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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 13 juin 1995

L'ACCÈS À L'INFORMATION

AFFAIRES COURANTES

PÉTITIONS

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LA PORNOGRAPHIE

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS AU FEUILLETON

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Motion de troisième lecture. 13685
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 13707
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 13712

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA BATAILLE DE STONEY CREEK

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER DE 2002

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

LES PROVINCES MARITIMES

LA BOSNIE

LES RELATIONS OUVRIÈRES

LES DÉPUTÉS DE L'ARRIÈRE-BAN

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

LE SOMMET DU G-7

LA RÉFÉRENDUM SUR LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LE PARTI LIBÉRAL

    M. Harper (Simcoe-Centre) 13718

LE PARTI RÉFORMISTE

LA CRIMINALITÉ

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 13718

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13719
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13719
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13719
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13720
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13720
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13720

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13721
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13721
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13721

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Martin (LaSalle-Émard) 13721
    M. Martin (LaSalle-Émard) 13722

LA BOSNIE

    M. Mills (Red Deer) 13722
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13722
    M. Mills (Red Deer) 13722
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13722

LE CHÔMAGE CHEZ LES JEUNES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 13723
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 13723

L'ÉCONOMIE

    M. Speaker (Lethbridge) 13723
    M. Martin (LaSalle-Émard) 13723
    M. Speaker (Lethbridge) 13723
    M. Martin (LaSalle-Émard) 13723

LA BOSNIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13724
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13724

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 13724

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

LES AFFAIRES INDIENNES

LA BOSNIE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTION DE PRIVILÈGE

UTILISATION NON AUTORISÉE D'UNE PHOTO-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

QUESTIONS ORALES

LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture, ainsi que de l'amendement 13728

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

AFFAIRES COURANTES

LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture et de l'amendement 13729
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 13730
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 13734
    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 13737
    M. Hill (Prince George-Peace River) 13745

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX

    Projet de loi C-295. Reprise de l'étude de lamotion de deuxième lecture 13748
    Adoption de la motion 13749
    M. Mills (Red Deer) 13755

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Reprise de l'étude de la motion 13757
    Rejet de la motion par 198 voix contre 57 13757
    Adoption de la motion par 192 voix contre 63 13759
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 13760

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-41. Étape du rapport (avec despropositions d'amendement) 13760

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

MOTIONS D'AMENDEMENT

    Report du vote sur la motion no 3 13769
    Motions nos 11 et 12 13769
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 13788
    M. Hill (Prince George-Peace River) 13793

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA DÉFENSE NATIONALE


13683


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 13 juin 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

[Traduction]

L'ACCÈS À L'INFORMATION

Le Président: J'ai l'honneur de déposer le rapport du Commissaire à l'information pour l'exercice terminé le 31 mars 1995, conformément à l'article 38 de la Loi sur l'accès à l'information. Conformément à l'article 32(5) du Règlement, ce document est renvoyé en permanence au Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

M. Milliken: Monsieur le Président, j'ai laissé mes documents en bas. On devrait me les apporter dans quelques instants. Je suis convaincu, étant donné leur importance, que les députés de l'opposition me permettront d'y revenir dans quelques minutes. Cela pourrait peut-être se faire après la présentation des pétitions.

Le Président: D'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

PÉTITIONS

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter ce matin.

La première d'entre elles porte la signature d'un certain nombre d'électeurs des collectivités de Meadow Lake, Loon Lake, Rapid View, Makwa, St. Walburg et Dorintosh situées dans la circonscription de The Battlefords-Meadow Lake.

Les pétitionnaires attirent l'attention du gouvernement sur le fait que la plupart des Canadiens sont des citoyens respectueux des lois et estiment que les médecins du Canada devraient s'occuper de sauver des vies et non d'y mettre fin. Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'agir immédiatement en modifiant le Code criminel de manière à ce qu'il protège l'enfant à naître au même titre que l'être humain.

LA PORNOGRAPHIE

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): La seconde pétition que j'ai entre les mains aujourd'hui, monsieur le Président, est signée par des Canadiens qui habitent la ville de Wilkie et la région avoisinante du nord-est de la Saskatchewan, dans la circonscription de The Battlefords-Meadow Lake.

Les pétitionnaires font remarquer que la pornographie est un sujet très controversé et très complexe qui, par les images négatives des femmes, des hommes et des enfants qu'elle transmet, menace grandement la vie familiale au Canada. Ils signalent en outre que le comportement violent véhiculé entre autres par les cartes de tueurs et les jeux vidéos pourrait nuire aux attitudes et à la conduite des enfants.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de prendre des mesures pour éliminer la pornographie sous toutes ses formes et d'adopter une mesure législative dont les définitions tiennent compte de la société canadienne technologiquement avancée et en évolution rapide de même que des normes de tolérance de la collectivité.

(1010)

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente une pétition qui a circulé d'un océan à l'autre.

Cette pétition a commencé dans les régions de Surrey et de Delta. Les pétitionnaires aimeraient attirer l'attention de la Chambre sur le fait que l'administration du foyer de même que la garde des enfants est une profession honorable dont la société ne reconnaît pas la valeur. Ils ajoutent que la Loi de l'impôt sur le revenu établit une discrimination contre les familles qui optent pour garder à la maison les enfants d'âge pré-scolaire, les personnes handicapées, les malades chroniques et les personnes âgées.

Les pétitionnaires prient donc le Parlement de prendre des mesures pour supprimer la discrimination fiscale contre les familles qui décident de garder à la maison les enfants d'âge préscolaire, les personnes handicapées, les malades chroniques et les personnes âgées.


13684

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Peter Milliken (Kingston et les Îles, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition signée par de nombreux résidants de Toronto, en Ontario, qui demandent au Parlement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne de manière à interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et d'adopter les mesures qui s'imposent pour reconnaître dans la loi fédérale la pleine égalité des rapports entre des personnes du même sexe.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui aux questions nos 137 et 191.

[Texte]

Question no 137-M. Breitkreuz (Yorkton-Melville):

L'administration des lois et des règlements sur les armes à feu exige combien d'employés à temps plein et à temps partiel et coûte combien à l'échelle nationale et quelle est la part des coûts que supportent les trois ordres de gouvernement, fédéral, provincial et municipal?
M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Les dépenses fédérales au chapitre de l'administration de l'actuel programme de contrôle des armes à feu sont absorbées principalement par le ministère de la Justice du Canada et la Section de l'administration et de l'enregistrement des armes à feu de la GRC. Dans le tableau suivant figurent les dépenses fédérales et le nombre de fonctionnaires fédéraux pour le dernier exercice financier, soit 1993-1994. Il faudrait consulter directement les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales pour obtenir l'information sur leurs dépenses.





1. Ce chiffre inclut certaines dépenses ponctuelles. Environ 2,0 millions de dollars ont été investis dans l'élaboration du Cours canadien de sécurité dans le maniement d'armes à feu, une subvention de 1,2 million de dollars pour aider les provinces et territoires à initier la mise en place de leur cours de sécurité et 1,4 million de dollars pour la mise en application du système informatisé de production des autorisations d'acquisition d'armes à feu et formules connexes.
2. Ce montant représente la valeur des nouvelles ententes avec les provinces et les territoires pour l'exercice 1993-1994.
Question no 191-M. Hanger (Calgary-Nord-Est):

Parmi toutes les personnes voyageant dans leur pays d'origine et que des sociétés aériennes ont dirigées vers les autorités canadiennes à l'étranger pour vérification de documents en 1994, combien étaient a) des résidents permanents ayant obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention, ou b) des personnes résidant au Canada après avoir revendiqué le statut de réfugié, et ce, pour chaque pays où de telles vérifications ont été effectuées?
L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Les autorités canadiennes à l'étranger ne tiennent habituellement pas de données statistiques sur le nombre de personnes qui leur sont renvoyées par des transporteurs aériens aux fins d'une vérification des documents. Il est vrai que certains bureaux à l'étranger peuvent décider de compiler des données dans un but de vérification de leur charge de travail, quand cette activité précise occupe une partie importante de l'ensemble de leurs tâches relatives à l'immigration. Le gouvernement n'est donc pas en mesure de fournir des chiffres par pays sur le nombre de personnes visées qui seraient des réfugiés au sens de la Convention ou des demandeurs du statut de réfugié voyageant dans leur pays d'origine.

On peut toutefois dire que parmi les personnes ainsi dirigées vers les autorités canadiennes se trouvent des personnes dont les documents sont ultérieurement jugés être des faux et qui essaient de se rendre illégalement au Canada, ou des personnes dont les documents soulèvent des doutes pour une raison ou pour une autre, mais qui sont par la suite jugées être des voyageurs munis des documents voulus. Il peut s'agir notamment de visiteurs ou d'étudiants étrangers, de résidents permanents et de citoyens canadiens. Certains des résidents permanents confirmés comme tels sont des réfugiés au sens de la Convention qui ont obtenu le droit d'établissement ou qui avaient revendiqué le statut de réfugié antérieurement, alors que d'autres ont été admis comme immigrants indépendants, gens d'affaires immigrants, ou membres de la catégorie de la famille. Il faut savoir en outre que des titulaires de documents canadiens sur la résidence permanente, quelle que soit la catégorie du droit d'établissement, sont aussi dirigés vers les autorités pour d'autres raisons; par exemple, établir si, à la suite d'une absence prolongée du Canada, ils ont toujours droit au statut de résident canadien.

On n'a aucune raison de croire que le nombre de personnes renvoyées pour vérification de documents, qui ont reçu le droit d'établissement comme réfugiés ou qui ont antérieurement revendiqué le statut de réfugié, est disproportionné par rapport à leur pourcentage du mouvement global d'immigration.

[Traduction]

M. Milliken: Je remarque que la question no 137 est au nom du député de Yorkton-Melville. Je sais qu'il lui tardait d'obtenir cette réponse avant que le projet de loi C-68 ne franchisse l'étape de la troisième lecture. Je suis très heureux de pouvoir satisfaire à sa demande et de lui donner la réponse aujourd'hui. Je reconnais que la réponse est tardive, mais nous voulions qu'elle soit fouillée, complète et précise.

Tandis que j'y suis, je demande que les autres questions restent au Feuilleton et je demande le consentement de la Chambre pour que l'on revienne au dépôt de documents afin de déposer des réponses à certaines pétitions.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'aimerais remercier le secrétaire parlementaire de cette information. Je suis impatient de la recevoir. C'est peut-être un peu tard pour le débat d'aujourd'hui. Je constate que le projet de loi C-68 figure au Feuille-

13685

ton, mais nous pouvons peut-être transmettre cette information au Sénat.

Le président suppléant (M. Kilger): Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): En ce qui a trait à la demande de consentement unanime, faite par le secrétaire parlementaire, afin que la Chambre revienne au dépôt des documents, les députés sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, la réponse du gouvernement à cinq pétitions.

_____________________________________________


13685

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LES ARMES À FEU

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, nous entamons ce matin la dernière étape d'un processus dans le cadre duquel les députés étudient et débattent depuis plus d'un an des questions qui se rattachent à l'enregistrement des armes à feu, mais plus largement au genre de pays que nous voulons pour nous et nos enfants.

Il n'est pas étonnant que le débat sur les armes à feu ait été à l'occasion animé, souvent orageux et parfois source de divisions. Nombreux sont ceux qui veulent se faire entendre. Il y a les agriculteurs, les éleveurs qui doivent pouvoir continuer de se servir d'armes à feu dans l'exercice de leur métier. Il y a aussi les chasseurs et les tireurs sur cible dont le choix de sport exige notre respect. Il y a les pourvoyeurs, les habitants de petites localités dont le gagne-pain dépend du succès de la saison de chasse; le chasseur de subsistance qui nourrit sa famille à l'aide d'une arme à feu; les policiers qui, comme tous les honnêtes citoyens, veulent disposer des moyens nécessaires pour dissuader, détecter et punir ceux qui commettent des crimes avec des armes à feu. Il y a aussi les Canadiens de partout qui veulent que le gouvernement préserve et renforce les valeurs sociétales qui nous ont toujours distingués comme pays-Des Canadiens qui contemplent avec tristesse la situation américaine et qui veulentque leur gouvernement national engage leur pays sur une autre voie.

(1015)

Je crois sincèrement que le projet de loi C-68 nous offre un moyen d'assurer un avenir où nous pouvons préserver les valeurs typiquement canadiennes tout en respectant les intérêts légitimes que j'ai mentionnés tout à l'heure et en sévissant efficacement contre l'utilisation des armes à feu par les éléments criminels.

[Français]

Le gouvernement estime que la réglementation des armes à feu devrait viser principalement à faire en sorte que le Canada demeure un pays serein, civilisé et paisible. Les Canadiens ont la ferme intention de sauvegarder et de renforcer la civilité exceptionnelle qui les a toujours distingués. Nos politiques témoignent de l'engagement du présent gouvernement en ce sens.

Alors, voici les éléments du projet de loi C-68 que nous débattons aujourd'hui: premièrement, des mesures sévères pour contrer l'usage criminel des armes à feu; deuxièmement, des peines précises pour punir ceux qui font la contrebande illégale des armes à feu; troisièmement des mesures générales pour délimiter ce qui constitue un usage légitime des armes à feu qui ne menace pas la sécurité publique.

Pour chacun de ces éléments, l'enregistrement universel des armes à feu est une condition fondamentale de l'atteinte des objectifs que j'ai énoncés.

[Traduction]

Le gouvernement n'a pas varié dans sa défense des principes fondamentaux du C-68. Mais il a apporté au projet de loi des changements en réponse aux critiques constructives et aux préoccupations légitimes.

Je tiens à exprimer ma gratitude envers les membres du caucus libéral qui, déterminés à faire valoir les préoccupations de leurs électeurs, nous ont poussés à apporter des changements constructifs au projet de loi. Je tiens aussi à souligner le merveilleux travail des membres du Comité de la justice, des collègues de tous les partis qui se sont donné la peine de scruter le projet de loi article par article. Je leur suis très reconnaissant et j'admire le travail qu'ils ont accompli.

Nous avons effectué beaucoup de changements. Nous avons créé une Loi sur les armes à feu pour retirer le processus de réglementation du Code criminel en réponse aux préoccupations des propriétaires d'armes à feu. Nous avons changé les règles concernant l'utilisation et la cession des armes à feu prohibées, notamment des armes de poing, de manière qu'elles puissent être échangées à l'intérieur d'une catégorie de propriétaires.

Nous avons étalé sur huit ans la mise en place du processus de délivrance de permis et d'enregistrement afin de réduire au minimum les inconvénients pour les propriétaires d'armes à feu. Nous avons changé la nature et l'effet de la peine prévue pour ceux qui négligent par inadvertance une première fois d'enregistrer une arme à feu en vertu du régime, qui ne deviendra obligatoire qu'en 2003.


13686

Nous avons changé les pouvoirs d'inspection en réponse à ceux qui estimaient qu'il y avait là matière à abus. Nous avons permis que les reliques et les trésors de famille puissent être transmis de génération en génération à cause de leur valeur sentimentale ou historique.

Cependant, les principes fondamentaux du projet de loi sont restés intacts, entre autres: de lourdes sanctions pénales pour ceux qui commettent des crimes avec des armes à feu; la peine d'emprisonnement minimale obligatoire la plus longue du Code criminel pour ceux qui utilisent des armes à feu pour commettre l'un ou l'autre de dix crimes graves énumérés; la nécessité de sévir contre la contrebande en renforçant les contrôles frontaliers et en investissant dans les moyens de réduire l'entrée au pays d'armes à feu de contrebande; le retrait de la circulation des armes de poing qui n'ont pas leur place dans les sports légitimes et dans le tir sur cible; des permis renouvelables pour les propriétaires d'armes à feu et l'enregistrement universel obligatoire de toutes les armes à feu. Ainsi, notre pays peut exercer un certain contrôle sur les armes à feu tout en respectant l'utilisation des armes à feu à des fins traditionnelles.

(1020)

C'est l'enregistrement des armes à feu qui a suscité le plus de controverse. Beaucoup de critiques ont été formulées qui étaient malheureusement trop souvent dénuées de fondement. On dit que, avant de prendre une telle mesure, le gouvernement doit prouver hors de tout doute que l'enregistrement universel obligatoire va réduire le taux de criminalité, qu'il doit chiffrer le nombre de vies que cette mesure épargnera.

Je rejette cet argument captieux. Je dis qu'il ne s'applique pas plus à cette proposition qu'à toute autre. Je dis que, sur la foi des données qu'il a communiquées au comité, aux Communes et au public, notre gouvernement a satisfait à la preuve nécessaire pour justifier un projet de loi qui réglemente la conduite des affaires humaines.

Nous présentons la preuve des chefs de police. Nous nous sommes fiés aux opinions et à l'avis de l'Association canadienne des policiers. Nous avons fait nôtres les convictions de l'Association canadienne des commissions de police. Nous avons compati avec les victimes de violence qui ont perdu des membres de leur famille. Nous avons fait front commun avec les médecins des salles d'urgence, avec les traumatologues, avec les experts du suicide, avec tous ceux qui, d'une même voix, soutiennent que l'enregistrement universel obligatoire de toutes les armes à feu cadre avec la réglementation de la propriété au Canada.

Certains pourfendeurs du principe d'enregistrement universel obligatoire colportent des rumeurs qu'il faut absolument démentir. On dit par exemple que l'enregistrement ne servira à rien parce que les criminels n'enregistreront pas leurs armes, ce à quoi je réponds: justement. Le fait qu'ils ne les aient pas enregistrées les identifiera comme des criminels. Lorsqu'un système étanche d'enregistrement universel obligatoire sera en place, il nous permettra de repérer les criminels par défaut.

Voici une anecdote que m'a racontée mon collègue, le député de Waterloo, qui a pris la parole, la semaine dernière, dans sa circonscription au sujet d'un incident au cours duquel des policiers ont effectué un raid dans un lieu où ils avaient raison de croire qu'un crime était en cours. Ils y ont découvert des armes longues. Ils n'ont jamais pu établir si les personnes qui les avaient étaient autorisées à les avoir en leur possession. Lorsque l'enregistrement sera obligatoire, les autorités pourront le savoir.

Je vous rappelle l'enquête qui a suivi le décès de Jonathan Yo, impliqué dans le meurtre par balle de Nina de Villiers, cette jeune femme qui a connu une fin si tragique aux mains d'un criminel. Dans le cadre de cette enquête, le jury a pendant des mois entendu des témoignages au sujet des événements qui ont mené au décès. Parmi ses nombreuses recommandations visant à renforcer le système de manière à prévenir de telles tragédies, il a réclamé l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu, y compris des carabines et des fusils de chasse.

Autre rumeur, les pourfendeurs de l'enregistrement prétendent que celui-ci vise à régler un problème de criminalité urbaine au détriment des régions rurales. Il a maintes fois été démontré qu'au Canada, les taux de décès et de blessures causés par des armes à feu sont beaucoup plus élevés à la campagne qu'en ville.

La majorité des Canadiens et Canadiennes tués au moyen d'une arme à feu connaissent leur meurtrier. Les armes à feu sont l'arme de prédilection lorsqu'une personne est tuée durant une scène de violence familiale. Au Canada, une femme est tuée au moyen d'une arme à feu tous les six jours, en moyenne. Elle est presque toujours tuée chez elle, presque toujours par quelqu'un qu'elle connaissait et presque toujours au moyen d'une carabine ou d'un fusil que le meurtrier avait légalement en sa possession.

Quel est le rapport avec l'enregistrement, me demandez-vous? D'après les policiers, le recours soutenu à un système obligatoire d'enregistrement universel leur donnera les moyens de faire respecter les ordonnances d'interdiction rendues contre des personnes connues pour leur violence et de sauver des vies si, dans pareille situation, ils peuvent leur retirer leurs armes.

(1025)

Ceux qui s'opposent au système colportent des rumeurs en prétendant que le coût fait obstacle. Par exemple, ils affirment que la mise en place du système coûtera 1,5 milliard de dollars et l'enregistrement de chaque carabine, entre 100 $ et 300 $. Ce sont des faussetés.

Quelqu'un de la côte ouest a en effet, à l'issue d'une étude menée pour le compte du Fraser Institute, conclu que le coût du système serait de 1,5 milliard de dollars puisque l'enregistrement d'une arme de poing coûte actuellement 82 $, en moyenne. Effectivement, le coût moyen sera de 82 $ s'il est calculé en fonction du système actuel, complètement désuet, et des enquêtes policières menées relativement à chaque demande.

La personne a donc appliqué ce coût unitaire aux six ou sept millions d'armes longues déjà enregistrées au Canada, oubliant qu'aux fins d'enregistrement des stocks existants d'armes longues, nous demanderons simplement aux propriétaires de nous retourner par courrier une fiche les identifiant et décrivant leurs armes. On se contentera de vérifier, dans le fichier central de l'Association canadienne des policiers, que le propriétaire ne


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fait pas l'objet d'une ordonnance lui interdisant d'avoir en sa possession des armes à feu. Il recevra alors son permis et son certificat d'enregistrement. Nous sommes loin des 82 $ que coûtera, selon l'auteur de l'étude, l'enregistrement des armes au Canada. L'auteur, plutôt que d'étudier honnêtement la question, en invente.

Les opposants affirment aussi que les systèmes mis en place en Nouvelle-Zélande, en Australie et ailleurs n'ont pas donné les résultats escomptés. C'est faux.

Le système d'enregistrement de la Nouvelle-Zélande qui datait de 1920 était constitué de fiches manuscrites. Ce pays y a renoncé au début des années 80 à cause du trop grand nombre de fiches, impossible à gérer. Quoi qu'il en soit, la Nouvelle-Zélande n'est pas exactement l'endroit au monde où les armes à feu sont les plus préoccupantes. Elle est loin d'avoir les problèmes avec lesquelles nous sommes aux prises, au Canada. La Nouvelle-Zélande a aboli le système pour des raisons tout à fait indépendantes des arguments invoqués ici contre l'enregistrement.

Quant à l'Australie, l'enregistrement des armes longues est actuellement obligatoire dans cinq de ses huits États et Territoires. En 1990, un comité national d'étude de la violence a recommandé que cette exigence soit étendue au reste du pays. Voilà les faits. Il est temps que l'on cesse de colporter des rumeurs.

Les témoignages entendus par le Comité de la justice de la Chambre des communes ont révélé que, dans les pays européens où l'enregistrement de toutes les armes à feu est obligatoire, le taux d'accidents, de blessures et de décès dus à des armes à feu est inférieur.

Ceux qui sont contre l'enregistrement prétendent que le gouvernement veut le rendre obligatoire en vue de pouvoir, un jour, confisquer les armes. À cela, je réponds qu'en 1940, le gouvernement du Canada a institué l'enregistrement obligatoire des carabines et des fusils de chasse dans le cadre de l'effort de guerre. Les Canadiens ont répondu à l'appel et, pourtant, leurs armes n'ont pas été confisquées. À l'intention des pourfendeurs, je précise qu'en 1977, lorsque l'actuel régime d'autorisation d'acquisition d'armes à feu a été mis en place, on a encore prétendu qu'il mènerait inévitablement à la confiscation. Or, il n'y a pas eu de confiscation. Voilà à quoi en sont réduits ceux qui ont épuisé les arguments contre le contrôle des armes à feu: ils en inventent de toutes pièces.

J'aimerais m'arrêter très brièvement à ceux qui se sont faits remarquer, à la Chambre, par leur opposition au projet de loi. Je parle, naturellement, du troisième parti, de ce parti qui s'est présenté à la Chambre, il y a dix-huit mois, comme étant le parti du peuple, clamant que les positions qu'il prendrait, les programmes qu'il défendrait et les opinions qu'il exprimerait reflèteraient les valeurs et les vues des Canadiens en général.

Je me souviens très bien de l'époque où les députés du troisième parti posaient à la Chambre des questions qui leur avaient été inspirées par le public, car ils tenaient tellement à parler au nom des Canadiens.

Certains députés du troisième parti sont restés fidèles à leurs principes et comptent le demeurer. Ils vont voter pour ce projet de loi parce qu'ils savent que la majorité de leurs électeurs l'appuie. Je les félicite pour leur fidélité à leurs principes.

Toutefois, ce troisième parti, le parti du peuple, le parti de l'ordre public, le chef de ce troisième parti et la majorité de ses membres ont dit qu'ils allaient voter contre le projet de loi et contre la volonté de la majorité. Il y a à peine deux semaines, 74 p. 100 des habitants de la Colombie-Britannique, 58 p. 100 des habitants de l'Alberta et 72 p. 100 des habitants de l'Ontario se sont prononcés en faveur de l'enregistrement des armes. Le sondage Angus Reid, qui a été réalisé il y a deux semaines, montre que les Canadiens veulent de manière générale que le Parlement adopte ce projet de loi.

(1030)

Mme Chamberlain: Nous représentons le Canada.

Une voix: C'est 50-50 en Alberta.

M. Rock: J'invite le troisième parti à se ranger du côté du gouvernement, des corps policiers, des médecins des salles d'urgence, des victimes de crimes et d'appuyer ce projet de loi au nom du peuple canadien.

[Français]

Nous avons actuellement une occasion, au nom du Parlement du Canada, de nous prononcer sur le genre de Canada que nous désirons pour nous-mêmes et pour nos enfants, sur les efforts que nous sommes prêts à faire pour préserver le pays pacifique et civilisé dont nous sommes fiers et pour montrer qui, au juste, a le contrôle des armes à feu au Canada. Est-ce que ce sont les groupes en faveur de ces armes ou les Canadiens en général?

[Traduction]

Aujourd'hui, 13 juin, mes deux fils fêtent leurs huit ans. Ils souhaitent, tout comme leur soeur de 10 ans, grandir dans le même genre de pays que nous avons connu quand nous étions jeunes, un pays sûr, un pays civilisé. Ces qualités pourraient disparaître du jour au lendemain. Elles ont tendance à s'étioler avec le temps. Nous devons continuellement réaffirmer les principes fondamentaux auxquels nous tenons en tant que nation si nous voulons conserver notre unicité. Nous devons nous attacher à défendre les intérêts supérieurs des Canadiens.

Le projet de loi C-68 nous en donne l'occasion. Il respecte les intérêts légitimes des utilisateurs des armes à feu, mais son objectif premier est de préserver notre unicité. Mes enfants, nos enfants et nos petits-enfants ne méritent rien de moins pour leur avenir.


13688

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas tous les jours qu'un projet de loi soumis à la Chambre provoque un débat de société, un débat aussi fondamental que celui auquel nous avons assisté depuis quelques mois et qui se terminera aujourd'hui par le vote que nous connaissons, vote qui aura lieu en fin de journée.

Débat de société, parce qu'il met en présence des valeurs de société. Je pense qu'il y a une chose qu'il faut noter avant d'aborder le débat-et je crois que là-dessus nous aurons un consensus-c'est que nous sommes dans une société en transformation rapide, des transformations qui ne sont pas toujours inscrites dans le sens que nous souhaitons tous, c'est-à-dire que nous assistons à une montée de la violence.

Je crois qu'on ne peut pas tenir ce débat si nous n'avons pas toujours à l'esprit que le danger de la menace qui pointe dans nos sociétés-pas uniquement dans les villes, partout-, que cette violence, elle est constatée non pas seulement chez nous, mais beaucoup du côté de notre pays voisin et ami qui, lui, par l'accélération des phénomènes sociaux qui s'y produisent, a connu avant nous la recrudescence de ce phénomène de violence que nous constatons maintenant chez nous, en train de poindre. Ce n'est donc pas d'une chose bénigne dont nous discutons ni quelque chose d'indifférent, c'est quelque chose d'une extrême importance pour le présent comme pour l'avenir.

La violence se manifeste sous plusieurs formes, bien sûr. Il n'y a pas que la violence qui naît de l'usage des armes à feu, il y a une violence polymorphe, je dirais, multiple, qui procède d'un sentiment de frustration qui est souvent l'expression de très graves problèmens sociaux que nous avons. Il y a une transposition de difficultés psychologiques, familiales, personnelles et collectives qui fait en sorte que cela aboutit à l'usage, entre autres, des armes à feu.

(1035)

Mais on ne peut quand même pas considérer les armes à feu comme quelque chose de banal. Elles sont un des moyens les plus significatifs de la manifestation des formes de violence dont nous avons parlé. Nous en conviendrons tous, je pense, que jusque là nous sommes ensemble. C'est un bout de chemin qu'on peut faire ensemble, de quelque parti qu'on soit. C'est donc une responsabilité d'une société comme la nôtre qui se veut raisonnable, qui se veut vigilante, qui se veut civilisée, de faire en sorte que nous puissions mieux contrôler les armes à feu.

Alors jusque là, je crois que la chose va aller. Je ne pense pas que même nos amis du Parti réformiste soient contre une loi qui permette à l'État de contrôler la violence et d'intervenir. Enfin, s'ils sont contre, ils nous le diront, mais je serais surpris que le Parti réformiste soit contre le contrôle des armes à feu dans le contexte social que nous connaissons. Il est essentiel que, dans une société comme la nôtre, l'État intervienne et assume ses responsabilités pour contrôler les armes à feu.

Nous voici donc saisis d'un projet de loi qui est la perception, qui est la vision que le gouvernement a sur la façon de contrôler les armes à feu. Comment procède-t-il? Le gouvernement fonde sa loi et son intervention, en l'articulant autour de l'enregistrement des armes à feu. Il y a beaucoup de dispositions prises, il y a déjà eu une première réforme faite en 1992, qui avait surtout trait au bannissement de certains types d'armes: les armes d'assaut, les armes à usage prohibé, les armes militaires. Il y avait également des contrôles administratifs sur l'entreposage, et autres. Mais, la réforme qui vient, permet de compléter le cycle des interventions de l'État dans ce domaine et elle repose sur l'enregistrement universel, l'enregistrement de toutes les armes, essentiellement-puisque les autres sont déjà prohibées-les armes de type sportif, les carabines de chasse et autres.

Bien sûr, nous avons un débat controversé, parce que les perceptions sont très opposées. Je ne crois pas qu'on puisse accuser qui que ce soit de ne pas comprendre le bien-fondé de l'autre parti. Nous savons bien que nous avons deux systèmes de valeurs qui s'affrontent. Il y a ceux qui sont surtout, et c'est la majorité considérable, écrasante de nos concitoyennes et concitoyens, qui sont surtout préoccupés par le phénomène collectif de la violence et la nécessité d'imposer un contrôle sur les armes, qui sont un des moyens, et il y a les autres qui voient dans l'intervention de l'État l'apport de restrictions additionnelles indues aux libertés des citoyens et des citoyennes.

Nous ne pouvons pas prendre à la légère la réaction du deuxième camp. Il y a d'honnêtes citoyens qui ont des armes et ilsn'en sont pas moins honnêtes. Je dirais même que l'immense majorité, sinon la quasi-totalité des citoyens qui ont des armes et qui les utilisent pour des fins sportives et qui l'ont fait depuis des générations, se sont comportés comme de remarquables citoyens et qui, face à l'introduction de ces mesures, éprouvent un malaise. Ils se sentent heurtés. Voici l'État qui vient s'imposer à nouveau, et on sent bien que c'est beaucoup lié avec la mentalité de nos citoyens et concitoyens.

Nous sommes un jeune pays, c'est un pays qui existe depuis des centaines d'années, mais nous sommes quand même une jeune société, en tout cas, très proche de ses origines un peu très libres, où il fallait conquérir d'immenses territoires, où il fallait occuper, coloniser, construire dans un immense continent, où il y avait toute la nécessité de faire face à des obstacles. Entre autres, c'étaient des pays qui étaient habités par des animaux sauvages, il fallait absolument que les gens se défendent. Il fallait même tirer la subsistance première du pays en trappant et en chassant.

On sait très bien que, par exemple, au Canada, la chasse au castor a été quelque chose de très important. C'était le fondement de l'industrie du pays. Enfin, les origines du pays sont très liées aux armes à feu. Les armes à feu ont été, et sont encore, j'imagine, pour beaucoup de gens chez nous, le symbole de la liberté, le symbole de la conquête de l'homme sur la nature souvent menaçante. Il y a donc là des valeurs profondes et très anciennes. Et puis, il y a la chasse. On sait bien que l'instinct de chasse est l'un des premiers qui se soit inscrit dans la nature humaine. Il a fallu que les hommes et les femmes soient d'abord des chasseurs, sinon il n'y aurait pas d'humanité aujourd'hui.

Alors, ça va très loin et on peut donc comprendre la nature controversée et très intense du débat qui nous unit. Il y a aussi quelque chose d'autre, je crois, dans la réaction négative de ceux qui n'aiment pas le projet de loi et qui se sont sentis heurtés dès le début de son dépôt à la Chambre, c'est que l'État est déjà beaucoup intervenu.


13689

(1040)

Les libertés des citoyens ont déjà été beaucoup restreintes par des interventions administratives de l'État, par des procédés bureaucratiques, si bien que beaucoup de citoyens et de citoyennes éprouvent une grande fatigue de ce qu'ils considèrent comme un harcèlement de l'État et de la bureaucratie.

Il y a un rêve de revenir à cette société libre et un peu bucolique qui était la nôtre avant, avec la montée d'une fonction publique pléthorique, avec des systèmes et des réseaux qui se créent partout, des ramifications qui n'en finissent plus. Depuis 20 ans en particulier, on a assisté à une explosion de la bureaucratie. Alors les gens sont très méfiants de voir une autre intervention de l'État et cette fois-ci, dans un domaine qui les touche de très près quant à leur conception des libertés civiles.

Pensons aussi qu'il y a beaucoup de gens chez nous qui habitent de très vastes territoires, qui, par exemple, sont propriétaires de fermes. C'est le cas de mes ancêtres, de mon père, car je suis né sur une ferme. Pour eux, il y a un État, il y a un pays, il y a des gouvernements, il y a la police, mais la ferme, ça c'est leur empire. Ces gens-là, lorsqu'ils sont chez eux, sur leur ferme, ne peuvent pas imaginer qu'on puisse intervenir et restreindre en quoi que ce soit leur faculté d'y vivre en toute liberté, d'où l'usage des armes à feu pour la petite chasse et ainsi de suite.

Donc, voici un projet de loi qui heurte une très ancienne mentalité et des réflexes culturels profondément implantés chez nous.

Là, évidemment, il faut s'adresser à la raison. Que ceux qui n'acceptent pas le projet de loi, c'est bien de le dire. Je crois que c'est vrai, que nous avons une immense majorité de gens qui appuient le projet de loi, le Bloc appuie le projet de loi, mais il faut convaincre nos concitoyens qui sont contre, et ce sont surtout les gens qui sont chasseurs, donc qui sont touchés directement par le projet, d'accepter l'intervention de l'État dans ce domaine au nom de principes supérieurs. Parce que nos concitoyens sont tous des gens raisonnables, ils vont réfléchir, ils vont comprendre, mais le choc culturel est là.

Lorsqu'on a adopté les mesures d'attachement obligatoire des ceintures dans les voitures, je me rappelle bien de ma réaction à moi. À l'époque j'étais un jeune homme et j'avais ma première voiture, et puis tout d'un coup, il a fallu attacher sa ceinture dans l'auto. Pour moi, c'était le symbole de la liberté qu'un jeune homme ait sa première voiture-enfin c'est important, on le sait, tout le monde se rappelle de sa première voiture, de la couleur, du prix, etc. L'intervention de l'État dans la voiture, alors là ça n'a pas plu à tout le monde, moi le premier.

Il a donc fallu accepter cela et je vous avouerai qu'il m'est arrivé quelquefois, à quelques occasions, «l'herbe tendre, le diable m'y poussant», comme dirait La Fontaine, de ne pas attacher ma ceinture. Mais il y a longtemps que je l'attache, et je sais que maintenant, c'est dans les moeurs.

Alors voici une intervention de l'État qui a paru bureaucratique, qui a été repoussée par beaucoup de monde et qui, avec la réflexion, le passage du temps, la démonstration évidente que c'était dans l'intérêt commun, a été acceptée. Il y avait des amendes considérables.

Ce sera pareil pour l'enregistrement des armes. D'abord, il faut bien penser que l'enregistrement n'est pas nouveau. Les gens se sont habitués à enregistrer leur voiture, à enregistrer une bicyclette, leur chien. Enfin, c'est acquis. Les premières fois ça n'a pas été agréable. La bicyclette, c'est épouvantable. À l'époque, imaginez-vous enregistrer une bicyclette, un adolescent qui devait enregistrer sa bicyclette, c'était épouvantable, mais cela a été accepté.

Beaucoup de choses ont été acceptées parce que c'était dans l'intérêt commun. Je suis convaincu que ça va l'être aussi et je suis convaincu que le gouvernement s'emploiera à convaincre les gens de le faire. Je ne doute pas que le ministre, qui est un ministre intelligent et qui comprend bien la société, s'assurera que l'introduction de ces mesures se fasse convenablement, en convainquant les gens par la raison et non par la force, et que cela se fasse aussi d'une façon civilisée et respectueuse des opinions contraires des gens.

D'autant plus qu'il est vrai que c'est ennuyeux d'enregistrer, mais au fond, quand on y regarde bien, ce n'est pas un débat transcendental. Il n'y a pas un principe fondamental. Les incommodités qui en résulteront sont très minimes. Il s'agit tout de même d'enregistrer une fois, pour toute la vie, les armes qu'on a. Et puis cela ne commencera pas avant trois ans. Donc on a trois ans pour y penser, trois ans pour en discuter, trois ans pour se défâcher, trois ans pour analyser, écouter les autres et essayer de comprendre pourquoi ça va se faire. Quand ça commencera, on aura cinq ans pour le faire.

Il y a là, à mon avis, quelque chose qui va faciliter la mise en place et l'acceptation psychologique par la collectivité des mesures qui sont prises.

Cela étant dit, je ne pense pas, et nous ne pensons pas, nous, que le projet de loi soit parfait, au contraire. Nous l'aurions souhaité différent.

(1045)

Nous aurions souhaité avoir plus de pouvoir de persuasion sur le ministre pour apporter des changements qui nous paraissaient requis. Cependant, je dois reconnaître que des changements que nous avons demandés, ont été acceptés.

Nous, au Bloc québécois, avons essayé de ne pas aborder la question sous l'angle idéologique, de ne pas en faire un débat de principe, un débat de religion, parce que dans la religion, tout le monde a raison, tout le monde a tort. Nous avons essayé de le voir de façon pragmatique et d'apporter une contribution de parti, dans le processus parlementaire, à la mise en place d'une loi équilibrée.


13690

Nous sommes d'accord pour l'intervention de l'État, d'accord pour l'enregistrement, et nous avons souhaité-nous avons essayé, en tout cas-introduire des éléments d'équilibre dans le projet de loi qui a été déposé par le gouvernement.

Il y a des choses qu'on a réussies, par exemple, sur un dossier essentiel, un aspect essentiel de la loi, qu'on a appelé la décriminalisation. Cela nous apparaît important, parce qu'il est essentiel que les bons citoyens, qui sont l'immense majorité, entre autres, du côté des chasseurs, n'aient pas la perception que la loi les assimile à des criminels.

Il est important que les honnêtes citoyens sachent bien que l'État ne les traitent pas comme des criminels et que le fait d'aller à la chasse, le fait d'utiliser les armes comme activités sportives n'en fait pas des criminels, des gens répréhensibles aux yeux de la loi de l'État et de la société. C'est un droit fondamental, et dans cette mesure, ils doivent être respectés.

C'est pour cela que nous avons pensé qu'il fallait convaincre le gouvernement d'apporter une distinction entre ceux qui utilisent des armes pour commettre des crimes et ceux qui l'utilisent pour se comporter comme des citoyens normaux, vaquant à des activités sportives, comme la chasse. D'où l'idée de ne pas faire du défaut d'enregistrement de l'arme, dans le cas d'une première offense, un acte criminel au sens proprement dit. Nous n'avons jamais prétendu qu'il ne fallait pas qu'il y ait de sanctions, nous n'avons jamais prétendu qu'il ne fallait pas que la première offense dans le défaut d'enregistrer une arme de chasse, par exemple, n'expose pas à des punitions. Il fallait que, dans notre esprit, ça reste un acte dénoncé par la loi, répréhensible et puni comme tel, au niveau pénal. Mais là, il y a toute une distinction qui n'est pas toujours passée dans la population, entre le criminel et le pénal.

Nous, ce que nous aurions souhaité c'est, qu'à la première offense, c'est-à-dire la première fois que vous faites défaut d'enregistrer, vous soyez poursuivis-c'est la loi des convictions sommaires-et que vous soyez condamnés, si vous êtes coupables, mais dans le premier cas, à une amende. Que ce ne soit pas un acte criminel au sens strict du terme du Code criminel, mais comportant des amendes considérables pouvant aller entre 500 $ et 1 250 $, confiscation de l'arme, obligation de l'enregistrer dans les sept jours qui suivraient. Enfin, quelque chose de raisonnable, de sévère, de très sévère, mais qui marquait cette distinction entre l'acte criminel proprement dit et l'infraction de nature pénale.

Le gouvernement n'a pas accepté la vision du Bloc québécois, mais, cependant, a fait un pas dans la bonne direction. Il a institué une infraction spéciale pour la première offense, qui fait en sorte que les gens seront poursuivis en vertu d'une loi statutaire et non pas en vertu du Code criminel; cela va se faire d'une façon sommaire mais, cependant, cela ne sera pas un acte criminel proprement dit, quoique du côté du casier judiciaire, ce n'est pas clair ce qui va arriver. Ça ne sera pas un casier judiciaire traditionnel, mais il semble bien qu'il y aura un registre où les infractions, même de première offense, vont être dénoncées. C'est quand même heureux comme assouplissement puisque ça va aussi donner, je crois, la possibilité à la Couronne, au moment d'intenter les poursuites, de faire un choix. Si c'est un criminel d'habitude qui n'a pas enregistré, ce n'est pas la même chose; si c'est un chasseur ordinaire, ils pourront changer de loi pour intenter la poursuite. Il y a là une discrétion qui pourrait permettre de tamiser le côté que nous blâmions.

Un amendement que nous avons également déposé concerne cette espèce d'interdiction qui pesait sur une personne qui voulait obtenir un permis de possession d'arme, si elle avait des rapports avec quelqu'un, une autre personne, qui était sur le coup d'une ordonnance d'interdiction de posséder des armes. Alors là, le problème de loi initial allait très loin puisqu'il était question de rapport.

(1050)

Il était question, au fond, de culpabilité par association. Dès lors que vous étiez «en rapport», terme extrêmement vague tel que défini, très extensible et qui aurait pu donner lieu à des chasses aux sorcières avec quelqu'un qui avait été interdit de possession d'arme, il y avait la possibilité qu'on vous l'interdise à vous aussi.

Alors, ce que nous avons proposé, nous, c'est que ce soit «en rapport», oui, bien sûr, mais des rapports identifiés par l'habitation sous un même toit. Si vous habitez dans une maison où quelqu'un est interdit de possession d'arme, il serait un peu bête et léger que de vous donner à vous une arme dans la même maison, alors que la personne qui habite avec vous pourrait y avoir accès au même titre que vous en pratique, bien que la loi lui interdise, par ailleurs, de posséder des armes. Le gouvernement a accepté cet amendement.

Nous avons également convaincu le gouvernement, par les dépôts d'amendements que nous avons faits deux jours avant les siens, qu'il y ait une clause grand-père, c'est-à-dire la reconnaissance des cours déjà suivis en maniement d'armes. Nous savons qu'au Québec en particulier il y a déjà assez longtemps que nous avons institué ce régime de cours dispensés pour le maniement des armes avant d'avoir le permis de possession. Il fallait donc que ces cours qui ont été suivis soient reconnus. Il ne faut pas obliger des gens qui avaient suivi des cours au Québec-très bien faits, d'ailleurs-à les recommencer. Donc, le gouvernement fédéral a accepté de reconnaître ces cours et de ne pas contraindre les gens à les recommencer sous l'empire de la nouvelle loi.

Il y a également un amendement que nous avons demandé, celui-ci pour resserrer la loi afin de limiter la discrétion réglementaire qu'avait le gouvernement de permettre l'achat de munitions non prohibées à compter de l'an 2001, durant la période de transition. Le gouvernement a accepté de resserrer la loi et de faire en sorte que cette réglementation soit beaucoup plus stricte.

Un autre aspect sur lequel nous avons attiré l'attention du gouvernement, c'est le pouvoir de visite et d'inspection qui apparaissait dans la première version du projet de loi. Nous ne sommes pas les seuls; on a entendu beaucoup d'inquiétudes manifestées dans notre société un peu partout pour se plaindre de l'étendue excessive du pouvoir ainsi conféré aux policiers qui se trouvaient ainsi à peu près à bénéficier d'une sorte de pouvoir de quasi-perquisition, sans être astreints aux procédures qui, dans


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d'autres domaines, restreignent leurs interventions. Par exemple, par l'obligation d'obtenir l'émission d'un mandat par un juge avec la référence à un critère de motif raisonnable de poser des gestes de perquisition. Alors, en l'espèce, le mandat n'est pas requis, sauf qu'on a limité le pouvoir à des locaux qui ne sont pas des locaux d'habitation, uniquement pour les endroits où on avait raison de penser qu'il y avait dix armes et plus, et le motif doit être un motif raisonnable et non pas simplement l'avis que pouvait avoir le policier avant d'intervenir.

Mais il y a d'autres amendements où nous n'avons pas eu gain de cause. Nous avons des regrets, malgré qu'ils ne soient pas d'importance égale, sur la question du tarif, par exemple. Nous aurions souhaité que le gouvernement se donne une contrainte légale, pour garantir l'engagement qu'il contracte politiquement de se montrer raisonnable et de ne pas hausser les tarifs indûment. On a donc proposé un amendement pour introduire dans la loi un mécanimse pour limiter la hausse des coûts d'enregistrement. On sait que le gouvernement est en place et qu'il y a les intentions du ministre actuel, mais il y a la fonction publique, l'appareil gouvernemental, les circonstances et l'évolution des choses. Dans cinq ans, qui nous dit qu'un sous-ministre ne convaincra pas son ministre de doubler les coûts d'enregistrement. On n'a aucune garantie légale. Nous aurions souhaité qu'il y en ait une dans la loi. Le ministre manifeste les meilleures intentions. Nous espérons qu'elles se reproduiront, mais nous aurions vraiment souhaité qu'il y ait un contrôle du genre, par exemple, de l'ajustement de l'évolution des coûts d'enregistrement à l'évolution de l'indice à la consommation, qui aurait pu être une façon de le faire. Mais le gouvernement n'a pas voulu avoir d'entrave de cette nature, et nous le regrettons.

Nous avions également proposé quelque chose qui avait beaucoup de bon sens, nous semble-t-il, c'était le verrouillage obligatoire, l'installation obligatoire d'un verrouillage sur toute arme manufacturée ou vendue au Canada, de sorte que si vous êtes chasseur et que vous vous présentez dans un magasin d'arme pour acheter une carabine .22, un .12 ou un .20, automatiquement on vous vendra une arme où on a déjà installé un dispositif de verrouillage pour une plus grande sécurité. Nous entendons dire qu'il y avait presque un concensus là-dessus et même que beaucoup d'organismes représentant des chasseurs étaient d'accord. Le gouvernement n'y a pas fait droit et nous nous demandons pourquoi. Est-ce que le lobby des manufacturiers aurait été puissant à ce point? Nous l'ignorons. Mais il aurait été souhaitable que cet amendement soit accepté, alors qu'il ne l'a pas été.

(1055)

Il y a un autre aspect de la loi qui nous paraît poser un principe, celui-là, beaucoup plus important, c'est l'égalité d'application des lois. Le gouvernement se donne dans cette loi un pouvoir arbitraire de réglementation qui lui permettrait, par exemple, d'exempter les autochtones du respect et des contraintes imposées aux autres citoyens par cette loi.

Je ne dis pas que le gouvernement se prévaudra du pouvoir et qu'il exemptera les autochtones, mais comme la mention est exprès dans la loi, nous appréhendons qu'il y ait mise en place d'un traitement inéquitable des citoyens devant la même loi. Cela serait vraiment dommage, terriblement irresponsable que de le faire.

Je ne vois pas en quoi les autochtones sont menacés par l'application de la loi. Si elle est acceptable pour les autres citoyens, elle l'est aussi pour eux. Eux aussi ont le droit d'assurer leur sécurité. Les problèmes de violence existent dans leurs milieux comme dans les nôtres. Je ne vois pas en quoi le gouvernement se réserve ce pouvoir. Pourquoi le gouvernement se réserve-t-il ce pouvoir?

Cela me fait penser, d'une façon beaucoup moins importante, au débat qui avait eu cours durant le référendum de Charlottetown où il apparaissait que la Charte des droits ne s'appliquerait pas dans les communautés autochtones. Je me souviens que même M. Trudeau avait, là-dessus seulement il faut le dire, joint sa voix à celles des souverainistes québécois qui disaient que cela n'avait pas de sens.

On s'entendait pour dire que dans un État de droit comme le nôtre, où nous privilégions l'application de la loi égale pour tout le monde, il fallait absolument qu'il y ait un traitement équitable de tous les citoyens et qu'il était inconcevable que l'on puisse imaginer, que l'on puisse accepter cette concession énorme, incroyable, irresponsable qui avait été faite par MM. Clark et Rae, en particulier, qui faisait en sorte que les autochtones échappaient à l'application de la Charte des droits. C'est un peu le reflet de cela qu'on retrouve ici.

Pourquoi si cette loi est si importante, si elle plonge ses racines si profondément dans le respect des droits et obligations des citoyens, les autochtones seraient-ils exemptés de son application? Nous n'avons pas eu gain de cause, mais nous comptons vraiment sur le gouvernement, sur le ministre, pour nous rassurer là-dessus et nous dire que les citoyens seront égaux devant cette loi, comme devant toute loi, comme il convient dans toute démocratie.

Finalement, il y a un autre amendement que nous aurions voulu voir adopté et nous sommes très inquiets qu'il ait été refusé. Vraiment, cela nous chagrine, cela a provoqué des débats considérables au sein du Bloc québécois. Il y a des gens qui ont même fondé là-dessus des positions très vives au sein du caucus, et nous les comprenons: c'est l'obligation pour tout tribunal d'imposer une sentence minimale de quatre ans à tout contrevenant qui commet un crime avec une arme à feu, quatre ans minimum.

Je trouve que le ministre a donné dans la rectitude politique, qu'il s'est laissé balayer par les lobbys qui ont été parfois excessifs. Nous allons voter en faveur de la loi, mais nous avons été ballottés nous aussi par des vents contraires. Il y a des choses énormes qui ont été dites dans les deux lobbies. Le lobby qui veut le contrôle des armes a été lui aussi parfois excessif.

Je crois que dans ce cas, le ministre n'a peut-être pas respecté l'équilibre. Je crois qu'il aurait fallu que le ministre résiste à ces pressions excessives, qui ne sont pas du tout progressistes, qui rempliront les pénitenciers de jeunes de 18 ans avec aucune chance de se réhabiliter et qui, de plus, introduira une iniquité, une disparité dans le niveau des sanctions pour les crimes.


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Prenons l'exemple d'un jeune homme de 18 ans qui commet sa première offense. On ne sait ce qui pousse les jeunes de 18 ans à commettre un vol dans un dépanneur, on ne le justifie pas, c'est absolument inacceptable, il se produit des choses graves dans ces situations, mais on sait bien que souvent ce sont des jeunes aux prises avec un problème de drogues, qui sont en manque-des gens d'ailleurs très bien éduqués dans leur famille, cela arrive partout-et qui vont pour la première fois de leur vie utiliser une arme pour commettre un vol dans un dépanneur et ils sont automatiquement condamnés à quatre ans d'emprisonnement.

Le juge ne pourra, en aucune façon se pencher sur le cas, faire la distinction, tenir compte des circonstances et essayer de donner une chance à ce jeune homme. À 18 ans, on peut se réhabiliter après une première offense et devenir un très bon citoyen. Tandis qu'avec ce projet de loi, je vous dis que cela m'a fait hésiter avant de prendre position, je regrette profondément que le ministre, qui paraît progressiste à tous égards, ait donné dans cet abus, cela signifie que ce sera l'emprisonnement automatique.

(1100)

C'est la prison qui devient le seul moyen de réhabilitation. C'est le milieu carcéral qui devient le seul établissement de réhabilitation, de réinsertion d'une société pour des jeunes en difficulté. C'est grave cela. Il y a là-dedans une conception phylosophique qui m'inquiète beaucoup. Je suis surpris que le lobby du contrôle des armes ait poussé le ministre dans cette direction. Je suis vraiment très, très surpris parce que je crois que les forces qui nous poussent à adopter cette loi sont des forces progressistes, mais pas dans ce cas-là. Dans ce cas-là, il y a quelque chose d'absolument déplorable, et puis insensé, des choses qui ne se comprennent pas.

Par exemple, si c'est un poignard de 12 pouces de long parfaitement effilé qui est poussé sur la gorge du dépanneur pour commettre le même crime, ce sera un an minimum, ce ne sera pas quatre ans. Entre un poignard et un fusil-il ne sera peut-être pas égorgé-je ne vois pas la différence. C'est pareil pour les viols. Ce sont des choses atroces. Un poignard sur la gorge d'une jeune femme, ou un fusil, au moment d'un viol, quelle est la différence? Les deux sont totalement abominables. Pourtant l'un sera quatre ans, automatique, et l'autre pas.

Il me semble que le ministre qui est chargé de l'élaboration du Code criminel aurait pu avoir un réflexe de bon sens. Il est encore temps, d'ailleurs. Il me semble que c'est une chose qui devrait être réparée, je le crois sincèrement.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je sais que les opposants ont des arguments, je les ai entendus plusieurs fois. Il n'y a personne en cette Chambre qui n'a pas été soumis à des séances de discussions intenses avec les lobbyistes, mais je ne pense pas qu'il y ait un projet de loi qui ait été analysé plus à fond, mieux scruté.

Je connais les arguments, par exemple ceux des lobbyistes. Ils ne sont pas tous insensés les arguments de ceux qui s'opposent au projet de loi, mais je crois qu'on peut les réfuter. Par exemple, ceux qui disent que ça ne change rien, que les armes soient enregistrées ou pas ça ne change rien parce que les criminels ne sont pas obligés d'utiliser une arme enregistrée pour commettre leur crime, c'est un argument. Mais il y a des criminels qui peuvent utiliser des armes enregistrées aussi. Un douze ça peut se scier, ça devient une arme d'assaut extraordinaire. Si l'arme est enregistrée, c'est tellement plus facile pour les policiers de faire l'enquête.

Qu'on ne vienne pas me dire que le fait que les armes soient enregistrées, qu'on puisse identifier le propriétaire, qu'on puisse tout de suite les voir dans le registre central, dans l'ordinateur, que cela n'aide pas la police, voyons. C'est évident que ce sera un moyen redoutable entre les mains des corps policiers pour investiguer les crimes commis, quand les crimes seront commis avec des armes enregistrées.

Les armes non enregistrées sont déjà interdites. Là c'est une question de mettre en place des mesures gouvernementales qui vont interdire l'importation illégale au Canada et la vente d'armes prohibées. Dans la mesure où il y a des millions d'armes légales, qu'elles soient enregistrées. Et dans l'hypothèse, ce qui arrive tellement souvent, qu'elles servent à commettre des crimes, cela va servir puissamment l'efficacité des enquêtes policières. Je pense que cet argument-là ne tient pas.

D'autant plus qu'il n'y a pas que les criminels d'habitude qui commettent des crimes de violence avec des armes. On sait bien par exemple que la violence familiale, que les gestes de désespoir, etc., ça se commet la plupart du temps avec des armes légales, des armes qui sont à la maison. Vous me direz: «Enregistrées ou pas, qu'est-ce que ça va changer?»

Je crois que l'enregistrement a une valeur didactique extrêmement importante. Si après ce grand débat de société la loi est adoptée, comme je l'espère, il y aura une répercussion immédiate, c'est qu'on ne pourra plus banaliser les armes à feu. On ne pourra plus traiter les armes à feu comme un objet courant, comme un lance-pierres. Il y a une sorte de geste, je ne dirais pas de respect, mais il y a une sorte de qualité de rapport avec les armes qui va changer. Les perceptions vont être tout à fait différentes. Les gens vont savoir que les armes sont traitées par l'État comme des instruments dangereux.

Effectivement, les armes, à la différence des voitures par exemple et des bicyclettes, c'est fait pour tuer. Sauf pour les gens qui font du tir, c'est assez rare les gens qui en font un sport, il y en a, mais essentiellement, quand on a une arme à feu à la maison, c'est pour tuer, pour aller à la chasse. Et puis ça tue très efficacement. C'est à peu près ce qu'il y a de plus efficace pour assurer cette fonction.

(1105)

Il faut que les gens se rendent compte-et je pense qu'ils devront s'en rendre compte de plus en plus, surtout quand ils seront obligés de les enregistrer-qu'une arme, ce n'est pas quelque chose de domestique, ce n'est pas banal, c'est un instrument dangereux et ça peut facilement être utilisé pour des fins criminelles et pour des fins de violence.

Donc, je crois que dire que cela ne change rien est inexact. D'ailleurs, si ça ne changeait rien, je pense bien que les lobbys puissants qui se sont agités ne l'auraient pas fait autant. On a parlé des coûts aussi, on a dit que ça coûtait trop cher. Là-dessus, nous avons les estimations du ministre. Nous n'avons pas de raison de contredire et de douter que le ministre et son ministère l'ont fait correctement. Il peut y avoir des écarts, on peut se tromper, mais on parle de 24 millions de dollars par année sur cinq ans, une moyenne annuelle de 24 millions, environ 119-120 millions de dollars pour les cinq prochaines années, et après, une fois le registre mis en place et le système constitué, il est évident


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que cela va coûter moins cher et que ce sera la gestion courante d'un système déjà établi.

Cela va coûter de l'argent, bien sûr, mais ça ne nous paraît pas disproportionné, compte tenu d'autres dépenses qu'on fait qui le sont bien plus et qui ne servent à rien, par rapport à quelque chose de si important dans nos sociétés. Et puis, pour les individus, vous savez, j'ai toujours été un peu renversé par l'intensité de certaines oppositions, quand je pense à ce que cela représentera pour quelqu'un. Essayons de voir ce que cette loi veut dire pour un individu, un citoyen, pour quelqu'un, par exemple, qui va à la chasse une fois par année ou qui garde à la maison trois ou quatre armes. Il peut arriver qu'une personne possède un .12, un .22, un .20. Alors, cette personne aujourd'hui qui s'inquiète et qui, peut-être, a été bien inquiétée par les lobbies qui ont fait beaucoup de bruit, cette personne devrait savoir ce qui va lui arriver, ce que cela veut dire pour elle.

Admettons que la loi soit adoptée ce soir. Qu'est-ce que cela va vouloir dire en termes de changements pour le citoyen qui a trois armes chez lui? Cela va vouloir dire que, pendant trois ans, cela ne changera rien. En 1995, 1996, 1997, jusqu'à 1998, rien. Jusqu-là, ça va. Et puis, en 1998, il aura cinq ans pour aller enregistrer toutes ses armes d'un coup, pour la vie, et ça va lui coûter 10 $, jusqu'à concurrence de dix armes. Entre nous, est-ce qu'il y a lieu de mettre le pays à feu et à sang pour une chose comme celle-là? Voyons! On a beaucoup exagéré. Les citoyens, au Canada, sont habitués à se soumettre à des complexités beaucoup plus considérables et ils sont habitués à faire beaucoup plus de choses que ça avec le gouvernement et ce n'est pas un cas de harcèlement indu. Je crois que cela se situe dans les limites du raisonnable.

[Traduction]

Il me semble que des gens de bonne foi se sont âprement disputés à propos de ce débat. Des principes très importants étaient en jeu, des principes collectifs: la nécessité d'aborder la question de la violence au Canada et au Québec et, par ailleurs, la tendance naturelle à protéger les droits de l'individu. Il s'agit de questions très légitimes. Tous ces gens sont fort honorables et ils défendent et protègent des valeurs parfaitement légitimes.

Nous devons juger et estimer ces valeurs. En dernier ressort, lorsque nous y réfléchirons calmement en tant que bons citoyens, nous ne pourrons que conclure que c'est la loi qu'il nous fallait, que c'est la décision qu'il fallait prendre. Il ne s'agit pas de la meilleure loi. Nous aurions pu faire bien des choses pour l'améliorer. Nous avons tenté de le faire. Nous y sommes parvenus dans certains cas, mais pas dans tous. Dans l'ensemble, on est arrivé à un équilibre. Si nous voulons protéger notre société contre la montée de la violence, c'est ainsi qu'il faut procéder.

Pour les simples citoyens, les effets négatifs ne seront pas très importants. Cette loi signifie que toute personne qui possède trois, quatre, cinq ou dix fusils de chasse n'a rien à faire d'ici trois ans. À partir de 1998, elle devra songer à enregistrer ses armes. Elle disposera de cinq années pour le faire, à partir de 1998. Une fois fait, cet enregistrement sera valable pour toute la vie, et il coûtera 10 dollars.

Je ne pense pas que cette loi mérite le genre de débat que nous avons sur bien d'autres questions au Canada. Nous aurons un débat beaucoup plus âpre cet automne. Il serait bon de reconnaître qu'il s'agit là d'une question raisonnable à régler avant d'aborder d'autres questions beaucoup plus importantes.

(1100)

[Français]

Le Bloc québécois n'est pas satisfait totalement de la loi, mais nous croyons qu'elle respecte un équilibre de société et que dans l'intérêt commun, il faut voter pour la loi, et c'est ce que nous ferons ce soir.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, nous avons siégé hier soir jusqu'à 23 heures pour voter sur les derniers amendements au projet de loi C-68. Moins de 24 heures plus tard, nous avons notre dernier débat à ce sujet, soit la troisième lecture du projet de loi. Cela ne nous a pas vraiment donné beaucoup de temps pour analyser les conséquences des amendements qui font maintenant partie du projet de loi. Cela me rappelle un peu ce qui s'est passé lors de l'étude des amendements article par article, que nous avons dû précipitamment effectuer avec un très court préavis, après avoir entendu les derniers témoins qui ont comparu devant le comité.

Je commence mon allocution en racontant à la Chambre et au ministre de la Justice l'histoire d'une affaire judiciaire relative à des armes à feu, entendue en Alberta et présidée par le juge Demetrick. En rendant sa décision, le juge a déclaré que la définition d'arme à feu qui figure actuellement dans le Code criminel est si emberlificotée qu'elle est vide de sens, au plan juridique, et qu'elle ne correspond absolument pas à la réalité. Lorsque je l'ai lue, j'ai été absolument abasourdi de voir que le Parlement du Canada produit des lois qui, d'après nos tribunaux, ne correspondent pas du tout à la réalité. Je suis persuadé que nous ne pouvons pas avoir de lois qui ne correspondent absolument pas à la réalité, à moins que les principes qui les sous-tendent ne correspondent également pas du tout à la réalité.

L'actuel projet de loi relatif au contrôle des armes à feu ne va certainement pas permettre de contrôler les armes à feu, mais simplement permettre de les enregistrer. Lorsque j'ai examiné le projet de loi, je me suis rendu compte qu'il ne s'écarte pas des bons principes qui guident ce pays depuis 25 ans. Cela correspond à ce que le Juge Demetrick faisait remarquer. Qu'est-ce qui guide ce pays depuis 25 ans? Lorsqu'on examine la dette, la Loi sur les jeunes contrevenants, le système de libération conditionnelle ou le système judiciaire et certaines des disparités de ces systèmes, on se demande si les principes qui les sous-tendent ne sont pas fort éloignés de la réalité.

Comment pouvons-nous nous retrouver dans une situation où la dette se chiffre à 600 milliards de dollars si ce n'est que les principes qui sous-tendent notre politique financière et monétaire ne correspondent pas du tout à la réalité? Comment pouvons-nous avoir une Loi sur les jeunes contrevenants, alors que le système judiciaire n'arrive pas à régler le cas des jeunes contrevenants de moins de 12 ans? Comment en sommes-nous arrivés à pareille situation, si ce n'est que les auteurs de ces lois sont


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complètement éloignés de la réalité et n'ont pas la moindre idée de ceux qui y sont assujettis?

Examinons le système de libération conditionnelle, dont Mélanie Carpenter est la dernière victime. Le principal suspect de ce crime, M. Auger, était en libération conditionnelle en vertu d'une exigence réglementaire, après n'avoir purgé que les deux tiers de sa sentence, quand bien même, de l'avis des responsables, il était dangereux de le relâcher. Nous devons nous poser la question suivante: quels genres de principes sont à l'origine de cette sorte de loi? Le juge Demetrick m'a donné un élément de réponse lorsqu'il a déclaré qu'ils ne correspondaient pas du tout à la réalité.

(1115)

À mon avis, ce projet de loi ne s'écarte pas du raisonnement qui guide cette Chambre et le Parlement depuis 20 ou 25 ans. Il reflète simplement une ligne de pensée qui est tellement coupée de la réalité qu'il m'arrive souvent de penser que le ministre de la Justice et ses fonctionnaires ne savent pas ce qu'ils font.

Par ce projet de loi, le gouvernement veut donner l'impression qu'il punira plus sévèrement les crimes et les criminels. Or, le ministre de la Justice a eu l'occasion de se prononcer soit pour une société plus sûre, soit contre les auteurs de meurtres au premier degré lorsqu'on a proposé, dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire, de supprimer l'article 745 du Code criminel. Tout le monde sait qu'il a voté pour l'auteur du meurtre au premier degré et contre une société plus sûre, contre les Melanie Carpenter de ce pays. C'est donc avec grand soin qu'il faut examiner les motifs qui sous-tendent ce projet de loi.

Aujourd'hui, nous avons entendu le ministre parler, entre autres, des colporteurs de rumeurs. J'ai l'intention d'aborder ce point, mais avant, j'aimerais vous parler des directives qu'a données le cabinet du premier ministre aux membres du Parti libéral sur le projet de loi C-68. D'abord, ces directives précisent que le gouvernement s'est entendu avec l'opposition officielle pour ce qui est du temps à consacrer au débat portant sur le C-68, le contrôle des armes à feu, et le C-41, la détermination de la peine. Comme c'est bien! Ensemble, ils ont décidé de couper court à tout long débat qui permettrait à tous les députés d'exposer les vues de leurs électeurs sur ces projets de loi très controversés.

Deuxièmement, les directives précisent que toute personne raisonnable se doit de reconnaître que ce projet de loi a fait l'objet de vastes consultations. Arrêtons-nous un instant sur cette question et voyons qui colporte des rumeurs.

Le ministre de la Justice a déclaré, en réponse à des questions posées à la Chambre, qu'il a eu des discussions continues à ce sujet avec les procureurs généraux des provinces. Or, les procureurs généraux qui ont comparu devant le comité permanent ont carrément nié cette affirmation. Je fais allusion, plus précisément, au procureur général du Manitoba. Lorsque nous lui avons posé cette question, elle a affirmé que le ministre de la Justice et ses fonctionnaires ne l'avaient pratiquement pas consultée à ce sujet.

Nous avons rencontré le procureur général de l'Alberta, le procureur général de la Saskatchewan, ainsi qu'une délégation formée du chef du Parti libéral, Lynda Haverstock, et du chef du Parti conservateur de cette province. Ils ont également nié avoir été consultés. Le procureur général de l'Alberta a dit exactement la même chose.

Nous avons ensuite rencontré les ministres de la Justice des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. Ils ont eux aussi affirmé qu'ils n'avaient pas vraiment eu de discussions avec le ministre de la Justice sur ce projet de loi.

Le président de l'Association de tir olympique a indiqué qu'il n'y a pas eu de consultations. À preuve, dans les propositions qu'il a soumises avant Noël l'année dernière, le ministre proposait d'interdire les armes qui sont utilisées dans les coupes du monde. Cela montre à quel point il connaît mal le dossier. Lorsque nous lui avons demandé s'il envisageait d'exempter les armes de poing de calibre .32, lesquelles sont utilisées dans les coupes du monde, nous avons eu une idée, d'après sa réponse, du genre de consultations qu'il a eues avec ces groupes.

(1120)

Il a dit qu'il n'envisageait absolument pas d'exempter les armes de calibre .32. Pourquoi? Eh bien, parce que ces armes sont munies d'un canon d'une longueur de moins de 105 millimètres, qu'elles sont peu précises et qu'elles ne servent qu'à tuer. C'est essentiellement l'argument qu'on utilise pour justifier l'interdiction de 58 p. 100 des armes de poing légales au Canada.

Qui donc, en fait, colporte des rumeurs? C'est la question qu'il faut se poser. Je demande au ministre de la Justice, qui donc colporte des rumeurs? Il est un peu ridicule de prétendre que le ministre de la Justice a consulté de nombreux particuliers, groupes et organismes qui s'intéressent aux armes à feu. Nous voyons bien que les ministres de la Justice des territoires ou du moins les procureurs généraux des provinces n'ont pas été consultés.

Plusieurs groupes autochtones ont comparu devant le comité. Les Cris de la Baie James, les Indiens du Yukon, Ovide Mercredi et sa délégation formée de membres de l'Assemblée des Premières nations, M. Borin qui représentait son groupe. Ils ont tous nié le fait que de vastes consultations avaient eu lieu.

J'ai ici une copie d'une lettre datée du 17 février que M. Ovide Mercredi a fait parvenir au ministre de la Justice. Cette lettre a été déposée auprès du comité. Voici ce qu'elle dit:

Encore une fois, le gouvernement a agi au mépris des droits et des intérêts du peuple que je représente. Votre projet de loi sur le contrôle des armes à feu, que vous avez déposé sans d'abord avoir consulté les Premières nations, constitue une violation des obligations fiduciaires du gouvernement à l'égard de toutes les Premières nations.
L'enregistrement et la réglementation des armes à feu vont à l'encontre des traités conclus avec la Couronne. Vous avez pris l'engagement, lors de notre réunion du 14 novembre 1994, de consulter les Premières nations à ce sujet. Qu'est devenu ce processus de consultation?


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Il termine en disant:

S'il vous plaît, respectez nos droits.
Cette lettre a été adressée au ministre par le Grand chef de l'Assemblée des Premières nations.

Lors des réunions du comité, j'ai demandé si des consultations avaient eu lieu selon les modalités prescrites dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, laquelle pourrait être considérée comme une annexe à la Constitution. J'ai également demandé si les Indiens du Yukon, qui ont tout récemment signé une entente d'autonomie gouvernementale, avaient été consultés. Les fonctionnaires du ministère m'ont affirmé et ont assuré les membres du comité que des consultations avaient été organisées selon les modalités prescrites dans la Constitution.

J'ai demandé à M. Mosley, le sous-ministre, de déposer auprès du comité des documents permettant de confirmer la tenue de telles consultations. Il a accepté, mais ne l'a pas fait. Lorsqu'il a comparu à nouveau devant le comité, je lui ai rappelé qu'il s'était engagé à fournir des documents qui démontreraient, comme ils l'ont laissé entendre, que de vastes consultations avaient eu lieu, selon les modalités prescrites, avec les Indiens de la Baie James et du Yukon. Il a dit que le ministre déposerait ces documents au comité le 19 mai, dernier jour de comparution des témoins.

Lorsque le ministre de la Justice s'est présenté devant le comité, il a déposé un tas de documents épais d'un demi-pouce que nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner pour préparer nos questions.

(1125)

Lorsque j'ai pu examiner les documents par la suite, je me suis rendu compte que rien n'indiquait que des consultations avaient eu lieu. Au mieux, il en ressortait que des lettres d'avis avaient été envoyées aux 630 bandes, à l'effet que ces propositions avaient été présentées avant Noël. Rien n'indiquait que des consultations avaient eu lieu.

Quand le ministre de la Justice parle des vastes consultations menées dans tout le pays avec les divers groupes de personnes et les divers organismes sur lesquels la loi ne manquera pas d'avoir des répercussions, j'aimerais lui demander qui est en train de fabuler. Pour ma part, je sais parfaitement qui est en train de fabuler. Lorsqu'il s'agit de pareilles questions, ce n'est certainement pas un des membres de notre caucus.

Je me suis demandé comment il pouvait être possible que le ministre de la Justice du Canada puisse oublier l'exigence relative à la consultation des peuples autochtones de notre pays? Comment pouvait-il l'oublier? Il comprend la loi aussi bien que n'importe lequel d'entre nous, et il comprend également l'exigence en question, telle que M. Mercredi le lui a définie par écrit: en vertu de la Constitution, le ministre de la Justice doit respecter l'exigence relative à la consultation, lorsqu'une loi doit avoir des répercussions sur les droits issus de traités ou les droits constitutionnels des peuples autochtones ou de tout autre Canadien.

Je crois que si le ministre de la Justice et ses fonctionnaires n'ont pas consulté les autochtones en premier lieu, c'est parce ceux-ci leur auraient répété ce qu'ils ont dit au comité à propos du projet de loi relatif au contrôle des armes à feu. Il auraient déclaré qu'ils en rejetaient la plus grande part, notamment les exigences relatives aux permis et à l'enregistrement.

Si le ministre de la Justice s'était d'abord adressé à eux, on aurait fixé une norme pour tous les Canadiens. Cela n'était toutefois pas satisfaisant pour le ministre qui voulait imposer aux propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi ces restrictions et ces obligations en matière de permis. Il savait bien que s'il s'adressait aux autochtones en premier lieu, comme il aurait dû le faire, qu'il n'aurait pas pu réfuter leurs arguments et qu'il n'aurait pas présenté le genre de loi qu'il nous présente aujourd'hui.

S'il s'était adressé aux autochtones en premier lieu, ceux-ci auraient fixé une norme valable pour tous les Canadiens dont les droits risquent d'être bafoués par la loi. Il ne voulait pas procéder de la sorte, sachant bien que les autochtones ne l'accepteraient pas, ainsi que l'écrivait Ovide Mercredi dans sa lettre.

Je me rapporte de nouveau à cette lettre dans laquelle M. Mercredi parle de son peuple: «Je sais qu'il n'observera pas une loi qui bafoue ses droits issus de traités et ses droits ancestraux et j'encouragerai cette non-conformité.» C'est donc le grand chef de l'Assemblée des Premières nations du pays qui dit au ministre de la Justice que son peuple n'observera pas ces genres de règlements.

Le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest nous a également dit que beaucoup de propriétaires d'armes à feu des Territoires du Nord-Ouest n'observent pas à l'heure actuelle les exigences relatives à l'autorisation d'acquisition d'armes à feu. Accompagné de sa délégation, il a expliqué de manière très directe et compréhensible qu'ils ne le font pas, car ce n'est pas pratique. Il a parlé des collectivités isolées où il n'est pas possible de faire faire de photo format passeport, tel que cela l'est exigé pour les autorisations d'acquisition d'armes à feu.

Par conséquent, les lois actuelles ne sont pas respectées par les habitants de ces collectivités isolées. Nous avons entendu le grand chef des Premières nations dire qu'il encouragera son peuple à ne pas observer ces lois.

(1130)

C'est la raison pour laquelle aucune consultation approfondie n'a eu lieu avant le dépôt de ce projet de loi. Le ministre aurait entendu les mêmes arguments et il ne voulait pas s'en occuper avant, mais plutôt après coup. Comment va-t-il s'y prendre?


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Hier soir, le ministre de la Justice a présenté la motion no 5 où l'amendement qui y est proposé se lit comme suit: «Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits-ancestraux ou issus de traités-des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.»

Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'en vertu de l'alinéa 110t), il va pouvoir revenir sur la question des peuples autochtones par le truchement de règlements et de décrets et il va leur accorder toute exemption qu'il souhaite leur accorder. Il s'ensuivra que tous les Canadiens ne seront pas égaux devant la loi. J'ai entendu le chef de l'opposition officielle soulever ce point également. Il semble que nous risquons de nous retrouver avec un système à deux niveaux où une série de lois s'appliquerait aux peuples autochtones et une deuxième aux Canadiens non autochtones.

Voilà ce qu'il aurait dû faire, à mon avis. S'il s'était adressé en premier lieu aux autochtones, s'il les avait consultés et s'il avait recueilli leurs commentaires, nous serions saisis d'une loi qui nous satisferait et que nous pourrions tous appuyer. Cela ne convenait pas au ministre, car il veut imposer des exigences en matière d'enregistrement et de permis, il veut imposer ces restrictions et ces interventions aux Canadiens.

Il a mis la charrue avant les boeufs et il tente d'arranger toute l'affaire en disant que grâce au pouvoir de prise de règlements dont il dispose en vertu de cette loi, il sera en mesure de consulter les autochtones, d'apaiser leurs inquiétudes et de respecter leurs droits issus de traités et leurs droits constitutionnels en matière de chasse, de trappage et de cueillette.

J'espère avoir tort, mais tout semble indiquer que nous nous orientons vers un système à deux niveaux en ce qui concerne la législation sur les armes à feu dans ce pays. Je le déplore énormément, car je pense que si le ministre avait mené des consultations en profondeur avec les autochtones conformément à ce qui, d'après moi, correspond à leurs droits constitutionnels, cela ne se serait pas produit. Nous allons peut-être courir le risque de contestations présentées en vertu de la Constitution pour des motifs de discrimination. C'est malheureux et cela ne devrait pas se produire.

Personnellement, je crois que les autochtones ne se trompent pas au chapitre du contrôle des armes à feu. Ils sont sur la bonne voie. La norme qu'ils déclarent souhaiter, relative à l'utilisation, à la propriété, au don et au prêt des armes à feu, devrait s'appliquer à tous les Canadiens. Si tel était le cas, les Canadiens, dans leur vaste majorité, appuieraient cette loi. Nous aurions dû commencer par les autochtones, nous fonder sur leurs besoins et leurs exigences, lesquels auraient servi de norme pour l'ensemble de cette loi. C'est ce que je soutiens respectueusement.

J'aimerais aborder un ou deux autres points. J'aimerais parler de la contrebande. Je siégeais au Comité de la justice le jour où des représentants de l'Association canadienne des policiers ont comparu. Je les ai écoutés attentivement. Ils étaient en faveur de la plupart des articles du projet de loi, mais je me souviens parfaitement des propos tenus par M. Neal Jessop, président de l'Association canadienne des policiers. Il a fait remarquer que la valeur de ce projet de loi sera fonction de la capacité du gouvernement de mettre un terme à la contrebande au Canada.

J'ai ici un document rédigé par le Mackenzie Institute au sujet du marché noir des armes à feu. Les auteurs de ce document ont mené pendant huit mois une enquête sur la contrebande des armes à feu au Canada. Ils ont parlé à des policiers, à des autochtones, à des contrebandiers, à des chauffeurs de taxi, bref, à tous ceux qui s'occupent de la contrebande et du trafic illégal des armes à feu. Ils sont arrivés à la conclusion que si le projet de loi C-68 est adopté, on assistera à une recrudescence de la contrebande au Canada.

(1135)

Lorsque je compare ce document au rapport présenté par le ministère de la Justice sur la contrebande, je ne peux m'empêcher de conclure que le rapport camoufle le problème, alors que le document renferme une mine de renseignements. Je ne vais pas prendre le temps de le décrire au complet, mais je me ferai un plaisir de le prêter à tous ceux qui souhaitent le lire.

Ce ne sont pas tant les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois qui posent un véritable problème, mais plutôt l'étendue de la contrebande des armes à feu, des armes à feu illégales et prohibées, de ce qu'on appelle au Canada les armes d'assaut. Nous sommes aux prises avec un véritable problème et, d'après les auteurs du rapport MacKenzie, la situation risque de devenir explosive si ce projet de loi est adopté. Je le signale simplement.

Je veux aborder la question des sondages et de l'appui pour cette mesure. Je ne suis pas très partisan des sondages étant donné que, surtout dans le cas d'un projet de loi comme celui-ci, leurs résultats varient beaucoup car les gens interrogés ne savent pas vraiment dans quelle mesure la loi actuelle exerce un contrôle sur les armes à feu.

Le Code criminel consacre plus de 60 pages à la propriété, à l'acquisition et à l'utilisation des armes à feu. La législation sur les armes à feu dans ce pays est très exhaustive et lorsqu'un document de 124 pages vient s'y ajouter et que nous demandons à des gens au téléphone ce qu'ils pensent du contrôle des armes à feu, de l'ajout d'autres mesures législatives au projet de loi sur le contrôle des armes à feu, je ne suis pas sûr dans quelle mesure ils sont bien informés lorsqu'ils répondent à cette question.

Je sais toutefois que si quelqu'un m'appelait pour me dire que le gouvernement a l'intention de resserrer le contrôle sur les armes à feu, je répondrais que je crois que cela semble une bonne chose vu que cela rendra les maisons et les rues plus sûres au Canada. Si je le croyais, si la question que l'on me posait me poussait à le croire, monsieur le Président, vous pouvez être sûr que j'y souscrirais. J'y souscrirais aujourd'hui si je pouvais le voir dans le projet de loi, mais tel n'est pas le cas. Mais je puis comprendre la raison pour laquelle les sondages varient en fonction des questions et des renseignements que les gens ont à leur disposition au sujet du projet de loi.

Nous pouvons constater très clairement qu'à mesure que les gens obtiennent des renseignements, pas seulement au sujet de l'enregistrement des armes à feu, mais aussi de ce qui semble être la violation possible des droits civils, le renforcement des pouvoirs des forces de l'ordre en ce qui a trait à l'inspection ou à la recherche, la saisie et ainsi de suite, les questions se multiplient et l'appui diminue.


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Je pourrais ajouter que l'indication la plus claire en ce qui a trait aux sondages doit être les résultats d'une élection générale dont l'un des enjeux est le contrôle des armes à feu. Nous avons eu deux élections provinciales récemment et j'aimerais signaler au moins celle du Manitoba au cours de laquelle le premier ministre Filmon a rejeté publiquement la partie de ce projet de loi consacrée à l'enregistrement des armes à feu, comme l'a fait le NPD dans cette province. Le Parti libéral y a souscrit. Il est intéressant de noter que quelques semaines avant que le bref d'élection soit déposé dans cette province pour la convocation des électeurs, les libéraux étaient très très près des conservateurs dans les sondages, et qu'il semblait qu'ils pouvaient former le gouvernement. Nous avons vu ce qui s'est produit. Ils ont perdu plus de cinquante pour cent des sièges qu'ils occupaient et le chef libéral a perdu le sien.

(1140)

J'ai un article de journal qui cite un des candidats libéraux. Il aurait dit que la campagne libérale avait beaucoup souffert de décisions fédérales impopulaires comme le contrôle des armes à feu et les compressions budgétaires. Il poursuivait en disant que cela l'a exaspéré d'entendre le ministre de la Justice déclarer après les élections que le contrôle des armes à feu n'avait rien à voir avec la mauvaise performance des libéraux provinciaux. Il a ajouté que le ministre a la tête dans le sable. Ce sont les propos qu'a tenus ce libéral défait du Manitoba.

Lorsque nous entendons le ministre de la Justice parler de fabulation, nous devrions y regarder de plus près, J'aimerais que ce débat se fonde sur des faits. Si nous voulons considérer les sondages, nous pouvons le faire, mais soyons honnêtes et regardons les véritables sondages. Dans ce pays, il y a au moins cinq premiers ministres qui ont des réserves au sujet de ce projet de loi. Les premiers ministres de la Saskatchewan, de l'Alberta, et du Manitoba s'interrogent au sujet de projet de loi. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick s'est inquiété également au sujet du système d'enregistrement et nous avons maintenant le nouveau premier ministre de l'Ontario que j'aimerais entendre davantage. J'aimerais qu'il examine soigneusement ce projet de loi pour que nous puissions connaître l'opinion du premier ministre de la province la plus populeuse du Canada. J'aimerais entendre ce qu'il a à dire et savoir si l'Ontario favorise le système d'enregistrement.

Je veux terminer en parlant du coût. Les députés de ce côté ont été accusés de fabulation en ce qui a trait au coût. Attardons-nous quelques instants sur cette question. Le ministre de la Justice parle de 85 millions de dollars uniquement pour l'établissement du système. Nous devons tout d'abord enregistrer les 3 millions de propriétaires d'armes à feu. Nous devons leur délivrer un permis avant d'enregistrer toute arme qu'ils possèdent. Si un permis ne peut leur être délivré, à quoi leur sert-il d'enregistrer leurs armes à feu? Ils devront remettre leurs armes s'ils ne peuvent obtenir un permis. Combien en coûtera-t-il pour délivrer un permis?

Mme Catterall: Dix dollars pour dix armes à feu.

M. Ramsay: Dix dollars pour dix armes, si nous parlons de fabulation. Je parle de délivrance de permis aux propriétaires et non de l'enregistrement des armes à feu. Si nous considérons combien il en coûtera pour délivrer des permis à 3 millions de propriétaires, il est possible d'en calculer le coût par personne en nous fondant sur le coût de traitement d'une AAAF, une autorisation d'acquisition d'armes à feu, vu que les exigences sont semblables.

Aux termes de l'article 5 de ce projet de loi, le contrôleur provincial des armes à feu devra vérifier le casier judiciaire de la personne, un dossier sur sa santé mentale et, qui sait, ses antécédents afin de voir s'il y a eu des antécédents de violence. Ce n'est pas différent de l'exigence en ce qui a trait à l'AAAF. On procède à un examen semblable des antécédents.

Après avoir procédé en 1994 à l'analyse du coût d'une AAAF, la commission de police de la communauté urbaine de Toronto en est venu au montant de 185 $. Ce coût est peut-être excessif compte tenu que c'est à Toronto et que les coûts y sont élevés. Si nous multiplions ce chiffre par 3 millions de propriétaires d'armes à feu à qui il faut délivrer un permis, combien en coûtera-t-il? Certainement pas 85 millions de dollars, mais 550. S'il y a 6 millions de propriétaires comme certains le présument, nous parlons alors de bien au-delà d'un milliard de dollars.

Si le coût estimé par la commission de police de la communauté urbaine de Toronto en ce qui a trait au traitement d'une AAAF est le plus élevé au pays et que nous l'établissons à 100 $ par AAAF d'un océan à l'autre et que nous nous en servons comme moyenne-je ne crois pas que nous puissions parler ici d'invention-nous pouvons avoir une idée du coût énorme que cela représente pour quelqu'un dans ce pays, qu'il s'agisse du propriétaire de l'arme à feu, du contribuable ou qui vous voulez. Et cela, avant même qu'une seule arme ne soit enregistrée, et on nous dit maintenant que l'enregistrement de dix armes coûtera 10 $. Que peut-on enregistrer aujourd'hui pour 10 $? Effectivement, l'enregistrement me coûtera peut-être 10 $, mais combien coûtera-t-il au contribuable? Combien cela coûtera-t-il à l'organisation? Combien coûtera la main-d'oeuvre?

(1145)

J'ignore ce qu'en sera le coût exactement, mais ce sera certes plus que 10 $. Je ne vois pas ce qu'on peut faire faire aujourd'hui pour 10 $. Mon permis de conduire m'a coûté plus cher. L'immatriculation de mon automobile coûte plus que cela. En fait, l'immatriculation des vélos de mes enfants m'a coûté 5 $, et c'est moi qui ai dû faire tout le travail. J'ai moi-même livré les papiers au poste de police où on les a simplement classés. C'est ce que cela m'a coûté à moi. J'ignore ce qu'il en coûte au service de police pour faire les tâches administratives qui se rattachent à cette opération.

Si l'on s'en tient au coût, 85 millions de dollars représentent peut-être une juste évaluation de ce qu'il en coûtera pour établir le système d'enregistrement. Par contre, il est loin de représenter le coût global de mise en place d'un authentique système d'enregistrement universel prévoyant que les propriétaires doivent obtenir un permis, puis se présenter avec leurs armes à feu pour


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les faire enregistrer. C'est impossible. Qui exactement colporte des rumeurs?

Le gouvernement n'a pas invoqué de raison valable pour justifier l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse. J'ai demandé à témoins après témoins, aux audiences du comité, en quoi l'enregistrement de ces armes réduirait leur utilisation à des fins criminelles. Ils ont été incapables de me répondre. Le ministre de la Justice ne m'a jamais donné de réponse franche, bien que je lui aie posé la question.

Nous avons un système d'enregistrement des armes de poing en place depuis 60 ans. Nous savons qu'il n'a pas empêché les criminels de les utiliser, puisque l'arme de poing est l'arme de prédilection de la grande majorité des délinquants urbains. Nous pouvons en constater l'inefficacité. Je vous demande donc pourquoi le ministre de la Justice souhaite élargir un système inefficace pour y inclure les carabines et les fusils de chasse?

Nous avons consacré beaucoup de temps à l'étude de ce projet de loi. Par contre, je ne crois pas que nous lui ayons accordé toute l'attention qu'il mérite, par manque de temps. Quand on refuse aux députés le droit de prendre la parole à la Chambre et d'exprimer les vues des électeurs qu'ils représentent, quelque chose ne va pas.

Je ne crois pas que nous ayons disposé du temps voulu ni au comité, ni à l'étape de la deuxième lecture. Le comité a attribué tant de temps à l'étude, les témoins devaient avoir été entendus avant telle date, puis il est immédiatement passé à l'étude, article par article. Nous n'avons même pas pu entendre les témoins l'un après l'autre en raison de l'écart de quatre jours entre la date de leur comparution et la date de réception de leur mémoire. Nous n'avons pas eu le temps de bien rédiger nos amendements, de les passer en revue avec le conseiller juridique et de les présenter dans la forme réglementaire. L'étude du projet de loi s'est faite à toute vapeur. J'aimerais connaître la raison de cette hâte. S'il n'est pas obligatoire d'enregistrer les armes pour huit ans encore, j'aimerais savoir ce qui est si pressant.

Je voudrais me reporter à une merveilleuse liste de points de discussion. À la toute fin, le premier ministre a dit à ses collègues libéraux:

«Le Parti réformiste affirme avoir besoin de plus de temps pour débattre du contrôle des armes à feu, mais les policiers, eux, le réclament tout de suite».
Le fait que les réformistes soient disposés à compromettre la sécurité des policiers pour répondre aux exigences du lobby des armes à feu est très inquiétant.
(1150)

Parlons-en de ceux qui racontent n'importe quoi. Je n'ai pas rencontré un seul patrouilleur qui soit pour ce projet de loi, en dépit de l'appui que lui manifestent ses maîtres politiques. J'ai parlé à des collègues d'un peu partout au Canada. J'ai fait la tournée du pays, de Kamloops, dans l'Ouest, jusqu'à St. John's, à Terre-Neuve. Tous estiment que cela n'a aucun sens.

Si les policiers ont besoin de cette mesure dès maintenant, pourquoi faut-il attendre huit ans avant son entrée en vigueur? Ce ne sont pas des réformistes qui préconisent une attente de huit ans, mais bien le gouvernement.

Comme je le disais l'autre soir, si les armes à feu sont vraiment dangereuses et s'il ne s'agit pas d'une réaction hystérique de la part de gens qui ne connaissent rien aux armes à feu et qui en ont peur, pourquoi alors laissons-nous 58 p. 100 des armes de poing qui sont censées être dangereuses entre les mains des gens? Pourquoi les laissons-nous là où elles sont?

En conclusion, je propose:

Qu'on modifie la motion en supprimant tous les mots après le mot «Que» pour les remplacer par ce qui suit:
«Le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois à compter d'aujourd'hui.»
Le président suppléant (M. Kilger): L'amendement est recevable. Nous reprendrons le débat sur l'amendement et nous passerons à l'étape suivante du débat où les députés auront droit à 20 minutes de parole et à 10 minutes de questions et d'observations.

Je demanderais aux députés de bien vouloir signaler à la présidence sils vont partager leur temps de parole.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, les orateurs libéraux vont partager leur temps.

Je suis fière de prendre la parole à l'appui de ce projet de loi. Je crois que ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu va améliorer la sécurité publique et qu'il va préserver le Canada et l'aider à évoluer en tant que pays civilisé où on peut marcher dans la rue et conduire sa voiture en toute sécurité. Il en dit long sur le genre de société que nous voulons créer pour l'avenir. À vrai dire, il cherche à sauver des vies humaines.

Il a beaucoup été question de valeurs au cours de ce débat. La rhétorique des valeurs américaines qui semble avoir imprégné tout le débat m'inquiète, et je l'ai dit. Voici un exemple. Aux États-Unis, on a récemment mené un sondage auprès d'écoliers. Lorsqu'on leur a demandé comment ils réagiraient si quelqu'un essayait de prendre quelque chose qui leur appartient, la majorité d'entre eux ont répondu qu'ils le tueraient. Lorsqu'on leur a demandé comment ils réagiraient à une insulte, la majorité d'entre eux ont répondu qu'ils abattraient la personne.

Il n'y a pas longtemps, un sénateur américain a déclaré à la télévision nationale que, si quelqu'un pénétrait par effraction chez sa mère, il trouvait normal qu'elle sorte son pistolet et qu'elle descende l'intrus oubliant de toute évidence que, dans la plupart des effractions, c'est là la réaction de l'occupant et que c'est l'occupant, non pas le malfaiteur, qui se fait tuer.

J'ai dit que ce projet de loi visait à sauver des vies humaines. C'est le Parti réformiste qui s'est opposé le plus farouchement à ce projet de loi et sa réaction est pourtant tout à fait contradictoire. Les députés réformistes disent qu'ils sont en faveur du renforcement de la lutte contre le crime et de l'alourdissement des peines infligées aux criminels. C'est justement l'objectif de ce projet de loi.

(1155)

Je dirai au parti qui affirme se préoccuper tant des victimes du crime ce que dit Steve Sullivan, porte-parole du Centre canadien de resources pour les victimes de crime. Il croit que le resserrement du contrôle des armes à feu empêcherait des accidents comme celui qui est arrivé récemment dans sa localité et où deux jeunes enfants sont morts de blessures par balle. M. Sullivan a déclaré qu'un grand nombre des crimes dont son organisme


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entend parler sont commis par des gens ordinaires qui habitent dans des localités comme il faut plutôt que par des criminels.

Voilà une des réflexions que je tenais à partager avec mes collègues ce matin. Le projet de loi, même s'il vise à lutter contre la criminalité, tient compte du fait que la vaste majorité des décès causés par des armes à feu ne surviennent pas au moment de la perpétration d'un crime. Ils ne surviennent pas quand un criminel vous prend comme cible et essaie de vous voler ou tente de commettre un autre acte. La majorité des blessures et des décès attribuables aux armes à feu se produisent au foyer et sont commis par quelqu'un qui connaît la victime. C'est de cela dont je veux vous parler.

Permettez-moi de vous citer quelques faits. Au cours des six derniers mois, sept personnes dans cette communauté ont été tuées par un membre de leur famille. Cinq des décès ont été causés par des armes à feu et deux des personnes étaient des enfants d'âge scolaire. Cinq décès sur sept ont été causés par des armes à feu. Pourtant, moins de 20 p. 100 des foyers dans cette agglomération urbaine possèdent des armes à feu. Voilà qui est fort révélateur. Sur les 1 400 décès qui ont été causés l'année dernière par des armes à feu, 1 100 étaient des suicides. Cela montre, dans une large mesure, à quel point il est facile d'obtenir une arme à feu pour se suicider.

Sur les 1 400 décès, plus de 200 étaient des homicides, le reste, des accidents. La majorité des homicides, 86 p. 100, sont commis par des membres de la famille, des amis ou des connaissances. Les armes à feu constituent une menace grave pour les femmes. Près de la moitié des femmes tuées par leur mari ou leur ex-mari et près de la moitié des femmes tuées par leur conjoint l'ont été au moyen d'une arme à feu, même si la moitié des foyers au Canada ne possèdent par d'armes. Par ailleurs, 78 p. 100 des armes utilisées pour commettre ces crimes sont des armes légales. Le problème, ce ne sont pas les armes illégales, mais plutôt les armes légales. C'est ce problème que le projet de loi tente, en partie, de régler.

Les voies de fait contre un membre de la famille ou un intime sont 12 fois plus susceptibles d'entraîner la mort si une arme est utilisée. Je ne plaisantais pas lorsque j'ai dit que ce projet de loi visait à sauver des vies humaines. Il existe de nombreuses preuves qui montrent qu'un grand nombre de délinquants agissent par impulsion, ce qui veut dire que le simple fait d'avoir accès à une arme à feu permet de déterminer si un homicide sera ou non commis.

Nous ne devons pas oublier nos enfants. Depuis 1970, 470 enfants sont morts dans des accidents causés par des armes à feu. Si nous tenons vraiment à nos enfants, nous devrions faire tout en notre pouvoir pour les protéger. Ce projet de loi est un moyen d'y arriver.

L'enregistrement des armes à feu représente l'aspect le plus controversé de ce projet de loi. Sept millions d'armes à feu se trouvent entre les mains de trois millions de Canadiens environ. Nous n'avons aucune façon de savoir combien il y a d'armes à feu dans le pays, qui en sont les propriétaires et si ces armes sont légales ou non. L'enregistrement vise à corriger cette situation.

Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps pour débattre de ce projet de loi ce matin. Je tenais à dire que la lutte contre le crime est une question importante et que le projet de loi propose des moyens pour venir à bout de ce problème. Il est également important de contrôler les armes à feu légales que possèdent les propriétaires légitimes, parce que ce sont ces armes qui sont responsables de la majorité des homicides et des décès qui surviennent au Canada.

Une électrice m'a écrit pour me dire tout simplement que nous devions adopter ce projet de loi et qu'il était important que les propriétaires d'armes à feu soient responsables de l'utilisation de leurs armes. Ce dont il est question ici, n'est-ce pas de la responsabilisation, du sens des responsabilités, ainsi que des droits et privilèges des bons citoyens?

(1200)

J'exhorte tous les députés de la Chambre à songer au grand nombre de décès qui se produisent chez nous chaque année et à se pencher sur le rôle que les armes à feu possédées de bonne foi jouent dans les homicides. J'exhorte les députés à se demander s'ils souhaitent contribuer à rendre notre société plus sûre.

Tout à l'heure, le ministre de la Justice a dit combien, selon lui, cette mesure législative était importante pour ses enfants. Je veux faire mienne cette observation. Plus tard dans l'après-midi, je vais aller à l'aéroport chercher ma fille et mon petit-fils de six semaines, mais je ne dînerai pas avec eux à la maison. Je vais revenir ici pour voter en faveur de ce texte de loi. Je vais le faire pour ma fille et je vais le faire pour mon petit-fils. Je vais le faire pour la société dans laquelle je veux qu'il puisse vivre.

Au Canada, nous n'avons jamais cru, aussi bien collectivement qu'individuellement, que nous pouvions régler nos problèmes et nous développer en recourant à la violence et à la force. C'est précisément pour cette raison que notre pays est devenu une nation qui symbolise, aux yeux du monde entier, la résolution des problèmes par des moyens pacifiques. C'est ce qui nous a valu la réputation qui a fait que notre drapeau, dont nous célébrerons l'anniversaire dans quelques semaines, est devenu un symbole mondial de l'harmonie entre les gens.

C'est que nous partageons des valeurs qui diffèrent des valeurs plus typiquement américaines que j'ai entendu exprimer au cours de ce débat. Nous n'avons pas l'impression que nous développons une société civilisée en recourant aux armes. C'est en prenant des moyens pacifiques, en choisissant des solutions de paix, en s'entendant collectivement sur des façons de contrôler les éléments criminels de notre société et en créant un environnement plus sûr que nous réaliserons le genre de pays où nous voulons vivre et que nous voulons léguer à la génération qui nous suivra.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais demander à la députée d'Ottawa-Ouest pourquoi son parti a décidé, dans le projet de loi sur les armes à feu, que les cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, c'est-à-dire ceux mentionnés au paragraphe 7(2), seront agréés par le ministre fédéral au lieu de continuer comme maintenant? À l'heure actuelle, ce sont des cours agréés et approuvés par le procureur général de la province. Entre autres, au Québec, c'est comme cela que ça fonctionne et j'imagine que


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c'est forcément comme cela dans les autres provinces. Puisque la latitude a été laissée à une province, elle a donc été laissée à toutes les autres.

Ce que je veux savoir, c'est qu'au Québec, les cours sont très bien structurés. On parle évidemment des cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte. Là, on a des cours qui sont très bien ciblés. Dans certains cas, ils sont pour les tireurs à la cible; dans d'autres cas, ces cours servent aux agents de sécurité. Dans un cas, le cours dure 3,5 heures et dans l'autre, le cours dure six heures. Ils sont vraiment très ciblés et très spécifiques et ils réussissent très bien, jusqu'à maintenant.

Alors, on se demande pourquoi on n'a pas voulu accepter, du côté du gouvernement, l'amendement que nous avions déposé à l'effet que ce devrait être le procureur général de la province qui approuve ces cours sur le maniement des armes à feu, pour les armes à autorisation restreinte.

Mme Catterall: Monsieur le Président, je ne connais pas en profondeur les dispositions du projet de loi. Je n'ai pas eu le privilège que la députée d'en face a eu de participer aux discussions du comité, qui ont duré pendant des semaines.

(1205)

À mon avis, il est très important que cette loi contienne des dispositions identiques partout au partout au pays. Pour cette raison, je trouve qu'il est acceptable et important que ce soit le fédéral qui établisse les règlements de la loi, afin qu'on puisse savoir que, partout au Canada, ils sont exactement les mêmes.

J'espère qu'un autre député de notre parti pourra élaborer un peu plus en profondeur sur la question posée par la députée.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, comme de nombreux autres députés de ce côté-là de la Chambre l'ont fait à un certain nombre de reprises, la députée a précisé qu'elle ne voulait certes pas être comme les Américains.

J'ai de nombreux parents qui vivent dans diverses régions des États-Unis. Certains sont établis à des endroits où les armes sont complètement interdites et d'autres vivent dans des coins des États-Unis où tout ce qu'on interdit, c'est que les gens amènent des armes à feu dans des écoles ou des tribunaux. Le degré de violence semble à peu près le même dans toutes ces régions où vivent mes parents, quelles que soient les lois sur le contrôle des armes à feu.

Je voudrais savoir où vous avez obtenu les renseignements qui vous permettent d'affirmer à la Chambre. . .

Le Président: À l'ordre. Je rappelle à tous les députés de bien vouloir s'adresser à la présidence plutôt que directement à leurs collègues. Le député pourrait-il reformuler sa question?

M. Thompson: Je tiens à m'excuser, monsieur le Président.

Où la députée a-t-elle pris ses renseignements au sujet de la violence qui existe aux États américains? Sur quoi se fonde-t-elle pour affirmer que la situation est si terrible dans tous les États-Unis, alors que je sais pertinemment que, dans bien des endroits, il n'en est rien?

Mme Catterall: Monsieur le Président, il est tout à fait vrai que la situation n'est pas la même dans de nombreux endroits aux États-Unis. Cependant, quiconque a passé un certain temps dans une ville américaine aura constaté la situation. Je connais des gens qui sont venus des États-Unis pour vivre au Canada et ils trouvent vraiment remarquable de pouvoir marcher le soir dans la rue. C'est une chose qu'ils n'avaient jamais pu faire dans toute leur vie et c'était attribuable, en grande partie, aux armes à feu. La vérité, c'est que le taux de mortalité attribuable à des armes à feu aux États-Unis est dix fois supérieur à celui du Canada. En général, aux États-Unis, le droit de posséder des armes est sacré et prévu dans les lois.

L'Association internationale des policiers a effectué, au niveau international, d'importantes recherches qui montrent très clairement qu'un contrôle plus strict des armes à feu entraîne une baisse marquée du taux de mortalité attribuable à des homicides ou à des crimes violents. Je serai heureuse de fournir au député des exemplaires de cette recherche.

Le Président: Si je ne m'abuse, l'honorable secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes va être le prochain à s'adresser à la Chambre.

Je voudrais signaler à la Chambre que l'honorable secrétaire parlementaire va s'exprimer dans sa langue. On m'a avisé de ceci à l'avance et rien n'empêche d'utiliser à la Chambre une autre langue que l'une des deux langues officielles. Cependant, le député a pris soin de fournir aux interprètes une traduction complète de ce qu'il va dire à la Chambre. Il m'a signalé qu'il va s'en tenir strictement au texte de son discours.

(1210)

Par conséquent, je n'ai aucune objection, étant donné qu'on a pris toutes les mesures voulues pour que nous sachions tous, dans l'une des deux langues officielles, ce qui se dira à la Chambre.

Sur ce, je vais donner la parole au secrétaire parlementaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

M. Jack Iyerak Anawak (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.):

[Note de l'éditeur: Le député s'exprime en inuktitut et propose la traduction suivante:]

[Traduction]

Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité de prendre la parole au sujet du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, à l'étape de la troisième lecture.

Les propositions que renferme ce projet de loi ont donné lieu à beaucoup de discussions dans tout le pays. Beaucoup de renseignements erronés circulent à ce sujet. Je vais utiliser le temps dont je dispose pour tirer au clair certaines choses, surtout en ce


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qui concerne ma circonscription et les personnes que je représente. Je vais dire à la Chambre ce que j'ai dit aux chasseurs inuit de ma circonscription.

Ce projet de loi ne va pas amener les chasseurs à tuer moins de caribous ou moins de phoques. Je le sais. La capacité et le droit que les Inuit ont de chasser continueront d'exister en vertu des dispositions de ce projet de loi. Ils seront toujours là.

Aucune mesure législative ne peut priver les Inuit de leur mode de vie. Ce projet de loi ne change rien au mode de vie des Inuit et rien ne peut y changer quoi que ce soit, à moins que les Inuit eux-mêmes en décident autrement. Ce mode de vie est protégé par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et par la Constitution du Canada.

La Constitution du Canada est la loi fondamentale du pays et toutes les autres lois du Canada doivent en tenir compte. Voici ce que prévoit l'article 35 de la Constitution:

35. (1) Les droits existants-ancestraux ou issus de traités-des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.
(2) Dans la présente loi, les «peuples autochtones du Canada» s'entend notamment des Indiens, des Inuits et des Métis du Canada.
(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.
(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits-ancestraux ou issus de traités-visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.
L'article 2 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est clair sur le statut constitutionnel de l'Accord. Il dit ceci: L'accord dispose qu'il constitue un accord sur des revendications territoriales au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Monsieur le Président, les droits les plus fondamentaux des autochtones et les droits issus de traités sont les droits de chasser, de piéger et de pêcher pour assurer leur subsistance. Même s'il y a de nombreux désaccords entre les peuples autochtones et le gouvernement sur la portée et la teneur exactes des droits ancestraux et des droits issus de traités, il existe au moins une entente sur les droits d'exploitation des ressources fauniques. Il ne fait aucun doute que les droits ancestraux et les droits issus de traités comprennent les droits de chasser, de pêcher et de piéger. Même les tribunaux l'ont reconnu.

L'exploitation des ressources fauniques est au centre du mode de vie des autochtones. Il est au coeur de notre existence, l'a toujours été et le sera toujours. Nous ne voulons pas perdre nos liens avec la terre. La terre assure notre subsistance depuis des milliers d'années. Elle nous a permis et nous permet encore de survivre.

La plupart des Inuit et autres peuples autochtones qui habitent dans des communautés reculées vivent encore des ressources du territoire. Le fait de rapporter à nos familles et voisins de la nourriture provenant du territoire est pour nous une source de fierté et une activité honorable. C'est pourquoi le projet de loi préoccupe tellement les autochtones. Ils craignent que le projet de loi ne porte atteinte à leur identité profonde et les empêche d'acheter, de posséder et d'utiliser des armes à feu. Certaines personnes ont exploité cette crainte. Je voudrais maintenant parler de cette question.

Le gouvernement est parfaitement au courant de l'existence des droits de chasse et de piégeage ancestraux et issus de traités. Ces ententes contiennent des dispositions précises au sujet de ces droits.

(1215)

Par exemple, l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut comporte un chapitre entier sur la faune. Il y est dit que les Inuit ont toujours utilisé la faune et continuent de le faire, et que c'est sur cette utilisation que repose le droit légal de chasse dont jouissent les Inuit.

L'accord sur les revendications territoriales du Nunavut prévoit la création d'un système de gestion de la faune adapté aux niveaux, aux modèles et au caractère traditionnels et actuels de la chasse chez les Inuit. Ce système évitera en outre une ingérence inutile dans l'exercice des droits, des priorités et des privilèges de chasse. Sous réserve des dispositions du chapitre, un Inuk identifié correctement peut prendre la quantité de ressources nécessaire à ses besoins de base pondérés, sans licence ou permis et sans devoir payer quelque taxe ou droit que ce soit.

L'accord dispose en outre qu'en cas de contradiction ou de conflit entre des lois fédérales, territoriales ou locales et l'accord, ce dernier prévaudra.

Ces dispositions de l'accord sur le règlement des revendications territoriales du Nunavut offrent une protection semblable à celle offerte par d'autres accords sur les revendications territoriales.

Le gouvernement devra s'entendre avec les peuples autochtones pour harmoniser le projet de loi C-68 et les droits de chasse ancestraux et issus de traités des autochtones. Il devra y avoir des discussions et des consultations. Il faudra engager un dialogue afin de concilier et d'intégrer les diverses dispositions. Le gouvernement le sait et a l'intention de tenir les discussions qui s'imposent.

C'est pour cette raison que le gouvernement a inséré l'alinéa 110(t) dans le projet de loi C-68. Le paragraphe 110t) prévoit que le gouverneur en conseil ou le Cabinet peut prendre des règlements pour les fins suivantes:

prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de ses règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application.
Cette disposition reconnaît que le gouvernement et les autochtones doivent travailler ensemble pour la mise en oeuvre de cette mesure, dans le respect et la compréhension des droits issus de traités ou ancestraux des autochtones. Ces discussions auront lieu. Les autochtones auront leur mot à dire.

Soit dit en passant, les autochtones devraient savoir que des députés de l'opposition, tant du Parti réformiste que du Bloc québécois, ont essayé de faire supprimer cette disposition au cours des audiences du comité.


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Lors de ces audiences, les représentants autochtones ont pour leur part demandé quelque chose de plus que le paragraphe 110t). Certains groupes, comme les Inuit Tapirisat du Canada et le Grand conseil des Cris du Québec, ont demandé l'inscription d'une clause de non dérogation spécifique.

Je suis très heureux de dire que le ministre et le gouvernement ont répondu favorablement à cette demande. Le ministre a présenté un amendement au projet de loi C-68 qui ajoute la clause de non dérogation suivante:

Il demeure entendu que rien dans la présente loi n'a pour effet d'abroger les droits et libertés issus de traités ou ancestraux des peuples autochtones du Canada garantis en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ou de restreindre ces droits et libertés.
Le gouvernement considère que le projet de loi n'empiète en rien sur les droits issus de traités ou ancestraux des autochtones, mais cette disposition s'ajoute au projet de loi pour plus de certitude. J'ai insisté pour obtenir cet amendement, et je remercie le ministre de la Justice d'avoir acquiescé à ma demande.

Le ministre et le gouvernement ont fait un autre changement très important au projet de loi C-68. C'est un changement que j'ai aussi réclamé, concernant le prêt d'armes à feu.

Dans sa première version, le projet de loi prévoyait qu'une personne qui prête son arme devait prêter en même temps son certificat d'enregistrement. Cette disposition m'inquiétait et j'en ai fait part au ministre. Des témoins tant autochtones que non autochtones ont aussi soulevé cette question. On faisait valoir qu'il était impossible de joindre son certificat d'enregistrement à l'arme, lorsqu'on prêtait celle-ci à quelqu'un qui partait à la chasse de subsistance pour une longue période.

Encore une fois, le ministre et le gouvernement ont répondu à cette préoccupation. La modification que le ministre a apportée au projet de loi supprime l'obligation de céder le certificat d'enregistrement en même temps que l'arme à feu lorsque celle-ci est prêtée à une personne qui pratiquera la chasse de subsistance.

Il s'agit là d'une modification d'ordre pratique. Le gouvernement reconnaît l'existence d'un certain mode de vie dans les collectivités rurales et éloignées. Prêter des armes à feu est chose courante dans le Nord, là d'où je viens. Dans le Nord, prêter une arme à feu à un voisin est aussi courant que prêter une tondeuse ou emprunter une tasse de sucre à son voisin dans les régions du sud. Dans les collectivités nordiques, lorsqu'un voisin a besoin d'une chose que nous possédons pour pouvoir se nourrir, nous l'aidons de notre mieux. Parfois, nous lui prêtons notre motoneige, de l'essence ou notre arme à feu.

La modification que le ministre a apportée aux dispositions de prêt qui figurent dans le projet de loi tient compte des conditions dans lesquelles vivent réellement tous les autochtones et les non-autochtones qui pratiquent la chasse de subsistance. Il s'agit là d'une modification positive que j'accueille favorablement et dont je remercie le ministre.

(1220)

Il y a certaines autres questions liées au projet de loi que le gouvernement fédéral, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les populations autochtones devront examiner et résoudre ensemble.

Le cours sur la sécurité des armes à feu doit tenir compte des conditions qui règnent dans le Nord. Il doit refléter la réalité du Nord et y être adapté. Il devrait être offert en langues autochtones. J'encourage à la fois le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux à continuer de travailler à cela.

La question des dons traditionnels d'armes à feu en est également une que les représentants du gouvernement et des autochtones examineront, j'en suis sûr, au cours de leurs discussions.

Je suis convaincu que ces questions peuvent être réglées d'une manière satisfaisante. Des gens raisonnables qui collaborent dans un esprit de bonne volonté peuvent en venir à bout.

J'appuie ce projet de loi. Il est meilleur depuis les audiences du comité et l'étape du rapport. Beaucoup de modifications qui l'améliorent y ont été apportées.

J'avais quelques préoccupations auxquelles le ministre s'est employé à répondre. Des garanties de protection du mode de vie des Inuit figurent dans l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut et dans la Constitution du Canada. Le projet de loi renferme une disposition voulant que le gouvernement discute avec les Inuit de la mise en oeuvre du projet de loi dans leurs collectivités. Nos collectivités pourront disposer de leurs propres préposés aux armes à feu. Le projet de loi reconnaît la chasse de subsistance et les autochtones sont doublement protégés depuis qu'on a ajouté la disposition selon laquelle rien dans le projet de loi ne peut supprimer ou limiter les droits de chasse ancestraux et issus de traités.

Je n'ai jamais été contre les principes de ce projet de loi. Je n'ai rien contre l'enregistrement des armes à feu. Je suis un chasseur autochtone. Je n'ai aucune crainte à enregistrer mes armes à feu. Cela me causera peut-être quelques inconvénients, mais je souscris aux principes qui sous-tendent l'enregistrement.

L'objectif premier de l'enregistrement des armes à feu est la sécurité publique. Je suis prêt à faire ma part pour l'atteindre.

[Traduction]

Le Président: Je demanderai au député si, au cours de la période réservée aux questions et aux observations, il voudra bien répondre dans une des deux langues officielles, peu importe dans quelle langue officielle une question est posée.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député de Nunatsiaq pour ses observations.

Je note qu'il a pris le temps d'expliquer à ses électeurs que le projet de loi ne serait pas trop sévère à leur endroit. Je sais qu'il a même fait des efforts pour leur communiquer ce message dans leur langue, afin d'éviter toute ambiguïté.


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Moi aussi, je me suis efforcé pour connaître les sentiments de mes électeurs concernant le projet de loi. J'ai organisé une assemblée publique pour en discuter. Mais je n'ai pu obtenir qu'un représentant du ministère de la Justice vienne défendre la position du gouvernement. Pas un seul chef de police n'a pu venir non plus. Je n'ai eu aucun succès à cet égard. Personne n'est venu représenter Wendy Cukier et son groupe sur le contrôle des armes à feu. Franchement, je n'ai pas réussi à obtenir que quelqu'un vienne défendre le projet de loi au cours d'une assemblée publique.

Au cours de cette assemblée, un dentiste est intervenu pour dire qu'il voulait utiliser une arme à feu à des fins sportives, plus précisément, une arme de poing. Plutôt nerveux, il a déclaré ce qui suit: «C'est la première fois que je prends la parole en public, mais il faut que je le fasse. J'ai décidé de suivre le cours. Il me faut attendre un an pour obtenir une arme de poing. Je dois demander une autorisation d'acquisition d'armes à feu et suivre le cours. Cela me coûtera de l'argent. Je dois accepter qu'on fasse une vérification de mes références. Je dois autoriser qu'on interroge mes voisins et qu'on effectue des vérifications judiciaires.» «Quand je posséderai enfin une arme à feu, je pourrai seulement la transporter dans le coffre de ma voiture. Je dois garder sous clé tout autre fusil que je pourrais avoir en ma possession; ils sont dotés d'un verrou et les munitions sont gardées à part.»

(1225)

La loi canadienne l'exige déjà. Au Canada, les armes à canon tronqué, les armes automatiques et les mitrailleuses sont prohibées. On n'a pas le droit d'en posséder. Les téléspectateurs devraient savoir que ces armes sont déjà prohibées. Dans l'ensemble, les propriétaires d'armes à feu sont prêts à accepter toutes ces modalités, même si elles sont déplaisantes et si leur efficacité n'est pas assurée; c'est parce qu'ils sont respectueux des lois. Ils nous avertissent pourtant qu'à un moment donné, ils n'accepteront pas davantage, parce que ce n'est pas eux qui causent les problèmes.

Ce ne sont pas les électeurs du député de Nunatsiaq qui font problème, mais bien les criminels. Le projet de loi ne fait pas grand-chose pour empêcher l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles. D'après le dentiste qui est intervenu et les autres propriétaires d'armes à feu à qui j'ai parlé, en cas d'utilisation d'armes à feu à des fins criminelles, nous devrions priver le coupable de liberté pour le restant de ses jours. Ils soutiennent que cela leur est égal, puisque ces criminels ne sont pas des leurs. Ils disent que, puisque ces gens ne respectent pas les lois, il faut les punir. Ce projet de loi est répréhensible justement parce qu'il vise les citoyens respectueux des lois.

Je voudrais que le député réponde à la question suivante: comment la partie de ce projet de loi sur l'enregistrement universel des armes à feu améliorera-t-elle le sentiment de sécurité de mon électeur, ce dentiste? Il a déjà consacré la valeur d'un an à se plier à toutes sortes de règlements, parce qu'il tient absolument à observer la loi. Il constate aujourd'hui que ce n'est pas suffisant. Il est exaspéré et je partage son exaspération.

M. Anawak:

[Note de l'éditeur: Le député s'exprime en inuktitut.]

[Traduction]

Monsieur le Président, savez-vous à quoi tient le problème? C'est que nous formons une société qui est trop axée sur l'intérêt personnel plutôt que sur le bien commun. Nous devrions nous préoccuper des intérêts de l'ensemble du peuple canadien. Au lieu de ça, les tenants du lobby des armes à feu accusent le gouvernement de les dépouiller de leur droit d'avoir une arme à feu. Or, la possession d'une arme à feu n'est pas un droit, mais un privilège.

On ne devrait pas faire toute une histoire d'un léger désagrément à subir pour enregistrer une carabine. L'enregistrement ne me pose vraiment pas de problème.

Soit dit en passant, je voudrais remercier la Chambre de l'indulgence dont elle a fait preuve en me permettant de faire mon intervention en inuktitut tout à l'heure.

Nous formons une société trop axée sur l'intérêt personnel plutôt que sur le bien du pays. J'aimerais que les députés du Parti réformiste nous appuient concernant la disposition de non-dérogation qu'ils n'ont pas approuvée hier, alors que le député de Crowfoot avait pourtant dit: «Je trouve inacceptable que le gouvernement conclue avec nos peuples autochtones des ententes qu'il viole par la suite. C'est inacceptable. À quoi sert l'entente et quelle valeur peut-elle bien avoir si on la viole par la suite? Pas étonnant que les autochtones soient venus témoigner. J'admire votre patience. Je ne comprends pas que vous soyez si patients face à ce genre de traitement.» Voilà ce que disait le député de Crowfoot. Or, hier soir, il a voté contre une disposition de non-dérogation reconnaissant les droits que nous accorde l'article 35 de la Constitution.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-68 n'aura laissé personne indifférent, c'est certain. De Lutselk'e, dans les Territoires du Nord-Ouest, à Blanc-Sablon, le projet de loi a été discuté en famille, dans la rue, et particulièrement en cette Chambre. Le débat s'est poursuivi jusque dans le dernier droit. Hier encore, nous en avons discuté pendant des heures en cette Chambre.

(1230)

La principale controverse qu'a suscitée le projet de loi C-68 est sans aucun doute l'implantation d'un système national d'enregistrement.

Ce système d'enregistrement universel consistera en un registre informatisé contenant les noms et les coordonnées des propriétaires d'armes et le nombre et la description des armes qu'ils possèdent. Ce système sera géré par la GRC.

Les propriétaires d'armes à feu devront se munir du nouveau permis de possession d'arme à feu à partir du 1er janvier 1996 et auront jusqu'en l'an 2001 pour s'enregistrer. Les armes devront être enregistrées à partir du 1er janvier 1998 et les propriétaires auront jusqu'en l'an 2003 pour ce faire.

Les réformistes, les groupes de pression pro-armes et plusieurs collègues libéraux du ministre de la Justice se réjouissent de la hausse des peines minimums pour les crimes ayant été commis avec l'aide d'une arme à feu, et du fait que les propriétaires actuels d'armes à feu aient presque huit ans de grâce pour se soumettre au système d'enregistrement national que le ministre de la Justice propose dans le projet de loi C-68.


13704

Je suis convaincue que l'enregistrement des armes, jumelé aux permis de possession, aura des incidences positives sur le taux d'homicides et de suicides, de même que sur le contrôle de la circulation des armes.

Nous ne pouvons rester insensibles aux statistiques touchant les décès provoqués par les armes à feu. Ces dernières sont utilisées dans plus du tiers des homicides au Canada. La majorité des homicides au cours des dix dernières années ont été commis avec des fusils ou des carabines de chasse.

Dans leur mémoire présenté au Comité permanent de la justice, la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec a résumé la situation au Québec, et ce, de façon éloquente, et je les cite: «Au Québec, les armes à feu font au moins un mort par jour, soit 420 décès par an, dont 7 sur 10 sont des suicides. Au cours da la même période, on dénombre, au Québec, 400 décès par le sida, 400 par chutes accidentelles, 900 par véhicules motorisés, 100 par noyade et 80 par intoxication accidentelle. Les décès par armes à feu se comparent donc en importance à de nombreux autres problèmes de santé qui retiennent l'attention du public, des médias et du gouvernement. Les coûts économiques annuels des conséquences d'une mauvaise utilisation des armes à feu ont été estimés en dollars canadiens de 1993, à 6 milliards 595 millions de dollars au Canada et à 1 milliard 659 millions pour le Québec seulement. La grande majorité des décès par balle surviennent à domicile avec des armes de chasse acquises légalement.»

Ces sombres statistiques sont incontournables et elles ne peuvent donc être ignorées. Un contrôle des armes à feu est nécessaire pour une société qui veut contrer la violence et favoriser la sécurité publique.

Le Bloc québécois favorise un contrôle des armes à feu sans pour autant discriminer ceux et celles qui les utilisent de façon responsable. Le Bloc québécois, de même que presque 90 p. 100 de la population québécoise, est favorable à l'enregistrement des armes à feu. Il s'agit d'un choix de société.

Le projet de loi correspond aux attentes des Québécoises et Québécois qui recherchent le maintien d'une société paisible et sûre, ainsi qu'une lutte plus efficace à la contrebande. En particulier, les Québécoises, de même que toutes les femmes au pays, appuient un contrôle serré des armes à feu. Ce n'est pas étonnant, car ce sont elles qui sont le plus souvent les victimes des armes à feu.

Dans tous les sondages d'opinion, les femmes, de même que les personnes les plus scolarisées, appuient à 88 p. 100 un système d'enregistrement de toutes les armes à feu. À l'opposé, les hommes en général n'appuient l'enregistrement que dans une proportion de 78 p. 100.

J'ai déjà soulevé la colère de certains en afffirmant que le sexe avait beaucoup à faire dans ce débat de société. Les statistiques prouvent que j'ai raison, et ce pour les motifs suivants: le premier est évident, les statistiques parlent d'elles-mêmes quant à l'appui des femmes pour l'enregistrement des armes à feu; le deuxième, c'est que les hommes sont en général les agresseurs tandis que les femmes se retrouvent, le plus souvent, à l'autre bout du fusil.

(1235)

Même le ministre de la Justice était d'accord avec moi lorsqu'il citait des statistiques troublantes. En moyenne une femme succombe sous la décharge d'une arme à feu tous les six jours au Canada. Trois fois sur quatre, la conjointe victime d'un meurtre a été abattue par une carabine ou un fusil de chasse. Le contrôle des armes à feu, que l'on veuille l'admettre ou non, c'est une affaire de sexe, celui des victimes et celui de celles qui appuient, par une écrasante majorité, le projet de loi C-68.

Pour les raisons que j'ai énumérées plus tôt, je considère que l'instauration d'un système national d'enregistrement est une initiative positive. Je me dois toutefois de réitérer le fait que je considère déplorable que le ministre de la Justice ait cédé au lobby pro-armes.

En étalant sur huit ans l'enregistrement des propriétaires et de leurs armes, le ministre indique clairement qu'il ne veut pas d'un système implanté durant son mandat. Il aurait dû faire en sorte de réduire de deux ans le délai pour enregistrer les armes à feu. Le système aurait été en place dès l'an prochain.

Il n'y a aucune justification, tant logistique que politique, pour que l'enregistrement des armes à feu ne débute pas en même temps que l'obtention du permis de possession. L'enregistrement des armes à feu aurait pu débuter le 1er janvier prochain pour se terminer le 31 décembre de l'an 2000.

Gardons à l'esprit que l'enregistrement des armes à feu n'est effectué qu'une seule fois dans la vie du propriétaire. Le certificat n'a pas à être renouvelé. Il s'agit d'une opération simple qui ne nécessite pas beaucoup des propriétaires d'armes à feu.

Pensons aux vies qui auraient pu être sauvées grâce à l'enregistrement hâtif de toutes les armes à feu. Qu'attendons-nous? L'enregistrement des armes à feu est une forme de responsabilisation sociale. J'ai choisi de vivre dans une société responsable et j'espère que mes collègues feront le même choix.

Permettez-moi de dire: Enfin! Finis les débats stériles, terminés les inepties du Parti réformiste. Le projet de loi C-68 deviendra bientôt la législation que tous les Québécois et Canadiens devront observer.

Le ministre de la Justice, pendant cet examen, a obtenu la note de passage, tout juste. Son opération de marketing s'est avérée un échec total.

Personnellement, je m'intéresse au dossier des armes à feu depuis 1989 et jamais je n'ai fait volte-face. Dès la première heure, je me suis battue pour un contrôle plus serré des armes à feu. Déjà en 1989, je demandais que les armes à feu vendues au Canada soient munies d'un dispositif de verrouillage sécuritaire. J'ai participé au débat soulevé par le projet de loi C-17 jusqu'à son adoption en 1991.

Dieu merci, les réformistes n'y prenaient pas part et le lobby pro-armes a dû se trouver d'autres alliés en cette Chambre.

Je suis heureuse que le projet de loi sur les armes soit adopté aujourd'hui. Quoique imparfait, il constitue une sorte de réforme sociale et un choix de société, une société que je veux paisible et sûre.


13705

Quoi qu'en dise les réformistes, il n'y a pas que la Nouvelle-Zélande ou l'Australie qui aient des lois sur l'enregistrement des armes à feu. Si le Parti réformiste se plaît à prendre ces exemples, c'est que l'expérience s'est avérée difficile pour les deux pays. La Nouvelle-Zélande avait un système désuet, manuscrit et qui avait été instauré après la Première Guerre mondiale.

L'Australie est un État fédéral, comme le Canada, mais la réglementation des armes à feu est de la compétence des États et des territoires. Il semble difficile d'uniformiser un système national d'enregistrement quand la juridiction revient à plusieurs États qui ne légifèrent pas de la même façon.

À tout événement pour la gouverne de mes collègues réformistes, j'aimerais brièvement les entretenir des autres pays de la planète qui ont instauré des mesures pour le contrôle des armes à feu. Je me réjouis à l'idée que nous ferons bientôt partie de cette collectivité responsable.

(1240)

En Chine, un chasseur non professionnel peut obtenir un permis l'autorisant à avoir une arme, mais il ne peut en posséder plus de deux.

En République tchèque, pour obtenir un permis, les motifs de la demande doivent être fournis. Le demandeur doit également y adjoindre des lettre de recommandation ainsi qu'un certificat médical attestant sa santé physique et mentale. Le permis n'est valide que pour une période de trois mois. Une fois qu'elles ont obtenu un permis, les personnes désireuses d'acheter une arme à feu doivent obtenir une autorisation du service de police du district. Une fois achetée, l'arme à feu doit, dans les jours suivants, être présentée au service de police du district pour être enregistrée.

En France, l'enregistrement comprend l'identité, le lieu de résidence et le lieu de naissance de l'acheteur. Les armes à feu doivent être enregistrées à la gendarmerie. De plus, toujours en France, certaines personnes ne sont pas autorisées à acheter des armes à feu. Il s'agit notamment des personnes trouvées coupables d'un crime ou condamnées à purger trois mois de prison, celles qui sont atteintes d'une maladie mentale, celles qui sont en probation et, enfin, les alcooliques violents.

En Allemagne, la loi impose aux fabricants et aux armuriers de nombreuses fonctions; par exemple, la tenue de dossiers, l'étiquetage et la notification. Ces mesures ont pour objet d'aider les autorités à tenir des dossiers précis concernant les armes à feu et les munitions appartenant à des intérêts privés ou commerciaux.

En Grande-Bretagne, les personnes possédant des armes à feu, qu'elles soient les propriétaires ou non, doivent détenir un permis à cet égard et enregistrer chacune des armes.

En Grèce, pour avoir droit au permis, le demandeur doit avoir 21 ans et montrer qu'il en a besoin pour assurer sa propre sécurité, assurer la sécurité d'un édifice public ou s'exercer à la cible. L'enregistrement des armes à feu est obligatoire. Le permis de possession doit être renouvelé tous les trois mois.

Voilà quelques exemples à travers le monde où le contrôle des armes à feu est un choix de société. D'autres pays ont légiféré, tels que l'Inde, Israël, la Suède, l'Afrique du Sud, la Pologne, les Pays-bas, le Mexique, la Malaisie et le Japon.

Comme on peut le constater, et ce, contrairement à ce que voudraient nous le faire croire les députés du troisième parti, les gouvernements responsables ne se trouvent pas seulement dans l'ouest canadien.

Dans un autre ordre d'idée, le projet de loi C-68 tel que modifié par le Comité permanent de la justice reconnaît à l'article 7 les cours de sécurité sur les armes longues qui étaient approuvés par les provinces. Au Québec, les cours en questions ont été approuvés par le ministre de la Sécurité publique de l'époque et couvrent la période à partir de 1969.

Les citoyens du Québec qui se sont vu reconnaître des cours de sécurité dans le maniement des armes à feu, qu'ils ont suivis au cours des dernières années, ne doivent pas être appelés à reprendre leur formation en cette matière pour se conformer à la nouvelle loi. Aussi, la rédaction de l'article 7, quoique fort maladroite, reçoit l'appui du Bloc québécois, puisqu'une personne qui a déjà suivi le cours de maniement d'armes n'aura pas à en suivre un nouveau.

En conclusion, j'aimerais remercier les membres du Comité permanent de la justice ainsi que les 70 organismes et individus qui se sont déplacés pour venir à Ottawa exprimer leurs vues lors des audiences du comité sur le projet de loi C-68.

N'oublions pas que tous les grands projets de société ont suscité de grands débats. Le projet de loi C-68 est un de ceux-là. L'effort n'aura pas été vain.

[Traduction]

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de poser une ou deux questions et de faire quelques observations sur l'intervention de la députée.

Je ne suis pas sûr des hypothèses sur lesquelles la députée s'appuie, mais je voudrais en commenter deux ou trois. Tout d'abord, elle a dit que, si nous enregistrions les armes offensives, il faudrait enregistrer toutes les armes à feu, car il arrive souvent que les fusils soient utilisés pour commettre un suicide, un meurtre ou dans des conflits conjugaux, par exemple. Je ne vois pas quelle différence l'enregistrement peut faire. Si une personne perd la tête et décide de tirer sur quelqu'un, je ne vois pas quelle différence cela peut faire que l'arme qu'elle a sous la main soit enregistrée ou non. Si elle est assez désaxée pour tirer sur quelqu'un, je suppose qu'elle le fera de toute manière.

(1245)

Le cas de la Floride nous montre que ce n'est pas l'enregistrement, mais d'autres facteurs qui sont efficaces pour réprimer la criminalité. Cet État a assoupli sa réglementation sur les armes à feu en 1987 et le taux d'homicides a diminué de 20 p. 100 et il est maintenant inférieur à la moyenne nationale des États-Unis.


13706

En 1988, la Grande-Bretagne a adopté des lois plus rigoureuses et plus restrictives, ce qui a fait diminuer le nombre d'armes à feu de 22 p. 100, mais le taux des crimes avec violence a doublé.

La députée a mentionné certains pays, par exemple Israël, la Suisse et la Suède, qui ont sans doute un régime d'enregistrement des armes à feu. Je ne connais pas très bien tous ces pays, mais je sais que, en Israël, tous les hommes non handicapés en âge de servir dans les forces armées possèdent chez eux un fusil d'assaut et pas un simple fusil de chasse. Ils sont armés pour faire la guerre.

En Suède, où j'ai de la famille, tous les hommes doivent suivre une formation militaire et gardent leur arme chez eux. Ce n'est pas l'enregistrement qui change quoi que ce soit. Ce sont d'autres facteurs qui comptent, comme les poursuites que nous intentons et les mesures que nous prenons contre ceux qui utilisent des armes à feu pour commettre des crimes.

Que dire du suicide? Au Japon, par exemple, presque toutes les armes à feu sont interdites. Elles sont bannies. Pourtant, le taux de suicide y est beaucoup plus élevé qu'au Canada. Interdire les armes à feu n'éliminera pas nécessairement les suicides et la violence conjugale.

Les statistiques sur la violence faite aux femmes sont atroces, mais il ne faut pas oublier non plus, même si cela n'a rien de réconfortant, que les hommes sont probablement dix fois plus souvent attaqués par d'autres hommes que les femmes. Les hommes tirent une certaine fierté d'abattre d'autres hommes. Il y a des gens qui sont fous et on ne peut légiférer en cette matière. L'enregistrement des armes à feu ne nous débarrassera pas de ces gens. Il faut absolument supprimer l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles.

Je voudrais vous raconter un incident qui s'est produit dans ma circonscription. Un homme a franchi furtivement la frontière entre le Canada et les États-Unis et s'est rendu dans la vallée Columbia. Il camouflait sous sa veste une arme jamais enregistrée, un magnum 357. Il s'est fait interpeller par une policière qu'il a jetée à terre. Après avoir introduit son arme dans la bouche de la policière, il lui a dit: «Je vais te tuer.» Il avait des balles de plastique qui ne servent qu'à tuer des gens.

Heureusement, quelqu'un est intervenu et a réussi à lui faire entendre raison, même s'il avait menacé de tuer deux personnes. L'attaquant avait sur lui deux armes à feu, puisqu'il avait volé le pistolet de la policière. Il a volé l'auto-patrouille, s'est rendu dans les montagnes tout près, puis a brûlé le véhicule qui coûtait environ 40 000 dollars.

L'homme était entré au Canada illégalement, camouflait une arme illégale non enregistrée, a attaqué un agent de police, a menacé de tuer deux personnes, était en possession de stupéfiants, ainsi de suite. On l'a finalement trouvé et arrêté. Quelle peine a-t-il obtenue? L'accusation concernant les armes à feu a été abandonnée et, pour tous les autres délits, l'inculpé a été condamné à 15 mois d'emprisonnement.

Ce criminel aurait dû être emprisonné pendant 25 ans. Voilà comment on devrait traiter les personnes qui utilisent des armes à feu à des fins criminelles. L'homme en question sera libéré au mois de juin, et j'imagine qu'il trouvera une autre arme à feu tout à fait illégale et non enregistrée avec laquelle il menacera de tuer une autre personne.

Je voudrais poser à la députée la question suivante: n'est-il pas vrai que nous devrions au Canada moins réglementer la vie des citoyens respectueux de la loi et prévoir des mesures et des peines plus sévères pour les personnes qui utilisent des armes à feu à mauvais escient?

(1250)

[Français]

Mme Venne: Monsieur le Président, j'aimerais répondre au député, qui demande: «Pourquoi enregistrer des armes à feu? Ça ne servira à rien, etc.» On a entendu son discours. J'aimerais lui dire que c'est d'abord et avant tout, pour moi en tout cas, pour conscientiser les gens, pour faire en sorte qu'ils se rendent compte qu'une arme à feu est faite pour tuer. Une arme à feu n'est pas un jouet.

On a beau nous dire que dans l'Ouest on est élevé à peu près avec une arme dans chaque main, je regrette, c'est fait pour tuer. C'est ce qu'on lance comme message à la population, actuellement. Il faut être conscient qu'une arme à feu, c'est dangereux et, une fois qu'on a pris conscience de cela, on va penser plus sérieusement à aller enregistrer une arme, parce qu'il faut faire une démarche pour enregistrer cette arme, que ce soit par la poste ou autrement. À ce moment, on va se demander: «Est-ce que je dois la garder, cette arme, à la maison? Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que j'en ai vraiment besoin ou si je la garde tout simplement dans un coin, sans en prendre soin vraiment, sans m'en préoccuper et que, tout à coup, n'importe qui pourrait l'utiliser pour commettre un méfait?»

Alors, on va se demander si on en a besoin. Moi-même, j'ai des armes à feu à la maison. Vous savez, je suis chasseuse et depuis 1992 je ne vais pas à la chasse. Malheureusement, la chasse est à l'automne. En 1992, on a eu le référendum sur l'accord de Charlottetown; en 1993, nous avons eu nos élections fédérales; en 1994, on a eu des élections au provincial; et, en 1995, on va avoir un référendum au Québec. Alors, décidément, ce ne sont pas mes années pour aller à la chasse, ce qui fait que je me demande si je vais continuer à garder mes armes.

J'en ai parlé à mon conjoint et il m'a dit qu'effectivement, si on n'y retourne plus, on va y penser. Cette année en plus, mon nom a été tiré au sort pour aller à la chasse aux oies à Cap-Tourmente, ce qui est quand même exceptionnel. Pour une fois que j'avais la chance d'y aller, évidemment, je ne peux pas. Nous avons quelque chose de sérieux qui va se passer au Québec, le référendum, et je me dois d'être là, c'est bien sûr.

Mais, tout ça pour vous dire qu'on va commencer à penser si on garde nos armes à feu à la maison car, présentement, on ne s'en sert plus. Est-ce qu'on veut vraiment encore pratiquer ce sport ou pas? Est-ce qu'on veut ou est-ce qu'on peut encore aller à la chasse? Est-ce qu'on a encore le temps? Le fait de prendre un permis de possession d'arme, le fait d'être obligés d'enregistrer l'arme nous fait réfléchir et c'est le but, quant à moi, de ce projet de loi, vraiment d'abord conscientiser les gens. Après, c'est bien sûr pour avoir une société plus sécuritaire, mais je pense que c'est tout d'abord pour vraiment conscientiser la population au fait qu'une arme à feu, c'est fait pour tuer.


13707

[Traduction]

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, même si j'ai beaucoup à ajouter à ce qui a déjà été dit, je vais tâcher d'être bref et très précis.

La députée parle de conscientiser la population. Je voudrais informer la Chambre d'une autre situation et solliciter en même temps l'appui de la députée.

La députée était présente ici, tout à l'heure, lorsque la députée d'Ottawa-Ouest a dit que, plus tard aujourd'hui, elle irait chercher sa fille et son petit-fils à l'aéroport, puis reviendrait à la Chambre pour voter.

À en croire les statistiques, si la députée d'Ottawa-Ouest, ou tout autre député, vivait en Saskatchewan, elle courrait beaucoup plus de risques d'être blessée ou tuée sur le chemin de l'aéroport ou en se rendant dans une ville quelconque que par une arme à feu.

Je me permets de citer brièvement les statistiques concernant les accidents survenus sur la Transcanadienne et la route Yellowhead, en Saskatchewan, en cinq ans. Il y a eu par année, en moyenne, 24 accidents qui ont fait 1 026 blessés et 389 morts.

Les statistiques équivalentes concernant les accidents avec armes à feu indiquent qu'il y a eu, en cinq ans, en Saskatchewan, 18 accidents par année en moyenne, qui ont fait 16 blessés et 2,6 morts.

(1255)

Enfin, le nombre moyen d'homicides survenus en Saskatchewan en cinq ans est de 28,2 par année, alors que le nombre moyen d'homicides par balle est de 5,4. En Saskatchewan, 24 personnes en moyenne meurent chaque année dans des accidents de la route, alors que 5 personnes en moyenne périssent par balle.

Cette année, le gouvernement fédéral a retiré tout son appui au programme des routes nationales. Il ne va financer d'aucune façon la réfection des routes de la Saskatchewan et pourtant, pour des raisons de sécurité, il impose aux Canadiens de la Saskatchewan des frais accrus pour l'enregistrement des armes à feu.

Je me demande si la représentante de l'opposition officielle peut me dire si, dans l'intérêt de la sécurité, elle appuie autant la réfection des routes nationales que le registre national des armes à feu.

[Français]

Mme Venne: Monsieur le Président, très brièvement, je pense que le député se demande quelle est la différence entre une voiture et une arme à feu. Je vais lui dire: une voiture c'est fait pour transporter, et une arme à feu, c'est fait pour tuer.

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je désire partager le temps qui m'est alloué avec un autre député du gouvernement.

Le projet de loi C-68, tel que présenté, a sûrement suscité beaucoup d'intérêt dans l'ensemble du Canada, particulièrement dans les provinces de l'Ouest. Nous pouvons dire ceci, c'est que ce projet de loi est quand même approuvé et obtient l'appui d'une bonne partie de la population canadienne.

Dès le départ, il faut bien s'entendre, tout près de 80 p. 100 des Canadiens sont en faveur de ce projet de loi, dont 90 p. 100 au Québec, et j'apprends aussi que près de 80 p. 100 des Albertains approuvent le gouvernement dans la présentation de ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

Je crois que dans ce débat on a bien entendu l'opposition nous décrire sa vision de la société canadienne. Ce n'est pas une vision que je partage, surtout celle des députés du troisième parti, car on nous dit qu'on a osé comparer le Canada avec les États-Unis. On a voulu nous dire que le gouvernement canadien désirait limiter les droits des citoyens. Il y a une allégation tout à fait fausse de prétendre que le gouvernement canadien, et surtout le ministère de la Justice, aurait osé brimer les droits les plus fondamentaux des Canadiens.

Je veux aussi vous dire que je suis issu d'une petite communauté où les fusils et la chasse font partie de la vie de tous les jours. Mon grand-père, mon père lui-même jusqu'à ce jour est un grand chasseur. C'est avec lui que j'ai appris à découvrir la forêt canadienne, surtout la forêt gaspésienne. J'ai aussi appris à me servir d'une arme à feu. Je lui en suis franchement très reconnaissant. Cependant mon père m'a quand même légué un certain respect des armes à feu et les dangers qu'elles peuvent représenter pour la société ou pour soi-même.

[Traduction]

Il est important de dire que jamais le gouvernement n'a eu l'intention de retirer le droit de chasse. C'est un droit fondamental garanti à tous les Canadiens. Cependant, le gouvernement estime qu'il est de son devoir de veiller à ce que les gens comprennent qu'être propriétaire d'une arme à feu est vraiment un privilège. Une arme à feu est un objet qu'on doit utiliser avec beaucoup de respect et une certaine maîtrise.

Je ne vais pas continuer à parler de mes expériences personnelles. Un certain nombre de témoins ont comparu devant le comité ces derniers mois pour souligner que le contrôle des armes était absolument nécessaire au Canada.

(1300)

Il y a toutes sortes de raisons. Il y a des raisons sociales, telles que la santé et la sécurité, qui nécessitent un certain contrôle pour sauvegarder le Canada que nous connaissons, le genre de société que certains d'entre nous tiennent pour acquise.

On nous a dit également, selon les allégations de l'opposition, l'enregistrement des armes à feu au Canada coûterait environ 300 millions de dollars. C'est complètement faux. J'estime que nous devons faire savoir très clairement à ceux qui nous écoutent, à tous les Canadiens, que l'enregistrement des armes à feu coûtera, grosso modo, 10 $ jusqu'à concurrence de dix armes à feu.


13708

Nous ne confisquerons pas des armes. Nous demandons aux Canadiens de faire enregistrer leurs armes. Nous faisons enregistrer les chiens, les automobiles et bien d'autres choses encore. Je pense qu'il est important de souligner le coût et de ne pas alimenter les exagérations du tiers parti.

Le ministre de la Justice a dit que ce programme entraînerait des déboursés de 85 millions de dollars environ au cours des cinq prochaines années. Toutefois, selon les divers témoignages que nous avons entendus de la part de groupes du domaine de la santé, il est probable que le gouvernement économisera 100 millions de dollars par année en frais d'incarcération parce que moins de Canadiens seraient tués ou traduits devant les tribunaux. Moins de Canadiens auraient des démêlés avec la justice. Les économies seraient assez incroyables.

Des représentants du domaine de la santé du Québec et d'autres provinces ont estimé qu'en ce qui concerne les victimes et les familles des victimes, la perte de productivité, sur le plan économique, sur le plan des soins post-traumatiques et du coût global pour la société, s'élevait à près de 6 milliards de dollars par année. Six milliards de dollars est un montant incroyable. Ce sont des chiffres qui nous ont été signalés et que nous devons utiliser pour montrer à l'opposition et à la population canadienne que, grâce à l'enregistrement des armes à feu, nous ferons en fait économiser de l'argent aux Canadiens tout en sauvant des vies, évidemment.

Le projet de loi renferme d'autres éléments des plus intéressants. C'est un fait que la violence semble de plus en plus être une préoccupation. C'est une préoccupation du public en général et à juste titre, surtout en ce qui concerne les armes à feu. L'opposition, la députée de Saint-Hubert pour être plus précis, nous a bien expliqué ce matin, mais je pense que ça vaut la peine de le répéter. D'après les statistiques qui nous ont été fournies par un certain nombre de témoins, on court deux fois plus de risques d'être blessé ou tué par balle dans les régions rurales que dans les régions urbaines. On court deux fois plus de risques et c'est dû à ce qu'il y a beaucoup d'armes à feu dans ces régions.

On nous dit aussi que, selon le New England Journal of Medicine, chez les gens qui possèdent une arme à la maison, la probabilité d'un suicide est cinq fois plus élevée et la probabilité d'un homicide est trois fois plus élevée.

Nous savons également que le fusil est l'arme privilégiée dans les cas de violence familiale. Parlons de violence familiale. Je pense que c'est une préoccupation que partagent tous les députés, indépendamment de leurs convictions politiques. On nous dit que 87 p. 100 des victimes de violence connaissent leur agresseur. Nous avons aussi appris que 84 p. 100 des victimes sont des femmes. Nous savons également que 61 p. 100 des armes utilisées sont des armes d'épaule acquises de façon légale. Il y a de toute évidence une corrélation entre le fait de posséder une arme chez soi et la violence familiale. C'est un problème auquel nous devons nous attaquer.

(1305)

Je pourrais continuer et parler un peu plus de la police, de ces hommes et femmes en uniforme bleu qui aimeraient savoir à quoi s'attendre lorsqu'ils se rendent au domicile d'une personne à la suite d'un appel pour cas de violence conjugale. Le policier n'a-t-il pas le droit de savoir ce qu'il y a au domicile en question? Y a-t-il un fusil de chasse de calibre 12? Un 22 Long Rifle? S'est-il déjà produit d'autres cas de violence familiale? La personne possède-t-elle à une certaine adresse un fusil posant un problème non seulement pour sa famille, mais aussi pour la société? A-t-elle déjà causé des problèmes à la société? Ce sont là des questions légitimes que les policiers doivent se poser chaque jour. Nous ne le faisons pas seulement pour eux. Nous le faisons pour les familles. Pour les victimes. Pour l'ensemble de la société. C'est le genre de questions que nous devons nous poser.

Je voudrais conclure sur une note positive. Malheureusement, je ne peux pas. Je pense en ce moment à mon frère. Il se trouvait à l'École polytechnique en décembre 1989 et il m'a raconté ce qui est arrivé à cette jeune femme qu'il connaissait très bien. Elle avait la fin de la vingtaine. Elle avait eu le courage de reprendre les études et était en route pour passer son examen final. Mon frère lui a dit au revoir après lui avoir souhaité bonne chance dans son travail, dans sa nouvelle carrière. Ce terrible jour de décembre 1989, il apprenait quelques heures plus tard qu'elle avait été victime d'un des crimes les plus cruels jamais commis au Canada.

Ce projet de loi doit être adopté à la mémoire des victimes et des personnes qui auraient pu être protégées si une telle mesure législative avait existé. Je puis seulement espérer qu'il le sera à la mémoire des victimes de l'École polytechnique, mais aussi et surtout pour réduire la criminalité et ses victimes au cours des années à venir.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, tout le Canada vient de l'entendre de la bouche du député et du député de Nunatsiaq, qui l'a précédé. Que l'on sache dans tout le pays que le gouvernement libéral a déclaré aujourd'hui à deux occasions que posséder une arme à feu n'était pas un droit mais un privilège. Les députés libéraux ont décidé qu'un citoyen canadien qui était propriétaire était privilégié. Je me demande s'ils vont appliquer cette façon de voir au droit, ou au privilège, de posséder une voiture, une maison, un bateau, de prendre des vacances, de voter librement dans ce pays? Est-ce un droit ou un privilège?

Je demande au député de Nunatsiaq de se lever, de regarder tout droit la caméra de télévision et de dire aux autochtones de ce pays que, pour eux, posséder une arme à feu n'est pas un droit, mais un privilège. Qu'il le fasse.

Le député qui vient de parler a dit que, dans les régions rurales, une personne était deux fois plus susceptible d'être blessée par une arme à feu, que là où il y avait des armes à feu les risques de suicide et d'homicide étaient respectivement cinq fois et trois fois plus élevés. Au cours de ce débat, nous avons demandé à maintes reprises au gouvernement, et je le demande maintenant au député, de nous donner une preuve précise et tangible que l'enregistrement des armes à feu contribuerait à ce que les risques d'être blessé par une arme à feu dans les régions rurales ne soient pas deux fois plus élevés, que les risques de suicide ne soient pas cinq fois plus élevés et que les risques d'homicide ne soient pas trois fois plus élevés.


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(1310)

En dépit de nos demandes répétées, ce gouvernement ne nous a pas fourni la moindre preuve tangible pour étayer sa thèse selon laquelle l'enregistrement des armes à feu fera baisser le nombre d'accidents, de crimes et de suicides. L'enregistrement n'y changera rien. Le gouvernement ne nous a fourni aucune preuve.

J'ai une chose de plus à dire. Je me suis entretenu avec de nombreux agents de police, d'un bout à l'autre du pays. Nous avons parlé plus précisément de la situation des agents qui se rendent sur la scène d'une querelle de ménage. Ils m'ont tous dit que l'agent qui tente de pénétrer dans un domicile où on a rapporté une querelle de ménage et qui ne prend pas automatiquement pour acquis qu'il pourrait se trouver en présence d'une arme à feu, ne patrouillera pas ce secteur le lendemain.

Le député vient de nous parler d'un plan formidable qui permettrait aux policiers de savoir à l'avance s'il y a des armes à feu à un endroit quelconque. À l'heure actuelle, ils présument automatiquement qu'il y a des armes à feu et ils procèdent ainsi depuis de nombreuses années. Bien des agents de police m'ont dit que, s'ils sont vivants aujourd'hui, c'est qu'ils présument toujours être en présence d'armes à feu et qu'ils prennent des précautions en conséquence; ce comportement fait partie de leur formation.

J'aimerais revenir au premier point et demander au député de se lever, de faire face aux caméras et de dire au Canada tout entier, et notamment aux autochtones, que la possession d'une arme à feu dans ce pays est un privilège qui leur est accordé par le gouvernement libéral du Canada.

Le président suppléant (M. Kilger): Je dois aviser le secrétaire parlementaire qu'il lui reste une minute seulement pour répondre. Je demande aux députés de ne pas oublier que, lorsque les interventions sont limitées à dix minutes, la période réservée aux questions et observations ne dure que cinq minutes. Par conséquent, si un député utilise en entier les cinq minutes prévues, il ne reste plus de temps pour la réponse.

M. Gagnon: Monsieur le Président, aux États-Unis, les citoyens ont le droit de porter des armes, mais le Canada est un pays paisible, bien gouverné, où règne l'ordre public. Et nous voulons qu'il en soit ainsi.

Nous défendrons toujours le droit de chasser, mais il existe certains privilèges dans tous les domaines et la possession d'une arme à feu en est un. Nous ne sommes pas aux États-Unis. Nous sommes au Canada. Nous avons vécu en fonction de cette idéologie et nous nous y sommes conformés. Ce projet de loi va certainement prouver que la règle de droit prévaudra.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, même aux États-Unis, posséder une arme à feu n'est pas un droit. La Cour suprême des États-Unis a déclaré, dans son deuxième amendement à la Constitution américaine, que le droit de porter des armes s'applique aux milices d'État qui désireraient se défendre contre un gouvernement national arbitraire. Le point de vue de l'amendement n'était pas de donner aux particuliers le droit de porter des armes. C'est à tort que beaucoup d'Américains pensent qu'ils ont ce droit et qu'un grand nombre de Canadiens pensent qu'il en est ainsi de l'autre côté de la frontière. Toutefois, nous ne parlons pas de la situation aux États-Unis.

Le projet de loi C-68 est maintenant en troisième lecture. Ce que nous voulons, c'est créer une situation qui soit plus juste pour les propriétaires légitimes d'armes à feu mais qui, en même temps, accorde une protection supplémentaire aux citoyens canadiens et réduise la criminalité.

Les députés d'en face demandent comment nous savons que nous allons réduire la criminalité et combien de vies nous allons sauver ainsi. Je dois avouer qu'il n'y a pas de formule magique qui va nous donner ce chiffre, mais il est certain que les informations qui nous ont été données par les témoins qui se sont présentés devant le comité nous portent à croire que l'on sauvera de nombreuses vies.

(1315)

Je voudrais parler de ce que nous allons exiger des Canadiens, d'abord des propriétaires d'armes à feu qui en possèdent dix ou moins. Nous allons demander à toutes ces personnes d'enregistrer leurs armes. L'enregistrement aura lieu entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2003. Le coût de l'enregistrement des armes à feu sera probablement nul au début ou du moins devrait se situer à 10 $ environ. Et pour ce montant de 10 $ la personne pourra enregistrer toutes ses armes à feu, jusqu'à concurrence de dix. Vers la fin de la période de cinq ans, le montant réclamé pourrait passer de 10 $ à quelque 18 $ pour l'enregistrement de dix armes à feu.

Dans le cas des personnes ayant dix armes d'épaule, on ne procédera à aucune inspection du domicile. S'il y a dix armes ou moins, il n'y aura pas d'inspection du domicile pour voir si elles sont stockées de façon sûre. Si un inspecteur a besoin de vérifier, par exemple, le numéro de série ou quelqu'autre renseignement, cette vérification se ferait à l'extérieur de la maison, à moins que l'on ne demande au propriétaire d'amener son arme au bureau de l'inspecteur.

M. Hill (Prince George-Peace River): Ou il pourrait venir à la maison.

M. MacLellan: Il n'entrerait pas. S'il est préférable pour la personne que l'inspecteur vienne à son domicile, l'inspecteur pourrait attendre dehors pendant que la personne va chercher l'arme devant être inspectée. L'inspecteur n'a pas le droit de pénétrer dans la maison.

Selon nous, il en coûtera au maximum 18 $, mais plus vraisemblablement 10 $, pour enregistrer à tout jamais dix armes à feu. En effet, il ne sera pas nécessaire d'enregistrer à nouveau ces armes à feu tant qu'on ne les vendra pas à quelqu'un d'autre. Voilà les faits.

Dans le cas d'une personne qui veut obtenir un permis de possession, la période d'enregistrement débutera le 1er janvier 1996 et se terminera le 31 décembre 2001, soit au bout de cinq ans. La question du coût du permis de possession ne se posera pas au départ. On ne commencera à exiger des frais qu'une fois que le système aura été bien rodé pendant cette période quinquennale. Pour les personnes qui veulent renouveler leur certificat d'acquisition et obtenir un permis de possession à la fin de la période quinquennale, il pourrait leur en coûter jusqu'à 60 $ pour cinq ans.

Un cours de formation est prévu pour les personnes qui veulent acheter une nouvelle arme à feu. Si quelqu'un veut obtenir


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un permis de possession, qu'il possède des armes à feu et qu'il n'a pas l'intention d'acheter des armes à feu, il ne sera pas tenu de suivre un cours de formation.

Il n'y a rien ici qui puisse faire un tort irrémédiable au possesseur d'armes à feu de bonne foi. Certes, cela présentera un inconvénient et d'autres aspects des règlements peuvent présenter un inconvénient.

La députée de Saint-Hubert a parlé des verrous. Les règlements vont exiger que les nouvelles armes à feu achetées chez un détaillant soient munies d'un verrou à l'achat.

(1320)

Il ne s'agira pas là d'un inconvénient de taille. Ce sera un facteur de sécurité, et c'est précisément ce que nous voulons, c'est-à-dire assurer la sécurité dans nos foyers, demander voire exiger que les armes à feu soient entreposées en lieu sûr, non pas entraver indûment l'exercice des droits du simple citoyen, mais bien délivrer le message suivant: «Par l'enregistrement et l'entreposage en lieu sûr, nous espérons que vous vous rendrez compte de ce que peut signifier une arme à feu dans les mains de quelqu'un qui l'utilise à mauvais escient, qu'il s'agisse d'une personne qui a volé l'arme au domicile de quelqu'un d'autre ou encore d'une personne qui a l'intention de commettre un suicide.»

Nous l'avons entendu et au comité et à la Chambre, on enregistre en moyenne 1 400 décès par armes à feu chaque année au Canada. Sur ce nombre 1 100 sont des suicides. Le fait est que si l'on ne peut avoir accès immédiatement à l'arme à feu, la probabilité du suicide diminue. S'il y a une clé quelque part, s'il y a une porte fermée à clé, même si c'est une porte de verre, il va falloir faire un effort pour trouver cette clé. Si les munitions se trouvent ailleurs, cela va encore diminuer les risques.

Beaucoup de gens nous disent que certaines personnes ne planifient pas un suicide longtemps à l'avance. Il s'agit parfois d'une décision instantanée. Certaines personnes décident d'utiliser des armes à feu. Si elles ne trouvent pas d'arme à feu, elles n'utiliseront rien d'autre. Des psychiatres nous ont dit cela en comité.

Nous avons apporté des changements très importants à ce projet de loi en comité. Personnellement, je trouve qu'il est aujourd'hui bien meilleur qu'il ne l'était lorsqu'il a été présenté au comité.

Nous avons retiré du Code criminel la première infraction pour non-enregistrement des armes d'épaule et l'avons incluse dans la Loi sur les armes à feu. Nous avons modifié les dispositions relatives à l'inspection. J'en ai parlé tout à l'heure.

Nous avons dit également que les anciens combattants qui possèdent des armes de poing qui constituent des objets de famille et leur rappellent des souvenirs et qui, autrement, seraient interdites et vendues uniquement à des personnes qui possèdent des armes à feu semblables pouvaient léguer ces armes à des membres de leur famille. Il s'agit d'armes de poing qui marquent des moments très importants de leur vie et qui leur rappellent, peut-être, leur service outre-mer. C'est extrêmement important, et c'est le genre de chose que nous voulons faire et que nous avons fait parce que nous avons entendu des témoins et que les membres du comité ont travaillé en collaboration.

Ce projet de loi va être bon. Il ne sera pas parfait, mais il va tout de même être bon. Il va réduire la criminalité au Canada, comme le souhaite le gouvernement.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, cela m'a beaucoup intéressé d'entendre l'honorable secrétaire parlementaire déjà modifier le projet de loi. Il n'a pas encore été adopté. Je me demande si cela s'applique en vertu de l'article 110.

Il s'agit d'apporter nos armes à la porte. En fait, nous savons qu'il n'en est rien. Ce n'est pas ce qu'on dit dans le projet de loi et le député ne devrait pas affirmer des choses comme celle-là.

Il soulève à nouveau la question du droit et du privilège. Je me demande quand la common law a cessé d'être en vigueur en Amérique du Nord, si ce que le député affirme est vrai. Si je ne m'abuse, mon collègue est avocat. J'espère qu'il a lu son Blackstone. Dans la négative, je pourrais lui rafraîchir la mémoire.

Je vais lui citer le passage où on dit, dans les Blackstone's Chronicles que tout Anglais a le droit de posséder des armes personnelles, car sans ces armes, ses autres droits n'ont aucun effet. Ils sont nuls. On le précise très clairement. C'est une longue et ancienne tradition dans le monde anglophone.

Étant donné que le gouvernement libéral a maintenant déclaré que les armes à feu, un bien, sont une chose que nous avons le privilège de posséder, la possession de quel autre type de bien le gouvernement entend-il considérer comme un privilège, les écrits séditieux, peut-être? Jusqu'où va-t-on, à partir de là?

Le député a parlé des anciens combattants et des armes qui constituent des objets de famille. Je ne sais combien de lettres j'ai reçues, à l'instar d'autres députés, dans lesquelles ces gens commencent par dire qu'ils ont porté une arme pour leur pays pendant trois ans, quatre ans ou je ne sais combien de temps et que maintenant, leur pays ne leur fait pas assez confiance pour les laisser posséder une arme. Ils se demandent ce qui arrive à leur pays. Je voudrais bien connaître la position de l'honorable secrétaire parlementaire à ce sujet, car il s'agit d'une affirmation qu'on m'a faite très souvent. En fait, ce sont les anciens combattants qui s'opposent avec le plus de véhémence à ce projet de loi ou à toute mesure sur le contrôle des armes à feu en général.

(1325)

M. MacLellan: Monsieur le Président, je traiterai d'abord du dernier point, concernant les anciens combattants qui possèdent une grande quantité d'armes à feu. Dans le Canada atlantique, un très grand nombre d'anciens combattants possèdent des Enfield. Il s'agit d'une arme d'épaule qui n'est actuellement ni prohibée ni à autorisation restreinte, et elle ne le sera pas non plus après l'adoption de ce projet de loi. Elle ne sera aucunement à autorisation restreinte. Il faudra l'enregistrer, mais elle peut être utilisée comme elle l'était auparavant. Son propriétaire peut la céder à toute personne qu'il le désire. À l'exception de l'enregistrement, la propriété de cette arme à feu n'a fait l'objet d'aucun autre changement. Il faudra simplement obtenir un permis.

M. Morrison: C'est là la question.

M. Gouk: Que dites-vous des 600 000 armes que vous retirez?


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Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. De toute évidence, la Chambre débat ici d'une question sérieuse. Toutes les interventions doivent être adressées à la présidence. Nous empiétons sur le temps les uns des autres. Comme il reste peu de temps au secrétaire parlementaire, je lui demanderais d'être succinct.

M. MacLellan: La seule différence sera l'enregistrement, c'est-à-dire le permis de possession pour le propriétaire et le certificat d'enregistrement pour l'arme à feu. Rien d'autre ne changera.

En ce qui concerne le propriétaire d'une arme à feu qui vient à la porte pour montrer son arme et fournir les renseignements pertinents à un inspecteur, c'est exactement ce qui peut se passer si les deux parties s'entendent. Ce n'est pas une situation difficile.

Quant au droit de port d'armes à feu, le député parle de la déclaration des droits qui a été adoptée au Royaume-Uni au XVIIe siècle. Il remarquera également qu'il existe des mesures très importantes de contrôle des armes à feu au Royaume-Uni. Si cette déclaration accordait à tous les citoyens le droit de posséder n'importe quelle sorte d'arme à feu qu'ils le désirent, ces mesures de contrôle n'existeraient pas.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, le reste des députés réformistes diviseront leur temps de parole.

[Français]

Je suis heureux d'avoir l'occasion d'argumenter sur le projet de loi C-68. Je voudrais d'abord lire des passages extraits d'une lettre lue ici en Chambre en 1976, pendant le débat sur le projet de loi C-83.

Je cite: «La proposition de céder aux bureaucrates le pouvoir de déterminer qui peut ou ne peut pas posséder une arme à feu est un exemple alarmant d'une philosophie qui veut que «tout ce qui n'est pas obligatoire doit être interdit». Si cette mesure mal conçue doit devenir loi, il n'est pas difficile de prévoir que, dans plusieurs années, les armes au Canada seront restreintes à une élite et que ces armes seront toutes immatriculées avec leur numéro de série. Il serait ensuite facile pour un gouvernement ayant la folie des grandeurs de confisquer tous les fusils sous le prétexte de mesures d'urgence et de s'assurer ainsi la docilité de la populace. Si vous pensez que la politique du présent gouvernement est vraiment très modérée et que mes craintes soient exagérées et mal fondées, voire même paranoïaques, laissez-moi vous rappeler qu'une trace de facisme est tout comme une trace de cancer; si elles ne sont pas enrayées à leur début elles peuvent totalement détruire l'organisme.»

«Il n'existe aucune preuve que le contrôle des armes peut effectivement réduire le taux de criminalité, sauf dans un État totalitaire. Il est certain qu'en l'absence totale de liberté et qu'avec le support des forces de police implacables, il existe très peu de crimes violents.»

(1330)

«Cependant, ayant vécu et travaillé dans quelques-uns de ces paisibles paradis, je n'hésite pas à prendre les risques et les responsabilités, tout de même modérés, de vivre dans une société libre, bien qu'elle soit armée.»

«Si mon gouvernement n'a pas peur de moi, en retour, je n'aurai aucune raison de craindre ce même gouvernement. Si cette mesure modérément répressive devient loi, là, je commencerai à m'effrayer.»

Cette lettre fut écrite par moi et lue par feu Réal Caouette, député d'Abitibi. Nous sommes toujours dans la même situation: les libéraux proposent des lois répressives, et moi, je défends toujours les droits des simples citoyens.

Je m'oppose, je me suis toujours opposé et je m'opposerai toujours à l'immatriculation des armes de chasse, aux perquisitions sans mandat, à la confiscation de propriété privée sans compensation et au pouvoir de réglementation d'un ministre sans l'approbation du Parlement. Un gouvernement réformiste annulera tout cela; c'est une promesse.

À l'heure actuelle, les Québécois de la campagne et du nord-les fermiers, les bucherons, les trappeurs, etc.-ne sont pas représentés par leurs députés.

Quand une coalitation de centaines de milliers de membres de sept groupements québécois opposée au projet de loi C-68 a demandé l'appui des politiciens libéraux, conservateurs et bloquistes, on le leur a refusé. Finalement, c'est le Parti réformiste qui est le porte-parole de ces gens au Parlement.

[Traduction]

M. Réal Caouette savait que je n'étais pas un de ses supporters, mais il a présenté ma lettre à la Chambre pour la même raison que nous, les réformistes, représentons la population rurale du Québec. Il était un authentique populiste et détestait les gouvernements répressifs.

Nous sommes tous au courant de la menace que les articles 99 à 112 du projet de loi C-68 font peser sur les libertés civiles, en dépit des modestes amendements conciliatoires apportés par le comité. Ces articles ont fait l'objet de discussions approfondies tant à la Chambre des communes que pendant les nombreux rassemblement de masse et réunions d'information qui ont eu lieu un peu partout au pays. Le récent balayage, en Ontario, des politiciens qui s'étaient énergiquement opposés au projet de loi C-68 reflète en partie l'opinion populaire à cet égard.

Au lieu de continuer de parler de ces articles, je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur un fait historique mal connu. J'ai étudié les lois sur les armes à feu qui étaient en vigueur en Allemagne avant la guerre et j'ai constaté qu'elles étaient très semblables à celles qui sont proposées au Canada. Voici quelques exemples. «Un permis d'acquisition d'arme à feu ne peut être délivré qu'à une personne dont la fiabilité ne soulève aucun doute et qui prouve qu'elle a besoin d'une arme.» Voici un autre exemple. «Une arme à feu ne peut être vendue par un négociant professionnel ou échangée d'une personne à une autre que si elle porte le nom ou la marque de commerce déposée du fabricant ou du négociant et un numéro de série consécutif du fabricant.»


13712

La loi permettait également de confisquer des armes à feu sans procédures judiciaires et sans indemnisation. Elle permettait d'interdire certains types d'armes à feu et de modifier arbitrairement la réglementation et les droits à payer.

En fait, le ministre de la Justice aurait pu renvoyer ses conseillers juridiques et économiser ainsi beaucoup d'argent. Il lui aurait suffi d'obtenir une copie de la loi du Reichstag et d'en faire des photocopies, sauf que cette loi ne contient pas de dispositions concernant les perquisitions et confiscations. Évidemment, en dehors du monde anglophone, les mandats de perquisition ont aussi peu de conséquences qu'ils en ont pour notre ministre de la Justice, et les peines pour non-respect sont beaucoup moins lourdes que celles prévues dans le projet de loi C-68. Oh, Canada.

(1335)

Des amis m'ont suggéré de ne pas parler de ces questions. Selon eux, en attirant l'attention sur le passé récent, je vais miner ma crédibilité en tant qu'adversaire du contrôle des armes à feu, parce que je risque d'avoir l'air trop radical. Je ne suis pas d'accord. Après tout, je suis le messager qui attire l'attention sur un fait historique irréfutable. Ceux qui sont contre les armes à feu ne devraient surtout pas tirer sur le messager.

Les lois sont essentiellement les mêmes. Ce que je veux faire comprendre aux gens, c'est que les gouvernements grugent souvent miette par miette les libertés civiles. On peut emprunter différents chemins pour se rendre à un même point. Je ne veux certainement pas dire que, par son autoritarisme et sa certitude de détenir la vérité, le gouvernement ressemble à celui du troisième Reich. En fait, je suis sûr que tout ce que libéraux et conservateurs ont fait et proposé de faire à cet égard découle d'une croyance sincère que le contrôle des armes à feu peut réduire le nombre de crimes violents.

Le fait que ce ne soit pas logique et que cela n'ait fonctionné nulle part ailleurs ne les décourage pas, parce que ce n'est pas la logique qui les motive, mais leurs préjugés élitistes. Les préjugés constituent une bien faible pierre d'assise pour les lois d'un pays.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je suis attentivement le débat depuis maintenant une couple d'heures et je trouve intéressant d'entendre tous les propos ambigus et les beaux principes qui sont présentés.

Dans le premier discours, le ministre de la Justice a fait une déclaration que tous les Canadiens auraient dû entendre, je crois. C'est une des déclarations les plus ridicules que j'aie entendues. Il a dit que les criminels se dénonceraient eux-mêmes, en n'enregistrant pas leurs armes. Les criminels se dénonceront eux-mêmes. Je ne cite pas cette parole hors contexte. Cette parole en l'air est sûrement la déclaration la plus ridicule que j'aie entendue-en ciblant les citoyens respectueux des lois, le ministre va débusquer les criminels.

Les Canadiens devraient être informés de ce qui se dit aujourd'hui à la Chambre. Le ministre soutient que le coût sera minime. Il dit que nous avons trop d'armes au Canada et que cette mesure ne causera que de légers ennuis. N'y a-t-il pas là une contradiction? Il y a trop d'armes dans notre société. Nous allons nous en débarrasser, mais sans causer trop d'ennuis. Aucune restriction ne sera imposée aux propriétaires d'armes à feu, notamment ceux qui respectent les lois. Les contradictions sont évidentes. Pendant que les ministériels se contredisent, je peux difficilement rester assis à écouter calmement le débat.

Ils affirment, entre autres, que la société sera plus sûre, puis ils expliquent comment ils vont accaparer les services de la police et toutes nos ressources. Comment peut-on améliorer la sécurité dans la société, quand on s'attaque à 99,99 p. 100 des Canadiens qui ne causent aucun problème et qu'on affecte la police à des écritures, au lieu de les envoyer dans les rues lutter contre les criminels. C'est illogique et contradictoire. Cela ne marchera jamais.

Les ministériels vont hausser les impôts. Ils soutiennent que le système ne coûtera pas cher, à peine dix dollars pour dix armes à feu. Qui va donc assumer ces frais? Le ministre des Finances a admis qu'une hausse d'impôts élimine des emplois et que, si on élimine des emplois, les premiers qui vont probablement en souffrir, ce sont les jeunes. Qu'on ne me dise pas que ce n'est pas un risque ou qu'il n'y aura pas d'augmentation de la criminalité au Canada. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Les gens d'en face font exactement l'inverse de ce qu'ils nous font croire dans leurs interventions. C'est un vrai problème

(1340)

Nous avons affirmé à maintes reprises que le système d'enregistrement ferait tomber des renseignements entre de mauvaises mains. C'est ce qui va se produire. Un agent supérieur de la GRC l'a avoué. Selon lui, il n'y a aucun moyen d'empêcher les criminels de s'emparer de ces renseignements. Nous avons un problème sur les bras.

Les députés ministériels disent que la Grande-Bretagne est un pays beaucoup plus sûr que le Canada. Là-bas, 59 p. 100 des tentatives de cambriolage se font lorsqu'il y a quelqu'un à la maison et que les lampes sont allumées. Aux États-Unis, moins de 9 p. 100 des cambriolages ont lieu dans ces conditions. Pourquoi? Parce que les criminels ne veulent pas s'exposer à des risques. Je n'ai pas le temps de reprendre toute cette argumentation, mais les recherches montrent que les victimes de tentatives de vol et d'agression risquent moins de se faire blesser si elles ont les moyens de se défendre.

Il y a tant d'affirmations qui se contredisent. Ainsi, le gouvernement propose d'interdire les armes de poing de calibres .25 et .32 et celles dont le canon fait moins de 4,14 pouces, laissant entendre que notre société sera ainsi plus en sécurité. Quels seront les résultats? Est-ce que ce sera une contrainte pour les criminels? Pas du tout. Ils vont simplement prendre des armes plus grosses et plus efficaces.

M. Stinson: Et plus meurtrières.


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M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Et plus meurtrières, comme le dit mon collègue.

Cette logique est bien étrange. On dit que plus de 500 000 armes de poing sont dangereuses et qu'il faut les interdire, mais elles ne sont pas dangereuses si on les laisse entre les mains de leurs propriétaires actuels. Il y a une contradiction dans ce qu'ils font.

Mon collègue voudrait-il commenter certaines des affirmations contradictoires que nous avons entendues aujourd'hui de la part de députés qui prétendent que le public aura droit à une plus grande sécurité? J'ai des doutes.

Le président suppléant (M. Kilger): Le collègue du député aimerait sans aucun doute répondre, mais le député a utilisé entièrement les cinq minutes réservées aux questions et observations.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, quel est le prétendu objet du projet de loi C-68? À entendre les libéraux, le projet de loi serait censé garder, comme par magie, nos maisons et nos rues sûres. Or, il n'empêchera tout simplement pas l'usage criminel des armes à feu.

Il y a deux principaux éléments du projet de loi auxquels beaucoup de gens trouvent à redire. Il s'agit, premièrement, de l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse. Les criminels n'enregistreront pas leurs armes à feu. Même les libéraux l'admettent. Le projet de loi ne fera donc rien pour empêcher les crimes prémédités. Les criminels ne se servent pas de fusils de chasse pour voler les banques. S'ils le font, il s'agit invariablement d'un fusil dont le canon a été scié, ce qui rend l'arme illégale et donc non enregistrable. Par conséquent, le projet de loi ne produira pas de changement positif.

Il s'agit, deuxièmement, de l'interdiction de centaines de milliers d'armes à feu actuellement légales servant à pratiquer le tir. Je veux parler des armes de poing de calibres 25 et 32, et dont la longueur du canon ne dépasse pas 105mm. D'après le ministre, cette interdiction est justifiée parce que ces armes à feu manquent de précision et sont inefficaces, et qu'il n'y a donc aucune raison d'en posséder. S'il y a quelque chose qui manque de précision et qui soit inefficace, c'est plutôt le travail de recherche qui a permis au ministre d'en arriver à pareil raisonnement.

L'arme de calibre 32 est celle qui sert aux épreuves de tir pour la Coupe mondiale et pour les Jeux olympiques. Les athlètes canadiens ont remporté de nombreuses coupes et médailles grâce à cette arme à feu manquant de précision et inefficace. Linda Thom, qui a utilisé une arme à feu que le projet de loi C-68 propose d'interdire pour remporter une médaille d'or pour le Canada lors d'une compétition olympique, a dit que, s'il fallait en croire le ministre, l'arme à feu dont elle s'est servie manquait tellement de précision et était si inefficace qu'elle n'a dû remporter cette médaille pour le Canada que grâce à un coup de chance extraordinaire.

Bien des gens qui ne se sont jamais servis d'une arme à feu pensent que pour pratiquer le tir, il suffit d'acheter une arme à feu et une boîte de munitions, d'aller au champ de tir, de viser la cible et d'appuyer sur la détente. Si cela était vrai, cela voudrait certainement dire que cette activité n'a pas grand-chose à voir avec le sport. La vérité, c'est que le tir, et surtout le tir de compétition, exigent beaucoup plus que ça. L'arme à feu elle-même nécessite beaucoup d'étude et de travail, tant pour le choix que pour le perfectionnement de son utilisation. Les acheteurs doivent prendre en considération la longueur du canon, la longueur de mire, le type de guidon, le type de mécanisme, le type et l'ajustement des plaquettes de poignée, la force de détente, de même que beaucoup d'autres considérations. Beaucoup de ces éléments exigent des changements et des modifications pour s'adapter au genre d'arme de tir de même qu'au style et à l'habileté de l'individu.

(1345)

Les compétiteurs achètent rarement leurs munitions au magasin, ils préfèrent les fabriquer eux-mêmes. Les balles de fabrication domestique sont beaucoup plus précises que les balles vendues sur le marché. La fabrication des balles est une activité spécialisée en soi. Chaque arme est différente et la fabrication des meilleures balles possibles exige beaucoup de temps et de dévouement.

Pour ceux qui pratiquent le tir, il ne s'agit pas simplement de viser la cible et d'appuyer sur la détente. Chaque compétition organisée par un club est régie par des normes très sévères pour veiller à ce que les tireurs s'amusent en toute sécurité. Chaque compétition se veut stimulante et agréable. Les participants se mesurent à leurs propres capacités et à celles de leur rivaux.

Le tir exige le perfectionnement de toute une série d'aptitudes, énormément de pratique et la participation à des compétitions amicales, comme n'importe quel autre sport. On a tort d'étiqueter ainsi le sport auquel s'adonnent les tireurs de compétition. On retrouve parmi les amateurs de tir des ouvriers, des employés de bureau, des mécaniciens, des docteurs, des hommes et des femmes.

Le ministre se fait plutôt vague lorsqu'il prétend que l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse réduira la criminalité et sauvera, par conséquent, des vies. En tout, 1 354 personnes sont mortes par balle en 1992, à la suite de divers incidents, comme des suicides, des homicides, des accidents et l'intervention des forces policières. Le ministre n'a fourni aucune estimation du nombre de vies qui pourraient être épargnées grâce à ce projet de loi et n'a même pas prouvé que cette mesure législative parviendrait en fait à sauver des vies. Il affirme toutefois que c'est la principale raison pour laquelle il propose le projet de loi.

Beaucoup de gens appuient actuellement le projet de loi en se disant que la mesure législative, si elle permet de sauver une vie, en vaut la peine, peu importe le coût. Examinons-en le coût justement. À cette fin, j'utiliserai les statistiques du ministre même si je les trouve inexactes et trompeuses.

Selon les données déposées par le ministre devant le Comité de la justice, le système d'enregistrement coûtera 118,9 millions de dollars, ce qui représente une hausse par rapport à l'estimation originale qui s'élevait à 85 millions de dollars. Le ministre omet toutefois de parler du coût réel de l'enregistrement.

Toutes les armes de poing sont actuellement enregistrées et nous savons que le système d'enregistrement coûte 82 $ par arme. Le ministre et sa conseillère, Wendy Cukier, estiment qu'il y a environ six millions de carabines et de fusils de chasse au Canada, ce qui semble bizarre, puisque le vérificateur général estime, quant à lui, qu'il y en a 18 millions. Si l'on prend six


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millions d'armes et qu'on multiplie ce nombre par le coût d'enregistrement, on se rend compte que le système d'enregistrement coûtera en fait 492 millions de dollars. Si la réalité se situe à moitié chemin entre les deux estimations du nombre des armes à feu, un autre milliard de dollars ira en dépenses bureaucratiques.

Si on le voulait vraiment, on pourrait trouver une meilleure façon de dépenser cet argent.

Une femme sur neuf est atteinte un jour du cancer du sein. Cette année seulement, 17 000 femmes découvriront qu'elles ont la maladie et plus de 5 400 en mourront. Si le cancer des testicules présentait des statistiques pareilles, les hommes d'en face se croiseraient les jambes et voteraient en moins d'une journée l'octroi de 500 millions de dollars de financement à la recherche et à la prévention. À la manière libérale, ils dicteraient à leurs collègues féminines comment voter.

Toutefois, dans l'état actuel des choses, ils préfèrent consacrer 118,9 millions de dollars à l'établissement d'un programme d'enregistrement des carabines et des fusils de chasse et cela, sans même savoir si le programme va permettre de sauver une seule vie humaine.

J'ai fait quelques recherches sur ce que 118,9 millions de dollars pourraient permettre de réaliser en détection et traitement du cancer du sein. Les résultats sont fort intéressants. Avec 118,9 millions de dollars, on pourrait doubler le nombre des examens de dépistage dans le groupe d'âge pertinent. Des spécialistes me disent que cela réduirait du tiers le nombre des victimes de cette terrible maladie, ce qui reviendrait à sauver 1 710 femmes par année. C'est là plus de personnes qu'ils n'en meurent par balle au total et nous n'avons toujours pas la preuve qu'une seule vie humaine serait sauvée grâce au projet de loi mal conçu du ministre.

Il s'en trouvera pour signaler qu'il faudrait débourser cette somme chaque année pour le traitement du cancer du sein, alors qu'il ne faudrait la débourser qu'une seule fois pour établir le système d'enregistrement. Sans tenir compte du fait que le coût d'établissement du système d'enregistrement ne comprend pas le droit d'enregistrement lui-même, j'ai cherché à savoir ce qu'on pourrait faire avec 118,9 millions de dollars pour lutter à long terme contre le problème du cancer du sein.

(1350)

Comme nous le savons tous, des frais médicaux sont associés à chaque maladie. Les frais hospitaliers, le coût du traitement de chimiothérapie et les autres dépenses engagées pour une victime du cancer du sein en phase terminale totalisent 100 000 $ en moyenne, ce qui ne tient pas compte du coût humain pour la victime ou sa famille. Si l'on pouvait sauver chaque année 1 710 femmes et donc épargner dans chaque cas 100 000 $ en frais médicaux, on réduirait les dépenses au titre des soins de santé au Canada de 171 millions de dollars.

Même si l'on dépensait en une seule fois 118,9 millions de dollars pour vraiment sauver des vies humaines au lieu d'encourager l'idée fantasque qu'a le ministre qu'il peut imposer ses valeurs aux autres, on épargnerait chaque année 70 p. 100 de ce montant en frais médicaux, plus 52 millions de dollars. Compte tenu de cela, l'idée fantasque du ministre ne semble pas très défendable.

Notre pays traverse une période très difficile au plan financier. Le gouvernement parle de réduire considérablement les dépenses publiques. Cela s'impose, mais cela prouve aussi que le gouvernement doit apprendre à fixer ses priorités de façon à préserver la qualité de la vie au Canada tout en réglant les problèmes financiers qui se posent à nous.

Le gouvernement et surtout le ministre de la Justice semblent très mêlés dans leurs priorités. Il est temps de dire au ministre que restreindre les activités des honnêtes citoyens ne constitue pas une priorité. Son projet de loi va revenir à un gaspillage de l'argent des contribuables au moment même où l'on n'en a pas à gaspiller.

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part au débat sur cette question.

J'étais ici ce matin lorsque le ministre de la Justice a prononcé son discours. Il a dit que les députés du tiers parti faisaient de la fiction. Si le député qui vient de parler avait été présent, il aurait profité de certaines informations, notamment celles portant sur le coût de l'enregistrement.

Le ministre a très clairement fait ressortir qu'on ne pouvait pas comparer le coût de l'enregistrement des armes de poing à celui des armes d'épaule parce que, dans le cas des premiers, il y a des enquêtes policières, ce qui rend beaucoup plus coûteux l'enregistrement des armes de poing.

Le député de Wild Rose a également fait de la fiction lorsqu'il a dit à la Chambre que le taux de criminalité canadien était le même que celui des États-Unis. Je tiens à dire au Parti réformiste que c'est de la fiction tout ça et que les Canadiens ne se laisseront pas duper.

Les députés réformistes ont déclaré que l'enregistrement des armes de poing n'avait pas fait diminuer la criminalité. Que les députés réformistes sachent que les policiers peuvent maintenant arrêter quiconque est en possession d'une arme non enregistrée et sans avoir de permis pour cette arme. Ils peuvent amener la personne en cause au poste; l'enquête révélera sans doute alors que celle-ci a commis de nombreux crimes.

Je voudrais vous donner un autre exemple cité par le ministre de la Justice ce matin. Il s'agit du cas où des policiers feraient une descente dans un club de motards où ils trouveraient 20, 30 ou 40 armes d'épaule. Aux termes de la loi en vigueur, la police n'a aucun moyen de savoir s'il s'agit d'armes illégales.

J'estime qu'il est important de dire ce qu'il en est. Ce projet de loi aidera à maintenir une société que nous sommes arivés à respecter, le gouvernement tente de sauvegarder le genre de société à laquelle les Canadiens tiennent. Nous ne croyons pas qu'il faut imiter les Américains et leur taux de criminalité.

(1355)

Récemment, soit le mardi 6 juin, un article intitulé «Second Opinion» a été publié dans le Kitchener-Waterloo Record. L'auteur de cet article, John Dodds, de Kitchener, a été membre de la Police provinciale de l'Ontario pendant 20 ans. Il avait également travaillé auparavant pour le service de police du Grand Toronto et pour celui de Londres, en Angleterre.

13715

Dans cet article, l'ancien policier s'en prenait à l'Ontario Handgun Association, qui a produit une brochure de 84 pages intitulée «Politics of Panic». Il disait essentiellement dans son article qu'il voulait s'assurer que les policiers seraient capables de contrôler la prolifération et l'utilisation des armes à feu et que les États-Unis ne deviendraient pas un modèle pour notre pays.

En terminant, j'ai une question à poser au député. Durant la présente législature, nous avons souvent entendu les députés du Parti réformiste dire qu'ils ont mis en service une ligne 1-900 pour entendre ce que leurs électeurs ont à dire. À part trois députés qui voient un peu plus clair que leurs collègues, quand les députés du Parti réformiste respecteront-ils leurs promesses électorales en écoutant vraiment leurs électeurs et en cessant de nous dire, comme nous l'avons entendu plus tôt de la bouche du député de Crowfoot, qu'ils ne croient pas dans les sondages. Vous avez promis de représenter. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Jusqu'à maintenant, nous avons eu un débat animé qui répond à tous les critères d'un bon débat parlementaire et j'espère que cela continuera après la période des questions. Je demanderais cependant à tous les députés d'adresser toutes leurs remarques à la présidence, sans quoi nous savons ce qui peut arriver.

Il reste une minute au député de Kootenay-Revelstoke avant que nous passions aux déclarations de députés.

M. Gouk: Monsieur le Président, pour répondre à la question que le député a fini par poser, je dirai que j'ai de fait distribué un questionnaire dans ma circonscription. J'ai demandé aux gens s'ils étaient en faveur de l'enregistrement obligatoire des armes à feu comme le propose le projet de loi C-68? C'est une question simple et franche. J'ai obtenu 84 p. 100 de non et 16 p. 100 de oui.

Lorsque le député dit que le Parti réformiste, l'opposition nationale officielle, joue avec des mythes et lorsqu'il parle d'enregistrement bidon, il ferait mieux de regarder la proposition de son propre parti qui, pour que l'enregistrement ne coûte pas trop cher, distribuerait à la ronde des cartes que chacun n'aurait qu'à remplir et à mettre à la poste.

Si le gouvernement est assez bête pour faire cela, je ne serais pas surpris, monsieur le Président, que certains enregistrent leurs voisins, d'autres leurs ennemis personnels, ou encore que des amateurs d'armes enregistrent des personnes qui sont contre les armes à feu en général. Ce système nous donnera l'impression que tout le monde possède un UZI.

Le Président: Comme il est 14 heures, nous passerons maintenant aux déclarations de députés.


13715

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA BATAILLE DE STONEY CREEK

M. Tony Valeri (Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, j'ai récemment assisté, dans ma circonscription, à la reconstitution annuelle de la bataille de Stoney Creek. La guerre de 1812 est pour nous tous une guerre que nous connaissons par les livres d'histoire. Il n'existe pas de photos, de vidéos ou de films de la bataille.

La reconstitution annuelle de la bataille de Stoney Creek est donc d'autant plus importante, non seulement parce qu'elle a un but éducatif mais aussi, ce qui est plus important, parce qu'elle peint les réalités de la guerre et le combat qu'ont dû mener nos compatriotes.

Beaucoup de gens qui ont assisté à cette reconstitution ont dit craindre que les dispositions du projet de loi C-68 ne compromettent de telles reconstitutions à l'avenir. La British North-America Living History Association a présenté un mémoire au Comité permanent de la justice. Je suis sûr que les membres du comité ont pris en considération les arguments avancés pour veiller à ce que les reconstitutions puissent se poursuivre sans entrave.

La reconstitution de la bataille de Stoney Creek est un événement communautaire important et une source de fierté pour la ville. La qualité de la reconstitution a valu à Stoney Creek des éloges dans toute l'Amérique du Nord. Ce serait dommage de compromettre. . .

* * *

[Français]

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER DE 2002

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, c'est vendredi, à Budapest, que sera annoncé officiellement le choix de la ville hôte des Jeux olympiques d'hiver de 2002.

L'expérience exceptionnelle dont la ville de Québec a déjà fait preuve dans l'organisation d'événements d'envergure, les nombreux équipements sportifs déjà en place, les attraits culturels et touristiques de la région, l'appui enthousiaste et soutenu de tous les milieux, ainsi que la profonde fierté collective des Québécois et des Québécoises sont autant d'éléments qui militent en faveur de Québec.

À cette flamme qui anime chacun des Québécois, il ne manque plus que le flambeau des Jeux olympiques de 2002 pour que jaillisse aux yeux du monde entier leur fierté et leur joie de vivre.

Les députés du Bloc québécois se joignent à moi pour souhaiter à la ville de Québec la meilleure des chances pour obtenir ces jeux qui seront extraordinaires.

Bonne chance Québec!


13716

[Traduction]

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, la concurrence accrue entre les compagnies téléphoniques dans le domaine de la radiodiffusion donnera un plus grand choix aux consommateurs et fera baisser les prix.

Les habitants de la Colombie-Britannique risquent de ne pas bénéficier de ces avantages du fait que la compagnie B.C. Telecom appartient en partie à des intérêts étrangers et que, par conséquent, elle ne peut être détentrice d'une licence de radiodiffusion.

J'exhorte le gouvernement à supprimer toutes les restrictions pertinentes concernant les intérêts étrangers, pour le plus grand bien des consommateurs.

Faute de quoi, j'exhorte le gouvernement à autoriser la compagnie B.C. Telecom à détenir une licence de radiodiffusion en lui permettant de déroger aux exigences relatives aux intérêts étrangers, tout comme il l'a fait pour les autres activités de la compagnie.

Les habitants de la Colombie-Britannique y trouveront leur compte.

* * *

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui le Sierra Club a annoncé qu'une coalition de 12 organismes canadiens consacrés à la protection de l'environnement serait à Halifax plus tard cette semaine, pendant le sommet du G-7, pour exhorter les dirigeants du G-7 à tenir leur promesse de revoir les institutions financières internationales.

Le plan en cinq points de la coalition inclut l'examen des politiques et des pratiques des institutions issues des accords de Bretton Woods; une taxe à la spéculation proposée par M. Tobin; la fin des prêts accordés par la Banque mondiale pour des mégaprojets aux effets destructeurs tant sur le plan social qu'environnemental; des mesures en vue de réduire la dette multinationale et la fin des programmes d'ajustement structurel.

Le projet du communiqué final du G-7, qui a fait l'objet d'une fuite la semaine dernière, révèle que les pays du G-7 ont seulement à coeur de protéger les intérêts des investisseurs et des spéculateurs internationaux.

C'est au sommet des citoyens qu'on discutera de la réforme fondamentale des institutions issues des accords de Bretton Woods qui nous rapprochera d'un système financier international plus stable, plus équitable et plus durable.

Je tiens à féliciter le Sierra Club d'avoir pris la direction d'une initiative aussi importante.

* * *

LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour attirer l'attention de la Chambre sur la Semaine canadienne de la santé et sécurité au travail, qui souligne l'importance de la prévention des blessures et des maladies sur les lieux de travail.

Cette année, le slogan de cet événement «Communication-toutes portes ouvertes» (Communicating, Open the Channels) insiste sur la communication et fait ressortir la nécessité de coopérer. Les statistiques prouvent bien l'importance de la prévention. Rien qu'en 1993, 733 travailleurs canadiens ont été tués et près de 830 000 ont été blessés au travail, ce qui a entraîné la perte de 15 millions de jours de travail et des coûts, directs et indirects, de plus de 10 millions de dollars.

Je félicite les gens qui tentent de faire baisser ces chiffres en sensibilisant la population au problème. Je demande à tous les députés de la Chambre de coopérer avec le milieu des affaires et les travailleurs afin que cesse ce gaspillage tragique de ressources économiques et humaines.

* * *

LES PROVINCES MARITIMES

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, les chefs des pays les plus riches du monde se rencontrent à Halifax cette semaine, à l'occasion du sommet du G-7, pour discuter d'une intégration économique et politique accrue.

Dans le climat actuel des grands bouleversements mondiaux, nous assistons à l'effritement des obstacles au commerce régional, continental et même mondial. Ce phénomène, joint à celui de la transformation de la nature même du fédéralisme au Canada, amène, sinon oblige, les provinces maritimes à redéfinir leur rôle au sein de la Confédération.

Depuis trop longtemps les intérêts communs des habitants des provinces maritimes se perdent dans l'ensemble national à cause d'une politique locale à trop courte vue. Si les provinces maritimes veulent rétablir leurs économies dans le contexte des marchés nationaux ou internationaux, elles devront exercer un leadership ferme pour parvenir à une véritable union économique, et partant politique, entre elles.

Je demande donc aux grands leaders de la politique, de l'économie et du commerce, de relever ce défi et de redonner aux provinces maritimes la possibilité de réussir à l'heure de cette restructuration profonde de notre nation.

* * *

(1405)

LA BOSNIE

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais demander à tous les députés de se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à M. Kresimir Zubak, président de la Fédération de la Bosnie-Herzégovine, et à M. Vladilav Pogarcic, sous-ministre des Affaires étrangères de la Fédération bosniaque.

La Fédération de Bosnie-Herzégovine a été créée l'an dernier à Washington. Sa création représentait un pas vers la paix, si minime soit-il, alors que ce pays est dans une tragique situation de guerre depuis trop longtemps. La Fédération est actuellement constituée par les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie qui ont accepté de travailler ensemble à la réalisation d'une paix durable.


13717

Les événements tragiques de Bosnie nous touchent tous. Les images télévisées nous hantent et nous nous inquiétons de la sécurité des centaines de casques bleus canadiens qui sont actuellement là-bas.

Nous prions pour l'arrêt des combats en Bosnie-Herzégovine et nous souhaitons à M. Zubak beaucoup de chance dans sa tentative de parvenir à une paix durable dans son pays.

Le Président: Chers collègues, M. Zubak est ici, maintenant, il est avec nous, à la Tribune.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES RELATIONS OUVRIÈRES

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, cette Chambre sera bientôt appelée à débattre du projet de loi antibriseurs de grève présenté par le Bloc québécois. Ce projet de loi vise à mettre fin à l'injustice entretenue par le Code canadien du travail en permettant aux employeurs sous juridiction fédérale d'embaucher des briseurs de grève, ce qui fait traîner les conflits et pénalise les travailleurs.

Rappelons seulement le cas de la minoterie Ogilvie où la grève dure depuis plus d'un an parce que le nouvel employeur veut imposer sa convention collective. Malgré que la ministre du Travail n'a rien fait dans ce dossier, le Bloc invite le gouvernement à accueillir favorablement notre projet de loi. Plusieurs députés libéraux, dont l'actuel ministre du Développement des ressources humaines, ont en effet voté en faveur d'un projet de loi semblable en 1990.

Aux collègues libéraux: vous aurez la chance de démontrer si vous défendez ou non l'intérêt des travailleurs.

* * *

[Traduction]

LES DÉPUTÉS DE L'ARRIÈRE-BAN

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, au cours des dernières semaines il est devenu clair que l'arrogance ministérielle était à son zénith. Je voudrais suggérer quelques tours que les députés de l'arrière-ban pourraient jouer aux membres du cabinet pour les ramener à la réalité.

Le premier serait de se déguiser en personnel d'entretien et d'enlever la plaque nominative qui se trouve sur la porte des ministres de la Santé, du Revenu national et du Patrimoine canadien. Si on leur demandait ce qu'ils étaient en train de faire, ils pourraient tout simplement répondre qu'ils prennent de l'avance sur leur emploi d'été.

Une autre idée serait d'appeler la vice-première ministre au nom de la maison de retraite le Bonheur tranquille. Lui dire qu'elle doit encore de l'argent sur le dépôt qu'elle a fait pour sa chambre et qu'elle a oublié d'y ajouter la TPS. Vous vous rappelez la promesse?

On pourrait aussi téléphoner au ministre de la Défense et lui demander si le MDN lave aussi les fenêtres?

Enfin, les députés de l'arrière-ban pourraient envoyer au premier ministre un message clair lui indiquant que ses tactiques disciplinaires du passé n'ont plus cours aujourd'hui: on vote selon les désirs de nos électeurs, même si c'est contraire à la politique du parti.

* * *

[Français]

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, depuis le lancement de sa dernière campagne de financement, le 23 janvier dernier, le Bloc québécois s'est vanté de respecter la Loi québécoise sur le financement des partis politiques en n'acceptant que des dons inférieurs à 5 000 $ provenant uniquement d'individus.

Or, en consultant les premières données qui viennent d'être rendues publiques par le directeur général des élections à propos de la campagne électorale de 1993, on découvre que des dizaines de dons corporatifs ont été acceptés par les candidats et députés du Bloc québécois et que ces dons représentent plusieurs milliers de dollars.

Nous comprenons mieux maintenant pourquoi le Bloc québécois s'est si longtemps caché derrière cette clause de la Loi électorale qui lui permettait de ne pas rendre publique la liste de ses contributeurs.

* * *

[Traduction]

LE SOMMET DU G-7

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la ville de Halifax est prête. Les dirigeants des pays qui participent au sommet de Halifax commenceront à arriver demain dans la belle province de la Nouvelle-Écosse.

Ils discuteront de questions qui nous concernent tous, dont la réforme de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, qui peut contribuer à bâtir la paix et à favoriser la stabilité économique dans le monde entier. Une meilleure concertation des efforts faits pour lutter contre le crime organisé est indispensable pour assurer la sécurité de tous, que nous vivions à Tokyo ou à Timberlea.

(1410)

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé aux préparatifs du sommet de Halifax et fait en sorte que ce sommet soit un franc succès.

Le sommet ne se déroule pas uniquement autour de la table. L'Université Mount Saint Vincent décernera un diplôme honoraire à Hillary Clinton. Halifax-Ouest va accueillir des centaines de représentants de médias du monde entier auxquels nous ferons visiter certains de nos plus beaux sites, auxquels nous donnerons un aperçu de nos industries culturelles et pour lesquels nous organiserons une soirée folklorique dite «ceilidh» dans l'anse de Hubbards. Nous réservons au monde entier un sommet fantastique.


13718

[Français]

RÉFÉRENDUM SUR LA SOUVERAINETÉ
DU QUÉBEC

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, le Château Frontenac brillait de tous ses feux. Les maîtres du protocole s'étant agités depuis l'aube, tout était prêt pour la grande cérémonie. Belette vibrante présidait, la république s'agitait.

C'est ainsi qu'il nous a été permis d'apprendre que les chefs du PQ, du Bloc et de l'ADQ ont signé un document dans lequel ils demandent que se tienne, l'automne prochain, un référendum sur la séparation du Québec. Pour bien des observateurs, il n'a pas fallu attendre cette prétendue cérémonie de signature pour apprendre que le chef du PQ et ses deux acolytes veulent la séparation du Québec.

Les gens d'Orford, de Sutton, de Cowansville, de Lac-Brome, de Bedford et de l'ensemble du comté de Brome-Missisquoi, il y a quatre mois aujourd'hui, ont dit non à l'aventure séparatiste. Ils ont choisi le Canada. La population du Québec ne veut pas d'un projet de séparation, et sa réponse sera non lors du prochain référendum.

* * *

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, dans son projet de réforme de l'assurance-chômage déposé la semaine dernière au Cabinet, le ministre du Développement des ressources humaines s'attaque directement aux jeunes qui entrent sur le marché du travail. En effet, chaque jeune qui se verra obligé de recourir pour la première fois au régime devra maintenant avoir travaillé un minimum de six mois avant de toucher une quelconque aide du gouvernement.

Ce projet de réforme est insensé, lorsqu'on connaît la situation révoltante dans laquelle sont plongés les jeunes Québécois et les jeunes Canadiens, cette génération dont le taux de chômage s'élève à 16,5 p. 100.

Même qualifiés, des milliers de jeunes sont pénalisés. Au Canada, 30 p. 100 des familles pauvres comptaient au moins une personne diplômée, une proportion qui a doublé depuis dix ans.

Accabler une génération déjà fortement éprouvée est tout simplement cruel. Le ministre doit retirer sa proposition et arrêter de frapper les jeunes.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le vote de ce soir sur le projet de loi C-68 sera un moment décisif dans la politique ontarienne. Quatre-vingt-dix-sept députés libéraux auront l'occasion de représenter les vues de leurs électeurs. Il nous sera donné de voir si la leçon de populisme de la semaine dernière renouvellera le désir de tous les députés d'agir dans l'intérêt de leurs circonscriptions et de leur province.

Certes, le recours à l'attribution de temps accélère peut-être l'étude de certains projets de loi à la Chambre, mais les députés ontariens savent bien que le vote final aura lieu en 1997 en ce qui concerne les projets de loi sur les armes à feu, sur les allocations de retraite, sur l'orientation sexuelle et sur l'équité en matière d'emploi. Les libéraux doivent choisir entre appuyer leur parti ou appuyer leurs électeurs. Libérale ou conservatrice, s'agira-t-il de la même vieille histoire? Qu'ils évitent, par leurs décisions, de devenir les victimes du syndrome McLeod. Qu'ils votent avec leurs électeurs.

* * *

LE PARTI RÉFORMISTE

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, c'est, aujourd'hui, en fait, le vote final à la Chambre sur le projet de loi C-68.

Tout comme nous avons été confrontés à des questions difficiles au sujet de ce projet de loi, il est temps pour nos vis-à-vis de répondre à une ou deux questions. Vous savez de qui je parle, les nouveaux politiques, les grands populistes, les députés qui sont venus ici pour représenter les électeurs de leur région. Ce sont les petits génies qui vont faire fi des groupes d'intérêts et défendre leurs électeurs.

Je pense que c'est leur whip qui a le mieux exprimé la situation lorsqu'il a déclaré, tout à l'heure, qu'il fallait voter selon la volonté de ses électeurs, même si cela allait à l'encontre de la position officielle du parti. Le député de Simcoe-Nord nous a dit la même chose, mais malgré un consensus très clair, malgré les souhaits manifestes des électeurs de Calgary, leur chef adopte le point de vue du lobby pro-armes, tourne le dos à ses électeurs et se plie à la volonté de son caucus. Tout un populiste.

* * *

[Français]

LA CRIMINALITÉ

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine, Lib.): Monsieur le Président, hier, la sénatrice Joyce Fairbairn, de concert avec le solliciteur général et les membres d'associations intéressées à la justice criminelle ont lancé une trousse d'information sur l'alphabétisation et la prévention de la criminalité intitulée «Entre les lignes». Cette trousse illustre comment nous pouvons faire la différence pour réduire la criminalité dans la société d'aujourd'hui.

[Traduction]

Pour résoudre le problème de la criminalité il ne suffit pas simplement de bâtir davantage de prisons ni d'accroître le nombre de policiers. La solution réside également dans un effort combiné de la part de tout le monde pour réduire et éliminer les inégalités et injustices sociales qui contribuent à la criminalité au départ.

(1415)

Nous voyons déjà les conséquences tragiques de la criminalité dans nos pénitenciers fédéraux. La majorité des délinquants incarcérés ont peu d'outils d'apprentissage. Beaucoup sont incapables de lire un journal ou une bande dessinée ou encore de suivre un ensemble simple de directives.

13719

Le programme d'alphabétisation Entre les lignes apportera une contribution fondamentale et durable à la prévention de la criminalité, en plus de réduire l'analphabétisme au Canada.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Avant que nous n'entreprenions la période des questions aujourd'hui, je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune de collègues parlementaires, les membres du Comité de la planification, des budgets et des comptes publics du Congrès mexicain.

Des voix: Bravo!

_____________________________________________


13719

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, par sa réforme de l'assurance-chômage, le gouvernement fédéral s'apprête, une fois de plus, à réduire substantiellement l'admissibilité et les prestations d'assurance-chômage. D'après le Globe and Mail d'aujourd'hui, c'est le Québec qui sera la principale victime des coupures additionnelles au régime d'assurance-chômage, qui s'élèveront à 1,6 milliard de dollars.

Ma question s'adresse au premier ministre. Confirme-t-il que, selon le modèle bien connu, c'est le Québec qui fera les frais des coupures additionnelles de 1,6 milliard de dollars à l'assurance-chômage, puisqu'il assumera 40 p. 100 des coupures, pour un total de 605 millions de dollars, comparativement à seulement 255 millions pour l'Ontario?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit hier et je répète aujourd'hui que le gouvernement n'a pris aucune décision en la matière. Le ministre du Développement des ressources humaines effectue présentement des consultations. Il y aura une réforme de tous les programmes sociaux à l'automne, de telle façon que nous puissions utiliser les fonds pour les mettre à la disposition des gens qui veulent travailler, qui veulent suivre des cours de perfectionnement.

C'est là-dessus que nous voulons mettre l'accent, c'est-à-dire permettre aux travailleurs de trouver des emplois et de regagner leur dignité. Quant au programme spécifique, il sera annoncé lorsque les consultations seront terminées. À ce moment-ci, personne ne peut prétendre qu'une partie ou l'autre du Canada sera appelée à contribuer plus que les autres.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, autrement dit, si on décode la réponse du premier ministre, c'est que la décision n'est pas encore prise, que le projet existe, que le Globe and Mail a bien raison de le mentionner dans ses pages d'aujourd'hui.

Je demande au premier ministre s'il faut comprendre que son gouvernement et lui veulent repousser la prise de la décision à l'automne, donc après le référendum sur la souveraineté du Québec, de façon à ce que l'annonce des coupures qui frappent principalement les chômeurs québécois vienne par la suite?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, d'abord, je suis heureux de voir que nous sommes sûrs d'avoir un référendum. On a hâte d'en avoir un.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): J'espère que la question posée sera claire et qu'on dira: «On veut se séparer du Canada» et qu'on n'essaiera pas de faire croire aux gens autre chose que ce qu'ils veulent réussir, c'est-à-dire la séparation.

Quant à nous et à notre programme d'assurance-chômage, la réforme de tous les programmes sociaux nécessite des consultations avec les gouvernements provinciaux et c'est ce que le ministre est en train de faire à ce moment-ci. Tout ce qu'il y a dans les journaux peut être hypothétique. Ce n'est pas la première fois qu'il y a des articles qui paraissent dans les journaux et que les résultats du programme gouvernemental sont tout à fait différents de ce que le Globe and Mail avance. Généralement, c'est exactement la situation.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je constate que le premier ministre semble vouloir parler du référendum. Il nous a dit qu'il a hâte d'avoir ce référendum et d'avoir une question claire. Les Québécois savent très bien que le premier ministre n'a rien à offrir d'autre au Québec que le statu quo des coupures inéquitables et que son seul objectif est de finir le travail de 1982!

M. Loubier: Bravo!

(1420)

M. Bouchard: Puisqu'il veut en parler du référendum et puisqu'il veut une réponse claire, parce que la réponse sera claire à la question claire, je demande au premier ministre s'il reconnaît qu'après avoir été mis en face d'une décision du peuple québécois souverainiste, clairement souverainiste, est-ce qu'il reconnaît qu'il devra, comme premier ministre, s'asseoir à une table et négocier d'égal à égal avec le gouvernement du Québec par la suite?

Des voix: Bravo!

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, on voudrait bien savoir quelle est la question. On est arrivé au mois de décembre avec une astuce, que le peuple a découvert très rapidement, et tout ce truc qu'on avait inventé pour essayer de faire des mirages, ensuite on a essayé de créer des virages. Et tout cela, pour aboutir qu'au mois de mars, le programme du mois de décembre était déjà terminé. La nouvelle astuce du mois de juin sera probablement très bien connue des Québécois au mois d'octobre et tout le monde comprendra que la question du chef de l'opposition est purement hypothétique parce que je sais que si on demande aux Québécois: Voulez-vous vous séparer du Canada? Ils vont toujours voter pour rester au Canada, j'en suis convaincu.

Des voix: Bravo!


13720

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre appelle une astuce ce qui est la manifestation claire et nette d'un geste de responsabilité économique dans l'intérêt mutuel des deux peuples du Canada et du Québec, et lui-même devra en prendre note lorsque les Québécois auront voté oui à la souveraineté.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je demande au chef du gouvernement, qui est l'un des champions fédéralistes qui n'ont aucune idée, qui ne réfléchissent pas, qui n'ont rien à offrir, comment il peut prétendre répondre à la volonté de changement des Québécois, alors que lui et les fédéralistes n'ont rien à offrir au Québec, sinon le statu quo, le régime fédéral dénoncé depuis toujours par les Québécois fédéralistes, en plus d'offrir la résignation et la multiplication des empiètements dans les responsabilités du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, quand je vois le chef de l'opposition se lever aujourd'hui et qu'il va aller expliquer au Québec: Vous votez pour la souveraineté mais vous allez garder la citoyenneté canadienne, le passeport canadien, la monnaie canadienne, l'union économique avec le Canada, l'union politique avec le Canada, la seule autre proposition qui manque à son astuce, c'est comme j'ai dit à Trois-Rivières: Nous, le Parti québécois, le Bloc québécois, on va garder le mot «Canada», trouvez-vous en un autre pour le reste du Canada, parce que le Canada c'est tellement beau, on ne veut même pas perdre le mot «Canada» pour nous.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je prends les deux autres questions.

Des voix: Bravo!

Une voix: C'est intéressant!

M. Bouchard: Monsieur le Président, peut-être que le premier ministre n'est pas intéressé par les intérêts économiques du Québec après la souveraineté. Je lui demande, ne serait-ce qu'au nom des intérêts économiques de l'Ontario et du reste du Canada et l'obligation de maintenir les échanges économiques entre les deux parties, s'il ne sera pas obligé comme premier ministre de s'asseoir à la table et de parler à M. Parizeau qui aura le mandat du peuple du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je suis prêt à rencontrer M. Parizeau n'importe quand pour parler de ce qui est la préoccupation des Québecois: la création d'emplois, la croissance économique et l'assainissement des finances publiques. C'est de cela que les gens veulent parler. Seulement, j'espère que le chef de l'opposition dira aux Québécois que ce qu'ils ont comme projet c'est de se séparer. C'est cela qu'ils veulent.

(1425)

Ils essaient de leur faire croire que lorsqu'ils seront séparés, ils seront encore partie du Canada. C'est un mirage, c'est un jeu de miroirs et c'est un manque d'honnêteté intellectuelle.

Des voix: Bravo!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Oui, monsieur le Président. Que le chef de l'opposition se lève et qu'il dise aux Québécois et aux Canadiens ce qu'il a dit aux Américains: «Je ne suis pas un souverainiste. Pour que vous compreniez bien, je suis un séparatiste.» Qu'il répète donc cela à tous les Québécois et il va le perdre, son référendum.

Des voix: Bravo!

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, on me permettra de déplorer que le premier ministre prenne d'une façon aussi désinvolte, en qualifiant de malhonnêteté intellectuelle, la démarche d'un peuple qui, depuis 300 ans, se dirige vers son destin, l'aboutissement de ce qu'il est comme peuple et qui le fera démocratiquement dans la plus stricte légitimité.

Je demande au premier ministre, quand les Québécois auront voté au scrutin d'automne, le soir du référendum, si, comme je l'espère, les Québécois votent oui, avec le mandat que nous avons maintenant, je lui demande comment il fera le lendemain pour assumer ses responsabilités de gardien de l'intégrité économique de cette partie du Canada qu'il va encore représenter?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, ma position est connue de tous les Canadiens depuis très longtemps, je suis un fédéraliste, je crois à un Canada uni dans lequel le Québec se trouve très confortable.

[Traduction]

Ce n'est pas moi qui dois prendre un virage pour tenter de trouver les mots qui permettront de cacher la vérité à ceux qui votent. Je sais que les Québécois veulent demeurer au sein du Canada. Tous les sondages le disent. M. Parizeau a présenté son astuce en décembre. Dès le mois de mars, elle avait échoué. C'est ensuite le chef de l'Opposition qui a cherché à cacher la vérité. Il a pris un virage. Aujourd'hui, il revient à la case départ. Il est séparatiste et n'a pas le courage de le dire.

Des voix: Bravo!

* * *

LES MARCHÉS DE L'ÉTAT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pour passer à un autre sujet, je voudrais parler du départ d'un ministre du Cabinet.

La première fois que nous avons soulevé la question du dîner du ministre du Patrimoine canadien proposant des contrats en échange de dons, on nous a répondu que c'était une simple activité de financement dont le but était de payer les dettes de la campagne électorale du ministre. C'était la version de l'organisateur, Richard Gervais, et elle a été confirmée par un grand nombre des invités.

(1430)

Or, nous apprenons maintenant d'Élections Canada que le ministre du Patrimoine canadien n'avait aucune dette de campagne. En fait, si on déduit ses dépenses de ses rentrées et de ses remboursements, il lui reste 25 000 $ en main. Le dîner a donc été organisé à d'autres fins que nous ne connaîtrons pas tant que le gouvernement n'aura pas divulgué toute l'information pertinente.


13721

Le premier ministre pourrait-il me dire si le gouvernement va déposer la liste complète de ceux qui ont été invités au dîner et ont versé une contribution? Le premier ministre sait pertinemment qu'Élections Canada ne va pas produire ces renseignements.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, que le ministre du Patrimoine canadien ait eu des dettes ou non n'a rien à voir.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Nous avions des dettes, mais nous n'en avons plus. Depuis huit ans, je lève des fonds pour éponger les dettes. Lorsque nous levons des fonds, c'est pour rembourser les dettes et faire des réserves pour les prochaines élections. L'argent que le ministre a recueilli pour le Parti libéral sera utilisé au cours de la prochaine campagne. Il nous permettra d'affronter le Parti réformiste, qui pourra compter sur l'argent que le chef de ce parti recueille lorsqu'il organise ses propres dîners un peu partout au Canada.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, l'obsession avec laquelle le premier ministre protège un membre fidèle de son parti lui obscurcit le jugement.

Le ministre du Patrimoine canadien a enfreint le code d'éthique fédéral non pas une ou deux fois, mais trois fois. Il a sollicité des dons auprès de clients de son ministère. Il a récompensé certains donateurs par des contrats et des nominations relevant de son ministère, se plaçant ainsi directement en situation de conflit d'intérêts, et nous apprenons maintenant que cet argent a été recueilli sous le faux prétexte de rembourser des dettes qui n'existent pas. Les Canadiens ont raison de se demander quel genre d'exemple cela donne aux autres ministres.

Ma question complémentaire s'adresse à l'arbitre ultime du gouvernement en matière d'éthique. Comme le premier ministre se refuse à toute sanction disciplinaire à l'encontre du ministre du Patrimoine canadien, cela veut-il dire que d'autres ministres peuvent en toute liberté tenir des dîners semblables et y inviter des clients de leur ministère?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, les ministres reçoivent les mêmes indications que moi, c'est-à-dire qu'ils ont l'obligation, comme tous les députés, de contribuer aux efforts de levée de fonds pour les prochaines élections. Ils doivent le faire dans les règles, et celles-ci sont clairement énoncées par Élections Canada. Toutes les contributions supérieures à 100 $ doivent être déclarées. C'est précisément ce qui est demandé aux ministres, et ils agissent en conséquence. Le public est mis au courant.

J'ai remporté un grand succès à Calgary. Beaucoup d'amis du chef du Parti réformiste sont venus, ils ont payé et ils ont été satisfaits du discours.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, selon Mitchell Sharp, premier conseiller en éthique du gouvernement, le dîner du ministre du Patrimoine canadien n'est peut-être que la partie visible de l'iceberg.

M. Sharp a dit hier que le code d'éthique du gouvernement était clair et exigeant, et que certains ministres ne s'y conformaient pas. Il a ajouté qu'il fallait séparer nettement les affaires et les activités de financement pour éviter toute apparence de conflit d'intérêts et qu'il y aurait lieu de rappeler le code d'éthique aux membres du Cabinet.

Étant donné que le premier ministre a personnellement assumé le rôle de conseiller en éthique, quels sont les autres ministres qui dérogent aux lignes directrices du gouvernement? Seront-ils invités à un cours d'été sur l'éthique, comme M. Sharp le préconise?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, M. Sharp nous conseille, mes ministres et moi, lorsque nous en avons besoin. Il a raison de dire que nous devons tous être prudents. Être prudent, c'est s'assurer que toutes les contributions sont versées, que les reçus sont établis et que les dons sont déclarés conformément à la Loi électorale du Canada. C'est exactement ce qui s'est passé dans ce cas-ci.

Toutes les contributions ont été faites au grand jour, dans le respect des lois canadiennes. À moins que la Chambre ne légifère pour que l'État paie toutes les dépenses des partis politiques, nous allons devoir continuer à lever des fonds en respectant les dispositions de la loi. Celle-ci permet aux ministres et aux députés de tous les partis de lever des fonds pourvu que des reçus soient remis conformément à la Loi électorale du Canada.

* * *

(1435)

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, selon Statistique Canada, il n'y a eu aucune création nette d'emplois depuis six mois, alors que le Budget du ministre des Finances prévoyait une croissance de l'emploi de 3 p. 100 en 1995. De plus, la croissance économique s'est littéralement écrasée dans les trois premiers mois de 1995 avec un taux de croissance annualisé de 0,7 p. 100, alors que le ministre des Finances prévoyait dans son Budget un taux de croissance de 3,8 p. 100 dès cette année.

Puisque tout indique que les prévisions du ministre ne se réaliseront pas cette année, le ministre reconnaît-il que non seulement une croissance économique inexistante ne générera pas de nouveaux emplois, mais qu'elle le forcera aussi à revoir à la hausse ses prévisions budgétaires quant au niveau du déficit?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord féliciter le député, car son chef lui permet de poser une question.

Des voix: Oh! Oh!

M. Martin (LaSalle-Émard): Je comprends pourquoi, ces députés se contredisent tellement.


13722

J'aimerais bien dire au député, lorsqu'on regarde les derniers huit mois, qu'il y a eu une création d'emplois dans le secteur privé qui dépasse les 200 000. Il faut même dire qu'au Québec, depuis un an, il y a eu une création d'emplois qui dépasse les 50 000 emplois.

Il n'y a aucun doute qu'il y a un ralentissement de l'économie à cause d'un ralentissement aux États-Unis et sur le fait que la reprise économique était basée primordialement sur notre capacité d'exporter. Cela étant dit, la grande majorité des économistes prédisent que le ralentissement que tout le monde attendait pour l'année prochaine, on va l'avoir cette année, et une reprise l'année prochaine.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, au lieu de me répondre n'importe quoi, le ministre des Finances devrait peut-être regarder son bilan depuis qu'il est là.

Il y a eu une augmentation de 30 p. 100, par exemple, des taux d'intérêt hypothécaires, il y a eu une réduction du taux de croissance des exportations de 90 p. 100 en trois mois, et il n'y a pas eu de création nette depuis six mois. C'est cela, le vrai bilan de ce gouvernement, du ministre des Finances. Alors, il devrait me répondre là-dessus et rendre des comptes plutôt que de dire n'importe quoi.

Dans ce sens là, je lui pose la question suivante: Admettra-t-il qu'un taux de croissance presque à zéro confirme l'échec de sa stratégie économique, stratégie qui ne lui permet pas de créer de nouveaux emplois, échec qui fait en sorte qu'il ne peut offrir aux Québécois et aux Canadiens, comme le dit à tous les jours le premier ministre, espoir et dignité par le travail?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je n'ai pas idée où le député prend ses chiffres. Peut-être cela provient-il du festival «Juste pour rire», mais laissez-moi vous donner les chiffres véridiques.

Le taux de chômage s'établissait à 9,5 p. 100 en mai par rapport à un taux de 10,4 p. 100 observé en 1994; les livraisons du secteur manufacturier en mars étaient de 17 p. 100 plus élevé qu'en mars 1994; le solde du commerce des marchandises à atteint un surplus record de 23,2 milliards de dollars dans le premier trimestre de 1995; le déficit du Compte courant, qui se chiffre d'habitude au Canada aux alentours de 4 p.100 est maintenant à 2 p. 100. Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait.

* * *

[Traduction]

LA BOSNIE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, comme il semble que les Canadiens détenus en otages en Bosnie sont en voie d'être libérés, le gouvernement a maintenant l'occasion de réduire progressivement et sans danger l'engagement des Canadiens envers la Bosnie, qui doit se terminer dans tout juste trois mois. Un retrait ordonné des troupes se terminerait à peu près à ce moment-là, si on l'amorçait maintenant.

Le premier ministre cessera-t-il de tergiverser pour annoncer plutôt que la participation canadienne au maintien de la paix en Bosnie ne sera pas renouvelée au-delà du mois de septembre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme je le disais, les soldats canadiens sont très utiles là-bas. Nous avons décidé de prolonger notre mandat pour une autre période de six mois et nous prendrons une décision en temps voulu. Nous devons terminer ce que nous avons entrepris. Nous ne lâcherons pas avant la fin de notre mandat. Nous avons dit que nous maintenions notre présence là-bas pour six mois. Nos soldats et l'ensemble des Canadiens ont à coeur de tenir leurs engagements. Si nous décidons de nous retirer, la décision sera prise en fonction de nos engagements et de concert avec nos partenaires dans ce pays.

(1440)

Je tiens à dire à la Chambre des communes que, si l'on examine objectivement la situation, on remarque qu'environ 200 000 personnes ont été tuées en un an en Bosnie, avant l'arrivée des troupes de l'ONU. L'an dernier, on n'a dénombré que 3 000 morts, ce qui signifie que la présence des troupes de l'ONU a sauvé des milliers et des milliers de vies. Les soldats canadiens ont fait du très bon travail, avec les autres forces de l'ONU.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, parlant de la Bosnie, le premier ministre a dit à la Chambre: «Nous sommes très loin de cette région du monde et, à bien des égards, il s'agit plutôt d'un problème européen que d'un problème canadien.»

Si le premier ministre croit vraiment ce qu'il a dit, est-ce la position que le gouvernement adoptera au sommet du G-7?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, bien sûr, j'ai dit que c'était un problème plus européen que canadien, mais le gouvernement du Canada est très fier de sa politique de participation au maintien de la paix dans le monde.

Nous avons des gardiens de la paix aux quatre coins du monde. Nous avons créé le concept lors de la crise de Suez, quand Mike Pearson a conçu cette solution pour mettre un terme à une guerre très dure que la Grande-Bretagne et la France menaient contre l'Égypte.

Depuis ce temps, les Canadiens ont toujours participé aux opérations de maintien de la paix. Nous avons oeuvré à Chypre, dans le Golan et partout où nos soldats canadiens ont pu se rendre utiles. Il n'y a rien de plus satisfaisant pour moi, quand je vais rencontrer des dirigeants d'autres pays, que de les entendre me dire que les militaires canadiens sont toujours les meilleurs.

* * *

[Français]

LE CHÔMAGE CHEZ LES JEUNES

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Les premières victimes du ralentissement économique sont les jeunes qui occupent des emplois précaires. La situation a continué de se détériorer, puisque le taux de chômage chez les jeunes est passé de 11,2 p. 100 en 1989 à 16,5 p. 100 en 1994, soit


13723

une hausse de près de 50 p. 100 en cinq ans. Au Québec, plus d'un chômeur sur trois est un jeune.

Quand on sait que les jeunes occupent le plus souvent des emplois précaires, comment le ministre des Finances peut-il prétendre leur donner espoir, alors qu'en plus de n'avoir aucune politique de création d'emplois, il leur restreint l'accès à l'assurance-chômage en les obligeant à travailler au moins six mois pour avoir droit, la première fois, à des prestations d'assurance-chômage?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que la situation très précaire du chômage des jeunes Canadiens nous inquiète beaucoup. Elle nous a toujours beaucoup inquiétés, même avant le déclin économique dans lequel nous vivons aujourd'hui. C'est pour cela que, tout au début de notre mandat, le ministre du Développement des ressources humaines a mis en place plusieurs programmes qui visent la création d'emplois pour la jeunesse, des incitatifs, des encouragements pour leur permettre de retourner au travail ou d'amorcer leur carrière.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il prétendre sérieusement que son gouvernement aura donné espoir et dignité du travail aux jeunes chômeurs, alors que les statistiques sur le chômage cachent une réalité que plusieurs connaissent, à savoir que de plus en plus de jeunes chômeurs deviennent de jeunes assistés sociaux?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, si le député vérifiait les chiffres il verrait que le chômage chez les jeunes a atteint le niveau le plus bas depuis le début de la récession, en 1990.

Les mesures de création d'emploi ont contribué à réduire le taux de chômage chez les jeunes de 3 à 4 p. 100 et il se situe maintenant à son niveau le plus faible. Par ailleurs, conscients de l'importance particulière des jeunes, le gouvernement a accru ses investissements directs dans les programmes de formation et d'emploi des jeunes de 193 millions de dollars à 236 millions pendant la dernière année, ce qui représente une hausse nette pour cette seule année. À un moment où nous disposons de budgets très limités et faisons face à des compressions budgétaires, nous avons accru de 43 millions de dollars les investissements au profit des jeunes, ce qui signifie qu'il y aura cette année entre 15 000 et 20 000 jeunes inscrits à divers programmes de stage, à Service jeunesse et à d'autres programmes pour jeunes.

Le Bloc Québécois ne peut mettre en doute notre volonté d'aider les jeunes. Nous sommes déterminés à les aider à retourner au travail.

L'ÉCONOMIE

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, le budget de février des libéraux fondait ses prévisions de recettes sur une croissance de 3,8 p. 100 du PIB. La croissance réelle au cours du premier trimestre de 1995 a été inférieure à 1 p.100. Les perspectives d'amélioration au cours du deuxième trimestre sont bien faibles. Le budget n'avait par ailleurs pas prévu de récession.

(1445)

Le ministre des Finances est-il prêt à reconnaître que ses prévisions budgétaires sont erronées et que ses objectifs à atteindre en matière de déficit sont menacés?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nos objectifs en matière de déficit ne sont pas menacés. Lorsque nous les avons révélés, nous avons dit clairement que nous avions utilisé pour les établir des hypothèses prudentes concernant la croissance et les taux d'intérêt. Nous avons également mis en place d'importantes réserves pour éventualités. Je peux donc assurer au député que nous allons atteindre notre objectif de réduction du déficit.

Le député sait également qu'une majorité d'économistes avaient prédit une forte croissance pour cette année, suivie d'un ralentissement l'an prochain aux États-Unis et par la suite au Canada. On pense maintenant que ce ralentissement se produira plus tôt que prévu, et qu'il devrait entraîner une hausse de la croissance l'an prochain.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, il y a certainement une part de conjectures dans cette réponse. Je ne pense pas que le ministre puisse minimiser les piètres conditions économiques actuelles. Beaucoup de Canadiens sont très inquiets. Ils craignent de perdre leur emploi. Ils n'achètent pas de maisons comme ils le faisaient il y a quelques mois. Ils n'achètent pas de voitures. Les achats des consommateurs ont diminué.

Le Parti réformiste a dit au ministre que le gouvernement pourrait redonner confiance aux consommateurs s'il faisait savoir comment il entend éliminer le déficit. Le ministre et le gouvernement n'ont pas suivi notre conseil.

Ma question complémentaire s'adresse au même ministre. Comment le gouvernement entend-il redonner confiance aux consommateurs et éviter une récession au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député sait que la confiance des consommateurs n'a rien à voir avec le fait que le gouvernement décide, comme nous l'avons fait, de fixer des objectifs de réduction du déficit sur deux ans, ou un objectif à plus long terme.

Le député sait également que les objectifs à long terme que se sont fixés les gouvernements canadiens n'ont pas joui d'une bien grande crédibilité. Nous sommes le premier gouvernement depuis longtemps à avoir non seulement atteint son objectif, mais à


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faire sensiblement mieux. Voilà ce qu'a pu réaliser un gouvernement qui fait ce qu'il a dit qu'il allait faire, c'est-à-dire rétablir la confiance dans le pays. Je suis très confiant.

Hier, un sondage Gallup a révélé que les Canadiens avaient davantage confiance en notre gestion de l'économie qu'en celle de tout autre gouvernement depuis 22 ans. En voilà, de la confiance.

* * *

[Français]

LA BOSNIE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. En fin de semaine dernière, le président bosniaque tentait de rencontrer le président américain, Bill Clinton, afin d'obtenir la levée de l'embargo sur les armes en Bosnie. Au Sénat américain, républicains et démocrates ont voté majoritairement pour la levée de l'embargo, mais le président américain, pour le moment, maintient l'embargo.

Compte tenu de l'importance de maintenir l'embargo, le premier ministre a-t-il réitéré au président bosniaque, qu'il a rencontré, la nécessité de maintenir l'embargo des armes en Bosnie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est exactement ce que j'ai fait lorsque je me suis rendu à Sarajevo au mois de juin l'an passé. J'ai dit à ce moment-là au premier ministre lui-même, au Parlement de Sarajevo, et à ce moment-là je parlais au nom des Français et des Anglais qui savaient que j'allais m'y rendre, qu'il était essentiel pour nous, pour que nous maintenions nos troupes là-bas, qu'il n'y ait pas de levée de l'embargo.

La position que nous avions l'an passé est encore la même aujourd'hui et je suis content de voir que le président des États-Unis la respecte.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, alors que le premier ministre maintient une position claire sur l'embargo, comment peut-il nous expliquer qu'à 48 heures de l'ouverture du Sommet du G-7, le Canada n'ait toujours pas de position quant à sa participation à la Force de réaction rapide, alors que ce sujet doit être débattu lors du Sommet du G-7 à Halifax?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai exprimé la position du gouvernement que nous ne sommes pas enthousiastes à participer à cette nouvelle initiative, et nous l'avons fait savoir à nos partenaires. Nous étudions encore la proposition.

(1450)

Nous voulons savoir exactement quelle sera la forme définitive de cette force, la chaîne de commandement, les relations avec les Nations Unies. Il y a bien des questions pour lesquelles nous n'avons pas encore de réponses satisfaisantes, c'est pourquoi nous ne sommes pas prêts à prendre d'engagement.

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le gouvernement rétablit l'espoir et la prospérité en tenant les engagements qu'il a pris dans son livre rouge. À la page 20, il a notamment promis de rechercher des solutions pour remplacer et éliminer la TPS.

Le ministre des Finances pourrait-il nous mettre au courant du progrès réalisé à l'égard de la TPS? Est-ce que le gouvernement sera bientôt en mesure de remplir son engagement?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député de Don Valley-Nord manifeste un intérêt aussi vif que celui du premier ministre face à cette question.

Comme le député le sait, les consommateurs et les entreprises sont nettement favorables à l'harmonisation qui, du fait d'une efficacité accrue, permet des économies considérables.

Le problème, c'est que les provinces n'ont pas toutes montré le même empressement face à l'harmonisation. Je suis heureux de pouvoir dire que nous avons eu des rencontres très productives avec certains gouvernements provinciaux. Il va sans dire que nous réalisons des progrès.

Le dernier budget du Québec fait état de l'harmonisation que nous avons réalisée. Par ailleurs, nous avons tous appris que le premier ministre désigné Harris avait déclaré publiquement son intérêt pour la question.

Si le député de Don Valley-Nord voit le premier ministre désigné Harris, à Toronto, il peut lui dire que, dès qu'il aura nommé son ministre des Finances, je les rencontrerai à Ottawa, Toronto ou Nipissing, ou encore je rencontrerai le nouveau ministre des Finances au bureau de circonscription du député dans Don Valley-Nord.

* * *

LE COMMERCE EXTÉRIEUR

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

Il semble que l'administration Clinton interdira aux sociétés canadiennes faisant affaire avec Cuba d'exporter aux États-Unis. En prenant une telle décision, les Américains ne respectent pas notre souveraineté et enfreignent des dispositions clés de l'Accord de libre-échange nord-américain et des ententes de l'OMC.

Que fait le ministre pour veiller à ce que les sociétés canadiennes continuent d'avoir accès au marché américain?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, cette question a été soulevée pour la première fois lorsque le projet de loi Helms a été présenté au Congrès américain.


13725

À l'époque, nous avons très clairement communiqué nos objections au gouvernement des États-Unis. Depuis, l'administration a remis en question la formulation du projet de loi Helms, si bien que la mesure législative ne sera pas adoptée sous sa forme originale.

Pour répondre plus précisément à la question du député, j'ai demandé à notre ambassade à Washington de nous transmettre tous les détails qu'elle pourrait obtenir au sujet des mesures qu'entend prendre le Trésor américain. Nous n'avons pas tous les détails pour l'instant, mais je peux assurer les députés d'en face que nous ferons l'impossible pour veiller à ce que les entreprises canadiennes aient pleinement la possibilité de faire affaire avec Cuba, comme c'est le cas actuellement.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, il est réconfortant de voir que Jesse Helms ne dicte pas la politique commerciale du Canada. Néanmoins, certaines sociétés canadiennes, comme Lannock, Redpath et B.C. Sugar, pourraient être touchées dès demain puisqu'elles achètent du sucre brut de Cuba.

Que fait le ministre pour protéger dès aujourd'hui ces intérêts? Il faut immédiatement défendre ces intérêts.

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, nous ne disposons pas de tous les renseignements et surtout pas de détails concernant les mesures qui pourraient être prises contre les sociétés canadiennes de raffinage du sucre dans le contexte que nous décrit le député.

Pour l'instant, nous devons déterminer la nature des mesures que pourrait prendre le Trésor américain contre les quatre entreprises conjointes canado-cubaine dirigées par la société Sherritt. Nous tentons d'obtenir des précisions à ce sujet. J'espère obtenir de plus amples renseignements, que je pourrai transmettre au député en temps opportun.

* * *

(1455)

[Français]

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Selon un sondage Angus Reid, trois consommateurs sur quatre s'inquiètent de l'utilisation de la somatotrophine. Même l'industrie laitière s'y oppose. Le Conseil de l'industrie laitière, qui représente les entreprises de transformation, refuse ce produit, dont l'intrusion est jugée inutile et indésirable et les producteurs laitiers ont à leur tour exigé que le ministre reconduise le moratoire.

Le ministre reconnaît-il que ni l'industrie laitière ni les consommateurs ne veulent que la somatotrophine se retrouve sur le marché et reconnaît-il que tous sont favorables au prolongement du moratoire?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, lorsque l'utilisation possible de la somatotrophine bovine, un produit synthétique, a commencé à susciter des préoccupations au Canada, au printemps de l'an dernier, notre Comité de l'agriculture a entrepris un examen très utile de différents points concernant cette question.

Il a publié un rapport dans lequel il recommandait un certain nombre de mesures, dont l'établissement d'un moratoire à la faveur duquel un groupe de travail pourrait être chargé de glaner d'autres renseignements à l'intention des producteurs, des transformateurs et des consommateurs, notamment, qui s'intéressent à la question.

Le député n'ignore pas que ce moratoire a été décrété l'an dernier et qu'il sera en vigueur jusqu'au 1er juillet. Le groupe de travail a complété son étude. Il a recueilli beaucoup de renseignements qui vont aider tous les intéressés à mieux comprendre tous les aspects de la question et tous les arguments pour ou contre.

Entre-temps, la question clé est évidemment de savoir si ce produit est sain et efficace, ce que les scientifiques et les agents de réglementation du ministère de la Santé tentent de déterminer, comme le prévoit la loi. Tant que le ministère de la Santé n'émettra pas un avis de conformité, l'utilisation de ce produit est régie par la Loi sur les aliments et drogues.

[Français]

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, à moins de 19 jours de la fin du moratoire, le ministre de l'Agriculture doit admettre que la population et l'industrie laitière s'attendent à ce que le ministre agisse rapidement. Le ministre s'engage-t-il aujourd'hui, en cette Chambre, à prolonger le moratoire sur l'utilisation de la somatotrophine?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je crois comprendre que bien des membres de l'industrie laitière ont exprimé les préoccupations auxquelles le député fait allusion. D'autres ont fait valoir le point de vue contraire.

Très franchement, la question critique n'est pas de savoir si le moratoire sera reporté, mais bien si ce produit a reçu un avis de conformité des autorités légales de réglementation de Santé Canada. Comme aucun avis de ce genre n'a encore été émis, la vente et la distribution de ce produit demeurent illégales au Canada.

* * *

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, le 31 mai, j'ai envoyé un message au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien par télécopieur pour lui dire que les porte-parole des autochtones et ceux qui sont gênés par le barrage avaient un besoin urgent de son intervention personnelle en ce qui concerne le barrage sur la route du lac Adams. À 9 h 30 ce matin, je n'avais toujours pas reçu de réponse.


13726

En droit et en toute conscience, comment le ministre peut-il continuer de se cacher derrière la bureaucratie et faire comme si le barrage érigé le 21 mai sur la route du lac Adams n'existait pas?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu deux barrages en Colombie-Britannique au mois de mai: celui de la bande d'Upper Nicola et celui de la bande du lac Adams.

Le barrage de la bande d'Upper Nicola, comme le député le sait, a été démantelé, mais non celui de la bande du lac Adams. Celui-ci est plus délicat. Le premier barrage avait trait au poisson, et le second concerne un site archéologique. Des artefacts ont été trouvés et la province les a identifiés. Le promoteur s'était engagé à faire des fouilles archéologiques, mais il ne l'a pas fait. La province lui a envoyé une lettre dans laquelle elle lui enjoignait, en vertu de la B.C. Heritage Conservation Act, de faire les fouilles et de cesser ses travaux. Cela n'a pas été fait.

J'ajouterai que les réformistes ont dit que nous allions avoir trois crises semblables à celle d'Oka, qui nécessiteraient donc l'intervention de l'armée, si nous ne suivons pas leurs instructions. Je voudrais souligner à la Chambre que deux hommes se sont portés volontaires dans le cas du barrage de la bande d'Upper Nicola, ils s'appellent Stanley et Belleau, pour aller parler aux chefs; ils leur ont parlé avec dignité, et le barrage en question a été démantelé. Il s'agit d'agents de la GRC qui, fidèles à la tradition de ce corps de police, ont su désamorcer la crise. En second lieu, ces agents sont des autochtones, et je tiens à les féliciter à la Chambre.

(1500)

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je sais que le barrage du lac Douglas a été démantelé et je remercie la GRC de son aide dans cette affaire.

Le chef du lac Adams, Ron Jules, a confirmé que la bande enlèvera, le 15 juin, deux barrières canadiennes interdisant l'accès à tous les véhicules. La GRC a invité les résidents à concevoir un plan d'évacuation. Il s'agit ici de propriétés privées.

Quelle recommandation le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien fait-il aux résidents du lac Adams relativement au plan d'évacuation qui a dû être conçu parce qu'il s'entête à ne rien faire?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit, c'est un problème clairement provincial. J'ai offert mon concours à M. Cashore là-bas.

M. Stinson: Ce n'est pas un problème clairement provincial.

M. Irwin: Le problème a lieu à l'extérieur de la réserve et clairement sur le territoire provincial. Comme je l'ai dit aux députés la semaine dernière, la GRC est liée par contrat au gouvernement de la Colombie-Britannique et c'est sa décision. Si on nous le demande, nous interviendrons pour faciliter les choses.

Dans le cas de la bande d'Upper Nicola, c'était différent. Un député du Parti réformiste a offert son aide. J'espère que le député suivra l'exemple de son collègue et fera la même chose.

* * *

LA BOSNIE

Mme Maria Minna (Beaches-Woodbine, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Chaque jour, en Bosnie-Herzégovine, des gens innocents meurent et les conditions continuent de se détériorer pour les habitants de cette région. Nos soldats font un travail extraordinaire pour essayer de protéger les citoyens. Cependant, quelles mesures le ministre a-t-il prises au nom du gouvernement canadien pour aider ceux qui essaient d'échapper au massacre en Bosnie?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, en plus des vaillants efforts de nos casques bleus dont la députée a fait état dans sa question, le gouvernement a jugé bon de mettre sur pied deux programmes spéciaux d'immigration pour essayer d'aider certains des citoyens de l'ancienne Yougoslavie.

Le premier est un programme de la catégorie de la famille dont les critères ont été assouplis afin que les gens puissent venir retrouver les membres de leur famille qui habitent au Canada. Grâce à ce programme, plus de 7 200 personnes ont pu retrouver leurs proches au Canada. Le deuxième programme consiste à essayer de concentrer une partie du travail de secours aux réfugiés dans cette région troublée. Jusqu'à maintenant, les résultats révèlent que le Canada a déjà accueilli plus de 8 200 réfugiés parrainés et non parrainés.

Ces programmes fonctionnent bien, mais c'est un effort bien modeste compte tenu du caractère horrible de la situation. Comme nous le savons tous, la seule solution consiste à rétablir la paix dans cette région. Nous espérons tous que ce moment ne tardera pas.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, je vous signale la présence à notre tribune de deux Canadiens exceptionnels.

L'un d'eux est une auteure de renommée mondiale. Elle a remporté le Prix du Gouverneur général en 1993 et le Prix Pulitzer en 1995 pour son roman The Stone Diaries. Chers collègues, je vous présente Carol Shields.

Des voix: Bravo!

Le Président: L'autre distingué Canadien qui est parmi nous, chers collègues, a écrit une page d'histoire en 1984 lorsqu'il est devenu le premier Canadien à aller dans l'espace. Il continue d'être une source d'inspiration pour beaucoup de jeunes Canadiens et retournera dans l'espace en 1996. Chers collègues, je vous présente M. Marc Garneau.

Des voix: Bravo!


13727

(1505)

QUESTION DE PRIVILÈGE

UTILISATION NON AUTORISÉE D'UNE PHOTO-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée par la députée de St. John le 30 mai 1995. Je tiens à remercier la députée ainsi que la ministre de la Santé de m'avoir fourni les faits pertinents et les documents qui ont trait à cette affaire et d'avoir participé à la discussion.

Dans son exposé, la députée a attiré l'attention de la Chambre sur une photographie d'elle-même reproduite dans le rapport d'un comité d'experts intitulé «Lorsque les emballages ne s'expriment plus». Ce rapport, produit à la demande du ministère de la Santé, porte sur l'emballage neutre et générique des produits du tabac.

La députée a soutenu que l'utilisation de sa photo sans autorisation dans une étude sur l'impact visuel intégrée au rapport violait sa vie privée, portait atteinte à sa dignité comme personne et comme députée, l'exposait au ridicule et donnait d'elle, en en faisant un stéréotype, une fausse image qui est susceptible de lui nuire dans l'exercice de ses fonctions de députée. La député a donc demandé des excuses publiques de la part du premier ministre et une explication de la ministre de la Santé sur la façon dont sa photo a pu se retrouver dans ce rapport.

[Français]

L'honorable ministre de la Santé a répliqué le 1er juin 1995. Dans son intervention, la ministre a expliqué que, lorsqu'on leur a appris que la photo utilisée était celle de la députée, les membres du comité d'experts, les représentants de l'entreprise privée chargés de sélectionner les photos et elle-même lui ont adressé immédiatement une lettre d'excuses. La ministre a ensuite déposé une copie de la lettre adressée à la députée dans laquelle elle explique comment la photo fut sélectionnée.

Cette affaire m'a troublé et je l'ai examinée avec grand soin. J'estime important d'informer la Chambre de la chronologie de certains événements qui ont précédé cette question de privilège, car le rapport du comité en cause s'insère dans une étude plus vaste à laquelle la Chambre a participé directement par le biais d'un de ses comités.

[Traduction]

Le 21 juin 1994, le Comité permanent de la santé a présenté son premier rapport, intitulé «Objectif consommation zéro: la banalisation de l'emballage des produits du tabac». Conformément à l'article 109 du Règlement, le comité a demandé au gouvernement de déposer une réponse globale. Le 18 novembre 1994, la ministre de la Santé a déposé la réponse du gouvernement au rapport du comité. Dans sa réponse aux recommandations du comité permanent, le gouvernement disait ceci:

. . .le comité d'experts-formé de spécialistes en matière de marketing, de conception d'emballages et de comportement des consommateurs, choisis avec les participants provinciaux et territoriaux à la Stratégie nationale de lutte contre le tabagisme-a établi un cadre d'étude ayant pour but de déterminer le lien existant entre l'emballage neutre le fait de commencer à fumer chez les jeunes.
[Français]

Le gouvernement indiquait également dans sa réponse que Santé Canada examinerait et analyserait en profondeur les éléments de preuve recueillis par le comité d'experts, et tiendrait compte de l'étude et des conclusions du Comité permanent de la santé. Il est donc permis d'affirmer que le comité permanent anticipait l'occasion de faire une étude détaillée du rapport du comité d'experts.

[Traduction]

Le rapport, daté de mars 1995, a été diffusé auprès des médias et du public le 19 mai 1995. Pour veiller à ce que les membres du comité permanent soient au courant du contenu du rapport, Santé Canada a organisé à leur intention, dans la matinée du même jour une séance d'information sans formalités à laquelle les membres du personnel et les attachés de recherche ont également assisté. Des exemplaires du rapport ont été distribués à tous les députés comme d'habitude.

(1510)

[Français]

La télévision, les journaux et les revues diffusent chaque jour des photos de députés et des images de la Chambre des communes et des édifices du Parlement. Cela fait partie des reportages sur la vie parlementaire auxquels nous sommes habitués. Que ces photos soient utilisées de façon directe ou de manière satirique, leur message est, en dernière analyse, ciblé sur le travail du Parlement et des parlementaires.

[Traduction]

Il est toutefois possible que ces mêmes images des députés et de l'institution du Parlement soient présentées sous un faux jour. Les utilisations inacceptables des symboles du Parlement ne sont pas inédites dans l'histoire du Canada. Des objections ont été soulevées à la Chambre dans chaque cas.

Pour donner des exemples, je renvoie les députés aux décisions du Président concernant la Sperry and Hutchison Company, aux pages 156 à 158 des Journaux du 16 février 1960, et le Steelworkers of Hamilton Council, aux pages 1159-1160 des Journaux du 23 mars 1965. Dans ces deux cas, des entités non parlementaires ont publié et distribué des documents qu'on voulait faire passer pour le hansard, publication auréolée du prestige de la Chambre des communes. Le Président a décidé dans les deux cas qu'il y avait présomption d'atteinte au privilège.

13728

[Français]

Comme les députés le savent, le privilège est défini ainsi à la page 69 de la 21e édition de Erskine May:

Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers dont jouit chaque Chambre, collectivement, en tant que partie constitutive de la Haute Cour qu'est le Parlement, dont jouissent aussi les membres de chaque Chambre, individuellement, et faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions. Aucun autre organisme, ni citoyen, n'a de droits équivalents.
La définition du privilège au sens strict ne s'étend cependant pas à tout ce qui peut sembler offensant à la Chambre. May poursuit ainsi:

Lorsqu'on lèse l'un de ces droits et immunités, l'infraction qualifiée d'atteinte aux privilèges est punissable en vertu du droit parlementaire. Par ailleurs, chacune des Chambres revendique également le droit de punir des actes qui, sans porter atteinte à un privilège spécifique, l'entravent dans l'exercice de ses fonctions, ou font offense à son autorité ou sa dignité; c'est le cas de la désobéissance à ses ordres légitimes, ou des propos diffamatoires à son égard ou à celui de ses fonctionnaires ou de ses membres.
[Traduction]

May fait aussi observer, à la page 121 de la 21e édition, ce qui est plus pertinent pour le cas qui nous occupe:

Les paroles et les textes publiés qui discréditent la réputation ou les travaux de la Chambre sont constamment sanctionnés par la Chambre des lords et la Chambre des communes en vertu du principe que de telles critiques, parce qu'elles diminuent le respect qui est dû aux Chambres, ont tendance à entraver l'exercice de leurs fonctions.
Lorsqu'on tient des propos désobligeants à l'égard des membres, personne en particulier n'étant nommé ou désigné, on blâme en fait la Chambre elle-même.
Il m'incombe donc de déterminer si oui ou non, de prime abord, les circonstances visées par la question de privilège dont je suis saisi correspondent aux critères établis par May. La question est la suivante: l'utilisation et la publication de la photographie de la députée de St. John constituent-elles un outrage à la Chambre?

(1515)

La ministre de la Santé a expliqué à la Chambre et à la députée de St. John comment l'incident s'est produit. Elle a aussi présenté des excuses plus d'une fois, comme l'ont fait d'autres personnes qui ont participé à la production du rapport.

En me fondant sur mes recherches et mon interprétation des commentaires relevés dans Erskine May, je ne saurais conclure que l'incident, même s'il a pu la mettre dans l'embarras, a pu gêner la députée dans l'exercice de ses fonctions à la Chambre des communes.

En l'absence d'intention malveillante ou d'autre motif évident, il est difficile de conclure qu'il y a eu outrage à la Chambre.

Les députés sont des personnalités publiques qu'on voit souvent dans les médias. Ceux qui ont des rapports avec le gouvernement et le Parlement doivent se rappeler que l'utilisation de la photographie d'un député dans une situation qui n'a rien à voir avec ses fonctions parlementaires peut très bien entraîner des difficultés imprévues et créer une situation passablement embarrassante.

Dans le cas présent, je ne puis rien faire de plus que de rappeler à tous que la Chambre des communes et ses députés doivent être traités avec respect et dignité, d'abord de la part des députés eux-mêmes, mais aussi de la part de tous les intervenants. J'espère que tous les députés comprennent la gravité de la situation et les dangers que pourrait entraîner sa répétition.

_____________________________________________


13728

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LES ARMES À FEU

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la troisième fois et adopté; ainsi que de l'amendement.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir appuyer cette mesure législative essentielle dont la Chambre est saisie.

Je me réjouis également de pouvoir féliciter la Chambre pour avoir adopté la disposition non dérogatoire, comme cela avait été demandé dans de nombreux exposés présentés au comité de la justice.

Malheureusement, le Parti réformiste, qui avait reconnu au cours des débats et pendant la période des questions que les demandes des autochtones au sujet du respect de leurs droits autochtones étaient valables et justifiées, a, assez ironiquement, voté contre cette disposition, hier soir, afin de continuer à essayer de discréditer ce que des parlementaires responsables, comme nous, avons le privilège d'appuyer.

Pourquoi cette disposition? Depuis le dépôt du plan d'action sur le contrôle des armes à feu, en novembre dernier, les peuples autochtones de tout le pays nous ont fait part de leur inquiétude au sujet des répercussions de cette mesure législative sur leurs droits de chasse et de piégeage, qui sont des droits autochtones issus de traités et protégés par la Constitution. Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a reçu à ce sujet des mémoires de plusieurs organisations, dont le Conseil des Indiens du Yukon, l'Assemblée des Premières nations, le Grand Conseil des Cris, le Comité de coordination de la chasse, de la pêche et du piégeage établi en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le Ralliement national des Métis et Inuit Tapirisat du Canada. Nous avons également reçu des mémoires des gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.

En tant que membres du gouvernement fédéral, nous reconnaissons la nécessité de tenir compte de ces préoccupations. Le gouvernement a proposé cette motion pour répondre à ces préoccupations. Il a ainsi veillé à ce que les droits issus des traités des peuples autochtones soient respectés une fois que cette nouvelle mesure législative sera mise en oeuvre au Canada.

13729

Cette mesure législative aidera à protéger les peuples autochtones du Canada ainsi que leurs droits ancestraux. Nous veillerons à concilier ces droits avec les normes de sécurité publique les plus élevées prévues dans la Loi sur les armes à feu et dans la partie III du Code criminel.

Nous devons nous lancer un défi à nous-mêmes en tant que personnes désireuses d'agir dans l'intérêt du Canada et des Canadiens. Nous avons agi de façon responsable. Nous avons montré dans plusieurs cas aux Canadiens que nous avons entendu leurs préoccupations à l'égard de cette mesure législative et que nous en avons tenu compte. Je suis fier à l'idée que nous puissions accomplir cela à la Chambre.

Je suis un peu déçu par le Parti réformiste. Les réformistes se disent à l'écoute des gens, mais ne le sont pas. Trois députés réformistes vont ultimement appuyer cette mesure législative. Je ne m'en moquerai pas car je respecte les partis et les gens qui tiennent parole. Les réformistes ont dit qu'ils allaient écouter les gens mais ne le font pas. Ils ont dit qu'ils allaient permettre des votes libres mais ne s'y tiennent pas. Le Parti réformiste a fait campagne sur la question de la sécurité dans les rues mais a oublié sa promesse. Les réformistes ont dit qu'il voulaient venir au Parlement pour obliger le gouvernement à prendre ses responsabilités financières mais, de toute évidence, ils ne savent pas faire la différence entre une obligation et une balle.

(1520)

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, c'est toute une expérience aujourd'hui à la Chambre d'écouter les députés libéraux essayer de défendre cette mesure législative indéfendable qu'est le projet de loi C-68 concernant le contrôle des armes à feu.

J'aimerais poser une question au député d'en face qui vient de dire quelques mots au sujet de la reconnaissance des droits des autochtones. Monsieur le Président, le député serait surpris de savoir que nous, au Parti réformiste, nous savons que la Constitution reconnaît certains droits aux autochtones. Nous savons lire, même si le député en doute parfois.

Nous reconnaissons que la Constitution protège les droits des autochtones à chasser, à pêcher, à piéger et à récolter les fruits de la nature. Toutefois, la Constitution ne précise pas les méthodes à utiliser pour chasser, piéger ou pêcher. Dans le cadre de l'application du projet de loi C-86 aux autochtones, on ne parle pas de droits reconnus issus des traités. On parle de l'utilisation d'un instrument leur permettant d'exercer leurs droits de chasse, de pêche et de piégeage.

Ce même instrument est utilisé par beaucoup de non-autochtones dans les régions septentrionales du pays. Je suppose que les non-autochtones qui chassent pour se nourrir jouissent des mêmes droits de chasse, ou de droits similaires, que les autochtones. Je me demande donc pourquoi, dans ses amendements au projet de loi, le gouvernement n'a pas reconnu les activités de chasse de subsistance auxquelles se livrent les non-autochtones dans le Grand Nord.

Je demande au ministre des Affaires indiennes si son gouvernement voit une différence particulière entre un autochtone habitant dans une région éloignée et qui chasse pour se nourrir et un non-autochtone habitant dans une région éloignée et qui chasse aussi pour se nourrir. Pourquoi, aux termes du projet de loi, l'un serait obligé de se conformer à tous les règlements du projet de loi C-68, alors que l'autre pourrait bénéficier de certaines exceptions?

M. Irwin: Monsieur le Président, en gros, nous avons peut-être 60 000 à 65 000 autochtones dans des villes comme Winnipeg, Toronto, Kenora et ailleurs. Dans ces régions, les autochtones sont beaucoup plus exposés à la violence qu'ailleurs, c'est un fait. Il est dans leur intérêt de considérer notre politique concernant la sécurité des rues, en se rappelant que nous ne nous attaquons pas aux chasseurs, aux touristes ou aux agriculteurs, autant de catégories que le Parti réformiste était censé défendre, je pensais.

Le député dit que je serais surpris par ce que le Parti réformiste fait ou dit. Venant du Parti réformiste, rien ne me surprend.

Il y a des dispositions dans la loi et elles n'ont rien à voir avec le fait d'être Indien ou non. Si vous avez moins de 18 ans et si vous êtes chasseur ou trappeur, une exception est prévue. Vous pouvez utiliser votre arme si vous devez vous nourrir du produit de votre chasse.

(1525)

Le député parle de méthodologie, mais j'ai dit maintes et maintes fois que cela ne dispense pas une personne. Il est certain que si l'on considère ce qui est raisonnable en vertu des traités, aucun autochtone ne peut aller à la chasse avec un char d'assaut. Il n'est donc pas déraisonnable de vouloir contrôler les méthodes utilisées et de légiférer à cet égard.

Le vice-président: Avant de reprendre le débat, je pense que le secrétaire d'État pour les institutions financières désire présenter une motion.

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13729

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer un avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, et d'autres lois en conséquence.

Je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour.

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13729

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LES ARMES À FEU

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la troisième fois et adopté; ainsi que de l'amendement.


13730

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-68, car c'est la dernière journée consacrée au débat sur cet excellent projet de loi.

J'ai le bonheur d'intervenir à titre de membre de ce caucus et je suis fière non seulement de notre position à l'égard de ce projet de loi, mais aussi de la force de notre caucus qui a résisté aux critiques, parfois injustes et certainement empreintes d'émotivité, mais toujours fermes et persistantes. Je suis aussi très fière de notre premier ministre, et aussi du ministre de la Justice qui a vraiment soutenu cette mesure législative du début à la fin.

Je suis fière enfin parce que je sais que je parle au nom de mes électeurs de Windsor-Sainte-Claire. Aujourd'hui, nous avons énormément entendu parler de l'importance de représenter nos électeurs. Le troisième parti a insisté sur ce point. En réalité, les habitants de Windsor-Sainte-Claire veulent que je vote en faveur de ce projet de loi pour des raisons très précises.

À Windsor, le tourisme américain est très présent. Nous sommes situés à moins d'un mille des États-Unis et j'ai souvent dit en cette Chambre qu'à Windsor, lorsqu'on se demande où aller pour le lunch, on peut penser à tous les restaurants de Detroit. C'est tellement près qu'on peut y aller et en revenir durant l'heure de la pause-repas. Nos rues sont propres et sûres. Le magasinage outre-frontière est très important, mais à l'inverse puisque ce sont les américains qui font leurs emplettes chez nous, et notre casino attire 17 000 visiteurs par jour, dont 90 p. 100 sont des américains.

Les intervenants de l'industrie touristique à Windsor, les hôteliers, les travailleurs du casino et les autres, nous disent que l'un des grands attraits de notre ville c'est qu'elle se trouve au Canada et que les gens s'y sentent en sécurité. Tous ces intervenants ont affirmé clairement qu'en parlant avec les clients des divers commerces et du casino de Windsor, ils ont constaté que le contrôle des armes à feu était un facteur important.

Ce projet de loi est donc excellent pour ma circonscription dans un sens purement économique; mes électeurs le savent, le comprennent et l'admettent. Toutefois, ce n'est pas la seule raison qui nous incite, mes électeurs et moi-même, à approuver cette mesure.

La majorité de mes électeurs sont d'avis, comme moi, que ce projet de loi ne vise pas uniquement le contrôle de la criminalité. En effet, les électeurs de Windsor-St. Clair et moi-même, leur représentante, estimons que ce projet de loi reflète vraiment le genre de Canada que nous souhaitons dans les années à venir, à notre retraite, pour nos enfants, pour nos petits-enfants. Il exprime les valeurs que nous partageons collectivement.

Le droit de porter des armes à feu, ça n'existe pas dans la Constitution canadienne. On n'a pas le droit de porter un pistolet à la hanche ou d'en dissimuler un dans sa voiture, et il en sera toujours ainsi. Par ailleurs, notre société apprécie la chasse, le tir sportif et les droits des autochtones, et nous nous efforçons de préserver l'équilibre entre ces intérêts apparemment opposés. Nous, habitants de Windsor, le savons très bien. Nous savons également ce qu'il advient lorsqu'une marchandise comme les armes à feu échappe à tout contrôle.

(1530)

Comme je l'ai dit, nous vivons à moins d'un mille d'un pays qui voit cette marchandise d'un tout autre oeil, un pays où les armes à feu échappent à tout contrôle, où chaque soir les informations-nous captons celles de Détroit à Windsor-décrivent les coups de feu délibérés, les coups de feu criminels et les coups de feu accidentels comme s'il s'agissait d'accidents d'automobile ou de simples faits divers. C'est effectivement le cas dans les grandes villes américaines.

J'ai plaidé devant les tribunaux criminels de Windsor tant pour la défense que pour la poursuite. Chaque lundi matin, devant le tribunal des cautionnements-salle no 3 pour nos auditeurs de Windsor-défilaient quantité d'Américains en visite chez nous. Pourtant, ils ont passé sous un grand panneau où il était écrit: «Pas d'armes à feu, les armes à feu sont interdites au Canada». Ils traversent la frontière et on saisit leurs armes à feu. Pourquoi? Ils vous diront qu'ils ont oublié qu'elles étaient dans la voiture. Or, on les trouvera sous le siège avant, chargées et dissimulées dans la boîte à gants ou encore déposés sans aucune précaution dans le coffre à bagages, tantôt entreposées n'importe comment, tantôt chargés et à portée de main.

Ces mêmes gens se sentiront très souvent offensés par nos lois et fort mécontents, persuadés qu'ils ont un droit divin de porter une arme et, malgré le panneau qui les avertit à la frontière, ils n'en continueront pas moins de la porter. Pourquoi ont-ils cette impression? Ils ont cette impression parce que leur culture est différente de la nôtre, mais aussi parce que bon nombre d'entre eux sentent la nécessité de transporter une arme à feu. Ils estiment qu'ils ont besoin de protection. Ce n'est pas la société dans laquelle veulent vivre la grande majorité des Canadiens, ni la culture à laquelle ils aspirent.

J'aime beaucoup les Américains. J'aime aller aux États-Unis. La culture de ce pays, ses industries, son enthousiasme, sa façon de protéger les droits de la personne suscitent l'admiration. Son système de démocratie peut être cité en exemple. Pourtant, en février dernier, lorsqu'il est venu à la Chambre et qu'il a pris la parole au cours d'une séance conjointe de la Chambre et du Sénat, de quoi le président des États-Unis a-t-il parlé? Il a parlé des efforts que nous faisons pour contrôler les armes à feu dans notre société. De quoi a-t-il discuté avec notre ministre de la Justice, ce soir-là? Le président et son épouse ont souhaité bonne chance au ministre dans sa lutte pour contrôler les armes à feu.

Les députés d'en face aiment parler de démocratie et de la nécessité, pour nous tous, de représenter nos électeurs à la Chambre. Je pense que c'est exactement ce que je fais, en ce moment. Je crois que les habitants de Windsor-Sainte-Claire m'appuient, qu'ils appuient le gouvernement, qu'ils appuient le premier ministre et le ministre de la Justice dans cet effort en vue de contrôler les armes à feu. Je crois aussi que la grande majorité des électeurs des députés du troisième parti sont de cet avis.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement, à nouveau, le discours de ma collègue. Je sais qu'elle a passé un certain temps là-dessus.


13731

Je trouve tout à fait exaspérant d'essayer de communiquer aux Canadiens toutes les choses que renferme ce projet de loi de 128 pages. Au cours de la dernière année et demie, j'ai pris l'initiative d'informer régulièrement les gens grâce à des communiqués de presse. Je pense que j'en ai envoyé 31 ou 32 pour leur faire connaître le contenu de ce projet de loi.

Nous avons également promis que si on prouvait son inefficacité, nous l'abrogerions. Nous sommes tout à fait persuadés qu'il ne répondra pas aux grandes attentes du gouvernement.

Je vais donc simplement poser cette question à la députée. Pourquoi s'est-elle opposée à mon amendement en vertu duquel un vérificateur indépendant aurait examiné ce projet de loi après cinq ans pour voir s'il était rentable et aurait déterminé si on réalisait ainsi les objectifs que le gouvernement prétendait vouloir atteindre? Si les ministériels sont tellement persuadés que ce projet de loi va rendre notre société plus sûre, pourquoi ont-ils rejeté cet amendement tout à fait sensé?

(1535)

J'ai également une autre observation à formuler au sujet du point de vue défendu par la députée qui m'a précédé.

J'ai, dans ma collectivité, de nombreux autochtones auxquels je rends visite régulièrement. Ceux-ci s'opposent vivement au projet de loi C-68 et, malgré les amendements présentés hier, ils vont encore rejeter cette mesure, car ils affirment qu'ils ne veulent pas avoir dans la loi davantage de dispositions leur octroyant un statut spécial. Ils voudraient que nous prenions des mesures pour leur accorder l'égalité. Ils n'apprécient pas que le gouvernement essaie d'apporter quelques modifications au projet de loi C-68 pour le rendre un peu plus acceptable aux autochtones. Ils s'inquiètent vivement de cela.

Pour la gouverne des gens qui nous regardent à la télévision, je voudrais passer en revue les événements qui se sont produits hier soir. À ce moment-là, nous avons siégé pendant des heures pour examiner tous les amendements présentés à la dernière minute, dans bien des cas par le gouvernement, pour corriger les lacunes de ce projet de loi, pour le rendre un peu plus acceptable.

Ne serait-il pas plus sensé de reporter tout ceci à plus tard, étant donné que, de toute façon, cette mesure ne prendra pas pleinement effet avant l'an 2003? Ne conviendrait-il pas de retarder son adoption de quelques mois encore pour s'assurer que cette mesure est bien applicable, car nous avons signalé qu'elle renfermait de nombreuses lacunes?

La députée s'opposerait-elle à ces deux amendements? Nous pensons qu'il est extrêmement important d'examiner ces choses. Je voudrais obtenir de bonnes réponses du gouvernement et la députée pourrait peut-être se pencher sur ces deux questions.

Mme Cohen: Monsieur le Président, je pense que, fondamentalement, mon collègue a posé deux questions. Il a demandé, tout d'abord, si je serais d'accord pour qu'on effectue une vérification afin de voir où en est la situation dans quelques années.

Je pense que le député ne comprend pas la nature de ce projet de loi. Il concerne les valeurs culturelles, la criminalité et tout un éventail de questions qui n'ont rien à voir avec une vérification financière. Il ne s'agit pas d'un projet de loi financier.

En ce qui concerne la seconde question sur le report possible de l'adoption de ce projet de loi, les gens de ma circonscription ne veulent pas qu'on procède ainsi. Ils souhaitent que nous allions de l'avant et que nous appliquions notre programme.

Je tiens à dire à mon honorable collègue qu'il est probable que ses électeurs ont également d'autres préoccupations que les armes à feu.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, je n'ai pas parlé spécifiquement des coûts du projet de loi. Il s'agit là d'un facteur important, mais la députée tente d'en faire simplement un poste de dépense.

Je demande si elle accepterait qu'on procède à une vérification indépendante pour déterminer si le projet de loi est rentable et, en outre, s'il répond aux affirmations du gouvernement selon lesquelles il réduira la criminalité. C'est la question que j'ai posée.

J'ai également demandé si elle accepterait qu'on retarde l'adoption du projet de loi pendant quelques mois encore. Il ne commencera même pas à entrer en vigueur en 1996. Alors, pourquoi l'adopter précipitamment tout de suite? S'il y a tellement de modifications qui sont présentées à la dernière minute, c'est qu'il existe un grave problème au ministère de la Justice. Si l'on doit proposer autant de modifications et régler toutes sortes de questions, ne serait-il pas plus logique d'attendre et de ne pas avoir à revenir là-dessus? Je crois que la députée devrait répondre à ces questions.

Je voudrais faire une autre observation. Nous avons écouté toutes les belles paroles du gouvernement. Je rappelle aux Canadiens que nous avons entendu exactement le même refrain avant le dépôt de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les mêmes gens qui nous ont présenté la Loi sur les jeunes contrevenants nous présentent maintenant le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, et ce sont les mêmes gens qui ont fait augmenter la dette.

Ce projet de loi coûtera terriblement cher. La députée ne préférerait-elle pas consacrer cet argent à des centres de détresse ou de counselling pour les familles à risque, plutôt qu'à ce projet de loi? Cela ne serait-il pas plus logique? Nous nous endettons de plus en plus. À mon avis, nous n'avons pas besoin d'autres mesures législatives comme celle-ci.

Le même gouvernement qui accorde plus de droits aux criminels qu'aux victimes dépose un projet de loi qui imposera un fardeau plus lourd aux honnêtes propriétaires d'armes à feu qu'aux criminels. Je ne peux pas comprendre comment nous puissions accepter cela.

(1540)

Je saurais gré à la députée d'examiner mes questions et d'y répondre d'une manière équitable. Attendons un peu. Ce schéma chronologique ne signifie pas que nous devons adopter le projet de loi aujourd'hui. Ne serait-il pas plus logique d'attendre? La députée a peut-être oublié que c'est la modification que nous débattons à la Chambre.

Mme Cohen: Monsieur le Président, tout ce que je peux dire, c'est que j'ai déjà répondu aux deux questions du député, mais il ne semble pas aimer mes réponses.

Nous n'avons jamais présenté ce projet de loi comme une mesure dont la simple existence allait réduire la criminalité au Canada. C'est une prémisse erronée sur laquelle l'opposition


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fonde ses arguments. Ce projet de loi institue des bases culturelles favorables et donne aux organismes chargés de l'application de la loi les moyens de réduire la criminalité dans l'avenir. Il y a une différence majeure.

Pour ce qui est du report, le député devrait se rendre à la raison et admettre que les Canadiens veulent que nous allions de l'avant avec les affaires du gouvernement. Les Canadiens ne sont pas obsédés par les armes à feu. Ce sont les emplois et le chômage qui les inquiètent. C'est injuste de faire des comparaisons entre l'argent investi dans le contrôle des armes à feu et l'argent qui sert aux centres de crise, surtout de la part d'un parti dont les députés ont voulu rejeter l'apport de subventions justement destinées à ce type de service dans leurs circonscriptions.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui en troisième lecture sur le projet de loi concernant les armes à feu. J'aimerais dire au départ que ma courte expérience de parlementaire c'est celle où j'ai eu à étudier de plus près tout le processus d'adoption des lois et aussi de prendre connaissance de l'importance de ce qu'on peut appeler, entre autres, les lobbies.

Je voudrais dire au début de mon intervention, que ce soit le lobby pour la promotion du contrôle des armes à feu ou le lobby contre les armes à feu, à l'un et à l'autre, je voudrais dire que le seul lobby, quant à moi, qui compte vraiment, c'est la représentation de mes électeurs. C'est dans cet esprit que la position que je prends en troisième lecture, qui est celle du Bloc québécois comme parti, est échafaudée suite aux rencontres que j'ai eues. Je pense, entre autres, aux citoyens de Saint-Médard dans le haut pays de Rivière-du-Loup, je pense aux représentants du département de santé communautaire qui est venu me rencontrer au bureau pour me parler de l'implication de ce projet de loi, mais aussi aux représentants des clubs de tir, aux commerçants d'armes à feu pour dire que c'est un projet de loi qui n'est pas blanc ou noir.

Je pense que c'est une façon très différente de la réforme des programmes sociaux où le gouvernement a essayé de nous passer à travers la gorge une réforme de l'assurance-chômage qui se faisait au détriment des chômeurs, des travailleurs saisonniers où c'était très évident d'être contre et que pour moi le choix qu'on devait faire était très clair.

Dans le cas présent, c'est pour moi un premier projet de loi en 18 mois de mandat où j'ai vraiment à soupeser la valeur des intentions du projet de loi versus les effets réels de cette loi, les effets qu'il va avoir dans le milieu rural parce que, donnons comme exemple un peu contradictoire, en même temps c'est dans les milieux ruraux où il y a le plus haut taux d'accidents avec l'utilisation d'une arme à feu mais en même temps, c'est dans ces milieux que se fait de façon générale beaucoup plus l'utilisation honnête, correcte des armes à feu, notamment par les chasseurs.

Quand on revient à l'objectif de la loi, on peut résumer comme de réduire les pertes de vie et les blessures reliées aux armes à feu et aussi d'assurer une possession légitime, contrôlée et prudente d'une arme à feu en espérant que cela va réduire le risque de pertes de vie sans empêcher les situations de folie, que l'on pourrait dire, qui se présentent dans des cas très particuliers. Dans les autres cas, l'objectif est très louable. Est-ce que le moyen suggéré d'enregistrement universel est la solution? Il semble qu'aujourd'hui, dans le contexte où on est, avec la montée de la violence que l'on rencontre dans notre société, il faut aller au niveau du curatif un peu de ce côté-là et voir si on ne pourrait pas s'assurer d'éviter des dommages accrus.

Mon approche face à l'analyse du projet de loi, est la suivante: c'est celle qu'on applique en santé et sécurité au travail.

(1545)

Le principe de départ qu'il faut considérer c'est qu'afin d'éviter des crimes ou des accidents avec des armes à feu, il faut essayer d'éliminer le problème à la source, comme pour tout autre accident de travail.

Par exemple, en ce qui concerne le bruit, on peut, dans certains cas, éliminer le bruit d'une arme à feu complètement avec un silencieux ou autre équipement du genre, ou quand c'est impossible les gens peuvent porter des bouchons d'oreilles pour ne pas endommager leur ouïe. Dans le cas des armes à feu, pour appliquer ce modèle, la question à se poser c'est comment faire pour diminuer les mortalités.

La première approche que je trouve importante et qui ne fait pas l'objet de ce projet de loi, mais qui devrait être prise en considération, c'est l'élimination des problèmes à la source. Il faut bien savoir le type d'accidents qu'on rencontre avec l'utilisation des armes à feu, connaître le jeu des criminels concernant la question des armes à feu et de la contrebande, la façon dont lors de violence conjugale un des conjoints utilise l'arme pour poser un geste irréparable et définitif, la quantité d'accidents de chasse et autres. C'est la façon dont on peut diminuer la mortalité dès le départ en éliminant le problème à la source.

Dans ce domaine, la société occidentale n'a pas très bien réussi. On a une hausse de la violence, un taux de chômage très élevé, on a besoin de beaucoup plus de services-conseils psychologiques, on doit trouver une façon de diminuer la violence à la télévision, ce sont tous des éléments significatifs et sur lesquels on a besoin d'une approche systémique.

La partie qui touche plus particulièrement les armes à feu, on entre dans la situation où on ne peut pas régler le problème à la source, mais qu'on essaie de diminuer les effets négatifs de l'utilisation des armes à feu. On peut dire que le projet de loi doit viser à ce que l'arme ne soit pas disponible à quelqu'un pour qu'il ne puisse pas poser un acte irréparable.

Pour atteindre ce but, et c'est l'objectif de l'enregistrement, il faut savoir qui possède une arme. La détient-il légalement ou non? Il faut s'assurer aussi que les gens qui ont des armes sont des gens honnêtes, autant que possible, et qu'ils possèdent les qualités pour utiliser cette arme correctement. Le moyen retenu, l'enregistrement, sera-t-il efficace? On verra.

On a prévu beaucoup de temps pour sa mise en place. Il n'y aura aucun changement pendant trois ans. Il y a ensuite une période de cinq ans, qui nous mène jusqu'à l'an 2003, pour assurer l'enregistrement. Après, on verra si ce changement de valeurs dans notre société, parce que c'est vraiment un changement de valeurs que propose le projet de loi, on dit qu'une pratique antérieure qui repose sur un passé qui est présent dans notre histoire depuis longtemps, cette nouvelle pratique à cause de changements dans notre société par rapport à la violence, il faut s'assurer d'avoir un contrôle adéquat des armes à feu.


13733

On pourra voir, en pratique, si on a atteint cet objectif. Je rappellerai qu'il faudra le voir aussi par rapport à l'ensemble des moyens qui auront été pris. J'apprenais, la semaine dernière, qu'il y aura des ressources additionnelles à la GRC pour lutter contre la contrebande. Y en aurait-il suffisamment? Je ne sais pas. Cela doit faire partie d'un plan d'action et je pense que c'est une mesure intéressante.

D'un autre côté, si on veut éliminer un problème il faut aussi s'assurer de ne pas causer de problèmes additionnels, dans le cas présent, ne pas mettre des bâtons dans les roues des honnêtes citoyens qui utilisent les armes à feu correctement. En ce sens, il est regrettable que le gouvernement n'ait pas retenu certains des amendements du Bloc québécois, notamment lorsqu'on demandait que la loi s'applique à tout le monde sans considération particulière.

On parle des Premières nations, des peuples autochtones qui pourront se voir exemptés par une décision du Conseil des ministres de certaines applications ou de l'ensemble de la loi. Cette façon de créer deux catégories de citoyens me paraît inéquitable.

(1550)

Ensuite, au niveau du contrôle des coûts, nous avons été rassurés à l'effet qu'il n'en coûterait que 10 $ pour enregistrer jusqu'à dix armes par propriétaire et que cet enregistrement serait à vie.

Par contre, il y a un élément qu'on avait mis de l'avant à l'effet de s'assurer que, par exemple, sous un autre gouvernement, on n'aurait pas la tentation soudainement de faire ce qui s'est fait dans beaucoup d'autres systèmes d'enregistrement, qu'on pense aux automobiles et à d'autres secteurs, d'en faire un peu une vache à lait du gouvernement et d'augmenter les coûts de façon très significative. Je pense que ce ne serait pas approprié, et je pense que le gouvernement va avoir à répondre de ses actes à cet égard, dans le futur, s'il le fait. On aurait aimé que ce soit inscrit dans la loi, mais ça ne l'a pas été.

Il y a aussi l'amendement qui demandait qu'il y ait une sentence minimale de quatre ans, qui est dans la loi, pour un crime commis avec une arme à feu. Nous croyons que cela va créer une situation de deux poids, deux mesures. C'est une décision qui va être difficile à appliquer par les juges, parce que d'une part, ils vont se retrouver avec des crimes commis avec une arme à feu et, d'autre part, ceux commis avec un autre outil ou instrument et ils devront les traiter différemment. Je pense qu'il aurait été bon que le gouvernement se penche plus longtemps là-dessus.

D'autre part, et cela a toujours été l'optique du Bloc québécois dans l'étude du projet de loi sur les armes à feu, c'est de voir à ce qu'il s'agisse d'une loi équilibrée en bout de ligne. Va-t-elle être assez équilibrée pour qu'on puisse voter en faveur? Là-dessus, il y a un certain nombre de gains qu'on retouve dans les amendements.

Par exemple, au niveau de la décriminalisation, le fait de faire passer une infraction qui relève du Code criminel à une infraction en vertu d'une loi statutaire, où il n'y a aura pas de prise d'empreintes digitales, pas de photographies de la personne responsable d'une infraction, non plus que d'inscriptions au réseau électronique des policiers de cette personne prise en infraction pour une première offense, c'est un gain intéressant pour que les gens qui oublieraient de s'enregistrer au cours de la période de cinq ans ne soient pas considérés comme des criminels, mais tout simplement comme des citoyens qui ont fait un oubli et qui doivent le corriger.

Un autre élément sur lequel on a gagné quelque chose, c'est au niveau de la décision d'octroyer un permis. On ne se fie pas seulement sur des rapports pour être présentés par d'autres personnes, mais on s'en tient au lieu de résidence de la personne. On ne pourra pas décider de ne pas octroyer une arme à feu parce que quelqu'un est en rapport avec une personne ou avec une autre. Ce sera vraiment lié à son lieu de résidence, même si d'autres personnes ont des interdictions dans cette résidence-là. C'est un gain qui, pour nous, est intéressant.

Il y a un élément très important, très factuel, qui m'avait été mentionné à plusieurs reprises par les chasseurs, c'est la frustration qu'il y avait de la non-reconnaissance des cours de formation qu'ils avaient déjà suivis, notamment en vertu de la législation du Québec. À cet égard, on a gagné un point important qui va faire en sorte que ça va être vivable pour les chasseurs du Québec. Comme gain, je trouve cela très pertinent. Cela relève du quotidien, c'est une décision qui ne va pas à l'encontre du principe du contrôle des armes à feu, mais qui évite des frustrations chez les utilisateurs d'armes à feu qui le font de façon honnête et qui les utilisent notamment pour le hobby de la chasse.

Je veux mentionner un dernier gain qui est l'achat de munitions non prohibées qui va être restreint après quelques années aux gens qui détiennent vraiment un permis. Cela va sûrement permettre d'éviter des situations inacceptables où des accidents pouvaient se produire quand on envoyait des jeunes, par exemple, chercher des munitions. À ce moment-là, il pouvait se présenter toutes sortes de situations qui dégénéraient en accidents. Cela ne serait pas une situation acceptable.

Donc, devant l'ensemble de cette situation, devant une législation qui, quant à moi, n'apparaît pas parfaite, qui a fait l'objet de plusieurs discussions, qui nous a amenés aussi à analyser le pour et le contre entre un principe intéressant, un principe qui vise à diminuer la violence, à s'assurer qu'il va y avoir, dans notre société, moins d'accidents, comme on l'entend régulièrement dans les nouvelles, suite à des problèmes de violence conjugale. On espère que ce n'est pas universel. Cela ne veut pas dire qu'on va pouvoir, de façon systématique, faire disparaître tous les accidents parce que, effectivement, les gens vont pouvoir utiliser d'autres outils.

(1555)

Ça se présente encore dernièrement, mais l'utilisation d'une arme à feu ayant un effet tellement dévastateur et souvent définitif, nous espérons que la mise en place de ce projet de loi, de ce côté, aura des effets intéressants.

Je voudrais dire en conclusion que dans l'ensemble de la réflexion que j'ai faite par rapport à ce projet de loi, j'ai été obligé d'aller puiser dans des situations vécues personnellement pour voir, au quotidien, ce que ça suppose. Je me souviens d'une histoire qu'on me racontait, comme celle d'un de mes oncles qui est mort dans un accident de chasse il y a plusieurs années. À cette époque, il n'y avait pas de cours de formation pour sensibiliser les chasseurs à l'utilisation des armes. Les cours sont venus corriger un peu cela. Je peux vous parler aussi d'une amie à moi qui, dans un dépanneur, s'est retrouvée soudainement devant des gens qui cambriolaient. J'espère que cette loi permettra de corriger des situations de ce genre.


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L'exemple le plus flagrant pour moi c'est d'éviter que les gens se trouvent devant la situation de tentative de suicide. Souvent la présence de l'arme a un effet définitif, dévastateur sur la situation qui se présente. La Loi sur le contrôle des armes à feu, sans avoir un effet de fond sur la crise que vit quelqu'un qui est tenté par le suicide va au moins permettre, je l'espère, de sauver un certain nombre de vies du fait de la non-disponibilité des armes à des gens qui n'auront pas obtenu de permis pour des raisons qui soient justifiées.

En conclusion, je crois que cette loi n'est pas la meilleure qu'on aurait pu adopter par rapport au contrôle des armes à feu. Mais c'est meilleur que de ne pas avoir posé de geste du tout, de ne pas avoir de loi. J'en appelle à la maturité des gens qui utilisent régulièrement des armes à feu depuis longtemps pour prendre connaissance comme il faut des effets réels que cela aura sur leur vie quotidienne.

Comme je le disais tout à l'heure, pendant trois ans il n'y aura aucun effet réel, ensuite la personne a cinq ans pour enregistrer son arme. On va avoir beaucoup de temps pour vérifier si, effectivement, il y aura des effets si négatifs que cela.

L'enregistrement des armes, s'il est fait correctement et si en bout de ligne, comme société, nous permet dans 8, 10, 15 ou 20 ans d'obtenir des statistiques beaucoup plus positives quant au nombre d'accidents, au type d'accidents, au nombre de suicides, il aura contribué à atteindre ce résultat. Dans cette optique, au-delà des contraintes pour les utilisateurs d'armes qui le font de façon honnête, je voudrais les amener à réfléchir à cet aspect-là et à dire qu'en fin de compte, pour le bien de notre société, je pense que c'est une très bonne chose qu'on se prononce en faveur du projet de loi, qu'on en assume une surveillance adéquate.

Par exemple, des amendements du Bloc québécois ont été refusés, dans lesquels on parlait du pouvoir de réglementation du Conseil des ministres quant aux autochtones. Il faut des applications pratiques pour s'assurer que le ministère aura une approche humaine et faire en sorte que le projet de loi qui sera adopté en Chambre permettra à notre société de se démarquer par rapport à d'autres sociétés où il y a beaucoup plus de violence et obtenir des résultats qui feront qu'on aura un modèle de vie, une espérance de vie, une qualité de vie qui sera de beaucoup supérieure.

[Traduction]

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, mon collègue du Québec à fait une déclaration que je désapprouve vivement. Il a déclaré que ce projet de loi comportait des lacunes, mais que c'était mieux que rien. Voilà l'un des problèmes que nos avons au Canada. De mauvaises lois sont pires que pas de lois du tout.

Pourquoi le député n'appuie-t-il pas l'amendement que nous étudions cet après-midi et qui propose d'attendre au moins six mois afin que nous puissions travailler pendant ce temps à améliorer le projet de loi pour en faire quelque chose de pas si mauvais?

Ma première question n'est pas la plus importante des deux. J'ai travaillé avec le Sénat et j'ai suivi cette question de très près pendant un an et demi. Le député reconnaît-il que nous devrions permettre au Sénat de jouer son rôle de Chambre de réflexion et d'examiner attentivement ce projet de loi? Mon collègue reconnaît-il que le Sénat a un rôle légitime à jouer dans ce projet de loi? Veut-il que le Sénat soit réellement représentatif du Canada, de toutes les provinces, qu'il assure l'égalité de toutes les régions et qu'il joue son rôle en se penchant sur le projet de loi?

(1600)

Ma deuxième question est la plus importante. Je ne comprends pas pourquoi les députés du Bloc québécois ne s'opposent pas à un projet de loi qui empiète de façon aussi flagrante sur des champs de compétence provinciale, notamment l'éducation, en imposant des cours de formation d'initiative fédérale dans les provinces, la réglementation de la propriété privée, qui est de toute évidence un domaine de compétence provinciale en vertu de la Constitution, les permis et la hausse des taxes provinciales.

Je crois savoir que le gouvernement du Québec cherche à obtenir 300 millions de dollars pour mettre le projet de loi en application, alors que le ministre affirme qu'il n'en coûtera que 85 millions. Comment le député peut-il accepter un projet de loi qui empiète de façon aussi évidente sur des champs de compétence provinciale?

[Français]

M. Crête: Monsieur le Président, je répondrai en premier de façon générale sur la question du Sénat. Quant à moi, le Sénat est une institution périmée. L'autre Chambre est une institution dépassée, qui reflète une façon de voir du XIXe siècle et même des siècles antérieurs, où on pensait que les élus, parce qu'ils n'avaient pas assez d'instruction, auraient besoin d'avis de sages, de conseillers.

Aujourd'hui, avec la qualité qu'on retrouve dans la Chambre des communes, je pense que cette autre Chambre est beaucoup plus une place où on fait de la récompense politique pour des gens qui ont contribué d'une façon ou d'une autre au parti au pouvoir. Ce que j'espère, c'est que les élus auront le contrôle sur ce genre de lois. Si jamais les électeurs, en bout de ligne, avaient des décisions à prendre en fonction des lois qu'on aura votées, ils porteront des jugements sur l'ensemble de la situation.

Par contre, par rapport au délai de six mois, je trouve personnellement, et je pense que c'est la même chose au niveau de tout le caucus du Bloc, je ne peux pas parler pour les autres caucus, qu'on a été très informés sur l'ensemble de la question des armes à feu. On a eu des représentations de lobbying vraiment très poussées d'un côté comme de l'autre et avec à l'occasion, j'oserais dire, certaines exagérations. On a eu à faire le point sur l'ensemble de cela. J'ai rencontré de multiples groupes d'électeurs pour me faire une opinion sur ce qu'il devait y avoir dans ce projet de loi et j'ai, quant à moi, l'impression d'avoir l'ensemble de l'information nécessaire à ma disposition.

Quant à la question des cours de formation, le projet de loi affirme intégralement que les cours de formation qui sont donnés par le gouvernement du Québec seront acceptés par le gouvernement fédéral et que les chasseurs qui ont suivi ces cours n'auront pas à les reprendre. Dans ce sens, le Bloc québécois a obtenu un point important pour éviter que les gens ordinaires ne soient dérangés dans leur vie quotidienne et c'est un des amendements qui font que moi, je trouve que c'est un projet de loi assez équilibré pour avoir le goût de voter en sa faveur, d'accepter d'en faire son mandat. Avec l'appui que la vaste majorité des Québécois donne au contrôle des armes à feu, cet amendement, entre autres, permet de répondre à des exigences du monde rural, que je représente ici, qui je crois va profiter à long terme de ce nouveau projet de loi.

Le vice-président: Cher collègues, permettez-moi de vous


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signaler l'article 18 du Règlement, qui stipule que nous n'avons pas le droit de critiquer l'autre Chambre. Je suis certain qu'il y a très peu de gens qui sont au courant de cet article, mais je le signale à tous nos collègues.

[Traduction]

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement les observations du député d'en face à propos du projet de loi. L'importante discussion que nous tenons aujourd'hui dure depuis près d'un an. J'ai entendu le député parler des efforts qu'il avait déployés dans sa région pour recueillir les impressions de gens de tous les secteurs.

Je voudrais demander au député ce qu'il pense de la question, du point de vue de la circonscription qu'il représente au Québec. Comme il sait fort bien qu'un grand nombre de Québécois pratiquent la chasse et diverses activités de plein air, surtout dans les forêts du nord de la province, est-il au courant des répercussions de ce projet de loi sur les propriétaires légitimes d'armes à feu et les propriétaires de carabines et de fusils de chasse qui sont des chasseurs responsables? Croit-il que la mesure législative les lésera ou leur nuira lorsqu'ils pratiqueront leur sport ou participeront aux compétitions de tir à la cible?

(1605)

[Français]

M. Crête: Monsieur le Président, lorsque j'ai rencontré les gens de ma circonscription, j'ai rencontré aussi les gens représentant les chasseurs et aussi les gens du département de santé communautaire qui m'ont fait valoir des arguments positifs pour l'application de la loi. Pour ce qui est des chasseurs et de tous ceux qui font des activités de plein-air et qui utilisent des armes à feu, il va y avoir là un changement d'habitude qui va entraîner certaines frustrations. Il ne faut pas se le cacher.

Premièrement, ils vont avoir à défrayer des coûts qu'ils n'avaient pas avant et à comprendre aussi la réglementation et l'effet du changement. Dans ce domaine, on est autant dans la question de la perception des choses que de la réalité. Là-dessus, j'en appellerais au gouvernement de s'assurer avec les délais qui sont prévus dans la loi les trois premières années, les cinq autres années pour s'enregistrer, d'éviter ce qui a été fait avec l'ancienne loi, qui n'a pas été opérationnelle, principalement parce que le gouvernement de l'époque n'a pas assumé l'information nécessaire pour permettre qu'elle devienne la loi de tous les électeurs, la loi de tous les citoyens. Dans le cas présent, je pense que c'est un changement légitime, qui va demander une application honnête de la loi.

Je rappelle là-dessus l'amendement qu'on a proposé, notamment sur la criminalisation et sur certains autres aspects, où on voudrait s'assurer que le ministre va avoir une attitude d'ouverture-je donne l'exemple de la peine minimale de 4 ans. Je pense que le ministre va avoir à se pencher sérieusement là-dessus et peut-être même que dans les prochaines années il pourrait y avoir des amendements techniques à considérer parce qu'on va faire qu'il y a des gens qui vont se retrouver dans le système pénitentiaire et qui risquent de devenir des criminels suite à un accident de parcours qui s'est présenté.

Le chef de l'opposition donnait ce matin l'exemple d'un jeune qui fait un cambriolage chez un dépanneur avec une arme à feu et qui va prendre au moins 4 ans. Dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec, dans l'ancienne situation, il y avait beaucoup de chance qu'il puisse être réhabilité. Si on l'envoie dans le réseau pénitencier pour 4 ans, il y a des chances qu'il sorte de là avec des mauvaises pratiques et qu'il ne puisse pas s'en sortir. Donc, il faudra qu'il y ait du côté du gouvernement une attitude d'ouverture pour que la loi soit appliquée correctement.

Pour ce qui est des chasseurs, des changements d'habitude, je dis aussi après qu'il faut pouvoir voir les côtés bénéfiques de cela, voir s'il n'y aura pas ailleurs que dans le domaine de la chasse des gains pour l'ensemble de la société.

Il faut être critique aussi sur les gestes que le gouvernement va poser dans le domaine de la contrebande. Si les sous qu'on dépense pour l'enregistrement supplémentaire servent à couvrir les frais du système, cela sera bien mais il va falloir aussi que ces gens voient qu'il n'y a pas qu'eux qui paient, qu'il y a aussi d'autres gestes qui sont posés dans la société, de telle façon qu'on n'ait pas tout simplement juste bouché un trou dans le bain et qu'il va falloir aussi s'assurer qu'il n'y a pas d'autres places par où le bain coule comme, par exemple, l'entrée d'armes à feu en contrebande au Canada dans ce qui est à peu près la plus grande frontière entre deux pays. Il y a là des gestes significatifs. Le gouvernement en a déjà annoncé, mais je pense qu'il va falloir s'asssurer qu'ils vont être effectifs parce que la plus grande frustation que les chasseurs vont avoir, c'est si jamais ils paient ces frais et, qu'en bout de ligne, les résultats ne sont pas atteints nulle part dans l'ensemble des autres mesures.

On rencontre dans ce domaine la même chose que dans tout le secteur de l'environnement. Les effets réels de la loi, comme je le comprends, vont se sentir pratiquement beaucoup plus dans 8, 10, 15, 20 ans qu'immédiatement. Et ce sont des choses importantes à constater. On fait une législation aujourd'hui pour plusieurs générations futures. On ne parle pas d'une législation comme le budget pour l'année prochaine, qui peut être corrigé l'année suivante.

(1610)

C'est un des éléments qui m'a amené à réfléchir beaucoup et à défendre de façon significative les arguments des gens des régions rurales à ce sujet. Malgré l'ensemble de tout cela, je pense que c'est une loi qui va nous permettre de se démarquer, comme société, entre autres par rapport au modèle américain où il y a une diffusion de la violence qui les amène à permettre, dans certains États, que presque tout le monde ait une arme à feu. Ce modèle-là ne m'intéresse pas. À choisir entre les deux, c'est celui qui est proposé ici que je préfère.

[Traduction]

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, à titre de président du Comité de la justice, qui a examiné attentivement ce projet de loi pendant plus de sept semaines, j'aimerais faire un rapport plus complet à la Chambre des communes.


13736

Après que le projet de loi a été renvoyé au comité le 24 avril, nous avons tenu 52 réunions, qui ont duré jusqu'au 5 juin. Nous avons entendu 70 groupes de témoins.

Bien que j'aie toujours été un ardent partisan du contrôle des armes à feu et du projet de loi C-68, j'ai décidé, en tant que président du comité, que je ferais l'impossible pour permettre aux groupes, aux députés et aux partis qui avaient des inquiétudes au sujet de ce projet de loi ou qui s'y opposaient carrément, de se faire entendre. J'ai pris cette décision parce que, à mon avis, la crédibilité et l'intégrité du système parlementaire passent avant les opinions et les comportements partisans. Au bout du compte, environ deux tiers des témoins qui ont comparu devant le comité étaient contre cette mesure législative et on a apporté 61 amendements.

D'autres amendements ont été proposés hier soir à l'étape du rapport. Évidemment, tous les amendements n'ont pas été acceptés, ce qui est normal dans une société démocratique où il y a des opinions divergentes. Certains amendements auraient eu pour effet de supprimer les éléments essentiels du projet de loi, et nous nous y sommes donc opposés. D'autres amendements, qui visaient à apporter des améliorations majeures et mineures au projet de loi, n'étaient pas assez convaincants pour la majorité au comité.

Je voudrais maintenant cesser de parler en tant que président du comité et exprimer mon appui à l'égard de ce projet de loi en tant que simple député à la Chambre des communes. Depuis mon élection en 1965, j'ai toujours été un ardent partisan du contrôle des armes à feu. Presque tous les éléments de ce projet de loi et du projet de loi C-17 de 1992 figuraient dans l'un ou l'autre des projets de loi d'initiative parlementaire que j'ai déposés entre la fin des années 60 et le début des années 70. Avec celui-ci, on aura mis sous forme de loi presque toutes les propositions que j'ai présentées il y a trente ans.

Les témoins qui se sont opposés au projet de loi n'ont cessé de répéter au comité qu'il n'existait aucune preuve de l'existence d'un lien entre la délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu, l'enregistrement des armes et la diminution des actes criminels. C'est inexact. Nous disposons de données tout à fait convaincantes montrant que là où s'exerce un contrôle rigoureux des armes à feu et de leurs propriétaires il se commet moins de crimes avec des armes.

Dans les pays d'Europe de l'Ouest où l'enregistrement des armes est obligatoire, le taux de crimes commis avec des armes à feu est beaucoup moins élevé. Au Canada, où l'enregistrement des armes de poing est obligatoire depuis de nombreuses années, le taux de crimes commis avec de telles armes beaucoup est moins élevé qu'aux États-Unis, où il n'existe pas de système d'enregistrement pour les armes de poing et les fusils.

On vous parlera de certains États américains où les lois sur les armes à feu sont très sévères; cependant, on ne peut vraiment en tenir compte parce qu'il n'existe aucun contrôle aux frontières des États. Par exemple, un résidant de l'État de New York peut facilement se rendre dans un État voisin où il est facile de se procurer des armes. Par conséquent, la rigueur des lois de certains États n'affecte que très peu le nombre de crimes commis avec des armes à feu.

Au Canada, nous exerçons un contrôle très sévère sur les armes de poing et nous en limitons l'usage depuis 1934. Les armes à feu qui servent à commettre des crimes sont des armes d'épaule dans 53 p. 100 des cas et des armes de poing dans 17 p. 100 des cas seulement. Fait à noter, aux États-Unis c'est exactement l'inverse: on se sert d'armes de poing dans les deux tiers des crimes commis avec des armes à feu. Cela montre que lorsqu'on contrôle les armes de poing, moins de crimes sont commis au moyen de ces armes et que, les armes d'épaule n'étant pas contrôlées, la plupart des crimes commis au moyen d'armes à feu le sont au moyen d'armes d'épaule.

(1615)

Le but de délivrer des permis est de filtrer les personnes irresponsables, déséquilibrées et imprudentes qui pourraient vouloir acquérir des fusils, de filtrer les personnes qui ont des problèmes d'alcool ou de drogue. Le système de permis prévu dans ce projet de loi est simplement une extension de l'autorisation d'acquisition d'armes à feu qui existe depuis plusieurs années.

Ce système exigera plus de responsabilité de la part des propriétaires et fournira à la police des outils supplémentaires pour la prévention et la détection des crimes. Ces mesures ont pour but la sécurité publique. Le projet de loi n'astreint les propriétaires d'armes à feu à rien de plus que ce à quoi ils sont déjà astreints à divers degrés en ce qui concerne les automobiles, les bateaux, les avions, les motoneiges, les chiens et les bicyclettes. Autrement dit, les dispositions de ce projet de loi relatives à la délivrance de permis et à l'enregistrement ont pour but la prévention qui est de nos jours l'approche adoptée par la police afin d'essayer d'empêcher un crime avant qu'il ne soit commis, plutôt que d'attendre qu'il ne le soit et n'entraîne de dures sanctions. Il est nettement mieux de prévenir le crime en veillant à ce que les armes à feu ne tombent pas entre les mains de personnes dangereuses et irresponsables que d'attendre qu'il soit commis et de punir les coupables.

En outre, je voudrais qu'il soit bien clair que ni le gouvernement, ni moi, ni qui que ce soit d'autre, n'a l'intention d'interdire toutes les armes à feu, d'interdire la chasse ou le tir de compétition.

C'est le quatrième projet de loi sur les armes à feu que je débats depuis mon arrivée à la Chambre en 1965. Cette crainte a été soulevée dans les quatre cas par ceux qui étaient opposés au projet de loi. Ça n'est jamais arrivé. En fait, il y a autant sinon plus de chasseurs aujourd'hui qu'en 1965, quand nous avons commencé à présenter des projets de loi sur le contrôle des armes à feu.

Par ailleurs, même s'il n'y a pas eu de réduction réelle du nombre de chasseurs ou de tireurs de compétition, il y a eu une réduction graduelle des crimes commis au moyen d'armes à feu. En 1974, 47,2 p. 100 des meurtres, dans notre pays, ont été commis au moyen d'une arme à feu. En 1976, comme je l'ai mentionné, nous avons adopté une mesure législative qui prévoyait une certaine restriction en ce qui concerne les armes à feu. C'est l'année où nous avons adopté l'autorisation d'acquisition d'armes à feu. En 1980, seuls 32,9 p. 100 des homicides ont été commis au moyen d'une arme à feu. En 1992, nous avons proposé d'autres restrictions et d'autres mesures de contrôle des armes à feu par l'intermédiaire du projet de loi C-17. En 1993, dernière année pour laquelle nous avons des statistiques, seulement 30,6 p. 100 des homicides ont été commis au moyen d'armes à feu.

Au cours de cette période, le nombre d'homicides a également diminué. Le nombre le plus élevé d'homicides, au cours des


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dernières années, a été enregistré en 1975, alors qu'il y a eu 3,02 homicides par 100 000 habitants. Ce nombre est tombé à 2,19 par 100 000 habitants, en 1993, une baisse considérable attribuable au fait que nous ayons resserré le contrôle des armes à feu et aboli la peine capitale, en 1976.

Je voudrais parler de certains des mythes dont il a été question au cours des audiences du comité, en particulier celui voulant que si nous faisons un contrôle plus rigoureux, seuls les criminels posséderont des armes à feu. Je tiens à dire que 66 p. 100 des homicides sont commis par des personnes qui n'avaient pas de casier judiciaire. Autrement dit, 66 p. 100 des personnes qui commettent un homicide étaient, jusque-là, des citoyens respectueux des lois. C'est le cas de Marc Lépine, qui a tué quatorze étudiantes de l'École polytechnique. Il n'avait pas de casier judiciaire. Valery Fabrikant, qui a tué quatre professeurs de l'Université Concordia, n'avait pas de casier judiciaire.

(1620)

Nous ne pourrons évidemment jamais contrôler le gangstérisme et les criminels professionnels. Ils pourront toujours se procurer des armes à feu. La grande majorité des meurtres ne sont pas commis par ces gens, mais par des personnes qui, jusque-là, avaient respecté la loi.

Un autre mythe veut que ce ne soit pas les armes qui tuent, mais les gens. C'est évidemment vrai, mais un individu peut tuer plus facilement avec une arme à feu qu'avec un autre type d'arme. Les armes à feu sont les plus dangereuses de toutes. Lorsque des armes à feu sont faciles à obtenir, une agression se transforme vite en meurtre.

Les faits démontrent amplement, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, que là où il est plus facile de se procurer des armes à feu, les meurtres commis au moyen de ce type d'arme sont plus nombreux. Le projet de loi empêchera de nombreuses personnes de se procurer des armes à feu pour commettre des actes criminels. Il contribuera également à limiter les acquisitions précipitées et irresponsables d'armes à feu. Ce projet de loi fera diminuer le nombre de crimes commis au moyen d'armes à feu. Il contribuera non seulement à contrôler les armes à feu mais également à réduire la criminalité.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté très attentivement ce que le député avait à dire.

Je trouve très intéressant d'entendre les députés citer des chiffres d'un peu partout dans le monde et les organiser de façon qu'ils servent leurs propre fins. Par exemple, le député a cité des statistiques européennes. Or, l'Angleterre s'est lancée dans une campagne contre les armes à feu et le député sait parfaitement que les crimes avec violence ont augmenté en Angleterre au moment où les nouvelles lois ont été mises en oeuvre. Je veux simplement lui faire remarquer que tout dépend de l'interprétation qu'on fait de ces statistiques.

Je suis d'accord pour dire que nous devons nous attaquer à la racine du problème, mais ce n'est pas ainsi que nous y parviendrons. Ce que nous faisons actuellement équivaut à dire à un blessé d'aller saigner ailleurs. Au lieu de faire cesser les crimes et de régler le problème, nous nous contentons de le déplacer. Nous ne nous attaquons pas au problème de la criminalité.

C'est la prévention qui compte. Si nous voulons consacrer des centaines de millions de dollars à tenter de sauver des vies, comme le gouvernement a l'intention de le faire avec ce projet de loi, ne vaudrait-il pas mieux trouver un meilleur moyen de dépenser cet argent? N'y a-t-il pas de méthode plus efficace?

Pourquoi le député s'oppose-t-il à mon amendement voulant que ce projet de loi soit soumis à une étude indépendante pour voir s'il répond aux objectifs du gouvernement? Je ne comprends pas pourquoi il s'y oppose.

Les statistiques qu'il cite nous amènent à nous poser la question: combien de vies de plus sauverions-nous si nous dépensions l'argent autrement? Il y a une autre question clé sur laquelle le gouvernement ne s'est jamais penché: combien de vies coûtera cette mesure? J'ai présenté au gouvernement des preuves que les armes à feu avaient sauvé de nombreuses vies.

Cette loi va certainement donner beaucoup de travail à notre police. Combien de vies seront perdues parce que la police ne patrouillera plus les rues, étant trop occupée avec les citoyens respectueux de la loi qui veulent enregistrer leurs armes à feu? Combien d'emplois disparaîtront à cause de la hausse de taxes que cette mesure engendrera? Que feront ces gens qui n'auront pas ces emplois? Certains d'entre eux pourraient devenir des criminels.

En tant que parlementaires, nous oublions parfois les facettes secondaires des questions que nous traitons, les effets secondaires des mesures que nous adoptons. Le député peut-il répondre à ces deux questions?

M. Allmand: Monsieur le Président, je ne sais pas de quelles statistiques parle le député. Je n'ai pas les statistiques sous les yeux, mais je les ai examinées ce matin, car je dois prononcer un autre discours sur les homicides ailleurs ce soir.

Le taux de meurtres au Royaume-Uni est inférieur à 2 pour 100 000 habitants; il est inférieur à celui que nous avons au Canada, où il s'établit à 2,19 pour 100 000. Aux États-Unis, le taux de meurtres est de 9,6 pour 100 000. Je ne sais pas de quoi parle le député. Qu'il nous donne ses chiffres.

Le taux de meurtres au Royaume-Uni est moins élevé qu'au Canada et le taux de meurtres commis avec une arme à feu y est bien inférieur à ce qu'il est au Canada et aux États-Unis.

(1625)

Le député ne nous a exposé aucun fait. Je le mets au défi de le faire. J'interviendrai de nouveau demain à la Chambre pour faire une déclaration, et je ferai consigner ces données au compte rendu. Dans l'ensemble de l'Europe, le taux de crimes commis à l'aide d'armes à feu est sensiblement inférieur à ce qu'il est aux États-Unis et au Canada. Le député ne peut pas dire le contraire. Il y a peut-être eu une légère hausse, mais elle n'est en rien comparable à ce qu'on voit aux États-Unis, où l'on a libre accès aux armes à feu.

Il a demandé pourquoi nous ne consacrons pas l'argent des contribuables à d'autres programmes qui pourraient s'attaquer aux causes de la criminalité. Cela m'étonne. Chaque fois que le gouvernement a proposé des mesures en ce sens à la Chambre, les députés de son parti ont voté contre. Non seulement ils n'approuvent pas les compressions budgétaires que le gouvernement a faites dans les programmes sociaux, mais ils en veulent davantage. Quelle hypocrisie!


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Ce seront les propriétaires d'armes à feu qui paieront pour le système d'enregistrement des armes à feu et le système de délivrance des permis, tout comme ceux d'entre nous qui sommes propriétaires d'une automobile payons pour le système d'immatriculation et le système de délivrance des permis de conduire. Le contribuable ordinaire ne devrait pas avoir à payer pour le système de contrôle des armes à feu. Ce sont les gens qui possèdent et utilisent des armes à feu qui devraient, et à juste titre, payer pour ce système. Les fonds consacrés aux programmes sociaux généraux ayant pour objet de s'attaquer aux causes de la criminalité proviendront des recettes fiscales générales. On ne devrait pas mettre ces programmes en conflit les uns avec les autres.

Mme Jean Payne (St. John's-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Je veux féliciter le ministre de la Justice qui, grâce à ses efforts et à sa persévérance, présente à la Chambre des communes un projet de loi important et opportun. Toutefois, je tiens surtout à le féliciter pour avoir accepté d'écouter tous les Canadiens et de tenir compte de leurs avis sans pour autant négliger les principaux objectifs du projet de loi.

Je ne crois pas qu'aucun autre projet de loi présenté au cours de la présente législature n'ait suscité autant de discussions et de débats chez les Canadiens que la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd'hui. Cependant, après avoir écouté tout ce qui s'est dit, il me semble que certains aspects importants du projet de loi ont été oubliés. Je voudrais prendre quelques instants pour discuter de quelques-uns des aspects qui, à mon avis, n'ont pas été assez analysés.

Le projet de loi envoie un message très clair aux criminels, aux juges et à la population. Si une personne utilise une arme à feu pour commettre un délit, elle sera punie. Le Code criminel sera modifié afin que toute personne reconnue coupable d'avoir commis, au moyen d'une arme à feu, une des dix infractions graves énumérées dans le projet de loi soit passible d'au moins quatre ans d'emprisonnement. Il s'agit d'une peine minimale, je tiens à le rappeler. Dans bien des cas, la peine sera plus sévère que cela. Si une personne utilise une arme à feu pour commettre un crime, elle sera punie. Peu importe toutes les autres circonstances atténuantes, le juge n'aura pas le choix, il devra condamner toute personne reconnue coupable de ces infractions à quatre ans d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral.

Le message est clair. La protection de la population doit être la priorité de notre système de justice pénale. De plus, les personnes reconnues coupables de ces infractions ne pourront plus jamais posséder d'armes à feu. Il importe, je crois, de bien peser ces dispositions, car elles mettent en lumière l'objet principal du projet de loi, à savoir s'assurer que le Canada demeure un pays où l'on peut vivre en sécurité et que les Canadiens continuent d'être à l'abri des crimes commis à l'aide d'une arme à feu.

Mon collègue a fait allusion tout à l'heure à la disposition prévoyant des contrôles douaniers plus stricts lorsqu'il a parlé de l'importation des armes à feu. Il suffit de voir ce qui se passe au sud de notre frontière pour comprendre à quel point les armes à feu sont dangereuses. En fait, beaucoup de Canadiens sont très fiers de ce que nos villes et nos villages sont plus sûrs que les villes et villages des États-Unis. Étant donné qu'il est très facile de se procurer une arme à feu aux États-Unis, il est clair que toute loi de contrôle des armes à feu doit en régir l'importation.

Les mesures régissant l'importation et l'exportation des armes à feu reposent à l'heure actuelle sur la prémisse que les armes à feu sont un produit et que, à ce titre, elles sont seulement assujetties aux mêmes mesures de réglementation commerciale que tout autre produit. Conformément au projet de loi C-68, on procédera à une réorientation complète de la politique en matière d'importation d'armes à feu. Le projet de loi reconnaît notamment que l'importation d'armes à feu peut avoir d'importantes répercussions sur la sécurité publique et le contrôle de la criminalité.

Conformément au projet de loi C-68, toute personne qui voudra faire entrer une arme à feu au Canada devra avoir soit une licence d'importation dans le cas d'un usage commercial, soit une déclaration de douane dans le cas d'un usage personnel. On pourra désormais retracer toute arme à feu qui entrera au Canada. Les déclarations et licences d'importation ne seront remises qu'aux personnes et sociétés qui auront l'autorisation nécessaire de posséder une arme à feu au Canada. Ces mesures comptent au nombre des dispositions du projet de loi qui visent à réduire le marché noir des armes à feu et à permettre de retracer toute arme au Canada.

(1630)

En même temps que ces nouvelles mesures, la loi prévoit aussi les peines dont seront passibles les personnes qui ne respecteront pas les lignes directrices en matière d'importation. Conformément au projet de loi C-68, on modifiera le Code criminel de telle sorte qu'il prévoit un nouveau délit pour l'importation d'une arme à feu sans déclaration de douane ni licence. Toute personne reconnue coupable de ce délit sera passible d'une peine minimale d'un an d'emprisonnement. De plus, le tribunal a le pouvoir d'interdire aux contrevenants de posséder une arme à feu pendant une période pouvant atteindre dix ans.

Là encore, le thème qui sous-tend le projet de loi C-68 est clair dans ces dispositions. Ce thème est la protection du public et la réduction de la criminalité.

Le projet de loi reconnaît l'utilisation légitime des armes à feu mais, en même temps, il vise à limiter l'utilisation des armes par les personnes qui n'en ont pas besoin. On y parviendra en diminuant le marché clandestin des armes à feu, où les criminels obtiennent leurs armes, et en augmentant les peines pour ceux qui utilisent des armes à des fins illégales.

Il y a d'autres mesures que je veux mentionner brièvement. Toute vente ou importation future d'armes de poing ayant un canon de 105 millimètres ou moins sera interdite. De plus, la définition des armes à feu qui figure à l'article 85 du Code criminel sera élargie pour y inclure les armes à feu factices, de sorte que ceux qui utilisent des armes factices n'échappent pas aux pénalités prévues par le Code criminel.

Je voudrais maintenant prendre quelques instants pour faire des observations sur la partie du projet de loi qui a, jusqu'à présent, suscité le plus de débats publics, à savoir le système d'enregistrement universel. Dans les conversations, la correspondance et les réunions que j'ai eues avec mes électeurs, c'est cette partie qui a été mentionnée le plus souvent. Avant de comprendre le but de l'enregistrement universel des armes à feu, il faut connaître les autres initiatives contenues dans le projet de loi C-68, dont j'ai parlé précédemment. Je le répète, le projet de


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loi C-68 vise à accroître la sécurité du public et à contrôler l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles.

Le système d'enregistrement universel vient appuyer les autres dispositions du projet de loi. L'enregistrement de toutes les armes à feu permet au Canada de contrôler celles qui franchissent la frontière et d'en suivre la trace par la suite. Sans enregistrement, les peines plus sévères pour l'importation illégale d'armes à feu seraient inapplicables. Cette mesure permet au Canada et à ses forces de police de s'attaquer au problème lié à l'utilisation d'armes à feu à des fins criminelles en contribuant à faire respecter les ordonnances d'interdiction émises par les tribunaux, en aidant la police à retrouver les armes volées ou ayant servi à commettre un crime et, enfin, en faisant en sorte que l'on obtempère davantage aux exigences relatives à l'entreposage en lieu sûr. L'enregistrement est la pierre angulaire de ce projet de loi et c'est sur cette mesure que repose la mise en oeuvre du reste du projet de loi.

Un grand nombre de ceux qui s'opposent à l'enregistrement des armes à feu prétendent que cette mesure sera inefficace parce que les criminels ne vont pas enregistrer leurs fusils. Vraiment, c'est qu'on n'a rien compris! Les criminels s'approvisionnent en armes à feu au marché noir qui est lui-même alimenté en armes à feu passées en fraude ou volées. L'enregistrement contribuera à éliminer deux sources d'approvisionnement de ce marché et permettra à la police et de découvrir le moment exact où les armes à feu sont acheminées vers le marché noir.

Voilà des années que la police réclame ce genre de mesure législative sur les armes à feu. S'il y a des gens bien placés pour dire si le contrôle des armes à feu contribuera effectivement à la prévention du crime, c'est bien la police.

Je voudrais citer un extrait de la lettre du chef de police Vincent MacDonald, président de l'Association canadienne des chefs de police. Parlant au nom de l'association, ce dernier affirme ceci: «Nous sommes d'avis que l'enregistrement de toutes les armes à feu constitue la base même du projet de loi, qu'il est essentiel à la lutte contre le commerce illégal des armes à feu, à l'appui des mesures préventives et au respect de la loi.»

C'est pour toutes ces raisons que le système d'enregistrement dont il est question dans le projet de loi C-68 est souhaitable, voire nécessaire.

Bien des réserves formulées à l'endroit du système d'enregistrement s'expliquent, me semble-t-il, par un manque d'informations adéquates. Ainsi, le financement de la mise en oeuvre du système d'enregistrement sera totalement assuré par les frais exigés pour la délivrance de permis et de certificats d'enregistrement. La mise en oeuvre du système d'enregistrement ne provoquera pas une saignée des ressources actuelles de la police.

(1635)

Le coût d'enregistrement ne sera pas excessif pour le propriétaire d'une arme à feu. Pour la première année de la mise en oeuvre du système, le certificat d'enregistrement coûtera de 0 à 10 $ aux propriétaires qui souhaitent enregistrer les armes à feu déjà en leur possession. Le processus à suivre pour obtenir un certificat ou un permis sera simple et rapide.

À l'instar d'autres députés de la Chambre, je n'ai pas voulu m'en tenir à mes propres vues sur l'enregistrement des armes à feu et j'ai donc consulté et écouté mes électeurs. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques et quantité de lettres. J'ai assisté à un grand nombre d'assemblées locales et je me suis entretenue avec des électeurs.

Je crois en ce projet de loi. J'y souscris entièrement et je suis heureuse aujourd'hui de pouvoir le déclarer à la Chambre des communes.

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais également féliciter le député de Notre-Dame-de-Grâce d'avoir fait examiner ce projet de loi par un comité et de l'avoir renvoyé à la Chambre. En tant que membre de ce comité, je peux dire que nous n'avons pas ménagé les efforts pour rendre cette mesure acceptable à tous les Canadiens et faire en sorte qu'elle réponde bien aux désirs de la plupart des gens.

Je voudrais vous lire un extrait d'une lettre que j'ai reçue aujourd'hui par télécopieur. Cette lettre, qui est adressée au ministre de la Justice, vient de la Fédération des femmes médecins du Canada. On peut y lire ceci: «La Fédération des femmes médecins du Canada appuie le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu que le Parlement examine actuellement et sur lequel il se prononcera».

La Fédération dit ensuite qu'en 1990, Statistique Canada a fait savoir qu'il y avait, chaque année, 1 400 décès où l'utilisation d'une arme à feu était en cause. Des recherches ont montré que le risque d'homicide et de suicide était plus grand chez les personnes qui vivent dans des maisons où se trouvent des armes à feu. La Fédération ajoute: «Nous considérons la violence familiale comme un problème de société et de santé qui nécessite une approche préventive efficace ainsi qu'une combinaison de programmes de sensibilisation et de réglementation. À titre d'organisation, nous reconnaissons que nous avons un rôle à jouer à cet égard.»

J'aimerais faire un commentaire à propos du «rôle à jouer» dont la Fédération parle dans sa lettre. Je suis heureuse de dire que la plupart des Canadiens ne sont pas la source du problème visé par cette mesure législative. C'est ce qui fait que le Canada est unique. Nous y trouvons un très grand nombre de citoyens respectueux des lois. Cependant, autre particularité, même les Canadiens qui ne sont pas directement concernés se sentent responsables du bien-être des autres.

Je m'adresse ici aux gens qui s'opposent au projet de loi sous prétexte qu'ils sont de bons citoyens et qu'ils n'ont pas besoin de lois. Je fais appel à leur sens de la responsabilité, parce qu'ils pourraient vraiment servir d'exemples aux autres. Ils pourraient accepter le projet de loi dans sa forme actuelle, le respecter et servir d'exemple aux citoyens qui ne respectent pas les lois. Je demande à toutes les personnes qui s'opposent à ce projet de loi d'agir en bons citoyens, d'accepter leur responsabilité et de faire ce que le projet de loi leur demande de faire.

Le vice-président: Je ne vois pas de question dans les observations de la députée. La députée de St. John's-Ouest peut répliquer brièvement si elle le désire.

Mme Payne: Non, monsieur le Président.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour participer à ce qui sera vraiment le débat de clôture sur le projet de loi C-68, la mesure


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gouvernementale controversée en matière de contrôle des armes à feu.

Mes collègues, sous l'habile direction du député de Crowfoot, ont exposé une série d'arguments concernant les défauts du projet de loi et proposé plus de 200 amendements pour tâcher de corriger les pires d'entre eux. Je tiens à féliciter chacun de nos députés réformistes pour la qualité de leurs contributions et pour la conscience avec laquelle ils les ont apportées.

Même si ces semences de réforme en matière de contrôle des armes à feu ont pu tomber en terrain aride à la Chambre, je puis assurer au gouvernement qu'elles sont tombées en terrain fertile dans l'ensemble du pays et qu'elles produiront d'ici un an une moisson de mécontentement public qui fera regretter amèrement au ministre et au gouvernement le jour où ils ont forcé leur propre caucus et le Parlement à adopter ce projet de loi mal conçu.

Maintenant que le débat se termine, je ne veux pas m'étendre plus longtemps sur les détails du projet de loi, mais sur le tableau d'ensemble. Quelles sont les caractéristiques d'une bonne loi, et le projet de loi les possède-t-il?

(1640)

Je répondrai brièvement qu'une bonne loi doit posséder au moins trois caractéristiques. Elle doit être conforme à la compétence constitutionnelle du gouvernement, elle doit être capable d'atteindre l'objectif pour lequel on l'a présentée et, par-dessus tout, elle doit pouvoir emporter l'adhésion des gens qui paieront la note et pour le bien desquels elle a été proposée. Autrement dit, une bonne loi doit répondre aux critères de la constitutionnalité, de l'efficacité et du consentement démocratique.

Voyons donc le tableau d'ensemble. S'il est adopté, le projet de loi C-68 se révélera-t-il une bonne ou une mauvaise loi?

Commençons par le critère de la constitutionnalité. On contestera la constitutionnalité du projet de loi. Il fera en effet l'objet de contestations qu'on aurait pu éviter si le ministre avait effectué des consultations plus authentiques, s'il avait écouté les conseils qu'il a reçus et s'il s'était préoccupé davantage du problème des libertés civiles quand il a conçu et élaboré son projet de loi.

Quand je parle de contestations éventuellement préjudiciables de la constitutionnalité du projet de loi, je fais bien sûr allusion à l'affirmation de la part des Cris de la Baie James et des Premières Nations du Yukon que le ministre n'a pas respecté les dispositions des ententes constitutionnelles conclues avec eux en formulant son projet de loi. Je fais également allusion au fait que plusieurs provinces considèrent les aspects pénibles de la réglementation comme un abus d'autorité et une intrusion dans les domaines de compétence provinciale et pourraient très bien contester la constitutionnalité de la loi une fois que le règlement sera promulgué.

Enfin, je voudrais réitérer les préoccupations des défenseurs des libertés civiles qui soutenaient que certaines dispositions, notamment celles concernant les inspections, enfreignent la Charte des droits et libertés, et en particulier les droits des Canadiens à la vie privée et à la protection.

C'est avec une certaine amertume que je remarque que quand de simples citoyens ont pour la première fois fait part à leurs députés de leurs inquiétudes en ce qui concerne la violation des libertés civiles, le gouvernement a préféré ne pas en tenir compte. Ces mêmes inquiétudes ont été de nouveau exprimées par les députés réformistes à la Chambre et devant le comité, mais le gouvernement et les médias ont préféré, eux aussi, ne pas en tenir compte.

Il a fallu attendre que des groupes plus élitistes, comme l'Association du Barreau du Canada, ou encore des groupes politiquement corrects, comme l'Association canadienne des libertés civiles, soulèvent la question du respect des libertés civiles plusieurs mois plus tard pour que le ministère de la Justice reconnaisse cette lacune possible dans le projet de loi. Nous vivons à une bien triste époque quand un gouvernement tient pour acquis les libertés civiles et ne les juge menacées que lorsque l'élite ou des groupes d'intérêt spécial daignent lui signaler le danger.

Je me demande aussi comment le ministre de la Justice qui nous présente sa première grande mesure législative complète a pu se fier à des fondements constitutionnels aussi chancelants, allant même peut-être jusqu'à enfreindre la Charte des droits et libertés. Le projet de loi C-68 ne satisfait pas au premier critère, puisqu'il ne se fonde pas sur des principes constitutionnels inébranlables.

Qu'il y ait assez de députés qui l'appuient ou non pour la faire adopter, toute mesure législative d'initiative gouvernementale devrait satisfaire à une deuxième grand critère, celui de l'efficacité. Le projet de loi atteindra-t-il l'objectif visé, qui consiste à accroître la sécurité de la population?

Mes collègues ont fait valoir à très juste titre que le projet de loi C-68 ne permettra pas d'accroître la sécurité publique, car il réglemente à moins de 20 p. 100 l'utilisation criminelle des armes à feu et à plus de 80 p. 100 leur usage non criminel. Pour être efficace, le projet de loi aurait dû prévoir exactement le contraire.

Le projet de loi ne satisfait pas au critère de l'efficacité sous un autre rapport. Comme le savent tous les députés, le Code criminel et le registre national des armes à feu relèvent de la compétence fédérale, mais leur administration relève de la compétence provinciale. Pour être efficace, un projet de loi de cette nature nécessite la collaboration pleine et entière des provinces. Or, il devient de plus en plus évident que ce n'est pas le cas. Au moins cinq provinces et les deux territoires ont exprimé leur insatisfaction profonde à l'égard du projet de loi et des obligations administratives qu'il leur impose.

Le gouvernement de la Saskatchewan est allé jusqu'à présenter une motion à l'Assemblée législative de la Saskatchewan, exhortant le gouvernement fédéral à apporter au projet de loi C-68 des amendements visant à permettre aux provinces et aux territoires de ne pas appliquer les dispositions relatives à l'enregistrement et aux permis. Le procureur général de la Saskatchewan a demandé au ministre fédéral d'imposer des peines plus sévères aux criminels qui se servent d'une arme à feu pour commettre un délit et de retirer tous les autres articles du pro-


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gramme de contrôle des armes à feu. Il a fait savoir qu'il entendait continuer de contester cette loi fédérale.

(1645)

Le ministre lui-même a précisé qu'il serait très prudent dans l'application de cette loi de contrôle des armes à feu dans les réserves indiennes, dont beaucoup en contestent catégoriquement les dispositions. Cela laisse malheureusement présager qu'on appliquera la loi de façon différente selon qu'on aura affaire à des autochtones ou à des non-autochtones, ce qui est absolument contraire à la notion fondamentale de l'égalité de tous les citoyens devant la loi.

D'un point de vue politique, aucun être sensé ne croira que le gouvernement fédéral, en collaboration avec le gouvernement séparatiste du Québec, va vigoureusement et activement procéder à l'enregistrement de toutes les armes à feu dans cette province, y compris celles qui se trouvent dans les réserves, pendant une période d'incertitude constitutionnelle.

Autrement dit, même un examen superficiel des aspects pratiques de l'application de ce projet de loi dans tout le pays par les gouvernements provinciaux, dont la moitié sont profondément en désaccord sur lui, et dans les réserves indiennes, dont la majorité sont également en désaccord sur lui, révèle de profondes lacunes dans l'application du projet de loi, de profondes lacunes qui le rendront inefficace dans la réalisation de son objectif.

Le troisième critère d'une bonne loi, c'est qu'elle doit être conforme au jugement des contribuables qui paient les factures et pour qui elle est adoptée. En d'autres termes, elle doit satisfaire au critère du consentement et de l'appui démocratiques.

Depuis que ce projet de loi a été présenté, le gouvernement a prétendu qu'il jouissait de larges appuis dans le public, citant à cet égard divers sondages d'opinion publique. Cependant, les gouvernements, les gouvernements élitistes en particulier, qui se vantent de pouvoir manipuler l'opinion, ont l'habitude de se tromper dans leur interprétation des sondages quant aux appuis populaires qu'ils récoltent, comme l'a clairement montré l'échec de l'Accord de Charlottetown.

Dans plusieurs sondages où l'on demande au public s'il est en faveur du contrôle des armes à feu, la majorité des gens interrogés ont répondu oui. Ces sondages ne font habituellement pas suivre cette question d'une deuxième question plus pertinente: la loi sur le contrôle des armes à feu devrait-elle servir d'abord à sévir contre l'usage criminel des armes à feu ou à réglementer l'usage non criminel des armes à feu? Si cette question est posée au public, je ne doute pas que la majorité sera favorable à l'objectif de réprimer sévèrement l'usage criminel d'armes à feu, ce que préconise justement le Parti réformiste.

Dans d'autres sondages, on demande au public s'il appuie le projet de loi du gouvernement fédéral sur le contrôle des armes à feu, mais on ne lui demande pas, de quelque manière que ce soit, s'il connaît ledit projet de loi. Le gouvernement n'a absolument pas saisi qu'à mesure que la population prend connaissance du projet de loi, son appui à ce dernier diminue plutôt que d'augmenter, quel que soit le niveau de l'appui initial. C'est le même genre d'érosion de l'appui qui a entraîné l'échec de l'Accord de Charlottetown.

Si elles sont mises de l'avant par des gouvernements qui ont des sommes énormes à dépenser au titre des relations publiques, les solutions concoctées à Ottawa pour résoudre des problèmes nationaux sont très bien accueillies au départ par la population, avec un appui variant entre 60 et 65 pour cent. Cependant, l'expérience a prouvé que, lorsque les gens en apprennent davantage au sujet de telles mesures législatives, lorsqu'ils ont l'occasion de les examiner eux-mêmes, d'en discuter, d'entendre le point de vue de leurs élus provinciaux et municipaux, des groupes d'intérêt, des universitaires et de leurs amis et voisins, bref plus leur connaissance de ces mesures législatives augmente, plus leur appui diminue.

Comme c'est le cas pour n'importe quelle mesure législative à l'égard de laquelle on remarque une telle diminution de l'appui de la population, on peut s'attendre à ce que moins de 50 p. 100 des Canadiens appuient les dispositions de ce projet de loi à la fin de l'automne. C'est le signe d'une mauvaise loi, d'une loi qui ne peut pas être mise en application de façon appropriée et qui n'atteindra pas le but visé par le Parlement parce qu'elle n'est pas appuyée par les gens qui paient la note et qui sont censés en bénéficier.

Je soutiens donc, en conclusion, que le projet de loi C-68, s'il est adopté, ne sera pas une bonne loi. Ce sera une mauvaise loi, une tache sur le bilan législatif du gouvernement, une loi qui ne répondra à aucun des trois grands critères, soit la constitutionnalité, l'efficacité et le consentement démocratique du peuple.

(1650)

Quel devrait être le sort d'une mauvaise loi? Une mauvaise loi devrait être abrogée, et c'est précisément ce que fera un gouvernement réformiste lorsqu'il remplacera un jour le gouvernement actuel.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Si vous demandez à la Chambre, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour reporter à 18 h 30, immédiatement après la période réservée aux initiatives parlementaires, le vote prévu au départ à 17 h 30.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Il en est ainsi ordonné.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis très intéressée par les observations de mon honorable collègue, le chef du troisième parti à la Chambre.

J'ai porté beaucoup d'attention à ses propos, car je tiens à lui dire que j'écouterais également avec intérêt si j'entendais des défenseurs des libertés civiles au Canada pousser ces hauts cris. Pour ma part, je prêterais l'oreille et je suis persuadée que les députés de mon côté de la Chambre en feraient autant et réagiraient.


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Ce ne sont pas les défenseurs des libertés civiles qui poussent les hauts cris au Canada, mais bien un lobby pro-armes qui se fait beaucoup entendre avec l'appui très fort du Parti réformiste, nos vis-à-vis.

Je voudrais revenir sur une déclaration qui m'inquiète dans l'intervention de mon collègue. Elle porte sur le droit constitutionnel, dont nous devrions beaucoup nous préoccuper au Canada.

Nous devons tenir compte de la Charte canadienne des droits et libertés lorsque nous rédigeons des projets de loi. Lorsqu'un ministre présente un projet de loi, il doit déclarer avoir tenu compte des arguments constitutionnels et des arguments présentés en vertu de la Charte. J'entends souvent des gens dire que la Charte est une entrave. Je voudrais préciser qu'au contraire, en ce qui concerne les fouilles, les perquisitions et les saisies, la Charte nous protège et c'est pourquoi les Canadiens ne devraient pas s'inquiéter du projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

Je voudrais également parler de constitutionnalité, puisque mon vis-à-vis a soulevé la question. La Cour suprême du Canada a déjà jugé que le contrôle des armes à feu était une question de droit pénal. Il n'est pas nécessaire que toutes les dispositions portant sur les infractions au Code criminel figurent dans le Code criminel.

Le Code criminel sert à la prévention du crime et c'est ce qu'ont déclaré clairement la Cour d'appel de l'Alberta et la Cour suprême du Canada. Le professeur Hogg, spécialiste du droit constitutionnel au Canada, a signalé que la Loi sur le contrôle des armes à feu renfermait des dispositions ayant pour objectif de contrôler, ainsi que de prévenir, la criminalité. Il a ajouté qu'elle était tout à fait dans les limites du pouvoir du Parlement du Canada.

Que va donc dire le député aux juges de la Cour suprême?

M. Manning: Monsieur le Président, j'apprécie que la députée nous présente un savant avis juridique, mais elle n'a pas donné de solution aux problèmes constitutionnels que j'ai soulevés.

Je n'ai pas dit que le Parlement fédéral n'avait pas le droit, constitutionnellement, d'adopter une loi sur le contrôle des armes à feu. J'ai simplement fait valoir que les autochtones avaient été les premiers à alléguer que cette mesure posait un problème constitutionnel. Leur argument n'a rien à voir avec le point défendu par la députée.

Les autochtones ont fait valoir que les documents constitutionnels qui établissent les ententes signées entre les Cris de la Baie James et le gouvernement fédéral, ainsi que les premières nations du Yukon, prévoyaient une disposition exigeant une certaine forme de consultation que le ministre n'avait pas respectée. Une classe de citoyens bien particulière a soulevé cet argument.

Les autres arguments ayant trait à la constitutionnalité de la mesure portaient sur des dispositions précises. Comme la députée le sait bien, certaines dispositions inquiètent les provinces, notamment celle qui met fin au droit de rester silencieux, l'obligation de coopérer avec la police, la présomption de culpabilité jusqu'à preuve du contraire, la déclaration de culpabilité par association, la possibilité de confisquer la propriété sans indemnisation et la possibilité de perquisitionner et de saisir des biens sans mandat. On croit que ces disposition violent les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

(1655)

Selon moi, c'est sur ces questions précises que le projet de loi est douteux. Le ministre aurait bien fait d'accepter les amendements et les modifications qu'on a proposés sur ces points, s'il voulait avoir un projet de loi qu'on ne puisse pas remettre en question pour des motifs constitutionnels.

Le vice-président: Comme j'ai cru comprendre que le député partageait son temps de parole avec un de ses collègues, la période des questions et des observations est maintenant terminée.

M. John Cummins (Delta, Réf.): Monsieur le Président, le projet de loi dont nous sommes saisis porte sur le contrôle des armes à feu. Lorsque le débat sera terminé, les députés des deux côtés de la Chambre auront à se prononcer sur cette mesure. Devrais-je voter en faveur du projet de loi comme semblent me le suggérer certains sondages? Ou, si le projet de loi contient des lacunes sérieuses dont les sondages n'ont pas tenu compte, devrais-je voter contre? Et si je vote contre le projet de loi, est-ce que j'agis à l'encontre de la volonté de mes électeurs?

Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre que l'un des principes fondamentaux du Parti réformiste est que chacun des députés doit suivre la volonté de ses électeurs plutôt que ses convictions personnelles.

Il est bon d'examiner dans le contexte du projet de loi à l'étude, la question de la manière dont les députés doivent voter. Cette question revêt une importance fondamentale pour notre rôle et pour la manière dont le public perçoit notre rôle de députés. Le moment est venu d'examiner cette question car les progrès technologiques permettent maintenant aux députés mais aussi à la population de voter sur n'importe quelle question examinée à la Chambre tout en restant chez eux.

Qu'est-ce que les Canadiens attendent de leurs élus? Veulent-ils que nous examinions seulement les sondages, ou les projets de loi? Souhaitent-ils que nous votions selon les sondages ou selon le contenu des projets de loi? De nombreux sondages indiquent que les Canadiens sont en faveur de l'enregistrement des armes à feu. Toutefois, le projet de loi à l'étude ne porte pas que sur cet aspect. Il soulève des questions importantes au sujet des droits juridiques fondamentaux, de l'équité et de l'impartialité des sentences. Il soulève également des questions importantes au sujet de la dépense des ressources gouvernementales limitées. Nous devons aussi nous demander si ce projet de loi atteint son objectif, qui est d'accroître la sécurité dans les lieux publics et dans nos demeures.

Demander aux Canadiens s'ils appuient l'enregistrement des armes à feu et leur demander s'ils sont favorables au projet de loi C-68 sont deux questions distinctes. Aucun sondage ne s'est penché efficacement sur la différence qui existe entre les deux et, si les Canadiens nous ont envoyés à la Chambre, c'est pour examiner des projets de loi et établir les distinctions que les sondeurs ne peuvent pas faire ou refusent de faire, contester les communiqués intéressés que diffuse le gouvernement et répondre aux vraies préoccupations de nos électeurs.


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Les Canadiens s'attendent à ce que nous votions sur les mérites du projet de loi. Je souligne que je n'ai aucune réserve quant à l'enregistrement des armes à feu en tant que politique. Mais je ne peux pas appuyer ce projet de loi, car j'estime qu'il est profondément imparfait. Il ne fait pas avancer d'un iota la cause de la justice ou de la sécurité des Canadiens.

Je ne peux pas appuyer ce projet de loi parce qu'il détourne les rares ressources publiques et les énergies vers des politiques qui n'accroîtront pas réellement la sécurité personnelle et collective. Nous ne pouvons pas transférer au projet de loi C-68 notre appui à l'enregistrement des armes à feu.

Il y a un autre aspect de cette question que je voudrais également aborder. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas consacré ses énergies et ses ressources à des mesures qui rendront réellement les collectivités plus sûres? Qu'on songe au cas tragique de Christopher Stevenson. Les députés se souviendront de Christopher, cet Ontarien de 11 ans qui a été violé et assassiné par un pédophile psychopathe, Joseph Fredericks, qui avait déjà violé neuf enfants.

Récemment, le Dr Jim Cairns, qui a dirigé l'enquête sur la mort de Christopher, a prévenu que nos enfants demeurent la cible de dangereux agresseurs sexuels récidivistes parce que les gouvernements ne prennent pas des mesures efficaces pour les protéger. Selon les éléments de preuve présentés à l'enquête, il est impossible de traiter ces contrevenants et le seul moyen de protéger la société est de les détenir indéfiniment. Pourtant, on n'a pas mis en oeuvre la principale recommandation qui s'est dégagée de l'enquête sur le cas Stevenson, à savoir la détention à perpétuité des agresseurs sexuels récidivistes qui s'en prennent à des enfants.

(1700)

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas adopté une loi sur les agresseurs sexuels récidivistes qui fasse primer les droits des victimes et la protection de la société? Pourquoi a-t-il détourné les énergies et les ressources du ministère de la Justice, et de la Chambre, au lieu de chercher à trouver de vraies solutions au problème de la violence dans nos foyers et dans nos quartiers?

Ce sont là les vraies questions. Ce sont là les questions auxquelles les députés d'en face doivent répondre. Ce sont là les questions auxquelles les Canadiens veulent des réponses.

Le vice-président: En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Waterloo-La défense nationale.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je ne prétends pas être un expert en matière de chasse et d'armes à feu, mais je sais que dans ce domaine le député de Delta pourrait être de quelque secours. Comment son parti peut-il justifier sa décision de ne pas appuyer ce projet de loi.

Je vais m'expliquer en vous disant comment je vois la chasse. J'ai eu l'occasion de voir une expédition de chasse. J'ai vu des chasseurs arriver dans les Territoires du Nord-Ouest dans des véhicules immatriculés. Ils s'étaient sans doute arrêtés à des stations-service en cours de route pour y prendre de l'essence. Ils avaient pris un avion immatriculé, à un terrain d'aviation autorisé et s'étaient envolés vers un lac éloigné pour y chasser. Pour pouvoir chasser, ils ont dû se procurer un permis de chasse et je suppose que ce permis précisait quelle espèce animale ils étaient autorisés à chasser.

Après avoir abattu l'animal, ils ont dû demander un permis pour exporter les cornes à l'extérieur des Territoires du Nord-Ouest, car il est impossible de le faire sans permis. Après ce voyage au cours duquel ils étaient accompagnés par un guide qui détenait lui-même un permis, ils sont remontés à bord de leur véhicule immatriculé.

S'il faut, pour pratiquer ce sport, obtenir un permis pour à peu près tout, sauf pour son aspect le plus dangereux, c'est-à-dire le fusil, pourquoi s'y oppose-t-on quand il s'agit de l'arme elle-même? Personne ne s'oppose à la délivrance de permis aux garde-chasse ni à la nécessité d'obtenir un permis pour chasser. Le fait qu'un permis soit nécessaire pour les guides, les avions, les automobiles, les stations-service et tout le reste ne pose aucune difficulté, mais, pour l'arme, il semble exister un blocage psychologique. Le député pourrait-il m'expliquer pourquoi? Je ne comprends pas cette attitude.

M. Cummins: Monsieur le Président, la question de la délivrance de permis est simple. Si j'ai une voiture et que je ne m'en sers pas, je n'ai pas besoin de la faire enregistrer. Si je ne l'utilise pas, je ne suis pas tenu de l'enregistrer. Cela s'applique à beaucoup de choses dans notre société.

La question n'est pas la délivrance de permis. La question, c'est la sécurité publique. La personne qui manie une arme à feu a un permis. La loi impose un test très rigoureux et des interventions personnelles de la police pour veiller à ce que la personne puisse manier l'arme sans danger. Nous avons bien examiné la question de la délivrance de permis.

Cependant, la question n'est pas là. La question, c'est la sécurité publique. C'est pourquoi nous sommes opposés à ce projet de loi, parce que le fait de délivrer des permis ne va pas faire avancer d'un iota la cause de la sécurité publique.

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, j'ai suivi attentivement l'intervention du député au sujet de la délivrance de permis. Hier, j'ai parlé dans mon intervention de l'importance pour un député de représenter ses électeurs, cependant que les députés du Parti réformiste n'arrêtaient pas de crier après moi, de me dire, en quelque sorte, que je ne représentais pas mes électeurs en décidant de voter en faveur de ce projet de loi.

Une voix: Nous savons tous que vous ferez ce qu'on vous dit.

M. Speller: Ce qu'on me dit? Regardez les députés qui tombent d'accord avec le chef de leur parti.

Le chef de leur parti vit dans une région urbaine où les habitants sont en faveur de cette mesure législative. Tous les sondages effectués dans le pays l'ont montré. Comment le député et les membres de son caucus peuvent-ils dire que nous, en Ontario, par exemple, qui essayons de représenter au mieux nos électeurs, qui avons effectué des sondages, qui avons parlé à nombre d'électeurs, ne représentons pas nos électeurs en agissant ainsi, alors que le chef du parti du député vient d'une région du pays où les sondages ont montré que la majorité des habitants sont en faveur de cette mesure législative? Le chef de son propre parti va


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voter contre ce projet de loi et contre les souhaits de ses électeurs. Le point principal qu'a fait valoir ce parti durant la campagne électorale est qu'il allait représenter ses électeurs et autoriser les votes libres. Comment le fait que le leader de son propre parti va voter contre ce projet de loi cadre-t-il avec la politique du parti?

(1705)

M. Cummins: Monsieur le Président, la question ici est de savoir si la question posée lors du sondage peut être mise sur le même pied que le projet de loi C-68. À mon avis, demander aux gens s'ils sont en faveur d'enregistrer les armes à feu ne peut pas être mis sur le même pied que le projet de loi C-68 qui va nettement plus loin. C'est là la question. Vous obtenez la réponse à la question que vous posez.

Dans ce cas, les enquêteurs ne posent pas la bonne question. Il faudrait au moins poser une série de questions au sujet du projet de loi C-68. Nous aurions alors, nous, en tant que députés, à faire la part des choses et à décider ce qui a le plus d'importance: l'enregistrement des armes à feu ou la violation des droits de la personne ou des garanties juridiques inhérente à ce projet de loi?

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de London-Ouest.

J'exprime mon appui au projet de loi C-68 dont la Chambre est saisie depuis de nombreux mois maintenant. Le ministre de la Justice a parcouru le pays et tenu de nombreuses consultations; le projet de loi a été passé au peigne fin par les médias; il a été étudié par le comité dont je suis membre. Plus de 70 groupes ont comparu. Environ 35 députés sont venus témoigner. Je pense que le moment est venu pour la Chambre de passer aux actes.

Certains de nos collègues dans cette Chambre ont souvent donné les États-Unis en exemple, citant certaines orientations que, selon eux, nous devrions adopter. En fait, je me demande souvent si certains députés d'en face ne connaissent pas mieux la Constitution américaine que la nôtre.

Les Canadiens ont regardé vers les États-Unis et y ont vu une culture dominée par les armes à feu. Il suffit de regarder les actualités en soirée, sur n'importe quelle chaîne américaine, pour se rendre compte des conséquences tragiques de l'influence du mouvement pro-armes à feu, mouvement qui partage un grand nombre de convictions avec beaucoup de députés de cette Chambre.

Ma propre circonscription de Sarnia-Lambton est voisine de Port Huron, dans l'État du Michigan. En septembre dernier, alors que les enfants reprenaient le chemin de l'école, deux hommes qui étaient en train de réparer le toit d'une école se sont disputés. L'un d'eux est allé chercher son fusil dans son camion et a tiré sur son collègue devant les enfants.

Dans cette même ville, agglomération relativement prospère de 100 000 habitants, il y a eu l'an dernier dans les écoles sept incidents où des coups de feu ont été tirés. Des enfants n'ayant pas plus de 12 ans apportent un fusil ou un pistolet à l'école dans leur sac de gymnastique pour régler leur compte. Tout cela dans une agglomération prospère habitée par la classe moyenne, à 400 mètres de ma circonscription. Je sais bien que ce ne sont là que des anecdotes, mais elles illustrent la différence qui existe entre nos deux pays.

Le projet de loi C-68 est pour nous l'occasion de définir et de façonner notre attitude à l'égard du commerce, de la possession et de l'utilisation des armes à feu dans notre pays. C'est un pas en avant vers la reconnaissance du genre de société que nous voulons, une société qui reflète notre histoire et nos valeurs. L'une de ces valeurs est le fait que nous laissons parler les autres sans les interrompre, à l'inverse de nos voisins du Sud. Une autre, que nous reconnaissons qu'il y a des utilisations légitimes des armes à feu, mais que la propriété d'une arme entraîne certaines obligations.

En tant que membre du comité, je peux dire que la qualité des témoignages m'a beaucoup inquiété, car il était clair que, devant le comité, des médecins étaient prêts à nous donner des avis juridiques, tandis que des avocats voulaient bien nous faire part de leur opinion en matière de santé. De nombreux particuliers se sont présentés comme membres de groupes d'utilisateurs responsables d'armes à feu, afin de nous donner des conseils sur les principes comptables, alors qu'ils n'y connaissaient rien. Ils nous offraient des conseils basés sur certaines croyances qui relevaient presque de la religion.

(1710)

De ce fait, je voudrais dire à ceux qui sont ici et à ceux qui nous regardent, qu'il est nécessaire de peser la valeur probante du témoignage d'un expert, en administration par exemple, qui, parce qu'il a un doctorat en administration, vient fournir des conseils à la National Rifle Association ou à l'Institut Fraser, tout en se prétendant criminologue.

De même, on peut douter de l'opinion d'un médecin qui se présente devant le comité et nous donne des conclusions concernant le suicide qui sont contraires à la recherche empirique faite sur le sujet, ainsi que du témoignage du représentant d'un groupe qui prétend parler pour les anciens combattants enterrés en Europe, victimes de la Seconde Guerre mondiale.

Je peux dire sans crainte de me tromper qu'ont comparu devant le comité des gens ayant toute une gamme d'opinions sur le projet de loi, certaines frisant l'absurde et d'autres qui paraissaient être des suggestions raisonnables, objectives et logiques.

À ceux qui appartiennent à la catégorie des Thomas, et je pense qu'il y en a quelques-uns dans cette Chambre, la catégorie de ceux qui demandent des preuves mathématiques, je dirais que nous demander de fixer empiriquement des réductions du taux d'assassinats, d'accidents ou de suicides, c'est nous demander une chose qui, dans une perspective logique, serait fausse et perverse. Nous entendons de nombreux commentaires de la sorte


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ce soir. Je parle de ceux qui refusent l'enregistrement, mais qui savent instinctivement que le fait d'emprisonner quelqu'un qui a tiré sur son conjoint aura un effet dissuasif sur les gens autour, qui seront moins tentés d'adopter ce genre de comportement.

Poussée à son extrême, la comparaison entre la punition et la prévention signifie que les banques ne devraient pas utiliser des véhicules blindés pour transporter leur argent, car la punition à elle seule serait une garantie suffisante. La menace de l'emprisonnement empêcherait les voleurs éventuels de s'attaquer à un employé de banque transportant de l'argent et de tels actes criminels ne se produiraient plus. Au lieu de consacrer des fonds aux mesures de prévention comme les véhicules blindés, les banques pourraient réduire leurs coûts d'exploitation.

Nous savons tous que les voleurs continuent d'attaquer les véhicules blindés. La société considère qu'il est prudent de la part des banques d'utiliser des moyens de prévention raisonnables pour empêcher des gestes prévisibles.

De même, nous avons, au Canada, des lois sur la sécurité au travail qui imposent certaines mesures visant à prévenir les accidents de travail. Ces lois sont acceptées, malgré les coûts de l'installation de dispositifs de sécurité et des procédures d'inspection, parce qu'on peut prévenir certaines tragédies, même si la loi n'élimine pas tous les incidents et accidents malheureux.

Évidemment, si l'on devait imposer aux lois sur la sécurité au travail et sur le port de la ceinture de sécurité le même fardeau de la preuve que celui que proposent les gens d'en face et si l'on avait exigé les mêmes preuves mathématiques avant la promulgation de ces lois, aucune des dispositions législatives en place aujourd'hui n'existerait. Nous habiterions un pays sans lois sur la sécurité au travail.

Je recommande aux opposants à ce projet de loi, qui préfèrent parler au lieu d'écouter, de lire les témoignages des experts en santé publique qui se sont présentés devant le comité. Ils ont affirmé que des lois comme celle-ci n'avaient pas un impact uniquement sur le commerce, la propriété et l'utilisation des armes à feu, mais qu'elles modifiaient aussi l'attitude d'une société envers ces armes, ce qui est bien plus important.

De nombreux témoins ont répété devant le comité la vieille maxime selon laquelle ce ne sont pas les armes, mais les gens qui tuent. Des formules lapidaires de la sorte nous font oublier que les armes à feu sont des objets intrinsèquement dangereux et qu'il faut imposer certaines obligations à ceux qui en possèdent.

Est-ce déraisonnable de consigner le nom de ceux qui possèdent des armes à feu, ou le lieu où ces armes se trouvent dans notre société? Est-ce qu'on viole les droits inhérents des gens en instaurant un système d'enregistrement alors qu'il en existe déjà pour les chiens, les automobiles, les maisons et les valeurs mobilières?

M. Stinson: Cela permet d'arrêter les chiens qui mordent et les conducteurs aux facultés affaiblies.

M. Gallaway: Malgré tout ce qui se dit de l'autre côté, peut-on raisonnablement conclure, à partir des témoignages des policiers, des experts en santé publique, des groupes de prévention du suicide et des experts en sécurité publique, que la pierre angulaire de ce projet de loi, c'est-à-dire l'enregistrement des armes à feu, réduira le taux de crimes et de suicides au Canada? La réponse évidente est oui. Je dois reconnaître que de nombreux témoins ont sincèrement affirmé le contraire. Il y a ceux qui s'accrochent aux idées de l'homme d'affaires devenu criminologue. Ceux-là s'adresseront peut-être à leur comptable la prochaine fois qu'ils auront un problème de santé.

(1715)

Le vice-président: Le temps de parole du député est écoulé. Nous passons aux questions et observations; le député de Prince George-Peace River.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, s'il n'y avait pas eu cette motion d'attribution de temps du gouvernement, je suis certain que nous aurions tous eu beaucoup de plaisir à entendre la suite du discours du député sur cette question. Il peut remercier ses collègues.

Nous nous interrogeons sur l'efficacité du projet de loi dont nous sommes saisis. Chaque fois que nous abordons ce sujet à la Chambre, on nous accuse d'inventer des histoires. Le gouvernement demande aux Canadiens de lui faire confiance. Il se charge des règlements que nous n'avons pas encore eu l'occasion de lire. Nous devons faire confiance au gouvernement. Une fois qu'il aura mis en oeuvre ces règlements, il s'attaquera vraiment aux problèmes.

Permettez-moi de rappeler, aux fins du compte rendu, les paroles suivantes:

L'enregistrement s'applique aux choses, c'est-à-dire ici aux armes, mais non aux personnes. Il relève la désignation, le numéro de série et le nom du propriétaire de chaque article, de chaque arme. Pour les armes extrêmement dangereuses et faciles à dissimuler, comme les armes de poing qui sont soumises au régime de l'autorisation restreinte et très peu nombreuses au Canada, l'enregistrement constitue un système pratique et relativement efficace. Il permet de contrôler à la fois le propriétaire et l'arme, et constitue une entrave à l'achat banalisé. Mais en ce qui concerne les dix millions d'armes à canon long qui existent au Canada, je pense que le système de l'immatriculation serait inapplicable et peu pratique, en comparaison des avantages qui seraient donnés.
Ces paroles figurent à la page 12627 des débats du 8 avril 1976 et avaient été prononcées par le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui préside aujourd'hui le Comité permanent de la justice. Elles illustrent justement l'hypocrisie dont s'inquiètent les Canadiens, quand ils voient leurs députés changer d'avis. Les Canadiens craignent aussi que le projet de loi ne représente un pas de plus vers l'érosion des droits des propriétaires légitimes d'armes à feu. Je voudrais entendre les propos du député sur ces préoccupations des Canadiens.

M. Gallaway: Monsieur le Président, la caractéristique du député d'en face, c'est peut-être son entêtement; il ne change jamais d'idée, même face à de nouvelles évidences. Son idée est faite et rien ne peut la modifier.

Le député voudrait poser une question et continuer de parler. Je lui recommande, sachant qu'il a parfois assisté aux réunions du comité, de tenir compte des constatations des spécialistes en matière de santé publique. Il devrait aussi considérer les changements technologiques qui se sont produits depuis la déclaration que le député a faite en 1976.


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Le député se limiterait-il à consulter un médecin qui n'utilise que des techniques qui n'auraient pas évolué depuis 1976? J'en doute. Étant donné l'évolution dont ont bénéficié les systèmes d'information entre 1976 et 1995, soit en 19 ans, le député aurait peut-être avantage à repenser à la déclaration faite à l'époque par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, le député de Sarnia-Lambton s'en prend encore aux Américains. Je ne sais pas ce que cela a à voir avec notre débat sur les armes à feu.

Comme il a soulevé la question, je tiens à mentionner que j'habite dans l'ouest du Canada, dans les Prairies, très près de la frontière américaine. Nous avons beaucoup de ressemblances du point de vue culturel et économique avec les gens de l'autre côté de la frontière. Nous pouvons traverser la frontière à pied. En fait, nos voisins du sud ont plus de points en commun avec nous qu'ils en ont avec les trafiquants de drogue à New York ou que j'en ai avec les riches avocats de Toronto.

N'est-il pas intéressant de constater que, au cours des 15 dernières années, le taux d'homicide dans les quatre États du nord adjacents aux provinces des Prairies a été inférieur au nôtre, c'est-à-dire 3,1 pour cent mille habitants du côté canadien comparativement à 2,7 du côté américain? N'est-ce pas intéressant? De tous les États américains, ce sont les quatre qui ont les lois les moins sévères en ce qui concerne les armes à feu. On peut porter presque n'importe quel type d'arme, à part un bazooka. Pourtant, les gens ne passent pas leur temps à se tirer les uns sur les autres. Il y a un facteur culturel dont le gouvernement ne tient jamais compte même s'il le devrait.

(1720)

Je crois que le député a quelques secondes pour répondre.

M. Gallaway: Monsieur le Président, je comprends pourquoi le député d'en face pensait que je parlais seulement des Américains. J'essayais de faire une distinction. Cependant, sachant qui est son voisin de banquette, je comprends pourquoi il ne pouvait pas m'entendre.

Il est très facile de prendre un endroit très précis et de dire que les statistiques sont différentes. Nous ne parlons pas d'un système d'enregistrement qui s'applique uniquement à la ville d'Ottawa ou à celle de Calgary, mais bien d'un système national. Il est très facile de fausser la réalité avec ces chiffres. Par exemple, à Washington, où le contrôle des armes à feu est très sévère, le taux d'homicide est extrêmement élevé. Comme cela s'explique-t-il? C'est parce qu'on ne peut pas prendre un endroit précis. . .

Une voix: Les gens là-bas ne vivent pas assez longtemps pour se suicider.

M. Grubel: Pouvez-vous expliquer cela?

M. Gallaway: Je suis heureux qu'on m'ait posé cette la question et j'aimerais bien essayer d'y répondre.

Les députés prennent un endroit précis et essaient d'appliquer ces statistiques à l'ensemble du pays. Le député d'en face sait fort bien que c'est faux et trompeur.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le seul objectif du projet de loi C-68 est de réduire les décès et les accidents causés par les armes à feu. Malgré l'opinion d'un petit groupe de lobbyistes tapageurs qui, je le souligne, ne parlent pas au nom de la majorité des Canadiens, ce projet de loi ne cache aucune intention de la part du gouvernement de confisquer des armes à feu détenues légalement par les Canadiens ni de permettre aux policiers d'investir les domiciles des Canadiens.

Ce projet de loi, dans une certaine mesure, limite l'accès aux armes à feu à des personnes compétentes, responsables et bien informées quant à la façon convenable de les utiliser et de les entreposer. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au Canada, près de 40 p. 100 des homicides sont commis avec des armes à feu. La plupart des victimes sont des femmes et des enfants. Les armes utilisées pour commettre des homicides sont des fusils dans 85 p. 100 des cas, et ils sont détenus légalement.

Au Canada, le risque de mourir à cause d'une arme à feu est presque aussi élevé que le risque de mourir dans un accident d'automobile: 2,37 morts par 10 000 armes à feu possédées contre 2,4 par 10 000 véhicules à moteur immatriculés en 1990.

Ce projet de loi a suscité une vive controverse. On a dit que ce n'était pas les armes qui tuaient, mais bien les gens. En fait, ce sont les gens avec des armes qui tuent et ils le font avec une efficacité terrifiante. Jetons un coup d'oeil aux statistiques sur le suicide. Lorsqu'il y a tentative de suicide au moyen d'une arme à feu, le taux de survie est de 7 p. 100. Sans arme à feu, il est de 65 p. 100.

Ceux qui s'opposent au contrôle des armes disent que quelqu'un qui veut réellement se suicider trouvera le moyen de le faire. Les experts en prévention du suicide qui ont comparu devant le comité ont cependant prétendu le contraire. Le suicide est un geste impulsif et même un court retard permet parfois à la personne de reconsidérer sa décision, ce qui est souvent le cas. On peut donc certainement sauver des vies en limitant ou en retardant l'accès aux armes à feu.

On ne trouvera pas surprenant que les régions du Canada où il y a le plus d'armes à feu sont également celles où le taux de blessures et de décès imputables à une arme à feu est le plus élevé. Fait notoire, c'est de ces mêmes régions que sont venus les groupes qui ont demandé au comité à être exclus de ce projet de loi qui menace leur mode de vie traditionnel. Je remarque toutefois que le député de Nunatsiaq a dit que le projet de loi n'aurait pas pour effet qu'un caribou de moins soit abattu.

Il a été dit que les homicides par armes à feu étaient un phénomène particulier aux grandes villes. Au Canada, rien n'est plus éloigné de la vérité. Par exemple, une étude menée par le


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centre de traumatisme du nord-est de l'Ontario révèle que le taux d'homicide par arme à feu est plus élevé dans le nord de l'Ontario que dans le reste de l'Ontario.

Quant à la notion de posséder une arme pour se défendre, elle a été discréditée. En fait, les études prouvent que les gens qui ont une arme à feu chez eux risquent 43 fois plus de se tuer ou de tuer un proche que de tuer un intrus. Une étude alarmante entreprise par le Dr Scott de l'université George Washington révèle que pour chaque femme qui achète une arme de poing pour se protéger, 239 femmes sont abattues par ce genre d'armes, souvent par la leur.

(1725)

Les résultats d'une étude très instructive menée par un professeur suisse, Martin Killias, ont été publiés dans le numéro de mai 1993 du Journal de l'Association médicale canadienne. Le Dr Killias est catégorique: il existe une corrélation directe entre la possession d'armes à feu et les décès et blessures par arme à feu. Soulignant la présence d'armes à feu dans 27 p. 100 des foyers suisses, à peu près la même proportion qu'au Canada, il écrit: «Contrairement à ce que prétendent les organismes qui militent en faveur des armes à feu, la Suisse paye très cher ce privilège. Pour ce qui est des suicides, la Suisse arrive au troisième rang juste après la Hongrie et la Finlande, mais bien en avant des autres pays.» Cela s'explique par «le pourcentage extrêmement élevé de suicides par arme à feu».

Les conclusions du Dr Killias sont confirmées par une étude similaire portant sur 18 pays qu'a menée, en 1993, l'Institut inter-régional des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice. Des pays comme la Grande-Bretagne et l'Allemagne qui contrôlent rigoureusement l'accès aux armes à feu affichent des taux de décès par armes à feu beaucoup moins élevés que le Canada ou les États-Unis.

L'enregistrement des armes à feu constitue la règle un peu partout en Europe, notamment en Allemagne, Belgique, en Espagne, en Finlande, en France, en Grande-Bretagne, en Grèce, en Hollande, en Irlande, en Italie, au Portugal et en Suisse. Le Canada et les États-Unis sont les exceptions.

Que pense la population de ce projet de loi? Wendy Cukier et Heidi Rathjen, de la Coalition pour le contrôle des armes, m'ont fait parvenir, en ma qualité de députée de l'Ontario, plus de 7 000 lettres appuyant cette mesure législative. Je tiens à faire l'éloge de ces femmes remarquables qui ont su exprimer les préoccupations d'un large éventail de groupes, dont des organisations de police, des associations médicales, des Églises, des refuges pour femmes et des maisons de transition, des fédérations d'enseignants, des commissions scolaires, des groupements ouvriers, des associations provinciales d'avocats et des associations juridiques et, par-dessus tout, les Canadiens dans leur immense majorité.

Un des mes électeurs, neurologue canadien bien en vue, le Dr. Henry Barnett, m'a parlé de ses collègues au sud de la frontière, de l'espoir qu'ils caressent de voir se matérialiser un contrôle efficace des armes, de leur découragement et de leur totale incapacité à modifier la loi face à l'opposition de la National Rifle Association, le groupe de pression le plus important et le plus influent d'Amérique.

Méfions-nous! Les tenants de l'extrême-droite américaine suivent ce débat de très près. Ce débat va au-delà des armes. Il y va de notre mode de vie, de notre liberté. Il s'agit du droit des Canadiens de s'opposer aux armes à feu. Il s'agit de notre droit de décider de notre mode de vie.

S'opposent notamment au projet de loi les clubs de tir, les marchands d'armes à feu, les collectionneurs d'armes à feu, les chasseurs et les pourvoiries, les autochtones et le Parti réformiste. Afin de mousser leur cause ou de protéger leurs intérêts économiques, certains groupes exploitent les craintes de citoyens honnêtes et respectueux des lois. Ces pseudo-groupes de revendication, ces groupes soi-disant responsables qui se spécialisent dans les armes à feu, ont lancé à dessein une campagne de désinformation. Chaque fois que le gouvernement propose un contrôle des armes à feu, ce sont les mêmes groupes qui s'y opposent. Les accusations formulées sont toujours les mêmes: État policier, confiscation, mais les confiscations on s'en moque! La police ne va pas surgir au beau milieu de la nuit.

«Châtiez le criminel», disent-il, «pas le propriétaire de bonne foi, responsable et respectueux des lois. C'est une autre ponction fiscale», mais gardons-nous de passer sous silence le coût réel que sous-tendent les armes à feu. Quand des propriétaires d'armes à feu responsables et respectueux des lois se tuent et se blessent ou tuent et blessent d'autres personnes, les 1 400 décès enregistrés au Canada mis à part, cela représente des coûts très réels, 70 millions de dollars par an, en soins de santé primaires et en services publics connexes que paient les contribuables canadiens.

Les gens se plaignent de l'inconvénient d'avoir à enregistrer leur arme, d'avoir à remplir des formulaires. Je me souviens de ce qu'une femme qui témoignait devant le comité et dont la fille avait été tuée par une arme d'épaule nous a dit qu'elle avait répondu au procureur général d'une province au sujet de cet inconvénient: «Parlons-en, des inconvénients. Le fait que votre enfant meure d'une balle tirée par un homme qui possédait une arme est un inconvénient. Savez-vous combien de formulaires j'ai dû remplir?» Je n'oublierai jamais la voix de cette femme.

Le coût, pour les propriétaires d'armes à feu, est minime. Il en coûte 10 $ pour enregistrer jusqu'à dix armes à feu, et il n'en coûte rien aux personnes qui chassent pour assurer leur subsistance. Peut-on parler d'une taxe oppressive ou punitive? Cela entrave-t-il de quelque manière que ce soit le droit du propriétaire d'armes à feu d'utiliser son arme? Pas du tout.

Chaque fois que l'on propose des mesures de contrôle des armes à feu, on se fait dire que l'on va détruire la chasse, que l'on va nuire aux pourvoiries dont dépendent les collectivités éloignées. Cet argument n'est pas valable. Le contrôle des armes à feu n'a aucune répercussion sur la décision d'un chasseur de demander un permis de chasse.

Il s'agit du quatrième projet de loi du Parlement sur le contrôle des armes à feu, et les milieux de chasse et de tir de compétition ne s'en portent pas plus mal. En fait, ils sont plus forts, plus sûrs et plus responsables que leurs homologues américains.

(1730)

Nous avons des clubs de tir, mais nous n'avons pas de milices civiles. Les Canadiens savent que c'est un privilège que de posséder une arme à feu, et non un droit. Le gouvernement est

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prêt à sauvegarder ce privilège, mais seulement si l'on comprend clairement qu'il sous-entend une responsabilité.

Je veux que l'on sache que ce projet de loi relève entièrement de la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. Il n'y a aucune exception dans son application. Dans l'intérêt de tous les Canadiens, le gouvernement doit veiller à ce qu'il soit appliqué d'un bout à l'autre du pays.

En toute justice, je dois dire que bon nombre de témoins ont attiré notre attention sur certaines dispositions qui, mal interprétées, pourraient donner lieu à des anomalies. Pour répondre à cela, le ministre a comparu de nouveau devant le comité et a proposé des amendements concernant, entre autres, l'omission par inadvertance, de bonne foi, à s'enregistrer, les pouvoirs d'inspection et les armes à feu conservées en souvenir. Ces amendements sont expliqués, en détail, dans le rapport du comité.

Je voudrais joindre ma voix à celle des habitants de ma circonscription et de tout le pays qui appuient le principe de cette mesure législative. Je tiens à dire que j'appuie sans réserve le projet de loi C-68 et je recommande à tous les députés de la Chambre de faire de même.

Le vice-président: En vertu de l'ordre adopté le jeudi 8 juin, en conformité avec les dispositions du paragraphe 78(2) du Règlement, j'ai le devoir d'interrompre les délibérations.

[Français]

Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la mise aux voix de toute question nécessaire pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-68 aura lieu à 18 h 30 ce soir.

La Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 avril, de la motion: Que le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la Défense nationale en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-295. Comme les députés le savent pertinemment, le gouvernement a déjà précisé très clairement qu'il s'opposait à ce projet de loi. Aujourd'hui, je voudrais répéter les principales objections du gouvernement et expliquer pourquoi on ne peut promulguer ce projet de loi.

L'appui du Canada aux activités de maintien de la paix reflète la très grande importance que nous attachons à la paix et à la sécurité internationales. Notre bilan impressionnant dans ce domaine est bien connu dans le monde entier. Nous prétendons, depuis longtemps, que personne n'a plus d'expérience ni de compétences que nous à cet égard. La meilleure preuve de notre expérience réside dans le fait que nous sommes, à l'heure actuelle, au premier plan des efforts pour améliorer la conduite des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Nous sommes fiers de notre réputation en la matière et nous déployons d'énormes efforts pour la préserver.

Malheureusement, s'il était adopté, le projet de loi C-295 minerait de façon irréparable cette réputation. C'est une mesure législative imparfaite et contradictoire qui nuirait sérieusement aux efforts canadiens pour contribuer de façon efficace aux opérations de maintien de la paix.

Ce projet de loi va au-delà des consultations et cherche à obtenir un contrôle explicite par le Parlement de toutes les activités de maintien de la paix. On établirait ainsi un précédent extrêmement dangereux. En effet, le projet de loi C-295 restreindrait la prérogative et le pouvoir du gouverneur en conseil de déterminer la contribution du Canada aux opérations régionales ou des Nations Unies.

En vertu de l'article 4 de la Loi sur la défense nationale, le ministre est responsable des Forces canadiennes et il est compétent pour toutes les questions de défense nationale, notamment les opérations de maintien de la paix. Le projet de loi retirerait cette responsabilité non seulement au ministre, mais également au gouvernement dans son ensemble au sujet des opérations militaires.

La répercussion la plus grave peut-être qui résulterait de la décision de laisser le soin au Parlement de contrôler les opérations de maintien de la paix, est liée à la rapidité avec laquelle les événements se produisent dans ce monde d'après-guerre froide. Ce projet de loi, qui réclame un débat de cinq heures avant toute mission à laquelle participeraient plus de 100 membres des Forces canadiennes, ajouterait une autre étape au processus de prise de décisions. On limiterait ainsi la capacité du Canada de réagir rapidement aux demandes venant des Nations Unies au sujet de la participation à des opérations de maintien de la paix ou aux modifications apportées au mandat des gardiens de la paix.

(1735)

On ne soulignera jamais assez la nécessité de pouvoir déployer rapidement des troupes dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. On nous a dit, à je ne sais combien de reprises, comment une réaction plus rapide de la communauté internationale aurait pu sauver des dizaines de milliers de vies au Rwanda.

Or, au contraire, le projet de loi C-295 va accroître ce temps de réaction, et il sera ainsi plus difficile de réagir face à ces crises. Cette mesure nuirait également aux efforts que les ministres de la Défense nationale et des Affaires étrangères déploient à l'heure actuelle pour accroître la capacité d'intervention rapide des Nations Unies et trouver des façons pour le Canada d'apporter sa contribution à cet égard.

En somme, ce projet de loi envoie le mauvais message à nos partenaires, au moment même où nous faisons office de chef de file dans la promotion de nouvelles méthodes visant à renforcer la capacité des Nations Unies de prévenir et de résoudre les conflits.

Si le Canada veut demeurer un gardien de la paix efficace, le gouverneur en conseil doit conserver le pouvoir de déployer et d'utiliser les forces de maintien de la paix. Le gouvernement possède les connaissances et l'expérience voulues pour décider, parfois sans préavis, si des troupes doivent être déployées et


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comment elles doivent être utilisées. Quoique réceptif aux conseils du Parlement, le gouvernement doit avoir la latitude et l'indépendance nécessaires pour prendre ces décisions.

En fait, le projet de loi C-295 laisserait le Canada définir ses propres objectifs pour toute mission de maintien de la paix et décider quand ces objectifs sont atteints, mais il placerait les commandants canadiens sous le commandement des Nations Unies ou de forces internationales, ce qui est inacceptable. À l'heure actuelle, le personnel des forces canadiennes participant à des opérations de maintien de la paix est toujours commandé par un Canadien et, bien qu'elles puissent être placées sous le contrôle opérationnel d'un commandement multinational pour des tâches précises, les forces canadiennes ne sont jamais placées sous le commandement des Nations Unies ou d'autres organisations internationales. Le cas échéant, leurs tâches pourraient être modifiées et leurs unités pourraient être divisées et déployées dans de nouveaux secteurs d'opération sans le consentement du gouvernement canadien, ce qui serait inacceptable.

Présentement, tous les commandants des contingents canadiens sont directement responsables devant le Chef d'état-major de la Défense pour ce qui est de la contribution des forces canadiennes à l'ensemble de la mission et des tâches d'une force de maintien de la paix. Le projet de loi C-295 mettrait fin à cette pratique et, du même coup, réduirait le contrôle national. Cela ne semble pas respecter l'intention générale du projet de loi, ce qui donne à penser qu'une bonne partie de ces concepts n'ont pas fait l'objet d'une réflexion suffisante.

Un raisonnement aussi confus nous amène aux articles du projet de loi qui traitent des règles d'engagement et du recours à la force. Par exemple, le paragraphe 5(3) autorise le recours à une force meurtrière en cas de légitime défense, pour se porter à la défense de civils exposés à une force meurtrière ou pour mettre fin à une violation grave des droits de la personne.

Cependant, il importe de comprendre que les gardiens de la paix ne peuvent utiliser la force pour protéger les civils que si une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies les autorise spécifiquement à le faire. Par ailleurs, un mandat de l'ONU peut aussi exiger le recours à la force pour des raisons autres que celles qui sont mentionnées au paragraphe 5(3).

Autrement dit, les règles d'engagement doivent être définies en fonction de la nature précise du mandat. Elles ne peuvent être restreintes par une loi qui ne fait aucun cas de tels détails.

(1740)

Le projet de loi est aussi obscur et confus sur d'autres éléments. Par exemple, il modifierait la Loi sur la défense nationale de telle sorte que tous les militaires des Forces canadiennes assignés à une mission de maintien de la paix seraient réputés en service actif à tous égards. Cette disposition n'est pas nécessaire puisque, conformément au décret 1989-583 daté du 6 avril 1989, tous les militaires de la force régulière, au Canada ou ailleurs, et tous les membres de la réserve hors du Canada sont réputés en service actif.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Quelques ministériels m'ont signalé une erreur que j'ai faite dans la rédaction du projet de loi. À la ligne 39, page 3, j'ai utilisé les mots «le commandement des Nations Unies» alors que je voulais dire «contrôle opérationnel». Serait-ce possible d'apporter cette modification au projet de loi du consentement unanime? Je propose:

Que, à la ligne 40 du paragraphe 6(2) du projet de loi C-295, Loi sur le maintien de la paix, on remplace le mot «commandement» par l'expression «contrôle opérationnel».
Le vice-président: La Chambre consent-elle à l'unanimité à ce que le projet de loi soit ainsi modifié?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, je suis honoré de participer au débat sur le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la défense nationale en conséquence.

Je vous rappelle que, concernant ce projet de loi de notre collègue de Fraser Valley-Est, le Bloc québécois a déjà donné son appui, à quelques réserves près.

Je veux rappeler la participation exceptionnelle des Canadiens, surtout francophones, aux opérations de maintien de la paix de l'ONU depuis sa fondation, en 1956, suite à l'initiative de Lester B. Pearson.

Je profite aussi de l'occasion qui m'est offerte pour saluer le courage des militaires canadiens qui, au fil des ans et des missions, ont participé aux opérations des Nations Unies pour le maintien de la paix. Je salue plus spécialement les militaires du Royal 22e Régiment de Valcartier. Leur présence en ex-Yougoslavie me rappelle que les horreurs de ce conflit bosniaque sont vécues ici même, près de nous. Je souhaite donner tout mon appui moral à ces femmes et à ces hommes qui sont là-bas, ainsi qu'à leurs familles demeurées ici, dans le doute, l'inquiétude, mais aussi la fierté.

Il faut souligner que ces missions de maintien de la paix ne sont plus ce qu'elles étaient il y a 40 ans. Elles ne cessent d'ailleurs d'évoluer. De plus en plus coûteuses des points de vue humain et matériel, leurs objectifs sont de plus en plus remis en question. On remet également en cause le rôle des soldats de la paix. L'envoi de troupes internationales devrait-il être plus rapide ou plus facile ou, au contraire, devrait-on limiter les interventions de ces forces onusiennes? Devrait-on élargir les mandats de ces Casques bleus?

Les derniers conflits de l'ex-Yougoslavie, de la Somalie, du Rwanda ont contribué à faire connaître au public international les actions des Casques bleus, mais ils ont surtout contribué à souligner les lacunes des règles d'engagement aux opérations de maintien de la paix de l'ONU et peut-être aussi au manque de responsabilité du gouvernement canadien qui refuse de se donner des objectifs clairs en matière d'opérations de maintien de la paix.

Pourtant, ces opérations ont déjà été fort simples. Il s'agissait alors pour les Casques bleus de s'interposer entre les belligérants dans le but de maintenir la paix et de favoriser le règlement des conflits. Mais les opérations de maintien de la paix ont grandement évolué depuis la crise de Suez en 1956 et, depuis un certain nombre d'années aussi, le volet humanitaire a pris beaucoup d'importance.


13750

La montée des conflits inter-ethniques qui se multiplient depuis la disparition des tensions est-ouest font des opérations de maintien de la paix, des opérations dangereuses où les Casques bleus sont coincés au centre de combats passionnés. Bien sûr, l'effondrement du bloc soviétique et la fin de la guerre froide nous ont fourni l'occasion de s'engager pour contribuer à l'avancement de la démocratie et des droits de la personne. Mais ceci ne doit pas être fait aveuglément.

La nouvelle complexité des mandats des Casques bleus ne s'est malheureusement pas accompagnée d'une acceptation de leurs mandats. Le rôle historique traditionnel des forces canadiennes sur la scène internationale a toujours été de soutenir, par sa participation, les opérations de maintien de la paix. Cependant, la philosophie de participation inconditionnelle à chacune des opérations de l'ONU a peut-être fait son temps.

(1745)

Comme disent certains, le Canada n'est pas le 9-1-1 de l'univers. Le Bloc québécois estime que le Canada devrait soumettre ses interventions futures à des critères plus précis. Le Bloc québécois croit aussi à la nécessité de donner aux Forces armées canadiennes une configuration dont la spécialisation serait définie avec précision. La crédibilité de nos interventions en dépend.

De plus, nous croyons que le Canada devrait réviser globalement son rôle au niveau du maintien de la sécurité et de la paix internationales. Ainsi, il devrait revoir sa participation aux alliances militaires actuelles, telles l'OTAN et NORAD, et promouvoir au sein de celles-ci l'idée d'un élargissement de leur rôle et mandat en fonction des besoins de l'ONU.

Dans l'examen de son rôle au niveau de la paix et de la sécurité mondiales, nous croyons que le Canada devrait appuyer la création d'un contingent permanent qui serait mis à la disposition de l'ONU pour accomplir des missions de paix à l'étranger. Il faut donner un souffle nouveau à ces organisations et actualiser leur utilité, tant au niveau de la préservation de la sécurité que pour la résolution des conflits.

Le problème auquel nous sommes présentement confrontés est que le gouvernement canadien n'a pas de politique en matière de maintien de la paix. Comme le demandait l'honorable chef de l'opposition officielle en mars dernier, quelle est la grille de critères à partir desquels on s'engage dans les missions de maintien de la paix? Nul ne peut répondre.

Le Bloc québécois refuse de signer un chèque en blanc au ministre de la Défense et de permettre que l'on continue d'envoyer des militaires canadiens et québécois dans des missions frustrantes, parce que dénudées de mandat clair et précis et où leur impuissance est totale face aux horreurs dont sont victimes les civils.

Aujourd'hui, maintenant que les missions de paix gagnent en complexité, qu'on y investit des sommes folles et que de plus en plus de vies y sont perdues, des critères d'engagement clairs sont essentiels. Le Bloc québécois souhaite que le gouvernement s'engage à définir les critères d'engagement et à poser des conditions en ce qui concerne le renouvellement de leur mandat.

Il est essentiel de poser des conditions en harmonie avec l'ONU. Ces missions sont dures, surtout du point de vue psychologique parce que leur objectif n'est pas clair. À cet effet, le gouvernement et le ministre de la Défense nationale ont intérêt à en dire davantage en cette Chambre, à encourager le débat, afin que l'on puisse travailler ensemble à la résolution de l'impasse dans laquelle se trouve coincée l'armée canadienne.

C'est pour cette raison que le Bloc québécois donne son appui à ce projet de loi. Il est essentiel que le Parlement soit tenu au courant des activités militaires canadiennes en sol étranger. Le Bloc québécois a d'ailleurs émis, à plusieurs occasions, je vous le rappelle, cette idée à l'effet que la participation canadienne à des missions de paix devait être soumise à un vote de la Chambre des communes dans des débats rapides, lorsque le temps le permet.

Nous retrouvons ici une des réserves du Bloc québécois sur le projet de loi C-295 qui va beaucoup trop loin en ce qui a trait au contrôle parlementaire. Ce projet de loi est beaucoup trop rigide. Ainsi, à l'article 4, on ne retrouve aucune disposition prévoyant une situation où les forces canadiennes pourraient être amenées à participer à des opérations de maintien de la paix à un moment où les parlementaires ne siégeraient pas, l'été par exemple.

Ce projet de loi réformiste évacue donc toute responsabilité pour le gouvernement d'agir rapidement en cas de crise. N'existe-t-il pas un moyen terme entre la position des réformistes et la position des libéraux qui tentent de limiter le rôle des parlementaires à des discours sans conséquence.

Un autre point de réserve porte sur le rôle de l'ONU dans la définition des opérations du maintien de la paix. Le projet de loi C-295 prévoit, à son article 4, qu'une motion doit être débattue à la Chambre des communes pour autoriser la participation des Canadiens à une mission de paix, pour la définition des objectifs et du rôle de la mission, pour la détermination du lieu ou pays de la mission, pour la détermination de la période de validité et de l'autorisation et pour l'établissement d'un budget limité des dépenses à être encourues par la mission.

Permettez-moi de rappeler à mes collègues réformistes que le problème du mandat, des objectifs, du lieu et de la durée de chaque mission de l'ONU ne se poserait pas si une force permanente de maintien de la paix était créée, puisque les paramètres seraient déterminés par les Nations Unies.

Le problème se pose aujourd'hui parce que le gouvernement envoie aveuglément, sans trop se poser de questions, les militaires canadiens à chacune des missions de l'ONU. Ainsi, l'absence de balises réglementant le comportement des forces canadiennes lors des missions de maintien de la paix illustre bien ce problème, puisque le gouvernement canadien semble incapable de définir le mandat et les objectifs des missions de paix canadiennes. Il paraît logique que le Parlement doive s'en occuper.


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(1750)

Il ne faut pas oublier non plus que dans la définition de la politique canadienne sur les missions de paix, on doit prévoir des mécanismes permettant l'adaptation des mandats des Casques bleus en fonction de la conjoncture du conflit. Malheureusement, le Parti réformiste est muet à ce sujet.

Il demeure tout de même que le Parlement devrait être en mesure d'évaluer périodiquement la situation et le contexte des missions de maintien de la paix afin de prendre la décision d'engager ou non des troupes canadiennes, de prolonger ou d'écourter leur mandat. Voilà pourquoi nous donnons notre appui au projet de loi C-295, tout en maintenant les réserves dont j'ai fait état.

En ce mois du cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, il est clair que la communauté internationale et le gouvernement canadien doivent se pencher sur une réforme des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

[Traduction]

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, dans son programme électoral, le gouvernement s'était engagé à améliorer la participation des parlementaires au processus décisionnel sur les questions de politique étrangère et de défense. À cet égard, les députés et les sénateurs ont pu jouer un rôle important dans l'examen de la politique étrangère et de la politique de défense du Canada.

Au cours des 16 derniers mois, un certain nombre de débats qui ont eu lieu à la Chambre portaient sur plusieurs aspects des relations internationales. Ces débats ont permis aux députés d'exprimer leur opinion sur la politique et les activités de maintien de la paix du Canada. Je remercie donc le député du Parti réformiste de déposer le projet de loi C-295, car cette mesure législative nous offre une autre occasion de présenter notre point de vue sur nos forces de maintien de la paix à l'étranger.

Les préoccupations soulevées dans le projet de loi C-295 ressemblent en partie à celles qui ont été exprimées dans des débats précédents. Elles témoignent de la nécessité d'instaurer un processus décisionnel plus ouvert et plus accessible au chapitre de la politique de défense et de la politique étrangère. Le gouvernement souscrit aux intentions qui ont motivé le dépôt du projet de loi C-295. Après tout, il incombe au gouvernement de s'assurer que les contributions du Canada aux activités de maintien de la paix demeurent efficaces et utiles et qu'elles tiennent compte de la situation financière du pays.

Cependant, le projet de loi C-295 prévoit en général des façons de procéder rigides qui iraient à l'encontre de la nécessité d'adopter une approche souple en fonction de chaque cas, approche qui, par le passé, a permis aux Canadiens d'être des gardiens de la paix efficaces. En outre, l'adoption du projet de loi C-295 qui, dans sa description générale, est très calqué sur l'approche des États-Unis au maintien de la paix, enverrait un message très négatif à nos partenaires et à la communauté internationale, à un moment où le Canada préconise de nouveaux moyens d'accroître l'efficacité et la pertinence des Nations Unies dans le domaine de la prévention et du règlement de conflits.

Avec la fin de la guerre froide, nous avons assisté à un retour aux violents conflits ethniques et nationalistes dans de nombreuses régions du monde. Cette réalité, liée à la nouvelle collaboration entre les membres du conseil de sécurité, a changé la situation du maintien de la paix. Le nombre, la taille et la portée des missions ont augmenté, ce qui grève sévèrement la capacité financière des Nations Unies et des pays qui en sont membres.

Il y a dix ans, la part canadienne du coût total des activités de maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies s'élevait à 8 millions de dollars. En 1995, la part du Canada se chiffrera à plus de 150 millions de dollars, sans compter les coûts additionnels que le ministère de la Défense nationale devra engager. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un lourd fardeau. C'est là, de l'aveu de tous, une charge, mais c'est aussi un investissement dans la paix à un coût nettement inférieur que si nous laissions les conflits se perpétuer avec la même intensité.

Le Canada est l'un des principaux pays qui préconisent le renforcement de la capacité des Nations Unies de prévenir et de résoudre les conflits. De concert avec d'autres pays membres de l'ONU qui partagent des idées similaires, nous voulons réaliser des réformes qui doteront l'organisation des instruments politiques, financiers et militaires qu'il lui faut pour s'acquitter de ses responsabilités qui s'alourdissent constamment.

Le Canada effectue actuellement une étude sur la capacité de réaction rapide de l'ONU, qui aboutira à des recommandations sur la manière d'accroître l'efficacité de l'ONU et sa rapidité d'intervention en cas de conflits. Avec nos partenaires, nous organisons également des conférences sur le maintien de la paix avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est et l'Organisation des États américains. Nous collaborons en outre avec l'Organisation de l'unité africaine pour améliorer la capacité des pays africains de mieux participer aux opérations de maintien de la paix et aux efforts de la diplomatie préventive.

(1755)

Le 24 avril dernier a marqué l'ouverture officielle du centre Pearson pour le maintien de la paix, établissement de formation de calibre international dans ce très important domaine. La crédibilité et l'efficacité du Canada découlent de son engagement envers l'ONU et de son action en temps de crise. Le Canada s'est distingué en contribuant à la plupart des opérations de maintien de la paix, en raison de la prévoyance de ses leaders, de la souplesse de ses politiques ainsi que du courage et de l'habileté de ses troupes.

Malgré les intentions louables de son auteur, le projet de loi C-295 s'opposerait à ces qualités, puisque l'autorisation d'une mission impliquant au moins 100 membres des Forces canadiennes exigerait au préalable la tenue d'un débat d'une durée de cinq heures. Étant donné la complexité de la situation sur le terrain et la nature délicate des négociations entre l'ONU, les parties au conflit et les troupes qui interviennent, un débat public sur une opération donnée se tiendrait dans l'ombre des activités diplomatiques. Le débat porterait alors sur la question générale du maintien de la paix et non sur les détails de la mission envisagée. En d'autres termes, le débat ne réglerait pas le problème comme il serait censé le faire.


13752

Les parlementaires ont déjà d'autres moyens à leur disposition pour exprimer leurs opinions sur le sujet. Le gouvernement continuera de veiller pour que le Cabinet tienne compte de leurs opinions, quand viendra le temps de décider si le Canada participe à une opération de maintien de la paix.

Compte tenu de la nature des conflits qui font rage actuellement dans le monde et de la vitesse à laquelle les situations de crise dégénèrent en confrontations ouvertes, le fait de débattre de chaque mission risquerait aussi de réduire la capacité du gouvernement de réagir rapidement à une demande de l'ONU et de déployer les troupes canadiennes en temps opportun. C'est précisément le contraire de ce que le gouvernement préconise en ce moment auprès de l'ONU, soit une réaction plus rapide et plus efficace face aux crises. Les examens que nous avons consacrés à la politique de défense et à la politique des affaires étrangères ont fait ressortir ce problème.

Le projet de loi C-295, s'il était mis en application, obligerait le ministre de la Défense nationale à préciser les objectifs, les fonctions et le rôle de la mission et à définir son champ d'activité. En ce moment, ces aspects sont définis par le Conseil de sécurité de l'ONU après un examen attentif et des entretiens avec les pays qui fournissent des soldats. La question relève de l'ONU.

Si les divers pays décidaient de redéfinir les missions, les objectifs et les exigences opérationnelles, la planification et le déploiement seraient constamment paralysés. Lorsque le Canada n'approuve pas une opération, il s'abstient d'y participer. Ce fut le cas, par exemple, de la dernière mission de vérification de l'ONU en Angola.

Le Canada et d'autres pays qui partagent son point de vue ont donné des ressources humaines et financières pour que l'ONU puisse jouer efficacement son rôle, en respectant les critères et les conditions nécessaires pour que les pays qui envoient des soldats participent aux missions de maintien de la paix.

Nous continuons de jouer un rôle de premier plan dans la mise en place d'un meilleur processus de prise de décisions à l'ONU. Récemment, nous avons réussi entre autres choses à obtenir un meilleur mécanisme de consultation, à une étape précoce de la planification de la mission, entre le Conseil de sécurité et les pays qui envoient des soldats. Nous entendons continuer à intervenir auprès de l'ONU et du Conseil de sécurité à ce propos.

Le projet de loi dit aussi que les Forces canadiennes, dans les opérations de maintien de la paix, devraient relever directement d'un officier canadien. Il n'en a jamais été autrement. Inutile de légiférer à ce sujet.

Le projet de loi prévoit en outre que cet officier canadien peut être placé sous le commandement des Nations Unies. Le gouvernement s'oppose vigoureusement à cette suggestion. À l'heure actuelle, les soldats canadiens sont placés sous le contrôle des Nations Unies, mais les autorités canadiennes conservent le commandement ultime de nos soldats. Cela empêche le commandant des Nations Unies sur le terrain d'affecter les soldats canadiens à des tâches qui n'ont pas été approuvées par le gouvernement.

Un engagement aussi général semble contredire l'intention du reste du projet de loi C-295 et montre que cette mesure n'a pas été bien conçue. Je sais que l'auteur de la motion vient d'essayer de corriger cela avec le consentement unanime de la Chambre, mais cela montre bien à quel point la mesure a été mal conçue.

Je voudrais souligner encore une fois la volonté de notre gouvernement de tenir un débat ouvert sur les questions de maintien de la paix, surtout à un moment où les ressources sont limitées. Il est important d'en arriver à un large consensus sur la question de savoir où et comment le Canada devrait contribuer aux besoins de la communauté internationale. Les examens de notre politique étrangère et de notre politique en matière de défense, de même que les débats à la Chambre, prouvent de façon tangible le sérieux avec lequel le gouvernement s'occupe de la question.

(1800)

Le projet de loi C-295 constitue cependant un pas dans la mauvaise direction. L'idée de fournir un contrôle parlementaire accru sur la contribution canadienne aux missions de maintien de la paix de l'ONU s'exerce au mauvais bout du processus de prise de décision.

L'adoption du projet de loi n'ébranlerait pas l'attitude générale des Canadiens à l'égard des activités de maintien de la paix. Cela aurait plutôt pour effet de jeter la confusion dans le processus de prise de décision et de limiter la possibilité pour le Canada de répondre à temps aux demandes de l'ONU.

Les Canadiens continuent de soutenir notre contribution au maintien de la paix, comme ils l'ont manifesté lors des examens de la politique étrangère et de la politique en matière de défense, de même que lors de plusieurs sondages effectués au fil des ans. Le Canada devrait bâtir sur cette expérience antérieure au lieu d'aller dans la direction suggérée par le projet de loi.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'aborder le projet de loi C-295, Loi visant à pourvoir au contrôle par le Parlement des activités de maintien de la paix du Canada et modifiant la Loi sur la défense nationale en conséquence. Le projet de loi C-295 est la Loi sur le maintien de la paix.

Je voudrais tout d'abord commenter certaines des préoccupations mentionnées par le député de Renfrew-Nipissing-Pembroke et par le secrétaire parlementaire.

Si l'on examine attentivement le projet de loi, on se rend compte que les arguments des députés, qui craignent que le gouverneur en conseil ne puisse plus réagir rapidement, ne sont pas fondés et qu'ils sont même spécieux. Dans le projet de loi, on dit bien que moins de 100 militaires peuvent être envoyés en mission pour une période indéterminée. On précise également que plus de 100 militaires peuvent être immédiatement déployés sans que le Parlement n'ait à aborder la question avant 30 jours.

Si le Parlement ne croit pas que les Canadiens devraient avoir voix au chapitre, lorsque nous devons décider si nous devons envoyer ou non des militaires participer à des missions de maintien de la paix, et que la période de 30 jours ne convient pas, alors j'estime que le Parlement ne fait pas bien son travail.


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Nous ne devrions pas avoir à adopter un projet de loi comme le C-295 à ce stade-ci. Nous devrions déjà avoir donné au Parlement le pouvoir de participer aux décisions en ce qui concerne le déploiement de troupes canadiennes dans des situations dangereuses.

Je tiens à féliciter publiquement le gouvernement. Il est bien supérieur aux précédents, puisqu'il a déjà tenu quatre débats sur le maintien de la paix. Le premier a eu lieu le 25 janvier 1994 et tous les partis se sont alors entendus pour que le Canada continue de respecter ses obligations en matière de maintien de la paix. Par la suite, le 17 février 1994, le Comité mixte spécial sur la politique de la défense du Canada a aussi tenu un débat sur le maintien de la paix qui a, lui aussi, fait l'unanimité des partis.

Le troisième débat sur les opérations de maintien de la paix a eu lieu en septembre 1994. Avis en a été donné le 19 septembre et le débat s'est tenu le 21 septembre, ce qui laissait peu de temps pour bien préparer et débattre cette question, d'autant que le mandat des casques bleus devait être renouvelé le 30 septembre. Autrement dit, il s'est écoulé un peu plus d'une semaine seulement entre le début du débat et la signature de l'engagement.

En décembre 1994, le Parti réformiste a établi quatre conditions à respecter pour que les troupes canadiennes demeurent dans l'ancienne Yougoslavie: premièrement, que l'aéroport de Sarajevo reste ouvert; deuxièmement, que les convois puissent avancer librement; troisièmement, que les casques bleus ne soient pas dérangés; et, quatrièmement, qu'un cessez-le-feu soit établi et respecté. Comme nous le savons tous, tous ces paramètres ont par la suite été violés.

Profitant d'une journée de l'opposition, le Parti réformiste a forcé la tenue d'une discussion sur l'existence de problèmes graves au sein du ministère de la Défense. Le ministre de la Défense nationale s'étant rendu compte un peu tard qu'il n'avait pas prévu tenir un débat sur le renouvellement de l'engagement du Canada dans les Balkans, il a essayé de laisser entendre que le débat lancé par l'opposition constituerait un tel débat. Comme cela ne faisait pas notre affaire, le ministre a demandé qu'un débat ait lieu le 29 mars 1995, l'engagement du Canada là-bas prenant fin le 31 mars 1995.

Je félicite le gouvernement d'avoir tenu des débats, mais je mets en doute son choix du moment pour les tenir. Si l'on veut vraiment que le Parlement et les Canadiens puissent se prononcer sur l'opportunité d'envoyer des militaires canadiens dans des endroits où leur vie risque d'être menacée, cela demande plus d'attention que n'en a accordée le gouvernement.

On peut lire ceci dans le livre rouge: «Nous élargirons le droit de regard du Parlement sur les grandes décisions de politique étrangère, comme les déploiements de casques bleus, et nous veillerons à associer de près tous les Canadiens à l'élaboration de ces politiques.» D'après ce qui précède, il est assez évident que le gouvernement n'a pas tenu cette promesse. C'est une autre promesse du livre rouge qui n'a pas été tenue.

(1805)

Si on veut prendre l'exemple d'un nouveau pays démocratique, mon collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan vient tout juste de revenir d'une réunion du Conseil de l'Atlantique nord qui s'est tenue à Budapest, en Hongrie. Il a constaté que, même si le gouvernement hongrois n'a pas une grande expérience en cette matière, il tient mordicus à la maîtrise des militaires par les civils. Qui plus est, le Parlement hongrois exerce un bien plus grand contrôle que le Parlement canadien. Aucun soldat hongrois ne peut être envoyé en mission à l'extérieur du pays sans l'approbation du Parlement. Il est ainsi garanti que les avantages et les inconvénients du déploiement sont discutés et que la population connaît les facteurs liés à la participation de son pays aux missions en sol étranger.

Voici ma question: s'il y avait eu un débat parlementaire en bonne et due forme avant l'envoi de troupes dans l'ex-Yougoslavie, serions-nous maintenant en Bosnie-Herzégovine? Je suis d'avis qu'au moins 250 députés auraient été contre la décision initiale, selon le mandat confié ou non à ce moment-là et compte tenu du fait que les belligérants ne souhaitaient pas vraiment la paix.

Il n'y avait pas de paix à maintenir et les belligérants ne souhaitaient pas la paix. Cela serait ressorti durant un débat. Il serait devenu évident qu'il ne pouvait y avoir de mandat justifiant l'envoi de troupes canadiennes.

Nous avons besoin d'un vrai débat, pas d'un semblant de débat ou d'un écran de fumée. Cela est d'autant plus important quand on songe au fait que le maintien de la paix devient de plus en plus dangereux d'un jour à l'autre. Il fut un temps où le Canada, comme la Chambre ne l'ignore pas, participait à toutes les missions de maintien de la paix. Par suite de la réduction de nos forces, de nos contraintes financières et de la prise de conscience que le Canada ne pouvait plus contribuer à toutes les missions, nous devons choisir celles où nous savons que nous pouvons réussir.

Les troupes de maintien de la paix des Nations Unies ont augmenté de manière astronomique. En janvier 1993, les Nations Unies avaient 12 000 casques bleus en mission. Dix-huit mois plus tard, soit en juillet 1994, le nombre de casques bleus déployés était de 80 000. Quant au Canada, au début de 1993, c'est 4 700 casques bleus qui étaient déployés. Ce nombre a maintenant diminué à un chiffre entre 3 000 et 3 500, mais il est probable qu'il sera maintenu. Le Canada fournit 3,6 p. 100 des troupes de maintien de la paix des Nations Unies.

Pour ce qui est du commandement et du contrôle, je voudrais aussi revenir aux remarques faites par le Bloc et par le gouvernement, plus précisément par le secrétaire parlementaire, au sujet d'une force permanente de l'ONU. Ils s'opposent à l'erreur malheureuse de mon collègue qui a employé le terme commandement plutôt que contrôle opérationnel, mais ils semblent disposés à envisager de confier le commandement ou le contrôle aux Nations Unies. Je ne crois pas que les Canadiens soient prêts à ce que ce soit uniquement les Nations Unies qui décident d'envoyer nos soldats à un endroit où leur vie sera en danger sans que le


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Parlement ne soit consulté. Je suis certainement d'accord avec eux sur ce point.

Les Canadiens sont les meilleurs ou parmi les meilleurs dans le monde dans le domaine du maintien de la paix. Nos gardiens de la paix sont bien formés, bien disciplinés. Ils sont innovateurs. Ils sont fiables. Ils sont dignes de confiance. Ils font preuve de compassion et sont maîtres dans l'art d'établir et d'entretenir de bonnes relations avec toutes les factions en cause dans un conflit. C'est évident pour quiconque se rend en Bosnie ou en Croatie. On fait confiance à nos gardiens de la paix parce qu'ils ont prouvé leur impartialité. Ils ne manifestent aucun favoritisme envers un côté ou l'autre. C'est dire que toutes les parties au conflit se fient à leur jugement et savent qu'ils seront justes et impartiaux.

Quelqu'un a dit que nos gardiens de la paix ont besoin d'une formation accrue sur le plan des relations interpersonnelles. Très peu de députés parmi nous, s'il y en a, ne bénéficieraient pas d'une formation accrue dans ce domaine. J'ai pu observer sur le terrain que nos gardiens de la paix non seulement se tirent bien d'affaires, mais aussi excellent dans leurs relations avec toutes les factions dans leur secteur de responsabilité. Étant donné les compétences particulières des Canadiens, nous devrions peut-être envisager un aspect différent du maintien de la paix pour le Canada. Nous devrions peut-être avoir pour mandat de déployer nos troupes rapidement. Nous avons la capacité de régler une situation sur une courte période et de nous retirer ensuite, cédant notre place à d'autres gardiens de la paix. Nous devrions donc arriver les premiers, stabiliser la situation, établir un climat plus sain et nous retirer ensuite.

(1810)

En ce qui concerne le maintien de la paix, la principale difficulté du Canada semble sa capacité de se retirer. Nous pouvons assez facilement intervenir, mais nous semblons incapables de sortir. Le Canada a assuré la présence de troupes à Chypre pendant plus de 29 ans. En fait, il y a encore deux Canadiens là-bas. Nous avons été en Croatie et en Bosnie-Herzégovine pendant plus de trois ans.

Le projet de loi C-295 n'empêcherait pas le gouvernement de réagir rapidement à des crises soudaines, parce qu'il s'applique à des interventions comptant au moins 100 militaires et à des missions d'une durée supérieure à un mois. De plus, vu la gravité de la décision de déployer des militaires canadiens dans des opérations de maintien de la paix, un débat à la Chambre semble être le mécanisme d'approbation minimal.

Si le Parlement est en congé au moment d'une crise, il serait certainement justifié de le rappeler pour engager un débat sur la question.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre, au nom des habitants de Guelph-Wellington, la parole au sujet du projet de loi C-295.

Je remercie le député de Fraser Valley-Est de se préoccuper du sort de nos casques bleus. Je sais qu'il est tout à fait sincère dans ce projet de loi. Je pense que cette mesure a été déposée dans un souci de veiller au bien-être des forces canadiennes, souci que partagent les habitants de Guelph-Wellington.

Les Canadiens ont inventé le concept du rétablissement de la paix. L'ancien premier ministre Lester B. Pearson avait reçu le Prix Nobel de la paix dans les années 50. Nos casques bleus l'ont reçu avec la même fierté dans les années 80. Nous avons toujours agi dans l'intérêt du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Beaucoup de mes électeurs ont participé à des opérations de maintien de la paix dans le monde et se sont distingués pendant qu'ils étaient au service de leur pays. Ainsi, dernièrement, le maître de 2e classe, Martin Mollison, qui s'était distingué par un acte de bravoure pendant qu'il servait au Cambodge, a reçu une citation à l'ordre du jour du gouverneur général.

Je ne puis appuyer cette mesure législative pour plusieurs raisons que je tiens à préciser à la Chambre. Comme le député le sait, en vertu de l'article 4 de la Loi sur la défense nationale, les opérations de maintien de la paix sont placées sous l'autorité du ministre de la Défense nationale. Le ministre est responsable des Forces canadiennes. Il est compétent pour toutes les questions de défense nationale.

Cette mesure législative change la prise de décisions en ce qui concerne le déploiement des forces de maintien de la paix et limite donc la prérogative, la rapidité et la discrétion de l'État pour ce qui est de décider de la contribution du Canada aux opérations des Nations Unies ou régionales de maintien de la paix.

Elle ôte également au ministre toute responsabilité et discrétion en ce qui concerne les opérations militaires. Cela aurait donc une influence sur la rapidité avec laquelle nous répondons aux demandes d'aide des Nations Unies.

Par ailleurs, ce projet de loi ferait en sorte qu'il faudrait plus de temps au Canada pour fournir de l'aide, du fait qu'il ajouterait un niveau supplémentaire au processus décisionnel, ce qui semble une suggestion étrange de la part d'un député dont le parti se targue de vouloir réduire la taille du gouvernement et simplifier la prise de décisions.

Dans son programme, le Parti réformiste déclare être en faveur d'une politique de défense nationale qui favoriserait une réaction rapide en cas de conflit national ou international. En suggérant un processus qui assujettirait la participation des Forces canadiennes à des missions internationales de maintien de la paix au contrôle du Parlement, le député semble être en contradiction avec la promesse d'une réaction rapide qu'il a faite pendant la dernière campagne électorale.

Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies précise les action que peut entreprendre le Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression. Aux termes des articles 25 et 48 de la Charte, les États membres des Nations Unies sont tenus d'exécuter les décisions du Conseil de sécurité visant au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

La procédure proposée par le projet de loi C-295 limiterait la mesure dans laquelle notre gouvernement pourrait s'acquitter de ses obligations en vertu de la Charte des Nations Unies. Tous les Canadiens sont fiers de contribuer au maintien de la paix dans le monde. Bien que nos forces armées soient peu nombreuses et notre population faible par rapport à celle d'autres pays, nous avons été les premiers à participer à des missions de maintien de la paix et nous continuons à être respectés du fait de ce que nous faisons dans ce domaine.


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(1815)

Le maintien de la paix est une chose que nous faisons bien. On nous demande de participer à des missions partout dans le monde parce que les autres nations s'inspirent de nos connaissances et de notre expérience en la matière. Malheureusement, nous sommes souvent la cible de ceux qui ne respectent pas la liberté et la paix, parce que nous sommes tout simplement les meilleurs.

Au cours des 45 dernières années, 100 000 Canadiens ont participé à 30 missions. Nous sommes très en demande parce que le Canada s'est gagné le respect de tous et a acquis l'expérience nécessaire pour maintenir la paix là où c'est nécessaire.

Je trouve troublant que le projet de loi C-295 propose de placer les Forces canadiennes sous commandement étranger. Comme l'a dit plus tôt le secrétaire parlementaire, les Canadiens participant à des opérations de maintien de la paix sont toujours commandés par un Canadien. Nos commandants rendent des comptes directement au Chef d'état-major de la Défense quant à la contribution canadienne à la mission globale et aux tâches exécutées lors de toute opération à l'étranger. Le député a dit qu'il a modifié cette disposition. J'en suis très heureuse, car il s'agissait d'une grave lacune de ce projet de loi.

Les gens de Guelph-Wellington sont à juste titre fiers de leur contribution au maintien de la paix. Nous sommes satisfaits de voir nos troupes favoriser de bonnes relations et prévenir les génocides et les actes de terrorisme et de guerre civile. Bien des nations du monde ont vu le drapeau canadien avant tous les autres; elles l'ont vu sur l'épaule des casques bleus en Somalie, en Yougoslavie, à Chypre et en Amérique centrale. Nos casques bleus ont donnés des soins, reconstruit des orphelinats et assuré leur bon fonctionnement; leurs familles ont fait des collectes d'aliments, de vêtements et de jouets pour qu'ils n'assurent pas seulement le maintien de la paix, mais aussi le bien-être des hommes, des femmes et des enfants innocents qui souffraient à cause de la violence et de la guerre.

Bon nombre de ces casques bleus sont nés à Guelph-Wellington. Leur famille se trouve dans ma circonscription. D'autres encore ont étudié à l'université de Guelph. Mes électeurs me rappellent à l'occasion que chaque casque bleu est un héros.

Les gens de Guelph-Wellington veulent que le commandement canadien dirige nos troupes.

Aucun gouvernement n'a consulté autant les députés au sujet du maintien de la paix. Nous avons, dans ce dossier comme dans beaucoup d'autres, montré que nous sommes déterminés à obtenir l'opinion de tous les parlementaires et de leurs électeurs.

Le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont écouté et ils continueront de le faire. Ils ont aussi posé des gestes après avoir demandé notre avis sur les missions de maintien de la paix. Cependant, il arrive parfois que le gouvernement soit obligé d'agir sans délai. Dans notre monde en constant changement, la souplesse est primordiale lorsque le nationalisme et la ferveur religieuse atteignent des paroxysmes dangereux.

Mes électeurs continueront d'appuyer le gouvernement dans ses efforts en faveur de la paix et du développement mondial. Nous comprenons la complexité de cet engagement. Nous savons que le maintien de la paix n'est pas sans risques. Nous savons aussi que le maintien de la paix se poursuivra tant et aussi longtemps que les créateurs de ce concept continueront à jouer leur rôle vital pour son avenir. Le système actuel donne de bons résultats. Il assure la souplesse maximale au gouvernement.

Monsieur le Président, je ne peux appuyer cette mesure. Je remercie la Chambre de m'avoir accordé l'occasion de parler du projet de loi C-295.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole sur ce projet de loi d'initiative parlementaire. Je félicite le député de Fraser Valley-Est de l'avoir présenté à un moment aussi opportun.

La situation actuelle en Bosnie fait clairement ressortir la nécessité que les Canadiens aient des critères très stricts pour les missions futures de maintien de la paix, et c'est exactement ce que le projet de loi C-295 propose.

Nous avons entendu maintes et maintes fois à la Chambre des communes que nous ne pouvons pas aller partout. On nous a dit aussi que nous devions être plus responsables, que nous devions être plus transparents et, bien entendu, que nous devions être conscients du coût de ces opérations.

Laissez-moi passer en revue ce qui s'est produit en Bosnie pour illustrer la raison pour laquelle nous avons besoin d'un projet de loi comme celui-ci.

Les troupes canadiennes ont été envoyées dans ce pays dévasté par la guerre il y a plus de deux ans et demi, dans l'espoir honnête que nous pourrions fournir une aide humanitaire à la population de Bosnie. Nous espérions aussi séparer les combattants et faciliter une paix négociée dans la région.

(1820)

Malheureusement, ces objectifs louables n'étaient pas appuyés par un mandat des Nations Unies susceptible de nous permettre de faire le travail. Sans leadership d'Ottawa, nos troupes du maintien de la paix étaient livrées à elles-mêmes.

Nos troupes de maintien de la paix sont les meilleures au monde et leurs services en Bosnie ont été bien au-delà de ce que l'on attendait d'elles. Elles méritent un équipement moderne, une politique gouvernementale cohérente, un leadership solide de la part d'Ottawa et un mandat des Nations Unies qui leur permette de faire leur travail correctement. Malheureusement, sur presque tous ces points, le gouvernement a failli à ses devoirs.

Tout récemment, nous avons encore reçu des messages contradictoires. Nous avons un ministre de la Défense qui dit que nous devons nous regrouper, que nous devons nous défendre et même appuyer les attaques aériennes. Nous avons un ministre des Affaires étrangères qui dit: «Laissons les choses comme elles sont, et espérons que nous pourrons reprendre notre mandat, pourvu que l'on ne continue pas à nous prendre en otage et à nous humilier.» Nous avons un premier ministre qui essaie simple-


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ment de naviguer entre les deux et accepte un jour d'aller dans un sens et un autre jour dans l'autre.

Dans ce domaine, nous n'avons pas de leadership et nous laissons certainement nos troupes sans directives et sans appui. C'est quelque chose qui a été confirmé par des gens qui étaient là-bas il n'y a pas plus de deux jours. Pour commencer, le gouvernement a laissé s'étendre nos mandats de maintien de la paix, tout en réduisant son budget de la défense. Les résultats sont certainement tout à fait regrettables. Par exemple, nous avons des troupes qui partent en mission de maintien de la paix avec un équipement qui serait considéré comme désuet par de très nombreuses nations.

En outre, les compressions libérales du budget de la défense ont limité la quantité de personnel spécialisé. Cela signifie que, dans des missions telles que celle de Bosnie, nous devons envoyer les mêmes personnes encore et toujours. Comment les députés pensent-ils que nos soldats se sentent quand ils sont envoyés en Bosnie pour la troisième ou la quatrième fois? Et que dire de leurs familles? Comment les députés pensent-ils qu'elles réagissent quand elles voient que les casques bleus canadiens sont la cible de tous les belligérants dans ce conflit? Que ressentent ces familles à la vue des soldats canadiens qui sont régulièrement pris en otages par les gens mêmes qu'ils sont venus aider?

Nous devons décider des mesures à prendre et ce projet de loi nous y aide. Nous devons nous spécialiser. Nous devons sélectionner certaines régions. Nous ne pouvons pas venir en aide à tout le monde et, bien sûr, il nous faut posséder un mandat clair et le matériel nécessaire à son exécution.

Il n'y a pas de paix à maintenir en Bosnie. Il ne s'agit pas non plus d'une mission humanitaire. Tout ce que l'ONU réussit à faire, c'est d'être le pion des factions en guerre. Le gouvernement aurait dû se rendre compte de cela il y a belle lurette. Le Canada n'aurait jamais dû renouveler son engagement en Bosnie, en mars, vu la situation ridicule dans laquelle se trouvent nos troupes. Le Parti réformiste a prévenu le gouvernement et réclamé le retrait de nos troupes depuis avant Noël, mais le gouvernement a fait la sourde oreille.

Nos fiers casques bleus n'ont pas été envoyés en Bosnie pour servir d'otages. Ils n'ont pas été envoyés là-bas pour assister, impuissants, à des meurtres et à des séances de torture, étant donné que leur mandat ne les autorise pas à intervenir. Ils n'ont pas été envoyés pour être tués par les gens mêmes qu'ils sont censés aider à rétablir la paix.

La mission en Bosnie est un fiasco total. Pendant que le gouvernement joue à l'autruche et s'enfonce dans l'indécision, ce sont de simples députés, comme mon collègue de Fraser Valley-Est, qui parlent au nom des Canadiens et qui défendent les intérêts de nos gardiens de la paix.

Le projet de loi C-295 fait ce que le gouvernement aurait dû faire il y a bien longtemps. Au lieu de confier la sécurité et la vie de nos gardiens de la paix aux caprices du sort, le Parlement doit établir des critères régissant notre participation aux missions futures. Ces critères devraient définir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. C'est précisément ce que fait le projet de loi C-295. Le critère absolu, c'est que le Parlement a le droit de déterminer les missions de maintien de la paix auxquelles participera le Canada.

Le premier ministre ne peut pas s'attendre à ce que tout le monde fasse ses quatre volontés. Nous sommes censés vivre dans une démocratie, non pas sous un régime dictatorial, encore que les tactiques que le Parti libéral a employées récemment à propos des projets de loi C-68, C-85 et C-41 nous amènent à nous poser franchement la question.

C'est ahurissant de s'entendre dire: «Si vous n'êtes pas d'accord avec nous, députés de l'arrière-ban, restez à la maison. Oubliez les gens à la maison. Le parti sait ce qui convient le mieux. Nous allons transmettre le message d'Ottawa aux électeurs.»

(1825)

Nous gaspillons notre temps à parler de pièces de deux dollars et on nous laisse six heures, à l'étape de la troisième lecture, pour nous pencher sur trois projets de loi aussi importants que celui-ci. On fait rentrer dans le rang tous ces gens en leur offrant des voyages, en leur donnant la possibilité d'effectuer certaines dépenses dans leur circonscription et en les faisant participer aux activités de comités.

Au-delà de l'idée de base de l'approbation du Parlement, les députés auront besoin de renseignements précis sur lesquels fonder leur décision. Sans connaître les objectifs et le mandat précis des gardiens de la paix, comment les députés peuvent-ils se prononcer? S'il ignore la durée de la mission et son coût maximal, comment le Parlement pourrait-il décider de la meilleure voie à suivre? On va répondre à toutes ces questions, si on adopte le projet de loi C-295.

Autre chose fondamentale, on précise clairement que les gardiens de la paix canadiens doivent être neutres et ne pas participer aux combats. Cela peut sembler évident, mais à la lumière de la crise en Bosnie, il semble que les Nations Unies aient pris fait et cause pour une partie en particulier. C'est inacceptable. On ne peut participer à la guerre que l'on veut arrêter. C'est pourquoi, bien entendu, nous avons des réserves au sujet de la force d'intervention rapide, de toute la notion de cette force et de ses activités. Je suppose que nous devrions féliciter le gouvernement de tarder à recommander que nous participions à cette force d'intervention. En favorisant une escalade de la guerre, on s'éloigne de plus en plus du mandat qui, selon nous, n'existe plus.

Un autre critère essentiel dans l'intérêt de nos gardiens de la paix porte sur l'utilisation raisonnable de la force. Toujours au sujet de la situation ridicule en Bosnie, on constate que cela a été une lacune majeure dans le passé. Nos troupes n'ont pas été en mesure de se défendre comme il se doit. Nos casques bleus ont

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également été forcés de regarder, impuissants, les civils se faire massacrer, car leur mandat ne les autorisait pas à agir pour empêcher cela. Le projet de loi C-295 s'attaque à ce problème et définit des. . .

Le vice-président: À l'ordre. Je suis désolé, mais le temps de parole du député est écoulé.

La parole est au député de Vancouver Quadra.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le député de Fraser Valley-Est a présenté une mesure législative relativement à un aspect qui, en vertu de notre système constitutionnel, est laissé à notre jugement et à notre bon sens. Le fait de constitutionnaliser les aspects où nous exerçons un jugement discrétionnaire nous rapproche de la Constitution américaine. Pourtant, on a vu que, malgré ses dispositions, la Constitution américaine ne peut pas empêcher les États-Unis de s'immiscer dans certaines situations, comme ce fut le cas avec la guerre du Vietnam.

On a parlé de l'expérience de l'Europe de l'Est. Je m'intéresse moi-même à la Constitution russe, à la répartition minutieuse des pouvoirs et au contrôle de l'armée par le Parlement. La nouvelle Constitution russe n'a manifestement pas empêché les Russes de se mêler au conflit dans le Caucase.

On a tort de croire qu'une mesure législative peut couvrir les questions de prérogative. Dans les constitutions où on l'a fait, ce n'était que superficiel.

Je pense que nous avons eu des débats valables ici, au cours des derniers mois. Je me souviens que les ministériels s'étaient engagés à consulter le Parlement. Cet après-midi, j'ai eu le privilège d'assister à la séance du comité de la défense et de prendre la parole. Cela m'a fait penser au bon sens extraordinaire dont nous avons pu profiter, par expérience. L'échec en Somalie est attribuable à une erreur de jugement de l'ancien gouvernement, qui n'avait pas étudié la géographie ni le soutien logistique militaire que l'on pouvait offrir. Il a payé pour cette erreur de jugement.

Je pense que nous pouvons dire que nous sommes mieux informés sur ces questions, aujourd'hui. Je pense que les différents débats que nous avons eus à la Chambre ont fait comprendre aux deux côtés que c'est une question qu'il faut prendre au sérieux, que nous devons connaître les limites du maintien de la paix, que nous ne devons pas embrasser de motifs politiques aux fins du maintien de la paix en prétextant qu'il s'agit là d'opérations de maintien de la paix classiques, telles que le Canada les a conçues, et qu'avant d'envoyer des soldats en mission, nous devons tenir compte du soutien logistique militaire réel que nous pouvons offrir.

Autrement dit, je pense que le système, dans sa forme actuelle, supposera une consultation adéquate et entière du Parlement. Nous attendons les conseils avec impatience. Nous nous sommes tous engagés à ce qu'il ne se répète plus de situations comme celles qui se sont produites en Somalie et à perpétuer la tradition établie par Pearson voulant que nous allions là où nous pouvons être utiles. Quelqu'un a parlé de Chypre. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli à Chypre. Nous y avons maintenu la paix, et c'est l'exemple que nous allons tous suivre dorénavant.

(1830)

Je félicite le député d'en face de son initiative. Cependant, je crois que celle-ci entre dans les pouvoirs qui sont prévus par les conventions constitutionnelles et qui sont ressortis très clairement au cours des derniers mois dans les débats que nous avons eus et dans les leçons que nous avons tirées de notre expérience en Bosnie.

[Français]

Le vice-président: La période prévue pour les études des Affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 93 du Règlement, l'ordre est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

_____________________________________________


13757

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LES ARMES À FEU

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la troisième fois et adopté; ainsi que de l'amendement.

Le vice-président: Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, il est de mon devoir de mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de la motion de troisième lecture du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter cet amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

(Vote no 276)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Benoit
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Cummins
de Jong
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger


13758

Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jennings
Johnston
Kerpan
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McLaughlin
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Riis
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Wayne
White (Fraser Valley West)
White (North Vancouver)
Williams-57

CONTRE

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Bouchard
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Bélisle
Caccia
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crête
Culbert
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Savoye
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Guay
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Lastewka
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)

Maheu
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
Nunez
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Paré
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Pomerleau
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Robinson
Rocheleau
Rock
Rompkey
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
St-Laurent
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Tobin
Torsney
Tremblay (Rosemont)
Ur
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Wood
Zed-198

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bachand
Calder
Canuel
Cauchon
Copps
Crawford
Deshaies
Dupuy
Easter
Gagnon (Québec)
Guimond
Laurin
Marchand
Mercier
O'Reilly
Ouellet
Proud

(1900)

[Traduction]

Le Président: Je déclare la motion rejetée. Le prochain vote porte sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.


13759

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 277)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Allmand
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Bouchard
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Bélisle
Caccia
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Comuzzi
Cowling
Crête
Culbert
Dalphond-Guiral
Daviault
Debien
de Savoye
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Guay
Harb
Harvard
Hickey
Ianno
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Lastewka
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
Nunez
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish

Paré
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Pomerleau
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Robinson
Rocheleau
Rock
Rompkey
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Speller
St-Laurent
St. Denis
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Tobin
Torsney
Tremblay (Rosemont)
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
White (North Vancouver)
Zed-192

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Benoit
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Collins
Cummins
de Jong
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Iftody
Jennings
Johnston
Kerpan
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McLaughlin
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Riis
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Serré
Shepherd
Solberg
Solomon
Speaker
Steckle
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Ur
Wayne
White (Fraser Valley West)
Williams
Wood-63

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bachand
Calder
Canuel
Cauchon
Copps
Crawford
Deshaies
Dupuy
Easter
Gagnon (Québec)
Guimond
Laurin
Marchand
Mercier
O'Reilly
Ouellet
Proud


13760

(1910)

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

* * *

LE CODE CRIMINEL

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d'autres lois en conséquence, dont un comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Nous en sommes maintenant à l'étape du rapport de l'étude du projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d'autres lois en conséquence.

[Français]

Il y a 25 motions d'amendement inscrites au Feuilleton des Avis pour ce qui concerne l'étape du rapport du projet de loi C-41, Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d'autres lois en conséquence.

[Traduction]

Les motions nos 1 et 2 sont essentiellement semblables à une motion présentée précédemment et rejetée au comité. En conséquence, conformément au paragraphe 76.1(5) du Règlement, elles n'ont pas été choisies. Les autres motions seront groupées pour les fins du débat de la façon suivante:

[Français]

Le groupe no 1: les motions nos 3 et 4.

[Traduction]

Le groupe no 2: les motions nos 5 à 17 inclusivement.

[Français]

Le groupe no 3: les motions nos 18 et 20.

Le groupe no 4: la motion no 19.

Le groupe no 5: la motion no 21.

[Traduction]

Le groupe no 6: les motions nos 22, 23 et 25.

Le groupe no 7, la motion no 24.

La façon de mettre aux voix les motions de chaque groupe peut être obtenue auprès du greffier, au cas où les députés voudraient vérifier. La présidence redonnera les détails à la Chambre au moment de chaque vote.

Je vais maintenant soumettre les motions du groupe no 1 à la Chambre.

(1915)

MOTIONS D'AMENDEMENT

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.) propose:

Motion no 3

Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par suppression des lignes 1 à 38, page 4, des lignes 1 à 44, page 5, des lignes 1 à 44, page 6 et des lignes 1 à 42, page 7.
[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ) propose:

Motion no 4
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, dans la version française, par substitution, à la ligne 42, page 5, de ce qui suit:
«de la personne peut être conservé par le corps de».
[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour présenter le premier amendement proposé par mon caucus au projet de loi C-41. Mais auparavant, je veux signaler que mes collègues et moi-même avons écouté très attentivement tous les témoins que le Comité permanent de la justice a entendus. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour tenir compte de l'opinion de ces personnes dans les amendements que nous avons proposés au moment de l'étude du projet de loi article par article. Les amendements que nous présentons aujourd'hui sont fondés sur les sentiments exprimés tant par les témoins au comité que par les signataires des milliers de lettres que nous avons reçues de partout au Canada.

Les membres réformistes du Comité permanent de la justice ont porté une attention particulière au point de vue de l'Association canadienne des policiers sur le projet de loi C-41. Le ministre de la Justice cite souvent ce groupe comme l'un des principaux partisans de sa mesure sur le contrôle des armes à feu. Dans son mémoire au comité, l'Association canadienne des policiers affirmait ceci:

À quelques exceptions près, le projet de loi C-41 est maladroit et compliqué. Il se contredit lui-même et se prête à de multiples interprétations. Le pire, c'est qu'il est absolument inutile pour quiconque connaît, théoriquement ou en pratique, la tradition de la common law, au Canada.
L'association poursuit ainsi:

Cette mesure tente d'établir, pour la détermination de la peine, des principes de base qui élimineraient la discrétion fondamentale laissée aux tribunaux tout en donnant d'énormes pouvoirs discrétionnaires à toute une gamme d'intervenants du système judiciaire. Les nouveaux pouvoirs ainsi conférés ont ceci en commun qu'ils sont tous à l'avantage du délinquant, dans le sens que ses actions criminelles pourraient entraîner des conséquences autres que la détention.
La réforme du système pénal vise à assurer une plus grande protection, mais ce projet de loi n'offre que des platitudes. Où l'on a besoin de clarté, il est confus et hypocrite. C'est presque certain que le budget déjà faramineux consacré à la justice pénale ne fera qu'augmenter avec cette mesure.
Voilà ce que l'Association canadienne des policiers avait à dire au sujet du projet de loi C-41. Je n'aurais pas pu faire de meilleur résumé de cette mesure. On peut se demander pourquoi le ministre de la Justice a été si enthousiaste devant l'appui que l'Association canadienne des policiers a manifesté au projet de loi C-68, alors qu'il n'a absolument rien dit de son opposition au projet de loi C-41.

Notre premier amendement vise à supprimer l'article 717 du projet de loi C-41. Dans cet article, le gouvernement présente une série de mesures de rechange à l'incarcération. C'est la réponse du gouvernement libéral au fait que les prisons du Canada sont surpeuplées. Plutôt que de traiter les causes de la


13761

criminalité, ce que le Parti réformiste réclame depuis un bon moment, les libéraux choisissent de trouver autre chose à faire avec les criminels que de les mettre en prison.

Nous ne nous serions pas opposés aussi énergiquement à cet article du projet de loi C-41 si le gouvernement avait précisé à quelles infractions les mesures de rechange pouvaient s'appliquer. Nous pourrions appuyer l'utilisation de mesures de rechange dans le cas d'infractions précises et non violentes, afin de réduire les coûts élevés des procédures judiciaires et de la détention. Le projet de loi C-41 ne renferme cependant aucune précision à ce sujet.

L'Association canadienne des chefs de police et l'organisme Victimes de violence ont recommandé de modifier l'article 717 de manière à «limiter l'accès du programme aux personnes ayant commis des infractions moins graves et aux auteurs d'une première infraction.» Fidèle aux opinions exprimées par ces témoins, le Parti réformiste a proposé, pendant l'étude article par article, un amendement qui visait à limiter l'utilisation des mesures de rechange. Notre proposition a été rejetée.

(1920)

Le gouvernement n'a donné aucune définition dans le projet de loi de ce qui pourrait constituer une mesure de rechange, préférant laisser cette responsabilité aux provinces. En agissant ainsi, le gouvernement confère des pouvoirs discrétionnaires étendus à des autorités anonymes, qui pourront varier d'une province à l'autre. Ce projet de loi porte atteinte à l'uniformité du système judiciaire de notre pays, ce que nous ne pouvons pas nous permettre.

Le Parti réformiste a présenté un amendement qui proposait de créer un ensemble de normes fédérales régissant la mise en oeuvre par les provinces des programmes de mesures de rechange, ce qui aurait préservé l'uniformité du système judiciaire canadien. Notre amendement a été rejeté.

On ne retrouve pas dans le projet de loi C-68 l'autorité discrétionnaire accordée aux provinces pour l'administration de la justice au Canada. Lorsque, au cours de l'étude article par article, les réformistes ont proposé un amendement visant à redonner aux provinces le pouvoir de réglementer les clubs et les salons ayant trait aux armes à feu, notre amendement a été rejeté.

Le secrétaire parlementaire a déclaré qu'il devrait y avoir des normes fédérales régissant de telles entreprises. Le manque d'uniformité dans les lois de ce gouvernement en matière de justice montre clairement qu'il n'accorde pas la priorité à la lutte contre le crime et on peut le constater avec les projets de loi C-37, C-68 et C-41.

Aux termes du projet de loi C-41, les mesures de rechange ne peuvent être utilisées que si le suspect a librement manifesté sa ferme volonté de collaborer à leur mise en oeuvre, sans la moindre considération pour la victime. Les réformistes ont proposé le recours à des mesures de rechange uniquement après que les opinions exprimées par la victime concernée sont prises en considération. Les droits de la victime doivent toujours primer ceux du délinquant.

Nous avons aussi proposé un amendement stipulant que ces mesures de rechange ne soient utilisées que si le délinquant n'en a jamais fait l'objet ou s'il a été condamné pour une infraction auparavant. Nos deux amendements ont été rejetés.

Selon le projet de loi C-41, il n'est pas nécessaire que le dossier concernant les mesures de rechange soit conservé, ni qu'il soit renvoyé à un registre central. Ainsi, si le délinquant commet une autre infraction, le dossier sur une infraction précédente ayant donné lieu à une mesure de rechange ne pourra être consulté aux fins de la détermination de la peine dans le deuxième cas.

On peut se demander si le gouvernement traite avec sérieux les vérifications du dossier judiciaire de ceux qui demandent un permis de possession d'armes à feu, aux termes du projet de loi C-68. À cause de cette disposition du projet de loi C-41, les contrôleurs des armes à feu n'auront pas accès aux renseignements concernant une reconnaissance de culpabilité, à moins qu'ils effectuent des vérifications approfondies et coûteuses dans les dossiers de toutes les forces policières locales. Là encore, le Parti réformiste a proposé un amendement qui obligerait les services de polices à conserver les dossiers et à les verser dans un dépôt central. Cet amendement a bien sûr été rejeté.

Nous proposons donc aujourd'hui de supprimer du projet de loi C-41 l'article portant sur les mesures de rechange. Nous avons également présenté un amendement visant à supprimer l'article 718.2 du projet de loi. Cet article donne aux tribunaux le pouvoir d'adapter la peine aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant.

Le Parti réformiste juge cet article complètement inutile. Les tribunaux prennent déjà en considération les circonstances aggravantes ou atténuantes quand ils établissent la durée de la peine à imposer à un délinquant.

Nous croyons que cet article ne sert à rien d'autre que promouvoir la position du ministre de la Justice selon qui l'orientation sexuelle devrait être une catégorie protégée dans la Charte. Nous trouvons à redire à cette tentative détournée de la part du ministre qui cherche, au moyen de ce projet de loi, à fournir une protection accrue à certains groupes de personnes, en créant ainsi un semblant de statut spécial pour ces groupes. Au lieu de chercher à modifier la Charte et de provoquer ainsi une opposition publique très répandue, il apaise ce groupe de Canadiens en insérant cette expression dans le Code criminel.

Le Parti réformiste croit que tous les Canadiens sont égaux devant la loi. Comme nous n'acceptons pas que quiconque se voit accorder une protection spéciale ou un statut spécial devant la loi ou aux termes de la loi, nous proposons de supprimer cet article du projet de loi.

Je trouve consternant que le gouvernement ait décidé de limiter le débat sur cette mesure très controversée. Il avait amplement le temps d'en saisir le Parlement il y a plusieurs mois quand le comité en a fait rapport à la Chambre. Le gouvernement a de toute évidence retardé l'étape du rapport et de la troisième lecture du projet de loi dans l'espoir qu'il passe inaperçu dans l'embouteillage de projets de loi qu'il s'efforce de faire adopter avant l'ajournement d'été.

Il est bien évident que le gouvernement craint de laisser les projets de loi C-41 et C-68 en plan durant l'été, ce qui donnerait aux députés libéraux l'occasion de découvrir ce que leurs électeurs en pensent vraiment. Je dois mettre en doute la confiance du gouvernement à l'égard de ces mesures législatives. J'implore


13762

donc les députés à la Chambre d'écouter les Canadiens et de supprimer ces dispositions du projet de loi.

(1925)

Le Canada est confronté à une hausse de la criminalité, à l'augmentation du coût de l'administration de la justice et à une dette sans cesse croissante. Le ministre fédéral de la Justice a pour tâche de s'occuper de tous ces problèmes à la fois. Ce serait bien sûr difficile, mais pas impossible.

Je soumets donc ces observations à l'attention de la Chambre.

M. Wappel: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais obtenir votre avis sur une question qui concerne le déroulement du vote sur les diverses motions que vous venez d'expliquer.

Est-ce que je dois faire ce rappel au Règlement maintenant ou préférez-vous que je vous en parle en privé? Je ne sais pas très bien à quoi m'en tenir à propos de l'article k) du deuxième groupe. Je m'en remets à vous.

Le Président: Je crois que le député devrait venir consulter la présidence. Je pourrais au moins lui donner un avis ou lui expliquer comment je vois la chose.

Pour l'instant, je propose que le débat se poursuive.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, la motion no 4 porte sur la langue française. Vous me direz que c'est un peu spécial, mais je ne croyais pas moi non plus un jour faire un discours en cette Chambre sur la langue française. Mais ma motion est purement à cet effet, comme vous pouvez le constater.

Il s'agit de l'article 717.2(1) qui, selon moi, n'est pas rédigé dans un français qui est normal et compréhensible. Compréhensible, oui, mais normal pour M. Tout-le-Monde, Mme Tout-le-Monde comme on dit toujours, non, certainement pas.

Comme il s'agit d'un tout petit paragraphe, je vais vous le citer:

717.2(1) Le dossier relatif à une infraction imputée à une personne et comportant, notamment, l'original ou une reproduction des empreintes digitales ou de toute photographie de la personne peut être tenu par le corps de police qui a mené l'enquête à ce sujet ou qui a participé à cette enquête.
Pour nous, «qui a tenu», il est évident que c'est la traduction vraiment littérale de «hold». Pour nous, en français, «obtenu une photographie», on la tient dans ses mains, oui, mais dans le sens qu'on l'utilise présentement, ce serait qu'on la garde ou qu'on la conserve. Alors c'est dans ce sens-là que j'ai fait mon amendement, et que je demande plutôt qu'on remplace le mot «tenu» par «conservé». Alors, on conserve une photographie, on conserve un document, mais quand on le tient, quant à moi, je le tiens dans mes mains. C'est dans ce sens-là que je dis que j'étais très étonnée de voir que je devais maintenant faire une motion sur la langue française.

Je vous ferai remarquer également que dans mes autres motions-vous allez le voir un peu plus tard-il y en a plusieurs sur la langue française. Je ne les mentionnerai pas toutes maintenant, mais souvent c'est du drôle de français qu'on utilise ici. Et cela, le Barreau nous l'a fait remarquer. À plusieurs reprises, le Barreau du Québec a comparu devant le Comité de la justice et nous a fait remarquer que le langage utilisé, malheureusement en français, dans le Code criminel, ne correspond pas à la réalité.

Je vais vous citer ici un extrait du mémoire du Barreau du Québec sur un autre projet de loi, mais cela s'applique tout à fait à celui-ci également. Le Barreau du Québec nous dit: «Nul n'est censé ignorer la loi. . .» Ça, on le sait, c'est vrai. Et là, ils ajoutent: «. . .mais encore faut-il qu'elle soit intelligible. Le génie de la langue, bien qu'il ait ses règles propres, n'écarte pas pour autant l'approche cartésienne et concise si essentielle à une bonne compréhension d'un texte législatif.»

(1730)

Et on continue en citant Michel Sparer et Wallace Schwab qui disent: «Bien entendu, l'application de ces principes suppose chez le rédacteur de solides assises intellectuelles, car on lui demande de pouvoir se soustraire aux situations particulières, et parfois partisanes, pour voir le tout sous un jour plus vaste, tout en englobant la réalité qu'il veut décrire en une formule lapidaire.»

Ils ajoutent: «En favorisant, en français, la construction la plus simple, sujet, verbe, complément, on constate la préférence de cette langue pour la mise en relief de ce que l'anglais relègue d'ordinaire au second plan, d'où la nécessité de ne pas calquer l'anglais et de rebâtir, au besoin, la suite logique des phrases qui laissent soupçonner une origine anglaise.»

On comprend donc de nos jours, compte tenu de la complexité même des activités réglementées, que l'élaboration d'un texte législatif ne puisse toujours obéir aux principes ci-haut énoncés. «La clarté de la règle doit néanmoins demeurer l'un des objectifs premier du législateur, d'où l'importance de concevoir le texte français distinctement du texte anglais, précepte que le Barreau du Québec soupçonne ici n'avoir pas été respecté.» Je vous citais donc un extrait du Barreau du Québec.

Souvent le Barreau nous fait cette remarque et c'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements sur le projet de loi C-41 à l'effet de modifier le français pour le rendre vraiment conforme à ce que l'on appelle le génie de la langue. J'espère que nos linguistes écoutent ce soir pour qu'enfin, une bonne journée, on ait vraiment des textes français compréhensibles et intelligibles.

[Traduction]

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais aborder les motions du premier groupe.

La motion no 4 est proposée par la députée de Saint-Hubert. Je comprends où veut en venir la députée et je sais que la formulation proposée tend à réduire la portée du projet de loi. Cependant, les agents du ministère de la Justice ont analysé la motion et estiment que cette formulation ne cadrerait pas avec l'utilisation du verbe «tenir» ailleurs dans le projet de loi. Par conséquent, en apportant ce changement, on courrait le risque de remettre en question d'autres parties du projet de loi.


13763

En ce qui a trait à la motion no 3, je suis franchement très surpris que le député de Crowfoot parle de réduire les coûts, avec l'assentiment de l'Association canadienne des policiers, et de réduire les dépenses en éliminant les mesures de rechange. Les prisons canadiennes sont pleines à craquer. De 1989-1990 à 1993-1994, sur une période donc de quatre ans, le nombre de détenus dans les établissements fédéraux a augmenté de 17 p. 100 et les dépenses totales associées en 1993 à l'incarcération des détenus dans nos centres correctionnels et nos pénitenciers s'élevaient à 880 millions de dollars dans le cas des services correctionnels fédéraux et à 990 millions de dollars dans le cas des services provinciaux.

Le coût annuel moyen de l'incarcération d'un détenu, dans un établissement à sécurité moyenne ou maximale, atteignait 39 000 $ par détenu par année dans les établissements fédéraux et 35 000 $ par détenu par année dans les établissements provinciaux.

(1935)

Cela prouve l'augmentation considérable du coût réel de l'incarcération des détenus au Canada. Le député de Crowfoot prétend que nous ne devrions pas prévoir de mesures de rechange. Si nous ne commençons pas à concevoir des mesures de rechange, nous nous retrouverons avec des détenus qui nous coûteront extrêmement cher.

Dans bien des cas, les contrevenants sont incarcérés. En fait, le tiers des détenus au Canada sont en prison pour défaut de paiement. Nous ne voulons plus tolérer cette situation. Qui est puni lorsque des gens sont emprisonnés pour défaut de paiement?

Dans bien des cas, ces gens n'ont pas les moyens de rembourser leurs dettes. Il ne sert à rien de les mettre en prison. Les mesures de rechange figurent depuis nombre d'années dans la législation fédérale, notamment dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Les provinces ont tellement bien réussi à administrer les programmes de mesures de rechange qu'elles ont demandé au ministère de la Justice, plus particulièrement au ministre de la Justice, de prévoir des mesures similaires à l'intention des adultes dans le Code criminel.

En supprimant ces dispositions, on irait à l'encontre d'une demande tout à fait raisonnable de la part des gouvernements provinciaux. Les mesures de rechange exercées en fonction des programmes autorisés par le procureur général de la province dans le cadre de la loi fédérale habilitante respectent le partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial et montrent que les provinces sont les mieux placées pour mettre au point et administrer des programmes concernant les délinquants visés par ces mesures.

Grâce aux mesures de rechange, les provinces vont pouvoir mieux gérer leurs dépenses liées au temps des tribunaux et à l'utilisation des installations et des ressources correctionnelles. Il semble contradictoire que le Parti réformiste, qui insiste pour contenir les dépenses, prive les provinces de l'outil dont elles ont besoin pour mieux gérer les affaires dont leurs tribunaux sont saisis.

L'abandon et le renvoi à plus tard de mesures de rechange réduiraient la marge de manoeuvre des tribunaux et des provinces dans l'administration de la justice criminelle et ne contribueraient pas à renforcer ce projet de loi ni le système de justice pénale en général.

Le député de Crowfoot a déclaré, au nom du Parti réformiste, qu'il avait présenté des normes fédérales. Certes, nous voulons que des normes soient établies, mais les mesures de rechange sont envisagées de diverses façons par les différentes provinces.

Le problème que pose le programme, c'est évidemment que des régions ne disposent pas des installations nécessaires pour offrir les mesures de rechange. C'est un problème grave, et il s'ensuit que, dans certaines régions du pays, des mesures, des dispositions ou des solutions de rechange n'existent pas ou sont sérieusement réduites.

À cause de cela, nous pourrions dire que nous rejetons en bloc les mesures de remplacement, de sorte qu'il n'y en aura nulle part au Canada, mais cela n'arrangerait rien. Ce serait empêcher la population des régions où il y en a de profiter de ces possibilités.

De plus, on peut dire que, pour les infractions d'une certaine gravité, la personne en cause ne serait pas admissible. Quand on a affaire à des êtres humains, à des considérations et à des facteurs humains, qui peut dire, dans le cas d'une personne ayant été insultée ou injuriée en prison, qu'il vaut mieux l'incarcérer à nouveau plutôt que de l'inscrire dans un programme où elle devra travailler avec les gens ou au profit des victimes?

(1940)

En outre, nous voulons être en mesure d'offrir le programme d'une manière positive et de l'améliorer. Les témoins ont dit au comité qu'un des problèmes liés aux mesures de remplacement était que les jeunes bénéficiant de ces mesures n'étaient pas supervisés. C'est parfois le cas. Nous devons renforcer ces programmes. J'estime qu'il y a des moyens évidents de le faire.

Les députés réformistes ont aussi dit qu'il faut créer un registre central parce qu'aucun suivi n'est tenu pour ceux qui profitent de mesures de remplacement, qu'on ne sait pas s'ils ont déjà été traduits devant les tribunaux ou s'ils ont déjà bénéficié de telles mesures. Si aucun registre n'est tenu, la prochaine fois qu'ils comparaîtraient, on pourrait considérer qu'il s'agit d'une première infraction et ils pourraient bénéficier de nouveau de mesures de remplacement.

Ce n'est pas le cas. Ces renseignements ne sont pas versés au CIPC, ils ne sont pas versés dans un ordinateur national, mais ils figurent dans les dossiers des tribunaux locaux. On a donc accès aux renseignements sur les programmes de mesures de rechange.

Ces programmes fonctionnent de différentes façons dans les diverses provinces. Par exemple, il y a un programme de déjudiciarisation en Nouvelle-Écosse. Les contrevenants sont inscrits à ce programme avant de comparaître devant le tribunal, et ces renseignements sont gardés dans les dossiers des services de police. Dans d'autres provinces, les contrevenants comparaissent devant le tribunal et, au lieu de se voir imposer une peine à l'issue du procès, ils sont inscrits à un programme de solutions de rechange. Ces programmes fonctionnent. Les jeunes qui ont eu une réadaptation fructueuse sont là pour le prouver.

Nous ne disons pas que nous allons avoir le même taux de succès avec les adultes parce que plus la personne est âgée, plus les possibilité de réadaptation diminuent, mais nous croyons que les chances de succès sont bonnes. Très souvent, l'emprisonnement de ces gens coûte aux contribuables canadiens jusqu'à


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100 000 $ par personne, comme c'est le cas dans certains établissements pour jeunes contrevenants.

Le coût moyen de l'incarcération d'une personne dans un établissement fédéral pendant un an est de 39 000 $. Si les mesures de rechange nous permettent d'obtenir de meilleurs résultats ou même des résultats équivalents, nous devrions examiner cette possibilité.

Nous devrions laisser aux provinces qui veulent ces programmes pour les adultes la possibilité de recourir à ces programmes. Nous devrions certainement donner à nos savants juges la possibilité d'inscrire les gens à ces programmes s'ils estiment que c'est la meilleure solution.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, étant le porte-parole de l'opposition officielle en matière correctionnelle, ce projet de loi me tient à coeur. Malgré toute la controverse qui l'entoure, il me semble qu'il est grand temps que nous acceptions de moderniser et d'adapter la justice pénale à notre temps.

Les efforts déployés en vue de réformer le processus de détermination de la peine au Canada se chiffrent en années et ont exigé d'énormes ressources, tant sur le plan humain que financier. Pour la première fois, nous avons la chance de concrétiser le fruit de ces efforts et de mettre en oeuvre ce qu'une multitude de rapports et de commissions ont finalement recommandé. Le processus de réforme exige que l'on analyse avec réalisme la situation actuelle et que l'on conçoive un modèle pour l'avenir avec une certaine dose de créativité.

Plusieurs études récentes ont démontré des faits dont on peut tirer certaines conclusions qui nous font comprendre qu'une réforme du système pénal au Canada s'impose. Je me permets de vous en citer quelques-unes. Par exemple, dans un premier temps, on peut dire sans trop se tromper que le Canada incarcère un trop grand nombre de personnes pour des périodes trop longues. Dans un deuxième temps, contrairement à la croyance populaire et à ce que l'on pourrait nous faire croire, le taux de criminalité, en particulier celui des crimes avec violence, n'a pas augmenté au Canada. Des études menées pour la période située entre 1988 et 1993 montrent que ces taux sont sensiblement demeurés les mêmes au cours de cette période, même si le taux des crimes violents a légèrement chuté depuis 1991.

(1945)

Le projet de loi C-41 est un véritable travail de réforme en matière de détermination de la peine et seule une telle réforme pourra résoudre certains problèmes cruciaux qui ont surgi depuis quelques années et qui, encore aujourd'hui, continuent de surgir. La société a toujours voulu instinctivement et par peur imposer de longues peines d'incarcération aux criminels. Pourtant, il est démontré que les longues peines d'incarcération font augmenter le risque de récidive.

La sécurité du public ne se trouve donc nullement renforcée, bien au contraire. Si nous enfermons les délinquants et jetons la clé, comme on dit communément, et qu'ensuite nous les remettons en circulation à la fin de leur peine, nous n'aurons rien résolu.

Presque 60 années après, nous avons enfin la chance de nous acquitter, de manière convenable, de cette responsabilité, 50 ans après le fameux rapport Archambault qui est sorti en 1938 et qui faisait état du fait que nous avions une responsabilité collective, et ce, par la mise en oeuvre du projet de loi C-41, et plus respectivement de l'article 717 du Code criminel à l'heure actuelle.

Il va sans dire que l'on pourrait réaliser de grandes économies de fonds publics si l'on avait recours à la probation plutôt qu'à l'incarcération pour assurer la réinsertion sociale. En Angleterre, on utilise depuis longtemps et fréquemment les solutions de rechange, et cela n'a pas entraîné une augmentation de la criminalité dans ce pays, au contraire, car l'Angleterre figure parmi les pays ayant le plus bas taux de récidive au monde.

Le gouvernement a dépensé des millions de dollars au cours des dernières années pour construire et entretenir des prisons qui se sont révélées inefficaces finalement. L'emprisonnement a manqué ses deux principaux objectifs, soit de corriger le délinquant et deuxièmement, d'assurer une protection permanente de la société.

Le surpeuplement et la double occupation des cellules a atteint le seuil critique dans les pénitenciers fédéraux, comme le mentionnait mon collègue de Kingston quelques minutes auparavant. Si le Canada construit de nouvelles prisons, celles-ci seront immédiatement remplies. Par contre, si l'on peut trouver les moyens de rechange à l'incarcération, dans le cas de délinquants qui ne sont pas dangereux, ce qui représente la majorité des détenus, on vient de régler un problème d'engorgement dans les établissements carcéraux. On parle de plus de 80 p. 100 de la population carcérale à ce moment-là.

Ainsi, avant de se lancer dans des programmes de construction qui coûteront des millions de dollars encore, il faudrait voir à mettre au point des solutions moins dispendieuses, plus rentables et donc plus efficaces.

Le coût annuel moyen de la surveillance communautaire pour l'ensemble des provinces est d'environ 1 500 $ par personne en probation ou en liberté conditionnelle, alors qu'un détenu coûte, par année, 80 000 $.

Concrètement, le recours à l'emprisonnement comme principale punition pour toutes sortes d'infractions à la loi n'est plus de nos jours une approche défendable. La plupart des délinquants ne sont ni violents ni dangereux. Il est peu probable que leur comportement s'améliore suite à un séjour en prison. Par conséquent, les moyens de rechange à l'incarcération et les punitions intermédiaires sont de plus en plus considérés comme des mesures nécessaires.

Ce n'est pas d'hier que l'on pense à des moyens de rechange à l'incarcération. Ça fait un demi-siècle que l'on en parle. Ça fait un demi-siècle que l'on marche sur place aussi. Il est temps, je crois, que l'on ouvre nos esprits à la réalité d'aujourd'hui et que, pour une fois, nous fassions un pas en avant en adoptant des dispositions qui nous permettront de développer des moyens alternatifs à l'incarcération, ce que propose le projet de loi C-41 en son article 6.

On ne cesse de dire que l'emprisonnement coûte cher et que les tribunaux ne sont pas assez rapides. Eh bien, en adoptant des mesures de rechange, on trouve également la solution à l'engorgement des tribunaux. Celles-ci vont permettre de traiter les infractions mineures par des moyens autres que des procédures


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judiciaires formelles et coûteuses. Elles visent deux principaux objectifs: dans un premier temps, empêcher d'autres comportements criminels, et dans un deuxième temps, atténuer le tort que peuvent subir les auteurs d'infractions mineures pour les poursuites judiciaires.

Ces mesures font également intervenir la communauté et mettent davantage l'accent sur la réconciliation entre la victime et le contrevenant. Les mesures de rechange sont déjà utilisées avec succès dans certaines provinces en ce qui concerne les jeunes contrevenants. Eh bien, ce recours sera maintenant offert aux adultes. Les solutions de rechange sont nombreuses.

(1950)

Il ne s'agit de signaler que le dédommagement des victimes, par exemple, le nombre de jours-amendes, les travaux compensatoires pour non-paiement d'amendes, etc. Il y en a toute une liste, si on veut être plus exhaustif.

Voici autant d'exemples de sentences visant la réinsertion sociale des contrevenants. Ainsi, les auteurs qui en sont à leur première infraction ou qui ont commis une infraction mineure seront soustraits de l'application du processus judiciaire. Ces mesures assureront la protection du public en atténuant les conséquences négatives de l'incarcération. Les tribunaux disposeront de plus de temps pour se consacrer aux affaires plus importantes.

Il est à noter que l'on réserve ce processus de déjudiciarisation criminelle aux individus qui admettent la responsabilité de leurs actions ou omissions et où l'on juge que le recours aux mesures de rechange est compatible avec la protection de la société et l'intérêt de la victime, tout en répondant aux besoins de la personne coupable de l'infraction.

Ces mesures de rechange doivent faire partie d'un programme autorisé par le procureur général ou son délégué ou encore par un représentant du lieutenant-gouverneur en conseil. La Couronne doit être convaincue que les éléments de preuve sont suffisants pour entamer la poursuite et l'inculpé doit être informé de son droit à la représentation par un avocat, en plus de devoir pleinement consentir à collaborer à ce programme.

L'emprisonnement et l'incarcération ne devraient servir qu'en dernier ressort, lorsque toutes les autres méthodes ont échoué. Le recours à des sanctions de rechange est un bon exemple d'un mécanisme alternatif au règlement des conflits en ce qu'il tente d'éviter les répercussions néfastes imposées aux individus, la lourdeur de l'appareil judiciaire et les coûts, tant économiques qu'humains, encourus par la société en raison des nombreuses incarcérations inutiles.

Je termine en vous signifiant que, par conséquent, j'appuie ce pas en avant que l'on nous permet de faire et je suis heureux qu'enfin, en adoptant ces dispositions sur les mesures de rechange, nous puissions démontrer que nous pouvons être innovateurs en créant des sentences un peu plus intelligentes et, par conséquent, plus en regard avec les besoins actuels du système correctionnel.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, C'est avec plaisir que je traite du projet de loi C-41.

Encore une fois, voici une mesure législative qui ne sert en rien la justice et qui ne règle nullement les problèmes auxquels le pays fait face. Au cours des deux dernières années, à mon avis, aucun des projets de loi adoptés dans cette Chambre n'a fait quoi que ce soit pour rendre le pays plus sûr, en particulier pour les personnes appelées victimes, qui ont besoin de la protection de notre système. Cela ne se fait pas, c'est tout.

Je pense à certains projets de loi comme celui qu'a présenté le député d'en face pour supprimer l'article 745, qui est mort et que nous ne pouvons ressusciter. Je pourrais en nommer des dizaines d'autres. Je suis réellement peiné de n'obtenir aucune mesure législative qui aurait les répercussions promises dans le fameux livre rouge.

Aucune disposition de cette mesure législative ne me désole autant que les mesures du gouvernement à l'endroit des jeunes contrevenants. Nous avons adopté le projet de loi C-37, qui dit que les jeunes de 16 et 17 ans seront traduits devant les tribunaux pour adultes. Et voilà qu'on arrive avec un projet de loi qui va faire que la peine sera déterminée de la même façon que s'

(1955)

Imaginez la famille d'une jeune mère se tenant près de sa tombe et entendant le ministre dire à tous ceux qui sont rassemblés combien cette femme sera regrettée. Imaginez les larmes glissant sur les joues des Canadiens présents et écoutez leur voix qui n'arrête pas de répéter: «Pourquoi est-ce arrivé?»

C'est un tableau que voient nettement trop souvent trop de Canadiens pour que le gouvernement n'en tienne pas compte dans sa tentative de sociologie appliquée qui ne contribue guère à faire sentir aux jeunes contrevenants violents que tout meurtre sera puni. Pour apaiser les intellectuels qui n'arrêtent pas de dire que les jeunes de 16 et 17 ans sont trop jeunes, trop pauvres et trop maltraités pour savoir faire la distinction entre le bien et le mal, le gouvernement essaie de jouer la corde sensible.

Quelle devrait être, d'après le gouvernement, la sanction face au au mal et à la brutalité infligés aux victimes et face au chagrin des familles et des amis? Selon le ministre de la Justice, si un meurtrier est âgé de 16 à 17 ans, une tape sur la main et la promesse qu'il ne recommencera pas est une sanction suffisante. Rappelez-vous, c'est le même gouvernement qui a déclaré publiquement qu'il allait sévir envers les jeunes délinquants extrêmement violents. Rappelez-vous, c'est ce ministre de la Justice qui a dit aux Canadiens que son gouvernement ne tolérerait pas les jeunes portant couteau qui n'ont aucun égard pour la vie humaine ou les sentiments des personnes qui se préoccupent de leur sort.

Qu'ont fait le ministre et le gouvernement pour punir et dissuader les jeunes voyous de 16 et 17 ans qui n'ont aucun respect pour les autres? Dans le projet de loi C-41, le gouvernement propose de punir les meurtriers de 16 et 17 ans en les transférant à un tribunal pour adultes où ils encourraient une peine de cinq ans. Si le jeune meurtrier est particulièrement violent et révoltant, il peut être isolé de la société pour dix ans.

Il est ironique que le ministre de la Justice trouve cette peine aussi appropriée que la peine qu'il avait prévue à l'origine pour punir les citoyens respectueux des lois et dont le seul crime était de soustraire leur arme à feu à l'examen du ministre. Que le fait de supprimer une vie humaine soit au yeux du ministre et du


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gouvernement du même ordre d'idée que le crime haineux qui consiste à refuser de satisfaire aux formalités exigées de la bureaucratie est ridicule.

Le ministre a fait de beaux discours, promettant que les jeunes meurtriers violents seraient tenus responsables de leurs actions. Ce même ministre et son gouvernement nous ont raconté des histoires déchirantes mettant en scène des familles pauvres ou dysfonctionnelles et décrivant leur incidence sur la délinquance juvénile. Quelle qu'en soit la raison, tuer quelqu'un de sang-froid et de façon cruelle est inexcusable.

Permettez-moi de rappeler aux gens d'en face que tous les jeunes issus d'un milieu pauvre ne deviennent pas des criminels décidant que la vie est une denrée sans valeur que l'on peut l'éliminer sur un coup de tête. Permettez-moi de rappeler aux gens d'en face que bien des jeunes sont élevés dans des conditions moins qu'idéales, mais que cela ne les empêche pas de travailler fort jour après jour, d'économiser leur argent, de rencontrer quelqu'un, de se marier, d'avoir des enfants et de vivre normalement. Et pourtant, ce projet de loi se moque de ces jeunes qui ne rechignent pas au travail et qui comprennent qu'ils ont un rôle a jouer dans la société et qu'ils réussiront mieux s'ils répondent aux attentes minimums de la société.

Que doivent comprendre les Canadiens qui, jour après jour, élèvent la voix pour dire qu'ils en ont assez de ces bouchers de 16 et 17 ans qui sont traités comme les victimes d'un ordre social. . .

M. Robinson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'hésite à interrompre le député, mais j'aimerais demander quelques éclaircissements à la présidence. Si j'ai bien compris, nous discutons maintenant des amendements à l'étape du rapport, soit des motions nos 3 et 4. J'ai écouté attentivement les observations du député de Wild Rose et je ne saisis pas le lien entre ses remarques et les motions nos 3 et 4. Il y peut-être confusion quant à l'étape du débat. Je me demande si le Président pourrait nous éclairer à ce sujet.

Le Président: Le député a raison, nous débattons des motions nos 3 et 4. Les députés empruntent souvent des détours pour arriver au point central de leur intervention et je suppose que c'est ce que fait le député de Wild Rose, du moins je l'espère.

M. Thompson: Monsieur le Président, j'espère que je pourrai résumer tout cela à la fin.

Je sais que le gouvernement aimerait mettre en place plusieurs mesures de rechange, même dans le cas des personnes violentes dont il est question, et cela s'applique certainement tout autant aux jeunes. Je parle ici des mesures de rechange qui devaient s'appliquer aux jeunes, des mesures plus sévères dont il avait été question durant l'étude du projet de loi C-37. Nous devions obliger les jeunes de 16 et 17 ans à comparaître devant les tribunaux pour adultes. Toutefois, les peines et les mesures de rechange que le gouvernement tente de proposer dans ce projet de loi ne semblent pas du tout concorder avec celles qui étaient proposées dans le projet de loi C-37.

(2000)

Pourquoi devrions-nous excuser les 16 et 17 ans des crimes les plus graves? Quelle différence font un ou deux ans de plus si la chose est vraiment grave? Les Canadiens en ont assez de cette justice gnangnan qui nous est proposée par un gouvernement qui se veut généreux. Les Canadiens estiment que la pitié doit être justifiée par les circonstances et que le meurtre n'est pas une de ces circonstances.

Comment osons-nous suggérer d'autres mesures pour un assassin? Comment osons-nous même penser à chercher une bonne solution? Les Canadiens estiment que les personnes de 16 ou 17 ans qui choisissent de tuer doivent savoir également que la société ne fera pas preuve de pitié à leur égard, que la société demandera une peine sévère, à la mesure du crime.

Les Canadiens commencent à en avoir assez d'un gouvernement qui dit une chose à une majorité, mais suit les volontés dictées par une petite minorité d'individus dans leur tour d'ivoire, qui se barricadent derrière des systèmes de sécurité et s'isolent de la réalité, et qui nous disent que de jeunes assassins ne peuvent pas être condamnés pour leur crime et qu'ils doivent bénéficier d'autres mesures.

J'en ai assez d'entendre ce gouvernement parler, mais ne rien faire. La situation dure depuis trop longtemps. Il y a d'autres articles dans ce projet de loi pour lesquels nous cherchons une signification pour la société. L'article 718.2, par exemple, voilà quelque chose dont nous voudrions nous débarrasser. C'est une liste des raisons de traiter des personnes différemment des autres: la race, la couleur, la croyance et, maintenant, l'orientation sexuelle.

Monsieur le Président, pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas y ajouter les gros. Je vais vous raconter ce qui s'est produit dans cette Chambre, il y a juste un mois. Quelqu'un de l'autre côté a dit: «Allez, gros lard, sortons nous battre.» Plutôt que de me plaindre à vous de ce langage, monsieur le Président, j'ai décidé de confronter le député pour voir si je pouvais le convaincre de cesser de faire de telles invectives. Je suis sûr qu'il ne le fera plus. Il est honteux que, en tant que personne corpulente, je ne figure pas sur cette liste. Si l'on vérifie, on constatera qu'il y a des poursuites dans ce pays de la part de personnes qui n'ont pas obtenu un emploi particulier parce qu'elles n'étaient pas constituées comme il fallait ou parce que leur QI était insuffisant. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi? Il est fort possible que ces personnes n'avaient pas le physique de l'emploi.

Débarrassons-nous de cet article. Et surtout, pour l'amour du ciel, n'y ajoutons pas l'orientation sexuelle. C'est la dernière chose dont nous ayons besoin dans ce pays.

[Français]

Le Président: Nous sommes toujours aux motions nos 3 et 4, et j'accorde la parole à l'honorable député de Bellechasse.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, je vais tenter d'être bref, et probablement que je vais y réussir.


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L'honorable député de Cap-Breton-The Sydneys, en réponse à la motion qu'a présentée ma collègue de Saint-Hubert tout à l'heure, ne semblait pas convaincu de la pertinence de la modification à l'article 717. Alors je me suis permis d'aller vérifier au dictionnaire pendant que j'attendais mon temps d'appel.

Effectivement, au paragraphe 717.2(1), version française, on dit ceci:

717.2(1) Le dossier relatif à une infraction imputée à une personne et comportant, notamment, l'original ou une reproduction des empreintes digitales ou de toute photographie de la personne peut être tenu par le corps de police qui a mené l'enquête à ce sujet ou qui a participé à cette enquête.
Le litige est sur le sens du mot «tenu». Dans le Larousse, dictionnaire général anglais-français, à la page 849, on traduit «to hold» par «contrôler et avoir la responsabilité de». L'honorable députée de Saint-Hubert propose justement de traduire le mot anglais «hold» par une concordance française qui soit la plus correcte possible. Je peux très bien tenir le projet de loi entre mes mains, ce qui ne veut pas dire que je vais le conserver pendant dix ans, cependant.

Ce qu'on veut faire ici avec l'article 717.2, c'est de permettre aux autorités policières de conserver le dossier relatif à une infraction. Or, si on veut le conserver, il faut en avoir le contrôle. Ainsi, si je prends le projet de loi et que je le dépose dans mon pupitre, je vais le contrôler; il sera archivé, je le contrôle. Je ne le tiens pas dans mes mains.

Je comprends que le terme anglais «hold» peut embrasser plusieurs choses, mais on a un terme spécifique qui n'a pas d'effet pervers sur d'autres lois. Lorsqu'on veut utiliser le verbe tenir au sens propre du terme, il s'agit de tenir dans ses mains, d'avoir un contrôle immédiat et momentané, mais on va le tenir.

(2005)

L'honorable député de Cap-Breton-The Sydneys peut très bien tenir sa femme dans ses bras, mais cela ne veut pas dire qu'il la contrôle. Il y a une différence entre les deux.

Une voix: Il veut la conserver.

M. Langlois: Et s'il veut la conserver aussi, il est mieux de la tenir de temps en temps, si on me permet de faire un peu d'humour. Je suis sûr que l'honorable secrétaire parlementaire pourra convenir que la magie de la langue française et une de ses beautés aussi nous permettraient d'avoir une corrélation plus adéquate entre l'anglais et le français. C'est la raison pour laquelle j'invite l'honorable secrétaire parlementaire à voir s'il n'y a pas lieu de corriger tout simplement cette erreur.

Excusez-moi de m'être assis avant d'avoir terminé.

[Traduction]

M. Nunziata: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Est-il encore possible d'intervenir au sujet des motions nos 3 et 4 qui, si je ne m'abuse, sont regroupées?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Oui, c'est possible. La parole est au député de York-Sud-Weston.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Madame la Présidente, je n'étais pas à la Chambre, car j'essayais d'obtenir certains éclaircissements au sujet de cette notion de mesures de rechange. Je voudrais m'arrêter pour l'instant sur cette disposition particulière contenue dans le projet de loi C-41.

Si je comprends bien, une personne coupable d'un meurtre, d'un viol ou de voies de fait graves, pourrait, en fait, en vertu de cette disposition, n'être jamais poursuivie devant un tribunal.

Voici ce qu'on dit à cet article: «Compte tenu de l'intérêt de la société, le recours à des mesures de rechange à l'endroit d'une personne à qui une infraction a été imputée plutôt qu'aux procédures judiciaires prévues par la présente loi peut se faire si les conditions suivantes sont réunies: a) ces mesures font partie d'un programme de mesures de rechange autorisé soit par le procureur général ou son délégué. . .».

Ainsi, au Parlement fédéral, nous disons que dans le cas de n'importe quel acte criminel, le procureur général d'une province au Canada a le loisir de décider de ne plus poursuivre. Cela pourrait viser les violeurs, par exemple. On pourrait affirmer que c'est un peu poussé et que cela ne se produira jamais, mais le fait est que cette modification permettrait cela. Rien n'empêche le gouvernement provincial de décider, pour une raison quelconque, de ne plus poursuivre les violeurs, mais de les assujettir plutôt à des mesures de rechange.

Quelles sont ces mesures de rechange? On ne les décrit pas dans ce projet de loi et on ne précise pas non plus les crimes qui seraient visés. En fait, on parle de n'importe quel crime. Nous ignorons de quoi il est question au juste. Doit-on comprendre qu'un violeur, une personne accusée de viol, pourrait ne plus être assujetti au système de justice pénale et profiter plutôt de mesures de rechange? En quoi ces mesures de rechange peuvent-elles consister? Nous l'ignorons. Ce projet de loi ne les définit pas. Il laisse cela à la discrétion des procureurs généraux des provinces.

Je suis désolé, mais je n'ai pas confiance en eux pour poursuivre les auteurs de crimes graves. Ils pourraient fort bien, selon mon scénario, décider que les gens accusés de viol auront à effectuer certains travaux communautaires. Ils seront tenus de couper le gazon au lieu de purger leur peine en prison ou ils pourraient très bien travailler dans une garderie. Cela peut sembler tout à fait scandaleux, mais cet article l'est. Il va à l'encontre du souhait des Canadiens de tout le pays d'assujettir les délinquants violents à des lois très strictes.

(2010)

Je peux comprendre que l'on ait recours à des mesures de rechange pour des infractions non violentes comme la fraude, le vol, une personne qui vole de la nourriture, du lait ou du pain, une personne qui ne présente pas un danger pour mes enfants ou pour les enfants de mon voisinage. Mais la liste peut s'allonger à


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l'infini. Toute infraction peut donner lieu à des mesures de rechange.

Ce projet de loi aurait pour effet d'instaurer un cadre de droit pénal en damier. Ainsi, si le procureur général de l'Alberta s'oppose aux mesures de rechange, elles ne seront pas applicables dans cette province. Tout le monde sera poursuivi en vertu du Code criminel. Supposons que le Québec se dise partisan des mesures de rechange, qu'il les privilégie. Il va soumettre tout le monde à des mesures de rechange et, du jour au lendemain, quelqu'un qui commet une infraction grave en Alberta fera de la prison, alors que si quelqu'un commet une infraction grave au Québec, il tondra le gazon quelque part et ira dormir dans le Howard Johnson le plus proche.

Ça peut faire rire certains députés, mais je leur rappelle que l'article 745 du Code criminel offre une certaine marge de manoeuvre aux provinces. Au Québec, presque tous les demandeurs, tous les criminels qui ont été reconnus coupables de meurtre au premier degré et ont demandé une réduction de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, presque tous, dis-je, ont vu leur demande acceptée. Au Québec, la durée de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle dans les cas de meurtre frôle actuellement les 15 ans. En Alberta, où le procureur général ne voit pas les choses d'un même oeil, elle s'établit à 25 ans dans les cas de meurtre au premier degré.

Le droit criminel devrait être applicable et appliqué uniformément partout au Canada. L'article 745 est un bon exemple de ce qui se produit lorsqu'on accorde aux procureurs généraux des provinces le pouvoir de décider des modalités d'une poursuite. Je suis convaincu que si cet article est adopté sans amendement, le droit criminel canadien sera appliqué de façon différente selon les régions.

Si le gouvernement veut faire preuve de sérieux au sujet des mesures de rechange, il en limitera l'application aux infractions non criminelles. Le secrétaire parlementaire rit et hausse les épaules. Je puis comprendre. . .

M. Milliken: C'est absurde!

M. Nunziata: Je peux comprendre que, vu le nombre élevé de prisons dans la circonscription du député, il éprouve de la sympathie pour cette couche de la société.

L'adoption de cet article risque de morceler le système de justice canadien. Le gouvernement devrait à tout le moins reconnaître que les infractions criminelles violentes doivent continuer de relever du système de justice pénale. Le Parlement ne devrait pas conférer de pouvoir discrétionnaire à qui que ce soit dans ce domaine. Toute personne présumée avoir commis une infraction violente, qu'il s'agisse de meurtre, de viol ou de voies de fait graves, devrait être poursuivie devant une cour de justice pénale.

Je ne veux pas qu'un individu qui agresse mes enfants ou viole la femme de mon voisin puisse échapper aux poursuites judiciaires. Ce serait inconstitutionnel. La Constitution reconnaît à tous le droit aux mêmes avantages et à la même protection de la loi.

Cet article ne respecte pas la Constitution et ne correspond pas à ce que j'entends depuis onze ans à la Chambre. Nous devons avoir des lois efficaces au Canada. Cet article fait pencher la balance encore plus en faveur de ceux qui choisissent de vivre dans la criminalité et c'est injuste.

(2015)

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais faire à propos du groupe no 1 une observation qui concerne les groupes de détermination de la peine chez les autochtones du Canada.

Je n'ai vraiment rien contre toute la notion de groupes de détermination de la peine, mais il semble y avoir une grave anomalie dans la façon dont on traite les jeunes contrevenants autochtones par rapport aux autres.

Comme la Chambre le sait bien, dans un groupe de détermination de la peine, un des principaux moyens d'amener le jeune contrevenant à modifier sa conduite, c'est de demander à ses pairs, ses oncles, ses tantes et d'autres membres de la collectivité de dévoiler son identité. Dans un groupe de ce genre, on s'attend à ce que le jeune contrevenant fasse amende honorable à la collectivité en général parce qu'il a peut-être perdu la confiance de cette dernière. Il a l'obligation de se racheter auprès de la collectivité.

Pourquoi le dévoilement de l'identité des jeunes contrevenants constitue-t-il une partie importante de la réadaptation dans les collectivités autochtones, alors que, dans les collectivités non autochtones, l'anonymat est le fondement même de la Loi sur les jeunes contrevenants? À mon avis, il n'est vraiment pas logique que, chez les autochtones, le dévoilement de l'identité du contrevenant occupe une place importante dans le processus de réadaptation, alors que, dans les collectivités non autochtones, dans lesquelles on ne trouve pas de groupes de détermination de la peine, c'est l'anonymat qui joue un rôle important. À mon sens, il n'est absolument pas logique que l'anonymat fasse partie de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le vote porte sur la motion no 3. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.


13769

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément au paragraphe 76.1(8) du Règlement, le vote par appel nominal sur la motion est différé.

M. MacLellan: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Il y avait deux motions dans ce groupe.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Les motions 3 et 4 font partie du groupe 1. Le vote a été reporté. Elles seront mises aux voix au moment du vote.

M. Milliken: Madame la Présidente, vous constaterez que la Chambre consent à l'unanimité à ce que les motions numérotées de 5 à 17 soient considérées comme ayant été mises aux voix sans que vous ayez à les lire.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.) propose:

Motion no 5
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par suppression des lignes 24 à 43, page 8 et des lignes 1 à 16, page 9.
Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.) propose:

Motion no 6
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, aux lignes 30 à 40, page 8, de ce qui suit:
«du délinquant; sont notamment considérés comme circonstance aggravante des éléments de preuve établissant que l'infraction perpétrée par le».
M. Dan McTeague (Ontario, Lib.) propose:

Motion no 7
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution , aux lignes 34 et 39, page 8, de ce qui suit:
«préjugés,».
Motion no 8
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, aux lignes 34 à 39, page 8, de ce qui suit:
«préjugés ou de la haine,».
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ) propose:

Motion no 9
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, dans la version anglaise, par substitution, à la ligne 30, page 8, de ce qui suit:
«vated by prejudice or hate based on».
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD) propose:

Motion no 10

Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, à la ligne 35, page 8, de ce qui suit:
«facteurs-réels ou perçus-tels que la race, l'origine nation-».
M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.) propose:

Motion no 11
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, aux lignes 38 et 39, page 8, de ce qui suit:
«mentale ou physique ou l'hétérosexualité, l'homosexualité ou la bisexualité de la victime,».
Motion no 12
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6:
a) par substitution, aux lignes 38 et 39, page 8, de ce qui suit:
«mentale ou physique ou sexualité de la victime,»; et
b) par adjonction, après la ligne 16, page 9, de ce qui suit:
«(2) Pour l'application du présent article «sexualité» s'entend uniquement de l'hétérosexualité, de l'homosexualité ou de la bisexualité, étant entendu que la présente définition exclut la préférence pour tout acte ou conduite sexuelle qui constituerait une infraction à la présente loi.»
Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.) propose:

Motion no 13
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, aux lignes 38 et 39, page 8, de ce qui suit:
«mentale ou physique».
M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.) propose:

Motion no 14
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, dans la version anglaise, par substitution, à la ligne 33, page 8, de ce qui suit:
«or physical disability, sexual orientation,».
Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ) propose:

Motion no 15
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, dans la version française, par substitution, à la ligne 40, page 33, de ce qui suit:
«garde d'enfant auxquels s'expose une».
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) propose:

Motion no 16
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par adjonction, après la ligne 39, page 8, de ce qui suit:
«(i.1) que le délinquant a commis un acte criminel consistant en une agression physique ou une agression sexuelle contre son conjoint ou son conjoint de fait, en l'infliction de lésions corporelles à son conjoint ou à son conjoint de fait ou de menace ou tentative de commettre l'une de ces infractions».
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose:

Motion no 17
Qu'on modifie le projet de loi C-41, à l'article 6, par substitution, aux lignes 18 et 19, page 55, de ce qui suit:
«Parlement ou d'une législature.»


13770

(2020)

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Madame la Présidente, je me considère très privilégié de pouvoir intervenir ce soir sur les motions nos 7 et 8. Le projet de loi dont nous sommes saisis soulève une grande controverse. Il est controversé parce que de nombreux Canadiens ont dit être inquiets de son objet.

[Français]

Mme Venne: Je m'excuse, madame la Présidente. J'aborde tout de suite le sujet avant que le député ne soit en plein dans son discours. Je ne sais pas si je dois discuter de cela avec vous maintenant, mais j'ai un problème. D'après ce que je vois de la décision du Président, on votera sur ma motion no 4 en même temps que sur la motion no 3, mais on ne parle pas du tout de la même chose. Je parle de la langue française et mon collègue parle de mesures de rechange. Vraiment cela n'a rien à voir.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La décision du Président dans ce cas a été que si la motion no 3 est adoptée, il ne sera pas nécessaire de procéder au vote sur la motion no 4. En effet, les deux votes sont reportés. Quand on a reporté le vote sur la motion no 3, le vote sur la motion no 4 a été reporté automatiquement.

Est-ce que cela répond à votre question? Le vote sur la motion no 4 est reporté avec celui sur la motion no 3.

Mme Venne: Très bien.

M. Langlois: Madame la Présidente, je voudrais un point de clarification additionnel, avant que le député d'Ontario, que je vais écouter avec beaucoup d'intention, n'entreprenne son intervention.

Si j'ai bien compris, le vote sur la motion de la députée de Saint-Hubert est reporté jusqu'à la fin. Je comprends cela. Mais si la motion qui a été présentée par notre collègue de Crowfoot est rejetée, peu importe l'issue de la motion du député de Crowfoot, on devra voter sur la motion no 4 de la députée de Saint-Hubert.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Vous pourriez vous présenter au Bureau. La décision du Président est claire. Si la motion no 3 est rejetée, il faudra mettre aux voix la motion no 4. C'est dans le groupe no 1, simplement pour le débat.

M. McTeague: Madame la Présidente, je sais que je ne dispose que de dix minutes pour parler de deux sujets. J'espère que je pourrai le faire en si peu de temps, ce qui sera un très grand phénomène.

[Traduction]

D'une façon générale, je crois au principe d'égalité et je suis d'avis que le projet de loi C-41 est une bonne mesure. Il porte sur des questions importantes, notamment la détermination de la peine et divers sujets dont nous avons discuté ouvertement pendant la campagne électorale.

Toutefois, l'alinéa 718.2a)(i) cause le plus d'inquiétude. Cette petite partie d'un projet de loi omnibus me préoccupe parce qu'elle traite toute la question de la haine d'une façon que je juge très superficielle.

Cet alinéa devait permettre de lutter contre les crimes haineux en prévoyant des peines plus rigoureuses. Les députés ont l'impression que ces crimes ne sont pas punis au Canada, parce que la loi ne nous permet pas de réagir efficacement à la hausse de la criminalité, notamment à la multiplication des crimes motivés par la haine.

Comparaissant devant le Comité de la justice, l'Association du Barreau canadien a déclaré sans la moindre ambiguïté qu'il n'y avait pas un seul cas où l'on avait pu prouver que la haine avait motivé le crime, que ce soit contre une personne ou contre un membre d'un groupe, et où le coupable n'avait pas reçu une peine maximale. Je regrette de devoir déclarer que, en ce qui concerne l'article 718.2, ce projet de loi est inutile.

Je suis d'accord avec ceux qui s'inquiètent au sujet de ce projet de loi pour deux raisons. Je laisse à mes collègues le soin de faire valoir leurs préoccupations concernant l'orientation sexuelle. Ma préoccupation est d'un ordre supérieur. Elle porte sur le fait que nous disons au Canada, notamment dans ce projet de loi, que la haine n'est importante que si l'on tient compte de l'individu. À mon avis, on ne tient pas compte alors de ce qui est la raison d'être des crimes haineux.

(2025)

La haine, c'est la haine. Elle n'est pas plus ou moins grave selon son objet. Non seulement le Parlement, mais les Canadiens en général devraient avoir pour principe fondamental que la haine est une chose contre laquelle nous devrions lutter dans toutes les circonstances.

J'ai cru que je pourrais à un moment donné présenter les motions nos 6 et 7 au comité de la justice. L'une des motions propose de supprimer le reste du sous-alinéa après les termes «préjugés ou de la haine». À en juger d'après les termes que je propose de supprimer, la haine est censée être plus grave uniquement si elle est fondée sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle. Je me demande quels autres facteurs il peut bien rester. Je pourrais peut-être trouver une explication appropriée de ce qu'on veut dire au juste par la latitude laissée par les termes «facteurs tels que», mais je puis dire avec une certain degré de certitude qu'à la lecture de ce passage, un juge aurait du mal à comprendre ce qu'on voulait dire par là.

J'ai examiné diverses applications de la mesure législative et les cas où elle aurait le plus d'impact. Si nous tenons vraiment à lutter contre les crimes motivés par la haine, en ce qui a trait plus particulièrement à la propagande haineuse comme on le suggérait dans notre livre rouge, ne devrions-nous pas modifier les articles 318 à 320 du Code criminel, au lieu de traiter de la haine d'une façon plutôt cavalière, d'une façon plutôt superflue et superficielle, dans le cadre d'un projet de loi omnibus portant sur la détermination de la peine?


13771

Si j'avais eu l'occasion de prendre la parole ou de proposer des amendements fondés sur de bons conseils donnés au gouvernement à l'étape du comité, j'aurais fait valoir les préoccupations exprimées ici par certains de mes collègues, soit que d'autres formes de haine qui se manifestent contre certaines personnes ne sont pas visées par le projet de loi.

J'ai expliqué à mon collègue, le député de Portneuf, la possibilité d'une haine fondée sur la langue. Je suis heureux de constater que ce problème est prévu dans la loi. Malheureusement, j'ai dû procéder indirectement.

[Français]

Une des choses que j'ai remarquée, c'est le fait que ma position et mes contraintes en regard de ce projet de loi ont été formulées et renforcées par le Barreau du Québec. Ils ont dit que les Canadiens ne veulent pas d'un système de justice restrictif à deux niveaux, qui ne protège que des segments de notre société.

Par ailleurs, certains ont avancé que rien ne permet de croire que les tribunaux se sont montrés cléments à l'égard des délinquants motivés par la haine de segments, de groupes ou d'individus composant notre société. D'après eux, les juges disposent déjà d'une grande latitude lors du processus sentenciel et ils s'en sont fréquemment servi pour imposer des peines rigoureuses dans le cas des crimes qu'ils considéraient dommageables pour la société.

D'après l'amendement proposé par le Barreau, si les éléments de preuve présentés au tribunal montrent que l'infraction a été motivée par des préjugés, le juge peut considérer que l'infraction comporte des circonstances aggravantes et appelle par conséquent à une peine plus rigoureuse.

Bien que je respecte la position donnée par le Barreau, je fais ces commentaires aux députés d'en face, surtout à ceux du Bloc québécois, parce que c'est une association professionnelle qui représente tous les avocats de la province qui mentionne qu'il faut avoir un principe général au lieu d'un principe spécifique.

[Traduction]

Je crains fort que le projet de loi, qui vise à réprimer les crimes inspirés par la haine, ne laisse certaines personnes de côté. Je ne distingue pas bien les motifs qui peuvent inciter quiconque à choisir un libellé comme celui du projet de loi et plus particulièrement de l'article 718. Mais si cette motivation à quoi que ce soit à voir avec le souci de rectitude politique, pourrais-je proposer que, en contrepartie, nous répondions aux besoins réels sur le plan législatif? La haine est un très grave problème, et je crois qu'il faut en traiter plus sérieusement dans une mesure plus appropriée.

À quel sérieux pouvons-nous prétendre en tournant autour du pot? Pour moi, si nous voulons avoir un système de justice équitable, il faut qu'il tienne compte de tout le monde. Si ce projet de loi est adopté, il est presque certain que le Canada ne pourra plus prétendre avoir un système de justice équitable pour tous.

(2030)

Ce que nous nous trouvons à dire, c'est qu'il importe de réprimer plus sévèrement certaines formes de haine si la victime fait partie des groupes désignés. J'ai parlé de la langue. Je pourrais aussi parler de l'apparence physique. Le député de Wild Rose a parlé des obèses.

Nous sommes dans un milieu hautement politisé. Nous pourrions peut-être parler de la haine fondée sur des considérations politiques, de la haine contre des personnes qui ont des opinions politiques différentes et ont pour cela été victimes de haine. Comment ce projet de loi, ou cet amendement, garantira-t-il à ces gens une protection égale devant la loi?

Selon la charte, nous sommes censés traiter tous les gens de façon égale. À la lecture de cet article, il me semble que seules certaines personnes, celles qui sont visées par la liste, seront en fait protégées.

Les gens ont exprimé par le passé beaucoup d'autres inquiétudes au sujet de ce projet de loi. Ils se demandaient comment la mesure législative allait décourager ceux qui commettent des crimes motivés par de la haine. Ceux que la haine dévore ne lisent pas les projets de loi omnibus sur la détermination de la peine pour découvrir les peines auxquelles ils s'exposent.

Ce qu'ils découvriront, c'est que chaque fois que les juges et les procureurs ont eu à traiter ce genre de dossiers, où une personne était accusée d'avoir commis un crime motivé par de la haine, on a toujours, sans aucune exception, tenu compte des circonstances aggravantes. Si, selon la liste figurant dans le projet de loi, il faut tenir compte des circonstances aggravantes pour certains groupes, le juge tiendrait-il compte des circonstances atténuantes pour d'autres groupes, au moment de la détermination de la peine?

Il faut garantir l'égalité des gens devant la loi lorsque des crimes motivés par de la haine sont commis. Il faut traiter tous les gens de façon égale. Il faut nous donner les instruments nécessaires pour préserver l'égalité des gens et protéger ceux qui ont été victimes et qui seront victimes de crimes motivés par de la haine.

On ne peut rien dire de plus conforme à la réalité que le fait que les Canadiens de toutes les régions du pays s'attendent à ce que le Parlement garantisse l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Le projet de loi C-41 est très long et très exhaustif. Nous devons traiter les crimes inspirés par la haine comme il se doit.

J'exhorte tous les députés à appuyer mes motions, pour que nous ayons tous droit à la justice.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Madame la Présidente, les motions se rapportant à l'article 718.2 du projet de loi C-41 forment la majorité des motions d'amendement à l'étape du rapport. La plupart portent sur la question d'inclure ou non l'expression «orientation sexuelle» dans la nomenclature des circonstances aggravantes à considérer au moment de la sentence.

La motion no 5 du député de Crowfoot est la plus radicale, car elle éliminerait carrément l'article 718.2 du projet de loi. De


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cette façon, le Parti réformiste décapiterait le projet de loi en abrogeant les principes et objectifs fondamentaux de la détermination de la peine.

L'énoncé des principes à l'article 718 qui sous-tendent le projet de loi me semble aller dans la bonne direction. Ainsi, le maintien d'une société juste, paisible et sûre dans l'imposition de sanctions adéquates et ce, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime et au respect de la loi, ne peut que susciter notre appui.

De plus, les mesures visant la déjudiciarisation de certains délinquants, à l'article 717, les mesures alternatives à la détention et les peines conditionnelles avec sursis, se veulent des mesures innovatrices qui permettront de désengorger nos institutions carcérales et d'axer la détermination des peines sur la réhabilitation plutôt que l'incarcération.

(2035)

Certaines motions, notamment celles du député de Scarborough-Ouest, voudraient que l'on définisse de façon exhaustive l'expression «orientation sexuelle» que l'on retrouve au paragraphe 718.2 de la loi. Le député a même habilement présenté plusieurs motions d'amendement qui ne sont que des variantes sur un même thème, au cas où l'une d'entre elles réussirait à passer.

Le débat sur les vrais enjeux du projet de loi C-41 a été faussé dès le départ. D'entrée de jeu, le débat a été aiguillé, depuis le dépôt du projet de loi C-41, sur la pente glissante des droits des homosexuels. Le projet de loi, au chapitre des circonstances aggravantes, énumère une liste de fondements de préjugés qui motivent les crimes haineux, notamment l'orientation sexuelle de la victime.

Le juge devra considérer le crime motivé par la haine comme une circonstance aggravante au moment d'imposer sa sentence. Le débat a dérapé et tant les tenants du droit à la protection des homosexuels que l'extrême droite qui veut abroger la disposition de la Loi sur les circonstances aggravantes ont fait dévier le débat. J'ai reçu à mon bureau des milliers de lettres m'enjoignant de voter contre le projet de loi C-41, sous prétexte qu'il contenait l'expression «orientation sexuelle». Ces lettres types ne servaient qu'à inonder nos bureaux. Elles ne reflétaient l'opinion que d'une minorité mal informée.

Imaginez-vous que les signataires voulaient que le projet de loi de 75 pages, contenant une centaine d'articles de loi et réformant de fond en comble une partie du Code criminel sur la détermination de la peine, soit anéanti parce qu'il contenait deux mots de trop. Gardons à l'esprit que le projet de loi C-41 ne crée pas de nouveaux droits. Il s'agit d'un projet de loi sur la détermination de la peine et, en ce sens, il trace des paramètres que les juges devront suivre lorsqu'ils devront décider de la sentence à imposer. L'article 718.2, en particulier, ne concerne que l'accusé trouvé coupable et les critères applicables à sa sentence.

Cet article n'a pas pour objectif d'être créateur de droits pour les groupes qui y sont énumérés. Les droits de la personne sont protégés par la Constitution et d'autres lois sur la protection des droits de la personne. Le projet de loi C-41 n'est pas une nouvelle Charte des droits, comme plusieurs groupes intéressés voudraient nous le faire croire. Lorsqu'un projet de loi contient le terme «orientation sexuelle», le sens de ce terme soulève des questions. Qu'est-ce que le terme englobe? Dans quel sens faut-il l'interpréter?

Dans l'arrêt Egan, la Cour fédérale semble indiquer que les tendances sexuelles ou l'orientation sexuelle peuvent être hétérosexuelles, homosexuelles ou bisexuelles. Dans cette affaire, il s'agissait d'une contestation en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour conclut ce qui suit et je cite: «Bien que la Cour suprême ne se soit jamais prononcée sur la question, je pense qu'il est maintenant de droit constant que les tendances sexuelles peuvent être invoquées comme un motif analogue de discrimination qu'interdit le paragraphe 15(1).»

Quelque temps après la décision Egan, la Cour suprême, dans l'arrêt Ward, en date du 30 juin 1993, a mentionné l'orientation sexuelle comme une caractéristique innée ou immuable. Il s'agissait d'une affaire touchant la discrimination et la protection des réfugiés. La Cour suprême acceptait la catégorie comprenant les personnes qui craignent d'être persécutées pour des motifs comme le sexe, les antécédents linguistiques et l'orientation sexuelle.

Je voudrais souligner au passage que le Bloc québécois a proposé en comité un amendement concernant les caractéristiques linguistiques de la victime et que celui-ci a été adopté. Cet amendement concorde avec la position adoptée par la Cour suprême dans l'affaire Ward. Mais, me direz-vous, ne devrions-nous pas définir clairement le terme «orientation sexuelle»? Depuis que la rectitude politique est à la mode, plusieurs désignations de minorités ont évolué considérablement.

(2040)

Les aveugles sont devenus des non-voyants; les sourds, des malentendants; les malades mentaux ont dorénavant un handicap intellecturel.

Comme la langue est en constante évolution, la désignation des homosexuels a, elle aussi, évolué. Au XIXe siècle, on désignait ce phénomène comme une «inversion sexuelle». Ce terme a fait place, au XXe siècle, à celui d'homosexualité. Ensuite, vers les termes gais et lesbiennes. On parlait, il n'y a pas si longtemps, de «préférence sexuelle». Évidemment, la communauté gaie s'est vite dissociée de cette expression parce qu'elle indiquait un choix ou une caractéristique acquise de l'individu et non pas une caractéristique innée.

La science en est rendue à déterminer si l'homosexualité est une caractéristique non seulement innée mais génétique. Dans un scénario qui est loin de la science-fiction, nous pourrions nous retrouver avec des individus ayant des caractéristiques génétiques mâles ou femelles, auxquelles s'ajouteraient des caractéristiques génétiques homosexuelles qui influenceraient le comportement de l'individu, déterminant ainsi son «orientation sexuelle» à venir.

Plusieurs soutiendront qu'il s'agit d'un scénario cauchemardesque, particulièrement ceux et celles qui ont inondé les télécopieurs de la Colline parlementaire en protestant vivement contre le projet de loi C-41. Pour la simple mention du terme «orientation sexuelle», un mouvement de panique s'est installé. Les opposants veulent tout simplement jeter aux ordures tout un projet de loi sur la détermination de la peine, sous prétexte qu'il accorde plus de droits aux homosexuels, ce qui est manifestement faux. Les crimes motivés par la haine ou le préjudice ont un


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impact profond chez la victime, différents de tout autre genre de crime. La victime qui se fait attaquer à cause de la couleur de sa peau, de sa religion ou parce qu'elle est femme souffre beaucoup plus qu'une personne qui se fait tout simplement voler son portefeuille. Et c'est de cela dont il est question à l'article 718.2 du projet de loi.

Je n'appuierai pas les motions nos 5 à 17 inclusivement, sauf, évidemment, les motions nos 9 et 15.

[Traduction]

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Madame la Présidente, si je prends ici la parole, c'est pour débattre à l'étape du rapport des motions nos 6 et 13 visant à amender le projet de loi C-41.

Le projet de loi C-41, plus particulièrement l'article 718.2 de ce projet de loi, a été énergiquement présenté par le gouvernement et les médias comme la loi sur le crime haineux.

Je me permets de rappeler à la Chambre que l'article 718.2 ne vise pas les dispositions du Code criminel relative au crime haineux. Ce sont plutôt l'objet et les principes de détermination de la peine qui doivent refléter en tout temps les valeurs fondamentales et les principes moraux ayant présidé à la fondation de notre grand pays, le Canada.

L'article 718.2 est inacceptable tel quel. Il ne reflète pas les principes et les valeurs de la majorité des Canadiens. L'inclusion de l'expression «orientation sexuelle» se trouve à accorder une reconnaissance légale et un statut légal à une faction de notre société qui mine et détruit nos valeurs canadiennes et la moralité judéo-chrétienne.

En reconnaissant spécialement l'orientation sexuelle dans le Code criminel du Canada, on se trouve à tolérer ouvertement les pratiques homosexuelles et à obliger tous les Canadiens à les tolérer. Le projet de loi C-41 a pour effet de reconnaître légalement une moralité qui ne concorde pas avec les valeurs et les principes judéo-chrétiens des Canadiens.

Si l'on accepte qu'une loi fédérale comporte l'expression «orientation sexuelle», on va conférer un statut légal spécial aux homosexuels, leur permettant de redéfinir la famille, de violer le caractère sacré du mariage, d'adopter des enfants, d'influencer nos programmes scolaires et d'imposer un autre style de vie à nos jeunes. Toutes ces exigences usurpent et minent les droits inhérents et inviolables de la famille et de l'Église.

La famille est la cellule fondamentale de la société et le fondement solide sur lequel nos ancêtres ont bâti notre beau grand pays. La protection de la famille, de la vie familiale et des valeurs familiales doit être une priorité pour le gouvernement. La famille a des droits inhérents et inviolables. La famille existait avant l'Église et avant l'État. Les droits de la famille doivent être préservés, protégés et sauvegardés par le Parlement.

(2045)

Pourquoi, en tant que législatrice, est-ce que je continue de faire allusion aux principes, aux valeurs et à la morale lorsque je parle du projet de loi C-41? C'est parce que l'article 718.2 fait spécifiquement allusion à ces principes. Comme l'a dit le ministre de la Justice devant le comité de la justice le 17 novembre 1994 au sujet du projet de loi C-41. . .

M. Robinson: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement, conformément à l'article 18, qui se lit comme suit:

Aucun député ne doit parler irrévérencieusement du Souverain ou d'un autre membre de la famille royale, ni du Gouverneur général ou de la personne qui administre le gouvernement du Canada. Nul député ne doit se servir d'expressions offensantes pour l'une ou l'autre des deux Chambres ni pour un de leurs membres.
En tant qu'homosexuel, j'estime que les termes utilisés par la députée de Central Nova sont profondément insultants, non seulement pour moi, mais encore pour tous les homosexuels et les lesbiennes du pays. Le fait d'être accusés d'immoralité. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je n'ai pas entendu la députée faire allusion à vous personnellement. Qu'on me corrige si j'ai tort.

Mme Skoke: Devant le comité de la justice, le 17 novembre 1994, le ministre de la Justice a dit ceci:

Mais la deuxième raison, qui est probablement aussi la plus importante, est que le Parlement et la loi ont pour objectif de permettre aux législateurs d'adhérer à un principe, de donner l'exemple et de proclamer les valeurs qui doivent nous guider en tant que nation.
Quel que soit le point de vue que nous avons au sujet de ces valeurs, le projet de loi énonce les valeurs et les opinions du gouvernement en cette matière.
Je me permets de ne pas partager l'avis du ministre de la Justice à cet égard. J'affirme avec certitude que l'article 718.2 ne reflète pas les principes et les valeurs de la majorité des Canadiens. Au 6 juin 1995, la Chambre avait reçu plus de 83 000 signatures sur des pétitions directement liées à l'expression «orientation sexuelle». Depuis le 20 septembre 1994, j'ai reçu à mon bureau plus de 10 000 lettres manuscrites, télécopies et appels téléphoniques confirmant les opinions, les valeurs, les principes et la moralité de nos Canadiens.

Les médias peuvent témoigner de l'intérêt manifesté à l'égard du projet de loi C-41 sur la question des principes, des valeurs et de la moralité. Tous les Canadiens parlent du projet de loi C-41 et de ses graves répercussions. On en parle dans les émissions-débats, à la radio, à la télévision, dans les journaux, dans les magazines. Les Canadiens ne sont pas prêts à acquiescer en silence à un changement législatif qui aura une incidence sur leur droit à la liberté de parole, d'expression, d'opinion, de croyance et de religion et, ce qui est plus important encore, sur leur droit de jouir de toutes ces libertés ouvertement sans craindre l'intimidation, la coercition ou l'imposition de sanctions criminelles.

L'article 718.2 fait partie du Code criminel du Canada. Que la question du but du droit pénal soit abordée du point de vue du châtiment ou du point de vue de l'utilitarisme, il est important de comprendre que la nature fondamentale des sanctions prévues dans le droit pénal est punitive. Le droit pénal et le système de


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justice pénale sont l'aboutissement des coutumes, croyances et institutions officielles et non officielles liées au contrôle social en ce sens qu'ils représentent l'intervention coercitive ultime de l'État dans la vie des citoyens.

En termes simples, la sanction criminelle prévue à l'article 718.2 aura pour effet ultime d'élever le critère de la tolérance à un niveau plus élevé où les Canadiens seront obligés non seulement de tolérer les homosexuels et le style de vie qu'ils ont choisi, mais aussi d'accepter et d'approuver l'homosexualité comme une pratique naturelle et morale.

Les Canadiens n'ont pas à accepter l'homosexualité comme une pratique naturelle et morale. L'homosexualité n'est pas naturelle; elle est immorale. Elle ne doit pas être approuvée.

(2050)

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Jusqu'à maintenant, je me suis bien gardé d'interrompre ma collègue Central Nova. Vous comprendrez cependant-et je veux une directive de votre part-que je prétends que d'associer l'homosexualité à quelque chose d'immoral porte atteinte à une composante importante de la société et que c'est non parlementaire. Je demande à la députée de Central Nova de. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je m'excuse, mais cela fait partie d'un débat.

M. Ménard: Est-ce que le mot «immoral» est acceptable, madame la Présidente?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Ces paroles ne sont pas adressées à quelqu'un en particulier.

[Traduction]

Mme Skoke: Madame la Présidente, la justice, le droit et la morale sont inséparables. Dans notre pays, le Canada, nous ne pouvons avoir de lois contraires à la justice et à la morale.

Le préambule de la Constitution canadienne, dans la Loi constitutionnelle, reconnaît la suprématie de Dieu et la primauté du droit. La reconnaissance de la suprématie de Dieu enchâsse la loi naturelle dans la Constitution et les lois de notre pays ne peuvent par conséquent enfreindre la loi naturelle. Si c'était le cas, elles seraient ultra vires ou inconstitutionnelles.

D'un point de vue strictement légal, l'article 718.2 comporte un vice de forme et est inconstitutionnel. Il soulève de nombreux points de droit qui demeurent sans réponse. Les mots haine et préjugés ne sont pas définis. La haine est une émotion et les préjugés sont des croyances. La Charte garantit la liberté de conscience, d'expression, d'opinion, de croyance et de religion.

En fait, lorsque le tribunal invoque l'article 718.2 pour déterminer si la motivation est fondée sur la haine ou les préjugés et s'il existe des circonstances aggravantes, je demande à cette honorable Chambre quel critère il faudra appliquer? Un critère subjectif ou objectif? S'il est subjectif, de la subjectivité de qui, de celle de la victime ou de celle de l'accusé?

Si l'orientation sexuelle fait partie de la liste qui figure à l'article 718.2, quelle est la définition juridique d'orientation sexuelle et comment quelqu'un peut-il déterminer l'orientation sexuelle d'une autre personne? Quel critère le juge appliquera-t-il? Ce critère sera-t-il fondé sur l'orientation sexuelle réelle de la victime ou sur celle qui est perçue? Où est-il dit, dans la législation canadienne, qu'une personne accusée peut être condamnée pour un crime sans avoir été préalablement inculpée, jugée et condamnée pour le crime en question?

L'article 718.2 est une disposition du projet de loi C-41 qui porte sur l'autorité de la chose jugée et est inconstitutionnel. Il a pour effet de condamner un individu pour une infraction motivée par la haine, sans que l'individu en question ait été inculpé en vertu des dispositions prévues dans le Code criminel pour de tels crimes. C'est inacceptable au Canada. Cela contrevient à la Charte qui garantit au citoyen le droit d'être inculpé pour une infraction connue en droit canadien et d'être jugé conformément aux principes fondamentaux de justice.

L'article 718.2 enfreint les dispositions de la Charte en matière d'équité, en particulier l'article 15 qui stipule que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous. La liste des facteurs dont il est question à l'article 718.2 crée une iniquité de droit qui ne doit pas être tolérée. Étant donné que la loi ne fait aucune acception et s'applique également à tous, une liste de catégories est inutile et restrictive.

Le député d'Ontario a proposé un amendement afin de supprimer cette liste. J'appuie les motions nos 7 et 8. Je suis contre le fait d'inclure les termes «orientation sexuelle» dans le projet de loi C-41 ou dans toute autre mesure législative fédérale. Je demande à la Chambre d'appuyer ma position en votant en faveur de mon amendement, la motion no 13, qui exclue l'expression «orientation sexuelle» de l'article 718.2.

En outre, je demande à la Chambre de soigneusement réfléchir à l'article 718.2 afin d'examiner sa validité sur le plan constitutionnel et son impact sur les garanties prévues dans la Charte pour tous les Canadiens. La motion no 6, dont est saisie la Chambre, est un amendement général au projet de loi C-41 qui aura pour effet de supprimer l'article 718.2, en partie, et que je demande à la Chambre d'appuyer.

Pour terminer, je ne puis appuyer une mesure législative fédérale qui renfermerait les termes «orientation sexuelle», surtout dans le Code criminel du Canada. Le faire serait se servir d'une sanction prévue pour les actes criminels afin d'accorder un statut spécial aux homosexuels et une reconnaissance juridique à un groupe de notre société qui mine et détruit les valeurs, les principes et les moeurs des Canadiens.


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(2055)

Ces 25 dernières années, le Parlement a empiété sur les droits inviolables qui sont inhérents à la famille, le droit à la vie et le droit de l'église. L'article 718.2 n'en est qu'un autre exemple.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Madame la Présidente, il est difficile de savoir par où commencer pour répondre aux remarques de la députée qui vient de parler. Étant donné que je fais partie de ceux qu'elle accuse de chercher à ébranler et à détruire la société canadienne, de ceux qu'elle décrit comme immoraux et contre nature, en ma qualité de membre de cette communauté gaie et lesbienne qu'elle a calomniée...

M. Wappel: Madame la Présidente, j'invoque l'article 18 du Règlement qui stipule que nul député ne doit se servir d'expressions offensantes à l'égard d'un autre député. Le député vient d'accuser la députée de Central Nova de l'avoir calomnié. Il s'agit d'une accusation directe contre une députée. Je vous demande de rappeler le député à l'ordre.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je demanderai au député de bien vouloir retirer ses remarques.

M. Robinson: Madame la Présidente, la députée avait clairement mentionné une communauté. En répondant. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'article du Règlement est très précis. Je vous prierais de bien vouloir retirer vos paroles, car elles s'adressaient directement à la députée.

M. Robinson: Madame la Présidente, je retire toute allusion personnelle à la députée, mais en ce qui concerne le point. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Très bien, je vous remercie.

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Vous savez que lorsqu'on participe à un débat, on a évidemment la responsabilité des paroles que l'on porte. Je sais que comme chacun des députés de cette Chambre, vous êtes éminemment très sensible aux paroles qui sont rapportées.

Je veux juste comprendre votre décision et soumettre à votre attention que ce que le collègue a mentionné lors des préliminaires de son débat sont des paroles qui ont été effectivement prononcées. Si vous me le permettez. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre. J'ai déjà rendu une décision concernant le recours au Règlement. Le député a référé directement à un député de cette Chambre, ce qui ne se fait pas, tandis que l'autre député a référé à un groupe quelconque dans la société.

[Traduction]

M. Robinson: Madame la Présidente, ce qui se produit signifie, de toute évidence, que, si un député devait profiter d'un débat pour accuser la communauté noire d'être immorale, contre nature et préjudiciable pour la famille et les valeurs canadiennes, un député à la Chambre qui serait par hasard noir et qui ferait partie de cette communauté ne pourrait pas répondre. C'est ce que dit la Présidente. La Présidente affirme que si un député à la Chambre devait se lever. . .

M. Nunziata: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. le député de Burnaby prétend être opposé à la haine, mais il semble vouloir plutôt la répandre. Je veux simplement dire qu'il conteste l'autorité de la présidence. Vous avez rendu votre décision et il persiste à remettre votre autorité en question. S'il n'est pas prêt à respecter les règles. . .

M. Robinson: Madame la Présidente, je veux que la motion que je présente à la Chambre soit parfaitement claire. Mais avant d'aller plus avant, je tiens à dire que j'appuie fortement les principes qui servent de fondement à l'article 718.2 du projet de loi. Je trouve particulièrement troublant qu'une députée puisse déformer autant la réalité sous-jacente à cet article en présentant des arguments contre cette disposition.

Il a été suggéré, par exemple, que cet article pourrait être appliqué même en l'absence d'une condamnation. C'est ce qu'a dit la députée de Central Nova. L'article 718.2 entre en jeu seulement dans la détermination de la peine. La députée est avocate. Je suppose qu'elle sait que la détermination de la peine vient seulement après la condamnation. Que ce soit clair.

(2100)

Mme Skoke: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Si le député veut citer mes propos, il serait important qu'il cite exactement ce que j'ai dit, au lieu de me paraphraser. De toute évidence, il n'a pas compris le contexte de mon intervention, et je pense que c'est important.

M. Robinson: Madame la Présidente, les propos de la députée sont révélateurs et les distorsions qu'ils renferment sont également révélatrices.

Aucun des partisans de ce projet de loi ne cherchent à obtenir des droits ou des privilèges spéciaux, pas plus que ceux qui sont en faveur d'une mesure législative modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ne cherchent à obtenir des droits ou des privilèges spéciaux.

Il y a des groupes dont les membres sont la cible d'attaques pour la simple raison qu'ils sont facilement reconnaissables. Les homosexuels font partie de ces groupes.

Le Comité de la justice chargé d'étudier le projet de loi C-41 a entendu le touchant témoignage de deux homosexuels qui se promenaient tranquillement à Toronto, près de l'angle des rues Church et Welsley, lorsqu'ils ont été attaqués et roués de coups par des voyous armés de tessons de bouteilles de bière. Ils n'ont pas été attaqués parce qu'ils étaient gros. Ils ont été attaqués parce qu'ils étaient homosexuels. C'est à cela que la mesure législative essaie de répondre.


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Le député de Scarborough-Ouest demande comment ils savaient cela. C'est une très bonne question. C'est précisément la raison de l'amendement qui fait l'objet de la motion no 10, parce que, en réalité, les agresseurs ont supposé qu'il s'agissait de deux homosexuels. Ils ont pensé qu'ils étaient homosexuels parce qu'ils se promenaient dans un quartier où il y a une communauté homosexuelle importante.

C'est pour cela qu'il est essentiel que cette mesure législative réponde non seulement à la question de l'orientation sexuelle, mais aussi à la présomption, car il est tout aussi grave de s'attaquer à une personne que l'on pense être juive ou homosexuelle que de s'attaquer à une personne qui l'est réellement. En fait, un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le comité ont déclaré clairement que la perception de la victime soit inclue dans la mesure législative. C'est le but de mon amendement.

Comme le mentionnait le mémoire de l'unité de la Police régionale d'Ottawa-Carleton chargée des crimes orientés, Alain Brosseau, un serveur qui travaillait de nuit au Château Laurier, traversait le parc Major pour se rendre chez lui, lorsqu'il a été attaqué par un groupe de personnes qui pensaient qu'il était homosexuel, et l'ont tué en le jetant du haut du pont. C'était tout aussi grave, et cette mesure législative devrait refléter la gravité de ce fait. C'est ce que faisait ressortir B'nai Brith, tout comme le Centre recherche-action sur les relations raciales et de nombreux autres témoins.

Il est important de comprendre que cette mesure législative ne donne pas de privilèges particuliers. J'aimerais bien que les Juifs ne fassent pas l'objet d'attaques antisémites. J'aimerais bien aussi que les homosexuels, hommes et femmes, ne soient pas l'objet d'attaques homophobes, comme le disait le ministre de la Justice.

Samedi soir à Vancouver, certains de mes amis prenaient tranquillement une tasse de café au Edge Restaurant quand une bande de voyous est entrée et a commencé à s'en prendre à eux, les traitant de tapettes, les tabassant et leur fracturant les bras. Ce crime porte atteinte non seulement aux personnes ainsi malmenées mais également à toute une collectivité qui a raison de craindre le pire. Voilà pourquoi il est si important de modifier le droit criminel dans le sens où on le propose ici.

(2105)

Cette mesure législative est très importante. Il est également important que l'on comprenne le genre d'attitudes qu'a exhibé la députée de Central Nova. Selon le député de New Westminster-Burnaby, l'homophobie n'est pas vraiment un problème parce qu'il ne s'agit que d'un groupe marginalisé, les skinheads, qui s'en prend à un autre groupe marginalisé ou bien ce sont des gays qui en tabassent d'autres. C'est le genre d'attitudes qu'il faut combattre.

Cette mesure législative nous est indispensable. Je tiens à féliciter ceux qui l'ont proposée. Je félicite également le service de police d'Ottawa pour le rôle de chef de file qu'il assume en la matière. J'espère que la Chambre rejettera le message de ceux qui n'acceptent pas encore l'idée d'égalité et qu'elle proposera la mesure législative qui s'impose pour que les crimes haineux soient punis comme il se doit dans notre société.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-41.

Je voudrais me pencher le plus objectivement possible sur l'article 718.2. Cet article a attiré plus l'attention que tout autre aspect du projet de loi. Il y a, en quelque sorte, une réaction brutale qui fait apparaître de nombreuses réserves parmi un certain nombre de Canadiens. On dit souvent de cette mesure que c'est un projet de loi sur les crimes haineux. Ce projet de loi, qui porte sur la détermination de la peine, comprend quelque 60 ou 70 pages et renferme un large éventail de modifications importantes pour nous guider dans cette opéartion.

Comme un certain nombre de députés qui sont intervenus avant moi l'ont signalé, l'article 718.2 attire l'attention. Il stipule que:

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants:
a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant:
(i) que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle,

(ii) que l'infraction perpétrée par le délinquant constitue un abus de la confiance de la victime ou un abus d'autorité à son égard;

En termes clairs, l'article 718.2 dit essentiellement que lorsqu'une personne est condamnée pour un crime, avant de lui imposer une peine, les tribunaux doivent évaluer s'il y a ou non des circonstances aggravantes.

À l'heure actuelle, dans le projet de loi, il y a deux catégories de circonstances de ce genre. La première porte sur les préjugés et la haine et on élabore là-dessus en ajoutant une liste pour plus de certitude. En d'autres termes, si ces préjugés ou cette haine sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle, il faut une peine plus sévère.

La deuxième circonstance aggravante concerne l'abus de confiance ou d'autorité. L'abus de confiance s'appliquerait, par exemple, au cas d'un médecin par rapport à son patient, d'un enseignant par rapport à un étudiant ou d'une gardienne par rapport à un enfant. On peut parler de position d'autorité lorsqu'un enfant prend soin d'une personne âgée ou que des parents élèvent un enfant.

Ce qui fait que ce projet de loi et cet article attirent tellement l'attention réside dans le fait que cette liste de ce qui peut motiver les préjugés et la haine est identique à celle qui figure dans la Charte canadienne des droits et libertés. En fait, les seuls mots que l'on a ajoutés à la liste sont «orientation sexuelle», une expression qui a contribué à centrer énormément l'attention sur cet article. C'est l'une des raisons qui font que le projet de loi a alimenté les discussions de part et d'autre et que l'on a entendu les commentaires concernant l'orientation sexuelle.


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(2110)

Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus. Je tiens à dire que les préoccupations qui ont été exprimées dans ma collectivité, car j'ai reçu un très grand nombre de lettres, montrent que nous sommes tous fondamentalement égaux en vertu des lois et que, s'il y a une liste, cela laisse entendre que certaines personnes ne figurent pas sur la liste. Si ce que dit notre charte est vrai, les mots «préjugés ou haine» devraient suffire. Partant de ce principe, je vais appuyer la motion qui a été présentée à l'étape du rapport en vue d'éliminer cette liste.

Je tiens à parler brièvement de la motion que j'ai moi-même présentée pour ajouter une troisième circonstance aggravante à celle des préjugés ou de la haine et à celle de l'abus d'autorité.

Selon l'étude que Statistique Canada a réalisée en 1993 sur la violence faite aux femmes, 29 p. 100 des femmes, c'est-à-dire 2,7 millions de femmes, qui ont été mariées ou qui ont vécu avec un conjoint de fait ont été agressées, physiquement ou sexuellement, par leur partenaire à un moment donné de leur relation. Nous sommes tous au courant des problèmes graves et des conséquences négatives que cela entraîne, non seulement pour les personnes concernées, mais pour la société dans son ensemble. En fait, nous sommes tellement renversés par les statistiques tragiques et les demandes d'aide, depuis tant d'années, que j'ai bien peur que nous ne soyons devenus insensibles à la gravité du problème.

Pour ces raisons, j'ai présenté, à l'étape du rapport, la motion no 16, qui demande à la Chambre d'envisager d'imposer des peines plus sévères lorsqu'il y a abus du conjoint. Cela a été assez long. La motion a été présentée en avril. Il a fallu beaucoup de temps pour que l'idée fasse son chemin auprès des représentants de la justice et qu'elle soit examinée par les collègues des différents partis représentés à la Chambre.

Je suis heureux d'annoncer à la Chambre que, par suite de la présentation de cette motion et en raison de l'appui que j'ai reçu de tous les partis de la Chambre, le ministre de la Justice a accepté de considérer la situation où il y a abus d'un conjoint comme une circonstance aggravante faisant l'objet d'une peine plus sévère. Je pense que le fait que l'on arrête de simplement appuyer moralement les femmes et les enfants maltraités et que l'on commence à prendre des mesures législatives concrètes sur la question de l'abus exercé par un conjoint constitue un moment très important pour la Chambre.

La Chambre examinera la motion no 17 que le ministre a présentée avant d'examiner la motion no 16 que j'ai présentée. J'appuierai la motion no 17. Je pense qu'elle reprend l'intention de ma motion.

Je remercie le ministre de la Justice et ses représentants, ainsi que tous les députés de la Chambre. Je suis sûr que toutes les femmes du Canada voudraient les remercier de l'appui qu'ils portent aux femmes victimes de mauvais traitements.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je ne dispose que de dix minutes pour parler de treize propositions d'amendement très intéressantes, qui, comme nous avons pu le constater depuis le commencement du débat, suscitent des sentiments animés. Malheureusement, comme je dispose de peu de temps, je devrai me limiter à mes propres propositions d'amendement.

J'appuie la motion no 6 inscrite au nom de la députée de Central Nova, pour les raisons juridiques et morales qu'elle a invoquées dans son discours. Si la Chambre décide de ne pas appuyer cette motion, j'appuie certainement les motions nos 7 et 8 inscrites au nom du député d'Ontario, pour les raisons qu'il a fait valoir dans son excellent discours.

(2115)

Si la Chambre ne devait adopter aucune de ces motions, il reste l'article 718.2, qui contient l'expression «orientation sexuelle». Dans ce cas, deux choses peuvent se produire. Ou l'expression «orientation sexuelle» ne serait pas définie, ou elle pourra l'être par la Chambre en vertu d'un des amendements que j'ai proposés.

On peut donc s'interroger sur la nécessité d'une définition, et c'est ce dont je vais parler pendant le temps qu'il me reste. Examinons certains faits, non pas des mots mais des faits.

Fait no 1: Ce serait la première fois que l'expression «orientation sexuelle» figurerait dans une loi fédérale.

Fait no 2: Cette expression n'est définie dans aucun dictionnaire juridique ou autre.

Fait no 3: Aucun tribunal canadien n'a encore défini cette expression. Elle est mentionnée en passant dans quelques notes de bas de page ou dans les commentaires de quelques juges, mais l'expression n'a jamais fait l'objet d'une interprétation éclairée au Canada.

Nous avons demandé au ministre ce que signifie l'expression orientation sexuelle. Lorsqu'il a comparu devant le comité de la justice le 17 novembre 1994, le ministre a déclaré que l'expression comprenait l'homosexualité, l'hétérosexualité et la bisexualité. Si c'est le cas, c'est précisément ce que propose la motion no 11, dont je suis l'auteur. Elle propose de déclarer que l'orientation sexuelle signifie exactement ce que le ministre de la Justice a dit, à savoir l'homosexualité, l'hétérosexualité et la bisexualité. Il importe de préciser que l'expression ne comprendrait rien d'autre que la définition proposée par le ministre.

Il est intéressant de noter que presque toutes les juridictions du monde où j'ai remarqué l'utilisation de l'expression «orientation sexuelle», ou de toute expression semblable, en définissent le sens. Ici, au Canada, nous nous butons à une telle résistance à l'idée de donner une définition légale à cette expression qu'on n'a jamais pu l'employer dans une loi. Il semble que ce problème n'existe pas dans certains autres pays.

Examinons, par exemple, le cas de la Californie, dont la population est plus importante que celle de tout le Canada. On y définit l'orientation sexuelle comme étant l'hétérosexualité, l'homosexualité ou la bisexualité, point. C'est exactement ce que le ministre de la Justice a dit, et exactement ce que prévoit la motion no 11, dont je suis l'auteur.

Oublions les lois, maintenant. Qu'en est-il de la réglementation de notre Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes? Même cet organisme établit une certaine définition de l'orientation sexuelle, qui dit: «L'orientation sexuelle n'englobe pas l'inclination vers des activités ou des actes sexuels qui constitueraient une infraction en vertu du Code criminel.» Qui pourrait contester cela? En fait, cela constitue une définition par l'expression de ce que ce n'est pas. La motion no 11 constitue une définition de ce que c'est.


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Prenons l'exemple du district de Columbia. L'orientation sexuelle y est définie comme l'homosexualité, l'hétérosexualité ou la bisexualité mâle ou femelle-et, je le souligne pour le député de Burnaby-Kingsway-en préférence ou en pratique. Quoi qu'il en soit, c'est défini dans la loi. C'est ce qui compte.

Parlons enfin de l'Australie. Nous avons parlé des États-Unis. Passons donc à l'Australie et à sa loi sur l'égalité des chances. Cette loi prévoit la disposition suivante: «Il est illégal d'exercer de la discrimination pour des motifs d'ordre sexuel. La sexualité est définie comme étant l'hétérosexualité, l'homosexualité, la bisexualité ou la transsexualité.» Ma motion traite de tous ces points sauf de la transsexualité.

Toutes ces juridictions définissent l'expression. Ce que je dis, c'est que nous devrions aussi la définir. Que se passe-t-il autrement? L'expression non définie «orientation sexuelle» peut-elle prendre un autre sens que celui que lui a donné le ministre?

(2120)

Examinons les témoignages présentés au comité. Le Dr Greenberg, qui est membre du comité d'examen de la politique auprès de l'Association canadienne de justice pénale et également psychiatre à l'un des hôpitaux d'Ottawa, a répondu en ces termes à une question que je lui ai posée: «L'orientation sexuelle est un terme descriptif. Ce terme définit essentiellement ce qui attire une personne vers un stimulus. Autrement dit, c'est une boussole, c'est ce qui oriente une personne vers un stimulus particulier. Autrement dit, c'est le stimulus qui éveille l'appétit sexuel de la personne.» J'ai demandé: «Alors, selon vous, la nécrophilie serait une orientation sexuelle?» Le Dr Greenberg a répondu: «Une forme déviante d'orientation sexuelle.»

La liste se poursuit. L'Association canadienne de psychologie a dit ceci: «Ce n'est pas à nous de dire si, dans les tribunaux, cette expression le serait»-c'est-à-dire, interprétée-«mais l'orientation sexuelle est certes une composante clé et fondamentale de la pédophilie.»

Ce n'est pas le député de Scarborough-Ouest qui parle, mais le Dr Stephen J. Wormith, président de la section de psychologie et de justice pénale de l'Association canadienne de psychologie. C'est ce qu'il dit, si l'expression n'est pas définie.

Nous avons beaucoup d'autres citations que j'ai fait circuler parmi tous les députés de la Chambre. Si ces témoins ne sont pas d'accord pour dire que l'orientation sexuelle ne signifie pas ce qu'a dit le ministre, que feront les tribunaux? Ils ne sont pas responsables devant les Canadiens. Je ne veux pas courir ce risque. Il incombe à la Chambre, et non aux tribunaux, de définir les expressions.

Curieusement, toutes les autres caractéristiques énumérées à l'article 718.2 sont définies. Race, origine nationale ou ethnique ont été définies. C'est intéressant que toutes les caractéristiques énumérées dans l'article 712.8 ont été définies: les termes «langue», «couleur», «religion», «sexe», «âge» et «déficience mentale ou physique». Ces termes sont tous définis dans la loi.

La seule expression qui n'ait pas été définie au Canada, c'est l'orientation sexuelle. Pourquoi? Le ministre a soutenu qu'une telle définition serait offensante. C'est la raison qu'il a donnée pour ne pas définir une expression qui, d'après les témoins, peut inclure la nécrophilie, la pédophilie, la scoptophilie et autres attractions du genre. Ces témoins n'étaient pas des députés, mais de véritables spécialistes qui ont comparu devant le Comité de la justice.

Pour qui cette définition serait-elle offensante? Certainement pas pour les électeurs de Scarborough-Ouest. D'après un sondage que j'ai effectué, 72 p. 100 de mes électeurs veulent que l'expression «orientation sexuelle» soit définie avant de l'insérer dans une loi fédérale. Je ne connais personne qui s'en formaliserait.

Si nos lois sont rédigées selon le critère de l'offense, nous avons dû offenser profondément de nombreux propriétaires d'armes à feu en adoptant tout à l'heure le projet de loi C-68. Cette mesure est offensante. On ne peut rédiger des mesures législatives en se demandant si elles seront offensantes ou non. On le fait en se fondant sur les notions du bien et du mal. La rédaction s'effectue selon les règles établies et on fournit des définitions.

Je demande à la Chambre de bien vouloir définir l'expression «orientation sexuelle», si elle doit demeurer.

M. Russell MacLellan (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, ce débat est passionnant. J'ai écouté les échanges très attentivement.

Je suis consterné de voir que la question de l'orientation sexuelle a pris une telle importance dans l'étude du projet de loi C-41. Comme il a été signalé plus tôt, il s'agit d'un projet de loi de 70 pages qui porte surtout sur la détermination de la peine. Ce sont des mesures que nous souhaitons depuis un certain temps. Le projet de loi comprend d'excellentes dispositions dont notre société a grand besoin, notamment en ce qui concerne notre système de justice pénale.

(2125)

Tout le débat semble tourner autour d'un petit article. Ce n'est même pas un article entier, mais seulement une infime partie. Ce sont les mots «orientation sexuelle» qu'on trouve à l'article 718.2.

Le député de Scarborough-Ouest a fait beaucoup de recherche là-dessus, et je l'en félicite. Il dit qu'il faudrait définir l'expression «orientation sexuelle». Il fait remarquer que les autres éléments, comme la race, la couleur et le sexe, sont définis. Mais ils ne sont pas définis dans le projet de loi. Ils sont peut-être définis, mais pas ici, parce que ce sont des termes accessoires dans le projet de loi.


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L'objet du projet de loi est la détermination de la peine. D'où son titre. Le projet de loi n'accorde de droits à personne en fonction de la race, de la religion, de la langue ou de l'orientation sexuelle. Aucune catégorie en particulier n'obtient de nouveaux droits.

Ce que nous disons, c'est que, si une personne est agressée et qu'on peut prouver qu'elle a été agressée à cause de son sexe, de sa religion, de sa langue ou de son orientation sexuelle, comme les exemples que le député de Burnaby-Kingsway a donnés de personnes qui se rendent dans un restaurant et disent: «On va faire leur fête à ces pédés», il existe une preuve qu'il y a eu agression pour cette raison. Comme c'est là le motif, c'est une question de préjugé ou de haine fondée sur une caractéristique quelconque. Si les agresseurs sont poursuivis et trouvés coupables, une peine leur sera imposée et, pour déterminer la peine, on se demandera si la motivation du crime était un préjugé ou de la haine fondés sur la langue, la religion ou l'orientation sexuelle. Si c'est bien le cas, la peine sera plus lourde.

Un député dit que nos tribunaux s'attardent déjà à cette question. Pourquoi alors, vous demandez-vous, ces principes figurent-ils dans le projet de loi? C'est que la loi n'est pas appliquée de façon uniforme d'un bout à l'autre du pays, mais différemment d'une province à l'autre. Nous voulons qu'on l'applique uniformément car, comme des députés l'ont dit, la haine et les préjugés sont des termes, des principes et des maux pénibles qui se glissent dans des actions hostiles et désagréables dans notre société. Nous voulons donc que la loi s'applique uniformément d'un bout à l'autre du pays.

Pourquoi, si nous voulons inscrire ces principes dans la loi, devons-nous le faire en ces termes? Nous devons utiliser des termes comme religion, langue, sexe et orientation sexuelle parce que la Cour suprême du Canada a déclaré, dans ses décisions dans les affaires Zundel et Keegstra, qu'elle devait savoir ce que entendons par haine. De quoi s'agit-il quand nous parlons de haine? S'agit-il de haine fondée sur l'orientation sexuelle, la religion ou la langue, ou s'agit-il de haine poussant une personne à en tabasser une autre parce qu'elle n'aime pas les Canucks de Vancouver ou les Maple Leafs de Toronto? S'agit-il de ce genre de haine? La haine peut servir de tant de façons.

Nous voulons définir ce que nous entendons par haine, et de quoi nous voulons parler quand nous nous adressons aux tribunaux en invoquant ce principe. Nous fournissons donc des exemples, mais sans limiter le phénomène. Nous stipulons en effet «des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle». Nous ne disons pas que la haine peut se fonder sur n'importe quoi; nous parlons d'un facteur qui a un rapport avec les termes que nous avons énumérés dans cette liste.

(2130)

Nous ne donnons pas du tout de nouveaux droits. Le projet de loi ne définit pas l'expression «orientation sexuelle», parce que l'orientation sexuelle n'est pas l'un des principes qui sous-tendent cette mesure législative. Le pire qui peut se produire, parce que cette expression n'est pas définie, c'est que quelqu'un comprenne mal ce que veut dire «orientation sexuelle» au moment de déterminer la peine.

Si l'on veut définir l'orientation sexuelle, il faudrait insérer cette définition dans la Loi sur les droits de la personne. Voilà où cette définition trouverait son sens, et non dans un projet de loi sur la détermination de la peine.

Dans la motion no 10, le député de Burnaby-Kingsway propose de modifier le projet de loi. Au lieu des facteurs tels que la race, l'origine nationale, la religion, la langue ou l'orientation sexuelle, le député veut que nous disions «des facteurs-réels ou perçus-tels que la race» et ainsi de suite.

On n'a pas besoin d'ajouter cette précision, parce que la perception ne correspond pas à un facteur. Si une victime est agressée à cause de sa langue, de son orientation sexuelle ou de sa race, il n'importe pas, au moment de la détermination de la peine, que la victime parle réellement cette langue, ait réellement cette orientation sexuelle ou appartienne vraiment à cette race. Le facteur dont il faut tenir compte, c'est que l'infraction a été motivée par des préjugés ou de la haine. Que la victime ait été mal perçue, cela n'a guère d'importance. La peine est déterminée en fonction du motif du crime.

Si l'inculpé est reconnu coupable d'une infraction motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la langue, l'orientation sexuelle ou la religion, peu importe que la victime corresponde ou non à l'image que s'était faite l'attaquant, il reste que le crime était motivé par de la haine et que le contrevenant sera condamné à une peine plus sévère. Ce qui importe, ce n'est pas que la victime ait été bien ou mal perçue, mais bien le motif clairement énoncé qui a incité le contrevenant à commettre l'infraction.

Ce projet de loi est bon. Nous ne nous laissons pas distraire par divers facteurs. Toutes les dispositions du projet de loi sont importantes, mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est l'objectif et les possibilités de ce projet de loi.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je souhaite signifier dès le début qu'il me sera impossible d'appuyer les amendements proposés par le député de Scarborough-Ouest et par la députée de Central Nova qui, évidemment, ne va pas s'en surprendre. Je veux commencer mon intervention en disant ce que me rappelait un professeur de psychologie qui m'a beaucoup marqué. Il partait de la prémisse de base que la sexualité est quelque chose de multiple et il nous rappelait que lorsqu'on est bien dans sa sexualité, on n'a pas besoin de dénigrer celle des autres, si elle est différente.

Je veux me désoler ce soir que certains collègues, dont je me dois évidemment, sur le plan parlementaire, de respecter les propos, ont pu tenir des propos qui, à mon point de vue, étaient pour le moins très peu respectueux d'un certain pluralisme sexuel dont il faut prendre acte. Ce qui me désole le plus et là où je ne comprends pas le sens des amendements qui sont présentés par certains collègues, c'est est-ce qu'il est trop demander à certains parlementaires d'admettre, de comprendre, qu'en 1995, il y a encore des gens dans la société qui se font molester, qui se font battre, qui vivent des sévices pour le seul fait qu'ils sont homosexuels en apparence ou dans les faits?


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(2135)

C'est à cela que veut s'en prendre le projet de loi à l'étude présentement. Je ne comprends pas que des parlementaires, qui sont des gouvernants, qui ont une voix publique, ne puissent admettre ce constat qui est pourtant empiriquement admis et scientifiquement révélé.

Je vous en donnerai comme preuve le fait qu'il y a deux ans, le gouvernement du Québec, qui a été le premier gouvernement au Canada à reconnaître que l'on ne pouvait pas discriminer sur la base de l'orientation sexuelle, a mandaté la Commission québécoise des droits de la personne, une instance publique, crédible, pour investiguer sur la violence faite aux gais. C'était là le mandat spécifique de cette commission. On peut penser que si un pouvoir public prend la peine de mandater une commission, c'est qu'il y a effectivement dans la société des phénomènes de violence qui se manifestent.

Cette commission, qui a fait plusieurs recommandations, partait d'une cinquantaine de témoignages de gais, jeunes et moins jeunes, qui ont été molestés-je vous le rappelle, je pense que c'est important de le dire-qui ont été molestés simplement parce qu'ils étaient gais. Il faut être drôlement obtus, sectaires et écervelés pour ne pas comprendre, en tant que parlementaires, que c'est une réalité à laquelle il faut s'attaquer.

Qu'est-ce qui dérange tant les opposants à ce projet de loi? Évidemment, on pourrait se questionner sur leurs fantasmes, mais on ne le fera pas. On s'en tiendra spécifiquement à la question de fond. Qu'est-ce qui, juridiquement, dérange les parlementaires?

Avec tout le respect que j'ai pour le député de Scarborough-Ouest ou la députée de Central Nova-qui, vous en conviendrez, lorsqu'elle parle d'homosexualité, ne fait pas dans la dentelle, c'est le moins qu'on puisse dire-je n'ai pas entendu ni l'un ni l'autre nous donner un exemple qui, sur le plan de la jurisprudence et en toute rigueur, pourrait être retenu.

J'aurais eu pas mal plus de respect, quoique j'en conserve, par votre intermédiaire, pour la députée de Central Nova ou le député de Scarborough-Ouest, s'il s'étaient levés et, en toute intelligence, nous avait donné un fait sur le plan jurisprudentiel où il y un rapprochement à faire entre le fait qu'on reconnaîtra que l'on ne peut pas molester les gais et un éventuel rapprochement à la pédophilie.

C'est ce qui les dérange. C'est ce qui leur fait peur. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le député au cours d'un échange en comité parlementaire. Mais aucun parmi eux n'a pu faire de rapprochement entre ce que propose l'article 718.2 et ce qu'ils anticipent personnellement comme parlementaires.

Il faut se le dire, ceux qui sont dérangés par l'expression d'une différence aussi légitime qu'ancienne, ceux qui sont dérangés par l'expression d'une différence au niveau du vécu sexuel, sont des gens-et le fait qu'ils soient parlementaires n'y change rien-dont on peut questionner le caractère sain et équilibré de leur sexualité.

Ce qui est inquiétant, et je pense qu'il faut saluer le courage du ministre de la Justice, c'est qu'on n'a pas l'obligation, en tant que parlementaires, de se réclamer de l'une ou l'autre morale. Quand on n'a qu'un argument moral à mettre sur la table, quand, en tant que députés, on ne peut que se lever et parler de dévotion, de religion, de famille, c'est parce qu'on n'a pas grand-chose à dire sur le plan juridique.

Je respecte beaucoup les gens qui peuvent être animés par un sentiment religieux. Je respecte beaucoup les parlementaires de cette Chambre qui s'emploient, d'une manière ou d'une autre, à vouloir perpétuer la famille, dusse-t-elle être traditionnelle.

Mais de grâce, qu'on ne vienne pas nous dire que parce que l'on veut faire en sorte de protéger un groupe spécifique de gens qui vivent un phénomène de violence à tous les jours, parce le législateur veut faire en sorte que le fait de molester les gais simplement à cause de leur orientation sexuelle soit pris en compte dans la détermination de la sentence, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on veut remettre la famille en cause.

(2140)

Moi je suis issu d'une famille traditionnelle, d'un père qui s'appelle Claude, qui a 55 ans, d'une mère qui s'appelle Thérèse, qui en a 60. J'ai un frère jumeau qui a le même bagage héréditaire que moi, j'ai un frère qui est policier, personne n'est parfait, j'ai un frère aîné et je suis issu d'une famille traditionnelle. On ne peut plus traditionnelle que ça, avec un père pourvoyeur, une mère à la maison et cinq enfants qui ont vécu les mêmes types d'influence.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Et un fils comédien.

M. Ménard: Le député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine me fait un compliment que je me dois quand même de relever. Je veux dire que ce n'est certainement pas avec le ferme propos de remettre en cause la famille traditionnelle ou la famille alternative que, en tant que législateurs, on veut s'assurer que les phénomènes de violence prennent fin. Et je ne peux pas accepter ce genre d'argument.

Le député de Scarborough-Ouest a commis, j'imagine bien involontairement, une erreur d'appréciation lorsqu'il nous dit qu'il n'y a aucune loi canadienne où on prend en compte l'orientation sexuelle. Le député de Scarborough-Ouest, en bon avocat intègre qu'il est, sait très bien que depuis un certain nombre d'années la Loi canadienne des droits de la personne doit être interprétée comme comprenant explicitement l'orientation sexuelle. Et enfin, il a fallu toute la détermination, la fougue et le militantisme d'un groupe comme ÉGALE pour nous rappeler et pour rappeler à chacun des députés, avec une pédagogie que je


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veux saluer, que depuis 18 ans que le courant jurisprudentiel existe, il n'y a en fait aucun rapprochement qui peut être fait entre ce que s'apprête à faire le législateur et toute autre espèce de perversion qu'un sans-gêne inacceptable a amené certains députés de cette Chambre à mentionner.

Il faut quand même le dire, il faut le rappeler: pourquoi est-ce que comme parlementaires on souhaite que les tribunaux, dans la détermination des sentences, soient amenés en prendre en compte, entre autres, l'orientation sexuelle? Et d'ailleurs le député de Scarborough-Ouest sait très bien qu'il n'y a aucun autre motif qui existe à l'article 718.2 qui est défini. Quelle est cette espèce d'entêtement obsessionnel à présenter des faits qui ne résistent pas à l'analyse?

Je veux terminer en disant ceci: Lorsque l'on sera dans une société que j'appelle de tous mes voeux, où à la fois les parlementaires, de quelque parti qu'ils soient, et la magistrature comprendront qu'on a une mission éducative à chaque geste que l'on pose, on sera dans une société où ce sera possible, et pour un homme public, et pour un homme de la vie privée, d'être gai, de vivre sa différence, d'être bien dans sa différence, sans pour autant faire l'objet de représailles physiques comme c'est malheureusement trop souvent le cas pour les membres de la communauté homosexuelle.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je tiens tout d'abord à féliciter des collègues qui ont participé à ce débat pour la teneur, le ton et la sagesse de leur intervention, à savoir les députés de Scarborough-Ouest et d'Hochelaga. Il est intéressant de constater que les tenants de deux positions aussi opposées arrivent aussi bien l'un que l'autre à faire valoir leur point de vue et à présenter leur argumentation.

Madame la Présidente, j'en ai tout simplement marre d'être victime de discrimination. Cela commence vraiment à me fatiguer. J'ai examiné ce projet de loi et j'ai vu qu'il n'y est nullement question des hommes d'âge moyen, blancs et catholiques à gros grains.

Pourquoi serait-ce un moindre délit de me laisser le crâne ouvert dans un fossé, même si je suis un député réformiste? Pourquoi serait-ce un délit moins grave que de laisser le crâne ouvert dans un fossé une personne de race noire, d'orientation homosexuelle ou présentant toute autre caractéristique humaine? Voilà pourquoi ce projet de loi me pose un problème. Toute la notion d'orientation sexuelle ne constitue ici qu'une fausse piste.

(2145)

À mon avis, si le gouvernement avait le courage de ses convictions en matière d'orientation sexuelle, il modifierait directement la Loi sur les droits de la personne au lieu d'essayer de faire adopter en douce cette modification-ci ou, comme l'a si bien dit le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, cette toute petite expression de seulement deux mots dans un projet de loi de 30 pages. Et le gouvernement se demande ensuite pourquoi les gens protestent.

Les gens protestent parce qu'il ne règle pas franchement cette question. Nous devons veiller à traiter franchement de toute cette notion d'orientation sexuelle, du moins à mon avis. La plupart des Canadiens et moi-même désapprouvons absolument toute discrimination contre qui que ce soit, y compris les homosexuels. Nous nous opposons tout autant à l'action affirmative fondée sur toute caractéristique humaine.

Toute cette notion de droits de la personne date du XVIe siècle et a évolué au sein des démocraties libérales occidentales. Elle constitue un important élément de la Déclaration américaine d'indépendance. Maintenant que nous avons en quelque sorte embrouillé les choses avec notre Charte des droits et libertés, toute cette question des droits de la personne est devenue confuse.

En tant qu'êtres humains, nous avons deux droits inaliénables: le droit à la vie et le droit à la liberté. Au-delà de ça, tous les droits qui nous sont conférés sont en fait des privilèges que nous accordent les autres membres de la société, pour une raison ou pour une autre.

Quand les gens se sont regroupés sous un pommier et qu'ils ont décidé d'avoir une sorte de gouvernement, ils ont accepté de renoncer à certaines libertés pour le bien de la collectivité afin de renforcer celles qui restaient. Ils ont confié au gouvernement la responsabilité de garantir ces libertés, d'assurer la sécurité et de maintenir la paix. Ils l'ont fait de leur plein gré, mais en tant qu'êtres humains.

Ils ne se sont pas regroupés sous un arbre comme hommes blancs, homosexuels, lesbiennes, femmes noires, hommes et femmes. Ils se sont regroupés et ont dit que, pour le bien commun, ils allaient établir des règles et maintenir l'ordre dans la société. Ils n'ont pas accordé de droits ou de privilèges particuliers à certains membres de la société. Quand ils se sont regroupés et ont décidé d'avoir un gouvernement, ils ont dit que c'était pour le bien commun.

Les choses ne fonctionnent pas toujours comme elles le devraient. Nous savons que, dans notre société, des gens sont victimes de discrimination. Nous savons intuitivement qu'il faut prévenir la discrimination. Nous avons d'ailleurs adopté des lois au fil des ans pour le faire. À l'avenir, s'il nous faut promulguer des lois pour prévenir la discrimination contre les personnes qui sont homosexuelles, bisexuelles ou lesbiennes, alors nous le ferons. Toutefois, n'ayons pas peur d'attaquer le problème de front.

Comme le disait mon collègue de Scarborough-Ouest, adopter des lois dont la nature est ambiguë parce que les mots «orientation sexuelle» n'y sont pas définis ne dit rien qui vaille du processus législatif.

Je conclus en adressant cette requête à tous les députés et aux Canadiens en général. Nous devons établir une distinction claire entre la prévention de la discrimination, qui est louable et que nous souhaitons tous, et l'action positive ou l'obtention de privilèges à cause de caractéristiques particulières, y compris l'orientation sexuelle. Il s'agit de deux idées et idéaux très différents qui ont été mêlés dans ce projet de loi, ce qui jette le discrédit sur celui-ci.


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(2150)

Je dirais que si le gouvernement a l'intention d'inclure la définition d'orientation sexuelle dans la Loi sur les droits de la personne, il devra présenter une mesure législative comme il l'a promis pendant la campagne électorale et dans son livre rouge. Il devra avoir le courage de ses convictions et le faire publiquement, honnêtement et honorablement, et ne pas essayer de le faire par la porte arrière comme c'est le cas ici.

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de faire d'autres remarques au sujet de cette mesure législative. J'ai parlé plus tôt de la disposition portant sur les mesures de rechange prévues dans le code. J'ai dit alors que j'étais contre la disposition qui permettrait aux procureurs généraux d'un bout à l'autre du pays d'utiliser leurs pouvoirs discrétionnaires pour ne pas poursuivre les personnes accusées de crimes graves. Je trouve cela plutôt contradictoire que, dans l'article que nous examinons actuellement, le projet de loi propose de traiter plus sévèrement les personnes qui commettent des crimes motivés par la haine, sachant qu'un tribunal pourrait fort bien retirer un contrevenant du système de justice pénale en invoquant les mesures de rechange.

Ce projet de loi ne porte pas sur l'orientation sexuelle. Il ne porte pas sur l'homosexualité. Franchement, ce que le député de Burnaby-Kingsway et le député d'Hochelaga-Maisonneuve font dans leurs chambres à coucher ne regarde qu'eux. Ce n'est pas là l'objet de cette mesure législative.

Il ne s'agit pas ici de déterminer si l'homosexualité est immorale ou non. Comme le député l'a mentionné, cette question est au coeur d'un vrai débat et ce débat n'aura lieu que lorsqu'un projet de loi visant à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne sera présenté à la Chambre. Le projet de loi C-41 est un projet de loi omnibus. En fait, il porte le nom de Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d'autres lois en conséquence.

Si on regarde l'index, on voit qu'il traite des mesures de rechange, de l'objectif et des principes de la détermination de la peine, des peines en général, de la procédure et des règles de preuve, du dédommagement, des condamnations à l'emprisonnement avec sursis, des amendes et confiscations. Ce projet de loi ne porte pas sur l'orientation sexuelle ou l'homosexualité. Les médias en parlent souvent comme étant le projet de loi sur les crimes motivés par la haine. Il y a un article qui traite des crimes motivés par la haine, et c'est l'article 718.2. Cet article a pour objectif de traiter des crimes motivés par la haine. Ce projet de loi n'a rien à voir avec l'homosexualité. Il a à voir avec le conformisme politique.

La première question que je pose en tant qu'avocat et en tant que Canadien est de savoir si nous avons besoin de cet article dans le Code criminel. La réponse est simplement non. Cet article est ici non pas parce qu'il y a une lacune à combler dans le Code criminel, mais parce qu'il y a dans ce pays un mouvement en faveur de ce changement. C'est parce que certains groupes de la société ont su efficacement faire pression sur le gouvernement du Canada afin qu'il introduise dans la loi pénale un article qui n'est pas nécessaire.

Je voudrais citer un journal reconnu dans ce pays. Je ne pense pas que ce journal ait jamais été accusé d'être homophobe, anti-homosexuel ou autre chose de la sorte. Ce journal, le Globe and Mail, un quotidien respecté dans ce pays, a publié un éditorial intitulé: Des lois inutiles. Il a adopté le point de vue selon lequel cet article est inutile. Je voudrais citer des extraits de cet éditorial. Il se trouve que je suis totalement d'accord avec les arguments qui y sont présentés. On y dit:

Les nouvelles lignes directrices en matière de détermination de la peine sont superflues et mal conçues et font intervenir encore une fois la politique dans l'élaboration du droit pénal.
(2155)

Il est dit ensuite:

Si le Parlement tient à protéger les groupes contre les crimes motivés par la haine, il ne peut exclure certains groupes que certains députés n'aiment pas. Le véritable problème en ce qui concerne l'article 718.2 n'est pas qu'il fait référence aux homosexuels, mais tout simplement qu'il soit proposé.
Et enfin, le principal:

Les juges ont déjà pas mal de discrétion en ce qui concerne la détermination des peines. Ils usent souvent de cette discrétion pour prononcer des peines particulièrement dures dans le cas de crimes qu'ils considèrent comme particulièrement préjudiciables à la société. À notre connaissance, le gouvernement n'a présenté aucune preuve indiquant que les juges étaient particulièrement peu sévères avec les criminels motivés par la haine. Pourquoi donc adopter une loi qui leur demande à toutes fins pratiques d'être plus sévères?
De quelle preuve le ministre de la Justice dispose-t-il ou quelle preuve a-t-il présentée au Comité de la justice pour justifier ce nouvel article du Code criminel? Autant que je le sache, et j'ai posé la question à plusieurs membres du comité, ce dernier n'a entre les mains aucune étude, aucune preuve, seulement des anecdotes.

Le député de Burnaby-Kingsay et d'autres relatent des actes criminels motivés par la haine qui ont eu lieu à Vancouver, à Toronto ou à Halifax. Nous savons que de tels crimes existent. Mais avec quelle régularité? Le gouvernement a-t-il des preuves concrètes? Le ministre a-t-il une étude indiquant que le nombre de crimes motivés par la haine s'élève à 1 000, 1 500, 2 000 ou 10 000? Nous tenons des statistiques sur toutes sortes de sujets relatifs à la justice pénale. Dans l'affirmative, peut-on prouver que les juges ne sont pas assez sévères avec les contrevenants qui commettent un crime motivé par la haine? Je suppose qu'il n'existe aucune preuve indiquant que les juges ne sont pas assez sévères. Alors, pourquoi cette loi?

Le Code criminel n'est pas un texte législatif qui peut être modifié pour être «politiquement correct», cédant ainsi aux pressions exercées par certains groupes désireux d'inclure quelque chose dans la loi. Le Code criminel porte sur de nombreux sujets. C'est une loi qui a des conséquences graves et que les politiciens ne devraient pas utiliser pour se gagner les voix et l'appui de certains secteurs de la société.

Plus loin, le Globe and Mail ajoute:

Le Code criminel n'est pas un jouet ni un instrument permettant au gouvernement d'exposer ses bonnes intentions. C'est la loi du pays. Avant que le gouvernement apporte la moindre modification au code, il devrait commencer par prouver qu'il existe un problème. Et qui plus est, un problème que la loi peut régler. Les gouvernements ne devraient adopter des lois que si le besoin en a été démontré. Démontrez d'abord, légiférez ensuite.


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Le Globe and Mail explique de façon très convaincante pourquoi cet article ne devrait pas faire partie du Code criminel du Canada.

Le Financial Post n'est pas non plus un journal homophobe. Je ne crois pas qu'on puisse l'accuser d'être contre les homosexuels ou les gais. Pourtant, un éditorial paru le 27 mai dans le Financial Post était intitulé «Pourquoi encombrer le Code?». Permettez-moi de le citer.

On dit que la punition doit être à la mesure du crime. Selon le projet de loi C-41, il ne suffit pas qu'une personne soit attaquée, volée ou tuée, dorénavant, «la peine devra être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes.» Si vous êtes battu ou assassiné parce que vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment ou parce que quelqu'un voulait vous voler, le tribunal devra attribuer une peine moins sévère que si vous êtes attaqué ou assassiné par quelqu'un qui n'approuvait pas votre religion.
(2200)

Autrement dit, en voulant abolir la discrimination, la loi elle-même pratique la discrimination. En outre, étant donné que le gouvernement n'a pas prouvé que les tribunaux sont particulièrement cléments à l'égard de ceux qui commettent des crimes motivés par la haine, cette disposition est-elle vraiment utile? Le projet de loi stipule que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi, mais l'article sur la détermination de la peine fait exactement le contraire. Il est motivé par des raisons politiques et non par le principe de la justice impartiale.

Ces raisons à elles seules suffisent pour que je demande aux députés de rejeter cet article du projet de loi. Il est inutile et fondé sur des motifs politiques. Nous ne sommes pas en train de déterminer si l'homosexualité est morale ou immorale. Ce débat reste à faire.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai été intéressé par les observations du secrétaire parlementaire du ministre de la Justice au sujet de la qualité du projet de loi C-41 et du fait qu'il comporte beaucoup plus de choses que le simple article 718.2.

Si le secrétaire parlementaire a bien écouté le député de York-Sud-Weston, il sait qu'il y a deux aspects de ce projet de loi qui sont critiquables. Le premier ce sont les mesures de rechange. Plusieurs articles et paragraphes sont très critiquables. L'autre c'est l'article 718.2 justement.

Une troisième partie qui reflète bien la façon dont le gouvernement néglige les souhaits de la population lorsqu'il préparer ses mesures législatives, c'est l'article 745.1. Cet article traite de la libération précoce des meurtriers au premier et au deuxième degré s'ils ont moins de 18 ans.

On n'en a pas beaucoup parlé. Il appartient aux députés de se livrer à un débat sérieux sur ce projet de loi en raison de ses conséquences.

J'en reviens à l'article 745.1 qui se lit comme suit:

En cas de condamnation à l'emprisonnement à perpétuité d'une personne qui avait moins de 18 ans à la date de l'infraction pour laquelle elle a été déclarée coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré, le bénéfice de la libération conditionnelle est subordonné à l'accomplissement d'au moins cinq ans de la peine, délai que le juge qui préside le procès peut porter à au plus dix ans.
Autrement dit, lorsque l'on parle des meurtriers au premier et au deuxième degré ayant moins de 18 ans quelle est la différence entre cette mesure législative et les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants? Il n'y a aucune différence. La tentative du député de York-Sud-Weston d'abroger cet article du Code criminel a été faite par un projet de loi d'initiative parlementaire.

Voilà encore une disposition qui la remplace presque et qui irriterait beaucoup le public s'il en connaissait l'existence. Or, il est très peu au courant de ce qui se passe ici. Le projet de loi C-41 est un document sujet à caution.

S'il est une chose que j'ai apprise depuis que je suis à Ottawa, c'est que les lois répondent rarement aux souhaits des Canadiens. La plupart du temps, elles sont adoptées contre leur volonté ou par quelque tour de passe-passe, ce qui est le cas avec le projet de loi C-41.

J'ai également appris que la philosophie politique peut agir de deux façons sur les lois qui sont adoptées. L'idéologie du parti politique qui parraine un projet de loi donné peut soit influer sur les moyens d'atteindre un objectif qui tient à coeur à l'ensemble des Canadiens, soit fixer les objectifs. Le projet de loi C-41 n'est guère plus que de l'idéologie déguisée.

(2205)

Les Canadiens prennent sans cesse davantage conscience du fait que le ministre de la Justice, l'auteur de cette mesure législative, est un homme de gauche, voire d'extrême gauche. Le ministre sait très bien ce qu'il fait. De la même façon qu'il a enveloppé du voile de la répression du crime l'intention véritable et l'effet réel du projet de loi C-68 sur l'enregistrement des armes à feu, il a dissimulé l'intention réelle du projet de loi C-41 derrière le voile d'une véritable réforme du système judiciaire. C'est pure tromperie, mais aussi fort transparent.

Le projet de loi C-41 est un mauvais projet de loi qui ne fera rien de bon pour le Canada. Il s'agit, comme il fallait s'en douter, de l'expression de ce que le ministre actuel souhaite voir arriver au Canada ainsi que de la marque qu'il veut laisser sur la scène politique. On peut dire que le projet de loi C-41 assoit le Canada au sommet d'une montagne et que l'adoption de ce projet de loi va nous pousser sur la pente très glissante de la redéfinition de la notion de famille et de la sanction par le gouvernement des relations malsaines.

Notez bien ce que je vous dis, ceci va avoir pour effet de creuser davantage le fossé entre le public et les législateurs. Les gens sont déjà déçus par les politiciens; ils ne leur font plus confiance. Pourquoi en serait-il autrement? Les politiques élaborent des mesures comme le projet de loi C-41 et ils les dissimulent derrière le voile de la réforme du système judiciaire. Ce n'est que plus tard, quand la mesure est mise en application par les tribunaux, que le public se rend compte de la véritable portée du projet de loi. C'est ça le problème avec le projet de loi C-41.


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Ce ne sera pas la fin du monde si ce projet de loi est adopté. Les changements ne surviendront pas du jour au lendemain. Toutefois, la situation va changer et non pour le mieux. Si ce projet de loi est adopté, les tribunaux auront carte blanche pour redéfinir des notions telles que le mariage, la discrimination, les limites de la liberté d'association, ainsi que la mesure dans laquelle la liberté d'expression existe. Nous en avons d'ailleurs eu des exemples ici même dans cette Chambre, avec les tentatives faites pour clore le débat. Tout cela va se produire.

Le fait d'inclure l'orientation sexuelle, quel qu'en soit le sens, au nombre des catégories protégées provoquera inévitablement un changement d'attitude de la part des tribunaux, puis du public. Il s'ensuivra l'octroi de droits spéciaux à un très petit groupe et l'imposition de nouvelles limites à la majorité de la population qui ne fait rien d'autre que de se rendre au travail, d'aller à l'église, de payer des impôts, d'élever des enfants, et qui ne demande rien d'autre que d'être le moins touchée possible par le long bras de l'appareil fédéral gouverné par les libéraux.

Mes années au sein de la police m'aident à bien mesurer les conséquences à long terme d'une mesure législative comme celle-ci. Cette expérience est précieuse pour bien comprendre l'importance des détails dans les lois et leurs répercussions dans le public. Les problèmes sont toujours liés aux détails, comme on dit.

Par exemple, la Loi sur la réforme du cautionnement était motivée par toutes sortes de bonnes intentions. Néanmoins, celle-ci a contribué à affaiblir notre système de justice pénale en protégeant la société. C'était une mesure du Parti libéral. Elle prévoyait la mise en liberté anticipée de délinquants non violents, mais elle a été interprétée par les juristes comme incluant aussi les délinquants violents. C'est ainsi que des principes généraux ont donné lieu à des situations bizarres.

Vous êtes tous au courant de l'interprétation faite de la charte par la Cour suprême. Ce document est tellement exploité à des fins politiques étroites que je reçois régulièrement des appels de gens de ma circonscription qui disent qu'il faut abolir purement et simplement la charte. Notre plus haute cour d'appel a décrété que les personnes en état d'ébriété ne peuvent commettre un crime.

Aux députés de l'autre côté de la Chambre qui m'accusent de semer la panique en suggérant que le projet de loi C-41, qui ajoute l'orientation sexuelle à la liste des motifs de distinction illicite, ne mettra pas les familles canadiennes en danger, je réponds: «Regardons les résultats et débarrassons-nous de la longue liste des secteurs protégés.» À ceux qui disent que ce projet de loi ne vise qu'à protéger les gens, je leur dis d'attendre. Après quelques années et quelques décisions du tribunal, cette protection se convertira en promotion. Bien que tous les membres de cette Chambre conviennent que chacun devrait jouir d'une protection contre la discrimination et la violence, il nous incombe toutefois de réfléchir très sérieusement à ce que nous voulons promouvoir.

(2210)

Soyons honnêtes envers nous-mêmes sur ce projet de loi. Nous savons tous où il va nous conduire. Mes électeurs et moi-même n'aimons pas cela du tout.

Le Parti réformiste n'aime pas s'opposer à un projet de loi pour le plaisir de la chose. Aucun parti ne devrait s'opposer à un projet de loi pour cette raison. Notre opposition au projet de loi dans sa forme actuelle se fonde toutefois sur des raisons valables qui se rapportent de près aux problèmes dont je viens de parler.

Personne ne sait ce qui va se passer quand l'article 717 du projet de loi, qui traite des mesures de rechange pour les infractions sans violence, va être mis en oeuvre et soumis à l'administration et l'interprétation des tribunaux. Même le ministre de la Justice ne le sait pas.

Pour ma part, je ne me suis pas présenté comme candidat aux élections fédérales pour diriger le processus législatif vers des conséquences imprévues. Cet article, un des plus importants du projet de loi, ouvre la porte à la sorte d'expansion judiciaire dont j'ai été témoin en tant que policier, une expansion dont je sais que les Canadiens ne veulent pas.

Comme notre comité n'a pas réussi à rendre cet article plus sévère, nous n'avons d'autre choix que de le rejeter. D'après mon expérience, il est grandement préférable de retourner à la case départ que de brosser un tableau dangereusement obscur, particulièrement quand il est question de droit criminel.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, à mon arrivée à la Chambre ce soir, ma collègue, la secrétaire parlementaire du premier ministre, m'a dit: «C'est un triste jour.» Je lui ai répondu: «Non, ce n'est pas un triste jour. C'est un grand jour, et ce, pour plusieurs raisons.» Premièrement, si je peux faire allusion à une autre mesure législative, je ferai observer qu'une bataille a été gagnée ce soir à la Chambre, la bataille qui a abouti à l'adoption du projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Il n'y a pas motif à parler d'un triste jour, bien au contraire.

Je sais bien que ma collègue et mon autre collègue, le député de Mississauga qui était également d'avis que c'est un triste jour, faisaient allusion aux attitudes qui se manifestent non seulement à la Chambre, non seulement dans cette ville ou cette province, mais bien dans tout le pays. Je voudrais en toucher un mot au cours de cette très brève intervention. Je m'écarte peut-être un peu du sujet, mais je crois, et mon collègue de Toronto est de mon avis, que c'est saint Thomas More, le célèbre chancelier d'Angleterre qui disait que le mal triomphe quand les gens bien ne font rien.

Quand je m'arrête à certaines réactions absurdes-je ne parle pas ici des députés de la Chambre-exprimées dans les lettres que j'ai reçues et dans les réponses formulées par des gens qui, n'ayant manifestement pas lu le projet de loi, n'en saisissent pas le sens et font preuve d'une intolérance effrayante, alors je comprends ce que mes deux collègues entendent par l'expression «C'est un triste jour».


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Si je suis d'avis que ce n'est pas un triste jour, c'est que ce projet de loi deviendra loi. Il sera adopté parce que cela s'impose. Reste cependant que des collègues de la Chambre, certains députés de mon propre parti, des membres de mon Église que je respecte et aime énormément me font grandement souffrir par leur attitude illogique et irrationnelle face à cette mesure législative. Cette mesure législative dit en fait que si X va frapper Y tout simplement parce sa tête ne lui revient pas, il sera reconnu coupable, disons, de voies de fait causant des lésions corporelles, histoire de ne pas avoir à nous préoccuper des poursuites privées. On est si bien informé de la loi dans ce milieu. S'il est reconnu coupable, les dispositions particulières de cette mesure législative particulière ne joueront pas. Le cas ne s'y prête pas. Ce n'est pas le genre d'infractions qui sont assujetties à ces dispositions, qui s'appliquent aux agissements haineux.

(2215)

Et si quelqu'un ne vous aime pas, monsieur le Président, parce que vous êtes presbytérien et qu'il décide de s'en prendre à vous parce qu'il n'aime pas les presbytériens et que vous faites partie de ce groupe? La situation s'en trouverait-elle exacerbée? Je crois que oui. Le ministre de la Justice le pense aussi, à l'instar du premier ministre et de la secrétaire parlementaire. C'est l'opinion de la grande majorité des Canadiens. Ils sont, pour la plupart, tolérants et ils croient que le fait d'agresser quelqu'un à cause de ses croyances, ses origines ethnoculturelles, la couleur de sa peau ou encore, son orientation sexuelle, constitue une circonstance aggravante.

La question de savoir si cela est juste ou non est une question politique et un sujet de division entre le Parti réformiste et le Parti libéral, pour prendre un exemple. En effet, nous parlons d'une chose qui va beaucoup plus loin. Cela remonte à ce dont j'ai parlé au début de mon discours, lorsque j'ai déclaré que notre collègue de Mississauga et la secrétaire parlementaire du premier ministre étaient découragés lorsque je suis arrivée ici ce soir, à cause de l'intolérance qui a entouré ce projet de loi dès le départ.

Je suis rentrée chez moi aujourd'hui pour faire deux choses. Tout d'abord, je devais ouvrir un centre spécial pour la technologie dans ma circonscription, une chose merveilleuse à l'occasion de la réunion du G-7, et je suis également rentrée chez moi parce que ma mère est très malade. Elle se meurt à l'hôpital après avoir vécu très longtemps. J'ai pensé parler d'elle, ce soir, dans mon discours.

En un sens, je veux lui rendre hommage, car si je suis ici et défends certaines opinions, cela vient de la façon dont, à titre de chef de famille monoparentale, elle m'a élevée. C'était une enseignante qui voulait désespérément devenir avocate, mais à cause de la dépression qui a frappé le Cap-Breton, elle n'a pu poursuivre son rêve, étant la plus vieille de neuf enfants. Elle a donc enseigné. Elle a fait de la politique et du syndicalisme. C'était une féministe. Je répète qu'elle était chef de famille monoparentale, car mon père est mort lorsque j'étais très jeune. Elle croyait fermement dans la tolérance.

Je me rappelle que j'avais quatre ans lorsqu'un homme est venu frapper à la porte pour vendre des paniers. C'était un Micmac. Comme le voulait la tradition au Cap-Breton, ma mère lui a servi un repas avant qu'il ne parte. Elle lui a acheté des paniers également. Alors qu'il s'éloignait, ma mère a dit alors qu'elle le plaignait beaucoup, car il était très difficile d'être un Indien dans notre société.

Je me rappelle la discussion qui en a découlé. Elle a duré entre nous au cours des 40 années suivantes, alors qu'elle me parlait de questions de tolérance. Elle m'a dit qu'il ne fallait pas juger les gens sur les apparences. Elle m'a parlé de l'intolérance fondée sur les craintes et l'ignorance et m'a dit que nous devions toujours lutter pour y mettre un terme.

Lorsque cette intolérance s'exprime à l'égard des autochtones, des gens de couleur, des gens qui ont une orientation sexuelle différente de quelqu'un d'autre, il est choquant qu'on laisse certains calomnier des gens dans le cadre de ce débat, qu'on ne mette pas un frein à l'ignorance, ainsi qu'aux craintes, et que collectivement, à titre de parlementaires, nous ne disions pas que c'en est assez.

(2220)

Nous modifions la loi sur la détermination de la peine parce que c'est la chose à faire. Nous modifions cette loi parce que les gens méritent d'être protégés contre les personnes qui les détestent. Toute personne qui en attaque une autre parce qu'elle n'aime pas ce que cette personne représente, ce qu'elle pense, ce à quoi elle croit ou parce qu'elle n'aime pas une caractéristique de cette personne, dont son orientation sexuelle, a tort et mérite, après avoir été reconnue coupable, d'être traduite devant un tribunal et de voir sa peine accrue.

Je voudrais ce soir exprimer le point de vue de ma mère, Reenie Clancy, qui ne sera plus des nôtres très longtemps. Je suis très fière qu'elle m'ait appris à penser ainsi. Je suis aussi très fière de dire que je vais voter en faveur de ce projet de loi.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, dans le projet de loi C-41, qui porte sur la détermination de la peine, on est animé de bonnes intentions au départ, mais on ne parvient pas à les mettre en pratique. Par exemple, j'aime bien la partie où l'on parle de dédommager les victimes et de favoriser le sens des responsabilités chez les contrevenants. Il est à peu près temps qu'on mentionne les victimes dans une loi. J'aimerais même qu'on renforce cette partie du projet de loi.

Toutefois, le projet de loi se dégrade à partir de là. Dans la partie qui traite des mesures de rechange, il permet aux autorités de choisir des contrevenants pour leur offrir des mesures spéciales de détermination de la peine. Les peines infligées pour des crimes semblables varient déjà d'une région à l'autre et varient même selon qu'on habite la ville ou la campagne. Comme le député de York-Sud-Weston l'a souligné plus tôt, si quelqu'un tue une personne au Canada, du point de vue statistique, il serait préférable de le faire au Québec, car la peine d'emprisonnement y est beaucoup moins longue que dans d'autres provinces. Je trouve cela incroyable.

Avec la partie qui traite des mesures de rechange, il sera plus facile pour certains criminels, et c'est la tendance qui existe dans notre système de justice, de blâmer la société pour tous leurs méfaits, de sorte qu'un châtiment ne sera plus nécessaire. Cependant, les Canadiens ne veulent pas d'une plus grande clémence. Bien au contraire. Qu'on imagine le retour au fouet qu'on a proposé il y a dix ans en tant que composante légitime de notre système de justice. Presque tous les jours, nous entendons des gens de certaines régions réclamer cette forme de châtiment. Je ne suis pas convaincu qu'elle soit la solution, mais elle m'indique que les gens exigent que le gouvernement agisse. Ils veulent


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et exigent que le gouvernement agisse et rende justice, mais ils ne voient rien de cela dans le projet de loi.

Demain, j'espère rencontrer le ministre de la Justice pour lui parler d'un cas qui s'est produit dans ma circonscription. Une femme a été harcelée et menacée pendant cinq ans. Lorsque son ancien conjoint l'a finalement attrapée et poignardée à plusieurs reprises, il a reçu une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour. C'est une honte. J'en ai marre de projets de loi sur la détermination de la peine qui permettent de telles anomalies. Cette personne aurait dû être à l'ombre pour une très longue période, et cette femme aurait dû être protégée. Mais non, on permet aux criminels de reprendre leur place dans la société après seulement quelques mois. C'est dégoûtant.

La partie du projet de loi sur les crimes haineux permet aussi des injustices. Elle permet d'imposer une peine plus sévère lorsqu'un crime est motivé par la haine à l'endroit de certains groupes. Comme d'autres l'ont dit ce soir, si je reçois un coup de poing dans l'oeil ou si je suis victime de voies de fait graves parce que mon assaillant veut mon argent, ça fait toujours aussi mal, quel que soit le groupe ethnique auquel j'appartiens. En fait, toute l'idée de définir les Canadiens selon des groupes, plutôt que comme un seul groupe d'individus, est une tendance inquiétante de notre société.

Le gouvernement cherche trop souvent à étiqueter les gens selon leur groupe ethnique, leur couleur, leur race, leur sexe et, maintenant, leur orientation sexuelle. Nos concitoyens ne devraient avoir qu'une seule étiquette: ce sont des Canadiens. Ils devraient tous avoir les mêmes avantages et responsabilités ainsi que l'entière protection que méritent l'ensemble des Canadiens.

Cette partie de la loi marque aussi, selon moi, un tournant important dans notre système judiciaire, parce qu'elle commence à criminaliser la pensée. Nous avons toujours puni les gens pour les actes répréhensibles qu'ils avaient commis, et non pour leurs pensées répréhensibles. Je ne tolère absolument pas la haine et je crois que nous devons la dénoncer chaque fois que nous en sommes témoins. Toutefois, nous ne pouvons pas l'éliminer en prétendant lire dans les pensées et envoyer des gens en prison pour avoir entretenu des pensées haineuses. C'est un triste précédent pour notre avenir, parce que la haine est très difficile à définir et qu'il est presque impossible de savoir ce qui se passe dans la tête des gens. Je voudrais citer un exemple pour expliquer ma préoccupation à ce sujet.

(2225)

Il y a quelques mois pendant un débat à la Chambre, la députée de Central Nova avait déclaré qu'à son avis l'homosexualité était immorale. Le député de Burnaby-Kingsway avait qualifié ces propos de haineux et sectaires et avait déclaré qu'ils n'avaient pas leur place à la Chambre des communes et certainement pas dans le Parti libéral.

Un homosexuel réputé au Canada qualifie de haineuse et de sectaire une opinion morale, je le concède, exprimée par une députée. Cette tendance à émettre des qualificatifs à l'endroit des gens me paraît dangereuse et je me demande où elle pourrait nous conduire.

Les députés ignorent peut-être que la Colombie-Britannique étudie actuellement un projet de loi appelé la «loi bulle», qui interdirait à quiconque de verbaliser son opposition à une clinique d'avortement à l'intérieur d'un certain périmètre. Je prends comme exemple le cas de ce prêtre âgé qui manifeste chaque jour devant la Chambre contre l'avortement au moyen d'une pancarte. Cet homme exprime une opinion. Il n'y a pas de clinique d'avortement sur la Colline. Si ce projet de loi est adopté en Colombie-Britannique, ce genre de manifestation deviendra illégal. Une personne assise dans un parc à une centaine de pieds d'une clinique d'avortement et portant à son cou une pancarte indiquant qu'elle est contre l'avortement contreviendrait à la loi.

Le problème est que cette tendance, qui s'infiltre, s'en prend aux motifs des gens. Ils ne pourraient même pas se tenir au coin de la rue avec une pancarte autour du cou clamant leur opposition à l'avortement. Là encore, si cette tendance se poursuit, les opinions légitimes au sujet de la moralité de l'homosexualité pourraient un jour être considérées comme illégales ou haineuses. Je crois que cette tendance est très dangereuse.

L'article sur les crimes haineux ne consacre pas encore cette tendance, mais c'est un pas dans cette direction. En établissant un principe dans le projet de loi C-41, nous affirmons qu'il n'y a rien de mal à punir des pensées par des peines d'emprisonnement.

Je voudrais retirer tout l'article sur les crimes haineux. La deuxième option serait de retirer la liste des groupes énumérés. Ma troisième préférence serait de supprimer l'expression «orientation sexuelle» du projet de loi. Si cet amendement est lui aussi rejeté, je crois qu'il faudrait au moins définir ce terme.

Pourquoi enlèverais-je l'expression «orientation sexuelle»? Certains députés qui m'ont précédé ont fait valoir qu'elle n'était pas vraiment nécessaire. Les homosexuels ou les gens de n'importe quelle orientation sexuelle sont déjà protégés, à juste titre, contre la violence au même titre que tous les autres Canadiens parce qu'ils sont protégés par le Code criminel.

L'Association du Barreau canadien a dit au comité que, lorsque quelqu'un peut prouver qu'il a été agressé ou maltraité d'une façon quelconque, il s'ensuit toujours des poursuites, lesquelles sont totalement justifiées. C'est pourquoi il est inutile d'inclure des expressions comme celle-là.

Pourquoi faudrait-il définir le terme «orientation sexuelle»? Je voudrais vous lire quelques citations. En 1981, lorsqu'il était ministre de la Justice, le premier ministre a dit au comité:

Je ne suis pas ici pour définir le terme «orientation sexuelle». C'est à cause de ce problème de définition que nous croyons que ces mots n'ont pas leur place dans la Constitution.
Le 14 juillet 1993, la Commission canadienne des droits de la personne a dit ceci:

Nous devrions hésiter à donner une définition complète. Je propose d'analyser ce cas à partir de ce que je considère comme une définition minimale d'orientation sexuelle, c'est-à-dire la capacité réelle ou perçue d'être attiré sexuellement par une personne de son propre sexe.
Homosexualité est une définition minimale. La commission a laissé la question ouverte. Permettez-moi de vous lire quelques citations tirées de témoignages très récents devant le Comité


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permanent de la justice. Le 24 novembre 1994, John Conroy de l'Association du Barreau canadien a déclaré ceci:

C'est certainement la définition à laquelle j'ai toujours pensé: homosexualité, hétérosexualité ou un autre type d'orientation sexuelle. Cela englobe n'importe quel genre d'orientation sexuelle et cela pourrait désigner, comme vous le dites, un comportement illégal.
En novembre dernier, le Dr. Stephen Wormith, président, Criminal Justice Psychology Section, de la Société canadienne de psychologie, a dit ceci:

L'orientation sexuelle est un facteur crucial de la pédophilie. Cette orientation est une composante fondamentale chez un vrai pédophile. L'orientation sexuelle est certainement une composante fondamentale de la pédophilie.
(2230)

Voici ce que déclarait, le 9 février dernier, Robert Wakefield, le directeur (Ottawa) de la Criminal Lawyers Association, au sujet de l'orientation sexuelle:

Ce sont les psychiatres qui l'utilisent. Ils qualifient les gens d'hétérosexuels, d'homosexuels ou de pédophiles. Il y a d'autres sortes de comportement déviant qu'ils considèrent comme une orientation sexuelle.
Enfin, le Dr Greenberg, qui est professeur adjoint de psychiatrie à l'Université d'Ottawa et membre du service de psychiatrie médico-légale au Royal Ottawa Hospital, déclarait quant à lui, toujours en février:

L'orientation sexuelle est un terme descriptif. Ce terme définit essentiellement ce qui attire une personne vers un stimulus. Autrement dit, c'est un compas. . .
À un membre du comité qui lui demandait si, à son avis, la nécrophilie constituait une orientation sexuelle, il a répondu: «Une orientation sexuelle déviante, oui».

Monsieur le Président, je ne peux pas croire que le ministre de la Justice veuille rouvrir cette boîte de Pandore avec ce projet de loi. Il n'écoute pas ce que les experts lui disent. J'ai honte de devoir prendre la parole ici pour attirer l'attention des Canadiens sur ce que le gouvernement est en train de faire. Tous ceux que les répercussions éventuelles de ce projet de loi inquiètent devraient communiquer avec leur député, par téléphone ou par télécopieur-et raison de plus si leur député est libéral-pour lui faire savoir ce qui risque d'arriver si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle.

Je regrette seulement qu'à ce train là, compte tenu de l'attribution de temps, ce projet de loi deviendra loi d'ici quelques heures à peine. Je prie donc le gouvernement de reconsidérer la question, d'écouter attentivement les modifications qui seront proposées et de prendre la décision éclairée de supprimer carrément cet article.

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens au sujet du projet de loi C-41.

Je voudrais d'abord rendre hommage à la députée de Halifax. Elle a fait une observation précieuse concernant l'influence que sa mère a exercé sur elle et elle peut en être fière. Je suis fier d'être Canadien.

Il y a beaucoup de faussetés qui circulent concernant le projet de loi C-41. C'est une mesure exhaustive et importante. Un député a dit qu'il avait des réserves concernant les dispositions sur les mesures de rechange. Ces mesures se rapportent aux cas où l'emprisonnement ne convient pas et où une peine de travail d'intérêt général est possible. La réhabilitation doit être l'objectif primordial, elle permet d'économiser les fonds publics et de manifester de la compassion.

Mon voisin de banquette, le député de Mississauga-Sud a joué un rôle concernant ce projet de loi, en y faisant inclure des considérations spéciales à l'égard des membres de la famille. Je l'en félicite.

C'est l'article 718.2 qui soulève la controverse. Il traite de la haine qui motive un crime. D'après un des arguments que j'ai entendu le plus fréquemment, nous conférons un statut ou un traitement spécial aux homosexuels. Je dirai simplement que les hétérosexuels sont visés au même titre que les homosexuels.

Si un groupe d'homosexuels s'en prenait à un hétérosexuel, la loi s'appliquerait de la même façon. La loi traite tous les Canadiens sur un même pied d'égalité. Il est important de le souligner, parce que bien des gens voudraient répandre des faussetés sur ce projet de loi.

Certains arguments présentés à la Chambre sur les crimes haineux m'ont vraiment étonné. Nous célébrons justement cette année le 50e anniversaire du monde libre issu de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons tous manifesté notre fierté concernant la contribution que les soldats canadiens ont faite.

Repensons un peu à ce qui s'est passé au cours de la Seconde Guerre mondiale. Tout le monde semble l'avoir oublié. Qu'il suffise de rappeler les crimes haineux qui se sont produits au cours de ce conflit. Les atrocités dont ont été victimes les Juifs en tant que peuple sont bien connues. Ceux-ci ont d'abord perdu leurs biens, leurs emplois et leurs droits civils, pour ensuite être envoyés dans les chambres à gaz. Au bout du compte, l'Holocauste avait coûté la vie à six millions de Juifs.

(2235)

Je ne peux absolument pas comprendre comment, alors que nous commémorons cette année le cinquantième anniversaire de la victoire des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale, on peut avoir une attitude aussi désinvolte dans cette Chambre face aux crimes motivés par la haine. Cela me dépasse.

Vous connaissez tous l'histoire du Spirit of St. Louis qui se déplaçait d'un port à l'autre pour trouver un refuge aux Juifs. Ceux-ci ont été partout refoulés pour finalement être renvoyés chez eux, ce qui leur a coûté la vie. Personne ne voulait savoir, ou ne voulait croire, que cela se produisait.

Il y a quelques mois, nous avons commémoré le 80e anniversaire du massacre qui a coûté la vie à 2,5 millions d'Arméniens. Ces personnes sont mortes parce qu'on leur vouait de la haine. Il semble que nous allons enfin entendre de bonnes nouvelles, étant donné que l'IRA a décidé de déposer les armes. Mais qu'est-ce qui motivait ce conflit? Celui-ci avait un fondement religieux mais il était lui aussi animé par la haine.


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Regardez ce qui se passe actuellement en Yougoslavie. Il ne s'agit pas d'un simple différend, mais bien d'un autre génocide qui se déroule actuellement et qui est motivé par la haine. On pourrait aussi parler des Hutus et des Tutus, en Somalie. La liste est longue.

J'ai récemment participé à une conférence de l'OTAN en Europe de l'Est, à Budapest. Le problème principal abordé par le comité des affaires civiles était le traitement qui devait être réservé aux minorités, de façon à éviter que de tels événements ne se répètent. Comment le faire? En prenant conscience que haïr certaines personnes parce qu'elles sont différentes peut avoir de très lourdes conséquences.

Permettez-moi d'exprimer une certaine déception. Lorsque cette nouvelle assemblée a été élue, un nouveau parti est arrivé parmi nous qui promettait de renouveler la politique et de ne pas chahuter les autres lorsqu'ils parlent. Je songe aux députés réformistes. Ils m'ont beaucoup déçu dans l'étude de cette question.

Je viens de Kitchener-Waterloo, où les néo-nazis ont fait sentir leur présence. Ils ont manifesté devant European Sound. Ils ont diffusé leur horrible propagande. La maison d'une militante juive de ma ville, Mona Zetner, a été incendiée. Cette femme a dû entrer dans la clandestinité.

Je suis venu au Canada comme réfugié. J'ai grandi dans une Europe déchirée par la guerre, et je peux comprendre les ravages de la haine. J'invite les députés à y réfléchir et à s'interroger sur les problèmes du monde, dont une grande partie sont attribuables à la haine.

Il a été souvent dit que ce projet de loi ne jouissait d'aucun appui. L'Église unie du Canada l'appuie. Tout comme le Centre de recherches-actions sur les relations raciales, qui exhorte les députés à l'adopter. Nous avons le soutien de Urban Alliance on Race Relations. Nous pouvons compter sur des appuis.

(2240)

Je veux dire une chose à mes collègues du Parti réformiste, car ils demandent souvent quelle est la position des agents de police à ce sujet. Voici donc ce que dit le chef de police d'Ottawa: «En tant que chef de police, j'appuie énergiquement cette modification à la loi, car elle permettra à mes agents de lutter efficacement contre les crimes motivés par la haine dans notre ville. J'exhorte le Parlement à adopter rapidement le projet de loi C-41.»

Le Congrès canadien des juifs, une communauté qui connaît beaucoup mieux que beaucoup d'autres les effets de la haine et des crimes motivés par la haine, appuie le projet de loi. La liste est longue.

Je terminerai en citant l'appui venant de la Fédération canadienne des municipalités. Lors de sa réunion tenue en mars à Ottawa, le conseil d'administration national de la Fédération a approuvé une résolution concernant la violence motivée par la haine fondée sur la race, la religion, le sexe et l'orientation sexuelle. La FCM appuie la position adoptée par le projet de loi C-41 qui fournira des lignes directrices en matière d'établissement de la peine pour permettre aux juges d'imposer des peines plus rigoureuses aux auteurs de crimes motivés par la haine fondée sur la race, la religion et l'orientation sexuelle.

Je ferai remarquer aux députés que ces personnes, qui représentent la population du pays, agissent au niveau de l'exécution de la loi du pays. Je me range avec eux et je me range avec mes collègues du Parti libéral qui vont adopter ce projet de loi. Je serai fier de l'adopter.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de constater ce soir que les libéraux ont réglé tous les problèmes des Canadiens afin de pouvoir en créer d'autres avec le projet de loi C-41.

Je discutais aujourd'hui du projet de loi C-41 avec quelqu'un, qui me disait que le solliciteur général aura probablement une autre fonction à remplir après l'adoption de cette mesure législative. Il lui faudra apposer de nouveaux panneaux à l'entrée des prisons, que nous n'appellerons plus des prisons. Il faudra maintenant dire des établissements pour personnes aux prises avec des difficultés morales. Voilà à quoi rime ce genre de mesure législative.

Un député libéral a parlé un peu plus tôt des termes accessoires que l'on retrouve dans le projet de loi. Pourquoi discutons-nous de l'article 718.2? Il y a tellement d'autres dispositions dans ce projet de loi qui sont bonnes. Pourquoi nous concentrons-nous sur cet article?

C'est vraiment dommage que le gouvernement libéral ne comprenne pas la situation. Nous avons besoin au Canada d'un projet de loi sur la détermination de la peine. Ce que nous avons, c'est un projet de loi sur la détermination de la peine dilué dans un projet de loi omnibus qui comprend toutes sortes de dispositions qui n'intéressent pas les Canadiens. Que faire dans un débat lorsqu'on veut améliorer le processus de détermination de la peine, mais que le gouvernement libéral en profite pour aborder d'autres questions? Il faut voter contre le projet de loi, même s'il renferme de bonnes dispositions. Nous voterons contre parce qu'il aborde des questions ridicules.

Je remarque qu'on a tenté, à la page 3 du projet de loi, de définir certaines choses, comme l'accusé, les mesures de rechange, le tribunal. On donne toutes sortes de définitions. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on n'y définit pas l'orientation sexuelle.

Si nous ne définissons pas cette expression, qui s'en chargera? Tous les avocats, bien sûr, qui dépenseront des sommes astronomiques, aux dépens des victimes, pour définir l'orientation sexuelle. Ils vont définir aussi d'autres questions visées par ce projet de loi, à savoir ce que sont une inclination, un préjugé et un acte haineux.

Tout cela aux dépens de la victime, qui devra aller de procès en procès pour obtenir ces définitions. Je vais peut-être venir en aide au gouvernement fédéral, car je vais définir ce soir ces notions. Je vais définir l'orientation sexuelle.

J'emprunte ma définition à un certain nombre d'auteurs d'un ouvrage produit par les Victimes de violence, groupe avec lequel j'ai déjà été associé. Selon eux, les expressions «préférence sexuelle» et «orientation sexuelle» reviennent essentiellement au même. En fait, à «orientation sexuelle», l'index de la récente étude intitulée: Sex in America, renvoie le lecteur à la rubrique concernant les «attitudes à l'égard de la sexualité», qui couvre les préférences sexuelles. Les deux font allusion au type de


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personnes qui exercent un attrait sexuel sur quelqu'un. Avant que les pédophiles puissent espérer être protégés par la loi, ils doivent prouver que la pédophilie constitue une orientation sexuelle.

(2245)

Je voudrais citer deux ou trois passages pour essayer de la définir, car le gouvernement n'a pas le courage de le faire.

D'après un psychiatre de la clinique du comportement sexuel de l'Hôpital Royal Ottawa, le Dr David Greenberg, l'hétérosexualité, l'homosexualité, la pédophilie ne sont que diverses orientations et une personne peut en avoir plus d'une.

Le premier avocat qui se présentera devant le tribunal pour le premier cas de pédophilie tentera de définir ce terme. Peut-être, l'avocat d'Alan Winter, un pédophile de ma région, essaiera-t-il d'établir cette définition parce que le gouvernement n'a pas eu le courage de le faire.

Kim Tate, auteur de Child Pornography, un ouvrage paru en 1990, définit un pédophile comme une personne ayant l'âge requis pour être consentante, qui préfère avoir des relations sexuelles avec des enfants et qui fantasme à leur sujet. Cette définition se trouve à la page 104 de l'ouvrage.

Le Dr Fred Berlin, de la John Hopkins Medical School, a dit, dans le bulletin familial no 11 de novembre 1992, que la pédophilie était un jugement de valeur et qu'elle pourrait être une orientation sexuelle différente.

Le gouvernement comprend-il la situation? Si le gouvernement ne définit pas l'orientation sexuelle, d'autres le feront devant les tribunaux. Si le gouvernement n'a pas le courage de ses convictions, pourquoi laisse-t-il ce soin aux tribunaux?

L'observation que j'entends de la part d'un député libéral, c'est que les lois sont normalement interprétées par les tribunaux. Voilà ce qui explique pourquoi le gouvernement libéral n'a pas défini le terme orientation sexuelle. Il a laissé aux avocats le soin de le faire au détriment des jeunes du pays.

Le Dr Paul Cameron, du Family Research Institute de Washington, a dit: «L'orientation sexuelle est aussi ambiguë que l'orientation politique.»

Pourquoi le gouvernement ne la définit-il pas?

Voici maintenant une citation du premier ministre lorsqu'il était ministre de la Justice. On lui a demandé de définir à la Chambre des communes, le 21 janvier 1981, ce qu'était l'orientation sexuelle. Voici ce qu'il a répondu:

C'est à cause du problème de la définition de ces mots-là qu'ils ne doivent pas figurer dans la Constitution. Ne me demandez pas aujourd'hui de vous dire ce que c'est parce que ces concepts sont difficiles à interpréter, à définir, et c'est pourquoi nous n'en voulons pas dans la Constitution. Je ne vais pas me risquer à vous dire ce que signifie le terme orientation sexuelle. La question ne m'intéresse pas, et je ne vais pas tomber dans le piège parce que nous n'en voulons pas pour la raison que c'est un domaine très difficile sur les plans social et juridique.
En 1981, avant d'être premier ministre, il n'en voulait pas et voici qu'en 1995 il n'a pas le courage de le définir. Il va laisser ce soin aux tribunaux.

Il suffit d'être au courant d'un cas de pédophilie pour savoir de quoi il retourne. Dans ma localité, Alan Winter tenait un foyer d'accueil. Un des gouvernements du pays lui a confié plus de 80 enfants. Trente-et-un de ces enfants, dont quelques-uns que j'ai rencontrés, ont été molestés par Alan Winter. Celui-ci a été condamné à 16 ans de prison à titre de criminel dangereux, mais, évidemment, la Commission des libérations conditionnelles l'a libéré après un peu plus de cinq ans. C'est une autre question à laquelle Chambre devra bientôt faire face.

Un député a dit que cela n'avait rien à voir avec ce projet de loi, mais je pense que c'est tout le contraire. Le gouvernement actuel n'a pas le courage de définir le terme orientation sexuelle à l'article 718.2 du projet de loi C-41. On finira par définir cette expression, et les gens qui commettent des actes illégaux de pédophilie se serviront de l'orientation sexuelle comme excuse. Voilà ce qui ne va pas.

(2250)

Certains disent que ce sont là des propos alarmistes, d'autres disent que ce sont des propos homophobes. C'est la réalité. C'est l'argument que les avocats ont à leur disposition. En fait, j'ai un enregistrement vidéo d'un avocat canadien qui dit exactement cela. Sa défense sera fondée sur cet argument.

Nous avons eu plus de 80 000 signatures de pétitionnaires de toutes les provinces et des territoires demandant au gouvernement de ne pas modifier cette disposition de la loi. Pourquoi le gouvernement choisit-il de ne pas écouter ces gens? Pourquoi choisit-il de ne pas les écouter en recourant à la clôture pour limiter le débat sur ce projet de loi, sur les pensions des députés et sur le projet de loi C-68? Pourquoi?

Il y a un mot que le gouvernement ne devrait pas oublier. C'est le mot «rétroactif». Lorsque nous serons de l'autre côté de la Chambre, les rôles seront renversés.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas vraiment prête à intervenir ce soir. À vrai dire, je ne suis pas obligée d'être à la Chambre et je suis assise ici depuis le début de l'après-midi à écouter les interventions.

Quand on entend des choses pareilles, cela vous conforte dans vos convictions et vous montre à quel point les êtres humains peuvent être méchants, avoir l'esprit obtus, déformer délibérément la réalité à leur convenance et agir comme des gens qui n'ont manifestement jamais été la cible de préjugés.

Quand j'étais enfant, ma maman m'a amenée à l'école maternelle pour m'inscrire. Je suis polonaise. Quand nous nous sommes présentées au bureau les gens lui ont demandé: «Comment s'appelle cette enfant que vous voulez inscrire?» Elle a répondu: «Carolyn». Elle m'a regardée un instant. Mon nom de jeune fille est Janoreski. Parce qu'elle avait été battue et qu'on l'avait traitée de sale polack quand elle était petite fille, elle a immédia-


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tement changé mon nom pour Janis. Pendant des années, j'ai vécu sous un pseudonyme.

Le fait de s'entendre traiter de sale polack et de ne pouvoir rien faire pour se défendre contre cette accusation, si ne n'est se frotter, changer de vêtements et s'arranger pour être toujours propre, avait eu une incidence profonde sur ma mère qui l'a poussée à changer mon nom lorsque qu'elle m'a amenée à l'école quand j'avais cinq ans.

Ce qui me gêne vraiment, ce sont ces gens qui font partie de cette catégorie à laquelle tout le monde s'oppose avec tant de vigueur. Ils ne peuvent se frotter, changer de vêtements ou changer la couleur de leur peau. Par contre, nous pouvons les protéger contre les gens qui ne comprennent pas ce qui se passe à l'intérieur d'eux.

Ce projet de loi porte sur la détermination de la peine et il est important que ce soit bien clair. Il ne s'agit pas d'accepter des actes que les gens de l'autre côté trouvent offensants. Ce que dit la mesure, c'est que si une personne vous déplaît parce que vous n'aimez pas la couleur de sa peau ou parce que son apparence extérieure vous fait penser qu'elle est d'une orientation sexuelle différente de la vôtre, vous ne pouvez pas simplement aller lui taper dessus. Ces personnes ne peuvent rien faire pour se protéger contre ce type d'accusations. C'est cela qui est frustrant.

Dans un pays comme le Canada, nous protégeons ces gens. Nous nous protégeons mutuellement. En fait, si une personne que vous protégez en frappe une autre pour quelque raison que ce soit, pourquoi la protégez-vous? On a pas besoin de catégories.

(2255)

Quiconque attaque quelqu'un d'autre dans notre pays devrait tomber sous le coup de la loi la plus stricte. Quiconque participe à une querelle de bar ou se lance dans une discussion avec son voisin le fait en connaissance de cause. Par contre, dans le cas que l'on nous a cité ce soir, où des personnes ont été attaquées et rouées de coups dans la rue simplement à cause de la façon dont elles marchaient, de la façon dont elles étaient coiffées ou de leur aspect général, on accepterait que des voyous s'éjectent d'une voiture pour les tabasser violemment.

Des voix: Oh, Oh!

Mme Parrish: Je regrette, mais je vous ai écoutés toute la soirée étirer les dispositions de ce projet de loi.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Excusez-moi de vous interrompre, mais je voudrais que la députée s'adresse à la présidence.

Mme Parrish: J'ai écouté les députés d'en face étirer la vérité toute la soirée. Je les ai entendus parler d'une simple expression de deux mots qui, à leurs dires, va ouvrir une véritable boîte de Pandore pour nous faire accepter toutes sortes de perversions.

Je suis une catholique romaine. Mon église est l'Église catholique polonaise et, croyez-moi, on ne peut guère être plus strict que cela. Le prêtre de mon église me disait un jour: «Et le projet de loi C-41?» Je lui ai répondu: «Eh bien, je vais vous en envoyer un exemplaire et vous pourrez m'appeler si vous avez quelque chose à redire à cette mesure.» J'attends toujours son appel. Il y a plus de 10 000 familles dans cette église qui écoutent le prêtre et qui se forment une opinion en se basant sur son jugement éclairé.

Des groupes de diverses églises de ma circonscription m'ont envoyé des lettres particulièrement dégoûtantes parce que des députés leur avaient écrit pour les monter en leur envoyant des renseignements fautifs.

Je suis très fière d'appuyer le projet de loi C-41. Je me souviens de la discrimination que ma mère a subie et des préjugés dont j'ai moi-même été la cible à quelques rares occasions. J'espère que tout ce que nous faisons ici protégera tous les enfants et tous les adultes contre ce genre de préjugés.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté patiemment le débat de ce soir et, bien entendu, j'ai mes notes. En fait, j'ai même les notes des libéraux pour le débat sur le projet de loi C-41, leur stratégie pour gagner le débat et l'emporter sur l'opposition. J'ai entendu les arguments des avocats des deux côtés de la Chambre et des deux positions opposées. À vrai dire, je crois que cela a plutôt aggravé mes préjugés et mon parti pris contre les avocats, car ce projet de loi me trouble un peu.

Les notes du Parti libéral disent ceci: «Le projet de loi C-41 ne fera pas l'objet d'un vote libre.» Ce qui m'inquiète, c'est que les dirigeants libéraux ont dû écrire à tous les députés du parti pour leur laisser entendre qu'ils ne devaient pas proposer un vote libre sur cette question. C'est vraiment troublant.

J'ai probablement reçu autant de courrier sur cette question que j'en ai reçu sur le contrôle des armes à feu. Ces deux questions suscitent autant d'intérêt l'une que l'autre. Le contrôle des armes à feu arrive peut-être un peu en avance, mais des centaines de lettres me sont parvenues au sujet du projet de loi C-41, la plupart manuscrites ou tapées à la machine. Peu d'entre elles avaient été photocopiées, polycopiées ou reproduites d'une façon quelconque. Un grand nombre exprimaient des inquiétudes au sujet du projet de loi C-41. Malheureusement, elles portaient toutes sur cet article concernant les infractions motivées par la haine. Ce projet de loi est très long, et je suis convaincu qu'il comporte bien d'autres faiblesses comme celle-ci, qui est le sujet du présent débat à l'étape du rapport.

Je veux tout de même parler de toute cette question de haine, de parti pris et de préjugés. J'ai été élevé dans les Prairies. On m'a enseigné que je devais aimer mes ennemis et que la haine était répréhensible. Je crois de tout mon coeur que la haine est une chose répréhensible, mais il est difficile de savoir à quel moment on est aimé ou haï. On ne peut pas toujours discerner. Monsieur le Président, lorsque vous me regardez, je n'ai pas l'impression que vous me haïssez. Je suppose que vous ne me haïssez pas et je peux vous assurer que je ne vous hais pas. Toutefois, je pourrais ressentir de la haine et bien la cacher. Ce projet de loi essaie de se prendre pour Dieu et d'aller voir dans la tête des gens s'ils nourrissent de la haine ou non et si le crime qu'ils ont commis était motivé par la haine ou par des préjugés. Le mot préjugé me préoccupe davantage que le mot haine dans ce projet de loi.


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(2300)

Un crime est un crime. Si je suis victime de voies de fait, c'est un crime et le Code criminel prescrit comment le système judiciaire doit procéder dans un tel cas. Que la personne responsable me haïsse ou non, il n'en demeure pas moins que c'est un crime qui doit être sanctionné.

Qu'est-ce que la moralité et qu'est-ce que l'immoralité? C'est très difficile à déterminer. Si un individu me porte un coup à la tête parce qu'il veut voir si j'ai de l'argent dans mon porte-feuille, il se livre à des voies de fait et c'est un crime. C'est immoral parce qu'il veut l'argent qui est dans mon porte-feuille. C'est tout aussi immoral que s'il me haïssait parce que je suis blanc ou hétérosexuel.

C'est mal et nous avons des lois qui sanctionnent ce genre de délits. Peu importe qu'un individu commette un acte immoral en me frappant à la tête pour essayer de me délester de mon argent ou parce qu'il me hait pour une des raisons énumérées dans le projet de loi, en raison, par exemple, de mon sexe, de mes préférences sexuelles, d'un handicap physique, si j'en avais un. C'est toujours un crime et le Code criminel doit sanctionner les crimes pour la seule raison que ce sont des crimes, et non pas selon l'identité du criminel ou ses motifs. Si c'est mal, c'est mal.

Ce projet de loi divise et suscite l'inquiétude. On craint en effet que notre système judiciaire ne se prenne pour Dieu et ne commence à aller voir dans la tête des gens et à les condamner selon qu'il a été déterminé qu'ils nourissaient de la haine ou des préjugés. C'est mal. Le projet de loi doit donc être rejeté.

L'holocauste a été un fléau terrible, une manifestation de haine terrible dans l'histoire de l'humanité. L'holocauste n'avait pas sa raison d'être et ses auteurs auraient tous dû être traduits en justice pour les crimes épouvantables qu'ils ont commis contre l'humanité. Ce n'était pas correct. C'était criminel. C'était une manifestation de haine.

Lorsqu'une personne pousse, frappe ou attaque une autre personne parce qu'elle n'est pas blanche, ce n'est pas correct. Il existe déjà, dans le Code criminel, des dispositions qui punissent ce crime de haine. Je suis d'accord. Cependant, si une personne est attaquée pour une autre raison que celles énumérées sur la courte liste qui figure dans le projet de loi C-41, c'est tout aussi mauvais et cela doit être puni tout aussi sévèrement.

Cela ressemble à l'Accord de Charlottetown, où l'on a choisi des gagnants et des perdants. Un groupe est particulièrement mis en évidence et compris dans la mesure législative. D'une certaine façon, le système judiciaire lui accorde plus d'importance. Les personnes qui ne figurent pas sur la liste ne comptent pas et sont loin d'être aussi importantes. Le système de justice doit traiter les actes criminels équitablement. Qu'arrive-t-il en cas de vol? On impose une peine moins lourde. Ce n'est pas un crime de haine. Ce n'est pas correct. Cette mesure législative n'est pas correcte et il faudrait la rejeter. Il ne faut pas l'adopter dans sa forme actuelle.

J'ai des partis pris et j'ai des préjugés, et je ne m'en excuse pas. Certains partis pris sont positifs et d'autres peuvent être considérés comme négatifs. J'ai un parti pris contre le Parti libéral à cause de la mesure législative qu'il a présenté. Je ne hais pas les libéraux, mais j'ai un parti pris, et c'est pourquoi je ne me suis pas présenté sous la bannière libérale. C'est juste et honnête. Il n'y a rien de mal à cela. J'ai un parti pris en faveur de ma femme. C'est pourquoi je l'ai épousée. Je la trouvais fantastique. Il y a d'autres personnes avec lesquelles je ne me serais jamais marié. J'ai peut-être un parti pris contre elles, mais je ne les hais pas pour autant. Ce n'est pas un acte criminel.

Si le projet de loi est adopté, qui sait comment les tribunaux pourront l'interpréter? C'est plutôt effrayant, parce que ce projet de loi ne porte pas uniquement sur les voies de fait. Il porte aussi sur des actes criminels.

Je pourrais parler de bien d'autres points, mais, avant que mon temps de parole ne soit écoulé, je voudrais essayer de déterminer si des mesures législatives comme celles-ci apportent des solutions ou ne font qu'aggraver le problème.

(2305)

Il y a une autre catégorie de gens dont on n'a pas une très haute opinion. Je fais partie de ce groupe. Il s'agit de la catégorie qui nous englobe tous dans cette enceinte, la catégorie des politiciens. Il n'en est pas question dans ce projet de loi. Pourtant, je sais que vous et moi avons entendu des gens dire qu'on devait prendre tous les politiciens, les mettre dans un bateau, les amener au milieu de l'Atlantique et couler le bateau.

C'est terrible. Je serais l'un d'eux, je coulerais. On pourrait considérer que c'est un geste haineux et répréhensible. Ainsi, que devrions-nous faire? Faudrait-il inclure également les politiciens dans ce projet de loi? Est-ce que cela va résoudre le problème? Tout à coup les gens vont-ils penser que nous sommes merveilleux, parce que nous avons mis en oeuvre une loi dans laquelle on précise qu'il est interdit de dire des politiciens qu'il faut les mettre dans un bateau, les amener au beau milieu de l'océan et couler ce bateau? Cela ne fera qu'exacerber le problème. Les gens diront qu'ils avaient raison, qu'on devrait traiter les politiciens ainsi. On ne fait qu'aggraver le problème en attirant l'attention sur ces groupes.

En résumé, permettez-moi de donner un exemple. La Chambre veut adopter un projet de loi accordant aux députés une pension spéciale. N'est-ce pas merveilleux, une loi spéciale juste pour les députés? Cela va certainement nous attirer les faveurs de la population, n'est-ce pas? Ce régime est beaucoup plus généreux que n'importe quel régime du secteur privé. Est-ce que les gens vont nous aimer beaucoup plus de ce fait? Non, bien au contraire. Les Canadiens vont dire que les politiciens ont un régime de pension spécial, juste pour eux, qu'ils veulent être au-dessus des gens ordinaires et qu'ils ont besoin d'une considération spéciale. Les gens commenceront alors à avoir des sentiments négatifs, des préjugés, et peut-être même de la haine à l'égard des politiciens. C'est répréhensible.

La philosophie qui sous-tend ce projet de loi est inacceptable. Il faut rejeter cette mesure et je vais me prononcer contre.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je ne devais pas intervenir ce soir, mais après avoir entendu toutes ces remarques provocantes, j'ai cru bon de revenir à la charge pour essayer de rétablir certains faits à l'intention des députés réformistes qui semblent avoir du mal à lire un texte tout ce qu'il y a de plus limpide.


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Dans les observations que ses députés ont faites ce soir, le Parti réformiste a totalement déformé le sens des amendements proposés à l'article 178.2, page 8, de ce projet de loi.

M. Hanger: Le député est-il le seul à pouvoir l'interpréter?

M. Milliken: Je vais l'interpréter. Je vais expliquer au député ce que cela signifie dans l'espoir de me faire comprendre de lui. Cela semble particulièrement difficile ce soir.

Le député de Kindersley-Lloydminster a dit que les gens seraient condamnés à cause de leur haine, ce qui est totalement faux. Aucune disposition de ce projet de loi relative à la haine ne modifie les règles concernant la haine. Le projet de loi modifie les choses en ce qui concerne la sentence mais pas la perpétration d'une infraction. Le droit établit une différence importante entre ces deux choses.

Une personne est condamnée en vertu de la loi en vigueur. Aucune modification n'est apportée à la loi actuelle en ce qui concerne la haine et la condamnation. Une personne est condamnée pour une infraction à la loi qui est en vigueur. Le projet de loi propose une sentence différente.

Il y a une différence importante entre la condamnation et la sentence. La sentence fait suite à la condamnation, elle ne la précède pas. Une personne ne peut pas connaître sa sentence avant d'avoir été condamnée. La condamnation doit être prononcée et la personne condamnée ne le sera pas différemment en vertu de cette loi qu'elle ne le serait en vertu de la loi actuelle. La nouvelle loi prévoit une sentence différente applicable après une condamnation pour haine si on juge que cela constitue la base de l'infraction commise.

Le député de Fraser Valley-Ouest est allé plus loin lorsqu'il a pris la parole. Il a dit que cela allait changer les choses et procurer toutes sortes de protections aux pédophiles et autres auteurs d'infractions graves. Où trouve-t-on dans cet article, ou même ailleurs dans le projet de loi, monsieur le Président, une protection pour qui que ce soit? Le projet de loi propose une sentence plus sévère et des peines plus lourdes. Il n'y a là rien qui permet aux gens de s'en tirer. Les peines applicables aux infractions sont accrues.

On précise que quiconque fait preuve de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est passible d'une peine plus lourde. Le projet de loi ne prévoit rien qui permette d'imposer des peines plus légères à ceux qui commettent des crimes de nature sexuelle. C'est ce que le député de Fraser Valley-Ouest a dit dans son intervention. Je n'ai jamais rien entendu d'aussi absurde. C'est totalement faux, mensonger et incorrect. Il devrait avoir honte d'avoir fait un commentaire aussi stupide.

(2310)

J'ai entendu des douzaines d'interprétations grossièrement erronées de ce projet de loi. J'entends de tels commentaires ici. J'en reçois dans le courrier, dans des lettres venant surtout d'électeurs de la Colombie-Britannique. Ces lettres viennent s'échouer dans mon bureau après avoir été manifestement occasionnées par les sottises que les députés du Parti réformiste font déferler dans cette région. Rien ne peut être plus loin de la vérité. Ce n'est tout simplement pas correct.

Le projet de loi n'a aucun des effets qu'on a voulu lui attribuer à la Chambre. Il ne traite que de la détermination de la peine. Une personne est reconnue coupable en vertu de la loi actuelle, puis se voit imposer une peine. Ceux qui commettent des infractions motivées par de la haine reçoivent une peine légèrement plus sévère. C'est tout. Il ne s'agit pas de remanier la loi au profit de groupes minoritaires. Elle prévoit une peine plus sévère. Qu'y a-t-il de mal à cela?

M. Hanger: Elle existe déjà.

M. Milliken: Si elle existe déjà, pourquoi ces groupes minoritaires exigent-ils cette protection? Ils disent que des personnes les passent à tabac impunément. Elles s'en tirent avec des peines légères. C'est exactement ce qu'ils disent.

Des groupes minoritaires ont comparu devant le comité. Autant que je sache, le député y siégeait. Je n'y étais pas, mais j'en ai entendu parler dans les médias. Ils ont réclamé de l'aide, disant que les juges ne croient pas qu'on les passe à tabac parce qu'ils font partie de groupes minoritaires. Les coupables s'en tirent avec des peines de rien du tout, comme s'il s'agissait d'une simple agression dans la rue. En fait, ces personnes sont d'avis-et cet avis, nous sommes nombreux à le partager au sein de notre parti-qu'il y a des bandes, ou gangs, qui se promènent à la recherche de membres de groupes minoritaires à tabasser.

M. Hanger: Occupez-vous des bandes.

M. Milliken: C'est le but du projet de loi. Les personnes qui commettent ce genre d'infraction vont se retrouver en prison et pour plus longtemps.

Qu'est-ce que les gens d'en face ont tant à récriminer? Qui cherchent-ils à protéger en s'opposant à notre projet de loi? Ce ne peut être que les voyous qui s'amusent à tabasser ces pauvres gens. C'est eux qu'ils essaient de protéger. Quel intérêt ont-ils à les protéger? Ils devraient pourtant avoir honte de protéger des individus de cette espèce.

On a mentionné plus tôt qu'un grand nombre de mes commettants logent dans les prisons de Kingston. C'est un fait, et je suis fier de les représenter, mais je ne penserais pas que leur peine serait allégée s'ils tabassaient du monde. Au contraire, ils seraient punis.

Tout ce que le projet de loi prévoit, c'est qu'au moment de déterminer la peine qui convient, le juge tienne compte de circonstances aggravantes, dont les éléments de preuve établissant que l'infraction a été motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur un certain nombre de facteurs. Quel mal y a-t-il à cela?

Je peux comprendre qu'on nous présente des arguments en faveur d'un traitement égal. Une agression reste une agression, et peut-être ne devrait-on pas traiter différemment l'acte commis contre une personne parce qu'elle est homosexuelle, de race noire, catholique, juive, etc. C'est possible. Cela, je peux le comprendre, et c'est ce que semble faire le Parti réformiste, quoiqu'il s'y prenne d'une façon incroyablement maladroite. Ils disent qu'il y a toutes sortes de choses dans le projet de loi.


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Si c'est le seul argument, il est certainement logique d'avoir adopté un projet de loi qui ne précise pas une infraction minimale, qui ne précise pas que la peine doit être plus sévère, mais qui prescrit qu'en envisageant la peine à imposer, le juge doit tenir compte de ce facteur.

Cette disposition n'a rien à voir avec les jurés, mais elle porte sur la détermination de la peine qui est, dans notre système, strictement du ressort du juge. Les jurés ne déterminent pas la peine d'un criminel en se fondant sur cet article. Dans ses observations, le député de Fraser Valley-Ouest a laissé entendre que les jurés étaient visés, déformant ainsi grossièrement les faits.

Je ne comprends vraiment pas comment il se fait que des députés puissent si mal interpréter ce projet de loi. La modification législative a pourtant peu d'importance. Elle ne concerne pas l'infraction, mais bien la peine.

Quand un électeur a téléphoné un soir à un de mes collègues pour lui demander s'il appuyait le projet de loi, le député lui a répondu très clairement: «Pourquoi pas? À moins que vous encouragiez vos enfants à s'en prendre aux homosexuels, vous n'avez rien à craindre de ce projet de loi. Il ne vous dérangera aucunement.» Il avait tout à fait raison. Les seules personnes qui vont être touchées par ce projet de loi sont les voyous qui s'en prennent aux honnêtes citoyens. Si ce sont ces personnes que les réformistes défendent, ils devraient avoir honte.

(2315)

Je ne suis pas surpris et je pense qu'il convient de lire un autre extrait du petit document du Parti réformiste. On comprend mieux le point de vue des réformistes sur cette question lorsqu'on prend connaissance de leurs vues sur certaines questions sociales. Je vous lis quelques-uns de ces points de vue.

Le député de Yorkton-Melville devrait faire preuve de prudence, car certains de ses propos sont aussi reproduits dans ce document. Voici ce que dit le député de Westminster-Burnaby, ce patriarche éclairé qui s'y connaît en matière de politique sociale. Celui-ci dit: La sécurité de la vieillesse est une aide sociale aux personnes âgées. Quelle sagesse. Ce sont là les propos du député. Imaginez un peu.

Il y a ensuite la députée de Beaver River, qui est souvent citée comme une autorité en la matière. Celle-ci dit: Nous pensons que le régime d'assurance-maladie s'adresse aux malades et non aux pauvres.

N'oublions pas non plus le député de Capilano-Howe Sound, considéré comme le père et l'architecte des programmes sociaux au Canada. Il dit: Le fait d'avoir des programmes d'aide aux mères seules a pour effet d'inciter les mères à vivre seules et à compter sur cette aide. Quelle catastrophe, monsieur le Président.

Des voix: Oh, oh!

M. Milliken: Je n'ai pas fini. Voici une citation. Monsieur le Président, je vois qu'ils sont un peu excédés.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, malgré l'heure très tardive, je tâcherai de ramener un peu de raison dans le débat.

Le projet de loi C-41 à l'étude, portant sur la détermination de la peine, comporte des lacunes fondamentales. On dirait que les rédacteurs ne pouvaient pas décider quel était le véritable objet de la détermination de la peine. Devrait-on déterminer la peine d'emprisonnement en fonction de la gravité du crime ou en fonction de l'identité de la victime? Les mesures de rechange sont-elles souhaitables parce que nos prisons sont pleines ou parce que les délinquants enrôlés dans des programmes de services communautaires sont moins susceptibles de récidiver?

Il est certain qu'un programme structuré en régime de garde en milieu ouvert peut constituer une mesure de rechange préférable à l'incarcération pour un délinquant primaire, surtout s'il a commis une infraction mineure contre les biens et qu'il manifeste un véritable remord.

Cela convient-il pour des récidivistes, peu importe qu'il s'agisse d'infractions contre les biens ou contre les personnes? L'article 717 donne toute latitude concernant les mesures de rechange. Rien ne précise les types de crimes qui devraient être exclus. Si la mesure vise principalement à vider les prisons des gens qui négligent de payer leurs amendes, qu'on le dise. Si elle est censée fournir une solution de rechange pour les délinquants primaires qui n'ont pas leur place parmi les criminels endurcis, qu'on le dise également, mais qu'on ne laisse pas pareille latitude.

Qui va décider quel criminel, s'étant avoué coupable, pourra bénéficier des mesures de rechange? À l'alinéa b), l'article 717 parle seulement d'«une personne». Cela veut dire que quelqu'un d'autre que le juge pourra décider quels criminels échapperont aux procédures judiciaires et à une condamnation au criminel.

Pourquoi le gouvernement hésite-t-il à exclure de l'application des mesures de rechange les criminels d'habitude ou violents? Craint-il que des meurtriers ne contestent la constitutionnalité de la loi en prétendant qu'on viole leurs droits garantis par la Charte? Si on ne leur permet pas de bénéficier des mesures de rechange, leurs avocats essaieront-ils d'encombrer les tribunaux en interjetant appel de toute décision de soumettre leurs clients à des procédures judiciaires?

Si le gouvernement n'a pas le courage de restreindre l'admissibilité aux mesures de rechange, nous devons nous demander s'il ne vaudrait pas mieux y renoncer tout à fait. Comme législateurs, nous avons envers la société la responsabilité de prendre des décisions difficiles quant aux types de crimes ou de délinquants qui doivent être admissibles.

Une condition d'admissibilité aux termes de l'article 717 est d'avouer son crime. Après l'aveu, les prévenus sont désignés comme suspects. Il n'y a pas de procès. Ils ne sont jamais

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reconnus coupables. Ils ne sont pas qualifiés de délinquants et n'ont pas de casier judiciaire. De plus, l'aveu ne peut être retenu contre eux dans des poursuites ultérieures. Les mesures de rechange sont pour les avocats l'idéal rêvé en matière de marchandage de plaidoyer. On peut avouer, il n'y a pas de condamnation et les dossiers disparaissent au bout de deux ans.

(2320)

Je cite l'article 717.1:

. . .peu importe qu'elles observent ou non les modalités de ces mesures».
Il y a vraiment quelque chose qui cloche avec le projet de loi sur la détermination de la peine. Il faut modifier ou supprimer l'article 717.

Un autre article qui laisse énormément à désirer est le 718, qui expose l'objet et les principes de la détermination de la peine. La notion de châtiment brille par son absence dans la liste. Par exemple, selon le paragraphe 718(a), l'un des objectifs consiste à dénoncer le comportement illégal. Qu'est-ce que cela est censé vouloir dire? Qu'il n'est pas bien de violer la loi? Pourquoi ne pas dire tout simplement que l'un des objectifs consiste à punir toute conduite illégale?

L'objectif prévu au paragraphe 718(b) est de dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions. Je trouve encourageant que le gouvernement envisage comme élément dissuasif de rechange le fait de ramasser des feuilles dans un parc, mais, en même temps, cela nie toute valeur dissuasive à la peine capitale dans les cas d'assassinat assorti de circonstances aggravantes. Qu'est-ce qui va faire réfléchir le plus: la perspective d'avoir trois bons repas par jour, des périodes de loisir et l'occasion de poursuivre des études universitaires derrière les barreaux, ou la menace de la peine capitale?

L'objectif prévu au paragraphe 718(d) est de favoriser la réinsertion sociale des délinquants. Cela constitue une condamnation manifeste de nos programmes de réadaptation. Pourquoi ne pas parler tout simplement de réadapter les délinquants? Pourquoi préciser? Si l'on admet que les délinquants ne sont pas réadaptés, c'est que la peine d'emprisonnement ne donne pas, à elle seule, de résultats et si l'on sait que les délinquants vont récidiver, pourquoi les libérer? Est-ce ainsi qu'on assure la sécurité de la population?

Les rédacteurs de ce projet de loi ne se sont pas rendu compte que l'emprisonnement ne réussit pas en soi à punir ni à réadapter les gens. De plus, reconnaître ses actions ne veut pas dire qu'on se sent coupable ou qu'on a des remords. Voyons les choses comme elles sont. Si nous envisageons d'appliquer des mesures de rechange, c'est que le gouvernement est finalement prêt à admettre que le système d'incarcération ne fonctionne pas. Si le gouvernement peut prouver que les services communautaires et la garde en milieu ouvert font diminuer le taux de récidive, pourquoi ne pas appliquer ces mêmes principes, le travail et le dédommagement, pendant les périodes d'incarcération? Pourquoi ne pas faire travailler les prisonniers en bonne santé?

Le nouveau gouvernement ontarien songe à faire travailler les assistés sociaux. Le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit des travaux au sein de la communauté, alors pourquoi le gouvernement craint-il de bafouer les droits des criminels endurcis en les faisant travailler pour payer leur séjour en prison? Améliorer leur élan au golf ou apprendre d'autres détenus de nouvelles techniques pour ouvrir des coffres-forts n'a rien de constructif et ne facilitera nullement la réinsertion sociale des détenus.

Pourquoi pouvons-nous préconiser le travail pour les personnes qui sont sous garde en milieu ouvert mais non pour celles qui sont sous garde en milieu fermé? La société ne devrait pas avoir peur du concept du châtiment. Au lieu de cela, nous semblons accorder plus de droits aux criminels qu'aux victimes. Selon les derniers chiffres, Clifford Olsen avait entrepris des poursuites en justice pour 32 raisons aussi frivoles les unes que les autres, tout cela aux frais des contribuables. Au lieu d'aider à payer le coût de leur incarcération et d'apprendre à travailler chaque jour, d'autres criminels comme lui font la grève pour protester contre la qualité de la nourriture qu'on leur sert.

À l'article 718.2, le gouvernement s'écarte totalement de ce qu'il avait admis implicitement auparavant, soit que nos prisons sont surpeuplées et que l'incarcération, telle qu'elle est pratiquée actuellement, est inefficace. Soudainement, le gouvernement veut qu'on mette plus de gens derrière les barreaux pour des périodes plus longues, non pas en se basant sur la gravité du crime, mais sur les caractéristiques physiques ou les préférences sexuelles de la victime.

Je trouve cela ironique que, à l'article 717, le gouvernement refuse d'énumérer les crimes auxquels peuvent s'appliquer les mesures de rechange, ce qui veut dire que cela peut être n'importe quoi allant du vol de voiture au meurtre. Cependant, à l'article 718.2, le gouvernement voit la nécessité de dresser une liste. Si les circonstances aggravantes ou atténuantes s'appliquent également à tout le monde, pourquoi y a-t-il une liste de considérations spéciales?

Après les lettres des gens qui s'opposent au nouveau projet de loi sur le contrôle des armes à feu, le plus grand nombre de lettres que j'ai reçues de mes électeurs portaient sur l'inclusion de l'expression non définie «orientation sexuelle» dans la liste des circonstances aggravantes qu'on trouve dans ce projet de loi. Ils ne veulent pas qu'on accorde des droits spéciaux aux Canadiens en se basant sur leurs préférences sexuelles, et c'est ce que l'article 718.2 semble faire.

Si le gouvernement a l'intention de céder aux pressions des groupes d'intérêt et de se soucier du conformisme politique, qu'il appelle un chat un chat.

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En incluant l'expression orientation sexuelle, ce gouvernement essaie de dissuader les hétérosexuels de s'attaquer aux homosexuels. Si on ne la définit pas, cette expression peut aussi englober d'autres orientations sexuelles comme la pédophilie et la nécrophilie.

Mes collègues libéraux de l'autre côté diront que la pédophilie est un crime au Canada. C'est vrai. Je voudrais aussi faire remarquer que dans une décision rendue récemment, un tribunal a jugé légale la sodomie pratiquée sur un enfant de 14 ans. Par contre si, en vertu de l'article 718.2, une personne tape sur un pédophile, elle risque une peine plus sévère même si la pédophilie est illégale en vertu de la législation canadienne.

Les Canadiens veulent l'égalité. L'orientation sexuelle a été un paratonnerre pour le projet de loi C-41. Même s'il était modifié ou supprimé, l'article 718.2 repose sur un principe fondamental erroné. Les Canadiens devraient être égaux devant la loi et l'article 718.2 doit donc être entièrement supprimé.

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Si nous modifions l'un des principes de base de la détermination de la peine et donnons plus d'importance à l'identité de la victime qu'à la gravité du crime, nous nous retrouverons sur une pente très glissante. La primauté du droit exige des preuves et non des suppositions. Oui, c'est regrettable, les préjugés existent au Canada. Cependant, créer des inégalités artificielles en déterminant de façon arbitraire quelle doit être la peine ne réglera pas le problème. Qui plus est, cela risque d'accroître l'intolérance en créant la perception que certains groupes bénéficient d'un traitement préférentiel aux termes de la loi.

En conclusion, je rappellerai que la justice est sensée être aveugle. Nous avons tous grandi avec l'image d'une femme aux yeux bandés tenant une balance à la main. Pourquoi les criminels ne sont-ils pas condamnés à la même peine s'ils ont commis le même crime, et ce, en fonction de la gravité du délit et non de l'appartenance de la victime à un groupe particulier? La vie de certains Canadiens vaut-elle plus cher que celle de certains autres? Il faut trouver d'autres moyens pour lutter contre la haine et les préjugés. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de mettre en oeuvre le programme de sociologie appliquée du gouvernement.

Le Président: Le député de Halifax-Ouest va avoir la parole. Je voudrais faire remarquer qu'il est 23 h 26 et que le député n'aura probablement pas la possibilité de conclure aujourd'hui. Il aura la parole de nouveau demain.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, les députés du parti réformiste ont fait des déclarations au sujet des avocats et ils ont regretté qu'il y en ait tant dans ce pays et qu'ils participent à cela de différentes façons. Dans notre métier, il est parfois bien utile d'avoir une certaine compréhension de la loi et une formation en droit, car nous parlons beaucoup d'interprétation. Nous avons entendu un député réformiste nous dire comment les lois seront ou ne seront pas interprétées, alors que dans le même souffle il nous disait ne pas comprendre ces questions juridiques.

Le droit, c'est une question de distinction. Les peines diffèrent selon les éléments d'un crime. S'il y a des éléments additionnels dans une infraction, alors les peines sont différentes. Par exemple, dans les cas de voies de fait, on ne les considère pas de la même façon, et la peine n'est pas la même, si c'est les voies de fait causent des lésions corporelles car, alors, il y a un élément supplémentaire qui appelle une réponse beaucoup plus sévère.

La raison pour laquelle le Code criminel est aussi épais et a tant d'articles, c'est que nous faisons des distinctions et qu'il y a de nombreux éléments différents et de nombreux genres de crimes différents. Ces distinctions sont nécessaires. Ce qui est important ici, c'est que nous parlons des attaques contre un groupe et qu'il y a donc une distinction. Toute attaque est un crime, et il est importe que des sentences soient prévues pour tous les types d'attaques. Cependant, lorsqu'une personne est attaquée parce qu'elle appartient à un groupe, que ce soit un groupe religieux ou autre, elle est attaquée pour cette seule raison. C'est une forme de terrorisme contre le groupe. C'est donc un élément additionnel, qui exige une réponse additionnelle. C'est un peu plus grave. Les deux attaques sont graves, mais l'une l'est un peu plus. Il s'agit alors d'un élément additionnel, et cette distinction doit être faite.

J'ai lu récemment le jugement de la Cour suprême du Canada dans la cause de Nesbitt et Egan, qui porte aussi sur la question de l'orientation sexuelle. Les opinions sont très variées, mais chacun des juges emploie l'expression «orientation sexuelle». Je ne sais pas quels députés ou quels avocats peuvent prétendre être de meilleurs avocats que les juges de la Cour suprême et connaître mieux la loi qu'eux. Cependant, ils utilisent cette phrase sans hésiter et ne sont pas inquiets de le faire. Voilà la première chose que je voulais dire.

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Mon deuxième point, c'est que cet article ne sanctionne aucun genre d'activité en particulier. Toutefois, le gouvernement a présenté un amendement stipulant que rien dans le projet de loi ne servira à modifier ou à annuler la nature criminelle d'un crime, ni à tolérer ou à sanctionner une activité considérée comme un crime à l'heure actuelle. Par conséquent, si la pédophilie est un crime aujourd'hui, elle demeurera un crime. Si la nécrophilie est un crime, elle demeurera un crime. Cela ne changera pas. Je ne vois pourquoi cette disposition inquiète tant les gens.

Ces infractions ont trop souvent été punies moins sévèrement qu'elles n'auraient dû l'être et rien ne justifie un appel dans ces cas. Il doit donc exister un motif d'appel et cette disposition en instaure un. Ces crimes doivent être traités sérieusement et ce projet de loi veille à cela. Je recommande donc l'adoption de ce projet de loi.

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