété à plusieurs reprises que son véritable premier budget, «son véritable», donc celui qui vient apparemment ne serait pas le vrai Budget. Ce serait le budget de quel pays, de qui, ce budget-là qui vient? Non, ce ne sera pas le vrai budget apparemment, car le véritable budget sera celui de l'an prochain, car l'an prochain, dans le Budget de 1995-1996, là on pourrait incorporer une réforme des programmes sociaux. Là on pourrait déterminer la manière dont ces programmes seraient livrés par les deux paliers de gouvernement.

On ne peut voir pourquoi les délais doivent être aussi longs dans un domaine comme celui de la main-d'oeuvre et du dossier de l'éducation professionnelle, puisque le dossier traîne depuis des années et que les revendications du Québec sont, à la fois, connues et endossées par tous ceux qui agissent au Québec, dans tous les horizons de la vie collective.

Mais selon le ministre du Développement des ressources humaines, et son collègue des Relations fédérales-provinciales, ce n'est pas un an qu'il faudra attendre le bon vouloir du fédéral, mais deux ans. C'est du moins ce qu'il disait jusqu'à hier matin. Car le ministre des Ressources humaines nous a alors présenté un échéancier d'environ 12 mois. Peut-être s'est-il rendu compte de la confusion qu'ont créée ses déclarations antérieures.

Quant au ministre des Finances, est-il dépendant alors d'un échéancier irréaliste? Ou s'agit-il d'un cas de la main droite ignorant ce que fait la main gauche? Ou plutôt d'un plan, quelque peu maladroit, pour remettre à plus tard toute rationalisation significative de la bureaucratie fédérale pour ne pas donner la désagréable impression au Canada anglais que les souverainistes québécois avaient raison de souligner l'embonpoint bureaucratique fédéral?

Tous les prétextes semblent bons pour reporter le moment où il faudra bien se voir dans la glace.

Mais nous savons tous qu'il y a du gras dans l'immense appareil fédéral. Combien exactement? Voilà un secret bien gardé et on ne peut compter sur les gens de l'intérieur pour le dévoiler. Il faut un examen détaillé et rigoureux de toutes les dépenses internes des différents ministères. Une opération «maison» ne serait pas crédible. Il suffit de voir ce que dit le vérificateur général, à propos, par exemple, d'une dépense, très particulière, pour voir les écarts entre les perceptions de la bureaucratie fédérale et les analyses qui sont faites d'une façon externe.

Je cite un passage de la page 28 des Points saillants de 1993, sous la plume du vérificateur général: «Pour 1990-1991, nous estimons que les coûts de fonctionnement du Service de vols d'affaires-la flotte d'avions réservés aux personalités officielles-ont totaliséenviron 54 millions de dollars.» Dans la Partie III de son budget des dépenses, le ministère, lui, a communiqué les coûts totaux et il les situe à environ 27,5 millions de dollars. Alors, évaluation externe, 54 millions, évaluation interne, 27,5 millions. Pour un seul item, une différence du simple au double.

Nous réitérons donc notre demande de création d'une commission parlementaire multipartite de la Chambre des communes dont le mandat serait d'éplucher tous les budgets de fonctionnement du gouvernement. Si le parti ministériel est sérieux dans sa volonté de réduire le déficit de manière significative mais équitable, il doit s'attaquer immédiatement aux dépenses inutiles du gouvernement et aux nombreux chevauchements de responsabilités qui résultent de l'empiètement systématique du fédéral sur les champs provinciaux. L'opposition officielle est prête à collaborer à cette oeuvre d'assainissement des finances fédérales.

Dans le domaine de la main-d'oeuvre, le gouvernement du Québec évalue à 250 millions de dollars le gaspillage annuel inhérent aux chevauchements des bureaucraties fédérale et québécoise, sur le territoire du Québec. Et en dépit du bon sens, le gouvernement se résigne à le laisser durer encore pendant au moins deux ans, entraînant de ce fait une perte additionnelle de 500 millions de dollars. Avons-nous encore les moyens d'une telle inertie?

(1055)

L'attitude du fédéral ressemble beaucoup dans ce dossier à celle des Soviétiques, au coeur de la Guerre froide, dans leurs négociations avec les Américains: «Ce qui est à nous est à nous, ce qui est à vous est négociable.»

Le premier ministre nous a fait sourire l'autre jour lorsqu'il a déclaré que le Québec serait perdant si le fédéral se retirait de ce secteur. Comme le Québec reçoit globalement du fédéral à peine l'équivalent de ce qu'il lui envoie, tout retrait du fédéral doit s'accompagner, en toute logique et en toute équité, d'une compensation, voire d'un transfert de points d'impôt équivalents à l'enveloppe des dépenses que le fédéral y consacre.


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Si tel n'était pas le cas, ce serait une autre manière pour le fédéral de pelleter une partie de son déficit dans la cour des provinces. Et on peut se demander si cette réaction du premier ministre n'anticipe pas en fait des retraits unilatéraux du fédéral de certains secteurs qu'il juge aujourd'hui moins prioritaires, les provinces ayant par conséquent la responsabilité de ramasser les morceaux et de financer le manque à gagner.

L'équivalent pour les provinces consisterait à dire aux hôpitaux: Nous nous retirons de la santé, et pour le financement, débrouillez-vous. Ce serait de la part du fédéral un comportement scandaleux, mais à vrai dire bien dans la logique du système. Dans ce régime, il y a un gouvernement supérieur, et tous les autres n'ont qu'à s'adapter à ses humeurs et à ses priorités. On a pu le constater d'ailleurs, dans le dernier discours du budget, alors qu'Ottawa mettait fin d'une façon unilatérale à sa contribution financière au développement de nouveaux logements sociaux.

C'est donc dire que l'impact du prochain budget sur les finances provinciales ne se limite pas forcément à la seule question des paiements de transfert. Les paiements de transfert comprennent en gros trois programmes différents, rappelons-le: premièrement, le financement des programmes établis; deuxièmement, la péréquation; et, troisièmement, le Régime d'assistance publique du Canada. Les trois n'évoluent pas forcément dans le même sens.

De plus, la comptabilisation de ces paiements par le fédéral inclut non seulement les paiements en espèces mais aussi le rendement des points d'impôt transférés aux provinces lors des ententes sur les programmes à frais partagés. C'est une manière pour le fédéral de mieux paraître. Mais il n'a aucun contrôle direct sur le rendement des impôts, et il ne peut récupérer les points d'impôt d'une façon unilatérale. Ce qu'il contrôle, ce sont les transferts en espèces, dont l'évolution constitue le véritable test de l'équité fédérale en cette matière.

Pour le Québec, ce test est d'une aveuglante clarté. Au cours des dix dernières années, les dépenses de programmes du fédéral se sont accrues de 53 p. 100, tandis que les transferts au Québec passaient de 6 250 millions à 7 624 millions de dollars, une progression de 22 p. 100, soit la plus faible de toutes les provinces. Mais il faut aller derrière les nombres absolus, et voir ce que cela représente en dollars constants et par tête, car ces nombres sont bruts. Lorsqu'on les pondère par la hausse des prix et par l'augmentation de la population du Québec, on obtient une baisse supérieure à 20 p. 100, pour la décennie 1983-1993. Tel est le vrai visage des transferts fédéraux pour le Québec, une baisse supérieure à 20 p. 100 pour la dernière décennie.

Or, une partie de ces transferts est affectée à la santé, domaine où les besoins sont fortement reliés à l'âge. Il y a donc, vu l'essor rapide du nombre de personnes âgées, une hausse automatique des besoins, année après année, qui s'est entièrement répercutée sur les finances provinciales. Et l'on dira le plus sérieusement du monde que certaines provinces, dont le Québec, n'ont pas suffisamment contribué à la résolution des problèmes budgétaires fédéraux. En réalité, le Québec a déjà donné, et deux fois plutôt qu'une.

[Traduction]

Ainsi, le Québec a déjà payé cher la réduction des dépenses. Il est maintenant temps que le gouvernement fédéral laisse la plupart des provinces tranquilles et prenne le remède qu'il a lui-même administré à certaines d'entre elles, particulièrement le Québec.

Les paiements de transfert aux provinces devraient au plus strict minimum demeurer stables en dollars constants par habitant. Les provinces qui ont été traitées différemment ces dernières années devraient récupérer une partie de ce qu'elles ont perdu.

Le ministre des Finances laisse entendre depuis quelque temps qu'il faudra élargir l'assiette fiscale. Si le ministre désire interdire les abris fiscaux qui bénéficient à quelques rares privilégiés, tant mieux. Toutefois, s'il cherche un moyen commode d'imposer de nouvelles taxes à la classe moyenne, il ne doit pas compter sur notre collaboration. Les impôts sont déjà assez élevés.

Le ministre du Développement des ressources humaines a fait allusion à la nécessité de restreindre les mesures de protection social, comme si les personnes qui en avaient besoin étaient responsables du gâchis économique dans lequel nous nous trouvons.

(1100)

Si le gouvernement cherche la preuve qu'il existe du gaspillage, il n'a qu'à regarder ce qu'il fait. On voit encore trop d'excès, et pas seulement dans les hautes sphères. Évidemment, on a entendu parler des déplacements inutiles, des marchés de relations publiques et ainsi de suite, mais la dilapidation des ressources a également cours dans les services de tous les ministères, en particulier dans le cas de ceux dont les activités font double emploi avec celles d'autres bureaux à Ottawa ou dans les capitales provinciales.

Bien sûr, le gouvernement fédéral promet de dégraisser cette bureaucratie parallèle, mais où se trovent donc son calendrier de travail, son plan stratégique, la preuve irréfutable qu'il prendra bientôt des mesures concrètes pour imposer à la fonction publique le même régime qu'au Canadien moyen et aux entrepreneurs? Il est temps de passer à l'action, mais tout est prétexte à remettre à demain ce qui s'impose aujourd'hui.

En fait, le double emploi entre les ministères fédéraux et provinciaux est si profondément incrusté dans le système que cela en est stupéfiant. La Commission Bélanger-Campeau, au Québec, est arrivée à la conclusion que les chevauchements coûtent aux Québécois quelques milliards de dollars par an, et il ne s'agit là que des Québécois. Quel serait le chiffre pour tout le Canada? Il est par conséquent difficile de croire qu'on ne puisse pas économiser assez rapidement quelques millions de dollars en réduisant les frais astronomiques qu'entraîne la grosse machine gouvernementale nationale. Il me semble qu'on pourrait aussi régler certaines questions de façon définitive.

Même lente, la reprise de l'économie devrait permettre aux coffres de l'État de s'enrichir de quelques milliards supplémentaires. Les ventes de détail connaissent une remontée et l'immobilier devrait être plus florissant cette année que l'an dernier.

Si le déficit fédéral baissait vraiment, cela serait de bon augure pour les taux d'intérêt. Il ne faut pas oublier qu'une diminution d'un point de pourcentage des taux d'intérêt, bien


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que les taux à long terme soient encore trop élevés, se traduit par la somme supplémentaire de 8 milliards de dollars dans les caisses de l'État. Cet élément aura un effet bien plus important que tous les programmes d'infrastructure du gouvernement.

Mais il ne faut pas compter uniquement sur les consommateurs. Il faut régler la crise structurelle que connaît notre économie. Pour raffermir l'entreprise, il faut investir davantage dans la recherche et le développement. Il faut aider l'industrie de défense à se convertir à des fins d'ordre civil.

Bref, le prochain budget doit fournir des réponses intelligentes aux véritables questions et ne pas répéter les erreurs du passé.

[Français]

Pour terminer, nous sommes bien conscients de la lourdeur de la tâche assignée au ministre des Finances. Son budget doit attaquer sur plusieurs fronts: l'incitation à la création d'emplois, la réduction des dépenses publiques, l'instauration de l'équité fiscale, l'élimination des chevauchements. Beaucoup de combats en perspective, et aucun d'entre eux n'est facile, nous le reconnaissons. Mais tous ces efforts doivent se déployer en même temps, dans un juste dosage des interventions. C'est la seule façon de redonner espoir et de faire naître le sentiment de solidarité qui, seuls, rendront la relance possible.

Au-delà de ces réflexions que nous soumettons à la délibération du ministre, vous nous permettrez, monsieur le Président, d'exprimer une vive inquiétude: c'est celle que suscite le projet de réforme du régime de protection sociale présentement en vigueur. J'y reviens, aujourd'hui encore, pour inciter à la vigilance quant aux effets réducteurs que cet exercice ne manquera pas de produire sur les acquis sociaux graduellement mis en place depuis 1928.

Le gouvernement se défend de vouloir porter atteinte au filet de sécurité sociale. Pourtant, pour rassurer son allié objectif du Reform Party sur cette question, il ne manque pas d'affirmer que l'un des buts de l'opération est de réduire les coûts des services sociaux. Comment croire qu'une diminution des ressources consacrées à ce secteur n'entraînera pas automatiquement une diminution de services? En tous les cas, si le ministre des Finances veut donner un minimum de garanties sur les véritables intentions du gouvernement, il doit émettre au moins un signal clair dans son budget. Pas une autre envolée oratoire, pas une autre promesse, la main sur le coeur! Non, monsieur le Président. Il doit maintenir à son niveau actuel, en dollars constants, et après prise en compte de l'évolution des besoins, la contribution qu'apporte le gouvernement fédéral au financement des programmes provinciaux de santé et d'aide sociale, par le truchement des paiements de transfert aux provinces.

(1105)

Je me méfie terriblement des expressions cosmétiques qui disent: maintien, maintien! Oui, nous allons maintenir le niveau des transferts aux provinces. J'entends déjà la possibilité, dans un discours sur le Budget: «Monsieur le Président, j'annonce à la nation que nous maintenons le niveau des transferts aux provinces», alors que, hypocritement, ce serait un gel qui serait ainsi opéré. C'est pourquoi il faut être clair. Il faut que le signal qui doit venir du ministre des Finances soit clair, s'il est sérieux quand il nous laisse entendre que peut-être il va maintenir les transferts aux provinces. Il faut que ce soit très clair que l'on maintient les transferts aux provinces au niveau actuel, en dollars constants, en tenant compte de l'évolution ascendante des besoins. C'est la façon qu'on pourra recevoir un signal clair du ministre.

Que le gouvernement sache tout de suite que personne ne sera dupe des tours de passe-passe qui consisteraient à diminuer la contribution du gouvernement fédéral pour forcer, à la Ponce Pilate, les provinces à donner le coup à sa place.

On tiendra tout autant rigueur au gouvernement fédéral de frapper les démunis par province interposée que de le faire directement.

Des voix: Bravo!

Le Président: D'après nos règles, il n'y a pas de questions ou commentaires après ces remarques.

[Traduction]

Je donnerai dans un moment la parole au chef du Parti réformiste, mais avant, la députée de Calgary-Nord invoque le Règlement.

Mme Ablonczy: Monsieur le Président, je voudrais vous aviser qu'après l'intervention du chef du Parti réformiste, député de Calgary-Sud-Ouest, les orateurs du Parti réformiste répartiront leur temps en des allocutions de 10 minutes, suivies de 5 minutes consacrées aux questions et aux observations.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier le premier ministre et le ministre des Finances d'avoir permis ce débat prébudgétaire.

Je tiens ensuite à souligner l'importance de ce premier budget du gouvernement pour le bien-être économique, social et politique du pays. Comme le savent tous les députés, la dette fédérale dépasse les 500 milliards de dollars. Le déficit prévu pour 1994-1995 se situera entre 44 et 46 milliards.

Ce que le gouvernement peut faire de plus important pendant son mandat, c'est de maîtriser les dépenses fédérales. Et le principal moyen d'y parvenir, c'est le budget que le ministre déposera à la Chambre dans quelques semaines.

Les réformistes ont des suggestions précises à faire concernant la maîtrise des dépenses fédérales, suggestions qui ont été soumises à l'évaluation du public dans le cadre, notamment, de la dernière campagne électorale. J'aurais cependant trois contributions supplémentaires à apporter à ce débat prébudgétaire.

La première est un aperçu de nos consultations populaires au sujet des dépenses publiques, consultations qui se déroulent depuis mars 1993 et auxquelles ont participé des milliers de


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Canadiens de plus qu'aux consultations prébudgétaires du ministre.

La deuxième est un résumé des conclusions qu'on peut tirer de ces consultations, conclusions dont le ministre a tout intérêt à tenir compte en préparant son budget et en cherchant à déterminer quelles devraient être les priorités de dépense de la 35e législature.

La troisième contribution que je voudrais faire, c'est un bref commentaire sur l'éventualité d'une révolte fiscale en règle au Canada si le gouvernement cherche à régler ses problèmes financiers en augmentant les impôts plutôt qu'en réduisant les dépenses.

J'essaierai d'être bref, car l'expérience m'a appris que les politiciens qui sont prodigues de paroles le sont habituellement pour tout le reste.

Au début de 1993, notre parti a entrepris sur la question des dépenses fédérales de larges consultations auprès des militants, de personnes-ressources et du grand public.

(1110)

Dans le cadre d'une enquête postale, nous avons demandé à plus de 100 000 Canadiens si le gouvernement fédéral devait régler le problème du déficit et de la dette en comprimant les dépenses ou en haussant les impôts. Nous leur avons demandé quelles devraient être les priorités de dépenses de la prochaine législature. En particulier, nous leur avons demandé dans quels domaines le gouvernement fédéral devait maintenir ou augmenter ses dépenses et dans quels domaines il devait les réduire ou les éliminer afin de pouvoir continuer à financer les dépenses plus prioritaires.

À partir des réponses obtenues, nous avons dressé une liste de compressions de dépenses d'environ 20 milliards de dollars auxquelles le gouvernement pourrait procéder sur trois ans à condition d'obtenir du public le mandat pour le faire.

Nous avons révélé ce programme de réduction du déficit aux médias et au public en trois étapes au printemps de 1993. Le 29 mars, à Toronto, nous avons dévoilé des propositions visant à économiser de 9 à 10 milliards de dollars en réformant les transferts fédéraux aux particuliers et aux provinces, l'accent devant être mis sur les transferts aux particuliers. Le 13 avril 1993, à Vancouver, nous avons dévoilé d'autres propositions visant à économiser de 4 à 5 milliards de dollars en réduisant les transferts et les subventions au secteur privé. Le 22 avril, à Ottawa, nous avons dévoilé des propositions visant à économiser de 5 à 6 milliards de dollars en réformant les activités, les programmes et les structures du gouvernement fédéral.

Je serais heureux de déposer ces documents décrivant ces propositions pour que le ministre des Finances et les députés les examinent même si certains des chiffres qu'ils contiennent sont légèrement dépassés. Tous ces documents, permettez-moi d'ajouter, ont été mis à la disposition du gouvernement précédent même si je ne suis pas sûr qu'ils aient survécu au grand exercice de déchiquetage auquel on s'est livré après le 25 octobre.

Nous avons regroupé toutes ces propositions dans un diaporama de 45 minutes qui se prêtait bien à une projection devant des assemblées publiques. Ce diaporama a été présenté pour la première fois le jour du budget, le 26 avril 1993, à un auditoire de plus de 1 000 personnes à Calgary. Nous avons par la suite mis ce diaporama, dont le thème porte sur la façon de s'attaquer au problème des dépenses fédérales, à la disposition de presque 200 porte-parole réformistes de toutes les régions du pays. C'est ainsi qu'on l'a présenté à des milliers d'autres personnes partout au pays, dans le cadre de dizaines d'assemblées publiques qui comportaient dans la plupart des cas une période de questions et de réponses.

De plus, nous avons préparé un feuillet contenant la même information générale sur les propositions relatives aux compressions des dépenses fédérales et en avons distribué plus de 2,5 millions d'exemplaires, de porte-à-porte, avant les élections fédérales.

Il s'agit là d'une description de ce qu'un parti populiste appelle une consultation publique, intensive et soutenue, sur une question importante.

Maintenant parlons des conclusions qui présentent un intérêt pour le ministre. À quelles conclusions nous a menés cette consultation publique, qui pourraient intéresser le ministre dans la préparation de son budget? Permettez-moi de vous en donner quatre.

Premièrement, les Canadiens oridinaires s'intéressent au plus haut point aux dépenses fédérales et à la taxation. Ils sont assoiffées de renseignements pertinents et les gens ordinaires souhaitent sincèrement contribuer à remédier à ce problème.

Deuxièmement, il est faux, à mon avis, de dire que la population ne s'intéresse qu'aux compressions de dépenses qui sont faites aux dépens de quelqu'un d'autre. Nous avons entendu maintes et maintes fois des Canadiens nous dire, et un grand nombre d'entre eux dans une pauvreté extrême, qu'ils sont malgré tout prêts à faire des sacrifices. Tout ce qu'ils demandent, c'est que tout le monde en fasse, plus particulièrement que ceux qui exercent une influence politique ou économique ne s'arrangent pas pour s'en exempter.

Troisièmement, il est possible, à notre avis, d'obtenir de la population un fort appui durable et informé en ce qui concerne les compressions des dépenses, si l'on s'attaque à la tâche et si l'on présente le véritable allégement fiscal comme étant la planche de salut.

(1115)

Enfin, quatrièmement, il s'agit là des priorités en matière de dépenses que, à notre avis, le peuple canadien souhaite voir adoptées par le Parlement et le ministre en 1994-1995.

Premièrement, maintenir les transferts fédéraux au moins à leur niveau actuel au chapitre des soins de santé. Deuxièmement, maintenir ou augmenter l'aide fédérale à l'enseignement supérieur et à la formation de la main-d'oeuvre. Troisièmement,


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conserver l'aide fédérale au niveau actuel en ce qui a trait aux régimes de pensions, aux pensions d'anciens combattants, au Supplément de revenu garanti et à la sécurité de la vieillesse pour les foyers dont le revenu est inférieur à la moyenne nationale. Ne pas toucher aux niveaux de contribution au REER.

Quatrièmement, maintenir ou augmenter l'aide fédérale à la protection de l'environnement même si de nombreuses personnes sont d'avis que l'efficacité des dépenses fédérales dans ce domaine laisse grandement à désirer. Cinquièmement, maintenir ou augmenter l'aide fédérale à l'administration de la justice.

Si telles sont les priorités du peuple canadien en matière de dépenses et si nous demeurons ouverts aux suggestions d'autres députés à ce sujet, les dépenses du gouvernement fédéral devraient être coupées dans presque tous les autres domaines afin de réduire le déficit et de conserver la capacité du gouvernement fédéral à financer ses activités dans ces secteurs hautement prioritaires.

Je voudrais commenter les possibilités d'une révolte fiscale. À quoi le gouvernement fédéral s'expose-t-il s'il ne répond pas au souhait de la population de réduire les dépenses et s'il choisit plutôt d'augmenter encore davantage le fardeau fiscal des Canadiens et Canadiennes? Les conséquences financières et économiques d'une telle décision seraient nombreuses et bien connues. L'augmentation du fardeau fiscal contribuera à la croissance de l'économie parallèle, à l'exode des capitaux privés servant à créer des emplois, à une érosion encore plus grande des services sociaux à mesure qu'augmentent les sommes consacrées au service de la dette, ainsi qu'à la réduction de la compétitivité internationale.

Cette Chambre doit également se pencher sur les conséquences politiques d'une hausse des impôts et, en particulier, sur les possibilités de provoquer une révolte fiscale complète d'inspiration populaire comme le pays n'en a jamais vu. Je souligne tout particulièrement l'éventualité d'une révolte fiscale en Colombie-Britannique et en Alberta, d'où proviennent la majorité des députés du Parti réformiste et où nous disposons d'un vaste réseau à l'échelon local. Laissons des députés d'autres provinces dire franchement au ministre des Finances ce qu'ils pensent des possibilités d'une révolte fiscale parmi leurs électeurs si le budget augmente le fardeau fiscal de ces derniers.

Sur l'île de Vancouver, par exemple, on trouve probablement, toutes proportions gardées, plus de retraités canadiens et de cotisants à des REER que n'importe où ailleurs au Canada. Exception faite du ministre du Revenu national, député de Victoria, tous les députés de cette île sont des réformistes qui ont mené une dure campagne sur le programme de réduction des dépenses dont j'ai dressé les grandes lignes.

Bon nombre de leurs électeurs ont bâti leur propre programme de sécurité de la vieillesse en cotisant à des REER, dans bien des cas, parce qu'ils n'avaient pas accès aux régimes des secteurs public ou privé ou parce que leur foi dans le Régime de pensions du Canada et la capacité future du gouvernement de financer les pensions de vieillesse diminuait.

Si le budget du ministre des Finances diminue, même à peine, la capacité de ces personnes et de leurs enfants à combler leurs propres besoins, le ministre déclenchera chez les cotisants à des REER et leurs bénéficiaires un tollé qui s'élèvera contre le ministre du Revenu national, à Victoria, et qui déferlera sur le pays tout entier. Les manifestations contre la TPS qui ont eu lieu dans les années 80 auront alors l'air d'une partie de plaisir.

Comme le ministre le sait bien, les Albertains en général et le milieu énergétique en particulier ne font pas du tout confiance à la politique fiscale du Parti libéral. Les quatre députés d'Edmonton qui font partie du gouvernement au pouvoir ont remporté leur élection avec, au total, moins de 3 500 voix de majorité, dont trois avec moins de 300 voix et la ministre des Ressources naturelles avec moins d'une douzaine.

Leur capacité à défendre les intérêts de leurs électeurs reste donc encore à démontrer.

(1120)

Des rumeurs se font si persistantes depuis des semaines qu'on peut leur donner un fond de vérité: le ministre des Finances aurait l'intention d'imposer aux producteurs une taxe sur les hydrocarbures. Bien sûr, cette taxe sera présentée comme une mesure de nature écologique, mais comme elle ne s'applique pas aux déchets nucléaires des centrales d'Hydro-Ontario ni aux hectares inondés par Hydro-Québec et d'autres entreprises d'électricité, cette taxe aura un effet particulièrement coûteux et discriminatoire sur les secteurs du pétrole, du charbon et des services publics de l'Alberta. Cette province considérera, à tort ou à raison, cette mesure comme l'équivalent du droit fiscal tant décrié, imposé sur le pétrole et le gaz et qui constituait la pierre angulaire du Programme national de l'énergie.

Un budget contenant une telle disposition minerait totalement la crédibilité du ministre des Ressources naturelles dans sa province d'origine. Il provoquerait également une vilaine confrontation avec le gouvernement de l'Alberta à un moment où le premier ministre se dit en faveur d'un renouveau de la collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il endommagerait l'économie de l'une des deux seules provinces à encore contribuer de façon positive, par le versement de sommes nettes, au régime de péréquation.

On a dit que le gouvernement avait rarement eu affaire à un groupe d'intérêt qu'il n'aimait pas. Pourtant, il en est un qui fait son apparition et que l'on ne peut pas se permettre d'ignorer. C'est le groupe d'intérêt formé par tous les Canadiens qui paient la facture depuis trente ans. C'est le groupe des contribuables qui souffrent depuis des années et qui disent haut et fort qu'ils en ont assez. C'est le groupe qui s'est donné une voix et un moyen d'action par l'intermédiaire de dizaines d'organismes, de conférences et de publications créés pour protéger les citoyens canadiens de l'exploitation perpétuelle de gouvernements impitoyables, dépensiers et insatiables.

Pour conclure, à tous ces contribuables, envers qui nous sommes responsables, nous disons que leur voix a été entendue par beaucoup d'entre nous, ici, à la Chambre. Si une véritable révol-


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te, qui fasse appel à tous les moyens judiciaires possibles, s'impose pour convaincre le gouvernement que les Canadiens en ont assez, alors elle trouvera un écho à la Chambre, en la personne de tous les députés du Parti réformiste et de tous ceux qui sont venus siéger ici afin de réduire les dépenses de l'État.

Le conseil que nous voulons donner au ministre des Finances et au gouvernement, qui mettent la dernière main au budget de 1994-1995, se résume à peu de mots: réduisez les dépenses, immédiatement et dans l'équité.

Pour aider le gouvernement fédéral à redresser la situation financière et l'économie du pays, nous déposons devant lui la liste des restrictions, dont le montant se chiffre à 20 milliards de dollars, que nous lui proposons de faire. Ces mesures ont fait l'objet d'importantes discussions avec les citoyens. Nous invitons le gouvernement à les étudier, à les modifier, à les améliorer, mais nous lui demandons surtout de ne pas les écarter du revers de la main.

Le vice-président: Les députés savent que conformément au présent règlement de la Chambre, l'intervention que vient de faire le député peut être suivie d'une période de 10 minutes réservée aux observations et aux questions. Cependant, il est possible que les députés ne désirent pas s'exprimer après un chef de parti. Je pense que la députée de la circonscription de Yukon désire prendre la parole.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): J'aimerais, monsieur le Président, remercier le député de Calgary-Sud-Ouest pour ses commentaires. Même si j'ai beaucoup de choses à dire, je vais m'attarder sur un point seulement.

Il ne fait, à mon avis, aucun doute que tous les députés de cette Chambre conviennent que la dette et le déficit posent un problème aux Canadiens. La question est de savoir comment nous allons le régler, de manière juste et équilibrée.

Je vais simplement m'attarder sur une question qu'a soulevée le député de Calgary-Sud-Ouest, la question des impôts. Je conviens que la classe moyenne croule littéralement sous les impôts. À l'heure actuelle, les particuliers au Canada payent beaucoup plus d'impôts que dans le passé, tandis que les sociétés, par exemple, en payent beaucoup moins.

(1125)

Le député de Calgary-Sud-Ouest parle d'une révolte fiscale. Je trouve révoltant que, pendant que des gens n'arrivent pas à se nourrir, des citoyens riches et privilégiés de ce pays peuvent mettre leur argent à l'abri dans un fonds en fidéicommis. Je trouve révoltant que, pendant que des Canadiens dans ce pays travaillent chaque jour et que tous les membres de la même famille travaillent sans pouvoir joindre les deux bouts, nous avons 90 000 sociétés qui ne payent toujours pas un sou d'impôt. Et je trouve révoltant que, pendant que des gens n'arrivent pas à joindre les deux bouts pour leurs enfants, alors que de 18 à 20 p. 100 de jeunes sont au chômage dans notre pays, il y a encore trop de gens qui ici ont recours à des abris fiscaux, alors qu'ils sont riches; je veux parler des sociétés. Il nous faut un régime fiscal équitable.

Personne ne parle d'imposer davantage la classe moyenne qui croule déjà sous l'impôt, mais il y a, dans notre pays, un groupe qui ne contribue pas sa juste part.

J'aimerais demander au député de Calgary-Sud-Ouest s'il ne croit pas qu'il faudrait déplacer la charge fiscale du particulier de la classe moyenne, pour que les privilégiés et les riches de notre société payent leur juste part. Accepte-t-il par exemple que le régime des REER permette aux Canadiens, comme c'est le cas actuellement, d'investir à l'étranger par l'entremise de telles contributions, plutôt que dans notre pays où nous avons besoin de créer des entreprises et des emplois?

M. Manning: Je remercie la députée d'avoir posé cette question. En ce qui concerne sa question générale, la réponse la plus courte que je puisse donner est oui, nous sommes pour une plus grande équité du régime fiscal. Si la députée voulait bien examiner la partie centrale de mon exposé, elle verrait que nous demandons une réduction de 4 à 5 milliards de dollars des transferts fédéraux au secteur privé, effectués sous forme de subventions et de concessions fiscales.

Le seul mot d'avertissement que j'ajouterai, c'est que nous devons savoir, puisque nous sommes un pays exportateur, que si la charge fiscale totale imposée à nos entreprises dépasse celle de leurs concurrents, nous les forçons tout simplement à abandonner leur entreprise, nous créons plus de chômage et anéantissons les emplois.

Il suffit, pour illustrer ce point actuellement, de se rendre à la frontière de la province de l'Ontario et de demander aux sociétés qui quittent le sud de l'Ontario pour les États-Unis, et même pour le nord de l'État de New York qui, à une époque, était l'endroit le plus coûteux du monde pour les affaires, pourquoi elles partent. Leur réponse sera très brève. Elles vous exposeront leur situation fiscale dans le sud de l'Ontario par opposition à celle dont elles bénéficient dans le nord de l'État de New York et vous demanderont ensuite comment elles peuvent continuer à fonctionner dans de telles conditions.

Je répondrai donc oui à la question générale de la députée, mais en ajoutant un mot d'avertissement; nous ne voulons pas faire partir les entreprises en les imposant de façon excessive.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, je félicite le député de Calgary-Sud-Ouest pour son discours. J'aimerais lui poser une question concernant les REER.

Personnellement, je crois que les REER nous prépare pour nos vieux jours et plus nous sommes préparés pour nos vieux jours, moins nous sommes un fardeau pour la société canadienne, lorsque vient le temps de payer des rentes aux aînés.

C'est un programme qui m'est cher, qui est bien près de moi, mais dont je n'ai jamais eu la chance de me servir. Cependant, j'encourage fortement les Canadiens à l'utiliser. J'espère que le gouvernement va poursuivre dans cette direction, sans dire ou admettre connaître des secrets du ministère des Finances. Le programme des REER nous permet de l'utiliser lors de l'achat de maisons. À mon avis, je trouve qu'à notre âge, on pourrait


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peut-être aussi s'en servir afin d'aider nos enfants à l'achat d'une maison.

(1130)

J'aimerais connaître l'opinion du député de Calgary-Sud-Ouest sur l'idée de poursuivre ce projet, que l'on appelle en anglais le Home Buyer's Plan, du REER. Est-ce que vous trouvez qu'il y a du bon dans ce projet et qu'on devrait le reconduire lors du prochain budget?

Le vice-président: À l'ordre! Avant de reconnaître le député afin qu'il réponde à la question, je demanderais à l'honorable député de Carleton-Gloucester d'adresser ses remarques à la Présidence à l'avenir. Je donne donc la parole à l'honorable député de Calgary-Sud-Ouest, s'il veut bien répondre.

[Traduction]

M. Manning: Monsieur le Président, je remercie le député d'avoir posé cette question.

Ma réponse est la suivante. Comme l'honorable député, je suis en faveur du programme REER en principe, en partie pour les raisons données par le député et aussi parce qu'un tel régime a permis à de nombreux Canadiens qui n'ont pas d'autres moyens de le faire, d'assurer leurs vieux jours.

Ensuite, je pense que le recours aux fonds REER pour appuyer le régime d'accession à la propriété est utile et que le montant permis devrait être maintenu et non diminué. Je demanderai vivement aux députés de présenter ce point de vue au ministre des Finances.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, si j'ai bien compris la réponse qu'il a donnée à un député, le chef du Parti réformiste estime qu'il faut maintenir les avantages que la loi de l'impôt accorde aux entreprises exportatrices.

Faut-il en conclure que le député a changé d'avis depuis la campagne électorale? Le régime fiscal que prônait alors le Parti réformiste prévoyait essentiellement l'abolition de la plupart des avantages fiscaux. S'il veut que les entreprises exportatrices bénéficient d'avantages fiscaux, sa notion d'impôt à taux uniforme risque d'en pâtir.

M. Manning: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Je n'ai pas dit que je réclamais des avantages fiscaux spéciaux pour les entreprises exportatrices. Tout ce que je disais, c'est que, si nous taxons nos entreprises exportatrices à des niveaux plus élevés que leurs homologues dans les pays avec lesquels nous sommes en concurrence, nous allons les obliger à fermer leurs portes.

Ce que nous recommandons principalement dans les documents que nous désirons déposer concernant le traitement fiscal des entreprises, c'est de réduire le recours aux concessions fiscales comme moyen de développement régional. Voilà l'argument que nous avons toujours mis de l'avant.

Avant de me rasseoir, je vous demanderais la permission de déposer ces documents. En ai-je la permission?

Le vice-président: Il y a eu discussion à ce sujet. Je crois que le chef du Parti réformiste sait qu'il doit obtenir le consentement unanime pour déposer ces documents.

Y a-t-il consentement unanime pour permettre au chef de déposer ses documents?

Des voix: D'accord.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, j'ai une brève question supplémentaire.

Je veux m'assurer que j'ai bien compris. Le député est-il en train de nous dire qu'il maintiendrait tous les avantages que la loi accorde aux entreprises?

M. Manning: Monsieur le Président, je ne maintiendrais pas tous les avantages.

(1135)

Il est question dans notre programme d'environ 1,5 milliard de dollars en réductions et allégements fiscaux aux entreprises sur trois ans. Ceux-ci ne sont pas précisés, mais nous avons discuté de ce qu'ils pourraient être. Notre priorité serait de ne plus recourir aux allégements fiscaux comme outil de développement régional. C'est tout ce que précise le document.

Le vice-président: Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances invoque le Règlement.

M. Walker: Monsieur le Président, je crois que la Chambre consent à l'unanimité à poursuivre le débat pendant l'heure du lunch, entre 13 et 14 heures.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Walker: Monsieur le Président, des députés de ce côté-ci de la Chambre feront des déclarations de 10 minutes, suivies de 5 minutes pour les questions et les commentaires.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest): Monsieur le Président, à l'occasion de ma première déclaration, je tiens d'abord à remercier la population de Don Valley-Ouest, à Toronto, qui m'a élu député et à l'assurer que je vais essayer de garder sa confiance. Je veux ensuite remercier ma famille qui m'a aidé à parvenir jusqu'ici.

Monsieur le Président, durant la campagne électorale, si vous aviez demandé à la population de Don Valley-Ouest ce qu'elle voulait, elle vous aurait répondu deux choses différentes, comme l'ensemble des Canadiens, je pense. En effet, les Canadiens veulent deux choses en même temps. Et ces deux choses figurent dans notre fameux livre rouge à la page 107.

Dans le premier tableau au haut de la page 107, il est question des compressions budgétaires des programmes conservateurs,


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parce que les Canadiens veulent des compressions budgétaires. Cependant, au bas de la même page, il est question de croissance économique et de création d'emplois. C'est ce dont je veux parler aujourd'hui.

Quand le ministre des Finances a rencontré divers économistes ici, à Ottawa, à la fin de la dernière année, quand il s'est adressé à divers groupes consultatifs dans tout le pays, il a beaucoup entendu parler des compressions budgétaires prévues au haut de la page 107. Comme le chef du Parti réformiste du Canada vient de nous le montrer, nous allons entendre parler encore davantage, durant ce débat, des compressions dans les programmes gouvernementaux.

Toutefois, au cours de ses consultations avec des spécialistes et des Canadiens ordinaires de toutes les régions du pays, le ministre des Finances a moins entendu parler de ce dont il est question au bas de la page 107, c'est-à-dire de croissance économique et de création de la richesse et d'emplois, d'emplois et encore d'emplois.

Le ministre des Finances a un rôle difficile. Il doit être à la fois Dr Jekyll et M. Hyde, bon et méchant. C'est à sa nature plus obligeante que je veux faire appel aujourd'hui. Voilà pourquoi mes remarques vont porter sur ce dont il est question au bas de la page 107.

Ce que le budget peut réaliser de plus important, c'est donner de l'espoir aux Canadiens, leur donner le goût de l'expérience, du renouvellement et de l'aventure.

L'économie n'est pas seulement une série de statistiques et de chiffres. C'est aussi un climat psychologique. L'économie connaîtra la croissance si la population a confiance en elle et en son pays. Si les gens ont confiance, ils vont prendre des risques, ils vont changer d'emploi, ils vont se lancer en affaires, ils vont développer leurs entreprises, ils vont acheter des maisons, des voitures, différents appareils.

La semaine dernière, le Conference Board du Canada signalait, que depuis les élections, gens d'affaires et consommateurs ont regagné une confiance incroyable. La confiance des entreprises a augmenté de 10 p. 100 et celle des consommateurs de 13 p. 100 durant le dernier trimestre de 1993. Il est intéressant de constater que le même phénomène s'est produit aux États-Unis après l'élection du président Clinton.

Il est donc crucial que notre premier budget maintienne ce climat de confiance. L'optimisme va entraîner la croissance économique et la création d'emplois. Si on insiste trop sur la compression des dépenses gouvernementales, on va ébranler la confiance des consommateurs et des entreprises. Le double rôle que le ministre doit jouer doit l'amener à trouver le juste milieu entre réduire les dépenses et investir dans l'avenir.

(1140)

Je demanderais au ministre des Finances de se rappeler l'esprit d'un autre gouvernement qui a pris le pouvoir à une autre époque, dans un autre pays, l'esprit du «new deal» de Franklin Roosevelt en 1933. Cet esprit que l'on a caractérisé d'expérimentation audacieuse, persistante.

Il est question de cet esprit dans le livre rouge sous la rubrique «Miser sur les ressources humaines», où l'on parle d'égalité juridique et culturelle. Mais l'expérience la plus exigeante et la plus économiquement stimulante et excitante doit se faire dans le domaine de la recherche et de la technologie, plus précisément en faisant appel aux capitaux-risques, à un accroissement de la recherche et du développement, au réseau canadien de technologie et au génie.

Le Canada doit mettre sur pied un système d'innovation à l'échelle nationale ou ce que le ministre des Finances a appelé une stratégie de croissance à long terme. Comme on le fait remarquer dans le livre rouge: «Le rôle de l'État fédéral dans l'innovation est vital: cerner et recenser, avec les entreprises, les marchés porteurs, pour ensuite redéployer utilement les moyens dont il dispose.» Cette approche a été appelée dans d'autres compétences, l'approche intégrée du Québec ou chez nous, l'approche de l'équipe Canada.

Le fait est que les sociétés plus petites comme la nôtre doivent retirer toutes leurs ressources nationales de la tablette si elles doivent soutenir la concurrence en tant qu'équipe, si elles doivent s'attaquer aux marchés internationaux. Que se passe-t-il lorsqu'il n'en est pas ainsi? Les exemples ne manquent pas au Canada où nous avons omis de faire les gestes qui s'imposaient. Il y a le cas de Connaught Bio-sciences achetée par une entreprise appartenant à des Français et celui de Lumonics, par une entreprise japonaise.

Que se passe-t-il lorsque vous faites les gestes qu'il faut? Eh bien! l'histoire nous en fournit aussi des exemples. Lorsque le Canada a constitué une équipe industrielle pendant la Seconde Guerre mondiale, il a construit des installations extraordinaires telles une installation de construction navale à Québec, une importante usine de fabrication de caoutchouc artificiel, Polymer, à Sarnia.

Les essais que nous ferons exigeront de nouvelles configurations professionnelles et financières et de nouveaux partenariats entre les secteurs public et privé. Il nous faut créer de nouvelles structures pour les entreprises afin de créer ces débouchés stratégiques. Ce que certains ont appelé des entreprises commerciales innovatrices nous apparaissent peut-être davantage des Keiretsu du Japon, des groupes bancaires de l'Allemagne ou des groupes industriels de la Suède que des sociétés commerciales canadiennes normales. Ce sont des mots comme réseaux, consortium et entreprises virtuelles qui conviennent le mieux pour décrire ces nouvelles entités.

Quels sont certains de ces débouchés stratégiques? Ils abondent. Il s'agit avant tout de choses qu'aucune société ne peut entreprendre d'elle-même et qui exigent la participation de tous. En Ontario, par exemple, étant donné notre base extraordinaire en ce qui concerne la production de véhicules et de pièces automobiles, ne devrait-on pas être à l'avant-garde de la production de véhicules «verts»? Ne devrions-nous pas accaparer une partie de ce marché de l'environnement de pointe, que ce soit dans le domaine du carburant ou de celui de l'élimination?

Le gouvernement conservateur précédent a pris une bonne décision lorsqu'il a mis sur pied RCARIE, cet extraordinaire consortium chargé de mettre sur pied l'autoroute électronique. Un consortium qui défie toutes les règles du monde des affaires,


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qui inclut des concurrents traditionnels comme Unitel et Stentor, qui met à contribution les provinces et le gouvernement fédéral, les universités et les centres de recherche. RCARIE est une entreprise virtuelle qui se consacre à une énorme tâche que ne peut réaliser une seule entité.

Dans le domaine des soins de santé, les mêmes possibilités s'offrent. Nous disposons d'une énorme base biomédicale, mais d'aucun récepteur dans l'industrie. En Alberta, il existe un consortium de petites entreprises qui unissent leurs efforts pour mettre sur pied un marché de la construction d'habitations au Japon. Elles créent une nouvelle entité commerciale. Voilà le genre d'expérience dont nous avons besoin.

[Français]

Au Québec, nous avons vu le lancement des 13 grappes industrielles du ministre de l'Industrie, M. Gérald Tremblay. Mais une question s'impose: Si une grappe fonctionne bien, au sein du Québec, serait-il possible qu'elle puisse mieux fonctionner à l'échelle canadienne, dans l'industrie de la pétrochimie, par exemple, ou de l'aérospatiale? Bref, nous avons besoin d'un projet de société pour tout le Canada, profitant du modèle du Québec.

(1145)

[Traduction]

Pour résumer, le Canada a besoin d'un budget qui montre que les compressions de dépenses et l'investissement dans l'expérimentation et l'innovation doivent se faire simultanément, non un à la suite de l'autre.

Les problèmes économiques avec lesquels le Canada est aux prises sont tout autant attribuables à la lente croissance économique qu'aux dépenses gouvernementales excessives. Faisons en sorte que ce budget accorde autant d'attention au problème des dépenses qu'à celui de la croissance lente.

[Français]

M. Benoît Tremblay (Rosemont): Monsieur le Président, j'ai beaucoup apprécié l'intérêt que porte mon collègue de Don Valley-Ouest au modèle québécois. J'aimerais qu'il nous permette d'expliciter un peu sa pensée, en particulier, sur les stratégies de développement.

Le Québec a une stratégie dans certains secteurs choisis, et à cet égard, notre collègue de Don Valley-Ouest a dit: «Écoutez, si c'est vrai pour le Québec, est-ce que ce ne n'est pas applicable à l'ensemble du Canada, et on devrait appliquer, pour l'ensemble du Canada, un modèle de développement comparable à celui du Québec.»

Dans certains cas, je lui dis oui. Par exemple, on a depuis très longtemps un projet de train à grande vitesse entre Québec et Windsor. On a hâte que le gouvernement bouge là-dessus, parce qu'effectivement, on a là des technologies importantes pour l'avenir et qui seraient avantageuses, à la fois pour le Québec et l'Ontario.

Dans d'autres secteurs, ce n'est malheureusement pas le cas. Ce n'est pas malheureux puisqu'il y a également des secteurs qu'on doit choisir et qui ne sont pas nécessairement les mêmes. Un bel exemple est l'énergie atomique. Le gouvernement fédéral a dépensé des centaines de millions dans l'énergie atomique qui servent essentiellement l'Ontario.

Le Québec a suffisamment d'énergie hydro-électrique pour de très nombreuses années et n'a jamais eu d'intérêt véritable à investir dans l'énergie atomique. Pourtant, les contribuables du Québec ont dû, malgré eux, par le biais du gouvernement fédéral, dépenser ces centaines de millions de recherche en énergie atomique qui, essentiellement, servent l'Ontario et qui, de plus, nous concurrencent sur le marché new-yorkais.

Alors, je dis: Écoutez, si c'est vrai dans un contexte international-d'ailleurs sur le plan économique, de plus en plus, le Québec, comme le reste du Canada, est une région économique en Amérique du Nord-il est absolument impossible maintenant de dire qu'on va faire un projet pour le Canada sur le plan des secteurs économiques et de la concurrence sans penser à l'ensemble de l'Amérique du Nord.

C'est clair que pour une région comme celle de Montréal, on est en concurrence directe. Et probablement, lorsqu'on est en concurrence, on a la possibilité de faire des joint ventures, autant avec Boston, New York qu'avec Toronto ou d'autres villes. La structure politique, de plus en plus, sur la scène internationale, est moins importante. On doit chacun investir dans des projets, des secteurs qui sont importants pour notre avenir.

On peut avoir des projets communs avec l'Ontario parce qu'on a des intérêts réciproques. Il y a aussi des secteurs où on a des intérêts divergents, où à la fois le Québec et l'Ontario devront se trouver d'autres partenaires dans le monde.

M. Godfrey: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

C'est extrêmement intéressant, mais c'est également, si je peux citer son chef, le paradoxe du Québec. C'est-à-dire que s'il est sensé d'instaurer des grappes industrielles au Québec, pourquoi ne pas pouvoir le faire au Canada? Nous avons le contrôle de notre propre territoire, donc nous pouvons créer une atmosphère fiscale qui ne serait pas la même qu'à New York, mais qui pourrait être la même partout au Canada.

Ce que j'admire le plus du Québec, au cours des derniers 30 ans, c'est surtout cet esprit d'expérimentation qui lui a permis de trouver de nouvelles formules de financement, comme par exemple, la Caisse de dépôt et placement.

Je suis d'accord que si le plan du TGV a du sens au niveau des transports et s'il n'est pas question de luxe, oui, c'est exactement l'espèce d'expérimentation de projets en commun qu'il faut faire. Il faut profiter du fait qu'on est quand même un marché commun.

Finalement, si on fait des grappes, il faut se dire, par exemple comme dans le cas de l'énergie atomique, qu'il est raisonnable que le quartier général soit en Ontario. S'il s'agit de l'aérospatiale, il est bon que ce soit à Montréal, avec une succursale comme de Havilland, par exemple, en Ontario. Le truc, c'est d'avoir quand même des réseaux à travers le pays qui profitent de toutes les ressources. C'est ce qu'on n'a pas fait pendant cette triste histoire de Connaught BioSciences Inc., où il y avait des ressour-


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ces, justement au Québec, à la fois techniques, à la fois financières, et on a échoué.

(1150)

[Traduction]

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député de Don Valley-Ouest de son premier discours à la Chambre. Nous savons tous, je suppose, qu'il ne reste plus beaucoup de néophytes ici. Ses observations, très percutantes, méritent qu'on y prête une oreille attentive.

Certes, ceux d'entre nous qui viennent de régions rurales et du Nord savent qu'une des principales difficultés consiste à trouver des fonds. Durant la campagne électorale, je sais que son parti s'est prononcé en faveur d'un fonds d'investissement pour la petite et la moyenne entreprise. Les néo-démocrates ont certes présenté un projet bien ficelé de fonds d'investissement national qui aurait misé à la fois sur les caisses de retraite des fonctionnaires et sur des investisseurs privés pour donner un coup de pouce à l'entrepreneur. Beaucoup de Canadiens, beaucoup de jeunes rêvent actuellement de partir en affaires à leur compte. Ces entreprises pourraient en fait être fort petites.

Outre sa stratégie industrielle, je me demande si le député pourrait nous entretenir de la nécessité de débloquer des fonds pour la petite entreprise dans toutes les régions du pays, non seulement dans les régions urbaines.

M. Godfrey: Monsieur le Président, je remercie la députée du Yukon.

Il est explicitement question, dans le livre rouge, d'un nouveau genre de fonds dont les investissements sont décidés par des spécialistes. Ainsi, d'après le modèle, le groupe de services de santé MDS Capital, on investit à fond dans son domaine de compétence. Voilà, je crois, le genre de nouveau modèle qu'il nous faut, peu importe où se trouve l'entreprise et la taille de l'agglomération.

La différence, c'est que les membres du fonds comprennent la nature de l'entreprise et qu'ils sont disposés non seulement à lui prêter de l'argent, mais aussi à participer à son capital-actions. Cela aura aussi un effet sur la façon dont les banques font des affaires.

M. Nick Discepola (Vaudreuil): Monsieur le Président, permettez-moi de féliciter le ministre des Finances, M. Paul Martin, d'avoir pris l'initiative de faire de la préparation du budget un processus ouvert et public qui donne à tous les Canadiens voix au chapitre, et ce avant l'adoption du budget. J'espère que cela présage de la manière dont les budgets futurs seront préparés par tous les ministres des Finances.

Je me suis demandé ce que je ferais si j'étais ministre des Finances. J'en suis venu à la conclusion qu'il faudrait d'abord voir comment nous en sommes arrivés à un tel gâchis et, point plus important, comment nous allons nous en sortir. Les Canadiens de toutes les couches sociales savent fort bien qu'il faut mettre de l'ordre dans les finances publiques.

Ma première recommandation au ministre est de livrer aux Canadiens un bilan exact de l'économie canadienne. Ils ont le droit d'en connaître l'état.

[Français]

La population canadienne et québécoise sait qu'il faut agir avec rigueur. La région de Montréal, une ville autrefois prospère, a été durement frappée sur le plan économique. De nombreuses usines ont fermé leurs portes. Le taux de chômage, surtout chez les jeunes, a atteint des proportions inacceptables, et le pourcentage de familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté ne cesse d'augmenter.

Il est grand temps de revenir aux principes essentiels. Nous devons apprendre à vivre selon nos moyens, à respecter chaque dollar gagné et à faire davantage avec beaucoup moins.

Les objectifs et les buts de notre gouvernement sont bien connus. Nous voulons encourager la croissance économique et la création d'emplois, protéger ceux et celles qui ne peuvent se protéger eux-mêmes, et surtout réduire le déficit.

Comment s'atteler à la tâche? On ne doit surtout pas avoir recours à des solutions bouche-trous et temporaires. Au contraire, notre approche doit être équilibrée, rapide et absolue. Et surtout nous devons être prudents afin de ne pas contrecarrer la reprise économique qui est lentement en train de se produire.

(1155)

Nous devons nous attaquer au problème du déficit sans aucune équivoque et en équilibrant nos sources de revenus, en réduisant soigneusement nos dépenses, tout en soutenant l'économie pour améliorer la croissance prévue de 3 à 4 p. 100.

[Traduction]

Arriver à un juste équilibre exige que les Canadiens fassent un examen approfondi de leurs attentes face au gouvernement. En retour, le gouvernement doit avoir le courage de résister aux pressions politiques. L'heure de l'austérité a sonné, et il faut mettre un frein à la mauvaise gestion des fonds publics. Nous devons aussi être à l'affût de toutes les possbilités d'économies, petites et grandes, et supprimer les dédoublements de services.

Quelle doit être la priorité du ministre des Finances? À mon humble avis, la seule vraie priorité est de créer des emplois, des emplois et encore des emplois. À lui seul, le gouvernement est incapable de le faire. Par contre, il peut créer et nourrir un climat favorable à la croissance du secteur privé pour faire en sorte que se créent ces emplois qui nous font si cruellement défaut.

Le gouvernement doit aider l'entreprise à devancer la concurrence. Le gouvernement doit cependant conserver en même temps un milieu social sain.

Je pense que notre gouvernement est sur la bonne voie. Il a signé l'ALENA et les accords du GATT et le Canada est maintenant bien placé sur le nouveau marché mondial qui permettra à l'entreprise et à l'industrie de profiter des nouveaux débouchés qui s'ouvrent à l'échelle internationale.

Ces accords constituent un bon point de départ, mais je demande maintenant au ministre des Finances d'être fidèle aux engagements pris par le gouvernement à l'endroit des petites et des moyennes entreprises. Ce sont elles après tout qui ont créé 85 p. 100 des emplois. Le moment est venu maintenant d'agir. Si le ministre des Finances veut créer les emplois qui nous font si


694

cruellement défaut, le gouvernement doit donner à ces 900 000 entrepreneurs l'accès au capital dont ils ont désespérément besoin. Il faut supprimer immédiatement l'obligation de présenter des garanties personnelles pour obtenir un prêt aux petites entreprises.

[Français]

Le comté de Vaudreuil, que j'ai le privilège de représenter, est à la fois rural et urbain. Le maïs, l'industrie laitière et l'élevage de volaille sont les principales activités que l'on retrouve dans le secteur rural de mon comté.

Les producteurs de grain du comté de Vaudreuil ont pris l'initiative d'implanter dans la région une usine de production d'éthanol-carburant, qui sera financée par le milieu des affaires et les producteurs de grain. En plus d'être un combustible propre et environnementalement pur, la production d'éthanol-carburant augmenterait la production de maïs dans la région, ce qui viendrait en aide aux fermiers de mon comté qui sont confrontés à une situation difficile.

L'implantation d'une telle usine créerait 300 emplois directs à temps plein, et 600 emplois durant sa construction. Le seul obstacle, c'est la taxe sur le carburant qu'il faut éliminer afin que l'éthanol puisse devenir une alternative économique à l'essence pour auto.

Il est très facile d'accroître le fardeau fiscal des contribuables. Mais je me permets de mettre en garde le ministre des Finances contre ce piège, et je l'incite à ne pas augmenter l'impôt sur le revenu des Canadiens et Canadiennes qui sont parmi les plus taxés du monde industriel. Selon un rapport publié en novembre 1993 par l'OCDE, depuis trois ans, les familles canadiennes ont subi la plus forte augmentation d'impôt sur le revenu et la plus forte baisse en revenu net du Groupe des Sept.

Il faut donc que le ministre des Finances cherche ailleurs de nouveaux revenus. Ou encore, et cela est bien plus plausible, qu'il réduise les dépenses dans différents domaines, en restructurant l'appareil gouvernemental et la manière dont les services sont livrés.

À mon avis, la première chose à faire, c'est d'exiger que chaque ministère justifie son budget. Un système de récompense qui mesurerait la performance des administrateurs de chaque ministère devrait être implanté. On évaluerait les économies réalisées en respectant les nouvelles directives et les coûts, ainsi que la quantité de paperasserie requise.

La frénésie de dépenses qui s'empare de plusieurs ministères à l'approche du 31 mars, date fatidique de fin d'année fiscale, doit arrêter immédiatement. Par contre, récompensons ces administrateurs qui dépensent peu, et pénalisons ceux qui dépensent trop!

Nous devons avoir de nouvelles approches aux services gouvernementaux, ce qui ne signifie pas pour autant que le gouvernement doive renoncer à son rôle, ou à offrir les services que les Canadiens et les Canadiennes sont habitués à recevoir et auxquels ils s'attendent.

(1200)

Une meilleure collaboration entre les trois paliers de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, aurait pour résultat l'élimination du gaspillage causée par le dédoublement de services. Sans vouloir usurper aucun pouvoir, le défi sera d'identifier objectivement le niveau gouvernemental le mieux qualifié pour administrer le plus économiquement possible sa sphère de juridiction, tout en obtenant la collaboration des autres.

En éliminant les dédoublements et les chevauchements bureaucratiques, on économisera de l'argent à tous les niveaux. Premièrement, tant les citoyens que les entreprises auront à traiter avec moins de niveaux gouvernementaux, ce qui aura pour conséquence une réduction des coûts administratifs. Deuxièmement, l'élimination de certains ministères très coûteux se traduirait immédiatement par une économie tant pour le contribuable que pour le gouvernement. Et enfin, troisièmement, la coopération entre les gouvernements fédéral et provinciaux multiplierait l'efficacité des services offerts et augmenterait l'économie d'échelle. Ces dernières offrent un potentiel d'économie énorme sans toutefois affecter la qualité des services offerts.

[Traduction]

J'exhorte le ministre des Finances, lorsqu'il examinera tous les éléments d'actif du gouvernement, à se pencher particulièrement sur les terrains, les immeubles, les activités qui font concurrence au secteur privé et divers autres biens qui ne seraient plus essentiels après la restructuration du gouvernement.

J'encourage le ministre des Finances à établir un régime d'obligations lié à la dette, auquel les Canadiens seraient invités à participer, sachant que chaque dollar investi servirait directement à amortir la dette. Avec une dette intérieure, les intérêts reviendraient dans l'économie canadienne, ce qui permettrait au gouvernement de réduire sa dette extérieure et de garder un meilleur contrôle de sa propre économie.

Je propose aussi la mise sur pied d'une taxe sur le jeu et les gains de loterie. Je suis sûr que tous les Canadiens seraient d'accord. À cet égard, pourquoi ne pas instituer une loterie nationale liée à la réduction de la dette? Les Canadiens qui ne jouent habituellement pas aux loteries seraient peut-être portés à y prendre part. Les produits pourraient être répartis entre les dettes canadienne et provinciales, selon une formule équitable.

En terminant, je rappelle que le renouveau financier et fiscal du Canada ne sera pas une tâche facile, mais certainement pas impossible. Nous pouvons vraiment choisir de nouvelles façons de gérer la dette et le gouvernement, ainsi que la structure mise en place pour assurer la croissance économique. Si nous manifestons une volonté politique, les Canadiens nous suivront.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, je félicite le député pour son excellent discours. Je partage son inquiétude à l'égard de l'industrie agricole.

Je me demande s'il pourrait nous dire comment, à son avis, il serait possible de régler certains problèmes entre employeurs et employés, qui semblent persister dans l'industrie céréalière.


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Voilà des années que cette question embête les agriculteurs et leur fait du tort. Je voudrais bien savoir ce qu'il en pense.

M. Discepola: Monsieur le Président, comme je l'ai déjà mentionné, ma circonscription est une région rurale à 60 p. 100. Au cours de la campagne électorale, j'ai rencontré un grand nombre de producteurs laitiers ainsi que de producteurs céréaliers. J'avoue que la question a rarement été soulevée pendant la campagne. Beaucoup de producteurs laitiers sont très satisfaits du système de gestion de l'offre, qui fonctionne très bien.

En ce qui concerne les producteurs céréaliers, ils ont désespérément besoin d'autres débouchés pour leurs produits. Le principal projet auquel nous pensons ne se limite pas seulement à la région de Vaudreuil, car, comme on l'a mentionné hier à la Chambre, il existe un groupe de travail évaluant les possibilités de produire de l'éthanol. Je crois que cela aura des retombées pour tous les Canadiens, surtout dans les régions rurales.

Je ne connais pas le problème de gestion, mais je remercie quand même le député pour sa question. S'il a d'autres idées, je serai heureux d'en discuter avec lui.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je tiens aussi à féliciter le député pour son allocution, notamment pour avoir insisté sur la nécessité de mettre davantage de capitaux à la disposition de la petite entreprise.

(1205)

Dans la minute qui reste ou à peu près, le député pourrait-il nous proposer des moyens d'être beaucoup plus dynamiques dans ce domaine?

M. Discepola: Monsieur le Président, je remercie le député d'avoir posé la question. Ayant moi-même fondé une petite entreprise en 1976, j'ai eu la malchance de devoir traiter avec les institutions financières.

Je me suis entretenu avec beaucoup de petits entrepreneurs. La majorité emploie tout au plus sept ou huit employés et tous sans exception seraient disposés à en employer un ou deux de plus s'ils disposaient davantage de capitaux. Au lieu de risquer leurs économies durement gagnées, ils voudraient pouvoir avoir accès à de petits emprunts ou à des emprunts d'affaires pour lancer de nouveaux projets qu'ils ont à l'esprit.

Si l'on encourageait les petites entreprises à prendre ainsi d'elles-mêmes l'initiative de réaliser des projets qu'elles nourrissent depuis des années, cela contribuerait beaucoup à créer les emplois dont notre pays a désespérément besoin.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le ministre des finances de l'occasion qu'il nous donne d'exprimer nos attentes face au prochain budget, en dehors des «scrums» médiatiques qu'on a connus au cours du dernier mois et des périodes de questions qui demeurent sans réponse et auxquelles il nous a habitués.

D'entrée de jeu, le Bloc québécois continue de croire que, pour effectuer une nécessaire réforme équitable, efficace et durable de la fiscalité et éviter les coupes sombres dans les dépenses publiques, et en particulier dans les programmes sociaux, il faudra avant longtemps que le ministre des Finances mette en place, comme nous le lui demandons depuis toujours, un comité parlementaire spécial devant analyser l'ensemble des dépenses et de la fiscalité canadienne.

Et nous déplorons qu'il n'ait pas répondu à ce jour aux demandes en ce sens formulées par le Bloc québécois car ici, en cette Chambre, on parle beaucoup de transparence, on parle beaucoup de démocratie, on parle beaucoup de collaboration, de responsabilisation aussi, mais lorsque vient le temps de joindre les actes aux paroles, c'est une autre histoire.

Personne ici ne doute de l'état lamentable des finances publiques. Personne ne doute non plus qu'il faille adopter des mesures adéquates pour amorcer un virage salutaire à cet égard.

La dette fédérale, comme plusieurs l'ont mentionné avant moi, a atteint récemment le record de 507 milliards de dollars.

Depuis la récession, la situation se détériore davantage. De 1991 à 1994, le déficit est passé de 31 à 45 milliards de dollars. Le déficit d'opération du gouvernement canadien représente actuellement 6,2 p. 100 du PIB, soit à peu près le double, selon l'OCDE, de ce qui prévaut aux États-Unis.

Ce piètre résultat quant au déficit et à l'allure générale des finances publiques canadiennes s'explique surtout par une baisse non anticipée des recettes fiscales.

Cette baisse est très inquiétante, car elle s'est produite malgré une certaine croissance de l'économie. Il y a nécessairement un lien à faire ici entre cette faiblesse des rentrées fiscales et la progression de l'économie souterraine, la progression de l'économie au noir.

Cette situation catastrophique des finances publiques ne peut plus continuer car, sur le plan général, elle contribue à diminuer la marge de manoeuvre dont le gouvernement dispose pour s'attaquer aux vrais problèmes, notamment celui du chômage. Le déficit en lui-même draine l'épargne et augmente l'emprunt canadien à l'étranger. En fait, de 1983 à 1992, la part de la dette fédérale détenue par des non-résidants a plus que doublé. Des pays du G-7, le Canada est le plus endetté à l'étranger. Cette piètre situation des finances publiques mine la crédibilité du Canada et nuit aux investissements, car elle commande une prime de risque qui contribue à hausser les taux d'intérêt canadiens.

La première cause de la situation catastrophique des finances publiques est l'état de l'économie. Nous sortons à peine d'une très longue récession, une des plus longues et une des pires depuis la crise de 1929. La reprise se fait attendre et est beaucoup plus lente qu'en 1982.

Cette récession que nous déplorons, nous la devons d'abord et avant tout à la politique dogmatique de la Banque du Canada, qui a provoqué des écarts considérables entre les taux d'intérêt réels canadiens de court terme et ceux qui prévalaient à ce moment-là


696

aux États-Unis. Ce taux réel au Canada, le seul qui compte pour les investisseurs, et quand va-t-on le comprendre de l'autre côté de cette Chambre, a connu un écart de plus de 6 p. 100 par rapport au taux américain. Alors, comment, dans ce cas-ci, attirer les investisseurs et comment garder nos investisseurs canadiens sur le marché domestique? C'est inadmissible!

(1210)

À cause de cela, à cause de la politique du gouvernement précédent surtout, nous sommes entrés en récession avant tout le monde, et dès le premier trimestre de 1990. Le ralentissement mondial qui a suivi a exacerbé les conjonctures québécoise et canadienne.

Lorsqu'on regarde la situation, on s'aperçoit que depuis avril 1992, le Québec n'a récupéré que 25 p. 100 des pertes d'emplois subies durant la récession, alors qu'au Canada, c'est un peu plus, c'est même beaucoup plus, c'est 60 p. 100. Le taux de chômage demeure élevé et inacceptable. Il atteignait autour de 13 p. 100 au Québec et 11,2 p. 100 au Canada; des taux inacceptables cachant un drame pour des centaines de milliers de Québécois et de Canadiens.

La reprise, on l'attend toujours, mais selon les données techniques des économistes, elle serait là depuis environ presque deux ans maintenant. La récession et la lente reprise, conjugées à une sous-utilisation du potentiel de production canadien, ont contribué à diminuer les revenus du gouvernement. D'autant plus que parmi les pays du G-7, selon une étude du Fonds monétaire international, le Canada a le déficit le plus sensible à l'état de l'économie. Mais il y a bien plus car, comme le mentionnait le chef de l'opposition ce matin, lors de son excellente intervention, et toujours selon une étude du Fonds monétaire international, même si l'économie canadienne avait fonctionné à son plein potentiel en 1993, il y aurait tout de même des déficits accumulés au cours des prochaines années aussi de l'ordre de 3,5 p. 100 du PIB. Nous faisons donc face également à un problème d'ordre structurel au Canada.

Ce problème est lié à la nature du régime fédéral, de même qu'à son incapacité chronique et historique à s'adapter aux nouvelles réalités sociales et économiques. Voici quelques exemples liés à la nature même du régime et qui contribuent à l'anémie de la reprise: en raison d'une mauvaise division des pouvoirs et de l'ingérence du fédéral dans les compétences des provinces, le régime cause des dédoublements et des chevauchements de programmes conduisant à une inefficacité dans l'atteinte des objectifs mêmes pour lesquels ils ont été créés. Les coûts estimés de ces dédoublements sont de l'ordre de 2 à 3 milliards de dollars par année et uniquement pour le Québec.

Un deuxième signal d'un régime qui contribue à l'anémie de la reprise économique: à cause de la nature du régime, de sa propension naturelle à vouloir tout centraliser, les gouvernements se compétitionnent entre eux en quantité de services et non en qualité. On a vu cela dans plusieurs dossiers, comme dans celui de la formation de la main-d'oeuvre, dans celui du développement régional, dans celui du transport où j'ai été associé par le passé.

La règle est toujours la même dans ce régime. La règle est que le gouvernement fédéral ait la plus grande visibilité, que le drapeau flotte et que le drapeau tasse celui du Québec ou celui des autres provinces canadiennes. Cela conduit à de l'inefficacité, à des doubles interventions et à un tassage en règle des gouvernements des provinces.

Le livre rouge qu'on brandit toujours comme une bible du côté de mes amis d'en face, à chaque fois qu'on se fait répondre, à chaque fois qu'on véhicule une insouciance ou une inertie, est le témoin d'un régime qui est dépassé, d'un régime qui est décadent.

Troisième exemple, le régime fédéral provoque un manque de cohésion et d'intégration des politiques freinant de ce fait une salutaire reprise de l'emploi, de la croissance économique et par conséquent des rentrées fiscales. On ne soulèvera jamais assez le problème d'intégration des différents volets de la sécurité du revenu, de la formation de la main-d'oeuvre et de son intégration sur le marché du travail et la nécessité de décentraliser pour répondre à des besoins d'efficacité, de subsidiarités tellement bien compris en Europe et surtout dans Maastricht.

Non seulement ce régime est-il inflexible et inadéquat pour assurer une reprise économique consistante et garante de rentrées fiscales adéquates, mais ce régime, avec l'aide de ceux et celles qui l'ont alimenté depuis des décennies, souvent les mêmes qu'on retrouve aujourd'hui dans ce gouvernement libéral, ce régime a perdu le sens des priorités, le sens des priorités incontournables dans un monde en perpétuelle ébullition.

L'héritage du fédéralisme en matière de dépenses en recherche et développement et en formation est un bon exemple.

(1215)

Au Canada, nous avons le championnat de la tête de queue en matière de dépenses en recherche et développement. Une proportion de 1,4 p. 100 du PIB, comparativement à 3,1 p. 100 au Japon, à 2,8 p. 100 aux États-Unis, en ce qui a trait aux dépenses en recherche et développement. Il est proprement scandaleux qu'on n'ait pas mis historiquement une priorité dans un secteur aussi structurant que celui de la recherche et du développement.

L'héritage du fédéralisme en matière de recherche et développement pour le Québec est encore pire, car le Québec ne reçoit historiquement-et cela remonte à il y a 30 ans-qu'entre 12 et 18 p. 100 des dépenses en recherche et développement, alors que l'Ontario en reçoit plus de 50 p. 100. Il ne faut donc pas s'étonner de voir que dans ce processus-là de la reprise économique, le Québec n'y trouve pas son compte. Le Québec est affaibli historiquement, parce que la structuration liée à la recherche et développement n'y est pas, et le gouvernement fédéral y a contribué.

En même temps, dans le domaine de la formation à l'entreprise, le Canada brille aussi par sa mauvaise performance. La recherche et le développement, de même que la formation de la main-d'oeuvre sont pourtant les nerfs de la guerre pour relever et gagner les défis de la mondialisation, pour assurer une reprise durable, pour créer des emplois et assurer des rentrées fiscales suffisantes. C'est l'évidence même. Pas étonnant, étant donné


697

cette piètre performance du régime, qu'en seulement deux ans le Canada soit passé de la cinquième à la onzième place des pays industrialisés sur l'échelle de compétitivité du World Competitiveness Report, en 1992.

Pas étonnant non plus que, selon le même rapport de 1993, cette fois-ci, le Canada se classe vingtième sur 22 pour les perspectives d'avenir. Nous assistons à une perte de confiance des Québécois et des Canadiens envers les institutions politiques. Or, dans un univers en constante évolution, nous ne pouvons pas nous permettre de faire du «sur place» indéfiniment.

Face à tout cela, face à tout ce gâchis, et devant un régime qui ne leur apporte aucun espoir, sauf des conférences constitutionnelles, des conférences économiques maintenant, des conférences sur les ressources humaines, des conférences qui vont s'éterniser dans le temps, mais sans solution, on comprend mieux que les laissés-pour-compte et ceux et celles qui sont écrasés et étranglés par la fiscalité canadienne, c'est-à-dire les revenus moyens, fassent preuve de cynisme face aux politiciens.

On comprend mieux leur sentiment de révolte, le sentiment d'impuissance qu'ils ont et leur frustration de ne pouvoir choisir réellement qu'une fois tous les quatre ans, et de se faire passer des sapins entre-temps. On comprend mieux, sans être d'accord, que plusieurs d'entre eux soient contraints de se tourner vers l'économie souterraine, vers l'économie au noir, activité qui vient miner les recettes du gouvernement et aggraver l'état des finances publiques.

Le problème des cigarettes de contrebande n'est que l'expression d'une situation beaucoup plus grave que ne le prétendent ceux qui justement prétendent nous gouverner. Ce n'est que l'expression d'un désabusement généralisé, et quelquefois de désinvolture, qu'éprouvent les Québécois et les Canadiens.

Les Québécois et les Québécoises choisiront bientôt une voie d'avenir plus florissante à leur point de vue que celle que leur trace le régime actuel. L'accession du Québec à la souveraineté sera certes l'occasion pour le Québec de se prendre en main, d'être responsables devant eux-mêmes et devant l'Histoire, mais elle sera aussi l'occasion idéale pour les Canadiennes et les Canadiens de se redéfinir, de se doter d'institutions qui leur ressemblent, avec un gouvernement central fort s'ils le désirent, des normes nationales mur à mur si c'est cela qu'ils veulent. Bref, les Canadiennes et les Canadiens auront tout le loisir d'évoluer à partir de modèles qui leur convient et que nous respectons, mais que nous ne partageons plus comme Québécois.

En attendant, et de façon à entrer dans le vif du sujet qui nous occupe aujourd'hui, et de façon à ce que j'aie le temps aussi de passer l'ensemble de mon message, j'aimerais aborder de front la question des finances publiques. Depuis le début des consultations que le ministre des Finances a enclenchées, plusieurs ont affirmé qu'il n'y avait pas d'assainissement possible des finances publiques, sans coupures dans les programmes sociaux, car les transferts aux individus et aux provinces représentent plus de la moitié des dépenses de programmes. Et le déroulement des consultations qu'a conduites le gouvernement, par l'entremise de son ministre des Finances, nous laisse croire qu'il semble tenté par cette solution, de même que son collègue des Ressources humaines.

Si ce n'est pas le cas, comment expliquer alors que dans un document de son propre ministère, intitulé Les défis économiques du Canada, il soit fait mention de la trop grande générosité de nos régimes de sécurité sociale et de santé? Comment expliquer que le député de Hull-Aylmer, celui-là même qui affectionne de façon toute particulière les voyages en Challenger, à 170 000 $ par discours, ait pu parler de coupures de 20 p. 100 dans le budget de la santé? Comment expliquer que, à chaque fois que je lui ai demandé en cette Chambre de démentir les rumeurs à cet égard, le ministre des Finances ne l'ait jamais fait?

(1220)

Les statistiques sur le sous-emploi et sur la pauvreté des femmes et des enfants qu'on a énoncées hier dans cette Chambre devraient nous convaincre et devraient convaincre ce gouvernement qu'il ne doit pas toucher aux programmes sociaux, qu'il ne doit pas s'attaquer aux plus démunis de la société, chose qu'il a reprochée au gouvernement précédent.

Cela devrait convaincre ce gouvernement de laisser tranquille ceux et celles qui en arrachent, comme on dit au Québec, et de tenter d'améliorer leur sort et leurs perspectives d'avenir en mettant en place des politiques économiques adéquates et des mesures palliatives, tel le rétablissement du budget sur les logements sociaux, sabré honteusement par l'administration précédente.

Deuxième voie que semble privilégier le ministre des Finances: mettre à contribution les revenus moyens. Ce n'est pas non plus une voie indiquée, de l'avis du Bloc québécois. Il faut rétablir une saine gestion des finances publiques. Les revenus moyens, lorsqu'on regarde l'évolution de la ponction fiscale qu'on leur a demandée depuis 1984-donc la majorité de l'augmentation de 68 p. 100 des taxes et impôts fédéraux-, ne peuvent plus contribuer à l'augmentation des recettes fiscales. Ils sont étranglés, monsieur le Président.

Ce n'est pas là non plus que le gouvernement doit aller élargir, comme il le dit, son assiette fiscale, car depuis 1984, comme je le mentionnais, il y a eu une augmentation de 68 p. 100 des impôts et des taxes du gouvernement fédéral, absorbée en majeure partie par les revenus moyens. Là encore, le ministre des Finances semble tenté par cette voie.

Le quotidien La Presse titrait, le 28 janvier dernier-là, je suis obligé de nommer le ministre-«Martin a l'oeil sur les aînés et les avantages sociaux». On retrouvait dans cet article que le ministre avait l'intention de taxer les régimes de santé et d'assurances payés par les employeurs, qu'il serait prêt à s'attaquer à certaines exemptions bénéficiant aux personnes âgées à revenu moyen, de même qu'à l'exemption sur les gains de capitaux et au plafond des REER. Selon le Bloc québécois, les revenus moyens méritent un répit fiscal.

Par ailleurs, d'autres ont déjà suggéré dans le processus d'examen des finances publiques que, pour rétablir une saine situation dans les finances publiques, on doive couper dans les transferts aux provinces. Là non plus, ce n'est pas la solution. Ce sont les mêmes contribuables qui, à la fin, au bout du processus, paient, mais ce sont les provinces canadiennes, et en particulier le gouvernement du Québec, qui supportent l'odieux des coupures,


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qui supportent l'odieux des restrictions budgétaires, et le fédéral s'en lave les mains.

Depuis 1984, les provinces ont déjà fait amplement leur part. Je vous soulignerais tout simplement que, de 1984 à 1993, la part des revenus du gouvernement du Québec-je prends l'exemple du Québec car c'est celui que je connais le mieux, mais ça doit s'appliquer un peut partout à la grandeur du Canada-provenant des transferts du fédéral a chuté de 29 p. 100 à 18 p. 100.

Durant la même période, la part de la contribution du gouvernement fédéral aux programmes de santé et d'éducation postsecondaire du Québec a tombé de 45 p. 100 à 32 p. 100.

Ces baisses de la contribution fédérale pour le Québec proviennent du fait que le gouvernement fédéral a pris plusieurs mesures qui ont eu pour effet de pelleter son problème de gestion des finances publiques dans la cour des provinces.

Au seul chapitre du financement des programmes établis, le ministère des Finances du Québec estime que les coupures effectuées par le fédéral ont coûté, en perte de revenus pour le gouvernement du Québec, près de 2 milliards de dollars, seulement durant l'année fiscale 1992-1993. Qui a payé cela? Ce sont les contribuables. Ce sont les mêmes contribuables qui ont eu droit à un impôt spécial de la part de feu le ministre des Finances.

Ce n'est pas à ces trois postes qu'il faut aller chercher, mais il faut élargir l'assiette fiscale en abolissant les échappatoires fiscales qui profitent aux hauts revenus et aux grandes entreprises. Je vais me contenter de les citer, puisque vous me faites signe qu'il ne me reste que deux minutes.

Le ministre des Finances devrait penser, lorsqu'il élaborera son budget, aux très riches contribuables canadiens qui, selon Yves Séguin, un fiscaliste reconnu au Québec et ancien ministre du Revenu du Québec, étaient 368 000 en 1991 à déclarer 68 milliards de dollars de revenus sur lesquels ils n'ont payé qu'un taux d'imposition effectif de 18 p. 100, alors que le taux d'imposition de base était de 29 p. 100.

Si on avait ajouté seulement 3 points à leur taux d'imposition effectif, on aurait récupéré ainsi à cette année 2 milliards de dollars en rentrée fiscale fraîche. On ne l'a pas fait.

Je demanderais au sous-ministre des Finances de s'attaquer aux milliers d'entreprises qui n'ont pas payé un sou d'impôt. Et on voit bien que des données sont cachées. Le ministère des Finances cesse de compiler de telles données depuis 1987, mais en 1987 et selon Léopold Lauzon, un comptable fiscaliste bien connu aussi au Québec, il y a 90 000 sociétés qui ont réalisé des profits de 27 milliards en ne payant aucun sou d'impôt.

(1225)

Un impôt minimum, disons de 10 p. 100, imposé sur ces profits, aurait permis de récolter tout près de 3 milliards de dollars supplémentaires en rentrées fiscales fraîches. Pourquoi ne le faisons-nous pas? Le Bloc québécois encourage fortement le ministre des Finances à mettre en place un impôt minimum des sociétés qui pourrait atteindre 10 p. 100 par exemple. C'est là qu'il faut aller chercher les milliards qui manquent dans les coffres fédéraux.

La même chose pour les fiducies familiales. Nous en avons parlé, mais les études vraiment exhaustives à cet égard manquent. Un chiffre a été avancé par Claude Picher de La Presse, qui a été conforté par d'autres analyses ailleurs, un chiffre de pertes fiscales de 350 millions par année. Mais on sait qu'il y a probablement plus dans cette fiducie familiale, car les actifs globaux, mis en fiducie, représentés en 1982, dernière année disponible aussi, sont de 87,7 milliards de dollars. Ce ne sont pas toutes des fiducies familiales, mais les fiducies familiales sont englobées là-dedans. On ne connaît pas leur ampleur exacte, mais on sait que ce sont des centaines de millions qu'on peut ajouter aux coffres fédéraux en mettant nos culottes, monsieur le Président.

Alors, nous réitérons une autre demande du Bloc québécois de constituer un comité parlementaire. J'entendais le ministre des Finances ce matin dire qu'il faudrait attendre en 1995, lors du processus devant mener à l'élaboration du Budget de 1995-1996. Ce n'est pas en 1995-1996 qu'il faut attendre. Le ministre doit immédiatement mettre en place ce comité parlementaire spécial pour analyser de façon exhaustive l'ensemble des dépenses budgétaires et fiscales effectuées par le gouvernement fédéral de façon à apporter une réforme durable, une réforme équitable aussi et de façon surtout à colmater les brèches, les injustices fiscales, dont je vous ai mentionné l'existence tout à l'heure.

Mon collègue, le député de Joliette, élaborera plus particulièrement sur les nouvelles révélations du vérificateur général, parce que là aussi il y a des centaines de millions à aller chercher. Si vous me permettez, en terme de conclusion, j'aimerais faire le message suivant au ministre des Finances par votre entremise: j'osais espérer avant les Fêtes que le ministre des Finances ne reconduise pas la politique monétaire canadienne de la façon qu'on l'avait menée auparavant, que l'avait menée le gouverneur général de la Banque du Canada auparavant.

Il a nommé à sa place le bras droit de l'ancien gouverneur général de la Banque du Canada avec essentiellement le même mandat, c'est-à-dire la stabilité monétaire, la stabilité des prix, mais sans considération pour la croissance économique. Je lui demande, par votre entremise, de revoir cette politique monétaire pour avoir un équilibre comme lui demandent plusieurs économistes et non pas uniquement les 90 p. 100 des économistes qu'il y avait ici à Ottawa, mais comme lui demandent les économistes comme Pierre Fortin par exemple, de rééquilibrer ses objectifs de stabilité des prix à long terme avec la croissance de l'emploi et du développement économique à court terme.

M. Nick Discepola (Vaudreuil): Monsieur le Président, tout d'abord, j'aimerais féliciter notre collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot pour son allocution. Je partage beaucoup de ses préoccupations, comme j'en faisais part dans ma propre intervention.

Je crois que le député de Saint-Hyacinthe-Bagot a manqué une occasion en or, compte tenu qu'il est le critique des finances. J'ai écouté attentivement son discours, mais ses propos étaient très généraux. J'aurais souhaité avoir plus de précision. Je partage ses points de vue, surtout en ce qui concerne la recherche et développement et également les aspects touchant les petites et moyennes entreprises.


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Comme je l'ai dit, il avait une occasion en or de faire valoir ses points de vue, et j'aurais souhaité entendre plus de propos concrets et exacts.

En ce qui concerne mon comté et ma belle province de Québec, je suis frustré d'entendre, tous les jours, autant le BQ que le PQ, dire que le problème économique du Canada et du Québec, c'est la faute du système fédéral qui ne fonctionne plus; le problème du taux de chômage au Québec, c'est la faute du système fédéral qui ne fonctionne plus.

Aujourd'hui, on avait l'occasion, dans cette Chambre, de faire valoir des points concrets pour la première fois dans l'histoire du Parlement.

(1230)

Je pose encore la question suivante au député de Saint-Hyacinthe-Bagot: Si le Québec devait obtenir son indépendance, quel pourcentage du fardeau fiscal, surtout de la dette, et également quel pourcentage de l'assurance-chômage et de nos systèmes sociaux croit-il qu'il serait équitable pour le Québec d'assumer? Ou ne serait-il pas plutôt dans l'intérêt de tous les Québécois et de tous les Canadiens de travailler ensemble pour avoir un meilleurs pays, une meilleure province?

M. Loubier: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour son intervention. Si je n'ai pas été assez clair, je vais l'être en cinq mots.

Le message suivant s'adresse au ministre des Finances: Premièrement, de ne pas s'attaquer à ceux qui en arrachent le plus dans la société, à l'heure actuelle: les chômeurs, ceux qui sont à la recherche active d'un emploi, et ils le sont en très grande majorité.

Deuxièmement, de ne pas s'attaquer non plus aux assistés sociaux, en coupant par exemple dans le programme d'assistance publique du Canada ou dans les transferts autres, comme la péréquation, qui visent à améliorer la capacité fiscale des provinces.

Je lui demande aussi de ne pas couper dans l'ensemble des transferts aux provinces, puisque ce sont les mêmes contribuables qui vont payer en bout de ligne.

De plus, je lui demande de ménager ceux qui ont payé et qui en ont soupé de payer, et qui en sont étranglés, ceux qui ont payé depuis 1984, c'est-à-dire les personnes à revenu moyen. Voilà le message essentiel de la première partie de mon discours.

La deuxième partie de mon message, c'est qu'il s'attaque aux vrais problèmes. Et ces vrais problèmes, ce sont les échappatoires fiscales. Je vous en ai cité une série, j'aurais pu vous en citer d'autres aussi, parce que des études existent à cet égard, même si elles sont incomplètes. Ces études existent, mais l'ampleur des phénomènes des échappatoires fiscales, et en particulier des fiducies familiales, on ne la connaît pas tout à fait.

Il y a des chiffres qui sont véhiculés, des chiffres crédibles, de 350 millions de dollars, minimum. Cela prendrait peut-être un mandat unanime de la Chambre auprès du vérificateur général-et c'est dans ses attributions-pour qu'il fasse une étude exhaustive des paradis fiscaux, des fiducies familiales, etc. Cela serait le seul moyen. Cette étude devrait être intégrée à l'intérieur du comité parlementaire spécial que l'on demande au ministre des Finances de mettre en place. Le rapport et le travail du vérificateur général devraient être intégrés aux travaux démocratiques de ce comité. Voilà la première partie de mon message.

La deuxième partie est la suivante: La balle-je parle de la souveraineté versus le fédéralisme-sera dans le camp de mon collègue et de ses autres collègues, députés fédéralistes, une première fois lors de la prochaine élection provinciale, mais surtout lors du débat référendaire. Depuis cinq ans, il n'y a eu aucune preuve, et au contraire, que le régime soit réformable selon les aspirations du Québec.

Alors, je demanderais à mon collègue de ménager sa salive, comme on dit au Québec, parce que le débat qui va s'amorcer fera en sorte qu'il aura besoin de pédaler, et de pédaler très fort pour démontrer, premièrement, que le régime répond aux attentes du Québec, et démontrer aussi qu'il peut contribuer au développement économique et réussir face aux défis de la mondialisation de l'économie.

[Traduction]

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je suis ravie d'être ici et de vous féliciter pour votre nomination. Je suis ravie de participer à ce débat aujourd'hui et de faire mon premier discours depuis le début de la présente législature, bien que ce ne soit pas mon premier discours à la Chambre. Permettez-moi aussi de signaler en passant que la vue est fort différente de ce côté-ci de la Chambre. Je veux profiter de cette occasion pour remercier les habitants de Halifax qui m'ont permis d'avoir cette vue, que j'espère pouvoir garder longtemps.

(1235)

Pour les Canadiens, les élections que nous avons eues l'automne dernier étaient un événement marquant à plusieurs égards. Notre pays traversait une période difficile, et il est encore confronté à de nombreux problèmes qui touchent à la fois la population et le gouvernement. Lors de ces élections, les Canadiens ont envoyé un message très clair à la Chambre, aux députés, au gouvernement, à nous tous. Ce message, c'est que l'emploi est leur plus grande préoccupation.

Je me souviens d'avoir entendu un jour un commentateur parler de la façon dont les gens écoutent les nouvelles. Ils les écoutent en se demandant d'abord si cela les touche, puis si cela touche leur famille, leur quartier, leur ville, leur province et, enfin, leur pays.

Si la réponse à toutes ces questions est non, ils se demandent alors quel intérêt ces nouvelles peuvent présenter pour eux.

L'ancien président de la Chambre des représentants aux États-Unis, le regretté «Tip» O'Neil, a très bien résumé ce phénomène lorsqu'il a dit que la politique a toujours un caractère local. Et la question la plus importante actuellement au niveau local pour les


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Canadiens, c'est la question de l'emploi et de la sécurité d'emploi. Ces gens doivent faire vivre leurs familles.

Je suis ravie de siéger de ce côté-ci de la Chambre, sous la direction du premier ministre, du ministre des Finances et des autres membres du Cabinet, qui ont fait de la création d'emplois et de la croissance économique leur priorité.

Il est grand temps que les Canadiens voient le côté compréhensif et bienveillant du gouvernement. Il est grand temps qu'ils sachent que les personnes qu'ils ont élues pour les gouverner sont déterminées à voir à ce que la vie soit meilleure au Canada, à voir à ce que notre pays, le plus favorisé sur terre, réalise son plein potentiel et donne à tous ses habitants le genre de vie auquel ils ont le droit de s'attendre en tant que citoyens canadiens.

Lorsque je regarde les divers programmes promis dans notre livre rouge tant vanté, je suis rassurée parce que nous tenons nos promesses. Nous savons tous que les Canadiens nous ont dit que nous avions beaucoup à prouver, que ce soit en tant que ministériels, en tant que députés de la loyale opposition de Sa Majesté ou en tant que députés indépendants.

Ceux d'entre nous qui ont été assez chanceux pour recevoir un deuxième ou, dans certains cas, un troisième ou même un quatrième mandat de leurs électeurs ne peuvent pas s'asseoir sur leurs lauriers parce que nous avons beaucoup à prouver aux Canadiens. Il est absolument essentiel de rétablir la confiance entre nous qui siégeons à la Chambre et les gens qui nous ont envoyés ici. Il est absolument essentiel de redorer l'image de la profession à laquelle chacun de nous appartient, la politique, image qui a été beaucoup ternie ces dernières années.

Je crois que nous pouvons y arriver; cela ne sera pas facile et cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous pouvons y arriver.

Je suis ravie, par exemple, que le programme d'infrastructure dont nous avons tant parlé durant la campagne électorale soit déjà en marche dans toutes les régions du pays. Je suis également ravie de savoir que les programmes comme le Programme d'aide à la rénovation résidentielle et le Service jeunesse seront bientôt mis sur pied, encore une fois pour créer des emplois et, ce qui est peut-être plus important encore, pour redonner espoir aux Canadiens de tous âges.

(1240)

Nous savons que nous devons nous mettre à la tâche. Nous savons que nous devons investir dans les entreprises du Canada. Nous devons travailler de concert avec les petites et moyennes entreprises, lesquelles constituent incontestablement dans ma région, l'Atlantique, l'épine dorsale de l'économie.

Pendant mes cinq années dans l'opposition, j'ai dénoncé un gouvernement qui n'écoutait pas et semblait n'avoir qu'un programme de destruction lorsqu'il s'agissait du Canada atlantique. Cette région ne mérite pas d'être l'enfant pauvre de la Confédération et il n'en sera pas ainsi avec le gouvernement actuel.

La petite entreprise est la voie de l'avenir dans le Canada atlantique. Les projets d'infrastructure en cours d'élaboration serviront de tremplin. Cependant, à long terme, la nouvelle attitude face aux petites entreprises fera la différence. En leur donnant de l'air, la région pourra reprendre sa vraie place.

Je le dis depuis cinq ans et j'espère le répéter pendant encore cinq ans, nous n'aimons pas quémander. Nous sommes très fiers. Ma région a envoyé dans d'autres régions du Canada des enseignants, des avocats, des politiciens, des organisateurs communautaires, des banquiers et le reste. Nous continuerons de le faire.

Il faut que les gouvernements comprennent. Les gens originaires de la région de l'Atlantique finissent par perdre contact et par s'ennuyer s'ils doivent rester ailleurs pendant trop longtemps. Notre région est une région très spéciale. Nous voulons que nos enfants en héritent et qu'ils puissent se tailler une place au sein de la société canadienne.

Nous sommes très fiers de nos frères et de nos soeurs du centre, de l'ouest et du nord du Canada. Nous aimons leur rendre visite et nous aimons qu'ils viennent nous rendre visite. Cependant, nous voulons que nos quatre petites provinces accrochées au littoral atlantique ne soient plus les laissées-pour-compte, mais qu'elles deviennent des partenaires égales au sein de la Confédération.

Nous croyons que cela se produira grâce aux politiques énoncées dans le livre rouge. Nous croyons que cela se produira en raison des engagements pris par le premier ministre. Nous croyons que cela se produira à coup sûr en raison de la détermination de ces quatre provinces.

Le gouvernement fédéral comprend très bien sa responsabilité envers la population des provinces atlantiques et, en fait, envers la population de tout le Canada. Il est important que nous tenions nos promesses et nous les tiendrons. Il est encore plus important que l'ensemble du Canada constate que le gouvernement fédéral transpose ses promesses dans des programmes.

Il est important, par exemple, que le gouvernement du Canada fournisse des capitaux pour attirer des entreprises de technologie de pointe comme le centre de fractionnement du sang de la Croix-Rouge prévu pour Halifax. Ce centre à lui seul créera 400 emplois permanents en technologie de pointe et aura des retombées économiques de 11 milliards de dollars dans la région de Halifax et dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Pratiquement toutes les villes canadiennes seraient heureuses d'accueillir ce centre. Dans le Canada atlantique, c'est le genre d'investissement que nous recherchons et que nous tentons d'attirer depuis longtemps. Je dois féliciter le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse, surtout le ministre du Développement, pour le travail qu'il a fait pour attirer ce centre dans la région de Halifax.

Par ailleurs, notre gouvernement doit tirer parti du fait que le Canada est une nation commerçante. Les emplois et la prospérité dépendent de notre capacité de vendre nos produits à l'étranger.


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À ce sujet, je souligne que jusqu'à la semaine dernière, le port de Halifax était le plus grand port libre de glaces du monde. Nous avons eu un peu de glace la semaine dernière. Il ne fait aucun doute que c'est à cause de l'air froid provenant du centre du Canada. Les Haligoniens ont été très étonnés à leur réveil de voir des brise-glace à l'oeuvre dans leur port. C'est une chose que de voir ces navires accoster au port, y entrer et en sortir, mais d'avoir à y briser la glace est un grand choc pour nos systèmes et nous espérons que cela ne se reproduira plus. Malheureusement, il n'y a personne à la Chambre qui puisse vraiment prévenir pareille chose.

(1245)

Une voix: C'est discutable.

Mme Clancy: Oui, c'est discutable.

Le port de Halifax est peut-être le plus grand des atouts, sur le plan industriel, que possède la province de Nouvelle-Écosse. Cela me rappelle les déclarations de l'époque des navires en bois, et si vous me permettez cette paraphrase, l'époque des navires en bois et des caractères de fer, pour dire que notre port est de nouveau prêt à jouer un rôle de premier plan dans le développement industriel du Canada, eu égard spécialement à nos capacités commerciales accrues.

On nous a souvent reproché à nous, de la région de l'Atlantique, de nous préoccuper uniquement des relations Nord-Sud, mais nous nous préoccupons également des relations Est-Ouest. Le port et les moyens de transport desservant le port de Halifax peuvent se révéler énormément avantageux pour tous les Canadiens. Nous, de la région de Halifax, invitons les députés ici à la Chambre à venir voir les installations que nous possédons et à se rendre compte de l'atout formidable que tout cela peut représenter pour les Canadiens.

Tout en cherchant à progresser dans les domaines des affaires, du commerce extérieur et de la création d'emplois, nous devons également veiller, je le répète, à ce que le Canada demeure à la hauteur de la réputation de pays compatissant que nous avons dans le reste du monde.

Je félicite le ministre du Développement des ressources humaines des décisions qu'il a annoncées hier et de l'initiative qu'il prendra pour veiller à ce que la compassion et le bon sens demeurent la clef de voûte et la note dominante de la politique d'un gouvernement libéral.

Monsieur le Président, je vous remercie de m'avoir permis de participer à ce débat et je suis impatiente de participer à d'autres débats à la Chambre.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je peux dire à la députée que le point de vue, de ce côté-ci de la Chambre, s'est beaucoup amélioré aussi. Même si je suis un nouveau venu, je pense que c'est sans doute le cas.

J'ai passé dans les Maritimes certaines des plus belles années de ma vie, entre 17 et 20 ans. La députée pourrait-elle expliquer les causes de cette dégradation des perspectives économiques dans les Maritimes? Après tout, les premiers établissements au Canada ont été fondés en Nouvelle-Écosse, à Annapolis Royal et le long de la baie de Fundy. Que s'est-il passé dans les Maritimes pour que les perspectives se dégradent?

Mme Clancy: Monsieur le Président, je remercie le député d'Edmonton-Sud-Ouest de sa question. En l'entendant, je me suis rappelé que, ayant grandi dans une famille où la politique avait une place de choix, j'avais entendu bien des fois la réponse.

Pour commencer, je dirai que les habitants des Maritimes sont attachés à leur pays. Peut-être pas plus que d'autres, mais ils sont extrêmement attachés au Canada, et leurs sentiments ont été éprouvés. C'est pourquoi on peut dire qu'ils sont passionnément engagés envers le Canada, son avenir, sa prospérité.

Il y a bien des choses à dire. Tout d'abord, à l'époque de la Confédération, lorsque cette espèce de glissade a débuté, si je puis dire, l'accent a été mis sur les relations Est-Ouest plutôt que Nord-Sud. Or, nous avions toujours eu des liens étroits avec la Nouvelle-Angleterre et les Antilles. On peut même dire que rien n'a changé avant la Première Guerre mondiale, sans doute.

Mais des questions ont surgi-Dieu me garde d'en parler-au sujet de l'achat du pétrole de l'Alberta. Personne ne voulait acheter le charbon du Cap-Breton, et nous ne pouvions nos pommes vers l'Ontario. Un certain nombre de questions se posaient dans les échanges commerciaux à l'intérieur du pays. Elles sont d'ailleurs toujours sans réponse et, comme tous les habitants de l'Atlantique, j'espère qu'on y répondra pendant le mandat du gouvernement actuel.

Autre élément, les migrations. Aucun doute là-dessus. Nous avons fourni pendant longtemps le personnel des universités, des tribunaux et des fonctions publiques des neuf autres provinces. Ces personnes reviennent bien dans leur province natale, mais pas avant la fin de leur carrière. Cela n'a pas été sans poser des difficultés.

(1250)

Le plus grand problème a été l'absence de politique industrielle vraiment adaptée à la région de l'Atlantique. J'ai la conviction que, en mettant l'accent sur la petite entreprise comme il est dit dans le livre rouge et comme le ministre des Finances l'a répété au cours de ses consultations prébudgétaires, nous aurons des politiques et des programmes qui aideront spécifiquement le Canada atlantique.

Nous n'avons pas la population pour les mégaprojets et, jusqu'à un certain point sans doute, nous n'en avons pas tellement l'envie non plus. Quiconque a vécu en Nouvelle-Écosse peut raconter des horreurs sur Clairtone et les usines d'eau lourde, par exemple.

Par contre, nous avons à la fois les moyens et le goût de réussir dans les petites entreprises. Si on laisse le champ libre aux petites entreprises, et je crois que le gouvernement le fera, le Canada atlantique connaîtra une nouvelle prospérité, et un certain nombre de mes collègues ne demandent pas mieux que de s'associer à ces efforts. Nous invitons le député, ainsi que vous, monsieur le Président, à venir nous rendre visite n'importe quand. Évidemment, les entreprises touristiques comptent parmi les petites entreprises les plus dynamiques de la région.


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M. Ian Murray (Lanark-Carleton): Monsieur le Président, je voudrais d'abord vous féliciter de votre nomination. C'est aussi la première fois que j'ai l'occasion, à la Chambre des communes, de remercier mes électeurs de m'avoir choisi pour les représenter au Parlement.

Je tiens à remercier le ministre des Finances d'avoir prévu que se tienne aujourd'hui un débat prébudgétaire spécial. C'est un prolongement utile des consultations qu'il a faites d'un bout à l'autre du pays depuis dix jours.

La consultation la plus importante auprès de la population canadienne s'est tenue à la fin de l'année dernière lorsque chacun d'entre nous a pu entendre de leur bouche même, au cours d'une campagne électorale intensive de 47 jours, le point de vue des Canadiens sur leur pays et leur gouvernement.

Ma circonscription, qui se trouve tout juste à l'ouest d'Ottawa, comprend des petites entreprises, des fermes, des usines de fabrication et le coeur de l'industrie canadienne de technologie de pointe. La population de Lanark-Carleton a subi de plein fouet les effets de la récession et du réalignement du commerce international. J'ai été impressionné par la ténacité et le ressort manifestés par nombre de petits commerçants.

Nul doute que tous les députés ont, pendant la campagne, entendu le récit d'un nombre incalculable de personnes qui ont eu des difficultés économiques, qui ont fait faillite, qui ont perdu leur emploi ou qui ont croulé sous le poids des impôts perçus par tous les paliers de gouvernement.

Le 25 octobre, les Canadiens ont voté en faveur du changement. Ils ont demandé qu'on adopte un système qui récompense l'initiative plutôt que d'entraîner la dépendance. Ils ont opté pour un système fondé sur l'espoir plutôt que sur le désespoir, pour un système fondé sur l'équité plutôt que sur les privilèges.

Mes électeurs jugeront satisfaisant le premier budget de notre gouvernement dans la mesure où nous remplirons notre engagement d'apporter des changements. Ce ne sont pas les idées qui manquent au ministre dans la composition de son budget. Comme les choix sont tous difficiles, nous avons besoin d'un ensemble de principes pour nous guider. Nous devons, notamment, récompenser les initiatives individuelles et celles qui créent des emplois. Nous devons être justes, et reconnaître que les impôts sont trop élevés Les gens ont dit qu'ils payaient déjà assez d'impôts.

Dans le peu de temps dont je dispose aujourd'hui, je voudrais soulever quelques questions précises. Qu'on le veuille ou non, tous les budgets fédéraux influent sur le comportement des contribuables. Il y aura toujours des compensations, mais il faut traiter de la question de l'équité telle que la perçoivent les contribuables. Même si on tente de rendre le régime fiscal plus neutre, la société est trop complexe pour pouvoir satisfaire tout le monde.

L'impôt sur le revenu des particuliers est fondé sur la famille traditionnelle. Mais nous devons adapter le régime aux réalités de l'heure que sont les familles monoparentales, les couples dont les deux membres travaillent et les hommes au foyer. À l'instar de mes concitoyens, je jongle avec des idées qui nous permettront de rendre le système plus équitable et mieux adapté à ces nouveautés.

Plusieurs habitants de Lanark-Carleton ont proposé que nous considérions le revenu familial dans son ensemble. D'aucuns estiment que les familles où un des parents décide de rester à la maison pour élever les enfants sont désavantagées par le régime fiscal. Pour ma part, je serais volontiers en faveur d'une proposition qui répartirait le revenu entre les conjoints, tant que ces derniers auraient des enfants à charge.

(1255)

Par ailleurs, bien des gens m'ont dit craindre que le budget ne s'attaque aux modalités de cotisation à un REER. Il est facile de décrire cette dépense fiscale comme un avantage accordé aux riches. Cependant, pour bon nombre de travailleurs autonomes et pour ceux qui ne jouissent pas de la protection qu'assure un régime de retraite de société ou du gouvernement, les REER représentent le meilleur moyen de faire des économies en prévision de leur retraite.

De plus, le gouvernement doit continuer d'encourager les citoyens à prendre leur avenir en main.

Au cours de la campagne électorale, tous les partis ont souligné l'importance que revêt la petite entreprise pour notre économie. En effet, nous considérons la petite entreprise comme le moteur de la croissance économique et de la création d'emplois au Canada.

Si le rôle du gouvernement est de créer un climat qui soit de nature à stimuler l'entreprise privée, que pouvons-nous faire pour montrer aux entrepreneurs notre détermination? Premièrement, nous devons leur permettre de gérer leurs affaires sans avoir à trop se préoccuper du fardeau fiscal qui ne cesse de s'alourdir, des cotisations à verser et de toute la paperasserie dont on les inonde actuellement. Notre priorité doit consister à leur faciliter la tâche dans l'embauche de nouveaux employés. Le gouvernement doit changer d'attitude et constater que la plupart des gens d'affaires sont des citoyens honnêtes, respectueux des lois, qui n'ont pas besoin de bureaucrates ni de vérificateurs gouvernementaux qui les suivent à la trace.

Passons maintenant à la question du financement de la petite entreprise par le truchement d'une approche innovatrice de la fiscalité. De même que nous devons encourager ceux qui créent des emplois, servons-nous du régime fiscal pour récompenser ceux qui investissent dans les jeunes sociétés canadiennes.

Ainsi, à mesure que nous avançons dans l'ère de l'information, nous constatons que le grand problème réside dans le financement des petites sociétés de services informatiques qui ne disposent que de peu de capitaux, quand elles en ont. Leur principal capital, ce sont leurs ressources intellectuelles. Certes, une forte proportion de sociétés de pointe font faillite, mais celles qui réussissent méritent largement qu'on prenne le risque de les financer. J'en ai eu la preuve à maintes reprises dans ma circonscription. Les réussites les plus patentes entraînent la création de nouvelles entreprises. Le moment est peut-être venu d'utiliser à bon escient l'exemption fiscale pour gains en capital et d'y voir un moyen de récompenser ceux qui prennent des risques. Les investissements à faible risque peuvent très bien se passer de l'apport des autres contribuables.

Les associations de gens d'affaires clament depuis des années que le gouvernement doit cesser de subventionner les grandes entreprises. Prenons-les au mot et puisons dans les programmes


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de subventions les fonds nécessaires à l'établissement d'incitatifs fiscaux destinés à créer des emplois. Il faut continuer de subventionner les petites et moyennes entreprises. Du fait même qu'elles ont davantage besoin d'encaisse, il leur est plus difficile de profiter des incitatifs fiscaux.

S'il est un programme qui a reçu trop peu de fonds publics, c'est bien celui du développement des collectivités dont s'occupe le ministère du Développement des ressources humaines. Les centres locaux d'aide aux entreprises consentent des prêts et offrent des conseils techniques aux sociétés actuelles ou nouvelles.

Au cours des six dernières années, le Centre d'aide aux entreprises de Lanark-Carleton a contribué à la création de plusieurs centaines d'emplois à peu de frais pour le contribuable. J'espère que lorsque les ministres examineront les secteurs où il faut réduire les dépenses, ils reconnaîtront l'importance que peut avoir le maintien de ce programme communautaire.

Le premier budget du nouveau gouvernement n'est qu'une étape sur le chemin qui nous conduira vers une prospérité nouvelle et vers la création d'emplois. Au cours des prochains mois, nous assisterons à l'élaboration des programmes complémentaires exposés dans le plan d'action électoral du Parti libéral qui s'intitulait: Pour la création d'emplois-Pour la relance économique.

En tant que gouvernement responsable et humanitaire, nous ne devons jamais perdre de vue les Canadiens qui sont victimes des forces économiques mondiales. En tant que Canadiens, nous devons demeurer solidaires. Nous devons faire en sorte que les maigres ressources financières soient affectées aux secteurs où elles seront le plus efficaces.

Je souhaite du succès au ministre des Finances qui, de concert avec ses collaborateurs, continuera le travail déjà amorcé en vue de faire tomber les barrières interprovinciales au commerce. Et le plus tôt sera le mieux!

En outre, nous ne devrions pas oublier que la création réelle d'emplois provient de la création de richesses, et non pas de leur répartition. Le ministre devra faire des choix extrêmement difficiles, car il sait pertinemment qu'il ne plaira pas à tout le monde.

Les habitants de Lanark-Carleton misent sur un budget qui récompensera l'initiative, qui suscitera l'espoir et qui rétablira l'équité dans l'activité gouvernementale.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, c'est plus une observation qu'une question que je veux adresser au député. Pratiquement tout ce qu'il a dit m'a frappé par son bon sens. Je tiens à ce que mon collègue sache qu'il existe des parallèles très solides des deux côtés de la Chambre.

Le député pourrait-il en quelques minutes nous en dire un peu plus sur la notion du fractionnement du revenu pour les familles?

(1300)

L'inéquité du régime fiscal entre les familles où les deux parents travaillent et celles où l'un des parents reste à la maison est un problème qui revient régulièrement sur le tapis.

M. Murray: Monsieur le Président, c'est une question qui m'intéresse personnellement depuis des années. Si j'ai cessé de m'y intéresser, c'est principalement parce que l'emploi que j'occupais auparavant était très bien rémunéré et que j'ai toujours pensé qu'une personne qui avait un salaire élevé et qui se plaignait du régime fiscal ne méritait pas qu'on l'écoute.

Néanmoins, quand on regarde les impôts qui pèsent sur les salariés de la classe supérieure et de la classe moyenne et que l'on pense qu'une famille de cinq ou six personnes pourrait se débrouiller avec le revenu d'une personne, on se rend compte que le régime fiscal est injuste.

Mes soupçons ont été vraiment confirmés durant la campagne électorale où je faisais du porte-à-porte pendant la journée et où j'ai rencontré des femmes qui restaient à la maison pour élever leurs enfants. J'ai pu constater combien ces familles étaient obligées de se serrer la ceinture à cause des impôts trop élevés à payer.

Il est juste, je crois, que le gouvernement procède à cette réforme en partie pour reconnaître la contribution réelle des gens qui restent à la maison pour élever leurs enfants. Je pense que la plupart des députés ici présents conviendront qu'il est dans l'intérêt des enfants et dans celui de la société que les enfants soient élevés par leurs parents.

Je ne me suis pas penché sur les complexités d'une telle réforme. Je suis sûr qu'il en a déjà été question. Je suis sûr que le ministère des Finances a déjà envisagé cette possibilité que j'ai l'intention d'examiner au cours des prochains jours. Je remercie le député de ses commentaires.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Monsieur le Président, en tant qu'économiste, je connais la plupart des blagues concernant ma profession. Écoutez les économistes et vous verrez qu'ils ne s'entendent jamais sur rien. Ils n'ont jamais, semble-t-il, la même opinion sur quoi que ce soit.

Étant donné cette réputation, il est assez surprenant de voir le consensus entre les 42 économistes que le ministre des Finances a réunis, au milieu de décembre, pour obtenir des conseils en vue de la préparation du budget. Sur 42 économistes, 36 environ étaient d'accord sur un certain nombre de points qu'il est, à mon avis, important de rappeler à l'occasion de ce débat.

Tout d'abord, le déficit budgétaire a trois conséquences très graves qui amènent le Parlement à s'attaquer en priorité à sa réduction. D'autres orateurs dans ce débat ont présenté ou vont présenter certaines prévisions. Je m'en abstiendrai donc. Je dirai simplement que, depuis que j'ai commencé à vous parler, il y a une minute, la dette fédérale a augmenté de 75 000 $.

Les économistes ont notamment déclaré que l'augmentation des déficits menace la viabilité de nos programmes sociaux. Selon toute probabilité, d'ici l'an 2000, il faudra utiliser 50 p. 100 des recettes totales du gouvernement pour payer l'intérêt sur la dette, comparativement à 31 p. 100 en 1993 et à seulement 21 p. 100 en 1983.

Comme les députés de la Chambre le savent, les dépenses de programmes ont déjà été tellement réduites que toute réduction future ne fera qu'entraîner un grave manque d'efficacité et une grande insatisfaction du public. Si les déficits continuent d'augmenter, ce sont les programmes sociaux qui se ressentiront des


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fonds supplémentaires requis pour payer les intérêts. C'est précisément à cause de cette menace qui plane sur les programmes sociaux que le Parti réformiste continue d'insister tant sur la nécessité d'éliminer le déficit.

Les économistes ont également fait remarquer que les déficits font augmenter les taux d'intérêt, ce qui se traduit par un ralentissement de l'investissement, de la croissance économique et des mises en chantier. Cette situation s'explique du fait que, chaque année, l'épargne suscitée par l'économie est limitée. Les bailleurs de fonds qui utilisent leur argent pour acheter des obligations d'État ne peuvent pas prêter cet argent aux entreprises qui veulent construire des usines ou aux Canadiens qui font une demande d'hypothèque pour acheter une maison.

(1305)

Les générations futures de Canadiens auront à supporter un double handicap, soit la réduction du capital-actions et de la productivité, et le fardeau fiscal engendré par le paiement de l'intérêt sur la dette.

Une des préoccupations les plus sérieuses exprimées par les spécialistes est que la persistance des déficits accroît le risque de crise financière. Nous avons tous entendu parler des problèmes auxquels sont confrontées la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Grande-Bretagne et l'Italie, où les investisseurs internationaux ont perdu confiance dans la capacité des gouvernements de maîtriser les déficits.

Personne ne peut prévoir ce qui pourrait déclencher une crise financière au Canada. Les économistes du ministre des Finances ont presque tous reconnu que plus le déficit persiste, plus la probabilité de crise financière s'accroît.

Le second point qui a presque fait l'unanimité parmi les économistes est qu'il sera impossible d'éliminer le déficit sans une réduction substantielle des dépenses. La relance économique ne peut pas engendrer suffisamment de revenus pour réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB, et encore moins l'éliminer. Le taux de croissance économique qu'il faudrait atteindre pour réaliser cet objectif est sans précédent dans l'histoire et à toutes fins utiles irréalisable.

Par contre, il est clair que le déficit ne peut pas être éliminé par un accroissement du fardeau fiscal, non plus que par une hausse des taux d'intérêt ou un élargissement de l'assiette fiscale. Toute tentative en ce sens ne ferait que stimuler la croissance de l'économie parallèle ou l'évasion fiscale, ce qui réduirait d'autant les chances d'accroître suffisamment les revenus.

Troisièmement, les économistes reconnaissent qu'on ne peut pas compter sur l'inflation pour éliminer le déficit. Jusque dans les années 70, on pouvait peut-être avoir recours à ce moyen pour déprécier la valeur réelle de la dette publique, mais dans le contexte actuel, caractérisé par une économie intégrée et des marchés financiers très sophistiqués, les institutions prêteuses nationales, et surtout internationales, n'achèteraient pas d'obligations canadiennes dont le pouvoir d'achat serait diminué par l'inflation, à moins que cette perte de valeur ne soit compensée par une hausse équivalente du taux d'intérêt.

On comprendra aisément l'effet qu'aurait la demande publique pour des taux d'intérêt plus élevés sur l'ampleur du déficit. Chaque hausse d'un point de pourcentage du taux d'intérêt se traduit aussitôt par une augmentation de 5 milliards de dollars des paiements de la dette, et par conséquent du déficit.

Aussi, j'espère que M. Gordon Thiessen, le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, demeurera fidèle à la politique de stabilité des prix établie par son prédécesseur, M. John Crow.

J'ajoute que l'inflation ne peut pas servir à réduire le chômage ou à stimuler la croissance de l'économie. La situation durant les années 70 et par la suite au Canada et ailleurs a démontré que cette théorie n'était pas valable.

En terminant, je souligne que les économistes réunis par le ministre des Finances ont fait de nombreuses recommandations en vue de réduire les dépenses, mais la proposition qui a reçu le plus fort appui de principe visait à réduire les dépenses par une réforme des programmes sociaux. Si ma mémoire est fidèle, seul Michael Walker, de l'Institut Fraser, s'est attardé à expliquer en quoi consisterait cette «réforme». À l'instar du Parti réformiste durant la campagne électorale, M. Walker a fait sa proposition après avoir constaté qu'une partie importante des paiements de transfert gouvernementaux allait à des familles à revenus élevés.

Sans trop entrer dans les détails, permettez-moi seulement de faire remarquer que, en 1992, les familles qui se situent dans le dixième supérieur et dont le revenu est de plus de 100 000 $ ont encaissé 2,5 milliards de dollars d'assurance-chômage et 1,5 milliard de prestations de la Sécurité de la vieillesse. Quels que soient les critères choisis, on constate toujours que des sommes de cette importance vont aux familles à revenu élevé.

Ces faits nous amènent à établir une définition claire et précise de la restructuration des programmes sociaux. Cela signifie l'élimination des prestations pour ceux qui n'en ont pas besoin. Les députés sont priés de noter ce point important qui mérite d'être répété. Dans le lexique du Parti réformiste, la restructuration des programmes sociaux ne signifie pas que les prestations des pauvres diminueront. Cela signifie qu'on éliminera celles des familles qui, de l'avis d'une large majorité, n'en ont pas besoin.

(1310)

Au cours de la campagne électorale, la plupart des personnes à revenu élevé que j'ai rencontrées se sont dites prêtes à renoncer à ces avantages sociaux si d'autres Canadiens faisaient des sacrifices semblables dans le but d'équilibrer le budget.

En résumé, je rappelle aux députés que les économistes qui travaillent pour le ministre des Finances demandent instamment au gouvernement d'éliminer le déficit en réduisant rapidement les dépenses, et non pas en augmentant les impôts ou l'inflation. Ils demandent par ailleurs qu'une restructuration des programmes sociaux soit à la base de cette réduction des dépenses.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, je voudrais simplement formuler deux observations au sujet de certaines affirmations de mon collègue.


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Le député a signalé à juste titre dans son discours le rôle que les taux d'intérêt jouent dans l'accroissement du déficit. Il s'est élevé contre la stratégie du maintien des taux d'intérêt à un niveau élevé à cause des répercussions que cela aurait sur le déficit. Cependant, je pense qu'il serait utile de ne pas préciser simplement comment on ne doit pas s'attaquer au déficit maintenant, mais de signaler aussi comment ce déficit a été créé au départ.

La majeure partie du déficit auquel nous sommes confrontés aujourd'hui ne découle pas des dépenses sociales que le Parti réformiste aime à critiquer, mais plutôt des taux d'intérêt élevés qu'on a maintenus au début des années 1980. Je pense que c'était là une des failles, si on peut dire, de l'analyse du Parti réformiste.

On ne peut revenir en arrière et changer ces taux d'intérêt ni éliminer la dette qu'ils ont créée. J'en suis conscient; cependant on semble imputer de façon implicite le déficit aux dépenses sociales alors que des études, particulièrement une étude de Statistique Canada, montrent que ce ne sont pas ces dépenses, mais bien les taux d'intérêt élevés et les dépenses fiscales qui ont contribué dans une large mesure à l'accroissement du déficit.

À mon avis, l'argumentation du député serait beaucoup plus crédible s'il reconnaissait au moins cela. Il est possible qu'une certaine restructuration des programmes sociaux s'impose, mais je ne crois pas, contrairement à mon collègue, qu'on doive pour cela éliminer l'universalité. Si les Canadiens à revenu élevé qui touchent des prestations sont si disposés à contribuer à la réduction du déficit, pourquoi ne pourrions-nous pas alors atteindre cet objectif en appliquant un régime d'impôt sur le revenu plus progressif dans le cadre duquel ils paieraient pour les programmes universels dont ils profitent grâce aux recettes fiscales tirées de notre régime d'impôt sur le revenu?

En quoi le député s'opposerait-il à cela? Pourquoi devons-nous accepter que la seule façon pour les Canadiens à revenu élevé d'apporter leur contribution serait de renoncer à ces avantages et de payer pour chacun d'eux, au lieu de partir du principe que pour une fois nous pourrions avoir au Canada un régime fiscal équitable dans le cadre duquel les Canadiens à revenu élevé paieraient leur juste part au lieu de verser de moins en moins d'impôts comme c'est le cas depuis neuf ans grâce aux réformes fiscales du gouvernement conservateur?

M. Grubel: Monsieur le Président, j'apprécie la leçon que je viens de recevoir de l'honorable député.

Ce n'est certainement pas avec plaisir que le gouverneur de la Banque du Canada a haussé les taux d'intérêt. Il a dû s'y résoudre en raison des événements mondiaux et de l'inflation menaçante.

Il n'existe tout bonnement aucun moyen qui permette à un gouvernement ou à une société privée de vendre ses obligations en période inflationniste en demandant un faible taux d'intérêt. Il est maintenant bien établi parmi les économistes qu'en période d'inflation, les taux d'intérêt doivent être élevés, sinon personne ne consentira de prêts.

Je crois que c'est dans ce contexte qu'il faut situer l'épisode des taux d'intérêt élevés du début des années 1980.

Je voudrais aussi commenter la théorie du député voulant qu'il soit équitable d'établir des taux marginaux d'imposition élevés et qu'il n'y ait aucune distinction entre exiger le remboursement des transferts pour les dépenses des programmes sociaux et ne pas les verser au départ. Partout dans le monde, on a constaté que les taux marginaux d'imposition élevés produisaient des contre-incitations qui se répercutaient sur le bien-être de toute la société. C'est pourquoi les taux marginaux d'imposition élevés sont disparus partout dans le monde. D'ailleurs, dans bien des pays, lorsque ces taux ont été réduits, les revenus ont augmenté dans leur ensemble, les efforts et les tentatives pour dissimuler les revenus étant disparus.

(1315)

L'autre jour, j'ai rencontré un étudiant à qui j'ai demandé: «Que feras-tu après avoir reçu ton diplôme?» Il a répondu: «Je vais m'installer dans l'abri fiscal, Seattle.» Le député devra y repenser, à moins qu'il soit prêt à fermer les frontières canadiennes en imposant des taux marginaux d'imposition très élevés aux Canadiens. Ce sont surtout les gens productifs, originaux et entrepreneurs qui iront s'installer là où ils n'auront pas ces impôts élevés à payer. On pourra dire: «Bon débarras!», mais je dis au député qu'il n'est certes pas dans l'intérêt des Canadiens que ces jeunes entrepreneurs, ces gens qui lancent des petites entreprises, ces innovateurs s'enfuient là où les taux d'imposition sont plus bas.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, l'autre jour, le premier ministre a déclaré, pendant la période des questions, que chaque député coûtait environ 3 millions de dollars en frais généraux. J'espère que le premier ministre m'écoute attentivement, parce que je suis sur le point de payer ma dette en participant à ce débat.

Le discours que je vais prononcer est la raison pour laquelle j'ai été élu et pour laquelle je me suis lancé en politique. Au cours des deux prochaines années, j'espère avoir l'occasion de participer, au sein de mon caucus et à la Chambre, au débat national sur l'économie. Je voudrais remercier sincèrement le gouvernement de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue si tôt au début de la 35e législature. Le tout s'inscrit dans un processus évolutif qui fera le lien entre ce budget et le prochain.

Je suis un de ces hommes d'affaires en chair et en os dont tant de gens parlent. Je n'avais absolument rien lorsque je me suis établi à Edmonton, en 1975. Je vivais chez ma soeur dans un appartement au sous-sol et versais une pension à mon ex-conjointe qui, elle, vivait à Vancouver.

Je suis parti de rien et j'ai bâti une entreprise qui, vingt ans plus tard, atteint son apogée avec un chiffre d'affaires d'environ


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7,5 millions de dollars par année et 130 employés. Aujourd'hui, je suis très fier de crier au monde entier que nos employés possèdent le tiers des actions de notre entreprise. Aujourd'hui même, nous avons conclu l'accord aux termes duquel un tiers des actions va aux employés, un tiers à moi et l'autre tiers à mon associé, et j'en suis très fier.

Au cours de ses quelque 19 années d'activité, notre entreprise, je suis un peu gêné de l'avouer, a reçu une subvention du gouvernement. Nous avons en effet obtenu 16 000 $ du programme de diversification de l'économie de l'Ouest. Mon entreprise évolue dans le domaine de l'impression photographique. Il me semble que le gouvernement fédéral nous a versé cette subvention de 16 000 $ en application de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Un mystère que j'invite les députés à tenter d'élucider. Comment est-ce que mon entreprise de développement de photos a pu obtenir 16 000 $ environ dans le cadre de la diversification de l'économie de l'Ouest, conformément à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest?

Le vrai mystère ici, c'est que nous ayons eu droit à une subvention après que quelqu'un fut venu nous dire qu'il nous obtiendrait une subvention du gouvernement fédéral si nous décidions de prendre de l'expansion. Cette personne nous a dit que tout ce que nous aurions à faire, c'était de lui ouvrir nos livres et de lui céder 25 p. 100 de ce que nous réussirions à obtenir. J'ai beaucoup hésité, car nous avions pu survivre jusque-là sans l'aide du gouvernement et il nous aurait été agréable de continuer à le faire. Toutefois, nous payions des impôts et si nous n'avions pas profité de ces programmes stupides, nos compétiteurs l'auraient fait, ce qui nous aurait désavantagés. Nous avons donc accepté.

Nous avons obtenu cette subvention parce que nous avons élargi notre entreprise et que nous avons investi 300 000 $. Quelqu'un ici croit-il vraiment qu'un entrepreneur peut décider d'investir 300 000 $ rien que pour obtenir 16 000 $ du gouvernement? Sans doute pas. Un entrepreneur qui ferait cela ne devrait probablement pas être dans les affaires d'abord et avant tout.

(1320)

Dans le temps des Fêtes, je prenais un café dans la cantine avec Joan, une employée. Je lui ai dit que si elle voulait donner son avis sur ce que je devais faire, c'était le temps ou jamais. Elle m'a conseillé d'aller dire au gouvernement de cesser de l'imposer, elle qui arrivait à peine à joindre les deux bouts avec un salaire horaire de 10 $, pour donner cet argent à d'autres, qu'elle en avait assez que le gouvernement, notamment, gaspille l'argent qu'elle avait durement gagné.

Quand sommes-nous, députés du présent gouvernement ou membres élus de tout autre gouvernement, devenus soudainement et comme par magie des investisseurs en capital risque? Jamais. Nous, en tant que gouvernement, imposons les sociétés et les particuliers. Le gouvernement gobe ce dollar, le mâchouille et finit par recracher 20 cents qu'il donne à quelqu'un d'autre pour livrer concurrence à ceux-là mêmes qui lui ont donné ce dollar pour commencer. Cela n'a tout simplement pas de bons sens.

On n'a qu'à ouvrir n'importe quel journal pour y lire des articles faisant état de subventions gouvernementales, de prêts du gouvernement, d'argent donné pour rien. Il y a plus de 600 subventions qu'on peut obtenir de l'État par le truchement de divers organismes gouvernementaux. La firme Peat Marwick Thorne a publié un ouvrage sur les diverses façons d'obtenir de l'argent du gouvernement. Les grandes entreprises comptent parmi leur personnel des gens qui ne font rien d'autre que soutirer de l'argent au gouvernement.

Si on avait un Klondike aujourd'hui, ce n'est pas dans le Nord-Ouest qu'on le trouverait, mais ici même à Ottawa où les prospecteurs d'or s'affaireraient à obtenir des fonds du gouvernement. Eh bien, l'argent que ces gens-là obtiennent est de l'argent gagné par de simples contribuables au taux de 10 $ ou 20 $ l'heure, et nous devrions examiner la question dans ce contexte.

Il doit y avoir plus de 20 ans qu'un député au Parlement fédéral a inventé l'expression «entreprises parasites». Cela n'a pas changé.

M. Blaikie: David Lewis.

M. McClelland: C'est exact. C'est David Lewis qui a inventé l'expression, et ça n'a pas changé. Le gouvernement fédéral, ou quelque gouvernement que ce soit, n'a pas pour rôle de prendre l'argent des particuliers et de déterminer qui seront les gagnants ou les perdants sur le plan économique dans la société. C'est le rôle des entrepreneurs du secteur privé.

On contribuerait beaucoup à alléger le fardeau fiscal des Canadiens si l'on abandonnait cette pratique démentielle des subventions et des largesses de l'État aux entreprises. Si une entreprise n'a pas ce qu'il faut pour voler de ses propres ailes, elle ne devrait pas être en affaires, point. Si une entreprise a besoin de l'argent de l'État pour s'établir, il y a fort à parier qu'elle va avoir besoin de l'argent de l'État pour poursuivre ses activités.

Le rôle du gouvernement dans les affaires, c'est du moins mon avis, est de prévoir les infrastructures nécessaires pour assurer une éducation de qualité partout au Canada de manière que nous ayons une bonne réserve de gens capables de se lancer en affaires. Il faut des routes, des réseaux d'égout et d'autres infrastructures, l'action des divers niveaux de gouvernement doit être cohérente, nous avons besoin de normes de protection de l'environnement et ainsi de suite, mais il faut surtout un régime fiscal qui récompense l'investissement et le risque en laissant à ceux qui prennent des initiatives une partie de leurs gains.

Enfin, il est très important d'accorder aux innovateurs et aux entrepreneurs dans notre société un statut qui soit à la mesure de l'engagement et de l'apport des entrepreneurs, des investisseurs et de ceux qui prennent des risques.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je voudrais d'abord féliciter le député de son discours. Ayant été moi-même entrepreneur, je partage une bonne partie de ses points de vue et de ses sentiments.

Cependant, s'il est une chose que j'ai apprise depuis quatre ou cinq ans au sujet des subventions du gouvernement, c'est que la plupart des subventions que le gouvernement accorde aux entreprises, qu'elles soient petites, moyennes ou grandes, ne sont pas versées par les ministères en tant que tels, qu'il s'agisse du ministère de l'Industrie ou de celui de la Diversification de


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l'économie de l'Ouest, comme vient de le mentionner le député. En fait, les vraies subventions sont enfouies dans la Loi de l'impôt sur le revenu, avec ses 15 000 pages de dispositions accordant quantité d'avantages fiscaux. Il va de soi qu'une bonne partie des avantages que les gouvernements libéraux et conservateurs précédents ont ajoutés au fil des ans à la loi ne correspondent plus à leur objectif initial.

(1325)

Le député est-il prêt à lutter avec la même conviction pour éliminer ces avantages fiscaux que dans le cas des subventions directes?

M. McClelland: Oui, monsieur le Président. En fait, plus vite on aura un régime fiscal neutre, mieux ce sera. J'estime qu'il est complètement insensé de devoir être un fiscaliste émérite pour connaître les déductions pour ci, les déductions pour ça, de devoir compter sur 14 comptables pour déterminer quel jour de la semaine on est.

Nous aurons bien une révolte, mais ce seront les fiscalistes et les comptables qui se révolteront et chercheront du travail si nous simplifions la loi et la rendons plus équitable.

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona): Monsieur le Président, je sais que le député de Broadview-Greenwood est heureux d'entendre les propos que le député vient de tenir, sauf qu'il n'a pas dit clairement qu'il était favorable à un impôt unique. . .

M. Mills (Broadview-Greenwood): J'attendais que vous le fassiez.

M. Blaikie: . . .et le député devra attendre encore un peu avant qu'il ne me l'entende dire, quoique je doive considérer comme valable l'argument au sujet de la complexité du régime fiscal, qui était censé être progressif et qui ne l'est pas. En effet, plus on a un revenu élevé, plus on est en mesure d'embaucher des gens pour trouver des moyens d'éviter de payer des impôts. C'est la raison pour laquelle je continue d'être ouvert à la proposition du député même si elle ne me convainc pas pour l'instant.

Je voudrais juste dire au député que j'allais mentionner le nom de David Lewis s'il ne l'avait pas fait. Il ne pouvait pas se rappeler son nom, de sorte que j'ai dû l'aider un peu. C'est David Lewis, ancien chef du NPD au Parlement fédéral, qui a inventé l'expression «entreprises parasites», et je suis heureux d'entendre un député du Parti réformiste mentionner cela.

Je sais que ce parti en parlait également dans sa plate-forme électorale. La tendance veut qu'on se concentre et qu'on demande aux Canadiens de se concentrer sur les choses que, paraît-il, les gens à faible revenu obtiennent pour rien, entre autres, l'aide sociale et les programmes sociaux. Or, contrairement à certains groupes à la Chambre, j'estime beaucoup plus choquant que les grandes entreprises bénéficient d'une aide sociale.

Si des assistés sociaux, par exemple, des mères seules, reçoivent plus qu'ils ne le devraient, il faudrait peut-être corriger la situation, mais je n'en ferai pas une maladie. Ce qui me rend malade, ce sont les dépenses fiscales créées et réclamées par le gouvernement et exploitées par les entreprises qui voient de nombreuses grandes sociétés rentables ne payer absolument aucun impôt.

Depuis que je suis à la Chambre, je fais certes de mon mieux-et je pense que le député pourra en témoigner-pour attirer l'attention sur ce problème. Je suis heureux d'entendre un député du Parti réformiste en faire autant. S'il parle sérieusement, il devra s'opposer à des forces très puissantes, pour emprunter une expression de la Bible, car elles puisent à pleines mains dans la bourse publique grâce au régime fiscal.

Lorsque j'ai été élu ici pour la première fois en 1979, en même temps que vous, monsieur le Président, le déficit s'élevait à 14 milliards de dollars et les dépenses fiscales se chiffraient à 32 milliards, soit le double du déficit. Si nous avions géré les dépenses fiscales intelligemment, nous aurions pu rembourser le déficit et il nous serait encore resté 18 milliards de dollars. Nous ne l'avons pas fait et il est grand temps que nous le fassions.

M. McClelland: Monsieur le Président, je vais être très bref. À mon sens, ce qui compte, sur la question des impôts ou des concessions accordées tant aux particuliers qu'aux entreprises, c'est que tout repose sur l'équité.

Il ne suffit pas que tout semble équitable, ça doit l'être effectivement. C'est précisément de cela dont il s'agit, lorsqu'on se demande si, oui ou non, les frais de repas d'affaires et les autres frais de ce genre doivent faire l'objet d'une déduction.

Nous devons absolument tout faire dans un esprit d'équité et nous assurer que la Chambre est un modèle à cet égard, afin que la population canadienne puisse dire: «Eh bien, serrons-nous la ceinture et vivons selon nos moyens, puisque le Parlement nous montre lui-même la voie à suivre.»

(1330)

M. Alex Shepherd (Durham): Monsieur le Président, le Canada a trop souvent pris des raccourcis pour arriver à la prospérité économique. Tandis que nous dépendons de nos ressources naturelles, nous négligeons les vrais secteurs qui sont rentables que sont l'industrie manufacturière secondaire et l'innovation technologique. L'économie de succursales est actuellement en détresse. La plupart des projets de recherche et de développement se font au sud de la frontière, ce qui limite sérieusement notre capacité de tirer un enseignement d'une économie et d'un milieu en évolution.


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Que les députés réfléchissent à ça quand ils rentreront chez eux, ce soir, au volant de leurs voitures américaines et qu'ils allumeront leurs téléviseurs japonais.

Nous sommes en train de nous noyer dans une mer de dettes. La dette ne concerne pas seulement le gouvernement fédéral, elle met aussi en cause tous les paliers de gouvernement. Elle s'élève à plus de 650 milliards de dollars ou, si nous comptons la partie non financée du Régime de pensions du Canada, à plus d'un billion de dollars. Cela correspond à plus de 35 000 $ par personne, homme, femme et enfant, dans ce pays.

Un vent de changement souffle actuellement sur le monde industrialisé. On cherche à remplacer l'ancienne économie fondée sur les industries traditionnelles par une nouvelle société fondée sur les connaissances. C'est l'occasion, pour nous, de contrôler la dette du secteur public et, en même temps, de relancer notre économie. Le moyen le plus facile et le moins pénible de régler des problèmes est de faire croître l'économie à un rythme plus rapide que les dépenses gouvernementales. En fait, nous devrions réduire les dépenses gouvernementales et, en même temps, relancer notre économie.

C'est l'occasion, pour nous, de reprendre le contrôle de notre économie et de notre pays dans l'intérêt de tous les Canadiens et de faire du XXIe siècle le siècle d'or du Canada.

J'utiliserai deux termes au cours de mon intervention: investissement et consommation. Je prendrai le terme «investissement» au sens large, c'est-à-dire comme représentant non seulement les biens et l'équipement, mais aussi la recherche et le développement, la formation et l'enseignement. En quelque sorte, un investissement à caractère intellectuel. Par consommation, j'entends, bien sûr, la consommation de biens et de services.

Si nous voulons remettre de l'ordre dans notre économie et voir à ce qu'elle redevienne prospère à l'approche du XXIe siècle, nous devons provoquer et encourager l'investissement et réduire considérablement la consommation.

Le budget se compose de deux volets: les recettes et les dépenses. Je n'aborderai que brièvement le volet des recettes, seulement pour vous parler de l'investissement.

Le programme d'infrastructure a pour but de susciter l'investissement et de créer des emplois. Pareillement, l'exemption pour gains en capital a pour but d'appuyer l'investissement du secteur privé. Refuser cette exemption irait à l'encontre des buts recherchés par le gouvernement. En outre, l'impôt sur les gains en capital a tendance à être inflationniste. Faute d'exemptions, le gouvernement sera tenté d'activer des tendances inflationnistes. Or, je suis sûr que personne ici ne veut revenir à l'époque où les taux d'intérêt étaient de 21 p. 100.

D'aucuns soutiendront que ces exemptions sont pour les riches. Je voudrais faire remarquer que les riches ont fort probablement déjà pleinement tiré parti de ces déductions et que c'est seulement la classe moyenne qui n'a pu en profiter.

Je suis pour le maintien de l'exemption de 500 000 $ dans le cas des agriculteurs. La plupart d'entre eux sont dans une situation financière très difficile. Le besoin constant de capitaux pour investir dans les machines, l'équipement et les installations et le faible rendement de ces investissements les laissent essentiellement les poches vides, d'où l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent d'investir des fonds dans des régimes enregistrés d'épargne-retraite ou de faire des économies en général. Ainsi, la plupart des agriculteurs considérant la ferme comme leur fonds de retraite, je pense qu'il est très important de maintenir cette déduction.

Remarquons que si cette déduction n'avait pas existé en 1991, cela n'aurait rapporté à l'État que 235 millions de dollars. Remarquons aussi que le montant des recettes provenant de cette source a diminué de 3,3 p. 100, entre 1989 et 1990, et de 19 p. 100, entre 1990 et 1991. Nous voyons donc, monsieur le Président, que, de toute façon, ce n'est pas une source de recettes importantes pour le gouvernement.

(1335)

Ayant défendu les exemptions d'impôt pour les gains en capital de façon générale, je voudrais maintenant dire qu'il faudrait en restreindre la portée. Elles ne devraient exister que pour les petites et moyennes entreprises qui appartiennent à des Canadiens. Elles ne devraient s'appliquer qu'aux actions des petites et moyennes entreprises. Je suggère que l'on élimine l'exemption générale de 100 000 $, mais que l'on élargisse le champ d'application de l'exemption de 500 000 $, qui n'est offerte actuellement qu'aux petites entreprises privées, pour qu'elle s'applique aussi aux intérêts minoritaires dans des entreprises de petite et de moyenne importance.

J'ai d'autres idées pour créer des marchés secondaires de ces actions, de sorte que les petites et moyennes entreprises aient accès aux capitaux dont elles ont besoin pour créer de nouvelles entreprises ou en moderniser des vieilles, de façon à pouvoir profiter pleinement de la marche du Canada vers le XXIe siècle.

Je voudrais mentionner en passant que l'élément étranger des régimes enregistrés d'épargne-retraite devrait être éliminé, car une telle déduction d'impôt ne répond en rien à nos besoins de capitaux nationaux.

Je voudrais maintenant parler de l'aspect du budget qui traitera des dépenses. C'est le côté qui apparaît au public comme le trou noir où disparaît l'argent des contribuables. J'ai ici un document du ministère des Finances sur les dépenses du gouvernement fédéral qui parle des pensions de vieillesse, des subventions à l'agriculture et de la création d'emplois. En bref, il n'y a pas de logique, pas de déclaration d'objectif.

J'en reviens à ma définition de départ de l'investissement et de la consommation. Je propose que le gouvernement fasse ses comptes en fonction de ces deux termes. J'ai personnellement tenté de le faire, bien que l'expérience ait été difficile à réaliser parce qu'aucun ministère ne semble penser en fonction de cette terminologie. Quoi qu'il en soit, j'ai calculé, en gros, que moins de 20 p. 100 des dépenses sont consacrées aux investissements. Le reste sert à des fins de consommation.

Il me semble que l'attitude du gouvernement en matière de réduction du déficit doit viser deux objectifs face aux dépenses de consommation. Premièrement, nous devons déterminer sur quoi porte le gros des dépenses de consommation. Je pense notamment à ceux qui ont vraiment besoin d'aide, ou d'une


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pension de vieillesse, parce qu'ils sont incapables de subvenir à leurs besoins, à cause d'un handicap physique ou mental ou pour toute autre raison. Le reste constitue des dépenses de consommation discrétionnaires. Nous devons donc déterminer le degré d'élimination absolue des dépenses discrétionnaires et convertir en investissements les dépenses qui restent.

Autrement dit, nous ne pouvons plus nous permettre de payer les gens simplement parce qu'ils n'ont pas d'emploi. Nous ne pouvons pas verser aux mères l'équivalent de six mois de prestations d'assurance-chômage sans réexaminer les mérites ou la nécessité d'un tel programme. Nous ne pouvons plus transférer de l'argent aux provinces pour qu'elles le transfèrent à leur tour aux municipalités, afin que celles-ci puissent verser de l'aide à des jeunes de 15 à 21 ans qui ont choisi de se soustraire aux responsabilités de la vie familiale et devenir des membres improductifs de notre société.

Nous continuerons bien sûr à défendre l'universalité des services dans le cadre de notre régime de soins de santé, mais nous devons nous demander si le traitement du simple rhume, par exemple, constitue vraiment un service essentiel.

L'élimination des services, du moins en partie, est évidente. Le passage de la consommation à l'investissement est un peu plus complexe. Il semble clair que si les gens ne travaillent pas, ils devront éventuellement participer à des cours de formation ou de recyclage afin de pouvoir retourner sur le marché du travail à un niveau supérieur à celui qu'ils occupaient auparavant. Si cela est impossible pour une raison ou une autre, ces gens devraient recevoir une forme d'aide qui sera fonction de leur volonté à travailler pour le bien de leur collectivité.

Cela favoriserait la dignité et l'amour-propre auxquels chacun a droit. Cet engagement du gouvernement vise à relever le niveau de compétence de la population active afin que nous participions tous à la marche vers la prospérité au XXIe siècle.

Je dirai donc en guise de conclusion que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Cela signifie que, pour la gestion de ses dépenses, le gouvernement doit changer d'attitude en matière d'investissements et de consommation. En fait, ce sont tous les habitants du Canada qui doivent changer d'attitude. Cela signifie aussi que nos dépenses à la consommation ne pourront plus être déterminées par nos désirs, mais qu'elles devront plutôt être fonction de nos besoins véritables. Le programme législatif du gouvernement devra tenir compte de la nécessité d'appuyer les investissements non seulement dans les petites et moyennes entreprises à propriété canadienne, mais aussi dans le savoir et la compétence de tous les Canadiens.

Nous avons la possibilité de voir grandir notre nation. Nous devons dès maintenant prendre les mesures courageuses qui nous permettront de réaliser ce destin.

(1340)

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, je tiens à féliciter mon collègue pour ses observations. Je présume que, comme il est nouveau député à la Chambre, il n'a pas encore subi la sclérose qui semble frapper certains députés plus âgés.

Je me demande si mon collègue ne pourrait pas leur communiquer sa fraîcheur et son enthousiasme.

M. Shepherd: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses propos. Mon attitude est sans doute imputable au fait que je n'ai pas été vraiment actif en politique dans le passé, bien que ce ne soit pas tout à fait exact. J'ai fait un peu de politique durant mes jeunes années à Ottawa. Toutefois, le fait d'avoir travaillé pour gagner mon argent et d'avoir géré une masse salariale, et ma connaissance des deux côtés de l'économie, soit d'une part les personnes qui ont des problèmes et d'autre part celles qui ont réussi, m'ont permis d'avoir une bonne idée de ce dont notre pays a besoin. Je tenterai de le faire comprendre à mes collègues, si je le peux.

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, je voudrais également féliciter le député de Durham d'avoir présenté une idée tout à fait nouvelle dans le cadre de ce débat. Lui et moi avons en commun le fait que dans le secteur agricole de nos circonscriptions respectives, on trouve des exploitations qui, sur le plan agricole, ont une valeur bien différente de celle des exploitations dans d'autres régions du pays.

Lorsqu'une exploitation agricole est léguée par voie de succession, à l'heure actuelle, sa valeur théorique est bien supérieure à sa valeur réelle. Ainsi, il est absolument essentiel de maintenir l'exemption de 500 000 $.

Je suis tout juste assez vieux pour me rappeler des droits de succession qui existaient en Ontario et j'ai vu le gouvernement s'emparer d'exploitations agricoles familiales qui avaient été transmises de génération en génération.

Le député propose d'annuler l'exemption de 100 000 $ sur les gains en capital. Juge-t-il simplement qu'elle est trop petite? Est-ce la raison pour laquelle il souhaite l'annuler et s'attarder sur l'exemption de 500 000 $?

M. Shepherd: Monsieur le Président, je ne pense pas qu'elle soit exceptionnellement petite. En fait, selon le ministère des Finances, ces exemptions auraient fait perdre au gouvernement 650 millions de dollars en recettes fiscales au cours du dernier exercice pour lequel nous ayons des chiffres, soit 1991.

Cela représente une somme importante, mais pour en revenir au programme du gouvernement, nous devons à nouveau nous arrêter sur les secteurs où nous voulons appliquer ces exemptions. À l'heure actuelle, je crois que la majeure partie de ces exemptions s'appliquent aux opérations boursières et aux investissements dans l'immobilier.

Je pense que ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est manifestement que le secteur de la petite entreprise est dans une situation précaire à cause notamment d'un manque de capitaux. Je n'irai pas jusqu'à dire que les banques manquent à leurs engagements envers le secteur de la petite entreprise, mais je pense que leur financement par emprunt ne répond pas aux besoins de ce secteur. Ces entreprises veulent plutôt des capitaux propres obtenus grâce au financement par actions et nous devons consacrer beaucoup de temps à l'établissement des marchés nécessaires.

Ce que je dis, c'est qu'il faut modifier de façon fondamentale notre régime fiscal afin de tenir compte de la nécessité de soute-


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nir l'investissement dans le secteur de la petite entreprise. Cependant, comme le ministre des Finances l'a mentionné, si nous prenons une mesure, nous devrons la financer et la façon d'y parvenir consiste à réduire l'exemption de 100 000 $ sur d'autres formes d'investissements.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député pour son intervention.

Je voudrais une simple précision au sujet d'une partie du discours du député. Il a mentionné qu'il était contre le fait que des jeunes, âgés de 17 à 21 ans, a-t-il mentionné si je ne m'abuse, reçoivent des prestations d'aide sociale. Le député voulait-il dire qu'il ne veut pas que les gens qui abusent du système obtiennent ce genre de prestations? Le député a-t-il voulu dire que les gens qui sont réellement dans le besoin devraient continuer d'obtenir cette aide?

(1345)

M. Shepherd: Monsieur le Président, ce que j'ai voulu dire essentiellement tout au long de mon discours, c'est que nous devons cesser de tout simplement subventionner la consommation.

J'estime que nous devons offrir à nos jeunes d'autres formes de stimulants au lieu de nous contenter de leur verser un revenu de consommation. Ils devraient gagner leur revenu d'une façon quelconque. En général, on touche un revenu parce qu'on suit des cours ou une formation permettant d'aspirer à une meilleure carrière, deux activités utiles à la société. Certains pourraient même être actifs sur le marché du travail.

Tout ce que je sais, c'est que j'ai rencontré, pendant la campagne électorale, beaucoup de jeunes gens qui abusaient du système. C'est intolérable. Nous parlons de notre engagement envers les jeunes. Nous envoyons aux jeunes Canadiens des messages épouvantables. Nous sommes en train de leur dire que leur attitude est acceptable. Nous devons plutôt les encourager à retourner sur le marché du travail et tenter de leur redonner leur dignité.

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est): Monsieur le Président, c'est un jour spécial pour moi. C'est la première fois que j'interviens dans cette 35e législature du Parlement canadien.

Je tiens d'abord à vous féliciter ainsi que tous les députés qui ont été élus à la Chambre. J'ai hâte de travailler avec vous tous, pour le bien de mes électeurs. Je vous prie de croire, monsieur le Président, que je ferai mon possible pour que ma contribution soit positive et productive.

Je suis fière de représenter la circonscription d'Edmonton-Est, qui se trouve au coeur même de notre ville. Elle comprend le quartier des affaires et les centres gouvernementaux, soit l'Assemblée législative de l'Alberta, l'Hôtel de ville de Edmonton et Place Canada.

Dans le quartier des affaires qui est en voie de revitalisation, l'avenue des Nations et le chemin Old Fort sont bordés d'entreprises solides et prospères. Dans Edmonton-Est, il y a des familles qui habitent dans les magnifiques collectivités de la valléeet d'autres qui survivent à peine avec de maigres salaires ou sans salaire du tout dans les vieux quartiers pauvres.

Edmonton-Est est un véritable reflet du Canada. Des gens sont venus de partout espérant y trouver une vie meilleure pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Ils sont disposés à travailler ardemment et à étudier de nouvelles solutions innovatrices aux défis que posent le chômage, l'évolution de l'économie et la croissance de nos besoins sociaux.

Ils comprennent que ce budget aura de profondes répercussions sur eux étant donné l'envergure des changements qui s'imposent pour remettre de l'ordre dans nos finances. Ils veulent participer, être mis au courant et, plus important encore, faire partie de la solution.

Samedi dernier, à titre d'observatrice, j'ai suivi très attentivement la conférence prébudgétaire qui a eu lieu à Calgary. J'ai clairement entendu ce que les Canadiens de l'Ouest avaient à dire à notre ministre des Finances. Leurs opinions étaient sincères, réfléchies, variées et de grande portée. Je dois dire que le fond de ces réflexions ne pouvait vraiment pas être communiqué dans les gros titres des journaux d'hier.

On est arrivé à un consensus. Le déficit doit être réduit. On a convenu que les réductions pourraient découler de la croissance économique, d'une assiette fiscale plus équitable, d'une hausse des taux d'impôt et d'une réduction des dépenses des programmes. Les participants à ces ateliers ont présenté au ministre des idées dont il pourra tenir compte en élaborant son budget.

Je voudrais vous faire part, ainsi qu'à tous les députés, des propositions qui ont été faites. John Howard, vice-président de MacMillan-Bloedel, a dit: «Il faut multiplier les dispositions de récupération auprès de ceux qui gagnent beaucoup d'argent et mettre l'accent sur l'utilisation qu'on fait de l'argent. Évitons de fonder la privatisation sur l'idéologie. Il faut que ce soit efficace au niveau des coûts, que le processus soit juste et que le résultat soit équitable.» Il a ajouté: «Déréglementons. Il y a trop de gouvernements et trop d'interventions, surtout dans les questions environnementales.»

Ardyth Cooper de la Colombie-Britannique craint qu'en effectuant des compressions sur toute la ligne, on favorise le statu quo. Elle dit que nous devrions plutôt restructurer complètement nos programmes en ayant soin de voir loin.

(1350)

Doris Ronnenburg, de l'Alberta, exprime des préoccupations au sujet de l'efficacité des Chemins de la réussite, les programmes de formation des autochtones dont le besoin se fait tellement sentir.

Hugh Wagner, de la Saskatchewan, propose que le gouvernement appuie les petites entreprises en participant au capital des sociétés d'investissement en capital de risque plutôt que par l'entremise de ministères du développement régional.

Vicki Dutton, de l'Alberta, veut que le gouvernement cesse de subventionner les entreprises.

Le groupe de Roberta Ellis-Grunfeld nous encourage à continuer d'écouter les Canadiens et à investir dans le capital humain. À son avis, il faut acquérir un sens de l'orientation stratégique et ne pas oublier que «égal» n'est pas synonyme de «équitable».


711

Le groupe de Diane Hunter estime que les programmes devraient être faciles à évaluer, avoir des objectifs clairs et être rentables, et que chacun d'entre eux devrait être coordonné et harmonisé avec les programmes des autres ordres de gouvernement.

Selon le groupe de Jim Gray, il faut redonner confiance dans le gouvernement et consulter davantage la population.

Le rapport du vérificateur général devrait faire partie du processus budgétaire et un comité parlementaire devrait en assurer le suivi.

Telles sont les voix de l'Alberta et de l'Ouest et elles ne se font pas toutes entendre à l'unisson.

Certaines présentent les Albertains comme des gens froids, durs et cruels. Il s'en trouve pour dire que les nécessiteux sont dans la misère par leur propre faute, qu'ils ont mérité leur triste sort. Il y en a qui croient que la charité commence et finit par soi-même. Il y en a d'autres qui croient que les Albertains sont des paysans, qui pensent et agissent tous de la même façon. Ça, c'est une Alberta que je ne connais pas. Ce n'est pas mon Alberta.

Mon Alberta trouverait le moyen de supprimer le déficit et de réduire la dette tout en nourrissant les enfants affamés et en donnant du vrai travail aux hommes et aux femmes qui le méritent afin qu'ils puissent faire vivre leur famille dans l'honneur et la dignité.

Au cours de la campagne électorale, mon bureau était situé en plein coeur de la ville, dans ce qu'on appelle plutôt froidement le «strip». Mes collaborateurs et moi-même y avons été témoins d'un mode de vie que je n'oublierai jamais et que mènent des gens que je défendrai jusqu'à la fin de ma carrière publique.

Je n'oublierai jamais Virgil, l'enfant autochtone qui nous a beaucoup aidés dans notre campagne. Il est arrivé à la fin du mois d'octobre, habillé d'une dizaine de T-shirts parce qu'il n'avait pas de paletot. Je n'oublierai jamais les jeunes gens et jeunes filles que le cycle des mauvais traitements et de la drogue avait poussé à entrer dans le monde dégradant de la prostitution.

Je serai toujours la représentante des nombreux Albertains compétents, aptes au travail et désireux de travailler qui ne trouvent pas d'emploi. Ces gens-là n'étaient pas à Calgary, la fin de semaine dernière. Ce sont ces gens-là qui devraient participer à nos délibérations prébudgétaires. J'exhorte les députés d'en face, tous les députés, en fait, à écouter les multiples voix de l'Alberta.

Je suis persuadée que nous pouvons réduire à la fois le déficit financier et le déficit humain.

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, en écoutant ce matin mon collègue, l'honorable député de Saint-Hyacinthe, nous dresser le portrait actuel des finances du gouvernement canadien, en constatant aussi la trop forte croissance du déficit national et en considérant le niveau trop élevé de notre endettement à l'étranger, j'en concluais que l'avenir de la prochaine génération du Québec et du Canada n'était pas très reluisant et que nous étions en train de laisser à nos enfants un bien piètre héritage, comme aucune autre génération avant nous ne l'a jamais fait.

(1355)

La situation est très urgente et doit être corrigée. De plus, en ces temps de reprise économique anémique, les contribuables ont l'impression que le gouvernement fédéral ne fait pas sa part pour améliorer ses méthodes de gestion et pour éliminer le gaspillage. Le dernier rapport du vérificateur général le souligne et je cite: «Aujourd'hui plus que jamais il est clair, tant pour les fonctionnaires que pour les parlementaires, que les Canadiens s'attendent à ce qu'ils gèrent avec fermeté et prudence plutôt que de les voir trouver de nouvelles façons de dépenser l'argent emprunté.»

Comme nous l'avons dit durant la campagne électorale, le Bloc québécois vise une réduction de 10 milliards de dollars des dépenses du gouvernement en incluant les dépenses fiscales, dont 3 milliards provenant d'une coupure de 25 p. 100 des dépenses du ministère de la Défense. Des informations récentes nous laissent croire que les libéraux envisagent de réduire ces dépenses gouvernementales de seulement 2 milliards de dollars si nous excluons les dépenses non récurentes de l'année dernière, c'est-à-dire 4 milliards de dollars. Cet objectif est tellement faible et peu ambitieux que nous avons pu lire dans un éditorial du Globe and Mail, paru le 18 janvier 1994, la citation suivante:

[Traduction]

Les libéraux sont toujours aussi complaisants à l'égard de la dette. Ou bien ils croient sincèrement que le gouvernement fédéral est «dégraissé» à 99 p. 100.
[Français]

Ce n'est pas l'opinion du Bloc québécois et de l'opposition officielle de croire qu'il n'y a pas de gras à l'intérieur du gouvernement fédéral. Nous n'avons qu'à lire les journaux à tous les jours pour nous en convaincre. Nous n'avons qu'à nous souvenir de la controverse entourant la nouvelle ambassade du Canada en Chine ou de celle des frais de déplacement des nouveaux ministres libéraux.

Pour éliminer le gaspillage, les dépenses inutiles et la mauvaise gestion de l'appareil gouvernemental, je réitère la demande du Bloc québécois de créer un comité parlementaire d'analyse et de révision des dépenses budgétaires, poste par poste. La création d'un tel comité est pertinente. Le dernier rapport du vérificateur général nous démontre clairement que les Québécois et les Canadiens ont raison de penser que le gouvernement gaspille une partie des fonds publics. Pour nous en convaincre, je reprendrai les principaux exemples de gaspillage, de dépenses inutiles et de mauvaise gestion des fonds publics signalés par le vérificateur général.

Commençons par le Revenu national. En raison d'une lacune dans la déduction relative aux ressources, le gouvernement a perdu 1,2 milliard de dollars en revenu. S'il s'était doté, comme le recommande le Comité des comptes publics, d'un mécanisme par lequel il aurait été possible de modifier rapidement un programme de dépenses fiscales en difficulté, il aurait pu éviter de perdre une bonne partie de cette somme.

712

Si l'on regarde du côté d'Investissement Canada, Investissement Canada a dépensé 132 000 $ pour aménager un nouveau bureau, une cuisine et une salle de bain pour sa nouvelle présidente alors que le bureau de son prédécesseur, situé dans le même édifice, offrait déjà ces commodités.

Vous voulez un troisième exemple. Regardons les frais de déplacement. Les frais de déplacement en avions gouvernementaux Challenger ont atteint 54 millions de dollars dont plus de la moitié pour les déplacements des seuls ministres. Selon le vérificateur général, ces montants sont équivalents à des coûts, par heure, de 19 650 $.

Est-ce la meilleure façon de financer les déplacements des ministres et des autres personnalités officielles? Certains affirment que pour des raisons de sécurité, il faut utiliser des avions gouvernementaux. Peut-être, mais est-ce que le coût d'un vol commercial comprenant des mesures particulières pour assurer la sécurité des ministres serait supérieur à 20 000 $ l'heure? J'en doute fortement.

Regardons maintenant du côté de Pêches et Océans. Le ministre de Pêches et des Océans a dépensé 587 millions de dollars dans le cadre du Programme d'adaptation et de redressement de la pêche à la morue du Nord. Sur ce montant, le vérificateur général estime que près de 15 millions de dollars ont été gaspillés, faute d'avoir fait preuve d'une gestion efficace du programme.

Ce ministère a versé des compensations à des personnes qui avaient pêché d'autres espèces que la morue du Nord et qui n'étaient alors pas touchées par le moratoire. De plus, des paiements ont été accordés à des pêcheurs qui pratiquaient illégalement cette pêche. Si vous voulez bien m'accordez 20 secondes, monsieur le Président, je pourrai mieux recommencer tantôt.

Entre-temps, 5 300 personnes n'ont toujours pas reçu les versements qui leur sont dus, bien que celles-ci soient admissibles au programme, cela parce que le ministère émet certaines réserves quant à leur admissibilité. Or, cette pratique de mise en attente utilisée par Pêches et Océans Canada est illégale et nous savons tous que les communautés côtières ont un pressant besoin de cet argent.

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations des députés, conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


712

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE YMCA FAMILIAL DE PETERBOROUGH

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, le YMCA familial de Peterborough vient de célébrer son 125e anniversaire. Il est situé dans le plus vieil immeuble utilisé sans interruption par un YMCA au Canada. Cela établit une parenté directe entre les membres actuels et les fondateurs de 1868.

Le YMCA donne à tous les Canadiens un exemple d'adaptation qui ne nécessite aucune concession sur les principes et la philosophie. Il y a 125 ans, il fallait être un jeune homme chrétien pour faire partie du YMCA, mais aujourd'hui, aucune de ces conditions ne s'applique. Plus de 20 p. 100 des membres de notre YMCA sont subventionnés.

Si l'un des fondateurs du YMCA revenait aujourd'hui, il serait étonné des changements survenus, mais il se rendrait vite compte que les principes de l'autonomie, du service communautaire et de la tolérance sont plus forts que jamais.

Félicitations à Kathleen Bain, Doug Walker et Bob Gallagher pour la médaille Canada 125 qu'ils ont reçue en reconnaissance de leur travail pour le YMCA familial de Peterborough.

Comme le YMCA de Peterborough, le Canada ne devrait pas craindre les changements. Affrontons l'avenir avec la volonté de nous adapter et en faisant confiance aux assises et aux principes de notre société.

* * *

[Français]

LES BARRAGES

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, nous apprenions récemment que plusieurs propriétaires riverains du lac Témiscamingue ont obtenu l'autorisation d'intenter le premier recours collectif contre le gouvernement fédéral pour dommages causés par un barrage construit en 1908. À cause de ce barrage et du haut niveau des eaux, ces riverains sont aux prises avec une multitude de problèmes tels que glissements de terrain, plages inaccessibles, déracinement d'arbres et érosion des terrains.

En plus d'une demande de compensations financières, les riverains demandent que le ministre des Travaux publics demande une baisse d'environ un demi-mètre du niveau des eaux du lac Témiscamingue. D'après un récent rapport de la firme AGEOS Sciences, la baisse d'un demi-mètre n'entraînerait pas de débordements dans la région montréalaise, contrairement à d'autres études.

En tant que député de la circonscription de Témiscamingue, je suis très familier avec les problèmes que cette situation cause aux riverains du lac Témiscamingue et je tiens à offrir tout mon appui aux plaignants dans leur recours contre le gouvernement fédéral dans ce dossier.

* * *

[Traduction]

LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le président, je suis heureux de profiter de cette occasion pour informer les députés et tous les Canadiens d'un fait incroyable qui se produit chaque année.

Selon le plan de dépenses de la Chambre pour 1993-1994, nous faisons imprimer environ 130 millions de pages par année. Les services d'impression coûtent annuellement plus de 4 millions de dollars aux contribuables canadiens, et ces coûts ne cessent d'augmenter.

Il existe des solutions de rechange. Nous ne pouvons plus dépendre de méthodes dépassées lorsque nous avons à notre disposition des techniques nouvelles qui nous permettraient de réduire les coûts.


713

Je prie instamment le gouvernement de se servir de l'autoroute de l'information pour éliminer les frais d'impression du hansard et d'autres documents et d'assurer aussi la transmission efficiente et rapide, par voie électronique, de l'information à la Chambre et à tous les Canadiens.

* * *

(1405)

LES BUREAUX DE POSTE RURAUX

M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour soulever une question de la plus haute importance pour les électeurs de la circonscription de Huron-Bruce et pour tous les Canadiens des régions rurales. Cette question, c'est l'avenir des bureaux de poste ruraux.

Je suis très heureux que le gouvernement ait agi rapidement après les élections pour imposer un moratoire de 30 jours sur les fermetures de bureaux de poste, moratoire qui a par la suite été prolongé, et pour entreprendre un examen des activités de Postes Canada. Cette initiative a donné beaucoup d'espoir aux habitants du Canada rural, qui ont moins peur que les mesures désastreuses prises par le gouvernement précédent se perpétuent.

Depuis 1986, presque 1 000 bureaux de poste ruraux ont été fermés ou transformés en comptoirs postaux. Seize de ces bureaux de poste étaient situés dans ma circonscription. Dans les petites localités d'un bout à l'autre du pays, les bureaux de poste vides nous rappellent constamment les emplois perdus et l'abandon du Canada rural par le gouvernement. Dans la plupart des cas, le bureau de poste était la seule présence fédérale dans ces localités.

Je prie instamment le gouvernement de rouvrir les bureaux de poste dans les localités touchées, de prendre des mesures pour améliorer le service et de voir à ce qu'on ne ferme plus de bureaux de poste à l'avenir.

* * *

LE PORT DE HALIFAX

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, je veux parler aujourd'hui d'une question de la plus haute importance non seulement pour mes électeurs, mais aussi pour tous les habitants de la région de l'Atlantique.

Le port de Halifax constitue le pivot de l'économie régionale, injectant plus de 400 millions de dollars par année dans l'économie locale et régionale. Cela représente beaucoup d'activité, et pourtant le trafic dans le port a diminué de plus de 30 p. 100 par rapport à 1990.

On soutient qu'une révision de certaines mesures fiscales fédérales, plus spécialement la taxation du carburant pour chemin de fer et l'amortissement des immobilisations, contribuerait beaucoup à améliorer la compétitivité du port, à accroître le trafic et à créer également des emplois dont la région a désespérément besoin.

Je sais que, contrairement à ses prédécesseurs conservateurs, le nouveau ministre des Finances ne fera pas peu de cas des Canadiens de l'Atlantique, et je l'exhorte à réfléchir sérieusement à ces mesures en préparant le budget.

Nous, de la région de l'Atlantique, sommes confiants en notre capacité de soutenir la concurrence et de prospérer à condition qu'on nous donne les outils pour le faire sur un pied d'égalité avec nos concurrents.

* * *

LE RÉGIME D'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, étant membre depuis longtemps du Toronto Real Estate Board, j'espère que le gouvernement prolongera l'application du Régime d'accession à la propriété, qui arrive à expiration le 28 février. Ce régime concilie accession à la propriété et préparation de la retraite.

Grâce à ce programme, le consommateur n'a pas à se demander s'il doit économiser pour faire une mise de fonds ou pour préparer sa retraite. Le programme, qui ne coûte rien au contribuable, tient compte également du rôle clé que joue le bâtiment dans la croissance économique.

S'il maintient ce programme, le gouvernement montrera selon moi qu'il appuie le secteur immobilier. Il aidera aussi ceux qui veulent acheter une première maison à réaliser leur rêve. Ne renonçons pas à ce programme.

* * *

[Français]

LE LOGEMENT SOCIAL

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, les coupures unilatérales appliquées par le gouvernement conservateur dans le domaine du logement social et coopératif lors des deux derniers budgets ont eu des conséquences très sévères. Dans la ville de Québec, et particulièrement dans les quartiers du centre-ville, les besoins en matière de logement social sont considérables. Présentement, au moins 1 200 ménages se retrouvent sur des listes d'attente pour l'obtention d'une place en HLM dans l'agglomération de Québec, et 600 ménages attendent présentement l'obtention d'un logement coopératif.

Préoccupée par l'urgence de ce dossier pour sa population, la ville de Québec a adopté le 10 janvier 1994 une résolution demandant au gouvernement fédéral de réviser le budget de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La ville réclame de la SCHL des fonds suffisants pour l'habitation sociale, de rétablir le Programme de coopérative d'habitation, de mettre en place un programme d'aide à la rénovation de logements locatifs et d'assurer aux ménages qu'ils n'auront pas à verser une contribution de plus de 25 p. 100 de leur revenu.

Monsieur le Président, ce désistement du gouvernement fédéral fournit un bel exemple. . .

Le Président: Je regrette, mais le temps alloué à l'honorable députée est maintenant expiré.

* * *

[Traduction]

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, on s'entend généralement au Canada et dans mon groupe parlementaire pour dire que la compression des dépenses


714

est le principal moyen à la disposition des gouvernements pour réduire leurs déficits.

Dans cet ordre d'idées, il est un instrument très intéressant dont le gouvernement ne se sert pas judicieusement, selon moi, et c'est le rapport du vérificateur général. Ce rapport énumère beaucoup de domaines où le gouvernement peut dépenser les deniers publics à meilleur escient et signale même des cas criants de mauvaise gestion financière.

Je propose donc de permettre au vérificateur de publier non pas un rapport par année, mais plusieurs, aux moments jugés opportuns, afin que nous puissions prendre des mesures correctives dès que possible. Cela nous aiderait beaucoup à remettre de l'ordre dans nos finances. Les faits sont là. Servons-nous-en.

* * *

(1410)

[Français]

LES TRAVERSIERS

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, le remplacement du traversier «Lucy Maud Montgomery», aux Îles-de-la-Madeleine, suscite actuellement beaucoup d'intérêt. À cet égard, durant la dernière campagne électorale, je me suis engagé à consulter la population des Îles avant qu'une décision ne soit prise dans ce dossier.

Il faut reconnaître que ce sont les Madelinots qui vivront avec le choix du nouveau traversier. Je pense que nous devons tenir compte des désirs et des besoins de la population des Îles avant tout. Cela dit, personne ne doute du bien-fondé de la construction d'un nouveau traversier. Mais les Madelinots ont des demandes légitimes, qui sont d'avoir un traversier de plus grosse capacité et qui peut affronter les glaces du golfe Saint-Laurent.

Nous trouverons très bientôt une solution au remplacement du traversier en service. Et je désire rappeler à l'opposition, ainsi qu'au gouvernement, que ce sont les intérêts des Madelinots qui passent en premier, et non les intérêts de l'extérieur de mon comté de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine.

* * *

[Traduction]

LA FISCALITÉ

M. Janko Peric (Cambridge): Monsieur le Président, j'ai reçu plusieurs appels au sujet des déclarations que le ministre des Finances a faites après les consultations prébudgétaires de la semaine dernière à Toronto et voulant que les Canadiens soient prêts à payer plus d'impôts.

Nombre de mes électeurs, dont Arnold Carbiton, Norman Grass, Martin Hawthorne et Peter Krotkey, se demandent bien à qui faisait allusion le ministre quand il disait que les Canadiens étaient prêts à payer plus d'impôts. Ces électeurs veulent que le ministre sache qu'ils n'ont pas les moyens de payer plus d'impôts et qu'ils s'y opposent.

Mes électeurs veulent que le ministre les assure que le budget de février n'assènera pas de hausses d'impôts au contribuable moyen.

* * *

L'ÉQUIPE DE HOCKEY OLYMPIQUE DU CANADA

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, notre équipe de hockey olympique part pour l'Europe aujourd'hui sans Glenn Anderson, le joueur étoile des Maple Leafs de Toronto.

Caressant depuis toujours le rêve de faire honneur au Canada en remportant la médaille d'or, M. Anderson voudrait bien jouer. Cliff Fletcher et l'organisation des Maple Leafs de Toronto voudraient bien qu'il joue pour eux. Notre équipe olympique compte sur lui. Pourtant, les gouverneurs de la LNH, des Américains pour la plupart, refusent de le laisser jouer.

Jeudi, je vais aller voir Garry Bettman, commissaire de la LNH. Je serai accompagné d'une fillette de onze ans, une grande admiratrice d'Anderson, Tiffany Williams de Belleville. Elle présentera à M. Bettman une pétition portant 5 000 signatures et demandant à la LNH de revenir sur sa décision.

Tiffany et des millions de Canadiens passionnés du hockey souhaitent que notre équipe remporte la médaille d'or à Lillehammer. Glenn Anderson pourrait nous aider à remporter cette médaille, notre première depuis plus de 40 ans.

J'exhorte les autres députés à se joindre à moi lorsque j'irai voir M. Bettman.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, le gouvernement du Québec a reconnu le rôle décisionnel primordial qui doit être confié aux conseils régionaux de concertation et de développement, afin d'assurer aux régions du Québec le contrôle des décisions qui déterminent le développement de leur coin de pays.

Le gouvernement fédéral devrait s'engager à respecter l'ordre de priorité contenu dans les planifications stratégiques de chacune des municipalités régionales de comté et régions du Québec, afin de maximiser l'impact des actions menées par les leaders régionaux du Québec. Il en va de la relance économique de toutes les régions du Québec.

* * *

[Traduction]

LE PRIX DES CIGARETTES

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ces deux dernières semaines, beaucoup de choses ont été dites à la Chambre à propos de la réduction du prix des cigarettes en vue de mettre fin à la contrebande.

715

Nous n'avons pas entendu un mot à propos des millions de Canadiens qui estiment que réduire le prix des cigarettes, c'est céder aux personnes qui transgressent la loi, aux criminels et à l'industrie du tabac.

Je propose que nous rétablissions la taxe à l'exportation sur les cigarettes afin d'éliminer les avantages de la contrebande, que nous prenions des sanctions sévères à l'endroit des personnes qui font la contrebande du tabac et que nous continuions par tous les moyens possibles de dissuader les gens de fumer.

Le gouvernement a-t-il pensé à l'impact négatif qu'une réduction du prix des cigarettes aura sur la santé de la nation par suite de l'augmentation de la consommation qu'elle va entraîner?

* * *

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre): Monsieur le Président, ce premier jour de février marque le début du Mois de l'histoire des noirs. Ce mois nous sensibilise aux Canadiens noirs et aux Canadiens d'origine africaine qui se sont battus pour faire avancer la cause des leurs. Les Canadiens noirs font partie de l'histoire du Canada depuis 1603.

Tout au long de ce mois, de nombreuses activités se dérouleront partout au Canada. Ces activités ont pour but de montrer à quel point l'héritage des noirs est riche et passionnant.

(1415)

J'invite tous les députés à se joindre à moi non seulement pour reconnaître le Mois de l'histoire des noirs, mais aussi pour comprendre les épreuves que ces peuples ont traversées et les joies qu'ils ont vécues.

Ce mois n'est pas seulement l'occasion, pour tous les Canadiens, de reconnaître la contribution des Canadiens noirs, mais aussi l'occasion de mieux comprendre des héritages différents et de créer de meilleurs rapports dans cette merveilleuse mosaïque culturelle qu'est le Canada.

* * *

L'INDUSTRIE CÉRÉALIÈRE

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan): Monsieur le Président, nous avons montré que les Canadiens peuvent soutenir la concurrence, pourvu que nos produits et services soient aussi bons ou meilleurs que ceux de nos concurrents. Or, la qualité du produit et notre succès sur le marché mondial dépendent grandement de la compétence et de la formation de nos employés. Un mauvais contrôle de la qualité peut nous faire perdre des marchés et causer du chômage.

On en trouve un exemple, actuellement, dans l'industrie céréalière de Thunder Bay, où une équipe de 70 inspecteurs de céréales, qui protègent à la fois les agriculteurs et les consommateurs, risque de perdre 25 de ses membres d'ici quelques jours.

Cela résultera de la mise en oeuvre d'une politique du gouvernement précédent, qui prétendait économiser ainsi 4,7 millions de dollars. Cette économie représente environ un cent par tonne de céréales traitées. Les projections et les politiques de l'ancien gouvernement étaient mauvaises et ceux qui en sont victimes veulent que le gouvernement actuel les rejette, afin de préserver des emplois indispensables pour le contrôle de la qualité dans l'industrie céréalière.

_____________________________________________


715

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Hier, devant des étudiants d'une école secondaire de Toronto, le premier ministre, dans la foulée de son ministre des Finances, a indiqué que le premier Budget de son gouvernement ne comporterait pas de mesures importantes de réduction des dépenses afin de juguler le déficit. Rappelons qu'en fin de semaine à Calgary, le ministre des Finances laissait clairement entendre qu'il faudrait attendre au moins un an avant de voir apparaître des coupures importantes dans les dépenses.

Ma question est la suivante: Est-ce qu'il faut comprendre, des propos tenus hier à Toronto par le premier ministre, que le gouvernement a fait volte-face en repoussant à plus tard les véritables coupures dans les dépenses? Faut-il en conclure que son gouvernement, sous-estimant la gravité des problèmes structurels du déficit, a décidé plutôt de s'en remettre à d'hypothétiques retombées économiques d'une reprise économique, d'ailleurs, qui est très anémique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la politique du gouvernement est bien connue. Nous avons dit qu'il fallait faire des coupures, mais nous ne pouvions réussir seulement avec des coupures dans les budgets; nous avons aussi dit qu'il fallait compter sur la croissance économique.

Le ministre des Finances est en train de terminer ses consultations à la Chambre des communes cet après-midi, et ensuite, il préparera le Budget que nous aurons le plaisir d'écouter avant la fin de ce mois-ci. Pour le moment, il ne s'agit que de spéculations. J'ai tout simplement dit que les compressions ne nous permettraient pas d'atteindre tous nos objectifs, parce qu'il faut s'assurer de créer des emplois au Canada, sans quoi le problème augmente plutôt que de diminuer.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il y a une différence importante entre des spéculations et des conclusions tirées à partir des propos tenus publiquement par le premier ministre et son ministre des Finances.

Est-ce que cela signifie que la nouvelle stratégie du gouvernement, au lieu de couper dans les dépenses, consiste maintenant à accroître les revenus du gouvernement par un élargissement de l'assiette fiscale, c'est-à-dire par un accroissement très lourd des impôts pour un très grand nombre de concitoyens et sous différentes formes? Est-ce que, à ce moment-là, le gouvernement est conscient, en faisant cela, qu'il compromet la reprise


716

économique en diminuant le pouvoir d'achat des consommateurs?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le ministre des Finances a consulté les gens d'un bout à l'autre du pays au sujet de tout ce dont il a été question jusqu'à maintenant. C'est la première fois aujourd'hui qu'un gouvernement lance un débat à la Chambre et demande aux députés de faire des suggestions au ministre des Finances avant que celui-ci ne prépare son budget, ce qu'il fera au cours des trois prochaines semaines. Nous devons maintenant attendre. Il n'est plus temps de faire des spéculations. Il faut agir. Je suis convaincu que le ministre des Finances présentera un excellent budget.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je voudrais savoir et je demande pourquoi le premier ministre a renoncé à pratiquer cette révision générale de l'ensemble des dépenses du gouvernement et plus spécialement des dépenses de fonctionnement du gouvernement et du gras de la machine fédérale et d'où vient ce manque de courage pour frapper là où l'argent est à récupérer, c'est-à-dire dans les dépenses inutiles du gouvernement et dans les chevauchements coûteux et inutiles entre les paliers de gouvernement?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, en fait, nous avons pris des mesures dans plusieurs domaines, dans ce débat continuel au sujet des chevauchements. J'en ai discuté avec les premiers ministres, au mois de décembre, et les deux paliers de gouvernement y travaillent en ce moment. Quant au budget, le chef de l'opposition se rendra compte que ce gouvernement n'a pas peur de prendre ses responsabilités.

* * *

L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Ce dernier annonçait, hier, que le temps où Toronto était négligée par le gouvernement fédéral était révolu. Mais se souvient-il qu'un peu plus à l'est, une ville vient de remporter le championnat de la pauvreté? Se souvient-il de la prise de position de son ministre des Finances, qui proposait la création d'un comité spécial du Cabinet qui serait chargé de la relance économique de Montréal?

Le premier minstre peut-il rassurer les milieux défavorisés de Montréal et dévoiler aujourd'hui quelle stratégie il entend mettre de l'avant pour supporter également la relance de Montréal?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, l'été dernier, il n'y avait qu'un seul ministre au Cabinet pour la ville de Toronto. Elle est maintenant bien mieux représentée par d'excellents ministres et je peux affirmer la même chose au sujet de Montréal.

[Français]

La ville de Montréal est très bien représentée au Cabinet par des ministres de premier plan. Je pense que les gens de Montréal savent que leurs intérêts sont très bien représentés auprès du gouvernement par les ministres des Finances, des Affaires étrangères, du Patrimoine, ainsi que par la députée de Mont-Royal qui est secrétaire d'État et qui nous aide au Cabinet. Donc, les deux villes principales du Canada sont très bien représentées, et c'est ce que j'ai dit à Toronto.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, dans la mesure où le premier ministre nous affirme que la ville de Montréal est très bien représentée au sein du Cabinet, je lui demande s'il peut annoncer aujourd'hui qu'il formera le comité spécial du Cabinet chargé de la relance économique de Montréal, tel que promis durant la campagne électorale, tel qu'écrit dans le livre rouge et tel que les électeurs et électrices l'ont entendu dire à maintes reprises durant la campagne électorale? Va-t-il agir, monsieur le Président?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous sommes six représentants du Québec à l'intérieur du Cabinet, et quatre viennent de la ville de Montréal. Je pense que le comité est déjà formé.

* * *

[Traduction]

LE BUDGET

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question, qui s'adresse au ministre des Finances, va dans le sens de la consultation préalable des députés relativement au budget.

Le premier ministre a déclaré dans le passé qu'il n'y aurait pas de nouveaux impôts. Le gouvernement part-il donc du principe que les nouvelles recettes doivent nécessairement venir d'une augmentation des impôts actuels et d'une réduction des exemptions fiscales et non de l'application de nouveaux impôts?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la position adoptée par le premier ministre et moi-même est très claire. Nous croyons qu'il est nécessaire de rendre le régime fiscal plus équitable. Ce n'est qu'alors que les Canadiens seront disposés à appuyer notre régime et à accepter les choix très difficiles que nous devrons faire face à l'avenir.

Je voudrais poursuivre en répondant à la première question du député, pour lui donner la possibilité de répondre peut-être dans sa deuxième ou troisième question. Dans le cadre du débat de ce matin, le député a déclaré qu'une révolte des contribuables trouverait un écho à son bureau et au Parti réformiste.


717

Je voudrais simplement préciser que c'est une journée historique pour le Canada. C'est la première fois que nous tenons un débat prébudgétaire. Les électeurs de mon vis-à-vis l'ont chargé de venir les représenter dans cette enceinte où les grands débats doivent avoir lieu. C'est ici que les divergences d'opinions au Canada doivent s'exprimer, que nous devons donner l'exemple aux Canadiens. Je suis persuadé que le député a été mal cité ou qu'il ne voulait pas aller aussi loin. Je voudrais lui donner l'occasion d'intervenir et de préciser qu'il ne prônait pas une révolte de ce genre dans cette enceinte.

(1425)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir répondre aux questions que nous pose le gouvernement. Je crois comprendre que vous jugez cela acceptable du point de vue de la procédure.

Le Président: Au cours d'une période de questions, il se peut qu'il n'y ait que des questions de part et d'autre. J'espère qu'il y aura questions et réponses, mais je laisse cela à votre discrétion.

M. Manning: Monsieur le Président, pour répondre brièvement au député, tout ce que j'ai dit ce matin correspond exactement aux opinions exprimées par mes électeurs durant la dernière campagne électorale et par de nombreux Canadiens un peu partout au pays.

Je tiens à préciser que quand je parle de révolte des contribuables, je fais référence à ce que les autres Canadiens vont faire. J'ai précisé bien clairement que la révolte dont il est ici question serait tout à fait légale, de même que les moyens employés.

Le Président: Je suis certain qu'une question va suivre cette réponse. J'espère qu'elle ne va pas tarder à venir.

M. Manning: J'ai une question supplémentaire pour le ministre des Finances. Nous posons des questions sérieuses. Nous aimerions que le ministre nous réponde sans détour.

Ma question se situe dans la foulée de ma question précédente. Le gouvernement a promis dans le discours du Trône de remplacer la taxe sur les produits et services. Le gouvernement croit-il pouvoir remplacer la TPS par une mesure qui, même si elle était plus équitable et plus efficace, ne risquerait pas d'accroître le fardeau fiscal des Canadiens? Autrement dit, la mesure de remplacement de la TPS sera-t-elle sans incidence sur les recettes?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, il faut l'espérer.

Nous avons cependant dit bien clairement que nous n'écarterions pas les solutions dont discutait le comité parlementaire. Le comité discutera de la question avec les provinces et il y aura des négociations avec elles.

Évidemment, nous partageons le souhait exprimé par le chef du Parti réformiste. Nous ne voulons pas accroître le fardeau fiscal des Canadiens car la taxe sur les produits et services a déjà causé suffisamment de tort au Canada.

Des voix: Bravo!

M. Martin (LaSalle-Émard): Monsieur le Président, je rate toujours les applaudissements.

Pour répondre au chef du Parti réformiste, nous l'espérons, mais nous ne voulons pas renoncer aux négociations avec les provinces ni écarter les opinions que les Canadiens exprimeront devant le comité parlementaire, au sein duquel le parti de mon collègue comptera des représentants.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai une autre question supplémentaire pour le ministre des Finances. Je crois qu'elle sera utile aux députés des deux côtés de la Chambre.

Il est difficile pour les députés et pour le public de participer de façon constructive à des consultations prébudgétaires sans obtenir au préalable des renseignements pertinents sur le budget. Ma question sera également utile aux députés d'en face.

Le ministre pourrait-il préciser à la Chambre quels sujets de discussion et quel genre de questions il juge appropriés à des consultations? Quels sujets de discussion et quel genre de questions jugerait-il inacceptables?

Le Président: La question est très poussée. Le député n'attend certainement pas une liste de toutes les questions. Je ne doute pas que le ministre des Finances donnera une réponse très succincte.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, nous avons déjà tenu quatre conférences consultatives tout à fait accessibles au public et les Canadiens n'ont pas attendu que le ministre des Finances leur indique les questions à soulever. Les Canadiens ont abordé très clairement celles qui leur venaient à l'esprit.

Aussi, je suggère au député, s'il cherche une ligne de conduite, de se fonder sur les sujets abordés par les Canadiens au cours des conférences.

Je trouve plutôt déconcertante la question du chef du Parti réformiste. Il voudrait que je lui dicte une ligne de conduite rigide. Peut-être est-ce parce que les choses fonctionnent ainsi dans son parti, mais dans notre parti nous appliquons la démocratie.


718

(1430)

[Français]

L'ÉCONOMIE DE MONTRÉAL

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, le ministre des Finances, responsable du développement de Montréal alors qu'il était dans l'opposition officielle, proposait alors un plan de relance de l'économie de Montréal en trois points. Ce plan comportait, premièrement, la mise en place d'une politique de renouvellement du secteur manufacturier; deuxièmement, la création d'un super incubateur économique; et, troisièmement, l'augmentation des investissements en recherche et développement.

Ma question s'adresse au ministre des Finances, responsable du temps du développement de Montréal: Entend-il mettre en application rapidement ces recommandations et agir avant que l'économie montréalaise ne s'écroule tout à fait?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je pense qu'il était très clair, dans le discours du Trône, que vraiment nos objectifs et notre plan d'attaque pour l'économie en général, et spécifiquement pour Montréal, ont été très bien échelonnés et nous avons l'intention de tenir parole.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, comme question complémentaire, j'aimerais demander au ministre des Finances s'il peut nous assurer qu'il mettra autant de chaleur, de conviction et de détermination à la relance de Montréal que celle dont a fait preuve hier son premier ministre à l'égard de Toronto?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la réponse est oui et je vais le faire avec le premier ministre de notre pays.

* * *

[Traduction]

LE BUDGET

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le ministre vient tout juste de terminer une série de consultations prébudgétaires qui l'ont conduit d'un bout à l'autre du pays. Peut-il dire à la Chambre dans quelle proportion les Canadiens qu'il a rencontrés sont en faveur d'une augmentation des recettes fédérales, et dans quelle proportion ils sont en faveur d'une diminution des dépenses fédérales?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute qu'il y a dans ce pays un consensus sur la nécessité de diminuer les dépenses publiques, sentiment que, de ce côté-ci de la Chambre, nous partageons pleinement.

Fait remarquable, lors de chaque conférence, de chaque atelier et au cours des débats sur la nature du déficit ou la nécessité de préserver nos programmes sociaux et de relancer l'économie, presque tout le monde a compris qu'il fallait améliorer ce que j'appellerai l'état des résultats financiers du gouvernement, faute d'une autre expression. Ça ne fait pas assez longtemps que j'occupe ce poste; l'expression juste me manque. Qui plus est, personne, absolument personne ne s'est inscrit en faux contre la nécessité absolue de rendre le régime fiscal plus équitable.

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, il semblerait que le ministre aurait dit qu'un certain groupe était en faveur de l'augmentation des impôts. Je me demande si le ministre pourrait nous dire qui sont ces gens et qui ils prétendent représenter.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de mal à comprendre où le député veut en venir avec sa question.

Le fait est que, comme je l'ai dit en réponse à sa première question, presque tout le monde veut un système fiscal plus équitable, ce qui est d'ailleurs un élément essentiel d'une économie vigoureuse. Personne n'a dit ne pas vouloir d'un régime fiscal équitable. Tout le monde comprend que, pour ce faire, il faut éliminer les échappatoires fiscales et supprimer les exemptions accordées exclusivement à certains membres de la société et pas aux autres. Voilà le genre de régime que nous voulons édifier.

* * *

[Français]

LA SANTÉ

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

On pouvait lire ce matin dans le journal La Presse que le ministre des Finances a mentionné que les primes d'assurance dentaire et les primes de régime d'assurance-santé pourraient être taxées pour la première fois dans le but de réduire le nombre d'échappatoires fiscales et de générer des fonds additionnels.

Ma question est la suivante: En pleine Année internationale de la famille, la ministre est-elle d'accord avec cette proposition de taxer les régimes d'assurance dentaire et de santé?

(1435)

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, il est entendu que le ministre des Finances a des choses à faire dans le domaine fiscal, surtout en raison de la dette et du déficit auxquels nous faisons face. J'ai à coeur la santé des Canadiens et Canadiennes et je vais défendre la santé et le bien-être des Canadiens et Canadiennes de toutes mes forces.


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Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question supplémentaire est la suivante: La ministre est-elle consciente que 9 millions de contribuables vont devoir payer cette taxe qui peut représenter jusqu'à 700 $ de plus par famille, annuellement?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, je suis surprise. De toute évidence, la députée d'en face a obtenu plus de renseignements sur le budget que n'importe qui au Canada. Quant à nous, j'ai l'impression qu'il faudra attendre que le ministre des Finances dépose réellement son budget pour savoir ce qu'il contient.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Jack E. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Le conflit de travail impliquant des débardeurs de la côte ouest coûte aux céréaliculteurs canadiens des millions de dollars chaque jour. Contrairement à ce que le ministre du Développement des ressources humaines a déclaré hier à la Chambre, il n'y a pas de règlement en vue. Il est évident que le plan des propriétaires des ports consiste à tenir les céréaliculteurs canadiens en otage.

Le ministre peut-il dire aux milliers de céréaliculteurs innocents qui sont pris dans ce gâchis quelles mesures il envisage pour régler cette grave crise pour l'agriculture?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je voudrais dire au député de Lisgar-Marquette que ma déclaration d'hier ne laissait pas entendre qu'il y avait un règlement en vue. J'ai simplement déclaré que les parties pourraient régler leur différend, parce que leurs positions n'étaient pas si éloignées.

Il faudra qu'on tienne vraiment compte de l'intérêt public et qu'on reconnaisse qu'aux termes du processus de négociation collective, toutes les parties à ce conflit ont une responsabilité à assumer, non seulement envers elles-mêmes, mais envers tous les Canadiens.

M. Jack E. Hoeppner (Lisgar-Marquette): Monsieur le Président, je me demande si le ministre pourrait utiliser son éloquence pour faire avancer les négociations plutôt que pour répondre au nom du ministre de l'Agriculture.

J'ai une question supplémentaire. Avec tout le respect que je dois au ministre, le seul point sur lequel les syndicats et les propriétaires sont d'accord, c'est qu'une entente à l'amiable n'est pas pour demain. Ce lockout est une tentative évidente des propriétaires des ports pour forcer l'intervention du gouvernement fédéral.

Le ministre peut-il expliquer à la Chambre l'avantage qu'il peut y avoir à attendre que cela se produise?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je tiens à rappeler au député de Lisgar-Marquette que, lorsque nous sommes confrontés à de graves difficultés dans ce domaine, il n'y a aucun avantage à ce que des parlementaires essaient d'enflammer l'opinion publique ou d'envenimer le conflit.

Il est très important que, dans les déclarations faites à la Chambre, nous reconnaissions la nécessité d'encourager les deux parties au conflit à revenir à la table des négociations et à assumer les responsabilités qui leur incombent en vertu de la négociation collective.

Entre-temps, le gouvernement suit de près la situation. Nous sommes disposés à offrir des services de médiation dès que les deux parties le demanderont. Nous garderons certainement à l'esprit l'intérêt de la population canadienne. Les députés peuvent en être sûrs.

* * *

[Français]

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, hier, une semaine environ après le début des protestations contre l'inertie du gouvernement fédéral dans le dossier de la contrebande de cigarettes, la GRC est intervenue pour mettre fin à cette activité illégale dans l'est de Montréal.

Afin de calmer les citoyens du Québec qui n'en peuvent plus, le solliciteur général pourrait-il prendre l'engagement, devant cette Chambre, qu'à compter de maintenant, il fera en sorte que la GRC mette autant d'énergie à traquer les vrais réseaux de contrebandiers qu'elle l'a fait à traquer les honnêtes citoyens exaspérés.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, c'est la responsabilité de la GRC de faire respecter la loi contre la contrebande, partout dans ce pays. Je suis certain que la GRC prend bien ses responsabilités et continuera de les prendre de manière très sérieuse.

(1440)

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, le ministre qui nous disait manquer de preuves et d'indications pourrait-il s'informer auprès de ses collègues, notamment son collègue de Glengarry-Prescott-Russell et celui de Saint-Henri-Westmount, le premier déclarant à la télévision qu'il savait quel type d'arme, quel type d'embarcation, où ça se faisait et qui le faisait? Et son collègue de Saint-Henri-Westmount, lui, déclarait hier, et je le cite: «Une activité illégale, menée par des organisations criminelles qui font transiter des cigarettes de contrebande par les routes de la drogue, des armes et de l'alcool». Ses collègues semblent mieux informés que le ministre. Ne voudrait-il pas leur demander leurs sources?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je sais très bien qu'entre novembre 1993 et janvier 1994 il y a eu, par l'entremise de la GRC, des saisis de près de


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80 000 cartouches de cigarettes, 36 000 litres d'alcool et 150 véhicules, seulement dans la province de Québec. Cela montre comment la GRC prend très bien ses responsabilités et va continuer de le faire.

* * *

[Traduction]

LES PÊCHES DE L'ATLANTIQUE

Mme Jean Payne (St. John's-Ouest): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'inquiétude que je lis encore des articles sur la réduction constante des stocks de poisson de fond à Terre-Neuve.

Il faut prendre toutes les mesures possibles pour préserver et renouveler les stocks, mais il faut aussi tenir compte de la tradition centenaire à Terre-Neuve de la pêche à la turlutte et de la pêche de subsistance dans d'autres régions, y compris la Basse-Côte-Nord, au Québec, par exemple.

Compte tenu de cela, le ministre des Pêches et des Océans peut-il dire à la Chambre pourquoi il a décidé de fermer la pêche récréative et la pêche de subsistance à Terre-Neuve et s'il entend prendre une mesure aussi draconienne dans d'autres régions?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la députée de St. John's-Ouest pour l'excellence de sa première question à la Chambre. Mon prédécesseur au portefeuille des Pêches serait d'accord pour dire que c'est la meilleure question qu'un député de St. John's-Ouest ait posée ici depuis des années.

Des voix: Oh, oh!

M. Tobin: Où qu'il soit, John doit se marrer en ce moment.

Je tiens à assurer à ma collègue que c'est vraiment à contrecoeur que le gouvernement du Canada en est venu à la conclusion qu'il fallait mettre un terme à la pêche alimentaire ou récréative sur les côtes nord-est et sud de Terre-Neuve. La décision n'a été prise que lorsque les dernières données scientifiques ont indiqué une réduction de près de 99 p. 100, dans certains secteurs, de la biomasse du frai depuis 1989 et la présence d'un certain marché noir de la morue.

Nous avons pris cette décision, qui est comprise et appuyée, je crois, par la vaste majorité des Canadiens de Terre-Neuve et du Labrador. Nous allons examiner la situation dans la zone 4RS, qui intéresse la côte ouest de Terre-Neuve et la côte nord du Québec. Le bâtiment hydrographique est rentré au port en fin de semaine. Les résultats de l'analyse sortiront dans quatre ou cinq jours et je les examinerai.

Si une mesure semblable s'impose dans cette région, je la prendrai. Sinon, la pêche récréative et la pêche alimentaire continueront d'avoir cours dans ces secteurs.

* * *

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Les électeurs qui n'ont pas le droit de révoquer leur député n'ont, par conséquent, pas la possibilité de remplacer un député en qui ils ont perdu confiance. La situation semble tout à fait inadmissible et intolérable aux électeurs canadiens qui ont le droit d'être bien représentés.

Je voudrais poser au premier ministre la question suivante: si les électeurs d'une circonscription signent une pétition exigeant la révocation d'un député et le déclenchement d'élections partielles et si le nombre de pétitionnaires est supérieur à 50 p. 100 du nombre de personnes qui ont voté aux dernières élections fédérales, le gouvernement exaucera-t-il le souhait des pétitionnaires et mettra-t-il sur pied un processus de révocation?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai abordé la question vendredi dernier. L'idée a été mise à l'essai en Alberta en 1936. Les gens qui avaient élu le premier ministre provincial de l'époque, M. Aberhart, exigeaient sa révocation. Le premier ministre a légiféré pour abroger rétroactivement la loi.

Le tout me laisse perplexe. J'espère donc que le député consultera son chef dont le père avait été mêlé à l'histoire. Nous devrions analyser les événements de 1936 avant de prendre une décision dans ce dossier.

(1445)

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire. Hier, le premier ministre a déclaré que la démocratie exigeait que les députés puissent remplir leur mandat au complet.

Le premier ministre veut-il laisser entendre que la démocratie est respectée lorsque les députés qui ont trahi la confiance de leurs électeurs obtiennent un contrat irrévocable de quatre ans, mais qu'elle est menacée lorsque les électeurs ont la possibilité de révoquer le député qui les a trahis et de forcer la tenue d'élections partielles?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons été élus conformément aux lois du pays et ces lois du pays prévoient un mandat de quatre ans pour les députés.

Naturellement, après les élections, il arrive souvent que des citoyens ne soient pas très heureux du candidat qu'ils ont choisi. Je suis persuadé qu'il se trouve dans la circonscription du député plus de 100 personnes aujourd'hui qui regrettent d'avoir voté pour la Parti réformiste. Si elles en avaient la chance, elles n'auraient besoin que de la signature de 110 électeurs dans son cas pour annuler la majorité que le député a obtenue aux dernières élections.

* * *

[Français]

L'AÉROPORT DE QUÉBEC

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Vendredi dernier, l'honorable ministre répondait à une question de mon collègue du comté de Louis-Hébert relativement aux critères qui ont conduit à la décision de fermer la salle de contrôle radar de l'aéroport de Québec. Le ministre des Transports prétend que la revue du système canadien s'effectue à la grandeur du Canada et a répondu, et je le cite: «Je tiens à


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rassurer mon honorable collègue que les critères seront les mêmes à Québec, à Calgary, à Moncton ou à Vancouver.»

Le critère de proximité géographique a-t-il été déterminant dans la décision de transférer de Québec à Montréal la salle de contrôle radar, alors qu'elle est située à 120 milles aériens du centre de contrôle de Montréal?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, ce que j'ai déclaré en Chambre la semaine passée, c'est que les critères qui seront établis pour prendre des décisions relatives à la situation de l'aéroport de Québec seront semblables à ceux qui sont définis ailleurs. Je veux assurer mon honorable collègue que les critères de base visent une situation sécuritaire et des services dispensés dans la langue officielle de son choix. Et c'est ce qu'on a l'intention de faire lorsqu'on fait la revue de ce dossier ou de n'importe quel autre.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, alors pourquoi l'honorable ministre des Transports n'applique-t-il pas le même raisonnement pour l'aéroport d'Ottawa, qui est situé à moins de 90 milles aériens de l'aéroport de Montréal, parce que les gens ne veulent pas venir travailler dans un milieu francophone à Montréal. Est-ce que c'est cela la vraie réponse?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, dans sa première question, mon honorable collègue a demandé si c'était le critère déterminant. Je peux lui dire que ce n'était pas le critère déterminant. Ce que je lui ai dit, c'est qu'on veut s'assurer que les gens bénéficient de ces services dans les deux langues officielles, ainsi que d'assurer la sécurité de tous. Et je déplore vraiment le fait que mon honorable collègue ne semble pas croire que le service à Montréal puisse être aussi bon que celui de la ville de Québec.

* * *

[Traduction]

LE PROJET DE LA RIVIÈRE KEMANO

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de Pêches et des Océans.

Jeudi dernier, le ministre a fait savoir à la Chambre que le gouvernement fédéral participerait aux audiences de la B.C. Utilities Commission sur le projet de détournement de la rivière Kemano.

Beaucoup de gens croient que ce projet aura des répercussions néfastes sur l'environnement et sur les stocks de poisson. Pourtant, le ministre a déclaré qu'il ne pouvait pas arrêter ou retarder la réalisation de ce projet controversé parce qu'il avait hérité d'un accord signé en 1987 par son prédécesseur.

Étant donné que le gouvernement a pu annuler le contrat d'acquisition des hélicoptères EH-101 et le marché concernant l'aéroport Pearson, le ministre s'acquittera-t-il de ses responsabilités et annulera-t-il l'accord de 1987 si les stocks de poisson du fleuve Fraser sont menacés?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Je sais que la question de l'habitat du poisson suscite un vif intérêt.

(1450)

Le député demande pourquoi le projet Kemano n'est pas comme le cas des EH-101 et celui de l'aéroport Pearson. L'exécution du contrat d'acquisition des hélicoptères, d'une valeur de 5,8 milliards de dollars, n'était pas encore commencée. Dans le cas de l'aéroport Pearson, il s'agissait d'un projet d'expansion de 750 millions de dollars dont la mise en oeuvre n'était pas non plus commencée. Le projet Kemano est un projet de 1,5 milliard de dollars, en dollars d'aujourd'hui, et cet argent a déjà été dépensé.

Étant donné l'intérêt que manifeste et qu'exprime souvent le Parti réformiste pour le déficit, je crois que le député comprendra que, selon les clauses de l'accord de 1987 intervenu entre le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique et Alcan, toute mesure visant à ralentir le projet ou à y mettre fin risquerait de rendre les deux gouvernements financièrement responsables des frais que cela pourrait entraîner.

Je suis convaincu que le député attendait la réponse que je lui donne, à savoir que le gouvernement a l'intention de laisser la commission d'examen de la Colombie-Britannique entendre les témoignages et rendre sa décision, sans anticiper sur cette décision.

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, si ce projet est mené à terme, ce ne sera pas sans coûts. Si le projet est aussi inoffensif pour l'environnement qu'Alcan voudrait bien nous le faire croire, l'entreprise ne verra certainement pas d'inconvénients à garantir aux pêcheurs de la côte ouest des indemnisations au cas où ses prévisions ne se réaliseraient pas et où le détournement de la Nechako entraînerait une diminution des stocks de poisson dans le Fraser.

Le ministre est-il prêt à demander à Alcan de s'engager à indemniser les pêcheurs commerciaux et sportifs de la Colombie-Britannique si les stocks de saumon sauvage du fleuve Fraser périclitent en raison du projet?

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, par votre intermédiaire, je m'adresse au député. Dans sa première question, il demandait au ministre de faire arrêter le projet. Dans sa deuxième question, il demandait si le gouvernement accepterait que des indemnisations soient versées.

Le gouvernement précédent a négocié un accord à huis clos et a gardé son accord secret. Le gouvernement actuel a levé ce secret, il a élargi le processus et a rendu publics des documents, des dizaines de milliers de pages, pour qu'il puisse y avoir un examen transparent. Nous n'allons pas anticiper sur les conclusions de cet examen. Nous n'allons pas dire ce que nous ferions dans tel ou tel cas hypothétique. Nous allons laisser le processus se dérouler jusqu'au bout, comme s'était engagé à le faire le premier ministre pendant la campagne électorale.


722

LA CONTREBANDE DU TABAC

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu.

La semaine dernière, le ministre des Finances de l'Ontario a dit que la contrebande de tabac était un problème régional qui ne touchait que le Québec. Je veux demander au ministre du Revenu national ce qu'il compte faire pour informer son homologue provincial que le tiers des cigarettes vendues en Ontario sont vendues illégalement et qu'il s'agit bel et bien d'un problème national, et non seulement d'un problème régional?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, autant que je sache, l'affirmation que vient de faire le député au sujet de la contrebande de produits du tabac et la consommation de cigarettes de contrebande en Ontario est essentiellement juste.

Pour ce qui est de la façon dont je vais m'y prendre pour mettre le ministre des Finances de l'Ontario au courant des faits, je ne sais pas. C'est difficile avec les néo-démocrates dans ce gouvernement-là. Nous leur avons fourni des documents qui prouvent qu'il s'agit là d'un problème national. La situation est peut-être plus grave au Québec qu'en Ontario, mais les Ontariens qui pensent que c'est un problème mineur qui ne touche que le Québec ont tout à fait tort. Il existe un grave problème de contrebande en Ontario, et la consommation de cigarettes de contrebande est très répandue dans cette province, particulièrement chez les jeunes.

Nous devons tenir compte de ces faits dans l'élaboration d'une stratégie visant à régler ce qui est essentiellement un problème national et non un problème propre au Québec.

* * *

[Français]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

Nous avons pris connaissance dans la presse, hier, que le Centre de sécurité des télécommunications a alloué, depuis 1989, trois contrats d'une valeur de 1,1 million de dollars afin de développer des dispositifs capables de capter des conversations provenant entre autres des téléphones et des télécopieurs.

Le ministre peut-il nous dire si le gouvernement finance toujours le développement et la fabrication de cet équipement dit «top secret», et si le gouvernement fédéral a l'intention d'employer ces appareils pour surveiller la vie privée des citoyens canadiens et québécois?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, nous avons déjà discuté du Centre de la sécurité des télécommunications à la Chambre. Le contrat, dont l'existence a été dévoilée la semaine dernière, est un contrat tout à fait normal d'environ 1 million de dollars. Il n'y a absolument rien de scandaleux à ce sujet.

(1455)

Les renseignements extérieurs font partie du mandat du ministère de la Défense nationale, qui doit aider le Canada à se protéger contre les trafiquants de drogue, les terroristes et d'autres personnes qui pourraient vouloir empiéter sur les droits des Canadiens.

Je peux assurer le député que ce contrat, qui est relativement modeste, ne sera pas utilisé pour faire quoi que ce soit qui puisse nuire aux Canadiens. Le Centre de la sécurité des télécommunications agit en conformité de la loi et doit rendre compte à la Chambre des communes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, lorsqu'il était dans l'opposition, le député libéral de Scarborough-Rouge River, alors président du Comité sur la sécurité nationale, affirmait et je cite: «Que le CSE outrepassait de toute évidence son mandat et risquait de brimer la vie privée des Canadiens avec ces appareils.»

Ma question est la suivante: Le ministre est-il en accord avec son collègue à l'effet que le Centre de surveillance des télécommunications outrepasse son mandat, et a-t-il l'intention de faire une enquête dans cette affaire?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, encore une fois, le travail du Centre de la sécurité des télécommunications n'empiète pas sur les droits des Canadiens. C'est un mécanisme qui sert aux renseignements extérieurs.

Le Président: Je dois signaler que, même si j'ai permis que la question soit posée, nous ne parlons habituellement pas de déclarations qui ont été faites en comité. Je sais que les députés tiendront compte de cette règle lorsqu'ils poseront leurs questions à l'avenir.

* * *

LES AFFAIRES INDIENNES

M. John Duncan (North Island-Powell River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. À titre d'avocat et d'ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pouvez-vous donner aujourd'hui à la Chambre une définition juridique du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale par rapport au pouvoir fédéral?

Le Président: Ce n'est qu'un détail, mais je sais que le député voudra poser sa question en s'adressant à la présidence. Dans le cas de questions portant sur des points de droit, nous pourrions peut-être emprunter une autre voie pour obtenir une réponse au lieu de demander un avis juridique ici à la Chambre. Si le député pouvait reformuler sa question, il pourrait peut-être obtenir l'information qu'il désire.

723

M. Duncan: Monsieur le Président, j'ai une question que je voudrais poser au premier ministre. Peut-il nous donner sa définition du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale par rapport au pouvoir fédéral?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est au ministre de la Justice qu'il appartient de donner des avis juridiques.

La question du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale fait l'objet de discussions au Canada depuis un certain temps, et on examine à l'heure actuelle la façon dont le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien pourrait appliquer ce droit aux peuples autochtones du Canada. Au bout du compte, si on finit par s'entendre, on aura une définition bien claire.

* * *

LES TRAVAUX PUBLICS

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics. Selon des reportages récents, le gouvernement prévoit retirer du centre-ville d'Ottawa plusieurs milliers de fonctionnaires pour les envoyer travailler en périphérie.

Pareille mesure ne saurait venir à un pire moment, après les ravages de la récession. Le secteur des services, au centre-ville d'Ottawa, est actuellement aux prises avec de graves difficultés financières. L'exode des emplois, qui aurait des retombées sur le secteur tertiaire, transformerait la capitale nationale en ville fantôme. Le tourisme souffrirait également si le centre-ville était ainsi déserté. Les Canadiens trouveraient la ville ennuyeuse.

Le ministre des Travaux publics peut-il confirmer que son ministère ou quelque autre ministère étudie actuellement la possibilité de faire réinstaller dans les banlieues des fonctionnaires qui sont actuellement au centre-ville?

(1500)

L'hon. David C. Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion du Canada atlantique): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Il s'agit d'un sujet de préoccupation très grave pour lui ainsi que pour le député d'Ottawa-Centre, qui a abordé le problème avec moi à quelques reprises.

Mon ministère doit répondre aux besoins en locaux de divers ministères fédéraux. En raison de la restructuration, il faut trouver un nouvel équilibre.

Je puis assurer le député qu'aucune décision n'a été prise. Il s'agit d'une évaluation préliminaire des locaux disponibles, et aucune décision ne sera prise avant que ne soient menées de larges consultations auprès des députés, du ministre de l'Industrie et du ministre des Affaires intergouvernementales.

Des voix: Bravo!

LES PRODUITS DU TABAC

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, je sais que les libéraux applaudiront aussi fort une fois que j'aurai posé ma question.

Ma question s'adresse à la ministre de la Santé. En réponse à une question précédente, la ministre a dit que la santé des Canadiens lui tenait à coeur, et je la crois.

Étant donné que l'usage du tabac coûte directement et indirectement aux Canadiens et au système de santé plus de 15 milliards de dollars par année et qu'il entraîne le décès de quelque 37 000 Canadiens, la ministre dira-t-elle sans détours à la population si elle est en faveur ou non de la diminution des taxes sur les produits du tabac?

Si elle en faveur de la diminution des taxes, peut-elle nous dire de quelle manière son gouvernement compensera les provinces dont les coûts de santé ne manqueront pas d'augmenter?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, en guise de réponse à la question de la députée, je dirai que je m'inquiète beaucoup de l'usage du tabac dans notre pays. Je me préoccupe beaucoup de la forte consommation du tabac chez les jeunes. C'est là évidemment une question liée aux problèmes causés par la contrebande de cigarettes partout au Canada.

Je dois dire que c'est un problème que nous devons régler en ne perdant jamais de vue que c'est la santé des Canadiens qui compte avant tout. Nous devons convaincre les Canadiens d'arrêter de fumer. Nous devons convaincre les jeunes d'arrêter de fumer et veiller à ce qu'ils n'aient pas accès aux produits du tabac.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune de l'hon. Jeannie Marie-Jewell, présidente de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

Des voix: Bravo!

Des voix: Et Marc?

Le Président: Je voudrais également vous signaler la présence à la tribune d'un ancien député qui se passe de présentations.

_____________________________________________


723

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

La Chambre reprend l'étude de la motion

Le Président: À l'ordre! Je crois que l'honorable député de Joliette avait encore 15 minutes de temps de parole.


724

(1505)

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, au moment où j'ai interrompu mon discours pour laisser place à la période des questions, j'étais en train de dresser une liste d'exemples de gaspillages, de dépenses inutiles et de mauvaise gestion des fonds publics. J'avais signalé certains cas qui s'étaient produits au Revenu national, à Investissement Canada, la question des frais de déplacements des ministres, au ministère des Pêches et des Océans, et j'en arrivais à un autre exemple concernant les prêts aux étudiants.

En 1990, 1992 et 1993, le vérificateur général affirmait que les plafonds annuels de prêts aux étudiants n'avaient pas été respectés. Au cours de 1993, le plafond annuel a été dépassé de 170 millions de dollars. Selon le vérificateur général, il faut instaurer des mesures urgentes pour redresser la situation et faire en sorte que les dispositions de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants soient observées.

Nous ne sommes pas en train de dire que nous sommes contre les prêts aux étudiants. Nous sommes conscients des besoins financiers des étudiants et des étudiantes. Mais une telle décision de dépasser les plafonds prévus relève plutôt du Parlement que des fonctionnaires.

Un autre exemple est celui ayant trait à la Stratégie canadienne de développement économique des autochtones. Cette stratégie prévoyait investir un milliard de dollars sur une période de cinq ans et sa mise en oeuvre relevait de trois ministères: celui des Affaires indiennes et du Nord canadien, celui de l'Industrie et celui de l'Emploi et de l'Immigration. Le but de la stratégie visait à réduire les disparités entre les autochtones et les autres Canadiens et son objectif cherchait à permettre aux autochtones de devenir autonomes sur le plan économique.

Entre 1989 et 1993, 900 millions de dollars ont été dépensés dans le cadre de cette stratégie. Le vérificateur général déplore le manque d'harmonisation entre ces trois ministères qui devaient établir une coordination et mettre en place un cadre d'évaluation. À cause de ce manque de leadership dans l'application de cette stratégie, ce n'est qu'en 1993, soit quatre ans après son entrée en vigueur, qu'un tel cadre voyait le jour.

De plus, il existe très peu de mesures d'évaluation de l'efficacité de cette stratégie. En fait, on dépense 900 millions de dollars sans savoir si ces dépenses sont justifiées.

En 1992, par exemple, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a dépensé 20 millions de dollars auprès de 73 organisations de développement économique dans les communautés qu'il considère entièrement développées. Par contre, il dépensait 33 millions de dollars auprès de 296 organisations de communautés moins développées. Il n'est pas surprenant que le vérificateur général demande que des mesures de contrôle et d'évaluation des programmes soient mises en place.

Monsieur le Président, si vous me le permettez, je vous signalerais qu'il est très désagréable d'avoir à s'adresser à la Présidence lorsque des députés de l'autre côté de la Chambre ne gardent pas le silence. Il me semble qu'on devrait avoir le respect de la Chambre quand on parle au nom de nos concitoyens.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Joliette soulève un point que j'ai aussi remarqué. Je demanderais donc aux députés de bien vouloir continuer leurs discussions à l'extérieur de cette enceinte, derrière les rideaux, afin qu'on puisse s'entendre et que l'honorable député de Joliette puisse continuer son intervetion dans le silence qu'on lui doit.

(1510)

M. Laurin: Monsieur le Président, je poursuis donc. En somme, on ne sait pas quels avantages réels ont découlé des activités de la stratégie. Les ressources ont-elles été optimisées? On ne sait pas si les fonds ont été dépensés en fonction des priorités des autochtones, et on ne sait pas non plus s'il y a une façon plus rentable d'obtenir les mêmes résultats. Aussi, une révision de la stratégie canadienne de développement économique des autochtones s'avère donc essentielle et une évaluation des programmes doit être faite à ce niveau.

Un autre exemple a trait à la sécurité de la vieillesse et au Régime de pensions du Canada. Les plus-payés de prestations de pension sont de l'ordre de 120 à 220 millions de dollars par année, ce qui fait augmenter les frais d'administration et les coûts de mise en oeuvre de 50 p. 100, ces derniers atteignant 260 millions de dollars. Les plus-payés sont donc de l'ordre de 0,5 p. 100 du total des paiements versés.

Les activités liées à la détection, à l'enregistrement et au recouvrement des plus-payés ne sont pas gérées de façon rentable. Les plus-payés semblent être causés par des insuffisances dans deux activités de programmes clés: d'abord, la réévalution de l'invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada et le renouvellement du Supplément de revenu garanti. Le système et les procédés visant l'enregistrement, le contrôle et le recouvrement des plus-payés sont loin de répondre aux normes minimales applicables à ce genre de compte.

Les efforts de recouvrement des plus-payés ont été minimes et inefficaces dans le passé. Le ministère responsable ne tient même pas d'information sur le montant des plus-payés. C'est pourquoi le vérificateur général a été dans l'obligation de les estimer lui-même.

Ici, je cite le rapport du vérificateur général: «En résumé, dit-il, le ministère n'a pas bien en main la situation relative aux plus-payés. Des prestations sont versées à des personnes qui n'y ont pas droit. Les systèmes actuels ne permettent pas aux gestionnaires de déterminer les montants en question ou de gérer les recouvrements de manière efficiente. Qui plus est, le ministère n'a pas l'organisation nécessaire qui lui permette d'entreprendre des activités d'exécution comme le recouvrement des plus-payés.»

Il y a un autre exemple, l'Agence canadienne de développement international, plus communément appelée l'ACDI. Cet organisme continue d'investir dans des projets de développement qui ne sont pas susceptibles d'être maintenus lorsque cessera l'aide financière des pays donateurs.

L'Agence gouvernementale n'a pas optimisé l'utilisation des ressources et ses projets n'ont pas assez favorisé le développement autonome des pays qui bénéficient de cette aide financière.

Il importe de régler les conflits entre les objectifs, c'est-à-dire, celui de soulager la pauvreté et/ou poursuivre des objectifs commerciaux et politiques.


725

L'ACDI doit canaliser ses efforts. D'une part, la poursuite d'objectifs multiples en vue de répondre aux demandes de divers groupes d'intérêt au Canada fait gonfler les coûts et éloigne le but recherché. Les objectifs commerciaux et politiques ont incité l'ACDI à éparpiller considérablement ses ressources humaines et financières.

D'autre part, de nouveaux objectifs sont venus s'ajouter à ceux déjà existants dans les années 1960 et 1970, tels que: la réforme de politiques économiques et sociales des pays du Tiers monde; le développement des ressources humaines; la promotion des droits de la personne; le développement durable et la protection de l'environnement; enfin, les voies d'acheminement, la prolifération de programmes et la rotation du personnel de l'ACDI d'un pays à un autre, tous les deux à trois ans.

Cet état de choses a produit un alourdissement du fardeau administratif et a rendu l'évaluation des résultats des projets beaucoup plus difficile.

Des mesures de correction s'imposent et l'Agence canadienne de développement international doit, premièrement, rationaliser sa façon de fonctionner pour être plus dynamique et efficace. Deuxièmement, elle doit réviser sa méthode de gestion des projets. Troisièmement, elle doit clarifier l'obligation de rendre compte au Parlement et au public canadien. Quatrièmement, elle doit être plus ouverte et plus transparente à l'égard de ses objectifs stratégiques. Enfin, l'information sur les résultats obtenus devrait être disponible au public.

(1515)

Monsieur le Président, pensez que tous ces exemples sont extraits du seul et unique rapport de cette année. Le cas d'Investissement Canada est une bonne démonstration de gaspillage de la part d'un fonctionnaire. Dans les cours de gestion, on nous apprend que les fonctionnaires et autres gestionnaires ont souvent le désir d'augmenter leur sphère d'influence en embauchant trop d'employés ou en demandant des budgets de fonctionnement trop élevés. Tout cela résulte en une mauvaise rationalisation des dépenses. Les fonctionnaires n'ont pas toujours l'intérêt ou la volonté d'attaquer de front l'appareil gouvernemental.

C'est pourquoi nous voulons que le comité d'analyse des dépenses gouvernementales soit formé de parlementaires responsables devant le peuple et non pas constitué de fonctionnaires.

Nous croyons que ce sont les représentants du peuple qui devraient s'assurer que les différents programmes atteignent leurs objectifs et que la fonction publique ainsi que le gouvernement gèrent l'allocation des deniers publics avec équité, efficacité et économie.

Je cite encore une fois le vérificateur général, qui a écrit dans son rapport: «la plupart du temps, le Parlement ne reçoit pas d'information appropriée sur les résultats que les ministères et les sociétés d'État ont obtenus avec les milliards de dollars du contribuable». Le fait que les parlementaires n'aient pas suffisamment d'information sur la situation financière du gouvernement nous laisse croire que les cas de gaspillage et de mauvaise gestion soulevés par le vérificateur général ne représentent que la pointe de l'iceberg.

Un comité parlementaire d'analyse des dépenses publiques pourrait faire en sorte que le Parlement et, conséquemment les citoyens et citoyennes aient plus d'information sur la situation financière du gouvernement. Sur ce point, nous faisons nôtre la proposition du vérificateur général de demander au ministère de «faire des rapports clairs et globaux dans lesquels ils présenteraient au Parlement un compte rendu exact de leur intendance en leur fournissant, sur les dépenses importantes, des données qui soient axées sur les résultats».

Les dédoublements de programmes et les chevauchements de compétences représentent également une autre source de gaspillage des fonds publics. Il n'y a pas beaucoup d'études traitant de cette question, mais parmi celles existantes nous en retrouvons une du Conseil du Trésor du Canada, effectuée en 1991, qui arrive à la conclusion que pour au moins la moitié des provinces, il y a chevauchement apparent entre les programmes provinciaux et fédéraux dans environ 60 p. 100 des cas. Le partage flou des compétences, l'ingérence du gouvernement fédéral dans les champs de compétences des provinces et le pouvoir de dépenser du fédéral sont les principales causes de ce dédoublement et de ces chevauchements.

La Commission Bélanger-Campeau a estimé que l'accession du Québec à la souveraineté, en raison de l'élimination des dédoublements, permettrait d'épargner 233 millions de dollars au chapitre des frais de transport et de communication et un montant de 289 millions en ce qui a trait à la perception des droits de douanes, des impôts et des taxes. Le problème est donc potentiellement très important. Par contre, il n'existe pas d'études récentes tentant d'évaluer les coûts des dédoublements présents dans tous les programmes provinciaux et fédéraux. Certaines sources évaluent les coûts globaux à près de 3 milliards de dollars, d'autres l'évaluent à un montant supérieur à celui-ci.

C'est pourquoi nous demandons à cette Chambre qu'elle donne le mandat, sans témoigner d'un esprit partisan, au vérificateur général, d'effectuer une étude sérieuse et complète des dédoublements et chevauchements de tous les programmes de dépenses des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral.

En terminant, le Bloc québécois pense que le gouvernement canadien doit démontrer qu'il fait sa part pour réduire le déficit, en éliminant le gaspillage, les programmes inutiles et la mauvaise gestion des fonds publics. Pour ce faire, nous demandons au gouvernement libéral de cesser ses hésitations et de mettre de l'avant un comité parlementaire d'examen des dépenses du gouvernement, poste budgétaire par poste budgétaire.

(1520)

Ceci s'inscrit dans un ensemble de mesures proposées par le Bloc pour assainir les finances publiques, sans toutefois faire reposer sur le dos des plus démunis ou sur celui des provinces la nécessaire réduction du déficit fédéral.

Nous demandons également au gouvernement libéral de prendre des mesures rapides et énergiques pour corriger les cas de gaspillage et de mauvaise pratique de gestion relevés par le vérificateur général, dont j'ai fait état dans mon exposé.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, je ferai un très bref commentaire. Le député de Joliette a donné un grand nombre d'exemples très convaincants sur la déficience de


726

la gestion gouvernementale. Je vais me permettre de donner un autre exemple.

Dans le secteur de la formation professionnelle, au Québec seulement, le gouvernement fédéral et celui du Québec dépensent annuellement environ un milliard de dollars et, par surcroît, les Québécoises et les Québécois ne reçoivent pas de réponse satisfaisante à leurs besoins de formation professionnelle.

On a établi dans ce secteur-là que les dédoublements de compétence engloutissent 60 p. 100; 60 p. 100 de un milliard, c'est 600 millions qui ne sont utilisés que pour des problèmes de gestion, ce qui ne laisse que 40 p. 100 pour la véritable formation professionnelle. C'est proprement scandaleux.

En dépit des promesses contenues dans le Livre blanc, on laisse entendre qu'on va reporter à deux ans l'examen de ces problèmes-là. C'est inadmissible.

M. Laurin: Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord avec le commentaire de mon collègue, d'autant plus qu'on aurait pu ajouter d'autres exemples. On a parlé de mauvaise gestion de la fonction publique. On aurait pu parler du renouveau de la fonction publique qui tarde à venir depuis deux ans. La fonction publique est elle aussi rappelée dans le rapport du vérificateur général. On y lit qu'elle représente un instrument absolument essentiel au gouvernement pour se gérer, mais qu'en même temps, la fonction publique n'a pas actuellement entre les mains les instruments nécessaires pour mener à bien sa gestion et n'a pas non plus les contrôles nécessaires pour répondre à ses obligations envers le public.

Alors, beaucoup d'autres domaines auraient pu être cités en exemple, mais comme le débat est limité, nous nous sommes contentés de rappeler à la Chambre les principaux exemples qui avaient été soulevés par le vérificateur général afin qu'une suite soit donnée dans les plus brefs délais et que les corrections nécessaires soient apportées pour la plus saine gestion de la Chambre des communes.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, comme je prononce mon premier discours à la Chambre des communes au cours de la 35e législature du Parlement du Canada, permettez-moi tout d'abord d'exprimer toute ma gratitude aux habitants de la circonscription de Mississauga-Sud. Je suis honoré de défendre leurs intérêts à Ottawa et de les servir.

Je tiens également à remercier ma femme, Linda, et mes enfants, Aaron, Reagan et Whitney. Tous les députés savent que nos familles ont fait des sacrifices énormes pour que nous puissions poursuivre nos objectifs. En cette Année internationale de la famille, nous leur disons: «Vous nous manquez, nous vous aimons et nous vous remercions.»

Nous remercions aussi le premier ministre pour son vote de confiance et la décision historique qu'il a prise de permettre à tous les députés de s'exprimer librement et ouvertement sur des questions importantes comme ce débat prébudgétaire.

Les Canadiens sont bien au courant des problèmes complexes et troublants auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, soit les déficits chroniques, un taux élevé de chômage, une piètre performance de l'économie et un manque de crédibilité dans le gouvernement.

(1525)

Ayant travaillé pendant 20 ans dans une entreprise et en tant que comptable agréé, j'ai vite appris que, pour chaque problème complexe, il existait une solution simple, mais que celle-ci n'est pas la bonne. Il est trop simpliste de se concentrer uniquement sur la réduction du déficit. Nous avons besoin d'une approche équilibrée de la politique monétaire et budgétaire pour promouvoir la croissance économique et la création d'emplois. Cette approche, tout comme la rationalisation des dépenses, permettra de réduire le déficit.

On peut améliorer la performance financière de deux façons: en augmentant les recettes ou en réduisant les dépenses. Du côté des recettes, les hausses d'impôt ne constituent pas une option dans ce budget. Les Canadiens paient déjà trop d'impôts. Par contre, nous devons élargir l'assiette fiscale en développant l'économie.

Du côté des dépenses, il serait destructif de les réduire radicalement pour abaisser le déficit. En outre, cela ne tient pas compte de l'importance d'un plan intégré de dépenses qui peut créer des synergies et des perspectives de soutien de la croissance économique.

Le gouvernement doit redéfinir sa position à l'égard des dépenses et les considérer non pas comme telles, mais bien comme un investissement dans les ressources humaines, les programmes et les biens. Nous sommes les gestionnaires des fonds des contribuables et, lorsque nous faisons cet investissement, nous devons non seulement établir des critères de rendement et de performance, mais également rendre des comptes à la population du Canada. Lorsque ces critères ne sont pas respectés, le gouvernement a le devoir de prendre des mesures correctives.

Chaque année, le vérificateur général signale d'innombrables cas de gaspillage et de mauvaise gestion. Nous devons réagir à ces rapports et montrer que nous avons tiré la leçon de nos erreurs.

Nos programmes sociaux ont été conçus à l'origine pour servir de filet de sécurité à ceux qui en avaient le plus besoin. Même si le système a bien servi le Canada par le passé, nous devons revoir les programmes en profondeur pour les adapter aux réalités des années 90, puis du XXIe siècle.

Nous devons simplifier le régime fiscal et le rendre de nouveau équitable, tant en ce qui concerne les particuliers que les sociétés. Il faut simplifier l'administration à tous les niveaux pour améliorer la productivité et l'efficacité. Nous devons encourager les nouveaux investissements, notamment dans les petites et moyennes entreprises, car ce sont elles qui créent des emplois durables pour les Canadiens.

Chaque dollar investi dans l'industrie canadienne produit cinq dollars d'activité économique. Cela crée des emplois et élargi l'assiette fiscale, ce qui est indispensable si l'on veut parvenir à une réduction appréciable du déficit.

Je voudrais maintenant faire quelques suggestions précises pour le prochain budget. Il faut s'attaquer sérieusement à l'économie souterraine pour que tout le monde paie sa juste part et que


727

la contribution de chacun s'en trouve diminuée. On estime actuellement que l'économie souterraine atteint 20 p. 100 de l'activité économique. C'est dire que le gouvernement a le devoir de procéder à des vérifications par recoupement et de mettre en place des techniques de vérification judiciaire s'il veut vraiment s'attaquer à ce grave problème.

En ce qui concerne les REER, les limites de cotisation doivent être fixées à des niveaux qui permettent aux Canadiens ne participant pas à des régimes de pensions d'accumuler un revenu de retraite suffisant. Ces niveaux devraient être comparables à ceux que l'on consent aux membres de régimes enregistrés de pensions.

L'exonération cumulative des gains en capital de 100 000 $ n'a pas atteint son objectif qui était de stimuler l'investissement au Canada. Cette exonération devrait être éliminée et les recettes supplémentaires qu'en tirerait l'État devraient être réinvesties dans des programmes de création d'emplois.

Le budget ne devrait pas toucher à la pension de sécurité de la vieillesse. Actuellement, la Loi de l'impôt sur le revenu permet déjà de récupérer une partie des prestations lorsque le contribuable a d'autres revenus. Le premier ministre a déclaré aux personnes âgées, pendant la campagne électorale, que la Sécurité de la vieillesse était un dividende qui leur était versé en reconnaissance de leur contribution, parce qu'elles avaient payé des impôts toute leur vie. Nous devons respecter cet engagement!

L'augmentation de la dette extérieure provoque une fuite de capitaux, et c'est pourquoi il faudrait s'efforcer d'encourager les Canadiens à investir dans leur pays, peut-être en leur proposant des obligations exemptes d'impôt.

En ce qui a trait à l'assurance-chômage, on ne devrait verser des prestations qu'aux chômeurs qui cherchent du travail.

(1530 )

La pratique actuelle qui consiste à verser des prestations dans les seuls cas où il y a interruption de revenu doit faire l'objet d'un examen et un seuil des gains doit être envisagé lorsqu'il y a lieu d'augmenter le taux de récupération qui s'applique à ces avantages sociaux.

Au chapitre de l'immigration, le gouvernement fédéral doit exiger le respect des accords d'immigration parrainée, lorsque le parrain est en mesure de tenir son engagement. En 1993, dans la seule région de Peel, on a enregistré environ 11 000 demandes de bien-être social faites par des immigrants qui étaient déjà parties à un accord d'immigration parrainée. Quelque 38 p. 100 de ces accords ont été rompus au cours de la première année et 62 p. 100, avant la fin de la deuxième année d'un parrainage prévu pour dix ans. De plus, 59 p. 100 des parrains étaient des enfants qui avaient fait venir leur famille. Dans un grand nombre de cas, ils ne disposaient pas des moyens financiers nécessaires.

Le nombre de parrains qui ne satisfont pas à leurs obligations n'a cessé d'augmenter et, maintenant, c'est le contribuable canadien qui doit payer la note astronomique. La responsabilité budgétaire qui nous incombe nous force à corriger la situation.

En ce qui concerne les soins de santé, le gouvernement fédéral, par la voie des paiements de transfert, verse aux provinces un montant équivalant à 24 p. 100 des coûts engagés dans ce domaine, ce qui lui donne le droit de s'assurer que ces sommes sont dépensées à bon escient. Or, en Ontario, plus de deux millions de cartes d'assurance-maladie se trouvaient entre les mains de personnes non admissibles, ce qui a occasionné à la province une perte d'au moins 900 millions de dollars par an.

Même s'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, il n'y a qu'un seul et même contribuable et on ne saurait sous-estimer les économies qu'on pourrait réaliser de la sorte.

Pour ce qui est de la croissance économique, il faut établir de nouveaux partenariats avec les intervenants du secteur privé, lequel générera 85 p. 100 des nouveaux emplois. Voilà pourquoi, à titre de partenaire, le gouvernement doit mettre en place des incitatifs efficaces: crédits d'impôt pour création d'emplois, subventions de formation, exemptions de cotisations d'assurance-chômage et subventions salariales.

Nous devons également établir un climat favorable en rationalisant l'appareil gouvernemental et en créant des guichets uniques, surtout dans les secteurs intéressant la petite et la moyenne entreprises et en ce qui concerne les débouchés commerciaux.

Bref, en mettant l'accent sur une croissance économique redynamisée, sur une saine gestion des finances et sur des investissements judicieux, nous devrions être en mesure de relever les défis qui se dressent sur notre chemin. Pour citer le livre rouge: «Une économie en santé est essentielle à une société prospère. Nous aurons donc pour priorité de relancer l'emploi et la croissance».

Qui dit crédibilité politique dit responsabilité budgétaire. La population canadienne a donné au présent gouvernement le mandat de prendre des décisions difficiles pour restaurer notre force économique et créer des perspectives d'avenir et des emplois pour tous.

Les Canadiens sont bien conscients que tout le monde devra faire sa part. Il nous faut un budget rigoureux, mais équitable. Nous avons besoin d'un tel budget pour assurer le bien-être à venir de tous les Canadiens.

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de Mississauga-Sud de son premier discours à la Chambre. Ses arguments sont excellents.

Je voudrais cependant lui poser quelques questions au sujet de la politique fiscale. Il a dit, au début de ses remarques, qu'il estimait qu'il ne devrait pas y avoir de nouveaux impôts. Je suis d'accord avec lui sur le fait que la charge fiscale qui pèse sur la classe moyenne et sur les particuliers est tout simplement trop lourde. À la fin de son discours, il nous parle d'équité.

Le député de Mississauga-Sud pourrait-il nous préciser si la remarque qu'il a faite au début de son intervention veut également dire qu'on ne devrait pas envisager, dans ce budget, d'imposer les sociétés rentables qui, à l'heure actuelle, ne paient pas d'impôt? L'an dernier, le vérificateur général nous a dit que des millions de dollars d'impôts n'étaient pas perçus en raison de la disposition qui autorise le placement à l'étranger de bénéfices non imposés au Canada. Nous savons tous que les fiducies fami-


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liales, où les riches peuvent mettre leur argent à l'abri, ne sont pas imposées.

Quand il dit qu'il ne devrait pas y avoir de nouveaux impôts, le député veut-il dire qu'il va maintenir les échappatoires fiscales pour les riches et les sociétés rentables ou veut-il vraiment mettre en place un régime fiscal équitable où chacun paiera sa juste part, allégeant ainsi la charge fiscale du contribuable?

(1535)

M. Szabo: Monsieur le Président, je remercie la députée du Yukon de ses félicitations.

Je ne pense pas que le temps dont je dispose me permette de répondre comme il se doit à sa question. Je voudrais cependant ajouter au moins une précision sur la question de ne pas créer de nouveaux impôts en ce qui concerne les sociétés, les bénéfices investis à l'étranger et les fiducies familiales.

J'estime que la justice et l'équité exigent que le gouvernement revoit toutes les dispositions. Il n'existe plus de vaches sacrées. Dans la mesure où il est vrai que les entreprises font sortir des capitaux ou mettent des bénéfices à l'abri à l'étranger, le gouvernement-s'il est vraiment sincère lorsqu'il dit que le régime fiscal doit être juste et équitable-se doit de faire des enquêtes et des analyses et de chercher des solutions raisonnables pour faire en sorte que la plus grande partie des revenus réalisés au Canada soient investis dans notre pays.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, ma question s'adresse au député de Mississauga-Sud que je félicite pour son premier discours. J'ai noté dans son discours que le député parlait de l'abolition de la fameuse exemption à vie de 100 000 $ pour le gain en capital.

Est-ce que monsieur le député de Mississauga-Sud n'a pas l'impression qu'en coupant l'exemption de gain en capital de 100 000 $, qui est attribuée à vie à chaque contribuable, que le gouvernement revient à taxer l'inflation qu'il a lui-même suscitée par son incurie et sa mauvaise politique de taux d'intérêt, dans certains cas, et par son excessive taxation?

[Traduction]

M. Szabo: Monsieur le Président, l'exonération cumulative des gains en capital de 100 000 $ a été présentée par le gouvernement précédent, à l'avant-dernière législature. On a fait accepter cette mesure aux Canadiens sous prétexte qu'elle allait stimuler l'investissement et la création d'emplois. Je pense que les Canadiens ont estimé qu'il s'agissait de principes honorables.

Cependant, le gouvernement a fait deux erreurs fondamentales dans l'application de cette mesure. Premièrement, il n'a pas fixé de date précise pour le début de l'application de cette mesure, ce qui a permis l'application de cette exonération aux investissements qui avaient déjà été effectués et sur lesquels des gains en capital avaient déjà été réalisés. Le gouvernement a donc laissé passer la possibilité d'appliquer cette exonération aux nouveaux investissements.

Deuxièmement, le gouvernement n'a ni précisé ni limité la nature des investissements qui pouvaient être faits dans le cadre de ce programme. C'est ainsi que cette exonération a pu s'appliquer à des investissements comme l'achat de résidences secondaires en Floride. Dans les circonstances, je pense que le député serait d'accord pour dire que cette exonération, aussi honorable qu'en ait été l'idée au départ, a été très mal appliquée. Les perspectives sont très mauvaises pour les contribuables canadiens et les fonds dont se prive le gouvernement en autorisant cette exonération seraient bien mieux dépensés s'ils étaient investis dans des projets de création d'emplois.

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain): Monsieur le Président, j'ai l'honneur et le devoir de prendre aujourd'hui la parole pour la première fois à la Chambre, au nom des habitants de Souris-Moose Mountain, pour débattre d'une question très importante, le budget.

Nous sommes très fiers que l'honorable Paul Martin ait été choisi pour diriger le ministère des Finances. Tous les députés connaissent ses compétences et sont prêts, j'en suis certain, à lui assurer leur collaboration.

Je suis d'une circonscription reconnue pour avoir produit des gens ayant servi à ce titre, et cette tradition me remplit d'humilité. J'ai cependant l'appui de ma femme, Delphine, et des membres de ma famille. Je ne vous les nommerai pas tous, car cela prendrait trop de temps.

Je dirai simplement que tous, de l'aîné Michael à la cadette Carrie-Lynn, sont prêts à m'aider à m'acquitter de la responsabilité qui m'a été confiée et à défendre les intérêts des électeurs qui m'ont accordé leur confiance.

(1540)

Je suis heureux à l'idée que je pourrai collaborer avec tous les députés, à mesure que nous relèverons les défis qui nous attendent, au cours de la 35e législature.

À cause de l'immensité de ma circonscription, qui fait près de 300 milles d'un bout à l'autre, j'ai parcouru quelque 30 000 milles au cours de la campagne pour rencontrer mes électeurs. La circonscription couvre toute la partie sud-est de la Saskatchewan. À partir de la frontière du Manitoba, il y a 300 milles jusqu'à Minton, dans la région de Big Muddy. À partir de la frontière américaine, elle s'étend sur 180 milles, jusqu'à la vallée de la Qu'Appelle.

Partout où je suis passé, j'ai constaté que les jeunes cherchent des raisons d'espérer. Ils veulent avoir une chance, un moyen de se faire connaître dans ce grand pays qui est le nôtre. Ils attendent de nous que nous allumions une étincelle dans leurs yeux, que nous ravivions l'espoir qui les anime, afin qu'ils puissent profiter avec nous des largesses de ce pays fantastique.

On compte sept réserves indiennes dans ma circonscription, soit celles des nations Sakimay, White Bear, Ocean Man Band, Ochapowace, Cowesses, Kahkewistahaw et Pheasant Rump. Je sais qu'elles aspirent à la reconnaissance, en tant que premières nations, et à l'autonomie gouvernementale. Là aussi, les gens cherchent des raisons d'espérer pour leurs familles.

Je suis content de pouvoir vous faire part de quelques idées dont on pourrait tenir compte dans la préparation du budget de 1994, qu'on est en train de mettre au point avec les Canadiens.


729

Les différents groupes que j'ai rencontrés dans le Sud-est de la Saskatchewan m'ont fait part de préoccupations claires et précises.

Dans le milieu agricole, je n'ai jamais rencontré d'agriculteurs qui disaient vouloir des subventions. Ce qu'ils veulent, c'est un prix juste pour leurs produits.

La même chose vaut pour les chômeurs. Ils veulent recevoir de la formation pour acquérir des compétences, afin de prendre part aux espérances et aux rêves d'un peuple.

Je me souviens d'une assemblée qui avait eu lieu à Estevan, il y a trois ou quatre ans, quand le ministre des Finances Michael Wilson avait présenté sa taxe sur les produits et services. Les gens d'affaires de la région avaient exprimé leur opinion clairement et fermement. Ils avaient dit qu'ils pourraient supporter un impôt uniforme ou un impôt de base de 3 ou 4 p. 100, mais pas davantage.

Que s'est-il passé depuis ce temps? Je suis sûr que vous vous souvenez de toutes les analyses, dans les journaux, qui montraient que la taxe sur les produits et services engendrerait une telle richesse que le gouvernement n'était même pas sûr de la façon dont il allait l'utiliser.

Nous découvrons encore aujourd'hui que cette taxe n'a pas engendré la richesse attendue. Cette taxe a produit une armée de percepteurs et un monceau de paperasse supplémentaire pour les entreprises, grandes et petites.

J'attends de ce gouvernement qu'il délivre les gens d'affaires de ces tracasseries administratives qui leur font perdre un temps précieux. Ils sont là pour gagner de l'argent, pas pour passer leur temps à remplir des formulaires pour le gouvernement.

De toute l'histoire du Canada, il n'y a pas eu de taxe qui ait suscité autant de révulsion que la taxe sur les biens et services. Les gens de Souris-Moose Mountain, qui d'une seule voix se sont exprimés, peuvent être rassurés; j'ai bien compris leur message. Ils ne veulent pas d'autres impôts et ils ne veulent pas d'un régime fiscal inéquitable.

Car il s'agit bien d'équité fiscale. Tout comme le vérificateur général l'a dit dans son rapport, j'estime que le gouvernement canadien doit supprimer les échappatoires qui permettent à des investisseurs d'emprunter de l'argent au Canada, de l'investir à l'étranger et de mettre ces investissements à l'abri du fisc canadien.

Je crois en outre que le vérificateur général devrait faire des recommandations à la Chambre au fur et à mesure qu'il découvre ce genre d'anomalies, de façon que nous puissions légiférer pour y remédier. Il faut que nous prenions les mesures correctives nécessaires.

Et qu'en est-il d'une gestion saine et de l'obligation de rendre des comptes? J'ai lu que, chaque année, l'État perdait entre 120 et 220 millions de dollars en prestations de retraite et de sécurité de la vieillesse versées à des personnes qui n'y avaient pas droit. Je connais le cas d'une personne qui a approuvé sa propre demande d'aide aux études. Où est l'obligation de rendre des comptes dans tout cela?

Ce sont des exemples de ce qu'on a laissé faire dans le passé et que mes électeurs ne sont plus prêts à tolérer, ils me l'ont bien dit.

J'aimerais passer maintenant à un autre sujet, celui des prêts étudiants. Le programme de prêts aux étudiants coûte très cher à l'État. L'intérêt sur les prêts aux étudiants devrait être juste et équitable. On devrait accorder une période de grace de six mois avant que les étudiants n'aient à payer.

(1545)

Dépensons notre argent de façon réfléchie et soyons prêts à justifier nos dépenses. Mes électeurs ne sont pas heureux qu'on consacre 1,6 million de dollars à un tableau alors qu'il y a 1,6 million de chômeurs au Canada.

Permettez-moi de formuler quelques brèves observations tirées des consultations que j'ai eues avec mes électeurs. Plusieurs me disent qu'un impôt sur les gains de loterie, surtout ceux dépassant un certain montant, serait acceptable.

On devrait donner la possibilité aux localités d'investir dans leurs propres activités. Ce pourrait être fait grâce à un programme d'infrastructure. Il y a une incidence fiscale. On a proposé notamment que les citoyens puissent contribuer une fois dans leur vie à un fonds communautaire et profiter d'une déduction fiscale.

Étant donné qu'une partie importante de notre dette est détenue par des pays étrangers, nous devrions unir nos efforts pour racheter cette partie de la dette qui est entre les mains d'étrangers.

Je sais, à l'instar de tous les députés dans cette enceinte, j'en suis sûr, que nous pouvons compter sur un homme talentueux, réfléchi et visionnaire pour faire face à cette situation économique difficile. Rappelez-vous que Paul Martin père était un homme de vision, un homme d'action, qui avait un grand sens politique. Les Canadiens le respectaient et ils avaient confiance en lui. C'était un vrai Canadien. Le ministre des Finances actuel méritera sûrement les mêmes félicitations lorsqu'il préparera et présentera, avec notre aide et celle de tous les Canadiens, le budget pour 1994.

Un écrivain célèbre de race noire, Langston Hughes, en décrivant la vie de sa famille, a précisé qu'on pouvait traverser la vie en riant ou en pleurant. Il prônait plutôt la première solution. Il faut profiter de la vie. Cela fait partie de notre défi de donner aux Canadiens la possibilité de profiter de la vie. Nous serons heureux si nous savons que nous avons contribué à améliorer le niveau de vie et accru les attentes et les espoirs de tous les Canadiens.

[Français]

Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies): Monsieur le Président, j'ai bien écouté ce que le député de Souris-Moose Mountain avait à nous dire, tout comme j'ai bien écouté ce qui s'est dit ici aujourd'hui. Je pense que si on devait résumer la situation et qu'on devait prendre en compte tout ce qui s'est dit et en faire un petit résumé, il y a au moins deux idées principales qui ressortent aujourd'hui. Premièrement, une bonne partie de la


730

population a perdu confiance en ses politiciens et, deuxièmement, on se retrouve devant un gouvernement, ou une situation en tout cas, où il y a eu une très mauvaise gestion gouvernementale.

Chaque député qui est intervenu dans cette Chambre a cité de nombreux exemples à l'appui de ces éléments, dont les cartes d'assurance-maladie, même si cela relevait un peu du provincial dans le cas de l'Ontario, et d'autres ont relevé des cas qui évoquent éloquemment la mauvaise gestion de nos gouvernements actuellement.

Jusqu'à aujourd'hui, ce qui me frappe dans tout cela, c'est qu'il me semble qu'on reprend un débat qu'on entend depuis dix ans. Je suis sûr que les gens de ma circonscription se disent actuellement: «Tout ce qui se dit là, on l'entend depuis dix ans.»

Le ministre des Finances disait, ce matin, qu'il s'appuyait sur des réunions qu'il a eues avec 30 ou 40 bons économistes au Canada. Cela fait 10 à 12 ans qu'on s'appuie sur 30 ou 40 des meilleurs économistes au Canada, et plus ça va, plus ça va mal.

Je poserai une question à l'honorable député de Souris-Moose Mountain sur le Québec. Vous savez que nous tiendrons, dans quelques mois fort probablement, un référendum. Voici comment les Québécois voient actuellement l'ensemble de la situation. En 1980, au moment où les libéraux ont pris le pouvoir, on avait accumulé au Canada environ 80 milliards de dollars de dette en général. D'ailleurs, notre premier ministre actuel était ministre des Finances à l'époque. Au terme de leur mandat, ils ont laissé une dette d'environ 200 millions de dollars. Le gouvernement qui leur a succédé, les conservateurs, a monté cette dette-là à 500 milliards de dollars. Nous savons que lorsque nous nous séparerons du Canada, nous prendrons 25 p. 100 des dettes canadiennes, c'est-à-dire que si nous avions dit oui au référendum en 1980, nous aurions récolté 20 milliards de dollars de dette, et que si nous disons oui maintenant, nous allons récolter 125 milliards de dette. C'est-à-dire qu'en treize ans, l'augmentation de la dette du Québec a été de 100 000 millions de dollars et plus. Dans ces conditions-là, où nous détenons 25 p. 100 des parts votantes d'une compagnie qui s'appelle le Canada, qui nous a augmenté notre dette, en treize ans, de 100 000 millions, en quoi est-ce que c'est rentable pour le Québec?

(1550)

[Traduction]

M. Collins: Monsieur le Président, je remercie le député de cette question.

Permettez-moi de dire qu'il fait preuve d'un optimisme démesuré en pensant que tous les députés dans cette enceinte, à l'exception des membres du Bloc, vont rester à ne rien faire pendant qu'il quitte le pays, car ce n'est pas ce qui va se produire. À long terme et dans le cadre de cette 35e législature, nous devons tous sans exception nous attaquer à la dette et améliorer la situation financière de notre merveilleux pays.

Je peux garantir aux députés que les gens de Souris-Moose Mountain continueront de s'assurer qu'on parvienne à un budget répondant aux besoins du Québec, du Yukon et de toutes les régions du pays.

Je suis heureux de voir que la députée du Yukon est parmi nous, car elle va participer au processus afin que nous puissions parvenir ensemble à une décision. Nous n'allons pas procéder de façon individuelle, mais plutôt parvenir à une solution collectivement.

Il est facile de se tourner vers le passé et d'imputer la faute à quelqu'un d'autre. Je crois que nous devons répondre aux besoins actuels et nous demander ce que nous allons faire maintenant. Nous avons un nouveau groupe de députés. Ils sont optimistes. C'est mon cas et je prévois un très bel avenir à notre pays sous la direction de notre remarquable premier ministre et notre ministre des Finances.

Tout comme nous, le député du Québec sera surpris de voir à quel point le budget présenté pour 1994 le satisfera.

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, permettez-moi de féliciter le député pour son élection au Parlement et son allocution d'aujourd'hui.

Le député a demandé l'avis de la Chambre au sujet du budget. J'ai plusieurs suggestions à faire relativement à l'économie du pays. Je n'ai pas le temps de les énumérer maintenant, mais je le ferai plus tard.

Pour le moment, j'aimerais poser une question. Dans le cadre de l'analyse budgétaire entreprise par le ministre des Finances, le ministre de la Défense songe à fermer certaines installations militaires au pays.

La BFC Moose Jaw, que l'on appelle maintenant l'Escadrille 15, existe déjà depuis fort longtemps et pour des raisons très pratiques. Par exemple, le ciel y est sans nuage, la topographie des alentours est sans relief et, vers le sud, la densité de population est très faible. Ces conditions favorisent l'entraînement sur cette base et contribuent à sa sécurité.

Le député accepterait-il de se joindre à moi pour faire une demande pressante au ministre de la Défense afin que la BFC Moose Jaw demeure ouverte dans l'intérêt de notre pays, mais aussi dans l'intérêt de la Saskatchewan, des militaires et des résidents de Moose Jaw et de la région?

M. Collins: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question.

Nous avons souvent partagé la même opinion sur différents sujets, mais à la Chambre, l'objectif est plutôt d'en arriver à une position commune de tous les députés à l'égard de problèmes de ce genre.


731

Je peux affirmer au député que non seulement je prendrai moi-même part à de telles démarches, mais que je m'efforcerai aussi de convaincre tous les députés de la Saskatchewan que nous devons collectivement veiller à ce que la base de Moose Jaw demeure ouverte.

(1555)

M. Ray Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, c'est un grand jour pour moi d'être aujourd'hui à la Chambre des communes.

Quand j'ai décidé de relever le défi de devenir un parlementaire et de représenter non seulement les électeurs de la circonscription de Lethbridge, mais toute la population de l'Alberta, j'ai rencontré, chez moi à Edmonton, des jeunes, garçons et filles, qui s'inquiétaient de leur avenir. Ces jeunes gens qui fréquentaient l'Université de l'Alberta étaient des personnes de qualité, des jeunes qui ont tout ce qu'il faut pour apporter une magnifique contribution au Canada. Leur première préoccupation, c'étaient les débouchés et ils l'exprimaient en disant: «Comment faire pour décrocher un emploi après avoir étudié si fort et m'être beaucoup endetté pour le faire?»

Je leur ai alors dit que j'envisageais de relever le défi de m'engager dans la politique fédérale, d'aller à la Chambre des communes et, pour cela, de quitter l'Assemblée législative de l'Alberta où j'avais été au service de mes électeurs pendant environ vingt-huit ans et demi. C'est pourquoi je considère qu'aujourd'hui, c'est un grand jour parce que je peux intervenir dans ce débat prébudgétaire et donner ma contribution qui, je l'espère, devrait aider ces jeunes.

Au Canada, nous, les électeurs de ma circonscription et d'ailleurs, avons d'autres inquiétudes au sujet du déficit, de la dette, ainsi que du genre de leadership qui s'exercera au cours de cette 35e législature. Atteindrons-nous les objectifs que nous nous sommes fixés? J'aimerais m'arrêter là-dessus pendant quelques minutes aujourd'hui.

Depuis deux semaines que je suis à la Chambre, j'ai écouté très attentivement ce que le premier ministre du Canada et le ministre des Finances avaient à dire à propos de leurs objectifs et des indices qu'ils allaient donner. À l'instar de tous les députés, je sais que le gouvernement n'a peut-être pas été en mesure de concevoir un plan global, avec tous les détails que cela implique, comme l'aurait voulu la tradition selon laquelle le gouvernement présente son plan avant de se mettre sur la défensive pour essuyer l'attaque de l'opposition. Le gouvernement et l'opposition deviennent alors des adversaires qui s'affrontent au cours du débat sur le projet exposé.

Si j'ai bien compris, le plan n'a pas encore été finalisé et l'on peut encore faire des suggestions. Voilà pourquoi nous avons l'occasion aujourd'hui de respecter l'engagement que nous avons pris envers cette assemblée, envers la population canadienne et envers le ministre des Finances de mener à bien ce projet.

En analysant certaines des déclarations faites par le ministre des Finances la semaine dernière, j'ai relevé certaines allusions. Ainsi, à la page 387 du hansard du 26 janvier, on peut lire: «Nous allons atteindre notre objectif en prenant une combinaison de mesures propres à relancer la croissance, à réduire les dépenses superflues et à instaurer plus d'équité dans notre régime fiscal.» Un autre jour, le ministre a déclaré pendant la période des questions: «L'élargissement de l'assiette fiscale et l'élimination des échappatoires visent simplement à rendre le régime fiscal plus juste.»

Ce sont là des objectifs très nobles. J'espère que nous parviendrons à faire comprendre au ministre des Finances qu'il devra prendre, dans son budget, des mesures que les Canadiens jugeront satisfaisantes.

Un peu plus loin dans le hansard du 26 janvier, j'en viens à un autre extrait qui me porte à me poser des questions sur ce processus d'écoute. Un des membres de notre parti, le Parti réformiste, mentionnait notre plan de réduction du déficit à zéro en trois ans, c'est-à-dire notre plan de réduction du déficit. Comme en témoigne le hansard de ce jour-là, le ministre des Finances a qualifié notre proposition de jeu de massacre.

Je dirai seulement au ministre des Finances qu'il devrait y réfléchir à deux fois. Et je lui demanderai si, dans tout ce processus de consultation, il a pris le temps d'écouter attentivement le programme que notre chef a déposé aujourd'hui? Est-il disposé à en prendre connaissance du début à la fin pour voir s'il ne contient pas des propositions utiles et de bonnes idées avant de rejeter de façon partisane des suggestions que des centaines de milliers de Canadiens ont vraiment éprouvées, et adoptées, puisque de nombreux réformistes siègent ici aujourd'hui.

Après avoir lu le compte rendu de certaines observations qu'a présentées le ministre des Finances et avoir entendu ce que j'ai entendu aujourd'hui durant la période des questions, j'ai l'impression qu'on se prépare à hausser les impôts ou à en établir de nouveaux. Certes, il y aura un certain remaniement au sein de la population canadienne. Certains vont payer davantage, d'autres moins et d'autres encore continueront à payer ce qu'ils paient déjà. Cette formule équitable se traduira par une hausse des recettes fiscales. Si le ministre des Finances y songe bien, il constatera que bien peu de gens favorisent une hausse des impôts et encore moins la création de nouveaux impôts.

(1600)

Le ministre devrait s'inspirer d'un article qui a été publié dans le Financial Post, du 30 janvier 1994, sur la relation entre la croissance de l'économie américaine et celle de l'économie canadienne. En voici un extrait:

La croissance rapide de l'économie américaine devrait stimuler éventuellement la croissance de l'économie canadienne, disent les économistes, mais la faiblesse de la demande et les compressions budgétaires ne faciliteront pas les choses.
Le Canada a beau avoir accru ses exportations vers son voisin du Sud, son économie aura du mal à suivre cette année le rythme de croissance de l'économie américaine.
Voici pourquoi, selon l'auteur de l'article:

La faible confiance des consommateurs et des impôts accrus ont ralenti considérablement la relance au Canada.
Je vais communiquer cet article au ministre en lui recommandant de s'en inspirer. L'autre point à retenir en ce qui concerne la fiscalité, c'est que ce n'est pas en haussant les impôts qu'on va réduire le déficit.


732

Je tiens à citer ici un document publié en 1994 par le gouvernement lui-même et intitulé: Les défis économiques du Canada. À la page 48, il y est question du fardeau fiscal des Canadiens. On y lit que, au Canada, le fardeau de la dette ne cesse d'augmenter. Depuis le début des années 1980, l'ensemble des charges fiscales publiques en proportion du PIB a augmenté sensiblement. Selon le graphique, ces charges ont augmenté de 6 p. 100 au cours des 10 dernières années.

À la page 39, il y est question de la dette publique. Cette dette ne cesse d'augmenter. En proportion du PIB, la dette fédérale et provinciale combinée a augmenté de deux fois et demie depuis 1981-1982.

Ce que je veux faire comprendre au ministre des Finances, c'est que même si les taxes ont beaucoup augmenté par rapport au PIB, notre dette a continué de progresser. Par conséquent, il est clair que l'augmentation des taxes n'est pas la solution au problème auquel nous sommes confrontés.

Hier soir, j'ai écouté très attentivement le discours du premier ministre, à Toronto, avec mon cher collègue du Bloc québécois. Le premier ministre a fait savoir aux Canadiens et à la population de Toronto qu'il aimerait ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici la troisième année de son présent mandat. Il a déclaré qu'il y aurait des coupes, mais que la meilleure solution restait la croissance.

Le premier ministre n'a pas précisé quel genre de coupes il envisageait et il n'a pas précisé ses objectifs. Aujourd'hui, le premier ministre évite encore de préciser comment il va régler la question des programmes sociaux. Le gouvernement a un défi à relever. La méthode douce des libéraux ne marchera pas.

En janvier 1994, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières a présenté au ministre des Finances un mémoire dont j'ai reçu un exemplaire il y a un ou deux jours. Au sujet du plan du gouvernement, l'Association était d'avis que le gouvernement ne devait pas se limiter au rôle présenté par le premier ministre et qu'il devait revoir la façon de dépenser des gouvernements. Voici ce que dit cette association:

Le déficit projeté pour l'exercice en cours s'élève à 45 milliards de dollars, soit environ 5 p. 100 du PIB. La politique du gouvernement est de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici trois ans, ce qui veut donc dire une réduction de 20 milliards de dollars, ou 45 p. 100.
Il convient de signaler qu'il nous restera quand même un déficit de 25 milliards de dollars. L'association dit ensuite ceci:

Cet objectif à atteindre sur le plan du déficit est valable. Toutefois, le gouvernement ne peut pas se fier uniquement au renforcement de la croissance économique pour l'atteindre dans les délais prévus. L'ampleur des réductions de dépenses nécessaires pour atteindre cet objectif d'ici 1996-1997 laisse supposer une réforme massive des dépenses fédérales et provinciales.
Je suis certes entièrement de cet avis et je crois que c'est là la façon dont le gouvernement devrait s'y prendre.

(1605)

Qu'est-ce que les Canadiens disent aussi? Ils disent que le gouvernement doit prioriser ses dépenses. À mon avis, le gouvernement devrait chercher à réduire le déficit et à atteindre l'équilibre budgétaire avant la fin de la 35e législature. Je m'attends à ce que le budget contienne des objectifs, des priorités et un échéancier précis pour l'élimination du déficit.

Voilà le défi que le ministre des Finances doit relever. Je vois que mon temps est écoulé. Je vous remercie, monsieur le Président, et je remercie le gouvernement, le premier ministre et le ministre des Finances de m'avoir donné l'occasion de faire quelques remarques dans le cadre des consultations prébudgétaires.

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député pour son élection et pour son premier discours dans le cadre du débat prébudgétaire.

J'ai une question à lui poser, mais je voudrais auparavant lui signaler que nous avons promis, dans notre livre rouge, de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. D'après le plan que son parti a exposé pendant la campagne électorale et qu'il a réitéré ici aujourd'hui, il s'agirait d'éliminer le déficit en trois ans, ce qui reviendrait à le réduire de 15 milliards de dollars en moyenne par année pendant les trois prochaines années pour réussir à éliminer complètement le déficit.

Pourrait-il prendre maintenant le temps de nous expliquer comment son parti s'y prendrait pour y parvenir, c'est-à-dire quels seraient les secteurs touchés par les compressions budgétaires de 15 milliards de dollars par année en moyenne pendant les trois prochaines années?

M. Speaker (Lethbridge): J'apprécie certainement qu'on me pose cette question. C'est une question très insidieuse qui me donne cependant l'occasion d'exposer très clairement notre position.

Il y a quelques données qui ont changé depuis que nous avons proposé au début de 1993 notre plan de réduction du déficit à zéro en trois ans. Le déficit réel est beaucoup plus grand que celui que nous avions prévu et qui était de l'ordre de 35 milliards de dollars, je crois. On prévoit maintenant un déficit de 44 à 46 milliards de dollars. Il y a certainement d'autres domaines de l'administration à examiner afin de réaliser ce genre de réduction des dépenses.

Le Parti réformiste a retenu essentiellement trois domaines. Dans le domaine général de l'administration, nous avons recommandé, pour des raisons de bon fonctionnement, des compressions budgétaires de 15 p. 100 pour certains points. Cela se trouve dans le document que nous avons présenté aujourd'hui.

Le deuxième domaine que nous avons examiné est celui des subventions qui sont présentement offertes aux entreprises ainsi qu'aux groupes d'intérêts spéciaux. Nous avons calculé que nous pourrions réduire d'environ 4,3 milliards de dollars les dépenses gouvernementales à cet égard.

Le troisième domaine que nous avons examiné est celui des paiements de transfert aux particuliers. Nous avons dit bien


733

clairement que le secteur de la santé n'était pas visé et que nous allions maintenir le plan des dépenses prévu à cet égard dans le budget de 1992-1993 et les garder à ce niveau jusqu'à ce que nous puissions peut-être les augmenter, mais il n'y aurait pas de réduction des dépenses consacrées à la santé de même qu'à l'enseignement postsecondaire. Nous ne touchons pas non plus aux programmes de recyclage professionnel et de justice pénale.

Dans le cas d'autres secteurs que nous avons examinés, ceux de l'assurance-chômage et des pensions de vieillesse, par exemple, nous voulions étudier la possibilité d'établir un seuil de revenu familial de 54 000 $. Cela nous permettrait de réduire d'environ 3,5 milliards de dollars les dépenses directes à cet égard. Voilà certaines des propositions que nous avons examinées.

Nous les avons soumises à de nombreux Canadiens qui y ont réagi favorablement. Nous avons l'intention de poursuivre dans cette voie. Il y a peut-être d'autres propositions que nous devrons présenter, et maintenant que nous avons fait élire un fort contingent de députés à la Chambre, nous avons l'intention d'élaborer, de peaufiner et, certes, de préciser davantage d'autres scénarios de réduction des dépenses.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je félicite mon collègue de Lethbridge pour son excellente présentation, et je suis content d'entendre un député du Parti réformiste parler du maintien des ressources allouées au régime de soins de santé et aux régimes sociaux. Je pense qu'il y a là une bonne évolution dans l'analyse des députés du Parti réformiste, et là-dessus je pense que le Bloc québécois et le Parti réformiste allons nous rejoindre. J'ai eu d'ailleurs l'occasion d'en discuter longuement avec le député de Lethbridge hier, avant de commenter le discours du premier ministre.

(1610)

J'aimerais demander à mon collègue s'il ne serait pas bienvenu que le Parti réformiste appuie la demande que le Bloc québécois a formulée à maintes reprises auprès du ministre des Finances, c'est-à-dire de mettre en place, et rapidement, un comité spécial parlementaire devant analyser l'ensemble des dépenses fiscales et des dépenses budgétaires, de façon à ne pas arrêter l'objectif de coupes sombres un peu partout, mais de vraiment déterminer, poste par poste, là où on peut couper et là où on devrait augmenter les budgets, comme dans celui du logement social? Y aurait-il moyen, et je pose la question à mon collègue par votre entremise, monsieur le Président, de nous rallier sur cette question?

[Traduction]

M. Speaker (Lethbridge): Le caucus des députés réformistes a examiné les propositions que le Bloc québécois a faites dans son amendement au cours du débat sur le discours du Trône.

L'idée même de confier à un comité parlementaire l'examen du budget et des priorités et la recherche des secteurs où il est possible de comprimer les dépenses de façon responsable est fort intéressante. Si les députés réformistes ont hésité à appuyer ce principe, c'est à cause de certains autres éléments énumérés dans le long texte de l'amendement. C'est pourquoi nous n'avons pas jugé bon de l'appuyer. L'idée initiale, le principe d'une étude plus poussée par un groupe plus important, n'était pas sans intérêt.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour participer à ce débat prébudgétaire. Je vais faire porter mes remarques surtout sur les objectifs financiers généraux de l'organisation qui doit prendre les décisions de cet ordre pour le gouvernement du Canada.

Le gouvernement fédéral est la plus vaste organisation du Canada. Comme tout autre conseil d'administration ou groupe de direction, nous faisons mieux de ne pas perdre de vue notre fonction centrale, qui est l'établissement des objectifs financiers. Ce rôle a toujours été l'un des plus importants du Parlement, mais, depuis un certain temps, c'est l'un des plus négligés. Je voudrais brièvement passer en revue ces objectifs dans l'optique du Parti réformiste.

Au cours de la campagne électorale, notre parti a fait ressortir la nécessité de poursuivre les objectifs financiers suivants. Pendant la durée de cette législature, nous devions nous efforcer d'éliminer le déficit budgétaire actuel sans accroître les impôts de façon significative. C'est ce que nous avons appelé le plan zéro en trois. Ainsi, de parti relativement mineur, nous sommes devenus l'opposition réelle aujourd'hui dans la majeure partie du Canada.

Je voudrais expliquer pourquoi c'est un objectif financier approprié et inviter les députés ministériels à réfléchir à mes observations. À la lumière de l'évolution de la situation financière, nous allons également tenir compte de ces éléments.

Je ne vais pas énumérer les excellentes raisons pour lesquelles il faut stopper la croissance de la dette, éliminer les déficits annuels, éviter de hausser les impôts ou de relever le niveau général des prix. D'autres députés de mon parti ont traité ces questions avec grande compétence. Je voudrais quant à moi examiner les délais dans lesquels nous proposons d'atteindre ces objectifs.

Pourquoi régler les problèmes financiers du Canada pendant cette législature? Précisons tout d'abord que c'est un objectif modeste. Je dis modeste, car il faut poursuivre des objectifs bien plus importants pour notre développement économique. Nous ne pouvons espérer résoudre le problème de la dette ni alléger de façon significative le fardeau fiscal tant que nous n'aurons pas éliminé le grave problème des déficits structurels annuels.

Deuxièmement, le problème est d'ordre politique. Nous sommes tous élus. Nous savons tous qu'il est difficile, politiquement, de prendre les mesures nécessaires qui s'imposent. La volonté politique pour le faire ne durera pas très longtemps, en tout cas, pas au-delà d'une législature. Le gouvernement précédent a eu deux mandats pour régler le problème, mais il en a été incapable. Troisièmement, il y a une très bonne raison sur le plan fiscal. Le problème actuel du déficit est dû en bonne partie aux erreurs des gouvernements précédents. Nous avons accumulé une dette énorme sur laquelle courent des intérêts astronomiques. Ce sont précisément ces intérêts qui sont essentiellement à l'origine du problème du déficit annuel.

(1615)

Bon an mal an, en ne réglant pas ce problème, nous nous endettons davantage, ce qui alourdit encore le service de la dette. Si nous ne nous attaquons à ce problème que graduellement, nous


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allons nous rendre compte que nos efforts seront chaque année réduits à néant par l'accroissement même du fardeau fiscal.

Le gradualisme fiscal ne fonctionne pas, comme l'ex-gouvernement conservateur l'a si bien montré. Année après année, il a présenté neuf budgets ne comportant que des mesures bien timides pour lutter contre l'augmentation de la dette. Tous les ans, le service et le remboursement de la dette sont tels qu'ils réduisent à néant nos efforts de lutte contre le déficit, de sorte qu'aujourd'hui nous nous retrouvons à peu près au même point qu'il y a 10 ans.

Évidemment, le gouvernement précédent a empiré les choses en prenant d'autres mesures. Ayant admis que le gradualisme était voué à l'échec, il s'est mis à gonfler ses prévisions économiques pour aboutir au fiasco des dernières élections où il a tenté délibérément de tromper la population quant à la véritable situation financière du pays.

Nous savons que le ministre des Finances a parlé fort éloquemment de cette question. Le déficit se situera cette année entre 44 et 46 milliards de dollars, soit 13 milliards de dollars de plus que les prévisions qu'on nous a présentées il y a moins d'un an. C'est plus qu'une simple erreur.

Par surcroît, nous sommes dans la situation sans précédent où il nous a fallu revenir en arrière et réviser le déficit de l'exercice précédent, de l'exercice ayant pris fin il y a plus de six mois. Nous nous sommes maintenant rendu compte que le déficit était plus élevé de 5 milliards de dollars non pas cette année, mais l'année d'avant, par rapport aux chiffres avancés pendant la campagne électorale.

Le gouvernement précédent n'est pas le seul responsable. Il faut blâmer aussi le gradualisme fiscal qui a servi de doctrine officielle au cours de l'histoire du pays. De 1867 à 1992, et j'invite les députés à se reporter au chapitre 5 du rapport du vérificateur général, nous avons accumulé une dette publique nette de 423 milliards de dollars. Or, de cette somme, seulement 37 milliards de dollars, soit moins de 10 p. 100, sont attribuables à un manque à gagner annuel. Le reste vient des intérêts composés attribuables à ces erreurs.

Le gouvernement actuel a initialement reconnu dans son discours que nous avons un important problème de déficit structurel. Il a modifié son discours par rapport à son programme de la campagne électorale qui ressemblait à celui de tout gouvernement et tout parti qui, après avoir été élu, a reconnu que c'était un problème. Néanmoins, le gouvernement continue d'opter pour le gradualisme sur le plan fiscal.

Le ministre des Finances a répété aujourd'hui à la Chambre qu'il comptait ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici la fin de la législature actuelle.

Je n'en vois pas clairement le bien-fondé. Je peux dire à la Chambre que même si le gouvernement atteignait cet objectif, et si l'on se fie aux tendances, il dépasserait toujours le taux de croissance annuelle. Autrement dit, même si nous atteignons cet objectif, le fardeau de notre dette et le fardeau relatif de nos paiements d'intérêt continueraient de s'alourdir. Nous sommes déjà à des niveaux dangereusement élevés et nous en connaissons les conséquences.

Un orateur précédent a dit que si les taux d'intérêt augmentaient d'un point de pourcentage, nous ajouterions cinq milliards de dollars au déficit. S'ils augmentent d'un point, nous y ajouterons dix milliards de dollars en cinq ans à cause des effets multiplicateurs de cette erreur.

Il n'est pas convenable de truquer les chiffres et de donner de fausses prévisions, et j'espère que le gouvernement ne commence pas à prendre cette habitude.

Permettez-moi de soulever une question qui me préoccupe. Aujourd'hui, le ministre a fait mention des prévisions financières pour le prochain exercice. Dans notre parti, nous essayons d'analyser notre situation pour faire les meilleures propositions possibles. Pourtant, malgré les chiffres qu'a présentés le ministre des Finances, pas plus tard que ce matin, son ministère a refusé de fournir à mon bureau des renseignements complets sur la nature de ces prévisions ou sur les hypothèses sur lesquelles elles sont fondées.

(1620)

Je voudrais toucher un mot de ce problème. On a prévu avant les élections que, compte tenu des programmes nationaux que nous avons actuellement, notre niveau de dépenses serait d'environ 15 p. 100 supérieur à celui que nous pourrions assumer à long terme. Voilà pourquoi ces projections m'intéressent tant. Ces données montrent que la situation ne s'est probablement pas améliorée. Cela nous inquiète.

En conclusion, je voudrais faire ressortir un point particulier. Nous sommes tous capables de déclarer, les bras au ciel, car nous sommes tous des politiciens, que cette situation est problématique, mais que, si nous coupons un peu dans le gras, si nous supprimons certaines échappatoires, si nous attendons que la croissance reprenne ou que nous annonçons quelques mesures stratégiques, ce problème finira par disparaître ou deviendra moins lourd à régler.

Or, on n'a jamais vu cela dans le passé et il est faux de prétendre que cela va se produire. Nous savons ce que des déficits semblables ont provoqué dans d'autres pays. Si nous ne nous attaquons pas à ce déficit, si nous ne prenons aucune mesure en ce sens, nous finirons par être des spectateurs impuissants.

J'exhorte les députés d'en face à examiner très sérieusement leurs objectifs en la matière. J'ai remarqué que le ministre a commencé à remettre les choses à plus tard. Il déclare maintenant que le budget va s'y attaquer l'année prochaine. Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de fixer de tels délais.

Si le gouvernement ne réussit pas à résoudre ce problème, ce sera un terrible échec non seulement pour le pays tout entier, mais également pour les ministériels. Il s'agira pour le gouvernement d'un échec tant sur le plan économique que politique. Je demande donc à mes collègues d'en face de prendre ces questions très au sérieux.

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je félicite les dépu-


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tés du Parti réformiste de faire valoir les vues de leurs électeurs à la Chambre.

Ils ont essayé de le faire durant la période de questions. J'espère qu'ils le feront plus souvent au cours de leurs interventions. C'est ce que je mets en pratique depuis dix ans que je représente la circonscription de Parkdale-High Park.

Pour commencer, ce débat devrait aider le ministre des Finances et le gouvernement à réduire la dette publique et le déficit. J'ai envoyé un questionnaire à chaque ménage de Parkdale-High Park, accompagné d'une note pour expliquer aux gens, entre autres, comment Ottawa dépense l'argent et d'où proviennent les recettes du gouvernement. Je leur ai ensuite demandé s'ils étaient d'accord pour que le gouvernement fédéral accorde une place importante à la réduction du déficit dans l'ordre des priorités. Les résultats sont encore préliminaires, mais 88 p. 100 des ménages interrogés ont répondu par l'affirmative. Ils sont d'accord pour que le gouvernement fédéral, à part la création d'emplois, accorde dans l'ordre des priorités une place importante à la réduction du déficit.

Je leur ai demandé en deuxième lieu quelles mesures ils appuieraient pour aider le gouvernement à réduire le déficit. Je leur ai proposé trois mesures et leur ai demandé de cocher la ou les réponses appropriées: augmentation de l'impôt sur le revenu des particuliers, réduction des dépenses publiques, ou les deux? Quatre-vingt un pour cent ont répondu qu'ils étaient en faveur de la réduction des dépenses publiques. «Si vous êtes d'accord pour réduire les dépenses publiques, acceptez-vous une réduction des services gouvernementaux pour réduire le déficit?», leur ai-je demandé. Je suis heureux de préciser que 84 p. 100 des habitants de ma circonscription ont répondu par l'affirmative, à savoir qu'ils sont prêts à une réduction des services gouvernementaux pour réduire le déficit.

La question que je voudrais poser au député est celle-ci. Quel genre de services les habitants de sa circonscription seraient-ils prêts à voir réduits ou éliminés? Si nous arrivons à faire cela dans toutes les circonscriptions, nous pourrons alors réduire le déficit et la dette.

M. Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Nous aussi avons fait un exercice semblable non seulement au sein du parti, mais dans nos circonscriptions. J'ai moi aussi tenu des réunions publiques à ce sujet. Ces consultations, qui ont eu lieu avant que je ne sois élu député, ont été menées selon un processus très semblable à celui que le député a décrit. Je connais très bien ce processus. Les résultats obtenus dans ma circonscription ressemblaient beaucoup à ceux qu'a obtenus le député dans la sienne.

Au cours de certaines des réunions publiques que nous avons tenues, j'ai moi-même procédé, avec les habitants de ma circonscription, à un examen détaillé du budget. Nous avons revu ensemble une centaine de postes de dépenses. Parce que j'avais étudié quelque peu la question, je connaissais déjà certains de ces renseignements. Il serait très difficile pour moi de revoir tout le programme dans le peu de temps dont je dispose. Aussi, je n'en parlerai que de façon très générale.

(1625)

Nous savons tous, naturellement, que nos électeurs s'attendent à ce que nous incitions le gouvernement à faire des réductions importantes. Nous avons déjà parlé ici de certaines de ces réductions. Notre parti a proposé de réduire certaines dépenses à la Chambre, et le Parti libéral a déjà réagi à ces propositions. Nous en discuterons plus tard aujourd'hui, au cours de la réunion du Comité de la régie interne.

Mes électeurs ont énuméré toute une série de services et de programmes gouvernementaux dont les coûts administratifs pourraient être réduits. C'est une question chère au Bloc québécois, qui en parle très souvent. Nous allons évidemment examiner les rapports du vérificateur général. Nous espérons que le gouvernement en fera autant et en tiendra compte.

La participation du gouvernement aux entreprises, tant au moyen de dépenses directes qu'au moyen de programmes d'allégement fiscal, est un troisième secteur qui, de l'avis de mes électeurs, devrait être considérablement réduit, voire éliminé. Dans notre plan de zéro en trois, nous avions dressé une liste des secteurs où il faudrait, à notre avis, éliminer ce genre de dépenses.

Pour en venir maintenant au domaine de la politique sociale, quand on présente les chiffres aux gens, ils s'attendent à des réductions dans près de deux tiers des dépenses dans ce secteur. Ce qui est important, c'est de conserver les programmes qui tiennent le plus à coeur aux Canadiens et c'est le cas du régime de soins de santé. Il est important que les gens qui contribuent à des programmes, comme l'assurance-chômage, puissent en profiter et que ceux qui ont le plus besoin de ces programmes puissent toucher des prestations.

Je pense que même en tenant compte de ces critères, monsieur le Président, on peut réduire encore les dépenses dans le domaine de la politique sociale.

Vous me faites signe de conclure. Je m'excuse auprès du député de n'avoir pu lui donner plus de détails.

Mme Jane Stewart (Brant): Je désire féliciter notre ministre des Finances d'avoir reconnu que le succès du prochain budget fédéral dépendra autant de la qualité du processus utilisé pour cibler et mettre en oeuvre les mesures budgétaires requises que de la nature de ces mesures.

Notre ministre des Finances sait pertinemment que, depuis quelques années, les Canadiens sont mécontents du fonctionnement du gouvernement, au point que le précédent gouvernement a été incapable de mettre ses initiatives en oeuvre de manière efficace. Il suffit de penser à la TPS pour s'en convaincre.


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Nous savons tous que, pour reprendre la maîtrise de la situation financière, il faudra la participation de tous les Canadiens. Il ne suffira pas que les 176 députés libéraux disent: «Nous allons changer tout cela». Il va falloir nous assurer que tous les Canadiens sont prêts à nous aider à réduire le déficit de 45 milliards et à nous attaquer à une dette qui atteint 500 milliards.

Le débat d'aujourd'hui nous donne l'occasion d'essayer d'obtenir des Canadiens l'autorisation de gérer notre déficit et notre dette d'une façon humainement acceptable et qui permette en même temps de redonner du travail aux chômeurs.

Je félicite le ministre des Finances du discours original qu'il a prononcé le 29 novembre devant les étudiants des universités McGill et de Montréal. C'est là qu'il s'est engagé à adopter un processus ouvert et transparent. Plus de délégations entendues en privé! Il voulait entendre ce que les Canadiens avaient à dire. Je le félicite d'avoir organisé quatre excellentes réunions dans des municipalités du pays.

Ce faisant, le ministre nous a donné l'exemple, à nous députés, et nous devrions peut-être faire la même chose dans nos circonscriptions. Je voudrais d'ailleurs mettre le ministre au défi d'envoyer un membre de son ministère dans ma circonscription pour entendre ce que les électeurs de Brant ont à dire sur la question du budget. Comme je m'y attendais, il a répondu rapidement et par l'affirmative, ce dont je fus très heureuse. Le 6 janvier, M. Karl Littler, du cabinet du ministre, s'est rendu dans la circonscription de Brant et pendant trois heures, a écouté ce que mes électeurs avaient à dire à ce sujet. Et c'est leur point de vue que j'aimerais partager avec la Chambre aujourd'hui.

(1630)

Tout d'abord, et quoi de surprenant à cela, mes électeurs ont dit qu'il fallait restaurer l'intégrité du gouvernement, faute de quoi les réunions du genre de celle que j'avais organisée et les débats comme celui-ci n'avaient aucun sens. Heureusement, la présence de M. Littler fut pour eux une indication que ce gouvernement avait l'intention de faire les choses différemment; nous avons donc pu poursuivre notre consultation.

Mes électeurs ont dit qu'ils voulaient un système plus transparent et plus compréhensible leur permettant de suivre de très près la façon dont, tout au long de l'année, l'État dépense les fonds publics et remplit ses coffres. Ils n'avaient pas du tout aimé la réponse ou plutôt l'absence de réponse de l'ex-premier ministre à la question du chef actuel de l'opposition lors du débat des chefs, question qui portait sur la situation financière du pays, plus précisément sur la taille exacte du déficit.

Nous avons parlé en long et en large de la TPS, de ses lacunes et des solutions de remplacement éventuelles. Dans l'ensemble, mes électeurs trouveraient logique d'amalgamer les taxes de vente au détail fédérale et provinciale mais les PME se sont élevées contre tout changement qui leur ferait perdre l'argent, le temps et les efforts déjà investis par elles pour s'adapter à la TPS.

Les agriculteurs de ma circonscription et d'autres dirigeants de PME ont souligné l'importance que revêtaient à leurs yeux l'exonération des gains en capital et les REER. Pour eux, ce sont les principaux outils. En fait, dans bien des cas, il s'agit des seuls outils sur lesquels ils peuvent compter pour planifier leur retraite. Ils comprennent que des modifications s'imposent peut-être, mais ils veulent qu'on procède de façon juste et équitable.

D'autres habitants de ma circonscription, dont certains qui travaillent dans le secteur immobilier, qui construisent des maisons ou prévoient acheter leur première maison ont demandé au ministre d'envisager de reconduire le régime d'accession à la propriété. Ils comprenaient que ce régime ne coûtait rien au gouvernement et qu'il avait, en fait, encouragé le développement économique dans notre région.

J'ai été intéressée par les propos d'autres électeurs qui ont parlé de l'importance des arts et de la culture. Un de mes électeurs en particulier a précisé qu'à son avis, chaque dollar consacré aux arts avait des retombées de 7 $. On a proposé d'accorder une déduction fiscale aux Canadiens qui choisissent de faire des dons pour aider les arts. Il s'agirait d'un régime semblable à celui qui s'applique aux Canadiens qui choisissent de contribuer à des partis politiques.

Nous avons parlé d'un certain nombre d'autres choses. Certains étaient en faveur, par exemple, d'un fonds national de réduction de la dette. D'autres ont soutenu une idée intéressante selon laquelle on pourrait accorder des déductions fiscales aux entreprises qui offrent de nouveaux emplois permanents et à long terme.

On a soulevé un certain nombre d'idées très intéressantes, mais celle dont on a le plus parlé, celle qui a reçu, en fait, le plus d'appuis, a été le revenu annuel minimum garanti qu'un des participants a proposé.

On parle d'un revenu annuel garanti depuis un certain nombre d'années; depuis les années 1960, en fait. Chaque fois que nous nous penchons sur nos systèmes de soutien du revenu, nous pensons à un revenu garanti. Le rapport Croll du Sénat sur la pauvreté parlait d'un revenu de base; il en était également question dans le rapport Castonguay-Neveu au Québec et plus tard, dans l'expérience menée au Manitoba sur un revenu annuel de base. Dans les années 1980, la commission Macdonald et la commission Forget ont également sérieusement envisagé d'offrir un revenu annuel garanti.

D'aucuns prétendront que ce type de système d'impôt négatif ne fonctionnera pas. Cela pourrait conduire à la pauvreté dans tout notre pays, mais je crois qu'il y a des stratégies pour éviter cela et on en parle dans le rapport de la commission Macdonald.

Il y en a d'autres qui prétendent qu'on ne peut offrir un revenu garanti à des Canadiens aptes au travail, car ils ne travailleront


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pas alors. Selon moi, les Canadiens vont travailler. Nous avons découvert, durant la dernière campagne électorale, que les Canadiens veulent la dignité que leur confère un emploi, et qu'un revenu garanti ne les dissuadera pas d'aller travailler.

(1635)

En fait, l'analyse des données de l'expérience Mincome, au Manitoba, nous montre qu'il n'y a pas vraiment de lien entre le revenu garanti et le refus de travailler. Il n'y en a pas.

D'autres vont dire que nous n'en avons pas les moyens. Pourtant, assez curieusement, le jeune homme qui préconisait le revenu annuel garanti, à notre assemblée, était selon moi davantage de droite que de gauche. Cette façon de faire était pour lui un moyen de rationaliser nos nombreux programmes sociaux qui visent tous à soutenir les Canadiens et leur revenu. Il y voyait une occasion de réduire la bureaucratie qui caractérise les services d'assurance-chômage et de sécurité de la vieillesse, la Commission des accidents du travail et aussi quelques programmes provinciaux.

Ce que je veux dire, c'est qu'on a peut-être là un espace commun, où les politiques de gauche et de droite pourraient se rejoindre, ainsi que toutes les provinces.

J'ai commencé mon discours en félicitant le ministre des Finances pour avoir changé la méthode de préparation du budget et procédé par consultation. Je lui demande maintenant d'envisager de changer la méthode concernant l'objet même de plusieurs de nos programmes, la chose à laquelle on consacre le plus d'argent, la sécurité du revenu.

Il faudra y travailler un peu. Nous n'y arriverons pas à temps pour le budget de 1994, mais je crois que, en tant que libéraux, nous avons été élus pour un mandat de quelques années, et nous devons envisager sérieusement la possibilité d'assurer un revenu annuel minimum garanti.

Voilà, je vous ai fait part des principaux points qui ont été abordés lors de l'assemblée que j'ai organisée dans ma circonscription, le 6 janvier dernier. En terminant, je veux ajouter que les habitants de Brant savent que le ministre s'attaque à une tâche difficile. Ils sont heureux de pouvoir y aller de leurs idées et de leurs conseils.

Ils espèrent que le ministre s'intéressera à un certain nombre de leurs idées et que celles qu'il n'aura pas retenues seront discutées après la présentation du budget. Ils voudraient qu'on explique pourquoi on n'a pas tenu compte de ces idées. Le processus doit se poursuivre; il doit suivre son cours.

C'est le genre de processus auquel notre gouvernement croit. Du moins, le ministre a affirmé que c'est ainsi que les choses se passeraient. Je lui souhaite bonne chance dans l'entreprise qui l'attend et je veux lui faire savoir que les gens de Brant apprécient l'appui et l'ouverture qu'il manifeste.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la députée de Brant pour les idées intéressantes qu'elle a exposées, en particulier en ce qui concerne le revenu garanti. Elle verra que cette idée jouit d'un solide appui à la Chambre. J'espère que le ministre du Développement des ressources humaines retiendra cette solution durant l'examen des programmes sociaux.

Ma question à la députée concerne la promesse faite par le gouvernement et le Parti libéral de régler le problème du déficit par la création d'emplois. Je souscris entièrement à cette solution.

Statistique Canada a effectué, je crois que c'était l'été dernier, une étude sur les causes de la dette. D'après cette étude, 50 p. 100 de la dette accumulée est due au paiement de l'intérêt, c'est-à-dire à la politique libérale des taux d'intérêt élevés que l'ancien gouvernement conservateur a perpétuée. Sauf erreur, l'étude indiquait que 44 p. 100 du déficit était imputable au manque à gagner, c'est-à-dire aux abris fiscaux libéraux que le gouvernement conservateur a maintenus, et que seulement 6 p. 100 étaient attribuables à l'augmentation des dépenses du gouvernement, dont 2 p. 100 dus à l'accroissement des coûts des programmes sociaux. Il s'agit d'une étude de Statistique Canada sur les causes de la dette.

Le gouvernement doit accroître ses recettes. Autrement dit, il faut supprimer certains échappatoires fiscales. J'encourage le gouvernement à poursuivre l'examen de cette question, mais il faut aussi remettre les gens au travail.

L'Accord de libre-échange nous a fait perdre 400 000 emplois, et l'ALENA en fera disparaître encore plus. Depuis son entrée en fonction, le gouvernement a accru la taxe sur l'emploi; autrement dit, il décourage l'emploi en augmentant les cotisations d'assurance-chômage. Deuxièmement, il a ratifié l'ALENA, qui contribuera à l'aggravation du chômage au Canada. Comment peut-il, en toute équité, soutenir qu'il a pour priorité de créer des emplois, et par conséquent d'accroître ses recettes, alors que les mesures qu'il a prises jusqu'à maintenant prouvent qu'il agit en sens contraire?

(1640)

Mme Stewart (Brant): Monsieur le Président, je voudrais parler en particulier de la question de l'assurance-chômage. Je crois que le ministre du Développement des ressources humaines a fait preuve d'un grand sens des responsabilités en haussant les cotisations d'assurance-chômage. La caisse était déficitaire. Le ministre a imposé une hausse minimale des cotisations qui vont demeurer gelées pendant deux ans. Il faut espérer que les entreprises pourront profiter de cette période de stabilité pour planifier l'avenir.

En ce qui concerne l'ALENA, je pense que le Canada peut être compétitif. Dans ma région, nous travaillons très fort à créer de nouvelles entités économiques et nous croyons pouvoir revitaliser notre économie.

Je souscris entièrement à la stratégie du Parti libéral selon laquelle la réduction de la dette et du déficit repose sur trois éléments, soit la réduction des dépenses, l'augmentation des recettes, mais surtout la croissance économique.

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, j'aimerais aussi faire une observation et poser une question à la députée de Brant. Permettez-moi d'abord de la féliciter pour son élection, son discours et ses observations.


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Je voudrais savoir ce que la députée de Brant pense des données publiées hier par l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes qui craint de voir les assurances collectives pour soins de santé et soins dentaires assujetties au fisc fédéral.

Selon les renseignements fournis hier, il semble que le gouvernement songe sérieusement à imposer les assurances collectives pour soins de santé et soins dentaires. Dans bien des cas, ces assurances sont payées par les employeurs pour environ 9 millions de travailleurs canadiens. Selon les chiffres de l'association, environ 20 millions de personnes bénéficient des avantages offerts par ces assurances; cela touche des familles canadiennes dans tous les coins du pays.

Si j'ai bien compris, il s'agirait d'une ponction fiscale non négligeable. Fort de cette recherche, l'association a avancé certains chiffres: un travailleur sans personne à charge gagnant 25 000 $ par année verrait son impôt grimper d'environ 275 $ par année. Une famille à un seul revenu d'environ 40 000 $ par année devrait payer une somme additionnelle de 425 $ en impôt si cet avantage était imposable.

Permettez-moi de citer au complet cette partie du document: «Un ménage à deux revenus totalisant 80 000 $ par année devrait assumer un fardeau fiscal additionnel de 700 $ par année.» C'est une augmentation considérable, même pour des gens à la retraite.

Ma question pour la députée de Brant est la suivante: Si l'on doit s'engager dans un débat sur l'assurance-santé et ses modalités d'application comme je crois que le gouvernement a l'intention de le faire, ne serait-il pas plus logique de demander à tous les intervenants de l'industrie, aux travailleurs et aux employeurs de participer à ce débat avant qu'une telle ponction fiscale ne soit mise en oeuvre et touche quelque 20 millions de personnes et 9 millions de travailleurs au pays?

Mme Stewart (Brant): Monsieur le Président, je ne prétends pas parler au nom du ministre des Finances. Je ne peux pas assurer que cette mesure fera partie du budget. Je me contenterai de répéter ce qu'il a dit à ce sujet, soit qu'il élaborerait un budget juste et équitable. Je suis absolument convaincue qu'il a la capacité et la volonté de le faire.

* * *

MOTION PORTANT PROLONGATION DE SÉANCE

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je regrette de devoir interrompre les délibérations, mais je crois que vous constaterez qu'il y a unanimité à l'égard de la motion suivante:

Que l'heure ordinaire de l'ajournement quotidien soit reportée à 22 h 00 aujourd'hui et que, au cours de cette prolongation de séance, aucune motion dilatoire ne soit acceptée par la Présidence ou absence de quorum ne puisse lui être signalée.
(La motion est adoptée.)

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

La chambre reprend l'étude de la motion.

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, avant d'entamer mon premier discours en tant que député à la Chambre des communes, je vous félicite d'avoir accédé à des fonctions si importantes. Je vous assure de tout mon appui et de mon entière collaboration pour que nous accomplissions nos travaux au profit des Canadiens dans l'ordre et avec décorum.

(1645)

Bien sûr, mes premières pensées sont pour ma femme, Evelyn, et pour nos trois enfants, Mark, Laura et Carl. En 13 années à titre de représentant élu au sein du gouvernement municipal de London, en Ontario, et aujourd'hui, en tant que député de London-Middlesex, j'ai toujours pu compter sur leur amour et leur soutien. Je les remercie très sincèrement.

Comme vous le savez, monsieur le Président, dans la vie politique en démocratie, on ne chemine pas en solitaire et, pour s'acquitter de ses fonctions, il faut compter sur l'aide de nombreuses personnes: ses proches, ses amis et ses connaissances. Je tiens à remercier publiquement la multitude de bénévoles dévoués qui ont travaillé inlassablement à ma campagne et dont les efforts ont abouti à la victoire la plus décisive jamais remportée dans la circonscription de London-Middlesex.

À tous les électeurs de ma circonscription, aux 54 p. 100 qui m'ont donné leur appui et aux autres qui ne l'ont pas fait, je m'engage à faire de mon mieux pour vous représenter toujours avec honnêteté, intégrité et ardeur. Je suis vraiment honoré d'être votre député dans cette 35e législature au Canada.

Représenter ma circonscription est assurément un défi, étant donné sa dimension géographique et l'héritage diversifié de ses habitants. En fait, à bien des égards, on dirait presque un microcosme du Canada, puisque 80 p. 100 des habitants vivent dans les régions urbaines de l'est et du sud de London, et 20 p. 100, dans les régions rurales et agricoles très productives des quatre cantons de Biddulph, London, West Nissouri et North Dorchester.

Au point de vue démographique, London-Middlesex est une circonscription intéressante, car maintes cultures, langues et religions y sont représentées. Quoique vigoureusement anglo-saxonne de caractère, elle abrite des gens aussi fascinants que les nombreux descendants des pionniers irlandais qui en ont marqué l'histoire. Après la Seconde Guerre mondiale, beaucoup d'immigrants hollandais, italiens et portugais sont venus s'installer chez nous et ont travaillé très dur pour se refaire une vie meilleure. Plus récemment, un nombre considérable d'Arabes, de Polonais, de Croates, d'Antillais, d'Asiatiques du Sud-Est, d'Indiens de l'Inde et de Chinois sont venus apporter leur importante contribution à nos collectivités.


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Comme il convient dans ce grand pays qui s'appelle le Canada, nous comptons aussi parmi nous des Canadiens français qui, quoique peu nombreux, sont fiers de parler français et tiennent à ce que notre cher pays demeure uni.

Sur le plan économique, il se pratique dans ma circonscription, où les terres sont parmi les plus riches au Canada, plusieurs types de cultures. On y trouve aussi une pléthore de petites entreprises de tous genres, plusieurs grandes sociétés comme General Motors Diesel et 3M, des établissements aussi imposants que Parkwood Hospital et Fanshawe College, et l'aéroport de London.

Après vous avoir brossé le tableau de ma circonscription, je me propose de vous offrir maintenant une synthèse des opinions et préoccupations de mes électeurs de même que mes vues personnelles sur l'état de l'économie et de possibles solutions budgétaires à la crise actuelle.

J'ai largement consulté les électeurs de London-Middlesex, y compris au cours d'une table ronde prébudgétaire publique que j'ai tenue à London la semaine dernière avec mes collègues, les députés London-Ouest et de London-Est, et ce que mes électeurs m'ont très clairement dit, c'est que notre gouvernement doit faire l'impossible pour stimuler la création d'emplois tout en prenant les décisions difficiles qui s'imposent pour réduire le déficit et la dette de notre pays. Une démarche équilibrée est la clé d'une véritable relance économique.

Il est évident pour les Canadiens à revenu moyen qu'ils portent une part injuste du fardeau fiscal. La majorité des Canadiens veulent que l'on mette fin aux échappatoires fiscales dont peuvent se prévaloir les contribuables fortunés et les entreprises, ce qui rendrait le régime fiscal plus équitable. Cependant, des augmentations générales d'impôt sont inconcevables pour l'instant.

Beaucoup de gens craignent que l'abaissement radical des limites des contributions aux REER et l'élimination en une seule fois de l'exemption pour gains en capital pénalisent indûment certains contribuables et ralentissent la reprise économique.

Il est grand temps que le gouvernement revoie ses priorités de financement dans le cadre de son effort de réduction de la dette et du déficit. Et il ne saurait y avoir de priorité plus urgente que la nécessité d'investir sagement les recettes fiscales dans les enfants et les jeunes du Canada. Ne pas investir suffisamment dans les jeunes Canadiens, c'est condamner le Canada à un avenir médiocre et à de très graves problèmes sociaux.

(1650)

J'estime personnellement qu'un problème très grave domine notre paysage économique: le chômage dévastateur et le besoin criant d'emplois. Oui, il faut réduire le déficit et la dette. Oui, il faut rendre notre régime fiscal plus équitable, mais toute reprise économique qui laisserait croupir des centaines de milliers de Canadiens dans l'oisiveté ne serait pas une véritable reprise.

Un gouvernement libéral fidèle à ses principes ne pourrait jamais accepter la théorie économique de l'indifférence où le plein emploi peut se traduire par un taux de chômage de cinq à sept pour cent. Même si les statistiques sont sans visage, nous ne devons jamais abandonner même un seul de nos concitoyens. Nous devons donner de l'espoir à tous les Canadiens. Comme beaucoup de mes collègues à la Chambre, j'ai vu, jour après jour, dans mon bureau de circonscription, le visage de ces statistiques sur le chômage, un visage marqué par la peur et le désespoir. Trop de Canadiens, hommes et femmes, jeunes et vieux, très instruits et non qualifiés, implorent le gouvernement de leur donner la dignité de pouvoir travailler chaque jour et gagner un salaire convenable pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

Malheureusement, la réalité cruelle de la crise du chômage que nous connaissons actuellement, c'est qu'il n'existe aucune solution facile, aucun remède miracle. Mais nous pouvons au moins commencer à faire quelque chose.

En tant que député libéral, l'une de mes croyances fondamentales est que le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec le secteur privé si nous voulons que le Canada se sorte de ce cauchemar économique. Si nous nions ce fait, nous nous trouvons à nier ce que l'histoire a prouvé. Efforçons nous donc, avec toute la volonté et tout l'héroïsme nécessaires, de chercher et de trouver une meilleure voie économique pour les Canadiens.

En terminant, à titre de député de London-Middlesex, je m'engage à déployer tous les efforts possibles pour contribuer à créer un Canada nouveau et meilleur.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, j'entendais le député d'en face faire son exposé, avec lequel je suis, pour l'essentiel, tout à fait d'accord. Sauf que j'arrive à 50 ans, moi, et à ma connaissance, tous les gouvernements passés se sont basés sur l'équité fiscale pour imposer, imposer de nouveau et imposer davantage tous les contribuables, toujours au nom de l'équité fiscale.

Ma question aura deux volets, d'abord, sur l'équité fiscale et, deuxièmement, sur la création d'emplois durables. Je me souviens de 1982 à 1987 au Québec, et ça ne devait pas être différent ailleurs au Canada, on n'a pas attendu que la poule ponde d'elle-même, on est allé chercher l'oeuf dans la poule. On a trouvé toutes sortes d'incitatifs à la création d'emplois temporaires. Tant et si bien que la relance économique dans la construction au Québec, actuellement, a atteint un niveau jamais vu.

Est-ce que l'honorable député a une solution à nous apporter en vue d'une création d'emplois durables et peut-il nous éclairer un peu sur ces principes d'équité fiscale? Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est la diminution des plafonds des régimes enregistrés d'épargne-retraite et l'abolition de l'exemption de gains en capital. Est-ce qu'il peut répondre à ma question pour m'éclairer?

[Traduction]

M. O'Brien: Je remercie le député de sa double question.


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À propos de la création d'emplois, il est sans doute au courant du programme d'infrastructure du nouveau gouvernement. Le programme fait l'objet de critiques; j'en ai entendu pendant la campagne électorale et j'en entends encore, mais pas de la part des chômeurs, je le signale. Mais, franchement, après 13 années d'expérience dans l'administration municipale, je puis vous dire qu'il est très bien accueilli d'un bout à l'autre du pays par les dirigeants municipaux, quelle que soit leur affiliation politique. Il s'agit donc à mon avis d'un pas important dans la bonne voie.

Nous reconnaissons évidemment que le secteur privé créera, comme il se doit, la majorité des emplois au Canada. Grâce au programme d'infrastructure, le gouvernement cherche à établir un partenariat avec le secteur privé pour créer ces emplois.

Quant à la seconde partie de sa question, concernant les échappatoires fiscales, je crois très sincèrement que les chiffres montreront que depuis 1984, sous le régime précédent, les contribuables aux revenus les plus élevés, formant la tranche supérieure de 3 p. 100, ont payé moins d'impôt sur le revenu. Je trouve cela fondamentalement inéquitable et immoral. Cela doit cesser. J'espère et je suis convaincu que le ministre des Finances fera tout en son pouvoir pour remédier à ce qui est sûrement le comble de l'injustice.

(1655)

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le député de London-Middlesex de ses observations. Je le félicite notamment d'avoir montré à la Chambre que le gouvernement nous épargnera peut-être le discours insensé et creux du gouvernement précédent au sujet d'une reprise sans création d'emplois. Il n'y a pas de reprise si on ne crée pas d'emplois et si on ne remet pas vraiment les chômeurs au travail. Je félicite le député de parler de cette question essentielle de la création d'emplois.

Le député irait-il un peu plus loin jusqu'à dire que nous avons besoin de ces emplois? Je voudrais que le gouvernement prenne de vraies mesures à ce sujet. Son gouvernement devrait fixer des objectifs précis pour la réduction du chômage, lesquels pourraient faire l'objet d'un débat à la Chambre. C'est ce que je souhaite.

Je voudrais que le député nous donne son avis au sujet de l'opportunité, pour le gouvernement, de rendre compte à la population en lui disant: voici notre objectif pour la réduction non seulement du déficit-je conviens tout à fait que le déficit est un problème-, mais encore du chômage. Je voudrais que le gouvernement présente son plan à la Chambre et que nous en débattions. Le député pense-t-il que ce serait une chose utile à faire pour son gouvernement?

M. O'Brien: Monsieur le Président, je remercie la députée du Yukon de ses bons voeux, de ses observations et de sa question.

En tant que partisans du libéralisme, nous sommes sans doute sur la même longueur d'ondes en cette matière. Certes, le déficit est sérieux et doit être réduit. Mais je suis à tout à fait d'accord pour dire qu'une reprise qui laisserait au chômage des centaines de milliers de Canadiens n'est tout simplement pas une reprise de la façon dont moi je la définis.

Je souscris pleinement à l'idée qu'il faut fixer des objectifs précis pour la réduction du chômage, tout comme notre parti a établi des objectifs précis pour la réduction du déficit. C'est une suggestion des plus logiques et judicieuses. Je la transmettrai au ministre des Finances.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: J'invoque le Règlement, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable députée de Laval-Centre sur un recours au Règlement.

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, j'aimerais vous aviser qu'à partir de maintenant, les orateurs de l'opposition officielle feront des interventions de 10 minutes, suivies d'une période de commentaires et questions de cinq minutes.

Le président suppléant (M. Kilger): Je vous remercie. Nous reprenons le débat. La parole est à l'honorable député de La Prairie.

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, ce débat sur les finances publiques est d'une importance première pour tous les Québécois et tous les Canadiens. Je suis particulièrement heureux d'y participer et je voudrais à cette occasion remercier le ministre des Finances d'avoir rendu ce débat possible aujourd'hui.

À titre de député de La Prairie, j'ai l'honneur de représenter en cette Chambre les citoyens des villes de Brossard, Candiac, La Prairie et Saint-Lambert. Ces gens sont des travailleurs de la classe moyenne. Ils ont travaillé très dur pour obtenir ce qu'ils ont dans la vie. Les gens que je représente sont souvent révoltés également de voir les dirigeants politiques et les élus, incapables d'endiguer la dette gouvernementale et de contrôler le budget de l'État, alors qu'eux-mêmes ont économisé ce qu'ils ont, bien souvent dollar par dollar, en respectant leur budget hebdomadaire, en épargnant, et surtout en ne dépensant pas l'argent des autres, l'argent qui ne leur appartient pas, ce qui crée l'endettement et la dépendance envers le capital emprunté, ce qui est présentement la situation du Canada.

Le manque de contrôle des finances publiques se reflète sur le fait que, de 1960 à 1994, le ratio de la dette sur le PIB est passé au Canada de 34,6 p. 100 à 71,8 p. 100. Ce résultat signifie que depuis 1960, la dette augmente plus vite que les revenus gouvernementaux pouvant ultérieurement servir à les rembourser. Si le ratio dette-PIB nous indique l'ampleur du problème hérité du passé, l'évolution du déficit par rapport au PIB nous permet de déceler la source, dans le temps, de l'explosion de la dette fédérale.

(1700)

De 1970 à 1984, le ratio du déficit sur le PIB est passé d'un solde négatif de moins 0,3-un signe négatif dans ce cas-ci signifie un surplus budgétaire, donc on avait au Canada un surplus budgétaire en 1970-à 8,1 p. 100, un sommet uniquement dépassé en 1985. Le sommet était atteint à 8,1 p. 100 en 1984. Depuis 1984, le ratio est tombé progressivement à 4,5 puis ensuite est remonté à 6,2 p. 100 en 1994, avec le nouveau


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gouvernement. C'est donc dire que c'est principalement sous le règne des libéraux que les finances publiques au Canada se sont détériorées. Les libéraux sont les responsables de l'explosion de la dette publique qui a suivi. Ils ont mal géré les effets des deux chocs pétroliers en 1973 et 1980.

Le Bloc québécois est conscient de la nécessité d'assainir les finances publiques. Il faut stabiliser le ratio de la dette sur le PIB dans le temps. Pour ce faire, nous ne pouvons pas augmenter les impôts payés par la classe moyenne, déjà fortement touchée, car le seuil de tolérance de ces contribuables a été dépassé en ces temps de lente et pénible reprise économique.

Selon nous, du Bloc québécois, l'assainissement des finances publiques doit passer, premièrement, par une réforme fiscale visant une plus grande équité, notamment en éliminant les abris fiscaux profitant aux contribuables à revenus élevés. Mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot en a parlé longuement aujourd'hui. Deuxièmement, il doit y avoir une réduction des dépenses du gouvernement. Selon nous, ces mesures doivent générer une marge de manoeuvre de 10 milliards au gouvernement. Cette politique budgétaire vise à ne pas faire reposer sur les épaules des provinces la nécessaire réduction du déficit fédéral. Elle vise également à ne pas toucher aux plus démunis et à ne pas réduire l'enveloppe budgétaire allouée aux programmes sociaux.

La politique budgétaire du Bloc québécois vise donc un équilibre entre l'objectif prioritaire de la création d'emplois et celui de l'assainissement des finances publiques. C'est pourquoi nous entendons allouer ces 10 milliards de dollars de réduction des dépenses brutes et des dépenses fiscales de la façon suivante: 5 milliards seraient affectés à la création d'emplois et 5 milliards à la réduction du déficit.

Notre plan de réduction des dépenses se divise donc en deux parties: d'abord une réduction de 3 milliards du budget de la Défense. Le budget du ministère de la Défense totalise en 1993-1994 près de 12 milliards de dollars. Ce budget se divise comme suit: 9,1 milliards des dépenses de fonctionnement, 2,9 milliards des dépenses en capital et 356 millions en transferts. Notre coupure représente donc 25 p. 100 du budget actuel du ministère de la Défense.

Le reste de notre politique de réduction des dépenses est composé des éléments suivants: élimination du gaspillage et des cas de mauvaise gestion-mon collègue, le député de Joliette, y a longuement fait allusion cet après-midi-et élimination des dédoublements de services entre les gouvernements provinciaux et fédéraux, d'une part, ce qui générerait une économie potentielle de 2 à 3 milliards selon nous, et entre les différents ministères du gouvernement fédéral d'autre part; également, une réduction des dépenses de fonctionnement des ministères et des agences du gouvernement fédéral.

Soulignons ici que les dépenses brutes de fonctionnement du gouvernement totalisent près de 35 milliards, soit 27 p. 100 des dépenses brutes de programmes dans l'ensemble du budget des dépenses en 1993-1994. Certains ministères ont des dépenses de fonctionnement relativement importantes: Travaux publics, 10 p. 100; Transports, 6 p. 100; Revenu national, 6,5 p. 100; GRC, tout près de 5 p. 100; Approvisionnement et Services, 3 p. 100.

Notre politique de réduction de dépenses de fonctionnement vise également à augmenter l'importance relative des dépenses de capital du gouvernement par rapport aux dépenses de fonctionnement. La raison étant que les dépenses de capital contribuent à générer des revenus pour plusieurs années, puisque ce sont des investissements. Il ne faut plus emprunter pour payer l'épicerie. Nous devons également changer la nature des dépenses de capital du gouvernement.

Dans le budget des dépenses 1993-1994, plus de 53 p. 100 des dépenses brutes de capital étaient effectuées par le seul ministère de la Défense, principalement des dépenses en capital, dépenses liées à des achats de navires de guerre et en armes. Le Bloc québécois ne croit pas que ce genre d'investissement soit particulièrement productif.

(1705)

En matière de gestion des dépenses publiques, le Bloc québécois promouvoit également une évaluation serrée des programmes de dépenses du gouvernement. Les évaluations de programme répondent à trois besoins et l'information recueillie sert, entre autres, à la prise de décision sur l'affectation des ressources, à aider les Québécois et les Canadiens à juger de la valeur tirée de l'emploi des recettes fiscales, à amener les fonctionnaires à assumer la responsabilité des résultats obtenus de façon à ce qu'ils ne soient plus seulement responsables de l'application des procédures.

J'aimerais également souligner que les dépenses des ministères affectées à l'évaluation des programmes en 1991-1992 n'étaient que de 28,5 millions dans l'ensemble du budget gouvernemental. L'autorité centrale relevant du bureau du contrôleur général du Canada n'avait dépensé que 2,9 millions en évaluation.

Soulignons également qu'il existe deux grands problèmes reliés à l'évaluation des programmes gouvernementaux: un problème quantitatif et un problème qualitatif. Pour ce qui est du problème quantitatif, soulignons qu'entre 1989-1990 et 1991-1992, les dépenses reliées aux évaluations de programme ont chuté de 28 p. 100. Ceci a pour conséquence que le nombre d'évaluations de programme est en baisse depuis 1987-1988, soit depuis sept ans. En effet, depuis cette date, 99 rapports d'évaluations de programme ont été effectués alors qu'en 1991-1992, il y en a eu seulement 90. Il y en a très peu et cela diminue constamment.

En 1991-1992, les dépenses de 16 programmes totalisaient 124,5 milliards de dollars de dépenses gouvernementales. Seulement deux de ces programmes ont été évalués de manière exhaustive. On n'accorde donc pas une attention particulière aux programmes majeurs. Et, à partir de 1991-1992, les évaluations effectuées sur une période de sept ans n'ont porté que sur 24 p. 100 des dépenses de programme.

Donc, si l'on tient compte des dépenses au titre du service de la dette, les évaluations portaient en fait seulement sur 18 p. 100 des dépenses gouvernementales au cours des sept dernières années. Les évaluations ne portent pas sur les programmes les plus importants en termes de dépenses et on estime que deux fois moins de programmes supérieurs à 250 millions sont évalués par rapport à ceux inférieurs à 250 millions. En gros, les évaluations diminuent constamment. Il y en a très peu, et le peu d'évaluations


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qu'on a en main portent sur des programmes de moindre importance en termes financiers.

Au niveau du problème qualitatif dont je parlais un peu plus tôt, en plaçant les services d'évaluation dans les ministères, les besoins immédiats des gestionnaires l'emportent sur les besoins du gouvernement et de l'intérêt public en général. Interrogés par le vérificateur général, les responsables de l'évaluation de programmes dans les ministères ont répondu qu'ils considèrent que le rôle le plus important d'une évaluation est d'aider la direction à régler les problèmes opérationnels. Ils négligent donc en fait la fonction essentielle de l'évaluation de programme qui est de vérifier l'efficacité des programmes, de les remettre en question si nécessaire, et ce, dans un souci d'allocation optimale des ressources.

Il est à noter que ce type d'information serait le plus utile au Parlement en rapport avec la prise de décision d'allocation des ressources et au public dans son évaluation des performances du gouvernement. En fait, les évaluations ne portent que sur des questions opérationnelles et non sur des questions de pertinence et d'efficacité des programmes par rapport aux coûts.

Les évaluations ne portent que sur des sections de programmes ou sur des programmes de faible envergure. On ne retrouve pas non plus un système d'évaluation systématique des programmes touchant plus d'un ministère. En somme, pour nous du Bloc québécois, la situation d'évaluation des programmes au gouvernement fédéral est totalement inacceptable et le président du Conseil du Trésor et le ministre des Finances doivent y remédier dans les plus brefs délais.

L'information qui pourrait être récoltée par des évaluations de programme bien faites serait d'une grande utilité pour les parlementaires. Il serait, en effet, possible d'identifier les programmes réussis, devenus excédentaires, qui ne produisent pas les effets escomptés, susceptibles d'être remplacés par des programmes plus efficaces.

Dans une situation où le déficit est devenu aussi important et où la relance économique est pour le moins anémique, il est primordial que l'allocation des ressources existantes et leur utilisation se fassent de la façon la plus efficace possible. L'évaluation des programmes devient un exercice essentiel dans ce contexte. Sans une évaluation des programmes efficace le gouvernement n'est tout simplement pas en mesure de faire une allocation optimale des ressources qui sont mises à sa disposition par les contribuables. En fait, on demande aux parlementaires de travailler en aveugle et d'allouer des ressources sans connaître la situation.

(1710)

Une étude effectuée par le vérificateur général démontre que des économies appréciables peuvent être réalisées par une bonne évaluation de programmes. Un exemple, en 1990, le ministère des Finances a réalisé une évaluation des incidences des crédits d'impôts à l'investissement au Cap-Breton. Cette étude a démontré que ce programme ne générait pas les effets escomptés et a été abandonné. Cette mesure fiscale, lorsqu'elle était en fonction, s'est traduite par un manque à gagner au titre des rentrées fiscales de l'ordre de 500 millions de dollars. Ce montant aurait continué de s'accumuler au bénéfice d'un programme inefficace et a été abandonné.

Le public bénéficierait d'une meilleure évaluation des programmes et serait mieux en mesure d'évaluer la performance de ses élus, ce qui contribuerait à l'amélioration du processus démocratique.

En conclusion, j'aimerais dire que pour éviter le gaspillage et optimiser l'allocation des ressources fiscales du gouvernement, le Bloc exige qu'une évaluation de tous les programmes soit effectuée, que les fonctionnaires responsables de l'évaluation de programmes aient à se rapporter directement à un comité parlementaire permanent sur l'évaluation des programmes. Il faut que les fonctionnaires responsables des programmes aient à se justifier devant le Parlement, à justifier l'allocation et l'utilisation des ressources de l'État qui leur sont attribuées dans le cadre de ces programmes.

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke): Monsieur le Président, permettez-moi de féliciter le député de La Prairie pour ses commentaires, le féliciter également pour son élection. C'est la première occasion que j'ai de le faire depuis qu'il est en Chambre.

J'ai été intéressé par ses commentaires sur les évaluations de programmes. D'ailleurs, je l'encourage à poursuivre ces questions auprès des présidents des différents comités qui peuvent, eux, entreprendre des évaluations de programmes et qui le font systématiquement dans un cadre plus large que ce que le vérificateur général, ou même les ministères eux-mêmes peuvent offrir. J'ai été témoin de cela dans le passé. Je vois d'autres députés de l'autre côté qui ont été témoins des mêmes événements. Il y a amplement d'occasions de le faire.

Mais à tout événement, je voulais lui poser une question au sujet d'un enjeu et connaître la position du Bloc québécois au sujet de cette nouvelle qui nous est arrivée hier de l'Association canadienne des compagnies d'assurances et de personnes qui laisse entendre que le gouvernement fédéral anticipe imposer les bénéfices d'assurance de groupes, des bénéfices de santé et des bénéfices de programmes dentaires. Ces bénéfices touchent environ 20 millions de Canadiens et Canadiennes et affectent directement 9 millions de travailleurs et travailleuses à travers le Canada.

Ils ont offert de l'information qui, de leur source, semble indiquer qu'une personne qui n'a aucun dépendant, mais qui fait environ 25 000 $ par année aurait une augmentation d'impôt de 275 $ par année. Une famille qui gagne environ 40 000 $ par année se verrait augmenter ses impôts de 425 $. Une famille de deux personnes qui tire un revenu de 80 000 $ par année se ferait augmenter ses impôts de 700 $ par année, si le gouvernement fédéral, dans son prochain budget, devait décider d'aller de l'avant avec cela.

Je vais situer ma question dans son contexte pour que mon collègue de La Prairie puisse m'offrir la position du Bloc québécois dans un contexte où on anticipe un débat très large sur les soins de santé au Canada, sur le rôle, j'imagine, des gouverne-


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ments, tant au niveau fédéral que provincial, le secteur privé, les individus, etc.

Est-ce qu'il ne trouve pas alarmant cette nouvelle qui aurait un impact très important sur le portefeuille de chaque citoyen, en particulier sur les familles? Mais est-ce qu'il ne trouve pas cela d'autant plus alarmant dans le contexte où l'on propose un débat plus large sur les soins de santé? Mais avant même que le débat ait lieu, pouf, le gouvernement fédéral irait de l'avant avec une initiative comme celle-là.

M. Bélisle: Monsieur le Président, je remercie le député de Sherbrooke pour sa question.

La position du Bloc québécois dans ce dossier, c'est qu'en fait, les plus démunis sont protégés par des programmes sociaux universels. Dans certains cas, on peut se protéger par des programmes privés complémentaires, comme le font beaucoup de gens. Je soulignais tantôt que les gens de mon comté sont essentiellement des gens de classe moyenne, ce sont déjà les plus lourdement taxés et en fin de compte, en taxant ces primes d'assurance, le gouvernement libéral de façon détournée continuerait à taxer de façon accrue les gens de la classe moyenne.

(1715)

Au Bloc québécois, nous sommes totalement en désaccord avec cette façon déguisée de taxer encore plus lourdement les contribuables de la classe moyenne qui paient déjà la majeure partie des impôts. On le sait, on a beaucoup parlé jusqu'ici des abris fiscaux. Il y a moyen pour les revenus élevés, en faisant appel à des abris fiscaux, de se soustraire à des milliers de dollars d'impôt.

Pour les plus démunis, il y a quand même toute une série de programmes sociaux qui les protègent, et ce sont souvent les gens de la classe moyenne, les gens du milieu de la pyramide sociale ou de la pyramide économique qui doivent supporter toute la charge de l'État. Au Bloc québécois, nous sommes totalement en désaccord avec cette façon déguisée de taxer encore plus ceux qui paient déjà la majeure partie des impôts.

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais vous dire que le sujet du débat d'aujourd'hui me préoccupe énormément. L'état actuel des finances publiques au Canada affecte les individus, menace des acquis sociaux et affecte également nos entreprises.

L'urgence d'agir en ce domaine représente une des raisons majeures de notre présence à tous en cette Chambre. De nouvelles orientations doivent être mises sur la table. Je voudrais dire que les décisions prises dans les prochaines années affecteront notre futur, plus particulièrement celui des gens de ma génération. Même si, à plusieurs égards, on a pu bénéficier de nombreux services et d'un confort relatif, l'héritage reçu ressemble aujourd'hui à un lourd hypothèque, laissant planer un gros nuage gris à l'horizon.

Jumelez le contexte d'une lourde dette à un marché de l'emploi difficile pour les jeunes et vous comprendrez vite une partie de leur désespoir.

Je veux dire aux membres de cette Chambre que c'est avec l'oeil de la jeune génération que je vais porter un jugement sur les actions de ce gouvernement au cours des prochaines années. Les décisions devront refléter un souci réel du long terme.

À titre d'exemple, les consultations prébudgétaires ont souvent été l'occasion pour les ministres des Finances de mettre de l'avant des idées déjà arrêtées sur le prochain Budget. Une d'elles vise à abolir l'abri fiscal de 100 000 $ en exemption de capital. Plusieurs ont pu se servir de cet abri fiscal et ont déjà utilisé la limite. Donc, ce ne serait pas eux qui seraient affectés dans le futur, mais bien la jeune génération qui ne verra pas cet abri fiscal ou ne pourra s'en servir dans le futur.

Je veux simplement qu'on réalise qui sera réellement affecté par les mesures qu'on va mettre de l'avant. Nous allons, dans le futur, contribuer largement à régler le problème des finances publiques, et nous sommes prêts à faire notre part maintenant, mais il faut qu'on identifie, à juste titre, qui seront ceux qui seront affectés par les mesures qu'on met de l'avant.

Passons maintenant au coeur de mon exposé. Trois angles peuvent être envisagés pour résoudre le problème des finances publiques: une réduction des dépenses, une hausse des revenus, ou un refinancement moins coûteux de la dette. Une combinaison de ces facteurs représente évidemment la solution souhaitable. Je vais me contenter ici d'aborder l'angle des revenus.

Les prévisions des conservateurs dans le passé et celles du fameux livre rouge du Parti libéral basent leur hypothèse de la réduction du déficit sur une croissance de l'économie dans les prochaines années. Le premier ministre y a fait référence cet après-midi à la période des questions.

Bien que tous souhaitent une reprise et envisagent une reprise dans les prochaines années, il est loin d'être certain que les gouvernements vont aller chercher autant d'argent que prévu dans cette croissance. Je m'explique.

Des estimations disent que, par le passé, une croissance de l'économie de 1 p. 100 amenait une croissance des revenus de l'État de 1,5 p. 100. Aujourd'hui, 1 p. 100 de croissance de l'économie ou de son principal indicateur, le Produit intérieur brut, amène une croissance d'à peine 0,5 p. 100 des revenus de l'État.

On peut voir un gros problème à l'horizon. Regardons l'année actuelle. Le ministère des Finances estime que le déficit de l'année en cours sera de 12,4 milliards de plus que prévu dans le budget de mars 1993. Il faut prendre note que 72 p. 100 du manque à gagner s'explique par une baisse non anticipée des revenus. L'analyse des sept premiers mois de l'année est frappante. Durant cette période, les revenus du gouvernement étaient à la baisse de 5,7 p. 100 par rapport à la même période de l'année fiscale précédente, et ce qui est très inquiétant, c'est que cette baisse se produit en même temps qu'une légère croissance de l'économie se présentait au Canada.

De plus, le dernier budget 1993 prévoyait que la croisssance des recettes allait suivre celle du Produit intérieur brut pour les


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cinq prochaines années. Nul besoin de vous dire qu'on aura un fort travail à faire pour refaire les calculs de prévision.

Comment expliquer pareille situation?

(1720)

Évidemment, la première explication qui nous vient à l'esprit est l'ampleur de l'économie souterraine. Le ministre du Revenu lui-même disait peu après l'élection qu'il évaluait cette économie souterraine à 56 milliards de dollars, des chiffres conservateurs, selon plusieurs analystes. L'économie souterraine représente près de 15 p. 100 de l'activité économique et se chiffre beaucoup plus près de 100 milliards de dollars.

Pour illustrer le dramatique, en novembre dernier, la maison Gallup a interrogé les Québécois et Canadiens, à savoir s'ils avaient participé à l'économie souterraine durant les 12 derniers mois. Quelle fut la réponse? Trente-trois pour cent des Canadiens et 42 p. 100 des Québécois ont avoué avoir payé comptant des achats en vue d'éviter de payer des taxes. Deux mots expliquent cette réaction: justice et équité. Les gens sentent que la façon dont le gouvernement prend ses revenus est injuste et inéquitable.

Regardons l'impôt sur le revenu des particuliers. Les entrées de fonds pour l'impôt des particuliers représentent un manque à gagner cette année de l'ordre de 1,1 à 1,5 milliard par rapport aux prévisions du Budget de 1993. Les individus se sentent surtaxés. Les dernières années ont conduit au dépassement de l'efficacité de la taxation, surtout chez la classe moyenne.

L'application de la TPS a constitué la limite du dépassement. Il est donc clair qu'une hausse des recettes gouvernementales ne pourra se faire à travers une augmentation des taux d'imposition de la classe moyenne, et ce de façon directe ou indirecte.

Le mécontentement de la classe moyenne se comprend lorsqu'on regarde quelques statistiques. Pour l'année 1991, monsieur le Président, 368 000 personnes ont déclaré des revenus de 60 milliards, donc un revenu moyen de 163 000 $ par personne sur lequel elles n'ont payé que 18 p. 100 d'impôt fédéral, alors que le taux d'imposition de base est de 29 p. 100 pour cette catégorie. Sur ce point, le Bloc entend faire pression sur le gouvernement pour qu'il abolisse les abris fiscaux profitant aux contribuables à revenus élevés.

Passons maintenant à l'impôt sur le profit des entreprises. Les recettes provenant de l'impôt sur les sociétés affichent une très grande sensibilité à l'activité économique, la raison étant que les profits des sociétés sont plus instables que les revenus des particuliers. Par rapport aux prévisions du Budget de 1993, les entrées fiscales provenant des sociétés sont en baisse d'environ 850 millions de dollars. Le ministre des Finances a dit aujourd'hui à la période des questions que les prochaines années ne seront pas roses à cet égard, étant donné que plusieurs entreprises pourront reporter leurs pertes des dernières années dans le futur.

Les particuliers se plaignent souvent du fait que bon nombre de sociétés québécoises et canadiennes réalisent des profits sans payer d'impôt. Regardons l'année 1987, en pleine croissance économique, monsieur le Président; 90 000 sociétés québécoises et canadiennes ont réalisé des profits totalisant 27 milliards de dollars, et ce sans payer un seul sou d'impôt. Voilà une raison du mécontentement des citoyens.

Pour faire en sorte qu'une telle injustice ne se reproduise pas, le gouvernement devrait mettre en place un impôt minimum aux sociétés. Cette mesure permettrait au gouvernement de tirer un minimum d'impôt des entreprises réalisant des profits, même si celles-ci tentent d'éviter de payer de l'impôt à travers des stratégies d'abris fiscaux. Une solution globale de la dette demande qu'on inclut les entreprises dans la réalisation de cet effort collectif.

Un petit mot, monsieur le Président, sur la vérification. Une dimension à améliorer au niveau de la collecte des revenus se veut la vérification. Une partie importante de l'activité économique échappe à l'impôt en raison d'erreurs commises par les contribuables à même leurs déclarations ou en raison de fraudes. En fait, le ministère du Revenu national évalue, dans une étude publiée en 1990, à 1,2 milliard de dollars les cotisations additionnelles possibles. Dans le passé, des mesures additionnelles de vérification ont permis des résultats intéressants. Il faudrait songer à faire plus aussi dans l'avenir. Il faut donc, en même temps que l'on augmentera la vérification, que l'on simplifie la fiscalité devenue d'une complexité telle qu'on en affecte son efficacité.

En conclusion sur ce point, monsieur le Président, dans le but d'éviter au gouvernement de perdre des sommes importantes de revenus en raison d'erreurs ou de déclarations illégales, le Bloc québécois est d'avis que le ministère du Revenu national devrait disposer de meilleures ressources de vérifications des déclarations, comme le propose le vérificateur général dans ses rapports des dernières années.

J'aimerais parler quelques instants de la fameuse taxe sur les produits et services. Le manque à gagner sur cet item par rapport au Budget de 1993 sera de près de un milliard de dollars. De plus, la complexité de la taxe fait en sorte que les arriérés sur la taxe seront entre 800 et 900 millions de dollars en mars 1994, et ceci selon les données du dernier rapport du vérificateur général.

Il faut savoir que la TPS a remplacé une taxe existante. Son avantage repose sur le fait qu'elle est une taxe sur la valeur ajoutée. Du point de vue économique, ce type de taxe est plus efficace, puisqu'elle affecte moins les prix relatifs des ressources. Cependant, son administration se veut très complexe autant pour le gouvernement que pour les entreprises, particulièrement les petites. Le chiffre de 576 000 inscrits n'ayant pas produit toutes leurs déclarations illustre bien ceci.

(1725)

Le premier ministre a promis de remplacer par une autre taxe avant 1996; trop loin cette échéance. On doit commencer à travailler maintenant pour y arriver beaucoup plus rapidement. Les gens s'attendent à des résultats rapides à ce niveau-là et il va falloir améliorer tout l'aspect administratif de cette taxe sur les produits et services. Et nous entendons bien presser le gouvernement pour qu'il respecte ses engagements électoraux et qu'il les respecte plus rapidement.

Un dernier point sur les sources de revenu, soit les taxes et le droit d'accise autres que les taxes sur l'énergie. Il s'agit évidemment des taxes sur le tabac, les boissons alcooliques et les bijoux. L'ampleur de la contrebande est maintenant connue de tous. Bien que les taxes sur ces produits affectant la santé soient justifiées, les taxes sur les cigarettes et l'ensemble de la fiscalité ont contribué aujourd'hui à créer un monstre dans notre société.


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Une solution rapide à la contrebande doit être mise de l'avant, et au coeur de cette solution doit se trouver une baisse des taxes. Il faudra aussi augmenter le contrôle et s'assurer une seule justice pour tous les individus. Rien n'empêche le gouvernement de mener parallèlement et même d'inclure dans sa stratégie un plan où il luttera contre la consommation du tabac et découragera cette consommation, particulièrement chez les jeunes. Il faut réaliser que le problème de la contrebande est très grave et qu'il cause beaucoup de problèmes à la confiance qu'ont les gens envers nos institutions.

En conclusion, la reprise ne contribuera pas autant que l'on croit à l'amélioration des finances publiques. La raison est simple: l'économie souterraine et la non-confiance des gens envers tout le système et toute la fiscalité canadienne. Cette économie souterraine émerge de cette non-confiance et surtout à cause des deux mots que j'ai mentionnés précédemment: justice et équité sur lesquelles il faudra travailler beaucoup dans l'avenir.

Il faut rétablir l'équilibre entre l'impôt des individus et des entreprises, entre les gens de la classe moyenne et les classes plus riches par l'abolition des abris fiscaux injustes et souvent peu productifs. Il faut augmenter les contrôles des vérifications et simplifier les déclarations d'impôts. Il faudra aussi régler rapidement les difficultés administratives de la TPS. Et, finalement, mettre fin une fois pour toutes au problème de la contrebande de cigarettes.

Notre avenir et notre contrat social sont en jeu par la façon de percevoir les revenus de l'État. Une bonne partie de la non-confiance envers les institutions, les parlementaires et les gens qui représentent l'autorité et le pouvoir vient de l'injustice et de l'inéquité du système fiscal. C'est le temps de bouger et le gouvernement devra améliorer l'efficacité de la gestion des fonds publics.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention les propos de notre collègue d'en face, et rares sont les dossiers sur lesquels je suis d'accord avec les députés du Bloc québécois habituellement, mais je partage avec lui certainement ses sentiments pour ce qui est d'enrayer la contrebande. Inutile de dire que, à titre de député de la circonscription électorale de Glengarry-Prescott-Russell, voire Akwesasne, que j'appuie totalement les mesures que pourraient prendre et que j'espère prendra très prochainement le gouvernement du Canada pour éliminer la contrebande. J'ose espérer qu'on réussira à faire comprendre, comment dirais-je, à ces têtes dures à la législature ontarienne, à comprendre que le problème n'en est pas un qui existe exclusivement au Québec ou dans une région du Canada qu'on nomme le Québec, pour reprendre les propos du trésorier de la province de l'Ontario, Floyd Laughren.

J'ai écouté deux autres propos de notre collègue et j'aimerais lui poser une question. Il parlait de tout le dossier de simplifier la déclaration d'impôt. Aujourd'hui même, je contactais Revenu Canada à propos d'une mesure qui existe présentement dans la déclaration d'impôt, soit celle de contribuer ou de surcontribuer au Régime enregistré d'épargne-retraite. Comme mes collègues vont le savoir, on a tous le privilège et nos commettants ont le privilège de surcontribuer un montant de 8 000 $ au Régime enregistré d'épargne-retraite. Or, il n'existe, au moment où on se parle, aucun système par lequel Revenu Canada totalise et comptabilise le trop-payé, si vous voulez, des 8 000 $; contrairement par exemple à l'exemption sur le gain en capital, il y a un total cumulatif, et à chaque année on peut savoir si on a utilisé 25, 30, 35, 40 000 $, etc. du montant total qu'on a le droit de contribuer. Mais cela n'existe pas à l'heure actuelle en ce qui a trait au trop-payé du Régime enregistré d'épargne-retraite, et je voudrais porter cela à l'attention de mes collègues de la Chambre. Et, en réplique au sujet de la simplification des déclarations d'impôts, il existe toujours bien un endroit où ce n'est pas la simplification qui est nécessaire, mais bien de conserver des données qui ne le sont pas à l'heure actuelle.

(1730)

Finalement, j'aimerais demander ceci à mon collègue d'en face, qui nous dit que remplacer la TPS dans deux ans, c'est trop tard. Peut-on conclure que, lorsque cette Chambre demandera à tous les députés de déférer le dossier de la TPS au comité parlementaire des finances, on pourra s'attendre à un consentement rapide, voire unanime du Bloc québécois, pour faire cette étude-là dans les plus brefs délais pour ensuite être capable de faire une recommandation à la Chambre le plus rapidement possible?

M. Brien: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa très longue question.

Je voudrais souligner au départ qu'il a parlé d'accord sur le point de vue de la contrebande, mais j'espère qu'il y avait des accords sur le reste de l'ensemble de mon discours, particulièrement en ce qui a trait au point de vue sur les abris fiscaux.

Deuxièmement, il a parlé d'une mesure très particulière qui consisterait à comptabiliser les trop-payés en ce qui concerne les contributions aux régimes d'épargne-retraite. C'est pourquoi nous réclamons depuis longtemps la mise sur pied de comités parlementaires pour faire l'étude des dépenses publiques, incluant les dépenses fiscales. Cela nous ferait plaisir à travers tout cela d'entendre ce genre de remarques, de commentaires et d'y participer.

La dernière partie de sa question concerne la TPS. Évidemment, c'est avec grand plaisir qu'on va travailler rapidement dans la mesure, et je tiens à le spécifier, où l'on va remplacer cette taxe par une taxe qui sera plus efficace, qui respectera ceci et qui ne sera pas, contrairement à ce qu'on a entendu en campagne électorale, une taxe cachée qui pourrait être une taxe beaucoup plus élevée.

Je l'invite, dans ce sens, à faire pression sur son Premier ministre pour qu'il ne nous mette pas une taxe cachée, mais une taxe visible pour que les gens aient confiance dans le système de taxation, et de cette façon l'opposition y contribuera.

[Traduction]

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon): Monsieur le Président, je suis très heureuse de participer aujourd'hui à ce débat d'importance cruciale. Depuis un ou deux ans, j'ai tenu des réunions avec mes électeurs, au Yukon, au cours desquelles nous


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avons discuté des détails d'un budget, du type de société et de pays dans lesquels nous voulons vivre.

Un premier point, d'entrée de jeu: un budget, ce n'est pas qu'une série de chiffres; il porte le sceau de la prospérité ou les germes de la stagnation économique.

Je signalerai simplement aux députés que, même si j'ai assisté à la quasi-totalité du débat, je n'ai entendu personne dire que nous devons aborder ce budget dans le souci de nous donner les moyens d'accomplir les tâches à achever au Canada.

L'une de ces tâches est d'appliquer la résolution adoptée à l'unanimité par la Chambre en 1989 en vue d'éliminer la pauvreté d'ici à l'an 2000. J'espère que la Chambre renouvellera cet engagement et que le budget sera une première étape dans la poursuite des objectifs auxquels tiennent les Canadiens et le Nouveau Parti démocratique. Deuxièmement, il faut veiller à ce que les premières nations du Canada soient traitées de manière vraiment équitable et à ce que les fonds nécessaires soient disponibles, car le règlement de très importantes revendications territoriales et les négociations sur l'autonomie gouvernementale qui s'annoncent entraîneront des coûts.

Quant aux points plus précis, il y en a trois que je voudrais aborder brièvement dans ces quelques minutes: fiscalité, dette et déficit, et enfin création d'emplois.

Le régime fiscal doit être juste. C'est vrai, la classe moyenne croule sous le fardeau. Nous pouvons certes nous passer d'une série de nouveaux impôts qui ne feraient qu'aggraver le cynisme. Pour lutter contre ce cynisme, nous devons redresser les injustices. Les simples contribuables paient une proportion des recettes fiscales bien supérieure à celle des sociétés, et beaucoup de riches arrivent à se soustraire à l'impôt.

J'exhorte le ministre des Finances à instaurer un régime fiscal juste et équitable. J'ai plusieurs exemples de mesures à prendre à cet égard. D'abord, il faudrait éliminer des échappatoires coûteuses et rendre le régime juste.

(1735)

Le gouvernement peut se pencher, entre autres, sur la déduction des frais de représentation parce que ce privilège coûte des centaines de milliers de dollars aux contribuables canadiens, alors que certains d'entre eux n'ont même pas de quoi se payer un repas. Je ne suis pas convaincue qu'il faille permettre à certains privilégiés d'obtenir une déduction de leurs frais élevés de repas, et ce, aux dépens des contribuables.

M. Taylor: Une excellente idée!

M. Solomon: Deux martinis!

Mme McLaughlin: Le gouvernement peut également se pencher sur les fiducies familiales, disposition qui permet aux riches de soustraire leurs revenus à l'impôt. Il va de soi qu'un régime fiscal équitable ne saurait tolérer ce genre de choses.

Je tiens à signaler qu'au cours de la précédente législature, les députés libéraux n'ont pas critiqué ouvertement certaines tentatives du gouvernement. Ainsi, ils n'ont pas tiré à boulets rouges sur la loi proposée par le gouvernement conservateur et qui visait à prolonger la période d'exonération des fiducies familiales.

Je mets le ministre des Finances au défi d'annoncer une nouvelle orientation et de montrer que son gouvernement est vraiment déterminé à assurer l'équité fiscale.

M. Taylor: Bravo!

M. Solomon: Bravo!

Mme McLaughlin: Pour ce qui est du manque à gagner fiscal qui vient alourdir encore le fardeau d'un grand nombre de Canadiens, il y a lieu d'abaisser le maximum déductible au titre d'un REER. Certes, nous estimons à sa juste valeur le régime enregistré d'épargne-retraite, mais si nous abaissions le plafond des REER qui, en gros, vise les salaires annuels de 90 000 $ et plus, nous contribuerions à une plus grande équité dans ce domaine.

Un impôt minimal sur le revenu des sociétés s'impose à l'évidence. Il y a encore plus de 63 000 entreprises rentables qui ne paient pas un cent d'impôt. On ne saurait demander aux particuliers de se serrer davantage la ceinture sans exiger que les sociétés florissantes fassent un peu leur part.

Des voix: Bravo!

Mme McLaughlin: En ce qui concerne la dette et le déficit, je crois que nous devons nous arrêter un instant pour nous demander, d'abord et avant tout, comment il se fait que nous nous trouvons dans un pareil bourbier. Comme on l'a dit si bien, nous sommes condamnés à répéter l'histoire si nous ne nous penchons pas sur les événements du passé. Il est vrai que, dans les années 70, de nombreuses mesures fiscales adoptées par le gouvernement libéral de l'époque ont eu pour effet de susciter quelques-unes des iniquités que nous voyons aujourd'hui et de nous enfermer dans cette impasse, c'est-à-dire un début d'endettement qui n'a cessé de s'intensifier depuis.

Par la suite, les gouvernements qui se sont succédé et le gouvernement précédent, au cours des neuf dernières années, ont mis en oeuvre des politiques monétaires qui ne visaient qu'à contrôler l'inflation et ne tenaient aucunement compte de la montée du chômage.

Ils ont adopté coup sur coup l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain qui coûtent aux Canadiens des centaines de milliers d'emplois, ce qui entraîne une nouvelle diminution des recettes.

Regardez la politique monétaire du gouvernement précédent, ainsi que les répercussions des mauvais accords commerciaux sur l'emploi et les recettes. Il est décevant que le gouvernement libéral ait décidé, après son arrivée au pouvoir, de poursuivre cette politique monétaire régressive et de maintenir ces deux accords commerciaux.

Une voix: Il a embrassé les politiques de Mulroney.

Mme McLaughlin: Outre que le gouvernement libéral embrasse les politiques commerciales et monétaires de l'ancien gouvernement conservateur, je tiens à lui rappeler que l'un des


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facteurs qui a contribué à l'augmentation de la dette et du déficit est la mise en oeuvre de la taxe sur les produits et services, alors que nous assistions déjà à une baisse des recettes provenant de l'emploi et que des taux d'intérêt élevés dévastaient le secteur agricole et les petites entreprises. C'est dans ces circonstances que la TPS a été mise en place.

Les députés de notre parti réclament depuis longtemps l'équité fiscale. Nous pensons que la taxe sur les produits et services est une mesure fiscale qui non seulement n'a pas fonctionné, mais aussi a aggravé la récession économique dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

Enfin, il y a toute la question de l'emploi. Si nous n'avons pas une stratégie claire et nette dans les domaines de l'emploi et de l'industrie, nous ne parviendrons jamais à régler les problèmes structurels de la dette et du déficit. La diminution des recettes est directement liée à l'augmentation du taux de chômage. Chaque chômeur coûte au gouvernement fédéral 17 500 $ par an. Un million et demi de chômeurs représente une perte de recettes de l'ordre de 26 ou 27 milliards de dollars par an.

(1740)

Il est temps que les parlementaires et le gouvernement disent que le Canada ne peut pas se permettre d'avoir du chômage. Les coûts sociaux et humains en sont beaucoup trop élevés et les coûts économiques en sont désastreux pour le pays.

M. Solomon: Bravo!

Mme McLaughlin: J'exhorte donc le gouvernement à mettre en oeuvre des programmes qui constitueront un investissement dans notre avenir: la recherche et le développement, l'éducation des jeunes et le recyclage des travailleurs déplacés.

Je voudrais ajouter que même si, dans notre propre plan de création d'emplois, nous avons appuyé un programme d'infrastructures et que nous le jugeons très important, nous soulignons qu'il existe deux sortes d'infrastructures. Il y a l'infrastructure physique comme les autoroutes, les routes, les services municipaux et la technologie de l'information, mais il y a aussi l'infrastructure sociale. Si nous ignorons le fait que l'infrastructure sociale fait partie intégrante de notre régime économique, nous serons alors passés à côté du problème.

J'exhorte le gouvernement à faire en sorte que les infrastructures sociales que sont l'éducation et la santé soient maintenues à un niveau élevé dans notre pays. À cet égard, je voudrais mentionner particulièrement la nécessité d'implanter une fois pour toutes un programme national de garderies afin que les parents puissent travailler et que les enfants puissent bénéficier des soins qui leur permettront de devenir des citoyens responsables.

M. Taylor: Bravo!

Mme McLaughlin: Le gouvernement peut faire beaucoup de choses dans ce budget. Oui, nous devons tous reconnaître qu'il faut réduire les dépenses. Lorsqu'il s'agira de donner suite au rapport du vérificateur général, j'espère que le gouvernement s'y prendra mieux que le précédent, qui a semblé tout simplement ne pas en tenir compte. J'invite fortement le gouvernement à examiner les recommandations de ce rapport. Elles sont très claires et il peut les appliquer dès maintenant sans avoir à les étudier en profondeur.

Nous devons examiner les dépenses et être prudents dans nos dépenses. Cependant, nous devons aussi établir un équilibre juste et équitable pour tous les Canadiens. Dans ce budget, le gouvernement a la possibilité de faire oeuvre de pionnier, et non pas d'emprunter simplement les méthodes régressives du gouvernement précédent. Je l'exhorte à le faire pour donner de l'espoir aux Canadiens et pour qu'ils puissent réintégrer le marché du travail.

Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, je remercie le chef du NPD de ses commentaires.

Je suis très inquiète parce qu'à Saint John, 3 500 personnes travaillent pour le chantier naval de construction des frégates pour le compte du gouvernement. Ce programme va être éliminé à la fin de 1994. À deux reprises, j'ai entendu mes collègues du Bloc québécois demander au ministre des Transports-mon ami du Nouveau-Brunswick-s'il allait confier la construction du traversier Lucy Maud Montgomery au chantier naval de Davie qui a également besoin de travail.

Je n'y vois pas d'inconvénient dans la mesure où c'est pour aider les travailleurs de ce chantier qui ont besoin de travail. Par contre, j'en vois un si le chantier de Saint John ne se voit pas adjuger un contrat semblable. Le ministre des Transports pourrait-il nous dire s'il va lancer un appel d'offres pour la construction du traversier Lucy Maud Montgomery, afin que le chantier naval de ma ville puisse soumissionner, ou bien s'il prévoit donner un contrat spécial au chantier de Saint John? Autrement, 3 500 personnes de ma circonscription vont se retrouver à la recherche d'un emploi à la fin de l'année, ce qui m'inquiète énormément!

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, je serais heureuse de pouvoir répondre au nom du ministre des Transports. Nous avions l'habitude de nous asseoir pas très loin l'un de l'autre de ce côté-ci de la Chambre.

Je voudrais répondre aux graves remarques de la députée qui vient de prendre la parole. Je ne répondrai pas directement aux problèmes précis qu'elle a soulevés. C'est au gouvernement d'y répondre. Par contre, j'aimerais parler d'un point auquel elle fait, je crois, partiellement allusion, un point qui a quelque chose à voir avec le problème dont elle vient de parler, bref de la question de l'équité économique dans notre pays vaste et immense où il existe d'importantes populations rurales et urbaines. Il faut dire aux Canadiens quelle est la clef de ce budget, à savoir que le gouvernement prend vraiment à coeur les intérêts de chaque région de notre pays. Dans le Nord, les habitants ont souvent l'impression d'être laissés pour compte. Je sais que, dans beaucoup d'autres régions, les gens ressentent la même chose. Ils ont l'impression qu'on accorde plus d'intérêt au centre du Canada qu'aux autres régions de notre pays. Il est très important que, dans son budget, le ministre montre aux Canadiens que son gouvernement cherche à se montrer juste et équitable dans ses efforts en vue de promouvoir la croissance économique de toutes les régions de notre pays, les régions rurales comme les régions urbaines.


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(1745)

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Monsieur le Président, assez curieusement, je suis d'accord, en partie avec la députée du Yukon, ce qui me surprend passablement.

Cependant, je veux préciser certaines choses. D'abord, la députée a mentionné que garder quelqu'un au chômage coûtait 17 500 $. Je m'empresse d'ajouter ce que nous avons appris par les statistiques, à savoir que le gouvernement doit débourser 60 000 $ pour créer un emploi pour cette même personne.

En ce qui a trait au programme national de garderies, je veux demander à la députée si elle suggère vraiment d'adopter un système à plusieurs niveaux pour les garderies, ce qu'elle déteste par-dessus dans le système de soins médicaux? Ou croit-elle au contraire que, plutôt que d'aider seulement ceux qui en ont besoin, nous devrions avoir un système national qui permette à ceux qui, selon elle, risquent de ne pas payer leur juste part, c'est-à-dire les riches, de déposer gratuitement leurs enfants à la garderie, tout comme ceux qui ont vraiment besoin d'aide, au lieu d'aider seulement ces derniers?

Mme McLaughlin: Monsieur le Président, je suppose que le député parle d'un système de garderies accessible et universel. Ce sont les deux caractéristiques que je trouve fondamentales pour n'importe quel système de garderies.

Nous avons proposé un système national de garderies qui engagerait la participation du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires ainsi que des parents qui l'utiliseraient. Je pense que ce serait une façon de procéder juste et équitable.

Je crois que le député, qui s'est dit surpris d'être d'accord avec moi, sera aussi d'accord pour dire que les enfants de notre pays méritent que la Chambre leur donne un coup de pouce.

[Français]

M. Jean-Robert Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le Président, dans les quelques minutes dont je dispose, je voudrais parler d'efficacité et d'efficience dans l'administration publique.

J'ai déposé aujourd'hui, les députés le savent, un projet de loi qui permettra au vérificateur général du Canada de déposer des rapports ponctuels sur les vérifications qu'il effectue dans son bureau. Présentement, le vérificateur général ne peut déposer qu'un seul rapport annuel et on connaît la conséquence, c'est une brique assez volumineuse qui retient l'attention des médias pendant peut-être 24 heures, 48 heures au maximum, et qui passe aux limbes par la suite. Peu de gens s'intéressent au suivi des recommandations concernant la gestion des dépenses publiques.

Pourtant, on retrouve dans ces rapports de nombreuses propositions pour améliorer l'administration publique et ainsi épargner des sommes substantielles aux contribuables canadiens. Si le projet de loi C-207 déposé aujourd'hui est adopté par cette Chambre, l'administration gouvernementale sera, à mon avis, renforcée. Elle sera plus efficiente et plus efficace si la Chambre des communes et le public canadien sont mieux informés, de façon régulière, sur les difficultés administratives que nécessite une administration aussi large et aussi complexe que celle du gouvernement fédéral.

Ce débat prébudgétaire nous permet de parler de relance économique, de création d'emplois et de réduction du déficit. Certains sont d'avis que pour réduire le déficit, il faut sabrer dans les dépenses. Les réformistes y vont à pieds joints avec 6 p. 100 de réduction, ce qui aura, d'après moi, des conséquences sérieuses, des conséquences néfastes pour les pauvres, les vieillards, les moins bien nantis.

D'autre part il y a ceux, dans cette Chambre, qui croient qu'il faut augmenter les revenus pour réduire le déficit et créer des emplois. Je traiterai dans quelques instants des solutions qui me semblent appropriées pour la réduction du déficit.

Pour ma part, je suis de ceux qui croient qu'il faut surtout augmenter les revenus dans le contexte actuel pour créer des emplois et réduire nos problèmes financiers.

(1750)

Si on veut régler les problèmes du déficit et de la dette, sans mettre en danger les acquis et ne pas déplaire aux attentes des citoyens, il faudra agir rapidement.

La dette fédérale, comme on le sait, dépasse aujourd'hui 500 milliards de dollars, soit près de 70 p. 100 du PIB. Les frais de la dette publique coûteront vraisemblablement plus de 40 milliards cette année, c'est-à-dire 6 p. 100 du PIB. Le service de la dette est le plus important programme gouvernemental, un programme qui nous coûte 40 milliards de dollars. Cet argent des contribuables canadiens qui est utilisé simplement pour rembourser nos emprunts draine sans aucun doute notre économie. À cause de cette dette, il existe des opportunités économiques que nous ne pouvons pas nous payer. Tous ces milliards de dollars pourraient être utilisés à des fins beaucoup plus productives, infiniment productives. Donc, il est urgent de régler nos problèmes de déséquilibre budgétaire.

[Traduction]

Je crois vraiment que grâce à la croissance, nous pouvons éliminer notre déficit et nous extirper de nos problèmes financiers et fiscaux. Des décisions difficiles s'imposeront. Nous devons être plus efficaces pour accroître notre compétitivité.

Nous réévaluons à l'heure actuelle certains de nos programmes. Nous nous penchons sur nos programmes sociaux. Nous procéderons, sous peu, à un examen public de nos programmes en matière de défense et de politique étrangère. Pourquoi ne pas évaluer certains de nos programmes fiscaux? Pour quelles raisons ne pouvons-nous pas nous attarder à tous les programmes gouvernementaux afin de nous assurer qu'ils sont offerts de façon efficace et, chose tout aussi importante, qu'ils permettent vraiment d'atteindre les objectifs établis par le Parlement lorsque nous les avons adoptés?

On n'a jamais évalué l'efficacité de notre programme de gestion de la dette, le plus important programme administré par notre gouvernement. Le Parlement devrait, le plus tôt possible, se pencher sur cet énorme programme.

J'ai une certaine connaissance du sujet, car j'ai présidé le Comité des comptes publics pendant trois ans environ. Nous ne cessions de dire à la Chambre qu'il était absolument essentiel qu'un programme aussi important que le service de la dette soit


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administré de la façon la plus efficace possible. Nous avons recommandé, mais en vain, qu'il fasse l'objet de ce type d'évaluation et je demande au gouvernement de bien écouter cette recommandation.

Nous devrions nous arrêter sur le genre d'instruments que nous utilisons pour emprunter. Il y a d'une part les fonds canadiens et d'autre part, les fonds étrangers et il y a, en outre, le long terme et le court terme. L'année dernière, nous sommes allés chercher dans les régimes de pension des employés autour de 75 milliards de dollars. Cette année, nous avons emprunté 7,2 milliards de dollars pour éponger notre déficit.

Convient-il d'agir ainsi? Est-ce efficace? Je l'ignore. Je sais que c'est ce que nous faisons. Je voudrais que la Chambre examine ce programme et évalue son efficacité.

[Français]

Il faut revoir et évaluer la pertinence des dépenses fiscales du gouvernement, toutes les dépenses fiscales du gouvernement. Certaines dépenses sont devenues des échappatoires fiscales qui coûtent plusieurs milliards de dollars au gouvernement fédéral. Ce manque à gagner au niveau des recettes fiscales et la mauvaise gestion publique font que les honnêtes contribuables payent de plus en plus d'impôt pour recevoir de moins en moins de services.

J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires fédéraux. J'ai beaucoup de respect pour le dévouement et la loyauté des fonctionnaires fédéraux qui ont été, on le sait, malmenés depuis quelques années par le gouvernement précédent.

[Traduction]

Pour accroître la productivité des fonctionnaires, nous devons leur donner certains pouvoirs, leur fixer des objectifs clairs, et adopter une politique efficace; et c'est alors que nous pourrons parvenir à une bonne administration. Nous devons insister sur l'évaluation des programmes de façon dynamique pour déceler ceux qui sont moins efficaces et ne répondent pas aux besoins des Canadiens, afin de les éliminer ou de les améliorer selon le cas.

[Français]

Il existe deux façons de réduire les dépenses gouvernementales. D'une part, le gouvernement peut imposer des coupures en pourcentage fixe, tel que proposé par le Parti réformiste, qui s'appliquent à l'ensemble du gouvernement, peu importe les conséquences. Moi, j'appelle ça la méthode facile, mais la méthode stupide de faire les choses.

D'autre part, le gouvernemnt peut et doit évaluer la pertinence des programmes des activités gouvernementales.

[Traduction]

Depuis longtemps, je souscris au principe d'une évaluation des programmes. Cela permet de connaître leur raison d'être et les objectifs visés et de voir, en fonction des résultats obtenus, s'ils répondent bien aux besoins.

Si nous n'en faisons rien, nous sommes alors une bande d'adeptes du nombrilisme et nous ne parviendrons pas à mieux administrer notre pays. Quand leurs résultats sont rendus publics, ces évaluations accroissent la capacité de la Chambre de rendre des comptes aux Canadiens, aux fonctionnaires, puisqu'elles permettent au vérificateur général de publier régulièrement, comme il se doit, des rapports qui nous renseignent mieux sur l'utilisation des fonds publics.

(1755)

Dans un contexte de restrictions budgétaires, il est indispensable de disposer d'un bon programme d'évaluation de nos pratiques administratives. C'est l'un des moyens les plus efficaces pour améliorer la répartition de ressources de plus en plus rares. Je ne suis pas le seul à le dire. Tout cela se trouve dans le rapport du vérificateur général, et j'invite les députés à le lire. Ce sera peut-être chose difficile compte tenu de la longueur du document, mais les nouveaux députés auraient intérêt à essayer de le faire. Le rapport nous permet de voir où nous allons et en quoi l'administration du gouvernement, ou celle du gouvernement précédent, laissait à désirer. La lecture du rapport n'est pas toujours aisée; elle exige du temps, mais je recommande à mes collègues de lire ce document.

[Français]

Il y a des problèmes spécifiques en ce qui concerne la gestion de la dette. En tant que pourcentage du PIB, les recettes du gouvernement sont tombées à 17,6 p. 100 en 1992-1993, par rapport à 18,1 p. 100 en 1991-1992. Cette diminution s'explique pour une bonne part par la diminution des perceptions des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés.

L'impôt sur le revenu des particuliers représente 48 p. 100 de toutes les recettes de 1992-1993 par rapport à 50,2 p. 100 en 1991-1992.

Plutôt que de sabrer aveuglément dans les dépenses gouvernementales, le gouvernement devrait plutôt protéger son assiette fiscale en évaluant l'efficience du bien-fondé de la raison d'être de toutes les dépenses fiscales et en éliminant les échappatoires fiscales.

Afin d'évaluer le bien-fondé des dépenses fiscales, il faut en mesurer la performance par rapport aux objectifs visés. Par exemple, le vérificateur général, en 1992, nous disait que les multinationales abusaient des règles permettant de rapatrier en franchise d'impôt un revenu d'entreprise grâce à des paradis fiscaux. Des centaines de millions de dollars ont été perdus par des compagnies qui font affaire à l'extérieur du pays, mais qui ramènent par le biais de dividendes des profits non taxables. Et on a dit qu'il faut boucher cette échappatoire fiscale. J'espère qu'on va y penser.

Dans son douzième rapport, publié l'an passé, le Comité des comptes publics que je présidais recommandait que le ministère des Finances révise la liste des pays désignés. Il demandait aussi que l'on évalue le bien-fondé de pouvoir rapatrier au Canada, franc d'impôt, tout revenu provenant de filiales oeuvrant dans ces paradis fiscaux.

La liste est longue. Il y a quelque 25 pays identifiés comme des paradis fiscaux. Et quand on leur a demandé: Comment définit-on un paradis fiscal? On nous a dit: Un pays en voie de développement. Je prends à témoin deux anciens membres du comité. Savez-vous ce qu'est un paradis fiscal? Un pays en voie de développement. La Suisse serait un pays en voie de développement? Allez-y! Les Bermudes, un pays en voie de développe-


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ment? Allez-y! Cela n'a pas de sens, monsieur le Président. Il faut revoir cette liste. Il faut resserrer nos actions. Il faut être sérieux dans notre évaluation des programmes gouvernementaux.

Je sais que mon temps est presque écoulé, mais me reste-t-il encore quelques minutes?

Le président suppléant (M. Kilger): Il restera quelques minutes pour la période de questions et commentaires, si vous voulez bien terminer votre intervention.

M. Gauthier (Ottawa-Vanier): J'ai tellement de choses à dire. Il faudrait que le ministère des Finances clarifie ce que constitue un revenu d'une entreprise exploitée activement. Je voudrais qu'on nous donne des définitions claires et précises de ce que le ministère des Finances entend par une échappatoire fiscale; que signifie, par exemple, un revenu d'une «entreprise exploitée activement» comparativement à «une entreprise exploitée passivement». Je sais que c'est compliqué, mais il y a là toutes sortes de matières à réflexion, pour comprendre le fin fond de notre devoir de politicien, de parlementaire afin de bien administrer la chose publique.

[Traduction]

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les observations du député d'Ottawa-Vanier. Je le connais bien et je sais le travail qu'il a accompli à la Chambre.

Je voudrais exposer une idée et connaître le point de vue du député à ce sujet. La Chambre a déjà adopté une loi sur l'évaluation environnementale. Avant d'entreprendre un important projet de construction, le gouvernement effectue une évaluation environnementale pour savoir les effets qu'il aurait sur l'environnement.

(1800)

Comme je l'ai déjà fait valoir, tout budget ou toute modification de la politique sociale devraient être précédés d'une évaluation de leurs effets sur les humains. Les statistiques sociales modernes révèlent que l'aggravation de la pauvreté et du chômage entraînent un accroissement du nombre de suicides, de la criminalité, de l'alcoolisme, etc. Il est donc possible de prévoir les coûts humains. Aussi, avant d'établir un budget qui modifie les programmes sociaux, ne faudrait-il pas effectuer une évaluation des effets humains et sociaux du budget, de manière à connaître précisément l'incidence du budget sur le chômage et, par voie de conséquence, sur le nombre de suicides, la criminalité, etc.? Autrement dit, le gouvernement ne ferait-il pas mieux d'évaluer les coûts sociaux de son budget avant de l'adopter?

M. Gauthier (Ottawa-Vanier): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question, qui est intéressante. Compte tenu du contexte actuel de restrictions, le gouvernement doit adopter un budget qui protège les intérêts des contribuables. Cela va de soi. Toutefois, le député n'a pas tort lorsqu'il dit qu'il y a des coûts sociaux à supporter et que chacun doit payer sa juste part. Quand je parlais d'efficience et d'efficacité, mes propos concernaient aussi le problème qu'a soulevé mon collègue, à savoir que si chacun paie sa juste part, nous n'aurons aucune difficulté à créer des programmes sociaux, des programmes de soins de santé et des programmes de garderies qui soient de bonne qualité et solides.

Le problème actuel tient à ce que trop de personnes ne paient pas leur juste part d'impôt, ce qui occasionne beaucoup de problèmes au reste de la population, qui est honnête et paie sa juste part. Voilà pourquoi nous avons un déficit aussi énorme.

Nous devons nous attaquer au problème de l'économie parallèle. Nous devons également examiner sérieusement et éliminer les échappatoires fiscales qui permettent à certains de ne pas payer d'impôt.

* * *

LE DISCOURS DU TRÔNE

REPRISE DU DÉBAT SUR L'ADRESSE EN RÉPONSE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 28 janvier 1994, de la motion: Qu'une Adresse soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'elle a prononcé à l'ouverture de la session.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 18 heures, il est de mon devoir, conformément à l'ordre adopté le jeudi 27 janvier 1994, d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toute question à trancher pour achever l'étude de l'Adresse en réponse au discours du Trône. Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 3)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre)
Bakopanos
Beaumier
Bellemare
Berger
Bernier (Beauce)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crawford
Culbert
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gerrard
Godfrey
Graham
Gray (Windsor-Ouest)
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard


751

Ianno
Iftody
Jackson
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton-Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York Sudbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Tobin
Torsney
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-167

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Asselin
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Bouchard
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Brown (Calgary-Sud-Est)
Bélisle
Canuel
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Jong
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary-Ouest)
Harper (Simcoe-Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)

Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
McClelland (Edmonton-Sud-Ouest)
McLaughlin
Mercier
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Pomerleau
Péloquin
Ramsay
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
St-Laurent
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
Wayne
White (Fraser Valley-Ouest)
White (North Vancouver)

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Barnes
Fillion
Goodale
MacLaren
Ménard
Nunez
Plamondon
Stewart (Northumberland)
Williams-104

(1830 )

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

Mme Wayne: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement, car je voulais voter en faveur de l'adoption du budget. . ., pardon, du discours du Trône. Je voterai peut-être en faveur du budget, mais je verrai plus tard. Je regrette mon erreur, car je n'avais pas l'intention de rejeter le discours du Trône.

Le Président: Mes collègues, nous sommes un peu novices face à ces procédures, surtout moi. Pour changer un vote, il faudrait le consentement unanime. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le Président: Il en est ainsi ordonné.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je tiens à rassurer mes collègues que je n'entends pas modifier mon vote.

J'ai une motion qu'il convient habituellement de présenter à ce moment-ci des délibérations. Je propose:

Que l'Adresse soit grossoyée et présentée à Son Excellence le Gouverneur général par le Président.
(La motion est adoptée.)


752

(1835)

[Français]

LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur): Monsieur le Président, c'est pour moi un grand plaisir de participer au débat historique d'aujourd'hui. Toutefois, avant de commencer, je tiens à vous féliciter, monsieur le Président. Je suis convaincu que, sous votre direction ici, la Chambre des communes saura mener ses travaux de façon à redonner foi aux Canadiens en leur gouvernement et en cette institution.

Je désire également saisir l'occasion de remercier les citoyens et citoyennes de Restigouche-Chaleur pour la confiance qu'ils m'ont manifestée. Je leur sais gré d'avoir renouvelé mon mandat, et je serai heureux de pouvoir accomplir avec eux de grandes réalisations au cours des prochaines années, et ce, non pas seulement pour Restigouche-Chaleur, mais pour le Canada tout entier.

Monsieur le Président, je veux remercier le ministre des Finances pour son exposé de ce matin et pour le débat auquel nous participons. Le débat d'aujourd'hui-les consultations- témoigne d'un changement significatif dans l'application du pouvoir par le Parti libéral. Je me réjouis de ce changement et j'espère qu'il y aura beaucoup d'autres débats du même genre.

Une économie solide est le fondement même d'une société forte. Or, comment peut-on avoir une économie solide quand, en tant que nation, nous avons à relever de nombreux défis et à régler une multitude de problèmes interdépendants?

Peu après son arrivée au pouvoir, le présent gouvernement a pris d'importantes mesures pour des infrastructures et celui de la rénovation domiciliaire. J'en profite d'ailleurs pour souligner l'excellent travail de mes collègues pour la mise en place rapide de ces grands programmes.

Il n'en demeure pas moins que nous avons encore beaucoup à faire. La dette et le déficit au niveau fédéral étouffent le potentiel de notre pays. Je ne crois pas que personne ici puisse dire le contraire, mais c'est sur la manière de réduire le déficit que les opinions divergent.

J'aimerais rappeler au ministre des Finances quelques paroles extrêmement importantes et je cite: «La réduction du déficit n'est pas une fin en soi. Elle sert à accroître la productivité et les salaires réels, à améliorer les conditions de vie de nos enfants et de nos petits-enfants. Si les mesures prises pour alléger le déficit diminuent le Produit intérieur brut, aggravent le chômage et réduisent les activités publiques ou privées qui sont tournées vers l'avenir, elles ont alors des effets pervers qui vont à l'encontre des buts poursuivis. Elles n'ont plus leur raison d'être.»

(1840)

[Traduction]

Ces paroles, qui sont citées dans le livre rouge des libéraux, sont celles du lauréat du Prix Nobel, James Tobin.

J'exhorte le ministre à adopter une démarche équilibrée dans la réduction du déficit. On ne peut pas continuer à réduire le déficit aux dépens de la classe moyenne. En outre, si l'on continue à sabrer les dépenses de façon draconienne, on fera sans doute exploser le chômage.

Dans le cadre de cette démarche équilibrée, le ministre du Développement des ressources humaines a entrepris hier de renouveler le filet de sécurité sociale du Canada. Le débat d'aujourd'hui constitue un pas important vers le renouvellement de notre processus budgétaire.

Je propose au ministre de prendre des mesures en vue de réaliser une réforme complète de la fiscalité. La TPS n'a rien fait pour équilibrer le régime fiscal canadien. Aujourd'hui, le gouvernement fonctionne grâce à la part disproportionnée d'impôts que paie la classe moyenne.

Au cours de la dernière décennie, le pourcentage des impôts versés par la classe moyenne a augmenté considérablement, alors que les sociétés en ont payé de moins en moins. En outre, les impôts sur les revenus de placement ont pour ainsi dire disparu.

Qu'en déduit la population canadienne? Que la façon la plus coûteuse de gagner sa vie, c'est de travailler pour quelqu'un d'autre. Il est temps que tout le monde paie sa juste part d'impôts. Les sociétés ne peuvent plus s'attendre à profiter des nombreux avantages qu'il y a à faire des affaires au Canada sans contribuer au système.

J'estime que le ministre devrait prendre des mesure pour établir un impôt minimal sur le revenu des sociétés. À la seule mention de cette idée, le milieu des affaires crie qu'il en coûterait alors beaucoup trop cher de faire des affaires au Canada et que les entreprises seraient forcées de déménager.

Ce ne sont là que des menaces. En 1987, plus de la moitié des profits non imposés ont été réalisés par les 145 sociétés les plus rentables qui ont déclaré des profits annuels moyens de 106 millions de dollars. Par ailleurs, 2 000 sociétés enregistrant en moyenne des profits de 1 million de dollars étaient responsables de 80 p. 100 des bénéfices non assujettis à l'impôt sur le revenu.

Ces sociétés déclarent des bénéfices, et même des bénéfices considérables, et refusent de payer leur juste part d'impôt.

J'exhorte le ministre à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette pratique. L'établissement d'un niveau minimal d'imposition devrait grandement contribuer à régler nos problèmes liés au déficit. Permettez-moi d'ajouter qu'il y a même des personnes qui ne paient absolument pas d'impôt et que nous devrions veiller à ce qu'elles fassent, elles aussi, leur juste part.

Je voudrais également rappeler au ministre que les grands perdants en cette période de récession sont les jeunes Canadiens sur qui repose l'avenir même de notre pays.


753

Le taux de chômage chez nos jeunes est beaucoup trop élevé. Même si on a récupéré ces dernières années un certain nombre d'emplois qu'avaient perdus les jeunes Canadiens, il faut dire que près de 60 p. 100 des emplois récupérés sont des postes à temps partiel.

Nos programmes d'éducation doivent préparer nos jeunes à relever les défis de demain. Nous devons préparer les jeunes au XXIe siècle. Nous devons non seulement leur fournir les connaissances et les compétences nécessaires pour relever les défis qui les attendent, mais également leur redonner espoir en un avenir meilleur.

En ce sens, les mesures prises par le gouvernement en vue de la création d'un programme d'apprentissage pour les jeunes et d'un Service jeunesse sont importantes.

Nous devons continuer d'améliorer les capacités de lecture et d'écriture de nos jeunes ainsi que leur habileté arithmétique. Nous devons veiller à ce que tous les niveaux de gouvernement collaborent, notamment à l'établissement de normes nationales en matière d'éducation.

Il ne faut pas oublier que la reprise économique reposera sur les épaules des jeunes Canadiens et que nous devons donc leur fournir les outils dont ils auront besoin pour relever ce défi avec brio.

(1845)

Je sais que le ministre des Finances s'est vu confier une tâche difficile. Les attentes sont grandes. Les habitants de Restigouche-Chaleur et moi comprenons qu'il n'y a pas de solutions faciles. Nous croyons en l'adoption d'une stratégie équilibrée, qui viserait à réduire le déficit, mais tout en redonnant du travail aux Canadiens.

Nous croyons à l'évolution et à la réforme de nos programmes sociaux pour leur permettre de continuer de répondre aux besoins des Canadiens. Nous croyons à une réforme fiscale en profondeur, où toutes les décisions financières et monétaires du gouvernement seraient fondées sur l'équité et la justice.

Enfin, nous croyons à la capacité de notre pays de relever les défis et de nous façonner un avenir encore meilleur.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les propositions de mon collègue, propositions qui, je crois, sont très constructives. Je suis certain que le ministre des Finances en tiendra compte.

Je connais le député depuis assez longtemps. Au fil des années, il s'est toujours efforcé d'être productif et de faire des remarques positives et constructives à la Chambre, et je crois qu'il a apporté beaucoup au débat prébudgétaire que nous avons ici aujourd'hui.

Toutefois, je voudrais mentionner deux ou trois autres mesures que nous pourrions prendre et qui, je crois, aideraient non seulement notre région mais aussi le pays. Notre approche comprend deux volets. Le premier consiste évidemment à créer des emplois et à stimuler l'économie grâce aux mesures qui seront annoncées dans le budget. Le second consiste à faire tous les efforts possibles pour essayer de mater ces démons que sont le déficit national et la dette croissante.

L'une des choses que nous pourrions faire-et mon collègue ici, qui est président de notre caucus de l'Atlantique, voudra peut-être faire quelques remarques à ce sujet-serait de demander au ministre des Finances de s'attaquer aux véritables problèmes qui nuisent à la compétitivité du port de Halifax. L'impact d'une telle mesure se répercuterait sur toute la région de l'Atlantique et créerait des emplois dans tous les secteurs de l'économie.

Ce qui nuit à la compétitivité du port de Halifax, ce ne sont pas les installations portuaires elles-mêmes, mais bien la ligne de chemin de fer qui remonte la Nouvelle-Écosse et qui passe par le Nouveau-Brunswick pour se rendre au Québec. Ces dernières années, nous avons vu cette liaison ferroviaire devenir de moins en moins concurrentielle. Les tarifs n'ont pas baissé, ils ont monté. Les délais de livraison, la ponctualité, ce sont tous là des facteurs qui contribuent de façon importante à déterminer si les entreprises du Canada atlantique sont concurrentielles ou non et si le port de Halifax sera prêt ou non à profiter des nouvelles routes de commerce mondiales.

J'ai déjà proposé à la Chambre, avec l'appui de députés libéraux de l'Atlantique, alors dans l'opposition, que le ministre des Finances ou le ministre des Transports examine deux mesures très simples qui pourraient accroître de façon marquée l'efficacité du transport ferroviaire dans le Canada atlantique.

Après tout, si nous n'avons pas de bons systèmes de transport dans le Canada atlantique, nous ne pourrons pas attirer d'industries. C'est aussi simple que cela. Nous ne sommes pas assez proches de nos marchés.

Nous avions notamment proposé au ministre des Finances d'envisager la possibilité d'accélérer la progression du taux d'amortissement du nouveau matériel roulant. Cela permettrait de mettre les chemins de fer canadiens sur le même pied que les chemins de fer américains. Il s'agit d'une mesure fiscale qui, sans coûter beaucoup, serait susceptible d'avoir un effet senti sur la compétitivité des produits du Canada atlantique expédiés par rail.

La deuxième chose à faire est d'examiner les coûts évitables du transport par rail. Le Canada atlantique a besoin d'un bon service ferroviaire pour être concurrentiel. Entre autres suggestions, la Commission des transports des provinces de l'Atlantique avait proposé que le gouvernement fédéral abolisse la taxe d'accise sur le gazole vendu au Canada pour les trains de marchandises.

Ces deux mesures, que nous avons supplié le gouvernement conservateur d'examiner, contribueraient beaucoup à stimuler le transport de biens concurrentiels produits dans les provinces atlantiques et pas seulement vers le Québec, le centre et l'ouest du Canada, mais aussi vers le Midwest américain.

J'aimerais que le député qui vient de parler, et dont le discours était excellent, commente ces suggestions de modifications aux règlements qui pourraient avoir des répercussions sur la viabilité


754

d'industries concurrentielles, pas uniquement à Halifax et à Dartmouth, mais aussi dans sa région du Nouveau-Brunswick.

(1850)

M. Arseneault: Monsieur le Président, je tiens à dire à tous ceux qui écoutent que le député de Dartmouth défend très bien sa cause, qu'il siège sur les banquettes de l'opposition ou sur les banquettes ministérielles. C'est un orateur très énergique et un ardent lobbyiste. J'hésite à employer ce terme; ce n'est pas vraiment le terme qui convient. Il travaille d'arrache-pied pour le port de Dartmouth et pour ses électeurs. J'ai siégé très souvent au caucus national et au caucus des députés de l'Atlantique. Je l'ai vu à la Chambre poser de nombreuses questions et faire de nombreuses interventions. Le port de Halifax lui tient à coeur, tout comme il nous tient à coeur à nous tous de la région de l'Atlantique. Nous formons tous une seule région. Ce qui arrive dans une partie de la région a des répercussions économiques sur l'autre.

Les transports sont essentiels pour la région de l'Atlantique. Ils sont essentiels pour le port de Halifax. Je suis d'accord avec le député et je partage entièrement son évaluation des transports dans la région de l'Atlantique, de même que son évaluation du transport ferroviaire.

Dans le nord du Nouveau-Brunswick, le transport ferroviaire est très aléatoire pour le moment. Je suis convaincu que nous réussirons à le maintenir. Nous avons un secteur minier et nous avons des ports. Le député a parfaitement raison de recommander de hausser le taux d'amortissement du matériel roulant. Cela nous permettrait de mieux soutenir la concurrence américaine. Il a raison également de recommander de supprimer la taxe d'accise sur le carburant diesel pour le transport des marchandises par chemin de fer. J'espère que le ministre des Finances tiendra compte de ces recommandations.

Je voudrais mentionner autre chose en terminant. Si personne d'autre n'a de question à poser, le député pourrait peut-être dire ce qu'il en pense également. Je veux parler de l'établissement d'un plan d'achats stratégiques dans le cadre duquel le gouvernement, au lieu de donner des contrats sans aucune obligation, tâcherait d'utiliser le plan pour stimuler l'économie, pour voir si les entreprises investiraient dans la recherche et le développement ou dans des opérations commerciales à risques élevés grâce à l'obtention de marchés de l'État.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je voudrais d'abord féliciter le gouvernement de tenir un débat prébudgétaire à la Chambre des communes afin d'ouvrir l'exercice budgétaire aux Canadiens et aux députés. Il est vrai que le gouvernement ne peut satisfaire tout le monde, mais cet exercice serait complètement futile si le ministre des Finances n'entendait que ce qu'il voulait pour justifier son budget.

Nous avons hâte au dépôt du budget afin d'en savoir davantage sur la capacité du ministre d'écouter et de remplir ses promesses. Puisque les gouvernements conservateurs et libéraux précédents ont négligé pendant aussi longtemps le déficit et le problème croissant de la dette, toutes les solutions faciles se sont envolées.

Comme solution de rechange constructive, je soumets aujourd'hui l'idée que les recettes de l'État et les revenus des entreprises augmenteront si les impôts diminuent, qu'en diminuant les impôts, on laisserait plus d'argent aux contribuables qui pourraient le dépenser plus judicieusement. En diminuant les dépenses publiques, on disposerait de plus de recettes pour éponger la dette. L'arme qui pourrait aider le gouvernement à relancer l'économie est une nouvelle taxe visible et proportionnelle, qui remplacerait aussi la TPS.

La nécessité de la réforme fiscale est évidente. Le ministre des Finances a dit que nombre de Canadiens ne voulaient plus être gouvernés et qu'ils en donnaient la preuve en recourant à l'économie souterraine et en refusant de payer des impôts. Le gouvernement perd des milliards de dollars au profit de l'économie souterraine, dont la valeur s'établirait entre 60 et 80 milliards de dollars. Comme la population croit que le gouvernement n'est plus en mesure de gérer ses finances et ses ressources et de vivre selon ses moyens, les contribuables doivent prendre la relève.

Même le premier ministre a admis que le système actuel ne fonctionnait plus. Ce n'est pas surprenant. Le régime fiscal est trop complexe et trop injuste, et les impôts sont trop élevés. Combinés aux dépenses excessives des gouvernements, ces facteurs sont en train d'étouffer notre économie. Le gouvernement se comporte comme si le problème avait trait aux recettes et non aux dépenses.

En fait, les recettes dépassent 126 milliards de dollars, alors que les dépenses, à l'exclusion des intérêts sur la dette, sont inférieures à ce chiffre. Sont-ce les intérêts qui sont à l'origine du déficit? Est-ce que cela vous dit quelque chose? Les frais d'intérêt sur la dette fédérale sont maintenant de 33 cents par dollar d'impôt.

(1855)

J'estime donc que c'est la dette et les intérêts que nous payons pour le service de la dette qui menacent la viabilité des programmes actuels. Nous ne devrions pas augmenter la dette, chaque année, et permette qu'elle passe de 35 à 45 milliards de dollars.

Au cours des 25 dernières années, nous avons mal dépensé et trop dépensé. Chaque année, depuis 1968, nous avons dépensé plus d'argent que nous n'en avons produit. Il est impossible de survivre dans de telles conditions. Les créanciers suivent de très près cette 35e législature. Nous devons absolument régler le problème maintenant, et non l'an prochain.

Je pense que, pour stimuler l'économie et augmenter les recettes du gouvernement, les bailleurs de fonds, les investisseurs et les consommateurs doivent avoir plus de revenu disponible. Si l'actuel gouvernement continue de prélever plus d'argent sur l'économie en augmentant les impôts, il nuira, en fait, à la reprise économique, car il créera plus de chômage, ce qui nous empêchera de nous sortir de la récession.


755

C'est pourquoi je recommande la mise en oeuvre d'un impôt uniforme sur le revenu des particuliers et des sociétés. La création d'un impôt uniforme ou d'un impôt proportionnel est un moyen d'augmenter de façon constructive les recettes, d'éliminer les incitations à créer une économie parallèle, de rétablir l'équité et, surtout, de stimuler la croissance économique, ce qui est une priorité dans le livre rouge des libéraux.

Il ne s'agit pas là d'un concept nouveau pour la Chambre ou le gouvernement. Le député de Broadview-Greenwood, qui appuyait un impôt unique ou uniforme, a déjà dit que des taux marginaux plus bas et des salaires nets plus élevés inciteraient les gens à travailler davantage et mieux. Grâce à ces nouvelles mesures d'encouragement et à l'élimination de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale, cet impôt produirait plus de recettes, même si les taux étaient plus bas.

L'objectif de cet impôt est triple. Premièrement, il simplifie les déclarations de revenus qui sont actuellement compliquées, de façon qu'elles soient à la portée de tous les Canadiens. Il permet au ministère du Revenu national de réaliser de plus grandes économies, de recouvrer plus d'impôts et de mieux contrôler l'ensemble des exemptions demandées par les particuliers et les sociétés.

Deuxièmement, cette mesure rétablit l'équité dans la fiscalité en éliminant l'impression qu'un groupe de contribuables est plus privilégié qu'un autre.

Troisièmement, cette mesure restaure l'intégrité et rend le système efficace en éliminant la nécessité de maintenir tant d'allégements d'impôt et d'échappatoires fiscales, objectif que le ministre des Finances a lui aussi signalé aujourd'hui.

En effet, le ministre des Finances a déclaré aujourd'hui qu'il se propose de rendre le processus budgétaire équitable. Il s'est ensuite engagé au nom du gouvernement libéral à maintenir le régime social actuellement en vigueur, tout en réduisant les dépenses qui y sont rattachées. De plus, il a laissé entendre qu'il allait supprimer certaines échappatoires fiscales et certaines exemptions.

Nous n'avons plus les moyens de nous offrir des programmes sociaux tels que nous les connaissons aujourd'hui. On peut les comparer à des cadillacs plaquées or. Il est possible de les remplacer par un modèle moins coûteux sans qu'ils perdent de leur efficacité. Selon le ministre des Finances, les Canadiens peuvent s'attendre que le déficit reste de l'ordre de 40 milliards de dollars.

Donc, pour la 26e année consécutive, un gouvernement dépensera plus qu'il n'a perçu. Quand cela cessera-t-il? Le gouvernement actuel ne s'est pas engagé à équilibrer le budget ni à réduire le déficit. On n'établit pas l'équité, comme le ministre des Finances le souhaite, en alourdissant sans cesse la dette.

Si le ministre des Finances est sérieux dans ses consultations pour trouver des moyens d'équilibrer les deux plateaux de la balance fiscale, voici quelques suggestions à son intention. D'abord, qu'il centre les dépenses sociales sur ceux qui sont vraiment dans le besoin. Il y a peut-être lieu de supprimer les prestations du Programme de sécurité de la vieillesse dans les cas où le revenu du ménage est supérieur à 54 000 $, soit le revenu moyen national des ménages. L'économie réalisée serait de deux à trois milliards de dollars.

Deux, rendre l'assurance-chômage auto-suffisante, non pas en augmentant les cotisations, mais en resserrant l'accès aux prestations et en éliminant les paiements à ceux qui abusent du système ou aux travailleurs saisonniers qui gagnent plus de 54 000 $ par année. Économies: trois à six milliards de dollars.

Trois, éliminer les subventions aux entreprises, aux mégaprojets et aux programmes de développement régional. Économies: un à trois milliards.

Quatre, réduire le budget du ministère de la Défense nationale de 6 p. 100. Économies: 660 millions.

Cinq, privatiser les sociétés d'État et utiliser le produit des ventes pour réduire la dette nationale. Économies: deux à trois milliards et peut-être cinq à dix milliards de réduction de la dette.

Six, rationaliser les dépenses de programmes du gouvernement pour susciter la croissance, redonner confiance dans l'économie et éliminer les programmes qui coûtent trop cher. Économies: environ 600 millions.

Compter sur une augmentation des impôts et un programme d'infrastructure pour réduire le déficit ou encourager la relance économique n'est guère réaliste. Les programmes artificiels de création d'emplois ne donnent rien de permanent. Ils ne sont qu'une autre façon de dépenser l'argent des contribuables.

Lorsque le budget du plan d'action libéral sera épuisé, les emplois disparaîtront. Les contribuables se retrouveront alors devant une dette encore accrue qui devra être financée par de nouvelles augmentations d'impôts. Qu'arrivera-t-il si les taux d'intérêt remontent? Comment assurerons-nous le service de la dette? Où prendra-t-on l'argent? Les Canadiens paient encore pour des programmes créés dans les années 70 et 80 par les gouvernements précédents. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de créer un climat économique sain, propre à attirer les investissements, à encourager les nouvelles initiatives et les risques, enfin à protéger l'environnement.

(1900)

Tout le monde sait que les investisseurs étrangers préfèrent faire des affaires avec les pays ayant à leur tête un gouvernement responsable. Aussi, le gouvernement doit-il absolument mieux contrôler les dépenses et non se contenter d'augmenter les impôts.

Le trésorier de l'Alberta, Jim Dinning, a dit récemment que plus on donne d'argent au gouvernement, plus il dépense, moins il épargne. Si les impôts ont pour but d'assurer le maintien de la paix, le maintien de l'ordre public et une bonne administration de notre pays, alors allons-y, ne nous contentons pas d'en parler.

J'espère pour conclure que pour les libéraux, un régime d'imposition équitable ne signifie pas la surimposition pour tous.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Monsieur le Président, je voudrais poser seulement une question


756

et je le ferai brièvement, car je vois que d'autres collègues veulent également prendre la parole.

Le député qui vient de parler se rendra compte que le Parti libéral a formé le gouvernement parce qu'il a remporté plus de voix que tout autre parti lors des dernières élections fédérales. Pendant les élections, nous, les libéraux, avons déclaré que notre priorité absolue était la création d'emplois. Pour relancer immédiatement l'économie, nous avons proposé un plan de création d'emplois à court terme, soit le programme d'infrastructure, et nous avons établi notre programme à long terme, soit la création du Service jeunesse, des cours d'apprentissage plus nombreux, et la garantie que les petites et moyennes entreprises bénéficieraient du climat qui leur permettrait de créer des emplois, comme elles l'ont fait au cours des dix dernières années, puisqu'elles ont été responsables de la création de plus de 85 p. 100 des emplois.

Ce qui me rend perplexe, et je voudrais poser une question précise, c'est que le député puisse maintenant, après les élections, mettre en doute la sagesse des Canadiens, qui ont élu un gouvernement majoritaire libéral. Maintenant que nous avons été élus et déclaré que les emplois constituaient notre plus haute priorité, laisse-t-il entendre que nous devrions changer d'idée? Si je me souviens bien, il a bel et bien dit que nous ne devrions pas dépenser de l'argent pour le programme d'infrastructure parce qu'il ne ferait qu'accroître la dette sans réellement faire une différence considérable. Son chef a fait des observations analogues. De quel côté est-il? Du côté de la population ou de celui de son parti?

M. Silye: Monsieur le Président, en réponse au député, je voudrais clarifier deux questions qu'il a soulevées.

Je n'ai pas dit que nous étions contre un programme d'infrastructure. Le gouvernement a 126 milliards de dollars à sa disposition. Il devrait établir ses priorités en matière de dépenses; s'il entend lancer ce programme d'infrastructure, c'est à lui qu'il revient de décider maintenant comment on peut dépenser cet argent de façon efficace.

Ce dont nous parlons-et ce qui nous inquiète-c'est de l'accroissement des recettes par l'augmentation des impôts. Si le gouvernement souhaite équilibrer le budget en accroissant ses recettes simplement grâce à ce programme d'infrastructure, je tiens à lui dire que les nouvelle recettes fiscales perçues seront insuffisantes pour couvrir l'augmentation des coûts.

En ce qui concerne une autre question, je voudrais préciser que nous souhaitons nous aussi créer des emplois, tout comme le Parti libéral, mais nous croyons que c'est le secteur privé qui sait beaucoup mieux le faire. Ainsi, nous devrions redistribuer la richesse entre les entreprises plutôt que de toujours la placer entre les mains du gouvernement qui a prouvé de façon répétée depuis 26 ans qu'il est incapable de créer de véritables emplois à long terme. Tout ce qu'il sait faire, c'est prendre l'argent et le gaspiller. Nous voudrions que cet argent aille là où il devrait aller.

Le député a essayé de me piéger en me demandant si oui ou non j'appuyais la volonté de la majorité des Canadiens. Nous savons tous comment le système électoral fonctionne. Nous n'ignorons pas comment vous avez obtenu votre majorité ni où.

Il y a également beaucoup de Canadiens qui souscrivent à notre point de vue. Vous n'avez pas carte blanche. Il vous incombe également en tant que gouvernement d'écouter les solutions constructives qui sont proposées, car nous, les députés de l'opposition, sommes ici pour vous aider à améliorer vos programmes. Si vous n'en faites rien, si vous nous dictez simplement vos volontés, vous manquerez alors à vos engagements et à vos responsabilités tout comme l'a fait le gouvernement précédent et vous subirez le même sort.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, je voudrais dire au départ que je suis d'accord avec le précédent intervenant quand il parle de l'urgence d'agir. Il a fait certaines propositions que je n'appuie pas nécessairement, mais il y en a quand même un bon nombre qui sont intéressantes.

(1905)

J'aimerais peut-être ajouter à cette liste, en disant que ce qui est important, ce n'est pas nécessairement d'aller faire le ménage dans tout ce qui s'appelle programmes sociaux ou d'ajouter au fardeau fiscal, mais plutôt de profiter de la période actuelle, avant le dépôt du budget, pour faire un examen attentif des dépenses. Par là, j'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur trois secteurs où il y a, à mon avis, du gaspillage significatif.

Au niveau de la main-d'oeuvre, entre autres, les dédoublements coûtent annuellement, au Québec, 250 millions de dollars à cause du fait qu'il y a deux gouvernements qui interviennnent dans ce secteur. La même chose se produit au niveau du développement régional: on parle de 26 millions de dollars de frais fixes.

Finalement, au niveau des dédoublements en éducation, en affaires sociales, il y en a beaucoup au niveau des fonctionnaires. Je crois qu'il serait important que le gouvernement fédéral se penche sérieusement sur la pertinence de se retirer des ces secteurs, de façon à économiser de façon concrète et atteindre en même temps l'objectif d'une plus grande efficacité.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, je pense que mon collègue m'a apporté son appui dans ses observations et ainsi, je n'ai rien à ajouter à ce sujet.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, avant de commencer mon allocution, je voudrais remercier le gouvernement pour ce qui paraît être un débat prébudgétaire sans précédent. Je félicite le gouvernement de tenir ce genre de discussion; elle témoigne d'un assouplissement du processus consultatif qui, je l'espère, permettra de donner aux Canadiens un meilleur budget que ceux auxquels on les a habitués depuis un certain temps.

Le ministre des Finances recevra des conseils des quatre coins de la Chambre au cours du débat. Ces conseils refléteront notamment le point de vue des quelque 2,5 millions de Canadiens qui ont voté pour les réformistes qui siègent de ce côté-ci de la Chambre. Nous exprimerons les préoccupations de tous les contribuables canadiens qui croient que leur argent n'est pas suffisamment bien dépensé. Je demande au ministre de tenir compte de ces préoccupations lorsqu'il préparera le budget.


757

Le budget constitue l'une des fonctions les plus importantes du gouvernement puisqu'il expose le plan d'action financier du gouvernement pour la prochaine année. La façon dont l'argent des contribuables est distribué influe directement sur les autres programmes, services et initiatives gouvernementaux. C'est pourquoi le processus consultatif doit tenir compte à la fois des besoins des Canadiens et des moyens financiers dont ils disposent pour répondre à ces besoins.

Quand il prépare un budget, un gouvernement doit faire deux choses. Il doit tout d'abord concevoir un plan d'affectation de l'argent que les contribuables canadiens ont durement gagné et dont ils confient la gestion au gouvernement. Le gouvernement doit agir de manière à assurer une administration aussi équitable et économique que possible des services et programmes fédéraux.

Le second impératif est souvent négligé. Le gouvernement doit penser aux futures générations de Canadiens, en évitant de léguer une dette massive qui compromettrait leurs chances et nuirait à leur qualité de vie. Il est injuste et immoral que nous dépensions maintenant pour notre propre bien-être et que nous laissions nos enfants et petits-enfants payer la note quand leur tour viendra.

Tous les réformistes se sont vu confier par les Canadiens le mandat de réduire leur fardeau fiscal en contrôlant les dépenses du gouvernement. J'ai choisi aujourd'hui de discuter des dépenses fédérales dans le domaine de l'agriculture, parce que c'est la principale industrie de ma circonscription, Kindersley-Lloydminster, et d'une grande partie du Canada. La production de denrées est en effet essentielle à la subsistance de plus de cinq milliards d'êtres humains, dont un bon nombre compte sur les produits des agriculteurs canadiens.

Les fonds réservés au soutien des activités agricoles devraient servir en premier lieu à aider les producteurs qui sont désavantagés financièrement sans qu'ils y soient pour quelque chose. On compte actuellement près de 50 programmes et projets de soutien des agriculteurs différents. Parmi ces programmes très variés, on remarque des garanties de prêts pour l'amélioration des installation et l'établissement de coopératives de mise en marché, un Programme spécial de développement des productions animales de l'Atlantique, un Programme national de la gestion d'entreprises agricoles, un programme provincial de résorption des excédents de pommes de terre, l'Entente Canada-Ontario pour l'amélioration des sols et de la qualité de l'eau du Sud-Ouest de l'Ontario, ainsi que le Programme national de conservation des sols, le Projet de développement agro-alimentaire canadien et des projets de développement économique et régional.

(1910)

On en compte même quelques-uns en Saskatchewan, comme un accord d'association Canada-Saskatchewan en développement rural et un accord d'association Canada-Saskatchewan en irrigation, qui visent d'abord et avant tout le développement économique.

Dans la plupart des cas, on n'a même jamais entendu parler de ces programmes. Ils ne sont pas très connus et nous ne sommes pas sûrs de leur valeur exacte. C'est renversant de voir combien coûte l'administration d'un si grand nombre de programmes, qui se recoupent parfois et dont certains sont désuets. Le ministère de l'Agriculture dépense annuellement plus de trois milliards de dollars à cette fin. Les coûts de fonctionnement et d'immobilisations représentent à eux seuls près de 900 millions. Et ces chiffres n'englobent pas les 728 millions de dollars dépensés dans le cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Ces frais généraux épouvantablement élevés sont un signe manifeste de gaspillage et de mauvaise gestion. La refonte de ces 50 programmes et initiatives en un petit nombre seulement permettrait probablement au gouvernement d'économiser plus de 400 millions de dollars et donnerait un meilleur soutien à l'industrie.

Nous devons dénoncer le mythe voulant que plus les crédits dépensés sont élevés, plus les programmes sont efficaces. Dans le cas de l'agriculture, il n'est pas seulement possible de fournir un meilleur soutien avec moins d'argent, mais il est essentiel de le faire pour assurer la durabilité de l'industrie, compte tenu de la situation financière du gouvernement. Nous devons toujours nous montrer vigilants, afin de garantir que les programmes que nous mettons en place aujourd'hui seront rentables demain.

La réforme des programmes agricoles est indispensable, parce que nous devons être en mesure de défendre le coût du soutien agricole auprès des contribuables, des consommateurs et des générations futures. Les programmes de soutien qui empêchent les agriculteurs et les producteurs de se retrouver dans des situations qui les dépassent sont défendables et souhaitables pour le maintien de notre industrie agricole.

Parmi les programmes de soutien défendables, mentionnons: premièrement, un programme d'assurance-récolte financé par les gouvernements fédéral et provincialet les producteurs, fondé sur un bon calcul actuariel et visant à protéger l'agriculteur contre les désastres naturels, notamment les inondations, le gel ou la sécheresse. J'invite le ministre de l'Agriculture à examiner à quel point, du moins dans ma province, le programme est dévasté par la hausse des primes, la réduction de la protection et les tonnes de formatites administratives. J'informe publiquement le gouvernement et tous les Canadiens qu'au cours de la campagne électorale, les réformistes ont appuyé le programme d'assurance-récolte et se sont engagés à le renforcer.

Deuxièmement, un programme de stabilisation des revenus visant à mieux protéger les agriculteurs contre les cycles inhérents au marché libre. Ce programme partagé entre le gouvernement fédéral et les producteurs devrait être universel et fondé sur toute l'industrie agricole plutôt que sur des produits particuliers. Les producteurs dans les secteurs soumis à la gestion de l'offre devraient avoir accès à ce programme qui fait désormais l'objet d'une tarification. Ce programme aidera également les agriculteurs qui s'apprêtent à prendre leur retraite, puisque les fonds non utilisés pourront être versés dans un REER, si le gouvernement ne décide pas d'abolir le programme des REER.

Le Parti réformiste proposait un troisième programme, le programme d'adaptation à la distorsion des échanges, conçu pour indemniser les producteurs exportateurs et les protéger contre les subventions étrangères. Le programme serait doté d'un mécanisme qui se déclencherait automatiquement en fonction du volume historique des produits exportés. Dans le cadre de ce programme, les producteurs n'auraient pas à verser de primes


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et recevraient les paiements en temps opportun au cours de la période des échanges. Nous avons proposé de ne plus financer le régime universel qui est mal conçu, ni la Loi sur le transport du grain de l'Ouest qui s'érode graduellement. Cela nous permettrait de fournir aux producteurs qui se sentent coincés un outil supérieur à tout ce qui est à leur disposition actuellement, sans frais supplémentaires.

Les réformistes pensent que, si ces programmes améliorés s'adressaient aux producteurs qui en ont le plus besoin, nous en retirerions de grands avantages. Premièrement, les subventions versées aux gens qui en ont le plus besoin sont beaucoup plus efficaces. Deuxièmement, en offrant de l'aide plus directement aux agriculteurs, au lieu de s'en remettre à une lourde bureaucratie, l'argent se rend plus rapidement. Troisièmement, la réduction des frais généraux met plus d'argent à la disposition de ceux qui en ont besoin.

Ce n'est qu'un exemple de la façon dont le gouvernement peut améliorer l'efficacité d'un programme conçu pour ceux qui en ont besoin tout en réduisant le fardeau des contribuables.

Si nous pouvons économiser dans un ministère aussi fondamental et essentiel que le ministère de l'Agriculture, nous pouvons sûrement réaliser de grandes économies dans bien d'autres ministères. Par exemple, le ministère des Affaires indiennes pourrait être, lui aussi, réaménagé. La diminution de son budget pourrait quand même signifier une augmentation des subventions remises aux autochtones. La même chose vaut pour le ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté. Les fonctions justifiables de ce ministère, comme l'enregistrement de la citoyenneté et la protection des droits de la personne, pourraient être confiées à des ministères plus compétents en la matière, comme le ministère de l'Emploi et de l'Immigration ainsi que le ministère de la Justice. De cette façon, on épargnerait tout ce qu'il en coûte ou presque pour faire fonctionner un ministère et on pourrait continuer à offrir des services justifiables.

(1915)

Pour conclure, je répète que si l'on améliore l'efficacité des programmes offerts par le ministère de l'Agriculture au point d'épargner 400 millions de dollars en les réorganisant, on peut certes réaliser aussi des économies dans les autres ministères.

Encore une fois, je tiens à féliciter le gouvernement de tenir le présent débat. J'exhorte le ministre des Finances et le ministre de l'Agriculture à examiner attentivement ces propositions. Je ne présente pas ces propositions pour des raisons partisanes ni pour m'en vanter lorsque des progrès auront été réalisés. Je les présente dans l'intérêt actuel et futur des Canadiens.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell): Monsieur le Président, j'ai écouté ce qu'a dit mon collègue d'en face, notamment au début, lorsqu'il a parlé de réduire et de supprimer certaines échappatoires fiscales, citant quelques exemples à l'appui.

Il me semble que, pas plus tard que l'autre jour, le chef de son propre parti a parlé ici même d'obtenir du gouvernement l'assurance que soit retenue une mesure grâce à laquelle les entreprises de services publics de sa province ne paient pas d'impôts. Je trouve le discours plutôt intéressant à cet égard.

Je voudrais lui poser une question au sujet d'une autre prétendue échappatoire, du moins aux yeux de certains, à savoir l'exemption à vie pour gains en capital. Pour ma part, je considère cette exemption de 500 000 $ comme un instrument très valable pour les agriculteurs, comme une forme de régime de retraite qu'ils accumulent progressivement et qu'ils peuvent garder à l'abri du fisc lorsqu'ils se départissent de leurs avoirs. Un peu comme d'autres personnes, les enseignants et les travailleurs d'usine, par exemple, versent à un régime de retraite des sommes qui ne sont pas imposées.

Est-ce que cette exemption pour gains en capital est au nombre des échappatoires qu'on veut supprimer? Mes collègues et tous les fonctionnaires du ministère des Finances qui nous écoutent en ce moment conviendront-ils que cette exemption doit être maintenue parce qu'elle équivaut à un régime de retraite pour les agriculteurs?

M. Hermanson: Monsieur le Président, je remercie le député pour ses observations.

Le député confond peut-être les allocutions de deux ou trois députés. Je n'ai pas parlé au cours de la mienne d'échappatoires fiscales quoique ce soit là une préoccupation que je partage avec d'autres députés et d'autres Canadiens.

En ce qui concerne les observations du député sur l'exemption pour gains en capital de 100 000 $ ou de 500 000 $, notre parti considère les programmes de ce genre de même que les REER comme des outils permettant aux Canadiens de s'assurer une certaine sécurité plus tard dans la vie afin de ne pas devenir un fardeau pour le reste de la société.

Je crois pouvoir dire sans me tromper que nous, de notre parti, favorisons le maintien de l'exemption de 100 000 $ pour les particuliers et celle de 500 000 $ pour les agriculteurs à qui, comme l'a signalé le député, elle permet de s'assurer une certaine sécurité plus tard dans la vie, lorsqu'ils ne sont plus en affaires et ont vendu leur exploitation ou l'ont cédée à leurs enfants.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à féliciter le député de Kindersley-Lloydminster, surtout pour avoir présenté à la Chambre la position du Parti réformiste sur l'agriculture.

Je suis moi aussi de la Saskatchewan et je sais que l'agriculture reste notre principal secteur d'activité économique. On entend dire beaucoup de choses sur la position du Parti réformiste sur l'agriculture. Aujourd'hui, j'ai pu prendre connaissance de nouveaux détails sur cette position.

(1920)

Je suis tout à fait d'accord avec le député lorsqu'il dit que la majeure partie des systèmes actuels devrait être démantelée. Ces systèmes sont un véritable fouillis bureaucratique. Ils plongent beaucoup d'agriculteurs dans l'incertitude car ceux-ci ne savent pas s'ils doivent demander les fonds et s'ils y ont droit. Très


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souvent, ils ne savent pas avant la campagne suivante. Tous ces systèmes ne servent qu'à créer l'incertitude.

Je crois qu'une partie du problème, c'est que ces systèmes servent surtout à récompenser les plus gros. Environ 25 p. 100 des producteurs se partagent 75 p. 100 des deniers publics injectés dans l'agriculture. Lorsque le montant des paiements est calculé en fonction du nombre d'acres ensemencés ou du nombre de boisseaux produits, les propriétaires de grosses exploitations agricoles reçoivent davantage d'argent que les autres.

Nous croyons que pour garantir la viabilité des collectivités rurales, il faut conserver les exploitations agricoles familiales de taille moyenne. C'est pour cela que dans notre programme électoral, nous proposions une formule où les coûts de production de base correspondaient à un nombre donné de boisseaux. Selon cette formule, les plus gros producteurs devraient assumer eux-mêmes une partie du risque.

Est-ce que le Parti réformiste préconise aussi un plafond aux paiements pour faire en sorte que les deniers publics consacrés à l'agriculture soient mieux répartis entre tous les producteurs?

M. Hermanson: Monsieur le Président, je remercie le député de Regina-Qu'Appelle pour ses commentaires et pour sa question. S'il s'était informé de notre position sur l'agriculture et sur d'autres sujets au cours de la campagne électorale, il saurait que les réformistes préconisent le versement des fonds d'une manière plus bénéfique pour les producteurs. Cela s'applique, à notre avis, dans d'autres domaines aussi. Nous avons même avancé qu'en distribuant mieux les fonds consacrés aux programmes sociaux, nous pourrions peut-être sauver ces programmes et empêcher qu'ils soient minés par le manque de fonds provoqué par la dette croissante.

Je suis d'accord avec le député lorsqu'il dit que certains de nos programmes sont actuellement mal administrés et que l'on a très peu réfléchi au moyen de les rendre plus efficaces. Par exemple, nous avons des programmes agricoles qui nuisent à l'environnement. Ainsi, la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ne prévoit aucune limite à l'aide accordée. Ainsi, quelqu'un peut produire du colza à 12 $ le boisseau et recevoir le même montant que quelqu'un qui produit du blé qu'il réussit difficilement à vendre 2 $ le boisseau.

Nous préconisons la mise en place d'un programme de rajustement des distorsions du marché qui orienterait les fonds vers les producteurs frappés par la guerre commerciale pour les aider à survivre.

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, comme c'est le premier vrai discours que je prononce depuis l'ouverture de la nouvelle législature, je voudrais commencer par vous féliciter, vous et vos collègues, d'avoir été élus et nommés à la présidence. Vous pouvez compter sur mon entière collaboration dans le travail parfois difficile que vous aurez à faire pour maintenir l'ordre et le décorum qui sont si essentiels aux débats parlementaires.

Je veux aussi remercier mes électeurs de la circonscription de Cap-Breton Highlands-Canso de m'avoir de nouveau accordé leur confiance le 25 octobre. Qu'ils m'aient appuyé ou non, je promets à tous les habitants de ma circonscription que je travaillerai le plus fort possible en leur nom à la Chambre des communes et au sein du parti ministériel au cours des quatre prochaines années.

Je suis toujours profondément ému de l'appui, des commentaires et des demandes d'aide que je reçois de mes électeurs. Le fait de représenter les habitants de Cap-Breton Highlands-Canso à la Chambre ces quatre dernières années a été pour moi une source d'inspiration et une expérience très enrichissante. C'est un sentiment que je tenais vraiment à exprimer encore une fois.

Je veux faire quelques remarques au sujet du nouveau climat de collaboration qui règne à la Chambre. C'est très agréable de constater, de la part de tous les partis, cette volonté de participer à des débats sincères et constructifs, ce qui n'était pas le cas durant la dernière législature. Je crois que nous pouvons donner à nos amis d'en face tout le crédit qu'ils méritent, particulièrement les nouveaux députés qui ont montré, d'une façon fort impressionnante, leur détermination de régler les problèmes que nous avons connus dans le passé à la Chambre des communes lorsque nous ne montrions pas aux électeurs que nous prenions au sérieux la tâche qu'ils nous avaient confiée en nous élisant.

(1925)

J'accueille avec plaisir la motion du ministre des Finances et sa décision d'ouvrir le processus budgétaire à une série de vastes consultations d'un bout à l'autre du pays et ici même, à la Chambre des communes. C'est une nouvelle initiative de la part du gouvernement qui reflète bien la nouvelle attitude qu'il a démontrée depuis son accession au pouvoir, cette volonté de consulter les députés et tous les Canadiens et de travailler en collaboration avec eux.

Cette décision porte déjà des fruits à en juger par l'état d'esprit qui règne chez les Canadiens et par le fait qu'ils peuvent constater que les années difficiles sont révolues. Cette attitude commence à se refléter dans les indicateurs économiques et dans le climat de confiance qui se généralise dans l'économie. J'espère que cela facilitera au ministre des Finances la tâche de prendre les décisions difficiles qu'il aura à prendre d'ici quelques semaines.

Le problème le plus grave et le plus difficile auquel le ministre des Finances et l'économie canadienne font face à l'heure actuelle réside évidemment dans le déficit élevé du gouvernement fédéral et dans le déficit que connaissent tous les gouvernements provinciaux au Canada. C'est un grave handicap pour l'économie canadienne. Réduire ce déficit doit être une priorité pour le gouvernement du Canada et pour le ministre des Finances.

Comme le ministre l'a dit au début de la journée, on ne peut pas s'attaquer à ce problème isolément. Le budget ne peut pas se limiter à hausser les impôts ou à réduire radicalement les dépenses sans égard à la nécessité de stimuler la croissance et de créer des emplois dans l'économie canadienne. Le ministre des Finances ne peut pas non plus s'attaquer au déficit au détriment des Canadiens les plus défavorisés. Il faut remédier à ce problème à long terme.


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Nous devons commencer par ce budget. Nous devons proposer des mesures susceptibles de stimuler la croissance, d'accroître la capacité de produire des revenus des Canadiens de sorte que le déficit puisse diminuer en fonction de la croissance de l'économie canadienne. Voilà à mon avis le message sous-jacent qu'il faut adresser au ministre des Finances dans le cadre de son processus de préparation du budget.

Quant aux décisions fondamentales de politique fiscale qui font inévitablement partie du budget, je tiens à m'associer à ceux qui insistent sur la nécessité de simplifier le régime fiscal et d'éliminer les nombreuses échappatoires et les nombreux chevauchements qui se rencontrent dans le régime fiscal fédéral et de travailler à le simplifier toujours davantage.

J'approuve de tout coeur le travail accompli par mon collègue, le député de Broadview-Greenwood, en faveur d'un taux d'imposition unique. Les Canadiens ne tirent pas grand profit des recettes additionnelles suscitées par un régime fiscal régressif très sévère, quand ce régime fiscal est tellement rempli d'échappatoires qu'il encourage l'évasion fiscale chez les contribuables à revenus élevés. Sans mentionner de points précis, j'encourage le ministre des Finances à faire de la simplification du régime fiscal un objectif de ses mesures de politique fiscale.

Le budget ne se limitera pas à des mesures fiscales et à des prévisions de dépenses, aussi importantes qu'elles puissent être.

(1930)

Ce que doit faire ce budget, le premier du mandat du gouvernement, c'est jeter les bases de la croissance au Canada. Une façon d'y arriver, c'est de revoir les nombreux éléments de la politique gouvernementale qui, d'une manière ou d'une autre, ont entravé la croissance. Je songe par exemple aux impôts excessifs dont sont frappées les petites entreprises ou aux innombrables complications de programmes comme l'assurance-chômage.

Je suis très heureux de faire partie du comité qui étudiera la réforme de l'ensemble de la sécurité sociale au Canada, y compris le régime d'assurance-chômage. Je crois qu'il y a du travail à faire de ce côté-là pour rationaliser et simplifier les programmes, pour les rendre moins nuisibles pour la croissance et la création d'emplois.

Je crois que des jeunes dans bien des régions du Canada sont piégés par le règlement de l'assurance-chômage, qui les détourne des études et les encourage à accepter des emplois qui ne sont que des impasses. Il incite même les entreprises à fournir ce genre d'emplois, puisque c'est avantageux. Nous devons essayer d'éliminer les effets dissuasifs de ce programme et d'autres programmes semblables afin d'encourager la création des types d'emplois dont les Canadiens auront besoin à l'avenir.

Je ne saurais conclure sans préciser que ce n'est là qu'une partie de l'équation. L'équation comprend un autre élément, et le gouvernement a un rôle très important à jouer à cet égard, pour favoriser les industries de l'avenir. Il faut veiller à ce que toutes les régions du Canada profitent de ces industries de l'avenir.

Rien de plus facile que d'oublier l'Est et l'Ouest, puisque c'est dans le Canada central que se concentrent les industries manufacturières. Je viens de l'Est, où l'économie dépend de l'exploitation des ressources, secteur qui a été réduit à néant.

Les pêches sont la principale source d'emplois dans ma propre circonscription. Or, ce secteur a été anéanti au cours des quatre dernières années. L'exploitation forestière au Canada, y compris dans ma circonscription, est une industrie qui a connu de très graves difficultés.

Le Canada atlantique doit trouver des mesures que le gouvernement doit promouvoir et qui aideront la région à participer de cette économie de l'avenir, de manière qu'elle ne soit pas toujours la région du Canada qui se considère comme démunie. À ce propos, le budget pourrait prévoir des mesures pour amorcer le processus.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, je félicite le député de son discours. Je suis tout à fait d'accord avec lui pour dire qu'il faut songer sérieusement à réformer le régime fiscal. Je félicite également le député de Broadview-Greenwood de son travail sur l'impôt unique. J'estime que c'est une excellente solution.

Je conviens aussi qu'il faut réformer le régime d'assurance-chômage et supprimer ses nombreuses dispositions qui n'incitent pas les chômeurs à travailler.

La question que je veux poser au député a trait à l'infrastructure. Il a dit qu'il appuyait le programme d'infrastructure du gouvernement. Croit-il que le gouvernement dépensera à meilleur escient les 6 milliards de dollars qui seront fournis par les contribuables pour le programme d'infrastructure que ne le feraient les contribuables, les investisseurs et les petits entrepreneurs?

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, le programme d'infrastructure que le gouvernement a mis en place est exactement le stimulant qu'il faut à l'heure actuelle pour relancer l'économie, créer des emplois et redonner confiance aux collectivités qui en ont le plus besoin.

(1935)

Le programme aura des retombées dans ces collectivités sur le plan de la création d'emplois. Des infrastructures seront construites, et tout le monde en profitera. L'argent que la construction amènera sera recyclé dans les collectivités. Grâce à la construction des infrastructures, les collectivités acquerront une expérience qui leur permettra d'être plus concurrentielles.

Tel est l'objectif du programme. À lui seul, il ne mettra pas fin à la récession, mais il constitue une importante initiative à court terme dans le cadre du plan de relance du gouvernement.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt ce qu'a dit mon collègue de Cap-Breton Highlands-Canso.


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Ces dernières années, il a apporté une contribution importante de ce côté-ci de la Chambre. Quand nous étions dans l'opposition, il veillait à donner un certain sens de la réalité aux débats que nous avions sur les questions économiques portant notamment sur la réforme fiscale, la restructuration fondamentale de l'économie et les problèmes, comme celui de la réforme de l'assurance-chômage. Il veillait à ce que nos interventions ne soient pas que des bravades de la part de l'oppositon.

Je suis heureux de voir qu'il s'apprête à faire une contribution importante à la restructuration de l'ensemble de nos programmes sociaux décrits par le ministre.

Je voudrais lui poser une question sur un point. Le gouvernement est manifestement confronté à deux problèmes. Le premier est celui des dépenses. Si on regarde les graphiques des 20 dernières années, on observe en fait une diminution du pourcentage des crédits consacrés dans l'ensemble par le gouvernement aux programmes sociaux.

Contrairement à ce que les députés du Parti réformiste et d'autres peuvent penser, nous n'avons pas perdu le contrôle des dépenses publiques. Au contraire. Le problème, c'est le deuxième, celui de la production de recettes.

Ces dernières années, nous avons vu les gouvernements qui se sont succédé, y compris les gouvernements libéraux, il y a quelques années, tenter de remanier le régime fiscal. Il semble que chaque fois que l'on essaie d'apporter des changements même modestes à la fiscalité, ce soit au détriment de la classe moyenne.

Beaucoup de gens ont tendance à penser que la récession est tenace et que si nous n'en sortons pas très vite, c'est à cause de la charge fiscale qui pèse trop lourdement sur les catégories de consommateurs. Je suis d'accord sur ce qu'a dit mon collègue au sujet des efforts du député de Broadview-Greenwood qui a au moins mis de l'avant une proposition semblant aller dans la bonne direction: la mise en place d'un impôt unique.

Je voudrais lui demander s'il pense qu'un type de programme ne prévoyant aucune augmentation d'impôts permettrait au gouvernement fédéral de percevoir autant d'impôts que l'activité économique lui permet d'en percevoir aujourd'hui. Pense-t-il qu'un système d'impôt unique aurait pour effet de réduire les cas d'évasion fiscale qu'entraîne actuellement l'économie parallèle?

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute qu'un régime fiscal plus simple et plus exhaustif réduirait de beaucoup les cas d'évasion et d'évitement fiscaux.

C'est précisément le genre de système que nous avions commencé à élaborer, au début des années 60, avec la commission Carter qui avait présenté des propositions de réforme fiscale au Canada. L'idée s'est dissipée peu à peu au fil des ans.

Ce que disent le député de Broadview-Greenwood et d'autres partisans d'une simplification du régime fiscal sous une forme ou une autre, c'est qu'en conférant à celui-ci un caractère plus exhaustif, on peut abaisser les taux d'imposition et alléger ainsi le fardeau des contribuables de la classe moyenne, voire de l'ensemble des Canadiens.

De même, on peut éliminer une bonne partie de l'activité non productive qui permet d'éluder l'impôt, qui prive l'économie d'encore plus de recettes fiscales, qui supprime des emplois et qui freine l'activité économique réelle.

M. George S. Rideout (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles): Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de prendre la parole à la Chambre et de pouvoir expliquer son point de vue.

Il est particulièrement exceptionnel de pouvoir parler du budget et du processus prébudgétaire. Habituellement, nous étions pris à l'improviste et devions réagir après coup. Je félicite donc le ministre des Finances et le gouvernement d'avoir le courage de leurs opinions et de faire en sorte que le Parlement fonctionne au lieu de simplement approuver des décisions sans discussion.

(1940)

Le processus prébudgétaire permet également de réévaluer le fonctionnement du gouvernement. Il ne s'agit pas seulement d'examiner des chiffres, mais aussi toute la notion de la vraie définition d'un gouvernement. En écoutant le débat aujourd'hui, j'ai entendu une foule d'idées réellement bonnes, quelques bonnes suggestions, d'autres loufoques mais, dans l'ensemble, de bonnes suggestions sur la façon dont nous pourrions mieux faire fonctionner le gouvernement.

Aux dires du Parti réformiste, la seule solution est de réduire les dépenses. Or, je pense que nous avons d'autres possibilités. Mon collègue de Dartmouth en a parlé.

Nous devons repenser la façon dont nous gouvernons et aussi, de temps à autre, remonter à la première ligne du bilan pour déterminer comment nous pourrions rendre l'économie du pays plus productive et, partant, le gouvernement plus productif, pour qu'il y ait un afflux de capitaux.

À mon avis, le rôle crucial du gouvernement est résumé dans une publication récente intitulée Re-Inventing Government. On y fait valoir un argument auquel nous devrions réfléchir: «Le mot gouverner vient d'un mot grec qui signifie diriger. Le gouvernement a pour rôle de diriger la barque, et non de ramer. Assurer des services, c'est ramer; or, le gouvernement n'est pas à sa place dans ce rôle.»

Ce que nous devons faire, c'est donner l'orientation générale, la direction à suivre. Je vais donc parler de quelques-uns de ces aspects et de certaines notions qui sont peut-être ou non un peu exceptionnelles.

Il est incroyable qu'un Canadien de la région de l'Atlantique puisse parler ainsi, mais je pense que nous devrions songer à repenser le rôle du gouvernement lorsqu'il tente de favoriser la croissance économique en accordant aux entreprises des subventions, des garanties d'emprunt, des reports d'intérêts et des choses de ce genre. Si les entreprises ne peuvent pas se passer de ces formes d'aide, elles s'écrouleront peu de temps après.


762

Nous devons donc jeter un coup d'oeil sur la façon dont nous gouvernons.

[Français]

Le gouvernement doit réévaluer sa mission et voilà la meilleure façon de la réaliser. Tous les gouvernements doivent travailler ensemble pour enrayer les chevauchements.

[Traduction]

Il y a beaucoup de chevauchements entre ce que font les provinces et ce que nous faisons. C'est l'un des points que nous devons examiner au moment de la réévaluation et de la restructuration du gouvernement.

Nous devons aussi examiner certains aspects de la scène fédérale qui feront peut-être une différence. Nous devons rendre le gouvernement plus compétitif. Nous devrions peut-être obliger les ministères fédéraux à soumissionner pour des contrats qu'ils obtiennent automatiquement, à l'heure actuelle, simplement parce qu'ils représentent le gouvernement. Il faudrait les laisser livrer concurrence au secteur privé, afin de voir si nous pouvons tirer un meilleur rendement de l'argent des contribuables.

Nous devrions aussi examiner le budget et nous demander pourquoi il faudrait tolérer les dépenses frénétiques qui sont faites de février à la fin de mars dans le seul but de s'assurer de bien épuiser tous les fonds, de ne plus avoir un sou dans le budget. Nous devrions peut-être adopter une règle qui autoriserait les ministères qui n'épuisent pas tous les crédits budgétaires accordés pour l'année à reporter ces crédits à l'année suivante. Ils devraient, bien entendu, justifier l'utilisation faite de cet argent, mais ne se sentiraient plus obligés de tout le dépenser en février et en mars. Ils pourraient encore l'utiliser l'année suivante.

Quand nous voyons que le rapport du vérificateur général reproche au gouvernement la façon dont il dépense les fonds, les fins auxquelles il les dépense et sa manie de faire des choses inutiles, pour changer, pourquoi ne demandons-nous pas aux gens que sert le gouvernement s'ils sont satisfaits de ses services? S'ils ne le sont pas, nous devrions peut-être commencer par réévaluer les services offerts par le gouvernement et peut-être les gens qui assurent ces services.

Il serait intéressant de connaître le degré de satisfaction des clients du gouvernement, entre autres des particuliers et des entreprises, de tous les gens qui font affaire régulièrement avec le gouvernement ou qui ne font affaire avec lui qu'à l'occasion. Au lieu de regarder l'argent dépensé et les réductions que l'on pourrait faire, nous devrions peut-être nous demander si nous offrons, en fait, un bon service.

Nous devons commencer à investir dans nos petites et nos moyennes entreprises et envisager de nouvelles façons de faire. J'ai déjà dit que, nous ne devrions plus nous occuper des subventions. Il s'agit là d'un processus dont le pays devrait apprendre à se passer. À la longue, c'est l'établissement de systèmes de capital de risque dans tout le Canada qui va se révéler la meilleure solution.

(1945)

Je veux en proposer un qui pourrait fonctionner, à mon avis. Pour le réaliser, il faudra modifier les règles fiscales et faire preuve d'un certain courage, mais je crois que nous pouvons utiliser comme modèle la suggestion d'un entrepreneur de Moncton, M. Dick Carpenter. Celui-ci a suggéré de constituer une organisation pour les gens qui veulent investir de l'argent, pour ceux qui ont des idées mais qui ont besoin d'argent pour démarrer parce que les banques ne veulent pas leur en prêter. Ce que nous voulons créer, c'est un système qui permettrait aux gens de bénéficier d'un crédit d'impôt s'ils prêtent de l'argent.

Pour ce faire, il faudrait modifier le régime fiscal des provinces et du gouvernement fédéral. Ces fonds qui seraient investis dans le système de capital de risque seraient en outre garantis par des organismes comme l'APECA et le bureau de diversification de l'économie de l'Ouest. Par conséquent, la personne qui investirait dans la société de capital de risque ne courrait pas le danger de tout perdre. Elle bénéficierait d'un crédit d'impôt et d'une garantie d'une partie de son investissement par l'APECA. Ainsi, l'APECA viendrait appuyer le processus plutôt que le diriger. À mon avis, ce serait une bonne façon de procéder.

J'ai très peu de temps; c'est pourquoi je veux passer rapidement à une autre question qui m'intéresse, et qui a trait à mon rôle de secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles.

Il y a une chose dont nous ne nous rendons pas compte, dans notre pays, parce que nous n'avons d'yeux que pour la technologie de pointe et toutes ces nouveautés excitantes: les industries d'exploitation des ressources de notre pays fournissent un million d'emplois et ce, dans quelque 500 localités. En 1992, ce secteur représentait 14 p. 100 du PIB et a engendré des bénéfices de 69 milliards de dollars.

Les statistiques montrent que l'excédent commercial dont nous parlons, qui influe sur la situation économique du Canada sur les plans intérieur et extérieur, dépend en grande partie des ressources naturelles. Depuis 100 ans, les ressources naturelles constituent la base de l'économie canadienne.

Nous devons nous assurer que les changements que contiendra le budget et les orientations que nous suivrons nous permettront de demeurer compétitifs sur la scène internationale, de tenir compte des questions environnementales, de préserver nos ressources naturelles et la façon dont nous les utilisons, afin d'assurer un développement durable. Nous devons aussi enrayer immédiatement la fuite des capitaux vers l'étranger. À l'heure actuelle les Canadiens n'investissent pas dans leurs ressources naturelles mais dans celles des autres pays.

Le système fiscal doit être modifié afin de permettre aux Canadiens d'investir et de réinvestir dans les ressources naturelles du Canada. Nous devons aussi investir dans la recherche et le développement dans le secteur des ressources naturelles afin de disposer d'une technologie exportable dans le monde entier.


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Nous devons également faire en sorte que le système fiscal encourage la recherche et le développement dans l'entreprise privée, en lui accordant des crédits d'impôt et d'autres avantages de ce genre.

Au lieu de mettre l'accent exclusivement sur les réductions et les aspects négatifs, intéressons-nous plutôt aux aspects positifs. Nous avons un pays magnifique doté de ressources abondantes et d'une base de connaissances considérable. Le Canada a la possibilité d'entrer dans le XXIe siècle en tant que puissance économique dynamique. Si nous écoutons ceux qui disent que nous ne sommes pas capables, qu'il faut réduire les coûts, que nous allons échouer, alors nous échouerons certainement.

Je crois en ce pays et je crois que le prochain budget va nous mettre sur la bonne voie.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Monsieur le Président, le discours de mon collègue m'a amené à réfléchir sur la question des richesses naturelles. J'abonderais dans le même sens que lui, mais j'aimerais peut-être qu'on découvre la façon de permettre que les gains de productivité qui ont été faits au cours des dernières années, qui vont se faire au cours des prochaines années, par la machinerie, puissent retourner aux travailleurs de la forêt. Parce que présentement ce qui se passe, c'est qu'on abat beaucoup plus d'arbres avec une machine et avec beaucoup moins de monde, mais le gain de productivité qui en résulte demeure dans les compagnies et n'est pas réinvesti dans la main-d'oeuvre qui est mise à pied, et que bien souvent on fait végéter par le chômage ou par l'aide sociale.

Il m'apparaîtrait important que dans le budget on trouve des mécanismes afin qu'au niveau fiscal ou autrement, on puisse redonner de l'emploi aux travailleurs, dans le domaine forestier, par exemple. Tout le monde ne peut pas être recyclé en haute technologie, il y a des gens qui vont toujours avoir le goût et le talent pour travailler en forêt, pour faire de l'aménagement forestier.

(1950)

À cet égard, je rejoins le député qui m'a précédé pour dire qu'il m'apparaîtrait pertinent qu'on trouve le truc, qu'on trouve les façons pour que ces travailleurs-là soient mis à contribution et que de cette façon-là on permette à la forêt de se régénérer afin que la forêt du XXIe siècle réponde aux exigences. Présentement, avec les très grandes exportations de bois d'oeuvre qu'on achemine vers les États-Unis, entre autres, il y a danger de rupture de stock à un moment donné, et cela, il faut y faire face de façon significative.

L'autre réflexion que son discours m'a apportée, c'est que ce serait peut-être une bonne idée que le fédéral, et à la limite le provincial aussi, se retire de certains champs de taxation pour permettre aux gouvernements locaux de gérer des équipements qui leur sont propres. Et l'exemple que j'ai à cet égard vient évidemment de ma circonscription, et c'est toujours la question des quais. C'est assez aberrant qu'un quai, à 300 kilomètres de Québec, à 800 kilomètres d'Ottawa, soit géré par des fonctionnaires qui n'en ont que des photos et des plans et qui n'ont pas de préoccupations quotidiennes par rapport à la vie de cette installation, de cette infrastructure physique et de l'importance que cela peut avoir dans une communauté. En ce sens, j'invite le gouvernement à réfléchir à la pertinence de se retirer des champs d'activité où, finalement, il ne peut être efficace, comme mon collègue l'a dit précédemment.

[Traduction]

M. Rideout: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je pense qu'elle met en lumière un certain nombre de choses sans entrer dans les détails, afin de permettre d'autres questions.

Il parle dans sa seconde question d'harmonisation. En ce qui concerne les chevauchements qui existent au niveau gouvernemental, nous avons là une excellente occasion d'harmoniser le régime fiscal, la réglementation, et de prendre des mesures communes dans un certain nombre de domaines. Si nous y parvenons, je pense que nous pourrons réaliser d'excellentes choses.

Je crois que dans certains cas, le gouvernement fédéral pourrait se retirer de certains champs d'imposition au profit du gouvernement provincial. Le député a parlé du secteur forestier et de l'exploitation forestière en général et on peut se demander si nous avons besoin de deux ministères, un fédéral et un provincial. En ce sens, nous devons peut-être trouver une façon plus efficace de s'occuper de ces questions.

Toutes les industries primaires peuvent sans aucun doute permettre de créer un grand nombre d'emplois. Il s'agit de savoir quelle est la meilleure façon de rendre notre secteur forestier compétitif. En toute franchise, j'ajoute que cela va exiger une mécanisation accrue et plus de recherche et de développement, afin que nous puissions être compétitifs sur le marché mondial.

Nous devons trouver des façons de mieux exploiter nos forêts, d'établir un secteur forestier plus important et créer des emplois de cette façon plutôt qu'au détriment de la rentabilité du secteur forestier. Il faut parvenir à l'équilibre voulu.

Je remercie mon honorable collègue de ses propositions. Je suis persuadé que le ministre des Finances en tiendra compte également.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, permettez-moi d'aborder un aspect non négligeable de la question débattue ici aujourd'hui, à savoir la relation étroite qui existe entre la situation économique, les finances publiques et le commerce international.

D'entrée de jeu, je crois qu'il n'est pas superflu de signaler ici, afin d'illustrer concrètement cette relation étroite dont je viens de faire état, que la situation désastreuse des finances publiques du Canada affecte la compétitivité des entreprises canadiennes et québécoises sur les marchés étrangers. Vous me permettrez donc de situer le problème des finances publiques et de la dette canadienne dans une perspective internationale.

La dette publique nette du Canada atteint aujourd'hui plus de 70 p. 100 du Produit intérieur brut. À ce niveau, un tel ratio dépasse de beaucoup la moyenne des 17 pays industrialisés de l'OCDE. Par ailleurs, 25,8 p. 100 des titres émis par le gouverne-


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ment canadien pour assumer le financement de ses déficits sont détenus par des intérêts étrangers.

(1955)

Cela signifie, en termes concrets, que nous versons en intérêts, chaque année, plus de 10 milliards de dollars à nos créanciers internationaux. Le problème est donc d'envergure, ce que certaines institutions financières, dont le Fonds monétaire international, n'ont pas manqué de nous signaler d'ailleurs. Le 11 février dernier, en effet, le FMI soumettait au gouvernement canadien un rapport confidentiel sur la situation économique du pays, et particulièrement sur le problème de la dette publique.

Entre autres recommandations, le FMI conseillait au Canada de résoudre ce problème considéré comme une source de préoccupations pour la situation économique canadienne. Il ne fallait pas se surprendre de la teneur de ce rapport puisqu'il s'agissait déjà du troisième avertissement que le FMI adressait au Canada à propos de sa dette publique.

Les gouvernements canadien et provinciaux empruntent massivement sur le marché domestique et poussent à la hausse les taux d'intérêt, privant ainsi les entreprises québécoises et canadiennes du capital nécessaire pour assurer le renouvellement des infrastructures de production et pour investir dans de nouvelles méthodes de production plus efficaces.

Par ailleurs, les bons du Trésor du Canada, pour être attrayants aux yeux des investisseurs étrangers, doivent être porteurs de taux d'intérêt élevés, ce qui pousse à la hausse la valeur du dollar canadien sur les marchés de change internationaux et nuit à la compétitivité des produits québécois et canadiens sur les marchés internationaux.

Reprendre le contrôle sur les déficits récurrents du Canada contribuerait ainsi à rendre disponible aux entreprises, et à meilleurs coûts, le capital nécessaire à leur modernisation, et à rendre plus compétitif le dollar canadien face aux devises de nos principaux partenaires commerciaux.

Si le problème de la dette publique occasionne des pertes de compétitivité de nos entreprises sur les marchés internationaux, le commerce international, à l'inverse, pourrait très bien s'avérer être l'une des solutions au problème de la dette publique canadienne.

En effet, les exportations canadiennes ont progressé de façon fulgurante dans les dix premiers mois de 1993. Selon toutes probabilités, la hausse enregistrée, qui est de l'ordre de 16 p. 100 par rapport à 1992, devrait mener le Canada à une année record au niveau de ses exportations de biens et services.

Il est important de prendre conscience des effets directs des exportations de biens et services sur la création d'emplois et la création de richesse. Selon des études récentes, dont fait état le Bureau de la statistique du Québec, chaque hausse de nos exportations de l'ordre de 10 millions de dollars entraîne la création de plus de 100 emplois directs. En outre, ces 10 millions de dollars contiendraient plus de 6 millions de dollars en valeur ajoutée.

La corrélation entre augmentation des exportations et assainissement des finances publiques ne peut donc faire de doute. L'augmentation du volume des exportations contribue à la création d'emplois, donc à une réduction des dépenses de l'État en programmes sociaux tels l'assurance-chômage, l'aide sociale ou les soins de santé et, conséquemment, à une augmentation des rentrées fiscales dans les coffres de l'État due à la présence d'un plus grand nombre de contribuables sur le marché du travail.

Le gouvernement doit donc envisager le commerce international comme un facteur essentiel de croissance économique, d'autant plus que l'économie canadienne est largement tributaire de ses exportations de biens et services, le quart de son PIB y étant directement attribuable. Notons que l'économie québécoise est également tributaire des exportations de biens et services, à raison de près de 16 p. 100 de son PIB.

Il ne faut donc pas se surprendre de l'accueil chaleureux et de l'appui sans équivoque qu'on a pu constater au Québec, tant dans les milieux fédéralistes que souverainistes, à l'égard de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis dans un premier temps, puis à l'Accord de libre-échange nord-américain.

Les Québécoises et les Québécois ont bien compris que seul l'accès à de grands marchés est en mesure de permettre à une petite société de 7 millions d'habitants d'assurer son développement économique.

À cet égard, il est étrange de constater le peu d'enthousiasme du Canada anglais à l'égard de ces ententes commerciales. Il est pourtant évident, et les chiffres de la récente hausse de nos exportations et de ses impacts positifs sur l'économie du Canada le montrent, qu'un meilleur accès à des marchés dynamiques constitue une source d'accroissement de la richesse du pays.

Le gouvernement doit donc se pencher sans tarder sur les mesures à mettre de l'avant afin de favoriser le commerce international. Il doit, notamment, entreprendre une révision en profondeur des programmes d'aide aux petites et moyennes entreprises qui constituent le moteur de l'activité économique au Québec et au Canada, de même que la source numéro un de création d'emplois.

Cette révision doit s'effectuer avec la préoccupation constante d'éliminer les multiples chevauchements et dédoublements existants entre le gouvernement fédéral et certaines provinces. Les ressources doivent être affectées de manière optimale en fonction des besoins réels des entreprises. Les provinces qui le désirent devraient gérer ces ressources directement de façon à assurer une meilleure adaptation aux réalités économiques régionales.

D'autre part, le gouvernement devra veiller à ce que les programmes d'aide aux entreprises tiennent compte du secteur des services qui prend de plus en plus d'importance dans les exportations internationales.

(2000)

En terminant, il y a lieu de s'interroger une fois de plus sur la stratégie que poursuit le gouvernement en demandant au Parlement de s'engager dans ce nouveau débat sur les finances publiques. On doit, bien sûr, saluer cette nouvelle approche qu'introduit le gouvernement, laquelle témoigne d'une plus grande ouverture d'esprit et d'un respect du processus démocratique.

Cependant, devant l'ampleur de la catastrophe qui affecte les finances publiques fédérales et compte tenu de la détermination affichée par le Parti libéral au cours de la campagne électorale, nous étions en droit de nous attendre à ce que le gouvernement mette en place un processus de consultation beaucoup plus


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considérable. Dans les circonstances, il aurait été approprié de déployer des mesures adaptées à la gravité de la situation.

Nous aurions souhaité que le gouvernement donne suite à la requête formulée par le Bloc québécois depuis quelques mois déjà, à savoir de constituer un comité parlementaire spécial chargé d'examiner poste par poste chacune des dépenses fiscales et budgétaires du gouvernement fédéral. Le Parti réformiste, par la voix de la députée de Calgary-Nord, en réponse à une question que je lui adressais le 21 janvier dernier, et, plus tôt aujourd'hui, par la voix du député de Lethbridge en réponse à une question de mon collègue de Saint-Hyacinthe-Bagot, a déjà indiqué qu'il serait disposé à prendre part à un tel exercice.

Fort d'une telle unanimité, le gouvernement avait la chance d'entreprendre une consultation d'une ampleur jamais égalée dans l'histoire de ce pays afin de débusquer toutes les sources de gaspillage, de dédoublements coûteux ainsi que les dépenses somptuaires et superflues.

Une telle opération aurait permis au gouvernement d'éviter de devoir envisager l'adoption de solutions faciles, comme l'augmentation du fardeau fiscal déjà trop lourd des contribuables ou des coupes sombres dans les programmes sociaux.

Le gouvernement a plutôt choisi la solution facile: business, as usual! Ce gouvernement n'a pourtant pas été élu pour manquer d'audace et de détermination. On ne s'attendait certainement pas de sa part à ce qu'il poursuive candidement une politique traditionnelle de gestion à la petite semaine.

Pour toute réponse à cette proposition mise de l'avant par l'opposition, le gouvernement se réfugie derrière le budget qu'il doit déposer d'ici quelques jours. Eh bien soit, ce budget, nous l'attendrons patiemment, mais nous l'attendrons de pied ferme.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, je suis heureux de constater que l'esprit cordial qui s'est manifesté au début de nos travaux est évident dans le discours du député.

Je m'empresse de préciser que le gouvernement ne croit pas que tout se passe comme à l'habitude. Nous avons souffert pendant neuf ans de la mauvaise gestion de l'économie par les conservateurs, nous avons été témoins d'une récession produite par le gouvernement, nous avons constamment vu les piètres politiques mises en oeuvre par l'ancien gouvernement, politiques, soit dit en passant, appuyées par l'actuel chef du Bloc québécois, qui est aujourd'hui chef de l'opposition officielle.

Certains des nouveaux députés de ce côté-ci de la Chambre conçoivent mal que les députés du Bloc québécois fassent des remontrances sur ce qui va mal au Canada. Ces députés du Bloc disent que l'économie canadienne a été mal gérée et que si seulement c'était eux qui dirigeaient, la situation serait nettement meilleure.

Je signale au député d'en face qu'un grand nombre de ses collègues, en fait, les seuls qui aient de l'expérience de ce côté-là de la Chambre sauf un, ont siégé comme conservateurs et, à maintes reprises, au cours des débats à la Chambre, ces députés, du temps qu'ils étaient conservateurs, ont appuyé ces mêmes politiques qui nous ont mis dans le pétrin où nous sommes aujourd'hui. Je comprends que le député est nouveau à la Chambre. Il a des arguments très convaincants et je suis heureux qu'il les ait présentés dans le débat aujourd'hui, mais il doit admettre qu'on ne peut jouer sur deux tableaux à la fois.

Les plus ardents partisans du Bloc québécois à la Chambre sont ceux-là mêmes qui ont été candidats conservateurs en 1984 ou en 1988. En effet, certains d'entre eux étaient dans le Cabinet de l'ancien gouvernement qui a adopté toutes ces mesures, des mesures qui ont fait péricliter non seulement l'économie québécoise, mais aussi celle de toutes les provinces canadiennes.

Je tiens à dire au député que la situation n'est pas normale. Le gouvernement a été élu parce qu'il offrait de l'espoir et ce, à chaque province du Canada.

Je peux vous en dire long sur les problèmes terribles qui assaillent la région canadienne de l'Atlantique, mais je sais que l'idéal que visent la politique et les programmes de notre gouvernement et, en fait, le recours aux débats libres du genre de celui-ci, montrent à quel point les temps ont changé.

La Chambre n'est plus la même. Le gouvernement a changé. Nous avons obtenu l'appui de près de 70 p. 100 des électeurs et cela, même dans la province de Québec.

(2005)

Je dirai au député que c'est le début d'un temps nouveau riche en changements de toutes sortes. Je crois que s'il nous écoute attentivement jusqu'au bout, il verra que les démarches et les mesures qui sont dans l'intérêt supérieur des Québécois sont les mêmes que celles qui visent l'intérêt supérieur des Néo-Écossais, des Terre-Neuviens, des Canadiens des Territoires du Nord-Ouest et de la Colombie-Britannique. Elles sont bonnes pour tous les Canadiens.

Pour terminer, je demanderai au député-je suis persuadé qu'il est nettement en faveur de la séparation du Québec-de m'expliquer en quoi la séparation-car il ne s'agit pas de la souveraineté-association-sert l'intérêt économique supérieur des Québécois, alors qu'il sait pertinemment qu'elle entraînera une instabilité du marché international des investissements et, du moins à court terme, la perte d'emplois au Québec comme dans le reste du Canada.

[Français]

M. Bergeron: Si vous me le permettez, monsieur le Président, j'aimerais avoir le temps de répondre à toutes les choses que mon honorable collègue vient de dire.

D'abord, je constate avec un plaisir non dissimulé qu'à chaque fois qu'on a l'occasion de faire des interventions, lui et moi sommes toujours ensemble et je me demande si cela va se poursuivre ainsi longtemps. Je ne trouve pas cela désagréable, je dois vous le dire, mais je trouve intéressant toutefois de voir que le député a perdu un peu son calme et a cherché immédiatement à


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défendre son gouvernement. Serait-ce que son gouvernement aurait quelque chose à défendre?

D'autre part, mon honorable collègue a pris une grande partie du temps de son intervention pour expliquer que certains députés de notre formation politique étaient autrefois membres d'un autre parti qu'ils ont, je dois le rappeler à mon collègue, quitté peut-être parce que depuis lors ils ont compris quelque chose. Il ne faudrait pas revenir indéfiniment là-dessus parce que le fait qu'ils siègent maintenant de ce côté-ci de la Chambre, sous l'étiquette du Bloc québécois, signifie peut-être qu'un processus de réflexion s'est opéré chez eux, qu'ils ont peut-être pris conscience d'un état de fait qui les a amenés à aller plus loin quant à leur position sur l'avenir politique et constitutionnel du Canada et du Québec.

Je rappellerais à mon collègue que le gouvernement qui a amorcé la spirale de l'endettement au Canada n'est pas le gouvernement conservateur, qu'il se plaint d'avoir supporté pendant neuf ans. C'est le gouvernement libéral qui précédait le gouvernement conservateur qui en est responsable.

Des voix: Bravo!

M. Bergeron: On mettait en doute tout à l'heure mon droit, comme parlementaire, à exprimer ici mon point de vue sur les questions qui devraient être abordées pour l'avenir économique du Canada, et conséquemment du Québec, parce que le Québec fait toujours partie de ce pays qui s'appelle le Canada.

Je trouve odieux de la part du député qu'il ait remis en question la possibilité pour les députés du Bloc québécois de s'exprimer en Chambre sur l'avenir économique de ce pays. On a le droit, et si vous avez fait attention quelques instants au discours que j'ai prononcé, vous allez peut-être trouver là-dedans-et vous auriez peut-être intérêt à le relire-des pistes intéressantes pour remettre le Canada sur ses rails.

D'autre part, je voudrais signaler que l'argumentation qui a été développée par mon collègue ne se rapportait peu ou pas au discours que j'ai prononcé, et je dois le déplorer.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, comme l'ont souligné mes collègues, la situation économique qui prévaut actuellement au Québec et au Canada est peu reluisante. Le taux de chômage dépasse les 11 p. 100 et le déficit récurrent du gouvernement fédéral ne cesse de croître. Derrière ces chiffres se cache une réalité de moins en moins tolérable. La pauvreté s'installe parmi la classe moyenne et l'urgence d'agir ne fait plus aucun doute.

Dans un contexte de rareté des ressources financières, toutefois, l'intervention gouvernementale doit être bien ciblée pour atteindre un maximum d'efficacité.

Tel que mes collègues l'ont mentionné, le déficit fédéral résulte à la fois d'un problème structurel et d'un problème. . .

Monsieur le Président, est-ce que vous pourriez demander au député de Kingston et les Îles d'aller cuver son vin en dehors de cette enceinte. Pour un candidat. . .

Une voix: Il y a beaucoup de digestifs et d'apéritifs.

Le président suppléant (M. Kilger): Je sais que parfois les députés veulent aller continuer des pourparlers entre eux, mais dans des circonstances, à ce moment-ci, que je ne connais pas.

(2010)

Je note que les députés en question se sont retirés. Je demande donc au député de poursuivre son exposé.

M. Guimond: Donc, monsieur le Président, le déficit fédéral résulte à la fois d'un problème structurel et d'un problème conjoncturel. Je m'attarderai sur ce dernier point.

Le déficit conjoncturel du Canada est énorme. Il représente environ la moitié du déficit fédéral. Nous devons réagir dès aujourd'hui avant d'hypothéquer l'avenir des générations qui vont suivre. Il nous faut investir dans des projets créateurs d'emplois durables, dans des secteurs d'avenir qui sauront mettre en valeur notre créativité. Nous devons profiter de notre expertise et des avantages comparatifs que nous avons su développer au cours des dernières décennies. Nous devons favoriser des projets pour lesquels le Québec et le Canada auront une renommée internationale qui leur permettra d'exporter leurs technologies.

La relance économique passe par des projets structurants, des projets qui mettront en valeur des secteurs industriels porteurs d'avenir. Le Bloc québécois propose un projet qui répond à ces deux critères: l'implantation du train à grande vitesse dans le corridor Québec-Windsor.

Pour relancer la croissance et l'emploi, le gouvernement libéral reconnaît l'importance d'investir dans des programmes d'infrastructure. C'est aussi l'avis du Bloc québécois. Cependant, notre conception des infrastructures est plus large que celle du gouvernement libéral qui semble vouloir se limiter à la réfection du réseau routier. Nous reconnaissons l'importance d'entretenir le réseau routier partout au Canada et au Québec. L'étendue du territoire à couvrir est appréciable et la qualité du réseau routier est indispensable pour réduire les coûts de transport.

Toutefois, les travaux de réfection du réseau routier seront nettement insuffisants pour soutenir la relance de l'économie. L'entretien des routes ne permet pas la création d'emplois permanents. Le TGV est un exemple du type d'investissement dont l'économie a besoin.

Le TGV Québec-Windsor coûterait près de 7,5 milliards sur 10 ans. Il serait financé à 70 p. 100 par le secteur privé, et le 30 p. 100 restant, soit environ 2,3 milliards, proviendrait des gouvernements du Québec, de l'Ontario et du fédéral. En s'impliquant dans le projet TGV, le gouvernement contribuera à stimuler un investissement privé de 5,3 milliards dans l'économie canadienne, et cela, sans compter les retombées indirectes du projet.

Pendant la période de construction, les recettes fiscales engendrées par le projet s'élèveraient à 1,8 milliard de dollars. C'est dire que le financement du projet serait très vite remboursé. Cet investissement du gouvernement fédéral n'augmenterait pas la dette canadienne et permettrait de rentabiliser VIA Rail. Le TGV créerait près de 120 000 emplois-année, dont 80 000 emplois--


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année découlant directement de la construction du réseau et des équipements du TGV. À cela, s'ajouteraient 40 000 emplois induits dans des secteurs en amont et en aval du projet.

En 1991, le Groupe de travail train rapide Québec-Ontario, coprésidé par l'honorable Rémi Bujold, ex-député libéral de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, a réalisé une étude de préfaisabilité d'envergure. Une vaste consultation publique a permis de constater que les populations touchées par l'implantation du train rapide appuient la mise en oeuvre du projet.

Le rôle crucial du corridor sur l'économie nationale a été soulevé à plusieurs reprises, tout comme l'importance de rendre les villes du corridor plus efficaces pour qu'elles puissent réussir dans un marché compétitif.

Le Bloc québécois propose l'implantation d'une technologie respectueuse de l'environnement. Même en roulant à 300 km/h, le TGV consomme, par voyageur, près de deux fois moins d'énergie que l'automobile et quatre fois moins qu'un avion à réaction utilisé pour le transport des voyageurs.

L'utilisation du TGV réduirait les dépenses de l'État. L'utilisation d'un train rapide fournirait un service interurbain à un coût nettement inférieur à celui qu'exigerait l'expansion des services routiers ou aériens. La relance économique passe par cette rationalisation des dépenses de l'État.

(2015)

Dans un pays aussi vaste que le Canada, le gouvernement doit se munir d'une politique efficace de transport en commun. Alors que le gouvernement envisage le démantèlement du réseau ferroviaire canadien, son remplacement par une technologie plus adaptée aux défis de notre société devient incontournable.

Le TGV est un projet dont les effets multiplicateurs contribueront à structurer les économies locales. Les expériences européennes ont prouvé que le TGV est un élément moteur pour la création d'emplois et la reprise économique. Le TGV exerce un attrait sur les hôtels, les édifices à bureaux, les centres de congrès, les restaurants et autres activités à caractère commercial ou touristique.

Lors de la campagne électorale, l'actuel ministre des Finances a reconnu l'appauvrissement structurel de Montréal et s'est engagé à se pencher sur les moyens d'action à prendre pour contrer ce fléau. Le ministre des Finances faisait le diagnostic suivant, et je le cite: La structure industrielle de Montréal est désuète et fragile et n'est pas remplacée par de nouvelles entreprises manufacturières dynamiques et prometteuses sur le plan technologique. Qu'attend le gouvernement pour être cohérent avec ce diagnostic? Le ministre des Finances est maintenant celui qui peut procéder à l'intervention chirurgicale qui guérira le patient.

Le gouvernement doit respecter les priorités de la population. Il doit réduire le budget de la défense d'au moins 25 p. 100 et investir une partie de cet argent dans des projets utiles pour la société. La fin de la guerre froide et la crise des finances publiques ne justifient pas la mobilisation de fonds vers l'industrie militaire.

En 1993-1994, le budget de la défense a augmenté de 3 p. 100 comparativement à 1992-1993, pour atteindre 12,3 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral est-il prêt à s'engager auprès de la population à couper de façon significative le budget de ce ministère pour consacrer le même argent dans des projets civils de haute technologie? Le gouvernement est-il prêt à aider certaines entreprises comme la MIL Davie, à Lauzon, à délaisser sa dépendance dans des projets militaires pour se convertir dans des projets de construction navale à caractère civil?

Le TGV représente une force industrielle pour le Canada et le Québec. Notre niveau de vie et notre position concurrentielle reposent sur les décisions qui se prennent aujourd'hui. Nous ne pouvons hypothéquer notre avenir en repoussant l'implantation du TGV. Le temps presse et joue contre nous. Si les gouvernement agissent dès maintenant, nous aurons une longueur d'avance stratégique sur le marché nord-américain du train à grande vitesse. Vingt projets du genre existent aux États-Unis, un marché estimé à plus de 200 milliards pour les 15 à 20 prochaines années. Si nous sommes les premiers sur ce marché, ce sont nos entreprises d'ici qui profiteront des exportations de cette technologie.

Le gouvernement canadien doit faire preuve de vision à long terme et relancer l'économie par la mise en oeuvre de projets novateurs.

[Traduction]

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le député qui préconise la construction d'un train à grande vitesse entre Québec et Windsor. Je suis un partisan bien connu des trains à grande vitesse. Ils se justifient sur le plan écologique et économique.

Ce qui me préoccupe un peu, c'est que les députés du Bloc québécois préconisent la séparation du Québec. Ma question au député est la suivante: Ne croit-il pas que le gouvernement devrait hésiter à se lancer dans des projets à long terme et coûteux au Québec puisqu'ils créeraient des litiges difficiles à régler en cas de séparation? Un couple qui divorce, par exemple, ne contracte pas un nouvel emprunt hypothécaire et n'investit pas dans des projets à long terme. Est-ce que le député est prêt à admettre que l'incertitude dans les rapports entre le Canada et le Québec est susceptible de ralentir la construction d'un train à grande vitesse entre Québec et Windsor?


768

(2020)

[Français]

M. Guimond: Monsieur le Président, j'aurais été surpris que personne ne soulève cette question en Chambre dans le cadre du débat actuel.

Premièrement, nous devons replacer les choses dans leur contexte. Les Québécois et les Québécoises paient 28 milliards d'impôts par année à Ottawa. J'espère que tout le monde est conscient que, lorsque le fédéral investit dans des projets au Québec, à l'heure actuelle, le fédéral ne nous fait pas de cadeau. Ce n'est pas un cadeau, c'est notre argent qu'il nous redonne. Donc, on doit quand même replacer les choses dans leur juste perspective.

Donc, jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce que les Québécois et les Québécoises se soient prononcés de façon démocratique s'ils veulent se donner un pays, nous, nous sommes persuadés que les Québécois iront dans ce sens. Entre-temps, ça n'empêche pas de faire avancer des projets comme le TGV, et ça n'empêcherait pas le TGV-exactement comme ça se fait en Europe et dans beaucoup d'autres pays-de traverser deux pays. Il traverserait le Québec, pour la portion de Québec à Rigaud; ensuite, de Rigaud à la frontière du pays qui serait le Canada, la frontière de la province de l'Ontario, jusqu'à Windsor, il traverserait un autre pays. Je ne pense pas que l'avenir du Québec soit lié à la possibilité de construire ou non un TGV. Je pense que les choses se concilient, exactement comme cela se fait ailleurs en Europe.

[Traduction]

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord): Monsieur le Président, au cours de ces semaines qui précèdent la présentation du budget, le gouvernement est aux prises avec une dette énorme qui dépasse le demi-billion de dollars et avec un déficit record de près de 46 milliards. Étant donné l'ampleur de ces chiffres, les politiques financière et budgétaire du gouvernement auront des répercussions sur de nombreuses générations à venir.

Comme le disait Leonard Cohen, nous tenons une merveilleuse occasion de guider le navire de l'État au-delà des écueils de la cupidité vers les rivages du besoin. Il faudra de la sagesse, du courage et de la détermination pour suivre une voie qui sera profitable pour le Canada et équitable pour tous les Canadiens.

[Français]

Avant d'aller plus loin, j'aimerais féliciter le ministre des Finances pour ses consultations prébudgétaires auprès des Canadiens, qui représentent plusieurs points de vue des députés de cette Chambre. Si nous avons à diriger le Canada dans une nouvelle voie, nous aurons besoin de l'appui de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Ces dernières années, nous nous sommes fait dire par certains économistes, banquiers et dirigeants d'entreprises que nous ne pouvons plus nous payer la qualité de vie que le Canada a atteinte. C'est peut-être vrai, mais le Canada devrait-il renoncer à ses programmes sociaux, qui font l'envie du monde entier? Notre déficit découle-t-il du fait que nous voulons être une société juste et généreuse? Je ne crois pas.

Je crois qu'en apportant certains rajustements à nos programmes sociaux, en éliminant les échappatoires fiscales et en trouvant des moyens d'encourager les Canadiens à travailler et à contribuer à notre économie, nous augmenterons nos recettes et arriverons ainsi à réduire le déficit et la dette.

J'ai déjà dit à la Chambre que, à mon avis, notre problème se situe au niveau des recettes et non au niveau des dépenses. La façon dont les Canadiens perçoivent notre régime fiscal en est la preuve.

[Français]

Il y a un manque de confiance sans précédent parmi les Canadiens et les Canadiennes dans nos politiques de taxation. Par exemple, nous n'avons qu'à nous référer à l'augmentation accrue de l'économie souterraine à la suite de l'introduction de la TPS et de la popularité de la contrebande du tabac. Si on veut que les Canadiens et les Canadiennes respectent les lois, ces derniers doivent avoir le sentiment que les lois sont justes et équitables.

[Traduction]

L'étude menée par Patrick Grady en 1992 montre clairement que le fardeau fiscal n'a pas été réparti équitablement au cours de la dernière décennie. Ce sont les familles à revenu faible ou moyen qui ont été le plus durement touchées par les hausses d'impôts. La famille canadienne moyenne gagnant entre 45 000 $ et 75 000 $ par année paie aujourd'hui environ 1 900 $ de plus en impôts qu'il y a dix ans. Par contre, pour les personnes qui gagnent 150 000 $ ou plus, les hausses d'impôts au cours de cette période totalisent 3 782 $. Selon l'auteur de l'étude, ce montant représente des hausses beaucoup moins importantes comparativement à celles qu'ont dû absorber les Canadiens à revenu moyen.

(2025)

[Français]

Il est important de noter la proportion d'argent payée par les particuliers comparativement aux corporations. La plus grande source de revenus fédéraux provient des impôts perçus des particuliers. En effet, elle est équivalente à presque 50 p. 100 des revenus fédéraux. Cette source est donc plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'était au cours des deux dernières décennies.

Entre-temps, les impôts perçus des corporations sont à leur plus bas niveau. Au cours des années 1970, les impôts perçus des corporations représentaient environ 15 p. 100 des recettes fédérales. Aujourd'hui, ils ne comptent que pour 7 p. 100 des recettes fédérales.

Pendant que les taux d'impôt ont constamment augmenté pour les particuliers dans les dix dernières années, les taux d'impôt pour les corporations sont passés de 36 à 28 p. 100.

[Traduction]

Nous devons également examiner les exonérations et les déductions d'impôt offertes à ces sociétés et aux riches Canadiens. Il existe des échappatoires liées aux filiales de sociétés canadiennes à l'étranger, aux règles applicables aux fiducies familiales, aux déductions des pertes comme commanditaire ou assimilé et à la non-imposition des gains de loterie ou de jeux de hasard.

Les gens d'affaires sont autorisés à déduire 80 p. 100 des frais de représentation et de repas. Si on limitait cette déduction à 50 p. 100, les entreprises bénéficieraient encore d'une déduction d'impôt. De plus, les restaurants, les hôtels et les établissements


769

de villégiature continueraient de bénéficier des revenus donnant lieu à ces déductions.

Certains ont recommandé de réduire le montant des cotisations au REER. Je n'approuve pas cette proposition, car je trouve que cela aurait un effet dissuasif pour les propriétaires de petite entreprise et les employés professionnels à leur compte. Ce sont eux qui fournissent les emplois que nous appelions de nos voeux dans nos programmes électoraux.

On entend dire également que le Régime de pensions du Canada, tel que structuré à l'heure actuelle, pourrait ne pas être en mesure de pourvoir aux besoins des Canadiens à la retraite. Il n'est donc pas très raisonnable de vouloir limiter la capacité des Canadiens de pourvoir à leur propre caisse de retraite. Il faut se rappeler que les cotisations au REER ne constituent qu'un report fiscal et non une simple évasion fiscale.

J'ai déjà écrit au ministre des Finances pour lui demander de reconduire le Régime d'accession à la propriété. Ce programme a été très fructueux en permettant aux acquéreurs d'une première maison d'acheter une propriété qu'ils n'auraient pas eu les moyens d'avoir autrement. Le Régime d'accession à la propriété a eu et continuera d'avoir une incidence extraordinaire sur la relance économique de notre pays. Nous devons tenir compte du fait que les coûts immédiats engagés par le gouvernement fédéral pour ce programme seront sans doute compensés à long terme.

J'ai évoqué quelques cas de pertes de revenu auxquels il faut remédier pour rendre notre régime fiscal plus équitable. Nous devons cependant reconnaître également que le gouvernement peut et doit fonctionner plus efficacement en assurant ses services. Le dernier rapport du vérificateur général insiste sur la nécessité d'évaluer chaque ministère et chaque programme. Cela devrait se faire pour éliminer toutes les dépenses et tout le gaspillage inutiles tout en maintenant l'intégrité de ces programmes.

[Français]

Les commettants et commettantes de Simcoe-Nord me disent qu'ils veulent des changements à notre système de taxation, ainsi qu'un examen complet de nos programmes sociaux, sans pour autant réduire la qualité des services offerts.

Je crois que notre gouvernement a identifié que le problème se trouve dans notre système de taxation et que nos programmes sociaux ont besoin d'être renouvelés. Je suis heureux de savoir que le gouvernement passera à l'action.

Le discours du Trône a clairement dit que la création d'emplois doit être notre priorité. Cette approche est primordiale si on veut remettre de l'ordre dans nos affaires fiscales et si on veut réduire avec succès le déficit à un niveau acceptable. En remettant les gens au travail, non seulement on économise l'argent distribué par l'assurance-chômage et le bien-être social, mais nous augmentons notre base d'impôt.

[Traduction]

En guise de conclusion, permettez-moi de résumer ce qu'il nous faut et ce dont nous n'avons nul besoin, selon moi. Nous devons nous rappeler que la création d'emplois est au premier rang des priorités du gouvernement. Il faut que plus de gens paient de l'impôt, pas que les gens paient plus d'impôts. Il nous faut des plans et des mesures incitatives pour que les chômeurs trouvent des emplois valables. Nous devons examiner les privilèges et les échappatoires dont profitent actuellement les riches, tout en maintenant les mesures incitatives nécessaires pour que les entreprises restent concurrentielles et fournissent des emplois. Nous devons nous rappeler que nos programmes sociaux exigent une réévaluation constructive si nous voulons qu'ils soient réalistes et adaptés à ceux qui en ont besoin.

(2030)

Nous pouvons nous passer d'une approche radicale qui, en fin de compte, priverait de services sociaux les plus pauvres, les plus nécessiteux de nos concitoyens. Nous n'avons pas besoin de solutions simplistes et réactionnaires à des problèmes complexes. Nous n'avons pas à nous couper des racines libérales de la tolérance, de l'équité, de la compassion par une réaction réflexe aux programmes néo-conservateurs.

Je sais que nous pouvons proposer un budget qui préconisera la prudence dans les dépenses et l'accroissement des recettes par un élargissement de l'assiette fiscale, puisque des chômeurs réintégreront le marché du travail.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Monsieur le Président, j'ai écouté le discours du député avec attention et je dois dire qu'à plusieurs égards, il rejoint le discours que j'ai fait un peu plus tôt dans cette Chambre aujourd'hui. Tout d'abord, lorsqu'il mentionne qu'on a un problème de revenu, je suis entièrement d'accord avec lui. Il a mentionné les mots justice et équité qui sont certainement les mots clés par rapport à notre système de taxation. Je suis entièrement d'accord avec ses propos.

Il a aussi parlé de la nécessité d'une réforme de notre fiscalité qui devrait cibler, non pas la classe moyenne qui alimente la reprise économique et qui fait vivre le cycle économique de façon très active, mais qu'il va falloir, si j'ai bien compris ses propos, élargir l'assiette fiscale vers ceux qui ne contribuent pas assez. J'aimerais qu'il me précise un peu ces propos-là.

Dans un deuxième temps, il n'a pas parlé dans son discours de coupures dans les dépenses. Est-ce qu'on doit en conclure qu'il estime que le niveau actuel de dépenses du gouvernement fédéral ne peut être coupé et que remettre les finances publiques sur la bonne voie ne passe uniquement que par une approche du revenu?

[Traduction]

M. DeVillers: J'ai parlé de la révision des dépenses, de l'étude minutieuse qu'il faut faire des dépenses fédérales, élément qui a été mis à l'honneur dans le rapport du vérificateur général. Parmi mes observations, je crois que le député demande des éclaircissements sur celles qui concernaient la réduction des dépenses. Selon moi, il y a place pour de fortes compressions dans de nombreux programmes, tout en maintenant l'intégrité des programmes eux-mêmes et en veillant à ce que ne soient pas réduits les services destinés aux plus démunis de notre société.

Mme Jean Payne (St. John's-Ouest): C'est un plaisir pour moi que de participer à ce débat prébudgétaire des plus importants. Je dirai d'abord que, par ce débat, le gouvernement montre


770

qu'il tient à entendre le point de vue des Canadiens et à faire du Parlement une institution plus utile.

Le budget que le ministre des Finances est en train de dresser sera celui qui aura été le plus discuté de l'histoire. Le gouvernement précédent a laissé les finances publiques dans un état lamentable. Ses politiques économiques ont aggravé le chômage et entraîné une baisse des bénéfices des sociétés. Pendant que les recettes diminuaient, les dépenses d'assurance-chômage et d'aide sociale, notamment, ont augmenté.

Compte tenu du déficit budgétaire, qui s'élève à 46 milliards de dollars, les Canadiens et le gouvernement devront faire des choix très difficiles. Faut-il hausser les impôts, réduire les dépenses, réduire les services ou laisser le déficit augmenter? Quelles que soient les décisions qui seront prises, il faudra qu'elles soient équitables pour tous les Canadiens.

La population de St. John's West est aux prises avec une foule de problèmes. Le chômage est très élevé, la confiance des entreprises est faible, le déclin de la pêche se poursuit et la population croule sous le poids des impôts.

La crise qui secoue le secteur de la pêche sur la côte est est un problème qui concerne tous les Canadiens et non pas seulement les Terre-Neuviens. Les pêcheurs et les travailleurs des usines de transformation ne sont pas responsables de la situation. Le gouvernement précédent a mal géré la ressource et retiré son aide aux gens qui comptent sur la pêche pour leur survie.

(2035)

Au moment où ils s'adaptent aux réalités nouvelles, les travailleurs touchés ont besoin d'aide. Le gouvernement précédent a établi un programme d'aide à court terme qui devrait expirer dans quelques mois. Mais ces gens-là ont besoin d'un programme coordonné d'aide à long terme.

Ils ont besoin d'une aide financière pour compenser en partie leur manque à gagner. Des programmes de recyclage sont également indispensables pour ceux qui ont décidé d'abandonner la pêche. En outre, il faut faire plus de recherche sur la conservation de la ressource et les méthodes de pêche qui sont certainement nécessaires à la viabilité future de toute l'industrie.

Les demi-mesures du gouvernement précédent ne conviennent tout simplement pas. J'ai confiance que le ministre des Pêches et des Océans, le ministre du Développement des ressources humaines et le ministre des Finances concevront des programmes qui répondront aux besoins des Terre-Neuviens sans aggraver la situation financière difficile du gouvernement.

On a beaucoup parlé dernièrement de hausses d'impôts et d'élargissement de l'assiette fiscale. L'élargissement de l'assiette fiscale ne constitue pas une ponction fiscale. C'est un moyen de veiller à ce que tous les contribuables paient leur juste part d'impôts.

Depuis quelques années, les Canadiens ont vu leurs revenus diminuer et les impôts augmenter. Il faut envisager des mesures qui garantiront que les nantis paieront leur juste part d'impôts. Les REER sont une échappatoire fiscale dont profitent un grand nombre de contribuables. Les gouvernements devraient certes inciter les gens à préparer leur retraite, mais il faut reconnaître que plus on a d'argent, plus on est tenté de se servir des REER pour payer moins d'impôts. Plutôt que d'éliminer les réductions d'impôt au titre des REER, il faut abaisser le plafond et diminuer l'allégement fiscal accordé aux mieux nantis.

La principale priorité du budget doit être la création d'emplois et l'adoption de mesures qui redonneront du travail aux Canadiens. Les gens de ma circonscription ont bien hâte de voir le programme d'infrastructure fonctionner à plein. J'applaudis aux efforts du premier ministre et du ministre responsable de l'Infrastructure pour lancer le programme au plus vite. Néanmoins, il faut faire davantage pour la création d'emplois.

Le gouvernement fédéral est bien placé pour stimuler directement la création d'emplois, mais il ne peut pas créer tous les emplois dont nous avons besoin. La petite entreprise peut prendre la relève. Elle constitue le moteur de l'économie. Malheureusement, le gouvernement précédent a tout mis en oeuvre pour nuire à la petite entreprise et l'empêcher de faire ce qu'elle fait de mieux: créer des emplois.

Un cocktail de TPS, de taux d'intérêt élevés, de resserrement du crédit et de problèmes liés à la Loi sur les prêts aux petites entreprises a porté un coup dur à la petite entreprise, l'empêchant de se développer ou d'engager de nouveaux employés.

Notre nouveau gouvernement doit s'attaquer à ces problèmes. Les petites entreprises ont besoin d'un gouvernement fédéral attentif à leurs besoins. Les petites entreprises ont besoin de plus de capitaux pour financer leur production et développer leurs marchés. Il faut remplacer la TPS par une taxe que les entreprises auront moins de mal à percevoir et qui réduira l'économie souterraine en plein essor. C'est seulement lorsque les petites entreprises auront repris du mieux que l'économie pourra redémarrer.

Les mesures budgétaires doivent toutes viser à accroître l'emploi. Lorsque les gens seront de retour sur le marché du travail, ils recommenceront à payer des impôts. Le gros problème du gouvernement n'est pas de déterminer où il faut procéder à des compressions ou augmenter les impôts. C'est la pénurie de travailleurs qui paient des impôts. Plutôt que de retirer les gens du système, il faut les amener à remettre de l'argent dans le Trésor public.

Ce n'est pas une tâche facile qui attend le ministre des Finances, pris qu'il est entre deux feux: redonner du travail aux Canadiens et réduire le déficit national. Les habitants de la circonscription de St. John's-Ouest l'ont à l'oeil. Je sais que le ministre fera tout pour trouver l'équilibre qui assurera la relance de notre économie.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, ma question à la députée concerne les commentaires qu'elle a faits au sujet de la limite des cotisations aux REER. Elle a dit être en faveur d'abaisser le plafond des cotisations des personnes ayant un revenu supérieur à la moyenne.

Cela veut-il dire que la députée estime que les Canadiens à la retraite qui touchent un revenu supérieur à la moyenne ne devraient pas toucher les prestations de la sécurité de la vieillesse? Dans la négative, pourquoi?


771

(2040)

Mme Payne: Je suis absolument convaincue que quiconque touche un revenu ou une pension dont le montant est supérieur à la moyenne ne devrait pas avoir le droit de puiser dans les caisses du gouvernement.

Je ne sais pas très bien, à ce stade, comment le ministre des Finances va s'y prendre pour régler ce problème, mais je crois en l'équité pour tous. Si cela doit signifier que nous devons récupérer les fonds versés au titre des pensions à des gens qui touchent un revenu supérieur à la moyenne-que ce revenu provienne de pensions ou d'autres sources-je pense qu'on devrait effectivement envisager de le faire.

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je félicite la députée de St. John's-Ouest pour son beau discours.

Elle a dit qu'il n'y a pas dans notre pays assez de gens qui travaillent et qui paient des impôts, qu'il y a dans notre pays les personnes qui consomment les impôts et celles qui les produisent. Elle a également parlé des problèmes concernant les petites entreprises.

Or, elle n'a guère fait de suggestions pour régler les problèmes que nous avons. Tout le monde nous dit que nous devons faire ceci et que nous devons faire cela, qu'il y a trop de monde au chômage, qu'il n'y a pas assez d'emplois, qu'il y a trop d'assistés sociaux et pas assez de gens qui travaillent.

Ce que je veux, c'est savoir exactement ce que la députée propose que nous fassions pour redonner du travail aux gens et pour arriver à une réduction du déficit qui nous permette d'envisager un avenir raisonnable pour nos enfants.

Mme Payne: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je pense que le ministre des Finances a pris un bon départ avec le programme d'infrastructure qu'il a proposé.

Comme je l'ai dit dans mon premier discours cette semaine, les habitants de ma circonscription sont extrêmement satisfaits du programme d'infrastructure qui a été proposé.

Encore une fois, je dis au député que, pour réduire le déficit, un plus grand nombre de gens doivent travailler et payer des impôts de sorte que les impôts perçus soient supérieurs à ce que l'on puise dans les caisses du gouvernement. Le moyen d'y arriver, c'est d'accroître l'emploi. Le programme d'infrastructure est un bon départ.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant qu'on ne poursuive le débat, j'ai des observations à faire, mais je voudrais d'abord rappeler à tous les députés qu'en ma qualité de président suppléant, je suis à leur entière disposition.

Cependant, je voudrais dire que déjà neuf députés ont demandé la parole, dont deux ministériels, deux députés de l'opposition, quatre députés réformistes et un député indépendant.

Je serais disposé à ne pas tenir compte de l'heure, après 22 heures. Je ne voudrais toutefois pas, pour la séance d'aujourd'hui, accorder la parole à d'autres députés. Si vous êtes prêts à renoncer aux cinq minutes de questions ou commentaires qui suivent chacune des interventions des neuf députés devant prendre la parole et disposant au total de 90 minutes, la séance se terminera à 22 h 10.

Je demeure à votre disposition. J'attends vos directives et votre consentement, si possible.

Des voix: D'accord.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, je tiens d'abord à remercier sincèrement le gouvernement d'avoir autorisé ce débat sans précédent.

Au cours de ce débat prébudgétaire, je voudrais faire une analyse du programme d'infrastructure qui augmentera de deux milliards de dollars les dépenses du gouvernement fédéral. Pendant la campagne électorale et dans le discours du Trône, les libéraux avaient deux motifs pour mettre en oeuvre le programme d'infrastructure. Tout d'abord, ce programme financé conjointement créerait des emplois. Ensuite, il encouragerait l'investissement de fonds publics dans les routes, les égouts et les ouvrages publics, ce qui accroîtrait la productivité du pays et, partant, sa compétitivité.

Ensemble, ces mesures étaient censées faire démarrer notre économie. Je soutiens cependant que ces motifs comportent de graves lacunes. Non seulement ce programme repose sur des hypothèses erronées, mais sa conception est coercitive, inefficace et injuste.

Jetons un coup d'oeil sur l'hypothèse que ce programme créera de 50 000 à 60 000 emplois. Comme le gouvernement l'a déjà admis, il n'a pas tenu compte du nombre d'emplois qui seraient perdus à la suite de la hausse des impôts visant à payer pour ce programme de six milliards de dollars.

(2045)

Ce programme trahit la croyance du gouvernement qu'il utilisera ces six milliards de dollars plus efficacement que ne le feraient les contribuables et les investisseurs, malgré les preuves abondantes du contraire.

Je peux garantir à la Chambre qu'un propriétaire de petite entreprise ne noliserait pas un avion à réaction pour se rendre à Boston et à la Nouvelle-Orléans, au coût de 172 000 $, s'il pouvait voyager à bord d'un avion commercial pour 5 000 $. Le ministre des Affaires intergouvernementales a montré d'une façon exagérée ce qui se passe, en plus petit, mille fois par jour au sein du gouvernement.

J'exhorte le gouvernement à laisser ces six milliards de dollars là où ils sont au lieu d'aller les chercher dans les poches des contribuables. Les propriétaires de petites entreprises, les contribuables et les investisseurs les dépenseront d'une manière beaucoup plus efficace que le gouvernement ne le fera jamais.


772

Une autre hypothèse que fait le gouvernement, c'est que nous négligeons nos infrastructures. Pourtant, les dépenses publiques d'infrastructures ont augmenté de 40 p. 100 entre 1986 et 1993, atteignant maintenant 17,5 milliards de dollars.

Les investissements pour les infrastructures privées atteignaient, l'an dernier, les dizaines de milliards. Les entreprises s'attendaient à ce que ces investissements rapportent des dividendes, sinon elles ne les auraient pas faits.

On ne peut pas dire la même chose du programme d'infrastructure du gouvernement fédéral. Il ne servira qu'à financer de nouveaux projets qui n'avaient pas été prévus par les municipalités. On peut supposer que s'ils n'étaient pas prévus, c'est qu'ils ne représentaient pas le meilleur usage possible de l'argent des contribuables. Dans le cas des réparations de routes ou d'égouts, on peut supposer qu'elles auraient pu attendre encore quelques années. C'est peut-être que les municipalités auraient dû percevoir plus d'impôts pour faire ces travaux et que cela aurait rendu les contribuables furieux, vu qu'ils estiment payer déjà beaucoup trop.

Nous aurions dû respecter le bon jugement des municipalités. Au lieu de cela, le programme du gouvernement fédéral oblige les provinces et les municipalités à participer à des projets nécessaires ou non et, par conséquent, à trouver des fonds pour en assurer la réalisation. C'est que si une municipalité ne participe pas au programme, l'argent que sa population fournit au fédéral en impôts servirait à financer des travaux dans la municipalité voisine. Il y a donc des pressions qui contraignent les municipalités à participer au programme.

Lorsque le gouvernement fédéral demande aux autres niveaux de gouvernement d'investir le même montant que lui, il crée le pire cauchemar du contribuable. Malheureusement, ce n'est pas le seul défaut de conception de ce programme. Il est censé créer 50 000 à 60 000 emplois, mais le gouvernement ne dispose d'aucun moyen pour déterminer combien d'emplois seront réellement créés et pour savoir s'ils donneront de nouvelles compétences aux travailleurs ou s'ils conduiront à des emplois permanents.

Comme le gouvernement le sait pertinemment, le vérificateur général a critiqué vertement des programmes gouvernementaux mis en oeuvre dans le passé auxquels on a consacré des millions et des millions de dollars sans jamais vérifier s'ils permettaient vraiment de réaliser les objectifs visés. J'espère que le gouvernement pourra un jour nous préciser le plan qu'il entend adopter pour suivre les progrès de son programme d'infrastructure et vérifier son efficacité.

Je crains en outre que ce projet ne perpétue le problème de dépendance à l'égard du gouvernement, problème qui est devenu la marque des programmes sociaux au Canada. D'une part, le gouvernement affirme vouloir accroître les compétences des chômeurs canadiens afin d'améliorer leurs débouchés à long terme sur le marché du travail, d'autre part, il les incite à participer pendant deux ans à un projet de création d'emplois qui ne mènera nulle part et qui, selon toute vraisemblance, les ramènera au chômage dans deux ans sans leur avoir permis d'acquérir de nouvelles compétences.

Je m'inquiète également du fait qu'en l'absence d'un contrôle très strict de ce programme, on risque de voir des projets comme le Centre des congrès dans la ville de Québec aller de l'avant avant même que des critères ne soient établis. Là encore, cela m'amène à remettre en question la prétention implicite du gouvernement selon laquelle le ministre responsable sait mieux que les contribuables comment on doit dépenser leur argent.

Le programme d'infrastructure du gouvernement supprimera plus d'emplois qu'il n'en créera. Il force d'autres niveaux de gouvernement à y participer et encourage des investissements inutiles dans des infrastructures. Il lui manque des objectifs mesurables clairs. Il pourrait donner lieu à du favoritisme politique. Il décourage les chômeurs canadiens de s'inscrire à des programmes de formation et de rechercher un emploi à long terme. Il entraîne une augmentation des impôts et nuit à notre capacité de nous attaquer à la cause première du chômage et de la faible croissance économique, le déficit et la dette, bien entendu.

Je vais maintenant vous citer un extrait du mémoire prébudgétaire présenté par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières; voici:

(2050)

Le programme keynésien n'est plus une solution viable. En effet, même si on fait abstraction du problème du déficit et de la dette, il est difficile de concilier une augmentation des dépenses gouvernementales avec une relance de la croissance économique. Les dépenses gouvernementales ont déjà atteint des niveaux sans précédent, puisqu'elles représentent près de 40 p. 100 du produit intérieur brut et pourtant, nous sommes toujours dans le marasme sur le plan économique. À cet égard, même s'il va accroître la productivité globale, le programme d'infrastructure proposé de 6 milliards de dollars aura un effet minime sur la croissance.
Il faut examiner les dépenses gouvernementales en fonction de la perte de contrôle du gouvernement sur les finances publiques. L'effet keynésien stimulant de l'accroissement des dépenses est bien loin de contrebalancer l'augmentation marquée des impôts qui en découle pour pallier une détérioration des finances publiques ou la hausse des taux d'intérêt qui accompagne nécessairement des déficits budgétaires plus élevés. Jamais auparavant on n'avait examiné la politique financière par le mauvais bout de la lorgnette au point qu'on doive considérer les diverses initiatives en matière de politique en fonction de leurs répercussions sur les finances publiques à l'exclusion de toute autre chose.
L'autre jour, le ministre des Finances a offert de donner au chef du Parti réformiste une leçon d'économie. Au nom de notre chef, je me dois de refuser cette offre. Nous suivrons plutôt les conseils d'un chef de petite entreprise qui a assisté à la conférence prébudgétaire du ministre des Finances, à Calgary, samedi. Vicki Dutton a dit au ministre et aux participants à la conférence que ce n'était pas en augmentant le fardeau fiscal des gens qu'on pouvait assainir les finances d'un pays.

Selon moi, cette simple vérité vaut bien dix fois toutes les belles théories du ministre des Finances.

Nous devrions abandonner immédiatement le programme d'infrastructure et entreprendre la réduction des dépenses gouvernementales, qui tarde à venir.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre): Monsieur le Président, permettez-moi de féliciter le premier ministre et le ministre des Finances qui sont à l'origine de cette initiative qui, je l'espère, s'avérera une nouvelle façon de remettre les finances de l'État en ordre.

De tous les documents gouvernementaux, le budget est celui qui produit le plus d'impact puisqu'il exerce plus que tout autre une influence directe sur la vie de tous les Canadiens. Il renferme la vision et l'orientation du gouvernement et décrit les moyens de mise en oeuvre des programmes. Par conséquent, il est parti-


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culièrement important que nous prenions note de l'avertissement du vérificateur général à ce sujet lorsqu'il nous dit qu'«il faut absolument concilier règle du secret budgétaire avec consultation et débats ouverts».

Il faut protéger les intérêts des contribuables et qui est mieux en mesure de le faire que les contribuables eux-mêmes?

Afin d'ouvrir le processus de consultation et d'améliorer la santé économique du pays, nous avons décidé de nous tourner vers les grandes, les petites et les moyennes entreprises pour obtenir des réponses. Dans cette optique, j'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur la gestion des programmes de subventions et contributions du gouvernement.

À cette étape cruciale où nous sommes, nous devons nous demander si cette façon traditionnelle d'appuyer l'économie est encore la plus efficace. Les milliards de dollars dépensés dans le cadre de ces programmes sont-ils employés à bon escient? Les Canadiens obtiennent-ils la meilleure valeur pour leur argent? Je ne crois pas que ce soit le cas.

À titre d'exemple, retournons au mois d'octobre 1986. Le gouvernement de l'époque, par l'intermédiaire de la Banque fédérale de développement, a signé une entente de souscription d'actions qui augmentait les capitaux propres d'une entreprise à propriété publique de 79 millions de dollars dans le cadre d'un projet de modernisation de plusieurs millions de dollars. La Colombie-Britannique a fait un investissement semblable de 55 millions de dollars, ce qui représentait un financement gouvernemental de 134 millions de dollars pour la première étape seulement.

Au total, les gouvernements ont dépensé 161 millions de dollars pour la première étape et l'entreprise n'a eu à débourser que 27 millions de dollars.

En décembre 1992, l'entreprise a avisé le gouvernement qu'elle ne pourrait s'acquitter de ses obligations au 31 décembre 1992. À ce jour, le gouvernement n'a reçu ni paiement de dividendes, ni offre de rachat de ses actions par l'intermédiaire de la Banque fédérale de développement. En fait, la valeur comptable de cet investissement avait déjà été réduite à zéro en mars 1992, avant même que l'entreprise ne s'avoue incapable de s'acquitter de ses obligations.

(2055)

En avons-nous eu pour notre argent? Non. Le financement versé a-t-il suscité des revenus? Non. Les intérêts des contribuables étaient-ils protégés? Certainement pas.

De toute évidence, le gouvernement et les contribuables ont assumé la plus grande partie des risques et n'en ont tiré aucun avantage.

Qu'on approuve ou non les divers programmes gouvernementaux, ils ne peuvent être efficaces s'ils permettent au gouvernement de prendre des risques importants alors que les entreprises en jeu ne prennent aucun ou quasi aucun risque. Les Canadiens ne peuvent se permettre de subir ce genre de pertes qui ne font qu'ajouter au déficit déjà important. Il est temps que le gouvernement permette aux grandes entreprises de s'émanciper. Il est temps de reconnaître que les grandes entreprises assumeront les risques qu'elles courent si le gouvernement établit le climat propice. Les grandes entreprises peuvent s'adapter à la nouvelle économie fondée sur l'information sans bénéficier de subventions payées avec l'argent des contribuables.

Par ailleurs, où les Canadiens peuvent-ils tirer le meilleur profit de leur argent, et comment peuvent-ils créer de l'emploi avec cet argent?

Les petites et moyennes entreprises constituent le plus grand bassin d'emplois de notre pays; elles assurent plus de 80 p. 100 des emplois des Canadiens. Mais cela ne va pas sans efforts.

Quand je discute avec les gens d'affaires des difficultés inhérentes à l'administration de leurs entreprises, ils me parlent de deux problèmes majeurs. Premièrement, le fardeau fiscal rend de plus en plus difficile le fonctionnement et l'expansion des entreprises ainsi que l'embauche de personnel. Deuxièmement, les entrepreneurs ne connaissent pas les programmes et l'assistance qui leur sont offerts. Comme les petites et moyennes entreprises donnent du travail à la plus grande partie des travailleurs canadiens, qu'elles créent de nouveaux emplois et contribuent à la stabilité des collectivités, il est impensable que ce secteur doive subir des taux d'imposition tellement démesurés qu'ils nuisent à leur croissance et, par le fait même, à la création d'emplois.

Nous devons reconnaître que la PME sera la principale source d'emplois pour les Canadiens qui auront perdu leur travail à la suite de rationalisations. C'est grâce à elle que les Canadiens pourront s'établir dans un nouveau domaine, mais pour qu'ils y connaissent le succès, il faudra que les employeurs et les employés travaillent ensemble à développer les compétences qui leur permettront d'assurer la transition en douceur.

Toutefois, le principal facteur de succès de cette stratégie de réemploi est la réduction du fardeau fiscal imposé aux petites et moyennes entreprises. La réduction du fardeau fiscal contribuera beaucoup plus à stimuler l'économie et à réduire le déficit que ne le ferait l'accroissement de l'assiette fiscale.

Le second problème en importance auquel sont confrontées les petites et moyennes entreprises, et qui se rapporte directement à l'objet de mon intervention ce soir, est le manque d'information des entreprises au sujet des programmes et mesures d'aide gouvernementaux.

Permettez-moi d'énumérer quelques-uns des programmes gouvernementaux actuels d'aide aux entreprises canadiennes.

Il y a d'abord la Loi sur les prêts aux petites entreprises, le programme Développement des collectivités qui inclut les centres d'expansion des entreprises, l'Aide au travail indépendant et le Fonds pour les initiatives communautaires; le Programme de financement pour la petite entreprise et le Programme d'aide aux régions, dont le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, le Bureau fédéral de développement régional (Québec) et l'Initiative fédérale pour le développement économique du nord de l'Ontario.

Dans le domaine de la recherche et du développement, il y a le Programme d'aide à la recherche industrielle, le Programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, et le Programme d'apports technologiques.


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Au chapitre de l'aide aux exportations, nous avons le Programme pour l'expansion des exportations, le Programme de coopération industrielle et la Société pour l'expansion des exportations.

En matière de programmes autochtones canadiens, il y la Stratégie canadienne de développement économique des autochtones, le Programme de développement des entreprises autochtones, la Société autochtone de financement et le Programme d'entreprises conjointes.

Ce ne sont là que quelques-uns des programmes existants. Je tiens dans mon autre main un document de 13 pages dont chacune contient une dizaine de descriptions différentes de programmes administrés par un seul ministère. Dans certain cas, jusqu'à trois ministères peuvent exploiter et administrer un programme.

Monsieur le Président, si vous étiez propriétaire d'entreprise, vers où vous tourneriez-vous; quel programme répondrait le mieux aux besoins de votre entreprise? Vous serait-il possible d'avoir recours à plus d'un programme d'aide?

À première vue, il semble y avoir un double emploi des programmes et un risque de chevauchement bureaucratique. Une entreprise peut-elle bénéficier d'un seul programme à la fois ou d'une variété de programmes? Faut-il s'étonner qu'il y ait confusion? Comment peut-on avoir l'assurance que ce système permet une bonne gestion de l'argent des contribuables?

(2100)

Qu'il s'agisse de grosses ou de petites entreprises, l'ancienne méthode utilisée pour créer des conditions propices à leur réussite n'est pas la plus rentable. Les programmes de subventions et de contributions doivent être réévalués en fonction des besoins, des objectifs et des frais d'administration.

Ce sera la première étape qui nous permettra d'ouvrir le processus budgétaire, comme nous l'avons fait ici aujourd'hui, à la consultation et à la discussion et d'apporter les améliorations nécessaires qui nous permettront de mieux utiliser nos ressources et, de ce fait, de mieux protéger les intérêts des contribuables. Les Canadiens ont réussi à réduire leurs dépenses et à mettre de l'ordre dans leurs finances personnelles et le gouvernement doit en faire autant.

Il doit adopter un budget ambitieux qui prouve qu'il a ses finances bien en main. Alors, les petites et moyennes entreprises atteindront la réussite économique et le Canada pourra entrer avec confiance dans une nouvelle économie basée sur les connaissances et l'information. Tel est le défi qui nous attend. À nous de le relever.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke): Monsieur le Président, j'aimerais présenter au ministre des Finances une suggestion qui a fait ses preuves et qui, j'en suis sûr, marcherait encore aujourd'hui.

Je me souviens que du temps où j'allais à l'école élémentaire, pendant la Deuxième Guerre mondiale, il se vendait ce qu'on appelait des certificats d'épargne de guerre. On apportait 25 sous à l'école quand on le pouvait et on nous mettait un timbre de 25 sous dans notre livret. Quand on en avait accumulé pour 4 dollars, on mettait le livret de côté et plus tard, on recevait 5 dollars. Pendant toute la durée de la guerre, des tas de petits Canadiens achetèrent des certificats d'épargne de guerre avec le sentiment qu'ils faisaient quelque chose pour leur pays.

Je propose au ministre des Finances que nous mettions le même système en place et que tous les enfants du pays, de l'élémentaire au secondaire, y participent, ainsi que les personnes âgées si elles le désirent; tous pourront acheter des certificats de rachat du Canada.

Je les appelle ainsi en raison de la dette que nous avons contractée auprès de pays étrangers. Afin de rembourser notre dette extérieure, ces certificats de rachat du Canada pourraient servir à rembourser la dette publique et les pays étrangers. Les grands-parents pourraient offrir des certificats de 20, 50 ou 100 dollars à leurs petits-enfants pour leur anniversaire ou autre. En fait, tous les Canadiens pourraient en acheter.

Autrement dit, à l'inverse des obligations d'épargne, on pourrait en acheter toute l'année. Ce faisant, nous instillerions dans chaque enfant un sentiment de fierté. Ils se diraient: «Je suis Canadien. Je fais quelque chose pour mon pays. Je suis en train de racheter le Canada. Je rembourse la dette du Canada aux pays étrangers.» Ils seraient tournés vers l'avenir, leur avenir financier.

Je crois que ça prendrait et que chaque Canadien participerait à la solution de ce problème qui aujourd'hui assaille le Canada. Cela permettrait à chaque Canadien de contribuer à faire baisser la dette publique et le déficit et de sentir qu'il a un rôle à jouer. Ainsi nous serions en mesure de venir en aide aux personnes âgées dans le besoin, et de continuer à leur verser leur pension.

Ce matin, une dame de Deep River, sachant que ce débat allait avoir lieu aujourd'hui à la Chambre, m'a téléphoné pour me faire part de son inquiétude à l'égard de sa pension. Je lui ai dit que j'aborderai ce sujet pour elle. Elle fait partie de ces gens qui, toute leur vie, ont travaillé très dur, mais n'ont jamais pu cotiser à un fonds de retraite. C'est à eux qu'il faut penser en ce moment, surtout en ce qui concerne leurs besoins médicaux.

(2105)

On pense que la médecine ne concerne que les malades. Or, la médecine au Canada, c'est pour tout le monde. Il y a une façon de prendre soin de sa personne, c'est en recourant à la médecine préventive. Personnellement, j'ai négligé ma santé pendant des années. Je travaillais 15 ou 16 heures par jour, je voyageais toute la fin de semaine et je consacrais sept jours sur sept à mon travail. Je ne me suis jamais arrêté au fait que mon père avait eu des troubles cardiaques, de même que son frère ainsi que d'autres oncles dans la famille de ma mère. Quand j'ai quitté la ferme, j'ai continué à m'alimenter comme si je faisais toujours les mêmes efforts physiques.

J'ai donc éprouvé des difficultés. Grâce à l'excellente médecine canadienne, je me suis complètement remis d'un triple pontage et d'un triple nettoyage vasculaire. Les médecins et le person-


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nel infirmier ont été formidables. La médecine est excellente au Canada et nous devons appuyer ceux qui s'en chargent.

Comment pouvons-nous financer l'assurance-maladie? En prenant soin de notre santé, en surveillant notre alimentation et en prenant garde aux repas pris au restaurant. Il n'y a pas que ceux qui ont subi une intervention qui doivent observer un régime alimentaire. Tout le monde doit le faire, peu importe l'âge. En prenant soin de notre santé et en respectant une certaine discipline dans notre vie quotidienne, nous pratiquons la médecine préventive. Chacun de nous devrait y penser.

La fin de semaine dernière, à un diner de la Fondation des maladies du coeur, j'ai rendu hommage au Dr Wilbert Keon, qui dirige l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa et qui est directeur général de l'Hôpital Civic d'Ottawa. Cet homme est né dans une petite collectivité juste de l'autre côté de la rivière Outaouais, à proximité de Petawawa, où j'habite. Il a consacré des années à la médecine. II avait décidé de devenir cardiologue et il y est arrivé.

Toutefois, après avoir terminé ses études à l'Université d'Ottawa et reçu l'aide des Canadiens pour devenir un cardiologue émérite, le docteur Keon n'a pas déménagé ses pénates aux États-Unis où il aurait pu commander des honoraires exorbitants. Il n'est pas parti en Grande-Bretagne ou ailleurs pour faire de l'argent. Il est resté ici même, au Canada, dans la vallée de l'Outaouais, où il a apporté sa contribution au Canada. À l'heure actuelle, il est probablement le meilleur chirurgien cardiologue du pays. Il en a formé de nombreux autres. D'ailleurs, l'un des grands chirurgiens de l'Hôpital d'Edmonton a été formé sous la direction du docteur Keon, à Ottawa.

Voilà le genre de loyauté dont a besoin aujourd'hui le Canada de la part des membres des professions libérales. Ces gens doivent demeurer au Canada et donner toute leur vie à leur carrière, comme l'a fait le docteur Keon. À mon avis, c'est le signe d'un grand Canadien. Nous en avons besoin d'autres comme lui. Le personnel qui travaille avec lui se préoccupe tellement de la famille.

Les gens pensent que le Centre médical de la Défense nationale, établi à Ottawa, ne traite que les membres de la Défense nationale. Les Canadiens qui s'occupent de commerce extérieur, les diplomates et tous les soldats canadiens ont le droit de se rendre à cet établissement pour se faire soigner. Cependant, les chirurgies à coeur ouvert se font à l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa, à l'Hôpital Civic d'Ottawa. Les chirurgiens font leur travail et renvoient les patients au Centre de la Défense nationale pour qu'ils se rétablissent. Ces gens sont merveilleux.

Nous sommes parfois déprimés à force d'avoir à couper ceci et cela. Il y a cependant d'autres façons de réduire les dépenses et j'en ai mentionné une ce soir, soit la médecine préventive. On peut faire plus attention à sa santé. Les régimes ne sont pas faits seulement pour les gens qui ont des problèmes de santé. Ils sont faits aussi pour les gens qui sont encore en santé, qui veulent le demeurer et qui veulent se tenir loin des hôpitaux.

Les gens pensent que la recherche et le développement coûtent très cher et, comme ces activités ne semblent pas rapporter de dividendes immédiats, ils s'impatientent et voient là du gaspillage.

(2110)

À propos de sociétés d'État, je vais vous citer un bon exemple. L'Énergie atomique du Canada Limitée est une de mes préférées et, comme vous le savez, j'en parle souvent à la Chambre.

Les Canadiens ont investi 4,7 milliards de dollars dans l'Énergie atomique du Canada Limitée depuis 1952. Mais savez-vous ce qu'ont rapporté ces recherches? Un rapport publié récemment par Ernst & Young affirmait que le rendement pour les contribuables canadiens était de plus de 23 milliards de dollars. Ça, c'est un bon placement! Si tous les placements rapportaient autant, ce serait magnifique!

J'ai fait partie du comité législatif lorsque la Chambre et les comités ont été saisis du projet de loi C-13. Ce projet de loi portait sur la vente de la société Nordion International, qui fournit des radio-isotopes à des centaines d'hôpitaux de tout le pays. Avec cette société, nous accaparions 90 p. 100 du marché mondial. Que s'est-il passé? En 1989, le gouvernement précédent a vendu cette société à des intérêts privés. Et aujourd'hui, le contrat donne lieu à beaucoup de controverse, car EACL dit ne pas pouvoir fournir les radio-isotopes au prix prévu dans le contrat alors que l'autre société exige que EACL respecte le contrat. La situation est aujourd'hui telle que nos hôpitaux risquent de manquer de radio-isotopes.

Je vais en rester là, car je pourrais parler de ce sujet pendant des heures. Toutefois, je tiens à signaler que la question des radio-isotopes est en voie de devenir brûlante au Canada. Les activités de recherche et de développement dans le domaine médical prennent de plus en plus d'importance et il nous faut investir dans ces activités pour obtenir un rendement de quatre ou cinq fois la mise. Il le faut.

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre nomination. Je veux également profiter de l'occasion pour féliciter mes collègues qui ont été réélus et la nouvelle équipe libérale. Les Canadiens nous ont fait confiance et c'est pourquoi nous sommes de ce côté-ci de la Chambre. Nous sommes ici pour tenter de régler les problèmes dont nous parlons ce soir.

Je veux évidemment remercier ma famille et les bénévoles qui m'ont aidé dans ma campagne, mais je veux avant tout remercier les habitants de London-Est, qui ont jugé bon de m'envoyer les représenter à la Chambre pour un autre mandat. J'apprécie vraiment cette marque de confiance de leur part.

Les quatre ou cinq dernières années que j'ai passées du côté de l'opposition ont été très frustrantes pour moi. C'est une expérience qui, parfois, n'a pas été aussi joyeuse que j'aurais voulu. J'espère que ce débat que nous avons ce soir marque un changement de direction. Je veux profiter de l'occasion pour remercier le ministre des Finances et notre premier ministre qui, je crois, ont montré ces dernières semaines qu'ils veulent vraiment consulter tous les députés parce que nous avons une mission commune ici. Nous avons tous été élus à la Chambre par des gens qui croyaient que nous avions des solutions à leurs problèmes.


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Quelle que soit notre affiliation politique, nous sommes tous ici pour nous occuper des affaires du pays.

Je peux dire que notre gouvernement a montré qu'il veut vraiment travailler avec tous et chacun d'entre nous pour accomplir cette grande tâche qu'il a devant lui. Le fait que nous ayons eu un débat ouvert sur la Bosnie, sur le maintien de la paix, sur les missiles de croisière, sur le filet de sécurité sociale et, aujourd'hui, sur le prochain budget en est la preuve. Je n'ai jamais vu cela en cinq ans. Auparavant, nous ne pouvions que réagir aux mesures que le gouvernement avait déjà prises, et c'était donc très frustrant.

Certaines des remarques que j'ai entendues ce soir m'ont étonné. Elles étaient plutôt négatives, ce à quoi je ne m'attendais pas de la part d'une opposition qui veut jouer un rôle constructif. Si j'avais eu l'occasion de donner mon avis à l'ancien premier ministre, M. Mulroney, et à ses copains. . .

(2115)

M. Dennis J. Mills (Broadview-Greenwood): Michael Wilson.

M. Fontana: Michael Wilson. Si j'avais pu donner mon avis avant la préparation du budget, j'aurais certainement saisi une telle occasion.

Pourtant, ce soir, je n'entends rien de nouveau d'un parti qui avait déclaré venir ici pour changer les choses. Je ne me laisserai pas emporter par l'esprit de parti. Peut-être certains d'entre eux écoutent-ils.

Le navire de l'État est en danger. Les Canadiens veulent du changement. Le 25 octobre, ils se sont débarrassés d'un gouvernement qui ne comblait pas leurs besoins. Les Canadiens veulent des hommes et des femmes déterminés à changer les choses.

Le Canada court encore au désastre économique avec ses 1,6 million de sans-emploi. Nous avons perdu 455 000 emplois permanents. Le nombre d'emplois à temps partiel atteint maintenant les 840 000 et, chaque jour, deux millions de Canadiens doivent faire la queue dans les banques d'alimentation. Le chômage chez les jeunes dépasse les 18 p. 100. Soixante-deux pour cent des femmes seul soutien de famille ont des revenus qui les placent sous le seuil de la pauvreté.

Nous avons pour mission d'écouter chacun de ces 29 millions de Canadiens qui attendent que nous apportions des solutions aux problèmes de la nation. Je pourrais reprocher la situation au gouvernement conservateur qui a fait passer la dette de 120 milliards à 500 milliards de dollars. Je pourrais lui reprocher de nous avoir laissé un déficit de 45 milliards de dollars.

Cependant, qu'accomplirons-nous si nous nous tournons vers le passé? Notre mission exige que nous nous tournions vers l'avenir. Je crois que nous pouvons tous ensemble nous tourner vers l'avenir. Maintenant que les comités ont été formés, maintenant que nous avons le débat de ce soir et que nous avons entendu les électeurs de nos circonscriptions nous dire ce qu'il fallait pour notre pays, peut-être pouvons-nous travailler tous ensemble dans l'esprit de la réforme parlementaire?

La semaine dernière, mes collègues et moi-même avons tenu nos consultations prébudgétaires à London, en Ontario. Nous avons invité les gens à venir nous faire part de leur point de vue sur la manière dont le gouvernement devrait administrer ses affaires, sur ce qu'il devrait changer dans sa manière de faire les choses. Nous leur avons demandé quelles étaient leurs priorités. Ils nous l'ont dit.

D'autres députés ont probablement entendu la même chose que nous. Je sais que le ministre des Finances a entendu la même chose que nous. Les Canadiens ne sont pas différents, qu'ils vivent à London, en Ontario, ou dans l'Ouest, au Québec ou dans les provinces atlantiques. Ils veulent un bon gouvernement, un gouvernement honnête, un gouvernement qui reconnaît qu'il faut régler le problème du déficit.

Nous savons que la dette et le déficit nous écrasent. Oui, nous devons éliminer les programmes inutiles. Nous devons rationaliser les activités du gouvernement pour que chaque dollar dépensé le soit à bon escient, pour qu'il aide les gens et ne les asservisse pas.

Oui, nous devons apporter des modifications à nos programmes sociaux, à notre filet de sécurité sociale. Ce dernier doit non seulement servir à retenir la chute des gens, mais aussi leur servir de tremplin pour les faire rebondir et leur permettre de profiter des occasions qui se présentent.

Ce filet de sécurité sociale est important. On n'a qu'à comparer notre société à la société américaine. Chez nous, 85 p. 100 des gens qui ont besoin d'aide en obtiennent de leur gouvernement, alors qu'aux États-Unis, c'est 25 p. 100 seulement. On n'a qu'a voir les statistiques sur la criminalité dans ce pays. On n'a qu'à voir les problèmes qu'il éprouve dans le domaine de la santé. On n'a qu'à voir les problèmes qu'il a au chapitre de ses infrastructures et de ses villes. On n'a qu'à voir les problèmes sociaux qu'il déplore.

Nous avons réussi a créer un grand pays en travaillant ensemble. En 125 ans, nous avons réussi à devenir une des puissances économiques mondiales avec un des niveaux de vie les plus élevés dans le monde. Ça n'a pas été facile. C'est attribuable au dévouement et au travail acharné d'un grand nombre de gens oeuvrant ensemble à créer notre grand pays.

C'est ce que nous avons à faire à partir d'aujourd'hui, de concert avec les autres députés à la Chambre. Il nous faut créer des emplois. Le 25 octobre, les électeurs nous ont fait savoir que les emplois constituaient leur souci primordial. Les gens ont besoin de travailler pour pourvoir aux besoins de leur famille.

Voilà pourquoi notre gouvernement s'est engagé à créer des emplois au moyen du programme d'infrastructure, au moyen du Programme de rénovation domiciliaire, au moyen d'investissements dans les petites entreprises pour leur ouvrir des débouchés. Nous devons investir dans les cerveaux et les talents, car nous savons que les petites entreprises créeront 85 p. 100 des emplois au Canada. Toutefois, il faut leur permettre d'obtenir des capitaux à long terme à des taux abordables et leur assurer l'appui des institutions bancaires pour qu'elles puissent grandir et prospérer. Si cela se produit, les gens auront du travail, les jeunes auront de l'espoir et des débouchés. Les femmes qui veulent faire partie de la population active pourront aussi trouver du travail. Mais nous devons soutenir les petites entreprises, et le gouvernement est déterminé à le faire.


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(2120)

Nous devons aussi essayer de vivre selon nos moyens, de surveiller les dépenses et de renouveler notre engagement à l'égard des programmes sociaux. Il n'y a rien de mal à dire que nous sommes convaincus qu'il faut aider les gens, car c'est notre travail, c'est-à-dire protéger les gens, surtout ceux qui ne peuvent se débrouiller seuls autant qu'ils le voudraient. Nous avons donc une responsabilité sociale envers tous les Canadiens.

Le budget, c'est un plan qui tient compte non seulement de notre conception de l'économie, mais aussi de notre projet de société. Il est vrai qu'il se passe des horreurs, qu'il y a du gaspillage, mais il y a moyen de faire des économies et nous sommes déterminés à les faire.

Mes électeurs ne veulent plus de hausse des impôts. Tous conviennent qu'ils sont surimposés. Les contribuables à revenus moyens paient de tous côtés et ne peuvent plus se permettre de le faire. Ils souhaitent une rationalisation, ils veulent que chaque dollar compte. Ils veulent des emplois, des investissements dans les ressources humaines, la formation, le recyclage. Ils réclament des investissements dans la petite entreprise. Ils demandent encore que nous investissions dans la recherche et le développement et que nous établissions des partenariats avec les universités, le secteur privé, les syndicats, les gouvernements, tous travaillant la main dans la main pour bâtir une société nouvelle.

À mon avis, c'est ce que les Canadiens attendent de chacun d'entre nous. Le gouvernement est déterminé à agir dans ce sens, à mettre de l'ordre dans ses finances et, plus important encore, à investir dans les ressources humaines. Si les gens trouvent à nouveau du travail, les déficits diminueront.

Voilà le message des libéraux, et nous espérons que l'opposition et tous les partis présents à la Chambre collaboreront avec nous pour bâtir un pays sans cesse plus beau.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, comme il s'agit de ma première intervention à la Chambre des communes, vous me permettrez d'abord de remercier les femmes et les hommes de Mégantic-Compton-Stanstead pour leur soutien lors des élections du 25 octobre 1993. Située sur la frontière américaine au sud-est du Québec, Mégantic-Compton-Stanstead est une circonscription rurale, comptant sur un fort potentiel économique et industriel, agricole et touristique.

[Traduction]

La circonscription de Mégantic-Compton-Stanstead compte une importante collectivité anglophone. Les anglophones ne sont pas séparés des francophones. Ils vivent côte à côte, dans le respect mutuel de leur spécificité.

[Français]

Mégantic-Compton-Stanstead, c'est beaucoup plus qu'une simple circonscription délimitée par une loi électorale. C'est une population fière et laborieuse qui, comme plusieurs autres au Québec et au Canada, risque d'être affectée par les orientations et les décisions économiques qui seront bientôt prises dans le premier budget déposé par le gouvernement du Parti libéral. Les gens de ma circonscription m'ont récemment exprimé leur scepticisme et leurs inquiétudes face à la triste situation qui prévaut dans le domaine des finances publiques. Je dois avouer que je partage ces craintes et ces doutes. En effet, plusieurs indices nous permettent de croire que le Budget qui nous sera bientôt présenté ne proposera rien d'autre que la continuité. Et cela, c'est très inquiétant car nous avons besoin de changement. Il faut réagir face à un déficit qui atteint des proportions gigantesques. Celui de cette année représente plus de 6 p. 100 du Produit intérieur brut.

Ce qui préoccupe davantage, c'est qu'une portion sans cesse croissante de notre dette est financée par des fonds étrangers. Cela réduit la marge de manoeuvre du gouvernement et contribue à hypothéquer l'avenir des générations futures. En fait, le gouvernement fédéral a tout simplement perdu le contrôle de sa dette, et des sommes importantes sont employées à payer l'intérêt sur le capital emprunté. Cet argent n'est pas investi pour la relance de l'économie, et j'y reviendrai.

Par le passé, le fédéral a tenté de contrôler son déficit par une réduction des dépenses basée sur des coupures dans les programmes sociaux et dans les paiements de transfert aux provinces. Une baisse de ces paiements serait une façon détournée de réduire la contribution fédérale aux programmes sociaux offerts par les provinces.

(2125)

Par ailleurs, le gouvernement a augmenté ses recettes fiscales en imposant davantage la classe moyenne. Ces mesures sont inéquitables et le gouvernement doit cesser d'y recourir.

Nous reconnaissons que le déficit est un problème majeur auquel il faut s'attaquer de toute urgente. Néanmoins, le gouvernement ne peut sabrer dans les programmes sociaux quand le taux de chômage s'élève à 11,2 p. 100, qu'il atteint plus de 12,8 p. 100 au Québec, que le nombre d'assistés sociaux ne cesse d'augmenter et que les mises à pied continuent à faire des ravages.

Malgré ce que les experts prétendent, la récession étant techniquement terminée, la reprise, elle, est lente, voire anémique. La population est impatiente de voir des signes concrets de reprise économique. En fait, les gens sont en train de perdre espoir et confiance en leur gouvernement, si ce n'est déjà fait.

En effet, après des années de promesses de régler les problèmes de chevauchement de pouvoir, les problèmes d'emploi et de niveau de vie à la baisse, les gouvernements canadiens n'ont jamais pu livrer la marchandise. Il s'agit là d'une preuve irréfutable de l'irréformabilité de ce système fédératif. La commission Bélanger-Campeau affirmait d'ailleurs, en conclusion de son rapport, et je cite: «La relation entre le Québec et le reste du Canada, au sein du régime politique et de l'ordre constitutionnel qui les régissent, se trouve dans une impasse.» Le référendum sur l'entente de Charlottetown n'a fait que confirmer cette impasse. Et pour ce qui est de l'avenir, le gouvernement actuel offre peu d'alternatives valables.


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Mais ce qui est encore plus grave, c'est que les 30 dernières années de fédéralisme centralisateur ont engendré une dette de plus de 500 milliards de dollars par le manque d'initiative du gouvernement et une mauvaise gestion financière.

La logique des gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays résidait dans la volonté de faire fonctionner coûte que coûte cette fédération enviée de par le monde. Ce qu'on oubliait de dire à ceux qui nous percevaient comme pays prospère et stable c'est que cette richesse et cette unité nationale n'existaient que dans les livres de ceux qui voulaient préserver artificiellement la fédération, sans se soucier du prix que les générations futures auraient à payer un jour.

Les conséquences de cette mauvaise gestion des fonds publics par le gouvernement fédéral sont énormes et des plus néfastes, autant pour l'économie du Québec que pour celle du reste du Canada car, voyez-vous, l'endettement du Canada a aussi entraîné dans sa chute la marge de manoeuvre financière du Québec. Le Québec a ainsi longtemps contribué et contribue encore largement aujourd'hui au financement de la dette canadienne. Et le coût de cette dette fédérale est faramineux pour le Québec et pour l'ensemble du Canada, phénomène d'autant plus frustrant que les décisions qui ont entraîné ces déficits fédéraux ont toutes été prises par le gouvernement fédéral et, plus souvent qu'autrement, en empiétant sur les juridictions provinciales, dans le but avoué de mettre le Québec à sa place.

Mais voyons un peu combien cela peut coûter au Trésor québécois une telle dette fédérale. La calcul est très simple: le total des intérêts payés sur la dette équivaut plus ou moins au déficit annuel du Canada, soit plus de 40 milliards de dollars. Or, lors d'une émission spéciale sur la dette, à Radio-Canada, on mentionnait que les intérêts payés à des prêteurs étrangers représentaient 28 milliards de dollars. À titre d'image, je dis simplement que 28 milliards de dollars payés à des étrangers pour les intérêts sur la dette, cela veut donc dire pour le Québec une part d'environ 6 milliards, ce qui est l'équivalent à peu près de ce qui est versé en prestations d'assurance-chômage.

Tout cet argent qui sort du pays sert à créer des emplois et à soutenir des programmes sociaux ailleurs qu'au Canada et au Québec. En fait, c'est de l'argent que le gouvernement fédéral envoie à l'étranger en notre nom, alors que le Québec, plus souvent qu'autrement, se retrouve dans une situation minoritaire à la table canadienne, là où se prennent les grandes décisions.

Les Québécois et les Québécoises ont d'ailleurs clairement démontré lors des dernières élections fédérales qu'ils n'en pouvaient plus de voir leurs élus défendre les intérêts de leur parti pancanadien plutôt que ceux du Québec. Ils ont décidé d'envoyer à Ottawa des représentants qui se sont engagés à parler haut et fort lorsque le gouvernement prendra des décisions qui iront à l'encontre des intérêts du Québec.

(2130)

Et j'avoue que ça doit être dérangeant pour l'establishment fédéral, habitué qu'il était à voir les députés québécois se conformer aux politiques canadiennes. Le temps de l'asservissement du Québec est donc terminé, monsieur le Président. Finies les compromissions acquises derrière les portes closes des caucus! Nous avons un pays à bâtir et nous prendrons les moyens qu'il faut pour faire du Québec un État souverain et prospère, muni du plein contrôle de ses leviers économiques et dans le respect de ses partenaires.

Mais en attendant que le Québec accède à sa pleine souveraineté, le gouvernement fédéral devra agir promptement s'il veut préserver nos programmes sociaux.

J'aimerais dire un mot en terminant, monsieur le Président, quant à la réforme de la sécurité du revenu. Il y a là un exemple de chevauchement qui, s'il était réglé, permettrait des économies substantielles. Le ministre des Ressources humaines a annoncé cette semaine, dans le cadre du discours sur les programmes sociaux, une vaste réforme de la sécurité sociale, ce qui inclut bien sûr l'assurance-chômage, la pension de sécurité de la vieillesse, mais également la sécurité sociale. En embarquant dans les négociations au niveau de la sécurité sociale, veut, veut pas, on doit parler de Constitution, puisqu'il s'agit d'une compétence qui est strictement reconnue au niveau provincial.

Je termine en disant, monsieur le Président, qu'il faut s'attaquer bien sûr au déficit qui risque de compromettre notre avenir, mais il faut le faire en préservant les programmes sociaux qui sont en fait le filet qui assure les plus démunis d'un minimum vital.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Les industries artistiques et culturelles jouent un rôle important dans l'économie canadienne et québécoise. Selon une étude de l'UNESCO, un investissement de un milliard de dollars dans ces industries génère sur deux ans une activité économique de plusieurs milliards.

La vitalité de cette industrie repose sur ses artisans et artisanes. Par leur travail, par leur imagination, par leur passion, ces personnes donnent aux producteurs et aux industries culturelles les moyens de nous offrir un éventail de produits culturels: des livres, enregistrements sonores, la radio, la télévisiion, les films, les vidéos, les peintures, les pièces de théâtre, la danse et d'autres formes d'expression qui nous nourrissent et nous définissent.

Le Regroupement du cinéma et de la télévision rappelle à juste titre, et je cite: «qu'à l'exception des États-Unis, aucun des pays occidentaux n'a réussi depuis la Seconde Guerre mondiale à développer des industries culturelles nationales fortes sans un soutien actif, croissant et multiforme de l'État et qu'en dépit des efforts déployés, le maintien de cultures et d'identités nationales fortes demeure aujourd'hui, plus que jamais, problématique face à la mondialisation des marchés et à la position de plus en plus hégémonique qui y occupent les grands conglomérats transnationaux.»

Il ajoute de plus: «qu'à défaut d'y réagir avec force et imagination, les États nationaux risquent d'être contraints d'assister, impuissants, à la lente dissolution de leur culture et de leur identité au profit d'une culture transnationale unique, voyant peu à peu disparaître ce qui a fait la richesse des cultures humaines: leur diversité.» Aussi est-il essentiel que le gouvernement accorde une attention toute particulière à ce secteur d'activités lors de l'élaboration de son prochain budget.


779

Arrêtons-nous à quelques chiffres concernant les industries artistiques et culturelles pour prendre conscience de l'ampleur de leur apport à l'économie canadienne et québécoise. En 1990-1991, ces industries ont injecté un total de 22 milliards dans l'économie, ce qui représente 3,7 p. 100 du PIB. Le Conseil canadien des arts précise, et je cite: «des comparaisons récentes avec d'autres industries indiquent que les arts et la culture contribuent davantage au PNB que l'agriculture, les mines et l'industrie forestière.»

Les industries artistiques et culturelles contribuent à la création de 500 000 emplois directs et indirects. La main-d'oeuvre de ce secteur a connu un taux de croissance phénoménal de 122 p. 100 depuis 1971, alors que la croissance moyenne de la main-d'oeuvre dans les autres secteurs d'activités pour la même période se situait à 58 p. 100. Ce qui signifie qu'en 20 ans, la main-d'oeuvre dans le secteur des industries artistique et culturelle est passée de 1,8 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne à 2,5. À lui seul, le Trésor fédéral reçoit annuellement, sous forme de taxes, quelque 650 millions de dollars des industries culturelles.

(2135)

Enfin, le coût de la création d'un emploi dans le secteur culturel est d'environ 20 000 $, comparativement à 100 000 $ dans l'industrie légère et 200 000 $ dans l'industrie lourde.

Cependant, ces données pourraient occulter une réalité: les artistes, les créateurs, les créatrices, les artisans et les artisanes des industries artistique et culturelle logent, pour la plupart, à l'enseigne de la pauvreté. En effet, une enquête réalisée en 1986-1987 par Jean-Guy Lacroix auprès de 6 170 artistes, créateurs et créatrices des secteurs de la musique, du théâtre, de la danse et de l'écriture, démontre que la grande majorité de ces personnes vivent dans des conditions précaires: le revenu moyen était de 8 170 $; 70 p. 100 d'entre eux avaient un revenu inférieur à 10 000 $ et 15,3 p. 100 avaient un revenu supérieur à celui du seuil de la pauvreté, dont seulement 2,8 p. 100 avaient un revenu dépassant les 50 000 $.

Qui plus est, la plupart des emplois sont à statut précaire, à temps partiel, à contrat ou à la pige, ce qui place les artistes, les créateurs et les créatrices constamment dans l'insécurité, puisque leur statut de travailleurs et travailleuses autonomes les rend inadmissibles à l'assurance-chômage.

Les industries culturelle et artistique ont deux caractéristiques principales, celle d'être un secteur à risque et celle d'être vulnérable aux produits importés, particulièrement les produits américains pour ne pas les nommer.

Souffrant d'une sous-capitalisation chronique, l'existence de projets, dans quelque domaine que ce soit, est liée à la capacité qu'a un producteur de réunir le financement requis à sa réalisation. Réussir à le faire tient de l'exploit et tout le monde sait que, actuellement, de bons projets ne voient jamais le jour, faute de financement.

De plus, la vulnérabilité à l'importation des industries artistique et culturelle est confirmée par le déficit commercial enregistré en 1991, déficit qui se chiffrait à 4,4 milliards. Il faut préciser toutefois qu'il s'agit là d'une tendance. Le déficit de la balance commerciale des industries artistique et culturelle s'accentue d'année en année. Depuis 1988, il a augmenté de 12 p. 100.

Pourtant, le consommateur en redemande. En 1991, les Canadiens et Québécois ont déboursé 35 milliards pour l'achat de biens culturels. Le Conseil canadien des arts nous précise que depuis 1982, alors que les dépenses de consommation totales augmentaient de 7 p. 100, celles liées aux arts et à la culture connaissaient une hausse de 9 p. 100. Il faut donc offrir de plus en plus de produits canadiens et québécois pour répondre à la demande des consommateurs et pour mettre fin au déficit de la balance commerciale dans ce secteur. Et je désire rappeler que le coût de la création d'un emploi dans ce secteur est l'un des plus bas dans l'ensemble des secteurs de l'économie, d'où l'importance d'investir dans la culture.

Le gouvernement précédent a sabré dans les budgets de la culture et des communications sans réfléchir aux conséquences à long terme de ses gestes. D'aucuns vont même jusqu'à le soupçonner d'avoir voulu remettre en cause le principe de soutien de l'État à l'industrie culturelle.

Pendant que les dépenses totales du gouvernement augmentaient de 41,9 p. 100, le PIB de 52,7 p. 100 et l'inflation de 36,6 p. 100, les dépenses du gouvernement fédéral en matière de culture augmentaient de 3,7 p. 100 entre 1984 et 1992. Toutefois, cette hausse apparente se traduisait en réalité par une baisse en dollars constants équivalente à 24,2 p. 100. Rappelons en passant que l'essentiel de ces coupures a affecté la Société Radio-Canada.

Enfin, depuis l'énoncé du budget de 1993, il est toujours prévu de réduire les dépenses dans ce secteur pour les cinq prochaines anées, selon la formule retenue du 10, 10, 15, 20 et 20 p. 100.

Cette décision témoigne d'un gouvernement qui gérait à courte vue lorsqu'on sait par ailleurs que le gouvernement récupère la presque totalité des sommes qu'il a consenties de verser à ce domaine d'activités.

Certes, les marges de manoeuvre du gouvernement sont minces. Alors comment trouver les ressources nécessaires au financement de la culture du Québec et de celle du Canada?

(2140)

Pour sa part, le Québec revendique depuis longtemps le respect de sa juridiction exclusive en matière culturelle. Le Québec, dans le domaine de la culture ne peut plus se permettre d'avoir deux ministères, deux conseils des arts et des lettres, trois instruments de développement cinématographique qui subventionnent, entre autres, leurs fonctionnaires, se dédoublent, même parfois se contredisent.

L'intervention actuelle du gouvernement fédéral se fait en dehors de toute entente auxiliaire Canada-Québec. L'entente sur les équipements culturels est échue depuis mars 1991. Sans consulter le gouvernement du Québec, Ottawa multiplie les subventions dans des projets d'équipements culturels tout en laissant le Québec responsable d'assumer le financement de leur fonctionnement.

Pourtant le rapport Harpin, présenté à la ministre des Affaires culturelles du Québec, était clair à ce chapitre. Il disait, et je cite: «On peut conclure qu'il existe, sur le plan des structures, des programmes, des clientèles et même des mesures législatives et fiscales, un chevauchement manifeste entre les interventions des deux ordres de gouvernement. On peut même parler de dédoublement qui conduit à la surenchère.»


780

Donc, un des premiers moyens de libérer des fonds est de mettre fin aux chevauchements et aux dédoublements, de remettre au Québec sa juridiction en matière culturelle et y joindre les enveloppes budgétaires qui y sont rattachées.

Entre-temps, nous voulons que le gouvernement revienne sur sa décision de réduire les fonds de 10 p. 100 au Conseil des Arts du Canada et à Téléfilm Canada, et d'annuler également les coupures de 250 millions prévues à la Société Radio-Canada.

Enfin, si par malheur, les mesures du précédent gouvernement devaient être maintenues, l'opposition officielle demande l'élaboration d'un programme spécialement destiné aux artisans et aux artisanes des industries culturelles. Ces personnes qui jusqu'ici ont vécu principalement de leur passion ne doivent pas faire les frais des coupes à blanc du gouvernement, ce dernier doit prévoir des moyens pour leur faire traverser la crise qu'il leur imposera.

Les artistes nous font rêver, nous font pleurer, nous font rire. Les créateurs et les créatrices excitent quotidiennement notre imagination, nous surprennent, nous questionnent, nous interpellent. Aujourd'hui, je demande au gouvernement de ne pas les laisser tomber. Personne n'en a les moyens.

Pour toutes ces considérations, le ministre du Patrimoine canadien ne doit pas se contenter de défendre les acquis. Il doit monter aux barricades et expliquer à son collègue des Finances que les industries artistiques et culturelles ont besoin d'un soutien actif, croissant et multiforme de l'État, car les décisions que nous prendrons aujourd'hui modèleront la société de demain et détermineront, pour une bonne part, notre devenir collectif.

[Traduction]

M. John Williams (St-Albert): Monsieur le Président, je voudrais d'abord féliciter le gouvernement et le ministre des Finances de la tenue de ce débat historique.

Le présent débat constitue en effet, espérons-le, une première étape vers une participation réelle des parlementaires à la planification financière et budgétaire du gouvernement. Par conséquent, même si nous ne réglerons sans doute pas tous les problèmes aujourd'hui, j'invite le ministre des Finances à répéter l'expérience dans les années à venir.

Notre pays regorge de ressources naturelles. Nos forêts fournissent du bois d'oeuvre et des produits forestiers au monde entier, nos vastes prairies nourrissent des millions de gens au-delà de nos côtes et nos réserves énergétiques renouvelables et non renouvelables font l'envie du monde.

Nous disposons de ressources naturelles plus que tout autre pays, mais hélas nous sommes aussi aux prises avec les très graves problèmes démoralisants que sont les déficits et la dette. Nous avons gaspillé non seulement nos ressources, mais aussi celles qui reviennent de plein droit aux générations futures. Pour tout dire, nous sommes endettés jusqu'au cou. À ce jour, il n'y a pas de plan ni de consensus quant aux moyens qui nous permettront de surmonter cette honte nationale.

La dette fédérale représente maintenant 70 p. 100 du PIB, et le déficit annuel du gouvernement fédéral, comme le ministre l'a dit plus tôt, 6,2 p. 100 du PIB, et c'est sans parler des déficits provinciaux. L'intérêt sur la dette fédérale dévore actuellement 31 p. 100 du total des recettes du gouvernement fédéral. Dans mon adresse en réponse au discours du Trône, j'ai cité à ce propos le mot du vérificateur général: «Des choix difficiles s'annoncent.»

Devant ces choix difficiles, j'ai lancé un défi au ministre des Finances: qu'il équilibre le budget d'ici la fin de la présente législature. Face à la crise que nous traversons, le ministre des Finances, dans la préparation de son budget, a le choix. Il peut décider d'accomplir de grandes choses ou préférer s'en tenir à des demi-mesures-petites augmentations d'impôts par-ci, petites compressions de dépenses par-là, bref une timide approche du problème.

(2145)

Le ministre des Finances se trouve devant un choix difficile. Pour ma part, le choix est simple. Il peut choisir la médiocrité ou décider de se surpasser en faisant sortir notre pays du noir tunnel du déficit et de la dette et en lui montrant la voie lumineuse de la prospérité retrouvée.

L'histoire a toujours souligné la valeur des chefs qui ont osé relever le défi, mais elle condamne aux oubliettes ceux qui ont lamentablement échoué.

Voici un parallèle que d'aucuns réfuteront peut-être mais qui me semble non dénué de sens. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement fédéral avait accumulé une dette qui correspondait à 108 p. 100 de son PIB. Les soldats qui rentraient au pays étaient sans emploi. Le taux de chômage était élevé. Obligées de se reconvertir en un temps record, les entreprises devaient réduire considérablement leurs activités et, dans bien des cas, fermer leurs portes.

Qui aurait dit, en 1945, que nous entrions dans une ère de croissance et de prospérité sans précédent?

En gros, le gouvernement disposait d'un atout: les économies du coût de l'effort de guerre, ce que nous appellerions aujourd'hui les dividendes de la paix.

À la même époque, l'Europe a dû être reconstruite et elle l'a été grâce au célèbre plan Marshall.

L'avenir financier a dû paraître sombre au gouvernement fédéral de 1945, mais celui-ci a su tirer parti des dividendes de la paix pour créer des emplois durables et engendrer des richesses dans tout le pays. Selon les statistiques, cette ère a pris fin au début des année 70, au moment où M. Trudeau et son équipe libérale dirigeaient le pays.


781

M. Trudeau avait une vision: «la Société juste». Il s'agissait d'éliminer la pauvreté et les inégalités sur la terre, mais le prix à payer pour éliminer la pauvreté s'est révélé prohibitif à la longue.

M. Trudeau et son gouvernement libéral ont créé des programmes de bien-être social, des programmes sociaux et des programmes d'admissibilité aux prestations si généreux qu'ils ont incité bon nombre de personnes à ne pas travailler. Et ils ont payé tous ces programmes avec de l'argent emprunté.

Le fait est qu'ils ont payé tous ces programmes avec de l'argent emprunté. Ce faisant, ils n'ont pas créé une société juste, mais une société endettée. Je ne pense pas qu'à l'époque, les contribuables auraient vu la chose d'un oeil aussi favorable si on leur avait présenté la facture. Le dilemme que nous connaissons aujourd'hui remonte à l'époque où les dépenses de programmes représentaient 125 p. 100 de toutes les recettes du gouvernement, voire 155 p. 100 de toutes ces recettes si l'on ajoute les coûts de l'intérêt.

Comme je l'ai dit, les problèmes que nous connaissons aujourd'hui ressemblent un peu à ceux que le gouvernement a connus à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dette fédérale était alors intolérablement élevée, le chômage était un problème majeur, l'industrie devait subir une restructuration mais à la fin de la guerre, il y avait le dividende de la paix.

Aujourd'hui, nous avons besoin, pour remettre notre pays sur la voie de la prospérité, de l'argent qui peut être épargné grâce à la restructuration de nos programmes sociaux. Autrement dit, nous avons besoin du dividende de l'élimination du déficit.

D'après les renseignements fournis dans le rapport du vérificateur général, au cours des 29 années qui se sont écoulées entre 1946 et 1975, le PIB de notre pays est passé de 12 à 152 milliards de dollars, soit 12,5 fois ce qu'il était. Durant cette même période, la dette du gouvernement fédéral n'a que doublé, passant de 13 à 27 milliards de dollars.

Je pense que si le ministre des Finances réduit sérieusement les dépenses du gouvernement et s'engage sérieusement à équilibrer le budget d'ici la fin de cette législature, le secteur privé continuera là où le secteur public aura laissé et créera des milliers d'emplois à long terme non seulement rémunérateurs mais aussi producteurs de richesses et imposables, comme ce fut le cas dans les années 50 et les années 60.

Cette fois, avec la fin de la guerre froide, ce sont les économies de l'Europe de l'Est qu'il faut reconstruire. La Chine et les pays de la région du Pacifique peuvent absorber toutes nos exportations qui sont vendues à des prix concurrentiels. Le Mexique, qui fait partie de l'ALENA, devrait être considéré non pas comme un compétiteur, mais comme un consommateur de nos produits, à mesure que le niveau de vie dans ce pays continue de s'améliorer.

Notre avantage, sur le plan technologique, peut devenir la force motrice de la croissance économique et d'une nouvelle prospérité.

(2150)

Si nous faisons confiance à l'esprit d'entreprise des Canadiens, il est possible de créer plus d'emplois qu'il n'y a de Canadiens pour les occuper.

N'oubliez pas que le vérificateur général a dit que des choix difficiles nous attendaient. Je pense à Shakespeare qui disait au ministre des Finances qu'il y avait dans la vie des occasions qui-si on les saisit-pouvaient mener à la fortune.

Le ministre des Finances va-t-il relever le défi et s'engager au nom du gouvernement libéral à réparer les erreurs des gouvernements précédents? Va-t-il s'engager à équilibrer le budget d'ici la fin de cette législature? Ou bien va-t-il se laisser aller à la médiocrité et augmenter les impôts ici et réduire les dépenses là, tandis que nous voyons sa vision de notre pays abaisser celui-ci au niveau des économies du tiers monde?

Aux dernières élections, le Parti réformiste a dressé un plan clair et simple qui visait à équilibrer le budget en trois ans. À présent qu'on nous dit que le déficit est nettement plus élevé qu'on ne l'imaginait l'automne dernier, je laisse au ministre des Finances une marge de manoeuvre. Le choix repose entre ses mains. La mauvaise nouvelle est qu'il n'aura qu'une seule fois la possibilité de prendre cette décision difficile. J'espère que quand il présentera son budget plus tard au cours de ce mois-ci, il s'élevera dans l'histoire comme le ministre des Finances qui a sorti notre pays du noir tunnel et lui a permis de retrouver l'éclat de la prospérité.

C'est possible! Ca s'est déjà vu. J'attends avec impatience le budget qu'il doit présenter plus tard ce mois-ci.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à ce débat. J'ai beaucoup à dire et peu de temps pour le faire et je vais donc immédiatement en venir aux faits.

Tout d'abord, en tant que néo-démocrate, je m'offusque de voir que chaque année, quelque 40 milliards de dollars de recettes publiques sont consacrés au paiement de l'intérêt sur la dette. Il s'agit pour moi d'un transfert considérable de richesses aux nantis. Mais qui touche ces 40 milliards de dollars chaque année? Un certain pourcentage va au Canadien moyen. Cependant, ce sont surtout les banques, les institutions financières et les très nantis, ainsi que, de plus en plus, les institutions financières étrangères, qui en profitent.

Si cet argent allait dans les poches des Canadiens ordinaires, je n'y verrais aucun inconvénient. Cependant, le fait est qu'il s'agit là d'un transfert d'argent aux gens déjà les plus riches.

Le CCF qui a été à l'origine du NPD avait ceci à dire dans son manifeste de Regina, une déclaration faite en 1933: «La dette publique s'accroît énormément et les frais d'intérêt fixes que cela entraîne constituent maintenant le poste le plus important de ce qu'on appelle les dépenses publiques obligatoires. Le CCF propose qu'à l'avenir, on ne permette plus de financement public facilitant la perpétuation de la classe des parasites qui s'enrichissent grâce à la perception d'intérêts».

Pas surprenant alors que les gouvernements NPD ou CCF aient toujours équilibré leurs budgets, surtout lorsqu'on se reporte à l'histoire de ces gouvernements en Saskatchewan sous Tommy Douglas, Woodrow Lloyd, Allan Blakeney et maintenant, Roy


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Romanow. On reconnaît dans ce manifeste que les paiements d'intérêt constituent un transfert de richesses aux plus favorisés et empêchent le gouvernement de s'acquitter des responsabilités qui lui incombent.

Comment nous sommes-nous placés dans cette situation difficile? Ce qui manque dans ce débat, c'est une analyse approfondie de la façon dont nous avons réussi à accumuler une dette de plus de 500 milliards de dollars. Dans une étude rendue publique en 1991, Statistique Canada soutenait que 50 p. 100 de la dette de 400 milliards de dollars que nous avions à l'époque étaient attribuables aux paiements d'intérêt, que 44 p. 100 découlaient d'une diminution des recettes et qu'à peine 6 p. 100 étaient la conséquence d'une augmentation des dépenses gouvernementales, dont les programmes sociaux ne représentaient que 2 p. 100.

Autrement dit, l'augmentation des dépenses sociales ne représente que 2 p. 100 de la dette nationale. Contrairement au député du Parti réformiste qui m'a précédé, je ne crois pas que nous vivions au-dessus de nos moyens et que nos programmes sociaux soient trop généreux, ce qui expliquerait notre endettement. Parmi les pays membres de l'OCDE, le Canada vient à l'avant-dernier rang pour ce qui est des sommes consacrées aux programmes sociaux en proportion de notre produit intérieur brut. À ce chapitre, nous venons après les Pays-Bas, l'Italie, l'Irlande, l'Allemagne, l'Espagne et la Grèce. Le Canada consacre moins, en pourcentage du produit intérieur brut, aux programmes sociaux. Le paiement de l'intérêt de la dette représente 50 p. 100 du PIB. La politique de taux d'intérêt élevés adoptée par un ancien gouvernement libéral et maintenues par le gouvernement conservateur précédent a pris des proportions considérables et provoqué une réduction de 44 p. 100 des recettes.

(2155)

Cette situation a une double cause, comme le montre une étude de Statistique Canada. Il y a eu tout d'abord les allégements fiscaux que le gouvernement libéral a accordés aux très riches dans les années 70 et que les conservateurs ont maintenus. Ces mesures représentent une partie importante du manque à gagner. Il y a eu ensuite l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, qui a fait perdre 400 000 emplois au Canada, ce qui représente 400 000 contribuables de moins. L'effet combiné du taux de chômage élevé et des échappatoires fiscales accordées aux mieux nantis a provoqué une baisse des recettes.

Je le répète, ce ne sont pas les hausses des dépenses gouvernementales, en particulier au chapitre des programmes sociaux, qui ont engendré la dette, mais bien le programme néo-conservateur des Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Brian Mulroney et Grant Devine. Il n'est pas étonnant que les gouvernements néo-conservateurs aient accru la dette.

En fait, aux États-Unis, M. David Stockwell, directeur du budget sous Ronald Reagan, reconnaît maintenant ouvertement que l'administration a délibérément accru le déficit de manière à pouvoir justifier par la suite une réduction du financement des programmes sociaux. Le programme néo-conservateur a donné les résultats escomptés car les gouvernements sont maintenant étranglés par une dette et un déficit croissant et doivent sabrer dans les programmes. Qui fera les frais des réductions de dépenses? Ce sont les pauvres, les malades, les enfants et les bénéficiaires des programmes sociaux. Les victimes des réductions seront ceux-là mêmes qui n'ont pas créé le déficit ou la dette mais devront néanmoins, je le crains, en payer le coût.

De quelles solutions disposons-nous pour résoudre le problème? Je ne crois pas que la proposition du Parti réformiste de ramener le déficit à 0 p. 100 en trois ans ait du sens. Il n'a pas soumis cette proposition à l'analyse d'une entreprise indépendante, ou à un modèle économique comme celui d'Informetrica. En fait, Informetrica estime, et avait prévu, sur la foi du modèle qu'elle a établi, que l'application de la formule de zéro en trois ans entraînerait la perte de 300 000 emplois.

Les réformistes n'ont jamais parlé dans leur plate-forme de la perte des revenus qui en résulterait et de l'accroissement consécutif du déficit. Les chiffres qui ont été diffusés relativement à l'application de la formule du zéro en trois étaient en quelque sorte trompeurs puisqu'ils ne tenaient pas compte des conséquences économiques qu'aurait le retrait de 40 milliards de dollars de l'économie.

La vérité est qu'il n'y a pas de solution simple et facile. Il n'existe pas de baguette magique qui permette d'assurer en trois ans la prospérité et le retour des beaux jours. Les choses ne sont pas aussi simples et il faudrait être naïf ou menteur pour le soutenir.

L'étude de Statistique Canada nous montre pourquoi nous avons un déficit. Nous devons garder nos taux d'intérêt bas. Nos taux à long terme sont encore trop élevés. Si l'on examine les leçons du passé, on voit que chaque fois que les taux d'intérêt sont devenus élevés, le monde a connu de profondes récessions et des dépressions.

Statistique Canada nous a montré que nous devons aussi établir un régime fiscal juste. Il ne s'agit pas de faire ce que certains suggèrent, soit d'ajouter encore au fardeau fiscal de la classe moyenne et des pauvres. Que fait-on des très, très riches? Plus de 140 milliards de dollars de profits ont été empochés sans être imposés au cours des neuf dernières années, 140 milliards de profits qui n'ont pas rapporté un sou en recettes fiscales. Comment ne pas être choqué au plus haut point, à la Chambre, devant une telle injustice? C'est ainsi qu'on crée le déficit, qui entraîne à sa suite des compressions dans les programmes sociaux et les programmes de formation dans notre pays. C'est cela qui est indigne.

(2200)

L'autre question importante est évidemment l'emploi. Quand les Canadiens ne travaillent pas, le Canada ne fonctionne pas. Des choses comme l'Accord de libre-échange avec le Mexique, qui fait augmenter les taxes sur l'emploi, car c'est bien ce que représente la hausse des cotisations d'assurance-chômage, ce genre de choses nuit à la productivité. Cela ne crée pas d'emplois.

Je ne suis pas contre les accords de libre-échange. Le modèle européen a du sens. Il assure les mêmes règles du jeu pour tous les pays en matière de programmes sociaux et environnementaux et en coûts de main-d'oeuvre. Mais nous en sommes rendus au nivellement par le bas, et le bon sens nous dit qu'au moins à court terme, nous allons encore perdre des emplois, alors que la conjoncture ne nous le permet pas.

Peut-être qu'un jour, nous jouirons des avantages que confèrent les accords de libre-échange, mais je crois que, dans l'immédiat, tous les économistes admettront que nous allons perdre des emplois. La conjoncture actuelle ne nous permet pas de perdre le moindre emploi.

783

L'autre suggestion qui, selon moi, était pleine de bon sens, nous venait du député de Renfrew-Nipissing-Pembroke. La dette et le déficit qui accablent notre pays et qui sont en train de détruire nos programmes sociaux et notre secteur public représentent une grave menace pour notre mode de vie, une menace tout aussi grave que la dernière guerre. C'est grave à ce point-là. La santé, le bien-être et même l'avenir de plusieurs générations de Canadiens seront touchés. Cela ne fait aucun doute.

Pourquoi ne pas faire appel aux Canadiens de bonne volonté, comme nous l'avions fait avec l'émission des bons de la victoire? Demandons aux scouts et aux guides et à tout groupe défendant les intérêts publics de vendre ces bons, pour que nous puissions rembourser notre dette. Ainsi, nos créanciers seraient ici, et non à l'étranger.

J'ai entendu quelqu'un dire un peu plus tôt que des 40 ou 50 milliards de dollars que nous allons payer cette année en intérêt sur la dette, argent qui sort de la poche des contribuables canadiens, 28 milliards partiraient à l'étranger. Quel gaspillage! Quelle saignée à blanc! Cela ne peut pas continuer ainsi. Nous ne résisterons pas longtemps. Il faut que nous remboursions notre dette extérieure de façon que ce soient au moins des Canadiens et le Canada qui en profitent, dans une certaine mesure.

Pour terminer, j'aimerais préciser qu'à mes yeux, la dette et le déficit ne sont pas des problèmes de droite, mais bien des problèmes qui devraient préoccuper tous ceux qui croient que le secteur public a un rôle important à jouer pour assurer le bien-être de la population. Je pense moi aussi, comme M. David Stockwell, ancien directeur du bureau chargé de l'élaboration du budget, sous Reagan, que la droite néo-conservatrice a délibérément laissé la dette s'accumuler afin de tuer le secteur public.

[Français]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, le système de santé compte parmi les plus belles choses que notre magnifique pays nous donne et les Canadiens y attachent un grand prix. Sans la santé, la vie et ses diverses manifestations risquent d'être gravement compromises. Or, la protection de la santé repose sur deux grands volets, soit la responsabilité qui incombe à chacun de suivre des habitudes de vie saines et notre système national de soins de santé. Le gouvernement est impuissant face au premier volet mais dans le cas du deuxième, il peut agir.

[Traduction]

En tant que médecin et consommateur, je crois que le régime d'assurance-maladie du Canada est vraiment le meilleur au monde. C'est un régime que nous envient les autres pays et qui permet à tous les Canadiens de bénéficier des meilleurs soins de santé gratuitement.

Au coeur du régime, il y a la Loi canadienne sur la santé qui repose sur les cinq principes suivants: l'universalité des soins pour tous les Canadiens; l'intégralité de tous les services essentiels; l'accessibilité raisonnable pour les dispensateurs et pour les utilisateurs de services; la transférabilité des avantages d'une province à l'autre; la gratuité de la gestion des soins de santé.

(2205)

Les provinces et le gouvernement fédéral se partagent la tâche d'administrer les paiements. Cependant, il incombe aux provinces de dispenser les soins et de gérer l'ensemble du système. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral fournit environ 25 p. 100 des fonds nécessaires, pourvu que les provinces administrent leur régime d'assurance-maladie en respectant les dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

Au cours de la dernière décennie, la crise fiscale s'est intensifiée et, à moins d'être freinée, elle mènera inévitablement à l'effondrement au Canada du système de soins de santé subventionné par l'État.

Le problème le plus grave, comme l'ont mentionné nombre de mes collègues aujourd'hui, c'est l'accroissement de la dette et du déficit. Au Canada, au niveau fédéral, nous sommes passés de 125 milliards de dollars en 1980 à plus de 500 milliards cette année.

Le montant des recettes nécessaires pour assurer le service de cette dette monstrueuse a augmenté. En 1984, les versements d'intérêts représentaient environ 28 cents sur chaque dollar d'impôt. Aujourd'hui, ils représentent environ 33 cents Si nous continuons de dépenser au rythme actuel, en l'an 2000, nous consacrerons 40 cents sur chaque dollar d'impôt au service de la dette. Cela veut dire que nous aurons de moins en moins d'argent à dépenser au titre des programmes sociaux comme les soins de santé.

Un autre fait intéressant que les gens ignorent peut-être, c'est que le montant que le gouvernement fédéral dépense au titre des soins de santé en pourcentage de l'ensemble des dépenses de programmes a diminué depuis 1970, passant de 10,9 p. 100 à 7,6 p. 100. Cela veut dire que le gouvernement fédéral lui-même dépense de moins de moins d'argent pour les soins de santé.

Je ne tiens pas compte de la crise financière des provinces qui réduira, elle aussi, la capacité des gouvernements de financer les soins de santé.

En même temps que les gouvernements réduisent leurs dépenses au titre des soins de santé, il y a un autre élément dans cette équation. Le coût des soins médicaux augmente en flèche au Canada. Il augmente à un taux qui est plus de quatre fois supérieur au taux de croissance économique. Et la situation n'ira qu'en empirant. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Tout d'abord, la population vieillit et plus de 70 p. 100 du budget des soins de santé sont consacrés aux besoins des personnes âgées. En outre, les traitements et le matériel médical coûtent de plus en plus cher. De nouvelles maladies comme le SIDA apparaissent et coûtent extrêmement cher à traiter. Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, il est clair que le système de santé canadien subit d'énormes pressions et impose d'énormes pressions sur les finances du pays.

La crise du système de santé résulte d'une diminution des fonds et d'un accroissement des coûts. Le problème est clair. Le gouvernement fédéral continue de paralyser les provinces et il les empêche de mettre de l'ordre dans leur système de santé en se servant de ses contributions financières aux provinces comme

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d'un coin qui les empêchera de nous permettre de conserver des systèmes de santé financés par l'État.

Comme on peut s'en rendre compte, c'est un système intenable. Nous devons faire quelque chose pour remédier à la situation, car cela finira par entraîner la disparition du système de santé au Canada, et tous les Canadiens en souffriront. Est-ce une cause perdue? Non, pas du tout. Il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire.

Nous devons bloquer les dépenses fédérales pour les soins de santé au niveau de 1993. Nous devons modifier la Loi canadienne sur la santé afin de cesser de pénaliser les provinces quand elles tâchent de mettre de l'ordre dans leur système de santé.

J'ai une suggestion touchant un domaine de compétence provinciale, mais je tiens à la faire pour que nous puissions y donner suite. Il faut mettre sur pied un comité chargé de définir quels sont les services essentiels qui seront assurés d'un bout à l'autre du pays, et rayer les autres de la liste. Nous devrions établir un comité qui déterminera les services essentiels qui seront couverts d'un bout à l'autre du pays et nous devrions retirer d'autres éléments de la liste des services essentiels.

Nous pouvons exiger des comptes des consommateurs. Le régime actuel encourage le gaspillage et fait augmenter inutilement les coûts. Des propositions ont été avancées, et il appartient aux provinces de décider s'il y aura des tickets modérateurs modestes ou des franchises. Ne l'oublions pas, si nous pouvons faire des économies dans les soins médicaux financés par l'État, personne ne sera privé de services essentiels.

À titre de médecin, l'un des raisons qui m'ont incité à m'engager dans cette voie est le souci de préserver le régime canadien. Nous ne voulons pas d'un système semblable à celui des Américains, qui me paraît répréhensible.

Nous devons également informer le public des coûts des services médicaux. Nous pouvons peut-être y arriver en remettant un état de compte au moment de la prestation des services, tous les ans ou encore tous les six mois. Il faut aussi insister davantage sur l'éducation en matière de santé, notamment dans les premières années d'école. Cela nous rapportera beaucoup à l'avenir. Je vous le garantis.

Nous devons également nous occuper des spécialistes de la santé et les éduquer davantage, et je m'inclus dans ce groupe, quant aux coûts des technologies et des interventions. De façon générale, nous ne l'avons pas fait suffisamment.

Je permettrais également aux provinces d'autoriser les spécialistes de la santé à offrir des services privés. Cela servirait deux objectifs. D'abord, cette pratique entraînerait une diminution des horribles listes d'attente actuelles et profiterait en fin de compte à tout le monde, tant à ceux qui resteraient dans les services publics qu'à ceux qui mettraient sur pied des services privés. Les malades seraient soignés beaucoup plus rapidement, ce qui se traduirait par une diminution de la douleur et des souffrances. Les gens retourneraient au travail plus tôt et ce serait bénéfique pour l'économie, sans compter que cela ferait baisser les primes que doivent demander les compagnies d'assurances.

Le système de rationnement à deux niveaux que nous avons actuellement est une tentative futile pour réformer un système en piteux état qui va bientôt couler à cause du manque de clairvoyance et de la mauvaise gestion financière de ses administrateurs.

Le deuxième sujet que je voudrais aborder brièvement à la lumière du rapport du vérificateur général, c'est la façon dont nous administrons l'aide étrangère, et je prendrai l'exemple désastreux de l'ACDI.

On a déjà envisagé des changements fondamentaux, et je voudrais en mentionner quelques-uns.

Premièrement, pas d'aide de gouvernement à gouvernement, car trop souvent l'argent aboutit dans les comptes en Suisse de despotes de pays du Tiers monde. Grâce à cette aide, certains de ces chefs d'État figurent parmi les personnes les plus riches au monde.

Deuxièmement, verser l'aide directement aux projets sur place et en confier l'administration aux travailleurs de l'aide extérieure et aux gens du pays.

Troisièmement, chercher principalement à enseigner aux gens comment s'aider eux-mêmes.

Quatrièmement, se concentrer sur de petits projets qui tiennent compte des coutumes et des pratiques locales. Les mégaprojets très dispendieux produisent habituellement de grands échecs dispendieux.

Cinquièmement, s'intéresser principalement aux projets qui font appel à la planification familiale et au contrôle des naissances. La plus grande menace au bien-être de tous les habitants de la planète est sans doute l'explosion démographique qui nous empêche de subvenir aux besoins de tous, draine nos ressources au maximum et détruit l'environnement.

Je ne crois pas que l'aide extérieure devrait servir de levier économique dans les pays en voie de développement car cette aide ne s'adresse qu'aux plus pauvres.

Vous pouvez être assurés que ce qui se passe dans les autres régions de la planète se retrouvera d'une façon ou d'une autre chez nous tôt ou tard. C'est inévitable.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 22 h 10 et suivant ce qui a été décidé aujourd'hui, la Chambre s'ajourne à demain, 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 22 h 10.)