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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 14 février 1994

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

    Projet de loi C-9. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 1277
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1277
    M. White (North Vancouver) 1279
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1284
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1287
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1288
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi et renvoi à un comité 1291

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-8. Motion portant deuxième lecture 1291

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA LOI SUR LE PAIEMENT ANTICIPÉ DES RÉCOLTES

LE PARC NATIONAL ELK ISLAND

LE DÉCÈS DE MME SUE RODRIGUEZ

    Mme Gagnon (Québec) 1301

L'ÉTHANOL

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 1302

LE TAUX D'IMMPOSITION DES PETITES ENTREPRISES

LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

LES FESTIVALS

    M. Harper (Churchill) 1303

LE SERVICE JEUNESSE

LA FISCALITÉ

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

LE PROGRAMME RENCONTRE DU CANADA

LA RÉFORME DES POLITIQUES SOCIALES

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 1304

QUESTIONS ORALES

LA RÉSERVE DE KAHNAWAKE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1305
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1305

L'INDUSTRIE DE L'ALUMINIUM

LE BUDGET

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1306
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1306

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE BUDGET

    M. Leblanc (Longueuil) 1306
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1306
    M. Leblanc (Longueuil) 1306
    M. Martin (LaSalle-Émard) 1306

L'IMMIGRATION

LA SANTÉ

LA JUSTICE

L'IMMIGRATION

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

LA JUSTICE

LA FONCTION PUBLIQUE

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1310
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1310

LA SÉCURITÉ DU REVENU DES PÊCHEURS

    M. Bernier (Gaspé) 1311

LE DÉCÈS DE MME SUE RODRIGUEZ

LE LAIT

L'ENVIRONNEMENT

    M. Chrétien (Frontenac) 1311

L'IMMIGRATION

    M. White (North Vancouver) 1312

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

AFFAIRES COURANTES

LES VOIES ET MOYENS

DÉPÔT D'UN AVIS DE MOTION

    M. Martin (LaSalle-Émard) 1312

PÉTITIONS

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 1313
    M. Bernier (Gaspé) 1317
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1326
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1328
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1332

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 1336

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-8. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 1336
    M. White (North Vancouver) 1336
    M. Bernier (Gaspé) 1337
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi et renvoi à un comité 1337

SUSPENSION DE LA SÉANCE

    Suspension de la séance à 18 h 12 1338

REPRISE DE LA SÉANCE

    Reprise de la séance à 18 h 30 1338

MOTION D'AJOURNEMENT

LE PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

LES PETITES ENTREPRISES

L'ENVIRONNEMENT


1277


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 14 février 1994


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 9 février, de la motion: Que le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du projet de loi C-9.

Je voudrais tout d'abord expliquer le contenu de ce projet de loi aux gens qui suivent le débat d'aujourd'hui. Une bonne partie des mesures de mise en oeuvre qui figurent dans ce projet de loi découlent de l'exposé financier de 1992 du gouvernement précédent, ainsi que du budget du 26 avril 1993. Il s'agit là d'un cas où nous avons décidé, en tant que gouvernement, que nos prédécesseurs avaient pris certaines mesures constructives que nous pouvions appuyer.

(1105)

Je me rappelle avoir discuté de beaucoup d'entre elles lorsque j'étais le porte-parole de l'opposition pour les questions touchant la petite entreprise. Cela ne signifie pas que les mesures mises en oeuvre dans ce projet de loi montrent que nous souscrivons entièrement au programme économique du gouvernement précédent, mais lorsque nous étions dans l'opposition, nous avons fait de notre mieux pour appuyer certaines de ses modifications fiscales, surtout celles touchant la petite entreprise, pour veiller à ce qu'elles soient adoptées à la Chambre le plus rapidement possible. J'espère que nous pourrons poursuivre dans cette voie.

Parmi les mesures annoncées dans l'exposé économique et financier du gouvernement précédent et qui sont visées par ce projet de loi, il y a tout d'abord l'allégement des cotisations d'assurance-chômage pour la création d'emplois supplémentaires, qui permet d'offrir un crédit d'impôt remboursable à certains employeurs au titre de l'augmentation de leurs cotisations d'assurance-chômage en 1993.

Il y a ensuite le crédit d'impôt à l'investissement temporaire pour la petite entreprise, grâce auquel les entreprises de ce type peuvent obtenir un crédit d'impôt à l'investissement temporaire non remboursable de 10 p. 100 pour des machines et du matériel admissibles. C'est là une mesure très importante lorsque des fabricants essaient de se moderniser et d'améliorer leurs opérations afin de pouvoir devenir compétitifs sur le marché mondial. On voulait ainsi les encourager à le faire.

L'extension du programme de financement de la petite entreprise prolonge jusqu'à la fin de 1994 le programme qui permet aux petites entreprises en difficulté financière de refinancer jusqu'à 500 000 $ de dettes à des taux d'intérêt réduits. La plupart des députés sont conscients, j'en suis persuadé, de l'importance d'une telle mesure à l'heure actuelle-je vais d'ailleurs revenir là-dessus plus tard dans mon intervention-surtout lorsque nous avons tant de mal à modifier les attitudes des banques à l'égard des petites entreprises.

Le projet de loi abolit, rétroactivement au 31 octobre 1985, la pénalité fiscale sur les biens de petite entreprise excédentaires détenus par les REÉR et les fonds enregistrés de revenu de retraite. En ce qui concerne les dispositions touchant les sociétés à capital de risque de travailleurs, le projet de loi ajoute les actions privilégiées à la liste des placements admissibles des sociétés à capital de risque de travailleurs et facilite l'émission d'actions de ces sociétés au profit d'un REÉR.

Pour ce qui est des actions accréditives, le projet de loi permet aux actionnaires de déduire 100 p. 100 de leur première tranche de 2 millions de dollars de frais d'aménagement relatifs au pétrole et au gaz qui leur sont transférés. La plupart des députés réformistes devraient certes souscrire à cela.

L'élimination de la déduction obligatoire relative aux frais d'exploration au Canada accorde une plus grande souplesse aux sociétés qui exploitent une entreprise d'exploitation de ressources en leur permettant de déduire des montants moins élevés de frais d'exploration au Canada de façon à pouvoir utiliser leurs pertes autres qu'en capital avant leur expiration.

L'amélioration du crédit d'impôt pour activités de recherche scientifique et de développement expérimental prévoit une méthode de calcul simplifiée du crédit, permet d'obtenir des crédits partiels, précise les définitions et améliore l'application du programme.

Trois principales mesures ont été annoncées dans le budget. Les dispositions sur le crédit annuel maximal d'impôt à l'investissement abrogent ce crédit pour les années d'imposition commençant après 1993. C'est essentiellement une mesure d'ordre administratif. Le crédit d'impôt à l'investissement pour activités de recherche scientifique et de développement expérimental étend le crédit de 35 p. 100 aux sociétés privées sous contrôle canadien dont le revenu imposable de l'année précédente est inférieur à 400 000 $ et prévoit l'élimination progressive de la limite de dépenses de 2 millions de dollars. La dernière mesure prévoit que les particuliers devront en général effectuer des


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paiements d'acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu à chaque trimestre si la différence entre l'impôt exigible et les montants retenus à la source est supérieure à 2 000 $ durant l'année en cours et dans l'une ou l'autre des deux années précédentes. Auparavant, la limite était de 1 000 $. Comme on le sait, il y a tout près de 300 000 personnes âgées à très faibles revenus qui doivent verser des acomptes provisionnels trimestriels, ce qui représente pour elles un fardeau considérable. Cette modification, lorsqu'elle sera en vigueur, facilitera les choses ou même supprimera le fardeau des acomptes provisionnels trimestriels pour quelque 300 000 personnes âgées à faibles revenus.

(1110)

Ce sont là, pour l'essentiel, les modifications contenues dans le projet de loi. Comme je le disais au début de mon discours, cette mesure législative, annoncée dans l'exposé budgétaire et dans l'exposé financier d'avant Noël l'an dernier, était déjà attendue. Nous sommes très conscients, et je crois que c'est le cas de l'ensemble des députés, qu'il faut agir rapidement pour stimuler l'esprit d'entreprise au Canada.

Toutes les mesures contenues dans le projet de loi sont importantes, mais elles ne seront efficaces que si les institutions financières reprennent leur partenariat avec la petite entreprise.

En revenant de Toronto ce matin, j'ai trouvé sur mon bureau le discours que mon collègue, le whip de mon parti, a prononcé à l'université Memorial de Terre-Neuve au cours de la fin de semaine. Le discours portait entièrement sur la rupture survenue dans les rapports entre les petites entreprises et les institutions financières et sur la nécessité, pour les députés, d'intervenir beaucoup plus énergiquement pour reconstruire ces rapports.

Dans son discours, le député a souligné avec quelle facilité les Reichmann ont pu avoir accès à l'aide financière de banques, alors qu'une bonne partie de cette aide n'était assortie d'aucune garantie. En tant que député, je dois dénoncer ce genre de chose; non pas que j'en aie contre les Reichmann ou que je veuille les pointer du doigt. Je citerai d'ailleurs un exemple plus récent.

Nous avons tous appris dans les journaux, ces deux ou trois derniers jours, de l'offre d'achat de Maclean Hunter faite par la société Rogers. Or, il y a à peu près un mois, les journaux révélaient que cette société éprouvait de graves problèmes de liquidités et cherchait des sources de financement provisoires pour pouvoir poursuivre ses activités jusqu'au trimestre suivant. La société devait trouver plusieurs centaines de millions de dollars et éprouvait beaucoup de difficultés en raison de l'importance de sa dette.

Puis tout à coup, cette société propose d'acquérir Maclean Hunter et voilà que les banques lui accordent les avances nécessaires. Les députés ont sûrement lu l'article qui révèle que les banques à charte se sont précipitées pour fournir entre 2 et 3 milliards de dollars pour venir en aide à la société Rogers.

J'ai rencontré un vice-président de cette société vendredi dernier, et la première chose que je lui ai demandée, c'est comment s'y prennent ces gens? Comment font-ils pour obtenir tout à coup 2,5 milliards de dollars des banques, alors qu'il y a un mois à peine ils éprouvaient des difficultés de liquidités de 200 millions de dollars par mois? Comment font-ils? Quel est leur secret? Qu'ils me le disent pour que je puisse faire connaître ce secret au million de petites entreprises qui semblent éprouver des difficultés à obtenir des capitaux.

(1115)

M. Adams: Quelle a été la réponse?

M. Mills (Broadview-Greenwood): La réponse a été, comme il l'a dit, que cette industrie paraît très attrayante actuellement, avec le câble et les possibilités d'autoroute électronique. Pour le moment, ce sont les domaines qui attirent le plus les dirigeants des institutions financières.

Finalement, on n'a pas donné de raison pour justifier ce financement soudain par les banques. Tant mieux pour eux. S'ils peuvent obtenir ce genre de revirement, c'est bon pour l'entrepreneuriat et la libre entreprise. Pourvu qu'il n'y ait pas de trop grande concentration des pouvoirs dans ce domaine, cela ne m'ennuie pas vraiment.

Ce qui m'ennuie vraiment, cependant. . .

M. Gagliano: Pourquoi les banques ne feraient-elles pas la même chose pour la petite entreprise?

M. Mills (Broadview-Greenwood): Exactement.

Quand j'y repense, que je réfléchis et que j'examine bien la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui, et je présume qu'elle sera adoptée sans trop de difficulté, je m'interroge sur un point. Que pouvons-nous faire, en tant que députés, pour offrir à la petite entreprise autre chose que des modifications à la loi de l'impôt? Que pouvons-nous faire pour trouver des solutions à ce problème majeur, l'accès aux capitaux?

Encore une fois, à l'approche du budget et de son étude par les comités, j'espère que tous les députés se pencheront sur cette notion d'accès aux capitaux par la petite entreprise.

Notre parti croit-et c'est inscrit dans le livre rouge-que les plus grandes possibilités de création d'emplois dans notre pays sont entre les mains des petits entrepreneurs, hommes et femmes, qui sont également ceux qui acceptent de courir les risques. Ce sont eux qui mettent en jeu leur maison, leurs économies et leurs REÉR.

Je voudrais simplement que les institutions financières se rendent compte qu'elles doivent assumer une partie de la responsabilité et se joindre à nous pour contrer la crise du chômage.

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire sur ce projet de loi, mais je veux revenir sur l'amendement qui touche les personnes âgées, soit le paiement des impôts par acomptes.

Cet amendement est très important pour nos personnes âgées. Je le répète, parce que, comme beaucoup de députés le savent, au


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Canada, bon nombre de personnes âgées regardent la chaîne parlementaire. Selon moi, cet amendement est avantageux.

Beaucoup de personnes âgées ayant un très faible revenu doivent payer leurs impôts par acomptes trimestriels, à cause d'une lacune de la loi. Grâce à cet amendement, environ 300 000 personnes âgées pourront modifier la façon dont elles payent leurs impôts.

Je précise encore une fois qu'il s'agit d'une mesure constructive. Elle vise principalement à aider la petite entreprise dans l'interprétation de la loi de l'impôt. Évidemment, question de principe, j'aimerais mieux aider la petite entreprise d'une autre façon, si l'on pouvait agir plus globalement.

Je n'aime pas me servir de la loi de l'impôt pour diriger l'économie. J'aimerais mieux qu'on revienne en arrière et qu'on la reprenne dans son ensemble. C'est évidemment l'une des raisons pour lesquelles je préconise depuis longtemps le recours à un impôt unique. Notre régime fiscal consiste essentiellement à essayer de tenir compte des 14 000 pages d'exceptions sur les exceptions prévues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, que nous avons tous eu la chance d'examiner puisque nous siégeons maintenant depuis près d'un mois. Cette loi renferme des privilèges spéciaux. La plupart des multinationales peuvent bénéficier des dispositions actuelles de notre loi de l'impôt actuelle. J'ai bon espoir qu'un grand nombre de ces privilèges particuliers seront éliminés quand le budget sera présenté mardi de la semaine prochaine. Je l'espère.

(1120)

N'est-ce pas intéressant que nous fassions tous l'objet de pressions venant de diverses personnes qui demandent que telle ou telle mesure spéciale soit incluse dans le budget? D'ailleurs, je crois que de nombreux députés ont reçu l'exposé du Conseil canadien des chefs d'entreprises. Dans cet exposé, le Conseil s'oppose à ce qu'on accorde de nouvelles subventions aux entreprises, il ne veut pas de subventions pour les entreprises.

Cela m'a semblé incroyable. Ces gens croient que les subventions, c'est de l'argent qui vient directement des ministères responsables, que ce soit pour l'industrie, pour l'agriculture ou un autre secteur. Or, les vraies subventions dont bénéficient les grandes entreprises au Canada sont cachées dans la loi de l'impôt. Lorsque le Conseil canadien des chefs d'entreprises demande de n'accorder aucune nouvelle subvention ou de réduire les subventions actuelles, je voudrais bien qu'il parle aussi de tous les privilèges que recèle la loi de l'impôt.

J'ai au moins le plaisir de reconnaître aujourd'hui que 90 p. 100 des mesures contenues dans ce projet de loi visent les petites entreprises; je souhaite qu'il soit adopté rapidement à la Chambre.

M. Julian Reed (Halton-Peel): Monsieur le Président, je félicite le député pour ses observations sur les petites entreprises et les personnes âgées. La circonscription de Halton-Peel compte surtout des petites entreprises; aucune grande société ne s'y trouve. Les activités de 90 p. 100 de la population sont donc liées à des fermes ou à des entreprises de petite et de moyenne dimension.

Contrairement au député, je ne suis pas un expert financier et j'arrive difficilement à contrôler mes dépenses familiales. Je voudrais néanmoins faire un bref commentaire concernant les actions accréditives et les industries extractives, auxquelles ce projet de loi apporte une amélioration.

Il y a quelques années, les actions accréditives étaient courantes au Canada et je ne me souviens pas au juste de l'année où on les a laissé tomber. Rappelons-nous que les techniques de l'industrie minière ont évolué surtout au Canada, en grande partie dans le sud de l'Ontario. On a tendance à abandonner les industries extractives à mesure qu'on se tourne vers la haute technologie, les autoroutes électroniques et autres choses du genre. Or, les industries extractives sont toujours le pivot de l'économie canadienne et elles le resteront encore pendant de nombreuses années.

Je me demande si le député peut revenir sur ces questions, notamment sur les actions accréditives, qui doivent favoriser l'industrie minière.

Étant profane en la matière, peut-être comme bien des spectateurs d'ailleurs, je comprends mal la question des actions accréditives. Je doute même que bien des députés la comprennent.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je tiens d'abord à reconnaître l'intérêt du député de Halton-Peel pour les gens d'affaires de sa circonscription. J'y suis souvent allé et je peux dire que c'est une circonscription dynamique. L'exemple est excellent. La collectivité a un potentiel de croissance incroyable et si le secteur de la petite entreprise reprend de la vigueur, je sais qu'elle pourra remettre au travail un grand nombre de chômeurs de la région du Grand Toronto.

(1125)

Je ne suis pas un spécialiste des actions accréditives et je ne veux pas traiter cette question dans les détails sans avoir tous les documents devant moi. Je m'engage toutefois à définir de façon précise comment ce projet de loi avantagera l'industrie minière et à communiquer ces renseignements au député aujourd'hui même.

M. Ted White (Vancouver-Nord): Je félicite le député pour son intervention et je voudrais lui poser une question qui se rattache à ce qu'il a dit au sujet des petites entreprises. Il a mentionné ces entreprises à plusieurs reprises au cours de son intervention.

Je représente la circonscription de Vancouver-Nord où il y a une forte concentration de petites entreprises et beaucoup d'entreprises exploitées dans des résidences privées. Ces entreprises s'inquiètent du fort taux d'imposition et leurs porte-parole me disent souvent souhaiter une réforme de la fiscalité pour qu'il n'y ait plus qu'un seul impôt, sous une forme ou sous une autre. Cette idée reçoit beaucoup de soutien.

Cependant, le niveau des dépenses gouvernementales oblige à augmenter sans cesse les taxes. Le député a dit que les propriétaires de petites entreprises de sa circonscription lui parlaient beaucoup des taxes. Je me demande si ces gens pensent aussi que le gouvernement devrait réduire ses dépenses.


1280

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je remercie le député de Vancouver-Nord. Je le félicite pour ses commentaires qui sont toujours constructifs.

La première chose que les représentants des petites entreprises dénoncent, c'est le poids de la réglementation et les tracasseries administratives. C'est leur principale doléance après la difficulté d'obtenir des fonds des banques. Bien sûr, leur premier sujet de préoccupation, c'est l'accès aux capitaux. Ensuite, ils se plaignent des tracasseries administratives et réclament une réforme fiscale.

Quant aux dépenses gouvernementales, les représentants des petites entreprises veulent que nous mettions fin au gaspillage, que nous éliminions les dédoublements.

Cependant, d'après ce que j'ai entendu, la plupart d'entre eux comprennent qu'un programme qui sert bien l'intérêt public et qui donne un bon rendement pour les sommes qui y sont consacrées mérite d'être maintenu. Ce qu'ils ne supportent pas, c'est le gaspillage de fonds publics. Je partage les préoccupations du député face au gaspillage. En éliminant le gaspillage, nous réduisons les dépenses gouvernementales. Comme tous mes collègues du Parti libéral, je suis tout à fait d'accord avec cette façon de réduire les dépenses gouvernementales.

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, j'ai simplement quelques observations à faire et j'aimerais que le ministre me dise ensuite ce qu'il en pense.

Tout d'abord, au sujet des prêts aux petites entreprises, je crois que c'est vraiment compréhensible que les banques soient moins disposées à leur consentir des prêts qu'on pourrait s'y attendre. Les raisons sont évidentes pour moi d'après ce que j'ai pu constater dans ma circonscription.

Comme la plupart des circonscriptions d'un bout à l'autre du pays, ma circonscription dépend également des petites entreprises, qu'il s'agisse d'exploitations agricoles ou d'autres genres d'entreprises. Ces gens d'affaires m'ont dit que le plus gros problème, comme le député l'a mentionné, c'est la réglementation excessive, la paperasserie. Cela coûte trop cher de mettre sur pied et d'exploiter une entreprise à cause de la réglementation, et je pense en particulier à la nouvelle réglementation environnementale. Les banques trouvent que cela leur coûte trop cher de prêter aux petites entreprises à cause des rapports qu'elles doivent remplir pour se conformer aux règlements sur l'environnement.

La deuxième raison qu'on me donne pour m'expliquer pourquoi les banques ne prêtent pas aux petites entreprises, c'est que la marge bénéficiaire est tout simplement trop faible. Les impôts sont trop élevés dans notre pays. Ils engouffrent une trop grande part des profits.

La troisième raison, c'est le manque de confiance des gens d'affaires dans l'économie. Ce manque de confiance est certainement attribuable en grande partie à notre dette et à notre déficit annuel qui sont tous deux incroyablement lourds. Si les gens d'affaires eux-mêmes ne sont pas confiants, pourquoi les banques seraient-elles assez confiantes pour leur prêter?

(1130)

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, je remercie le député de Végréville pour sa question.

Tout d'abord, sur la question de la réglementation environnementale, c'est quelque chose que j'appuie totalement. Je crois que tous les gens d'affaires à qui j'ai parlé qui ont pris un engagement à l'égard de la protection de l'environnement ont fini par voir leurs profits s'accroître grâce à cet engagement. Je ne voudrais pas que diminue cet engagement à l'égard du développement durable. Au contraire, je voudrais même qu'il augmente.

En ce qui concerne le deuxième point soulevé au sujet de la non-rentabilité des petites entreprises pour les banques, je ne suis pas d'accord avec le député. À mon avis, à part les obligations du gouvernement du Canada, les petites entreprises sont le secteur le plus rentable pour les banques dans notre pays. Compte tenu des marges d'intérêt et des frais bancaires, je crois que c'est absolument inacceptable pour un banquier de dire qu'il n'y a pas de profits à faire dans le secteur des petites entreprises.

Par ailleurs, les banques ont une charte unique au Canada, une charte qui est définie par cette Chambre dans la Loi sur les banques. En vertu de cette charte unique, le mandat des banques ne consiste pas seulement à protéger les avoirs des déposants, mais aussi à prêter aux entreprises. C'est absolument inacceptable qu'un banquier dise qu'il n'y a pas de profits à faire dans le secteur des petites entreprises. J'espère que le député de Végréville retournera voir le banquier qui lui a dit cela pour contester cette affirmation.

Le vice-président: La période réservée aux questions et commemtaires est écoulée. C'est normalement le tour du Parti réformiste, mais un porte-parole du parti a indiqué, que ses membres avaient dit tout ce qu'ils avaient à dire au sujet de ce projet de loi.

[Français]

M. René Laurin (Joliette): Monsieur le Président, lorsque l'honorable député de Scarborough-Est a déposé, au nom du ministre des Finances, le projet de loi C-9, pour une deuxième lecture et son renvoi à un comité, il a déclaré: «Nous avons examiné attentivement les mesures proposées dans ce projet de loi et nous croyons qu'elles méritent d'être appuyées.» Il ajoutait toutefois qu'une des mesures qu'on trouvait dans l'ancien projet de loi a été laissée de côté et qu'en ce qui concerne les autres mesures, poursuivait-il d'un même souffle, notre principale critique, c'est qu'elles ne représentent qu'un effort minime de la part du gouvernement précédent en vue de répondre à un besoin pressant dans notre pays, c'est-à-dire renforcer l'économie et créer des emplois.

Il prenait soin aussi de préciser un peu plus loin: «Je demande à mes collègues d'en face de ne pas voir dans le projet de loi une indication de la ligne de conduite que le gouvernement entend suivre pour gérer l'économie.»

Comme nous ne connaissons pas encore, après quatre mois d'exercice du pouvoir par le Parti libéral, la véritable ligne de conduite qu'adoptera le gouvernement, vous me permettrez de vous faire part de certaines réflexions et de certaines appréhensions que nous avons relativement aux mesures économiques


1281

qu'entend mettre en vigueur très bientôt le prochain gouvernement.

Le gouvernement fédéral qui vient d'être élu a déclaré dans le discours du Trône du 18 janvier 1994 que la création d'emplois et la croissance économique sont en tête de ses priorités. Le gouvernement a souligné sans cesse, dans le discours du Trône et dans son livre rouge, qu'il mettra l'accent sur les PME, parce qu'elles seront le facteur déterminant de la reprise économique. Pourtant, aucune mesure importante ne nous a été présentée jusqu'à maintenant pour venir en aide à la PME, si ce n'est le projet de loi C-9 qui a été pensé par le défunt Parti conservateur, et qui, de l'avis même de l'honorable député de Scarborough-Est qui l'a présenté, fait partie d'une approche qui consiste en de la démolition pure et simple d'une part, et du rafistolage inefficace d'autre part.

(1135)

Il serait grand temps que le gouvernement reconnaisse la capacité considérable du secteur des PME à créer des emplois. En effet, dans leur ensemble, les petites entreprises continuent à fournir les emplois dont on a tant besoin au Canada, au moment où les grandes entreprises réduisent leurs effectifs.

Au cours des années 1979 à 1989, les sociétés comptant moins de 50 employés représentaient 85 p. 100 de la création nette d'emplois dans le secteur privé. En 1990, en dépit de la conjoncture difficile au pays, les petites entreprises comptant moins de 20 employés ont comblé le déficit des emplois créés par la réduction des effectifs des grandes entreprises, suite à la compression des coûts et à la fermeture d'entreprises.

En fait, les créations nettes d'emplois des petites entreprises en expansion et des entreprises nouvelles représentaient pratiquement la totalité des créations nettes d'emplois depuis le début de la récession de 1990.

Même en 1991, lorsque la récession a provoqué davantage de faillites que de fondations d'entreprises, la création nette d'emplois de la part de très petites entreprises comptant moins de 5 employés a contribué à amortir le choc des pertes importantes d'emplois dans l'économie.

Les petites entreprises canadiennes sont capables et sont prêtes à servir de tremplin à la reprise économique qui se fait tant attendre. Elles sont mieux adaptées à l'évolution de l'économie, où les marchés sont devenus plus spécialisés et décentralisés. Elles représentent un potentiel inestimable de création d'emplois et de croissance économique. Selon un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, lequel avait été commandé à l'entreprise Angus Reid, on apprend que ces entreprises ont survécu à la récession et sont maintenant prêtes à embaucher davantage d'employés. Leurs décisions sont liées à la confiance des PME que les conditions s'améliorent. Cependant, en dépit de la baisse des taux d'inflation, des taux d'intérêt et du dollar, elles sont toujours hésitantes à prendre de telles décisions.

Malheureusement, l'hésitation des petites entreprises à créer des emplois se trouve renforcée par une charge fiscale croissante imposée aux consommateurs et aux petites entreprises à tous les paliers de gouvernement. Le gouvernement fédéral particulièrement, depuis les 20 dernières années, s'est montré incapable ou peu enclin à maîtriser son déficit qui ne cesse de grandir.

Maintenant plus que jamais, les chefs d'entreprises veulent et ont besoin d'un climat de certitude de la part des politiques gouvernementales. Ils craignent à bon droit de recevoir en pleine face un autre impôt, un autre règlement ou une autre complexité administrative.

Le gouvernement fédéral a clamé sur tous les toits qu'il comprend les besoins des petites entreprises. Malgré ses beaux discours, il continue à se fourvoyer et à préparer des mesures qui sont contraires à ce que les petites entreprises estiment avoir besoin, comme la réduction et l'allégement de la réglementation, qui pèsent lourd sur les petites entreprises et les consommateurs.

Le projet de loi C-9 contient des mesures fiscales pour venir en aide aux PME, notamment en qui a trait à l'achat d'équipement de production, tels la machinerie, le matériel, etc. Mais il faut savoir et il est important de dire qu'une kyrielle de programmes d'aide aux petites entreprises existent déjà, tant au palier fédéral que provincial, et visent à peu près les mêmes objectifs. À titre d'exemple, je voudrais donner une liste non exhaustive d'organismes fédéraux et québécois ayant pour but d'aider les PME à se moderniser et à faire de la recherche et du développement.

(1140)

Au palier fédéral, il y a la Banque fédérale de développement, le Conseil national de recherches du Canada, le ministère de l'Industrie du Canada et le Bureau fédéral de développement régional pour le Québec.

Au palier québécois, on trouve le Centre de recherche industriel du Québec, le Fonds de développement technologique, la Société de développement industriel, le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Il faut dire aussi que cette liste ne comprend que les organismes les plus importants. On pourrait y ajouter une foule d'organismes sectoriels et plusieurs autres relevant des municipalités, des régions, d'organismes parapublics ou sans but lucratif.

Cette nomenclature exclut les incitatifs fiscaux provinciaux à l'investissement. Elle exclut les programmes fédéraux et provinciaux à l'exportation, à l'informatisation, à l'automatisation, à l'expansion, à la croissance et au marketing. Les programmes en recyclage et en formation professionnelle sont aussi exclus. La liste ne comprend pas les programmes ayant trait aux transferts de technologie, au démarrage et au financement général.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le Président, il exite un arsenal de programmes d'aide de toutes sortes qui se chevauchent les uns les autres, se dédoublent d'un ministère à l'autre, ou d'un palier de gouvernement à l'autre.

La situation est si complexe et inextricable que les PME doivent recourir aux services de consultants et de fiscalistes, qu'ils n'ont pas la plupart du temps les moyens de se payer, pour trouver lequel de ces programmes pourrait le mieux répondre à leurs pressants besoins.

Je reconnais qu'il faille accorder beaucoup d'importance aux mesures d'aide à la PME. Mais, pour que ces mesures soient efficaces et efficientes, il est urgent qu'une réflexion soit faite afin d'éliminer leurs chevauchements, leurs dédoublements et les coûts astronomiques qu'elles engendrent.


1282

Cette réflexion devrait rechercher, premièrement, une simplification des mesures d'accréditation des dépenses pour facilier l'accès de ces mesures aux petites entreprises; deuxièmement, une rationalisation des programmes d'aide pour en réduire les coûts administratifs excessifs; troisièmement, l'établissement d'un guichet unique pour dispenser l'aide aux PME, comme le suggère présentement la Chambre de commerce de Montréal; quatrièmement, l'élimination des chevauchements entre le fédéral et les provinces, en décentralisant la gestion et l'élaboration de ces mesures d'aide à l'entreprise vers les provinces qui en font la demande.

Dans la deuxième partie de mon exposé, j'aimerais apporter quelques réflexions relativement à une autre modification de la Loi de l'impôt sur le revenu suggérée par le projet de loi C-9. Il s'agit de l'extension jusqu'au 1er mars 1994 du régime d'accession à la propriété, laquelle prolonge d'une année le programme permettant aux particuliers de retirer des fonds de leur REÉR pour financer l'achat d'une habitation.

Mes propos seront largement inspirés d'une analyse du régime d'accession à la propriété, préparée par M. W. Paul McCrossan, à l'intention de l'Association canadienne de l'immeuble.

En période de récession, le gouvernement fédéral a souvent eu recours au secteur de l'habitation pour relancer l'économie. C'est dans le budget de février 1992 qu'il a utilisé cette façon de faire pour la dernière fois, quand il a annoncé un régime spécial d'accession à la propriété, permettant aux acquéreurs de retirer, sans impôt, jusqu'à 20 000 $ de leur REÉR, comme mise de fonds initiale pour acheter ou pour construire une maison. En échange, l'acheteur doit remettre l'argent dans son REÉR par versements égaux établis sur une période de 15 ans. À l'origine, les acquéreurs avaient jusqu'au 1er mars 1993 pour se prévaloir de cette possibilité, échéance que le projet de loi C-9 propose maintenant de reporter au 1er mars 1994, c'est-à-dire dans quelques semaines.

(1145)

Le 1er septembre dernier, la Société canadienne d'hypothèques et de logement a publié des données qui montraient que les consommateurs qui se sont prévalus du régime d'accession à la propriété comptaient pour 26 p. 100 de toutes les transactions effectuées à l'échelle nationale, en 1992.

Les données statistiques du ministère des Finances indiquent que durant la première année de fonctionnement du régime, qui a pris fin le 1er mars 1993, 153 452 participants ont utilisé le régime d'accession à la propriété. Par ailleurs, d'après les données brutes obtenues pour les cinq mois allant du 2 mars au 29 juillet 1993, le ministère aurait reçu 45 500 demandes supplémentaires de retrait de fonds du REÉR. C'est donc dire que ce programme répond encore à des besoins pressants et urgents.

Le groupe Angus-Reid a tout récemment publié les résultats d'un sondage d'envergure commandé par l'Association canadienne de l'immeuble, j'en parlais tantôt, lequel a permis de mieux comprendre le rapprochement entre les circonstances économiques qui entourent l'utilisation du régime, les caractéristiques démographiques des usagers de ce régime, leurs attitudes et leur perception.

En moyenne, chaque ménage, dit le sondage, a retiré la somme de 13 965 $ de ses REÉR, en vue d'une mise de fonds. Presque la moitié, soit 47 p. 100 de ces acheteurs, ont utilisé leur REÉR pour acheter leur première maison. Parmi ceux qui se sont prévalus du régime, plus du tiers de la mise de fonds complète, soit 34,5 p. 100 venait des REÉR. Toutefois, parmi les familles dont le revenu total s'élevait à moins de 30 000 $, presque la moitié de la mise de fonds, soit 46,8 p. 100 venait encore des REÉR.

Bien que le régime n'impose aucune restriction quant aux propriétaires d'une première maison, l'une des mesures des effets sociaux du régime consiste à permettre à des personnes, qui sans le régime n'auraient pas les moyens de s'acheter une maison, d'accéder au marché. Presque la moitié des usagers du régime, soit 47 p. 100, ont acheté leur première maison.

En outre, parmi les acheteurs de première maison, 86 p. 100 ont mentionné que le régime était important dans leur prise de décision de s'acheter une maison. L'analyse de l'utilisation du régime effectuée par catégories de revenu indique également que ceux qui l'utilisent le plus sont des Canadiens à revenu moyen et à faible revenu.

Parmi les usagers du régime, choisis au hasard pour les besoins du sondage, 28 p. 100 étaient de la haute classe moyenne, dont le revenu se situe entre 50 000 et 70 000 $ par année; 23 p. 100 étaient de la basse classe moyenne, dont le revenu se situe entre 30 000 et 50 000 $; et 10 p. 100 étaient de la classe à faible revenu, soit moins de 30 000 $. Ce sont ces groupes qui éprouvent le plus de difficulté à s'acheter une maison.

Les questions clés que soulève le régime d'accession à la propriété sont les suivantes: si oui ou non le régime complète le système déjà établi du revenu de retraite ouvrant droit à l'échelle fiscale, ou s'il dévie des fonds vers la consommation immédiate au détriment de la sécurité du revenu de retraite.

On a demandé aux participants d'évaluer, sur une échelle de un à sept, l'importance des différents éléments par rapport à la sécurité du revenu de retraite. La possession d'une maison s'est rangée en tête de liste avec une note de 6,1; suivi des épargnes personnelles à 5,8; des REÉR, 5,7; du Régime de pension du Canada, 4,5; et de la pension de vieillesse, à 4,5.

Des familles canadiennes à faible revenu et celles de la basse classe moyenne considèrent la possession d'une maison, non seulement comme le facteur simple le plus important pour la sécurité du revenu de retraite, mais elles ont également accordé à la possession d'une maison la cote la plus élevée de toutes les catégories de revenus, soit 6,2.

(1150)

Indépendamment de l'âge, tous les participants au sondage ont jugé la possession d'une maison très importante, 55 p. 100, assez importante, 19 p. 100 ou importante, 13 p. 100 pour la sécurité du revenu de retraite des Canadiens en général. L'importance accordée à la possession d'une maison relativement à la sécurité de revenu et de retraite a été confirmée, lorsque 84 p. 100 des participants l'ont jugée personnellement très importante ou plutôt importante.


1283

Seulement 6 p. 100 des participants au sondage croyaient qu'ils pourraient compter sur la pension de vieillesse ou le Régime de pensions du Canada; 90 p. 100 croyaient qu'ils devront compter beaucoup plus sur leurs propres ressources à l'avenir. Ce cynisme au sujet de la confiance accordée au programmes de retraite gouvernementaux était plus prononcé parmi les participants âgés de 25 à 35 ans, dont 3 p. 100 d'entre eux croyaient qu'ils pourraient compter sur la PV ou le Régime de pensions du Canada, comparativement à 95 p. 100 qui croyaient qu'ils devaient se fier beaucoup plus sur leurs propres ressources.

Face à ces attitudes, et en terminant, vu l'importance accordée par ces participants à la possession d'une maison en prévision de la sécurité du revenu de retraite, il n'est pas surprenant que l'utilisation maximale du régime d'accession à la propriété soit concentrée parmi les gens de 25 à 45 ans.

En conséquence des réalités dévoilées par ce sondage, je suggère au gouvernement que le régime d'accession à la propriété soit prolongé d'un an, ou mieux encore, de trois à cinq ans. À la fin de cette période, le régime pourra faire l'objet d'une évaluation en regard de l'activité économique suggérée, des caractéristiques démographiques des usagers du régime et du remboursement réel des emprunts aux REÉR.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, au nom des citoyens que je représente et au nom des nombreux Canadiens qui m'ont écrit à ce sujet, je voudrais revenir sur les propos du député concernant l'extension du programme permettant d'utiliser les fonds investis dans un REÉR pour acheter une habitation.

Le député pourrait-il nous dire s'il vaut la peine à son avis de continuer de permettre l'utilisation des fonds d'un REÉR pour financer d'importants travaux de rénovation, car cette activité fait appel à une main-d'oeuvre nombreuse et serait très bénéfique pour l'économie.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, je voudrais remercier mon honorable collègue pour l'intérêt qu'il a porté à mon discours. Je dois lui dire que l'accès aux REÉR pour les personnes qui ont des économies, et la plupart du temps, ce sont les seules économies qu'elles ont su réaliser, c'est permettre à ces gens d'accéder à leurs propres épargnes pour améliorer leur sort, préparer leur retraite, préparer, dans le fond, la seule chose à laquelle ils font encore confiance.

Chaque fois qu'on accorde une liberté permettant à ces gens-là d'avoir plus facilement accès, soit à une propriété ou encore à la restauration de leur maison, je pense qu'on leur permet d'avoir une plus grande fierté qui ne coûte pas cher à l'État puisque ce sont leurs propres économies. Les REÉR sont de l'argent investi par les épargnants. C'est un rapport d'impôt en fait. Ce n'est pas de l'impôt perdu par le gouvernement; c'est un rapport d'impôt qui sera récupéré tôt ou tard par l'État. En attendant, qu'on permette donc, le plus facilement possible, à ces gens d'y avoir accès.

On pourrait même ajouter d'autres mesures. On pourrait parler de l'abolition prévue par le gouvernement de la mesure des gains en capital, c'est-à-dire l'imposition des gains en capital de 100 000 $. Les plus riches de notre société se sont déjà prévalus des 500 000 $. Les mesures ont été baissées à 100 000 $ et il n'y a plus que la classe moyenne et les plus démunis de notre société qui pourraient en profiter. Malheureusement, le gouvernement projette d'abolir cette exemption, encore une fois, pénalisant les plus démunis de notre société. Nous avons dénoncé ces mesures, nous continuerons de le faire et j'espère que ce faisant, nous obtiendrons l'appui de nos collègues du Parti réformiste qui eux aussi devraient manifester beaucoup d'intérêt pour la protection des plus démunis de notre société.

Alors, je les invite à se prononcer dans ce sens et j'espère qu'ils sauront nous appuyer dans nos démarches.

(1155)

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, je voudrais simplement demander au député de reconsidérer sa position au sujet de l'exonération des gains en capital. Comme il le sait, l'exonération cumulative jusqu'à concurrence de 100 000 $ a été instituée sous le régime d'un gouvernement antérieur aux deux dernières législatures.

Cette exonération présentait à mon avis deux graves défauts. Tout d'abord, elle ne prévoyait pas de jour d'évaluation pour les placements, de sorte que quiconque avait un gain de détention datant d'avant l'établissement de cette exonération en bénéficiait automatiquement. Deuxièmement, elle ne restreignait pas les types de placement admissibles au bénéfice de cette disposition, de sorte qu'un placement dans une propriété de vacances en Floride, par exemple, devenait admissible à cette exonération. Je le demande au député, croit-il que ce genre d'investissement soit vraiment bénéfique pour le Canada?

Il faut vraiment se demander s'il existe ou non un point d'arrêt logique. Il ne fait aucun doute que certains ont bénéficié de cette exonération et que d'autres aimeraient en bénéficier eux aussi. Mais où arrêter le processus? Cela n'a pas de fin logique.

En fait, le député devrait se poser la question suivante: si une telle exonération n'existait pas aujourd'hui, songerait-il à instituer une telle mesure pour le bien des Canadiens? Je pense que la réponse est tout simplement non.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, ce qui m'étonne dans l'intervention de mon honorable collègue, c'est qu'il trouve dangereux que ces exemptions soient maintenues parce qu'on est rendu au point où ce seraient les gens de la classe moyenne et les plus démunis qui pourraient en bénéficier.

Pourquoi les mêmes inquiétudes n'ont-elles pas été soulevées lorsque les plus riches de notre société en profitaient? Pourquoi n'avons-nous pas dénoncé cette mauvaise administration ou ces objectifs prétendument nouveaux ou des objectifs qui nous surprenaient parce qu'on semblait découvrir que le plan ne donnait pas les résultats escomptés? Mais tout le temps qu'on essayait d'atteindre des objectifs qu'on ne voulait pas, on laissait les plus riches de notre société en bénéficier. Alors que les plus gros se sont graissé la poche, et qu'aujourd'hui, c'est la classe moyenne et les plus petits qui peuvent en profiter, on leur dit: Il faut mettre un terme à ce programme; c'est fini. Votre tour, vous ne l'aurez jamais.


1284

On ne peut accepter cela; il ne peut y avoir deux justices dans notre société. Si les plus riches, qui avaient les moyens d'en profiter dans les premiers mois et les premières semaines de la mise en vigueur de cette mesure, avaient le moyen d'en profiter tout de suite, ce n'était malheureusement pas le cas des autres, qui ont dû attendre de ramasser leurs économies et de faire fructifier leur capital pour être capables d'en tirer des gains éventuels.

Je regrette qu'on dise aujourd'hui qu'il faille arrêter la mesure, parce qu'on est rendu aux plus petits de notre société qui, eux, n'auront jamais eu leur tour, comme ce fut souvent le cas. Je dirais même que la plupart des mesures qu'on attend du gouvernement dans le prochain Budget risquent de nous faire connaître la même situation.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Tout d'abord, monsieur le Président, je ferai remarquer au député que j'ai bien entendu la question qu'a posée mon collègue, le député de Mississauga-Sud, qui ne laissait pas entendre qu'il fallait se montrer insensible aux contribuables à revenu moyen qui bénéficient de cette exonération; il disait simplement qu'il fallait veiller à ce que cette mesure ne soit pas conçue de manière à inciter les gens à investir à l'extérieur du Canada, dans des propriétés en Floride, par exemple. Je suis tout à fait d'accord avec lui.

Le député a prononcé un excellent plaidoyer en faveur de ceux qui accèdent à la propriété d'une habitation grâce aux fonds d'un REÉR. C'est un des meilleurs que j'aie entendus. Espérons qu'on écoute la recommandation du député d'ici deux semaines.

Je voudrais cependant m'attarder davantage à l'argument qu'il a fait valoir dans la première partie de son intervention au sujet du dédoublement des programmes provinciaux et des programmes fédéraux pour les petites entreprises, en insistant pour qu'on rationalise le processus.

(1200)

Le député a parlé de décentralisation. Songerait-il à décentraliser ou rationaliser ces programmes s'ils étaient appliqués par les services du gouvernement du Canada établis dans les provinces? Le député préconise-t-il tout simplement que le gouvernement du Canada se retire des activités visant à venir en aide aux petites entreprises?

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, je retiens avec beaucoup d'intérêt les paroles de mon honorable collègue d'en face lorsqu'il dit que l'intention, semble-t-il, ne serait pas d'annuler cette exemption de gain en capital de 100 000 $ mais plutôt de faire en sorte qu'il n'y ait plus de fuites de capitaux vers l'étranger. S'il y a moyen de corriger cet irritant pour faire en sorte que les plus petits et la classe moyenne continuent d'en bénéficier, nous saluerons cette intervention avec beaucoup d'à-propos, et sûrement que nous saurons l'appuyer.

Quant à la décentralisation et aux dédoublements, il y a des domaines-et le Bloc québécois l'a dit pendant toute la campagne électorale-où le fédéral devrait complètement se retirer et laisser la gestion de ces programmes aux provinces. On a longtemps parlé de la formation professionnelle, c'en est un bon exemple où le fédéral devrait se retirer et laisser la formation de la main-d'oeuvre aux provinces, parce que c'est une question d'éducation qui, en vertu de la Constitution, relève des provinces. C'est un domaine où il continuera d'y avoir des dédoublements improductifs si on maintient la situation actuelle.

On pourrait donner d'autres exemples, on pourrait parler de la santé, on pourrait parler de la recherche et du développement. Et il est malheureux qu'on ne puisse pas venir à bout d'éviter ces dédoublements, parce que le fédéral continue de vouloir se maintenir une visibilité dans les champs provinciaux qui, pourtant depuis longtemps, sont réclamés par tous les premiers ministres, de la province de Québec, entre autres, depuis 30 ans, qu'ils soient bleus, rouges, indépendantistes, souverainistes ou autres. Alors je pense qu'il y a un consensus majeur dans la province de Québec, particulièrement sur cette question. Et j'espère que le fédéral finira enfin par le reconnaître.

Le vice-président: La période prévue pour les questions et commentaires est terminée. Nous reprenons donc le débat. Comme il n'y a plus d'orateurs chez les libéraux et chez les réformistes, je donnerai la parole au parti de l'opposition officielle, le Bloc québécois. La parole est à l'honorable député de Laprairie.

M. Richard Bélisle (La Prairie): Monsieur le Président, les modifications qui découlent du projet de loi C-9 réactualisent les mesures proposées dans l'exposé économique et financier et dans le budget d'avril 1993 de l'ancien gouvernement conservateur, comme vous vous souvenez tous.

Le nouveau gouvernement, déjà en mal d'inspiration quant aux nouvelles incitations fiscales à proposer aux propriétaires de PME et aux travailleurs, s'en remet donc à des mesures proposées par cet ancien gouvernement usé par neuf ans de pouvoir.

Ce projet de loi C-9 propose en fait 12 modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme on le sait tous, la première de ces mesures concerne l'allégement des cotisations d'assurance-chômage pour la création d'emplois supplémentaires. Ceci permet en fait d'obtenir un crédit d'impôt remboursable au titre d'une augmentation des cotisations d'assurance-chômage payables par certains employeurs en 1993.

Combien coûte en frais administratifs toute cette bureaucratie excessive? C'est la question qu'il faut se poser. Cet allégement me fait penser aux remboursements liés à la TPS. Le gouvernement va chercher environ 13 milliards en TPS. Mais si l'on soustrait tous ces coûts administratifs et tous les remboursements liés à cette même taxe, qui devrait aider en fait à réduire la dette et à éliminer le déficit annuel du gouvernement, cette taxe rapporte très peu en bout de ligne, compte tenu de tous les efforts administratifs et toute l'énergie qui est consacrée pour aller recueillir ces sommes.


1285

Il en est de même pour cet allégement des cotisations d'assurance-chômage qui sont proposées dans le projet de loi C-9. Pourquoi augmenter les taxes et les cotisations s'il y a toujours des échappatoires?. En fin de compte, c'est ce qu'on propose ici: des réductions, des allégements pour certains groupes cibles de la population. Pourquoi privilégier ces groupes par rapport à d'autres? Toutes ces taxes et ces cotisations rapportent ainsi très peu, en bout de ligne, à l'ensemble de la collectivité.

(1205)

Ce matin, j'avais en main une copie de la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'un document de quatre pouces d'épaisseur. Le but premier de l'impôt devrait être de permettre au gouvernement de recueillir les sommes lui permettant d'opérer et deuxièmement de redistribuer la richesse à l'ensemble de la population.

Pourquoi tous ces crédits d'impôts, ces extensions, ces éliminations, ces abolitions et ainsi de suite, sinon de nourrir et faire vivre toute une machine bureaucratique et tous les professionnels qui gravitent autour.

Un ami propriétaire de PME me disait la semaine dernière: «Une PME de 20 employés doit avoir une personne à temps plein, et je dis bien à temps plein, pour remplir et répondre aux questionnnaires et formulaires du gouvernement, et ceci inclut les changements incessants comme ceux proposés dans le projet de loi C-9, changements que l'État apporte sans cesse à ses lois et à ses réglementations.» Cet ami est lui-même propriétaire d'une PME d'une vingtaine d'employés.

Et dire qu'on pouvait lire dans le livre rouge du Parti libéral, au cours de la dernière campagne électorale, et je cite ce livre à la page 17: «Nous réduirons les dépenses publiques en abolissant les programmes inutiles, en resserrant les procédures, en éliminant les dédoublements, en collaboration avec les gouvernements provinciaux.»

Le livre rouge ne mentionne malheureusement pas que le gouvernement va cesser d'augmenter les taxes constamment, élargir l'assiette fiscale en créant toujours des exceptions pour divers groupes, tel que proposé dans le projet de loi C-9. Si le gouvernemnt procédait à des analyses coûts-bénéfices avant de créer une nouvelle taxe ou d'augmenter les cotisations, comme celles de l'assurance-chômage, il connaîtrait le bénéfice réel, le bénéfice net que lui rapporte chaque taxe, chaque cotisation.

Il faudrait essentiellement comptabiliser dans les coûts permettant de percevoir une taxe ou une cotisation, le coût réel de la bureaucratie nécessaire pour aller cueillir cette taxe ainsi que le coût de tous ces allégements, crédits d'impôt, déductions fiscales, extensions de programmes, comme ceux qui sont mentionnés dans le projet de loi qui est devant nous ce matin.

Si l'on additionne tous les coûts liés à la perception d'une taxe et toutes les modifications et allégements pour les rendre moins régressifs pour les plus démunis, ou en fait moins pénalisants pour les investisseurs ou les investissements créateurs d'emplois, le bénéfice réel de plusieurs taxes ou cotisations est souvent minime en bout de ligne pour l'État.

Le projet de loi C-9 se veut une Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu à la base. Nous, du Bloc québécois, voulons dire ceci au présent gouvernement. Nous avons au Canada une Loi de l'impôt sur le revenu de quatre pouces d'épaisseur. Arrêtons de toujours la compliquer et de vouloir la complexifier. Ce que veulent les contribuables, c'est une simplification de toutes ces procédures fiscales. Il faudrait refaire cette loi de fond en comble et arrêter de la complexifier, ce qui ne sert qu'à nourrir, comme je le mentionnais tantôt, toute une machine bureaucratique et toute une série de consultants fiscaux de tout acabit.

Si on lit attentivement les douze modifications proposées dans le projet de loi C-9, qu'est-ce qu'on voit? La première mesure parle d'allégements. La deuxième mentionne un crédit d'impôt. Un crédit d'impôt, en fait, est une application d'une exception temporaire. Dans ce cas-ci, c'est une exception temporaire pour la petite entreprise. Il s'agit d'un genre d'abri fiscal, encore une exception. Pourquoi créer tant de mesures fiscales s'il y a tant d'exceptions en bout de ligne?

La troisième mesure est également une extension concernant les petites entreprises. Ici, il faut se poser la question: Pourquoi toujours revenir à la rescousse des canards boiteux fiscaux qui ne peuvent vivre par eux-mêmes sur le plan économique?

La quatrième mesure est une abolition. La cinquième mesure concerne les sociétés à capital de risque des travailleurs. C'est encore un ajout à la présente Loi de l'impôt sur le revenu. La sixième mesure est également une extension d'une mesure existante. La septième concerne les actions accréditives. Il s'agit d'une déduction fiscale, donc encore un cas d'abri fiscal. La huitième mesure est une élimination. Ici encore, c'est une modification, un changement à une mesure existante. Et la neuvième mesure est également l'amélioration d'une mesure existante.

La question qu'il faut se poser est pourquoi tous ces abris fiscaux? L'économiste Jean-Luc Migué nous dit à ce propos et je cite: «Pourquoi subventionner des investissements? S'ils sont rentables, il vont venir, s'ils ne le sont pas, il ne faut pas qu'ils se produisent économiquement parlant.

(1210)

Ces neuf premières mesures, dont je viens de parler, sont tirées de l'exposé économique et financier de l'ancien gouvernement conservateur, comme il a été mentionné antérieurement. Comme je l'ai dit également, est-ce que l'imagination fiscale de ce gouvernement est héritée de l'ancien gouvernement conservateur?

Les trois dernières mesures sont aussi des mesures déjà annoncées dans le Budget du 26 avril 1993 de l'ancien gouvernement. Encore ici, la mesure 10 est un crédit d'impôt, la mesure 11 également, et la douzième mesure concerne une mesure mineure touchant les acomptes provisionnels. Ces 12 mesures fiscales sont donc un ensemble de mesures hétéroclites, sans vision globale.

On se serait attendu à des mesures fiscales imaginatives, innovatrices, créatrices d'emplois, mais on nous sert des accommodements d'anciennes mesures fiscales qui ne font qu'enchevêtrer, encore plus, cette Tour de Babel qu'est la loi fédérale de l'impôt sur le revenu.


1286

Le premier ministre et le ministre des Finances nous disent toujours: «Attendez le prochain budget», lorqu'on les interroge sur la fiscalité qu'entend adopter ce nouveau gouvernement. Alors, pourquoi un projet de loi C-9 alors que le prochain Budget du 22 février prochain risque, encore une fois, de tout modifier?

Je laisse à la réflexion de cette Chambre l'étude réalisée par Me André Lareau et une équipe de l'Université Laval, où l'on écrit, et je cite: «Si le gouvernement ne se montre pas plus imaginatif, c'est que le lobbying ne vient pas des familles, mais des entreprises. Les parents doivent ainsi payer des taxes sur les couches, mais il n'y a aucune taxe quand vous achetez des actions à la base.»

On pourrait ajouter que le lobbying ne vient pas des individus de la classe moyenne ou des plus démunis, et ce nouveau gouvernement n'agit que sous la férule des groupes de pression bien organisés, d'où une Loi de l'impôt sur le revenu qui se modifie et s'épaissit au gré des diverses pressions qui s'exercent successivement à gauche et à droite.

En conclusion, j'aimerais souligner que le projet de loi C-9 ne dit rien sur l'aide à la famille qui devra passer par la fiscalité, en fait, par l'impôt sur le revenu.

M. Yves Séguin, ancien ministre du Revenu du Québec, mentionne dans le journal La Presse du 6 février 1994, et je cite: «Les conjoints-des conjointes dans la plupart des cas, faudrait-il dire-qui reçoivent la pension alimentaire doivent l'ajouter à leurs revenus. Cette pension calculée de façon très serrée, en fonction des besoins des enfants, ne rapporte absolument rien à la mère. Mais au lieu de payer 25 p. 100 d'impôt, par exemple, elle devra, dans plusieurs cas, en payer 37 p. 100 ou plus, peut-être 2 000 $ ou plus, ce 2 000 $ qu'elle n'a pas.»

En fin de compte, on ne voit nullement dans ce projet de loi C-9 des mesures fiscales qui s'adressent directement à la population, aux individus ou à la famille, mais bien des mesures mitigées qui s'adressent aux entreprises, des mesures mitigées qui sont pour la plupart héritées de l'ancien gouvernement conservateur.

[Traduction]

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations du député au sujet des modifications (9) et (11) se rapportant à la recherche scientifique et au développement expérimental; il a dit qu'il n'aimait pas ces modifications proposées dans le projet de loi.

Je croyais que le député se serait réjoui de toute mesure visant à consacrer plus efficacement des fonds aux activités de recherche et de développement. S'il juge que ces dispositions ne constituent pas de bonnes modifications à la loi, pourrait-il en recommander d'autres à la place?

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné au cours de mon exposé, on aurait aimé avoir dans ce projet de loi C-9, des mesures fiscales, des mesures dans l'impôt sur le revenu qui touchent plus directement les individus et la famille.

(1215)

Nous avons, au Québec, dans la Loi provinciale sur le revenu, toute une série de mesures qui aident plus directement les parents, spécialement les parents des jeunes enfants. Dans ce projet de loi-là, il faut quand même donner crédit à certaines mesures qu'on retrouve ici, mais ces mesures s'adressent plus directement aux entreprises.

Le député faisait allusion aux mesures 9 et 11 qui portent sur la recherche et développement. J'ose espérer que pour une fois, ces mesures puissent être bénéfiques au Québec. On sait que toute l'aide apportée à la recherche et développement, au cours des dix dernières années, ont favorisé essentiellement l'Ontario au détriment du Québec. Si on regarde entre les années 1980 et 1989, le gros de l'aide à la recherche subventionnée par le gouvernement fédéral a favorisé la province de l'Ontario dans une proportion de 50 p. 100. Historiquement, le Québec n'a bénéficié que de 17 p. 100 des subventions dans le secteur de la recherche et développement.

J'aimerais ajouter que j'ose espérer que ce projet de loi puisse, pour une fois, favoriser également la province de Québec, comparativement aux autres provinces du Canada et surtout à l'Ontario.

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, je félicite le député de son intervention dans le cadre du débat sur le projet de loi C-9.

Si je ne m'abuse, le député a dit au sujet de la TPS qu'elle rapportait un peu moins de 15 milliards de recettes et que, une fois déduites les dépenses qu'elle occasionne, elle ne rapporte presque rien.

Les sommes brutes que le gouvernement a perçues au regard de la TPS représentaient quelque 29,5 milliards de dollars. Il faut toutefois soustraire de ce montant les 10,7 milliards de dollars que le gouvernement a dû rembourser, notamment aux exportateurs, parce que leurs crédits de taxe sur intrants sont supérieurs aux taxes perçues sur leurs ventes non destinées à l'exportation. Il faut aussi soustraire les remboursements versés aux écoles, aux municipalités, etc., qui peuvent généralement se faire rembourser 50 p. 100 de la TPS qu'elles ont payée. Enfin, il faut déduire les quelque 2,5 milliards de dollars remboursés aux Canadiens à faible et à moyen revenu, à titre de crédit pour TPS. Une fois toutes ces dépenses soustraites, le gouvernement a tiré de la TPS des recettes nettes de 14,9 milliards de dollars pour l'exercice terminé le 31 mars 1993.

Cela dit, nous savons que la taxe de vente fédérale rapportait des recettes nettes d'environ 18 milliards de dollars et que la TPS a rapporté moins au gouvernement. À l'heure actuelle, le Comité permanent des finances de la Chambre étudie donc assidûment des solutions de rechange à la TPS pour faire en sorte que notre régime fiscal soit efficace et équitable.

Je tenais à faire ces mises au point relativement à la déclaration du député, de manière que les Canadiens sachent bien ce qu'il en est actuellement.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, je remercie le député de son intervention. Effectivement, je parlais du revenu de la TPS qui était de l'ordre de 13 ou 14 milliards; je vous le concède à un milliard ou un milliard et demi près.

Essentiellement, cette taxe rapporte entre 13 et 15 milliards par année. C'est un peu ce qu'était mon propos sur le projet de loi C-9, soit que le gouvernement procéde à des analyses de coûts-bénéfices ou à des études plus approfondies avant de mettre sur


1287

pied des nouvelles taxes et également que le gouvernement élimine les échappatoires. Lorsqu'on parle d'échappatoires, ce ne sont pas uniquement des échappatoires au plan des abris fiscaux, mais lorsqu'on met de l'avant une nouvelle cotisation, une nouvelle taxe, on n'en finit plus, au sein de la machine administrative, à y joindre toute une série d'exceptions.

Évidemment, on veut que ces taxes-là soient le moins regressives possible. Il y a des diminutions, il y a des exceptions pour les individus ou les ménages les plus démunis. Dans ce cas-ci, vous avez mentionné 17 milliards, je crois, pour les crédits concernant la TPS à l'exportation; 50 p. 100 de la TPS pour les écoles et les hôpitaux. Si on élimine tout cela et qu'on ajoute le coût de la bureaucratie, toutes les énergies, tous les efforts administratifs qui sont consentis pour aller chercher ces taxes-là, en bout de ligne, on parle ici de l'ordre de 14,9 milliards, alors que, au départ, la taxe rapporte, comme vous le disiez si bien, 29,5 milliards. Donc, une fois toutes les exceptions comptabilisées, la taxe ne rapporte même pas plus ou moins 50 p. 100 de ce qui était visé au départ. On arrive avec un montant de 30 milliards et, une fois toutes les exceptions enlevées, on arrive à 14,9 milliards. Et on nous dit ici que l'ancienne taxe fédérale, en n'ayant nullement toutes ces exceptions-là, rapportait 18 milliards.

(1220)

Tous les efforts qui ont été consentis finalement, c'était pour mettre sur pied une taxe qui rapporte 3 ou 4 milliards de moins. Avant d'aller de l'avant avec une nouvelle mesure fiscale ou avec une nouvelle taxe fédérale pour remplacer la TPS, il faudra procéder à des mesures, à des analyses, à différentes études, de la façon la plus poussée possible, et essayer d'éliminer les coûts administratifs aux entreprises.

Également, dans les 14,9 milliards qui restent en bout de ligne, on ne comptabilise pas ici tous les efforts qui sont fournis par les entreprises pour aller chercher cette taxe-là, toute la nouvelle comptabilité, tous les nouveaux systèmes informatiques qui ont été mis sur pied par les entreprises pour aller chercher ces sommes d'argent. En bout de ligne, ce qu'on nous dit, c'est que l'ancienne taxe était de 18 milliards. L'économie, c'est un ensemble. Si ce n'est pas le gouvernement qui paye d'une main, ce sont les entreprises qui payent de l'autre. Il y a sûrement plusieurs milliards de dollars qui ont été payés par les entreprises pour mettre sur pied cette taxe-là, et c'est difficile à chiffrer, évidemment, à savoir s'il s'agit de 5 ou de 10 milliards. Donc en bout de ligne, c'est peut-être 4 ou 5 milliards qui restent, dans les poches de la collectivité. Tous ces efforts-là ont été consentis pour abolir finalement une taxe qui rapportait quatre ou cinq fois plus. Il faut vraiment se pencher là-dessus et pousser un peu plus nos analyses avant d'y aller d'une nouvelle taxe.

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je félicite le député d'avoir si bien analysé les coûts et les avantages de la TPS. Comme lui, je crois que la TPS a été un désastre, notamment pour le 1,9 million d'inscrits qui sont des gens d'affaires pour la plupart. Il leur en coûte de 3 000 $ à 5 000 $ par année uniquement pour l'administration de cette taxe, sans compter la paperasserie qu'elle occasionne.

Je veux parler de la recherche et développement, car je sais que les députés qui forment la loyale opposition de Sa Majesté ont à coeur cette question. Je reconnais tout d'abord que le Québec est un peu désavantagé si l'on prend uniquement en considération les sommes consenties pour les activités de recherche et développement. Le député a parlé d'une proportion de 50 p. 100, mais quand on analyse la composante de la recherche et développement-et je sais que nous avons déjà discuté de cette question auparavant- on ne peut faire abstraction de la région de l'Outaouais.

Celle-ci compte de nombreux établissements de recherche et développement dont bénéficient de nombreux électeurs de la province de Québec. Quand on examine la quantité de recherche et développement qui se fait dans l'Outaouais, il faut reconnaître que, par habitant, la part du budget consacrée à la recherche et développement est davantage équitable.

[Français]

M. Bélisle: Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le commentaire de l'honorable député lorsqu'il mentionnait que peut-être ce qui vient biaiser les chiffres, c'est le fait qu'il y a beaucoup d'investissements en recherche et en développement qui se font à Ottawa et que, sur une base per capita, comme il le disait si bien, on aurait des différences Ontario versus Québec qui seraient probablement beaucoup moins importantes. J'ose espérer qu'il a raison, et je vais me pencher à nouveau sur ces chiffres, sur les données statistiques. J'aimerais toutefois mentionner que, lorsqu'on parle d'Ottawa, l'on devrait peut-être parler plutôt de la région de la Capitale nationale, qui comprend également une partie importante du territoire hullois du côté de la province de Québec.

(1225)

[Traduction]

Le vice-président: Nous reprenons le débat. Si j'ai bien compris, deux députés, soit celui d'Edmonton-Sud-Ouest et celui de Trois-Rivières, veulent prendre la parole. Personne ne veut parler du côté des ministériels. Selon le principe de la rotation, nous entendrions normalement un député du parti ministériel puis un député du Parti réformiste. Je pense donc qu'il serait équitable de donner maintenant la parole au député d'Edmonton-Sud-Ouest.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je remercie la Chambre de me donner l'occasion de participer à ce débat. Si je puis, monsieur le Président, je vais adresser mes observations, par votre entremise, au secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie.

Tout à l'heure, le député a parlé de la nécessité de mobiliser des capitaux pour les petites entreprises. Nous admettons qu'il est difficile de trouver du financement pour les PME. J'invite le secrétaire à commenter deux aspects du problème.

Le premier est celui des garanties pour permettre aux PME de réunir des capitaux, notamment le recours à des garanties conjointes et solidaires. Cela a pour résultat que celui qui signe une garantie au nom d'une société et qui a les plus gros moyens financiers est le premier à qui le garant s'adresse en cas de manquement. Il est vrai, bien entendu, qu'il est possible de limiter les garanties. Si une partie à la garantie dispose de moyens beaucoup plus substantiels, elle hésite parfois à garantir une petite entreprise nouvelle. C'est là un élément que j'invite le gouvernement à considérer.


1288

L'autre élément est la question d'une utilisation plus large du REÉR, qui a trouvé un usage nouveau et très efficace dans l'accession à la propriété. Il y a à ce sujet des contrôles très stricts. On pourrait envisager d'utiliser les fonds des REÉR, dans une transaction sans lien de dépendance, pour soutenir et financer les nouvelles petites entreprises, par opposition aux sociétés publiques.

Il y a toute une distinction entre une société qui a besoin de un million de dollars, par exemple, et une autre qui en veut dix millions. Si les entreprises pouvaient, selon des conditions très strictes, réunir des capitaux, sans lien de dépendance, en se servant de leurs REÉR ou en utilisant les contributions à un REÉR, cela pourrait représenter des ressources en capitaux très importantes pour le développement des petites entreprises et des nouvelles technologies au Canada.

Le vice-président: Les rôles sont inversés. C'est normalement le secrétaire parlementaire qui pose les questions, et je pense que c'est ce qu'il voudra faire maintenant.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, nous avons souvent dit que la présente législature serait marquée par les réformes. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'une vraie réforme parce qu'aujourd'hui le processus habituel est modifié.

En ce qui concerne les garanties conjointes et solidaires, je partage le point de vue du député qu'à l'heure actuelle la plupart des institutions financières se tournent vers le garant qui semble avoir, pour utiliser les termes du député, les plus grands «moyens financiers» en cas de défaut de paiement.

J'estime que c'est une question sur laquelle il faut se pencher. Dans quelques mois, le comité parlementaire chargé de l'industrie commencera ses travaux par une séance où il inviterait les institutions financières à dire ce qu'elles font pour la petite entreprise et à parler des diverses structures qu'elles utilisent et qui ont pour effet que le capital ne se rend pas aux petites entreprises et aux preneurs de risques. Le député pourrait faire valoir cette idée au comité devant les présidents des banques qui comparaîtront devant lui. Nous pourrions peut-être obtenir une modification quelconque.

En deuxième lieu, c'est une bonne idée que de se servir des fonds d'un REÉR pour financer de petites entreprises.

(1230)

Même si le Parti réformiste nous rappelle toujours que nous devons réduire les dépenses, le député devrait se rendre compte que sa proposition entraînerait des coûts probablement très élevés. Il n'en reste pas moins qu'afin de relancer la petite entreprise le ministre des Finances devrait étudier cette proposition.

M. McClelland: Monsieur le Président, le présent débat est vraiment constructif parce que nous posons des questions et obtenons des réponses. Je remercie le député de ses observations.

J'ai vraiment de la difficulté à comprendre en quoi ma proposition entraînerait des dépenses supplémentaires. Les fonds des REÉR qui serviraient à financer des petites entreprises, anciennes et nouvelles, sans liens de dépendance seraient déjà dans le système. Au lieu d'être placés dans des fonds communs de placement ou de grandes sociétés par actions, ces fonds seraient investis dans des petites entreprises.

Il y aurait certes un élément de risque, mais l'objectif visé est d'ouvrir l'accès aux capitaux à plus de gens. Il ne s'agit donc pas de nouveaux fonds. On puiserait dans le capital existant pour aider non pas les grandes sociétés par l'achat d'actions, mais les petites entreprises.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Monsieur le Président, j'ai une courte réponse à donner. Je suis heureux que le député ait clarifié le fait qu'il ne propose pas un relèvement du plafond des REÉR, qu'on se servirait des fonds déjà versés aux REÉR. C'est une bonne idée, et j'espère que le ministère et le ministre des Finances l'étudieront.

Le vice-président: Je vois le député d'Edmonton-Sud-Ouest se lever, mais malheureusement son temps de parole est écoulé. Je crois que, parmi les partis reconnus, le dernier orateur à prendre la parole dans ce débat est le député de Trois-Rivières.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que j'ai accepté, à titre de porte-parole en matière d'industrie, de prendre la parole dans le cadre de la présentation du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.

Ces modifications de la Loi de l'impôt sur le revenu mettent en oeuvre certaines mesures annoncées dans l'exposé économique et financier du 2 décembre 1992 et dans le Budget du 26 avril 1993 du précédent gouvernement.

En tout, douze mesures y sont mentionnées, dont neuf découlent de l'exposé économique et trois du discours du Budget. Les neuf premières mesures se lisent comme suit:

l. Allégement des cotisations d'assurance-chômage pour la création d'emplois supplémentaires;

2. Crédit d'impôt à l'investissement temporaire de la petite entreprise;

3. Extension du programme de financement de la petite entreprise;

4. Abolition d'une pénalité fiscale visant la petite entreprise;

5. Sociétés à capital de risques de travailleurs;

6. Extension du régime d'accession à la propriété;

7. Actions accréditives;


1289

8. Élimination de la déduction obligatoire relative aux frais d'exploration des sociétés exploitant des ressources;

9. Amélioration du crédit d'impôt pour activités de recherches scientifiques et de développement expérimental.

Quant aux mesures budgétaires annoncées le 26 avril 1993, elles traitent des points suivants: premièrement, le crédit annuel maximal d'impôt; deuxièmement, le crédit d'impôt à l'investissement pour activités de recherches scientifiques et de développement expérimental; et troisièmement, les acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu.

Vous aurez noté le caractère particulièrement aride de ces mesures. Leur simple énumération nous démontre la complexité de ces mesures, non seulement pour le législateur, mais pour le propriétaire dirigeant des petites et moyennes entreprises.

C'est pourquoi il nous apparaît illusoire et non avenu que soit traitée, plus en profonteur, l'analyse de ces mesures en cette Chambre, leur présentation se devant d'être référée à un comité qui pourrait en faire l'analyse judicieuse et détaillée pour ensuite faire les recommandations qu'il jugera opportunes.

(1235)

Cette complexité nous démontre aussi qu'il s'impose qu'une révision, qu'une réforme en profondeur des programmes d'aide financière aux petites et moyennes entreprises soit enclenchée, révision qui verrait à identifier tous les chevauchements qui peuvent exister dans l'administration de ces programmes d'aide et qui verrait aussi à simplifier l'application de ces programmes auprès des PME.

Car, il faut savoir combien ces petites et moyennes entreprises sont harcelées par la bureaucratie gouvernementale, qui s'ingère souvent dans leur gestion, qui fixe des échéanciers, qui demande des comptes, qui intimide même les propriétaires dirigeants, qui gruge le temps des employés et qui agit comme si la PME était au service de la bureaucratie.

Selon toutes les études faites sur le sujet, il apparaît qu'au moins 20 p. 100 des énergies déployées par les PME en termes de gestion et d'administration sont consacrées à répondre à la paperasse gouvernementale.

Cela est inacceptable et incompatible avec les objectifs de compétitivité et d'efficacité dont on se gorge dans les officines gouvernementales.

Il faut aider les PME à se développer et non pas les écraser sous la paperasse et la bureaucratie. Il faut aider notamment les PME dont on ne parle pas, qui n'a pas d'histoire, qui n'a pas de projet d'exportation, qui n'a pas de projet technologique et dont l'équipement n'a pas nécessairement à être modernisé mais qui produisent des biens répondant à un besoin local et régional, des petites entreprises qui souvent sont bien gérées ou qui peuvent connaître des difficultés mais qui, surtout, emploient dans leur patelin 5, 10, 20 40, 60 employés qui, s'il n'y avait pas cette usine, se retrouveraient sans emploi, sans occasion apparente de trouver un nouvel emploi et, de ce fait, contraints de vivre de l'assurance-chômage et bientôt de l'aide sociale.

Je pense, par exemple, aux manufacturiers de portes et châssis, je pense aux ateliers d'usinage, je pense aux fabriquants de produits alimentaires, aux fabriquants de vêtements, je pense aux scieries.

Il nous faut absolument reconnaître ce genre d'entreprise et les aider à consolider leur position, car ce sont elles qui, dans nos régions, dans nos circonscriptions, créent et maintiennent des emplois qui permettent au gouvernement, par le biais des impôts et taxes payés par elles-mêmes et leurs employés, d'inciter d'autres entreprises soit à exporter, soit à se moderniser, soit à se donner des projets de déveloloppements technologiques.

Par ailleurs, je voudrais profiter de l'occasion pour rappeler au gouvernement, compte tenu des changements géopolitiques survenus au cours des récentes années sur cette planète, l'importance d'encourager la reconversion de nos entreprises militaires vers la production de biens à caractère civil. Le gouvernement se doit de collaborer à cette opération sans quoi toute notre structure industrielle risque de se discréditer elle-même au profit des économies voisines.

Le livre rouge le dit bien, et je cite: «Les industries militaires emploient directement et indirectement à l'heure actuelle plus de 100 000 Canadiens. La fin de la guerre froide met en péril des milliers d'emplois de haute technicité. Un gouvernement libéral mettra en place un programme de reconversion des industries militaires en industries civiles vouées à la haute technologies.»

Cela dit, il faut s'interroger sur la structure d'intervention du gouvernement fédéral qui lui permettra d'intervenir valablement auprès du monde industriel, notamment en termes d'encouragement à la modernisation.

En effet, au Québec, l'intervenant le plus près du client est le Bureau fédéral de développement régional qui, curieusement, relève du ministre des Finances, alors que l'on peut légitimement supposer que les programmes de reconversion industrielle seront inspirés et émaneront d'Industrie Canada qui, lui, n'a pas de bureau régional, étant essentiellement concentré à Montréal. On peut douter d'avance de l'efficacité de ces programmes, ceux-ci étant conçus et administrés à distance par rapport à l'utilisateur potentiel.

Il faut se poser la question suivante: Que fait le BFDR, le Bureau fédéral de développement régional, au sein du ministère des Finances?

Pour revenir au contenu du projet de loi comme tel, un des points du projet de loi faisait référence aux sociétés à capital de risques de travailleurs. Je ne peux m'empêcher de penser, dans cette veine, à la plus remarquable d'entre elles, soit le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, cette société à capital de risques fondée, il y a dix ans cette année, par la Fédération des travailleurs du Québec, qui compte aujourd'hui 193 000 actionnaires, dont l'actif net atteint 797 millions et son portefeuille d'investissement 414 millions au sein de l'entreprise québécoise. Ces actionnaires ont vécu la relance de leur entreprise ou ont vu leurs activités s'accroître considérablement à la suite de l'intervention du fonds.

(1240)

Pour la seule année 1993, le Fonds a géré près de 175 millions de dollars en nouveaux investissements à l'égard de 43 entreprises. La mise sur pied du Fonds de solidarité et son succès ne sont qu'une illustration de la capacité du Québec, du peuple du Québec, en termes de créativité et d'innovation, ce qui explique la confiance et la fierté qui nous animent face au potentiel économique d'un Québec souverain.


1290

[Traduction]

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement l'intervention du député. Sa remarque au sujet du harcèlement des petites entreprises par la bureaucratie a particulièrement retenu mon attention.

Il a dit que les petites entreprises dépensaient 20 p. 100 de leur énergie à remplir des formulaires administratifs et autres. Il a dit également que les petites entreprises assurent des emplois localement. Je suis on ne peut plus d'accord avec lui. Si nous voulons redonner de l'élan à l'économie, nous devons absolument aider les petites et moyennes entreprises à stimuler l'économie et à créer des emplois. Alors seulement pourrons-nous dire adieu à la récession.

Dans ma circonscription, Parkdale-High Park, dans la ville de Toronto, les petites entreprises se plaignent du manque de collaboration de la part des banques. Certaines se plaignent aussi, il est vrai, de la bureaucratie et de la paperasse, mais la cible, ce sont surtout des banques. En effet, quand elles s'adressent à la banque pour obtenir un prêt de capital afin de moderniser leurs usines, de prendre de l'expansion pour exporter leurs produits-qu'il s'agisse de portes, de fenêtres ou autres, ainsi que le député l'a mentionné-les banques le leur refusent. Telle est la situation, malgré la Loi sur les prêts aux petites entreprises qui autorise celles-ci à emprunter jusqu'à 250 000 $ garantis à 90 p. 100 par le gouvernement fédéral. En dépit de cela, les banques refusent de coopérer.

Rien qu'hier, un habitant de ma circonscription, qui a une petite entreprise dans le secteur de l'immobilier, m'a appelé, très en colère, pour me dire qu'il était allé à la banque pour déposer un chèque de 1 000 $ d'un client qui a l'habitude de le payer tous les mois par chèque. La banque lui a compté 75 cents de frais de service. L'autre jour, ayant été payé en espèces, il est allé à la banque pour déposer l'argent dans son compte. La banque a eu le toupet de lui compter 2,20 $ de frais de service. C'est ce genre d'attitude de la part des banques qui exaspère les petites entreprises.

Le député pourrait-il me dire si c'est juste à Toronto, dans ma circonscription, que les petites entreprises ont ce genre de problèmes ou bien est-il au courant de problèmes similaires ailleurs? Dans l'affirmative, peut-être a-t-il des suggestions? Comment faire pour obliger les banques à collaborer à la relance de l'économie au lieu de barrer la route aux petites entreprises?

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Effectivement, ayant oeuvré pendant 25 ans dans le domaine du développement régional dans ma région, en Mauricie-Bois-Franc-j'aimerais en profiter pour saluer les électeurs de cette région et ceux de mon comté-je suis parfaitement d'accord avec le député pour dire, et la question a déjà été abordée d'ailleurs au Comité permanent de l'industrie par le député de Broadview-Greenwood, qu'il y a un fossé entre le discours des présidents de grandes banques et l'attitude des directeurs de banque au niveau local. Chacun veut protéger ses intérêts, mais personne, sauf le propriétaire-dirigeant, ne court vraiment de risques.

On sent de plus en plus, et surtout en périodes de crise, que la banque n'a qu'un seul réflexe, soit de protéger ses intérêts, protéger ses acquis. Et souvent, elle ne se gêne pas pour tirer la «plug», comme on dit, au détriment de toute l'entité qui est là, c'est-à-dire l'industriel, l'entreprise et les employés.

(1245)

Je pense qu'il y a là une question de mentalité. Il y a quelqu'un qui m'a déjà dit, ayant étudié le fonctionnement des banques européennes, que la mentalité et l'approche des banques européennes face aux investissements dans le domaine privé, sont tout à fait différentes, dans le sens que la banque, dans sa philosophie d'intervention, acceptait de prendre un risque avec le propriétaire-dirigeant.

C'est peut-être là une dimension où il faudrait faire des pressions pour changer les mentalités, afin que peut-être les banques. . . Même si l'on dit que le système bancaire canadien est l'un des plus performants et des plus sécurisants au monde, il y a peut-être des choix fondamentaux à faire.

Peut-être qu'il faudra constater que notre système a ses grandes faiblesses, lorsqu'on voit le chômage-parce que c'est là l'effet, en bout de ligne-qui s'accroît de décennie en décennie. Quand j'étais jeune, le chômage était de 3 p. 100 et maintenant je pense que Statistique Canada dit que c'est illusoire d'espérer un taux plus bas que 8 p. 100.

C'est peut-être là le lot de ce genre de gestion et de philosophie d'intervention des banques qui fait qu'on massacre à mesure des gens qui ont mis sur pied des entreprises intéressantes, mais, une fois que la situation se corse, on perd toute fidélité, toute loyauté. C'est d'ailleurs une question qui sera abordée par le Comité permanent de l'industrie.

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, j'ai pris connaissance du projet de loi C-9. Je sais qu'il y a des gens qui nous regardent à la télévision. Ça, c'est le projet de loi C-9.

Il y a toutes sortes de choses intéressantes et on imagine que le gouvernement par ses propositions veut améliorer la situation compétitive de l'entreprise, veut permettre à des personnes d'améliorer leur sort. Par exemple, on parle d'alléger les cotisations d'assurance-chômage pour la création d'emplois supplémentaires. C'est extrêmement intéressant de voir la préoccupation du gouvernement pour les entreprises.

Cependant, comment les entreprises vont-elles apprendre que ces nouvelles dispositions vont entrer en vigueur? Est-ce que leur comptable va s'empresser, au lendemain de la promulgation de cette loi, de leur téléphoner et de leur dire: «Voici, dans votre cas, vraiment, vous avez là une opportunité merveilleuse.» J'en doute. Ce qui me chagrine, c'est de voir de si belles intentions-l'extension du programme de financement de la petite entreprise, société à capital de risques pour les travailleurs, extension du régime d'accession à la propriété-qui ne seront pas communiquées nécessairement en temps utile et d'une façon utilisable aux entreprises et aux individus qui pourraient autrement en profiter.


1291

J'aimerais que mon honorable collègue et collaborateur dans le Bloc me donne ses réflexions à ce sujet.

M. Rocheleau: Monsieur le Président, effectivement il y a là un autre genre de problème soulevé par mon collègue au sujet de la transmission des informations.

L'appareil gouvernemental s'ingère tellement dans un premier temps, est tellement compliqué dans un deuxième temps et ne se donne pas les moyens, lui-même, de livrer l'information.

La petite entreprise est obligée de mettre sur pied, à ses frais, tout un système d'information qui passera premièrement par son fiscaliste, son comptable, en s'assurant et en espérant que ledit comptable fera en sorte que l'information circule. On dirait que c'est des systèmes qui fonctionnent en vase clos.

L'appareil gouvernemental fonctionne d'une façon et, carrément, parallèlement à l'interlocuteur qui est en l'occurence la PME, on dirait que c'est deux mondes qui s'en vont et de temps en temps se rejoignent, selon la bonne foi, l'intelligence, le dévouement, et peut-être aussi les honoraires versés aux professionnels que la firme embauche.

Quand on parle de harcèlement, on dirait que c'est l'entreprise qui est au service du gouvernement. Dans le système économique dans lequel on vit, ce n'est pas cela, c'est le gouvernement qui est censé être au service de l'entreprise. Il y a certainement des choses à corriger et on pourrait peut-être commencer, en diminuant l'intervention de l'État dans la gestion de l'entreprise. Je pense que cela diminuerait conséquemment beaucoup de problèmes.

Le vice-président: Comme il n'y a plus de députés à prendre la parole, la Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

* * *

(1250)

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada) propose: Que le projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières (force nécessaire), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, en déposant le projet de loi C-8, le gouvernement propose de modifier l'article 25 du Code criminel afin de couronner un processus de réforme entrepris en 1969 à la suite des recommandations du Comité Ouimet.

Cet amendement concerne l'emploi de la force par les agents de la paix contre des personnes qui prennent la fuite pour éviter d'être arrêtées. En résumé, la mesure proposée aura premièrement pour effet de reconnaître aux agents de la paix le droit de recourir à la force dans ces circonstances, y compris une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves à une personne en état d'arrestation.

Deuxièmement, elle introduira un élément de proportionnalité entre la menace de mort ou de blessures corporelles graves que pose la personne qui cherche à prendre la fuite et le degré de force autorisé par la loi.

Troisièmement, elle étendra l'application du concept de force considérée comme raisonnablement nécessaire en pareilles circonstances aux personnes accomplissant des fonctions similaires au nom de la population, notamment les gardiens de prison et les agents de la paix qui tentent d'arrêter des bateaux de pêche étrangers que l'on soupçonne de violer les lois canadiennes.

Pour ouvrir le débat en deuxième lecture de ce projet de loi, j'aimerais aborder trois points sur lesquels la Chambre jugera peut-être bon de se pencher.

Le premier point concerne la pertinence, dans sa version actuelle, de l'article du Code criminel qui traite de ces cas. Le deuxième point concerne le processus de consultation que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel ont entrepris pour élaborer ces propositions. Le troisième point concerne les détails de la mesure proposée qui la font recommander au gouvernement et, je l'espère, à l'ensemble des députés.

Permettez-moi d'abord de toucher un mot de ce que le Code criminel dit actuellement au sujet de l'emploi de la force par les agents de la paix pour empêcher les personnes en état d'arrestation de s'enfuir. On trouve la disposition en question au paragraphe 25(4) du Code criminel du Canada et elle est communément appelée la règle du félon qui s'enfuit. Cette expression archaïque dit assez bien combien il en ait passé de l'eau sous les ponts depuis que l'on songe à corriger la situation.

Ce n'est pas le concept qui est en cause. Il est tout aussi solide aujourd'hui qu'il ne l'était au moment où la mesure a été promulguée. En effet, il convient que la législature reconnaisse et accorde aux agents de la paix le pouvoir d'employer une force considérée comme raisonnablement nécessaire pour se protéger et protéger le public lorsqu'ils sont aux prises avec une personne qui s'enfuit pour éviter l'arrestation.

Le problème, c'est que cet article du Code, dans sa version actuelle, a une portée trop large. Il ne comporte pas, à première vue, l'élément de proportionnalité que les législatures et les tribunaux ont cherché à introduire dans les mesures législatives adoptées ces derniers temps. Ainsi, l'article, tel qu'il est actuellement rédigé, autoriserait, à première vue, un agent de la paix à


1292

employer une force mortelle pour empêcher une personne qui est en état d'arrestation pour vol à l'étalage de s'enfuir.

Je m'empresse d'ajouter que les policiers eux-mêmes, aussi bien lors de leur formation que dans l'exercice de leurs fonctions, ont toujours su faire preuve de professionnalisme et de retenue dans l'emploi de la force autorisée par l'article visé.

(1255)

Cela vaut tant pour la formation que les policiers reçoivent dans les écoles de police que pour les manuels de procédures mis à leur disposition dans l'accomplissement de leurs fonctions et dans les pratiques utilisées par les services de police et par chacun des policiers du pays.

Les policiers eux-mêmes estiment que ce paragraphe manque de souplesse et de subtilité, qu'il manque de proportionnalité et qu'il n'est pas équilibré par rapport aux intérêts en jeu dans ces circonstances.

Dans le rapport présenté en 1989 par le groupe de travail de l'Ontario sur les services de police et les relations interraciales, il est écrit que les policiers eux-mêmes se sentent mal à l'aise devant l'énorme discrétion que leur confère actuellement le paragraphe 25(4) et que les instructeurs des écoles de police mettent les nouveaux policiers en garde contre l'exercice de ces pouvoirs à la lettre.

Des groupes minoritaires venant de partout au Canada ont exprimé des réserves au sujet de la disposition actuelle. Toujours très conscients de leurs relations avec les services de police, ils se sont dits inquiets de constater que ce paragraphe ne renfermait pas expressément le genre de critères qu'il devrait normalement renfermer et auxquels devraient se référer les agents de la paix avant d'employer contre une personne qui s'enfuit pour éviter l'arrestation une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves.

[Français]

Lorsque la règle applicable aux criminels dangereux en fuite a été créée, que la disposition actuelle codifie, elle ne s'appliquait qu'en cas d'infractions les plus graves, lesquelles étaient presque toutes punissables par la peine de mort. À cette époque, lorsque les suspects dangereux étaient reconnus coupables, ils étaient à coup sûr exécutés. On comprend donc pourquoi les criminels dangereux, à l'époque, n'hésitaient pas à employer la force meurtrière pour se dérober à l'arrestation.

Par ailleurs, si la police ne parvenait pas à arrêter le suspect en fuite sur-le-champ, il y avait peu de chance qu'elle réussisse à l'arrêter par la suite, compte tenu des armes rudimentaires, des réseaux de communication primitifs et des méthodes élémentaires d'enquête qu'elle avait à sa disposition.

[Traduction]

Au fil des ans, ce paragraphe a fait l'objet de plaintes, entre autres, de participants à la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada et de membres de la Commission de réforme du droit du Canada, qui ont demandé qu'il soit révisé.

En avril, l'an dernier, il a été déclaré inconstitutionnel par un juge de la Division générale de la Cour de l'Ontario en raison des lacunes mêmes que je viens de souligner aujourd'hui.

Il est temps que le Parlement se mette au fait de la jurisprudence et des pratiques policières dans notre pays. Il est temps qu'il modifie ce paragraphe du Code afin que celui-ci reflète les valeurs et les tendances actuelles à l'égard de tout ce qui a trait au maintien de l'ordre.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de l'importance et de la nature des consultations qui ont eu lieu lorsque le gouvernement a élaboré la modification dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Les députés reconnaîtront tous, du moins je l'espère, que ces consultations ont été approfondies, réfléchies et constructives.

La plus récente série de consultations a commencé à la mi-juin, en 1990, lors de la conférence fédérale-provinciale-territoriale tenue à Niagara-on-the-Lake. Il avait alors été décidé, d'un commun accord, de prendre finalement des mesures pour modifier le Code.

Un an plus tard, en juin 1991, le ministère de la Justice publiait un document de consultation qui exposait quatre options. En septembre 1991, réunis en conférence à Yellowknife, les représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux ont approuvé, en principe, la démarche à suivre. Par la suite, il y a eu des séances de discussion fédérales-provinciales-territoriales à différents niveaux sur la forme à donner à la modification.

(1300)

Le 17 août 1992, un nouveau document de travail était présenté. Il contenait les propositions détaillées publiées au moment de la réunion de l'Association canadienne des chefs de police. Tout au long du processus, qui a débuté il y a quelques années, le ministère de la Justice a reçu des mémoires de députés, de sénateurs, de procureurs généraux et de solliciteurs généraux de provinces et de territoires, de juges en chef, de groupes ethnoculturels, de représentants de la presse des communautés culturelles, d'associations provinciales de policiers, de la presse policière, de l'Association canadienne des chefs de police et de l'Association canadienne des policiers, d'associations professionnelles d'avocats, de doyens de facultés de droit, de barreaux, de corps policiers autochtones, d'organismes non gouvernementaux et de particuliers.

Il convient de remercier tous ceux qui ont pris part aux discussions dont l'importance ne fait aucun doute. La mesure législative tient compte des opinions exprimées.

Que fera ce projet de loi? Au début du débat de deuxième lecture, je tiens à faire remarquer que le projet de loi confirmera le droit des agents de la paix de se protéger et de protéger la population contre les lésions corporelles graves et la mort; il précisera que les agents de la paix peuvent, dans certains cas, employer une force susceptible de causer la mort pour arrêter un suspect qui cherche à éviter l'arrestation ou pour empêcher l'évasion d'un détenu; il justifiera une réaction policière proportionnelle à la menace posée par un suspect qui s'enfuit; et il modernisera la loi en mettant à jour une disposition archaïque du


1293

Code criminel qui ne correspond plus à la réalité canadienne actuelle.

Le projet de loi porte qu'une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves pour arrêter un suspect en fuite ne peut être utilisée que lorsque cela est raisonnablement nécessaire pour protéger des personnes de la mort ou de lésions corporelles graves, et seulement s'il est impossible d'empêcher la fuite par des moyens raisonnables d'une façon moins violente.

Le projet de loi préconise le déploiement d'une force mesurée et raisonnable dans les circonstances.

[Français]

Je tiens aussi absolument à ce que les agents de police puissent continuer à se protéger eux-mêmes et à protéger le public contre les lésions corporelles graves et la mort.

Le projet de loi C-8 permet expressément l'emploi de toute la force nécessaire à la protection du public ou des agents de police.

[Traduction]

Dans le nouveau paragraphe 25(4) proposé, la décision d'employer une force susceptible de causer la mort contre un suspect en fuite est fondée sur le risque que le suspect cause lui-même la mort ou des lésions corporelles graves s'il n'est pas appréhendé immédiatement. Le paragraphe précise que la mort ou les lésions corporelles graves peuvent être imminentes ou futures. Ainsi, la loi permettrait donc l'usage d'une force susceptible de causer la mort contre un suspect en fuite dans une situation où le danger pour le public serait plus grand et non moindre si on permettait au suspect d'éviter l'arrestation.

En adoptant cette norme, le Parlement se trouverait à dire que c'est seulement dans ces circonstances que l'emploi d'une force susceptible de causer la mort est justifié, alors que les dispositions actuelles ne précisent pas que le suspect en fuite doit présenter un danger pour qu'on puisse employer ce genre de force.

J'admets que le danger futur est difficile à évaluer. Toutefois, si nous adoptions la modification proposée, il serait clair que cette disposition s'appliquerait, par exemple, à un tueur qui a commis une série de meurtres ou à une personne qui a commis de nombreux crimes avec violence, car ces personnes poseraient une menace pour la société si elles parvenaient à éviter l'arrestation, même s'il ne s'agit pas d'une menace immédiate.

Selon la modification, l'emploi de la force est justifié si la personne qui emploie la force estime nécessaire d'agir ainsi, pour des motifs raisonnables. De cette façon, on tient compte non seulement de l'opinion subjective du policier quant à la gravité du danger mais aussi de la vraisemblance des motifs qui l'ont amené à porter ce jugement. Cette façon de procéder est évidemment conforme à celle prévue actuellement dans le paragraphe 25(3) du Code criminel.

(1305)

Le projet de loi propose également un nouveau paragraphe 25(5) du Code criminel qui prévoit l'emploi d'une force susceptible de causer la mort pour empêcher un détenu de s'évader d'un pénitencier lorsqu'on sait qu'il y a dans cet établissement des détenus qui poseraient un danger pour la société s'ils s'évadaient. Encore une fois, la modification proposée reflète la pratique courante en ce qui concerne l'emploi de la force dans les pénitenciers. Même si l'emploi de la force contre les détenus qui tentent de s'évader est justifié aux termes du paragraphe 25(4) actuel, le nouvel alinéa 25(4)d) proposé empêcherait les agents de la paix dans les pénitenciers de bien faire leur travail et pourrait compromettre la sécurité publique, car il ne tient pas compte de la situation spéciale qui existe dans les pénitenciers.

En effet, il est pratiquement impossible pour un agent de la paix qui observe une tentative d'évasion dans un pénitencier d'évaluer si le détenu qui tente de s'évader risque de poser un risque pour la société s'il réussit sa tentative. De plus, dans de telles circonstances, l'agent de la paix ne serait probablement pas au courant des facteurs permettant de déterminer le risque que présente le détenu à ce moment précis. L'usage d'une force susceptible de causer la mort ne serait autorisé qu'en dernier recours, après avoir employé d'autres moyens raisonnables et moins violents quand cela est possible dans les circonstances.

Quand on compare l'évasion d'un détenu d'un pénitencier et la fuite d'un suspect, le détenu est déjà emprisonné après avoir été trouvé coupable d'un délit pour lequel il a été condamné à une peine. L'importance sociale et psychologique d'une évasion diffère beaucoup de celle de la fuite d'un suspect qui tente d'échapper à l'arrestation, car il est très rare que le détenu qui s'évade d'un pénitencier le fasse sous l'impulsion du moment. Une évasion nécessite habituellement une planification et de la préméditation. Il faut également tenir compte du fait qu'il est nécessaire de maintenir la discipline et le respect de l'autorité légitime dans les pénitenciers, et la modification à l'étude devrait contribuer à atteindre cet objectif.

Finalement, le projet de loi propose une modification à la Loi sur la protection des pêches côtières afin de permettre au garde-pêche d'employer, conformément à des règles à établir en vertu de la loi, une force susceptible de désemparer un bateau de pêche étranger en fuite pour arrêter le capitaine ou tout autre responsable du bateau.

On propose cette modification à la Loi sur la protection des pêches côtières pour que le ministère des Pêches et des Océans conserve le pouvoir dont il dispose déjà à l'heure actuelle d'employer la force quand c'est nécessaire. Aucun nouveau pouvoir n'est ajouté.

Les gardes-pêche employés par le ministère des Pêches et des Océans pour faire appliquer le règlement sur la pêche sont réputés être des agents de la paix aux termes du Code criminel; ils ont des devoirs similaires à ceux des autres agents de la paix et peuvent parfois avoir à employer la force pour désemparer un


1294

bateau de pêche étranger qui a enfreint nos lois et tente de s'échapper.

S'il était impossible d'employer la force pour désemparer un bateau, on ne pourrait arrêter les capitaines de bateaux qui tentent de prendre la fuite et ceux-ci pourraient enfreindre nos lois impunément. L'usage de la force dans cette intention n'est autorisé qu'envers des bateaux de pêche étrangers, pas envers ceux qui sont canadiens. Comme les bateaux de pêche canadiens et leurs capitaines restent généralement dans nos eaux ou retournent à des ports canadiens où l'on peut procéder à leur arrestation, il est alors inutile d'user de la force afin de les désemparer.

L'amendement proposé prévoit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, limiter davantage l'utilisation de la force déployée pour désemparer un bateau. Les règlements en question fixeront les procédures et les limites à respecter au moment d'utiliser cette force. Le gouvernement compte élaborer des règlements qui seront conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. Ils seront également conformes aux pratiques internationales reconnues et raisonnables qui sont utilisées en mer quand on a recours à la force pour désemparer un bateau. Il faudra suivre un certain nombre d'étapes avant de pouvoir utiliser la force pour désemparer un bateau.

[Français]

Je crois que ce projet de loi réalise le juste équilibre entre, d'une part, la capacité des agents de la paix d'assurer la sécurité du public, et d'autre part, le respect des droits des Canadiens.

(1310)

[Traduction]

À mon avis, ce projet de loi constitue une nette amélioration par rapport aux règles archaïques visant les criminels en fuite; il nous permet d'établir de nouvelles protections juridiques pour les agents de la paix chargés de s'acquitter de leurs fonctions dans des conditions de plus en plus difficiles tout en protégeant les citoyens contre l'utilisation d'une force susceptible de causer la mort quand ce n'est pas raisonnablement nécessaire.

J'espère que les députés appuieront ce projet de loi.

[Français]

Le vice-président: Comme le Règlement n'autorise pas de période de questions et commentaires dans de telles circonstances, j'accorde immédiatement la parole à l'honorable député de Gaspé.

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, j'ai une petite question à vous poser avant de débuter. Je vois que l'heure avance et je crois qu'on dispose d'une période de 40 minutes pour le premier intervenant en réponse au ministre et par la suite, on me dit qu'un de mes collègues fera un discours de 20 minutes. Ensuite, deux autres collègues interviendront pendant 10 minutes chacun au cours de la journée. Je crois que vous en aviez été informé. En ce qui concerne mes 40 minutes, je pense en avoir terminé avant la période des questions orales.

Le Bloc québécois sera favorable au projet de loi C-8 dans son ensemble. Par contre, nous avons de sérieuses réserves et nous demanderons des amendements. Après avoir exprimé nos réserves, je vous ferai part de notre intention de proposer lesdits amendements qui, nous l'espérons, clarifieront le projet de loi et limiteront les abus qu'il pourra entraîner.

Je m'en tiendrai à la problématique des pêches. Mon collègue de pupitre pourra vous expliquer tout à l'heure le détail de la position du Bloc sur la première partie du projet de loi concernant les gardiens dans les pénitenciers, je crois, en tout cas, celle qui modifie le Code criminel. Il le fera, je le crois, avec plus d'éloquence que moi, du moins, je lui souhaite.

Comme je l'ai mentionné, comme critique des pêches et aussi comme représentant de la circonscription de Gaspé, une circonscription d'origine et de tradition maritimes, je vais m'attarder à l'aspect pêcherie du projet de loi C-8, parce que la deuxième partie de ce projet de loi vient, en effet, modifier la Loi sur la protection des pêches côtières.

Après vous avoir expliqué brièvement la teneur de la modification, je vous expliquerai aussi les dangers qu'elle comporte.

Si j'en fais une brève mise en situation, la loi, avant modification, à notre avis, était aussi courte qu'imprécise. On comprend le travail que le gouvernement a fait là-dessus. Cette loi-là se lisait comme suit, auparavant: «Le garde-pêche peut arrêter, sans mandat, toute personne qu'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, d'avoir commis une infraction à la présente loi.»

Après son amendement, le gouvernement encadre le pouvoir du garde-pêche. La loi, après l'ajout gouvernemental dont nous parlons aujourd'hui, se lira comme suit: «Le garde-pêche est fondé à employer, conformément aux procédures et dans les limites prévues par règlement, une force qui est, soit susceptible de désemparer un bateau de pêche étranger, soit employée dans l'intention de le désemparer, si les conditions suivantes sont réunies. . .» Je ne vous lirai pas toutes les conditions, mais on comprend l'essentiel de la modification.

Alors, quel est le but de cette modification?

Elle légifère sur le pouvoir du garde-pêche d'arraisonner un bateau étranger. Par conséquent, le droit d'intervenir du garde-pêche se trouve maintenant encadré et aussi protégé par la loi. Gardons toujours à l'esprit que le garde-pêche exerçait déjà ce droit et que la loi ne vient que confirmer une pratique déjà courante. Cette pratique courante nous amène à nous poser une première question d'ordre plus technique: Les gardes-pêche ont-ils la formation nécessaire pour des gens qui détiennent un pouvoir aussi important? Nous laissons cette première question au ministre.

Quelles sont donc nos réserves face au projet de loi?

(1315)

Je tiens tout d'abord à souligner que la pêche illégale est un aspect seulement du problème canadien des pêches. L'épuisement des stocks est un problème complexe qu'on ne peut pas limiter à la pêche illégale.

Donc, le problème pour les pêches, c'est bien plus que l'épuisement des stocks déclaré par le ministère des Pêches et des Océans. Pour nous, c'est toute la structure de l'industrie qui doit être repensée. Plutôt que de s'attaquer à ces changements structurels nécessaires pour réagir aux variations cycliques des stocks de poisson, comme il l'a fait dans le discours du Trône, le gouvernement cherche encore à trouver des coupables à la disparition de ce stock. Le gouvernement cherche des coupables alors que c'est lui qui a la responsabilité de la gestion des stocks.


1295

Bien sûr, le gouvernement ne peut pas tolérer le braconnage, mais il doit agir ailleurs aussi. Il doit mettre son énergie en priorité à la restructuration de l'industrie des pêches, sur le développement de nouvelles pratiques commerciales. Il doit mettre l'accent sur toutes sortes d'alternatives pour enrayer l'inactivité chez plus de 50 000 personnes au pays. La pêche illégale doit être contrôlée, mais le problème est diablement plus vaste que cela. Ce projet de loi ressemble parfois à un élément de plus dans un grand écran de fumée, selon notre perception. Nous espérons que nos craintes ne sont pas fondées.

Voici maintenant les réserves plus concrètes que nous avons par rapport au projet de loi C-8. Le Code criminel permet à l'agent de la paix de recourir à la force pour arrêter un fuyard. Nous acceptons ce principe dans le cadre du Code criminel, mais nous considérons que cette approche est peu adaptée au contexte des pêches. Dans le contexte tendu des pêches d'aujourd'hui, la modification pourrait encourager l'escalade de violence, et je m'explique.

Par le passé, le recours à des tirs dissuasifs n'a pas permis d'arraisonner les bateaux étrangers en faute. Par conséquent, suite à l'adoption du projet de loi, le message qui pourrait être compris par les gardes-pêche pourrait être de recourir à une force plus grande que celle qu'ils utilisent présentement pour arriver à leurs fins. La situation, je le répète, est tendue et le recours à une force plus importante pour désemparer un bateau pourrait encourager les pêcheurs illégaux à réagir aux gestes posés par le Canada en s'armant eux-mêmes pour se défendre. Alors, sans vouloir être alarmistes, nous croyons que cette possibilité est réelle et qu'elle devrait être étudiée par le ministre.

Deuxièmement, l'objectif du Canada est, entre autres, de montrer à la communauté internationale sa détermination à mettre un terme aux pratiques illégales.

Cet objectif est louable. Il comporte toutefois un risque inhérent, c'est-à-dire de considérer la force comme la solution ultime au problème. Nous refusons de considérer la force comme une fin en soi. Le problème de la pêche illégale n'est pas résolue à la source quand on utilise la force. Il l'est seulement à court terme. La vraie solution viendra d'une action internationale concertée.

En effet, et c'est comme cela que j'en arrive à notre troisième hésitation, le Canada ne pourra stopper les pratiques illégales des pêches sans le concours des autres pays. Il faudrait poursuivre les efforts de négociations avec la communauté internationale. Malgré notre vigilance à l'intérieur de la zone de 200 milles, si la pêche qui se pratique à l'extérieur de cette zone se poursuit au détriment de nos stocks de poisson, la modification apportée à la Loi sur la protection des pêches n'amène aucune solution au problème. Le Canada ne peut pas légiférer dans une zone internationale et, par conséquent, la négociation devient la seule avenue possible. La présente modification ne doit pas nous faire oublier cela.

Le concours des autres pays est d'autant plus important que nous sommes convaincus que le recours à la force n'est qu'une solution temporaire et que nous souhaitons l'éliminer le plus tôt possible. La force est un expédient à court terme. Nous la rejetons en bloc. Toutefois, pour des fins purement dissuasives, nous tolérons le recours à une force utilisée avec bon sens. C'est-à-dire une force visant à désemparer le bateau mais une force où il n'y a aucun risque de mettre une vie humaine en danger.

(1320)

Contrairement au Code criminel, nous ne tolérons pas le recours à une force meurtrière dans le cas des pêches. Les pêcheurs illégaux ne sont pas à nos yeux des criminels. Souvent, l'équipage embauché n'est même pas conscient du geste qu'il pose. Il faut aussi comprendre cela, mais comme il faut agir à court terme, nous sommes prêts à l'accepter.

Nous prenons pour acquis que le projet de loi s'adresse exclusivement aux étrangers, parce que dans le cas des bateaux canadiens, il existe des alternatives à la force qui n'existent pas dans le cas des bateaux étrangers. Par exemple, dans le cas des bateaux canadiens, l'arrestation peut se faire au port ou au domicile des contrevenants que nous aurions pu identifier.

L'objectif du gouvernement devrait donc être de mettre en place dans le monde, par des traités internationaux, des systèmes d'arrestation du type qu'il possède déjà sur son propre territoire. Ce serait la seule façon efficace d'éviter l'usage de la force en réussissant à punir les coupables. Nous pourrions donc éviter d'utiliser la force même s'il y a eu infraction et, par l'intermédiaire d'ententes bilatérales ou multilatérales, faire arrêter le capitaine du bateau par la police de son pays. Dans pareil cas, si les amendes sont suffisamment sévères, nous pourrions ainsi dissuader le contrebandier sans jamais utiliser la force.

Je profite du fait que j'aborde la nécessité d'avoir des traités internationaux pour parler de ceux qui existent déjà, par exemple avec les États-Unis et aussi avec le Québec. Je voudrais apporter cela comme exemple, si jamais le Québec devenait un pays étranger. J'aimerais faire profiter à la Chambre le fait qu'il y a 80 p. 100 de la ressource qui se trouve dans le golfe du Saint-Laurent, qui est déjà répartie sous forme de contingents individuels entre les différentes provinces qui partagent le golfe du Saint-Laurent.

Ce système est rattaché à une procédure de vérification à quai. Le ministère des Pêches et Océans est en mesure de savoir, quotidiennement, ce qui se débarque, par qui il est débarqué, et où, c'est-à-dire à chaque quai précisément. Donc si le Québec choisissait la voie de la souveraineté, on ne se retrouverait pas, comme certains de mes confrères l'ont laissé entendre la dernière fois que j'ai pris la parole en cette Chambre, donc on ne se retrouverait pas dans des chicanes constitutionnelles, au contraire, le travail est déjà fait.

Les ententes de répartitions de la ressource existent déjà. Au pire, la couleur du papier des ententes changerait, mais la base resterait la même. Ainsi, que le Québec soit un voisin ou un pays étranger, l'usage de la force, à cause des ententes internationales, pourrait ne pas être nécessaire, du moins je l'espère, dans ma vision à moi.

Ainsi, il y a des alternatives à la force. J'aimerais apporter d'autres exemples. À l'aube de l'an 2000, un satellite en rotation autour de la terre peut lire, semble-t-il, le journal par-dessus notre épaule. Alors comment se fait-il que nous ne puissions pas suivre l'évolution technologique et suivre l'évolution de tous les bateaux qui sont dans nos eaux? Nous pourrions ainsi augmenter la sécurité en mer et améliorer la protection de notre souveraineté maritime. Je n'ai pas la prétention de connaître toute la technologie électronique, mais je sais qu'il y a des choses qui existent.


1296

Ces alternatives à la violence prennent aussi de l'importance quand on considère que l'amendement au Code criminel implique des crimes plus grands que les gestes posés par les braconniers. Il peut être justifié d'utiliser une force qui peut être mortelle contre un dangereux criminel, mais de l'utiliser contre des braconniers, pour nous, il n'y a pas de commune mesure entre ces infractions.

On peut arrêter un capitaine parce qu'il a trop pêché, parce qu'il a pêché au mauvais endroit, parce qu'il n'a pas pêché la bonne espèce ou encore parce qu'il n'avait pas de permis du tout. Ce sont toutes des infractions graves au règlement des pêcheries, mais aucune d'entre elles n'est assez grave pour mettre la vie du capitaine ou de son équipage en danger en tentant d'immobiliser son navire. L'amendement que nous présenterons plus tard s'attardera à cette partie du problème.

(1325)

Je tiens à souligner un autre point que j'ai effleuré un peu plus tôt, et je vais le formuler sous forme de question. Est-ce vraiment légal de légiférer seulement pour les étrangers?

L'article 8.1 ne vise que les bateaux de pêche étrangers. La loi n'autorise pas le recours à la force nécessaire pour désemparer un bateau canadien. Nous sommes conscients que d'autres mesures existent pour retracer les contrevenants en territoire canadien. Par conséquent, le recours à la force dans leur cas est complètement superflu. En ce sens, nous demandons au gouvernement canadien d'avoir la même politique face aux étrangers pour que nous puissions éviter les altercations.

Avant que ces moyens ne soient mis en place, nous comprenons que le gouvernement doive recourir à la force, mais par contre nous ne tolérerons pas de politique de deux poids, deux mesures. Il est donc nécessaire de mettre en place, avec la communauté internationale, des méthodes efficaces pour arrêter les pêcheurs illégaux et pour changer un système où nous avons deux justices, une pour les nôtres et une pour les étrangers.

De plus, il semble clair que le gouvernement met encore l'attention sur la pêche étrangère, en utilisant cette formulation, du moins c'est ma perception. On dirait qu'il cherche encore un coupable alors qu'il devrait, au niveau des pêches, chercher à revoir l'industrie de la pêche canadienne.

Le quatrième élément qui fait hésiter le Bloc québécois est celui des chevauchements supplémentaires possibles entre les ministères du gouvernement. Les bateaux de la Défense nationale sont déjà équipés en ce sens. L'adjonction de l'article 8.1 risque d'encourager le ministère des Pêches et des Océans à équiper davantage ses bateaux pour qu'ils détiennent une force de frappe susceptible d'intimider les bateaux étrangers. Ces investissements sont-ils prioritaires compte tenu des besoins criants de l'industrie des pêches?

De plus, on peut s'interroger sur la pertinence de donner aux gardes-pêche le mandat de désemparer un bateau de pêche étranger. Il y a effectivement chevauchement entre différents ministères lorsqu'il s'agit de maintenir la souveraineté maritime. Le rapport du Comité Malone sur la souveraineté maritime affirme, sans nuances, que des économies pourraient être réalisées s'il y avait plus de concertation et de coordination entre le ministère des Transports d'une part, le ministère des Pêches et des Océans d'autre part, la Défense nationale et finalement la GRC. La modification d'aujourd'hui ne fait rien pour limiter les chevauchements et elle semble tout à fait susceptible d'en amener d'autres.

Enfin, pour répondre à certaines de ces réserves, le Bloc québécois proposera un amendement au projet gouvernemental. Nous ajouterons une ligne à la fin de l'article 8.1 qui se lira ainsi: «. . .l'utilisation de la force ne peut être tolérée si la vie de l'équipage du bateau en fuite est mise en danger». Je n'ai pas la prétention d'être avocat, mais je soumets cela comme étant une proposition pleine de bon sens et c'est du fond du coeur que je le dis.

L'objectif de cet amendement est clair: encadrer le recours à la force. Puisque le paragraphe 25(3) du Code criminel ne s'applique pas à la Loi sur la protection des pêches côtières, le recours à la force, tel que mentionné à l'article 8.1, relativement à la Loi sur la protection des pêches côtières, n'est pas encadré par la loi. L'amendement proposé par le Bloc vise à limiter l'utilisation de la force pour éviter des incidents qui pourraient être dramatiques. Les pêcheurs étrangers sont des êtres humains. Ils ne méritent pas de mourir pour avoir voulu arrondir leurs fins de mois. Dans bien des cas, les gens des navires ne comprendront même pas la langue utilisée lors de leur arrestation et dans ce contexte, un recours à une force déraisonnable pourrait provoquer de graves incidents.

(1330)

J'ai une autre interrogation aussi au sujet de ce projet de loi: le gouvernement ne définit pas la signification du mot «désemparer» quand on dit «utiliser une force nécessaire pour désemparer un bateau». N'étant pas avocat, j'ai regardé dans le Larousse et on indique, comme définition, «désemparé», c'est-à-dire que le bateau ne peut plus manoeuvrer car il a subi des avaries. Faire subir des avaries à un bateau en haute mer, je ne sais pas si certains d'entre vous ont déjà pratiqué la pêche, mais toutes sortes de conditions de température peuvent prévaloir à ce moment-là. Il y a différents types de bateaux qui existent, différents types de matériel: le fer, le bois et la fibre de verre. Un trou de balle d'une carabine 303, oui, ça pourrait peut-être faire couler un bateau, mais si ça peut faire couler un bateau, c'est parce que cela a passé à travers une coque pour faire peur, semble-t-il. Mais un trou de balle à travers un bateau de pêche en fibre de verre, je n'aimerais pas être l'homme d'équipage qui est couché dans l'entretrepont.

Ainsi, l'utilisation de la force, selon moi, nécessite bon pied, bon oeil. Et on sait que la vie peut être dure en mer. Alors,


1297

imaginez que l'exercice de ce droit devra se faire avec précaution.

Cet amendement est encore plus important dans le contexte où l'application de la loi est définie par les règlements prévus par le gouverneur en conseil. Ce sont vraiment les règlements qui détermineront la portée de la loi. Si la réglementation est trop permissive, la loi, telle que libellée, ouvre assez généreusement la porte à des abus.

Le projet de loi, en lui-même, n'est pas mauvais. Ce qui semble moins bon, ce sont les motivations.

Le gouvernement donne une cible aux pêcheurs, c'est-à-dire les étrangers. Vous savez, monsieur le Président, au début du déclin du stock de morue, certains ont associé l'accroissement de la population des phoques comme première cause de l'effondrement des stocks de morue. Après les péripéties que l'on connaît, les scientifiques nous disent maintenant que les phoques sont seulement un prédateur parmi tant d'autres. Le bouc émissaire n'est plus là, il faut en trouver un autre! Quoi de mieux que les étrangers? Camouflons à coeur joie les vrais problèmes derrière les méchants étrangers. Pendant ce temps-là, on ne parle pas de ce qui va se passer après le 16 mai prochain dans l'industrie de la pêche. Pendant ce temps-là, les pêcheurs oublient que le gouvernement fédéral avait la responsabilité de gérer les stocks et que c'est lui le grand coupable.

Quand on sait que selon l'OPANO, il y a à peine 5 p. 100 des stocks de poisson, des stocks de morue qui circulent dans les parties de la queue et du nez du Grand Banc où a lieu présentement la pêche illégale, sur lesquels le présent gouvernement fait beaucoup de tapage, on se demande pourquoi le ministre s'acharne sur ce dossier. Est-ce que le gouvernement réalise qu'il fait de la politique au lieu de régler le vrai problème de fond?

Le ministère des Pêches et Océans, lui-même, reconnaît qu'il est pratiquement impossible d'évaluer le coût de la pêche illégale. Ce que je dis, c'est que ce sont des pêches de l'avenir dont on devrait discuter plutôt. Les phoques ont toujours été là, les stocks ne s'effondraient pas. Les étrangers ont toujours pêché une partie de nos stocks et nos stocks ne s'effondraient toujours pas en ce sens-là. C'est toute notre industrie qu'il faut repenser et repenser vite, car beaucoup de gens attendent inactifs et frustrés. C'est gens sont des gens capables. Les gens de la mer sont pleins de ressources, mais le gouvernement ne les écoute pas.

Pourtant la gestion traditionnelle imposée du fédéral fait fi des initiatives locales pour remédier au problème de l'industrie de la pêche. En ffet, ce n'est pas la première grande crise que traverse l'industrie de la pêche. Je le répète, je l'ai déjà dit, et je pense qu'il est important de le répéter. Au début des années 1970, les stocks de morue se sont retrouvés à peu près dans le même état qu'aujourd'hui, mais la débrouillardise des pêcheurs, à l'époque, les a amenés à se tourner vers une pêche au crabe. Un peu plus tard, à la fin des années 1970, parce que la pêche au sébaste dans le golfe s'est aussi effondrée, certains sébastiers sont devenus des crevettiers.

(1335)

J'en déduis que ces communautés maritimes ont une capacité d'adaptation lorsqu'elles ont la latitude d'interagir. Elles savent signaler la présence d'autres espèces non prisées qui peuvent alors être commercialisées. Mais pour cela, il faut des canaux de communication rapides entre les décideurs et les gens qui sont sur la ligne de front, soit les pêcheurs. Cette capacité de rétroaction, le Québec l'a perdue sous le gouvernement libéral, en 1982, par le rapatriement de la juridiction des pêcheries. Or, d'après moi, il est grand temps que le gouvernemnt fédéral s'ouvre les yeux.

J'ai un autre exemple plus près. En 1986, si on avait eu ce mode de rétroaction, cela aurait permis aux pêcheurs côtiers, qui, eux, ayant remarqué le déclin de la morue les premiers, de s'ajuster. Pendant que les stocks de morue sont en déclin, d'autres espèces, jugées à tort indésirables, auraient dû être valorisées.

Alors, je tiens à répéter que ma devise dans le domaine des pêches pour toute la session sera celle-ci: Une politique industrielle valable en matière de pêcheries ne pourrait être cohérente que si les provinces partagent la gestion de la ressource. La vulnérabilité du Québec et des autres provinces en matière de pêcheries tient au fait que les pouvoirs les plus déterminants en la matière sont détenus par le gouvernement fédéral.

Ainsi, le ministre des Pêches et des Océans devrait parler du nouveau partenariat entre les différents intervenants du domaine. Le ministre devrait parler des moyens qu'il entend prendre pour remettre les pêcheurs canadiens et québécois au travail. Quels moyens va-t-il mettre à la disposition des communautés maritimes pour qu'elles puissent s'en sortir?

Chez nous, on a un dicton qui dit «Si on donne un poisson à un homme un jour, on le nourrit pour la journée; lui montrer à pêcher, c'est le nourrir pour la vie.» Je pense que c'est aussi un proverbe chinois. On est très cultivés en Gaspésie, n'est-ce pas?

Or, quel outil devrons-nous mettre en place pour permettre à ceux qui ne pêcheront plus de se découvrir une nouvelle voie? De la même manière, quel outil allons-nous mettre en place pour diversifier l'industrie pour s'assurer qu'elle puisse passer au travers des prochains cycles de variation du stock? Comme je le disais pendant la campagne électorale, «à un problème local existe une solution locale». Les vraies solutions ne viendront pas, je regrette, d'Ottawa.

Aujourd'hui, à cause d'erreurs de gestion du fédéral, ces communautés voient leur univers bouleversé. Pour elles, la vie ne sera plus jamais pareille. Elles doivent se réinventer une façon de vivre. Cette révolution exige que les différents gouvernements mettent à la disposition des communautés maritimes des outils de développement nouveaux.

Le monde des pêches est en révolution et ce serait une insulte à tous les pêcheurs que de s'attarder indûment à la pêche illégale ou aux contrebandiers. Nous espérons que l'actuel projet de loi ne fait pas partie d'un plan pour masquer la réalité et masquer les vrais débats concernant l'avenir des pêches. Nous sommes en faveur du projet de loi, je l'ai dit un peu plus tôt, mais nous espérons qu'il sera amendé. Nous sommes avant tout en faveur d'un gouvernement qui prend ses responsabilités et qui fait face à la crise dans un domaine vital pour bien des Québécois et bien des Canadiens. Mais cela, monsieur le Président, je ne l'ai pas encore vu.

En terminant, j'aimerais reformuler quelques questions envers le gouvernement, parce que j'ai beaucoup causé. J'aimerais que le gouvernement puisse répondre à ces questions, j'ignore comment, mais il devrait lui être possible de le faire avant le dépôt de la version finale du projet de loi.


1298

La première question est la suivante: Les gardes-pêche ont-ils la formation nécessaire pour des gens qui détiennent un pouvoir aussi important? Je connais des agents des pêches dans mon patelin, mais je sais qu'au Canada, par règlement, nous avons différentes applications au niveau du port d'armes par exemple. Je sais que dans les Maritimes, il y a cinq provinces, et deux d'entre elles ont demandé de ne pas être soumises au port d'armes.

(1340)

Quelle sera l'attitude des gardes-pêche à ce moment-là face à à une utilisation permise par la loi, bien que je ne connaisse pas les règlements qui seront issus de cette loi-là? C'est une question à laquelle j'aimerais bien avoir une réponse.

Est-ce que le ministre a aussi envisagé la possibilité que les initiatives gouvernementales enveniment une situation déjà tendue? Ce que je veux rappeler, c'est que le monde des pêches est en crise et je voudrais m'assurer qu'on ne va pas jeter de l'huile sur le feu. Est-ce que le ministre des Pêches et des Océans redoublera aussi d'effort dans ses négociations avec la communauté internationale? Le gouvernement verra-t-il aussi à limiter les chevauchements existant entre les différents ministères, tel que je l'ai mentionné tout à l'heure? Le rapport Malone parlait d'une interaction entre quatre.

Enfin, la réglementation qui découlera de cette loi sera-t-elle déposée en Chambre pour que celle-ci puisse juger si elle est trop permissive et si elle ouvre la porte à des abus?

Je terminerai en demandant au gouvernement de considérer avec soin les amendements qui seront proposés par l'opposition. Ce projet de loi a des ramifications nombreuses et vaut la peine d'être étudié prudemment.

[Traduction]

Le vice-président: Comme il n'y a ni questions ni commentaires sur le discours du député du Bloc québécois, je vais passer au député de New Westminster-Burnaby du Parti réformiste. Il aura le même temps que chacun des premiers orateurs des deux autres partis, aux termes du nouveau Règlement qui entre en vigueur aujourd'hui.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, je prends la parole pour livrer mes réactions au projet de loi C-8, dont nous sommes saisis.

Ce projet touche à l'essentiel des motifs pour lesquels les collectivités délèguent des pouvoirs, se donnent des agents de police, les autorisent à porter des armes meurtrières, leur accordent des pouvoirs que n'ont pas les simples citoyens. Le projet de loi porte clairement sur les pouvoirs mêmes du policier. Il circonscrit nettement et encadre davantage le recours aux dispositions existantes de la loi et l'exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque la force peut entraîner la mort de celui qui commet un crime ou lui causer des lésions corporelles.

Je remarque tout d'abord que ce projet semble être une solution imposée d'en haut, une réponse aux arguments fondés sur la Charte des droits invoqués dans l'affaire Lines. On dit que les dispositions actuelles du Code criminel sont trop larges. Deuxièmement, certains groupes communautaires semblent souhaiter cette mesure, estimant que, dans certaines circonstances, on a fait un usage excessif de la force et que les directives et les paramètres du Code criminel sont beaucoup trop généraux.

Cependant, je ne décèle aucun mouvement de masse, à la base, pour dénoncer les policiers parce qu'ils descendraient des gens ou abuseraient de la confiance que la collectivité a mise en eux. C'est plutôt l'avis contraire qui prévaudrait: la police a pieds et poings liés et n'a généralement pas assez de pouvoir pour s'acquitter de ses fonctions. Je me demande donc s'il y a un mouvement de la base pour réclamer ce changement.

On dit par contre que le paragraphe 25(4) du Code criminel fait problème. Cette disposition autorise l'agent de la paix qui se saisit légalement d'un suspect qui peut être arrêté sans mandat à faire usage de toute la force nécessaire pour prévenir la fuite du suspect, à moins qu'il n'y ait d'autres moyens raisonnables et moins violents. C'est ce qu'on appelle la règle du «criminel en fuite». Il suffit de lire la disposition pour constater que l'agent de la paix doit seulement juger s'il y a d'autres moyens à sa disposition.

Certains disent que le paragraphe 25(4) du Code criminel porte atteinte aux droits du suspect et des tiers, aux termes de l'article 7 de la Charte des droits, qui traite de la vie, de la liberté et de la sécurité; de l'article 9, qui traite de la protection contre la détention arbitraire; ou de l'article 12, qui traite de la protection contre les traitements cruels et inusités.

La règle du «criminel en fuite» est apparue à une époque où la plupart des crimes étaient punissables de mort. S'il était possible d'exécuter un criminel condamné, ce n'était pas terriblement disproportionné, semblait-il, de tuer un criminel en fuite. À ceux qui protestaient, estimant que cela équivalait à une exécution sans procès, on pouvait fort bien répondre que le suspect en fuite ne devait pas tellement tenir à son procès, puisqu'il prenait la fuite.

Quoi qu'il en soit, cette justification n'existe plus dans les sociétés civilisées. Aucun crime n'est punissable de mort au Canada.

On dit que, selon l'opinion très majoritaire dans les milieux universitaires et parmi ceux qui s'occupent d'ordre public, la justification du recours à une force qui peut entraîner la mort, justification fournie au paragraphe 25(4), est tout simplement trop générale.

(1345)

Les agents de la GRC, de la Police provinciale de l'Ontario et des corps de police métropolitains reçoivent tous des instructions et des lignes directrices qui limitent encore plus leur usage de la force meurtrière que ne le prévoit maintenant le Code criminel.

Ces limites ont en commun l'exigence que l'agent doit avoir des motifs raisonnables de croire que d'autres personnes ou lui-même risquent des lésions corporelles ou la mort. Le lien entre l'intérêt public et l'usage de la force, voire de la force meurtrière, est tout aussi évident. Il s'agit d'aider à l'application de la loi et de prévenir la fuite de criminels.


1299

D'aucuns estiment que si les criminels venaient à apprendre qu'ils peuvent s'évader en toute impunité, ils s'empresseraient de le faire. Il en résulterait le chaos.

Dans les cas extrêmes, l'usage de la force est facilement admissible. Voici un exemple de ce genre. Ce n'est pas toujours facile à déterminer quand la ligne de démarcation est floue.

Prenons donc le cas d'un présumé voleur de beignes. Si un tel voleur était pris en flagrant délit, le policier aurait peut-être le droit de l'arrêter sans mandat. En dernier recours, le policier aurait le droit d'utiliser la force meurtrière pour empêcher le voleur de se sauver. Quiconque est sain d'esprit n'oserait jamais proposer une telle chose dans ces circonstances. D'ailleurs, je ne pense pas que nos corps policiers succombent à de tels abus.

D'autres dispositions limitent aussi les moyens d'intervention d'un agent dans le cas d'un présumé voleur de banque armé qui fait feu dans toutes les directions. Rares sont ceux qui croient que l'agent ne devrait pas utiliser des moyens meurtriers pour empêcher le voleur de fuir et de blesser d'autres personnes.

Qu'en est-il également du cas où une personne est prise en flagrant délit de contrebande de grandes quantités de cocaïne ou d'héroïne? Le suspect n'est pas armé et s'enfuit? C'est un crime extrêmement grave. Cette drogue nuit à la santé de ceux qui en consomment et peut même causer leur mort. Il n'est pas rare que des toxicomanes commettent des actes de violence pour se procurer les moyens d'acheter d'autre drogue. Les distributeurs de cette drogue sont souvent portés à commettre des actes violents, toutefois, au moment où il s'enfuit le suspect ne représente aucun danger immédiat pour le policier ou qui que ce soit. L'agent devrait-il faire feu?

Il pourrait s'agir d'un autre Clifford Olsen. On dit que le Code criminel permet actuellement d'utiliser la force, même si elle cause la mort, pour capturer quelqu'un lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen moins violent pour y arriver, et que cela viole le droit d'une personne à la vie et à la sécurité reconnu par la Charte des droits et libertés. On dit aussi que le pouvoir de priver une personne de sa vie ou de sa sécurité lorsqu'elle commet certaines infractions ne respecte pas les principes de justice fondamentale.

L'article 25 peut-il être considéré, en regard de l'article 1 de la Charte, comme imposant une limite raisonnable au droit d'une personne à la liberté et à la sécurité? La détention de suspects en fuite constitue indéniablement un problème urgent et important. L'utilisation de la force pour empêcher la fuite est de toute évidence prévue à cette fin et il existe entre l'une et l'autre un lien logique.

L'utilisation de la force, lorsqu'elle cause la mort, ne représente pas l'atteinte la moins grave possible aux droits d'une personne. L'utilisation possible de ce genre de force dans de nombreux cas prévus est considérée comme excessive et tout à fait disproportionnée.

On a évoqué le risque qu'un voleur de beignes se retrouve dans cette situation, mais ce n'est là qu'une faible possibilité et les faits démontrent que les voleurs de beignes ne se font pas tirer dessus plus souvent qu'auparavant au Canada.

En fait, les agents de la paix ont pour directive de n'utiliser leurs armes à feu que dans des circonstances beaucoup plus impérieuses que celles visées au paragraphe 25(4). En somme, on fait valoir qu'il est possible de faire confiance aux agents de la paix pour ne pas abuser de la force permise par le Code.

L'important, c'est le risque de tort et non pas ce qui s'est passé. La gravité du crime importe-t-elle? Est-ce qu'on tient compte de la seule question du danger? Quel est le danger? Y a-t-il risque de lésions corporelles graves ou blessures graves? Quel est le niveau de risque? Y a-t-il un risque léger, moyen, probable, fort? Qui est protégé à part, bien sûr, l'agent de police qui effectue l'arrestation? Est-ce les personnes présentes sur les lieux et au moment de l'incident ou d'autres plus éloignées? Le violeur qui s'enfuit a peut-être satisfait son désir, mais pour combien de temps?

Voilà les questions dont sont saisis aujourd'hui, au cours de ce débat politique, les députés qui sont responsables devant l'électorat.

Dans l'affaire Lines, par exemple, on a jugé que les dispositions du Code criminel constituaient une violation inconstitutionnelle du droit du suspect à la vie et à la sécurité reconnu par la Charte.

Voyons ce que dit le projet de loi. Le paragraphe 4 permet à un agent de la paix, ainsi qu'à toute personne qui l'aide légalement, d'employer toute la force nécessaire pour empêcher une personne dont il procède légalement à l'arrestation de s'enfuir, pourvu que les circonstances énumérées soient réunies. Premièrement, il doit être démontré qu'il s'agit d'une infraction pour laquelle le suspect peut être arrêté avec ou sans mandat.

Deuxièmement, la personne doit s'enfuir afin d'éviter l'arrestation.

Troisièmement, il doit être démontré que la fuite ne pouvait être raisonnablement empêchée d'une façon moins violente.

Un agent de la paix qui franchit les limites de son territoire au cours d'une poursuite conserve ses pouvoirs aux fins de l'article.

Dans les cas où il s'agirait de déterminer si un agent de la paix a utilisé plus de force que ne le permettait le paragraphe 4, les déclarations générales concernant l'obligation d'essayer d'éviter de causer des lésions corporelles, invoquées dans les affaires de poursuites civiles pour négligence, ne peuvent être considérées comme applicables sans réserve. L'obligation dans laquelle se trouve un agent de la paix de procéder à une arrestation peut, dans certains cas, comporter des risques et entraîner des lésions corporelles pour d'autres membres de la collectivité. La loi justifie ce risque dans les cas où la force n'est pas utilisée de façon négligente ou excessive.

(1350)

L'agent de la paix dispose d'un droit limité d'utiliser la force pour empêcher une personne de fuir et il ne peut l'exercer que si la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente. Un agent de la paix ne peut en aucun cas justifier l'usage d'une force excessive et, lorsqu'il a le droit d'utiliser la force, l'agent doit en faire un usage raisonnable. Tout agent de la paix qui fait preuve de négligence dans l'utilisation de la force risque d'être reconnu responsable des pertes ou


1300

dommages causés par suite de sa négligence. Il en va déjà ainsi dans les faits.

En somme, on pourrait faire valoir que les modifications proposées ont un caractère purement administratif et ne font que confirmer la pratique actuelle. Cela reste à voir.

Il suffit d'envoyer le projet de loi en comité, de convoquer des témoins et d'en faire un examen plus approfondi. Il se peut que les tribunaux et l'élite des milieux juridiques se soient déjà fait une idée, mais il reste à voir quel sera le point de vue de la population au sujet du projet de loi. Le pouvoir le plus fondamental que la communauté délègue aux forces policières est le pouvoir de préserver la paix, l'ordre et le bon gouvernement.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur cette mesure législative, qui nous est présentée par le ministre de la Justice.

Il nous arrive souvent à la Chambre de débattre des projets de loi dans une perspective purement intellectuelle, en oubliant un peu le contexte réel dans lequel ils seront appliqués.

Cependant, cette fois-ci, je ne puis m'empêcher de remarquer que ce projet de loi a vu le jour à la suite de la décision d'un juge d'un tribunal ontarien, qui avait constaté que les dispositions courantes du Code criminel ne respectaient pas les exigences de notre charte des droits. Je crois d'ailleurs qu'il avait raison. Il y a environ 20 ans, j'ai travaillé comme stagiaire pour ce juge, alors qu'il était encore avocat.

L'affaire en question mettait en cause un policier qui avait fait feu avec son revolver en arrêtant un suspect. Ce policier vivait juste en face de chez moi, à Toronto. Cette proposition d'amendement représente donc pour moi un peu plus qu'un simple exercice cérébral.

Je veux commenter particulièrement la partie de la mesure qui porte sur le travail des employés des pénitenciers fédéraux qui, dans le cadre de leurs fonctions, ont certains pouvoirs et différents moyens de protection. Le projet de loi reconnaît que les agents de la paix qui travaillent dans les pénitenciers connaissent des conditions particulières, par rapport aux agents de la paix qui patrouillent les rues.

Dans les pénitenciers, les agents des services correctionnels travaillent auprès de condamnés qui, bien souvent, présenteraient un grave danger pour la population s'ils s'évadaient. Le paragraphe 25(5) du projet de loi permettrait aux agents travaillant dans un pénitencier d'employer une force susceptible de causer la mort pour empêcher un détenu de s'évader d'une institution où sont gardés des criminels dangereux. Le recours à une telle force ne serait possible qu'en dernier recours, quand tous les moyens moins violents auraient été utilisés sans succès. Ces autres moyens vont de l'avertissement verbal aux coups de semonce, entre autres.

Ces dispositions sont conformes à la politique actuelle et aux pratiques normales du service correctionnel responsable du fonctionnement du système pénitentiaire fédéral. Elles répondent à son mandat, qui est de protéger la société. En fait, la politique du Service correctionnel du Canada correspond au paragraphe 25(5), tel que proposé, puisqu'elle exige qu'un agent de la paix qui veut empêcher une évasion commence par avertir verbalement le détenu de s'arrêter puis tire un coup de semonce, sauf si les circonstances ne permettent pas d'utiliser ces méthodes. En pratique, il est extrêmement rare qu'un coup de semonce ne dissuade pas un évadé d'aller plus loin et qu'on doive utiliser une force de nature à causer la mort.

(1355)

Seuls les agents de correction formés à cette fin et autorisés portent des armes à feu dans les établissements à sécurité maximale ou moyenne. Ils ne le font que dans certains secteurs désignés comme les miradors et dans le cadre de patrouilles autour du périmètre de l'établissement.

On retrouve dans les établissements à sécurité maximale et moyenne des détenus qui posent un risque d'évasion important et qui constituent une grave menace pour la sécurité du public. C'est pourquoi les deux types d'établissement sont dotés de systèmes de sécurité du périmètre très perfectionnés comme des clôtures élevées, des murs, des systèmes de détection des mouvements, des caméras, des postes de garde armés et des patrouilles.

À l'heure actuelle, le Service correctionnel du Canada administre 13 établissements à sécurité maximale et 17 établissements à sécurité moyenne au Canada. Il n'y a pas de postes de garde armés dans les établissements fédéraux à sécurité minimale, car on considère que les détenus de ces institutions ne constituent pas une grave menace pour la population.

Comme le ministre de la Justice l'a déjà expliqué, la règle générale prévue au paragraphe 25(4) prévoit que l'agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire que la personne qui s'enfuit pour éviter d'être arrêtée représente une menace de mort ou de lésions corporelles graves pour elle-même ou toute autre personne.

Le paragraphe 25(5) nuance cette règle dans le cas des évadés d'un pénitencier. C'est important. Il s'agit là d'une règle spéciale qui ne s'applique qu'aux pénitenciers fédéraux. En effet, lorsqu'un agent de correction voit un détenu s'échapper, il lui est pratiquement impossible d'évaluer le degré de risque que cet individu représente à ce moment-là. Des circonstances extérieures comme la noirceur ou un déguisement porté par le détenu peuvent empêcher l'agent d'identifier ce dernier.

Même s'il connaissait l'identité de cette personne, l'agent ne serait probablement pas au courant des facteurs qui ont précipité cette tentative d'évasion et qui pourraient faire en sorte que le détenu pose un risque accru pour la sécurité du public. Les détenus qui essaient de s'échapper sont souvent prêts à tout pour réussir, y compris à recourir à la violence en prenant, par exemple, des civils en otage.

Ainsi, le critère qui s'applique au paragraphe 25(5), c'est que l'agent doit avoir des motifs raisonnables de croire que le détenu en question représente une menace de mort ou de lésions corporelles graves pour lui-même ou toute autre personne, c'est-à-dire un autre détenu.

1301

Les agents de correction sont en mesure de baser leur jugement sur un système bien établi qui affecte à tous les établissements fédéraux des cotes en matière de sécurité en fonction de la population carcérale. Les nouvelles dispositions s'appliquent seulement aux pénitenciers fédéraux. On a consulté les autorités correctionnelles provinciales dans le cadre de la rédaction de ces dispositions et elles se sont entendues pour dire qu'elles étaient inutiles au niveau provincial.

Selon moi, le nouveau paragraphe proposé maintient les pouvoirs de protection dont ont besoin les employés de première ligne dans nos pénitenciers et il parvient à l'équilibre voulu en ce qui concerne la sécurité publique.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions portant sur les bateaux de pêche étrangers, je voudrais préciser qu'il s'agit bien de bateaux étrangers et non canadiens; cette distinction est importante. De plus, il est question de désemparer un bateau et non de neutraliser une personne. À vrai dire, la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique certainement pas de la même façon dans ce cas que dans celui de la modification aux dispositions touchant les criminels en fuite dont nous discutons. Cependant, il y a des répercussions sur la sécurité des personnes à bord du navire en fuite et des agents des pêches à bord des navires canadiens, qui risquent d'être forcés d'avoir recours à la force.

(1400)

L'article que la Chambre adoptera, nous l'espérons, renferme des dispositions sur l'établissement de règlements qui limiteront ou définiront exactement les situations où l'on pourra avoir recours à la force tout en précisant quand on pourra le faire et comment.

Notre Chambre délègue souvent ce pouvoir de réglementation. Nous le faisons dans pratiquement toutes les lois que nous adoptons. Dans le cas présent, nous cédons un pouvoir de réglementation qui permettra pratiquement aux intéressés de mettre en place des règlements touchant la vie et la sécurité sur un bateau de pêche en fuite.

Selon moi, nous naviguons en eau trouble si je peux m'exprimer ainsi et il faut adopter des lignes directrices très prudentes. À ce sujet, je sais que nous pouvons compter sur un comité de la Chambre.

Le Président: À l'ordre! Le député aura évidemment la parole après la période des questions.

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5), la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés en conformité de l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


1301

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA LOI SUR LE PAIEMENT ANTICIPÉ DES RÉCOLTES

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex): Monsieur le Président, le 3 juin 1993, l'ancien gouvernement conservateur a supprimé la disposition sur les prêts sans intérêts de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes ou la LPAR.

Le Parti libéral du Canada estime que la suppression de cette disposition a nui au programme de paiement anticipé, puisque les agriculteurs sont déjà confrontés à une compression de leur encaisse et ne peuvent assumer le fardeau additionnel des intérêts.

Au nom des agriculteurs de la circonscription de Lambton-Middlesex et d'autres circonscriptions agricoles, je demande au ministre de l'Agriculture de rétablir par décret la disposition sur les prêts sans intérêts de la LPAR pour le programme de 1993-1994.

* * *

LE PARC NATIONAL ELK ISLAND

M. Ken Epp (Elk Island): Monsieur le Président, ma circonscription porte le nom du parc national Elk Island qui fait le ravissement de nombreux habitants de la région et de milliers de visiteurs qui viennent d'Edmonton, située à proximité, et même du monde entier.

J'interviens aujourd'hui pour protester vivement contre une proposition bureaucratique qui vise à fermer la route dans le parc, ce qui réduira considérablement l'accès au parc à de nombreuses personnes, surtout celles qui ne peuvent marcher ou faire de la bicyclette à cause d'un handicap ou d'une incapacité. Nous devons l'aménagement du parc au dévouement et au dur labeur de nos personnes âgées, qui apprécient de façon particulière la route touristique qui traverse le parc.

Ce parc donne sur l'autoroute de Yellowhead, qu'empruntent beaucoup de touristes, de sorte que les retombées sont importantes.

Nous devons tous collaborer activement pour préserver notre environnement et nos parcs, et par conséquent leur utilisation pour le bénéfice de nos ressources les plus précieuses, soit nos ressources humaines.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS DE Mme SUE RODRIGUEZ

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, c'est avec peine que nous avons appris le décès de Mme Sue Rodriguez samedi dernier. J'aimerais souligner en cette Chambre le courage et la détermination qui ont animé cette femme jusqu'à la fin. Son combat pour faire accepter le principe de la dignité humaine au sein de notre société constitue un exemple pour tous.

Souffrant d'une affection dégénérative et mortelle, elle avait saisi la Cour suprême du Canada, au mois de mai 1993, pour que soit respectée sa volonté de mourir dans la dignité. Malgré la décision défavorable rendue par les juges de la Cour suprême, Sue Rodriguez n'avait cessé d'affirmer son état de détresse.

Il est plus qu'urgent que les députés de cette Chambre amorcent une réflexion sur le droit à la mort dans le respect de la dignité humaine pour les gens en phase terminale.


1302

Albert Camus écrivait: «On juge une société à la façon dont on y souffre, dont on y aime et dont on y meurt.» Voilà ce que devrait constituer la base de notre réflexion.

* * *

[Traduction]

L'ÉTHANOL

M. Jerry Pickard (Essex-Kent): Monsieur le Président, le sud-ouest de l'Ontario est en train de devenir la plaque tournante du Canada en ce qui concerne la production d'éthanol. Mélangé à l'essence, l'éthanol réduit la pollution par l'automobile et est sans danger pour l'environnement. La production d'éthanol va raviver notre compétitivité au niveau mondial, grâce à la création d'un marché évalué à un million de tonnes de céréales et de milliers de nouveaux emplois dans les domaines de la construction, de la transformation, du transport par camion, ainsi que dans le secteur agricole.

(1405)

Il est de notre devoir d'appuyer le groupe de représentants des milieux industriel et agricole dans leur démarche pour obtenir le concours du gouvernement actuel. Ce projet, qui aura des retombées économiques, sociales et environnementales pour nos régions rurales, est un gage de prospérité.

Je demande donc à tous mes collègues de la Chambre de joindre leurs voix à la mienne pour promouvoir ce projet dynamique.

* * *

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury): Monsieur le Président, une nouvelle initiative de coopération entre le ministère de la Défense nationale et le ministère de l'Enseignement supérieur et du Travail du Néo-Brunswick va assurer une formation professionnelle spécialisée, ainsi que des cours de préparation à la vie à 30 Néo-Brunswickois sans emploi, âgés de 17 à 24 ans. Et ce n'est qu'un début!

Dans la circonscription de Fredericton-York-Sunbury que je représente, des bénéficiaires du programme Stratégie jeunesse, du programme à l'intention des peuples autochtones et de divers autres programmes d'aide sociale entreprennent aujourd'hui un stage de formation d'une durée de 20 semaines qui se déroulera à la BFC de Gagetown. Il s'agit d'un projet pilote de formation pratique axés sur les aptitudes professionnelles. Les stagiaires pourront y acquérir l'autodiscipline, la confiance en soi et l'esprit de décision, qualités indispensables à qui cherche un emploi.

Je me réjouis de constater que ces stratégies de formation dont le but est de restaurer la dignité des jeunes Néo-Brunswickois sont au coeur même des initiatives dans le domaine du développement des ressources humaines. Notre province est heureuse de compter parmi les premières régions à participer à ce projet d'envergure.

LE TAUX D'IMMPOSITION DES PETITES ENTREPRISES

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud): Monsieur le Président, voyons voir si j'aurai le temps d'aborder cette question-ci pendant la période qui m'est attribuée.

En 1974, le gouvernement libéral de l'époque avait introduit un seuil d'imposition moins élevé pour les petites entreprises. En 1982, les libéraux l'ont relevé à 200 000 $. Or, il n'a pas été relevé depuis, bien que l'indice des prix à la consommation ait augmenté de 55 p. 100.

Au nom de la foule de petites entreprises de ma circonscription qui ont énormément confiance dans le plan libéral concernant les petites entreprises, je recommanderais au ministre que nous procédions à un examen du seuil d'imposition de 200 000 $.

Assurons-nous que l'efficacité de cette mesure n'a pas été gravement minée par l'inflation depuis 1982, soit la dernière fois qu'elle a été renforcée.

* * *

[Français]

LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, lors de la dernière conférence des ministres des Finances, celui du Québec déclarait qu'il était moyennement satisfait des montants qui seraient alloués au Québec en vertu de la péréquation.

Je voudrais vous souligner que le Québec ne reçoit que 540 $ per capita en 1994-1995 versus 1 655 $ pour Terre-Neuve. Pourtant, le taux de pauvreté de la population est plus élevé au Québec qu'à Terre-Neuve, soit 16,2 versus 15,8.

Il serait important aussi de souligner que le Québec ne recevra que 2 p. 100 d'augmentation alors que la moyenne des versements de péréquation augmentera de 5 p. 100. Il y a incohérence dans le système de péréquation et nous souhaitons que les règles soient justes à l'endroit du Québec, jusqu'à ce que le Québec décide démocratiquement de devenir un pays souverain.

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, je désire rendre hommage à tous les policiers du Canada qui servent leur collectivité avec fierté et loyauté. Je voudrais également rendre un hommage très spécial à tous les agents qui ont été tués au cours de leurs fonctions.

Aujourd'hui, en réponse à un sentiment croissant d'indignation chez les Canadiens, je voudrais faire part à la Chambre de déclarations ayant pour objet de réclamer des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ces requêtes, qui sont parrainées par la Calgary Police Association, ont été rédigées et signées par plus de 10 000 résidents de la région de Calgary.

Je signale ces pétitions à la Chambre au nom surtout de la famille de l'agent Rick Sonneberg. L'agent Sonneberg est décédé prématurément lorsqu'il a été renversé sur une autoroute de


1303

Calgary par un jeune contrevenant qui tentait d'éviter un barrage policier.

Au nom de la famille, des amis et des camarades de l'agent Sonneberg, je présente ces pétitions à la Chambre dans l'espoir que sa mort n'aura pas été vaine et qu'elle suscitera une réforme fondamentale d'une politique qui s'est soldée par un échec.

Le Président: Si je comprends bien, le député déposera cette pétition à l'étape de la présentation de pétitions.

* * *

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, il faudrait féliciter le ministre du Revenu national des mesures qu'il prend pour mettre fin aux fraudes fiscales. L'économie parallèle au Canada ne se compose pas d'honnêtes gens qui font des choses malhonnêtes, comme on voudrait bien nous le faire croire. Les contribuables savent que les fraudeurs compromettent l'avenir du Canada pour leur gain personnel.

(1410)

L'avertissement donné par le ministre du Revenu national va probablement dissuader les personnes qui seraient tentées d'escroquer le gouvernement de le faire. Il est à espérer que les fraudeurs mettront fin à leurs activités.

Quiconque désire vivre dans notre pays doit être prêt à payer pour ce privilège. Si on ne peut faire jouer, chez les fraudeurs, le sens de l'honneur, peut-être que la crainte de se faire prendre les amènera à agir différemment, ce qui permettra de renflouer les coffres de l'État.

* * *

LES FESTIVALS

M. Elijah Harper (Churchill): Monsieur le Président, je voudrais aujourd'hui féliciter l'équipe Dave Smith, de St. Vital, qui a remporté, en fin de semaine dernière, le championnat de curling Manitoba Tankard à Thompson, au Manitoba.

Je voudrais également féliciter les organisateurs de cet important événement provincial. Je suis fier que la ville de Thompson ait pu être l'hôte d'un événement sportif de cette envergure et que cet événement ait été un succès.

En outre, j'invite tous les députés de la Chambre à faire comme moi et à se rendre à Le Pas, en fin de semaine, pour assister au festival des trappeurs du nord du Manitoba.

Ce festival est l'un des festivals d'hiver les plus anciens et les plus authentiques du Canada. Les visiteurs pourront assister au championnat mondial de la course d'attelage de chiens, au couronnement de la reine et du roi des trappeurs, ainsi qu'au concours de la reine de la fourrure, tout en goûtant à des spécialités locales et en se divertissant.

Je me joins aux habitants de Le Pas pour vous inviter à vous déplacer vers le Nord afin d'assister au festival des trappeurs.

LE SERVICE JEUNESSE

M. Peter Adams (Peterborough): Monsieur le Président, le Service jeunesse permettra chaque année à 10 000 jeunes Canadiens et Canadiennes de travailler au service de la communauté et de l'environnement et d'accomplir un travail précieux. Il les aidera à franchir le cap entre la fin des études et le marché du travail.

Grâce au travail en équipe, ces jeunes se feront des amis dans le Canada tout entier. Ils travailleront à la réalisation de projets dans différentes régions, ce qui les amènera à connaître toute la diversité qu'offre notre pays.

Le travail qui sera accompli par le Service Jeunesse repaiera amplement les sommes que nous aurons investies. La conscience nationale qu'il éveillera parmi les jeunes et la contribution qu'il apportera à la création d'une force mobile et nationale de la main-d'oeuvre feront de ce service une précieuse initiative.

Je félicite la secrétaire d'État (Formation et Jeunesse) pour les efforts qu'elle a déployés en vue de lancer le Service Jeunesse et j'implore tous les membres du Cabinet de faire tout pour l'appuyer dans cette entreprise.

* * *

LA FISCALITÉ

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, en fin de semaine, je suis allé dans ma circonscription et je dois vous dire, à vous et, par votre entremise, au ministre des Finances, que le message est clair. Les gens sont prêts à une réduction juste et équitable des services, mais s'opposent-je répète bien-s'opposent à toute augmentation d'impôt ou à tout élargissement de l'assiette fiscale.

Je suis fier de pouvoir dire que je les comprends et que je veux les aider. Les habitants de ma circonscription estiment que toute augmentation d'impôt conduira notre pays à la ruine financière.

Je suis venu à la Chambre pour essayer de sauver le Canada. Ce ne sera pas possible si on augmente les impôts. Les Canadiens ne le supporteront plus!

* * *

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester): Monsieur le Président, le premier ministre de l'Ontario refuse de collaborer avec le gouvernement fédéral pour essayer, de concert avec lui, de régler le problème de la contrebande de cigarettes. Il prétend que le premier ministre veut plaire au Québec.

Dois-je lui rappeler que 35 p. 100 des cigarettes vendues en Ontario proviennent de la contrebande, que la ville de Cornwall, où les habitants ont peur qu'on leur tire dessus la nuit, fait toujours partie de l'Ontario, que selon la Police provinciale de l'Ontario, deux anciens de la crise d'Oka, Lasagne et Noriega, ont contribué à la création d'un réseau de contrebande à Sault-Sainte-Marie.

1304

La Garde côtière canadienne a prévenu les propriétaires de bateaux de plaisance d'éviter de naviguer à proximité de Walpole Island, à la frontière du Michigan, en raison de la violence causée dans cette région par la contrebande de cigarettes.

Le premier ministre a-t-il regardé dernièrement une carte de l'Ontario? Réveillez-vous, Bob! Prenez conscience des effets cancérigènes de toute cette fumée qui provient des cigarettes de contrebande de l'Ontario.

* * *

LE PROGRAMME RENCONTRE DU CANADA

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River): Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour signaler la présence à Ottawa d'un habitant de ma circonscription qui participe au programme Rencontre du Canada.

Je veux parler de Michael Knight, de Decker, petite localité située à 72 milles de Grandview, où j'habite, dans le sud de ma circonscription, Dauphin-Swan River.

Les jeunes participants à ce programme sont les futurs leaders du Canada, ceux qui prendront la relève quand les membres de notre génération quitteront la politique. J'espère que tous ces jeunes tireront profit de leur séjour à Ottawa et qu'ils pourront dire, de retour à la maison, que le gouvernement libéral cherche vraiment à satisfaire les besoins de tous les Canadiens.

* * *

(1415)

LA RÉFORME DES POLITIQUES SOCIALES

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, la semaine dernière, devant un comité permanent de la Chambre des communes, le ministre du Développement des ressources humaines a déclaré, en réponse à une question qui lui était posée, qu'il n'avait jamais vu le Livre blanc des conservateurs sur la réforme des politiques sociales, document qui n'a jamais été diffusé. D'après le ministre, les tablettes étaient vides lorsqu'il a pris les rênes du ministère.

À mon avis, de nombreux Canadiens auront du mal à le croire étant donné que le soir du 25 octobre, c'est le gouvernement, et non la fonction publique, qui a changé.

Le ministre devrait se montrer franc envers les Canadiens et avouer que, maintenant que son parti est au pouvoir, les propositions des conservateurs qu'il dénigrait avec véhémence auparavant ne lui semblent pas si mal.

Le ministre devrait rendre public le Livre blanc des conservateurs, afin que tout le monde puisse constater qu'il nous propose une toute nouvelle réforme des politiques sociales et ne se contente pas de réchauffer les vieilles mesures des conservateurs.


1304

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA RÉSERVE DE KAHNAWAKE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. On peut lire dans Le Droit, Le Soleil et Le Quotidien d'aujourd'hui, sous la signature du journaliste Michel Vastel, des allégations concernant le trafic de cocaïne à Kahnawake. Ces allégations, émanant de sources associées à la GRC, sont très graves puisque, selon elles, des warriors sont chargés, par le crime organisé de Montréal, de la protection d'importants convois de cocaïne qui transiteraient ainsi, en toute impunité, par la réserve de Kahnawake.

Est-ce qu'il peut nous indiquer si la GRC l'a informé d'une telle participation des warriors au trafic de la cocaïne?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai demandé au commissaire de la GRC un rapport complet sur l'article en question, et je m'attends à recevoir un tel rapport sous peu. C'est une question sérieuse que le chef de l'opposition m'a posée et c'est pourquoi j'ai demandé un rapport aussitôt que possible au commissaire de la GRC.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, il est difficle d'imaginer, pour ne pas dire inconcevable, que le solliciteur général et le premier ministre ne soient pas au courant d'informations qui circulent maintenant dans les journaux, sous la plume d'un journaliste réputé.

Je voudrais demander, en particulier au premier ministre ou au solliciteur général si ce dernier ne veut pas répondre, si on peut nous confirmer la véracité de ce rapport souscrit, également cautionné par M. Vastel, voulant que les familles du crime organisé de Montréal disposent, sur la réserve de Kahnawake, d'entrepôts utilisés pour la livraison de drogue, chaque cargaison pouvant même valoir jusqu'à 200 millions de dollars sur le marché?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je ne peux pas confirmer l'article de M. Vastel, c'est pourquoi j'ai demandé au commissaire de la GRC de me donner un rapport complet aussitôt que possible à cause du fait que ce sont des allégations très sérieuses.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, depuis quelques semaines, le gouvernement nous dit, à différentes occasions: Nous n'agissons pas parce que si nous avons des faits, si vous avez des choses à dire, dites-les nous. Voici, encore une fois, dans les journaux, une information extrêmement grave. Je voudrais demander au premier ministre la raison pour laquelle la GRC n'intervient pas. Est-ce que, par hasard, il serait vrai que le gouvernement aurait donné ordre de ne pas agir?


1305

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons dit à la GRC de faire son travail partout au Canada, et elle le fait. L'allégation qui est dans un article de journal. . . Évidemment, la prudence élémentaire amène n'importe quelle personne sérieuse, avant de dire, d'affirmer ce qui a été écrit dans un article. . . On sait parfois qu'il y a de petites possibilités que ce qu'un journaliste écrit ne soit peut-être pas vrai.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, ma question s'adresse également au premier ministre. Dans le même article, on apprend que des conversations enregistrées par la GRC feraient état que les gens du crime organisé savent très bien que les stocks doivent transités par une réserve indienne puisque, et je le cite: «On a une place, un endroit, là où on sait qu'il ne se passera rien.»

Le premier ministre ne convient-il pas que contrairement aux propos qu'il nous a toujours tenus, ici, dans cette Chambre, il existe bel et bien des endroits au Canada où la GRC, l'armée et même les députés ne peuvent pas circuler librement?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il n'y a aucun endroit au Canada où la GRC n'a pas reçu d'instructions d'agir suivant la loi et de faire appliquer la loi.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, le premier ministre peut-il nous dire s'il est exact que la GRC accumule depuis plusieurs mois des preuves sur des gens impliqués dans le trafic de la cocaïne, notamment sur le compte d'un chef amérindien?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, ce n'est pas prudent de commenter sur des enquêtes en cours ou sur des matières opérationnelles. Si le député désire vraiment qu'une action mène à des jugements en cour criminelle, il devrait être soucieux de la façon dont il pose ses questions. J'espère qu'il ne désire pas créer une situation dans laquelle il serait impossible de déposer des preuves suffisantes en cour.

* * *

[Traduction]

L'INDUSTRIE DE L'ALUMINIUM

M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

Le gouvernement a récemment signé une convention de crédit d'une valeur de 60 millions de dollars US pour aider à financer la construction d'une aluminerie en Afrique du Sud. Cependant, le Canada a également signé une entente informelle visant à réduire la production mondiale d'aluminium d'environ 10 p. 100.

Le ministre peut-il expliquer à la Chambre pourquoi le gouvernement tente, d'une part, de réduire la surproduction mondiale d'aluminium et aide, d'autre part, à construire une nouvelle aluminerie?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, la convention signée en Afrique du Sud avec SNC Lavalin porte sur la conception d'une aluminerie dans ce pays. Celle-ci ne commencera pas à produire avant un certain nombre d'années et, à ce moment-là, les stocks accumulés en Russie auront été écoulés sur les marchés.

[Français]

M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): J'ai une question supplémentaire à poser, monsieur le Président. Peut-être que le gouvernement croit que certains emplois sont plus importants que d'autres, mais la surabondance d'aluminium a déjà forcé les producteurs de l'Ouest et aussi la compagnie Alcan Aluminium de Montréal à couper leur production d'un demi-million de tonnes.

Le ministre peut-il expliquer aux travailleurs canadiens de l'aluminium qui risquent de perdre leur emploi à cause de la baisse des prix de l'aluminium, pourquoi les taxes aident à financer un compétiteur étranger?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je croyais avoir répondu à la question.

Il y a actuellement en Russie des stocks excédentaires. L'entente signée par différents pays vise à permettre l'écoulement ordonné de ces stocks sur les marchés.

Cela devrait se faire d'ici 1996, de sorte que, lorsque l'aluminerie sud-africaine commencera sa production, cette année-là, le marché de l'aluminium se sera vraisemblablement normalisé. Nous ne prévoyons plus d'engorgement du marché comme celui auquel nous assistons aujourd'hui.

* * *

[Français]

LE BUDGET

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, nous apprenions ce matin que le ministre des Finances a indiqué au président, de même qu'au vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, M. Pierre Cléroux, qu'il allait couper les dépenses d'environ 5 milliards de dollars, tout en augmentant les taxes et les impôts de la classe moyenne de 2 milliards. C'est une déclaration issue d'une série de rencontres que le ministre a eues avec cet organisme, crédible dans l'opinion publique canadienne.

Après avoir fait preuve d'un manque de jugement la semaine dernière avec ses déclarations sur le taux d'intérêt, le ministre des Finances a-t-il, oui ou non, donné ces détails du budget à M. Pierre CLéroux?


1306

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, la réponse est non.

(1425)

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): C'est court, c'est clair, c'est direct. Monsieur le Président, est-ce à dire que la Fédération canadienne d'entreprises indépendantes et ses représentants ne sont pas crédibles?

Alors que face à toutes nos questions, le ministre des Finances ne cesse de nous répéter d'attendre son budget, le ministre ne convient-il pas-puisqu'il a fait ces déclarations à la Fédération canadienne-qu'il est tout à fait inadmissible, intolérable, voire méprisable envers les parlementaires et les populations québécoise et canadienne, qu'il s'épanche ainsi avec des lobbyistes en dehors de cette Chambre?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je pense que c'est l'indication qu'on ne devrait peut-être pas préparer sa question supplémentaire avant de connaître la réponse à la première.

La réponse, c'est que je n'ai pas fait la déclaration. Par conséquent, il est quasiment impossible de répondre à la deuxième question qui ne tient pas debout.

* * *

[Traduction]

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Selon le rapport d'une vérification effectuée au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, à Montréal, cet organisme gaspillerait des millions de dollars de fonds publics. Le gouvernement mettra-t-il en oeuvre les recommandations de ce rapport?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Je crois que le centre a déjà mis sur pied un comité dont le mandat consistera à examiner la situation à laquelle la députée fait allusion. Je crois que c'est la première mesure qui sera prise.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, selon le rapport, le salaire du personnel du centre serait surévalué de 10 000 $ en moyenne, et les cadres supérieurs seraient rarement dans leurs bureaux.

Étant donné que d'autres organismes publics effectuent déjà un travail semblable à celui que fait le centre, cet organisme apparaît comme un régime de retraite dispendieux pour l'ancien chef du NPD, qui touche un salaire annuel de 150 000 $. Le gouvernement éliminera-t-il ce centre pour économiser plus de quatre millions de dollars aux contribuables canadiens?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, je crois savoir que le centre a fondé sa politique salariale sur les lignes directrices de la fonction publique se rapportant à des postes semblables aux siens.

Le conseil du centre évalue peut-être cette politique et j'espère que mon collègue, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, aura l'occasion de donner une réponse plus complète que la mienne à une date ultérieure.

* * *

[Français]

LE BUDGET

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Dans le but d'augmenter les revenus du gouvernement, le ministre des Finances envisage, dans son prochain budget, d'élargir son assiette fiscale, notamment de réduire le plafond des REÉR qui profitent principalement à la classe moyenne.

Le ministre des Finances entend-il prendre l'engagement que les mesures qu'il mettra de l'avant dans son prochain budget n'auront pas comme effet d'alourdir le fardeau fiscal de la classe moyenne?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, comme je l'ai dit à maintes reprises aux députés de l'opposition, ils sauront ce que contient le budget lorsque je le présenterai.

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, je m'attendais à une telle réponse, bien sûr. Il n'en reste pas moins que par souci d'équité, le ministre des Finances est-il conscient que le fait d'abaisser le plafond des REÉR va frapper de plein fouet les travailleurs autonomes qui, contrairement aux autres travailleurs, n'ont pas l'aide des entreprises?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, si on sait la réponse, pourquoi poser la question? Il est très clair que nous allons étudier les impacts de toutes les mesures que nous allons prendre. Certainement, les mesures que nous allons inclure dans le budget vont tenir compte de ces conséquences.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Immigration.

Récemment, le ministre a critiqué un rapport de l'Institut C.D. Howe dans lequel on recommande que le Canada accepte 150 000 immigrants par année.

Sur quels faits concrets le ministre se base-t-il pour rejeter les conclusions de ce rapport?

(1430)

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je n'ai jamais critiqué ce rapport. J'ai simplement dit que ce rapport si souvent cité par le député et ses collègues néglige de mentionner aux Canadiens que l'immigration n'a aucune incidence sur l'économie, même dans le pire des scénarios. C'est ce que j'ai dit, et ma position ne changera pas.


1307

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire à poser. Dans le même discours, le ministre a fait des remarques positives au sujet d'un rapport du Conseil économique du Canada dans lequel on recommande un niveau d'immigration d'environ 180 000, soit 70 000 de moins que ce que prévoit le ministre dans son plan.

Pourquoi le ministre a-t-il choisi de ne pas tenir compte non seulement du rapport de l'Institut C.D. Howe, mais aussi de celui du Conseil économique du Canada qu'il a pourtant déjà cité à l'appui de sa politique d'immigration?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je crois que le député a tort de tirer cette conclusion au sujet du rapport du Conseil économique du Canada.

Ce dernier a approuvé l'objectif d'environ 1 p. 100. Il a également recommandé que les gouvernements progressent graduellement vers cet objectif de 1 p. 100, et c'est exactement ce que nous avons fait. Nous nous sommes engagés dans le livre rouge à viser un niveau d'immigration annuel correspondant à environ 1 p. 100 de la population canadienne et nous avons respecté notre engagement. Nous progressons graduellement vers cet objectif, conformément aux recommandations du Conseil économique.

* * *

[Français]

LA SANTÉ

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé. Dans une entrevue accordée au Toronto Star, le ministre des Affaires intergouvernementales suggère à nouveau de couper 20 p. 100 des dépenses de santé.

La ministre est-elle d'accord avec la déclaration de son collègue? Et peut-elle nous indiquer si l'objectif de réduire de 20 p. 100 les dépenses de santé constitue un objectif officiel de son gouvernement?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, je dois d'abord dire que l'article très intéressant qui a été publié contient un certain nombre de revues de politiques du gouvernement, mais je crois que son auteur, Ed Stewart, n'affirme pas que j'ai indiqué que c'était la politique du gouvernement de couper dans les soins de santé. Ce n'était pas là son intention, ce n'est pas ce que j'ai dit. Mon honorable collègue peut être rassurée par le fait que je ne connais pas de plan qui coupe les soins de santé de 20 p. 100 au Canada.

Mme Pauline Picard (Drummond): Je désire poser une question supplémentaire, monsieur le Président. La ministre de la Santé peut-elle nous assurer qu'à la veille du premier budget, son gouvernement ne réduira pas les paiements de transfert en matière de santé?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, vous le savez, l'honorable députée le sait également, que notre système de santé ici au Canada, c'est ce que nous croyons être une des meilleures choses que le Canada ait pu faire pour ses citoyens et ses citoyennes.

C'est aussi certain que dans les discussions que nous avons eues avec le ministre des Finances, nous avons vu à nous assurer que le ministre des Finances est vraiment au courant de ce qu'est la valeur de notre système de santé.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Walt Lastewka (St. Catharines): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

L'importation et la vente de cartes de tueurs en série et de jeux du tueur en série font du tort au tissu social de notre pays. Ce matériel répugnant est particulièrement nocif pour les jeunes gens et les enfants.

Le ministre de la Justice a dit qu'il prendrait des mesures afin de moderniser les lois canadiennes. Or, ce matériel nuisible se trouve déjà au Canada, et il y en a davantage sur le point d'y entrer. Quand le ministre va-t-il présenter des mesures visant à mettre la société canadienne à l'abri de ce matériel nuisible?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je comprends et je partage le dégoût des Canadiens en général qui s'inquiètent de voir que des gens diffusent dans un but lucratif des cartes de tueurs en série et des jeux du tueur en série. Je puis assurer au député que le ministère de la Justice examine présentement un certain nombre de moyens qui nous permettraient d'apaiser les inquiétudes qu'on a exprimées.

Je ferai remarquer que la solution législative que nous pourrions trouver doit tenir compte de l'alinéa 2b) de la Charte des droits garantissant le droit à la liberté d'expression. Nous tâchons donc de concevoir des solutions qui respectent cette liberté.

Je puis assurer au député que nous soumettrons bientôt au Parlement une mesure qui nous permettra de lutter contre cette menace insidieuse.

* * *

(1435)

L'IMMIGRATION

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Selon le Sun de Toronto, un certain Henry James Halm, qui a été trouvé coupable de pédophilie à cinq occasions et qui est membre de la North American Man Boy Love Association, a quitté les États-Unis pour chercher refuge chez nous. Comme M. Halm a demandé le statut de réfugié au Canada, son cas doit maintenant être étudié dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié.


1308

Le ministre s'engagera-t-il aujourd'hui à exercer ses pouvoirs pour empêcher la tenue d'une audience relativement à cette demande frauduleuse de statut de réfugié. Va-t-il ordonner immédiatement l'expulsion du demandeur coupable de crimes sexuels?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, la députée sait que mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, le gouvernement et moi-même, en ma qualité de ministre, ne voyons pas d'un bon oeil ceux qui veulent abuser de nos lois concernant l'immigration et les réfugiés. Elle sait par contre que les lois sur la protection de la vie privée nous empêchent de parler des détails de cette affaire.

Je tiens à rassurer la Chambre en lui disant que j'ai demandé à mes fonctionnaires de tenir compte de ces considérations lorsqu'ils étudieront ce dossier et je puis donner à la députée l'assurance que nous respectons la lettre de la loi dans l'intérêt de ceux qui veulent légitimement se prévaloir de nos dispositions législatives concernant les réfugiés et l'immigration.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam): Monsieur le Président, notre système laisse à désirer non seulement dans le cas que je viens d'évoquer, mais à d'autres égards aussi. Le système en vertu duquel le Canada accorde à certains le statut de réfugié devrait permettre d'accueillir les véritables réfugiés, ceux qui ont vu leur vie bouleversée par la guerre, la famine et la persécution.

Le ministre s'engagera-t-il à réformer le processus de détermination du statut de réfugié et d'immigration qui semble protéger et accueillir les criminels au détriment des demandeurs légitimes?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, la députée exprime une exaspération que semblent partager les Canadiens.

Ceux-ci sont généralement en faveur d'un système qui est indulgent envers les personnes désirant légitimement soumettre une demande à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Par contre, ils refusent qu'il soit aussi tolérant envers les personnes reconnues coupables de crimes horribles ou celles qui veulent clairement déjouer le système.

À titre de ministre, je comprends parfaitement leur exaspération. Je m'efforcerai certainement de trouver un juste équilibre, de manière que le système écarte ceux qui n'ont visiblement aucune raison valable de s'en prévaloir, sans pour autant fermer la porte aux autres qui ont des motifs légitimes de le faire et que nous nous sommes engagés à aider en application de la convention internationale de Genève.

Je signale à la députée que les demandes présentées par des criminels sont très rares et qu'elles constituent une exception. Je reconnais qu'une demande de ce genre, c'est déjà trop, mais la députée ne devrait pas laisser l'impression que la CISR est, si je puis m'exprimer ainsi, prise d'assaut par toutes sortes de criminels. Il n'en est rien. Nous devons traiter avec compétence et célérité les rares demandes de cette nature qui nous sont soumises.

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales.

La Presse nous rapporte que le ministre de l'Emploi du Québec a déclaré hier soir, et je cite: «La compétence du Québec en matière de main-d'oeuvre est claire car il s'agit d'un prolongement de l'éducation.»

Le ministre des Affaires intergouvernementales peut-il nous dire s'il est d'accord avec l'affirmation du ministre de l'Emploi du Québec, à l'effet que la main-d'oeuvre est le prolongement de l'éducation, et qu'en conséquence la compétence du Québec y est claire?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que l'éducation est un domaine constitutionnel de juridiction provinciale.

Les questions de formation de la main-d'oeuvre sont constitutionnellement un terrain où les responsabilités sont partagées, parce que la responsabilité pour les travailleurs qui traversent les diverses frontières est une responsabilité fédérale, alors que la responsabilité des cours qui sont donnés à ceux qui sont en formation est une responsabilité provinciale. C'est la raison pour laquelle depuis des années, c'est un domaine où il y a eu une intervention et fédérale et provinciale.

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, je voudrais dire en introduction que cette réponse que je viens d'avoir n'a jamais été reçue jusqu'ici et qu'elle sera intéressante pour l'avenir. Mais pour moi et pour le Québec, cela fait partie du patinage de fantaisie qui a fait que dans les faits ce fut un refus systématique de la part du gouvernement fédéral de reconnaître au Québec les pleins pouvoirs en matière de main-d'oeuvre. Ma question est la suivante: Le ministre ne reconnaît-il pas que ce fait a nui et nuit encore gravement au Québec?

(1440)

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, ceux qui ont commencé à donner des cours de formation de la main-d'oeuvre avec les fonds de l'assurance-chômage, qui est une responsabilité exclusive du gouvernement fédéral, c'est le gouvernement fédéral. Ce dernier a des bureaux de placement au Québec qui sont plus d'une centaine, je pense autour de 120, alors que le gouvernement provincial n'en a qu'au plus une trentaine.

Il n'y a pas de doute que lorsqu'on doit développer les compétences des gens dans un pays moderne, il faut qu'un plombier, par exemple, ou un électricien puissent avoir des facilités, des connaissances qui soient utilisables dans toutes les provinces du pays, non pas seulement dans une. Par conséquent, les standards qui s'appliquent à ces compétences sont des standards nationaux. C'est la raison pour laquelle depuis des années cela a été des compétences partagées.


1309

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Comme j'y ai été invité après mon discours sur la justice, j'ai bien examiné l'intervention du ministre de la Justice du 27 janvier à la Chambre. On lit à la page 517 du compte rendu que le ministre a déclaré que le programme de la justice comprenait la modernisation de nos lois pour qu'elles soient plus conformes aux valeurs actuelles.

Selon tous les sondages, les valeurs actuelles comprennent l'arrêt des libérations conditionnelles automatiques, l'extradition d'étrangers coupables de crimes graves et le rétablissement de la peine de mort pour les meurtres au premier degré.

Le ministre peut-il nous dire s'il tiendra compte de ces valeurs dans l'établissement du programme de son gouvernement en matière de justice?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, on peut entendre ce qu'on veut par valeurs actuelles. Certains d'entre nous diraient que la position des Canadiens en général sur les sujets mentionnés par le député n'est pas tout à fait la même que celle du député de Wild Rose.

Je dirai au député qu'au ministère de la Justice, et je l'ai dit dans mon discours auquel le député a fait allusion, nous voulons certainement garantir que toutes lois, pénales ou autres, soient conformes aux valeurs actuelles. J'estime que c'est ce que vise le programme que nous avons présenté à la Chambre.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, j'ai parlé de plusieurs sondages. Je suis convaincu qu'il suffit d'aller parler aux gens partout au Canada pour savoir que c'est ça qu'ils veulent. Il n'est pas nécessaire d'être un professeur d'université pour comprendre ça.

La plus grande crainte que les Canadiens et moi ayons, c'est que, comme par le passé, on écoute la voix des intérêts spéciaux, qui ne représentent pas la majorité de la population, plutôt que celle de la majorité.

Le ministre peut-il dire à la Chambre si ce sera le cas, oui ou non?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, notre plate-forme électorale contient une foule de recommandations, de propositions et d'initiatives auxquelles nous avons l'intention de donner suite dans le domaine de la justice au Canada. Parmi elles, mentionnons une importante réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants ainsi que, comme le solliciteur général pourra le dire à la Chambre, des modifications du régime de libération conditionnelle visant à le rendre plus conforme aux besoins actuels.

J'assure au député que ce n'est pas une réaction à de quelconques intérêts spéciaux. C'est un élément du plan des libéraux pour améliorer la qualité de vie au Canada. C'est ça que nous voulons faire.

* * *

(1445)

LA FONCTION PUBLIQUE

Mme Beryl Gaffney (Nepean): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales.

Les Canadiens ont exprimé un intérêt marqué à l'égard du renouveau de la fonction publique, comme la plupart des députés d'ailleurs. Normalement, un rapport doit être présenté à la Chambre tous les ans. J'ai été choquée d'apprendre qu'il y a maintenant un an et demi qu'un rapport nous a été présenté.

Le ministre peut-il me dire quand il prévoit présenter un rapport à la Chambre des communes?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question.

Permettez-moi d'abord de souligner à quel point le Canada compte sur les services dévoués et compétents du personnel de la fonction publique. Il serait impossible de bien gouverner le pays sans une fonction publique de cette qualité. Le rapport annuel sur la fonction publique, qui doit être présenté au premier ministre, est toujours en cours de rédaction.

Les événements de cet été en ont quelque peu retardé la préparation. Nous avons l'intention de le faire parvenir au premier ministre après le dépôt du budget.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable du Bureau fédéral de développement régional. La ministre de l'Environnement a annoncé, il y a quelque temps, l'embauche d'une firme de consultants pour la conseiller sur le choix de la ville canadienne qui accueillera la Commission de coopération environnementale de l'ALENA. Or, l'actuel ministre des Finances s'est engagé, lors de la dernière campagne électorale, à tout faire pour attirer à Montréal des sièges sociaux d'organismes internationaux et pour faire de la métropole du Québec un centre mondial de l'environnement.

Le ministre des Finances va-t-il tenir sa promesse faite aux Montréalais lors de la campagne électorale?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il est évident que la promesse du gouvernement libéral est la même que nous avons faite dans le livre rouge. C'est un gouvernement transparent, un gouvernement ouvert et public. Je suis très contente d'informer


1310

tous les députés que les dépôts relatifs aux demandes des villes où siègera le Centre environnemental de l'ALENA ont été faits le 4 février. Il y a trois villes du Québec, sur 22 demandes, qui ont postulé. Le processus sera terminé de façon très ouverte à partir du 30 février. Nous allons justement sortir avec une solution de la ville canadienne qui est la plus ouverte en ce qui concerne l'environnement et toutes les autres infrastructures.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie): Monsieur le Président, je comprends qu'on peut avoir quelques problèmes avec ce rapport si on l'attend pour le 30 février!

Des voix: Oh, oh!

M. Duceppe: Ce que je comprends également, c'est que peut-être cette promesse ne fut pas faite seulement à Montréal au cours de la dernière campagne électorale, mais qu'elle fut faite peut-être aussi par hasard à Hamilton. Je demande donc au ministre responsable du Bureau fédéral du développement régional s'il ne craint pas que les manoeuvres de sa collègue de l'Environnement ne privent Montréal de l'implantation de ce centre environnemental?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, c'est évident que même le gouvernement libéral ne peut pas changer le calendrier. Donc, ce n'est pas le 30 février, mais à la fin de février qu'on connaîtra les résultats.

Ceci dit, je ne sais pas si le député est au courant du fait qu'il y a trois villes de la province de Québec qui ont postulé, y compris la ville de Montréal, celle de Kirkland, de même que la ville de Hull. Alors, je suis certaine que les députés du Bloc québécois ne veulent pas priver quiconque d'un processus ouvert pour toutes les villes du Canada qui veulent postuler, y compris les trois villes de la province de Québec qui veulent être considérées de façon ouverte et très transparente pour ce qui sera, en effet, un centre pour le Canada.

* * *

[Traduction]

LA RÉVOCATION DES DÉPUTÉS

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Récemment, des électeurs d'une circonscription de l'Ontario ont communiqué avec moi et d'autres députés du Parti réformiste et nous ont demandé de les aider à résoudre leur problème de représentation à la Chambre. Ils se sont adressés à nous parce qu'ils savent que le Parti réformiste a clairement pris position au sujet de la révocation des députés.

Considérant que les électeurs des associations libérale, réformiste, conservatrice et néo-démocrate de cette circonscription s'organisent en vue de forcer la tenue d'une élection partielle, quand le premier ministre va-t-il reconnaître le bien-fondé de la révocation et l'appuyer?

(1450)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, cette démarche n'a pas prouvé son efficacité au Canada dans le passé et elle ne pourra pas fonctionner. Les créditistes l'ont mise à l'essai en Alberta. Un des membres du Cabinet à l'époque était le père de l'actuel chef du Parti réformiste. Un an et demi plus tard, le chef du parti a fait l'objet d'une révocation, mais le parti a décidé de révoquer la révocation afin de ne pas perdre son chef.

Cette question ne constitue pas une priorité pour mon gouvernement.

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire. Comme le premier ministre le sait très bien, le député de Vancouver Quadra, un éminent spécialiste des questions parlementaires, déclarait au cours d'une récente entrevue diffusée à l'émission d'information Prime Time News sur le réseau anglais de Radio-Canada qu'il n'était pas contre la notion de révocation.

Le premier ministre est-il de l'avis de ce spécialiste?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons tous été élus au nom de divers partis par la population.

Le chef de l'opposition a été élu en tant que député du Parti conservateur. Par la suite, il a quitté ce parti avec neuf autres députés conservateurs. Il n'y avait pas de révocation. Si nous étions en faveur de la révocation, j'aurais été parmi les premiers, à l'époque, à la demander.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Il arrive que des députés passent d'un parti à l'autre à la Chambre des communes; certains seraient les bienvenus chez nous.

* * *

[Français]

LA SÉCURITÉ DU REVENU DES PÊCHEURS

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Le gouvernement procède présentement à la révision des programmes de soutien du revenu. Le 12 février dernier, le Globe and Mail nous informait que le gouvernement s'apprête à négocier une entente avec le premier ministre de Terre-Neuve pour tester le projet pilote de soutien des revenus des pêcheurs proposé par la province, bien que ce programme ne semble pas faire l'unanimité chez les pêcheurs.

Le gouvernement a-t-il déjà pris la décision de donner suite à la demande de projet pilote du premier ministre de Terre-Neuve qui prévoit une réforme complète des programmes de sécurité de revenu des pêcheurs?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Non, monsieur le Président.

Le Président: Avez-vous entendu la réponse?

M. Bernier (Gaspé): Non, elle va trop vite, des fois!

Le Président: Quand on parle vite comme ça, il faut écouter vite!


1311

Une voix: Elle a dit non.

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, il y a différents jeux de chaise musicale que je dois aussi apprendre en Chambre.

Le premier ministre est-il conscient, étant donné la réponse que je viens d'avoir, que son ministre des Pêches et des Océans a promis un nouveau programme pour remplacer celui qui va prendre fin le 15 mai prochain? S'il en est conscient, est-ce que les pêcheurs seront consultés pour la mise en place du nouveau système et comment le seront-ils, compte tenu des délais très courts qu'il nous reste?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, il est évident que le programme va se terminer au mois de mai, et on travaille déjà sur certaines possibilités. Aujourd'hui, le ministre des Ressources humaines rencontre ses homologues provinciaux pour décider dans quelle direction on va aller dans le changement des programmes sociaux. Il est aussi évident qu'il travaille de concert avec son collègue, le ministre des Pêches et des Océans, pour consulter les pêcheurs aussi bien aux Îles-de-la-Madeleine qu'à Terre-Neuve, avant que le processus soit terminé, le 15 mai.

Le député devrait savoir que le programme de mise en place, ce n'est pas uniquement un programme pour Terre-Neuve. C'est un programme qui touche aux pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine, ceux de Terre-Neuve, et aussi ceux d'autres parties des Maritimes, et on travaille actuellement à avoir une bonne consultation avant qu'une décision ne soit prise.

* * *

(1455)

[Traduction]

LE DÉCÈS DE Mme SUE RODRIGUEZ

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

La mort de Sue Rodriguez soulève une fois de plus la question éthique de l'euthanasie. Je crois que le moment est venu de tenir un débat public complet sur cette question. En tant que députés, nous devrions faciliter ce type de discussion. Une fois qu'on aura entendu tous les points de vue, ce sont les Canadiens qui devraient avoir le dernier mot sur cette question extrêmement personnelle.

Le ministre de la Justice est-il d'accord pour tenir dans le cadre des prochaines élections fédérales un référendum national exécutoire sur l'euthanasie?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, Sue Rodriguez était une personne courageuse dont nous déplorons la mort et dont la vie, à ses derniers stades, a permis de bien mettre en lumière au Canada les questions délicates et controversées entourant l'euthanasie.

Je continue de croire, comme je l'ai dit dans le passé, que le Parlement devrait se pencher sur cette question et trancher. Les juges dans l'affaire Rodriguez ont signalé qu'il incombait au Parlement et non aux tribunaux de s'occuper de questions sociétales comme celle-là. En Angleterre, la Chambre des lords a décidé de procéder à un examen des principes en cause afin qu'on puisse légiférer à ce sujet.

Je le répète, nous devrions d'une part permettre, par l'entremise du Parlement, la tenue d'un débat informé sur la question, afin de bien faire les distinctions qui existent entre les diverses notions en jeu, qui vont de l'arrêt des traitements au suicide assisté, et d'autre part, laisser les parlementaires décider.

Le gouvernement n'a pas encore décidé où va avoir lieu ce débat. Cependant, je peux assurer à ma collègue que je ne cesse de réclamer sa tenue. Je ne pense pas qu'un référendum soit la réponse voulue; je crois plutôt qu'on devrait discuter de cette question au Parlement. Je vais tenir la députée informée des progrès que nous réalisons pour ce qui est de soumettre ces questions à la Chambre.

* * *

LE LAIT

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Le lait en tant qu'aliment propre et pur jouit d'une excellente réputation auprès des consommateurs canadiens. Or, le fait que le gouvernement américain ait récemment approuvé l'injection de BST (somatotrophine bovine) pour stimuler la production des vaches laitières inquiète grandement les consommateurs au Canada.

Les consommateurs craignent de ne plus avoir droit à du lait propre et pur. Ils craignent en outre de ne plus être en mesure de déterminer si le BST entre dans la fabrication de produits laitiers, notamment le fromage, le beurre, le yogourt et la crème glacée.

La ministre peut-elle garantir à tous les Canadiens que le gouvernement fédéral n'approuvera pas l'utilisation de BST au Canada, tant que l'innocuité du lait et des produits laitiers n'aura pas été prouvée de façon concluante aux États-Unis?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé): Monsieur le Président, le BST est une substance produite artificiellement qui équivaut à une hormone naturelle des vaches. Les fonctionnaires de mon ministère n'ont pas encore terminé leur étude de la substance BST. Je sais que les Américains ont approuvé le BST après l'avoir soumis à une étude exhaustive.

Mon ministère émettra un avis de conformité pour cette drogue vétérinaire uniquement si elle s'avère sans danger pour la consommation humaine, c'est-à-dire pour les êtres humains qui consomment du lait ou des produits laitiers venant d'animaux traités au moyen de cette drogue, et seulement après s'être assuré de posséder les données nécessaires prouvant son efficacité et son innocuité chez les vaches laitières mêmes.

* * *

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement. Selon les plus récentes informations d'Environnement Canada, il n'y a plus que 500 bélugas vivant dans le fleuve Saint-Laurent. Le World Wildlife Fund nous signalait qu'à partir des Grands Lacs et tout au long du fleuve Saint-Laurent, plus de 250 000 tonnes de déchets chimiques sont déversées annuellement dans les eaux.

1312

Afin d'éviter la disparition du béluga, la ministre est-elle prête à mettre sur pied un comité pour le rétablissement des bélugas dans le fleuve Saint-Laurent, comité qui pourrait être composé de fonctionnaires du gouvernement fédéral, du gouvernement québécois et de spécialistes canadiens et américains?

(1500)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, j'aimerais remercier mon honorable collègue pour sa question.

Je pense que ce qu'il relève, ce sont les liens entre l'Ontario et le Québec et entre plusieurs provinces de ce pays qui justement devront se refléter dans nos normes environnementales. C'est très important. C'est pourquoi nous sommes sur le point, je l'espère, de signer avec la province de Québec une deuxième entente sur le fleuve Saint-Laurent. C'est pourquoi toute personne qui s'intéresse à l'environnement devra comprendre que ce qui est jeté dans le lac Ontario peut également toucher les pêcheurs qui vivent près du bassin du Saint-Laurent.

Cela dit, il est évident que le béluga est une espèce qui relève du ministre des Pêches et des Océans, avec lequel on travaille en collaboration étroite pour s'assurer que le sort des bélugas soit plus intéressant à l'avenir.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Le vendredi 4 février 1994, le quotidien Province de Vancouver posait la question suivante: «Le Canada accueille-t-il trop de réfugiés et d'immigrants?» En tout, 97 p. 100 de répondants ont répondu par l'affirmative, seulement 3 p. 100, par la négative. De toute évidence, la partie du livre rouge qui porte sur l'immigration n'est pas très populaire.

Le gouvernement a toujours déclaré qu'il voulait tenir des consultations. . .

Le Président: À l'ordre. Le député pourrait-il poser sa question?

M. Ted White (Vancouver-Nord): Oui, monsieur le Président.

Le ministre pourrait-il dire à la Chambre, en contenant son émotion et ses sentiments, pourquoi il refuse de réduire le niveau d'immigration et d'exaucer ainsi le souhait de la majorité des Canadiens, même s'il a l'impression que c'est une erreur?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Et moi qui pensais être un bon gars, monsieur le Président.

Je ne veux pas que nous nous laissions emporter par nos sentiments lorsque nous discutons de cette question. Au sujet des niveaux d'immigration, nous avons pris une décision conforme aux propositions contenues dans le livre rouge qui, de l'avis du député, n'étaient pas très populaires. Cependant, aux dernières nouvelles, ce livre rouge a valu une forte majorité aux libéraux et un mandat au premier ministre.

D'autre part, nous avons annoncé la tenue de consultations sans précédent, dans le but de discuter avec les Canadiens de la direction que prendra notre pays et de la façon dont l'immigration pourra nous aider à réaliser nos rêves et nos aspirations.

Je tiens également à signaler que, au cours des dernières années, Vancouver a affiché le plus fort rendement économique et a accueilli un plus grand nombre d'immigrants que n'importe quelle autre région du pays. On peut donc conclure que l'immigration et l'emploi ont fait bon ménage à Vancouver.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de la délégation du Parlement européen chargée des relations avec le Canada et de son président, M. Jean-Thomas Nordmann.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


1312

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES VOIES ET MOYENS

DÉPÔT D'UN AVIS DE MOTION

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, je voudrais déposer un avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi sur la taxe d'accise.

[Traduction]

Je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour.

* * *

(1505)

PÉTITIONS

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le Président, au nom des électeurs de la circonscription de Calgary-Nord, j'ai l'honneur de présenter une pétition portant plus de 1 000 signatures. Les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada d'interdire le jeu du tueur en série au Canada.

1313

Dans ce jeu, le joueur qui tue le plus de bébés gagne la partie. C'est un jeu que beaucoup de Canadiens trouvent répugnant. Les pétitionnaires prient le gouvernement d'interdire l'importation de ce jeu.

Nous félicitons aussi notre collègue de Glengarry-Prescott-Russell qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire visant à interdire l'importation de cet horrible jeu au Canada.

Je présente cette pétition au nom des électeurs de ma circonscription et j'appuie sincèrement leur demande.

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

M. Bob Mills (Red Deer): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter au Parlement une pétition signée par quelque 1 900 électeurs de ma circonscription.

Les pétitionnaires expriment leurs préoccupations devant le déménagement du centre de dressage de chiens de la GRC situé près de Bowden, en Alberta.

Ce centre de dressage se trouve au coeur de l'Alberta depuis 1965. Le centre, où on dresse des chiens pour des corps policiers de tout le Canada, est ouvert aux visiteurs. Il a une très grande importance pour l'économie locale et régionale. De plus, le rôle d'ambassadeurs que les chiens dressés dans ce centre ont pour notre collectivité est très apprécié et nous ne voulons pas perdre ce centre.

Les pétitionnaires prient humblement le Parlement d'exhorter le gouvernement à ne pas déménager le centre de dressage de chiens de la GRC. J'appuie ces pétitionnaires dans leur démarche.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


1313

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Le vice-président: Je crois que le député de Scarborough-Rouge River avait encore neuf minutes pour terminer son discours.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, je n'aurai certainement pas besoin de neuf minutes. Lorsque nous avons interrompu le débat pour passer à la période des questions, j'achevais mon intervention au sujet des modifications au Code criminel concernant la force que les policiers peuvent employer pour appréhender des suspects en fuite.

Les modifications au Code criminel portent également sur l'emploi de la force par les gardiens de prison. Les circonstances sont un peu différentes dans leur cas, et le Code criminel reconnaîtra dorénavant que les gardiens de prison et les agents de correction doivent pouvoir recourir à la force plus rapidement que les policiers et les agents de la paix.

Le projet de loi renferme également des modifications à la Loi sur la protection des pêches côtières. J'ai remarqué, entre autres, que le dernier paragraphe du nouvel article autorise le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet, à fixer, par règlement, les procédures et limites visées au paragraphe précédent, qui portent sur l'emploi de la force par un garde-pêche.

Je veux expliquer à la Chambre ce que nous faisons ici, sans dire si c'est bon ou non. C'est probablement la façon de procéder la plus pratique. Nous autorisons le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le Cabinet, à définir précisément quand on peut employer la force et quand on ne peut pas l'employer. En fait, nous l'autorisons essentiellement à définir ce qui constitue une infraction et ce qui n'en constitue pas une. Ce n'est pas quelque chose que le Parlement fait normalement. C'est à nous qu'il incombe de définir ce qui constitue une infraction et ce qui n'en constitue pas une, et de le faire clairement en respectant la Charte.

(1510)

Comme nous déléguons ce pouvoir de réglementation au gouverneur en conseil, je tiens à dire à la Chambre que le Comité mixte de l'examen de la réglementation examinera de plus près, j'en suis certain, tout règlement adopté en vertu de cette disposition, le cas échéant. Je veux que la Chambre sache bien que nous ne devrions pas prendre l'habitude de déléguer au Cabinet le pouvoir d'établir des règlements chaque fois que nous jugeons difficile de le faire nous-mêmes avec précision.

Je considère ce cas un peu comme une exception puisqu'il s'agit ici de l'emploi de la force en haute mer ou dans nos eaux territoriales afin de désemparer un bateau en fuite. Et c'est ainsi que se termine mon discours.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): Monsieur le Président, j'aimerais également remercier la Chambre de l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui de discuter de ce projet de loi. Étant avocat de formation et plaideur, c'est toute une expérience de voir la loi de l'autre côté de la médaille, comme on pourrait dire, et c'est fort enrichissant.

Donc, le projet de loi C-8 propose une modification dans deux législations, la première étant la Loi sur la protection des pêches côtières, et mon confrère du Bloc en a discuté. La deuxième est au niveau du Code criminel et mon intervention va se limiter au niveau de ce dernier. Compte tenu que je suis le porte-parole de


1314

l'opposition officielle auprès du solliciteur général du Canada, je vais discuter de l'article 1 seulement du projet de loi C-8.

À vol d'oiseau, le premier article semble répondre en grande partie aux attentes des intervenants relativement à la question de l'usage de la force des agents de la paix contre des suspects en fuite et contre des détenus qui tentent de s'évader.

Cependant, pour apprécier les changements proposés et évaluer les conséquences des pouvoirs qu'on donne de nouveau à ces agents, ces personnes en autorité, et faire également une critique constructive, il faut peut-être se rappeler où est situé l'article 25 dans le Code criminel pour examiner l'ensemble. L'article 25 est situé dans les dispositions générales du Code criminel, plus précisément au chapitre de la protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi.

Je pense que les dispositions générales du Code criminel, tous les juristes, tous les policiers, même si ces personnes ne sont pas à la cour tous les jours, les dispositions générales sont sans doute les dispositions du Code criminel qui sont les plus connues et peut-être même les plus utilisées par la force policière, même les policiers qui ne vont pas régulièrement à la cour.

Donc, il est extrêmement important que les dispositions qui s'y trouvent soient très claires et très compréhensibles et également très encadrées.

Si on regarde le passé, on va s'apercevoir que sans doute les forces policières vont se référer à cet article-là, en tout cas dans la grande majorité des cas, et heureusement, dans le but de se protéger. Cependant, l'histoire nous démontre qu'il faut être très suspicieux dans les pouvoirs accrus à être accordés aux personnes en autorité. Il faut leur donner un encadrement spécifique et des règles claires afin d'éviter des écarts entre le but recherché d'une loi et son application quotidienne par les personnes en autorité qui l'utiliseront.

Depuis des années, au moins dix ans, le législateur fédéral s'interroge sur la question, preuve de l'importance à donner aux changements que nous avons dans le projet de loi C-8.

Ces dernières années, l'étude s'intensifia et le fédéral amena en septembre 1991, lors d'une réunion des ministres de la Justice, la proposition d'amender l'article 25(4) du Code criminel afin de mieux circonscrire l'usage de la force par les agents de la paix et les gardiens de prison.

(1515)

L'objectif était donc de mieux circonscrire l'usage de la force policière, tout en protégeant et le public et la force policière.

Le ministre fédéral de la Justice de l'époque, la très éphémère Kim Campbell, a produit, en août 1992, un document de discussion sur le principe des suspects en fuite.

L'étude suivait son cours mais, en avril 1993, l'affaire Douglas Lines, dont on a discutée tantôt, précipita cette question de force nécessaire dans l'actualité. Je vous en fais un court résumé parce que je pense que c'est très intéressant pour comprendre la teneur de la modification à l'article 25.

Dans l'affaire Douglas Lines, il s'agit d'un policier blanc de Toronto qui a pris en chasse un jeune homme de 19 ans de race noire, un suspect dans une affaire de tentative de vol du sac d'une femme quelque temps auparavant.

Le policier lui a ordonné de s'arrêter, ce que le suspect n'a pas fait, naturellement, et le policier a ensuite tiré environ six balles en direction du suspect, dont deux l'ont blessé. Le policier a dit qu'il croyait que le suspect avait une arme.

En fait, après avoir fouillé le prévenu, on a trouvé sur lui un couteau, sans doute l'arme avec laquelle il avait fait une tentative de vol cette même journée.

À la suite de son geste, le policier fut accusé d'avoir utilisé son arme à feu de façon dangereuse.

Cependant, un juge de Toronto, comme on l'a dit tantôt, a acquitté cet agent de la paix, et la ratio decidendi du jugement est à l'effet que l'article 25(4) du Code criminel est inconstitutionnel.

Comme je l'ai dit tantôt également, ça fait environ dix ans qu'on s'interroge sur la question d'amender l'article 25(4).

Par la même occasion, le juge a déclaré-et c'était peut-être pour forcer le gouvernement a réagir-qu'il suspendait pour six mois l'application du jugement afin de donner le temps au gouvernement fédéral de réviser l'article en question. En bon québécois, la balle était dans le camp du gouvernement, et il fallait qu'il fasse quelque chose.

Prenons donc l'article 1 du projet de loi C-8, plus précisément à l'article 25, paragraphe par paragraphe, et examinons le tout.

Le projet de loi C-8 nous propose des modifications qui méritent une analyse en profondeur, à cause des changements qu'ils peuvent susciter pour la force policière et pour tout le domaine policier.

Si on examine l'article qui est à l'étude présentement, on se rend compte qu'au paragraphe 25(3), on maintient la possiblité pour une personne d'employer la force avec l'intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, si elle estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

L'application de la force par ce paragraphe n'est donc pas gratuite, mais clairement justifiable et très bien encadrée, légalement parlant.

Par contre-et c'est là que j'ai des remarques à faire-le paragraphe 25(4) proposé par le projet de loi C-8 me laisse perplexe, non pas dans le besoin d'un tel article-d'ailleurs, je pense que la magistrature de Toronto n'a pas donné tellement le choix au législateur-mais par sa rédaction. En effet, on accorde à l'agent de la paix la possibilité d'utiliser une force qui est soit susceptible de causer le mort ou des lésions corporelles graves pour arrêter une personne en fuite à certaines conditions.

Cependant, les conditions-et il faut donner le crédit de la rédaction de cette loi-là-sont très bien détaillées, c'est-à-dire qu'on voit les alinéas de l'article, a), b), c), d), e), de façon très claire, et je pense que c'est au mérite du législateur qui les a rédigés.


1315

Au paragraphe a), on dit: «il procède légalement à l'arrestation avec ou sans mandat», aucun problème; b): «il s'agit d'une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat», aucun problème; c): «cette personne s'enfuit afin d'éviter l'arrestation», l'objet même de la loi; et d), et c'est là que j'ai une remarque: «lui-même ou la personne qui emploie la force estiment, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves-imminentes ou futures», et je reviendrai sur cette expresion-là un petit peu plus tard; et au paragraphe e): «la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente», et je pense que ça va de soi.

(1520)

On voit donc à l'alinéa d) de cet article que le législateur a ajouté, contrairement à ce qui existe comme encadrement temporel de l'ancien article, les mots «imminentes ou futures». Dans l'ancien article, on ne parlait pas d'élément temporel, on disait que cela s'appliquait dans telle ou telle circonstance, mais le législateur n'avait pas mis les mots «imminentes ou futures», contrairement à ce que nous voyons aujourd'hui dans cet article.

Avec cet ajout, le législateur fait même une distinction du facteur temps entre les paragraphes (3) et (4) du même article. Sur la base de deux principes d'interprétation connus de tous les juristes, à savoir premièrement, qu'un texte de loi s'interprète dans son ensemble, et deuxièmement, que le législateur ne parle pas pour rien dire, les mots «imminentes ou futures» pourraient amener une interprétation très large par la force de l'ordre. Il ne faut pas régler un problème pour en créer un autre.

Si l'objectif noble était de circonscrire l'usage de la force par les agents de la paix et les gardiens de prison, on ne doit pas ouvrir l'application de cette force de façon continuelle, sans limite dans le temps.

Je crois humblement que l'expression «imminentes ou futures» peut mener à des abus, tel que rédigé présentement. Quelquefois, un terme, un mot, une expression dans un texte de loi a toute son importance pour atteindre le but visé, mais cette fois-ci, l'expression «imminentes ou futures» alourdit un texte déjà complet en soi.

Le législateur n'a pas cru utile d'ajouter au paragraphe 25(3) les mots «imminentes ou futures» alors qu'il désire le faire à l'alinéa d) du paragraphe 25(4) pour des circonstances semblables. Pourquoi? Est-ce que le législateur désire protéger davantage l'agent de la paix que le citoyen? Le législateur pense-t-il que l'un pourrait abuser davantage que l'autre de l'ouverture dans l'application de la force nécessaire? Bien malin celui qui pourrait y répondre.

Malheureusement, dans un cas comme dans l'autre, il existe et existera toujours des personnes excessives, c'est-à-dire qui n'appliqueront pas, à sa juste valeur, un article de loi.

Alors pourquoi ouvrir une interprétation aussi large de l'application de la force nécessaire dans le temps? Le bon sens et l'appréciation momentanée par l'agent de la paix, son aide ou celle du citoyen doivent primer, comme en fait foi, dans les faits, l'article 25(3).

Je proposerai donc au Comité permanent de la justice et des questions juridiques duquel je suis membre, que l'on élimine l'expression «imminentes ou futures» à l'alinéa d) in fine de l'article 25(4) pour empêcher toute ambiguïté possible.

J'en viens maintenant à l'article 25(5) du Code criminel. En ce qui concerne cet article, je pense que c'est à bon escient que le législateur a pris connaissance de la situation bien particulière d'un agent de la paix dans un pénitencier. Je pense que cet élément de circonstance justifie la rédaction d'un tel article, et je l'approuve.

En effet, dans les pénitenciers, il est pratiquement impossible pour le personnel correctionnel réagissant à une tentative d'évasion, de juger si le détenu qui tente de s'évader constituait une menace pour la société s'il réussit effectivement à s'évader. Non seulement il est improbable dans cette situation que l'agent de la paix connaisse l'identité du détenu qui tente de s'évader, mais aussi improbable pour lui de connaître les facteurs permettant au détenu de s'évader ce jour-là, à ce moment bien précis. Il était donc important-et le législateur l'a bien compris-de donner ce pouvoir au gardien en cas d'évasion, et l'article 25(5) le lui rend bien.

Cependant, on devra s'assurer que l'emploi de la force avec l'intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, ne serait permis qu'en dernier recours, c'est-à-dire après qu'on aura utilisé d'autres moyens, si les circonstances le permettent, comme un coup de feu ou un coup de semonce, par exemple, pour avertir la personne d'arrêter la tentative d'évasion.

Naturellement, ces articles-là dans le Code criminel seront chapeautés, c'est-à-dire que les juges de Cour supérieure au Canada auront un droit de regard pour juger si oui ou non la personne, le policier ou le citoyen, a utilisé une force excessive, comparativement à l'article 25(4) ou 25(5) dans le cas des agents de la paix, et c'est sous l'oeil du juge qu'on pourra juger éventuellement avec la jurisprudence si ces articles vont trop loin ou pas assez, ou quoi que ce soit.

(1525)

Je pense, à prime abord, qu'on peut dire ici, dans cette Chambre, relativement au projet de loi C-8, particulièrement à l'article 1, que le gouvernement va dans le bon sens. Après dix ans et plusieurs consultations, comme le ministre l'a dit ce matin, je pense que les articles 25(4) et 25(5) correspondent aux attentes des gens et à celles des agents de la paix.

Dans tout cela, deux mots ont une signification dans l'ensemble de la loi, c'est-à-dire «éminentes ou futures.» Pourquoi


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ajouter ces termes-là s'ils ne disent rien, s'ils n'accordent pas de temps, s'ils ne permettent pas aux agents de la paix d'appliquer cette force-là beaucoup plus tard? Ce sont des choses qu'on pourrait corriger éventuellement en comité. On fera alors part de ces observations-là.

Je crois que vous avez compris, monsieur le Président, comme l'a dit mon confrère tantôt, que nous sommes d'accord avec ce projet de loi, mais qu'on proposera toutefois des amendements devant le comité pertinent.

[Traduction]

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, le ministre de la Justice a décrit à la Chambre en quoi consiste le projet de loi. Il l'a fait avec la clarté, la franchise et l'énergie dont le ministre est naturellement doué. Avant d'être appelé au Cabinet, il était en effet l'un des avocats plaidants les plus réputés au Canada. Dans son intervention, le ministre a surtout parlé des modifications au Code criminel. Il n'a abordé que brièvement les modifications à la Loi sur la protection des pêches côtières.

Je vais donc tâcher de donner à la Chambre plus de précisions sur ce dernier sujet.

Les modifications à la Loi sur la protection des pêches côtières donnent le pouvoir d'employer contre un bateau de pêche étranger qui tente de fuir une force susceptible de le désemparer afin d'en arrêter le capitaine. La mesure à l'étude concerne les bateaux de pêche étrangers, non les bateaux canadiens.

La raison en est simple: comme les bateaux de pêche canadiens exercent leurs activités à partir de ports canadiens, on peut en arrêter le capitaine quand il rentre au port. On ne peut évidemment pas en dire autant pour les bateaux étrangers.

La mesure à l'étude n'accorde aucun pouvoir nouveau. La modification proposée à la Loi sur la protection des pêches côtières est nécessaire pour éviter toute ambiguïté que pourrait créer la modification proposée au paragraphe 25(4) du Code criminel.

Je vais décrire les circonstances dans lesquelles on peut employer la force en question. La mesure à l'étude en énumère trois: lorsqu'un fonctionnaire canadien dûment autorisé, appelé garde-pêche, procède légalement à l'arrestation du responsable d'un bateau de pêche étranger; lorsque le capitaine du bateau s'enfuit pour éviter son arrestation; et lorsque le garde-pêche estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire pour procéder à l'arrestation. Le Parlement définirait donc dans la mesure législative les circonstances dans lesquelles on peut recourir à la force.

C'est au gouvernement qu'il incombe de déterminer de quelle façon serait employée la force susceptible de désemparer un bateau. Il le fera par règlement, comme la mesure à l'étude lui en donnera le pouvoir. Comme l'a dit le ministre de la Justice, ce règlement sera compatible avec la Charte des droits et libertés.

On ne recourra à cette force qu'après un avertissement suffisant. Cela donnera au bateau tentant de fuir la possibilité de s'arrêter. Cela donnera également à l'équipage du bateau en fuite le temps de quitter la section du bateau qui serait la cible du tir. L'emploi de la force serait une solution de dernier recours. Il faudrait laisser toute latitude pour éviter d'y avoir recours.

Quand on doit y recourir, il faudrait faire tous les efforts possibles pour éviter de faire des victimes. Cependant, une véritable menace de recours à la force est nécessaire pour exercer un effet de dissuasion.

(1530)

D'une manière générale, le règlement autorisera le recours à la force en mer pour désemparer un bateau, conformément aux usages internationaux. Supposons qu'un bateau de pêche étranger ait enfreint les lois canadiennes. Diverses méthodes seront utilisées pour le prévenir. On peut hisser des fanions reconnus à l'échelle internationale pour demander d'entrer en communication avec le bateau ou pour lui ordonner de se mettre en panne. On utilise aussi des feux clignotants et des sifflets pour ordonner au capitaine de stopper son bateau. On emploie des codes reconnus dans le monde entier pour ordonner au bateau de se mettre en panne. De plus, par le biais de communications radio, on ordonne à maintes reprises au bateau de s'arrêter. Si cela reste sans effet, et j'insiste là-dessus, des coups de feu sont tirés en guise d'avertissement.

Après avoir pris toutes ces mesures pour amener le bateau à s'arrêter, on prévient les membres de l'équipage que l'on recourra à la force afin de désemparer le bateau. On leur annonce quelle partie du bateau sera la cible des coups de feu et on les prie de quitter cette partie du bateau. On donne une autre occasion au bateau de s'arrêter ou à l'équipage de quitter la partie du bateau qui sera visée. C'est seulement après cela que l'on utilise la force et uniquement celle qui est nécessaire pour stopper le bateau et procéder aux arrestations. Cela est conforme aux usages internationaux concernant le recours à la force en vue de désemparer un bateau en mer.

Le Canada a toujours eu à coeur de protéger ses ressources halieutiques. C'est particulièrement important en ce moment, étant donné que la pêche commerciale de nos stocks de morue et de flet au large de la côte atlantique risque d'être à tout jamais révolue. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires, au Canada et à l'échelle internationale, pour protéger ces ressources.

Les stocks de morue et de flet qui chevauchent la limite de 200 milles sont principalement menacés par des bateaux qui pêchent dans les eaux internationales et qui battent pavillon de complaisance de pays comme Panama, le Honduras, Bélize et la Sierra Leone. Ces bateaux continuent d'exploiter des stocks dont les niveaux sont dangereusement bas. Ils pêchent sans se soucier des quotas. Ils capturent tout ce qu'ils peuvent. Ils utilisent des engins dont le maillage est petit. Ils prennent du poisson trop petit. Bref, ils enfreignent toutes les règles de conservation qui existent. Pour les propriétaires de ces bateaux, ce sont les bénéfices qui ont préséance. Les mesures de conservation, ils n'en


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tiennent pas compte. Ils ne s'en préoccupent tout simplement pas.

Le gouvernement du Canada n'acceptera plus sans rien faire ce genre de situation. Il ne laissera pas ces bateaux prendre les derniers géniteurs du stock de morue ou de flet avant d'aller surexploiter d'autres ressources ailleurs dans le monde. Pendant trop longtemps ces bateaux se sont cachés derrière d'obscures subtilités du droit international. Pendant trop longtemps ils ont invoqué la protection de pays où ils ne sont jamais allés pas plus que leur équipage. Nous ne les laisserons plus se dissimuler derrière ces subtilités. Bientôt, ils ne pourront plus agir de la sorte. Le Canada les empêchera de faire de la surpêche.

Notre pays n'a jamais utilisé la force pour désemparer un bateau de pêche étranger. Nous espérons n'avoir jamais à y recourir, mais nous devons être prêts à le faire si les circonstances le justifient.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le discours de mon confrère d'en face et je ne suis pas certain d'avoir bien compris. J'aimerais lui offrir l'opportunité de me le répéter pour être sûr que j'ai bien compris son message. J'ai cru comprendre que le renforcement proposé dans la loi serait pour lui une façon d'arrêter ce qu'il appelle la surpêche à l'extérieur de la zone des 200 milles, sur le nez et la queue du Grand Banc à l'est de Terre-Neuve. Je dois lui rappeler cependant, que le nez et la queue du Grand Banc de Terre-Neuve est à l'extérieur de la zone des 200 milles. Donc, ce n'est pas de juridiction canadienne. Ce n'est pas le renforcement ou l'encadrement de la loi proposée ici présentement qui va régler ce problème.

(1535)

Deuxièmement, j'aimerais parler d'un autre phénomène. Lorsqu'il dit que ces pêcheurs étrangers utilisent des filets de pêche avec des mailles plus petites que ce que nous avons dans l'industrie canadienne et qu'ils capturent des poissons de plus petite taille, j'aimerais attirer son attention sur le fait que l'industrie canadienne du poisson de fond, la morue, et l'industrie européenne sont très différentes. Elles sont très différentes, en ce sens que la consommation du poisson par ces 10 pays de la Communauté européenne se fait d'une autre façon. Par exemple, chez nous, nous consommons la morue, capturée avec un filet d'au moins huit onces, à titre de plat principal, alors que la petite morue capturée par ces pays étrangers, ou ce qu'ils appellent en France le cabillaud, étant de taille plus petite, sera consommée sous forme d'entrée.

Ce sur quoi je veux attirer l'attention, c'est qu'il y a différentes moeurs, différentes façons de consommer le poisson à travers le monde. Il ne faudrait pas que les croyances des uns fassent en sorte que l'on contribue à une escalade de violence parce qu'on pense, nous, détenir la vérité et qu'eux aussi pensent détenir la vérité. C'est pourquoi, ce matin, j'ai apporté un projet d'amendement à ce projet de loi, de façon à éviter qu'il n'y ait que notre vérité qui soit la bonne et que la leur ne le soit pas. Je demanderais au député de préciser sa pensée en ce sens et de réfléchir à tout ceci.

[Traduction]

M. Dhaliwal: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député d'avoir soulevé ces questions. Je l'informe que le ministre des Pêches sera à Bruxelles du 15 au 17 février pour discuter de la surpêche au-delà de la zone de 200 milles avec les autres membres de l'OPANO. Cette loi ne traite pas de la pêche au-delà de la zone de 200 milles.

Comme le ministre l'a dit à maintes reprises à la Chambre, nous sommes très préoccupés, mais nous tenons à nous conformer aux lois internationales, que ce soit par l'entremise des Nations Unies ou de l'OPANO, pour assurer la conservation du poisson dans la zone de 200 milles. En haute mer, nous devons respecter les lois internationales, mais nous travaillons très fort pour faire changer cela. Le ministre a dit à maintes reprises à la Chambre qu'il se préoccupe beaucoup de la surpêche dans la zone au-delà de la limite de 200 milles, mais qu'il faut respecter les lois internationales.

Nous sommes confiants de parvenir à une plus grande conservation par l'entremise des Nations Unies et de l'OPANO. En ce moment même, le ministre invite l'OPANO à prendre les mêmes mesures que le Canada. Nous avons imposé un moratoire sur la pêche à la morue dans la zone 3NO. Nous pouvons appliquer les mêmes mesures de conservation dans les pêches côtières et hauturières.

Quant aux filets aux mailles plus petites, ce n'est pas une question de valeur ou de vérité, mais une question de conservation. Nous voulons veiller à adopter de bonnes pratiques de conservation. C'est la raison pour laquelle cela a été mentionné.

Le député comprend la gravité du problème de la surpêche au-delà de la zone de 200 milles. Nous devons nous conformer au droit international. Si nous ne pouvons pas le faire, nous aurons des décisions difficiles à prendre. Notre gouvernement est d'ailleurs prêt à faire la même chose que dans le cas de la Pacific Treaty Commission sur la côte ouest, où nous avons dit aux Américains qu'il fallait discuter de l'équité. Nous leur avons dit que nous ne parlerions pas de la gestion du saumon tant que la question de l'équité n'aurait pas été soulevée.

Je remercie le député de sa question.

(1540)

M. John Cummins (Delta): Le recours à la force pour désemparer un navire ne me pose pas beaucoup de difficulté. Nous devons, c'est nécessaire, prendre des mesures vigoureuses pour protéger nos pêches. Par contre, les dispositions sur l'usage de la force pour empêcher la fuite de suspects me préoccupe.

Les gardes-pêche sont des agents de la paix, ils portent des armes et ont l'occasion de les utiliser. Sur la côte ouest, et certainement aussi sur la côte est, nous avons parfois du braconnage. Il se pratique la nuit, le plus souvent dans des endroits isolés et il peut arriver souvent aux gardes-pêche de se retrouver dans des situations où ils doivent sortir leurs armes.

Cette mesure législative me semble poser une difficulté. Dans des circonstances comme celles-là, lorsque des coups de feu sont tirés, si un braconnier est atteint par une balle, le garde-pêche aura non seulement à surmonter le traumatisme et l'horreur d'avoir tiré sur quelqu'un, mais aussi l'horreur d'être interrogé par les services qu'il représente.


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Je voudrais que le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans me dise ce qu'il en pense.

M. Dhaliwal: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question, mais je lui ferai remarquer que ces dispositions concernent les bateaux étrangers et le recours à la force contre ces bateaux. Il n'est question nulle part des bateaux canadiens. Dans le cas des bateaux canadiens, nous pouvons faire des arrestations lorsqu'ils arrivent au port. Pas besoin de recourir à la force. Il s'agit ici essentiellement des bateaux étrangers.

M. Cummins: Monsieur le Président, j'aurais dû présenter un préambule avant de faire mes remarques et prévenir le secrétaire parlementaire que ma question s'adresserait à lui, mais, comme je l'ai dit, je suis d'accord sur les dispositions qui permettent de désemparer un bateau. Il n'y a aucune difficulté là-dessus et je sais que ces dispositions ne serviront que pour les bateaux étrangers.

Ce qui me préoccupe, ce sont les dispositions sur l'usage des armes à feu contre des suspects qui tentent d'échapper à l'arrestation. Comme je l'ai dit, les gardes-pêche sont des policiers. Ils portent des armes. Dans le cas du braconnage qui, généralement, se fait la nuit dans des endroits isolés, il est arrivé que des armes soient utilisées et que des gens soient touchés. Selon la loi de la moyenne, quelqu'un se fera tuer tôt ou tard.

Le problème, à mon sens, c'est que, lorsque des incidents semblables se produisent, ce peut être une dure épreuve. Ces policiers ou ces gardes-pêche travaillent seuls ou avec un très petit groupe dans des coins très isolés et les événements peuvent se précipiter, au milieu de la nuit. Pourtant, si quelqu'un se fait tuer, ils vont non seulement devoir assumer la responsabilité de leurs propres actes, mais aussi faire face à des interrogatoires et peut-être aussi comparaître devant les tribunaux à cause de ces incidents, et, parce qu'ils ont fait respecter la loi, ils vont se faire réprimander par ceux qui sont censés être leurs patrons. Cela me paraît bien curieux.

Le secrétaire parlementaire aurait-il l'obligeance de commenter cet aspect du projet de loi?

M. Dhaliwal: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Ce projet prévoit toute une série de restrictions et, en fait, explique en détail quand on peut recourir à la force. Il aura pour effet de décourager l'usage des armes. Quant aux situations que le député décrit, où des gens peuvent être atteints, le projet fera diminuer les occasions où les forces de l'ordre pourront utiliser des armes à feu. J'estime donc que c'est une excellente mesure qui fera diminuer le nombre d'incidents comme ceux évoqués par le député.

(1545)

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, le gouvernement a introduit là une importante mesure législative qui, selon moi, pose quelques problèmes. Je suis heureux d'en parler du point de vue d'un policier avec vingt-deux ans d'expérience. J'ai été policier et je sais ce que veut dire exercer, pour décider de recourir ou non à une force susceptible de causer la mort, ce jugement que tout policier a peur d'exercer. Je crois aussi que nous devons tenir compte de l'opinion du public au sujet des questions de justice pénale.

Avant de parler de ce projet de loi, je voudrais dire quelques mots qui me semblent appropriés puisque que c'est mon premier discours à la Chambre. Je voudrais féliciter le vice-président de sa nomination et le Président de son élection. Je n'ai pas pris le temps d'adresser mes remerciements à tous ceux et celles qui ont rendu possible ma présence à la Chambre, ni de présenter la circonscription de Calgary-Nord-Est. J'espère que les députés m'accorderont un moment pour le faire.

Je suis redevable à tous ceux et celles qui ont joué un rôle capital dans mon élection. Je veux mentionner les bénévoles qui, pour m'aider dans ma campagne électorale, ont sacrifié beaucoup de leur temps, ont fait des efforts considérables et ont fait preuve d'un grand civisme. Ils ont droit à toute ma reconnaissance.

Je voudrais également remercier ma femme, Margaret, et mes trois enfants, Laura, Mitch et Jason. Leur amour et leur soutien m'ont inspiré une force inébranlable sur laquelle je puis compter jour après jour. Je voudrais enfin dire ma reconnaissance pour leur gentillesse à tous les habitants de ma circonscription, Calgary-Nord-Est.

Calgary-Nord-Est est tout aussi variée que n'importe quelle autre circonscription canadienne. On y trouve des gens aux antécédents ethniques, religieux, scolaires et professionnels très variés. Pendant la campagne électorale, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un grand nombre de mes électeurs qui m'ont fait part de leurs précieux conseils. Je suis fier d'avoir l'appui de nombreux néo-Canadiens, d'immigrants de la première et de la deuxième générations, qui ont tant fait pour ma circonscription.

Calgary-Nord-Est est tout aussi variée sur le plan économique. On y trouve des emplois dans les services, dans l'industrie ainsi que dans les secteurs pétrolier et gazier. Étant donné cette diversité sur les plans démographique et économique, les habitants de Calgary-Nord-Est partagent le même désir d'une réforme véritable, fondamentale et durable. Ils sont désenchantés de la politique, des politiciens et des manigances qui ont cours à Ottawa. Ils me prient donc de faire valoir à Ottawa la nécessité d'une réforme politique, économique et judiciaire.

La criminalité est un problème de plus en plus préoccupant dans ma circonscription, comme un peu partout ailleurs dans notre pays. Je me réjouis de voir le gouvernement actuel entreprendre une réforme judiciaire.

Toutefois, en ce qui concerne le projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel à propos de l'emploi de la force meurtrière, je crains que le gouvernement ait mal établi ses priorités en commençant par la fin. Ayant des doutes sérieux quant à ce projet de loi, je vais donc formuler ici mes réserves.

Comme j'y ai fait allusion plus tôt, les habitants de ma circonscription ont exprimé des opinions très tranchées à l'égard de notre système de justice pénale. Tout le pays est préoccupé par la montée de la criminalité et l'apparente inaptitude de notre système judiciaire face à ce fléau.


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Les Canadiens se font, à juste titre, du souci pour la sécurité même de leurs familles. Les taux de la criminalité augmentent d'une année à l'autre au Canada et les médias en font état tous les jours. Les heurts entre policiers et malfaiteurs munis d'armes de plus en plus redoutables sont maintenant monnaie courante.

La population canadienne a de tous temps été satisfaite du travail de ses policiers dans le domaine de la criminalité et à l'égard des criminels. Or, voilà qu'à la suite d'une affaire de nature plus politique que judiciaire qu'on a portée devant un tribunal ontarien en invoquant la Charte des droits et libertés, le gouvernement actuel dépose un projet de loi qui cherche non pas tant à faciliter la tâche de la police qu'à résoudre un problème artificiel créé par une interprétation de la Charte.

Un tribunal ontarien est en effet appelé à se prononcer sur le cas d'un suspect qui a été abattu par la police. Un argument fondé sur la Charte conteste la portée de la loi actuelle en ce qui concerne l'emploi de la force meurtrière. Le tribunal a jugé que la loi était trop générale, car en théorie-et cela fait partie de la décision rendue en Ontario-les voleurs de beignes pouvaient être tués par la police s'ils s'enfuyaient des lieux d'un crime. Dans un mémoire adressé à l'Association canadienne des chefs de police, il était écrit que la loi actuelle était périmée et que l'interprétation des règles au pied de la lettre pouvait justifier le recours, contre l'auteur d'un vol à l'étalage, à une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves.

(1550)

Dans un communiqué de presse publié ce mois-ci, le gouvernement annonçait qu'il avait l'intention de proposer d'autres mesures pour restreindre l'utilisation de la force susceptible de causer la mort par les policiers qui tentent d'attraper des suspects en fuite. Selon ce communiqué, ce n'est qu'en dernier recours qu'il faudrait utiliser une telle force.

Même si je suis d'accord avec tout le monde à la Chambre, je suis certain qu'il faut tenir les policiers responsables de leurs actes, surtout quand il est question d'utiliser une force susceptible de causer la mort. Il ne faut pas oublier qu'il existe nombre de décisions faisant jurisprudence en la matière. Le stare decisis a longtemps servi de mécanisme pour juger l'utilisation de la force pouvant causer la mort.

Sur ce point, selon la common law, un policier doit avoir des motifs raisonnables et probables pour utiliser une force susceptible de causer la mort. Bien entendu, il y a déjà eu des erreurs de jugement de la part de policiers, mais la loi a prévu une base pour voir si ces jugements étaient corrects ou non. À l'heure actuelle, la loi permet aux officiers qui doivent prendre des décisions desquelles dépendent la vie ou la mort de se fier à leur formation poussée, à leur connaissance de la situation et à leur évaluation du danger.

Alors que nous examinons les nouvelles dispositions du projet de loi C-8 qu'il est proposé d'inclure dans le Code criminel, je me pose certaines questions. Un policier qui a jugé nécessaire de recourir à une force susceptible de causer la mort jouira-t-il de la même considération? Le même précédent s'appliquera-t-il au cours de l'examen d'un incident? Cette loi révisée ouvrira-t-elle la porte à l'examen de facteurs extérieurs entourant chaque incident, des facteurs qui n'influent pas directement sur la décision d'utiliser une force susceptible de causer le mort?

C'est un cas semblable qui est à l'origine de la remise en question de la loi. En tant que policier, je redoute toute mesure législative qui pourrait avoir pour effet d'obliger les policiers à considérer les implications politiques de l'utilisation de la force dans des situations où ils estiment que des innocents ou eux-mêmes courent un danger imminent. Cette nouvelle mesure législative obligera-t-elle les policiers à examiner leurs faits et gestes à la loupe? Forcera-t-elle les policiers à se défendre, un peu comme des criminels?

Pour ma part, j'estime que les Canadiens veulent que la police ait plus de pouvoir pour lutter contre le crime et les criminels et qu'elle soit moins soumise à des restrictions juridiques fondées sur la Charte pour pouvoir défendre la population. Cette loi obligera-t-elle un agent de la paix qui aurait déjà subi un énorme traumatisme, après avoir eu recours à une force meurtrière, à connaître l'expérience tout aussi traumatisante de se défendre sur la place publique?

Au lieu de conférer à la police le pouvoir et la liberté dont elle a besoin pour bien défendre nos collectivités, n'est-il pas paradoxal que nous lui imposions des contraintes en invoquant la Charte même qui est censée protéger les Canadiens respectueux de la loi et leurs familles?

Si la loi accorde une certaine latitude aux policiers, mais limite leur liberté de prendre des décisions sur-le-champ en s'appuyant sur leur formation, leur dévouement et leur bon sens, alors, en réalité, la loi met en danger la vie des policiers et des passants innocents simplement pour protéger de dangereux criminels en fuite.

Les Canadiens veulent-ils que les policiers aient la liberté et le pouvoir d'exercer leurs fonctions, même si cela signifie qu'ils doivent, dans certaines situations tragiques, recourir à une force meurtrière?

Je crois que la réponse à cette question est un «oui» retentissant. La population croit-elle en la nécessité d'une loi qui restreindrait les policiers, qui imposerait une responsabilité plus grande aux policiers et moins grande aux criminels? La réponse est un «non» retentissant.

Je crois savoir qu'un tribunal a décidé de contester la loi actuelle. Je comprends que certaines lois méritent d'être contestées, mais je ne suis pas certain que ce soit le cas ici. Je pense que les Canadiens en ont assez des groupes d'intérêts spéciaux qui, à l'aide de fonds du gouvernement, contestent des lois efficaces et éprouvées simplement parce que la Charte leur offre l'occasion de devenir célèbres pendant 15 minutes. Les lois devraient venir de la population et non des tribunaux, qui devraient se borner à


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les interpréter. De plus en plus, nos policiers sont incapables de s'acquitter de leurs fonctions qui consistent à servir et à protéger la population. La Chambre sait-elle que dans certains endroits, on donne aux policiers des armes qu'ils doivent garder sous clé dans le coffre de leur voiture.

(1555)

De même, les agents fédéraux des pêches, même s'ils sont armés, ne peuvent procéder à des arrestations. Ils sont tenus d'observer, de consigner par écrit ce qu'ils voient et de faire rapport sur tout crime dont ils sont témoins, mais ils ne sont pas autorisés à prendre des mesures pour empêcher que ce crime ne soit commis.

La population est furieuse chaque fois qu'un policier est tué dans l'exercice de ses fonctions. Il en va de même chaque fois qu'un enfant innocent est assassiné ou victime d'un attentat à la pudeur. C'est aussi vrai lorsque les tribunaux accordent l'asile au Canada à des gens comme Charles Ng.

Ce sont là des messages très clairs dont le gouvernement ne tient pas compte. Il présente plutôt un projet de loi qui met en doute l'utilisation légitime de la force par la police. Manifestement, il est loin de mettre la priorité aux bons endroits.

En terminant, je voudrais préciser que ce projet de loi ne répond absolument pas aux souhaits de la population, il découle plutôt de la décision tout à fait insensée d'un tribunal. Cette décision était tout à fait insensée. En effet, a-t-on déjà entendu parler d'un voleur de beignes ou d'un voleur à l'étalage exécuté de cette façon par la police? C'est tout à fait stupide. Le lieu commun selon lequel les affaires difficiles entraînent l'adoption de mauvaises lois demeure vrai.

En outre, comme mes collègues vont le signaler, on n'a pas consulté suffisamment la base, ceux dont la vie sera directement touchée par ce projet de loi.

Enfin, pourquoi le gouvernement a-t-il choisi dans le cadre de sa réforme du droit criminel d'avoir pour priorité de restreindre les pouvoirs de la police et non de s'attaquer aux criminels?

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Monsieur le Président, je félicite le député de son discours, qui était clair et qui faisait bien valoir son point de vue.

Je veux revenir sur certains des éléments qu'il a soulevés. En particulier, le député est préoccupé par l'idée que la police pourrait ne pas être protégée suffisamment avec la mesure proposée. Il a aussi mentionné que la consultation pourrait ne pas avoir été suffisante, ou même qu'il n'y en aurait pas eu. J'ai deux questions à poser. D'abord, sait-il qu'on a mené de vastes consultations auprès des provinces et de différents groupes policiers, depuis un an, au sujet de cette mesure?

Par ailleurs, le député a passablement critiqué la mesure, en mentionnant par exemple que les policiers ont besoin de plus de latitude, mais n'a fait aucune suggestion concrète quant aux changements qu'il faudrait apporter au projet de loi. Le député peut-il nous dire quels sont les changements qu'il souhaiterait voir apporter à la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui?

M. Hanger: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.

Je crois qu'il importe de préciser qu'il y a eu des précédents, évidemment étayés par la common law, qui peuvent servir de base pour l'interprétation des situations que vivent les agents de police. Je crois qu'on dénombre plusieurs cas au Canada où des policiers ont tué des suspects et ont été dégagés de toute responsabilité par les tribunaux.

La préoccupation que j'ai exprimée a trait à un changement que je ne juge vraiment pas utile: dorénavant, chaque fois qu'un policier devra utiliser une force susceptible de causer la mort, sa conduite sera évaluée uniquement en fonction de la Charte des droits. Quels autres éléments seront alors pris en compte? Son procès aura-t-il des répercussions politiques, parce que les collectivités croiront que le policier en question a fait une faute de jugement ou que, dans l'ensemble, les policiers n'ont pas une attitude convenable et que certains individus ont l'impression qu'ils sont pris pour cible? Va-t-on faire valoir des arguments de ce genre lors des procès des agents de police, c'est ce que je me demande.

J'aimerais que le ministre réponde lui-même précisément à ces interrogations, mais il ne l'a pas encore fait.

(1600)

Je sais que l'Association canadienne des policiers a étudié cette question et qu'elle a présenté un mémoire à cet égard. En fait, elle en a même présenté deux depuis deux ans. Je sais que ce projet de loi a été conçu en bonne partie par les conservateurs. Encore une fois, soyons réalistes. L'Association canadienne des policiers et ses représentants sont eux-mêmes assez politisés. Bon nombre de leurs arguments le sont.

Selon moi, si l'on fait vraiment une évaluation concrète de cette mesure, on constatera qu'un grand nombre de forces policières n'en ont jamais discuté et n'en ont même pas entendu parler. Pour eux, c'est nouveau au point qu'ils apprendront l'existence de ce projet de loi en le lisant dans les journaux. À proprement parler, il n'y a pas eu d'évaluation honnête ni de franche discussion sur les conséquences de ce projet de loi pour le travail des policiers.

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est): Monsieur le Président, je crois savoir que les services de police en général, et certes celui de la ville d'Edmonton, sont en faveur de cet amendement parce qu'il clarifie les choses et, par conséquent, facilite la tâche des policiers.

Mon collègue a peut-être quelque chose à dire à ce sujet. J'aimerais savoir quel est le point de vue de la police de Calgary au sujet du projet de loi?

M. Hanger: Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question.

Les chefs de tous les services de police ont sans aucun doute été consultés et ils ont reçu au moins un mémoire. Je n'ai pas pris connaissance des réponses de tous les services de police ou chefs de police au Canada. Il arrive souvent que ces questions ne soient discutées qu'à l'échelon de l'association.

J'ai moi-même consulté quelques membres du service de la police de Calgary. Je précise que je ne suis pas policier mais je l'ai déjà été. Oui, la question a été discutée, mais seulement après que les médias en eurent fait état.


1321

L'utilisation de la force pouvant causer la mort devrait être discutée plus en profondeur non seulement par les associations de policiers, et je crois que nous devrions maintenant laisser cet aspect de côté, mais au sein de la population en général. La question devrait être soumise à la population afin qu'elle puisse l'analyser et dire au Parlement le genre de loi qu'elle souhaite voir adopter pour permettre aux agents de la paix de mieux défendre leurs droits dans la société.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire): Monsieur le Président, je félicite le député de Calgary-Nord-Est pour son premier discours.

Je tiens à lui faire remarquer que la police a été consultée avant l'introduction de cette mesure législative. Je dis cela simplement pour corriger ce qui, à mon avis, est tout simplement une erreur de sa part. Il a effectivement dit dans son intervention que les policiers de première ligne n'avaient pas été consultés. Le but de l'Association canadienne des policiers est justement de représenter les policiers de première ligne, et non les chefs de police. C'est par l'intermédiaire de cette association que les policiers ont été consultés. C'est par son intermédiaire que les policiers ont appuyé cette mesure législative.

Quant à la Charte des droits et libertés, elle est là dans l'intérêt de tous et vise à protéger tous les citoyens. Qu'elle ne donne pas toujours les résultats que veulent les députés d'en face, c'est une chose. Ce n'en est pas moins un instrument précieux.

M. Hanger: Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question et de ses félicitations.

Lorqu'il s'agit de la Charte et de ses effets sur le droit, il est intéressant de remarquer que nombreux sont ceux qui ont analysé la question. Une de ces analyses, réalisée par un agent de la GRC, un surintendant principal, est actuellement en circulation. Elle fait clairement ressortir les entraves qui, depuis dix ans, empêchent la police de faire correctement son travail.

(1605)

En fait, il est dit dans l'introduction que la Charte a littéralement négligé la vérité pour faire valoir la qualité des enquêtes menées par la police. C'est ainsi que les tribunaux ont analysé les choses. Ils s'intéressent plus à la façon dont une enquête a été menée et à la question de savoir si les droits de l'accusé ont ou non été violés qu'à la recherche de la vérité. C'est là, à mon avis, que les choses ne vont plus.

À mesure que nous allons approfondir cette mesure législative, nous allons voir exactement ce que la Charte a fait aux services de police dans le pays. C'est cela, le véritable enjeu! Comment la police se comporte-t-elle et comment applique-t-elle la loi pour protéger la population? À en juger par la réaction de la collectivité, les gens se rendent compte que les policiers ont les mains liées et qu'ils ne peuvent rien y faire. Ils demandent des changements.

Pour ce qui est du processus de consultation des policiers de première ligne par l'entremise de l'Association canadienne des policiers, je dis que nous devons parler aux policiers dans la rue. Si ça vient vraiment de l'association, nous avons affaire à une opinion politisée des associations de police et non pas des simples policiers dans ce pays. À mon avis, il faudrait consulter les policiers directement, et non par l'entremise d'une association.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Markham-Whitchurch-Stouffville a dit tout à l'heure qu'il voulait soulever la question de privilège. Est-ce exact?

M. Bhaduria: Monsieur le Président, je ferai ma déclaration demain matin.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Monsieur le Président, je suis sûr qu'on va maintenant me reposer dans l'ordre inverse les questions que je viens tout juste de poser.

Le projet de loi C-8 nous amène à nous poser une question fort intéressante. En général, lorsqu'on rédige une telle mesure législative et que l'on accorde des pouvoirs à un organisme donné, qu'il s'agisse de services de police ou autres, il faut faire très attention de ne pas aller trop loin, de ne pas perdre l'intention initiale de vue. À cet égard, il faut féliciter le ministre de la Justice d'avoir présenté une mesure législative qui comporte des restrictions et qui nous permet de nous assurer que nous n'allons pas trop loin tout en veillant à ce que l'intention de la loi soit respectée.

Comme vous le savez, cette mesure législative vise à protéger les policiers devant la loi. C'est là son seul but. Elle vise à protéger les policiers et les personnes qui les aident légalement et qui utilisent contre un suspect en fuite une force soit susceptible de causer la mort de celui-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l'intention de les causer. Tel est le but de cette mesure législative.

Dans la formulation de cette mesure législative, nous devons tenir compte des valeurs de notre société et de ce dont elle a besoin. Dans notre société, nous devons prévenir la criminalité et punir les criminels, mais cela, en respectant certaines règles établies. En l'absence de telles règles, nous finirons par nous retrouver dans une situation où les gens se sentent libres d'agir plus ou moins à leur guise. C'est pour cela que nous avons besoin de règles.

Quel devrait être le but de ces règles? Être justes. Par contre, le mot «juste» est un mot très vague. Nous devons donc parvenir à un équilibre. Mais qu'entend-on par équilibre? Ce doit être un équilibre entre les droits du suspect qui fuit et la capacité des policiers de se protéger eux-mêmes et de protéger le public.

(1610)

C'est ce dont on doit tenir compte dans le projet de loi proposé. Il est très important de le rédiger avec soin, car il ne s'agit pas d'une question mineure, d'une mesure législative sans importance. Il est question de donner le droit de tuer. C'est ce que nous faisons. On parle du recours au degré de force le plus important.


1322

Cette mesure vise à accorder dans certaines circonstances le droit de tuer une personne.

Il faut alors absolument établir certaines restrictions décrivant les conditions dans lesquelles on peut se servir de ce droit. Par la suite, dans le cadre de la rédaction des règles pertinentes, nous devons nous servir de notre bon sens, car cela s'impose; c'est essentiel.

Il est très important à ce moment-là de voir l'objectif que nous souhaitons réaliser. Bien entendu, nous ne voulons pas nuire aux policiers ni soulever chez eux des craintes indues. Nous ne souhaitons pas leur donner le sentiment de ne pas pouvoir appliquer la loi dans toute sa rigueur. Nous savons que les policiers doivent prendre des décisions en une fraction de seconde. Parfois ils n'ont même pas le temps de penser.

Cependant, il doit quand même y avoir des règles afin que les policiers puissent, après avoir réfléchi à ce projet de loi, être en mesure de prendre cette décision automatique dans de telles circonstances. Ils doivent savoir en ce très bref instant ce qu'ils font, car on leur enseigne les paramètres à respecter dans leur cours de formation.

C'est ce qui est si important dans ce projet de loi également. Il précise dans une large mesure ce que les policiers ou les agents de la paix peuvent faire. Ainsi, ils savent ce qui leur est permis.

Il est extrêmement important dans une mesure législative de ce genre de prévoir certaines restrictions afin qu'un policier puisse comprendre les limites de son pouvoir. Ce projet de loi n'est peut-être pas parfait, et il se peut que des modifications s'imposent et que nous puissions prévoir certains problèmes qu'il va soulever et que le comité pourra corriger en apportant quelques modifications.

Cependant, l'objectif général de ce projet de loi est bon. Il vise à protéger les agents chargés d'appliquer la loi. Nous devons l'examiner de près. Cela a déjà été fait par un certain nombre de députés dans cette enceinte. Cependant, il reste certains aspects à approfondir.

Bien entendu, il y a des restrictions, puisqu'on précise au paragraphe (4) que le policier ou l'agent de la paix peut employer une force qui est susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou qui est utilisée dans l'intention de les causer. Je le répète, cette décision de tuer quelqu'un ou de lui infliger des lésions corporelles graves constitue la question la plus sérieuse. Il ne s'agit pas uniquement de lésions corporelles mais de lésions corporelles graves qui, dans de nombreux cas, peuvent causer une invalidité permanente, etc.

Dans quelles circonstances un agent de la paix peut-il agir de la sorte? On sait que l'agent de la paix doit être en train de procéder légalement à une arrestation, ce qui ne constitue pas un obstacle indu à l'exercice de ses fonctions. En effet, les agents de la paix savent quand ils peuvent arrêter quelqu'un et pour quelles infractions ils peuvent ou ne peuvent pas le faire. Ils connaissent les infractions qui exigent un mandat d'arrestation, et ainsi de suite. Aussi, ces mesures ne devraient pas poser de problème aux agents de la paix.

Deuxièmement, il s'agit d'une infraction pour laquelle la personne peut être arrêtée sans mandat. Dans ce cas également, un agent de la paix formé ne devrait avoir aucun problème à prendre la bonne décision.

Troisièmement, la personne s'enfuit afin d'éviter son arrestation. Il s'agit évidemment du cas où un agent de la paix essaie d'arrêter une personne et cette dernière prend la fuite. L'agent de la paix informe la personne qu'elle est en état d'arrestation, mais cette dernière fait subitement volte-face et s'enfuit littéralement.

Il faut s'interroger sur ce genre de situation. Il se pourrait que la personne ignore que l'agent de la paix veut l'arrêter. Il faut tenir compte de ces exceptions dont chacune comporte des circonstances particulières. Encore une fois, cette question peut être traitée dans notre système judiciaire, où l'on établit généralement et très logiquement des règles additionnelles lorsqu'elles s'avèrent nécessaires et que les textes législatifs ne suffisent pas.

(1615)

Selon le quatrième point, l'agent de la paix ou la personne qui emploie la force estiment, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves imminentes ou futures.

J'avoue que je suis d'accord avec le député du Bloc qui est intervenu précédemment, car il y a vraiment lieu de s'inquiéter de la présence du terme «futures». Que veut dire «futures»? Que signifient les termes mort ou lésions corporelles graves futures? Est-ce qu'on veut dire demain? dans dix minutes? dans six mois? dans un an? Que signifie le terme «imminentes»? À quel point faut-il que ce soit imminent? Fait-on la distinction entre la mort imminente ou future?

Ces questions peuvent faire l'objet d'un examen en comité. Bien sûr, la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente.

Cette disposition est logique également parce que je suis certain que nous savons tous que les agents de police ne veulent pas causer la mort de quiconque. Ils prennent des précautions. Ils recourent à toutes les mesures qui s'imposent. Ils tirent en l'air. Ils crient. Ils communiquent à l'avance par radio pour que quelqu'un d'autre attrape la personne qui se dirige dans une direction donnée.

En général, la fuite ne peut être empêchée si une action aussi radicale est prise, mais une telle disposition est importante si jamais un agent de police décidait d'agir autrement.

Je crois qu'il y a aussi des difficultés à l'autre paragraphe suivant qui traite de l'agent de la paix à l'intérieur d'un pénitencier. Je vous en fais part uniquement pour donner matière à réflexion à certains d'entre vous.


1323

Selon ce paragraphe, un agent de la paix serait justifié d'employer une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves contre un détenu qui tente de s'évader d'un pénitencier. Le paragraphe précise ensuite que cela s'applique si l'agent de la paix croit, pour des motifs raisonnables, qu'un détenu pose une menace de mort ou de lésions corporelles graves pour lui ou pour toute autre personne.

Cette disposition est assez étrange. Tous les matins, le gardien de prison qui arrive au travail doit penser qui est en prison. Y a-t-il un de ces détenus qui est susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves à quiconque? Y a-t-il quelqu'un dans une unité spéciale de détention ou un détenu gardé en milieu fermé? La disposition du projet de loi permettrait à un gardien de prison de tuer un détenu qui s'évade même si celui-ci ne constitue pas une menace immédiate.

Il faudra examiner cette possibilité. L'article semble donner le droit de tuer un détenu qui s'évade tout simplement en raison de l'endroit où il était détenu, même s'il ne fait rien de menaçant.

Il faut réexaminer cette disposition. Il serait tout à fait injuste qu'un gardien qui décide qu'une personne pose un problème et puisse causer des lésions corporelles graves tue cette personne sous prétexte qu'elle s'est évadée, mais apprenne par la suite qu'elle a tout simplement été libérée pendant la journée. Tout à coup, cette disposition ne s'appliquerait plus à cette personne. L'inverse serait tout aussi injuste.

Si le paragraphe vise à permettre à un agent de la paix de tuer ou de causer des lésions corporelles graves à un détenu en train de s'évader lorsqu'il n'existe pas d'autres moyens raisonnables moins violents de l'arrêter, alors, c'est ce qu'il faudrait dire dans l'article plutôt que d'imposer une procédure lourde.

(1620)

J'appuie cette mesure législative parce qu'elle est tellement importante pour les agents de la paix. Plus la loi est claire, plus elle est efficace.

Les modifications à l'étude apportent des précisions que les agents de la paix souhaitaient avoir. Elles leur imposent des restrictions, mais au moins ils sauront à quoi s'en tenir. S'il y a encore des points qui ne sont pas clairs et qui pourraient être précisés davantage, cela pourra se faire en comité.

Pour une fois, nous avons une mesure législative que les policiers pourront examiner, qu'ils pourront lire pour savoir exactement dans quelles circonstances ils peuvent agir de telle ou telle façon et dans quelles circonstances ils ne peuvent pas le faire. Une fois que tout sera clair dans leur esprit, cela les aidera à réagir beaucoup mieux et beaucoup plus rapidement dans les situations d'urgence. Nous aurons alors de bien meilleurs policiers.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au député; je sais qu'il connaît très bien le droit et qu'il s'est sans doute occupé lui-même de nombreuses causes où il était question de la Charte.

À plusieurs reprises durant son exposé, il a dit «si par ce paragraphe on veut permettre». Voilà justement la réserve que j'ai au sujet de ce projet de loi: la Charte entrera en ligne de compte et la question de savoir ce qu'on voulait permettre donnera lieu à toutes sortes de litiges. Le policier ne pourra pas s'appuyer sur les principes de common law reconnus dans la jurisprudence, on présentera toutes sortes d'autres preuves discutables et l'affaire risque de prendre une autre tournure.

Le député peut-il nous dire ce à quoi il s'attend quand il dit à la Chambre que les policiers auront désormais des lignes directrices précises à suivre? Il n'en est rien quand on n'a aucune jurisprudence sur laquelle s'appuyer.

M. Bodnar: C'est exact. En attendant l'établissement d'une jurisprudence qui permettra de clarifier certaines questions, nous devrons parfois nous appuyer uniquement sur la loi pour l'interpréter.

Il convient toutefois de souligner que la Charte des droits et libertés n'a rien changé à la common law. Pour commettre une infraction, il faut encore faire quelque chose de précis et avoir une intention particulière en le faisant. La Charte des droits et libertés n'a jamais rien changé à cela. Qui plus est, si cette disposition cause des problèmes à un policier et que celui-ci est accusé d'une infraction criminelle, il bénéficie de la même protection que quiconque, aux termes de la Charte des droits et libertés.

Je puis donner au député l'assurance que les policiers tiennent autant que les autres citoyens à bénéficier de la protection que leur confère la Charte des droits et libertés.

M. Hanger: Encore dans la même veine, quand nous étudions une mesure législative de ce genre, nous devons nous demander si elle répond aux inquiétudes des Canadiens. Ces derniers sont-ils heureux de voir imposer davantage de restrictions aux agents de police?

Je ne le crois pas. Ils l'ont fait savoir clairement d'un bout à l'autre du pays. En tant que parlementaires, nous allons devoir répondre à de très nombreuses questions concernant la criminalité et l'évolution de la situation à cet égard dans notre pays. Je ne pense pas que la mesure à l'étude fasse l'affaire.

Comment le député va-t-il répondre à ces questions qui préoccupent les Canadiens, alors que le projet de loi ne permettra pas de les servir plus efficacement?

M. Bodnar: Il est très intéressant d'entendre le député dire que le projet de loi ne répond peut-être pas aux désirs des Canadiens. Il faut se demander ce qu'ils désirent.

Les Canadiens désirent que la police puisse réprimer efficacement la criminalité. Ils désirent que les contrevenants soient traduits devant les tribunaux quand ils doivent l'être et ils dé-sirent aussi qu'on protège les droits de la personne. Les Canadiens ne veulent pas que les agents de police brandissent leurs armes et tirent dans toutes les directions pour n'importe quelle raison sous prétexte de protection. Cela ne devrait pas se produire. Je ne dis pas que les agents de police le feraient, mais des individus pourraient le faire. Cela ne devrait pas se produire. Nous voulons un bon exercice des pouvoirs de police, et c'est pourquoi nous avons besoin d'établir un équilibre. Cet équilibre passe entre le devoir de protéger les individus et ceux de réprimer la criminalité et d'amener les contrevenants devant les tribunaux. Voilà ce que veulent les Canadiens. Et c'est ce qu'ils obtiendront avec la mesure à l'étude.


1324

(1625)

Ils l'obtiendront dans le cadre de cette mesure législative, que les agents de police eux-mêmes, je l'assure au député, appuieront une fois que la Chambre l'aura adoptée.

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, le député de Saskatoon-Dundurn a dit que la police avait la même protection que tout le monde aux termes de cette loi. Je suis d'avis que la police a certes la même protection, mais qu'elle a plus de responsabilités en ce qui touche l'application de la loi.

Quand j'étais petit, si un policier nous disait d'arrêter, nous arrêtions. C'était comme ça. De nos jours, il semble que lorsqu'un policier dit «Arrêtez!», les criminels répondent «Essaie donc de m'attraper!» et que la loi les défendra pour avoir dit cela.

Je dirai au député de Saskatoon-Dundurn que si le gouvernement tenait vraiment à la justice, il augmenterait la peine pour tentative de fuite. Autrement dit, il essaierait d'enlever toute envie de fuir aux criminels pris la main dans le sac plutôt que de pénaliser les agents de police et de les forcer à se défendre en justice pour avoir simplement essayé d'appliquer la loi.

M. Bodnar: Monsieur le Président, les lois traitent de l'évasion de quiconque est sous garde légitime. Les peines existent et ne sont certainement pas légères. C'est une question d'application des lois en ce sens qu'il faut imposer les peines qui conviennent. Si la peine ne convient pas, il faut alors renvoyer l'affaire à un tribunal supérieur qui en infligera une. Si cela ne convient pas, il faut alors faire appel au Parlement.

Les lois actuelles traitent de cette question d'une manière satisfaisante, à condition que les tribunaux prennent les décisions qui s'imposent.

Il ne faut pas oublier que chaque cas est différent. Les juges abordent les cas qui leur sont soumis d'une manière différente. Ils étudient la situation, tiennent compte des circonstances atténuantes, s'il en est, et imposent la peine qu'ils jugent appropriée. Ce peut être très différent dans une autre affaire où la peine presque maximale est celle qui s'impose. C'est là que les juges peuvent infliger des peines différentes et que les procureurs décident d'interjeter appel ou non.

M. Cummins: Je voudrais que le député de Saskatoon-Dundurn clarifie quelque chose. Le député dit qu'il y a des sanctions en cas d'évasion. J'ajouterais qu'il y a en également une lorsque des armes à feu sont utilisées pour commettre des crimes.

Je peux me tromper, et c'est pourquoi je demande des éclaircissements. Il me semble que ces lois ne sont pas appliquées rigoureusement ou de façon nette. La plupart du temps, on s'en remet au système judiciaire et il y a des tractations si bien que la loi reste sans effet.

Le député pourrait peut-être préciser.

M. Bodnar: Monsieur le Président, je ne connais pas ces questions à fond. Je peux dire que j'ai travaillé comme adjoint pendant 21 ans. Le plus souvent, il y a une peine d'emprisonnement consécutive. Reste à savoir de quelle durée.

(1630)

En ce qui concerne l'utilisation d'armes à feu pour commettre un crime, je puis dire au député que le Code criminel prévoit une peine d'emprisonnement. Sauf erreur, le minimum est de un an et elle doit être purgée consécutivement à toute autre peine. Elle est cumulative et non concomitante.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, j'aimerais moi aussi intervenir sur le projet de loi C-8, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières (force nécessaire), déposé en première lecture le 4 février 1994.

Dans un premier temps, je voudrais mettre l'emphase sur la nécessité d'encadrer le recours à la force, tel qu'indiqué dans le Code criminel. Deux thèmes nous semblent en effet ambigus dans l'article 1 de cette loi.

Le premier de ces deux thèmes qui nous pose problème est celui du motif raisonnable. En effet, qu'est-ce qu'un motif raisonnable? Serait-ce le seul jugement d'un individu dans son réel? Bonne question.

Deux exemples récents nous amènent à ce questionnement, qu'il s'agisse du cas Richard Barnabé, où les policiers ont peut-être agi dans une situation pouvant permettre l'interprétation du motif raisonnable mais, avouons-le, discutable, ou encore celui des trois habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon accusés de pêche illégale dans les eaux canadiennes qui, heureusement, s'est terminé sans conséquence grave. L'interprétation même du motif «raisonnable» nous laisse donc perplexe.

Le deuxième thème que l'on voudrait voir éclairé en ce qui a trait au contexte des pêches, bien entendu, est celui de l'interprétation de la force nécessaire. Encore une fois, le jugement d'un individu et de son jugement seul en rapport à son réel le guidera vers l'application d'une force qu'il juge lui-même nécessaire. Cependant, ce jugement peut être altéré dans bien des cas, lorsqu'il s'agit d'une situation de stress.

Comme l'écrivait Hegel à l'intérieur des fondements de la philosophie du droit, et je cite: «Ce qui est raisonnable est réel, et


1325

ce qui est réel est raisonnable.» D'où notre demande de clarification de ces deux thèmes qui sont, je le répète, «motif raisonnable» et «force nécessaire».

Également, nous, du Bloc québécois, aimerions obtenir des éclaircissements quand au terme «désemparé», tel qu'employé à l'intérieur du projet de loi, et dont la définition tirée du Petit Larousse illustré 1994, en ce qui a trait aux pêches, se lit comme suit, et je cite la définition du dictionnaire: «qui ne peut plus manoeuvrer, par suite d'avaries.» Cette définition, dans le corps du projet de loi C-8, nous semble incomplète quand il s'agit de vies humaines.

L'importance de la précision prend tout son sens quand, dans ce même article, on écrit: «Avec l'intention de causer ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves.» Mais nous, du Bloc québécois, croyons qu'à l'intérieur de la Loi sur la protection des pêches côtières, en aucun temps la vie des humains ne doit être mise en danger par le jugement d'un seul individu. Nous acceptons le principe du recours à la force mais, bien sûr, il faut l'adapter au contexte des pêches.

Nous voulons, par notre amendement, limiter l'utilisation de la force dans le but d'éviter des incidents fâcheux, afin de ne pas avoir à faire face à une escalade de violence.

Cet amendement amené par le Bloc rejoint par son libellé une recommandation du rapport du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants, présidé par l'honorable Arnold Malone, et déposé en novembre 1990.

La recommandation stipulait, et je cite, que «l'on effectue en priorité des recherches sur les moyens d'appréhender les navires qui refusent de coopérer en haute mer, sans mettre en danger les vies humaines.» Qu'en est-il de cette recommandation déjà vieille de quatre ans?

Dans un deuxième temps, je voudrais souligner l'importance de régler à la source le problème de braconnage. On ne pourra stopper les pratiques de pêche illégale sans le concours des autres pays, il faut bien se l'avouer. Il faudrait poursuivre les efforts de négociations, et ce, avec la communauté internationale.

(1635)

Si la pêche qui se pratique à l'extérieur de la zone des 200 milles nuit à la reproduction des stocks de poisson, la modification apportée à la Loi sur la protection des pêches n'amène aucune solution au problème. Le Canada ne peut légiférer dans une zone internationale. Par conséquent, la négociation devient donc la seule avenue possible, d'où la nécessité d'une intervention du ministère des Affaires extérieures.

Pour nous du Bloc, la solution réside donc d'abord dans des ententes négociées multilatéralement sur des moyens de coercition établis entre les différentes parties concernées. L'incident du Concordia nous démontre que ce n'est pas par l'utilisation de la force que l'on peut régler une situation similaire, mais bel et bien par des accords définis et sans équivoque entre les différentes parties impliquées.

Rappelons que dans le cas précédent, aucun accord n'avait force de loi, dans ce cas-ci entre le Canada et les États-Unis, deux pays souverains. La peine ridicule que se sont vu imposer le capitaine et le propriétaire du Concordia démontre bien les lacunes dans cette réglementation. Il s'agit en effet de démontrer clairement l'intérêt du Canada à défendre avec rigueur sa souveraineté des eaux canadiennes. Ici, en ce qui a trait au concept de souveraineté, nous du Bloc québécois pouvons fort probablement conseiller le gouvernement canadien à définir ce concept de souveraineté, même lorsqu'il s'agit des eaux canadiennes, et cela, de par notre expérience dans ce domaine.

Là encore, s'il n'y avait qu'à négocier des ententes multilatérales, la solution au problème pourrait être envisagée et ce, à très brève échéance. Mais non, il s'agit encore une fois de problème de chevauchements-on s'excuse d'y revenir aussi souvent, mais c'est ainsi-et non pas chevauchement fédéral-provincial, mais chevauchement au sein même du gouvernement fédéral, comme je l'ai mentionné dans mon premier discours en matière d'environnement, où trois ministères n'arrivaient pas à s'entendre face à une seule solution en matière environnementale.

Ici, dans le dossier des pêches, et particulièrement dans ce projet de loi, quatre ministères interviennent dans la solution de ce dossier, afin de régler un seul problème qui, je le conçois, est de taille.

Le ministère des Pêches et Océans, le ministère de la Défense nationale, le ministère des Affaires extérieures, et précisément dans ce cas-ci le ministère de la Justice, sont directement impliqués dans la résolution du dossier.

Cette mésentente entre les différents intervenants du gouvernement fédéral ne date pas d'hier. En effet, dans le même rapport précité et présidé par l'honorable député Arnold Malone, concernant la souveraineté maritime et déposé en 1990, nous pouvions lire cette recommandation que je cite: «Le Comité recommande que le gouvernement crée un programme visant à mettre régulièrement en pratique les procédures de coordination interministérielles, surtout en cas d'urgence, en vue de cerner les problèmes et de restreindre le temps de consultation nécessaire. Toutes les personnes visées et leurs suppléants devront participer à ces exercices», de sorte qu'une décision à l'intérieur d'une situation d'urgence ne nécessite pas sept heures et demie d'attente comme ce fut le cas dans l'incident du Concordia.

Toute modification à la loi serait superflue si les ministères fédéraux n'arrivent même pas à une coordination, ce qui constitue un facteur critique.

En conclusion, nous sommes donc d'accord avec ce projet de loi, bien entendu si l'on y adjoint l'amendement proposé par le Bloc. Je réitère ma position sur la nécessité d'un encadrement rigoureux face aux recours à la force, tel que décrit dans le Code criminel.

[Traduction]

M. Brent St. Denis (Algoma): Monsieur le Président, je remercie le député de Terrebonne de ses observations. Bien qu'il ait surtout insisté sur les éléments du projet de loi qui concernent les pêches côtières, j'aimerais lui poser une question de portée plus générale, à savoir le sort réservé à nos policiers en situation de crise.


1326

(1640)

Ayant été moi-même victime d'un acte de violence mettant en cause l'utilisation d'une arme à feu, je propose au député d'aborder ma question du point de vue d'une victime potentielle et du point de vue des relations existant entre le policier et la victime potentielle à ce moment-là. Si nous avons confiance dans nos policiers, nous devons accepter qu'ils soient confrontés à une décision très difficile en situation de crise.

Même si ses questions étaient très pertinentes, le député de Terrebonne ne juge-t-il pas qu'il est préférable de commencer avec quelque chose de ce genre? Comme il a été dit plus tôt, cette mesure législative nous amènera ultimement à modifier quelque peu la common law. Ne vaut-il pas mieux édifier quelque chose à partir de cela, plutôt que de laisser nos policiers dans la situation très difficile qui est la leur en ce moment?

Nous devons les appuyer. Nous devons reconnaître que la criminalité et la violence ont pris des proportions dramatiques dans certaines régions du pays. Le député est-il prêt à admettre qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, même s'il n'est pas tenu d'être totalement d'accord avec ce projet de loi?

[Français]

M. Sauvageau: Monsieur le Président, comme mon collègue l'a souligné, mon intervention n'était pas directement liée au sens du Code criminel. Donc le projet de loi, si je le lis bien, modifie le Code criminel et la Loi sur la protection des pêches côtières, c'est-à-dire les forces jugées nécessaires.

Je suis intervenu dans le sens de la protection des pêches côtières, s'il l'a bien remarqué, et à ce moment j'ai fait valoir l'importance de notre modification, c'est-à-dire que pour arraisonner ou désemparer un navire, nous ne devons en aucun temps mettre en danger des vies humaines. Effectivement, s'il y a pêche illégale, nous devrons trouver une solution pour désamorcer ce bateau, l'amener, l'arrêter, mais toujours sans mettre en danger des vies humaines.

Au niveau du Code criminel, mon collègue qui est critique au solliciteur général, a fait tantôt son discours en fonction de l'interprétation de cette loi par rapport au Code criminel et je suis parfaitement d'accord avec ses propos. Je ne peux donc intervenir sur le Code criminel, mais plutôt sur la tangente visant la protection des pêches côtières.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, le projet de loi que nous étudions présentement comporte effectivement deux volets. Je ne m'attarderai personnellement qu'au second volet, c'est-à-dire la Loi sur la protection des pêches côtières.

Le projet de loi veut donner aux gardes-pêche le droit de désemparer un bateau étranger ou de tenter de désemparer ce bateau et ce, dans les limites prévues par le règlement. Comme mon collègue l'a souligné, désemparer un navire nous cause problème, parce que les dictionnaires n'en donnent pas tous la même définition.

J'ai consulté, pour ma part, le dictionnaire Robert, et désemparer un navire, c'est lui infliger des dommages qui vont, par la suite, l'empêcher de manoeuvrer. Par exemple, endommager le gouvernail, endommager le moteur, endommager les instruments essentiels de navigation. L'objectif n'est donc pas de couler le navire, mais de le mettre hors d'état de nuire ou de pouvoir servir. Alors, pour nous assurer que ce terme ne prête à aucune confusion, il serait souhaitable que la loi inclut la définition du terme «désemparer», de façon à ce qu'on soit certain et certaine que cette loi est bien interprétée.

Un bateau étranger en état d'arrestation pourrait donc être désemparé s'il prenait la fuite. Si par l'interrogatoire ou la visite, le garde-pêche constatait l'illégalité, les propriétaires et le capitaine pourraient alors avoir à faire face à la justice canadienne.

D'emblée, il nous faut reconnaître que des bateaux de pêche étrangers naviguent depuis très longtemps dans ce que nous connaissons aujourd'hui comme étant les eaux territoriales canadiennes, et ce, même avant la découverte du Canada.

(1645)

Ils ont donc acquis des droits historiques qui leur permettent d'avoir accès à un permis de pêche à l'intérieur des 200 milles marins de notre territoire, à condition toutefois de respecter la réglementation qui accompagne ce permis, réglementation concernant entre autres l'espèce de poisson autorisée, la quantité de poisson à pêcher, le lieu de pêche, la tenue d'un livre de bord, etc.

Il arrive semble-t-il que certains bateaux étrangers soient soupçonnés de se prêter à une pêche dite illégale. Rappelons-nous l'affaire Concordia. Le 11 décembre 1989, un bateau américain nommé Concordia pêchait illégalement dans la zone économique exclusive du Canada, dans le banc Georges, au large de la Nouvelle-Écosse. Repéré et photographié par un avion Tracker des Forces armées canadiennes, le Concordia n'a pas répondu aux appels de radio du Tracker. Il a également fait la sourde oreille au destroyer Saguenay des Forces armées canadiennes, qu'il a même heurté avant de s'enfuir en direction des eaux américaines.

À Ottawa, comme le soulignait mon collègue, il aura fallu sept heures et demie au ministère des Affaires étrangères, au ministère des Pêches et Océans, au ministère de la Défense nationale, au Conseil privé, pour se contacter et se concerter avant d'accorder au Saguenay le droit d'avoir recours à la force pour stopper le Concordia. Tout le temps que cela a pris a permis au Concordia d'aller se réfugier bien à l'abri en-dehors des eaux canadiennes. Le propriétaire et le capitaine du bateau se sont vu imposer une amende de 9 000 $, ce qui était pas mal en deçà de ce que la pêche illégale leur avait rapporté.

Aussi est-il important que le pays protège son territoire marin. La Loi sur la protection des pêches côtières, soumise aujourd'hui au Parlement, accorde aux gardes-pêche le droit de désemparer un navire de pêche étranger soupçonné de pêche illégale.

Par mon intervention dans ce débat, je veux attirer l'attention du gouvernement sur l'importance d'encadrer le recours à la force nécessaire pour désemparer un navire. Je sais que les règlements sont prévus à cet effet, mais les règlements ne seront


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pas votés. Aussi m'apparaît-il important que ces règlements soient déposés à la Chambre, avant l'adoption de ce projet de loi en troisième lecture. Si cela s'avérait impossible, il faudrait alors préciser les limites de l'exercice de ce droit dans la loi elle-même.

Ce nouveau pouvoir est octroyé aux gardes-pêche pour tenter de freiner la pêche illégale effectuée par des bateaux étrangers en eaux canadiennes. En l'absence de toute mesure d'extradition dans le domaine des pêches, il est en effet aisé pour un bateau étranger ayant commis un délit en eaux canadiennes de naviguer jusqu'à l'extérieur des 200 milles marins, de conserver sa cargaison, d'encaisser les profits que celle-ci lui rapporte et, dans bien des cas, sans aucune représaille.

Comme on vient de le constater, il est difficile de désemparer un navire. Aussi, nonobstant l'impératif qu'a le gouvernement de modifier la Loi sur la protection des pêches côtières, il se doit de poursuivre son travail et d'explorer d'autres avenues possibles en vue de solutionner le problème.

À titre d'exemple, il pourrait négocier avec les autres pays des ententes bilatérales prévoyant l'arrestation du capitaine soupçonné d'avoir pêché illégalement dès que celui-ci atteint son port d'attache. Il pourrait insister pour que des amendes dissuasives soient imposées aux propriétaires et aux capitaines de navires qui contreviennent à la réglementation qui gère leur permis de pêche. À cet effet, on peut souligner que depuis 1991 les États-Unis imposent une amende de 100 000 $ à leurs ressortissants reconnus coupables de pêche illégale, alors qu'au Canada cette amende peut aller jusqu'à 750 000 $.

Enfin, la pêche illégale n'est pas l'apanage des bateaux de pêche étrangers. Tout en poursuivant les démarches actuellement en cours aux Nations Unies afin d'en venir à des ententes pour une meilleure protection de nos ressources, il serait important que le gouvernement initie un projet visant à l'élaboration d'un code d'éthique national, voire international, dont le principal objectif serait de responsabiliser tous et chacun quant à la préservation de nos ressources halieutiques.

Il faut décentraliser la gestion de la pêche. Il faut que l'industrie se prenne en main et se régularise elle-même en ce qui concerne les mesures coercitives ou de sanctions pour celui ou celle qui aurait enfreint le code d'éthique. À titre d'exemple, pour avoir dépassé le quota autorisé, un pêcheur pourrait se voir réduire son quota pour l'année suivante. Pour avoir pêché illégalement, il pourrait se voir retirer ou susprendre son permis de pêche pendant un certain temps.

(1650)

Le Bloc québécois appuie ce projet de loi du ministre de la Justice. Ce projet de loi devra, cependant, inclure un amendement qui interdit l'utilisation de la force si la vie de l'équipage du bateau en fuite est en danger. La porte que nous ouvrons aujourd'hui à l'utilisation de la force ne doit en aucun cas servir de couverture à des bavures qui pourraient survenir du droit donné aujourd'hui aux gardes-pêche.

Le Canada doit démontrer sa volonté politique de faire respecter sa juridiction sur les 200 milles marins que constituent ses eaux territoriales. Cette volonté devra justifier à elle seule ce texte de loi même si, à certains égards, on peut le regretter pour des questions de valeur morale et sociale. Il semble, malheureusement, que la force soit encore le seul langage que certains comprennent, bien que ce ne soit pas le moyen le plus efficace de mettre fin à des pratiques de pêches illégales. L'objectif de montrer à la communauté internationale la détermination de notre pays de mettre fin à ces pratiques est tout à fait louable. Toutefois, le recours à la force comporte toujours certains risques. C'est pourquoi l'amendement proposé par le Bloc québécois vise justement à limiter l'utilisation de la force pour éviter des incidents fâcheux.

Il me reste à espérer que le gouvernement prendra cet amendement en considération d'autant plus qu'il n'y a pas de relation causale entre la pêche illégale et la crise des pêches de l'Atlantique. Le gouvernement doit se mettre à l'oeuvre pour restructurer l'industrie des pêches, développer de nouvelles pratiques commerciales pour valoriser des pêches moins connues.

Enfin, on ne pourra stopper les pratiques illégales de pêche sans le recours des autres pays. Il faudrait poursuivre les efforts de négociation avec la communauté internationale car la modification apportée aujourd'hui à la Loi sur la protection des pêches n'amène aucune solution aux véritables problèmes que vivent les pêcheurs de l'Est du pays.

[Traduction]

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat cet après-midi, car j'ai moi-même navigué quelque temps sur les océans, surtout sur la côte ouest du Canada, et j'ai participé à des activités de surveillance de la pêche au début des années 1970. Je voudrais partager quelques-unes de mes réflexions à ce sujet, notamment avec les députés du Bloc.

Lorsque je servais dans la marine canadienne, notre rôle de protéger la limite des 200 milles était très important. Selon moi, il est primordial de comprendre que le poisson est une ressource naturelle du Canada et que nous devons protéger nos ressources naturelles. En fait, nous avons le droit de le faire en tant que pays souverain.

Je suis un peu contrarié lorsque j'entends des gens dire: «Vous devez faire attention de ne pas désarmer ou désemparer un bateau, car vous risquez de blesser l'équipage.» Je ne suis pas d'accord avec cela. Tout d'abord, la personne responsable de cet équipage est le capitaine du navire. L'équipage ne relève pas de ceux qui tentent d'appliquer la loi de notre pays, mais bien du capitaine du navire, qui doit assurer la protection de son équipage.

Je fais pour un moment une analogie avec un conducteur en état d'ébriété. Une personne est assise dans un bar et consomme trop l'alcool, si bien que le taux d'alcool dans son sang dépasse 0,08. Elle s'installe ensuite au volant, enfreignant de toute évidence les lois du Canada. Même si elle ne connaît pas ces lois, elle n'en est pas moins coupable. Elle est coupable en vertu des lois canadiennes.

Je suis d'accord avec les dispositions de cette partie de l'amendement qui concernent l'usage de la force. J'ai examiné


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toutes ces dispositions. Un avertissement suffisant, des drapeaux et des feux clignotants, ce sont tous là des aspects propres aux communications en haute mer. Il incombe entièrement au capitaine de ce navire de s'assurer que son équipage demeure en sécurité. S'il enfreint la loi, il devra en subir les conséquences prévues par les lois du Canada.

(1655)

Le dernier point que je voudrais souligner est un extrait de notre hymne national: «Protégera nos foyers et nos droits.» Nous avons le droit, en tant que pays souverain, de protéger nos ressources, et nous devons le faire. Il s'agit là d'un bon exemple des choses que nous devrions entreprendre.

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, j'apprécie le commentaire de mon collègue et je comprends très bien son point de vue pour avoir, comme il nous l'a mentionné, travaillé dans la marine canadienne et protégé les eaux territoriales du Canada. Mais il m'apparaît important et impératif, je pense, que le gouvernement protège ses eaux territoriales. Il n'y a aucun doute là-dessus dans mon esprit. Mais je pense qu'il ne faut pas s'imaginer qu'à partir du moment où on a donné un droit à des gens de désemparer un navire, que ce sera uniquement la responsabilité du capitaine.

La compétition est très forte, il faut gagner notre vie, il faut pêcher le maximum de poissons, il faut faire cela dans le moins de temps possible et il faut repartir. Ces gens-là ont quand même des permis. La pêche illégale en soi, je ne pense pas que ce soit un acte de piraterie-qu'on me corrige si je suis dans l'erreur. Mais il me semble qu'il est important que tout cela se fasse avec un maximum de garantie de protéger des vies humaines. Arrêter quelqu'un qui fait de la pêche illégale, à mon point de vue, ça ne vaudra jamais la mort d'un homme ou d'une femme.

Le vice-président: Je crois que le temps alloué au débat est maintenant écoulé.

Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement ce soir, à savoir: l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce-Le Programme de contestation judiciaire; l'honorable député de Provencher-La petite entreprise; l'honorable député de Wild Rose-L'environnement; l'honorable député de Kamloops-La petite entreprise.

Si je comprends bien, il n'y a plus d'orateurs pour le Bloc québécois sur ce projet de loi, en tant qu'opposition officielle, ni pour le gouvernement, sauf le secrétaire parlementaire qui va terminer le débat. Alors, il y a deux orateurs du Parti réformiste qui peuvent parler maintenant, je n'y vois aucune objection. Je cède donc la parole au député de Wild Rose.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui dans la débat sur le projet de loi C-8, mais je suis très songeur. À l'heure actuelle, je suis porté à appuyer ce projet de loi, mais je le fais avec réserve.

Je m'inquiète de ce qu'on n'ait pas consulté le moindre agent de police de ma circonscription au sujet de cette modification à apporter au Code criminel. J'ai communiqué avec le surintendant de la Division K de Red Deer, en Alberta, qui m'a dit que ni lui ni, à sa connaissance, aucun autre représentant de la GRC de la province n'a été consulté en vue de cette mesure. C'est plutôt étrange, puisque selon le communiqué, le projet de loi donne suite à une consultation auprès de la police partout au Canada.

De plus, je vois mal comment cette modification permettrait aux agents de police d'être mieux en mesure d'arrêter des criminels. En fait, je cherche à m'assurer que c'est précisément ce que le projet de loi permettrait de faire. J'ai le sentiment profond que cette mesure pourrait réduire la capacité des agents de faire leur travail, surtout à cause de la perte de précédents depuis quelques années.

Bref, qui des policiers ou des criminels ce projet de loi favorisera-t-il? Je suis incapable de répondre à cette question. Je voudrais aussi savoir pour quelle raison on a présenté ce projet de loi. Cherche-t-on à faire du Canada un endroit plus sûr? Est-ce plutôt pour répondre aux pressions des groupes d'intérêts? En effet, ces groupes ont profondément marqué les gouvernements précédents et ils semblent influer sur le gouvernement actuel.

(1700)

Je crois fermement que tous les Canadiens veulent renforcer l'exécution de la loi. Je suis presque certain qu'ils ne se fieraient pas à ce projet de loi pour cela.

Le député de la Colombie-Britannique et mes collègues réformistes ont rappelé que trois morts avaient été causées par des meurtriers qui ont bénéficié d'une réduction de peine pour homicide involontaire, sous prétexte qu'ils étaient ivres et ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Si l'on faisait une recherche, on constaterait que cette situation se produit fréquemment. Est-ce que le projet de loi remédie à ce genre de problèmes? Je suis presque certain que la réponse est non.

Je suis également certain que les Canadiens veulent savoir que lorsqu'un projet de loi sera adopté, il permettra d'empêcher, en partie, sinon complètement, le meurtre de Canadiens par des assassins bénéficiant d'une libération d'un jour ou de libérations conditionnelles. J'ai déjà dit à la Chambre que je connais les cas de 23 assassins en semi-liberté ou en liberté conditionnelle qui ont tué 32 personnes. Et ce ne sont là que ceux dont j'ai entendu parler. J'aimerais bien savoir combien de criminels ont été tués au moment de leur arrestation ces cinq dernières années. À mon avis, il y en a eu beaucoup moins que 32 et si c'est bien cela, quelles sont nos priorités? Nous soucions-nous vraiment davantage des victimes et de leurs familles que des criminels?

Si le projet de loi vise à protéger les criminels, il est temps de nous réveiller et de faire ce qui est dit dans le livre rouge. Occupons-nous des victimes pour faire changement et rendons véritablement le pays plus sûr pour les citoyens. Diminuer le


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pouvoir de la police n'est pas le moyen de rendre le Canada plus sûr. Si c'est ce que vise le projet de loi, alors je m'y oppose.

Je terminerai en demandant qu'on réponde aux questions suivantes: Combien d'agents de police sont morts en devoir au Canada et combien de criminels sont morts au cours d'opérations policières? Si le nombre de policiers est plus élevé que le nombre de criminels, alors il faut que la loi les protège mieux. Qu'en est-il? Si ce n'est pas le cas, pourquoi leur faire courir plus de risques et enrichir les avocats? J'espère que les revenus des avocats ne sont pas entrés en ligne de compte au moment de la rédaction du projet de loi.

Je suis heureux d'avoir eu la possibilité d'exprimer mon point de vue sur le projet de loi C-8. Je suivrai attentivement le débat pour entendre les réponses que d'autres députés pourront apporter aux questions que j'ai posées.

M. John Cummins (Delta): Monsieur le Président, je serai très bref. J'ai déjà soulevé certains des points que je voulais soulever en posant des questions à d'autres députés.

Pour me préparer au débat de cet après-midi, j'ai parlé à des gardes-pêche sur la côte ouest qui, je croyais, auraient dû être au courant de tout processus de consultation que le gouvernement aurait pu entreprendre avant de présenter ce projet de loi. Lorsque je les ai interrogés au sujet de ces modifications, c'était la première fois qu'ils en entendaient parler. Je n'ai pas seulement parlé à des gardes-pêche sur le terrain, mais aussi à des gens qui occupent des postes importants dans ce ministère et qui auraient dû être au courant des changements dont nous parlons aujourd'hui.

La question qu'a soulevée le député de Wild Rose et que nous devons continuer de soulever, c'est ce qui a motivé le gouvernement à présenter ce projet de loi. Ce projet de loi vise-t-il à rendre nos méthodes d'application de la loi plus efficaces? Vise-t-il à rendre nos rues plus sûres? Vise-t-il à protéger nos policiers et à leur donner la confiance nécessaire pour qu'ils soient plus certains, sachant qu'ils ont la loi de leur côté, que les autorités et leurs surveillants vont les appuyer lorsqu'ils prendront les décisions difficiles qu'ils doivent prendre dans l'exercice de leurs fonctions? C'est là où ce projet de loi échoue. Je ne crois pas qu'il donne aux policiers, que ce soit les gardes-pêche, les policiers municipaux ou les agents de la GRC, le genre de confiance dont ils ont besoin.

(1705)

Dans notre pays, les policiers ne sont pas du genre Gestapo. Ce sont nos voisins, nos fils, nos amis. Ce ne sont pas des gens autoritaires, loin de là. Ce sont des gens dont la mission première est de servir le public. Et pourtant, ces gens risquent leur vie la plupart du temps. Ils se mettent dans des situations très dangereuses pour faire en sorte que notre pays devienne un endroit où nous ayons la vie encore meilleure. C'est sur ce point que toute cette mesure s'effondre. Elle n'offre pas aux agents de la paix le genre de protection qu'ils devraient obtenir. Elle ne leur offre pas le genre d'encouragement dont ils ont besoin pour continuer à remplir leurs devoirs. Cette mesure est très décevante.

Il nous est très difficile d'imaginer ce que ce serait que de poursuivre quelqu'un dans les ruelles sombres d'une de nos grandes villes ou de poursuivre des braconniers en pleine nuit sur les rives du fleuve Fraser ou dans une anse isolée sur les côtes de la Colombie- Britannique ou sur celles de la Nouvelle-Écosse. Il faut un certain courage pour faire ce genre de travail jour après jour. Ces gens-là ont besoin de notre appui et de notre encouragement.

Je le répète, si le gouvernement tenait vraiment à rendre les rues plus sûres dans notre pays, s'il tenait vraiment à permettre aux agents chargés de l'application de la loi de faire le travail que nous et les Canadiens en attendons aujourd'hui, c'est aux criminels qu'il faudrait imposer la responsabilité de s'arrêter, de sorte qu'ils pourraient très difficilement être tentés d'essayer d'échapper à leur arrestation. Il faudrait frapper de peines sévères ceux qui n'obéissent pas aux ordres des agents de police, qu'ils aient ou non quelque chose à se reprocher.

Nous devons faire en sorte que les autres membres de notre société s'arrêtent quand un agent de police le leur ordonne et laissent aux tribunaux le soin de déterminer s'ils sont coupables ou innocents. Voilà à quoi se résume la question. Nous, citoyens de ce pays-ci, nous devons reconnaître cette réalité absolument fondamentale, à savoir qu'il nous incombe d'obéir aux agents de l'autorité publique et de laisser le soin de déterminer notre culpabilité ou notre innocence au système judiciaire de notre pays, dans lequel j'ai énormément confiance.

En conclusion, je tiens à répéter que ce projet de loi a besoin d'être retravaillé. Nous devrions offrir à nos agents de police le genre d'encouragement dont ils ont besoin. Nous devrions punir sévèrement les criminels qui veulent se soustraire aux requêtes et aux ordres légitimes des autorités policières de notre pays.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, les deux derniers orateurs ont parlé de l'ordre et de la loi et je suis pour l'ordre et la loi. Cependant, depuis quelques années, nous avons été témoins d'un certain nombre de bavures policières et je pense à des incidents qui sont arrivés à Montréal et à Toronto. Je suis conscient que la plupart des policiers, dans la plupart des circonstances, savent faire leur travail d'une façon impeccable, tout à fait correcte et digne de respect. Il n'en reste pas moins que dans les événements auxquels je fais référence, j'ai eu, à titre de simple citoyen-parce que finalement, je suis un simple citoyen, et si je suis député aujourd'hui, cela ne change pas mon coeur de simple citoyen-donc, j'ai conservé cet arrière-goût que les choses n'avaient pas été faites décemment.

(1710)

Évidemment, pour me permettre de mieux comprendre une situation, je dois disposer d'un certain nombre de critères, d'un certain nombre de balises. Qu'est-ce qu'un policier devrait faire dans les circonstances qui ont mené à ces bavures? Est-ce que les policiers ont agi correctement? Si je n'ai pas de balises, si je n'ai pas de critères, j'ai de la difficulté à bien apprécier la portée de leurs gestes et ceci génère en moi de l'inquiétude.

Au contraire, si les balises sont claires, s'il y a une règle évidente à suivre et si je suis confortable avec cette règle, comme je le suis avec celle dont il est question dans le projet de loi devant nous, je serai davantage en mesure d'apprécier le comportement d'un ou de plusieurs policiers dans ces circonstances extrêmes. Peut-être même ce policier ou ces policiers seront-ils davantage eux-mêmes en mesure de savoir clairement ce que la société attend d'eux.


1330

En conséquence, je ne partage pas les propos tenus pas les deux derniers intervenants, mais peut-être pourraient-ils m'aider à mieux comprendre leur position à présent que j'ai expliqué la mienne.

[Traduction]

M. Cummins: Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations. Je le tiens en haute estime et j'apprécie sa sincérité.

Personnellement, j'estime que les balises sont très claires. Quant aux incidents survenus à Toronto et à Montréal, si je me souviens bien, les policiers ont ordonné aux personnes en cause de s'arrêter, mais celles-ci ont décidé de ne pas obtempérer. Voilà le problème.

D'une certaine façon, il existe dans notre société une idée selon laquelle, lorsqu'un policier demande à quelqu'un de faire quelque chose, il n'y a rien de mal à essayer de jouer au gendarme et au voleur et à s'enfuir. C'est là le problème.

Je ne sais pas si ceux qui prennent la fuite ont été indûment influencés par la télévision ou la publicité, mais le problème fondamental, ce sont les gens qui s'enfuient. Ce ne sont pas les policiers qui leur ordonnent de s'arrêter. Nous devons nous employer à ce que les Canadiens aient davantage confiance dans leur système judiciaire. Peut-être que ceux qui prennent la fuite ont justement trop confiance dans celui-ci. Ils savent où ils aboutiront. Quoi qu'il en soit, nous devons axer nos efforts dans cette direction.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte): Monsieur le Président, après avoir entendu mon collègue parler du projet de loi C-8, je me demande s'il l'a lu et examiné à fond.

Selon moi, cette mesure législative comporte à l'évidence les paramètres qu'il a mentionnés. Elle fixe les paramètres qui permettront à nos services de police de s'acquitter de leurs fonctions d'une façon on ne peut plus responsable. Tout est clair. Le mot clé est «raisonnable».

Il s'agit pour nous d'interpréter le sens à donner à «raisonnable». Le projet de loi explique clairement ce qu'il faut entendre par ce mot lorsqu'il est dit d'employer la force avec l'intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins que la police n'estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. C'est tout à fait explicite.

Le député d'en face n'est-il pas d'avis que ce texte crée une situation meilleure que celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement en ce qui concerne le policier. Celui-ci disposera désormais d'un texte de loi sur lequel il pourra s'appuyer dans les cas où il se demandera-et il doit être au fait, car il est alors le seul à décider-s'il y a bel et bien motifs raisonnables.

(1715)

M. Cummins: Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas avocat. À entendre certains propos tenus cet après-midi de la part de gens qui le sont, je crois comprendre que ce projet de loi sera mis en oeuvre et que, d'une manière ou d'une autre, les tribunaux interpréteront cette loi telle qu'elle est expliquée ici aujourd'hui.

Ce qui me pose problème avec cette mesure législative, c'est qu'elle ne touche pas l'objectif visé, à savoir le cas des personnes qui s'enfuient lorsque des policiers leur ordonnent de s'arrêter. Je ne crois pas qu'elle s'attaque à ce problème. À mon avis, elle ne fait que compliquer encore davantage la tâche du policier qui doit intervenir. S'il doit y avoir lésions corporelles ou mort, il devient plus difficile pour le policier de justifier son geste.

Il est très facile, pour nous qui siégeons dans cette enceinte en toute tranquillité et qui lisons ce projet de loi, de dire ce qui ne va pas et de chercher des solutions. Mais ce n'est pas ici que les choses se passent. Les choses se passent dans les petites rues noires de Toronto ou de Montréal ou, comme je l'ai dit plus tôt, au tournant d'une gorge du fleuve Fraser. Enfin, dans quelque endroit de ce genre. C'est là que tout le projet de loi s'effondre!

Nous devrions offrir à nos agents de police quelque chose de plus encourageant que ce projet de loi.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice): Monsieur le Président, je voudrais remercier tous les députés qui ont accepté de participer au débat d'aujourd'hui sur le projet de loi C-8. J'aimerais aborder quelques-unes des préoccupations que suscite ce projet de loi et exprimer mon opinion à son sujet.

Tout d'abord, je voudrais traiter de quelques-unes des questions qu'on a soulevées au sujet de la loi sur les criminels en fuite, en particulier en ce qui a trait aux policiers et aux criminels.

[Français]

Après cela, je voudrais parler de la question des pêcheries au large des côtes de notre pays.

[Traduction]

Le député de Delta a dit que nous devrions réellement nous préoccuper davantage de la sécurité des policiers. Ce projet de loi n'est pas censé régler toutes nos préoccupations à l'égard de la criminalité.

Le député de Wild Rose a jugé déplorable que le premier projet de loi que dépose le ministère de la Justice parle de réduire le pouvoir de la police.

Tout d'abord, il ne réduit pas le pouvoir de la police. Ensuite, si ce projet de loi est déposé maintenant, c'est que le gouvernement actuel et le précédent ont eu des négociations et des consultations à ce sujet au cours des deux dernières années. Ils ont tenu une foule de discussions qui remontent à 1992, et cette question continue de faire l'objet d'une étude. Le ministère de la Justice estime que le temps est maintenant venu de déposer ce projet de


1331

loi à la Chambre des communes. À mon avis, il serait tout à fait inutile d'en retarder le dépôt plus longtemps.

Le projet de loi ne réduit pas les pouvoirs de la police. Il se trouve que la disposition du Code criminel est trop large. La disposition actuelle ne demande pas aux policiers d'évaluer le danger posé par la tentative d'évasion du suspect avant de décider, pour l'empêcher de fuir, de recourir à une force susceptible de causer la mort.

(1720)

Si on prend le paragraphe 25(4) au sens littéral, il peut être fait recours à une force susceptible d'entraîner la mort pour arrêter une personne qui s'enfuit pour éviter l'arrestation, même si le suspect ne pose aucun danger physique pour qui que ce soit, y compris le policier, à condition, bien sûr, que la fuite ne puisse être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente.

Il n'est pas question ici de mettre la vie du policier en danger, pas plus que la vie de quiconque que le policier a le devoir de protéger. Par contre, si l'on estime que la vie ou la sécurité d'une personne est en danger ou que cette personne risque des lésions corporelles graves, on peut avoir recours à une force susceptible de causer la mort. Dans le cas de certains crimes, l'évasion du suspect, quand il y a d'autres moyens de l'arrêter, ne présente aucune menace pour le policier ou le public.

Nous ne laissons personne s'échapper. Nous ne mettons pas en danger la vie de qui que ce soit. Nous disons simplement que la loi, dans sa forme actuelle, est tellement générale que la police peut recourir à une force susceptible de causer la mort contre tout suspect, quel que soit le délit. Ce n'est pas dans l'intérêt de la société et, d'après les discussions que j'ai eues avec la police, ce n'est pas dans l'intérêt de la police. Chaque fois qu'une personne soupçonnée d'un crime est tuée, les gens reprochent automatiquement à la police d'avoir la gâchette facile, de tirer sous n'importe quel prétexte. Souvent, ce n'est pas du tout le cas. Il arrive peut-être qu'un policier, homme ou femme, se serve inutilement de son arme à feu, mais ce sont des cas isolés. Il est extrêmement rare qu'un policier se serve inutilement de son arme.

Je serais le dernier à dire que nous modifions cette disposition parce que les agents de police l'utilisent et qu'elle est utilisée inutilement dans le Code criminel. Ce n'est pas le cas. Les agents de police utilisent leurs armes de façon très responsable, il n'y a aucun doute là-dessus.

C'est simplement que cette disposition est dans le Code criminel depuis très longtemps et que nous estimons le moment venu de la modifier. Nous n'essayons absolument pas de réduire les pouvoirs de la police.

En fait, nous avons consulté les agents de police et ils sont également d'avis que cette disposition du Code criminel devrait être modifiée. Nous disons aussi que le bénéfice du doute restera à l'agent de police, c'est clair dans la disposition qui concerne les pénitenciers.

Le député de Scarborough faisait remarquer plus tôt que dans les pénitenciers, certains gardes seulement sont armés. Il n'y a pas de doute qu'ils sont armés pour une bonne raison. S'il y a une évasion dans un établissement fédéral-pas un établissement provincial ou municipal, car les détenus de ces établissements ne posent pas la même menace-le garde ne peut pas, vu la nature de l'établissement, prendre le temps de savoir s'il s'agit d'un des criminels les plus dangereux ou d'un détenu plus inoffensif. Vu que ces établissements abritent des criminels notoires, le garde a le droit d'utiliser son arme.

En étudiant cette mesure législative, il faut regarder la situation. Ce n'est pas que nous voulions absolument faire un changement, c'est que les tribunaux ont déjà modifié la disposition. Le 26 avril 1993, l'actuel paragraphe 25(4) du Code a été jugé contraire à l'article 7 de la Charte, qui porte sur le droit à la vie et à la sécurité de la personne. C'est ce qu'a conclu la Cour de l'Ontario dans l'affaire R. contre Lines.

(1725)

Le tribunal a donc statué que cette disposition, qui permet de tirer sur quiconque a commis un crime et prend la fuite, met en danger la vie et les droits de cette personne. Personne à la Chambre n'oserait dire, je pense, que les suspects n'ont aucun droit en vertu de la Charte. Tous les Canadiens ont des droits en vertu de la Charte.

Nous ne voulons pas que des criminels s'évadent, mais nous ne voulons pas non plus que soit mise en danger la vie de personnes qui ont commis des infractions mineures et qui fuient la police. Je suis d'accord avec le député de Delta qui signale que, semble-t-il, l'on veut davantage savoir maintenant dans quelle mesure la police est déterminée à procéder à l'arrestation et que de plus en plus de personnes défient l'autorité de la police. Mais cela, en soi, ne justifie pas que l'on tire sur une personne. Il ne faut pas oublier ça. La sécurité du public, ne l'oublions pas, est ce qui compte le plus pour nous. Cependant, nous devons aussi examiner le rôle du policier. J'en déduis, d'après cette mesure législative, que rien n'arrête ou n'entrave ce rôle, d'aucune façon.

Je reconnais, tout comme les députés d'en face, que si c'était le cas, il faudrait revoir cette mesure législative sous un autre angle. Mais puisque ce n'est pas le cas, nous devons faire ce changement.

Que se passera-t-il si cette disposition du Code criminel, même si elle n'est pas soumise à la Cour suprême du Canada, est jugée inconstitutionnelle au regard de l'article 7 de la Charte des droits et libertés? Le cas échéant, elle serait nulle et non avenue.

La disposition n'aura donc aucun effet si elle n'est pas modifiée. Aussi, si nous n'apportons pas de modification à la loi, la police se verra entravée dans l'exercice de ses fonctions puisqu'elle ne disposera plus de lignes directrices, celles dont elle disposait ayant été jugées contraires à la Charte des droits et libertés. C'est pourquoi nous devons modifier la loi, éliminer la zone grise, préciser en termes acceptables au plan constitutionnel ce que la police peut faire. C'est tout ce que tend à faire le projet de loi.


1332

Nous le devons bien à la police et à la société.

[Français]

Il y a aussi une autre partie qui est vraiment importante ici. Le député de Gaspé, par exemple, dit qu'il désire proposer un amendement au projet de loi. C'est une bonne idée parce que le comité permanent siégera bientôt, peut-être la semaine prochaine. Il sera opportun, en comité, de présenter des amendements, et je voudrais ici garantir au député que son amendement sera considéré et que je le remercie de son intérêt.

Je ne garantis pas que son amendement sera adopté, mais il recevra toute notre considération.

C'est une situation qui est vraiment sérieuse. Comme le dernier orateur du Bloc québécois l'a mentionné, nous connaissons ici une situation grave en ce qui concerne la pêche au large des côtes du Canada atlantique.

(1730)

Maintenant, au Canada atlantique, il y a plus de 45 000 chômeurs. C'est vraiment sérieux et c'est une situation grave pour les gens du Canada atlantique, ainsi que pour ceux de la province de Québec, parce qu'il n'y a vraiment plus de pêche maintenant. On a le sentiment que les pêcheurs au large des autres pays ont le même problème. Il est vraiment nécessaire d'avoir quelque chose, afin de pouvoir dire aux pêcheurs du Québec et du Canada atlantique qu'il y aura des lois et des règlements qui seront appliqués dans l'intérêt des gens de ces régions.

[Traduction]

Nous devons démontrer, par nos actions, que nous sommes conscients du problème de la surpêche étrangère. Nous ne changeons pas les lois. Nous ne proposons rien de neuf. Nous voulons simplement ajouter à la loi les dispositions contenues dans le projet de loi C-8.

Nous ne recherchons pas l'affrontement des navires étrangers. Ce n'est pas notre intention. Le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans a expliqué en détail les procédures qui s'appliquent en cas d'arraisonnement d'un navire étranger. Ces procédures sont très détaillées. On donne toutes les chances au capitaine d'immobiliser son navire ou de faire demi-tour. On prévoit même de laisser à l'équipage le temps de quitter une certaine partie du navire, afin qu'il soit possible de passer à l'action sans mettre en danger la vie des membres de l'équipage.

Ne rien faire pour régler le problème, ce serait comme dire aux navires de pêche étrangers: «Venez faire de la surpêche dans nos eaux et vous vous en tirerez indemnes.» Ce n'est pas ce que nous voulons leur faire entendre. La situation est déjà beaucoup trop grave.

Nous ne souhaitons pas l'affrontement. Il ne s'en est jamais produit jusqu'à maintenant, mais il faut faire quelque chose pour que la réglementation sur la pêche soit respectée dans nos eaux.

Le dernier député à prendre la parole, le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, qui a beaucoup d'expérience, notamment à titre d'amiral de la marine canadienne, nous donnera plus de renseignements sur la manière d'y arriver et sur la façon dont le gouvernement du Canada et les responsables agiraient en cas d'affrontement avec un navire étranger.

Encore une fois, je veux remercier tous les députés pour leur participation. Nous serons vraiment heureux d'entendre leurs observations aux audiences du comité et de prendre connaissance de toute proposition. Nous voulons avoir des audiences valables. Nous voulons entendre des témoins. Nous n'allons pas convoquer un nombre illimité de témoins, mais en recevoir un certain nombre qui feront une contribution pertinente. Le ministre lui-même se présentera pour répondre aux questions que les membres du comité pourraient vouloir lui poser. Nous voulons dès demain renvoyer ce projet de loi au comité, afin de pouvoir en entreprendre l'étude sans délai.

Je pense que cette mesure est justifiée, parce qu'elle facilitera l'application de la législation sur les pêches et permettra aux policiers d'agir dans un cadre législatif acceptable en vertu de la Constitution, tout cela sans nuire le moindrement à la sécurité des Canadiens.

Je pense que cette mesure législative est dans l'intérêt de tous les Canadiens.

(1735)

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, je remercie le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice qui nous a fait un exposé très intéressant, que j'ai suivi vraiment avec beaucoup d'intérêt. Toutefois, je n'ai pas entendu parler de règlements. Est-ce que le secrétaire parlementaire pourrait nous dire ce qui va arriver avec les règlements et comment on procédera, ne serait-ce que pour m'instruire de mon ignorance? Comment cela fonctionne? Vous nous avez dit qu'on pouvait aller déposer les amendements et que tout cela serait pris en considération au comité, mais qu'advient-il des règlements?

[Traduction]

M. MacLellan: Monsieur le Président, le ministre des Pêches examine à l'heure actuelle des dispositions très complètes relatives à la pêche sur la côte de l'Atlantique et dans le golfe du Saint-Laurent, qui vont avoir des répercussions suffisantes sur le secteur de la pêche, sur son avenir et sur la façon dont nous traitons des problèmes qui l'affligent.

Nous n'allons pas essayer de nous attaquer à la question des bateaux étrangers fuyant nos eaux sans nous arrêter à la protection offerte dans d'autres domaines du secteur de la pêche.

Étant donné la nature complexe des questions touchant la pêche auxquelles le ministre réfléchit à l'heure actuelle et le temps que va prendre l'élaboration du programme définitif, il va falloir attendre encore un peu.

J'espère que ma collègue va comprendre que je ne voudrais pas couper l'herbe sous les pieds du ministre des Pêches. Nous ne voulions pas le faire, car ces dispositions vont faire partie du programme global que nous attendons.


1333

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, je crois qu'il faut apprécier l'ouverture d'esprit dont a fait preuve le secrétaire parlementaire en affirmant qu'il porterait un intérêt tout particulier aux amendements que proposera le Bloc québécois lors de l'étude au comité permanent.

Je me permets d'ajouter, toutefois, un éclairage qui, à mon sens, a toute son importance pour mettre bien en contexte ces amendements que nous voulons proposer. On peut bien protéger nos eaux territoriales pour éviter la surpêche, mais on ne peut pas empêcher nos poissons de quitter nos eaux territoriales. On voudrait légiférer en ce sens qu'on manquerait d'aquariums pour tous les emprisonner, une fois qu'ils auraient transgressé et la loi et la limite des eaux territoriales.

Par ailleurs, à l'extérieur de nos eaux territoriales, nous n'avons aucun pouvoir pour empêcher les bateaux d'autres pays, d'autres nations de venir pêcher. Et Dieu sait qu'ils viennent de par le monde entier! C'est pourquoi il convient, à défaut de pouvoir légiférer sur le sort de la migration des poissons, de légiférer à l'échelle planétaire sur la gestion de la ressource, parce que la ressource poissons n'appartient à aucun pays en particulier. Elle n'appartient ni au Canada, ni au Québec. Elle appartient à la mer. Et la mer, à l'extérieur des eaux territoriales, appartient à chacun et à tous. D'où l'importance de porter une attention toute particulière aux amendements que nous proposerons, qui feront en sorte, espérons-le, que le Canada et le Québec prendront un rôle de premier plan pour amener les nations à concevoir une meilleure gestion de cette ressource qui nous appartient à chacun et à chacune.

[Traduction]

M. MacLellan: Monsieur le Président, c'est une excellente observation. Nous ne pouvons, à ce stade-ci, traiter de problèmes qui ne relèvent pas de notre compétence.

Je voudrais souligner une chose que je trouve extrêmement importante. Lorsque le Canada a étendu sa compétence sur la zone des 200 milles, nous avons été en mesure d'inclure tous les Grands Bancs situés au large de la côte est du Canada, surtout de Terre-Neuve, à l'exception de deux petites parties, les deux extrémités des Grands Bancs.

Les Grands Bancs constituent un milieu propice à la présence de poissons. Cependant, lorsqu'on passe les Grands Bancs et qu'on arrive dans des eaux plus profondes, la situation est tout à fait différente.

(1740)

Ce que nous souhaiterions faire, c'est nous assurer que parmi les poissons qui quittent le principal secteur des Grands Bancs situé dans les eaux canadiennes pour se rendre dans les extrémités, certains reviennent graduellement.

Ce qui se produit, c'est que les navires étrangers se tiennent en grand nombre aux extrémités, à l'extérieur des eaux canadiennes. Très peu des poissons qui sortent à ces endroits-là reviennent dans nos eaux. Nous avons le sentiment de perdre une bonne partie de nos ressources halieutiques.

Le député de Gaspé a déclaré que nous ne devrions pas dire aux autres pays quel type de poisson ils peuvent prendre. Si la France souhaite pêcher une morue de petite taille, elle devrait être en mesure de le faire alors. Cependant, les choses ne sont pas si simples que cela. Le fait est que lorsqu'on prend une petite morue, cette dernière ne deviendra jamais grosse.

Où doit-on s'arrêter relativement aux petites morues? Si on permet la prise des petites morues, pourquoi ne laisserait-on pas ceux qui le souhaitent pêcher toutes celles qui sortent de nos eaux? C'est vraiment une question très grave. Nous devons appliquer des règles et des règlements sur la prise de poissons n'ayant pas atteint la taille adulte.

Il faut essayer de négocier.

[Français]

Le ministre des Pêches et des Océans est à Bruxelles en ce moment pour tenter de négocier avec les autres pays un accord dans ce domaine bien précis des pêches côtières.

[Traduction]

Si le ministre ne réussit pas, il trouvera alors une autre façon de discuter de cette question. Il a dit à la Chambre et aux Canadiens qu'elle était très importante et il souhaite y trouver une solution d'une façon ou d'une autre. Il préférerait que cela se fasse par voie de négociation.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants): Monsieur le Président, je désire remercier mon honorable collègue, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice ainsi que tous les députés qui ont pris part à ce débat.

Bien que le débat n'ait pas été unanime, j'ai l'impression que le projet de loi C-8 a l'appui de la majorité. J'aimerais faire des commentaires d'ordre général et souligner un aspect du projet de loi qui revêt une importance particulière à mes yeux et, en fait, pour la région du Canada que je représente.

Pour commencer, je comprends et apprécie à sa juste valeur l'argument avancé par mon collègue, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, lorsqu'il dit que ce projet de loi n'empêche d'aucune façon ni n'essaie de restreindre l'usage de la force de la part d'un agent de la paix.

Si j'ai bien compris, il ne fait que clarifier le rôle des agents de la paix, à la suite d'un jugement rendu par la Cour suprême de l'Ontario selon lequel le paragraphe en question du Code criminel viole le droit à la vie garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Il nous est facile de soulever cette question à la Chambre des communes. Mais c'est une toute autre paire de manches que de se retrouver dans la situation d'un agent de la paix ou d'un capitaine et de devoir passer à l'action alors que les règles du jeu sont quasiment inexistantes.

Je ne me range ni d'un côté ni de l'autre; je veux simplement attirer l'attention de la Chambre sur le fait qu'il est important et nécessaire pour ceux qui doivent accomplir leur difficile devoir, dans des conditions de crise, d'avoir un cadre précisant les limites de leur action, tant pour leur protection que pour celle de la partie adverse. J'ai lu très attentivement le projet de loi à l'intention des agents de police et j'y vois une version moderne du Code criminel, qui prescrit clairement la norme nationale


1334

concernant l'usage d'une force proportionnée. Personnellement, ma philosophie consiste à recourir à la collaboration plutôt qu'à la confrontation. Cependant, quand il y a confrontation, il faut utiliser une force proportionnelle à l'action visée.

(1745)

C'est le contraire de vouloir tuer une mouche avec un canon. Il ne faut pas utiliser une force trop puissante, mais plutôt recourir à la force qui convient. Dans notre société aujourd'hui, étant donné le taux de criminalité et l'irrespect parfois manifeste à l'égard de notre système judiciaire, il est très important que ces mesures soient discutées devant le plus haut tribunal du pays, c'est-à-dire à la Chambre des communes.

Ce projet de loi autorise l'usage d'une force meurtrière par un agent de la paix ou par toute personne qui l'aide légalement. Les situations sont claires. La première, c'est lorsque le suspect représente une menace de lésions graves ou de mort et qu'il fuit pour échapper à son arrestion et lorsque l'évasion ne peut être empêchée par des moyens moins violents. Il est clair que l'agent de la paix qui pourchasse un criminel en fuite, qui est en mesure de le retenir par terre ou qui peut utiliser une force appropriée qui n'est pas meurtrière, cet agent de la paix ou la personne qui l'aide devrait se limiter précisément à ces moyens. Je crois que c'est là l'objet de la loi modifiée et clarifiée.

Le projet de loi fait aussi une autre chose qui m'intéresse sur le plan personnel et politique. Il propose aussi de modifier la Loi sur la protection des pêches côtières afin d'autoriser le garde-pêche dans l'exercice de ses fonctions d'employer la force nécessaire pour désemparer un bateau de pêche étranger afin d'en arrêter le capitaine ou le responsable du commandement. Il est très clair que la force pourra s'appliquer dans le cas d'un bateau de pêche étranger, mais pas contre des navires canadiens.

J'ai entendu trois orateurs dire qu'il était nécessaire pour le Canada, qui effectue beaucoup d'échanges commerciaux et qui possède la côte la plus longue au monde, d'avoir des mesures législatives précises sur la façon de procéder pour protéger le littoral, soit les ressources mises à la disposition des Canadiens dont la vie dépend de la mer et de la côte.

Pour ceux d'entre nous qui y avons eu recours dans le passé et pour ceux qui voudraient y recourir à l'avenir, la loi n'était peut-être pas aussi claire que nous l'aurions voulu. Je tiens à dire d'entrée de jeu que cette règle s'applique lorsqu'un bateau de pêche étranger doit être arrêté. Je signale en passant que dans le cas de la haute mer la situation n'est pas aussi claire qu'on l'a parfois laissé entendre au cours du débat. Le droit maritime international diffère du droit civil ou pénal en ce sens qu'il se fonde sur des précédents. Il va de soi qu'il existe des précédents en ce qui a trait à l'arrestation de bateaux étrangers en haute mer.

Je n'ai pas avec moi le libellé exact, mais je sais que, récemment, lors d'une conférence des Nations Unies, on a déclaré qu'un État riverain, c'est-à-dire un pays dont la côte est adjacente à la haute mer, a des droits, des devoirs et des responsabilités relativement à un stock qui chevauche la zone de 200 milles. Or, comme l'a mentionné le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, il y a certainement un stock qui chevauche le nez et la queue des Grands Bancs. La question n'est donc pas aussi simple que certains députés voudraient nous le faire croire. Je ne veux pas me lancer maintenant dans un débat sur le nez et la queue des Grands Bancs, mais cette question pourrait certainement être abordée plus tard par la Chambre.

(1750)

Je veux simplement traiter de la modification à la Loi sur la protection des pêches côtières, qui vise à permettre de prendre la mesure énoncée contre le capitaine d'un bateau. La disposition législative en question précise ce qui peut être fait et dans quelles circonstances. Une fois que le projet de loi sera adopté, le gouvernement adoptera un règlement qui précisera les modalités d'application de ces mesures.

En vertu de la Loi sur la protection des pêches côtières et de la modification proposée dans le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, le garde-pêche est autorisé à employer une force susceptible de désemparer un bateau de pêche si les trois circonstances suivantes sont réunies: premièrement, le garde-pêche procède légalement à l'arrestation du capitaine ou du responsable du bateau; deuxièmement, le capitaine ou le responsable du bateau s'enfuit afin d'éviter l'arrestation-ce qui signifie faire tourner les moteurs à plein régime pour essayer d'échapper aux autorités; et, troisièmement, le garde-pêche estime, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour procéder à l'arrestation.

Lorsqu'on fait allusion au recours à la force, certains s'imaginent que l'on va lancer toute notre force navale dans une vaste offensive et que celle-ci va couler tout ce qui bouge. Rien de tel n'est prévu. Ce n'est pas de ce genre de force dont il est question. J'ai parlé tout à l'heure de l'usage de la force pour se protéger, de l'usage d'une force minimale uniquement.

Je me souviens, lorsque la marine canadienne a arraisonné deux navires de pêche espagnols en juillet 1985. Il n'a pas été nécessaire de les pourchasser en leur tirant dessus ou de jouer les Rambos. Il a suffi d'utiliser un haut-parleur et de dire: «Vous êtes en état d'arrestation et si vous ne stoppez pas vos moteurs immédiatement, nous devrons prendre des mesures.» Sans entrer dans les détails, qu'il suffise de dire que, finalement, deux équipes d'abordage armées du navire de guerre NCSM Athabaskan, je crois, sont montées sur les navires espagnols qui se sont rendus sans résistance, et ont été remorqués dans un port canadien. Plus tard, des accusations ont été portées contre les responsables. Je crois que cela illustre que l'usage de la force peut se limiter à l'utilisation d'un haut-parleur, à quelques manoeuvres


1335

de menace, j'imagine, et à l'arraisonnement d'un navire par deux équipes d'abordage armées.

La force prend bien des formes, mais c'est tout ce qu'il a fallu pour arrêter deux navires et les remorquer dans un port canadien pour que les accusations nécessaires puissent être portées. Je reconnais qu'en haute mer, cela pourrait être beaucoup plus difficile et je ne m'attends pas à ce que l'on parte demain pour aller arraisonner tous les navires qui s'y trouvent.

Je tiens à dire qu'au moment où le gouvernement a été élu, le 25 octobre dernier, il y avait 103 navires sur les extrémités des Grands Bancs et que 72 d'entre eux pêchaient. Aujourd'hui, d'après ce que j'ai compris, il y a 39 navires qui pratiquent une pêche digne de ce nom. C'était peut-être 70 et quelques, je n'ai pas obtenu de chiffres précis. Mais ce que je veux dire-ne me tenez pas rigueur de mon imprécision sur les chiffres-c'est que leur nombre a beaucoup diminué. À mon avis, nous le devons au ministre des Pêches et des Océans et au premier ministre qui ont clairement déclaré que nous n'avions pas l'intention de tolérer la surpêche par des étrangers qui utilisent des filets à petites mailles, qui ne respectent pas les quotas, qui s'attribuent eux-mêmes de grands quotas et vident littéralement l'océan des poissons au détriment des Terre-Neuviens, des Canadiens de l'Atlantique et des Québécois parce que nous nous sommes imposé des règles et parce que, de toute manière, il n'y a plus de poisson à prendre. Nous ne resterons pas là à regarder nos stocks de poissons disparaître simplement parce que nous n'avons pas le droit d'aller au-delà de la limite de 200 milles. Le gouvernement ne tolérera pas cela.

(1755)

Ces règles dont nous parlons aujourd'hui s'appliquent évidemment à l'intérieur de notre territoire. Le secrétaire parlementaire l'a dit clairement. Cependant, ce sont des règles qui peuvent évoluer. Après tout, j'ai connu une époque où nos eaux territoriales s'étendaient à 3 milles des côtes, ce qui correspondait à la portée d'un canon. Puis, nous avons repoussé la limite à 12 milles des côtes, ce qui correspondait à la portée d'un radar à haute définition pour un bateau de taille moyenne dans une mer normale. Nous en sommes maintenant à 200 milles parce que c'est là que sont les ressources et que nous avons tous les appareils de détection et les avions nécessaires pour savoir ce qui se trouve dans la zone de 200 milles. Je ne m'attends pas à ce que la limite reste à 200 milles pour le reste de ma vie. Nous sommes passés de 3 milles à 200 milles, alors je peux supposer que l'évolution du droit international nous amènera bien au-delà de la limite de 200 milles.

Je voudrais dire aux députés comment nous pouvons employer ce genre de force. Il y a en mer un bateau de pêche étranger qui a commis une infraction ou qui pêche à un endroit où il ne devrait pas pêcher. On nous dit que ce bateau doit être arrêté. La première chose que nous faisons, c'est de faire savoir clairement au bateau en question qu'il est en état d'arrestation. Nous prenons toutes sortes de moyens pour y arriver. Nous nous servons de drapeaux de signalisation, de messages radio et de feux clignotants. Si notre bateau est plus rapide que le bateau étranger, nous naviguons en faisant des cercles autour de lui. Nous faisons tout notre possible pour nous assurer que ce bateau comprend qu'il est en état d'arrestation.

Si le bateau poursuit sa route sans tenir compte de nos signaux, alors nous devons lui faire comprendre clairement que nous allons devoir prendre des mesures plus radicales. Sans entrer dans tous les détails, je suppose que, à un certain moment, un projectile sera lancé en direction du bateau, sans toutefois l'atteindre. On lancera même un projectile juste au-dessus de l'avant du bateau. Après des heures et des heures de négociations, s'il devient absolument nécessaire d'employer la force, le capitaine de notre bateau dira clairement au capitaine du bateau qu'il doit arrêter: «Nous allons maintenant désemparer votre bateau en tirant sur le gouvernail. Nous vous donnons une heure pour éloigner vos gens de l'arrière du bateau. Faites-moi signe lorsqu'ils se seront tous éloignés.» Le capitaine ne recevra peut-être pas de réponse.

À un certain moment, nous devrons peut-être lancer un projectile sur l'arrière du bateau pour désemparer ce dernier. Ce sont des mesures terribles, mais nécessaires. Ce genre de force est nécessaire pour désemparer un bateau afin qu'on puisse procéder à l'arrestation. Il faut espérer que cela suffirait, dans des circonstances normales, à permettre à une section d'abordage armée de monter à bord du navire, d'installer un câble de remorquage et de remorquer le navire jusqu'à un port canadien où des accusations seraient portées contre le capitaine qui subirait ensuite son procès.

Je ne saurais trop insister sur l'importance de cette mesure législative pour permettre au gouvernement d'établir une réglementation, pour la rendre plus claire et pour soutenir la détermination de notre gouvernement à combattre la surpêche étrangère. On peut dire sans crainte de se tromper que non seulement la mesure à l'étude clarifie l'article 7 de la Charte et répond au jugement des tribunaux ontariens qui rendait nécessaire d'adopter une certaine mesure législative-et je suis heureux de voir que cela fait déjà partie de notre mandat-mais elle apporte aussi à la Loi sur la protection des pêches côtières une modification qui exprime très bien l'intention de notre gouvernement et qui donne des instructions très claires, concises et sans équivoque aux capitaines des navires chargés d'arraisonner les navires étrangers qui pratiquent la surpêche.

(1800)

Je tiens à féliciter le ministre de la Justice et son secrétaire parlementaire d'avoir si tôt fait de présenter cette mesure législative. Je tiens à féliciter également tous les députés à la Chambre car, à en juger par les interventions que j'ai entendues, ils semblent avoir compris l'objet de la réglementation. Je me suis réjoui de voir qu'on semblait bien comprendre des deux côtés de la Chambre ce qu'il fallait faire pour améliorer la Loi sur la protection des pêches côtières et j'ai certainement constaté une prédisposition générale de la part de tous les députés à adopter le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour le renvoyer au comité où on pourra l'examiner plus à fond.

1336

Je vous remercie, monsieur le Président, ainsi que tous les députés à la Chambre, de l'attention que vous m'avez accordée.

M. Milliken: Monsieur le Président, pourrais-je avoir le consentement unanime de la Chambre à ce moment-ci pour revenir à l'étape de la présentation de rapports de comités? J'ai un très bref rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre que je voudrais présenter à la Chambre pour le faire adopter.

Le vice-président: Les députés ont tous entendu les termes de la motion; y a-t-il consentement unanime pour revenir à une étape antérieure?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________

1336

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le cinquième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Le comité a recommandé que le nom de M. Hopkins soit substitué pour celui de M. Gagliano au Comité permanent des ressources naturelles. Cela complète le rapport et j'en proposerai l'adoption dans quelques minutes.

[Traduction]

M. Milliken: Je propose que le cinquième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre plus tôt aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

_____________________________________________


1336

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, je remercie le député de son exposé très divertissant. Lorsqu'il a parlé d'un bateau pris en chasse pendant des heures parce qu'il avait enfreint la loi, je n'ai pu m'empêcher de penser qu'on aurait traversé le tiers de l'Atlantique avant de finalement terminer les négociations et de sévir contre le bateau pris en faute. J'ai ensuite imaginé une situation où l'on demanderait aux membres de l'équipage de quitter l'arrière du bateau parce qu'on s'apprêtait à viser le gouvernail.

Qu'arrivera-t-il si le bateau vire de bord? Leur dira-t-on de courir à l'arrière du bateau parce qu'on est sur le point de tirer sur la proue? Que fera-t-on si les gens à bord du bateau n'obtempèrent pas? Le député croit-il vraiment qu'il fait des suggestions utiles?

M. Mifflin: Monsieur le Président, je pourrais dire avec désinvolture que si je ne les croyais pas utiles, je ne les aurais pas faites. Je signale au député-à qui je fais l'honneur de répondre, même si, à mon avis, il essaie aussi d'être amusant-que l'on définit la force en question comme une force que l'on utilise avec l'intention de causer la mort ou qui est de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves.

Je ne connais pas les origines du député, mais il me semble quelqu'un de fort coloré. Il reconnaîtra toutefois sûrement que, fondamentalement, à n'importe quel moment ou endroit dans l'histoire, la nature humaine étant ce qu'elle est, la plupart des gens raisonnables essaient d'empêcher une organisation ou une personne d'utiliser pareille force contre une autre; c'est notamment prévu dans la loi tacite de la mer et des marins. C'est cette même loi qui exige fondamentalement d'un navire qu'il se porte au secours d'un autre qui est perdu en mer, ou dont un membre d'équipage est tombé à la mer ou qui connaît des difficultés de cette nature. Dernièrement, nous avons été témoins de nombreux incidents semblables.

(1805)

Si j'avais été un marin dans une autre vie, j'aurais certainement évité le plus possible d'utiliser la force. Nul ne veut déployer pareille force. Nul ne veut endommager un bateau, et ce n'est peut-être pas nécessaire du reste. On peut vouloir détruire le gouvernail ou le moteur principal d'un bateau en mer, mais la dernière chose au monde que l'on puisse souhaiter à titre de garde-pêche ou de capitaine de bateau, c'est de devoir causer des lésions corporelles à quelqu'un.

Je ne suis pas certain d'avoir bien compris à quoi voulait en venir le député quand il a parlé de faire passer l'équipage de l'arrière à l'avant du bateau ou vice versa. L'idée, en l'occurrence, c'est de faire évacuer l'endroit que l'on s'apprête à endommager, de manière que personne ne soit blessé. C'est de toute évidence le but recherché.

Si j'ai parlé d'un bateau qui était pris en chasse pendant des heures et des heures, c'était simplement pour expliquer à la Chambre que l'on fera pratiquement tout pour éviter d'en arriver là. On s'assurera que le message a été compris. On veillera à ce que le capitaine l'ait bien compris. Il ne s'agit certainement pas de traverser l'océan. Il faudra peut-être de une à dix heures et il se pourrait que le bateau soit immobilisé pendant tout ce temps.

Les détails techniques ne visaient qu'à illustrer la difficulté de recourir à une telle force en mer.


1337

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé): Monsieur le Président, j'aimerais ajouter un bref commentaire à ce qui a été dit par les deux derniers intervenants. Même si je ne suis pas avocat, je dois dire que suite à l'intervention du secrétaire parlementaire, je comprends un peu mieux le niveau de modification proposé par le gouvernement.

J'apprécie aussi le fait que l'on ait pris note de la tentative de proposition d'amendement que j'ai essayé de faire aujourd'hui. J'espère qu'on a retenu de notre position que l'utilisation d'une force trop grande ne m'apparaîtrait pas à propos concernant le type d'infractions qui pourraient être commises par les pêcheurs illégaux.

Ce qui m'inquiète un peu, ce sont les propos du dernier intervenant qui reprend un peu dans son discours le problème de l'impact de la surpêche à l'extérieur de la zone des 200 milles sur le nez et la queue des Grands Bancs. Cela me fait un peu peur, parce que j'ai dit dans mon discours ce matin vouloir m'assurer que le gouvernement ne montrerait pas les dents avec cette loi en disant que ce sont les méchants étrangers qui sont responsables des problèmes de l'effondrement de la pêche canadienne.

J'ai dit dans mon discours, et je le répète, qu'il faut que les Canadiens examinent leurs propres façons de faire la pêche, qu'ils fassent leur mea culpa. Comme je l'ai cité ce matin, j'aimerais rappeler aux députés que selon l'OPANO, l'Organisation des pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest, et les pays membres, dont le Canada fait partie, ainsi que la France, le Danemark et l'URSS, ces pays membres reconnaissent qu'il n'y a que de 3 à 5 p. 100 de la biomasse canadienne, de la morue du Grand-Nord, qui passe par le nez et la queue des Grands Bancs, c'est-à-dire qui est en eau internationale.

À ce propos, je veux m'assurer qu'on ne provoquera pas les étrangers parce qu'on a un différend de perception avec eux. C'est ce que je crains. La dernière fois que quelqu'un a cru qu'il avait raison, il a enclenché une série de gestes qu'il a peut-être regrettés par la suite. Cet exemple est peut-être un peu tiré par les cheveux, mais c'est pour vous dire à quel point je crains qu'on agresse des étrangers parce qu'on croit avoir raison. Je veux parler de Saddam Hussein. Quand il a dit qu'il voulait entrer au Koweït pour y faire ce qu'il a fait, je n'étais pas d'accord, mais il avait sa croyance.

Je ne voudrais pas qu'en vertu de notre croyance, on prenne des mesures de représailles envers les étrangers. On peut faire passer notre message sans utiliser cette force-là. Toutefois, les propos du secrétaire parlementaire me laissent croire qu'on est sur la bonne voie.

[Traduction]

M. Mifflin: Monsieur le Président, je comprends le point de vue du député. La comparaison qu'il a faite me paraît un peu inquiétante, mais je suppose qu'elle servait d'illustration. Je comprends son point de vue, et je ne vais pas monter cela en épingle.

(1810)

Je dirai avec le plus grand sérieux que vient un moment, lorsque les moyens de survie d'un grand segment de sa population sont compromis, où un pays doit agir dans les domaines qui sont de son ressort. Je n'aurais aucun respect pour un pays qui laisserait dépouiller ses citoyens et ne ferait rien d'autre que des beaux discours dans des échanges diplomatiques. Je ne peux pas être d'accord, et mon gouvernement non plus.

[Français]

M. Bernier (Gaspé): Je serai bref, monsieur le Président. Si jamais on se doit d'aller vers l'escalade de la force là-dedans-mais ce n'est pas ce que j'ai compris des propos du secrétaire parlementaire-j'aimerais à ce moment-là qu'on puisse faire une enquête ou un genre de débat d'urgence s'il le faut. Mais j'aimerais bien voir les biologistes canadiens venir nous expliquer quel est l'impact réel de ladite surpêche. Présentement, certains en ont fait leur cheval de bataille durant la campagne électorale mais je n'ai pas entendu un biologiste nous le prouver noir sur blanc.

[Traduction]

M. Mifflin: Monsieur le Président, je signale au député qu'il y a eu trois débats d'urgence sur la question à la Chambre. Il doit savoir que, avant toute intervention, nous réexaminerions tout ce que les biologistes nous ont déjà dit.

Le député vient d'une région très intéressée et préoccupée par cette question. Il doit suivre, lui aussi, les activités d'organismes comme le Fisheries Resource Conservation Council qui ont donné des conseils très clairs au ministère, au gouvernement et à d'autres organisations qui s'intéressent à la question et ont les mêmes préoccupations.

Le point que le député fait valoir est valable et je suis sûr qu'il en sera tenu compte. Le gouvernement n'est pas irresponsable. Il se préoccupe des citoyens.

[Français]

Le vice-président: La période prévue pour les questions et commentaires est maintenant expirée.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

1338

[Traduction]

SUSPENSION DE LA SÉANCE

Le vice-président: Il faudrait attendre dix ou quinze minutes pour tenir le débat d'ajournement, qui doit avoir lieu à 18 h 30. Y a-t-il consentement unanime pour suspendre la séance jusqu'à 18 h 30?

Des voix: D'accord.

(La séance est suspendue à 18 h 12.)

REPRISE DE LA SÉANCE

La séance reprend à 18 h 30.

_____________________________________________


1338

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LE PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Monsieur le Président, dans le récent discours du Trône, le nouveau gouvernement libéral a promis de rétablir le Programme de contestation judiciaire, qui a été supprimé par le gouvernement précédent en 1992.

Ce programme a été institué par le gouvernement libéral de Pierre Trudeau en 1978 et il a été amélioré en 1982. Il avait pour objectif de garantir que tous les Canadiens puissent faire respecter leurs droits devant les tribunaux.

En 1981, nous avons créé la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit des droits fondamentaux à tous les Canadiens, des droits comme le droit à l'égalité, les droits démocratiques, le droit de déplacement, des droits juridiques et des droits linguistiques.

Avoir des droits garantis par la Constitution est une chose, mais les faire respecter devant les tribunaux contre la bureaucratie ou la grande entreprise en est une autre. Il faut de l'argent pour engager des avocats pour de longues périodes, car il faut souvent se rendre jusqu'à la Cour suprême du Canada. Sans argent pour faire valoir ses droits devant les tribunaux, ces droits sont sans valeur. Le gouvernement libéral de M. Trudeau a donc institué le Programme de contestation judiciaire pour mettre des fonds à la disposition des particuliers et des groupes ayant d'importants droits constitutionnels à faire valoir, surtout s'il s'agissait d'un précédent.

Pendant la durée du programme, les causes les plus importantes avaient trait aux droits à l'égalité et aux droits linguistiques. Dans ma circonscription, on s'inquiète d'une façon particulière de l'érosion des droits linguistiques. À l'occasion d'importantes poursuites intentées contre les lois 101 et 178 du Québec, on a réussi à faire abroger les dispositions répressives de ces lois. Des poursuites semblables ont été intentées par des francophones d'autres provinces. Cependant, la bataille est loin d'être terminée. Il existe encore bien des dispositions dans ces lois et d'autres lois qui doivent être contestées, et les citoyens ont besoin de l'aide du gouvernement pour cela.

Je voudrais savoir quand le gouvernement rétablira le Programme de contestation judiciaire, comme il l'a promis dans le discours du Trône, et je voudrais qu'il s'engage clairement à ce qu'il s'applique aux contestations judiciaires de dispositions qui restreignent ou suppriment des droits linguistiques.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Au nom du ministre du Patrimoine canadien, je me réjouis de pouvoir fournir quelques précisions à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce au sujet du Programme de contestation judiciaire.

Comme le député l'a dit, le gouvernement actuel a annoncé son intention de rétablir le Programme de contestation judiciaire dans le livre rouge et a récemment réitéré cet engagement dans le discours du Trône.

(1835)

En fait, le gouvernement s'est engagé non seulement à rétablir le Programme de contestation judiciaire, mais également à étendre son mandat. En plus de s'occuper des questions linguistiques et du droit à l'égalité, le nouveau programme financera des causes types d'intérêt national, notamment celles où sont contestées les libertés fondamentales énoncées à l'article 2 de la Charte.

[Français]

C'est avec plaisir que je rassure mon collègue: le programme rétabli continuera à apporter un appui financier aux causes types de portée nationale ayant trait aux lois fédérales et provinciales ressortissant des articles 93 et 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, de l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba et des articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Il continuera également à apporter un appui financier en cas de contestation des lois, pratiques et politiques fédérales, aux termes des articles 15 et 38 de la Charte ou lorqu'un argument ayant trait à l'article 27 de la Charte vient appuyer les arguments basés sur l'article 15.

[Traduction]

Comme il l'a dit précédemment à mon collègue, le ministre espère que le nouveau programme sera opérationnel au début du nouvel exercice. Fort des ressources, de l'expérience et des connaissances techniques dont le gouvernement tiendra compte, le ministre du Patrimoine canadien est persuadé que le programme sera mis en oeuvre le plus rapidement possible et qu'il saura servir les intérêts du gouvernement et de tous les Canadiens.

LES PETITES ENTREPRISES

M. David Iftody (Provencher): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour faire suite aux remarques et aux questions que j'ai soulevées à la Chambre il y a une ou deux semaines en ce qui concerne les petites entreprises au Canada.

Nous savons qu'en 1993, les faillites des petites entreprises ont sérieusement ébranlé l'économie de notre pays. Cependant, 97 p. 100 du million d'entreprises enregistrées au Canada emploient 50 personnes ou moins, soit 40 p. 100 de la population active de notre pays. Trente-cinq pour cent d'entre elles ont leur siège dans l'Ouest du Canada. Pour les habitants de Provencher, les petites entreprises sont manifestement un aspect important de l'économie locale.


1339

En 1990, malgré les difficultés d'exploitation qu'elles ont connues, les petites entreprises employant moins de 20 personnes ont comblé l'écart créé sur le plan de l'emploi par suite de la restructuration ou de la fermeture des grosses compagnies. En fait, c'est aux nouvelles entreprises et aux entreprises plus petites en expansion que l'on doit la quasi-totalité des emplois créés durant la récession de 1990.

Au Canada, l'un des principaux obstacles à l'expansion des petites entreprises est ce qu'on a qualifié de resserrement du crédit. La pénétration de nouveaux marchés mondiaux, grâce à la nouvelle technologie et à l'équipement de pointe, n'est que trop rare au Canada, en particulier dans l'Ouest. Pourtant, en dehors du rôle de leader qu'elles jouent au niveau de la création d'emplois et de la croissance économique, la capacité d'autofinancement des petites entreprises contribue de façon substantielle à l'économie.

La dette à long terme des petites entreprises représente 25 p. 100 du financement des entreprises au moyen de subventions et de prêts du gouvernement, soit moins d'un tiers de 1 p. 100. Je suis au regret de dire que les micro-entreprises, ou les entreprises employant au plus 20 personnes, voient extrêmement souvent leurs demandes de crédit rejetées, et ce, bien que nous sachions tous pertinemment qu'en 1993, c'est dans ce secteur que la création d'emplois a été la plus forte.

À part cet autre obstacle, il est un autre problème auquel nous nous heurtons au Canada, celui d'assurer aux nouvelles entreprises qui créent de l'emploi les ressources humaines nécessaires. Au Japon, par exemple, 96 p. 100 des élèves qui terminent leur 12e année ont fait au moins un an de calcul différentiel, tandis qu'au Canada, 30 p. 100 des jeunes ne terminent même pas leur secondaire. Selon Statistique Canada, 36 p. 100 des Canadiens ont de la difficulté à lire et à compter.

Le problème qui se pose pour les employeurs au Canada n'est pas seulement le resserrement du crédit et le déficit dans le contexte du financement des petites entreprises, mais aussi le manque de jeunes et de ressources humaines pour combler les postes créés par ces entreprises. Je pense que nous pouvons être compétitifs au Canada. Nous avons les capacités, les ressources humaines et l'infrastructure nécessaires. Je pense ici à ma circonscription, Provencher, et à Énergie atomique du Canada qui a réussi à appliquer les résultats de la recherche scientifique sur des marchés mondiaux et qui occupe réellement la première place dans le monde.

(1840)

Le gouvernement pourrait-il me dire, et je poursuis sur ce thème, s'il est prêt à travailler en collaboration avec les banques du Canada pour veiller à ce que les petites entreprises et les personnes qui risquent leur vie, leurs ressources, leur maison et tout ce qu'elles ont pour diriger ces entreprises aient accès à des capitaux? Est-il prêt à améliorer la formation des jeunes au Canada, en particulier dans l'Ouest?

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de son excellente question.

Permettez-moi simplement de dire, comme le député l'a mentionné, que les petites entreprises créent 85 p. 100 des emplois au Canada. Si le gouvernement peut établir un climat favorable, ce seront elles qui prendront la tête du mouvement et favoriseront une croissance économique plus stable dans l'Ouest du Canada.

Par le passé, on a trop compté sur les fonds publics pour attirer les grosses sociétés. Cette situation a encouragé une culture de subventionnaires, alors que nous voulons encourager l'esprit d'entreprise. Nous devons encourager la collaboration et non la concurrence entre les provinces.

En période de restrictions budgétaires, le gouvernement doit utiliser plus efficacement les ressources limitées dont il dispose. Il peut s'y prendre en misant sur les talents d'entrepreneur des habitants de l'Ouest et en mettant à profit ces talents et les partenariats stratégiques conclus avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé.

Afin d'encourager les petites entreprises qui créent des emplois, le ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest a ordonné, le 26 novembre, que le programme de diversification de l'économie de l'Ouest axe surtout son aide remboursable sur les petites entreprises indépendantes qui emploient habituellement moins de 50 personnes.

On évalue désormais les projets en fonction de leur apport à la diversification stratégique de l'économie de l'Ouest.

Pour créer un climat favorable aux entreprises, les gouvernements doivent conjuguer leurs efforts et mettre en oeuvre des initiatives économiques stratégiques. En collaborant au lieu de répéter les efforts, nous pourrons économiser des recettes fiscales et créer des emplois.

Dans un rapport qu'a publié récemment la Canada West Foundation, établie à Calgary, on estimait que la suppression des barrières interprovinciales pourrait permettre de créer 28 000 emplois dans les quatre provinces de l'Ouest.

En outre, la collaboration financière et administrative-je sais que mon temps de parole est écoulé, monsieur le Président, mais permettez-moi seulement de terminer en disant qu'il existe un certain nombre de secteurs. . .

Le président suppléant: Je vous remercie beaucoup. C'était une excellente conclusion.

L'ENVIRONNEMENT

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler à nouveau de cette question du développement de la Sunshine, en vertu du paragraphe 37(3) du Règlement.

Il s'agit de la demande d'évaluation, par un groupe d'experts du BFEEE, de la construction de la piste de ski Goat's Eye dans la zone du Parc national de Banff que le gouvernement a concédé à la Sunshine Village Corporation. Cette décision décourage les

1340

Albertains sans travail et gaspille l'argent des contribuables. Toutes les étapes nécessaires pour connaître les conséquences environnementales de la construction de cette piste de ski ont déjà été étudiées et réétudiées depuis 1978. Le projet a déjà été approuvé par un groupe d'experts.

L'avis formel de la décision concernant la piste Goat's Eye, envoyé à la Sunshine, disait:

Les conséquences environnementales prévues du développement proposé de Goat's Eye pour le ski, à Sunshine, sont soit insignifiantes soit atténuables par des moyens techniques connus au sens du paragraphe 12(c) des directives de 1984 d'évaluation et d'examen des conséquences environnementales.
Le ministre devrait savoir que le paragraphe 12(c) signifie que la proposition peut être mise en oeuvre, sous réserve, au besoin, de l'application des techniques d'atténuation, sans renvoi à un groupe d'experts du BFEEE.
La ministre a déclaré que la piste de ski Goat's Eye était en territoire vierge. Je comprends mal car, à l'intérieur de nos parcs nationaux, c'est l'une des cinq régions où le gouvernement a permis l'accès public pour la pratique du ski de loisir.

La ministre a déclaré que Goat's Eye méritait une évaluation environnementale. Puis-je lui suggérer de revoir l'historique du projet? Elle constatera que Mme Gail Harrison, du Service canadien des parcs pour la région de l'Ouest du Canada, a déjà fait une évaluation des incidences environnementales et n'a rien trouvé qui pourrait empêcher la réalisation de ce projet. Un comité de contrôle régional a conclu que ce projet aurait des conséquences minimes ou réduites, tout à fait conforme aux exigences énoncées à l'alinéa 12c) du Processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement.

Divers intervenants, dont des organismes environnementaux non gouvernementaux, se sont réunis pendant trois jours pour étudier le plan à long terme et une entente initiale relative à ce plan, y inclus le terrain de stationnement, a été présentée au ministre de l'Environnement.

Pour ce qui est du terrain de stationnement, Bruce F. Leeson, chef de la Division des sciences de l'évaluation environnementale, région de l'Ouest, du Service canadien des parcs, a déclaré qu'il pouvait être mis en place sans grande difficulté sur le plan environnemental ou technique puisque son service avait déjà réussi des projets de ce genre.

En juillet 1992, le Service canadien des parcs a déclaré que le projet pourrait être adapté au Décret sur les lignes directrices visant le Processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Une première analyse a révélé qu'il serait possible de réaliser le plan à long terme tout en respectant les contraintes environnementales. En août 1992, le ministre de l'Environnement a approuvé le projet.

La société Sunshine a tenu une journée portes ouvertes pour que le public puisse analyser le projet en profondeur et la majorité de ceux qui se sont présentés ont approuvé la proposition. À Vancouver, la Cour fédérale a confirmé le droit de Sunshine de donner suite au projet, malgré l'intervention de groupes d'intérêts spéciaux.

Des groupes d'intérêts spéciaux ont-ils exercé des pressions auprès du gouvernement pour qu'il modifie la procédure et les règles que Sunshine avait suivies avec succès? Des groupes d'intérêts spéciaux vont-ils réussir encore une fois à faire invalider le processus juridique et obliger le gouvernement à ordonner la création de groupes du BFEEE pour chaque projet qu'ils contesteront?

Quand le gouvernement va-t-il se décider à suivre le voeu de la majorité des Canadiens?

Je rappelle à la ministre que deux avis sur trois étaient favorables à l'achèvement du projet Goat's Eye lorsque le gouvernement a demandé l'opinion du public au sujet d'un examen redondant du Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales. Je rappelle également à la ministre qu'un examen redondant du BFEEE gaspillerait l'argent des contribuables et priverait les chômeurs albertains d'emplois immédiats dans le secteur de la construction, et des emplois à long terme que les activités permanentes du projet permettraient de créer. Toutes ces activités seraient tout à fait conformes à ce que préconise le livre rouge.

Pourquoi le ministre continuerait-elle de faire obstacle? Le fait d'exiger une étude du BFEEE sur cette question est en contradiction avec l'alinéa 12 c) des lignes directrices, que la ministre prétend vouloir maintenir.

[Français]

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, au nom du ministre du Patrimoine canadien, il me fait plaisir de fournir des renseignements supplémentaires suite à la question du député de Wild Rose concernant le développement de Sunshine Village.

[Traduction]

En tant que gardien de nos parcs nationaux et de nos sites historiques, Patrimoine Canada a pour fonction de protéger notre patrimoine national. La protection des ressources patrimoniales est fondamentale si on veut que la génération actuelle et les générations futures puissent en profiter. En tant que Canadiens, nous devons tout faire pour veiller à ce que tout développement au sein d'un parc national soit respectueux de notre patrimoine naturel.

Le bail de Sunshine couvre 918 hectares de terres fédérales dans le parc national de Banff. Des parties de l'espace skiable sont situées dans la prairie alpine dont l'équilibre écologique est très fragile.

Par suite d'une enquête publique tenue sur la demande de permis pour la phase II du projet Goat's Eye, nous avons déterminé que ce projet constituait un réel danger pour l'environnement et que le projet Goat's Eye et le plan de 1992 étaient en fait étroitement liés. En conséquence, le ministre du Patrimoine canadien a renvoyé les propositions de développement au ministre de l'Environnement pour l'établissement d'une commission d'évaluation environnementale.

L'examen de la proposition de Sunshine est conforme au Processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. Il y a des exigences juridiques à respecter pour ce qui est

1341

des lacunes scientifiques, et le public s'inquiète de la proposition dans son libellé actuel.

L'évaluation environnementale a été la clé du développement de la station de ski jusqu'à maintenant. En fait, une bonne partie des données recueillies plus tôt peuvent être utilisées dans l'évaluation actuelle. Nous continuerons de prendre au sérieux nos responsabilités de gestionnaires des précieux trésors naturels du Canada.

Le vice-président: Vu que personne n'est ici pour soulever le dernier point, nous allons lever la séance.

Conformément au paragraphe 38(5) du Règlement, la motion d'ajournement est adoptée d'office. La Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 48.)